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Full text of "Afrique. Esquisse générale de l'Afrique et Afrique ancienne"

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HARVARD  UNIVERSITY 


LIBRARY 

OF  THE 

PEABODY  MUSEUM 

FROM  THE  LIBRARY  OF 

ORIC  BATES 

(1883-1918) 

PRESENTED  BY  HIS  WIFE 
July  I,  1937 


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L'UNIVERS. 


HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 

DE  TOUS    LÉS  PEUPLES. 


AFRIQUE. 

CARTHAGE. 

NUMIDIE  ET  MAURITANIE. 

AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


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PARIS. 
TYPOGRAPHIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES, 

toUE  JACOB,  v!^  56. 


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AFRIQUE. 

ESQUISSE  GÉNÉRALE  DE  L'AFRIQUE 

ET  AFRIQUE  ANCIENNE, 

PAR  M.  D'^EZAC, 

DES  SOCIÉTÉS  GÉOOAAPHIQHES  DB  PAKI8 .  LOHDRBS  KT  PBA.NCFORT,     DB   LA.  SOCIÉTÉ   A.FItlCA.JIIK  OB  LODDAKS. 
VICE-PAÉSIDENT    SE  LA  SOCIETE  KTBSOLOQIQVE  DE  PAIlIS,  ETC. 


CARTHAGE, 

PAR  M.  DUREAU  DE  LA  MALLE, 

MEMBBB    DB  l'aCADÉMTB  DES  IlfSCAIPTIORS  ET  BELLES- LBTTEBS  , 

Eï  PAR  M.  J.  YANOSKI, 

l'BOFESSEUR  SUPPLÉANT  AU  COLLEGE  DB  VBAKCE,    AOBÉGÉ  DE  l'OHIVERSITÉ  ,   ETC. 


NUMIDIE  ET  MAURITANIE, 

PAR  M.  LOUIS  LACROIX, 


PEOFESSEOa  D'HISTOIBB  AO  COLLEGE  EOLLIH. 


L'AFRIQUE  CHRÉTIENNE 

ET  DOMINATION  DES  VANDALES  EN  AFRIQUE, 
PAR  M.  J.  YANOSKI. 


PARIS, 

FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,  ÉDITEURS, 


IMPRIMEURS-UBBàlRES  DE  L'iNSTlTyT 

DB 

FRANGE, 

EUE    JACOB.    »•    56. 

M  DCCC  XLIV. 

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PRÉFACE 

DE    L'ÉDITEUR. 


Nous  remplissons  aujourd'hui  l'engagement  que  nous  avions  contracié, 
il  y  a  quelques  mois ,  avec  nos  souscripteurs ,  en  leur  promettant  d'ache- 
ver, dans  un  bref  délai,  le  volume  consacré  à  l'Afrique  ancienne. 

Nul,  assurément ,  en  lisant  ce  volume,  ne  sera  tenté  de  blâmer  notre 
lenteur  et  nos  retards. 

Jusqu'à  présent j  on  n'avait  pas  encore  fait  en  France,  ni  à  l'étranger, 
une  histoire  suivie  et  complète  de  l'Afrique  ancienne.  Il  fallait  multiplier 
les  recherches  pour  rassembler  les  éléments  épars  de  cette  vaste  et  curieuse 
histoire.  Il  fallait  remuer,  compulser,  longuement  étudier  les  livres  des 
anciens  et  les  meilleurs  travaux  de  la  critique  moderne. 

Les  auteurs  de  l'ouvrage  que  nous  offrons  à  nos  souscripteurs  se  sont 
acquittés  de  cette  tâche  avec  un  soin  et  un  zèle  dont  nous  ne  saurions  trop 
les  remercier,  et  nous  demeurons  convaincus  que  leur  œuvre,  complète- 
ment neuve  par  le  plan  qu'ils  ont  adopté,  etpar  la  masse  des  faits  qu'eux, 
le»  premiers,  ont  mis  en  lumière,  obtiendra  un  plein  succès ,  non  point 
seulement  auprès  des  gens  du  monde,  mais  encore  auprès  des  hommes  les 
plus  versés  dans  les  matières  d'érudition. 

Les  diverses  parties  dont  se  compose  notre  Histoire  de  V Afrique  an- 
cienne ne  sont  pas  simplement  juxtaposées;  elles  ont  été  composées  d'après 
an  même  plan  et  dans  une  même  idée.  Tout  avait  été  réglé  et  déterminé  à 
l'avance  par  les  auteurs;  et  il  est  aisé,  suivant  nous,  de  remarquer  que, 
dans  ce  volume ,  depuis  la  première  page  jusqu'à  la  dernière ,  il  existe  le 
plus  rigoureux  enchaînement. 

Nous  devons  donner  ici,  en  quelques  mots,  le  plan  de  cette  histoire. 

Ce  volume  est  le  premier  de  la  série  consacrée  à  l'histoire  et  à  la  des- 
cription complète  de  toute  l'Afrique.  C'est  pourquoi  il  s'ouvre  par  une 
Esqmsse  générale,  où  l'on  considère  l'Afrique  sous  ses  divers  rapports 


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Il  PRÉFACE 

d'aspect  et  de  constitution  physiques,  d'histoire  naturelle,  d'ethnologie, 
de  linguistique,  d'état  social,  d'histoire  politique,  d'explorations  et  de  géo- 
graphie. 

Si  Ton  excepte  cette  esquisse  générale,  qui  se  compose  d'environ  cin- 
quante pages,  tout  le  volume  est  consacré  à  la  description  et  à  l'histoire 
de  l'Afrique  ancienne,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  l'invasion 
arabe.  Après  une  introduction  destinée  à  fixer  la  place,  l'étendue  et  les 
grandes  divisions  de  l'Afrique  dans  le  monde  connu  des  anciens,  une  pre- 
mière partie  traite  de  la  Libye  propre ,  comprenant  la  Cyrénaique  et  la 
Marmariquey  tour  à  tour  royaume  des  Battiades,  république  turbulente, 
conquête  des  Ptolémées,  province  dans  l'empire  de  Rome  et  de  Gonstanti- 
nople,  et  dans  l'Église  d'Alexandrie. 

La  seconde  partie,  consacrée  à  la  région  d'Afrique,  comprenant  l'Afri- 
qtfe  propre,  où  était  Carthage,  la  Numidie  et  les  Mauritanies,  est  précédée 
d'une  nouvelle  introduction  ayant  pour  objet  la  description  de  cette  région 
au  point  de  vue  de  l'antiquité  classique,  ta  distribution  générale  des  popu- 
lations qui  y  étaient  répandues,  et  la  question ,  très-difficile,  des  délimita- 
tions successives  de  ses  diverses  parties. 

C'est  M,  d'Avezac  qui  a  rédigé  ce  commencement  du  volume  avec  ces 
connaissances  spéciales  et  cette  savante  critique  qui  lui  ont  assigné  un 
rang  distingué  parmi  nos  meilleurs  géographes. 

En  tête  de  la  deuxième  partie  se  trouve  Vhistoire  de  Carthage ,  par 
MM.  Bureau  de  la  Malle  et  J§an  Yanoski.  C'est  le  morceau  le  plus  com- 
plet qui  ait  été  écrit  sur  cette  ville  célèbre.  On  y  rencontre  tous  les  faits  et 
tous  les  résultats  critiques  contenus  dans  les  travaux  des  érudits  français, 
et  aussi  dans  les  ouvrages  composés  à  l'étranger  par  Campomanes,  Mûn- 
ter,  Heeren,  Bôttiger,  etc.  Elle  renferme,-  sur  la  troisième  guerre  punique, 
des  détails  pleins  d'intérêt  et  très-dramatiques,  que  l'on  ne  trouve  dans 
nul  autre  livre. 

Vient  ensuite  Vhistoire  de  la  Numidie  et  de  la  Mauritanie,  Les  faits  qui 
se  rapportent  à  cette  histoire  étaient  disséminés  dans  mille  ouvrages  divers. 
L'auteur  les  a  tous  recueillis  avec  soin  et  classés.  Il  a  divisé  son  travail  en 
trois  parties  :  1*"  la  Numidie,  jusqu'aux  Romains;  2**  la  Mauritanie,  jus- 
qu'aux Romains;  3**  la  Numidie  et  la  Mauritanie  sous  les  Romains,  jus- 
qu'à la  conquête  de  l'Afrique  par  les  Vandales.  Cette  division  répand  sur 
l'ensemble  des  faits  une  vive  lumière.  L'auteur  de  ce  travail  est  M.  L.  La- 
croix, ancien  élève  de  l'École  normale,  professeur  d'histoire  au  collège 
Rollin. 


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DE  L'ÉDITEUR.  m 

M.  Jean  Yanoski  a  repris  alors,  dans  leur  ensemble,  toutes  les  provin- 
ces, depuis  les  limites  les  plus  orientales  de  la  Tripolitaine  jusqu'à  l'Atlan- 
tique, pour  raconter  les  origines,  les  développements  successifs,  la  gran- 
deur, la  décadence  et  la  chute  de  TÉglise  d'Afrique.  Rien  d'important,  en 
ce  qui  concerne  les  hommes  et  les  doctrines,  n'a  été  omis  dans  ce  fragment 
d'histoire  ecclésiastique,  qui  a  pour  titre  V  Afrique  chrétienne. 

Enfin,  M.  Jean  Yanoski  a  terminé  le  volume  par  une  histoire  de  l* Afri- 
que sous  la  domination  vandale  et  sous  la  domination  byzantine.  L'au- 
teur ne  s'est  point  borné  à  donner  ses  propres  recherches  ;  il  a  eu  soin  de 
reproduire  tout  ce  qu'avaient  écrit,  avant  lui,  à  diverses  époques,  Lebeau, 
Gibbon,  Mannert,  Saint-Martin,  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  etc.,  et  tout  récemment  MM.  Louis  Marcus  et  Papencordt.  Nous 
signalerons  à  nos  souscripteurs ,  dans  ce  travail ,  le  récit  de  l'expédition 
de  Rélisaire, 

Rien  n'a  été  négligé  pour  rejidre  facile  l'usage  des  diverses  parties  de 
ce  volume.  Chaque  morceau,  chaque  histoire  est  suivie  d'une  table  alpha- 
bétique rédigée  avec  le  plus  grand  soin.  Nous  croyons  donc  avoir  mené  à 
bonne  fin,  malgré  de  grandes  difficultés,  une  des  parties  les  plus  impor- 
tantes de  notre  vaste  collection. 

En  France,  nous  l'espérons,  on  accueillera  ce  volume  avec  quelque  bien- 
veillance. Un  grand  nombre  des  pages  qu'il  contient  se  rapportent  à  la 
portion  de  l'Afrique  que  nous  avons  récemment  acquise  par  des  sacri- 
fices sans  nombre  et  au  prix  de  notre  sang.  JVul,  parmi  nous,  c'est  notre 
opinion ,  ne  peut  désormais  rester  indifférent  en  lisant  les  faits  qui  rap- 
pellent l'antique  splendeur  de  cette  Algérie ,  où  nous  avons  recommencé, 
au  profit  de  la  civilisation  et  de  l'humanité,  et  avec  d'héroïques  efforts, 
l'œuvre  des  Romains,  et  où  il  n'est  pas  aujourd'hui  un  seul  coin  de  terre 
qui  ne  puisse  attester  la  gloire  et  la  puissance  de  nos  armes. 

Mai  x844.  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES. 


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L'UNIVERS, 


oir 


\     HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 

DE  TOUS  LES  PEUPLES, 

DE  LEURS  RELIGIONS,  MOEURS,  INDUSTRIE.  COUTUMES,  Btc. 


ESQUISSE  GÉIVÉRALE  DE  L'AFRIQUE, 

ASPECT  ET  CONSTITUTION  PHYSIQUE,  HISTOIRE  NATURELLE; 

ETHNOLOGIE,  LINGUISTIQUE , £TAT  SOCIAL,  HISTOIRE; 

EXPLORATIONS  ET  GÉOGRAPHIE. 

PAR  M.  D'AVEZAC, 

OES  SOCliTBS  GKOGRArHIQUSS   DS    PARIS,   DE   BOUDAIS   BT   Dl   FIlAirCVORT,   ETC. 


INTRODUCTION. 

Près  d^aborder  un  sujet  vaste  dans  le  futile* mérite  de  présenter  tour  à 

son  ensemble,  compliqué  dans  ses  dé-  tour  des  descriptions  ou  des  récits 

tails,  dont  nous  ne  voulons  laisser  en  particuliers ,  dont  l'intérêt  spécial  fasse 

oubli  aucun  trait  essentiel  ;  ayant  des-  oublier  le  récit  qui  précède  pour  s'ef- 

sein  d*efileurer,  au  moins,  les  parties  facer  bientôt  devant  le  récit  qui  sui* 

que  diverses  raisons,  telles  que  le  temps  vra  :  préoccupé  du  besoin  d  exciter 

et  l'espace  assignés  à  notre  travail,  la  dans  la  pensée  quelques  idées  plus  du- 

natare  de  ce  travail  lui-même ,  et  par-  râbles  que  les  fugitifs  souvenirs  de  ces 

dessus  tout  notre  propre  insuffisance,  descriptions  et  de  ces  récits  morcelés , 

ne  nous  permettraient  point  d'appro-  qui  n^ont  d'autre  lien  apparent  que 

fondir;  forcé  de  consacrer,  au  tabjeau  leur  juxtaposition  ou  leur  succession 

que  nous  allons  entreprendre,  une  Ion-  matérielle,  nous  avons  dû  porter  nos 

gue  série  de  pages,  variées  comme  les  premières  sollicitudes  sur  la  méthode 

aspects  multiples  du  sol,  comme  la  qu'il  nous  convenait  d'adopter  pour 

physionomie  diverse  des  populations,  montrer  et  ne  jamais  laisser  perdre 

comme  les  faits  successifs  de  l'histoire  de  vue  l'enchaînement  mutuel  de  toutes 

des  empires;  et  désirant,  plus  que  ces  choses  que  nous  avons  à  décrire  et 

toutes  choses ,  que  ce  tableau  dont  le  à  raconter. 

cadre  est  si  grand,  les  détails  si  nom-  C'est  d'une  puissante  synthèse  qu'il 

breox,  lespartiessivariées,  n'ait  point  nous  faut  emprunter  le  secours,  afin 

1"  ZÀvraison.  (Hisx.  de  l'Afrique.  1 


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L'tjRiVEIll 


de  ramener  à  tiile  (iodâtânté  ufifté  les 
faits  de  divers  ordres  sur  lesquels  no*» 
tre  attention  doit  se  trouver  tour  à  tour 
appelée.  Montrer  et  définir  cette  unité, 
la  considérer  spus  les  divers  aspects 
qu'etie  peut  offf  ir  dans  son  ensemble  ; 
tracer  les  grandes^  coupes  naturelles 
entre  lesquelles  se  distribuent  par 
masses,  puis  par  groupes  successive- 
ment étagéif  les  detaifs  sans  nombre 
qui  doivent  former  comme  les  fils  d'un 
va8t«  tissu  1  tel  est  le  plan  qu'il  con- 
vient de  suivre  pour  que ,  saisis- 
sant la  corrélation  naturelle  des  faits 
isolés,  des  croupes  où  ces  faits  otit 
leur  place  déterminée ,  des  masses  où 
ces  groupes  se  doivent  encadrer,  et 
du  grand  tout,  enfin,  que  composa 
la  réunion  de  ces  masses ,  Pesprit  par* 
coure  sans  ennui,  retienne  sans  fatigue 
une  multitude  de  détails,  dont  chacun 
aura  désormais  ainsi  une  valeur  de 
position,  un  degré  d'importance  ap- 
préciable dans  Fensemble  du  sujet. 

Élevons-nous  par  la  pensée  hors  des 
limites  terrestres  où  notre  frêle  hu- 
manité se  trouve  emprisonnée,  et  pla- 
nant dans  l'espace,  considérons  cette 
terre,  notre  demeure,  d'assez  haut 
pour  que  son  unité  seule  nous  soit 
perceptible;  puis,  nous  rapprochant 
d'elle  par  degrés,  nous  distmguerons 
la  masse  des  eaux  et  la  masse  des  ter* 
tes  émergées,  parmi  ces  terres  des 
continents  séparés,  en  ces  continents 
de  grandes  divisions  tracées  par  d'im- 
muables limites;  et  concentrant  dé- 
sormais notre  attention  sur  l'une  d'el- 
les, nous  observerons  d'abord  ses 
formes  extérieures  ^  les  grands  traits 


physiques  qui  la  caractérisent,  et  les 
mfluences  atmosphériques  auxquelles 
elle  est  soumise  ;  puis  nous  apparaîtra 
la  végétation  distribuée  à  sa  surface 
par  grandes  agglomérationf  diverse- 
ment nuancées  au  gré  de  la  multipli- 
gation  de  telle  ou  telle  espèce  prédo- 
Ikiinante.  Ensuite  se  montreront  les 
animaux  qui  la  peuplent,  et  à  leur 
tête  l'homme,  sur  lequel  se  concen- 
trera dès  lors  toute  notre  attention  : 
nous  verrons  les  différences  de  couleur 
et  de  formes,  nous  entendrons  les 
variétés  de  langages  qui  le  séparent 
en  races  distinctes  ;  nous  étudierons 
ses  mœurs ,  ses  usages ,  son  dévelop- 
pement intellectuel ,  la  constitution 
sociale  qu^il  s'est  donnée  ;  nous  pour* 
rons  aussi  intefroger  ses  traditions 
historiques,  apprendre  son  origine, 
son  établissement,  ses  alliances,  ses 
guerres ,  les  conditions  actuelles  de  sa 
vie  politique,  et  peut-être  même  cal- 
culer ses  chances  d'avenir.  Et  souvent, 
au  milieu  de  ces  considérations,  un 
retour  sur  nous-mêmes  nous  portera 
à  rechercher  par  quelles  routes  nous 
sommes  parvenus  jusqu'à  lui,  et  quelle 
place  nous  devons  lui  assigner  dans 
nos  inventaires  géographiques  du  sol 
qu'il  occupe. 

Aussi,  en  ietant  d'abord  un  coup 
d'œil  d'ensemble  sur  la  vaste  division 
terrestre  dont  nous  avons  entrepris  la 
description  historique,  nous  parait-il 
convenable  de  traiter  tour  à  tour,  en 
trois  sections  distinctes ,  du  sol  afri- 
cain ,  des  peuples  qui  l'habitent ,  et  de 
l'étude  qui  en  a  été  faite. 


PREMIERE   SECTION. 

DU    SOL   DE  L'AFRIQUE. 

S  I. 

VUE  GÉNÉRAUI   DE  L'AFRIQUE. 


Aux  premiers  temps  de  sa  forma* 
tion,  la  masse  terraquée,  roulant  in- 
candescente dans  Tespace,  revêtait, 
sous  la  pression  des  lois  de  la  gravita* 


tion  universelle ,  la  forme  sphéroîdale 
qui  lui  est  restée  ;  un  refroidissement 
graduel  concrétait  successivement,  des 
pdies  à  l'équateur,  la  pâteuse  fluidité 


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fflSTOIRE  t)B  l*ArtlTQUE. 


des  anches  iflinéf aies,  el  cette  cfistal^ 
li^atioD  homogène  offrait  ttné  surface 
unie  sur  laquelle  ée  condensaient  les 
eaux  Jusqu'alors  suspendues  dans  rat-> 
mospnère  :  il  n'y  eut  ainsi  d'abord 
qu'une  seule  mer  enveloppant  le  globe 
tout  entier,  et  déposant  pur  assises ^ 
sur  l'écorce  ptutoniemie,  les  sédiments 
terreux  qu'elle  tenait  dissous.  Mais 
quand  l'inégalité  de  retrait  de  la  croûte 
refroidie  à  r^ard  des  couches  inférieu<> 
res  eqt  forcé  la  pelljcule  externe  à  se 
rider ,  se  ramasser  en  plis ,  se  souIe-* 
ter j  s'affaisser,  se  tourmenter  de  mille 
manières^  comme  le  constate  la  diver- 
sité d'inclinaison  des  toches  stratifiées, 
l'écorce  solide  n'offrant  plus  la  symé" 
trie  d'un  sphéroïde  régulier ,  la  mer 
ambiante  alla  combler  de  sa  masse 
fluide  les  dépressions  qui  altéraient  la 
forme  primordiale,  laissant  à  décou^ 
vert  une  quantité  de  terres  égale  au 
volume  de  liquide  que  ces  dépressions 
absorbaient. 

Nées  de  cet  antique  partage  des  ter- 
res et  des  eaux  à  la  surface  de  notre 
^obe ,  trois  lies  immenses ,  que  nous 
mtituk>ns  pompeusement  des  inondes, 
émergent  du  sein  d'un  océan  plus  itti' 
mense  encore.  Habitants  de  l'jin  de 
ces  nfiondes  terrestres,  nous  ayons  ap- 
pelé nouveau  celui  qu'une  découverte 
rameuse  (*)  vint  révéler  naguère  à  no* 

f)         «  A  Gistilla  y  Léoti 

«  Na«ttt  iBondla  éià  Golon.» 

Suis  doute  da  navigations  anlérieurej 
avaient  M.  connaître  certaines  -^a^  sep- 
tentrionales ^  visitées  par  les  aventuriers 
Dordmans  ;  peut-être  aussi  quelques  autres 
points  des  terres  d'outre-mer  avaient-ils  d^è 
été  aperçus  :  le  hasard ,  les  courants ,  et  le# 
Tcats  aiizés  ont  dÛ  conduire  obscurément 
plus  d*utie  fois  les  marins  d'Europe  à  ce 
nouveau  monde  dont  la  découverte  officielle 
était  réservée  à  Ck>lotab;  mais  à  Colomb  seul 
lïTÎenl  la  gloire  de  cette  grande  «évélation, 
annoncée  à  l'avance  par  d'autres  peut-être, 
■tais  fioursuivie   par  lui  seal   avec  cette 
tauet  persérérance  qui  caractérise  tinc  mis- 
ikn  providoilidle,  et  vérifiée  par  lui  après 
des  obstacles ,  des  dégoûts ,  des  entraves , 
àes  lenteors  qui  donnaient  une  solennité 
P^  grande  encore  à  cette  épreuve  en  la- 
qwHe  lot  tmA  avait  «ne  roboite  foi.  Et  pour- 


tre  Ignorance,  et  auquel  d'autrei  dé- 
couvertes ont  depuis  ajouté  un  monde 
maritime  (*)  ;  le  ndtre  est  resté  pour 
nous  le  monde  ancien.  Et  dans  ce 
monde  ancien,  àni  est  le  nôtre,  des 
séparations  trancnées  par  des  merS  im 
térieures  entre  les  plages  oCcdpées  par 
les  nations  civilisées  dont  nous  avons  re- 
cueilli Théritage,  donnèrent  jadis  nais- 
sance à  une  distribution  des  terres  alors 
Connues  en  trois  grandes  divisions  con- 
tinentales, qui  portent  de  no^  jours  le^ 
noms  d*/</Hgt/e,  d'Europe  et  Û'Mte. 
Mais  l'oeil  dérhomme  n^embrasse  â 
la  fois  qu'un  étroit  horizon;  il  lui  faut 
une  longue  série  d'études  persévéran- 
tes pour  reconnaître  de  proche  éri  pro- 
che toutes  les  parties  â*ttn  districit,  d'Urf 
pays,  d'une  région,  et  arriver  airtéi 
jusqu'à  la  notion  générale  des  grandes 
divisions  terrestres  i  siUSsi  des  appel- 
lations générales  n'dnt-elleô  été  données 
aux  continents  que  longtemps  après  là 
dénomination  des  contrées  particuliè- 
res qui  y  sont  encloses  ;  et  celles-ci,  à 
leur  tour,  n'ont  eu  de  noms  propres 
que  postérieurement  SiUt  localités  spé- 
ciales renfermées  dans  leurs  limites  \ 
presque  toujours,  au  surplus,  l'appel- 
lation générale  n'a  fait  que  reproduire 
dans  une  acception  plus  large  le.fiom 
qui  était  primitivement  restreint  à  une 
région,  à  un  pdys,  à  Une  localité  fort 
bornée.  Tel  est  le  fil  conducteur  dont 
il  se  faut  aider  pour  là  recherche  des 
étymologies  géographiques;  et  halle 
part,  peut-être,  ce  guide  n'est  plus 
utile  et  plus  sûr  qu'eh  dette  grande 
terre  d'Afrique,  ainsi  dénommée  au- 
jourd'hui dans  son  ensemble,  quoique 
cet  ensemble  lui -même  Soft  encore 
bien  loin  d*étre  complètement  connu. 

tatit  c'est  un  autre  qtii  eut  î'ittsigùe  triofti- 
pbe  de  donner  son  nom  an  monde  que 
Colomb  était  allé  découVi-ir  :  le  charlata- 
nisme et  la  camûrttderîe  remportèrent  sur 
les  droits  l^îtimes  de  Pinventenr  véritable  ,♦ 

(c totît  altet  hoiio^e^t 

«  Sic  vos  non  vobis.  .«...•  .A 

(*)  (Test  au  baron  Walcltfeftâèr  qii*est  dû 
le  premier  emploi  de  cette  dénoiffiilatioâ 
pour  caractériser  la  troisième  division  ter- 
restre éparpillée  dans  le  grand  Oeéan. 

.  1. 


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rUNIVERS. 


BiNOMlNÀtlONS  DE  L* AFRIQUE. 

Les  traditions  les  plus  anciennes  n^ 
sont  pas  toujours  celles  que  nous  ra- 
content les  écrivains  des  premiers  âges  ; 
elles  ne  nous  sont  parfois  conservées 
que  chez  les  polygraphes  des  temps 
inférieurs,  usagers  encore  de  sources 
historic|ues  qui  n*ont  point  survécu  au 
vandalisme  ou  à  Toubji  des  siècles  de  bar- 
barie. C'est  ainsi  qu'Etienne  de  Byzance 
nous  a  transmis,  d'après  Alexandre 
Polyhistor,  un  catalogue  des  dénomi- 
nations qu'avait  portées  \dij)olyonynie 
Afrique,  tour  à  tour  appelée  Olympie, 
Océanie,  Eskhatie,  Koryphe,  Hespé- 
rie  y  Ortyçie.  Jmmonide,  Ethiopie, 
Cyrène,  Ophiusej  Libye ,  Kephenie, 
Aérie,  De  tous  ces  noms ,  les  uns  n'ont 
jamais  eu  qu'une  application  spéciale 
et  restreinte,  comme  Cyrène,  Ammo- 
nide,  Ethiopie  >  Aérie  ;  les  autres  sont 
appellatifs,  et  désignent  tantôt  une 
situation  relative,  comme  Océanie  ou 
plage  de  l'Océan,  Ëskhatie  ou  extré- 
mité du  monde,  Hespérie  ou  région 
du  couchant;  tantôt  quelque  trait  phy- 
sique, comme  Koryphe  ou  haute  ter- 
re, Ophiuse  ou  patrie  des  serpents. 
Peut-être  faut- il  comprendre  aussi 
dans  la  même  classe  Kephénie,  Orty- 
gie  (*) ,  et  plus  douteusement  Olympie, 
que  semble  revendiquer  la  mythologie 
hellénique.  Le  nom  de  Libye  fut  seul 
employé  par  les  Grecs  dans  toute  la 
largeur  d  acception  que  les  Romains 
ont  attribuée  au  nom  d'Afrique. 

Les  écrivains  de  l'antiquité,  poètes 
plutôt  que  linguistes  ;  avaient  adopté 
le  procédé  commode  de  rattacher  tou- 
tes les  dénominations  géographiques 
au  grand  arbre  de  leurs  généalogies 
j  divines  ou  héroïques  :  il  leur  suffisait 
ainsi  de  forger,  d'une  part,  une  prin- 
cesse Libye ,  soit  indigène ,  soit  fille 
de  Jupiter,  ou  ûe  Neptune,  ou  d'Épa- 
phus  ;  d'autre  part  un  prince  Apher^ 
fils  de  Saturne  ou  d'Hercule,  trans- 
formé par  les  juifs  et  les  chrétiens  en  un 
fils  d'Abraham  ou  de  Madian,  et  par 
les  Arabes  en  un  de  leurs  propres  rois. 
Cependant,  quelques  érudits  avaient 

(*)  KriçT^v,  giiêpe;  "'OpruÇ,  caille. 


essayé  d'autres  étymologies  :  le  docte 
Varron  avait  cru  trouver  celle  de  Libye 
dans  le  nom  grec  du  vent  de  sud-est , 
libs  ;  et  le  scholiaste  de  Virgile,  Ser- 
vius,  proposait  de  dériver  Afrique  soit 
du  latin  aprica.  exposée  au  soleil,  soit 
du  grec  a-phrike ,  privée  de  froid. 

Les  étymologistes  modernes,  incon- 
testablement plus  habiles,  se  sont  éver- 
tués, sans  beaucoup  de  succès,  à  décou- 
vrir l'origine  cachée  de  l'une  et  l'autre 
de  ces  dénominations  usuelles  :  la  Li- 
bye a  été  pour  eux  tour  à  tour  lé  pays 
des  lions,  la  plage  rousse,  la  région 
enflammée,  la  terre  noire;  et  cette 
dernière  explication  du  moins  s'accor- 
dait avec  le  sens  frénéralement  recon- 
nu des  noms  d'Ethiopie,  d' Aérie  et 
d'Éthérie,  qui  désignaient  certaines 
contrées  libyennes;  mais  il  semble  que 
les  biblistes  sont  bien  mieux  fondés  à 
revendiquer  les  Libyens  comme  repré- 
sentant les  Lehbym  de  la  Genèse,  iden- 
tiques aux  Loubym  des  Paralipomènes 
et  des  Prophètes,  postérité  directe  des 
Messrym  ou  Égyptiens,  occupant  le 
littoral  opposé  à  la  Grèce,  et  fournis- 
sant ainsi  aux  Hellènes  un  nom  pour 
désigner  toute  la  plage  qui  s'étend  à 
l'ouest  de  l'Egypte. 

Poub  ce  qui  est  du  mot  Afrique,  on 
a  voulu  y  retrouver  un  territoire  fer- 
tile en  épis ,  le  pays  des  palmiers ,  la 
région  poudreuse,  la  contrée  divisée, 
la  terre  de  Baraah,  et  même  (sans 
s'en  douter)  l'Étnérie  des  Grecs;  mais 
combien  ces  diverses  conjectures  pa- 
raissent forcées  à  côté  de  l'assertion 
toute  simple  de  Suidas  {*)  (qui  souvent 
a  puisé  à  d'excellentes  sources) ,  énon- 
çant qu'Afrique  était  le  nom  antique 
ae  Carthage  même  !  N'est-ce  point  là 
une  origine  toute  naturelle  de  cette  dé- 
nomination venue  en  grandissant  jus- 
qu'à nous  pour  désigner  un  continent 
tout  entier,  mais  dont  les  siècles  n'ont 
pas  efface  complètement  les  applica- 
tions antérieures,  successivement  cor- 
respondantes d'abord  à  la  seule  Zeu- 
gitane,  puis  à  cette  province  augmentée 

(*)  Kapx»lW)v,  fi  xal  'Açpixi^  xal  Bupaa 
XeyojxévT). 

Suidas,  au  mot  'Açpixaviç. 


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mSTOlRE  DE  L'AFRIQUE. 


de  la  Byzacène ,  ensuite  à  la  ré^on 
eomprise  depuis  les  Mauritanies  Jus- 
qu'à la  Cyrenaîque,  même  jusc^u  aux 
confins  de  l^gypte,  puis  enfin  a  tout 
ce  que  Rome  et  l'Europe  néo-latine 
connurent  de  cette  vaste  portion  de 
l'ancien  monde?  Et  quant  à  Tétymolo- 
gie  radicale  de  cette  appellation  pri- 
mitive de  Cartbage,  la  langue  de  Car- 
thage  elle-même  nous  la  fournit  simple 
et  naturelle  en  nous  montrant  dans 


Afryqah  un  établissement  <^r^,  une 
colonie  de  Tyr  ;  et  les  Arabes  sont  ve- 
nus, par  une  dérivation  régulière,  dé- 
nommer Afryqyah  le  pays  dépendant 
de  cette  antique  Afryqah.  Il  n'est  pas 
sans  intérêt  d'annoter  ici  que  le  pre> 
mier  emploi  connu  que  les  Romains 
aient  fait  de  ce  nom  étranger  date  du 
vieux  poëte  Ennius  (*),  postérieur  à 
la  première  guerre  punique  et  contem- 
porain de  la  seconde. 


S  IL 
ASPECT  ET   CONSTITUTION  PHYSIQUE. 


SITUATION,  FIGUBS,  BTENDUB. 

Double  de  l'Europe  en  étendue,  mais 
plus  petite  d'un  tiers  que  l'Asie,  à  qui 
elle  dispute  en  vain  quelque  parcelle 
de  l'Orient,  l'Afrique  partage  l'Occi- 
dent avec  l'Europe,  et  tandis  que 
celle-ci  tient  l'empire  du  Word ,  tous 
les  feux  du  Midi  s'épandent  et  débor- 
dent sur  la  torride  Afrique. 

En  sa  forme  ramassée  et  compacte, 
où  nul  golfe  profond ,  nul  fleuve  aisé- 
ment navigable  n'a  ouvert  au  com- 
merce et  à  la  civilisation  l'accès  des  ré- 
gions intérieures,  l'Afrique  oppose  à 
la  fois  au  génie  des  découvertes ,  oui 
tourmente  notre  savante  Europe ,  les 
difficultés  naturelles  d'un  sol  brûlant, 
sans  routes  et  sans  abords,  et  l'inhos- 
pitalité  sauvage  des  peuples  indigènes 
dont  la  fréquentation  des  nations 
étrangères  n'est  point  venue  adoucir 
la  rudesse  native. 

Depuis  l'istbme  de  Soué^s ,  qui  lui 
est  à  l'orient  comme  une  jetée  de  com- 
munication avec  l'Arabie,  jusqu'au 
détroit  de  Gibraltar,  où  elle  n'est  sé- 
parée de  rEurope  que  par  un  détroit 
de  moins  de  3  lieues,  l'Afrique  dé- 
ploie de  Test  à  l'ouest,  sur  la  Médi- 
terranée, plus  de  1,000  liages  de  côtes 
en  regard  de  la  Grèce ,  de  l'Italie,  de 
la  France  et  de  l'Espagne,  tour  à  tour 

(*)  «  Africa  terribileî  tremit  horricU  terra  tumolta 
«Undiqoe.  » 

Eav.  Annal,  m  (Cicéron,  Pestas,  etc.). 
«  Lâti  caiopi  quos  geric  Africa  terra  politos.  » 
£»v.  SMjr,  m  (Nonios  Marcellns). 


dominatrices  de  cette  plage ,  mais  im- 
puissantes à  franchir  l'étroite  lisière 
resserrée  entre  la  mer  et  l'Atlas.  De- 
puis ce  détroit  où  la  fabuleuse  anti- 
quité plaçait  les  colonnes  d'Hercule , 
jusqu'au  cap  des  Aiguilles  qui  marque 
au  sud  la  pointe  extrême  du  continent, 
se  contourne  onduleusement  sur  l'o- 
céan Atlantique  un  littoral  de  plus  de 
2,600  lieues,  où  quelques  rivages  mal 
connus  attendent  encore  l'exploration 
de  l'hydrographie  moderne.  Et  depuis 
ce  cap  des  Aiguilles,  que  les  marins 
de  Tyr  doublèrent  dans  les  vieux  âges 
avec  une  flotte  égyptienne  ,  jusqu'au 
fond  du  golfe  Arabique  où  ces  habi- 
les navigateurs  ramenaient  du  grand 
•  voyage  d'Ophir  les  vaisseaux  chargés 
d'or  de  l'opulent  Salomon,  se  déve- 
loppe sur  l'océan  Indien  une  côte  de 
plus  de  2^400  lieues,  dont  la  majeure 
partie  ne  nous  est  connue  que  par  le  re- 
lèvement nautique  de  ses  contours. 

L'ensemble  de  cette  vaste  périphé- 
rie offre  donc  une  ligne  continue  de 
plus  de  6,000  lieues  géographiques, 
présentant  en  sa  forme  une  ngure  ir- 
régulière que  l'on  a  bien  ou  mal  com- 
parée ,  tantôt  à  un  triangle ,  tantôt  à 
un  cœur,  ou  bien  à  ce  jouet  que  les 
enfants  nomment  cerf-volant  :  si  nous 
voulions  grossir  le  catalogue  des  com- 
paraisons de  ce  genre,  nous  ajoute- 
rions que  l'Afrique  reproduit  la  figure 
réniforme  d'une  noix  d'acajou  tour- 
nant ses  deux  lobes  à  l'ouest  et  au 
sud. 


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l*W»IVEIi8. 


jy^pm  la  fiap  Bl««^«  voisin  de  Bi- 
sserifi,  fui  projeUi  è  ^7^i9^4(y'd^k^ 
UUiàa  nord  l'«xtrémité  I9  plus  ^vaik- 
0é6  de  U  câteseotentrionele,  jusqu'au 
cap  des  Aiguilles,  qui  termine  à 
J^4°  Z9f4(f  de  iatitude  australe  la  poiute 
sud  du  continent,  on  mesure  un  di»^ 
mètre  de  1,460  lieues,  que  coupe,  sous 
un  angle  d«  90*  nord^ouest,  un  autre 
diamètre  de  1,8^  lieues,  déterminant 
la  plus  grande  largeur  de  l'Afrique^ 
entre  le  cap  Vert,  par  19  53' 7"  de  lon- 
gitude à  Touest  de  Paris,  et  le  cap 
Ghardafouy  qui  s'avance  à  Topposite 
jusqu'à  49''l'36''de  longitude  est.  La 
superficie  totale  est  évaluée  h  9S9,000 
lieues  carrées  géographiques.  £t,  com- 
me abpendiees  immédiats,  le  baiie  des 
Aiguilieaà  Textrémijé  sud,  et  le  beno 
d^Arguin,  sur  la  niiarga  occidâatale, 
prolongent  sous  les  eaui^  de  l'Océan  I4 
vaste  étfMfidue  des  terres  afrieaioes. 

En  dehors  de  ces  limites  existent 
des  ties.  soit  isolées,  soit  groupées  en 
archipels,  que  leur  voisinage  relatif 
Élit  encore  annexer,  comme  des  dé*- 
pendances,  au  lafge  continent  d'Afri- 
que^ En  nous  bornant  à  indiquer  les 
principales,  nous  avons  à  énumérer^ 
dans  l'océan  Occidental,  Madère,  fa^ 
meuee  par  ses  vins  ;  les  Canaries,  auxt 
quelles  se  rattache  le  souvenir  des  îles 
Fortunées,  des  Hespérides  et  des  Gor- 
gones de  l'antiquité,  et  celui  peut-être 
de  dette  Atlantide  disparue,  que  la 
vieille  Egypte  racontait  à  la  Grèce 
naissante;  plus  loin,  les  îles  (du  cap 
Vert;  au  mad  de  la  mer  de  Guinée, 
Fernan*do-Po,  le  Prince,  Saint-Thomé, 
Annobon,  qui  semblent  culminer  sur 
une  prolongation  sous -marine  des 
noontagnes  des  Amboses  ;  au  large,  et 
jalonnant  la  route  de  l'océan  Indien^ 
le  rocher  de  l'Ascension,  terre  nue 
sans  souvenirs^  et  celui  de  Sainte*Hé- 
lène,  SOT  lequel  est  ineffaçablement 
écrit  le  plus  grand  nom  historique 
des  temps  modernes;  sur  lacdte 
orientale,  Madagasear,  la  plus  grande 
des  fies  africaines  >  présentant  à  elle 
seule  une  étendue  de  plus  de  20,000 


lieues  carrées  ;  puis,  rangées  autour 
d'elle  comme  des  satellites,  les  Como^ 
res,  les  Sécbelles,  et  ces  îles  de  France 
et  de  Bourbon,  que  les  affections  mu- 
tuelles, le  lapgagei  les  mœurs  et  la 
eommunauté  d'origine  tiennent  étroi- 
tement liées  sous  des  pavillons  rivaux  ; 
enfin,  à  l'extrémité  du  cap  Gharda- 
fouy, Soeotota,  de  plus  de  lOO  lieues 
carrées,  acquisition  récente  de  l'An- 
gleterre pour  assurer  à  ses  paquebots 
la  voie  de  l'Inde  par  la  mer  Rouge. 

Bien  plus  :  située  au  voisinage  im- 
médiat de  l'Afrique,  offrant  avec  elle 
la  plus  parfaite  similitude  de  caractè- 
res physiques  et  de  productions  natu- 
relles ,  ainsi  que  les  rapports  ethnolo- 
giques et  linguif  tiques  les  plus  intimes, 
FArabie  semble  constituer  au  nord- 
est  un  appendice  de  ce  continent  bien 
plutôt  que  de  celui  d'Asie.  Sans  pré- 
tendre sur  ce  motif  Introduire  une  dé- 
limitation nouvelle  des  grandes  divi- 
sions de  l'ancien  moncfê,  du  moins 
est-il  opportun  de  signaler  ces  çon- 
nexités  repétées,  que  la  géographie  et 
l'histoire  s'accordent  à  montrer  si 
étroites  et  si  nombreuses. 

MBR3  ÀMBIÀIiTBS,  COîIftA.NTS. 

Les  mers  qui  baignent  ces  immen- 
ses rivages  circulent  autour  d'eux  en 
courants  rapides,  dérivations  du  grand 
courant  équatorial  que  la  rotation  ter- 
restre imprime  aux  mobiles  eaux  de 
rOcéan.  Dans  la  mer  des  Indes,  le 
mouvement  normal,  modifié  par  la 
disposition  des  côtes,  court  au  nord- 
ouest  le  loim  de^  rivages,  jusqu'au 
fond  du  golfe  du  Bengale,  d^ou  il  se 
réfléchit  au  sud-ouest  pour  aller  frap- 
per les  berges  de  Madagascar;  pen- 
dant que  la  même  impulsion,  [)ropagée 
en  deçà  de  la  chaîne  des  Maldives^  en- 
traîne les  eaux  de  la  mer  d^Oman  le 
lon^  des  plages  orientales  du  continent 
africain ,  et  tes  précipite  dans  le  canal 
de  Mozambique.  Au  sortir  de  cette 
manche^  elles  se  réunissent  à  la  fois 
au  courant  particulier,  du  Bengale  et 
au  grand  courant  équatorial,  pour 
contmuer  avec  une  nouvelle  puissance 
de  glisser  le  long  des  côtes  jusqu'au 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


baiHS  diii  Aiguilles,  le  traverser  en  It 
eontoornant,  et  là,  ta  eofnbinant  avec 
les  effluves  polaires,  s'avancer  d'une 
part  au  nord  dans  la  mer  de  Guinée, 
et  s'aller  perdre  d'autre  part  au  iior4« 
ouest  dans  le  courant  équatoriti  de 
l'Atlantique.  Ici  encore  les  nners  d'A* 
frique  se  refusent  à  l'influenee  directe 
de  mouvement  normal  ;  elles  ne  i«ooi« 
vent  que  son  immilsion  réfléchie,  alors 
qu'après  avoir  glissé  sur  les  cdtes  bra-» 
siliennes,  contourné  le  golfe  du  Mexi- 
que et  longé  les  États-Unis,  il  revient 
sur  lui-même  porter  d'une  part  les  eaux 
del'Ooéandansla  Méditemiiiée,  où  elles 
courent  à  l'est  contre  le  littoral  barba-» 
resque,  etd'autre  part  se  diriger  en  biai« 
sent  vers  la  côte  oocideutale,  imprimer 
au  banc  d 'Arguin  la  triste  célébrité  d'un 
fameux  naufrage  (celui  de  la  Méduse)^ 
et  poursuivre  sa  marche  fatale  jusque 
dans  le  golfe  de  Guinée,  où  sa  rencon- 
tre avec  le  courant  du  sud.  se  révèle 
par  des  tournants  moins  renommés, 
mais  plus  à  craindre  que  Charybde  et 
Scylla,  tant  chantés  par  la  poétique 
antiquité. 

Cette  route  circulaire  du  Gulf- 
Stream  (comme  l'appellent  les  marins 
du  Nord)  n'a-t-ei  le  d'autre  noyau  cen* 
tral  que  la  masse  inerte  des  eaux 
atlantiques?  ou  bien  faut -il  croire 
qu'un  grand  continent  submergé  trace 
encore,  au  fond  des  mers,  un  lit  in^ 
franchissable  à  ce  fleuve  gigantesque? 
0  Platon I  cette  Atlantide,  attestée  à 
Solon  par  les  traditions  immémoriales 
de  l'Egypte,  et  dotée,  par  ta  rêveuse 
imagination,  de  peuples  si  merveilieu-> 
sèment  sages,  cette  terre,  que  la  fable 
dispute  à  l'histoire ,  gtt-elle ,  en  effet, 
sous  ces  eaux  immobiles,  autour  des^ 
quelles  roule  incessamment  un  cou- 
rant foufpieux,  emprisonné  dans  sea 
liquides  rivages? 

TBNTS  BBCfrULIBBS. 

D'accord  avec  les  courants  mariti- 
mes généraux,  les  vents  alizés  régnent 
constamment  d'est  en  ouest  sur  là  zone 
équinoxiale  de  rOcéan;vmai8,  comme 
les  courants  généraux,  les  vents  alizés 
n'étendent  poipt  leur  domaine  ju»» 


qu'aux  abords  du  littoral  alvicaim  :  sur 
toute  la  cdte  occidentale,  des  vents 
tout  aussi  réguliers ,  tout  aussi  coqs*' 
tants,  loin  de  souffler  i  l'ouest,  se  di- 
rigent dans  un  sens  opposé  vers  la 
terre;  et  dans  la  mer  des  Indes^  le 
phénomène  des  moussons  frappe  les 
côtes  orientales,  jusqu'au  cap  Delga- 
do,  d'un  vent  de  nor£est  qui  dure  une 
moitié  de  l'année  (d'octobre  à  février), 
tandis  qu'un  vent  de  sud-ouest  lerem^ 
place  pendant  l'autra  moitié  (d*avril  à 
août}. 

<H>tFBS  BT  €APS. 

Les  Qiers  ambiantes  ne  tracent 
point  de  profondes  découpures  dans 
le  massif  du  continent  africain;  i'é* 
chancrure  la  plus  considérable,  qui 
est  au  sud-ouest,  ne  fait  qu'une  ob-* 
tuse  rentrée,  où  l'océan  Atlantique 
élargi  forme,  entre  le  cap  des  Palmes 
et  le  cap  Lopes,  le  golfe  ou  plutôt  la 
mer  de  Guinée,  laquelle  reçoit,  en 
s'approchant  des  terres,  à  gauche  le 
nom  de  golfe  ou  baie  de  Bénin,  à 
droite  celui  de  golfe  ou  baie  de  Biaira, 
séparés  par  la  pointe  basse  et  mousse 
qu'on  appelle  cap  Formose* 

La  mer  Méditerranée  dessine  pareil- 
lement au  nord ,  entre  le  cap  Bon  de 
Tunis  et  la  Gebel  Akbdhar  de  la  Cyré* 
naïque,  une  large  rentrée,  ou  plutôt 
deux  rentrées  Jumelles,  que  les  an-» 
cieqs  nommaient  les  Syrtes,  et  que  la 
géographie  moderne  a  dénommées 
golfe  du  Sidr  (nom  arabe  du  jujubier 
lotos),  et  golfe  des  Qâbes. 

Comprimée  en  quelque  sorte  entra 
les  Syrtes  et  la  mer  de  Guinée,  l'Afri- 
que s'épanouit  ensuite  vers  l'ouest  eq 
un  vaste  demi-cercki  jalonné  d'une 
multitude  de  caps ,  parmi  lesquels  le 
oap  Spartel ,  le  cap  Noun ,  le  cap  Bo-* 
iaoor,  le  cap  Blane^  le  cap  Vert,  le  cap 
Tagrin  et  le  eap  Mesurado  sont  les 
plus  connus.  Dans  les  intervalles  de 
ces  caps,  la  côte  n'éprouve  que  des  dé* 
pressions  peu  sensibles;  mais  en  avan* 
çant  au  sud,  les  rentrées  et  les  saillies 
se  prononcent  davantage,  de  même 
que  sur  la  plage  orientale,  dont  les  on- 
dulations correspondent  avec  une  sin- 
gulière symétrie  à  celles  du  rivage  oe* 


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à 


L*UNIVERS. 


ekleiital  :  c*est  ainsi  qu'à  renfoncement 
de  la  mer  de  Guinée  correspond  la 
longue  saillie  du  cap  Ghardarouy,  au 
cap  Lopez  la  rentrée  de  la  côte  de  Zan- 
zibar, à  la  rentrée  de  celle  de  Benguéla 
la  saillie  de  celle  de  Mozambique,  au 
cap  Negro  la  baie  de  Sofalah,  à  la  baie 
des  Baleines  le  cap  des  CkHirants,  à  la 
côte  saillante  des  Namakouas  la  baie 
de  Lourenço  Marquez  :  il  semble  que 
les  ondulations  d'un  axe  commun  aient 
simultanément  déterminé  ces  symétri- 
ques configurations;  car  les  rentrée 
du  littoral  accusent,  par  la  grandeur 
des  fleuves  qui  s'y  versent,  1  éloigne- 
ment  des  reliefs  générau}^  où  ils  ont 
leurs  sources  ;  et  les  dernières  explo- 
rations  de  celles  du  Gariep  ont  ettec- 
tivement  constaté^  en  confirmation  de 
cette  théorie ,  qu*ii  naît  au  voisinage 
de  la  côte  orientale. 

TSBSANTS  ET    RELIBFS   GBNÉBA.UX, 
FLEUYBS. 

G*est  ainsi  que  la  disposition  et  la 
mesure  des  reliefs  généraux,  liées  par 
une  corrélation  nécessaire  aux  circons- 
tances hydrographiques,  se  peuvent  dé- 
duire conjecturalement  de  la  longueur 
des  fleuves,  et  de  l'inclinaison  de  leurs 
pentes,  révélée  par  la  rapidité  de  leurs 
ondes.  I/Afrique,  sous  ce  rapport,  of- 
fre trois  versants  principaux,  séparés 
deux  à  deux  par  de  tortueuses  démar- 
cations, dont  le  sommet  commun  est 
au  point  où  les  traditions  ont  placé  les 
hypothétiques  montagnes  de  la  Lune. 
Sur  le  versant  oriental,  qui  s'étend 
depuis  Soueys  jusqu'au  cap  des  Aiguil- 
les, et  s'abaisse  vers  l'océan  Indien, 
coulent  les  grands  fleuves  de  Maqda- 
schou ,  de  Mélinde,  le  Lofih,  le  Zam* 
bézé,  et  nombre  d'autres,  dont  le  cours 
est  entièrement  inconnu,  sauf  celui 
du  Zambézé  ou  Kouama ,  le  seul,  sur 
cette  côte,  que  les  Européens  aient  re- 
monté. Le  versant  occidental ,  qui  du 
cap  des  Aiguilles  s'étend  jusqu'au  cap 
Spartel ,  otfre ,  parmi  les  cours  d'eau 
les  plus  considérables,  le  Gariep  ou 
Orange,  la  rivière  aux  Poissons,  le 
Kouanza,  le  Zaïre  ou  Kouango,  le  fa- 
meux Pïiger  ou  Gjalibâ  ou  Kouârab,  la 


Gambie,  le  Sénégal,  le  Dara'h.  Quant 
au  versant  septentrional,  compris  entre 
le  cap  Spartel  et  Soueys,  etqui  porte  ses 
eaux  à  la  Méditerranée,  il  ne  présente 

3u'un  grand  fleuve,  le  Nil  d Egypte, 
ébouchant  à  la  mer  par  plusieurs  bras, 
dont  l'écartement  sépare  de  la  terre 
ferme  une  grande  île  triansulalre,  cé- 
lèbre sous  le  nom  de  Delta ,  que  les 
Grecs  lui  donnèrent  en  la  comparant  à 
cette  lettre  de  leur  alphabet. 

LACS. 

Des  lacs  assez  nombreux ,  mais  im- 
parfaitement connus,  sont  répandus 
sur  le  sol  africain  :  sans  parler  de  l'im- 
mense mais  douteuse  lagune  à  laquelle 
est  attribué  le  nom  des  peuples  Ma- 
ravis,  qui  semble  reproduire ,  comme 
tant  d'autres  en  Afrique,  celui  de  l'an- 
tique Méroé  ;  sans  compter  non  plus 
ce  Kalounga  Kouffoua,  qui  offrirait 
le  singulier  phénomène  de  se  déchar- 
ger à  la  fois  dans  les  deux  océans ,  nous 
avons  à  mentionner,  comme  les  plus 
célèbres  et  les  plus  considérables,  dans 
Test  le  lac  de  Dembaya  ou  de  Ssanà , 
traversé  par  le  Bahhr  Azreq,  bran- 
che orientale  du  Nil  d'Egypte;  dans 
l'ouest  le  lac  Gybâ  ou  Gyébou,  traversé 
par  le  Niger  ou  Nil  des  Nègres;  dans 
l'intervalfe  compris  entre  les  Nils,  le 
grand  lac  Tchad,  que  l'on  croit  en  gé- 
néral occuper  le  fond  d'un  vaste  bas- 
sin intérieur,  mais  dont  les  eaux  dou- 
ces trahissent  l'écoulement  inconnu  : 
on  a  voulu  le  rattacher  hypothétique- 
ment,  à  travers  les  sables  et  des  chaî- 
nes de  lacs,  au  Bahhr  Abyadh  ou  bran- 
che principale  du  Nil  égyptien;  mais 
il  nous  semble  bien  plus  probable  (d'à- 

{)rès  le  témoignage  précis  que  rendent 
es  indigènes,  d'une  communication 
continuellement  navigable  entre  le 
Tchftd  et  le  Niger,  par  le  Schâry  ou 
Tchâdy)  que  le  Yéou ,  traversant  le 
Tchad,  en  ressort  au  sud  sous  le  nom 
de  Schâry  (au  lieu  d'y  affluer  comme 
le  dit  Denham),  pour  s'aller  jeter  dans 
le  Niger,  où  Lander  a  vériGé  la  direc- 
tion de  son  cours.  Enfin,  dans  le  nord, 
nous  avons  à  mentionner  encore  la 
grande  Sebkhah-A'oudyah,  lac  de  sel  et. 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


& 


de  boue  que  traverse  un  sentier  ja- 
lonné par  des  poteaux ,  jadis  fameux 
chez  les  Grecs  sous  le  nom  de  lac  Tri- 
tonide,  et  que  les  Arabes  de  nos  jours 
désignent  comme  le  tombeau  muet  de 
nlus  d'une  armée,  de  plus  d'une  nom- 
ireuse  caravane. 

MONTAGNES. 


t 


Les  eulminances  montagneuses  qui 
serpentent  plus  ou  moins  capricieuse* 
nent  sur  les  lignes  de  partage  de  tou- 
tes ces  eaux,  ne  sont  connues  avec  cer- 
titude qu'au  voisinase  des  côtes ,  d'où 
l'œil  européen  a  pu  les  apercevoir  :  au 
nord-ouest  l'Atlas,  qui  s'élève  près  de 
Marok  jusqu'à  4,000  mètres,  projette 
ses  rameaux ,  d'une  part  jusou'au  cap 
lïoun  et  dans  les  Canaries ,  ae  l'autre 
jusqu'au  fond  de  la  grande  Syrte , 
s'abaissant  par  degrés  pour  se  perdre 
dans  les  sables  de  Barqah.  La  chaîne 
de  Koung,dont  le  nœud  principal  sem- 
ble marqué  par  les  sources  du  Niger  et 
des  fleuves  de  la  Sénégambie,  et  que 
l'on  retrouve  aux  bords  occidentaux 
du  lïiger  inférieur,  n'accuse  en  ces 
points  extrêmes  que  des  hauteurs  mé- 
diocres ;  la  partie  mitoyenne  est  igno- 
rée. 

De  l'autre  côté  du  Niser  se  mon- 
trent les  ramifications  aune  autre 
chaîne  à  laquelle  appartiennent  peut- 
être  aussi  les  montagnes  des  Amboses, 
et  qui  se  poursuit  a  l'est  pour  culmi* 
ner,  dans  le  Mandharah,  jusqu'à  2,000 
ou  2,600  mètres.  Peut-être  encore  une 
liaison  est-elle  établie  entre  ces  alpes 
centrales  et  celles  qui,  sous  le  nom  de 
montagnes  de  la  Lune,  renferment, 
au  dire  de  Ptolémée  et  des  Arabes , 
les  sources  les  plus  reculées  du  grand 
Nyl,  élevant  vers  le  ciel  des  cimes 
neigeuses  dont  il  faut,  d'après  cette 
drconstance ,  estimer  l'altitude  à  plus 
de  6,000  mètres,  offrant  plus  loin, 
dans  l'Abyssinie,  des  sommets  pres- 
que aussi  'élevés ,  et  se  continuant  en 
un  long  rameau ,  sur  le  littoral  de  la 
mer  Rouge,  jusqu'aux  environs  de 
Souéys. 

Le  relief  dorsal  qui  trace  la  dé- 
marcation commune  entre  les  bas- 


sins des  deux  océans,  ofifre,  selon  toute 
apparence ,  vers  le  point  où  naissent 
d^une  part  le  Kouâma  ou  Zambèze, 
et  de  Tautre  le  Kouanza  et  le  Kouan- 
go,  un  grand  nœud  austral  dont  l'é- 
lévation des  terrasses  mférieures  doit 
faire  estimer  la  hauteur  fort  considé- 
rable ;  les  montagnes  de  Loupata  qui 
n'atteignent  guère  qu'un  maximum 
de  2,000  mètres ,  et  celles  du  Congo 
dont  l'altitude  a  été  fort  exagérée, 
semblent  former  à  l'est  et  à  l'ouest 
des  chaînons  collatéraux  de  l'axe  cen- 
tral ,  dont  une  des  eulminances ,  le 
MouloundouZambi,  est  évaluée  à  5,000 
mètres.  Madagascar,  avec  ses  hautes 
cimes  de  plus  de  3,500  mètres ,  étend 
dans  l'est  ^ne  chaîne  isolée  parallèle  à 
celle  de  Loupata.  Enfin,  dans  la  ré- 
gion australe,  une  chaîne  dirigée  est 
et  ouest,  et  dont  quelcjues  pics  culmi- 
nent peut -être  jusqu'à  2,500  ou  3,000 
mètres ,  semble  constituer  un  prolon- 
gement de  l'arête  dorsale ,  et  vient 
expirer  au  sud-ouest ,  où  la  montagne 
de  la  Table  élève  auprès  du  Cap  un 
sommet  aplati  qui  n'atteint  pas  1,200 
mètres. 

PLAINES  ET  TEBBASSES. 

De  hautes  plaines,  tantôt  fertiles, 
tantôt  brûlées,  s'éteodent  par  étages 
entre  les  chaînons  collatéraux,  com- 
me de  vastes  terrasses,  dont  ils  figu- 
rent les  parapets  ;  l'élévation  de  ces 
plaines  est  quelquefois  considérable,  et 
dans  les  Karrous  du  sud  elle  dépasse 
1,500  mètres.  C'est  dans  ce  trait  ca- 
ractéristique que  le  docte  géographe 
Ritter  a  puisé  l'idée  synthétique  sous 
laquelle  il  a  individualisé  le  continent 
africain ,  supposant  un  vaste  plateau 
supérieur  dont  la  périphérie  s'abaisse 
en  terrasses  successives,  sillonnées  de 
cours  d'eau  qui  conduisent  par  une 
transition  graduelle  du  plateau  aux 
basses  terres  ;  l'Atlas ,  la  Cyrénaïque, 
membres  détachés  de  ce  erand  corps , 
reproduisent ,  sous  des  échelles  pro- 
gressivement rapetissées ,  les  méfmes 
formes  constitutives,  et  demeurent  an- 
nexés à  la  masse  principale  par  la  mer 
de  sables,  à  travers  laquelle  des  chaî- 
nes d'oases  sont  aux  caravanes  voya- 


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10 


L*U!tIVER8. 


Êeuses  eoflnine  autant  de  ports  de  re^ 
Iche  au  milieu  de  cet  océan  dont  le 
vent  du  midi  tourmente  les  flots  des- 
séchés (*);  plaine  immense,  effrayante 
d'étendue  et  de  nudité,  ondulant  quel- 
quefois en  sèches  collines,  coupée  ra- 
rement de  quelques  rangées  de  rochers, 


sans  eau ,  sans  verdure,  touvraot  plus 
de  200,000  lieues  earrées ,  depuis  la 
vallée  du  Nil  jusqu'à  TOcéan  occiden- 
tal, et  depuis  1*  Atlas  Jusqu'au  Tchad , 
avec  une  altitude  moyeona  de  ^00 
mètres. 


S  m. 

mSTOIBG  NATURELLE. 


RiOMB  MniAAAL. 
COHStlTUTÏOIf  GB0GN0$TIQIT|5.  — 

ta  géologie  n'a  point  encore  enregis- 
tré des  observations  assez  nombreuses 
pour  qu'il  soit  possible  d'indiquer  la 
distribution  géogoostique  des  terrains 
qui  constituent  le  sol  de  l'Afrique; 
qat)$  toutes  les  chaînes  de  montagnes 
oui  ont  été  visitées,  la  base  granitique 
i  pu  être  aperçue,  se  montrant  surtout 
h  découvert  dans  celles  du  Marok ,  du 
Mandharah,  de  l'Abyssinie  et  du  Con- 
go, avec  les  porphyres,  la  s);énite,  le 
f;neiss,  le  micascniste ,  le  schiste  argi- 
eux ,  le  quartz ,  le  calcaire  primitif. 
Les  grès  abondent  à  peu  près  partout, 
tantôt  reposant  immédiatement  sur  les 
formations  granitiques ,  tantôt  sur  les 
formations  schisteuses  ;  dans  la  région 
australe  ils  se  présentent  comme  un 
couronnement  tabulaire  posé  horizon- 
talement sur  le  granit  qui  s'élève  au 
travers  des  roches  stratifiées.  Les  cal- 
caires secondaires  prédominent  dans  la 
région  moyenne  de  l'Atlas  ;  dans  le 
sud,  ils  se  montrent,  comme  le  grès, 
en  couronnement  horizontal  sur  les 
hautes  terrasses  du  Gariep.  Le  sel,  soit 
en  couches ,  soit  dissous  dans  les  eaux 
de  quelques  lacs,  de  quelques  ruis- 
seaux, se  trouve  en  diverses  parties 
du  continent,  mais  particulièrement 
dans  celles  du  nord  ;  la  plaine  de  sel 
de  l'Abyssinie  est  fameuse  uar  son  éten- 
due. Des  basaltes,  des  rocnes  trapéen- 
nes  sont  indiquées  dans  presque  toutes 
les  grandes  chaînes  montagneuses,  sur- 
tout dans  les  rameaux  de  l'Atlas  oui 
s'étendent  au  sud  de  Tripoli  ;  la  plu- 

(•)  «  nie  (autter)  hninodicus  exsurgit, 
arenasqiM  quan  màvia  «smis,  siociessvit 
fluctibiu.  »  MxLA,  I ,  vin. 


part  des  caps  de  la  edte  oecidentak. 
sont  basaltiques;  des  tracbytes,  des 
laves ,  des  ponces  et  des  scories  ont 
été  observées  dans  le  pays  d'Alger  :  des 
volcans  ignivomes  existent  même,  dit- 
on,  dans  les  montagnes  du  Congo,  dans 
ceilesde  Mozambique,  et  jusqu'en  Abys- 
smie  ;  mais  la  plupart  de  ces  indica- 
tions auraient  besoin  d'être  vériûées. 
Quant  aux  sables  du  Ssabhrâ,  sont-ils 
un  transport  alluvionnaire,  ou  le  ré- 
sultat d'une  décomposition  spontanée 
de  roches  préexistantes?  C'est  une 
question  sur  laquelle  les  notions  acqui- 
ses ne  permettent  point  encore  de  pro- 
noncer, bien  aue  la  nature  friable  des 
grès  du  Fezzan  paraisse  favoriser  la 
seconde  hypothèse  ;  mais ,  d'un  autre 
côté,  le  quartz  gris  blanc  qui  a  formé 
ces  sables  si  ténus  se  retrouve  de  même 
au  désert  en  graviers ,  *  en  galets ,  en 
cailloux  roulés,  et  semble  témoigner 
de  l'ancienne  action  d'un  océan  que 
les  traditions  historiques  n*ont  peut- 
être  pas,  non  plus,  complètement 
oublie. 

OBYGToaNOSiB.  —  Quant  aux  espè- 
ces minérales  disséminées,  sans  parler 
des  mines  de  fer,  de  cuivre,  et  autres 
métaux  moins  recherchés ,  qui  parais- 
sent nombreuses  et  abondantes,  de 
riches  mines  d'or  ont  rendu  certaines 
régions  africaines  célèbres  parmi  leg 
fféographes  orientaux  ;  les  pavsdeBan- 
bouq ,  de  Bouré,  de  Ouanqarah  dans 
l'ouest,  celui  de  Sofalah  dans  l'est,  sont 
les  plus  renommés  sous  ce  rapport. 
Les  Arabes  appellent  spécialement  ces 
deux  dernières  contrées  Beled  et-dze^ 
heb  ou  Beled  el'tebr^  le  pays  de  l'or  ou 
de  la  poudre  d'or  ;  les  Européens  eux- 
mêmes  donnent  le  nom  de  Côte  d'or 
à  une  partie  du  Ouanqarah,  où  l'or  se 


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HISTOIRE  DK  L'AFRIQUE. 


Il 


montre  «o  fprms  dans  len  roches  quart- 
zeuse3  qui  alternent  avec  le  schiste 
argileux  sous  les  couches  du  grès  su- 
périeur. Des  gemmes  orécieuses  exis- 
tent, dit-on,  en  abondance  dans  cer- 
tains cantons,  tels  que  les  parties 
élevées  du  Congo,  et  surtout  les  pays 
gui  avoisinent  le  Nil ,  où  Ton  voit  les 
fameux  Gebél  el-Zamarrad^  ou  mon- 
tagnes d'émeraudes;  le  diamant  lui- 
même,  dont  Pline  attestait  l'antique 
existence  dans  la  région  qui  s'étend 
depuis  Thangeh  jusqu'à  Meroé,  a  été 
retrouvé  de  nos  jours  dans  les  sables 
aurifères  de  Constantin^. 

CLIMAT. 

Les  deux  tropiques  enferment  dans 
la  zone  torride  la  majeure  part  des 
terres  africaines;  les  portions  compri- 
ses dans  les  zones  tempérées  se  rédui- 
sent à  moins  d'un  auart  de  la  superGcie 
totale.  Cependant  la  température  n*est 
point  aussi  généralement  brûlante  que 
cette  distribution  climatérique  pour- 
rait le  faire  supposer  :  l'élévation  des 
terrasses  qui  se  succèdent  par  étages 
jusqu'à  des  hauteurs  considérables  pro- 
cure, jusque  sous  réquateur,  un  air 
frais  et  doux,  quelquefois  même  un 
froid  vif  et  piouant  ;  mais  les  plaines 
inférieures  et  les  plages  maritimes  su- 
bissent toute  l'ardeur  du  soleil  zéni- 
thal ,  à  laquelle  viennent  seulement 
faire  diversion  les  vents  constants  et 
les  brises  réglées.  Des  pluies  diluviales 
reviennent  chaque  année  grossir  tou- 
tes les  rivières  intertropicales,  dont 
les  débordements  cou  vrent  et  fécondent 
les  terres  riveraines  ;  les  crues  du  Nij 
sont  fameuses  depuis  les  temps  les 
plus  reculés.  L'époque  qui  succède  im- 
médiatement à  la  saison  des  pluies  est 
un  moment  critique,  où  l'humide  cha- 
leur de  l'air  occasionne  de  dangereu- 
ses maladies ,  jusqu'à  ce  que  les  vents 
aient  assaini  1  atmosphère.  C'est  dans 
le  Ssabhrâ  et  les  plaines  limitrophes 
oue  la  chaleur  est  le  plus  Intense  ;  elle 
9  élève,  au  Bournou  et  dans  le  Hhaou- 
sâ ,  jusqu'à  plus  de  45''  du  thermomè- 
tre octogésimal;  elle  atteint  même  50» 
dans  les  basses  terres  de  Bénin  ;  mais 
die  est  fort  modérée  dans  la  Barba^ 


rie  ;  et  dans  la  région  du  Cap  elle  est 
aussi  fratche,  aussi  douce  et  moins 
variable  qu'en  notre  beau  pays  de 
France. 

YXe^TATION. 

Sous  Tinfluence  de  températures 
aussi  diverses,  la  végétation,  fille  du 
fol  et  du  climat,  ne  peut  manquer  d'of- 
frir des  aspects  pareillement  divers  ; 
cependant,  malgré  les  variations  de 
puissance  végétative  que  déterminent 
les  différences  de  latitude,  d'altitude  ou 
d'exposition ,  des  caractères  aisément 
saisissables,  permettent  de  distribuer 
la  flore  générale  de  l'Afrique  en  trois 
flores  spéciales  (*) ,  ayant  chacune  un 
vaste  domaine  ;  et  l'Arabie,  placée  dans 
des  conditions  climatériques  et  cho- 
rographiques  absolument  analogues, 
vient  en  outre  s'annexer  au  continent 
africain ,  pour  être  classée  dans  cette 
grande  division  tripartite. 

Les  dénominations  respectives  de 
septentrionale ,  équinoxiale  et  aies- 
tralCy  appliquées  aux  trois  zones  phy- 
tographiques  ainsi  établies,  obéissent, 
il  est  vrai,  aux  conditions  les  plus 
frappantes  de  l'habitat  des  types,  mais 
sont  loin  de  représenter  le  gisement 
de  chacune  d'elfes  et  leur  disposition 
relative,  IJne  ligne  tirée  d'est  en  ouest, 
du  Caire  à  Marok  ou  aux  Canaries , 
laisse  en  effet  au  nord  la  première  de 
ces  trois  zones,  étendue  presque  en 
entier  sur  la  Méditerranée ,  et  produi- 
sant le  chêne ,  le  pin ,  le  cyprès ,  le 
myrte  ,  |e  laurier ,  l'arbousier ,  la 
bruyère  arborescente,  l'olivier,  l'o- 
ranger, le  jujubier,  le  dattier,  le  rai- 
sin ,  la  figue ,  la  pêche ,  l'abricot ,  les 
melons ,  l'orge ,  le  maïs ,  le  froment , 
le  riz,  le  tabac,  le  coton,  l'indigo^a 

(*)  De  précieux  échantillons,  types  de 
ces  trois  flores  distinetes ,  nous  sont  offerts 
par  les  beaux  ouvrages  de  Desfootaines 
{Flora  atlantica,  a  vol.  grand  iD-4»,  Paris , 
1 7  9^)?de  Palissot  de  Beau  vois  (Flore  t^Owat^e 
et  de  Bénin,  %  vol.  iu^foiio,  Paris,  xSoi), 
et  de  TUuoberg  {Flora  capensis,  vol.  in*8o, 
Upsal,  1807),  auxriueU  on  ne  peut  se  dis- 

Seuser  de  joindre  les  travaux  plus  récents 
e  Hobert  Brown,  de  PerrotUt,  de  Ton^ 
nipg  et  Sduunaker,  etc. 


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12 


L'UNIVERS. 


canne  à  sucre  ;  offrant  ainsi  de  nom- 
breuses analogies  avec  les  côtes  oppo- 
sées  de  l'Europe  méridionale. 

Mais  c'est  une  ligne  tir^  du  sud- 
ouest  au  nord-est ,  entre  le  fleuve  d'O- 
range et  Maskat,  qui  détermine  la 
limite  et  la  direction  de  la  troisième 
région  phytographique,  développée  sur 
l'océan  Indien  en  une  zone  prolongée 
qu'il  serait  plus  exact  d'appeler  aus- 
tro-orientale, et  que  caractérise  d'une 
manière  remarquable  l'abondance  des 
plantes  grasses.  On  y  rencontre  en 
nombreuses  tribus  les  stapélias,  les 
mesembryanthèmes,  les  aloes  (  qui  ont 
fait  la  renommée  de  Socotora  ) ,  les 
euphorbes,  les  crassules  aux  fleurs  écar- 
lates;  puis  les  pélargoniers,  les  protées 
au  feuillage  d'argent ,  les  ixia ,  les 
bruyères  ;  sans  parler  de  la  vigne,  des 
fruits ,  des  céréales,  et  autres  végétaux 
que  la  main  de  l'homme  y  cultive  pour 
ses  besoins.  Madagascar  et  les  lies  voi- 
sines établissent  une  sorte  de  liaison 
entre  cette  flore  et  celle  de  l'archipel 
indien,  offrant  en  outre  quelques  plan- 
tes qui  leur  sont  propres ,  surtout  des 
fougères  et  des  orchidées  en  grande 
quantité. 

Tout  le  reste  de  l'Afrique  appartient 
à  la  grande  division  intermédiaire  dé- 
signée sous  l'appellation  d'équinoxia- 
le,  figurant  un  triangle  immense  dont 
le  sommet  est  au  golfe  Persique ,  et 
dont  la  base  onduleuse  s'épanouit  sur 
l'océan  Atlantique.  Peut-être  pourrait- 
elle  être  subdivisée  en  bandes  succes- 
sives ,  qui  tireraient  leurs  caractères 
spéciaux  de  la  prédominance  de  cer- 
tains genres ,  si  des  notions  moins 
vagues  et  moins  bornées  permettaient 
de  déterminer  avec  quelque  assurance 
levr  distribution.  Le  désert  a  des  buis- 
sons de  gommiers ,  l'agoul  ou  herbe 
du  pèlerin  ,  quelques  poacées  et  pani- 
cées  y  entre  autres  le  kaschya,  incom- 
mode au  voyageur  par  les  piquants  de 
son  calice,  une  capparidée,  appelée 
souag ,  et  un  petit  nombre  d'autres 
plantes  chétives  et  glauques.  Le  pal- 
mier doum  et  le  sounip  ou  balanite  ca- 
ractériseraient ensuite  la  bande  la  plus 
voisine  du  désert;  puis  viendraient  tour 
à  tour  le  baobab,  les  fromagers,  le  pal- 


mier élaïs,  le  khaïr,  le  nété,  les  ar- 
bres à  beurre,  le  kola  ou  gourou ,  les 
cypéracées ,  etc. ,  non  par  divisions 
juxtaposées ,  mais  par  succession  de 
plus  grande  fréquence  au  milieu  de  la 
lusion  commune.  Outre  les  fruits  et  les 
autres  produits  que  le  nègre  retire  de 
ces  arbres,  tels  que  le  vin  et  l'huile  de 
palme ,  le  beurre  végétal ,  etc. ,  il  re- 
cueille pour  sa  nourriture  le  miel ,  le 
maïs,  le  manioc,  les  ignames,  quelques 
légumes ,  la  banane ,  la  goyave ,  l'o- 
range, le  limon ,  les  fruits  dû  papayer, 
du  tamarin,  et  nombre  d'autres;  il 
cultive  aussi  le  coton ,  l'indigo ,  le  ta- 
bac :  mais  c'est  la  végétation  spontanée 
sur  laquelle  est  basée  notre  réparti- 
tion. 

La  vallée  du  Nil ,  appartenant  à  la 
fois  aux  trois  zones ,  conduit  de  l'une 
à  l'autre  par  un  passage  insensible  ;  la 
basse  Egypte  se  lie,  par  la  Cyrénaïque, 
à  la  lisière  barbaresque  ;  à  Thèbes  se 
montrent  le  palmier  doum  et  le  bala- 
nite; en  Nubie  paraît  le  baobab;  et  dans 
les  mares  de  l'Abyssinie  se  retrouve  le 
souchet  papyrier  des  bords  du  Kouan- 
go  et  de  ceux  du  Schâry ,  comme  le 
sésame  ptérosperme  du  Bornou;  la 
flore  d'Aoyssinie  tend  d'ailleurs  à  se 
rapprocher  de  celles  de  Mozambique  et 
du  Cap  :  les  pélargoniers  et  les  protées 
s'y  montrent  déjà. 

Quant  à  l'Arabie,  elle  n'offre  qu'une 
prolongation  des  zones  africaines,  de- 
puis les  gommiers  et  les  balanites  jus- 
qu'aux mesembryanthèmes  et  aux  sta- 
pélias;  le  café  lui-même,  qui  fait  la 
renommée  de  Mokhâ^  ne  serait ,  de 
l*aveu  des  Arabes,  qu'une  importation 
de  l'Abyssinie. 

ZOOLOGIE. 

La  faculté  locomotive  qui  distingue 
le  règne  animal  rend  plus  difficile  la 
distribution  du  sol  par  régions  zoolo- 
giques; peut-être  cependant  une  con- 
naissance plus  étendue  des  circonstan- 
ces spéciales  d'habitat  pour  certains 
genres  ,  certains  ordres ,  certaineai 
classes  même ,  permettra-t-elle  de  dé- 
terminer ultérieurement  quelques  cen- 
tres de  fréquence  pour  ceux  dont  l'u- 
biquité est  plus  restreinte;  mais  ce 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


n*est  point  dans  Tétat  incomplet  et 
vague  des  notions  actuelles  qu'il  est 
possible  de  se  livrer  avec  assurance  à 
cette  zoographie  dianémétique.  Nous 
devons  nous  borner,  quant  a  présent, 
à  indiquer,  pour  Tensemble  du  conti- 
nent africain,  la  physionomie  caracté- 
ristique que  lui  procurent  les  animaux 
répandus  à  sa  surface  ou  le  long  de 
ses  contours ,  depuis  le  polype  qui  est 
au  bas  de  Téchelle  jusqu'à  l'homme 
qui  en  occupe  le  sommet. 

Invektébrés.  —  De  nombreux  zoo- 
phytes  végètent  autour  de  l'Afrique  : 
le  plus  remarquable  est  le  corail  rouge, 
dont  les  Européens  font  des  pêches 
réglées  ;  l'éponge  fait  l'objet  d'un 
commerce  assez  considérable  ;  des  co- 
rallines,  des  madrépores,  des  gorgo- 
nes, des  alcyons,  des  polypes  de  toute 
forme  abondent  sur  le  littoral,  où  se 
trouvent  aussi  quantité  d'échinoder- 
mes  et  d'acalèphes;  nous  ne  devons 
pas  oublier,  entre  les  helminthes  ,  le 
ver  de  Guinée,  filaire  qui  s'insinue  sous 
la  peau  de  l'homme,  et  lui  cause  à  la 
longue  les  plus  cuisantes  douleurs.  Les 
mollusques  maritimes  appartiennent . 
aux  mers  et  non  aux  côtes  :  l'Atlanti- 
que amène  sur  le  littoral  des  seiches 
que  l'on  dit  colossales  ;  la  spirule  n'est 
point  rare  dans  les  parages  du  Séné- 
gal ;  le  nautile  se  montre  en  nombreu- 
ses flottes  aux  environs  du  cap  de 
Bonne-Espérance;  la  janthine  pour- 
prée se  fait  remarquer  le  long  du  rivage 
narbaresque  ;  les  doris,  les  aplysies 
abondent  dans  la  mer  Kouge.  Parmi 
les  fluviatiles,  M.  Gaillaud  a  fait  con- 
naître les  éthéries  du  Nil  :  les  terres- 
tres sont  presque  complètement  igno- 
rés. Entre  les  annelides,  nous  nous 
contenterons  de  signaler  la  sangsue  du 
Sénégal ,  que  l'on  a ,  dans  ces  derniè- 
res années,  tenté  de  naturaliser  aux 
Antilles  et  à  Cayenne.  Le  plus  vorace 
des  insectes  africains,  c'est  la  saute- 
relle voyageuse,  fléau  aussi  terrible  que 
l'incendie,  qui  anéantit  les  récoltes,  et 
dont  les  essaims  immenses  obscurcis- 
sent le  jour  (sans  que  cette  expression 
ait  aucune  exagération  métaphorique)  ; 
les  fourmis  et  les  termites  font  aussi 
de  grands  ravages  ;  le  ssalssalyah  du 


13 

Sennâr,  resté  inconnu  à  Sait,  mais 
retrouvé  par  Rûppel ,  est  loin  d'être 
aux  hommes  et  aux  animaux  un  aussi 
redoutable  ennemi  que  l'avait  proclamé 
Bruce  ;  les  mosquites,  les  abeilles,  les 
scolopendres  à  la  piqûre  douloureuse, 
et  mille  autres  insectes  divers ,  méri- 
teraient également  une  mention.  Parmi 
les  aranéides  nous  devons  citer  la  ta- 
rentule qui  abonde  en  Barbarie,  le 
tendaraman  ou  araignée  venimeuse  de 
Marok ,  la  mygale  à  robe  veloutée  de 
la  Sénégambie ,  et  l'araignée  du  Cap , 
toutes  fort  dangereuses;  le  scorpion 
est  également  redoutable,  et  plus  fré- 
quent, ainsi  que  le  galéode  qui  lui  est 
analogue.  Entin ,  parmi  les  crustacés , 
on  trouve  mentionnés  par  les  voya- 
geurs des  homards ,  des  crabes ,  des 
langoustes,  des  chevrettes. 

Poissons.  —  Passons  aux  vertébrés. 
Les  poissons  maritimes  qu'on  pêche 
aux  atterrages  d'Afrique  sont  ceux  des 
mers  qui  baignent  ces  côtes;  et  auant 
aux  poissons  des  fleuves,  on  nen  a 
encore  étudié  qu'un  nombre  fort  res- 
treint :  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire  a 
décrit  ceux  du  Nil ,  parmi  lesquels  se' 
font  remarquer  l'énorme  bichir ,  des 
silures  et  des  pimélodes,  dont  les  ana- 
logues ont  été  retrouvés  au  Congo,  des 
coffres,  etc.  Les  rivières  occidentales 
ont  fourni  de  curieux  acanthopodes , 
des  gymnarques,  des  sciènes,  quelques 

Eoissons  qui  vivent  dans  la  vase ,  et 
eaucoup  d'autres  encore  mal  connus. 
Les  poissons  d'eau  douce  paraissent 
d'une  extrême  rareté  dans  la  région 
australe  ;  on  n'y  a  guère  signalé  que 
le  silure  à  tête  plate  et  la  carpe  gono- 
rhynque. 

Reptiles.  —  Les  reptiles  parais- 
sent fort  multipliés ,  plus  toutefoi»  par 
le  nombre  des  individus  que  par  la 
variété  des  espèces.  Les  plus  remar- 
quables sont,  parmi  les  lézards,  ces 
crocodiles  et  ces  caïmans  ou  alligators 
qui  peuplent  les  grands  fleuves  ;  les 
monitors  ou  ouarans  du  Nil  et  du 
Kouango  ;  les  iguanes  de  Guinée;  les 
cordyles  du  Cap  ;  les  geckos  immondes 
du  Caire  et  de  Madagascar  ;  les  scin- 
ques  du  Fezzan  et  des  régions  du  haut 
Nil ,  si  prompts  à  disparaître  sous  le 


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14 


L'tJNiVERlâ. 


êol  ',  et  (HBê  ôartiéléôrts  dOflt  les  dfter^es 
affections  sensitltes  et  peignent  sur  la 
peau  en  eouleurs  changeantes.  On  a 
obser? é  peu  de  batraciens,  mais  parmi 
eux  i  des  crapauds  énormes  et  des  sa- 
lamandres. Les  fleures  et  les  rivières 
offrent  beaucoup  de  tortues  soit  de 
mer ,  soit  d'eau  douce ,  et  la  tortue 
terrestre  d'Europe  est  aussi  fort  ré- 
pandue en  Barbarie.  Entre  les  serpents 
on  cite  Fénorme  boa,  mais  à  tort, 
les  grands  serpents  d'Afrique  parais- 
sant appartenir  au  genre  python  ;  le 
céraste  et  d'autres  espèces  venimeuses 
ont  surtout  été  signalés  dans  la  région 
du  Gap;  des  vipères  d*une  nouvelle  es- 
pèce ont  été  recueillies  au  Sénégal;  TaS- 
pic ,  et  surtout  Vurssus  ou  naia ,  sont 
fameux  dans  Thistolre  de  l'Egypte. 

Oiseaux.  —  Trop  souvent  simples 
hôtes  passagers ,  les  oiseaux  ne  four- 
nissent point  un  des  traits  le§  plus 
saillants  dans  la  physionomie  zoolo- 
gique du  sol  ;  cependant,  sur  environ 
six  cent  cinquante  espèces  qui  se  trou- 
vent en  Afrique,  près  de  cinq  cents  lui 
appartiennent  en  propre  :  c'est  un  trei- 
zième de  la  totalité  des  espèces  cott- 
nues.  Les  plus  nombreuses  sont,  dans 
Tordre  des  promeneurs,  les  passereaux 
si  variés ,  les  hochequeues ,  les  gobe- 
mouches,  les  merles,  les  loriots,  les 
rolliers ,  les  troupiales ,  les  pique- 
bœufs,  les  calaos,  les  hirondelles,  les 
soui-mangas,  les  guêpiers,  les  martins* 
pécheurs ,  les  pies-grièches ,  les  mé- 
sanges ,  les  alouettes ,  le  çrinon  dont 
le  bec  est  accompagné  à  sa  base  de 
soies  longues  et  rudes.  Puis,  parmi  les 
oiseaux  de  proie ,  on  compte  les  vau- 
tours, les  griffons,  les  percnoptèreS , 
les  aigles,  les  pygargues,  les  éperviers, 
les  buses,  les  faucons,  les  messagers,  et 
la  plupart  des  raçaces  nocturnes.  Les 
grimpeurs  fournissent  beaucoup  de 
perroquets  et  de  perruches,  des  tou- 
racos ,  des  couroucous ,  des  coucous , 
aux  riches  plumages.  Entre  les  gallina- 
cés on  remarque  des  pigeons  varlés.tels 
que  la  tourterelle  à  collier  du  Sénégal 
et  de  r Afrique  australe,  et  le  pigeon 
vert  d'AbySsînie  et  de  Guinée;  des 
perdrix,  cfes  cailles ,  des  tétras ,  et  la 
pintade  qui  appartient  spécialement  à 


l'ancienne  Numidie  :  le  dronte^  qu^on 
voyait  jadis  à  l'tle  de  France  et  dans 
quelques  parties  du  continent ,  ne  se 
rencontre  plus,  et  peut-être  a-t-il  en- 
tièrement disparu  du  ^lobe.  Les  échas- 
siers  offrent  des  falcmelles ,  des  plu- 
viers, des  vanneaux,  des  grues,  des 
hérons ,  des  cigognes ,  entre  autres  la 
Cigogne  à  sac  de ïâ  côte  orientale;  des 
ombrettes ,  des  flamants ,  des  spatu- 
les ,  l'ibis ,  oiseau  sacré  de  l'ancienne 
Egypte,  des  courlis,  des  bécasses,  des 
râles,  des  poules  d'eau.  Dans  les  pal- 
mipèdes on  trouve  le  canard  et  l'oie, 
le  pélican ,  le  Cormoran ,  la  frégate , 
Tanhinga ,  le  fou,  le  manchot  ;  on  voit 
de  plus,  sur  les  côtes,  des  goélands, 
des  pétrels ,  des  albatros.  Mais  le  plus 
remarquable  de  tous  les  oiseaux  de 
cette  partie  du  monde,  c'est  l'autru- 
che ,  compagne  habituelle  du  zèbre  ou 
de  la  girafe,  et  dui  vit  en  troupes  dans 
le  Ssàhhrâ  ;  il  laut  mentionner  aussi 
plusieurs  espèces  d'outarde,  vivant  pa- 
reillement en  troupes  en  compagnie  de 
la  gazelle. 

MAMJilFiBES. — A  mesure  que  l*on 
remonte  l'échelle  zoologique ,  des  no- 
tions plus  précises  et  plus  nombreuses 
permettent  de  reconnaître  mieux  la 
physionomie  particulière  et  tranchée 
que  l'Airique  présente  sous  ce  point 
ae  vue.  Cette  spécialité  d'aspect  est 
surtout  remarquable  pour  les  mammi- 
fères; elle  possède  un  quart,  à  peu 
près,  des  espèces  connues,  et  sur  cette 
quantité  un  sixième  seulement  (ou  un 
vingt-quatrième  de  la  masse  totale  ) 
étend  son  habitat  sûr  d'autres  ter- 
res. 

Il  est  vrai  de  dire ,  toutefois ,  que 
les  ordres  qui  ne  s'offrent  à  l'étude  de 
l*homme  qu'en  des  rencontres  rares  et 
fortuites,  en  même  temps  qu'indiffé- 
rentes, ont  naturellement  moins  éveillé 
son  attention.  Ainsi ,  parmi  les  céta- 
cés proprement  dits,  les  voyageurs 
n'ont  guère  mentionné  que  les  dau- 
phins soufQeurs  et  les  marsouins,  fré- 
quents dans  les  mers  d'Afrique.  Ils 
ont  remarqué  aussi ,  à  l'embouchure 
des  fleuves ,  ce  curieux  lamentin  qui , 
sans  doute ,  ^t  le  type  des  fabuleuses 
syrènes  de  l'antiquité.  Us  ont  vu  pa- 


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HISTOIM!  DÉ  L'AWlIQUE. 


15 


reiltefflêiit  Èot  les  éôïtâ  qudques  am^ 
phibied,  du  moind  le  phoque  commun 
et  le  lion  de  mer. 

Les  pachydermes  sont  répandus  en 
Afrique  dans  une  proportion  très-for* 
te,  et  Ton  peut  estimer  que  les  deut 
cinquièmes  des  espèces  connues  appar^ 
tiennent  en  propre  à  ce  continent. 
Entre  les  ruminants,  le  genre  antilope 
est  particulièrement  développé  ;  ses 
espèces  les  plus  remarquables  sont  lé 
canna  ou  élan  du  Cap,  et  le  gnou,  qui 
existe  sotis  ce  même  nom  eu  Guinée 
comme  dans  le  Sud  ;  mais  11  ne  faut 
guère  s'attendre  à  y  rencontrer  la  fa- 
buleuse licorne  des  anciens,  que  des 
rapports  indigènes  persistant   tiédH* 
moms  à  signaler  encore  dans  l'ouest 
du  Dâr-Four,  mais  que  Cuvier  suppo- 
sait avoir  été  imaginée  diaprés  un  pro- 
fil égyptien  de  l'oryx  recticorne;  le 
mouflon  traîne  une  énorme  et  pesante 
queue  ;  le  bœuf  à  bosse  sert  de  mon- 
ture, de  béte  de  somme  «t  d%  trait 
dans  toute  la  Nigfitle,'  le  bœuf  gaÏÏâ 
porte  des  cornes  immenses  ;  le  bufQe 
saurage  du  Cap  est  remarquable  par  sa 
grosseur  et  sa  férocité;  la  girafe  ha- 
bite depuis  TÉgypte  jusqu*au  Gariep  ; 
te  dromadaire  ou  chameau  à  une  bosse 
est,  comme  on  sait,  le  navire  du  dé' 
serf,  En^e  les  pachydermes  non  ru- 
minants,  le  premier  rang  est  dû  à 
l'éléphant  africain ,  différent  de  celuî 
d'Asie  par  ses  molaires  losangées,  soo 
front  cooTCxe ,  sa  tête  ronde ,  et  set 
immenses  oreilles  :  on  le  rencontre 
4epuls  la  limite  du  Ssahhrâ  jusqu'au 
cap d« Bonne-Espérance;  le  rhinocéros 
à  deux  cornes  a  été  trouvé  en  Abys- 
lioie  comme  au  Cap  ;  l'hippopotame , 
qui  a  disparu  depuis  longtemps  des 
etuï  du  ni  I ,  se  montre  dans  tous  les 
pands  ileuTes  de  la  région  australe  : 
te  phacochère  à  défenses  énormes  a  été 
TU  an  cap  Vert  en  même  temps  que 
dam  le  Sud ,  où  se  rencontre  aussi  le 
sangler  à  masque,  différent  du  san* 
glîer  éthlopique  du  Sénégal.  Le  zèbre 
et  le  eoaagga  sont  répandus  dans  le* 
parties  centrales  et  méridionales;  le 
elkeval  et  l'âne  sont  élevés  principale- 
ment dans  le  Nord  ;  Shaw  y  Jivait  signa- 
lé aussi  le  kumrah,  proâult  hybride 


du  baudet  et  de  la  tache,  que  Rozet 
ii'a  pu  retrouver. 

Quant  aux  quadrupèdes  onguiculés, 
les  moins  nombreux  en  Afrique  sont 
les  édentés,  parmi  lesquels  nous  n'a- 
vons à  citer  que  Toryctérope  du  Cap 
et  le  kouaggelo  ou  pangolin  à  longue 
queue,  à  écailles  mooiles  et  tranchan- 
tes, qui  habite  au  Sénégal  et  en  Gui- 
née. Dans  les  rondeurs  on  remarque 
nlusieurs  espèces  d'écureuils  à  riches 
fourrures,  les  gerboises  du  désert, 
Taye-aye  de  Madagascar,  le  rat- taupe 
et  le  rat-sauteur  ou  Cap,  des  rats  va- 
riés ,  entre  autres  la  souris  du  Caire 
armée  de  piquants,  le  porc -épie  à 
crête ,  et  quantité  de  lièvres  et  de  la- 
pins. Les  carnassiers  sont  répandus  en 
grand  nombre  sur  le  continent  :  le 
lion ,  la  panthère ,  le  léopard ,  l'once , 
le  lynx,  le  caracal,  le  serval,  y  sont  l'ef- 
froi du  voyageur;  l'hyène  vient  en 
troupes  dans  les  villes  pendant  la  nuit; 
le  loup  et  le  chacal  abondent  ;  le  re- 
nard a  été  signalé  dans  le  Nord  et  dans 
le  Sud  ;  le  chien ,  hôte  dédaigné  dans 
la  demeure  de  TArabe,  lui  montre  en 
retour  peu  d'attachement,  et  il  est  re- 
devenu tout  à  fait  sauvage  au  Congo; 
le  fennec  de  l'Abyssinie  et  du  Belêd- 
el-Géryd,  qui  semble  devoir  être  rap- 
porté au  même  genre ,  est  caractérisé 
par  ses  longues  oreilles  de  lièvre  ;  la 
civette  se  rencontre  presque  partout , 
et  l'ichneumon ,  jadis  adoré  en  Egyp- 
te, continue  son  incessante  guerre  aux 
reptiles  ;  enflfi  l'ours,  dont  Cuvier  ré- 
voquait en  doute  l'existence  sur  le  £ol 
africain  ,  paraît  du  moins  y  être  ex- 
trêmement rare  ;  il  ftiVii  citer  encor* 
plusieurs  espèces  de  hérissons,  la  mu- 
saraigne et  la  chrysochlore  du  Cap  à 
robe  dorée,  le  tenrec  de  Madagascar, 
et  diverses  taupes.  Patmi  les  chéiroptè- 
res, l'Afrique  possède  diverses  espèces 
de  chauves-souris ,  dont  la  plus  grosse 
est  la  roussette,  recherchée  à  Mada* 
gascar  et  à  Maurice  comme  un  mets 
comparable  au  faisan  et  à  la  perdrii  ; 
les  nyctères  et  les  rhinolophes  méri- 
tent aussi  une  mention.  Quant  ant 
quadrumanes,  l'Afrique  possède  à  elle 
seule  plus  d'un  quart  de  la  totalité  des 
rindrl  paraît,  Il  est  vrai, 


i 


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16 


L^UNIVERS. 


spécial  à  Madaj^ascar  ;  mais  les  gala- 
gos  et  les  makis  à  longue  queue  sont 
nombreux  dans  toute  la  Nigritie.  Entre 
les  singes,  le  genre  cynocéphale  est 
représenté  par  des  espèces  yariées, 
presque  toutes  grandes,  fortes  et  mé- 
chantes; les  guenons  sont  aussi  fort 
multipliées  :  et  dans  le  genre  si  remar- 
quable des  orangs,  c'est  l'Afrique  qui 
nous  offre  la  plus  remarquable  des  es- 
pèces ,  ce  curieux  chimpansé  dont  les 
bras  sont  moins  longs,  la  taille  plus 
haute,  rintelligence  moins  étroite  que 
chez  Torang-outan^  de  Bornéo,  et 
qui  se  rapproche  ainsi  de  Fhomme 


d'une  manière  encore  plus  frappante» 
rfulle  part,  au  surplus,  cette  res- 
semblance singulière  ne  pouvait  pa- 
raître aussi  prodigieuse  qu  en  Afrique, 
car  la  nature  y  a  réuni ,  comme  une 
nouvelle  preuve  de  Tenchaînement  inin- 
terrompu de  tous  les  êtres ,  à  coté  de 
ce  singe  si  voisin  de  l'homme,  l'homme 
le  plus  voisin  du  singe ,  ce  bushman 
abruti ,  qui ,  d'un  autre  côté,  se  lie, 
sur  le  même  sol ,  à  travers  une  série 
de  variétés  intermédiaires,  à  celles  qui 
sont  regardées  comme  le  type  le  plus 
parfait  de  ^espèce  humaine. 


SECONDE    SECTION. 

DES    PEUPLES   AFRICAINS. 


ETHNOLOGIE   AFRICAINE. 


MULTIPLICITE  DES  BAGES  HUMAINES. 

A  ces  mots  d^espèce  humaine  se 
rattache  une  grande  question  débattue 
parmi  les  adeptes  des  sciences  natu- 
relles :  celle  de  savoir  si  l'homme  cons- 
titue à  la  fois  un  ordre,  un  genre  et  une 
espèce  uniques,  conservant  invaria- 
bles tous  les  caractères  fondamentaux 
de  l'ordre,  du  genre,  de  Tespèce,  et  ne 
laissant  percer  de  diversité  que  dans 
ces  caractères  accessoires  et  accidentels 
de  forme  et  de  cqM'eur,  que  la  science 
considère  d'habitude  comme  les  signes 
diacritiques  des  simples  variétés  ;  ou 
s'il  faut  l'admettre  comme  un  genre 
subdivisé  en  plusieurs  espèces  distin- 
guées entre  elles  par  des  caractères 
tranchés,  constants,  ineffaçables  :  en 
d'autres  termes,  si  l'Européen,  le  Mon- 
gol et  le  Nègre ,  qui  offrent  les  trois 
types  les  plus  divergents,  peuvent  être 
ramenés  a  une  souche  commune,  ou 
s'ils  ont  chacun  des  caractères  spé- 
ciaux ,  entre  lesquels  des  croisements 
à  divers  degrés  peuvent,  il  est  vrai, 
avoir  produit  des  variétés  nombreu- 
ses, mais  qui  sont  fondamentaux  pour 


chaoue  type  et  ne  sauraient  permuter 
de  1  un  à  l'autre. 

On  cherchera  peut-être  longtemps 
encore  dans  les  traditions  bibliques  des 
arguments  contre  la  multiplicité  origi- 
nelle des  espèces  dans  le  genre  hu- 
main ;  mais  en  invoquant ,  contre  les 
résultats  des  études  scientifiques ,  un 
témoignage  présenté  comme  dogmati- 

Î[ue ,  on  oublie  trop  que  les  textes  al- 
égués  ne  sont  produits  qu'à  travers 
une  interprétation  grammaticale  ^ui 
n'est  point  incontestée,  et  une  exégèse 

Î>lus  contestable  encore  :  et  d'ailleurs 
e  prophète  s'écriant  que  la  peau  du 
nègre  ne  peut  changer  de  couleur,  pas 
plus  que  celle  de  la  panthère  ne  peut 
cesser  d'être  mouchetée  (*),  n'apporte- 
t-il  point  un  argument  de  même  valeur 
à  l'hypothèse  contraire  ?  Loin  d'ad- 
mettre que  la  Genèse  ait  voulu  fis^ire 
descendre  de  l'unique  Noé  toutes  les 
ramifications  de  la  grande  famille  hu- 
maine, nous  soutiendrions  volontiers 
la  thèse  que  l'écrivain  génésiaque  n'a 
voulu  désigner  que  les  trois  grands 

.    (*)  Jérémie,  xiii,  a3« 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


17 


rameaux  de  la  race  blanche,  individua- 
lisés pour  nous  dans  les  trois  types 
grec,  ^ptien,  et  syriaque,  dont  les 
traditions  respectives  ont  conservé  à 
travers  les  siècles,  comme  un  témoi- 
gnage indélébile  de  la  véracité  de  Moï- 
se, les  noms  de  Japet,  de  Hham  et  de 
Schém;  mais  sans  aborder  digression- 
neilement  une  question  aussi  vaste, 
hâtons-nous  de  dire  qu'à  nos  ]reux  les 
textes  bibliques  ^ont  fort  désintéres- 
sés dans  les  doutes  que  soulève  celle 
de  l'unité  ou  de  la  multiplicité  des 
espèces  dans  le  genre  humam. 

A  ne  considérer  cette  dernière  ques- 
tion gue  sous  un  aspect  purement 
scientifique ,  on  ne  tarde  point  à  re- 
connaître que  la  controverse  roule  en 
majeure  partie  sur  l'acception  réelle 
des  mots  espèce  y  variété;  et  l'on  peut 
considérer  que  si,  d'un  autre  côté,  les 
partisans  de  T unité  d'espèce  restent  en 
deçà  des  concessions  qui  semblent  in- 
dispensables, leurs  antagonistes  vont 
fans  doute  beaucoup  au  delà  en  ad- 
mettant autant  d'espèces  qu'ils  ont 
reconnu  de  types  plus  ou  moins  tran- 
chés, bien  que  les  cadres  les  plus  lar- 
ges qu'ils  aient  tracés  ne  comprennent 
point  encore,  tant  s'en  faut,  tous  les 
t)rpes  différents  que  présente  l'Afrique. 

GBANDES  DIVISIONS  DU  GBNBE    . 
HUMAIN. 

Nous  ne  saurions  prétendre  établir 
ici  une  nouvelle  classification  du  genre 
I  humain  ;  mais  il  nous  importe  du 
moins  d'indiquer  en  gros  guelle  place 
I  occupent  les  types  africains  dans  le 
'  vaste  tableau  aes  populations  du  glo- 
be. Sans  nous  restreindre  aux  trois 
variétés  de  Link  et  de  Cuvier ,  ou  aux 
cinq  variétés  deBlumenbach,  ni  même 
anx  deux  espèces  de  Virey,  sans  débor- 
der non  plus  jusqu'aux  onze  espèces 
de  Desmoulins  ou  aux  quinze  espèces 
de  Bory  de  Saint- Vincent,  nous  pren- 
drons comme  un  mezzo  termine  com- 
mode les  trois  divisions  principales  et 
deux  divisions  subordonnées  dans  la 
eoordinàtion  desquelles  Swainson  a 
concilié  les  classifications  de  Cuvier  et 
de  Blamenbach  :  dans  ces  grandes 
eoapes  viennent  se  ranger ,  à  titre  de 


variétés,  les  nombreuses  espèces  de 
Bory  de  Saint-Vincent,  et  celles  qu'il 
faut  ajouter  à  son.  incomplète  nomen- 
clature. Sans  nous  détenir  à  montrera 
comment  le  zoologiste  anglais ,  s'éle- 
vant  sur  les  idées  de  Mac-Leay,  établit 
dans  toute  section  naturelle  du  règne 
animal  une  subdivision  tripartite  pré- 
sentant un  type,  un  sous-type,  et  un 
groupe  aberrant  ou  moins  développé, 
compo3é  à  son  tour  de  trois  groupes 
secondaires  dont  un  principal  et  deux 
subordonnés,  nous  supposerons  de 
prime  abord  que  l'espèce  blanche  ou 
caucasique  est  le  type  fondamental  du 
genre  humain ,  l'espèce  jaune  ou  mon- 
golique  le  sous-type,  et  l'espèce  éthio- 
pique  le  groupe' aberrant,  formé  des 
trois  sous-espèces  nègre ,  américaine 
et  malaie ,  dont  la  première  se  lie  à 
l'espèce  blanche  par  la  sous-espèce  amé- 
ricaine ou  rouge ,  et  à  l'espèce  jaune 
par  la  sous-espèce  malaie  ou  brune. 
Poursuivant  l'application  de  la  même 
méthode,  on  peut  classer  l'espèce  blan- 
che en  trois  variétés  qui  seraient  ainsi 
échelonnées ,  savoir  :  la  variété  japé- 
tique  ou  indo-germanique  constituant 
le  groupe  normal ,  la  variété  schêmî* 
tique  ou  syro-arabe  offrant  le  sous- 
type,  et  la  variété  hhamitique  ou  plié- 
nico- égyptienne  formant  le  groupe 
aberrant,  dans  lequel  il  faudrait  pro- 
bablement compter  comme  sous -va- 
riétés les  Messryles,  les  Kouschytes  et 
les  Kananéens ,  ces  derniers  servant 
de  lien  avec  la  variété  japétique,  et  les 
Kouschytes  se  rapprochant  davantage 
de  la  variété  schêmitique. 

Les  races  blanches  africaines  repré- 
sentent ,  autant  à  raison  de  leurs  gé- 
néalogies traditionnelles  que  par  la 
persistance  des  caractères  physiques , 
toutes  ces  grandes  sections  de  l'espèce 
blanche,  dont  la  coordination  présen- 
tait dès  lors  ici  un  intérêt  direct  et 
immédiat. 

L'espèce  jaune ,  sans  être  complète- 
ment désintéressée  dans  l'ethnologie 
africaine,  ne  laisse  toutefois  aperce- 
voir qu'une  liaison  éloignée,  immémo- 
riale ,  et  dont  la  trace  n'est  pourtant 
pas  entièrement  perdue,  entre  le  Cop- 
te, héritier  dégénéré  de  l'antique  peu- 


3*  lÂoraUm.  (Hist.  db  x.*Afeique.) 


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18 


L'UNIVERS. 


p|e  d'Egypte ,  et  le  Chinois ,  variété 
sous-type  dans  l'espèce  mongole ,  où 
le  groupe  aberrant  paraît  formé  par 
les  sous-varietés  hyperboréennes. 
,  Quant  à  l'espèce  éthiopique,  la  sous- 
espéce  nègre ,  qui  en  constitue  le  type 
uorrnal  )  appartient  essentiellement  à 
^  l'Afrique;  mais  pour  coordonner  dans 
i^n  classement  rationnel  les  variétés 
de  celle-ci ,  il  serait  indispensable  de 
réunir  des  notions  beaucoup  plus  éten- 
dues et  plus  précises  que  nous  n'en 
possédons  encore  sur  les  populations 
susceptibles  de  figurer  dans  ce  cadre  : 
ce  n'est  donc  qu'à  titre  d'hypothèse 
aventurée  et  conjecturale  que  nous  dé- 
sigperioï^s  le  Nègre  africain  propre- 
ïpent  dit  comme  variété  type,  le  Papou 
de  l'Océanie  comme  sous-type ,  et  que 
UQUS  placerions  dans  le  groupe  aber- 
rant le  Hottentot,  le  Kafre  et  l'Al- 
fourous.  Puis,  dans  la  variété  nègre 
propreqient  dite,  il  est  impossible  de 
mécQnpaitreque  des  subdivisions  sont 
lâi^mmandées  par  des  différences  frap- 
pmt^s  entre  les  belles  races  du  Nord 
et  celles  qui  vers  le  Sud  se  rappro- 
chent du  Hottentot  par  les  formes  cor- 
porelles ;  mais  les  indications  éparses 
et  incoinpiètes  qui  laissent  apercevoir 
ces  diversités  tranchées  ne  suffisent 
point  à  en  esquisser  la  distribution 
synthétique  :  la  détermination  des  ty- 
pes ,  Ja  recherche  des  éléments  géné- 
rateurs de^  populations  hybrides,  sou- 
ièveut  à  chaque  pas  d'inextricables 
difUcultés. 

CLASSIFICATION  DES  BACE8   AFBl- 
CAINES. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  essais  de 
classification ,  les  races  africaines  qui 
doivent  trouver  leur  place  dans  ce  ta- 
bleau d'ensemble  peuvent  être  énu- 
mérées  en  gros  dans  l'ordre  suivant , 
corrélatif  à  la  disposition  systématique 
des  groupes  naturels,  eu  égard  aux 
affinités  les  plus  marquées  : 

1°  Les  races  européennes ,  qui  ont 

formé  des  colonies  disséminées  sur 

toute  la  périphérie  et  dans  les  îles,  y 

.  compris  la  race  turke,clair-semée  dans 

les  pays  de  la  côte  septentrionale^ 


2^  Les  races  arabes  répandues  sur 
les  cdtes  orientales  jusqu'à  Spfalah  et 
Madagascar,  dans  toute  l'Egypte ,  sur 
la  lisière  boréale  le  long  de  la  Médi- 
terranée, sur  le  littoral  atlantiquç  jus- 
qu'au Sénégal,  et  étendues  à  une  assez 
grande  profondeur  daq$:  le  désert, 
dont  elles  occupent  encore  les  parties 
austro-orientales. 

3°  La  race  copte,  au  teint  jaune 
foncé,  au  nez  court  et  droit,  aux  gros- 
ses lèvres ,  au  visage  bouffi ,  qui  tend 
à  s'effacer  chaque  Jour  davarjtage  du 
sol  de  l'Egypte ,  et  ^ui  semble ,  ainsi 
que  nous  râvons  déià  remarqué ,  con- 
server la  trace  de  1  ancienne  infusion 
d'un  élément  mongol  ou  chinois. 

4"  «Les  racés  houschytes ,  au  teint 
nigrescent,  au  nez  presque  aquilin,  à 
la  bouche  moyenne,  au  visage  ovale, 
qui  peuplent  l'Abyssinie  et  une  partie 
du  littoral  de  la  mer  Rouge  sous  les 
noms  de  Hhabe^yn,  Danaqyl,  Scho- 
hou,  Ababdeh;  la  plupart  de  ces  na- 
tions, sinon  toutes,  se  dénon^mant 
elles-mêmes  agà*zi/ân^  ou  pasteurs. 
Peut-être  divers  éléments  asiatiques  et 
africains  s'y  sont-ils  fondus  dans  des 
proportions  diverses  ;  les  traces  d'une 
infiltration  nègre  sont  aisément  sai- 
sissables,  et,  d'un  autre  côté,  le  noyau 
semble  offrir  une  grande  analogie  avec 
les  castes  inférieures  de  l'Inde,  ijuoi 
qu'il  en  soit  de  l'origine  indigène  ou 
étrangère  de  ces  peuples,  toujours  est- 
il  que  l'Afrique  iseule  les  possède  au- 
jourd'hui ;  quelques  rameaux  détachés 
s'en  retrouvent  sur  ia  côte  de  Zan- 
guebar  et  parmi  les  populations  ber- 
bères. 

5*  Celles-ci  forment  l'un  des  groupes 
les  plus  remarquables  du  continent,  où 
elles  occupent  les  régions  montagneu- 
ses du  Nord ,  et  les  parties  centrales 
du  Ssahhrâ,  depuis  l'F^gypte  jusqu'à 
l'océan  Atlantique  et  aux  Canaries,  et 
depuis  la  Méditerranée  jusqu'à  Ten- 
Boktoue  et  Kasynah ,  peut-être  même 
jusqu'au  delà  du  lac  Tchad  ,  sous  les 
dénominations  diverses  de  ScheJouhb, 
Berêber,  Qabâyl,  Touârçji ,  SAur4jâ  et 
autres,  que  leur  donnent  leurs  voisiQ3 
arabes  ou  nègres,  et  sous  l'appeliatioa 
générale  de  Amaxygh,  ^'«sl-à-cUirp 


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HISTOIRE  Î>E  L'AFRIQUE. 


nobles,  ou  de  Amazerqty  c'est-à-dire 
libres,  qu'ils  se  donnent  eux-mêmes  : 
réunion  d'élémenjs  fort  divers,  les 
uns  blaacSf  d'autres  hâlés,  la  plupart 
olivâtres,  quejques-uns  presque  noirs; 
un  front  éfrôit,  une  figure  ovale,  àes 
traits  arrondis,  des  yeux  foncés  et 
cruels,  des  cheveux  noirs  et  rudes 
Semblent,  avec  le  teint  olivâtre,  carac- 
tériser, au  milieu  de  cette  aggloméra- 
I       tion  confuse,  une  souche  primordiale, 

?ue  les  traditions  désignent  comme 
ana'néenne,  mais  qui,  d'une  part, 
\      s'est  nourrie  d'une  sève  dérobée  aux 
races  nègres^  et  sur  laquelle,  d'autre 
part ,  sont  venus  s'enter  de  puissants 
rameaux  japétiques. 

6"  Du  nnilieu  des  races  nègres  se 
détache  une  population  métive,  à  cou- 
leur tannée  ou  cuivreuse ,  au  nez  sail- 
lant, à  la  bouche  moyenne,  au  visage 
ovale,'  qui  se  compte  elle-même  parmi 
les  races  blanches,  et  àe  dit  issue  de 
pères  arabes  unis  à  des  femmes  tau- 
roudes.  Sous  les  noms  de  Foulahs, 
Pellânys,  Fellâtahs,  ou  plutôt  sous 
celui  de  PeulSy  qu'ils  se  donnent  eux- 
mêmes,  ces  peuples  occupent  une  zone 
large  et  onduleuse  depuis  les  rives  du 
Sénégal  jusqu'aiix  montagnes  du  Man* 
dharah ,  et  peut-être  beaucoup  plus 
loin  ;  leur  chevelure  crépue  et  même 
laineuse ,  quoique  longue,  justifie  leur 
classement  parmi  les  populations  ou- 
lotriqaes;  mais  ni  les  traits  du  visage, 
ni  la  couleur  de  la  peau,  qui  leur  a 
valu  de  la  part  des  voyageurs  la  dé- 
nomination de  Peuls  rouges  y  ne  per- 
mettent de  les  confondre  avec  les 
nègres,  quelque  intime  que  soit  d'ail- 
leurs ,  sur  la  lisière  commune ,  la  fu- 
sion des  deux  types. 

7*  Les  races  nègres  proprement  di- 
tes, à  peau  noire  plus  ou  moins  fon- 
cée, au  nez  généralement  épaté ,  aux 
lèvres  grosses  et  saillantes ,  au  visage 
court ,  aux  cheveux  laineux ,  sont  ré- 
^ndues  sur  la  majeure  partie  du  sol 
i&icain  ,  depuis  le  Sénégal  et  le  haut 
Kil  jusqu^ati  delà  du  tropique  austral. 
Ltt  caractères  spécifiques  sont  diver- 
lenent  eombiiaés  chez  les  différentes 


19. 

races  qui  forment  cette  division  eth- 
nographique :  ainsi  le  Ouolof ,  le  plus 
noir  de  tous  les  nègres,  est  celui  dont 
le  nez  est  le  moins  épaté,  les  lèvres  les 
'  moins  grosses;  le  Moutchicongo ,  au 
contraire ,  doif)t  le  teint  est  beaucoup 
moins  foncé,  a  le  nez  presque  plat, 
de^  lèvres  énormes,  et  la  femme  pos- 
sède ,  dans  de  moindres  proportions , 
le  tablier  et  les  grosses  fesses  de  la 
Hottentote;  entre  ce*  types  extrêmes, 
l'Aschanty,  le  Manding,  FArada  ,  l'I- 
bo ,  le  Monjou ,  le  Makoua  ,  offrent 
une  série  de  types  intermédiaires. 

8"  Les  races  hottentotes ,  à  peau 
brunâtre  comme  la  suie,  au  nez  entiè- 
rement épaté,  aux  lèvres  grosses  et 
avancées,  aux  pommettes  saillantes, 
au  "Visage  triangulaire  profitent  celui 
du  singe,  habitent  l'extrémité  sud-ouest 
de  l'Afrique;  chez  la  femme,  un  trait 
remarquable  est  le  développement  des 
nymphes  qui  couvre  les  parties  géni- 
tales d'une  sorte  de  tablier  naturel , 
et  celui  des  fesses,  dont  l'énorme  sail- 
lie semblé  destinée  à  supporter  l'en- 
fant pendant  l'allaitement. 

9**  Les  races  kafresy  au  teint  gris 
noirâtre  ou  plombé,  au  nez  arqué, 
aux  grosses  lèvres,  aux  pommettes 
saillantes,  occupent,  au  norc*  est  des 
Hottentots ,  une  vaste  portion  de  l'A- 
frique orientale,  ainsi  que  la  points 
suci  de  Madagascar  ;  il  semble  qu'avec 
elles  doivent  être  classés  les  Gallas, 
Cfui ,  depuis  Melinde ,  se  sont  avancés 
jusqu'au  cœur  de  l'Abyssinie. 

lL(f  Enfin  la  race  malaie  a  répandu 
quelques  colonies  sûr  la  plage  afri- 
caine, puisqu'elle  a  peuplé  les  rivages 
orientaux  de  Madagascar  ;  d'ingénieux 
rapprochements  voudraient  même  en 
signaler  de*  traces  jusque  dans  le  cen- 
tre de  la  Wigrîtie. 

Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  sur 
la  limite  mutuelle  des  cantonnements 
géographiques  respectifs,  leâ  races  aue 
nous  Venons  d'énumérer  se  sont  plus 
ou  n;)oins  fondues  les  Unes  dans  les 
autres ,  et  que  leurs  démarcations  pré- 
cises ne  sont  pas  toujours  faciles  à 
discerÊfer. 


3. 


L 


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20 


L*UNIVERS. 


§11. 
LINGUISTIQUE   AFRICAINE. 


CONSIDBBA.TIONS  GENEBÀLESSUB  LES 
INDICATIONS  LINGUISTIQUES. 

Telle  est  Tébauche  grossière  à  la- 
quelle nous  devons  borner ,  quant  à 
présent,  nos  essais  de  distribution  e:Ii- 
nographique  des  races  africaines  6ous 
le  point  de  vue  de  leur  constitution 
physique  :  Tétat  incomplet  de  nos 
connaissances  actuelles  à  cet  égard  ne 
permet  point  de  tenter  une  esquisse 
moins  imparfaite  ;  mais  les  données 
linguistiques,  bien  que  fort  incomplè- 
tes aussi ,  peuvent  utilement  concou- 
rir à  une  classification  méthodique  de 
ces  peuples,  au  moyen  des  échantil- 
lons de  langage  recueillis  en  grand 
nombre,  et  dont  les  connexités  ou  les 
différences  mutuelles  sont  plus  fa- 
ciles à  saisir  ;  mais  il  faut  se  garder 
d'une  erreur  trop  commune  aux  lin- 
guistes, celle  de  considérer  sans  res- 
triction comme  ethnographiques  les 
rapprochements  oujesdivisionsfondées 
sur  de  tels  indices.  On  ne  doit  point 
oublier  que  bien  souvent  un  même 
langage  est  parlé  par  des  races  fort  di- 
verses ,  et  que  souvent  aussi  des  ra- 
meaux d'une  même  souche  ont  appris 
lies  langues  distinctes.  Ainsi  parmi  les 
Berbers  sont  cantonnés  quelques  peu- 
plades noires  évidemment  hétérogè- 
nes, et  qui  n'ont  pourtant  d'autre 
idiome  <^ue  le  berber,  tandis  que^  d'un 
autre  côté,  ces  mêmes  peuplades,  rap- 
prochées des  Abyssins  par  tous  leurs 
caractères  physiques,  en  demeurent 
complètement  séparées  par  le  langa- 
ge. Mais  il  est  aisé  de  concevoir  que 
les  dissidences  linguistiques  entre  des 
peuples  limitrophes  ou  mutuellement 
enclavés  révèlent,  dans  la  plupart  des 
cas,  une  différence  réelle  d'origine,  et 
que  réciproquement  les  similitudes  de 
langage  entre  des  peuples  séparés  par 
de  grandes  distances ,  supposent  une 
communauté  antérieure,  sinon  tou- 
jours d'origine^  au  moins  d'habitation 
et  de  nationalité. 


Un  phénomène  qu'il  importe  de  ne 
pas  perdre  de  vue  dans  cette  étude 
diacritique,  c*est  que  la  similitude  de 
langage  n'est  souvent  que  partielle, 
tantôt  bornée  à  des  racines  communes 
modifiées  et  construites  suivant  des 
analogies  et  des  svntaxes  différentes, 
tantôt  restreinte  à  l'unité  de  Sj^ntaxe 
et  d'analogie  grammaticale  ap[)liquée8 
à  des  radicaux  divers.  L'afionite,  en 
ce  dernier  cas ,  est  moins  apparente , 
mais  plus  intime,  et  l'on  peut  dire 
qu'elle  constate ,  sinon  la  parenté  des 
idiomes,  du  moins  celle  des  popula- 
tions qui  les  parlent  ;  dans  le  premier 
cas,  au  contraire,  l'affinité  est  plus 
apparente  que  réelle,  et  s'applique  aux 
langues  bien  plutôt  qu'aux  hommes. 
Souvent ,  en  effet ,  les  peuples  sont 
forcés  d'apprendre  des  langues  étran- 
gères, au  gré  des  réunions  ou  des 
morcellements  politiques  qu'ils  subis- 
sent ;  mais,  en  général,  le  vocabulaire 
de  la  langue  maternelle  est  alors  seul 
changé,  et  la  grammaire  native  con- 
serve le  privilège  de  façonner  à  ses 
idiotismes  les  éléments  nouveaux  qui 
lui  sont  imposés.  L'étude  des  gram- 
maires est  donc  la  meilleure  clef  dont 
la  linguistique  comparée  se  puisse  ai- 
der pour  réclaircissement  des  origi- 
nes ethnologiques;  malheureusement 
cette  étude  est  difficile,  souvent  même 
impossible  faute  de  matériaux  suffi- 
sants ;  et  réduits  que  nous  sommes  à 
de  minces  et  imparfaits  vocabulaires , 
quelquefois  même  à  de  simples  indi- 
ces, nous  ne  pouvons  aspirer  à  des 
résultats  exempts  d'incertitudes. 

CLASSIFICATION   ARTIFICIELLE    DBS 
LANGUE^  AFRICAINES. 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  sans  avoir  la 
prétention  de  donner  ici,  des  idiomes 
africains ,  ni  un  inventaire  complet , 
ni  même  une  liste  fort  étendue ,  nous 
les  distribuerons  en  deux  catégories  : 
l'une  composée  des  langues  que  nous 
appellerions  volontiers  oohésives,  pour 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


marquer  l'espèce  de  lien  qu'elles  for- 
ment entre  tous  les  éléments  d'une 
même  race  ou  des  éléments  juxtaposés 
de  races  diverses;  l'autre,  des  langues 

au'il  faudrait,  au  contraire,  appeler 
iacritiques,  à  raison  des  séparations 
qu'elles  déterminent  entre  des  éléments 
qui,  au  moins  dans  l'état  imparfait  de 
nos  connaissances  etbnoeraphiques , 
sont  vulgairement  considérés  comme 
homogènes.  H  n'est  pas  besoin  d'ajou- 
ter qu'un  tel  classement  n'a  rien  de 
sérieux,  et  qu'il  indique  simplement 
le  point  de  vue  d'utilité  actuelle  -sous 
lequel  nous  envisageons  momentané- 
ment le  catalogue  général  des  langues 
africaines. 

LANGUES    AFB1GAINES   CONSIDÉBÉES 
sous  UN  POINT  DE  VUE  GOHÉSIF. 

L'espèce  de  fonction  cohésive  qu'il 
est  utile  de  considérer  dans  les  unes 
'  est  particulièrement  frappante  dans  la 
langue  berbère  ou  amazygh  ,  qui  réu- 
nit en  un  seul  faisceau,  ramène  à  une 
souche  unique  de  nombreux  rameaux 
dispersés  sur  une  immense  étendue  : 
ses  dialectes  sont  parlés  dans  toutes 
les  ramifications  de  l'Atlas,  dans  toute 
la  ligne  d'oases  qui  s'étend  ,  derrière 
ces  aïontagnes,  depuis  El-Ouabh  el- 
Bahharyeh  confinant  à  l'Egypte ,  jus- 
au'au  Ouâdy  Dara'h  qui  s'approche  de 
1  Atlantique,  et  dans  toute  cette  vaste 
partie  du  Ssahhrâ  comprise  entre  Soq- 
nâ  et  Genv ,  entre  Touât  et  Bornou  ; 
montrant  la  parenté  intime  de  l'habi- 
tant de  Syouah  avec  le  Schelabh  de 
Marok,  même  avec  l'ancien  Guanche 
des  Canaries,  et  celle  du  Qabâyly  d'Al- 
ger avec  le  Sourqâ  des  bords  du  Niger  ; 
réunissant  aussi  avec  eux  des  débris 
des  races  blanches  du  Nord,  recon- 
naissables  encore  à  leur  tête  carrée, 
leurs  cheveux  blonds  et  leurs  yeux 
bleus;  et  des  rameaux  égarés  de  la  race 
kouschyte,  tels  aue  les  Erouâghah,  en- 
core noirs  au  milieu  des  blancs,  encore 
doux  et  bons  au  milieu  de  peuples  fa- 
rouches et  cruels  ;  et  d'autres  élé- 
ments que  signalent  des  différences 
physiques  tranchées,  mais  qu'on  ne 
sait  à  quel  type  rapporter ,  tels  que  le 
Beskeiy  aux  traits  heurtés,  Auvergnat 


31 

de  l'Atlas,  qui  naguère  parlait  aussi 
le  berber,  ouulié  aujourd'nuî  pour  l'a- 
rabe, et  chez  lequel  ou  retrouverait 
f)eut-étre  encore ,  à  travers  l'arabe  et 
9  berber,  les  vestiges  d'une  grammaire 
antérieure. 

Dans  un  voisinage  immédiat,  et  sur 
une  étendue  non  moinls  vaste ,  divers 
dialectes,  philologiquement  rattachés 
à  la  souche  araméenne,  réunissent  en 
un  seul  groupe  tous  les  éléments  de 
race  sémitique  répandus  sur  le  sol  afri- 
cain ,  puis  à  ceux-ci  presque  tout  ce 
qui  subsiste  encore  de  la  race  copte , 

{)uis  encore  les  seuls  restes  intacts  de 
a  race  kouschyte,  et  avec  ces  derniers 
quelques  débris  étrangers  que  la  jux- 
taposition ou  l'enclavement  a  ramenés 
à  la  communauté  de  langage.  Et  si 
l'on  tranche  la  séparation  des  deux 
dialectes  principaux,  l'arabe  d'une  part 
avec  toutes  ses  variétés,  et,  d'autre 
part,  le  g'ez  et  ses  annexes,  il  faudra 
tenir  compte ,  dans  la  division  arabe , 
indépendamment  de  la  fusion  des  deux 
familles  qahhthanyte  et  ismaylyte ,  de 
l'immixtion  à  celles-ci  des  Coptes,  de 
quelques  débris  des  Hébreux  pales- 
tins,  et  d'autres  éléments  moins  dis- 
tincts :  peut-être  les  Kaldéo-Nabathéens 
nous  sont-ils  révélés  par  les  formes 
syriaques  qu'affectent  tant  de  noms 
propres  de  la  topographie  africaine.  Il 
faudra  reconnaître  aussi  dans  la  divi- 
sion kouscbyte  l'intromission  de  quel- 
ques rameaux  hhomayrytes ,  que  leur 
peau  blanche  signale  encore  sur  les 
montagnes  de  Samen  et  d'Énarya,  et 
que  l'on  a  identifiés  aventunsusement, 
sur  la  foi  de  leur  culte,  à  des  juifs  de 
Palestine ,  ou ,  d'après  le  nom  de  leur 
province,  aux  Scbamyyn  ou  Syriens 
de  Damas. 

En  continuant  d'envisager  les  indica- 
tions linguistiques  sous  le  même  point 
de  vue  d'assimilation  ethnologique, 
nous  rattacherions  à  la  race  copte  les 

Seuples  qui  habitent,  au  sud  du  golfe 
e  Qâbes ,  les  montagnes  de  Mathmâ- 
thah  et  de  Naouayl,  et  dont  le  langa- 
ge, au  rapport  d'un  voyageur  magh- 
rébin assez  récent,  n'est  m  berber,  ni 
turk,  ni  arabe,  mais  copte. 
De  même,  la  langue  peule  ou  fel- 


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L'UNIVERS- 


tAne  a  fait  reconnattre ,  avant  que  tes 
caftactèrfs  physiques  l'eussent  conGr- 
mée,  rhomogénéité  des  tribus  qui 
habitent,  dans  l'ouest,  le  Toro,  le  Fou- 
la ,  le  Bondou ,  le  Kassou ,  le  Fouta* 
Gjalon ,  le  Sangaran ,  le  Fouladou,  le 
Brouko,  le  Massina,  avec  les  Fellâ- 
tahs  dont  le  puissant  empire  presse  le 
Bornou  par  l'ouest  et  le  sud ,  et  en- 
voie des  colonies  vers  les  bords  infé- 
rieurs du  Niger. 

£t  pareillement  le  Malai  de  Mada- 
gascar est  rattaché  par  son  idiome 
aussi  bien  que  par  sa  physionomie  na<> 
tive,  à  la  grande  famille  malaie  de 
rOcéanie. 

LANGUES  APAIGimBS  GONSIDÉBÉES 
SOUS  UN  POINT  DE  YUB  DIACRI- 
TIQUE. 

Si  nous  considérons ,  au  contraire , 
les  idiomes  africains  sous  le  rapport 
des  indications  diacritiques  qui  résul- 
tent de  leur  exnnien  comparatif,  ils 
viendront  en  aide  à  notre  ignorance 
pour  tracer ,  à  défaut  d'autres  bases , 
la  distribution ,  en  diverses  races ,  de 
tant  de  peuples  différents  que  nous 
confondons  vulgairement  sous  Tappel- 
lation  commune  de  nègres,  qu'ils  soient 
poirs  de  jaiis  comme  le  Ouolof ,  oli- 
vâtres comme  le  Sçoumaly,  ou  mar- 
rons comme  le  Nube  ;  n^ais  ces  langues 
n'en  conservent  pas  moins  simultané- 
ment un  caractère  cohésif  à  l'égard 
des  fractions  éparses  qu'elles  rallient. 
Ainsi  l'idiome,  manding  sépare  d'entre 
la  niasse  qonfuse  de  l'espèce  nègre  une 
population  nombreuse  et  puissante, 
qu'il  réunit  en  un  seul  groupe,  bien 
quelle  constitue,  sous  les  noms  de 
Mandings,  de  Sousous,  de  Bambar- 
ras,  de  Koiig,  et  autres  encore,  plu- 
sieurs nations  politiquement  séparées. 

La  langue  ouolofe  détermine  de  mê- 
me ,  diacf itiquement  et  cohésivement 
a  la  fois,  le  groupe  des  peuples  de 
Ouâlo,  Gjolof,  Kayor,  Baol,  Sin  et 
Saloum.  Il  en  faut  dire  autant  de  la 
langue  aschanty,  pour  une  grande 
partie  des  peuples  du  Ouanqârab ,  au- 
tant de  la  langue  aradah  pour  une  au- 
tre grande  partie,  et  autant  encore  de 


la  langue  Eyo  pour  une  autre  partie 
non  moins  considérable. 

Dans  l'est ,  divers  groupes  sont  foi^ 
mes  d'après  les  analogies  et  les  répul* 
sions  respectives  des  langues  nubien- 
nes ,  qui  classent  ensemble  les  Nubes 
ou  Dongolais  et  les  Qenouz  ou  Barâ- 
bras  à  part  des  Tibbous  de  l'ouest  et 
des  Ababdefas  et  Bischaryyn  leurs  voi- 
sins à  l'orient  :  ceux-ci  réunis  à  leur 
tour  distinctivement  desSchohou,  De- 
nâqyl  et  Adayel,  lesquels  sont  eux- 
mêmes  rapprochés  des  Gallas  et  des 
Scoumâl. 

'La  langue  bounda  ou  mogialoua,  et 
la  langue  bomba ,  déterminent  pareil- 
lement,  entre  des  populations  limi- 
trophes, une  division  tranchée  en  deux 
groupes ,  dont  l'un  renferme,  avec  les 
peuples  du  Congo,  une  C|uantité  de 
nations  successivement  voisines,  dont 
les  plus  remarquables  sont  les  Cassan- 
ges  et  les  Molouas ,  tandis  que  l'autre  ' 
s'étend  au  nord ,  comprenant  les  peu- 
ples de  Ho,  ceux  de  Sala  ou  Anzico, 
et  les  Ninéanav,  sujets  du  Mouéné 
Émougy.  Plus  loin,  sur  la  côte  orien- 
tale, on  ne  connaît  encore,  parmi  les 
peuples  qu'on  y  a  aperçus ,  aucune 
consanguinité  de  langage  qui  permette, 
de  les  grouper  par  agglomérations  con- 
génères ;  mais ,  dans  la  région  austra- 
le, les  peuplades  hottentotes  et  les 
tribus  kafres  sont  respectivement  réu- 
nies et  distinguées  par  deux  systèmes 
spéciaux  de  langages. 

Autour  des  diverses  familles  que 
nous  avons  indiquées,  quelquefois  mê- 
me dans  leur  sein ,  des  idiomes  dissi- 
dents, parqués  en  quelques  cantons  iso- 
lés ,  témoignent  encore  de  l'ancienne 
existence  de  peuples  qui  se  sont  fon- 
dus ou  effiacés  dans  des  nations  con- 
Î[uérantes  :  tels  sont  le  sérèire  au  mi- 
leu  du  ouolof,  le  feloup,  le  banyon 
à  côté  du  manding ,  le  kissour  à  côté 
du  peul ,  le  bouroum  au  sein  de 
l'aschanty,  et  mille  autres.  Nous  ne 
parlons  point  du  turk,  dominateur  pré- 
caire sur  la  côte  septentrionale,  ni  des 
laugues  apportées  par  les  colons  euro- 
péens, et  qui  demeurent  conhnées  avec 
eux  dans  leurs  établissements. 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE 


» 


iCBITURBS  AFBIGÀIIfES. 

Les  monuments  lapidaires  épars 
dans  le  nord  de  TÂfrique  nous  ont 
transmis ,  outre  les  alphabets  des  do- 
minateurs phéniciens ,  grecs  et  ro- 
mains, le  triple  alphabet  des  Égyp- 
tiens ,  ingénieusement  déchiffré  par 
rheureux  effort  de  l'érudition  moder- 
ne (*)  ;  ils  nous  ont  aussi  révélé  un 
alphabet  de  caractères  inconnus ,  ac- 
colés à  des  inscriptions  puniques ,  et 
qu'il  semble  plausible  d'attribuer  aux 
peuples  berbers  (**),  bien  qu'ils  les 
aient  oubliés  pour  l'écriture  arabe, 
comme  ont  fait  les  Coptes  de  leur  an- 


cien alphabet,  relégué  aujourd'hui  dani 
des  livres  qu'ils  ne  lisent  plus.  IM 
Abyssins  ont  gardé  leurs  vieux  carac^ 
tèrès  éthiopiens,  moins  vieux  peut-- 
être que  ne  l'admet  l'opinion  com- 
mune; certaines  tribus  gallas  les  leuf 
ont  empruntés  en  les  modifiant  à  leur 
guise  (*);  quelques  juifs  barbaresqueii 
griffonnent  encore  l'écriture  chafdaH 
que.  Partout  ailleurs  Talpliabet  arabe, 
natif  chez  les  uns,  importé  chez  les 
autres,  réservé  aux  docteurs  chez  quel- 
ques peuples  nègres,  tout  à  fait  incon- 
nu au  delà  d'une  certaine  limite ,  est 
à  peu  près  le  seul  employé  aujourd'hui 
par  les  Africains  indigènes. 


§  m. 

ÉTAT  SOCIAL  DES  PEUPLES  AFRICAINS. 


Naisisante  chez  lès  uns,  caduque  chez 
les  autres,  la  civilisation  est  en  géné- 
ral médiocre  parmi  les  peuples  juM- 
cains  les  plus  avancés  sous  ce  rap- 
port, et  elle  est  absolument  négative 
ebez  les  nations  qui  occupent  les  der- 
niers degrés  de  l'échelle. 

BELIGIONS  DB  L' AFRIQUE. 

Le  principe  le  plus  actif  du  mouve- 
ment intellectuel,  la  croyance  reli- 
gieuse ,  n'a  acquis  nulle  part  ce  degré 
d'épuration  qui  seul  peut  témoigner  de 
l'accomplissement  de  sa  mission  civi- 
lisatrice :  le  christianisme  grossier  des 
Coptes  et  des  Abyssins,  celui  que  le 
zèle  des  missionnaires  évanséliques 
tente  d'implanter  chez  les  Katres,  les 
Hottentots  et  les  Nègres,  n'est  pour 
les  uns  et  les  autres  qu'un  culte  sans 
intelligence  des  préceptes,  et  par  con- 
séquent inerte  ;  le  judaïsme  est  tra- 
ditionnellement conservé  non -seule- 
ment chez  les  Hébreux  réfugiés  de  la 

OLc  nom  de  Champoîlion  est  trop  po- 
re pour  que  nous  ayons  besoin  de  le 
rappeler  ici. 

(•*)  M.  de  Saulcy,  membre  de  llnstilut , 
a  dédiiffré  la  plus  étendue  de  ces  inscrip- 
tionf ,  et  nons  avons  reconnu  des  formes 
berbères  dans  ki  noms  propre  ()u'ii  y  a 


Palestine,  mais  aussi  chez  les  Hho- 
mayrytes  chassés  d'Arabie  par  la  per- 
sécution musulmane  ;  Vislamisme  est 
la  religion  la  plus  répandue,  mais  pro- 
fessée sans  ferveur,  et  n'opérant  dès 
lors  qu'un  bien  faible  progrès  dans  la 
mesure  déjà  si  restreinte  de  son  uti- 
lité sociale,  tout  en  fomentant  l'into- 
lérance et  le  fanatisme  de  ses  grossiers 
sectateurs  ;  le  sahéisme,  qui  se  trou- 
vait jadis  parmi  quelques  tribus  dé 
l'Atlas ,  et  qui  se  retrouverait  peut- 
être  encore  dans  certains  cantons  re- 
culés de  l'Abyssinie ,  compte  aussi 
quelques  adhérents  à  Mozambique  ; 
mais  c'est  surtout  \e  fétichisme  le  plus 
grossier  qui  constitue  le  culte  ou  plu- 
tôt la  multitude  de  cultes  entre  les- 
quels se  partagent  la-  plupart  des 
peuples  d'Afrique,  et  ce  rudinient  lui- 
même  ne  s'est  point,  dit-on,  encore 
fait  jour  à  travers  la  stupide  anima- 
lité de  quelques  tribus ,  ou  du  moins 
la  sagacité  des  voyageurs  n'a-t-elle  su 
découvrir  chez  ces  sauvages  l'indice 
d'aucune  idée  religieuse. 

(*)  Le  seul  échantillon  qu'on  possède  main- 
tenant en  Europe  de  récriture  galla ,  est 
une  lettre  da  roi  d'Enària  à  un  prince  abys- 
sin ,  envoyée  par  M.  Arnaud  aAbbadie  à 
M.  Reinaudy  de  Tlnstitut ,  et  publiée  dans 
le  Bullelia  de  la  Société  de  géographie. 


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u 


L'UWIVERS. 


Chrétien  ou  juif,  musulman ,  sa- 
béen,  ou  idolâtre ,  TAfricain  est  poly- 
game ,  sans  acception  de  culte ,  parce 
que  la  nature  Ta  ainsi  voulu  en  gros- 
sissant la  proportion  des  femmes ,  et 
en  n'accordant  à  celles-ci  qu'une  courte 
fécondité  en  regard  d'une  faculté  proli- 
fique longtemps  persistante  chez  l'honi- 
me  :  tant  il  est  vrai  que  les  mœurs  des 
peuples  ont  Y  au-dessus^  de  la  sphère 
des  volontés  individuelles ,  des  causes 
primordiales  auxquelles  il  leur  faut 
obéir ,  en  cjépit  des  règles  qui  parais- 
sent les  meilleures  à  notre  prétendue 
sagesse  européenne. 

ECHELLE  DE  LA  CIVILISATION  AFEI- 
CAINE. 

Dans  la  carrière  ascendante  que  re- 
monte péniblement  l'humanité,  pour 
arriver  de  l'état  sauvage  à  l'état  de  ci- 
vilisation perfectionnée  dont  nous  nous 
proclamons  orgueilleusement  le  type., 
il  semble  qu'arrivés  au  but  et  regar- 
dant en  arrière  nous  voyions  descen- 
dre du  nord  au  sud ,  depuis  les  bords 
de  la  Méditerranée  jusqu'à  la  pointe 
australe  du  continent  africain,  cette 
longue  échelle  dont  le  pied  est  occupé 
par  le  Bosjesman  ou  Hottentot  des 
taillis,  que  les  voyageurs  nous  repré- 
sentent comme  si  voisin  de  la  brute. 
Nulle  part,  cependant,  il  ne  se  trouve 
isolé ,  et  sauf  quelques  exceptions  ré- 
trogrades qu'expliquent  des  guerres 
d'extermination  et  la  plus  profonde 
misère,  le  Hottentot  est  généralement 
arrivé  à  l'état  de  tribu ,  et  la  sociabi- 
lité est  flagrante  parmi  toutes  ces  peu- 
plades ,  puisqu'il  existe  entre  elles  un 
système  uniforme  de  langage,  quelque 
étrange  que  soit  d'ailleurs  ce  langage 
par  ses  gloussements  et  ses  claque- 
ments de  langue.  Une  apathie  stupide 
est  le  partage  de  ces  misérables  hor- 
des ,  dont  les  plus  avancées  ont  seule- 
ment quelques  troupeaux.  Les  Kafres, 
pasteurs,  chasseurs  et  guerriers,  ont 
sur  elles  une  supériorité  marquée.  Les 
peuples  nègres ,  généralement  agrico- 
les et  constitués  en  nations  territo- 
riales, s'élèvent  graduellement  jusqu'à 
une  demi-civilisation  caractérisée  par 
quelque  industrie,  un  commerce  assez 


actif,  et  l'usage  naissant  d'une  écri- 
ture importée.  Mais  cette  industrie  est 
fort  médiocre ,  même  dans  les  États 
les  mieux  policés,  et  ne  peut  guère  four- 
nir qu'aux  besoins  locaux  ;  aussi  le 
commerce  est-il  presque  exclusivement 
borné  à  l'exportation  des  produits  na- 
turels ,  entre  lesquels  les  plus  notables 
sont  l'or,  l'ivoire,  les  cuirs,  la  cire, 
la  gomme.  Quant  à  la  zone  septen- 
trionale, l'exemple  de  l'Europe  y  a 
façonné  les  peuples  du  littoral  à  cer- 
tams  arts;  et  aous  la  volonté  forte  de 
l'homme  supérieur  qui  commande  à 
l'Egypte,  legénie  européen  instruit  l'A- 
rabe et  le  Turk  et  le  Copte  à  enfanter 
des  prodiges  :  des  ports ,  des  flottes , 
des  arsenaux ,  des  hôpitaux ,  des  éco- 
les, une  administration  régulière,  et 
jusqu'à  des  victoires ,  TÉgypte  les  doit 
aux  enseignements  de  la  France.  Et 
la  France,  en  s'assevant  à  Alger,  ne 
promet -elle  point  Fa  civilisation  de 
toute  la  côte  barbaresque  ?  Qu'elle 
plante  en  maîtresse  son  drapeau  sur 
l'Atlas,  que  ses  garnisons  habilement 
échelonnées  soient  autant  tie  digues 
inébranlables,  et  le  flot  indompté  dont 
la  vaine  fureur  se  briserait  contre  leur 
immobile  résistance,  viendra  glisser 
autour  d'elles  en  ondes  amollies. 

ORGANISATION  POLITIQUE. 

L'organisation  politique  des  États 
et  des  nations  africaines  est  naturelle- 
ment assortie  au  degré  d'avancement 
social  qu'elle  est  appelée  à  r^ir  :  pa- 
triarcale chez  les  tribus  nomades ,  elle 
passe  généralement  à  la  monarchie 
chez  les  nations  à  demeures  fixes  ;'  il 
est  cependant  quelques  peuplades  où 
dominent  les  formes  républicaint;s.La 
royauté  élective  et  temporaire ,  ou  la 
présidence  si  l'on  aime  mieux  ce  mot, 
est  décernée  dans  un  congrès  en  cer- 
tains pays ,  tels  que  le  Foutah.  Une 
sorte  de  féodalité ,  constituée  par  l'hé- 
rédité des  grandes  charges  et  des  com- 
mandements provinciaux,  existe  en 
d'autres  contrées ,  telles  oue  les  Etats 
ouolofs,  et  peut-être  chez  tes  Molouas. 
Le  despotisme  absolu  paraît,  du  reste, 
le  régime  le  plus  fréquent ,  et  c'est  lui 
qu'on  retrouve  chez  les  nations  les 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


26^ 


plus  avancées  ;  aa  point  où  sont  arri* 
vées  les  populations  africaines ,  le  pro- 
grès ne  s'accomplit  d'ordinaire  que 
sous  rirrésistible  impulsion  d'une  vo- 
lonté de  fer;  plus  tard  les  peuples 
marchent  d'eux-mêmes  :  mais  l'Afri- 
que  est  bien  loin  encore  de  voir  poin- 
dre l'aurore  d'un  tel  jour.  L'autorité  . 


souveraine  est  exercée  sous  les  titres 
les  plus  divers ,  et  l'on  a  peine  à  se 
reconnaître  au  milieu  de  toutes  ces 
dénominations  de  konk,  inkousi,  ki- 
téva,  mani,  mouata,  mouéné,  makoko, 
mansa ,  bour,  damel ,  téyn ,  brak ,  al- 
mamy,  saltiqé,  dâ,  mây,  négous,  râs, 
paschâ,  solthan,  et  bien  d'autres. 


§  IV. 
HISTOIRE    DE    L'AFRIQUE. 


TBADITIONS     FABULEUSES  ,     HYPO- 
THESES CONJECTURALES. 

Est-il  une  histoire  générale  de  ces 
contrées,  et  des  peuples  qui  y  sont  ré- 
pandus? Où  la  trouver?  La  faut-il 
demander  à  de  vagues  et  menteuses 
traditions ,  ou  bien  à  de  conjecturales 
hypothèses  ? 

Les  mythes  grecs  nous  parlent  d'At- 
las ,  ce  poétique  géant  des  vieux  âges, 
qui  de  ses  épaules  rocheuses  soutenait 
la  voûte  vers  laquelle  l'entassement  de 
PélioQ  et  d'Ossa  n'avait  offert  aux 
Titans  qu'un  insuffisant  marchepied  ; 
il  était  fils  de  Neptune  et  père  de  sept 
Atlantides ,  dont  l'aînée  fut  mère  de 
Mercure  :  n'est-ce  pas  simplement  une 
tradition  des  temps  primitifs  dont  nos 
langues  prosaïques  offriront  une  ver- 
sion fidèle  en  traduisant  au' Atlas  avait 
émergé  des  eaux,  qu'il  oominait  sept 
tles  plus  petites  formées  des  culmi- 
nances  de  ses  rameaux,  et  qu'en  la 
principale  d'elles  prit  naissance  un  ri- 
che commerce?  Platon  a  mis  dans  la 
bouche  d'un  prêtre  égyptien  de  Sais 
l'histoire  d'une  grande  terre  atlantide, 
où  Neptune  procréa  Atlas,  et  son  ju- 
meau Gadiron  ou  Cadiz ,  et  bien 
d'autres  enfants,  dont  la  puissance 
s'étendit  graduellement  jusqu'auprès 
de  rÉgypte  avant  qu'un  grand  cata- 
clysme vînt  engloutir  leur  empire; 
c'est  une  de  ces  lueurs  vacillantes  qui 
percent  à  grand'peine  l'épaisse  nuit 
des  siècles  oublies  pour  arriver  jus- 
qu'à nos  jours  d'orgueilleux  scepticis- 
me ,  de  capricieuse  incrédulité.  Et 
pourtant,  soigneux  à  rassembler  dans 


les  auteurs  anciens  tous  les  vestiges 
des  vieilles  traditions  sur  les  premiers 
âges  des  terres  d'occident  ,  dociles 
surtout  à  écouter  les  enseignements 
écrits  sur  le  sol  par  les  révolutions 
physiques  qui  l'ont  tourmenté ,  nous 
pourrions  tenter  de  reconstruire  l'his- 
toire de  ces  temps  effacés  où  l'Espagne 
tenait  à  l'Afrique  pendant  que  la  Mé- 
diterranée communiquait  a  l'Océan 
par  une  autre  route ,  encore  reconnais- 
sable  au  liord  des  Pyrénées ,  dans  les 
landes  et  les  lagunes  de  la  Gascogne 
et  du  Languedoc;  la  mer  Atlantique 
alors  couvrait  le  Ssahhrâ ,  et  de  ses 
flots  directs  allait  battre,  les  rivages 
méridionaux  de  la  péninsule  arabique, 
où  Strabon  et  Diodore  lui  conservent  le 

•  nom  d'Mlantikon  pelagos  (*  ),  en  même 
temps  qu'Hérodote  affirme  son  identité 
avec  la  mer  Erythrée  (**),  imbus  qu^ils 
étaient  d'antiuues  souvenirs.  A  cette 
époque  sans  aoute  l'Afrique  donnait 
à  l'Espagne  ses  premiers  habitants, 
qu'Hérodote  avait  entendu  a|)peler 
Kynètes,  et  dontPtolémée  aussi  bien 
que  Tacite  connurent  plus  tard  la 
souche  africaine,  demeurée  avec  le 
même  nom  au  voisinage  de  la  petite 

•Syrte;  et  quand  cette  dénomination 
eut  disparu  de  part  et  d'autre ,  Am- 
mien  et  Gorippe  nous  montrèrent  en- 

(*)  'H  *£u^((iicov  éoTiv \U)(fi%  ToO 

*ATXetvTixoO  «eXaYouç. 

STAi.ioir,  XVI  (Cemp.  Oxodoiib,  HI,  38). 

(**)  K«l  il  5Ç(o  (jTYjXéwv  OàXacraa  if)  'AxXav- 
Ti;  xaXewfA^vr] ,  xaî  Vj  'Epuôp^i ,  (Jiîa  tvyX^'^^' 
èouca. 


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L'UNIVERS. 


cbre  des  Cantavrîens  sur  le  terfîtoire 
dépendant  d'Alj^er,  et  des  Austures 
vers  la  Tripolltaine,  comme  PHispanie 
avait  ses  Cantabres  et  ses  Astures  non 
loin  du  fleuve  Ma^adà ,  homonyme 
lui-même  du  Megerdah  tunisien. 

D'autres,  rêveurs  érudits,  ou  phy- 
siologistes ingénieux ,  au  lieu  de  rede- 
mander rhistoire  primitive  des  Afri- 
cains à  des  traditions  presque  perdues, 
ont  mieux  aimé  la  chercher  dans  d'a- 
ventureuses hypothèses,  et  leurs  con- 
jecturales narrations  nous  montrent 
dans  le  nègre  l'aîné  de  la  création, 
tfis  de  la  terre  et  dti  hasard ,  prenant 
naissance  aux  neigeuses  montagnes  de 
la  Lune ,  où  trouva  plus  tard  aussi  son 
berceau  l'homme  qui  depuis,  descendu 
dans  le  Sennâr,  engendra  l'Égyptien 
et  FArabe  et  l'Atlante  :  la  race  hegre, 
longternps  plus  nombreuse,  soumit  et 
domina  d'abord  la  race  blanche  ;  mais 
celle-ci ,  graduellement  multiphee,  se- 
couant le  joug  de  ses  maîtres,  et 
d'esclave  devenant  maîtresse  à  son 
tour,  les  condamna  à  porter  désonnais 
Ces  tyranniques  fers  qu'elle  venait  de 
brider;  des  siècles  Ont  passé,  et  sa 
vieille  colère  n'est  point  encore  apaisée. 

INDICES  HISTOBIQUES  SPR  L'OBIGI- 
NE ,  LES  MÎGBATIONS  ET  LES  BÉ- 
VOLUTIONS  POLITIQUES  DES  PEU- 
PLES NÈGRES. 

Ne  nous  ^arrêtons  pas  davantage  à 
de  tels  récits,  arbitraires  imaginations 
que  rhistoire  ne  saurait  adopter  : 
c'est  dans  tes  traditions  nationales, 
dans  l'archéologie  des  langues  et  des 
monuments,  qu'il  faut  chercher  les 
vestiges  des  origines  et  des  révolutions 
africaines;  et  quand  l'étude  de  la  gé- 
néalogie des  nations  est  impuissante 
à  nous  révéler  leur  berceau,  force 
nous  est  de  les  considérer  comme  abo- 
rigènes et  autochthoiies ,  en  dépit  de 
cette  curiosité  qui  nous  entraîne  à  re- 
monter sans  cesse  l'échelle  des  siècles 
pour  découvrir  le  commencement  des 
choses.  Il  faut  bien  reconnaître  que 
nul  'indice  subsistant  ne  rappelle  la 
venue  en  Afrique  d'aucun  des  peuples 
oulotriques  répandus  sur  la  majeure 
partie  dfe  œ  continent  ;  et  leur  enfonce, 


l 


lui  persiste  encore,  n'a  point  recueilU 

le  souvenirs  du  passé. 

Les  races  australes ,  pour  lesquelles 
n'a  point  déjà  lui  l'aurore  de  la  civi- 
lisation, n'ont  à  raconter  que  leur 
propre  naissance  :  encore  est-ce  de 
leurs  tribus  les  moins  sauvages  que 
Kolbe  apprit  la  tradition  de  Noh  et 
de  sa  femme  Hingnoh ,  premier  cou- 
ple générateur,  que  Dieu  introduisit 
au  monde  par  un  soupirail;  mais  elles 
ne  savent  n>n  des  déplacements  terri- 
toriaux qu'elles  ont  subis ,  et  la  no- 
menclature géographique  du  pays  que 
les  Kàfres  leur  ont  enlevé  vient  seule 
nous  instruire  des  anciennes  limites 
de  la  terre  des  Hottentots. 

Les  races  centrales ,  beaucoup  plus 
avancées ,  sont  néanmoins  trop  jeunes 
encore  pour  avoir  de  vieux  souvenirs  : 
leur  histoire  se  borne  à  la  mémoire  de 
quelques  migrations  peu  anciennes; 
migrations  qui  affectent  en  général  un 
mouvement  vers  l'ouest  ou  vers  le 
sud,  comme  s'il  existait  au  nord-est 
une  puissance  impulsive  toujours  la 
même.  Sans  parler  des  prétendus  peu- 
ples Jagas ,  que  Bruce  a  voufu  identi- 
£er  aux  Aga'zyan  de  TAbyssinie,  nous 
voyons  à  l'ouest  les  peuples  du  Congo, 
que  leurs  traditions  aussi  bien  que 
leur  langue  rattachent  aux  Molouas 
du  nord-est ,  tandis  qu'à  l'orient,  der- 
rière les  Arabes  de  la  côte,  incontes- 
tablement venus  du  nord ,  nous  sont 
indiqués  des  peuples  maravis,  dont 
le  nom ,  ainsi  que  déjà  nous  l'avons 
annoté,  offre  la  plus  intime  liaison 
avec  celui  de  l'antique  Méroé;  et  que 
ce  rapprochement  onomastique  ne  sena- 
ble  point  une  de  ces  coïncidences  for- 
tuites et  sans  portée,  auxquelles  un 
esprit  sage  ne  peut  raisonnablement 
s'arrêter  :  car  à  une  distance  pareille  da 

{)oint  de  départ ,  mais  cette  fois  dans 
a  direction  de  l'ouest ,  la  même  coïn- 
cidence se  reproduit ,  sous  des  formes 
que  l'orthographe  anglaise  a  écrites 
Mallowa  et  Marroa ,  mciles  à  rétablir 
en  Méraoueh  ;  et  ici  le  nom  est  ac- 
compagné de  traditions ,  que  le  sultan 
Mohnammed-b-£llah  nous  a  trans- 
mises dans  ses  annales  de  Takrour, 
purieuse   esquisse   historique   d'une 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


partie  de  l'Afrique  centraie,  où  il 
assure  que  le  Ghouber  et  le  Mély  ont 
été  peuplés  par  des  Coptes.  Ce  livre 
BOUS  montre  également,  d'un  côté  le 
Bornou  recevant  par  Test  des  Berbers 
expulsés  du  Yémen,  et  par  le  nord-est 
des  Touâreq  d'Aougélah  ;  et  d'un  au* 
tre  côté  le  Yaoury  et  le  YaVbah  tirant 
kur  population  de  tribus  kaaa'néen- 
nes  chassées  de  l'Arabie. 

Sans  examiner  si  les  Aschantys  sont 
venus  de  TAbyssinie,  ainsi  que  le  pen- 
sait Bowdich,  toujours  est- il  qu'ils 
sont  arrivés  de  l'intérieur  à  la  côte, 
comme  ont  fait  aussi  leurs  voisins  les 
D^KKimaDs  et  les  Yébous.  Enfin ,  dans 
h  Sénégan»bie ,  les  Mandings  se  disent 
issus  des  Bambarras  de  Test,  les  Peuls 
ées  Fellâtahs;  et  les  Ouolofe  eux- 
mêmes,  moins  nouveaux,  dans  leurs 
demeures  actuelles,  en  ont  jadis  re- 
foulé vers  l'ouest  et  le  sud  les  anciens 
possesseurs  sérères.  Mais  à  l'opposite 
une  racSe  conquérante  effectue  sa  mar- 
che du  sud  au  nord ,  et  les  farouches 
Gailas  viennent  ainsi  déborder  sur 
l'Abyssinie. 

A  côté  dé  ces  vagues  indices  des 
migrations  des  peuples  nègres,  l'his- 
toire doit  enregistrer  quelques  notions 
éparses ,  acéphales  et  mutilées ,  des  ré- 
volutions politiques  de  leurs  empires  : 
il  fut  chez  eux,  en  effets  quelques 
grandes  monarchies ,  comme  celles  de 
Motapa,  de  Congo  ^  de  Gjolof,  de  Ten- 
Boktoue,  aujourd'hui  écroulées;  il  en 
est  encore  dont  la  puissance  séculaire 
a  persisté,  comme  celles  de  Bornou, 
de  Ya'rbah,  et  autres  moins  connues; 
enfin  il  en  est  aussi  de  nouvelles, 
comme  Aschanty,  que  Say-Toutou- 
Kouamynab  a,  de  nos  jours,  rendue 
redoutable  même  à  des  troupes  euro- 
péennes ,  et  Haousâ ,  fondée  par  O'ts- 
man-Dzou-el-Nafadhyah,  et  portée  à 
00  haut  degré  de  splendeur  par  son 
tts  Mohbammed-b-£llah,  l'hôte  de 
Ciapperton. 

OKIGUCB  ST  HTSTOIBS  ANCIENNE  DES 
ÉGYPTIENS. 

Les  races  africaijcies  du  nord  ont 
«^les  une  histoire  suivie,  et  l'Egypte 
«le  sur  ses  monumeots  des  fastes 


qui  remontent  aux  siècles  les  plus  re^ 
culés.  Avant  les  merveilleuses  listes 
que  Manéthon  déroula  aux  yeux  été 
souverains  grecs  investis  de  l'héritage 
de  trente  et  une  dynasties  antérieures, 
une  chronique  plus  ancienne ,  que  le 
prêtre  de  Sebennyte  comptait  parm^i 
les  sources  historiques  dont  il  m  usai- 
Çe ,  montrait  le  pays  soumis  d'abord 
a  la  domination  des  divins  Aurites , 
auxquels  succédèrent  les  héros  mes^ 
tréens,  remplacés  à  leur  tour  (iar  ^es 
rois.de  race  égyptien  ne  (*).  Quel»pureot 
être  ces  Aurites  divins  ?  Les  Berbers 
d'Aouryah  ou  deHaouârah  les  doivent- 
ils  revendiquer?  Les  vieux  Hborytes 
de  la  Genèse ,  qui  régnaient  aux  mon- 
tagnes de  Scha  yr,  se  trouvent-ils  ici 
en  cause?  Ou  bien  s'agit -il  de  ces 
géants  enfants  d'E'naq^  racç  prolm- 
blement  japétique^  établie,  à  une  épo- 
que perdue  dans  la  nuit  des  âges,  sur 
le.territoire  palestin,  d'où  la  vinrent 
expulser  les  tribus  kana'néennes ,  *et 
qui ,  chassée^  encore  d'Egypte  et  de 
Libye,  alla  peupler  la  Grèce  de  ces 
Inachides  devenus  ensuite  si  fameux 
sous  le  nom  de  Pélasges  ?  Les  ques- 
tions se  pressent  et  se  compliquent,  les 
conjectures  s'entre-Choquent  à  l'égard 
de  ces  premiers  temps  du  premier  de 
tous  les  empires ,  et  l'esprit  demeure 
en  suspens  au  milieu  de' ce  monde 
d'hypothèses. 

Les  jVIestréens  nous  sont  moins  incoflr 
nus  :  la  géographie  mosaïque  bous  les 
représente  sous  l'appellation  de  Mess- 
rym ,  .compris  avec  les  KoUschytes  et 
les  Kana'neens  parmi  les  descendants 
de  Uham  ;  et  Sankhoniaton  ,  d'ac- 
cord avec  ces  généalogies ,  fait  liaître 
sur  le  sol  phénicien  leur  ancêtre  Messr, 
dont  le  nom  s'est  perpétué  dans  la 
bouche  des  Arabes.  C'est  donc  l'Asie 
qui  débordait  sur  l'Afrique,  Un  mou- 
vement plus  ou  moins  sensible  du 
nord-est  au.  sud-ouest  faisait  refluer 
Messr  devant  Housch ,  et  Kousch  de-, 
vaut  Yeqthan  y  poussé  lui-même  par 
Ismaël  ;  mais  tandis  que  les  Messrytes 
arrivèrent  naturellement  par  l'isthme 

(*)  IlfWûrrov  (ièv  x&yf  *Aupttc&v,  SëvMpov  6i 


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L'UNI,VERS. 


ée  Souéys ,  la  route  des  Kouscbytes 
dut  être  par  le  détroit  de  Mandeb  ;  et 
leur  cantonnement  dans  les  hautes 
vallées  du  ISil  refoula  sans  doute  vers 
le  iH)rd  la  race  égyptienne  ou  copte, 
dont  les  ruines  de  Méroé ,  aussi  bien 
que  les  récits  de  Diodore,  attestent 
rantique  civilisation,  descendue  plus 
tard  et  si  admirablement  développée 
sous  le  beau  ciel  de  Tbèbes  et  de  Mem- 
phis. 

Quelle  était  cette  race  méroétique 
apparaissant  alors  au  sein  de  l'Egyp- 
te? C'est  un  problème  encore  non  ré- 
solu ,  insoluble  peut-être.  Et  pourtant 
si,  d'une  part,  les  traits  physiques 
des  rejetons  qui  ont  persisté  jusqu'à 
nous  sur  le  sol  trahissent  en  eux  des 
affinités  mongoles,  ne  peut-on,  d'au- 
tre part,  soupçonner  une  souche  ber- 
bère ou  syrienne,  quand  plus  tard ,  à 
Syouah,  colonie  de  Thèbes,  Hérodote 
nous  signale  une  population  samien- 
né;  où  nous  ne  saurions  reconnaître 
des  Grecs  de  Samos,  alors  surtout  qu'il 
nous  est  permis  d'y  voir  des  Berbers 
ou  des  Syriens  de  Schâm  ? 

Des  invasions  de  nomades  étrangers 
et  de  conquérants  éthiopiens  avaient 
déjà  interrompu  plus  d'une  fois  I9  suc- 
cession des  monarques  indigènes  quand 
les  victoires  de  Cambyse  annexèrent 
l'Egypte  à  l'empire  persan;  Alexandre, 
vainqueur  des  Perses ,  fut  à  son  tour 
maître  de  l'Egypte  et  de  la  colonie  que 
les  Grecs  avaient  fondée  à  Cyrène. 
Dans  la  répartition  de  son  héritage, 
l'Egypte  échut  aux  Ptolémées,  Cyrene 
eut  encore  quelques  rois  particuliers  ; 
puis  tout  fut  englouti  dans  le  monde 
romain. 

OBIGINE  ET  HISTOIRE  ANCIENNE  DES 
POPULATIONS  ATLANTIQUES. 

A  l'occident  s'était  répandue ,  mê- 
lée sans  doute  de  quelques  E'naqytes , 
la  population  kana'néenne  que  San- 
kboniaton  a  individualisée  sous  le  nom 
d'Atlas;  population  identique,  peut- 
être  ,  au  noyau  de  celle  qui  y  subsiste 
aujourd'hui ,  que  ses  propres  généalo- 
gies font  descendre  de  Mâzygh,  fils  de 
jfcana'n ,  et  que  l'ancienne  géographie 
désignait  sous  les  noms  de  Mazikes  et 


de  Gétules.  Parmi  ces  tribus  se  vinrent 
fondre  et  naturaliser  de  nombreuses 
colonies  de  Coptes ,  de  Kouscbytes , 
d'Arabes  Sabéens,  d'Amaleqytes  et  de 
Palestins ,  distinguées  encore  au  rai* 
lieu  de  la  fusion  commune  par  leurs 
traditions  respectives ,  qui  nous  mon- 
trent en  particulier  Ssenhêgah ,  Ketâf 
mah ,  Lamthah,  Haouârah,  Massmou- 
dah ,  Léouâtah ,  comme  issues  des 
Sabéens  du  Yémen ,  Zénêtah  comme 
sortie  de  la  lignée  de  A'malêq,  et  d'au- 
tres vulgairement  dénommées  Gja- 
loutyah,  comme  représentant  la  pos- 
térité de  Goliat. 

Tels  étaient  les  éléments  qui  cons- 
tituaient ,  avec  les  Libyens ,  les  deux 
races  indiquées  par  Salluste  comme 
formant  la  population  primitive  de 
l'Afrique  septentrionale ,  alors  aue  s'y 
vinrent  agréger  les  débris  de  I  arma 
d'Hercule ,  refluant  de  Tlbérie,  savoir  : 
d'un  côté  des  Mèdes  et  des  Arméniens, 
dont  le  mélange  avec  les  Libyens  de 
l'ouest  donna  naissance  à  la  race  hy- 
bride des  Maures  ;  et  d'un  autre  côté 
des  Perses,  tige  sans  doute  des  Pé- 
rorses  et  des  Farousiens  de  la  géogra- 
phie africaine,  et  qui,  mêlés  aux  Li- 
byens du  littoral ,  s'étendirent  à  l'est , 
sous  le  nom  de  Numides,  jusqu'auprès 
de  l'endroit  où  des  colons  phéniciens 
étaient  venus  fonder  l'opulente  Car- 
thage.  Quel  fut. cet  Hercule  menant  à 
sa  solde  jusqu'au  fond  de  l'Occident, 
des  guerriers  de  Médie ,  de  Perse  et 
d'Arménie?  Peut-être  le  çénie  de  Tyr 
avec  les  soldats  mercenaires  qu'ache- 
tait son  or;  ou  bien  peut-être  un  sou- 
verain fameux  de  l'Asie  occidentale, 
conquérant  de  Tyr ,  dont  Strabon  et 
Eusebe  ont  répété  après  Mégasthènes 
la  venue  en  Afrique  et  en  Espagne , 
Nabou-Kodn-Asar  en  un  mot. 

Carthage  étendit  au  loin  sa  puis- 
sance :  les  tribus  de  l'Afrique  propre 
lui  étaient  directement  soumises;  la 
Numidie  et  la  Mauritanie  lui  formaient 
à  l'ouest  deux  royaumes  alliés  ;  mais 
la  jalouse  Rome  sut  a[)peler  à  elle  leur 
foi  douteuse  et  s'en  faire  dea  auxiliai- 
res contre  sa  rivale  ;  et  lorsque  Car- 
thage eut  succombé  après  cent  vingt 
ans  d'une  lutte  acharnée ,  Rome  fit 


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mSTOIKE  DE  L'AFRIQUE. 


subir  son  despotique  protectorat  à  ces 
deux  États ,  et  les  réduisit  successive- 
ment en  provinces  de  Tempire.  Alors 
toute  rAirique  septentrionale  fut  ro- 
maine ,  et  le  christianisme  de  ces  nou- 
veaux maîtres  vint  s'enter  sur  le  ju- 
daïsme des  tribus  émigrées  du  Témen 
et  des  Hébreux  chassés  de  la  Pales- 
tine, comme  celui-ci  s'était  implanté 
au  milieu  dasabéisme  des  Kouschytes 
et  du  tiède  paganisme  des  indigènes  : 
les  ^lises  se  multiplièrent,  et  Te  titre 
épiscopal  leur  fin  décerné  à  profusion. 
Lors  du  partage  de  rempire,  TÉgypte 
et  Cyrène  échurent  à  Byzance;  Rome 
garda  le  surplus,  que  lui  disputaient 
de  perpétuelles  révoltes  ;  puis  quand 
les  Vandales  repoussés  de  THispanie 
vinrent  chercher  des  établissements  en 
Afrique,  les  indigènes  se  joignirent 
volontiers  à  eux  contre  les  Romains, 
qui  furent  dépossédés  sans  retour ,  et 
contre  les  Byzantins,  qui  vinrent  re- 
cueillir l'héritage  de  leurs  frères.  Les 
Vandales  furent  vaincus  et  dispersés 
sans  que  l'esprit  de  révolte  des  Afri- 
cains pût  être  dompté  ;  on  parvenait 
bien  à  réduire  quelques  districts,  mais 
la  plupart  des  tribus  bravaient  le  joug, 
et  l'appellation  de  Barbares ,  qui  leur 
était  donnée  par  opposition  aux  Mau- 
res soumis ,  leur  devint  bientôt  une 
dénomination  nationale,  qui  a  persisté 
jusqu'à  nos  jours  dans  le  nom  de  Ber- 
bers.Les  Goths  d'Espagne  occupaient, 
près  tlu  détroit  des  Colonnes ,  une 
Dortion  de  la  Tingitane. 

DOMINATION  MUSULMANB  BN 
AFRIQUE. 

Le  grand  mouvement  islamique  pour 
lequel  s'ébranlaient ,  dans  les  déserts 
du  Hhegjâz,  les  Arabes  de  la  troisième 
Emilie  (  ces  hordes  mosta'rabes  qui 
reconnaissent  pour  aïeul  Ismaël),  vint 
peser  de  tout  le  poids  du  prosélytisme 
et  des  persécutions  sur  les  Hhomay- 
rites  ou  Arabes  de  la  seconde  famille 
(issus  de  Yeqthanou  Qahhthan),  soit 
iuifs ,  soit  chrétiens ,  soit  encore  sa- 
béens,  possesseurs  du  Témen  et  frères 
des  Arabes  déjà  établis  en  Afrique; 
eeux  qui  ne  Youiurent  point  subir  la 
conversion  9  s'écfaappant  par  le  Bâb- 


29 

el-Mandeb,  vinrent  se  réfugier  en 
Abyssinie,  se  répandre  au  sud  le  long 
de  la  côte  orientale ,  ou  s'infiltrer  a 
Fouest  vers  le  Bahhr-Abyadh. 

Le  débordement  ismaylyte,  grossi 
peut-être  de  quelques  convertis  du  Té- 
men ,  mais  surtout  de  ceux  de  Syrie , 
se  précipita  par  l'isthme  de  Soueys  sur 
l'Egypte ,  et  roula  le  flot  musulman 
iusqu^aux  extrémités  occidentales  du 
littoral  barbaresaue;  mais  les  tribus  de 
l'intérieur  opposèrent  une  vive  résis- 
tance, et  le  célèbre  O'qbah  lui-même 
éprouva  de  leur  part  ime  défaite  ;  et 
quand  elleâ  eurent  été  subjuguées  et 
converties,  de  fréquentes  rebellions 
montrèrent,  dan&  ces  nouveaux  frères, 
des  gens  impatients  du  jouç,  indiffé- 
rents à  tous  les  cultes,  chrétiens,  juifs, 
païens,  plutôt  aue  mahométans.  Et 
pourtant ,  ébranlés  par  la  commotion 
musulmane,  ils  s'élancèrent  les  pre- 
miers sur  l'Espagne ,  où  les  Arabes  les 
suivirent,  et  ils  continuèrent  2r\'ec 
eux,  sur  ce  nouveau  théâtre,  une  lutte 
incessante  depuis  les  haines  de  Thâ- 
req  et  de  Mousày  jusqu'aux  dernières 
querelles  des  Abencerrages  et  des 
Zégris. 

Mais  cet  Occident ,  que  la  ferveur 
des  conquérants  islamites  avait  si  ra- 

fiidement  annexé  à  Tempire  des  kha- 
yfes ,  leur  fut  plus  rapidement  encore 
enlevé  par  de  successives  défections  : 
un  nouveau  khalyfat  s'éleva  dans  l'An- 
dalousie pour  les  Ommyades  que  Tu- 
surpation  a'bbasyde  déshéritait  de  l'O- 
rient; les  Medrârytes  fondèrent,  au 
delà  de  l'Atlas  occidental ,  l'empire  de 
Segelmêsah;  les  Berbers  de  Bargnaouâ- 
thah  élevèrent  un  État  indépendant  à 
Temsnâ  ;  les  Rostamydes  établirent 
celui  de  Teyhert;  le  pays  compris  entre 
ceux-ci  et  les  Barghaouâthah  devint  le 
patrimoine  des  Édrysytes,  fondateurs 
de  Fês  ;  enfin  les  Aghlabytes ,  en  se 
rendant  maîtres  de  toute  la  région 
comprise  entre  Teyhert  et  l'Egypte , 
achevèrent  de  ravir  aux  sultans  de 
Baghdâd  le  reste  de  leurs  possessions 
d'Occident.  L'Egypte  elle-même  leur 
échappa  sous  le  gouvernement  des 
Thoulounydes  :  s'ils  la  reprirent  pour 
quelques  années ,  ce  fut  pour  la  perdre 


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L'UKIVERS. 


encore,  et  sang  retour,  alors  qu*elle 
^ssa  aux  mains  des  Ekhscbédytes. 

Uhéritage  des  Édrysytes,  déjà  mor- 
celé par  les  princes  ghomérytes  de 
$ebthah ,  fut  recueilli  en  partie  par 
les  Bény-Aby-el-A'âfyah  de  Meknêsrh, 
possesseurs  passagers  de  la  royale  Fés 
et  souverains  persistants  d*Agarsyf  ;  le 
surplus  passa  aux  Ommyades  d'Espa- 
i^ne  ,  ainsi  que  Sebthali  et  une  partie 
de  Segelmêsah.  Mais  là,  sur  les  ruines 
des  Medrârytes,  avaient  surgi  les  Fa- 
Ihémytes,  sous  la  puissance  croissante 
desquels  croulèrent  de  proche  en  pro- 
che les  Resta my tes  de  Teyhert',  et  les 
Aghiabytes  de  Qay rouan  ,"^  maîtres  de 
la'Sicile,  et  les  Êkhschcdytes  d'Éiiyp- 
te  ;  et  le  Caire  s'éleva  sur  les  bords 
du  ISil  pour  devenir  leur  capitale.  Mais 

f pressés  de  continuer  leur  marche  vers 
'Orient,  ils  abandonnent  leurs  pre- 
mières conquêtes  à  l'ambition  de  nou- 
velles dynasties  :  les  A'bdélouâdytes 
établissent  dans  l'ouest  le  royaume 
tributaire  de  Telemsên,  les  Hhànima- 
dytes  dans  Test  celui  de-^ougie,  tandis 
qu'entre  les  deux  les  Zéyrytes  conser- 
yeot  J'état  siizerain  d'Aschyr  et  de 
Qayrouân  ;  puis  à  l'extrême  occident 
se  Qioûtrent  \^  Tafrounytes  de  Salé , 
maîtres  intermittents  de  Fés  et  profli- 
gateurs  des  infidèles  deBarghaouâtliah; 
enfin ,  à  cdté  d'eux,  en  même  temps 
que  voisins  et  rivaux  des  Zéyrytes  d'As- 
cliyr ,  les  Bény- A'tliyah ,  rois  de  Fés 
e4  fondateurs  de  Ouetchdah,  oui  éten- 
dirent leur  domination  jusqu  au  Zâb. 
Bientôt  apparut  Tassociation  redouta- 
ble des  IMorâhethyn  ou  Almoravides, 
formée  au  désert,  qu'elle  avait  envahi 
jusqu'aux  États  nègres  du  sud,  et  qui 
remontant  au  nord,  absorba  tour  à 
tour  les  monarchies  des  Bény-Aby-el- 
A'Afyah,  des  Barghaouâthah,  des  A'b- 
délouâdytes, des  Yafrounytes,  des  Bé- 
ny-A'thyah,  toute  rAndalousie,  et  les 
Baléares,  étendant  en  outre  sa  suze- 
raineté sur  les  Zéyrytes  de  Qayrouân 
Qt  les  Hhammadytes  de  Bougie.  Puis 
les  Mouahbedyu  ou  Almohades  vinrent 
renverser  les  uns  et  les  autres,  et  tout 
englober  dans  une  seule  monarchie 
homogène. 
L'Eiypte^  flors  encore  aux  muns 


des  Fathémytes,  leur  fut  un  peu  plus 
tard  enlevée  par  les  Ayoubytes,  qui  se 
la  virent  arracher  euxméiiies  ensuite 
par  les  mamlouàs  qu'ils  avaient  insti- 
tués ,  et  qui  formèrent  deux  dynasties 
successives  désignéesparies  dénomina- 
tions de  Bahharytes  et  de  Circassiens, 
jusqu'à  ce  que  les  Turks-Othomans 
missent  fin  à  leur  souveraineté. 

Le  reste  de  l'Afrique  musulmane 
forma,  à  la  chute  des  Almohades,  trois 
États  principaux  :  le  plus  occidental , 
qui  est  celui  de  Marok ,  échut  aux 
Mérynytes,  auxquels  succédèrent  les 
Bény-Ouâthâs ,  rameau  détaché  de  la 
même  dynastie;  ceux-ci  furent  rem- 
placés par  des  scbéryfs  Dara'puytes , 
dont  le  sceptre  passa  en  derpiejr  lieju 
aux  scbéryfs  Fillélytes  qui  le  tiennent 
aujourd'hui.  Dans  un  voisinage  immé- 
diat, telemsên  redevint  un  royaume, 
indépendant  cette  fois,  sous  les  Zyâny- 
tes,  rejetons  des  anciens  A'bdélouâdy- 
tes; mais  sa  durée  fut  peu  longue  :  le 
fameux  corsaire  A'rougj ,  et  son  frère 
Khayr-el-Dyn  Barbe-rousse,  qui  de- 
vint grand  amiral  de  la  Porte  Othor 
mane ,  jetèrent  à  Alger  les  fondements 
d'une  puissance  nouvelle;  tout  le  ter- 
ritoire de  Telemsên  fut  bientôt  sou- 
nfiis  à  leur  pavillon  ;  Bougie,  enlevés  à 
Tunis ,  vint  aussi  grossir  leur  domai- 
ne :  et  le  repaire  de  ces  forbans,  no- 
minalement tributaire  du  Grand -Sei- 
gneur ,  fatiguait  la  chrétienté  de  ses 
perpétuelles  déprédations ,  lorsque  la 
France,  vengeant  son  injure  person- 
nelle, a  délivré  l'Europe  de  ces  auda- 
cieux pirates  et  fondé  pour  elle-même 
une  importante  colonie. 

Enfin,  à  l'esté  le  royaume  de  Tunis, 
étendu  jusqu'à  l'Egypte,  fut  le  lot  des 
Hhafssytes,  qui  se  partagèrent  en  plu- 
sieurs brancJies,  dont  l'une  garda 
Tunis,  et  une  autre  eut  Bougie,  qui 
lui  fut  enlevée  par  la  victoire  du  eomte 
Pierre  de  Navarre  ;  puis  les  Turks 
s'emparèrent  successivement  de  ce  qui 
restait  aux  Hhafssytes,  et  y  établirent 
deux  pâschâs,  l'un  à  Tunis,  l'autre  à 
Tripoli;  ainsi  furent  constituées,  avec 
Alger,  ce  que  l'on  appela  depuis  lors 
les  Régences  barbaresques* 


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HISTOIRE  Ï>E  L'AFRIQUE. 
TROISIÈME    SECTION. 
DE  L'ÉTUDE  DE    L'AFRIQUE. 

EXPLORATIONS    ET  1>ÉC0UVERTE9- 


AncnNNBS  aRGUHNAyi&ATIONS. 

De  rbistoire  des  vicissitudes  poli- 
(iques  i^assons  à  ceile  des  découvertes 
et  des  ioforma^ions  géographiques  suc- 
cessivement acquises  sur  l'Afrique  par 
les  a^oDS  policées  dont  nous  avons 
reeoeiili  l'héritage  littéraire. 

Lea  Hébreux ,  qui  n'avaient  vu  que 
IjÉgypte,  De noinnient  guère  dans  leurs 
livres  sacrés  qu'elle  et  ses  dépeadan* 
ces;  au  delà  ils  indiquent  seulement , 
daos  Qoe  contiguïté  successive,  les 
pays  de  Kousch  ou  d'Ethiopie,  des 
Uhbfm  ou  Libyens ,  de  Fout ,  dont 
la  synonymie  paraît  devoir  être  cher- 
diéedaos  la  Marniarique  {*);  plus  tard 
ils  entendirent  le  nom  de  Koub,  dont 
la  même  contrée  nous  offre ,  chez  les 
géographes  grecs,  une  traduction  lit- 
térale dans  la  dénomination  de  Fa- 
Imros, 

LesRana'néens  de  Tyr  et  de  Sidon , 
ainsi  que  leurs  frères  de  Carthage , 
maîtres  du  commerce  de  la^Méditerra- 
née  et  de  la  jner  Rouge ,  durent  avoir 
sur  TAfrique  des  connaissances  beau- 
coup plus  étendues;  mais  ils  ne  les  di- 
vulgaient  point  aux  peuples  étrangers  : 
il  n'est  resté  d'eux  que  le  souvenir 
d'une  expédition  de  circumnavigation 
accompUe  par  des  marins  phéniciens 

rirlecomDte  du  pharaon  Nékoh,  et 
rapport  d'un  autre  voyage  mariti- 
me, entrepris  par  le  Carthaginois  Han- 

^  0  ^  Lenormand,  de  rinstitiit,  a  fait 
ï^ttWMiir l'identité  du  peuple  Fout  de  la  Ge- 
D«e  avec  tes  Ni-Pkaiat  des  livres  coptes , 
où  ce  nom  désigne  les  Libyens;  si  cette 
«feniière 'synonymie  était  rigoureuse.  Fout 
Mnit  on  double  emploi  avec  Lehbjm  dans 
le  livre  sacré  :  il  faut  les  considérer  comme 
^^t^paat,  àTouest  de  l'Egypte,  deux  po- 
H'^iowtMtiiiet,  i|ùs  dttiuietes. 


non  pour  aller  fonder  des  colonies  sur 
les  cotes  occidentales. 

Les  Grecs ,  qui ,  au  temps  d'Uomè- 
re,  ne  connaissaient  guère  que  de  nom 
la  Libye ,  terminée  brusquement  au 
delà  des  Syrtes  par  les  sources  de  VO- 
céan,  ne  voulaient  pas,  au  temps 
d'Hérodote ,  croire  à  la  circumnaviga- 
tion des  Phéniciens,  et  la  même  incré- 
dulité n'est  point  encore  complètement 
vaincue  dans  l'esprit  des  savants  mo- 
dernes; mais  l'Europe  occidentale,  à 
peine  sortie ,  sans  traditions ,  des  té- 
fidt)res  séculaires  où  la  civilisation 
grecque  et  romaine  la  trouva  plongée, 
a  mauvaise  grâc^  à  se  prévaloir  de;sa 
longue  enfance  pour  taxer  de  menson- 
ge les  récits  que  la  vieille  Egypte  avate 
transmis  à  la  jeune  Grèce  sur  une  e%r 

f)édition  que  le  génie  de  Tyr  avait  dès 
onglemps  exécutée.  Pour  un  esprit 
sans  préjugé,  cette  navigation  autour 
de  l'Ap-ique  est  un  fait  incontestable, 
et  le  passage  de  l'équateur  demeure 
hors  de  doute,  par  cette  circonstance 
si  vraie,  mais  qu'en  sa  naïve  igno- 
rance Hérodote  accueillait  avec  incré- 
dulité, que  le  soleil  se  trouvait  à  la 
droite  des  navigateurs.  Les  Perses, 
mieux  instruits  que  nous  du  vaste 
commerce  et  des  lon^  voyages  des 
Tyriens,  croyaient  à  l'accomplissement 
de  cette  périlleuse  expédition  :  Xercès 
accordait  grâce  de  la  vie  au  coupable 
Sataspes,  à  condition  qu'il  refît  le  tour 
de  l'Afrique;  et  lorsque,  après  l'avoir 
tenté  par  l'occident ,  Sataspes  revint 
sur  ses  pas  conter  les  fabuleux  obsta- 
cles qui  avaient  arrêté  sa  navkatioin 
à  quelques  mois  du  détroit  de  Grades, 
le  grand  roi  n'admit  point  cette  chi- 
mérique excuse ,  et  Sataspes  fut  em- 
palé. Possidonius,  s'appuvantd'un  récit 
(aujourd'hui  perdu)  a'Hiro4ote^  éuofh 


\ 

i 


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Google 


L'UNIVERS. 


çait  qu'une  semblable  expédition  avait 
été  renouvelée  avec  un  plein  succès 
sous  le  règne  de  Darius.  Le  Carthagi- 
nois Hannon ,  dont  npus  ne  connais- 
sons plus  que  les  premières  explora- 
tions, avait,  au  dire  de  Pline,  franchi 
rOcéan  depuis  Gadès  jusqu'aux  con- 
fins de  r Arabie,  et  laissé  une  relation 
écrite  de  ce  voyage;  de  même  Cœlius 
A  ntipater  affirmait  avoir  connu  un  mar- 
chand qui ,  dans  une  expédition  com- 
merciale partie  d'Espagne,  avait  atteint 
rÉthiopie;  et  Héraclide  de  Pont  ra- 
contait, mais  sans  preuves,  qu'un 
mage  était  venu  d'Orient,  par  la  même 
voie,  trouver  Gélon  à  Syracuse.  D'un 
autre  côté,  Eudoxe  de  Gyzique  avait, 
au  rapport  de  Possidonius,  trouvé  sur 
la  côte  orientale  et  rapporté  en  Egypte 
les  débris  d*un  navire  gaditain  ;  et 
Pline  assure  que  sous  Auguste  on  re- 
connut pareillement  dans  le  golfe  Ara- 
bique des  vestiges  de  vaisseaux  espa- 
gnoIsquinvaientpéri'Bien  plus, Eudoxe 
lui-même,  sans  être  découragé  par  un 
premier  naufrage,  serait  parvenu,  dans 
une  nouvelle  navigation,  à  effectuer 
le  tour  entier  de  r  Afrique  ;  Possido- 
nius, du  moins,  en  était  persuadé,  et 
Cornélius  Tïépos  affirmait  que,  de  son 

{)ropre  temps,  Eudoxe  avait  mené  à 
leureuse  fin  cette  entreprise  si  long- 
temps et  si  opiniâtrement  poursuivie 
par  l'intrépide  navigateur.  Tous  ces 
rapports  ne  méritent  sans  doute  point 
une  égale  confiance,  mais  ils  témoi- 
gnent hautement  des  traditions  d'a- 
près lesquelles  la  pointe  australe  de 
'Afrique  avait  été  doublée  ;  en  vain 
suppose-ton  les  anciens  inébranlable- 
ment  convaincus  que  le  continent  se 
terminait  au  nord  de  l'équateur  :  Pline 
connaît  deux  zones  tempérées,  et  Lu- 
cain,  antérieur  à  Pline,  mentionne  les 
Libyens  éloignés  qui  voient  leur  ombre 
se  projeter  au  sud  :  il  faut  donc  recon- 
naître ,  à  travers  les  contes  du  cré- 
dule Mêla ,  bien  moins  une  hypothèse 
imaginaire,  qu'une  vague  et  confuse 
notion  des  périples  antiques  qui  étaient 
allés  doubler  au  loin  ce  cap ,  aujour- 
d'hui réputé  découvert  seulement  vers 
la  fin  du  quinzième  siècle.  Il  est  vrai 
que  les  géographes  mathématiciens, 


p: 


Hipparque»  Marin  de  Tyr,  Ptolémée 
supposaient  l'Afrique  contournée  à 
Test  parallèlement  a  l'Asie  et  ceignant 
la  mer  des  Indes  comme  une  autre 
Méditerranée.  Mais  au  lieu  de  conclure 
qu'ils  admissent  la  réunion  complète 
des  deux  continents  à  leurs  dernières 
limites,  il  faut  suivre  la  trace  vérita- 
ble de  leur  hypothèse,  d'abord  sur  les 
planisphères  arabes,  puis  sur  ceux 
des  cosmo^aphes  européens  du  moyen 
âge,  Marino  Sanuto,  Andréa  Bian- 
cbo ,  Fra  Mauro ,  qui  fournissent  les 
termes  successifs  d'une  transition  gra- 
duelle aux  résultats  des-  explorations 
modernes. 

Mais  à  ne  parler  que  des  périples  in- 
contestés, de  simples  reconnaissances 
nautiques  paraissent  avoir  été  le  but 
des  voyages  de  Scylax,  qui  décrivit, 
conformément  à  la  première^  naviga- 
tion de  Hannon,  la  côte  occidentale 
jusqu'à  l'île  de  Kerné ,  au  delà  de  la- 
auelle  la  mer  est  couverte  de  sargasses 
épaisses  qui  la  rendent  impraticable  ; 
d'Euthymême ,  qui  parvint  sur  la  mê- 
me côte  jusqu'à  un  grand  fleuve  (  le 
Sénégal ,  peut-être  ) ,  soumis  comme 
le  !Nil  à  des  crues  périodiques  ;  et  de 
Polybe ,  qui  semble  n'avoir  point  dé- 
passé ,  dans  son  exploration  du  litto- 
ral ,  les  caps  où  viennent  aboutir  les 
grands  rameaux  de  l'Atlas.  Quant  à 
Eudoxe,  il  était  parvenu,  dans  sa  pre- 
mière eX[>édition ,  jusqu'à  un  pays  où 
l'on  parlait  un  langage  qu'il  avait  déjà 
entendu  sur  la  côte  orientale,  et  dont 
il  avait  recueilli  un  vocabulaire.  Quant 
aux  notions  que  Ton  possédait  sur  ce 
littoral  d'Orient,  le  périple  de  la  mer 
Erythrée  s'avance  au  sud  jusqu'à  Rhap- 
ta ,  qu'on  croit  généralement  être  la 
Quiloa  moderne,  et  qui  était  dès  cette 
époque  sous  la  domination  d'un  chef 
arabe  de  la  tribu  sabéenne  de  Mo'af- 
fex;  Marin  de  Tyr  indique,  au  delà  de 
Rhapta ,  la  ville  et  le  cap  Prasum,  que. 
l'on  fait  coïncider  avec  Mozanbique. 

connaissances  des  anciens  sub 
l'inxebieub  de  l'afbique. 

A  l'intérieur  du  continent,  les  ex- 
plorations étaient  plus  difficiles,  et  les 


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mSTOlRE  DE  L*AFR1QUE. 


v^Srages  des  Grecs  de  dépassèrent  pas 
Toasis  d'Ammon  (la  moderne  Syouan), 
colonie  de  la  Thèbes  égyptienne  ;  mais 
Hérodote  a|>prit  des  Lioyens  Titiné- 
raire  des  caravanes  par  Aougélah  et 
le  Fezzân  jusque  chez  les  peuples  de 
TAtlas.  Ils  lui  racontèrent  aussi  le 
voyage  de  cinq  jeunes  chefs  nasamons, 
qui,  traversant  les  terres  habitées, 
puis  des  solitudes  infestées  de  bétes 
iéroces ,  et  continuant  leur  route  vers 
Touest  par  des  déserts  sablonneux  d'une 
longue  étendue,  arrivèrent  chez  des 
peuples  noirs ,  habitants  d'une  ville  où 
coulait  d'ouest  en  est  un  grand  fleuve 
rempli  de  crocodiles.  Nous  pensons 
avec  Rennel  que  ce  fleuve  n'est  autre 
que  le  ]Niger,  et  nous  ne  faisons  point 
oifGculté  d'admettre  que  des  nomades 
qui  connaissaient  toute  l'étendue  du 
Ssahhrâ  entre  Thèbes  d'Egypte  et  le 
voisinage  des  Colonnes  d'Hercule,  aient 
accompli  dès  lors  une  découverte  que 
les  Européens  n'ont  renouvelée  qu'à 
la  fin  du  siècle  dernier.  Ne  sommes- 
nous  point  encore  aujourd'hui  fort  en 
arrière  des  anciens  à  Tégard  du  Nil  ? 
Hérodote  savait  qu'à  quatre  mois  de 
route  au-dessus  d'Êléphantine,  ou  deux 
mois  au-dessus  de  Meroé ,  une  colonie 
égyptienne  était  établie  sur  les  bords 
de  ce  fleuve ,  lequel  en  cet  endroit  ve- 
nait de  l'ouest  ;  dès  le  temps  de  Pto* 
lémée,  les  sources  en  sont  indiquées 
dans  les  montagnes  de  la  Lune,  dont 
Pexistence  est  confirmée  par  les  Ara- 
bes ,  et  sur  lesquelles  nous  avons  été 
jusqu'à  ce  jour  inhabiles  à  nous  pro- 
curer de  nouvelles  lumières. 

Les  Romains ,  qui  dans  leurs  démê- 
lés avec  Garthage ,  apprirent  d'elle  le 
nom  d'Afrique,  contribuèrent  eux-mê- 
mes par  quelques  expéditions  aux  pro- 
grès^de  la  géographie  africaine ,  bien 
qu'il  faille  restreindre  de  beaucoup  la 

r)rtée  qu'on  attribue  trop  légèrement 
leurs  Itinéraires.  Suétomus  Paulinus, 
qui  le  premier  traversa  dans  l'ouest  le 
grand  Atlas ,  arriva  en  dix  étapes  jus- 
qu'à un  fleuve  Ger  ou  Nîgery  qu'ont, 
sur  la  simple  consounance  des  noms , 
voulu  identifier  au  Niger  des  Soudâns, 
au  lieu  de  le  reconnaître  dans  le  Gir 
de  Léon  et  de  Marmol.  Cornélius  Bal- 


Ô8 

bus  porta  les  armes  romaines,  par 
Cydamus  et  la  route  de  la  Phazanie , 
jusqu'à  Garama ,  ou ,  en  d'autres  ter- 
fties,  par  Ghadâmes  et  la  route  du 
Fezzân  jusqu'à  Germah  près  de  Mor- 
zouq ,  en  traversant  quelques  bourga- 
des obscures  dont  on  a,  sur  de  douteuses 
homonymies ,  voulu  retrouver  les  tra- 
ces jusque  sur  les  bords  du  Kouârah  ! 
Julius  Maternus  employa  quatre  mois 
à  se  rendre  de  Leptis  à  Garama,  et  de 
là,  vers  le  midi,  au  pays  d'Agysîmba, 
où  l'on  trouve  le  rhinocéros.  Septimius 
Fiaccus  s'avança  chez  les  Éthiopiens 
jusqu'à  trois  mois  de  route  au  delà  de 
Garama.  Ces  deux  expéditions,  que  l'on 
a  voulu  rattacher  à  celle  deBalbus,  ne 
sont  guère  connues  que  par  une  simple 
mention  de  Ptolémée,  et  leurs  bornes 
extrêmes  semblent  difficiles  à  déter- 
miner. Quelques  rapprochements  pour- 
raient faire  penser  que  les  Éthiopiens 
de  Scptimius  Fiaccus  sont  les  Blem- 
myes  de  Pline ,  c'est-à-dire  les  Tib- 
bous  de  Bitmah,  et  Walçkenaer  estime 
que  la  terre  d'Agysiroba  n'est  aOtre 
que  l'oasis. d'Azben,  tandis  que  d'au- 
tres la  vont  chercher  jusqu'en  Abys- 
sinie,  et  même  encore  bien  au  delà 
jusque  dans  la  Zimbaoueh  de  Motapa  ! 
A  ces  explorations  des  voyageurs  qui 
allèrent  jalonner  dans  le  sud  les  limi- 
tes extrêmes  des  connaissances  géogra- 
phiques des  anciens  sur  l'Afrique,  aux 
indications  recueillies  par  les  hommes 
de  la  science ,  tels  que  Strabon  et 
Ptolémée,  et  l'encyclopédiste  Pline,  et 
leurs  abréviateurs  Denys  le  Périégè- 
te,  Pomponius  Mêla,  Julius  Solinus, 
il  faut  joindre  deux  documents  officiels 
du  plus  haut  intérêt.  L'un  est  la  no- 
tice des  grandes  routes  militaires  de 
l'empire  romain,  dont  la  première  ré- 
daction paraît  remonter  au  temps  de 
Jules  César,  mais  qui  nous  a  été  léguée 
dans  son  état  actuel  par  le  dernier  âge 
de  la  décadence  de  Rome  (*).  L'autre 
est  la  table  ou  carte  itinéraire  qui ,  de 
la  bibliothèque  de  Conrad  Peutiuger  « 
dont  elle  a  conservé  le  nom ,  est  pas- 
sée dans  celle  de  l'empereur  à  Vienne  : 


(*)  Cet  itinéraire  a  été  compilé  vers  375 
par  Tistriote  Ethicus. 


3*  Livraison.  (Hist.  de  l'Af&ique.) 


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u 


L^UNÏVEftS. 


la  date  de  m  rédaetion  est  Tannée 
même  de  là  mort  de  Constantin  le 
Grand  (*);  quant  à  la  copie  actaetle, 
c'est  Tœuvre  d'un  moine  du  treizième 
siècle.  Les  routes  détaillées  en  Tune 
et  l'autre  ne  dépassent  point  l'Atlas, 
mais  elles  constituent,  pour  la  région 
qu'elles  sillonnent ,  le  réseau  géodési- 
que  le  plus  complet  que  nous  possé* 
dions  encore. 

OONNÂlSSAHCBSÛÉO&BÂPHIQirfiS  DBS 
ÀBÀBBS  SUR  LB  GOlfTmBNI!  AFBÎ-' 
CAIN. 

Quand  l'exaltation  islamique  eut  mi« 
raculeusement  transformé  les  pillards 
isma'ylytes  en  de  nobles  guerriers,  de 
chevaleresques  conquérants ,  de  pas- 
sionnés amants  des  lettres  et  des 
sciences,  l'établissement  de  leur  domf-' 
nation  dans  l'Occident  vint  redonner 
une  vigueur  nouvelle  à  la  civilisation , 
qui  expirait  étouffée  dans  les  nerveuses 
étreintes  de  la  barbarie  germanique 
et  Scandinave.  L'intérieur  de  l'Afrique 
leur  était  ouvert  par  les  courses  anté* 
rieures  de  leurs  frères  yéménytes  et 
des  Berbers  devenus  leurs  alliés  :  les 
Almoravides  y  étendirent  leur  puis-, 
sance,  et  les  auteurs  arabes  décrivirent 
dans  leurs  livres  les  routes  de  leurs 
caravanes,  les  conquêtes  de  leurs  guer- 
riers, l'histoire  de  leurs  dynasties.  Ra- 
rement le  moi  du  voyageur  perce  dans 
les  récits  qui  nous  en  sont  parvenus  ; 
ils  se  bornent  à  constater  d'une  ma- 
nière générale  l'extension  donnée  de 
leur  temps  aux  connaissances  géogra- 
phiques. 

Précédé  par  Abou-Ishhaq-' Aly ,  d'Iss- 
takhar,  auquel  il  a  beaucoup  emprun- 
té ,  Ebn-Hnaouqâl ,  de  Baghdâd ,  qui 
écrivit  dans  la  seconde  moitié  du 
dixième  siècle  son  Livre  des  routes  et 
des  royaumes  y  parcourut  lui-même , 
dit-on,  toutes  les  possessions  musul- 
manes en  Afrique,  aussi  bien  qu'en 
Europe  et  en  Asie.  Les  villes  les  plus 

(*)   Nous  avons  déterminé    cette  date 

d'après  des  indications  précises  puisées  dans 

le  manuscrit  même  ;  et  nous  en  avons  fait 

•ksujetd'un  mémoire  lu  k  llnstiluten  iSSg. 


éloignées  qu'il  indique  vers  le  sud  sont 
Aoudeghâst,  qu'on  s'accorde,  trop  lé- 
gèrement peut-être ,  à  identifier  avec 
A^ades ,  Gbânah  à  dix  journées  plus 
loin,  et  qu'on  regarde  généralement 
comme  le  Kano  des  voyaj^eurs  moder- 
nes ;  puis  Koughah ,  qui  semble  être 
Kouka  de  Bornou ,  et  plusieurs  autres 
dont  il  est  difficile  de  déterminer  la 
sjmonymie. 

Un  siècle  après,  Abou-0'bayd-el* 
Békry,  de  Ck)rdoue,  composa  aussi  un 
livre  des  Routes  et  Royaumes ,  où  les 
pays  les  plus  reculés  d'Afrique  sont 
décrits  d'après  le  témoignage  verbal 
du  faqyh  voyageur  A'bd-ei-Malek.  Au 
delà  des  peuples  musulmans ,  les  pre- 
miers nègres  au'on  rencontre  sont  ceux 
de  Ssanghayan,  ayant  au  sud -ouest 
Takrour  sur  les  bords  du  Nil  des  Sou- 
dans,  lequel  passe  aussi  à  Silây ,  et 
tourne  au  sud  à  la  hauteur  de  Tyrqày  ; 
Békry  n'oublie  d'ailleurs  ni  Ghânan  ni 
les  autres  lieux  mentionnés  par  Ebn- 
Hhaouqâl ,  et  il  indique ,  au  delà ,  les 
Remrem  anthropophages. 

A  un  autre  siècle  de  distance  parait 
le  schéryf  El-Edrysy,  natif  de  Sebthah 
(  Ceuta  des  Espagnols  )  et  courtisan 
de  Roger  de 'Sicile  :  il  ne  dissimule 
pas  ses  emprunts  à  Ebn-Hhaouqâl  et 
au  Békry,  mais  il  étend  plus  loin  qu'eux 
ses  indications  géographiques  ;  il  nom- 
me ,  au  delà  de  Ghânah ,  le  pays  de 
Ouanqârah  entouré  par  le  Nil  des  Nè- 
gres, le  Kâiiem,  Zeghaeuah  du  Dâr- 
Four ,  les  montagnes  de  la  Lune  avec 
les  sources  du  Nil  d'Egypte ,  les  cêtes 
de  Barbarah ,  de  Zeng  et  de  Sofalah  ; 
puis,  dans  la  mer  des  Indes ,  indépen- 
damment de  File  bien  connue  de  So- 
Sothrah ,  beaucoup  d'Iles  confusément 
ésignées  vers  la  côte  des  Zeng ,  no- 
tamment les  grandes  Iles  de  Scher- 
bouah  et  de  Qomor,  qui  semblent  tour 
à  tour  répondre  à  Madagascar,  appelée 
peut-être  aussi  par  les  Arabes  du  nom 
de  Qanbalou  ;  et  dans  l'Océan  occi- 
dental ,  ou  mer  Ténébreuse ,  nombre 
d'Iles  non  moins  difficiles  à  reconnal* 
tre,  mais  parmi  lesquelles  il  en  est 
six  principales  nommées  Eternelles 
(Khaledât),  qu'il  faut  peut-être  iden- 
tifier aux  Açores  plutôt  qu'aux  an« 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


cicnncs  Fortunées,  puisque  nous  trou* 
vons  bientôt  celles-ci  représentées  en 
même  temps  par  les  Ues  du  Bonheur 
(gezâyr-cl-Sa'âdeh)  chez  quelques  géo- 
graphes arabes  postérieurs. 

Ebn-el-Ouârdy,  leQazouyny,  Ebn- 
SaVd,  écrivirent  dans  le  siècle  suivant, 
et  Abou-el-Fedâ  au  commencement  du 
quatorzième  ;  ils  reproduisirent  ou 
r^umèrent  les  notions  recueillies  par 
leurs  devanciers,  mais  n'en  ajoutè- 
rent point  de  nouvelles. 

Peu  après  voyagea  .pendant  trente 
années  consécutives,  Ebn-Bathouthah 
dcTangch,  qui  le  premier  a  mentionné 
cette  Ten-BoKtone,  devenue  sî  fameuse 
depuis  par  les  tentatives  d'exploration 
dont  elle  a  été  le  but  :  il  s'y  rendit  en 
Tannée  1353  ,  en  partant  de  Segçlmé- 
sah  et  passant  par  Karssakhoue  et  la 
grande  ville  de  Mêly ,  dont  fen-Bok- 
toue  n'était  alors  Qu'une  dépendance  ; 
puis  il  descendit  le  Niger  vers  l'est 
jusqu'à  Koukou ,  et  revint  par  Touât 
à  Segelmésah. 

Sans  parler  d'Ëbn-Khaldoun,  du  Ba- 
qouy ,  ni  d'Ebn-Ayâs ,  qui  suivent  dans 
l'ordre  chronologioue ,  nous  arrivons 
à  El-Hhasan  de  Grenade',  si  connu 
sous  le  nom  de  Jean  Léon ,  qui  visita 
deux  fois  Ten-Boktoue,  et  nous  a  laissé 
une  description  étendue  de  l'Afrique , 
rédigée  par  lui-même  en  italien  :  )e 
cercle  des  connaissances  géographiques 
n'y  est  point  agrandi,  mais  de  nom- 
breux détails  y  sont  ajoutés  aux  notions 
précédemment  recueillies.  A  Léon  il 
faut  annexer  Marmol,  qui  souvent  n'est 

Îjue  son  copiste ,  bien  qu'il  eût  voyagé 
ui-même  dans  plusieurs  des  contrées 
qu'il  a  décrites. 

NAVIGATIONS  DES  PEUPl.ES  MODEJR- 
HES  AUXOUB  DK  l'AFKIQUB. 

Pendant  que  les  géographes  arabe$ 
consignaient  dans  leurs  livres  les  lu^ 
mières  par  eux  recueillies  sur  l'inté- 
rieur  du  continent  africain,  les  marins 
de  l'Europe  en  côtoyaient  les  rivages. 
A  en  croire  les  récits  de  quelques  au- 
teurs normands  du  dix-septième  siè- 
cle, des  marchands  de  Dieppe  et  de 
Rouen  auraient,  dès  1364,  envoyé  des 


expéditions  jusgu'flu  delà  de  Si^raLeo^ 
ne ,  à  l'emboucnure  du  Rio  dos  Cestos, 
où  ils  auraient  établi  dès  lors  le  comp- 
toir ou  loge  du  Petit-Dieppe  ;  l'année 
suivante  ils  auraient  pousse  leurs  ex- 
plorations iusou'à  la  dote  d'Or,  et  ulté- 
rieurement édielonné  leurs  comptoirs 
depuis  le  cap  Vert  jusqu'à  la  Hlne,  où 
ils  auraient  bâti  une  église  m  1888, 
Ces  faits  ont  été  contestés  par  une 
critique  rigoureuse  (*),  aux  yeux  de  la- 
quelle des  allégations  tardivfis  ne  peu^ 
vent  suppléer  les  preuves  positives  ou 
les  témoignages  contemporains. 

A  défaut  des  expéditions  dieppolses, 
d'autres  faits,  mieux  établis,  contre- 
disent aussi  la  conmiune  renommée 
qui  a  proclamé  Sans  distinction  comme 
des  découvertes  toute  la  série  des  re- 
connaissances que  les  Portugais  effec- 
tuèrent plus  tard ,  le  long  des  edtes 
africaines,  au  delà  du  cap  Boyador ,  et 
même  du  cap  deNoun.  Un  Catalan  nom^ 
mé  Ferrer  avait  envoyé  de  Majorque,  en 
1846,  une  galéace  à  la  rivière  d'Or, 
figurée  au  sud  du  cap  Boyador  sur  un 
portulan  de  1375  qui  existe  à  la  Biblio- 
thèque royale  de  Paris,  et  même  sur 
la  carte  des  frères  Pizigani,  conservée 
à  Parme  et  qui  date  de  1867.  Madère, 
Porto  Santo,  les  Canaries  ,  sont  éga- 
lement tracées  en  détail  sur  ces  portu- 
lans et  sur  d'autres  plus  anciens;  dès 
le  treizième  siècle,  les  Génois  avaient 
conduit  leurs  flottes  jusqu'à  ces  Mes. 
Or  les  navigations  portugaises,  reven- 
diquées d'ailleurs  par  les  marins  génois 
qui  les  conduisaient  (**),  n'atteignirent 
les  Canaries  que  vers  1886,  et  le  eap 
de  Noun  demeura  jusqu'en  1415  la  if» 

(*)  Un  owrrage  ad  hoe,  àctotÈ^^né  de 
fac-similé  de  cartes  du  moyen  &ge ,  a  été 
publié  en  1842  par  le  vicomte  de  Santa- 
rem ,  sous  ce  titre  :  «  Reefaerehes  sur  la 
«c  priorité  de  la  découverte  da  pays  situés 
ce  flur  la  côte  oceidentale  d'Afrique  au  delà 
«  du  cap  Bojador.  » 

(*^  Depuis  i3i7,  le  roi  Denis  de  Portu-^ 
gai  avait  engagé  à  son  servicei  à  titre  d'tntiral 
hwéditaire,  le  génois  Emmanuel  Pezagnu^ 
avec  charge  expresse  gue  cfiHii-ci  fournirait 
et  tiendrait  toujours  au  complet  un  état- 
major  de  vingt  officiers  génois  pour  le  con- 
mandement  et  la  conduite  de  ses  galères. 

3. 


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86 


L'UNIVERS. 


mite  des  connaissances  des  pilotes 
espagnols  sqr  cette  côte;  Joâo  Gon- 
çaWez  ne  fut  poussé  par  la  tempête  à 
Porto-Santo  qu'en  1418;  Gil-Yanez  ne 
doubla  le  cap  Boyador  qu'en  1434;  et 
enfin  Antonio  Gonçalvez  ne  parvint 
à  la  rivière  d'Or  qu'en  1442. 

C'est  seulement  à  partir  de  ce  point 
que  commencent  les  découvertes  réel- 
les des  Portugais.  Denis  Fernandez 
arriva  au  Sénégal  en  1446;  Nuno 
Tristfio,  après  avoir  vu  le  Rio-Grande, 
atteignit  en  1447  le  fleuve  auquel  il  a 
donné  son  nom ,  et  où  il  fut  tué  ;  le 
vénitien  Cadamosto  et  le  génois  An- 
tonio Usodimare  visitèrent  les  tles  du 
cap  Vert  en  1455;  Pedro  detlintra 
s'avança  en  1462  jusqu'à  la  côte  de 
Guinée,  et  Joâo  de  Santarem  en  1471 
jusqu'à  la  côte  d'Or,  où  les  nouveaux 
venus  bâtirent  le  fort  Saint-George 
de  la  Mine  en  1482.  Deux  ans  après  , 
Joâo  -Affonso  d'Aveiro  abordait  au 
Bénin ,  et  Diogo  Gam  au  Congo  ;  on 
longea  ensuite  rapidement  la  côte  aus- 
trale, et  Bartolomeu  Diaz  atteignit  en 
1483  le  cabo  Tormentoso  (cap  des 
Tempêtes  ) ,  que  le  roi  Jean  de  Portu- 
gal aima  mieux  appeler  cap  de  Bonne- 
Espérance.  Vasco  da  Gamma  fut  en- 
voyé en  1497  pour  le  doubler,  toucha 
à  la  côte  de  Natal ,  visita  Mozambi- 
que, Monbasàb,  Mélindah,  et  continua 
sa  route  vers  l'Inde;  Pedro  Alvarez 
Cabrai  vint  en  1500  à  Quiloa,  Albu- 
ouerque  en  1503  à  Zanzibar,  et  Pedro 
da  r^naya  en  1506  à  Sofalah,  où  il  bâ- 
tit un  fort, 

Après  ce  résumé  des  premières  cir- 
cumnavigaMons  de  l'Airique  par  les 
Européens,  nous  ne  donnerons  point 
le  catalogue  des  expéditions  qui  ont 
été  faites  sur  ces  côtes  pour  en  opérer 
le  relèvement  nautique;  il  suffit  de  si- 
gnaler, comme  ayant  procuré  à  l'hy- 
drographie les  documents  les  meilleurs 
et  les  plus  récents ,  pour  la  Méditer- 
ranée les  travaux  de  Gauthier,  Hell, 
Richard,  Beechey,  Smyth  et  Bérard; 

Sour  l'océan  Atlantique  ceux  de  Bor- 
a,  Baldy,  Arlett,  Roussin,  Demayne, 
Leprédour,  Owen,  Vidal,  Boteler, 
Betcher,  Bouet;  pour  la  côte  orientale 
oeuxd'Owen,  Christopher,  Jehenne;  et 


pour  la  mer  Rouge  ceux  des  officiers 
de  la  marine  de  llnde  anglaise. 

BSBNIBBS  VOYAGES  B'EXPLOBÂTION 
ET  DE  DÉGOUVEBTES  BAHS  L'IN- 
TBBIBUB  DE  L'AFBIQUB. 

Ainsi  se  trouve  déterminée,  avec 
une  précision  satisfaisante  et  sauf  quel- 
ques rares  lacunes  que  l'An^ileterre  et 
la  France  se  partaient  le  soin  de  cdm- 
bler,  l'immense  périphérie  où  prennent 
leurs  points  de  départ  les  nombreuses 
lipes  itinéraires  qui  convergent  vers 
l'intérieur  du  continent;  quelque  mul- 
tipliées que  soient  ces  lignes,  elles 
n  ont  pu  couvrir  l'Afrique  d^assez  nom- 
breux sillons  pour  former  un  réseau 
continu  d'où  résultât  une  connaissance 
complète  des  grands  traits  géographi- 
ques de  cette  partie  du  monde  :  des 
vides  fort  considérables  laissent  sans 
liaison  mutuelle  divers  cercles  distincts 
d'exploration,  et  marquent  ainsi  la 
distribution  naturelle  en  divers  grou- 
pes, des  voyages  de  découvertes  des 
modernes,  mus  ne  saurions  prétendre 
renfermer  ici  l'inventaire  aétaillé  de 
ces  voyages  s  il  <jloit  nous  suffire  de 
récapituler  les  plus  importants  et  les 
plus  nouveaux. 

Dans  la  région  du  Nil ,  les  magnifî- 
oues  travaux  des  Français  de  l'expé- 
dition d'Egypte,  en  1798,  ont  procuré 
sur  ce  pays  des  lumières  étendues  et 
précises,  auxquelles  ajoutent  encore, 
sous  certains  rapports,  les  Egyptiaca 
de  Hamilton ,  qui  arriva  pareillement 
jusqu'à  Syène  en  1801.  Parmi  les  pré- 
cédents voyageurs,  Pococke  et  rïor- 
den ,  qui  datent  tous  deux  de  1737,  ne 
peuvent  être  oubliés ,  non  plus  que 
Savary  et  Volney  qui  sont  entre  les 
mains  de  tout  le  monde.  Comme  Nor- 
den,  Legh  en  1813  etLighten  1814 
dépassèrent  les  frontières  ^yptiennes 
jusqu'à  Ibrim.  Waddington  en  1820, 
Cadalvène  et  Breuvery  en  1830 ,  sont 
remontés  jusqu'à  Méraoueh.  Sous  le 
vêtement  arabe  et  le  nom  emprunté 
de  Scheykh  Ibrahym ,  Burckhardt  s'a- 
vança en  1814  jusqu'à  Schendy,  d^oii 
il  opéra  son  retour  par  Souâken;  Hos- 
kins ,  en  1833 ,  est  pareillement  re« 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


monté  jusqu*à  Schendy.  Riippell,  en 
1825,  vint  aussi  à  Méraoueb  et  Schen- 
dy, et  alla  reconnaître  leKordoufan, 
visité  aussi  en  1836  par  Holroyd,  en 
1839  par  le  czeche  Pallme,  et  au  delà 
duquel  est  le  Dâr-Four ,  déjà  marqué 
sur  le  planisphère  de  Fra-Mauro  en 
1460 ,  puis  complètement  oublié , 
signaié  de  nouveau  par  Bruce,  et  visité 
emn  par  Browne  en  1793.  Gailliaud , 
en  1820,  remonta  le  cours  du  fleuve 
beaucoup  plus  haut  que  tous  ses  devan- 
nciers  ,  et  s'avança  sur  le  Babhr- 
Azreq  jusqu'aux  pays  de  Fazoql  et  de 
QamâmyL  Linant ,  prenant  une  autre 
direction  à  £l-Kbartoum  ,  suivit  le 
Babhr-Abyadh  ou  véritable  Nil,  à 
soixante-dix  milles  du  confluent  :  nul 
autre  encore  n'avait  entrepris  cette 
voie  ;  mais  elle  a  depuis  été  explorée, 
en  1840,  1841  et  1842,  jusqu'à  une 
distance  beaucoup  plus  considérable 
par  les  ordres  du  paschâ  d'Egypte , 
oui  fait  poursuivre  avec  une  ténacité 
digne  du  monarque  le  plus  civilisé ,  la 
curieuse  et  difficile  recherche  des  sour- 
ces de  ce  grand  fleuve  ;  et  le  français 
D'Arnaud  en  a  tracé  le  cours  jusqu'au 
delà  de  ô«  de  latitude.. La  vallée  du 
Nil  a  encore  servi  de  route  à  Poncet  en 
1699,  pour  arriver  dans  FAbyssinie 
où  Bruce  se  rendit  en  1768  par  la 
mer  Rouge  et  Massouah  :  c'est  par 
là  qu'étaient  jadis  entrés  en  ce  pays 
les  anciens  voyageurs  européens,  no- 
tamment les  missionnaires  portugais, 
tels  que  Alvarez,  Paez,  Fernandez, 
Lobo,  qui  ont  laissé  des  relations 
étendues  ;  ce  fut  aussi  par  là  que  s'y 
introduisirent  Sait  et  Pearce  en  1805, 
Sait  encore  à  son  second  voyage  en 
1809,  puis  en  1830  le  missionnaire 
évangélique  Gobât,  ensuite  Rûppell  en 
1832,  et  Antoine  d'Al)badie  en  1842, 
tandis  que  l'on  voit  Combes  et  Tami- 
sier  en  1835,  Arnaud  d'Abbadie  en 
1841 ,  Lefebvre  et  Petit  en  1843 ,  s'a- 
vancer par  cette  route  jusque  dans  le 
Schoa,  où  Dufey  en  1838 ,  Rochet, 
Isenberg  et  Krapf  en  1839,  Thomas 
Beke,  Marris  en  1841,  se  sont  de  leur 
cété  rendus  par  la  voie  de  Zeyla'. 

Dans  la  région  de  Mozambique  et 
des  côtes  orientales ,  les  voyages  à  l'in- 


S7 

térieur  se  sont  concentrés  dans  le 
bassin  du  fleuve  Rouâma  ou  Zambé- 
zé;  ils  sont  d'ailleurs  fort  rares,  ceux 
du  moins  dont  il  a  été  publié  des  no- 
tices :  le  plus  ancien  est  celui  de  Fran- 
cisco Baretto ,  envoyé  de  Portugal  en 
1570 ,  avec  mission  de  s'emparer  des 
mines  d'or  que  possédaient  les  indi- 
gènes. Après  une  première  expédition 
peu  fructueuse,  il  fonda  le  comptoir 
de  Séna,  et  s'avança  ensuite  jusqu'à  , 
Chicova  à  la  recherche  d'une  mine 
d'argent  qu'il  ne  put  découvrir;  après 
quoi  il  bâtit  le  fort  de  Tété  et  demeura 
paisible  possesseur  du  pays,  où  s'éta- 
blirent successivement  plusieurs  au- 
tres comptoirs.  En  1796,  Pereira  se 
rendit  à  la  cour  du  |)rince  Gazembé , 
sur  le  Zambézé  supérieur,  à  quarante- 
deux  journées  de  marche  au  delà  de 
Tété  et  à  trois  mois  de  distance  d'An- 
gola :  mesures  dont  la  combinaison 
exige  un  raccourcissement  notable  de 
la  longueur,  qui  est  habituellement 
attribuée  sur  les  cartes  à  la  route  de 
Pereira.  En  1798,  le  colonel  la  Cerda 

{)artit  de  Tété  pour  une  exploration  à 
'intérieur,  et  y  oérit.  Enfin,  en  1823, 
les  officiers  anglais  Browne,  Forbes 
et  Kilpatrik,  attachés  à  l'expédition 
hydrographique  du  capitaine  Owen, 
remontèrent  le  Zambézé  jusqu'à  Séna, 
et  reçurent  d'un  colon  portugais  une 
notice  sur  ce  pays.  Un  document  plus 
récent  est  le  mémoire  statistique  du 
pair  de  Portugal  SebastiaÔ  Xavier  Bo- 
telho,  sur  les  domaines  portugais  de 
l'Afrique  orientale,  imprimé  a  Lis- 
bonne eu  1835.  Ajoutons-y ,  pour  le 
pays  des  Sçoumâl,  jusqu'alors  complè- 
tement inconnu,  les  renseignements 
nouvellement  recueillis  par  Antoine 
d'Abbadie.  En  ce  moment  même  une 
grande  expédition,  envoyée  par  la  Com- 
pagnie anglaise  des  Indes  orientales 
sous  la  conduite  du  capitaine  Harris, 

f)Our  frayer  une  route  entre  Zeyla'  et 
e  cap  die  Bonne -Espérance  par  le 
Schoa ,  vient  d'abandonner  cette  ten- 
tative ,  contrariée  par  de  trop  grands 
obstacles. 

Si  les  relations  manquent  en  ce  qui 
concerne  la  région  qui  vient  de  nous 
occuper,  çlles  abondent  au  contraire 


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88 


L'UNIVERS. 


pour  celU)  du  Gap  ou  de  TAfrique  aus- 
trale ;  à  ne  citer  que  les  plus  remar- 
quables, nous  indioueroBs  celle  de 
Kolbe,  trop  dénigrée  sur  la  foi  de 
quelques  amours- propres  froissés; 
celle  de  Le  Vaillant,  dont  la  rédaction 
trop  étudiée  a  fait  révoquer  en  doute 
ia  véracité;  celle  de  John  Barrow^  qui 
a  voyagé  en  1797  et  1798  dans  toute 
la  colonie  ^  et  au  delà  chez  les  Rafres 
et  les  Bosjesfuen  ;  celle  de  Truter  et 
Somerville,  qui»  en  1801  et  1802,  ^ 
sont  avancés  jusqu'à  Lattakou ,  capi- 
tale de  Betjouânas  ;  celle  de  Lichten*- 
steib,  laquelle  sd  rapporte  à  Tannée 
1803  ;  et  celles  encore  des  voyages  de 
Gampbeli  en  1812  et  1820,  de  Philips 
en  1825,  de  Burchell  en  1811  et  1812, 
de  Thompson  en  1821  jU8qu*en  1824, 
de  Cowper  Rose  en  1824  et  1828,  et 
nombre  d'autres,  dont  les  plus  ré- 
centes sont  celle  du  capitaine  Harris , 
offrant  le  récit  d^  son  voyage  dans  le 
pays  des  Zoulâs ,  et  celle  du  capitaine 
Alexander,  qui  o  visité  en  18Sd  les 
Damàras. 

Leâ  missionnaires  portugais  du  Con^ 
go  n'ont  point  gardé  le  même  silence 
que  ceux  dé  la  cote  orientale  sur  l'his- 
toire de  leurs  courses  apostoliques  i 
LopeK  en  1868,  Garli  en  1668,  Gavaezi 
de  Monte-Guccolo  en  1654  jusqu'en 
1670,  Mérolla  de  1682  à  1688  ^  ZuC^ 
chelli  de  1696  à  1704,  nous  offrent  deS 
récits  détaillés  qui  ont  encore,  malgré 
leur  ancienneté,  un  intérêt  géogra^ 
phique  actuel.  Cependant  depuis  eux 
sont  venus  Tuckey,  qui  en  1816  a  re* 
monté  le  Zaïre  ou  Rôuango  jusqu'à  une 
soixantaine  de  lieues;  Gregorio  Men- 
dei ,  qui  parcourut  en  1785  l'intérieur 
des  terres  au  sud  de  Benguéla  jus- 
qu'au cap  TVegro;  et  Feo  Gardoso,  qui 
a  donné  rhistoiré  et  la  description  gé- 
nérale des  possessions  portugaises  de 
cette  région  d'après  les  documents  of- 
ficiels qu'il  avait  à  sa  disposition.  Mais 
le  voyage  le  plus  remarquable  entre 
tous  ceux  du  Congo  est  celui  qui  a  été 

fmblié  en  1832  par  Douville ,  et  dont 
a  ligne  itinéraire  s'étend  depuis  Ben- 
guéla jusqu'à  Bomba,  capitale  du  peu- 
ple Nineanay  et  du  souverain  Mouéné- 
Emougy,  en  passant  d'un  eSté  par 


Yanvo,  capitale  des  Môlouas,  et  de 
l'autre  par  Missel,  ville  principale  du 
Macooo  des  anciennes  cartes,  embras- 
sant ainsi  dans  le  rayon  des  connais- 
sances positives  les  points  les  plus 
éloignés  jusqu'où  se  (ussent  étendues 
les  vagues  informations  jusqu'alors  re- 
cueillies. U  est  vrai  que  des  doutes  ont 
été  élevés  sur  la  véracité  du  voyageur; 
mais  les  matériaux  géographiques  qu'H 
a  rassemblés  et  mis  en  lumière  n'en 
sont  pas  moins  à  nos  yeux  une  inté^ 
ressente  acquisition* 

Quant  aux  contrées  intérieiires  que 
borde  la  o6te  de  Guinée,  les  routes 
parcourues  par  les  Européens  y  sont 
en  général  rares  et  d'une  extrême  briè- 
veté :  la  relation  du  voyage  de  Norris 
en  1772,  reproduite  par  Dalzell,  et 
copiée  encore  par  Mac  Léod,  ne  con^ 
duit  que  jusqu'à  la  capitale  de  J)aou- 
meb  ;  Bowdich  en  1817 ,  Dupuis  et 
Hutton  en  1820,  n'ont  point  dépassé 
la  capitale  de  l'Aschanty,  et  tout  l'in- 
térêt de  leurs  voyages  gît  dans  les  in- 
formations qu'ils  ont  recueillies  sur 
les  pays  plus  reculés.  Le  missionnaire 
Thomas  Freeman  n'est  pas  allé  plus 
loin  en  1841 .  C'est  seulement  dans  l'Est 
que  les  itinéraires  ont  acquis  une  exten- 
sion et  une  importance  très-grande, 
car  c'est  par  là  que  Glapperton  est  re- 
tourné, en  1827,  à  Kano  et  à  Sakka^ 
tou  ;  que  Lander  est  allé ,  en  1890 , 
à  Yaoury  pour  y  trouver  le  îîiger  et  le 
descendre  jusqu'à  l'embouchure  de 
Noun,  et  qu'il  est  revenu  en  1888  re^ 
monter  par  cette  même  embouchure 
jusqu'au  Tchaddah  et  à  Rabbah,  en 
compagnie  de  Laird  et  Oldfield,  et 
du  lieutenant  de  vaisseau  William 
Allen  qui  a  fait  le  relè ventent  hydro-* 
graphique  de  lent  route.  Plus  récem- 
ment, une  grande  expédition  anglaise, 
sous  le  commandement  du  capitaine 
Trotter,  avait  projeté  de  remonter 
plus  loin,  mais  les  maladies  y  ont  mis 
obstacle.  Nicholls  en  1805 ,  Coulthurst 
en  1832 ,  voulaient  tenter  aussi  de  re^ 
monter^  par  le  Kalbar,  jusqu'au  ^nd 
fleuve  ;  mais  l'un  mourut  au  voismage 
de  la  côte ,  et  l'autre  ne  put  dépasser 
Ibo.  Becroh  en  1840,  après  avoir  cher- 
ché tainement  sa  route  par  le  Rio 


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HISTOIRE  DR  L'AFRIQUE. 


FetmotOi  a  été  {dus  heureux  par  la 
branche  d'Owère. 

C'est  aussi  la  reoherche  du  Niger  et 
de  Ten-Boktoue  qui  a  produit  les  iti< 
néraires  les  plus  importants  de  la  Sé- 
négafl^e  :  Brue  avait  reconnu  le 
Sénégal  jusqu'à  Galam  et  Rényou  «  en 
1698;  Jobsoii  en  1620,  Stibbs  en  1734 
afaient  exploré  la  Gambie  jusqu'au* 
dessus  de  Barra-Koundah;  Compagnon 
avait  parcouru  le  Bamboue  en  1716, 
et  Ruoault  avait,  en  1786,  frayé  la 
route  de  Galam  nar  terre,  quand 
Houghton,  le  premier  de  tant  de  mar^ 
tyrs  envoyés  phrV  JJriean^Assooiation 
à  la  découverte  du  Niger,  allai)érir  en 
•  1791  dans  le  Kaarta.  Mungo-Park  s'é- 
lança  sur  tes  traces  en  1795,  échappa 
comme  par  miracle  aux  mêmes  assas- 
sins ,  et  put  atteindre  ce  Niger  objet 
ds  ses  vœux ,  qu'il  remonta  jusqu'à 
SÛla.  Il  revint  dire  à  l'Europe  sa  àé* 
couverte,  et  retourna  en  1805  en  Afri« 
que  pour  la  compléter  i  il  revoit  le 
Niger,  et  sy  embarque;  il  arrive  à 
Yaoury,  atteint  Bousa,  et  périt.  Ped* 
die  et  Campbell  voulurent  tenter  en 
1816  la  voieduFoutah^Gjalo  :  la  mort 
arrêta  leurs  projets;  Gray  et  Dochard 
prirent  leur  place  et  ne  furent  guère 
plus  heureux.  Mollien,  en  1818,  dé« 
couvrit  les  sources  du  Sénégal  et  de 
la  Gambie ,  sur  une  route  que  déjà 
Watt  et  Winterbottom  avaient  paroou^ 
roe  sans  en  apprécier  l'intérêt;  et  eil 
1823,  Laing,  parti  de  Sierra^jeone  ^ 
alla  constater,  sansy  pouvoir  atteindre, 
l'emplacement  véritable  des  sources 
du  Niger.  Ernest  de  Beaufort,  en  1825, 
fut  arrêté  par  la  mort  avant  d'avoir 
dépassé  les  derniers  confins  du  Bam^* 
bouc.  Enfin,  en  1827,  Caillié ,  revêtu 
du  costume  musulman  ,  s'avance  à 
l'est  jusqu'à  Timé ,  jusqu'alors  incon- 
nue, reprend  au  nord  pour  aller  attein* 
dre  Gény ,  s'y  embarque ,  descend  le 
Niger  jusqu'à  Ten-Boktoue,  et  tra* 
versant  l'immense  désert  regagne  ki 
cote  atlantique  à  Rabâth. 

Laing  aussi  avait  vu  Ten-Boktoue 
en  1826 ,  quelque  temps  avant  Caillé^ 
mais  il  y  était  venu  par  le  nord-est;  le 
nurtelot  américain  Robert  Adams  y 
avait  été  conduit  du  nord^uest  en 


89 

1810  ;  et  Ton  conte  même  au'un  antre 
Français,  Paul  Imbert,  des  SableS'» 
d'OIonne,  avait,  dès  1770,  visité  deux 
fois  cette  ville  fameuse. 

Nous  avons  déjà  dit  comment  Clan* 
perton  et  Lander  étaient  allés  par  Ta 
côte  de  Guinée  à  Kano  et  Sakkatou  | 
ee  n'était  pour  Clapperton  au'un  se- 
cond  voyage,  car  il  s'y  était  déjà  rendu 
par  le  Bornou,  où  il  avait  quitté  Den^ 
nam  son  compagnon.  Cette  voie  avait 
été  préparée  de  longue  main  :  Lucas , 
envoyé  dès  1788  à  Tripoli  pour  l'en»* 
treprendre,  ne  put  s'éloigner  de  la  côte 
barbaresque,  mais  il  revint  à  Londres 
avec  provision  de  renseignements  ; 
Hornemann,  autre  voyageur  de  V^é" 
frican-ÀHOcUition,  se  rendit  en  1798 
au  Caire»  d'où  il  partit  l'année  suivante 
pour  aller  au  Fezzân  à  travers  les  ca- 
ses de  Syouali  et  Aougelah  :  arrivé  à 
Moursouq,  il  y  recueillit  de  nombreu- 
ses informations  sur  les  populations 
du  désert  et  sur  les  pays  de  Abaousâ 
et  Bornou,  pour  lesquels  il  se  mit  en 
route  en  1800,  et  l'on  n'a  plus  eu  de 
ses  nouvelles  ;  Ritchie  et  Lyon  arrivè- 
rent à  leur  tour  à  Tripoli  en  1818  :  ils 
visitèrent  le  Fezzân ,  et  ajoutèrent  et 
nouvelles  lumières  aux  lumières  pré^ 
cédemment  rassemblées  sur  les  pays 
du  Sud.  Enfin  en  1822  l'expédition  de 
Denbam,  Clapperton  et  Oudney  péné- 
tra au  delà  du  Fezzân,  traversa  le  dé*» 
sert,  atteignit  le  Bornou,  découvrit  le 
grand  lac  Tchad ,  et  poussa  des  reoon* 
naissances  divergentes  ,  d'une  part 
jusqu'au  Mandharah  et  au  Loghoun , 
de  l'autre  dans  le  Hhaousâ  jusqu'à 
Sakkatou. 

Le  Ssahhrâ  n'a  été  vu  que  par  les 
voyageurs  qui  de  la  eôte  barbaresque 
se  rendaient  aux  pays  des  Nègres ,  et 
réciproquement,  ou  bien  par  quelques 
nauiragés;  tels  ^ue  Robert  Adams,  aue 
nous  avons  déjà  cité,  Brisson,  Folife, 
Saugnier,  Riley,  Cochelet,  et  cet 
Alexandre  Scott  qui  a  occupé  la  saga- 
cité de  Rennel,  mais  dont  la  route 
semble  avoir  été  bien  autre  que  ne  le 
soupçonnait  le  savant  géoaraphe. 

Il  nous  reste  à  parler  des  explora- 
tions géographiques  des  États  du  lit- 
toral méditerranéen  :  les  relations  » 


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40 


LUNIVERS. 


nombreuses  pour  les  uns ,  rares  pour 
les  autres ,  sont  généralement  médio- 
cres ,  bien  qu'ily  ait  de  notables  ex- 
ceptions. Délia  Cfella  en  1817,  Beechey 
en  1832,  Pacho  et  Muller  en  1825, 
parcoururent  la  Gyrénaïque  et  Barqah. 
La  Bibliothèque  royale  de  Paris  pos- 
sède un  manuscrit  étendu ,  contenant 
une  Description  et  histoire  de  Tripo- 
ly ,  rédigée  en  1685  par  un  chirurgien 
provençal  longtemps  prisonnier  et  es- 
clave dû  pâscnâ  ;  les  Lettres  que  l'on 
désigne  habituellement  sous  le  nom  de 
Tully  sont  à  peu  près  le  seul  ouvrage 
édit  spécialement  consacré  à  cette  ré- 
gence. Pour  Alger  et  Tunis,  le  voyage 
de  Shaw,  en  1727,  est  encore,  malgré 
sa  date  ancienne  ^  ce  que  Ton  possède 
de  mieux  sur  ces  deux  États  ;  cepen- 
dant nous  avons  aussi  la  relation  du 
major  Grenville  Temple,  qui  renferme 
d'intéressants  détails  sur  le  pays  de 
Tunis,  recueillis  en  1833  penaant  une 
excursion  rapide,  et  la  carte  dressée 
par  le  capitaine  de  vaisseau  Falbe ,  sur 
des  éléments  amassés  pendant  une 
longue  résidence;  et,  d'un  autre  côté, 
l'occupation  française  de  l'Algérie  a  per- 
mis de  rassembler  les  matériaux  d  une 
description  précise  et  nourrie,  dont 
une  commission  scientifique  est  char- 
gée de  diriger  la  publication.  Quant  à 
l'empire  de  Marok,  nous  nous  con- 
tenterons de  citer  le  voyage  du  géné- 
ral Badia ,  mieux  connu  sous  le  nom 
mauresque  d'Ali-Bey,  en  1805  ;  celui 
du  lieutenant  Washmgton,  de  la  ma- 
rine anglaise,  en  1829;  et  les  livres 
descriptifs  de  Hoest,  de  Jackson  et  de 
Gràberg  de  Hemsô ,  dont  le  premier 
remonte  à  1779  et  dont  le  dernier 
porte  la  date  de  1834. 

BXPLOBATION  DES  ILES  AFRICAINES. 

Nous  n'avons  encore  rien  dit  des 
Iles.  Celles  de  la  Méditerranée ,  con- 
nues de  toute  antiquité,  ont  une  si 
mince  importance  individuelle  qu'il  se- 
rait difficile  d'en  trouver  de  relations 
spéciales  ;  seulement  ks  voyageurs  et 
les  touristes  qui  y  ont  touché  dans 
leurs  courses  ou  leurs  promenades, 
ont  accordé  quelques  pages ,  parfois 


quelques  lighes,  à  celles  quMs  ont  visi- 
tées. Nous  n'avons  garde  d'insérer  ici 
le  catalogue  de  ces  explorations  for- 
tuites. Ayons  soin  d'ajouter,  pourtant, 
gue  l'illustration  historique  de  Malte  a 
justement  motivé  une  exception  en  sa 
faveur,  et  que  de  nombreux  ouvrages 
sont  consacrés  au  récit  des  prouesses 
de  ses  chevaliers;  mais,  au  point  de 
vue  descriptif,  bien  qu'on  puisse  citer 
quelques  relations  spK^iales,  elle  a ,  le 
plus  souvent,  été  reléguée  sur  un  plan 
secondaire,  à  côté  de  la  Sicile,  comme 
dans  l'ouvrage  de  Brydone  qui  date  de 
1770,  et  dans  celui  de  Borch  qui  est 
venu  le  compléter  en  1776;  dans  celui 
de  Houél  publié  en  1782;  dans  celui 
de  Blaquieres  écrit  en  1812;  et  dans 
ceux  de  l'anglais  Smyth  en  1815,  et  de 
l'américain  Bigelow  en  1830. 

Dans  l'océan  occidental,  les  Aço- 
res ,  Madère ,  les  Canaries ,  déjà  figu- 
rées sur  les  cartes  du  quatorzième 
siècle ,  ont  eu  leurs  explorateurs  spé- 
ciaux; bornons-nous  à  citer,  pour  les 
Açores ,  Webster  en  1821,  et  Boid  en 
1835  ;  pour  Madère,  Bovt^dich  en  1823; 
pour  les  Canaries,  il  y  aurait  une  lon- 
gue série  de  relations  à  énumérer; 
mais  après  avoir  rappelé  celle  que  Boc- 
cace  nous  a  transmise  de  l'expédition 
de  1341,  celle  des  pères  Bontier  et  le 
Verrier,  sur  la  cohquéte  de  Béthen- 
court  en  1402;  les  histoires  de  Nunez 
de  la  Pena  en  1676,  de  Glass  en  1764, 
deViera  en  1772,  et  de  Bory  de  Saint- 
Vincent  en  1803,  il  nous  suffit  de  si- 
gnaler les  descriptions  de  Léopold  de 
Buch  en  1815,  et  de  Berthelot  et  Webb 
en  1835.  Quant  aux  tles  du  Cap- Vert, 
vues  dès  1455  par  Cadamosto  et  Uso- 
dimare,  elles  ont  été  visitées  en  1689 
par  le  père  Alexis  de  Saint-Lo ,  et  en 
1838  par  Samuel  Brunner.  Roberts, 
en  1725 ,  avait  décrit  à  la  fois  les  tles 
du  Cap-Vert  et  les  Canaries  ;  et  le  père 
Antonio  Clordeyro  a  donné,  en  1717, 
une  histoire  générale  des  quatre  archi- 
pels atlantiques. 

Au  fond  du  golfe  de  Guinée,  Fernam 
do  Po ,  Principe ,  San-Thomé ,  Anno- 
bom ,  qui  figurent  dans  tous  les  Pilotes 
africains,  ont  occasionnellement  été 
visitées  par  beaucoup  de  .voyageurs. 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


Des  Marchais,  en  1725,  leur  a  consa- 
cré quelques  pages  ;  rexpédition  d'O- 
weo,  qui  avait  avec  elle  le  capitaine 
Boteler  et  Taiinable  aveugle  Holman, 
a  recueilli ,  en  1827,  les  éléments  de 
descriptions  plus  détaiilés. 

L'Ascension  et  Sainte-Hélène  ont 
leur  place  dans  tous  les  routiers  de 
I  Inde  :  ce  sont  comme  deux  hôtelleries 
par  lesquelles  il  faut  indispensablement 
passer;  et  cependant,  la  route  n'a  point 
toujours  été  si  certaine ,  que  Jean  de 
Nova  n*cût  trouvé,  en  1601,  lllot 
écarté  de  la  Trinidad ,  avant  de  décou- 
vrir, en  1502,  Sainte-Hélène,  qui  nous 
a  été  décrite  avec  détail  par  Brooke 
en  1806 ,  mais  qui  nous  est  bien  mieux 
connue  par  le  fameux  Mémorial  de 
Napoléon ,  et  par  les  récits  de  l'expé- 
dition qui  est  allée  y  chercher  naguère 
les  restes  du  grand  Empereur.  Tristaô 
da  Gunha  trouva  aussi ,  en  1506 ,  l'tlot 
éloigné  qui  a  gardé  son  nom ,  avant  de 
rencontrer,  en  1508 ,  le  rocher  de  l'As- 
cension, dont  nous  devons  au  capitaine 
Brandretbune  notice  détaillée,  publiée 
en  1835. 

Dans  la  merdes  Indes,  Madagascar, 
qui  nous  est  connue  sous  ce  nom  (*) 
depuis  le  temps  de  Marc  Polo ,  a  une 
teUe  importance,  que  les  voyageurs 
qui  Font  visitée  en  ont  laissé  de  nom- 
breuses relations;  les  plus  connues 


41 

sont  celles  de  Cauche  qui  s'y  était 

rendu  en  1638 ,  de  Flacourt  qui  y  ar- 
riva en  1648  et  y  passa  sept  années, 
de  Souchu  de  Rennefort  qui  y  fut 
envoyé  en  1664,  de  Drurv  qui  y  fit  nau- 
frage en  1702,  puis  celles  de  Le  Gentil, 
de  Rochon ,  d'une  foule  d'autres ,  ré- 
sumées en  1831  par  d'UnienvijIe,  et, 
en  dernier  lieu ,  celle  de  Leguével 
qui  y  a  séjourné  de  1823  à  1830,  et 
celle  des  missionnaires  anglais  qui  s'y 
étaient  établis  en  1818  et  qui  en  ont 
été  chassés  en  1835. 

Quant  aux  petites  lies  qui  sont  ré- 
pandues autour  de  cette  grande  terre 
insulaire,  Bourbon,  Maurice,  Rodri- 
gue, les  Séchelles,  les  Gomores,  con- 
tentons-nous de  citer  les  relations  de 
Bernardin  de  Saint-Pierre  en  1768,  de 
Milbert  et  de  Bory  de  Saint-Vincent 
en  1800,  de  Grant  en  1801,  de  BiHard 
en  1816,  de  Frappaz  en  1818,  de  Le- 
lieur  de  Ville-sur-Arce  en  1819,  deTho- 
mas  en  1828 ,  et  de  d'Unienville  en 
1 831 ,  jdont  les  unes  s'appliquent  à  quel- 
ques points  isolés,  d'autres  à  plusieurs 
lies  à  la  fois ,  ou  même  à  tout  l'en- 
semble de  cet  archipel  inconnexe. 

Il  nous  reste  à  dire  un  mot  de  Soco- 
tora  :  il  doit  se  borner  à  signaler  ici 
le  mémoire  descriptif  du  lieutenant 
Wellsted,  qui  a  exploré  cette  île  en 
1834. 


§11. 

DISTRIBUTION    GÉOGRAPHIQUE    DU    SOL 
AFRICAIN. 


SYSTEMES  ANTÉBIEURS. 

n  ne  put  être  question,  pour  les 
f^éograi^es,  d'une  division  méthodique 
du  continent  africain,  que  lorsque 

(*)  Le  nom  vulgaire  de  Madagascar  est 
mie  dérivation  évidente  de  celui  de  ses 
liabitants  et  de  la  langue  qu'ils  parlent  ;  de 
celle  même  racine,  Malacassa,  sont  pro- 
lennea  les  deux  formes  vulgaires  de  la  dé- 
nomination donnée  aux  habitants,  savoir, 
Madecassts  et  Maigmhgf, 


Tensemble  en  eut  été  déterminé,  au 
moins  par  ses  contours  ;  et  cette  divi- 
sion ne  présenta  d'abord ,  ainsi  qu'il 
devait  naturellement  arriver,  qu'une 
simple  extension,  à  ce  cadre  agrandi , 
de  la  nomenclature  précédemment  ad- 
mise ,  en  attribuant  désormais  une  si- 
gnification plus  large ,  mais  avec  des 
limites  certaines,  à  la  dénomination 
vague  jusqu'alors  appliquée  au  limbe 
indéfini  de  l'Afrique  ultérieure.  C'est 
ainsi  que  Marmol,  après  avoir  décrit, 
en  suivant  Léon  de  Grenade,  l'Afrique 


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42 


L'UNIVERS. 


musulmane,  comprend  sous  le  nom 
commun  d*£thiopie ,  avec  le  pays  des 
Nègres  connu  de  Léon,  tout  le  surplus 
du  continent,  auparavant  ignoré:  seu- 
lement il  distingue  la  haute  et  ta  basse 
Ethiopie  I  Tune  répondant  à  Tempire 
d*Abyssinie,  Tautre  englobant  tout  k 
reste. 

Graduellement  cette  immense  sur- 
face fut  amoindrie ,  subdivisée ,  à  me^ 
sure  que  Ton  se  lit  une  idée  plus  juste 
de  son  étendue  :  Livio  Sanuto  crut  de- 
voir en  séparer  le  pays  des  Nègres  de 
Léon ,  en  joignant  même  à  celui  -ci  la 
région  maritime  jusqu'au  cap  de  Lope 
Gonçalvez ,  et  partager  toute  F  Afrique 
en  deux  moitiés  par  une  ligne  tirée 
d'Alexandrie  d'Egypte  à  la  mer  de 
Guinée,  de  manière  a  compter,  dans  la 
première,  la  Barbarie,  la  Numidie  et  la 
Libye  de  Léon ,  avec  la  Nigritie  jus« 
qu'au  cap  de  Lope  Gon^lvez  ;  et  dans 
la  seconde,  l'Egypte  et  les  deux  Étbio- 
pies  :  en  tout,  sept  régions,  qu'on  re- 
trouve les  mêmes ,  quoique  différem-» 
ment  rangées,  dans  la  volumineuse 
description  de  l'Afrique  de  Dapper. 

Les  Sanson ,  à  leur  tour ,  établirent 
une  première  grande  division  de  l'A- 
frique en  deux  moitiés ,  différant  uo 
peu  de  celle  de  Sanuto ,  eo  ce  qu'ils 
réunissaient  l'Egypte  à  la  première, 
qu'ils  appelèrent  du  nom  général  de 
Libye;  tandis  que  la  seconde,  com- 
mençant à  la  Nuhie ,  recevait  le  nom 
général  d'Ethiopie  :  puis  l'une  et  l'au- 
tre étaient  symétriquement  partagées 
en  six  inégtons  chacune;  en  sorte  qiio 
la  Libye  renfermait  l'Egypte ,  la  Bar- 
barie, la  Bilédulgérid,  le  Sahara,  la 
Nigritie  et  la  Guinée  ;  et  ou'on  trou- 
vait, dans  l'Ethiopie,  la  Nnoie,  FAbys* 
sinie,  le  Zanguebar,  le  Congo,  le  Mo- 
nomotapa  et  les  Cafres. 

Clanae  et  Guillaume  De  l'Isle ,  aa 
lieu  de  ces  douze  régions,  n'en  compté* 
rentque  six,  savoir  :  l'Egypte,  l'Étbio* 
pie  propreaieiit  dite  comprenant  la 
Nubie  et  TAbjssiitte,  la  Barbarie,  la 
Nigritie,  la  Guinée  englobant  le  GengOt 
ee  fai  Cafirerie  renfermant  à  la  fdis  Fex- 
trémité  méridionale  et  toute  la  côtn 
orientale  eu  continent.  D*AnviUe  ne 
f«all point  s'ten  écarté  aisénénd* 


de  cette  division,  sauf  peut-être  quel- 
ques différences  de  nomenclature,  ap- 
pelant ,  par  exemple ,  Ethiopie  orien- 
tale ce  que  les  De  l'Isle  nommaient 
Cafrerie* 

Depuis  que  les  explorations  mo* 
dernes  ont  procuré  des  notions  plus 
précises  et  plus  nombreuses ,  les  géo^ 
graphes  oontemporains ,  Malte-Brun , 
BJtter,  Balbi,  ont  tenté  de  refondra 
cette  nomenclature  pour  l'ajuster  au 
nouveau  point  de  vue  sous  lequel  il 
leur  a  paru  convenable  de  considérer 
l'Afrique  dans  son  ensemble  :  et  nous 
avons  a  exposer,  à  notre  tour,  nos  pro- 
pres idées  à  cet  éçard.  Sans  répudier 
absolument  certaines  dénominations 
générales  dès  longtemps  en  usage, 
comme  celle  de  Nigritie  pour  dési- 
gner vaguement  tous  les  pays  afri'* 
cains  autres  que  ceux  où  dominent  les 
races  blanches,  celle  de  Cafrerie  pour 
indiquer,  sans  plus  de  prétention  à 
l'exactitude ,  ceux  où  étaient  réputées  ' 
habiter  des  populations  cafres  ;  notre 
dessein  est  de  proposer  un  système 
de  fractionnement  qui  réponde  le  mieux 
possible  k  une  étuoe  raisonnée  de  cha- 
cune des  parties  jusqu'ici  explorées. 

Dans  1  état  ineomplet  de  nos  con- 
naissances sur  l'An-ique ,  ce  n'est 
guère  ni  à  la  constitution  physique  du 
sol,  ni  au  classement  ethnologique  ou 
linguistique  des  habitants,  ni  aux  cir- 
conscriptions politiques  des  empires  ,  i 
et  moins  encore  à  leur  histoire ,  que 
l'on  peut  demander  les  bases  d'ua^ 
distriDution  géographique  de  oe  con- 
tinent ;  c'est  plutôt  à  notre  ignorance 
mime  de  certaines  de  ses  parties  qu'il 
nous  parait  nécessaire  d'accommoder 
une  division  provisoire  en  régions  fac- 
tices ,  déterminées  par  un  cercle  de 
notions  acquises;  et  le  tableau  que 
nous  avons  esquissé  des  explorations 
et  des  découvertes  accomplies  jusou^à 
ce  jour,  offre  naturellement  lui-même 
ce  cadre  que  nous  cherchons. 

msGioHs  AU  sm>  bs  i^àçgoAxsxai. 

Sous  ce  point  de  vue,  il  y  a  li«ii 
de  eonsidérer  d'abord  qu'une  laeiuM 
énorme  sépare  ponr  nons  VA  "  ' 


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HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE. 


deux  moitiés,  au  moyen  d'une  laroe 
zone  de  terres  inconnues  entre  le  golfe 
de  Biafra  et  la  côte  de  Maqadoscnou  ; 
puis,  qu'une  seconde  lacune  sépare  en- 
core fa. moitié  trans-équatoriale  en 
deux  portions ,  au  moyen  d'une  autre 
large  zone  de  terres  inconnues  entre 
la  baie  aux  Baleines  et  celle  de  Lou- 
renço  Marquez.  Le  nom  d'Afrique  aus- 
trale ou  de  région  du  Cap  appartient 
naturellement  à  celle  de  ces  portions 
qui  regarde  le  sud ,  et  qui  comprend . 
Outre  la  colonie  européenne  du  Gap  et 
ses  dépendances ,  le  pays  des  Hotten- 
tots  et  celui  des  Kafres. 

L^autre  portion ,  presque  entière- 
ment renfermée  entre  l'équateur  et  le 
tropique  du  Capricorne,  est  composée 
de  deux  régions ,  sur  lesquelles  les  lu* 
mières  ont  respectivement  été  recueil- 
lies, pour  l'une  dans  l'ouest,  pour 
l'antre  dans  Test ,  sans  que  Ton  sache 
avec  précision  oii  ni  comment  elles  se 
rejoignent  sur  une  limite  commune. 
Cette  circonstance  oblige  de  classer 
dans  )a  première ,  avec  les  pays  de 
Congo,  d  Angola  et  de  Benguéla,  tous 
les  cantons  et  les  peuples  inaépendants 
^ui  se  trouvent  au  delà  de  ces  posses- 
sions portugaises,  jusqu'aux  Bihens 
et  aux  Moganguêlas  du  sud-est,  aux 
Oissanges  de  mt,  aux  Molouas  et  aux 
Ninéanay  du  nord-est,  bien  que  le 
pays  de  ces  derniers  soit  évidemment 
une  dépendance  physique  du  bassin  de 
la  mer  des  Indes  ;  nous  appellerons 
cette  agglomération  de  territoires  con- 
tigos,  région  du  Congo. 

La  seconde  portion  consiste  princi- 
palement dans  le  bassin  du  Kouâma 
ou  Zamb^^é,  avec  les  établissements 
portugais  dont  le  cbef-lieu  est  à  Mo- 
zambique ;  et  le  surplus  des  notions 
aequises  sur  le  reste  de  la  côte  orien- 
tale est  si  peu  de  chose,  quMl  y  a  toute 
convenance  de  l'y  réunir  comme  une 
amnexe,  pour  former  du  tout  la  région 
de  Mozaînbtque. 

IBGIONS  AV  NÔBD  1>B  t'ÉQUÀTSUR. 

Quant  à  TAfrique  se)>tentrionale , 
le  grand  trait  qui  la  caractérise ,  l'im- 
mense désert ,  nous  indique  une  divi- 


43 

sion  fort  rationnelle  en  laissant  à  Test 
la  longue  vallée  du  K\\ ,  avec  ses  dé- 

f)endances;  au  sud  les  contrées  que 
es  indigènes  appellent  Takrour  et  les 
Arabes  Belêd-et-Soudârt  ^  ou  pays  des 
nègres  ;  au  nord  les  États  barbares- 
ques,  auxquels  il  s'annexe  lui-même 
pour  former  avec  eux  la  grande  région 
que  les  Arabes  appellent  Maghreb£tXlt 
dénomination ,  qui  sur  nos  indications 
et  nos  conseils  ,  a  été  introduite  par 
Baibi  dans  la  Géographie  vulgaire ,  a 

Î)our  les  musulmans  un  sens  relatif  à  | 
'ensemble  de  l'empire  islamique  :  tout 
ce  qui  n'est  point  compris  en  celui-ci, 
soit  parmi  les  Beydhân  ou  blancs, 
soit  parmi  les  Soudan  ou  noirs ,  est 
Kafr  ou  mécréant  (  et  c'est  cette  épi- 
thète ,  si  souvent  lancée  contre  nous- 
mêmes,  que  l'usage  a  consacrée  ^ex- 
clusivement chez  nous  à  dénommer  ta 
race  austro-orientale  que  nous  enten- 
dions appeler  ainsi  par  les  Arabes  de 
Sofalah  ).  Quant  au  pays  des  Mosle- 
tnyn  ou  fidèles,  il  a  deux  parts,  le 
Maghreb  ou  occident ,  habitation  des 
Maghrebyn  ou  Maures,  c'est-à-dire 
Occidentaux ,  et  le  Scharq  ou  orient , 
comprenant  l'Egypte,  habité  par  les 
Scharqyyn  ou  Sarrasins,  c'est-à-dire 
Orientaux. 

Le  Maghreb  se  subdivise  géogra- 
phiquement ,  pour  les  Arabes  (  nos 
maîtres  sans  contredit  sous  le  rapport 
des  connaissances  qu'ils  possèdent  sur 
l'Afrique  musulmane),  en  Ssahhrâ  ou 
désert ,  en  Beléd  el-Geryd^  ou  région 
des  dattiers,  et  en  Tell  ou  hautes  ter- 
res, dénomination  appellative  que  rem- 
place quelquefois  celle  de  Ardh  el-Ber- 
oer ,  c'est-à-dire  la  terre  des  Berbers 
ou  la  Barbarie.  Cette  longue  zone  est 
partagée  à  son  tour ,  sous  le  rapport 
géographique  ^  en  Afryqyah ,  répon- 
dant à  peu  près  aux  régences  de  Tri- 
poli et  de  Tunis;  en  Maghreb  Aousath 
ou  occident  mitoyen ,  représenté  par 
ce  que  l'on  appelle  maintenant  Algé- 
rie ;  et  en  Maghreb  Aqssày  ou  occi- 
dent éloigné ,  qui  correspond  à  l'em- 
pire de  Marok. 

La  région  du  Nil  (ou  le  Nillandy 
comme  les  Allemands  ont  eu  Theureuse 
idée  de  l'appeler),  restée  à  l'est  du 


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44 


L'UNIVERS. 


Maghreb ,  comprend  successivement , 
en  remontant,  l'Egypte,  les  deux  Nu- 
bies;  puis  d'une  part  l'Abyssinie  avec 
Adel  ou  Zeyia'  et  Hharrar,  et  de  l'au- 
tre le  pays  inconnu  ou'arrose  le  Nil 
blanc,  et  qui  paraît  haoité  en  majeure 
partie ,  sur  un  long  espace,  par  les  nè- 
gres Schillouks,  jusqu'aux  hautes  val- 
lées qu'on  appelle  Donga  ;  il  y  faut 
rattacher  le  Kordoufân ,  que  sa  posi- 
tion géographique  aussi  bien  que  ses 
relations  politiques  lient  à  la  Nubie; 
et  même  le  Dâr-Four,  qui  appartient 
peut-être  physiquement  au  bassin  du 
Nil ,  et  que  les  Européens  n'ont  d'ail- 
leurs encore  abordé  que  par  la  voie 
de  l'Egypte. 

Quant  à  la  zone  qui  s'étend  au  sud 
du  Ssahhrâ ,  depuis  l'océan  Atlantique 
jusqu'au  Dâr-Four,  l'extrémité  occi- 
dentale, caractérisée  par  les  deux  grands 
fleuves  du  Sénégal  et  de  la  Gambie, 
en  a  tiré  le  nom  de^én^^am^t^,  qui, 
borné  d'abord  ,  dans  son  application, 
aux  bassins  de  ces  deux  rivières,  s'est 
successivement  étendu  vers  le  sud  à 
mesure  que  des  notions  étaient  ac- 
quises de  proche  en  proche  sur  les 
contrées  voisines  le  long  du  littoral , 
tandis  qu'une  grande  lacune  subsistait 
au  delà.  Pour  nous ,  dépassant  encore 
les  limites  qui  s'arrêtaient  vis-à-vis  de 
l'île  Scherbrou,  nous  les  porterons  jus- 
qu'au cap  des  Palmes,  où  l'Union  amé- 
ricaine a  établi  une  nouvelle  colonie , 
sœur  de  Libéria,  qui  prospère  au  cap 
Mesurado,  et  que  tant  d'analogies  doi- 
vent faire  comprendre  dans  une  même 
division  avec  la  Free-town  des  Anglais 
de  Sierra  -  Leone ,  inséparable  elle- 
même  de  Saint-Mary  sur  la  Gambie, 
dont  elle  est  le  chef-lieu  hiérarchique. 
Nous  effaçons  ainsi  de  cette  côte  le 
nom  de  Guinée ,  que  nous  avons  déjà 
laissé  en  oubli  pour  la  région  du  Con- 
go ,  où  les  routines  géographiques  la 
gardaient  seules  encore ,  bien  que  l'u- 
sage eût  dès  longtemps  admis  à  sa 
place  ce  nom  de  Congo  avec  une  ac- 
ception plus  large  que  celle  qu'il  eut 
dans  l'origine. 

La  dénomination  de  Guinée  reste- 
rait donc  uniquement  aux  côtes  qui 
s'étendent  sur  le  golfe ,  depuis  le  cap 


des  Palmes  jusqu'au  fond  de  la  baie 
de  Biafra;  mais  ici  encore,  où  l'usage 
le  conserve  pour  le  littoral ,  nous  lui 

{)référons,  pour  l'intérieur  des  terres, 
e  nom  indigène  de  Otianqàrah ,  qui 
s'étend  précisément  au  nord  jusqu'aux 
limites  du  Takrour  ;  sur  la  côte  il  of- 
fre dans  une  contiguïté  successive  les 
trois  États  d'Aschanty,  de  Daoumeh 
et  de  Beny. 

Enfîn  notre  distribution  géographi- 
que du  sol  africain  se  trouve  coniiplétée 
par  l'adoption  de  ce  nom  de  Takrour ^ 
qui  embrasse  tous  les  pays  entre  la 
Sénégambie  et  le  Dâr-Four  ;  nous  le 
préférons  à  celui  de  BeUd  eIrSoudàn 
(vulgairement  écourté  en  celui  de  Sou- 
dàrC)y  par  le  motif  que  cette  appella- 
tion ,  qui  se  rapporte  aux  peuples 
nègres ,  s'applique  avec  une  médiocre 
justesse  à  une  région  où  domine  par 
le  nombre  comme  par  la  puissance  la 
race  Peule  qui  est  rouge ,  et  qui  se 
compte  elle-même  parmi  les  blancs.  La 
région  de  Takrour  se  partage  assez  na- 
turellement en  trois  grandes  sections  : 
à  l'est  le  Bomou  et  ses  annexes ,  au 
centre  le  Hhaousâ,  à  l'ouest  ce  qu'a- 
vec le  sultan  Mohhammed-b-Ellah 
nous  appellerons  d'un  seul  mot  Mélt/^ 
redonnant  ainsi  une  application  actuelle 
à  une  dénomination  employée  dès  long- 
temps par  les  vo3[ageurs  et  les  géogra- 
phes arabes,  mais  qui  demeurait  inu- 
tile ,  ainsi  que  celle  de  Ouanqârah,  faute 
d'indices  suffisants  pour  les  placer. 

IIES  APBICAIIfES. 

Voilà  pour  le  continent;  restent  les 
îles.  Celles  que  l'Afrique  p«ut  reven- 
diquer dans  la  Méditerranée  sont  une 
annexe  naturelle  des  Ëtats  barbares- 
ques  ;  dans  l'océan  Atlantique,  les  Ca- 
naries ,  dont  on  ne  peut  séparer  Ma- 
dère ni  les  Açores ,  sont  évidemment 
un  appendice  de  l'Atlas  ;  les  îles  du 
cap  Vert  sont  à  leur  tour  un  appen- 
dice de  la  Sénégambie  :  celles  du  golfe 
de  Guinée  un  appendice  du  Ouanqâ- 
rah  oriental  ;  et  dans  la  mer  des  Indes 
Madagascar  se  rattache  à  la  région  de 
Mozambique,  aussi  bien  aue  Socotora, 
prolongement  insulaire  de  la  grande 


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HlSTOIfeE  DE  L'AFRIQUE. 


ptésquf le  des  S^^umâl.  Mais  ces 
liaisons  respectives  ne  sont  point  tel- 
lement étroites,  qu'il  ne  convienne 
peut-être  mieux,  ainsi  que  l'ont  pensé 
la  plupart  de  nos  devanciers,  de  consi- 
dérer comme  une  seule  région  dis- 


45 

tincte  toute  la  zone  maritime  où  sont 
disséminées  les  îleb  africaines,  sauf  à 
la  subdiviser  en  archipels  au  gré  des 
affinités  relatives  qui  déterminent  la 
distribution  de  toutes  ces  lies  en  di- 
vers groupes  séparés. 


S  m. 

PLAN  GÉNÉRAL  DE  L'OUVBAGE. 


Nous  venons  de  montrer  sous  ses 
divers  aspects  ce  grand  tout  qui  a  nom 
Afrique  :  nous  avons  dit  ses  caractères 
extérieurs  et  sa  constitution  intime, 
et  sa  parure  d'êtres  animés;  puis  con- 
sidérant l'homme  à  qui  la  possession 
en  est  dévolue ,  nous  avons  recherché 
sa  race,  étudié  son  langage,  ses  mœurs, 
ses  habitudes  sociales ,  scruté  ses  ori- 
gines, parcouru  ses  annales;  et  du 
sujet  lui-même  passant  à  ses  rapports 
avec  notre  propre  étude,  nous  nous 
sommes  demandé  compte  des  explora- 
tions qui  nous  l'ont  révélé ,  et  de  la 
corrélation  qu'il  est  nécessaire  d'éta- 
blir entre  les  notions  acquises  et  le 
théâtre  sur  lequel  elles  sont  recueil- 
lies. Tel  est  le  cycle  oue  nous  avons 
es^yé  de  former  des  iragments  épars 
que  nul  encore  n'avait  réunis  ;  quelque 
mince  que  soit  leur  valeur  isolée ,  elle 
se  grossit  en  raison  de  la  place  qu'ils 
occupent  dans  le  tableau  a'ensemble. 

Cette  méthode,  descriptive  et  nar- 
rative tour  à  tour,  que  nous  venons 
d'appliquer  à  l'Afrique  entière ,  nous 
avons  a  l'emploj^er  maintenant  pour 
chacune  des  parties  de  ce  ^and  tout  ; 
mais  les  éléments  tantôt  historiques , 
tantôt  géographiques  dont  nous  pou- 
vons disposer ,  ont  l'étendue  et  l'im- 
portance la  plus  diverse.  De  vastes 
régions  explorées  par  de  nombreux 
voyageurs  nous  présentent  un  sol,  des 
productions ,  des  habitants ,  à  ta  des- 
cription desquels  sont  consacrés,  dans 
nos  bibliothèques,  une  multitude  de 
volumes ,  mais  elles  ne  peuvent  nous 
ofihrir  une  seule  ligne  d'histoire  ;  d'au- 
tres points  au  contraire,  stériles  pour 
la  g&graphie,  nous  fournissent  de  co- 
pieuses annales  ;  et,  d'un  autre  côté , 


tandis  que  certaines  régions  se  recom- 
mandent à  la  fois  par  les  traits  de 
leur  physionomie  locale  et  par  les  sou- 
venirs de  leur  passé ,  il  en  est  dont  le 
rôle  est  pour  nous  sans  intérêt,  dans 
le  temps  aussi  bien  que  dans  l'espace. 
De  là  une  variété  nécessaire  dans  la 
forme  sous  laquelle  se  déroule  le  ta- 
bleau successif  de  ces  régions  diver- 
ses ,  et  dans  l'étendue  des  pages  que 
nous  devons  leur  consacrer. 

Nous  avons  à  nous  préoccuper  aussi 
de  l'ordre  dans  lequel  il  convient  de 
les  ranger,  pour  obéir  à  la  double 
condition  de  leurs  affinités  mutuelles 
et  de  la  séparation  inévitable  des  vo- 
lumes où  elles  ont  leur  place.  Emprun- 
tant ici  le  commode  artifice  des  clas- 
sifications dichotomiques,  nous  avons 
d'abord  considéré  1  Afrique  comme 
offrant  à  notre  étude,  d'une  part  un 
continent,  de  l'autre  des  iles  ;  et  nous 
avon^  accordé  un  volume  à  ces  der- 
nières. Puis,  dans  le  continent  afri- 
cain, une  distinction  nous  a  paru  facile 
autant  que  naturelle  entre  les  contrées 
où  commande  la  race  blanche  et  celles 
où  dominent  les  populations  nègres  ; 
et  nous  avons  réservé  un  volume  à  la 
Nigritie.  Il  nous  restait  à  partager 
cette  autre  portion ,  féconde  pour  la 
géographie  et  pour  l'histoire,  où  se 
trouvaient  concentrées  toutes  les  con- 
naissances que  l'antiquité  a  eues  de 
l'Afrique,  et  l'antiquité  elle-même  nous 
a  ici  indiqué  ce  partage.  Si  les  moder- 
nes, en  effet,  comprennent  l'Egypte 
dans  le  continent  d'Afrique,  il  n^en 
fut  pas  de  même  des  anciens,  non  plus 
que  des  Ara^s  :  pour  les  uns  et  pour 
les  autres  l'Egypte  appartenait  à  l'O- 
rient, l'Afrique  à  l'Occident;  nous 


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t'UNIVERS. 


avont  fait  comme  eux ,  en  consacrant 
une  divfiion  spéciale  à  TÉgypte,  et  à 
l'Ethiopie  qui  occupe  avec  elle  le  bas- 
sin du  Nil  ;  et  cette  division  a  exigé 
deux  volumes,  Tun  rempli  tout  entier 
des  faits  de  TÉgypte  antique  ^  l'autre 
réunissant  à  la  fois  l'Egypte  moderne 
et  les  contrées  ultérieures  du  haut  Nil. 
Enfin,  il  nous  reste  à  aborder  TAfrî- 
que  des  anciens,  Maghreb  des  Arabesi 
Régences  barbaresques  des  modernes, 
et  nous  lui  consacrons  aussi  deux  volu- 
mes ,  un  pour  les  temps  anciens,  l'au- 
tre pour  rétat  moderne. 

Ainsi,  la  Barbarie,  rÉgypte,  îa 
Nigritiç,  les  Iles ,  tel  est  Tordre  géné- 
ral de  cette  Histoire  et  Description 
de  TAfrique ,  en  tête  de  laquelle  avait 
sa  place  naturelle  le  tableau  d'ensem- 
ble que  nous  achevons  d'esquisser. 

AFBIQUfi  ANClJSNICB. 

Après  un  coup  d*œil  général  sur  la 
région  que  les  anciens  connaissaient 
sous  le  nom  d'Afrique,  et  que  nous  ap- 
pelons vulgairement  aujourd'hui  Bar- 
barie ,  vient  l'histoire  de  la  Cvrénaï- 
que  qui  en  occupe  les  parties  les  plus 
orientales  :  colonie  grecque  sur  le  sol 
libyen,  tour  à  tour  royaume  des  Bat- 
tîades,  république  turbulente,  con- 
quête des  Ptoiémées  d'Egypte ,  et 
enfin  province  obscure  dans  l'empire 
de  Rome  et  dans  cehii  de  Consenti - 
nople,  en  même  temps  que  dans  l'église 
chrétienne  d'Alexandrie.  A  la  suite  des 
fastes  de  Çyrêne  viennent  se  placer  les 
annales  de  Carthage ,  depuis  sa  nais- 
sance jusau'à  la  conquête  des  Ro- 
mains :  récit  dramatique  de  la  luttç 
acharnée  où  succomba  l'opulente  ri- 
vale de  Rome.  Puis  nous  nous  occu- 
pons de  la  Numidie  et  des  Maurita- 
nies  ,  dont  l'antique  histoire  acquiert 
un  intérêt  nouveau  par  suite  de  notre 
possession  actuelle  de  l'Algérie.  Le  ta- 
bleau, de  la  domination  des  Romains 
en  Afrique ,  du  développement  et  des 
vicissitudes  du  christianisme  en  ces 
eontrées,  le  récit  de  la  conquête  et  de 
)a  souveraineté  passagère  des  Vanda- 
les, enfin  la  restauration  byzantine, 
•dinplètent  cette  section  de  l'ouvrage 


en  nous  conduisant  jusqu'à  llnyasion 
des  Arabes. 

BTATS  BÀRBABBSQUBS. 

La  conquête  musulmane  imprime 
un  nouvel  aspect  à  l'Afrique,  et  ouvre 
ainsi  l'histoirt  moderne  de  cette  grande 
région,  qui  ne  tarde  pas  à  être  mor- 
celée en  plusieurs  Etats,  sous  diverses 
drnasties,  dont  il  fkut  tour  à  tour  ex- 
plorer les  annales  :  à  côté  des  Aghla- 
bytes  de  Qayrouân  rèenent  les  Ros- 
tamytes  de  Teyhert ,  Tes  Médrarytes 
de  Sagelmésâh ,  les  Édrysytes  de  Fés, 
les  Barghouâtbes  de  Temsnâ,  et  d'au« 
très  dynasties  encore  à  Sebtbah ,  à 
Nokour,  au  désert  ;  puis  surgissent  les 
Fahémytes,  sur  les  ruines  de  plu- 
sieurs de  ces  principautés  ;  mais  ils 
sont  bientôt  remplaces  eux-mêmes  par 
les  Zeyrytes  d'Asehyr  et  les  Hbam- 
madytês  de  Bougie,  les  Abdelouâdyteft 
de  Telemsên ,  et  à  cdté  ,   les  Beny- 
'Athyah,  les  Tafrounytes  et  les  Béoy- 
Aby-el-A'âfyab,  qui  se  disputent  Fés  ; 
puis  s'âèvent  les  Almoravides ,  qui 
engloutissent  la  plupart  de  oes  dynas* 
ties,  et  sont  engloutis  à  leur  tour, 
avec  les  Zeyrytes  et  les  Hbammady- 
tes,  dans  la  domination  des  Almohba* 
des,  dont  le  grand  empire  ne  dure 
guère  plus  d'un  siècle  :  les  H^ssytes 
deviennent  les  maîtres  de  Tunis  et  de 
toute  la  contrée  qui  s'étend  depuis 
rÉgypte  jusqu'aux  portes  d'Alger;  les 
Zyanytes  restaurent  le  royaume  de 
Xelemsén ,  et  dans  l'ouest,  les  Méry* 
nytes  succèdent  aux  Almobhades,  lee 
Bény-Ouathâs  aux  Mérynytes;  puis 
aux  Bény-Ouathâs  des  sdi^yfs  Da-> 
ra'ouytes,   remplacés  euû»  par  les 
sohéryfs  Fillêlytes  aux    mains  des^ 
quels  est  encore  aujourd'hui  le  soe{>^ 
tre  4e  Marok.  Dai^  l'est,  Tripoli,  Tu^ 
nis,  Alger,  eonquis  par  les  Turks ,  ne 
sont  plus  que  des  pasebâliks  de  l'em* 
pire  oUioman;  et  en  1S90,  Alger,  ai^ 
raché  aux  pirata ,  devient  uae  pro^ 
vince  française. 

BeYPTB  AMCIBlfflIB. 

De  la  région  barbaresque  nous  pas- 
sons en  Egypte,  dont  le  sol  est  jon- 


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fflSTOlRE  DE  L* AFRIQUE. 


cbé  dMnoombrables  décris  des  temps 
antiques;  témoins,  longtemps  muets 
pour  nous ,  d'une  longue  succession 
de  siècles,  ils  nous  en  redisent  aujour- 
d'hui lliistoire,  depuis  que  le  génie  de 
Cbampolliod  a  su  faire  parler  les  mil- 
liers de  légendes  hiéroglyphiques  dont 
leurs  faces  sont  couvertes.  A  la  vue 
de  ces  vénérables  monuments,  l'esprit 
s'enfonce  dans  la  profondeur  des  âges 
pour  étudier  cette  primitive  Egypte, 
dont  il  veut  connaître  l'ancien  état 
physique  et  les  anciens  habitants ,  la 
constitution  politique,  l'organisation 
civile ,  les  mœurs ,  les  usages  ,  les 
croyances ,  et  les  curieuses  écritures, 
tracées ,  peintes  ,  sculptées  partout  à 
profusion,  l^uis  il  interroge  ses. im- 
mémoriales annales,  où  se  succèdent, 
après  les  dieux  et  les  héros ,  trente- 
trois  dynasties  de  rois  et  d'empereurs, 
depuis  l'indigène  Menés  jusqu'au  by- 
zantin Héraclius,  détrôné  par  la  coU'* 
quête  des  Arabes. 

SGYPTB  MODEBNB  ;  BXHIOPIB* 

Là  commence  Fhistoîre  moderne  de 
l'Egypte ,  d'abord  simple  province  du 
grand  empire  des  khaiyfes,  puis  éman- 
cipée sous  les  Thoulounydes,  reprise, 
et  perdue  encore  par  la  révolte  des 
Ekhscbidytes  ,  puis  conquise  sur  ces 
derniers  par  les  Fathémytes,  qui  se  la 
virent  enlever  à  leur  tour  par  les 
Ayoubytes  ;  ceux-ci  furent  dépouillés 
eux-mêmes  par  les  mamiouks  bahha- 
rytes ,  auxquels  succédèrent  les  mam- 
iouks circassiens,  remplacés  enfin 
par  les  Turks  othomans.  La  France 
alla  inoculer  à  ces  derniers  posses- 
seurs de  la  vieille  Égynte  le  germe 
d'une  civilisation  nouvelle ,  et  il  s'est 
trouvé  un  homme ,  dont  la  main  vi- 
goureuse et  la  volonté  irrésistible, 
étouffant  l'anarchie  et  façonnant  les 
populations  orientales  à  Tordre  des 
sociétés  européennes ,  a  tenté  de  re- 
constituer une  monarchie  égyptienne. 
Ses  armes  ont  pénétré  jusqu'aux  plus 
hautes  riions  du  Nil ,  et  rattaché 
ainsi  à  l'histoire  de  rÉgvpte  moderne 
eelle  de  l'antique  Ethiopie.  Là  se  pla- 
eeot  donc  naturellement  le  peu  de 


4t 


souvenirs  qui  nous  restent  des  vieilles 
annales  de  la  Nubie  où  fut  Napata , 
du  Sennâr  où  ftit  Méroé ,  de  l'Abys- 
sinie  où  fut  Axum ,  en  même  temps 
que  l'esquisse  des  révolutions  qui  «y 
sont  accomplies  jusqu*à  nos  jours. 

KIOBITIB* 

Nous  entrons  alors  dans  la  Nigri* 
tie.  Là,  ce  n'est  plus  dans  la  descrip- 
tion des  monuments,  dans  l'étude 
d'une  civilisation  immémoriale ,  dans 
les  récits  d'une  lotte  acharnée  dont 
l'empire  du  monde  est  le  prix,  ou 
dans  les  chevaleresques  exploits  des 
apôtres  d'une  religion  enthousiaste, 
que  se  trouve  l'intérêt  de  notre  tra* 
vail.  Ce  sont  les  mœurs,  les  coutumes, 
l'aspect ,  le  langage ,  les  costumes  va- 
riés, les  croyances  et  les  superstitions 
singulières,  qui  doivent  former  les  di- 
verses parties  d'un  tableau  animé  et 
véritablement  pittoresque,  où  des 
hommes  noirs,  bruns,  lianes ,  olivâ- 
tres, gris,  jaunes,  au  corps  tailladé  de 
mille  insignes  distinctifs,  doivent  se 
distribuer  par  groupes  différemment 
caractérisés  ,  depuis  le  Peul  jusqu'au 
Hottentot ,  depuis  le  Yolof  jusqu'au 
Sçoumâly.  Entre  le  bassin  du  Nil  et 
rôcéan  s'étend ,  d'est  en  ouest ,  l'im- 
mense zone  du  Takrour,  où  se  succè- 
dent, après  le  Kordoufôn  et  le  Dâr- 
Four,  les  grands  empires,  disons  plu- 
tôt régions,  de  Bornou,  de  Hhaousâ, 
de  Mêly,  terminés  à  l'occident  par  la 
Sénégambie,  et  touchant  au  sud  le 
Ouanqârah,  signalé  par  l'embouchure 
du  Niger,  et  dont  les  rivages ,  connus 
sous  le  nom  de  côte  de  Guinée,  nous 
offrent  les  grands  états  d'Aschanty, 
de  Daoumen  et  de  Bénin.  Plus  loin, 
c'est  le  Congo,  lié  par  de  curieux  rap- 
ports de  langage  avec  les  peuples  Be- 
tchouanas,  trères  eux-mêmes  des  Ka- 
fres  de  la  côte  orientale,  que  tentent 
aujourd'hui  de  refouler  les  Anglais, 
possesseurs  de  la  riche  colonie  du  Cap, 
où  les  races  hottentotes  ont  à  peine 
laissé  quelques  restes.  Les  autres  par- 
ties de  l'Afrique  ne  s'étaient  montrées 
à  nous  que  du  point  de  vue  européen  ; 
celle-ci  veut  être  envisagée  du  pomtde 
vue  africain. 


i 


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L*UNIVERS. 


1I.BS  DE  L'àFBIQUB. 


Enfin  f  nous  arriyons  aux  tles  qui 
nagent  dans  la  Méditerranée  et  les 
deux  Océans,  et  qui  sont  rattachées  au 
continent  africain  par  la  position  géo- 
graphioue,  Fhistoire,  ou  le  langage. 
Celles  de  la  Méditerranée  méritent  un 
développement  particulier.  Les  unes 
ont  été  les  escales  des  premières  na- 
vigations dont  se  soit  occupée  Tanti* 
quité  classique  ;  nous  les  parcourons 
en  suivant  pieusement  la  trace  de  ces 
vieux  nautoniers,  dont  les  routes 
nous  sont  tracées  dans  les  périples 
erecs;  nous  arrivons  ainsi  aux  trop 
fameuses  Syrtes,  où  les  anciennes  tles 
des  Lotophages  sont  devenues  plus- 
tard ,  sous  les  noms  de  Gerbeh  et  de 
Qerqeneh,  le  théâtre  des  expéditions 
chrétiennes  du  moyen  âge,  et  le  siège 
d'une  seigneurie  féodale  ;  puis  s*of- 
ft'ent  à  notre  étude  les  tles  que  les 
Grecs  appelaient  Pélagiennes ,  et  au 
sein  desquelles  Arioste  et  Shakspeare 
sont  venus  placer  la  scène  de  leurs 
fantastiques  créations  ;  Malte ,  enfin , 
s'empare  de  notre  attention ,  en  nous 
racontant  les  hauts  faits  de  cette  mi- 
lice, immortelle  dans  l'histoire,  née  à 
Jérusalem,  et  qui,  après  avoir  illustré 
Rhodes,  vint  aussi  jeter  sur  Malte  l'é- 
clat de  sa  gloire,  avant  de  s'y  éteindre. 
Ensuite  arrive  le  tour  de  cet  Océan 
qui  semble  conserver  «dans  sa  dénomi- 
nation noéme ,  un  souvenir  de  l'anti- 


gue  Atlantide»  vérité  perdue  ou  Action 
mçénieuse ,  qui  relie  entre  eux  les  ar- 
chipels des  Acores ,  de  Madère ,  des 
.  Canaries,  et  du  cap  Vert ,  après  les- 
quels apparatt  le  rocher  isolé  de  l'As- 
cension, et  cet  autre  rocher  de  Sainte- 
Hélène,  stigmatisé  à  tout  jamais  par 
l'exil  du  grand  homme  que  la  France 
avait  opposé  au  monde  entier ,  et  sur 
lequel  l'Europe  voulut  se  venger  de  la 
lon^e  humiliation  qu'il  lui  avait  fait 
subir.  Nous  passons  enfin  à  Focéan  In- 
dien, et  là  nous  avons  deux  parts  à  faire 
des  Île3  que  nous  connaissons;  d'a- 
bord, le  groupe  où  domine  Madagas- 
car, cette  tle  immense  dont  les  popu- 
lations diverses  gravitent  autour  d  un 
noyau  malai  aux  mains  duquel  est  le 
sceptre,  et  qui  oppose  une  valeur  sau- 
vage, ou  une  politique  rusée,  aux  ten- 
tatives d'établissement  des  Français 
de  Bourbon ,  aussi  bien  que  des  An- 
glais de  Maurice ,  mattres  aussi  de 
Rodrigue  et  des  Séchelles  ;  puis  les 
tles  de  l'ancienne  mer  Erythrée,  célè- 
bres surtout  dans  l'antiquité,  et  nous 
offrant  la  fameuse  Panchaia  d'Evhé- 
mère,  pleine  de  merveilles  et  d'incer- 
titudes comme  l'Atlantide ,  et  cette  tle 
de  Dioscoride,  qui,  sous  le  nom  mo- 
derne de  Socotora ,  devenue  posses- 
sion anglaise,  sert,  aux  paquebots  de 
la  Grande-Bretagne,  de  point  de  ravi- 
taillement sur  la  route  nouvelle  de 
llnde. 


FIN  DE  L  ESQOISSB.  GSNEBÀLB. 


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L'UNIVERS. 


HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 

DE  TOUS  LES  PEUPLES. 


AFRIQUE. 


TABLEAU    GENERAL. 


AFRIQUE   ANCIENNE. 


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PARIS. 
TYPOGRAPHIE  DE  FIRR^IN  DmOT  FRÈRES 

IMP&IMEirAS    OE  li'lHSTITUT , 

rue  Jacob .  56. 


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AFRIQUE. 


TABLEAU    GÉNÉRAL, 

PAR  M.  D'AVE ZAC, 

DBS   SOCI^Tis   OBOOmArBIQVBS    SB    rABIS  ,  X.OKPBBS  BT  BBANCBOBT  , 

SB  LA  sociiri  abbicaibb  db  u>bdbbs, 

TICB-Fb£8IBBVT  SB  X.A   iOClivi   BTBBOLOOiqirB  SB  PABIS,  BTC. 


AFRIQUE  ANCIENNE 

(GTRÉNAIQUE;  GARTHA6E,  NUMIDIE,  MAURITANIE), 

PAR  MM. 

BUREAU  DE  LA  MALLE, 

MXMBBB   9B   l'aCAsIxI^  SBS  IBSCBirTIOHS  BT  BXliXJU-IiBrTBBS , 

YANOSKI, 

raovBMXOB  svTn.iA-Kr  au  coi.x.bob  »b  bbahcb  , 

AttBBof   SB  X.'vVITBB8ItI  ,    BTC. 


PARIS, 

CHEZ  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,  ÉDITEURS, 

IHPRIMEURS-LIBRAIEES   DK    L^INSTITUT, 
RUE  JACOB,  56. 

MDGGG  XLII. 


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MSSÎf OHmiS  WS  BSSSŒIBEIPMOH  ©IB  lLï*MflS,l(^Wlo 


AFRIQUE    ANCIENNE. 


INTRODUCTION. 


Du  vaste  continent  que  nous  appe- 
lons aujourd'hui  du  nom  commun  d^A- 
IVique,  les  anciens  ne  cennaissaieat 
qu'une  faible  partie  :  les  expéditions 
hardies  d'un  peuple  navigateur  avaient 
bien  pu  le  contourner  au  sud  ;  mais  il 
n'en  était  résulté  aucun  agrandissement 
du  cercle  dans  lequel  demeuraient  ren- 
fermées les  notions  en  circulation  par- 
mi les  Grecs  et  les  Romains ,  dont  les 
traditions  constituent  pour  nous  l'an- 
tiquité classique. 

SITUATION  ET  GRANDEUR  DE  L' AFRI- 
QUE DANS  LE  MONDE  CONNU  DES 
ANCIENS. 

Quelle  place  était  attribuée  à  l'Afri- 
que ,  ou  plutôt  à  la  Libye ,  ainsi  que 
la  dénommaient  les  Grecs,  dans  le 
monde  géographique  des  anciens  ?  Ce 
n'est  point  d'un  mot  qu'on  peut  répon- 
dre à  une  question  posée  en  des  termes 
aussi  larges  ;  car  ce  monde  antique , 
au  sein  duquel  nous  voulons  chercher 
le  site  et  les  proportions  de  la  Libye, 
ce  monde  fut  variable  au  gré  des  siè- 
cles et  des  systèmes  plus  ou  moins 
empiriques  ou  scientiGques  des  poètes 
et  des  historiens ,  des  géographes  et 
des  philosophes.  Il  faut  donc  parcou- 
rir toute  la  série  des  monuments  de 
la  géographie  ancienne,  pour  détermi- 
ner d'âge  en  âge  les  conditions  et  la 
solution,  tout  a  la  fois,  du  problème 
que  nous  venons  d'énoncer. 
•  Entreprendrons-nous  ici  une  pareille 
tâche  ;  et  cédant  à  l'attrait  de  cette  cu- 
rieuse étude,  féconde  en  laborieuses 


recherches,  en  investigations  pénibles, 
en  discussions  approfondies,  allons- 
nous  conduire  le  lecteur  au  milieu  de  . 
ce  dédale  d'assertions  et  d'hypothèses, 
de  conjectures  et  d!incertitudes,  à  tra- 
vers lesquelles  serpente,  indécis  et  ari- 
de ,  l'étroit  sentier  par  où  la  critique 
introduit  ses  adeptes  dans  le  sanc- 
tuaire de  la  vérité?  Non  :  sachonà  nous 
garder  de  cette  faiblesse  inopportune  ; 
amant  passionné  de  la  déesse  qui  cache  . 
au  fond  d'un  puits  sa  nudité  pudique, 
jetons  un  voile  discret  sur  les  luttes 
'  persévérantes  au  prix  desquelles  s'a- 
chètent ses  faveurs,  sachons  garder 
pour  nous  le  secret  de  ses  charmes,  et 
ne  livrons  à  des  regards  profanes  que 
ces  contours  vulgaires  qu'il  leur  est 
donné  de  contempler. 

La  synthèse,  résumant  pour  les  uns 
les  multiples  souvenirs  d'une  savante 
étude,  esquissant  pour  les  autres  les  ^ 
traits  saillants  d'un  sujet  encore  ina- 
bordé, nous  vient  en  aide  ici  pour  ré- 
duire^ ses  phases  principales  la  grande 
question  que  nous  nous  sommes  posée. 

Tous  les  monuments  de  la  géogra- 
phie ancienne  se  peuvent,  en  efiet,  dis- 
tribuer en  cinq  catégories  successives, 
auxquelles  s'attachent  autant  de  noms 
célèbres  pour  les  caractériser.  D'abord 
apparaissent  les  poètes,  au  milieu  des- 
quels brille  Homère;  puis  se  montrent 
les  historiens ,  avec  Hérodote  à  leur 
tête  :  c'est  ensuite  le  tour  des  géogra- 
phes descriptifs,  entre  lesquels  nul  n'é- 
gale Strabon;  après  eux  viennent  les 
géographes  mathématiciens,  tous  ran« 


4*  Livraison,  (Afrique  ancienne.) 


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50 


L'UNIVERS. 


gés  autour  de  Ptolémée  ;  enfin ,  la  dé- 
cadence romaine  nous  présente  les 
itinéraires ,  notices,  dictionnaires,  et 
cosmographies,  fastidieuses  mais  uti- 
les compilations ,  dont  les  plus  impor- 
tantes ont  eu  pour  rédacteur  Éthîcus  : 
c'est  encore  de  la  géographie  ancienne, 
mais  c'est  déjà  le  moyen  âge  de  la 
géographie. 

GONTBÉES  LIBYENNES  COMPRISES 
DANS  LE  DISQUE  TEBHESTHE  D'HO- 
MÈBE. 

Le  Planisphère  homérique ,  dont  le 
fleuve  Océan  déterminai  le  circulaire 
»  contour,  représentait  la  terre  comme 
un  disque ,  au  centre  duquel  s'élevait 
rOlympe ,  et  que  traversait ,  du  cou- 
chant a  l'aurore ,  une  zone  tracée  par 
la  mer  Intérieure  depuis  les  sources  de 
l'Océan  jusqu'au  Phase.  L'orhe  terres- 
tre se  trouvait  ainsi  coupé  en  deux  seg- 
ments, pour  lesquels  le  divin  rhapsode 
n'avait  point  encore  de  noms  propres 
généraux.  En  vain  Strabon,  panégy- 
riste, maladroit  cette  fois,  de  la  science 
géographique  d'Homère,  affirme-t-il 
que  chez  le  poète  l'hémicycle  septen- 
trional est  le  côté  des  ténèbres,  l'autre 
celui  du  soleil  et  du  jour.  Cette  appli- 
cation est  plus  ingénieuse  que  vraie , 
et  c'est  fohe  de  croire  que  ICchantre 
d'Ulysse  ait  renversé  l'ordre  de  la  na- 
ture ,  qui  a  mis  au  levant  l'aurore  et 
la  source  éternelle  du  jour ,  au  cou- 
chant les  ténèbres  et  la  nuit  (*).  Le 

{*)  ITpèc  ^é(pov — (57cep  ioù  irpôç  âpxTov) 
—  al  6s  T*  fiveuôe  i:^;  tû  f  '  ^éXiôv  te. 
(ôXov  lô  voTiov  TtXevpov  oiktù  Xéywv). 
Straboit  ,  I ,  sur  Hom.,  Odjrs,  ix,  a5. 
n  nous  suffit  d'opposer  à  cette  explication 
celle  qui  ressort  de  cet  autre  passage  d'Ho- 
mère (odyssée,  x,  191). 

''Û  91X01,  ouYÔp  t'  tSjiev  6ini  Kô^^i  oùB*  &nr\  -Jiwç, 
OOÔ'  ÔTOi  ^eXioç  çaefftfJLêpoTo;  iXa*  (wcè  yoiaN, 
OÔÔ*  ÔTTYi  avveTxai. 

Nous  ne  doutons  pas  que  la  véritable 
traduction  ne  soit  celle-ci  :  ««  G  mes  afnis , 
«  nous  ne  savons  plus  où  sont  ni  l'obscu- 
«c  rilé  {l*occident\  ni  Taurore  (l'orîent\  ni  le 
te  côté  où  le  soleil  lumineux  fait  sa  route  au- 
«  dessous  de  la  terre  {le  nord),  ni  le  point  où 
«il  culmine  au-dessus  d'tlle  (/e  midi),  » 


nord  et  le  sud  sont  certainement  dési- 
gnés par  Homère  comme  le  cèté  de 
Borée  ou  de  l'Aquilon  et  le  côté  de 
Notos  ou  de  l'Autan.  Plus  tard  on  ap- 
pliqua aux  deux  segments  les  noms 
d^urope  et  d'Asie  ;  mais  le  poète  ne 
connut  ces  deux  noms  que  dans  une 
acception  beaucoup  plus  restreinte , 
înscrivam  celui  ,d'*;Hrope  ^entre  le  Pé- 
loponèse  et  (es  iles  (*),et  celui  d'Asie 
à  l'embouchure  du  Kaystre{**),  tout 
près  d'Éphèse. 

Dans  rhémicycle  septentrional  s'é- 
tendaient jusgu  au  limbe  océanique,  au 
delà  des  Mysiens  de  la  Thrace  et  des 
peuples  hippomolges,  les  Gimmériens, 
dans  lesquels  l'ethnologie  mçderoc  est 
tentée  de  retrouver  les  ancêtres  de  cette 
puissante  race  celtique  dont  les  restes 
portent  encore  le  nom  de  Cymris. 

Dans  rhémicycle  austral,  sur  les 
bords  de  la  mer  Intérieure,  après  la 
Colchide,  laTroade,  lesCariens,  les 
Lyciens ,  les  Solymes ,  les  terres  qui 
^'arrondissent  autour  de  €hypre ,  la 
Phénicie  et  les  Érembes,  s'étend  l'E- 
gypte ,  et  enfin  la  Libye  ;  et  au  delà , 
sur  le  limbe  que  baigne  l'Océan ,  les 
Ethiopiens  éloignés ,  divisés  en  deux 
parts,  l'une  d'Orient  et  Fautre  d'Occi- 
dent. Ainsi  dans  la  mappemonde  d'Ho- 
mère ,  le  disque  terrestre ,  partagé  en 
deux  moitiés  inégales  dont  la  plus 
grande  était  consacrée  tout  entière  à 
l'Europe,  n'offrait  plus  qq'u»  segment 
amoindri  pour  l'Asie  et  l'Afrique  en- 
semble ;  et  quant  à  cette  dernière  en 
particulier ,  qui  s'y  trouvait  reléguée 
au  fond  du  couchant ,  il  nous  reste  à 
examiner  dans  quelles  proportions  eUe 
s'y  trouvait  comprise. 

Ménélas,  qui  passa  huit  années  à  er- 
rer sur  des  plages  étrangères  avant  de 

Nous  n'avons  pas  besoin  4e  nous  étendre 
ici  davantage  sur  cette  question. 

(*)  'Hjièv  ÔffOi  IleXowéwfiffov  nteipov  ty^fx^ 
<nv. 
'H<B'  ôffoi  EOpcoTCYiv  Te  xal  àji-^iptiTaç 

XaTtt  VTQffpVÇ. 

Homère,  Hymne  à  Apollon,  a5o. 

{**)  'Aoïc})   èv  Xei{JLwvt ,  KaO<rrp{ou  dcpiçl 
^éeÔpa. 

HoMCRE,  llictde,  XI,  46 x. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


rentrer  à  Sparte ,  visita  ainsi  tour  à 
\  tour  Chypre  et  la  Phénicie ,  les  Ê^p- 
tiens  et  les  Éthiopiens,  les  Sidoniens 
et  lés  Érembes ,  et  la  Libye  où  Içs 
agneaux  ont  des  cornes  dès  leur  nais- 
sance ,  où  les  brebis  mettent  bas  trois 
fois  l'an ,  offrant  aux  maîtres  comme 
aux  bergers  d'abondantes  provisions 
de  fromage,  de  chair,  et  de  lait  frais , 
puisqu'on  peut  les  trgàre  toute  Tan- 
née. Sur  quel  point  de  la  Libye  aborda 
l'époux  d  Hélène?  La  tradition  géo- 
graphi<)ue  semble  nous  le  révéler,  en 
conservant ,  jusqu'au  temps  de  Ptolé- 
Qiée,  le  nom  ae  Ménélas  à  Tun  des  ports 
de  la  Marmarique.  Ménélas ,  au  sur- 
plus ,  ne  doit  point  mourir  dans  la 
Gr^  :  à  la  fin  de  ses  jours,  les  dieux 
le  transporteront  au  champ  Élysien  , 
à  l'extrémité  de  la  terre ,  séjour  déli- 
cieux à  l'abri  des  neiges,  du  long  hiver 
et  de  la  pluie,  doucement  rafraiâii  par 
le  SQuiHe  du  zéphyre,  t)u  vent  d'ouest, 
émané  de  l'Océan.  Malheureusement 
le  poète  ne  nous  dit  point  à  quelle 
distance  du  phare  d'Egypte,  où  Mené- 
1  las  apprit  son  destin,  gisait  cette  terre 
fortunée. 

Les  pérégrinations  d'Ulysse  nous 
instruiront  sans  doute  davantage,  car 
iJ  se  rendit  lui-même  aux  limites  du 
profond  Océan.  Suivons  rapidement  le 
sillage  de  son  navire,  depuis  qu'au  dé- 
part de  Troie,  repoussé -par  les  Gicones 
de  la  ïhrace,  il  fut  emporté  par  Borée 
jusqu'auprès  de  Cytlïère ,  ^  poussé 
ensuite  en  dix  jours  chez  les  Lotopha- 
ge8  de  la  Libye  ;  de  là  nous  le  voyons 
aborder  chez  les  Cyclopes,  en  face  des- 

Suels  e»t  nie  boisée  d'Éguse  ;  échappé 
es  mains  de  Polyphéme ,  il  arrive  à 
rtle  d'Éole,  d'où  le  zéphyre  le  ramène 
eu  dix  jours  jusqu'en  vue  d'Ithaque , 
nais  où  il  est  rejeté  par  le  déchaîne- 
ment des  vents  contraires.  Alors  il  ga- 
I      foe  en  sept  journées  la  c4te  des  Lestry- 

ns ,  sujets  du  roi  Lamos ,  échappe 
^rand^peine  à  leur  dent  cruelle ,  et 
gagne  Eea,  ille  de  l'enchanteresse 
Cmé-  De  là  un  jour  lui  suffit  pour  se 
rendre  aux  bords  de  l'Océan ,  et ,  re- 
venu chez  Circé ,  un  jour  encore  le 
conduit,  en  doublant  les  îles  des  Syrè-. 
I      Des,  au  détroit  où  l'attendent  le  goinfre 


i 


51 

de  Charybde.et  le  rocher  de  Scylla;  il 
y  fait  naufragé,  et,  ballotté  sur  les 
débris  de  son  navire,  il  arrive  au  bout 
de  dix  jours  à  Ogygie,  l'île  de  Calypso 
fille  d'Atlas.  Il  eh  repart  enfin  sur 
un  radeau  ,  et  après  dix-huit  jours  il 
gagne  l'île  Skhéria ,  terre  des  Phéaciens, 
qui  le  ramènent  à  sa  chère  Ithaque. 

L'antiquité,  religieuse  admiratrice 
des  chants  du  sublime  poëte,  devait  se 
complaire  à  reconnaître  et  à  signaler 
tous  les  lieux  qu'il  avait  décrits  :  aussi 
les  noms  homériques  sont-ils  restés 
traditionnellement  attachés  aux  points 
qui  semblaient  répondre  à  ses  indica- 
tions ,  et  nous  les  trouvons  consignés 
dans  les  géographes  aussi  bien  que  dans 
les  schoïiastes.  La  moderne  Gerbeh 
est  chez  eux  appelée  l'île  des  Lotopha- 
ges  ;  Favignana  ,  à  la  poirite  occiden- 
tale de  la  Sicile ,  représente  Éguse , 
voisine  du  pays  des  Cyclopes.  Quant  à 
l'île  flottante  d'Éole,  c'est,  d'après  les 
explications  de  Pline  ,  la  moderne 
Slromboli.  Les  Lestrygons  d'Homère 
sont  généralement  placés  sur  la  côte 
d'Italie ,  au  fond  du  golfe  de  Gaëte , 
où,  suivant  le  dire. d'Horace (*),  La- 
mos avait  régné  sur  Formies.  Le  nom 
de  Circé  est  resté  jusqu'à  nos  jours 
attaché  à  un  promontoire,  qu'on  sup- 
pose avoir  autrefois  été  détaché  du  ri- 
vage, et  qui  passe  pour  avoir  été  le 
séjour  de  la  fameuse  magicienne.  C'est 
de  là  que  passant  devant  les  îles  Syré- 
nuses  uidiquées  en  face  de  Pestum,  et 
traversant  lé  détroit  deMessine,  Ulysse 
fut  poussé  dans  l'île  Ogygie ,  gui  se 
retrouve  dans  le  groupé  maltais ,  et 
gagna  ensuite  Skhéria,  la  moderne 
Corfou ,  d'où  il  revint  enfin  à  Ithaque. 

Dans  cette  navigation  errante,  Ulysse  . 
n'a  touché  aux  terres  Libyennes  qu'en 


n 


«  MM»  retasto  nobtlis  ab  Lamo 


«  Qui  Formiarum  inotnia  dicitur 
«  Princeps,  et  innantein  Marie» 
te  Littoribus  tenuisse  Lirim, 
«  Latè  tyrannus. 

HORACB,    OdfS,    UI,  XII. 

Malte-Brun  conduit  Ulysse  chez  les  Les- 
trygons de  la  Sicile,  mais  il  oublie  que  ce 
peuple  était  cantonné  sur  la  côte  orientale, 
et  il  le  transporte  de  son  autorité  privée 
sur  la  côie  septentrionale. 

4, 


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52 


L'UNIVERS. 


deux  points  insulaires,  l*un  Iiabité  par 
tout  un  peuple  de  Lotophages,  l'autre 

Sar  la  solitaire  fille  d'Atlas  ;  et  cette 
ouble  indication  ne  peut  guère  nous 
suffire  pour  estimer  l'étendue  de  la 
Libye  homérique  du.  côté  de  l'occi- 
dent. Mais  nous  avons  vu  le  fils  de 
Laërte,  parti  de  l'île  de  Circé,  parve- 
nir en  un  jour  jusqu'aux  bords  de  TO- 
céan ,  de  même  qu^en  un  jour,  de  l'île 
de  Circé  il  revient  au  détroit  de  Sicile. 
Cette  deuxième  journée  nous  donne  la 
mesure  de  la  première,  et  nous  désigne 
l'entrée  de  l'Océan  fantastiquement 
ouverte  sous  le  méridien  de  l'île  d'Elbe 
et  de  Carthaee.  Tel  était  donc  le  terme 
de  la  Libye  aHomère.  Et  Ton  n'était 
pas  plus  avancé  dans  les  siècles  sui- 
vants, jusqu'à  ce  que  le  samien  Coléos 
eût  été  poussé  par  la  tempête  au  delà 
du  détroit  d'Hercule ,'  639  ans  avant 
notre  ère. 

Si  le  rapprochement  des  portes  de 
l'Océan  raccourcissait  à  ce  point  la 
Libye  du  côté  de  l'ouest,  elle  se  trou- 
vait bien  plus  rétrécie  encore  entre  les 
contours  méridionaux  de  l'immense 
fleuve  circulaire  et  la  rentrée  des  Syr- 
tes.  On  en  peut  juger  en  recueillant , 
dans  les  Pythiques  de  Pindare ,  la  tra- 
dition primitive  du  voyage  de»  Argo- 
nautes ,  qui ,  du  Pont-Axène  passant 
par  le  Phase  dans  l'Océan  oriental,  et 
naviguant  au  sud  de  la  Libye,  trans- 
porterept  ensuite  leur  navire  à  travers 
les  terres,  jusqu'au  lac  Tritonide,  ac- 
complissant en  douze  journées  ce  mer- 
veilleux trajet  de  tout  le  continent 
africain  (*). 

Mais  quand  Hécatée  de  Milet,  qui 
écrivit  le  premier  traité  de  géographie, 
'  comme  son  compatriote  Anaximandre 
avait  tracé  la  première  mappemonde, 
eut  désigné  le  Nil  comme  un  bras  de 
l'Océan,  les  Argonautes  virent  s'ouvrir 
Dour  eux  une  voie  plus  aisée  de  retour 
à  la  grande  mer  Intérieure,  et  le  con- 
tinent austral  se  trouva  naturellement 

(*)        AcoSexa  8è  ^potepov 

*Aiiipo^  èJi  'ûxeovoù  (pépopiev 

'*EvâXtov  86pv. 

PnrfrARc,  PfthiqueSf  IV,  Str.  a. 


partagé  en  deux  sections,  en  sorte  qqe 
la  Libye ,  bien  que  considérée  encore 
comme  une  dépendance  de  l'Asie,  eut 
dès  lors  à  l'orient  une  limite  déter- 
minée. 

la  libye  bans   le  planisphere 
d'hékodote. 

Au  temps  d'Hérodote,  les  conditions 
du  problème  avaient  changé  :  le  disque 
terrestre  s'était  étendu ,  le  cercle  de 
l'Océan  agrandi  ;  il  semble  même  que 
le  centre  du  monde  se  fût  déplacé ,  et 
aue  du  Parnasse,  qui  avait  succédé  à 
rOlympe ,  il  eût  été  transporté  vers  le 
sud-est ,  à  Rhodes  peut-être.  * 

L'Europe,  en  effet,  séparée  de  l'Asie 
par  le  Phase,  l'Araxe,  et  la  mer  Cas- 

{ûenne,  était  bien  aussi  longue  que 
'Asie  et  la  Libye ,  en  face  desquelles 
elle  étendait  ses  rivages  ;  mais  elle  ne 
leur  était  point  Comparable  en  largeur, 
quoique,  a  vrai  dire,  personne  ne  l'eût 
encore  explorée  au  nord  et  à  l'est,  et 
ne  pût  certifier  en  conséquence  qu'elle 
fût  de  toutes  parts  entourée  par  l'O* 
céan,  comme  on  le  savait  pour  la  Libye 
et  l'Asie,  autour  desquelles  Nékos  et 
Darius  avaient  fait  naviguer  leurs  flot- 
tes ,  le  premier  du  golfe  Arabique  aux 
Colonnes  d'Hercule,  sous  la  couduite 
des  mariniers  de  Tyr ,  l'autre  depuis 
Caspatyros  sur  l'Indus  jusqu'au  golfe 
Arabique ,  sous  les  ordres  de  Scylax 
de  Caryande  :  ce  qui  avait  permis  de 
juger  gue  ces  deux  grandes  portions 
de-  l'hémicycle  austral  étaient  mutuel- 
lement de  grandeur  égale. 

Mais  ce  n'est  point  au  Nil  que  Til- 
lustre  historien  veut  placer  leur  limite 
naturelle  :  c'est  au  çolfe  Arabique,  sé- 
paréde  la  mer  Intérieure  par  un  isthme 
si  étroit!  Au  surplus,  il  trouve  risible 
qu'on  ait  voulu  couper  ainsi  en  trois 
parts  l'orbe  terrestre,  et  qu'on  ait 
choisi  précisément  le  Nil  pour  feire 
cette  coupure,  puisque  sa  bifurcation 
sépare  de  l'Asie  et  de  la  Libye,  tout  à  la 
fois ,  le  Delta  égyptien,  qui  constitue- 
rait ainsi  lui-même  une  quatrième  (*) 

(*)  Les  Égyptiens  l'entendaient  bien  ainsi 
dans  leur  division  ethnologique  du  monde. 


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AFRIQUE  ANCIEJNNE. 


partie  du  monde!...  Ces  moqueuses 
sorties  du  grave  liistorien  nous  .prou- 
vent que  ses  propres  idées  ;•  malgré 
Jeur  justesse,  n'étaient  point  celles  qui 
avaient  cours  parmi  ses  contempo- 
rains ,  et  que  FÉgypte  restait  séparée 
de  la  Libye. 

Les  connaissances  constatées  par 
Hérodote  sur  la  Libye  au  delà  de 
PÉgypte  suivent  trois  lignes  principa- 
les vers  Toccident  :  Tune  s'avance  le 
long  des  côtes  de  la  Méditerranée,  at- 
teint le  détroit  des  Colonnes ,  et  le 
franchit  pour  se  continuer  jusqu'à  un 
peuple  avec  lequel  les  Carthaginois 
échangeaient  leurs  marchandises  con- 
tre de  Tor;  l'autre,  partant  deThèbes 
d'Egypte,  se  poursuit  d'oase  en  oase, 
à  travers  le  désert,  jusqu'à  l'Océan;  la 
troisième,  inclinant  plus  au  sud,  sil- 
lonne tour  à  tour  des  pays  habités,  des 
solitudes  infestées  de  bètes  sauvages, 
des  déserts  sablonneux,  et  aboutit  en- 
fin aux  bords  d'un  fleuve  intérieur 
coulant  d'ouest  en  est,  habités  par 
des  hommes  noirs ,  ce  qui  a  fait  con- 
jecturer que  cette  indication  s'applique 
au  grand  fleuve  Kouârâ  ou  Niger,  qui 
passe  à  Ten-Boktoue. 

S'il  en  est  ainsi ,  Hérodote  aurait 
recueilli  dans  ces  informations ,  qui 
n'étaient,  au  surplus,  que  le  simple 
récit  il'une  expédition  isolée,  des  ren- 
seignements qui  s'étendaient ,  dans  la 
Libye,  intérieure,  bien  plus  loin  que 
les  Grecs  ni  les  Romains  dés  siècles 
ultérieurs  ne  poussèrent  leurs  connais- 
sances géographiques.  Il  ne  faut  point 
oublier,  d'ailleurs,  que,  dans  les  idées 
oue  le  père  de  l'histoire  se  formait  de 
lerbe  terrestre,  la  Libye  et  l'Asie  se 
balançaient  symétriquement  de  part  et 
d'autre  du  golfe  Arabique,  et  que  même 
l'Arabie  était,  au  midi,  la  dernière  des 
terres  habitées  (*). 

où  ils  se  donnaient  comme  de  raison  la 
premièrç  place ,  sons  le  nom  de  Borne  ou 
Hommes  ;  puis  venaient  successivement  les 
Nahasi  on  Africains ,  les  Namou  ou  Asia- 
tiques ,  et  les  Tamhou  ou  Européens. 
(*)  Upôç  5*  aï  |i€<TflHi6p(ri<;  l<r/é.vi\  'Apot^tv) 
^  Tûv  olx&ofiivtdv  x<^pi<*>v  isxi. 

Hkrodotb  ,  Thalie,  107. 


63 

Bien  que  les  conquêtes  de  la  science 
ne  soient  point  i irrévocablement  assu* 
rées  contre  des  retours  d'ignorance 
et  de  barbarie,  il  faut  néanmoins  se 
garder  de  croire,  sur  la  foi  de  quel- 
ques exagérations  modernes,  que  l'é- 
cole aristotélique,  venue  plus  d'un 
siècle  après  Hérodote,  eût  rétrogradé 
jusqu'au  monde  d'Homère;  que  l'au- 
teur d'un  livre  publié  sous  le  nom  du 
Stagyrite  lui-même  ait  voulu  repré- 
senter I9  Méditerranée  comme  for- 
mant le  golfe  Syrtique  immédiatement 
après  le  détroit  des  CoionncF  ;  qu'un 
autre  disciple  d'Aristote,  Héraclide 
de  Pont,  ait  parlé  de  Rome  comme 
d'une  ville  voisine  de  l'Océan.  Ce  sont 
là  de  pures  équivoques  :  Héraclide,  en 
effet,  avait  consigné  dans  un  de  ses 
écrits  la  vague  nouvelle  de  la  prise  de 
Rome  par  les  Gaulois,  et- il  la  dési- 
gnait comme  une  ville  assise  sur  les 
bords  de  la  Grande  mer;  et  la 
Grande  mer  ne  fut  jamais,  dans  l'an- 
tiquité classique,  le  nom  de  l'Océan, 
mais  bien  celui  de  la  Méditerranée. 
Et  quant  au  livre  aristotélique  Du 
Monde,  on  n'y  trouve  que  cette  ex- 
plication pleine  de  justesse  :  «  L'O- 
«  céan,  répandu  autour  du  monde  que 
«  nous  habitons,  se  frayant  une  route 
«  à  travers  le  détroit  appelé  les  Co- 
«  lonn^s  d'Hercule,  forme  une  iner 
«  intérieure,  s'agrandtssant  de  proche 
«  en  proche  et  s'enfonçant  dans  des 
«  goltes  considérables,  se  rétrécissant 
«  et  s'élargissant  tour  à  tour.  Et  d'a- 
«  bord,  en  effet.  Ton  dit  que  sur  la  droite 
«  des  navigateurs  venant  des  Colonnes 
«  d'Hercule^  elle  s'avance  dans  les 
«  terres  et  produit  les  deux  Syrtes; 
«  tandis  qu'à  Tonposite  elle  forme  les 
«  trois  mers  Sarcle,  Gauloise  et  Adria- 
«  tique,  immédiatement  suivies  de  kr 
«  mer  de  Sicile,  après  laquelle  vient 
«  la  mer  de  Crète,  ayant  elle-même 
«  d'un  côté  celles  d'Egypte,  de  Syrie 
«  et  de  Pamphylie,  de  l'autre  la  mer 
«  Egée  et  celle  de  Myrtos.  » 
•  Il  n'y  a  là,  certes,  rien  qui  ne  soit 
d'une  parfaite  exactitude  ;  mais  notre 
vaniteuse  légèreté  est  prompte  à  taxer 
d'ignorance  et  d'erreur  ce  qu'elle  ne 
s'est  pas  donné  la  peine  de  compren- 


L 


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54  L'UNIVERS. 

dre  :  et  c'est  ainsi  qu'une  critique  plis;  la  sphéricité  de  la  terre,  ensei- 
superficielle  et  tranchante  a  pu  mé-  gnée  par  Aristote,  était  devenue  une 
connaître  la  supériorité  réelle  de  Té-  vérité  incontestable;  et  la  mappe- 
cole  la  plus  savante  de  l'antiquité.  monde,  cessant  de  représenter  un 
Mais  si  Ton  ne.  peut  imputer  aux  disc|ue  imaginaire,  devait  offrir  désor- 
disciples  d' Aristote  un  retour  aux  mais  une  projection  rationnelle  de  la 
vagues  et  étroites  limites,  du  monde  portjon  habitable  de  notre  globe.  Vers 
homérique,  on  est  forcé  de  reconnai-  le  pôle  un  froid  excessif,  sous  la  zone 
tre  que  Pline,  compilateur  laborieux  torride  une  chaleur  insupportable,  ne 
plutôt  qu'habile  critique,  a  reproduit,  permettaieiit  Thabitation  de  Tbomme 
sur  la  QÎstribution  des  terres  et  leur  que  sur  un  espacé  allongé  d'est  en 
étendue  relative,  des  idées  qui  sem-  ouest  entre  ces  deux  extrêmes  de 
blent  apparteiyr  à  l'âge  d'Hérodote  température  ;  en  sorte  que  pour  long- 
bien  mieux  qu'à  son  propre  temps,  temps  désormais  VÉcumène  (*),  ou 
malgré  cinq  siècles  entiers  d'études  monde  habité,  présenta  la  figure  d'une 
progressives.  Pour  lui,  TEurope  est  chlamyde,  ou,  pour  nous  servir  de  la 
presque  égale  à  l'Asie  et  l'Afrique  comparaison  de  Possidonius,  répétée 
ensemble;  l'Asie  équivaut  à  peine  aux  dans  les  vers  de  Denis  le  Périégète  {**), 
deux  tiers  de  l'Europe,  et  l'Afrique  elle  affecta  la  forme  d'une  fronde, 
n'en  atteint  pas  les  deux  cinquièmes  ;  mesurant,  du  levant  au  couchant,  une 
en  d'autres  termes,  l'Europe  compte,  longueur  ou  longitude  double  de  la 
dans  l'orbe  terrestre,  pour  un  tiers  et  largeur  ou  latitude  comprise  entre  le 
un  peu  plus  d'un  huitième,  l'Asie  pour  midi  et  le  septentrion. 
un  quart  et  un  quatorzième,  et  l'A-  Dès  lors  aussi  la  Libye  ne  fut  plus 
frique  pour  un  cinquième  augmenté  comptée  comme  une  clépendance  de 
d'un  soixantième.  A  lin  de  représenter  I'Asiq,  et  formant  avec  elle  l'hémicy- 
ces  grandeurs  relatives  par  une  série  cle  austral,  tandis  que  l'Europe  cons- 
unique  de  chiffres  qui  répondent  à  tîtuait  à  elle  seule  1  hémicycle  boréal  ; 
toutes  les  conditions  énoncées  par  l'en-  l'Écumène  fut  considérée  comme  sé- 
cyclopédiste  romain,  nous  consigne- 
rons ici  les  valeurs  suivantes  de  cha-  (•)  oixouptlvYi  est  l'cxpressioo  usuelle  des 
que  fraction  dans  1  unité  terrestre  :  auteurs  grecs;  notre  langue  a  bien  admis 

Europe 0.48  Fadjectif  écuménique,  mais  elle  n'a  point 

Asie. . .  • 0.31  accepté  encore   écumène;   cependant  nous 

Afrique 0.21  "^  faisons  pas  difGculté  d'employer   ici  ce 

Gardon8-.noa&  toutefois  de  suppo-  ^f^  ^"®  Humboldt  a  déjà  tenté  de  «atu- 

ser  que  Pline  fût  resté  complètement  ^^^f^^- 

étranger    aux  connaissances   perfec-  ,,  1"  ffei '„"f.P!!r^ 

t^Xquiassujetti;ssaienHa.gUa.  !;irtrai;7ene"mT:rar^^^ 

phie  de  son  temps  a  de  savantes  theo-  bande  étroite  de  lieux  habitable.  :Tk  oIkV 

nes    cosmograplitques.    Nous    iK)us  piévt,  a<mi  èoti ,  8ià  tii(niç  tifc  àotx^  ô«k 

oornons  a  constater  qu  il  restait  tidele  xaO|ia  oteW)  texoiiévïi,^  ainsi  que  le  dît  Sir»- 

MX  traditions  du  siècle  d'Hérodote  sur  bon  à  propos  des  déterminations  australes 

la  distribution  <ies  trois  grsmdes  par-  d'Hipparque. 

ties  du  monde,  et  qu'il  demeurait,  -«ir  (.*)  Mv^(70(i«t  'ûxeovoïb  paev5ô6ou  •  év 

ce  point,  en  arrière  des  notions  déjà  yàp  èxeCvw 

aoquises  touchant  la  grandeur  rela-  nàaa  x^v,  «re  vii<joc  àiccipi'nK, 

tive  de  l'Asie.  èoreçcévciJTai* 

Où  {jLT^v  Ttoffa  5iaicpà  9np(8po(AOc ,  àXX« 

LA  LIBYB  DANS  LÀ  MAPPSMONDB  Sia(jL(pic 

DB  8TRAB0N.  Eùpurépy)  peôxuîa  wpèç  fieXCoio  xeXeu- 

eowç, 

Au  temps,  de  Strabon,  en    effet,  l9«vôovii  elotx^a. 

d'immenses  progrès  s'étaient  accom-  ,                   D^itys,  Fériégèse,  3-7. 


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AFRIQUE  ANCIEItrfE. 


parée  pt^t  le  Nil,  la  mer  Egée,  la  Pro» 
pontide,  le  Pont-Euxin,  la  Méotide  et 
*  U  Tanaïs,  en  deux  fractions  conoîdes, 
Tune  orientale  et  formée  tout  entière 
par  l'Asie,  l'antre  occidentale  et  réptr- 
tée  Europe  dans  son  ensemble,  mais 
subdivisée  par  la  lyiéditerraiiée  en 
deux  parties,  savoir,  au  nord  l'Europe 
proprement  dite,  et  au  sud  la  Libye. 
Celle-ci  comptait  donc  toujours  pour 
uii  quart,  plus  ou  moins,  du  monde 
habité  ;  mais  elle  était  annexée  à  l'Eu- 
rope au  lieu  de  l'être  à  l'Asie.  Elle 
offrait,  au  surolus,  la  fisure  d'un  trian- 
gle rectangle  dont  le  Nil  et  la  Méditer- 
ranée traçaient  les  deux  côtés  mu- 
tuellement perpendiculaires ,  tandis 
que  rOcéan  en  baignait  Thypoté- 
nuse;  cpielquefois.  aussi  on  la  regar- 
dait comme  un  trapèze,  sans  doute 
parce  que  le  retranchement  du  Delta 
^ptlen  mettait  en  évidence  un  qua- 
trième côté  dessiné  par  la  branche 
Canonique  du  Nil.  Le  sommet  aus- 
tral de  cette  figure  se  prolongeait  sous 
la  zone  torride,  et  I  on  n'en  parlait 
que  par  coniecture  ;  d'Alexandrie  à 
Méroe,  capitale  de  l'Ethiopie,  on  me- 
surait dix  mille  stades  environ,  et  de 
là  jusqu'à  la  limite  commune  de  l'É- 
cumène  et  de  la  région  torride,  encore 
trois  mille  stades;  en  sorte  que  la  plus 
grande  largeur  de  la  Libye  se  pouvait 
estimer  à  treize  ou  quatorze  mille  sta- 
des (*)  ;  sa  longueur  était  un  peu  moin- 

(*)  ^  stade,  de  600  pieds  girecs,  ou  6a5 
pieds  romaioB,  éqoivalait  préeisémait  à 
DB  hiiitièiDe  de  mille  romain ,  ee  qui  revient 
à  no  dixième  de  mille  géographique. 

Le  tour  de  la  terre ,  pris  sur  uu  de  ses 
grands  cercles,  était  estimé  a5a,ooo  sta- 
des :  c*était  un  sixième  de  plus  que  la  me- 
sure généralement  admise  aujourd'hui.  Gos- 
seDin  a  eu  la  singulière  prétenlion  d'établir 
que  les  anciens  connaissaient  la  léritable 
mesure  de  la  terré ,  et  qu'ils  en  avaient 
déduit  la  valeur  exacte  du  degré ,  à  laquelle 
était  subordonnée  la  longueur  du  stade  : 
c'est  r&njfener  Tordre  naturel  des  idées,  et 
méconnaître  kt  leçons  journalières  de  Tex- 
périence. 

La  division  du  cercle  en  parties  aliquotes 
sosceptibles  d'une  mesure  angiïlaire  était 
'  I  par  la  théorie;  des  observations , 


U 

dre  que  le  double  de  cette  quantité. 
Quelle  portion  de  l'Afrique  actuelle 
se  trouvait  comprise  dans  ce  triangle 
ou  ce  trapèze?  On  ne  peut  se  dissi- 
muler qu'elle  était  peu  étendue.  Le 
point  extrême  auquel  on  fût  parvenu , 
sur  la  côte  orientale ,  était  le  promon- 
toire appeléCorne  du  Sud,  qui  semble 
ne  pouvoir  être  cherché  plus  loin  que 
le  Râs-el-Kheyl ,  vers  le  huitième 
degré  de  latitude  nord.  Sur  la  côte 
occidentale,  on  connaissait  les  fies 
Fortunées,  situées  à  une  médiocre 
distance  des  extrémités  de  la  Mauri- 
tanie ,  après  laauelle  étaient  les  Éthio- 
piens du  coucliant,  limitrophes  des 
états  de  Bocchus  :  on  ne  s'avançait 
donc  guère  au  delà  du  cap  Noun  \  et 
les  Canaries  étaient  le  dernier  terme 
aue  l'on  atteignît.  Dans  l'intérieur 
des  terres ,  on  n'avait  que  des  notions 
très-vagues  sur  la  région  montagneuse 
et  déserte  occupée  par  les  Gétules  et 
par  les  Garamantes,  au  delà  desquels 
on  pouvait,  en  neuf  ou  dix  jours, . 
arriver  chez  les  Éthiopiens  répandus 
sur  les  bords  de  TOcéan  :  d'où  il  suit 
que  cet  Océan  était  censé  passer  à  une 
centaine  de  lieues  tout  au  plus  de 
Germa ,  et  non  .loin  des  limites  méri- 
dionales du  Fezzan.*  - 
Au  surplus,  la  disposition  que  Ton 


inévitablement  très-défectueuses  dans  un 
àgie  où  l'on  n'avait  que  des  instrumeuts  très- 
imparfaits,  déterminèrent,  sur  le  méridien 
céleste,  la  mesure  angulaire  de  Tare  com- 
pris entrç  le  zénith  d'Alexandrie  et  celui  de 
S^ène ,  à  un  cinquantième  «environ  de  la 
circonférence  totale  ;  et  comme  la  mesure 
itinéraire  de  ces  deux  points  était  à  peu 
près  de  5oo  stades,  on  en  conclut  très-logi- 
quement que.  la  circonférence  k  laquelle 
appartenait  cet  arc  contenait  en  totalité 
a5a,ooo  stades,  ce  qui  donnait  4100  stades 
par  soixantième*  de  cercle,  comme  comptait 
Eratostbènes,  ou  700  stades  par  degré;  taudis 
qu'en  réalité  le  degré  terrestre  ne  valait  que 
600  stades. 

D'autres  mesures  ayant  fourni  ultérieu- 
rement des  bases  différentes,  on  attribua 
au  degré  terrestre  une  longueur  de  5oo  sta- 
des seulement  :  c'était  une  erreur  en  sens 
contraire,  puisqu'on  restait  d'un  sixième 
au-dessous  de  la  vérité. 


L 


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se 


L'UNIVERS. 


attribuait  à  notre  Écumène  n*étdit 
pas  exclusive  de  Texistence  d'autres 
terres  habitables.  L'école  d'Aristote 
avait  dès  longtemps  proclamé  que  no- 
tre monde  était ,  au  sein  de  l'Océan  , 
une  grande  île,  la  seule  que  nous 
pussions  voir,  mais  que,  vraisembla; 
Dlement,  d'autres  fies,  les  unes  plus 
grandes,  les  autres  plus  petites,  émer- 
geaient de  rimmense  Océan  en  des 
parages  éloignés  de  nous':  -et  comme 
Erâtosthènes  affirmait  que,  si  la  gran- 
deur de  l'Atlantique  n'y  faisait  obsta- 
cle j  on  pourrait  naviguer  à  l'ouest 
depuis  l'Espagne  jusqu'à  l'Inde ,  Stra- 
bon  objectait  qu'une  ou  plusieurs 
terres  habitables  pouvaient  occuper  la 
zone  tempérée  à  travers  laquelle  eût 
dû  s'accomplir  cette  navigation  :  Chris- 
tophe Colomb ,  à  dix-sept  siècles  de 
distance,  partit  d'Espagne  pour  na- 
viguer à  l'occident  jusqu'à  l'Inde , 
comme  le  voulait  Erâtosthènes  ;  il 
rencontra  sur  sa  route  V  Écumène 
nouvelle  prévue  par  Strabon. 

Pomponius  Mêla,  plus  jeune  que 
Strabon  de  quelques  années,  se  pré- 
occupa moins  de  l'existence  possible 
de  plusieurs  mondes  sous  une  même 
zone ,  que  de  l'existence ,  à  peu  près 
certaine  pour  luf  ,*d'un  monae  habité 
sous  la  zone  tempérée  opposée  à  la 
nôtre  ;  aussi  expose-t-il  que  la  masse 
des  terres  émergées  de  l'Océan  e^t 
partagée  par  la  zone  torride  en  deux 
côtés  ou  némisphères ,  dont  l'un  est. 
habité  par.  nous,  l'autre  par  les 
Antlchthones  (*),  lesquels  nous  restent 

O  Déjà  Hipparqiie  avait  soupçonné  que 
la  Taprobane  pouvait  bien  être  le  conimen- 
cemeut  de  cet  autre  monde,  qiie  Manilius 
avait  également  sigualc  dans  ses  vers  : 

«  Terraruiii  forma  rotunda. 
«  Hane  drcum  Tarie  gentes  hominùm  aTque  feraram 
t  Aeriaeqùe  colunt  rolacres.  Pars  ejus  at^arctos 
«  Eminet  ;  auslrinis  pars  est  babitabilis  oris. 
«  Sub  pedibusqua  jacet  nostris,  snpraqaa  videtur 
«  Ipaa  sibi  fallent«  solo  dedivia  long  a 
««  Kt  pariter  snrgente  ria,  pariterque  cadente. 
«  Hinc  ubi  ab  occasu  nostros  sol  aspicit  ortus» 
«  III  ic  orta  dies  sopitas  excitât  urbeis, 
K  Et  cum  luce  refert  operum  Tadiiuonia  terris  : 
«  Mot  in  nocte  camus,  somnosque  in  membra  loca- 

••  Punit:!  ntrosqne  sais  distioguit  et  alligat  uodis. 
Hkvthuis,  ^stronomiqttestl,  a34. 


inconnus  à  clause  de  rinsu|>portable 
chaleur  de  la  plage  intermédiaire  ;  et 
il  lui  paraît  tres-vraisemblable  que  le 
Nil  a  chez  eux  sa  source,  d'où  il  se 
rend  dans  notre  hémisphère  par  des 
voies  souterraines ,  apportant  chez 
nous ,  dans  ses  crues  d'été ,  l'eau 
.des  pluies  hivernales  de  l'hémisphère 
austral.  Telle  est  la  vague  notion  que 
Ton  se  formait  alors  de  la  portion  ul- 
térieure du  continent  africaiVi;  et 
Pline ,  tout  en  croyant  aux  circumna- 
vigations de  Hannon,  d'Eudoxe  et  de 
quelques  autres ,  n'en  considérait  pas 
moins  toute  communication  entre  les 
deux  zones  tempérées  comme  imprati- 
cable à  cause  de  l'ardeur  du  soleil. 

LÀ  LIBYE  DANS  LÀ  MAPPEMONDE 
DE  PTOLÉMÉB. 

Ptolémée  fut  l'éditeur  d'une  nou« 
velie  théorie  géographique  empruntée 
en  majeure  partie  à  Marin  de  Tyr,  et 
où  se  reflétaient  aussi  probablement 
quelques-uns  des  résultats  énoncés  par 
Hipparque.  La  Libye  ne  fut  plus  une 
simple  annexe ,  soit  de  l'Asie  comme 
au»  siècles  d'Homère  ou  d'Hérodote , 
soit  de  l'Europe  comme  au  siècle  de 
Strabon  ;  sa  grandeur  relative  avait  été* 
reconnue,  et  elle  prenait  rang  en  con- 
séquence immédiatement  après  l'A- 
sie, et  avant  TEurope.  L'Océan  ne  la 
terminait  plus  au  nord  de  i'équateur 
pour  rejeter  loin  d'elle  la  terre  des 
Antichthones  :  on  eut  le  mérite  de 
savoir  ignorer  ce  qu'on  n'avait  pas 
vu  ^  et  l'on  ne  craignit  pas  d'avouer 
qu'au  nord  et  à  l'est  de  l'Asie  atte- 
naient  des  terres  inconnues  ,  qu'à 
l'ouest  et  au  sud  de  la  Libye  atte- 
naient  pareillement  des  terres  incon- 
nues. Mais  on  ne  s'arrêta  nialheureu- 
sement  point  là  :  et  cette  terre  incon- 

«  Altéra  pars  orbis  snb  aqois  jacet  inTÎa  nobis 
«  Ignotcque  hominuiu  génies,  nec  transita  régna, 
•  CominoDe  ex  ooo  lumen  dncentia  sole, 
«  Difersasqve  nmbras,  Icrsque  cadentia  signa* 
m  Et  dextros  ortos  cœlo  spcctantia  Terto. 
Elc.  . 

Idtm,  ibiJem,  I^  432  sqq. 
«  At  tibi,  quacomqae  es.  libyco  gens  igné  diremta, 
«  In  Noton  ombra  cadit,  qnœ  nobis  ezit  in  Arctonu^ 
LvcAiv,  Pharsale,  IX,  548. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


nue  du  sad ,  où  se  trouvait  renfermé 
le  pays  d'Agasymba^  on  la  contourna 
vers  î'est,  parallèlement  à  l'Asie,  pour 
enfermer  entre  elles ,  comme  une  au- 
tre Méditerranée,  la  mer  des  Indes, 
désormais  sé[)arée  de  rOcéan-,  qui  se 
trouvait  ainsi  repoussé  au  delà  des 
terres  inconnues.  La  noappemonde  de 
Ptolénf|ée,  dont  le  cadre  n'embrasse 
que  les  parties  connues  de  notre  globe, 
ne  représente  point  dès  lors  Torbe 
terrestre  tout  entier  ;  mais  les  cosmo- 
graphes arabes,  qui  le  prirent  pour 
modèle  au  moyen  âge ,  nous  en  don- 
nent un  dessin  complet. 

Étendue  et  formés  générales  du 
monde  connu  de  Ptolémée, 

Le  monde  connu  embrassait,  du  nord 
au  sud,  une  largeur  de  40,000  stades , 
et  une  longueur  de  72,000  stades  sous 
le  parallèle  de  Rhodes ,  auquel  se  rap- 
portaient la  plupart  des  mesures  en 
longitude.  Ptolémée ,  qui  avait  déduit 
de  quelque  mesurage  particulier  uqe 
Taleur  de  500  stades  pour  la  grandeur 
d'un  degré  du  méridien,  comptait  donc 
pour  sa  mappemonde  quatre-vingts 
degrés  de  latitude  entre  le  parallèle 
trans-équatorial  opposé  à  celui  de  Mé- 
roé,  d'une  part,  et  le  parallèle  de 
Tulé  d'autre  part;  et  il  comptait,  dia- 
prés la  même  base  de  calcul,  cent 
quatre-vingts  degrés  de  longitude  en- 
tre le  méridien  ces  îles  Fortunées  et 
celui  "de  Thines,  capitale  des*  Sines 
icfathyophages. 

L'érudition  moderne,  frappée  de  Ter- 
reur énorme  qu'offrait  cette  extension 
des  latitudes  et  des  longitudes,  s'est 
grandement  préoccupée  d'en  recher- 
cher les  causes,  afin  de  restituer , 
comme  on  dit,  la  carte  de  Ptolémée; 
mais  la  science  moderne  est  si  ingé- 
nieuse ,  si  subtile ,  qu'elle  a  imaginé 
de  merveilleuses  explications,  dont  le 
seul  défaut  est  d*étre  en  contradiction 
avec  lea  procédés  naturels  aussi  bien 
qu'avec  1  histoire  de  l'esprit  humain. 
Elle  a  supposé  que  la  géographie  posi- 
tive des  anciens,  au  lieu  de  siiméhorer 
successivement  par  de  lents  progrès , 
dus  à  une  exploration  .plus  attentive 


67 

et  plus  étendue  des  contrées  de  la  ter- 
re, ainsi  que  cela  arrive  encore  jour- 
nellement pour  les  régions  peu  ou  mal 
connues;  elle  a  supposé,  dis-je,  ^ue 
la  géographie  positive  a  été  portée, 
dans  des  temps  primitifs  et  oubliés,  à 
un  degré  de  perfection  qui  a  produit 
d'excellentes  cartes ,  défigurées  ensuite 
par  l'ineptie  des  géographes  grecs  ou 
romains  de  notre  connaissance.  Alors 
on  se  pose  le  problème  de  deviner, 
comment  Ptolémée  a  mal  compris  telle 
donnée  très-juste  du  géographe  primi- 
tif, comment  il  s'est  mépris  sur  telle 
autre  donnée  non  moins  parfaite,  et 
par  quelles  corrections  on  rétablira 
tout  cela  dans  l'état  où  Ptolémée  au- 
rait dû  le  laisser.  Ce  fut  y  à  la  fin  du 
siècle  dernier  et  au  commencement  de 
celui-ci,  une  œuvre  glorieuse  et  vantée 
que  cette  restitution  fantastique  de 
•toutela  géographie  positive  des  anciens. 
Le  temps  est  venu  d'en  faire  justice. 

Les  erreurs  de  Ptolémée  sont  de 
deux  sortes ,  et  révèlent  elles-mêmes 
leur  double  origine  :  les  unes  existent 
uniquement  dans  la  graduation  de  sa 
carte,  et  proviennent  d'une  fausse  base 
de  calcul  pour  la  transformation  ,  en 
degrés,  des  mesures  domptées  en  sta- 
des ;  le  degré  de  latitude  vaut  réelle- 
ment 600  stades,  et  Ptolémée  l'a  éva- 
lué à  500  ;  le  degré  de  longitude  sous 
le  parallèle  de  Rhodes  vaut  réellement 
4SS  stades,  et  Ptolémée  l'a  évalué  à 
444  :  voilà  de  véritables  méprises,  qu'il 
est  aisé  de  corriger  en  revenant  aux 
mesures  en  stades  qu'il-  a  ainsi  trans- 
formées ;  et  cette  correction  faite,  on 
aura  la  carte  fidèle  du  monde  tel  que  - 
i!a  connu  le  siècle  de  Ptolémée. 

Les  erreurs  de  la  seconde  espèce 
tiennent  à  l'imperfection  inévitable 
dans  le3  observations  et  dans  les  cal- 
culs de  réduction  des  itinéraires  :  il 
ne  nous  appartient  pas  d'y  toucher ,  à 
moins  de  vouloir  substituer  arbitrai- 
rement, par  un  capricieux  tripotage, 
aux •  connaissances  de  Ptolémée,  le 
résultat  de  nos  élucubrations  pour  les 
faire  cadrer  avec  celles  que  nous  pos- 
sédons aujourd'hui  (*). 

(*)  La  restitution  de  Ptolémée  d'après  les 


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5d 


L'UNIVERS. 


Cependant,  après  nous  être  renchi 
compte  des  formes  sous  lesquelles  on 
se  représentait  la  Libye,  au  temps  de 
Ptolémée,  il  convient  d'examiner  dans 
quelles  limites  réelles  se  trouvaient 
renfermées  les  notions  alors  acquises. 
Là,  encore,  grand  conflit  entre  les 
géographes  critiques;  les  uns  prolon- 
geant fort  loin ,  les  autres  restreignant 
a  l'excès  le  terme  des  connaissances 
anciennes  :  pour  les  gens  qui ,  sans 
se  plonger  dans  toutes  les  profondeurs 
de  ces  graves  questions,  veulent  pour- 
tant sortir  de  l'indécision  qui  resuite 
de  telles  dissidences,  le  procédé  com- 
mode des  moyennes  peut  les  tirer 
d'embarras:  In  medio  vîrtus ,  dit  le 
proverbe ,  et  les  proverbes  sont  la  sa- 
gesse des  natiohs.  Eh  bien ,  ce  mode 
facile  de  vider  sans  examen  un  grand 
litige  scientifique,  peut  s'appliquer  ici 
avec  tant  de  succès,  que  la  critique  la 
plus  rigoureuse  en  confirme  les  ré- 
sultats. 

Comme  la  mappemonde  de  Ptolé- 
iiîée  nous  offre ,  a  peu  de  chose  près , 
dans  leur  extension  la  plus  développée, 
les  notions  recueillies  par  les  anciens 
sur  la  géographie  de  la  terre,  et  parti- 
culièrement de  la  Libye ,  nous  ne  pou- 
vons nous  dispenser  d'exposer  ici  ; 
pour  le  continent  auquel  est  consacré 
cet  ouvrage,  le  résultat  général  des 
explorations  avancées  au  moyen  des- 
quelles s'était  agrandi  le  cercle  des. 
connaissances  constatées  par  Strabon. 

Ce  n'est  point  Ptolémée  lui  -  même 
qui  avait  rassemblé  les  documents  Iti- 
néraires employés  à  la  construction  de 
sa  carte  :  ce  travail  de  recherches  avait 
été  accompli  par  son  prédécesseur. 
Marin  de  Tyr ,  qui  avait  déjà  mis  en 
circulation  deux  éditions  de  son  livre 
et  de  sa  mappemonde ,  et  qui  était 
mort  avant  d  avoir  pu  mettre*  la  der- 
nière main  à  la  troisième  édition  qu'il 
préparait.  Le  savant  d'Alexandrie  so 
Doma  à  reprendre  en  sous -œuvre  les 

bases  de  construction  fourmes  par  les  ob- 
iervatioBS  modernes,  peut  procurer  quel- 
ques résultats  de  détail  d'une  application 


utile  ;  mais  ce  ne 
^ipoiei^lct 


application 
eut  être  ici  le  Ueu  d'e|^ 
s  m  U  portéew 


matériaux  réunis  et  discutés  en  érudit 
par  Marin,  afin  d'en  soumettre  la 
combinaison  et  l'emploi  à  une  révision 
scientifique.  Quoi  qu'il  en  soit ,  nous 
pouvons ,  à  défaut  du  témoignage  for- 
mel de  Ptolémée,  qui  nous  manque 
souvent,  reconnaître  par  l'inspection 
attentive  des  noms  géographiques,  et 
de  Tordre  dans  lequel  ils  se  succèdent 
sur  sa  carte,  à  quels  documents  Ma- 
rin les  avait  empruntés.  Ainsi ,  pour- 
la  cote  orientale  de  la  Libye ,  il  avait 
pris  pour  guide  quelques  périples  de  la 
mer  Erythrée ,  analogues  à  celui  qui 
nous  est  parvenu  sous  le  nom  d'Ar- 
rien  ;  pour  la  côte  occidentale ,  il  s'é- 
tait servi  du  célèbre  périple  de  Hannon, 
d'une  date  bien  antérieure  à  Strabon , 
mais  resté  inconnu  à  celui-ci  :  quant  à 
l'intérieur  des  terres,  Marin  avait  pro- 
bablement employé  les  itinéraires  four- 
nis par  les  exp^itions  militaires  de 
Caius  Suetonius  Paulinus  (*) ,  au  delà 
de  l'Atlas  occidental  jusqu'au  fleuve 
Gir,  et  de  Lucius  Cornélius  Balbus  (**) 
dans  la  Phazanie  ,  l'un  et  l'autre  indi- 
qués par  PIme  ;  et  nous  apprenons  de 
Ptolémée  lui-même  que ,  pour  les  po- 
sitions les  plus  avancées,  Marin  avait 
fait  usage  des  routes  de  Septimius 
Flaccus  (***)  et  de  Julius  Maternus  au 
sud  de  Garama  :  nous  ne  connaissons 
point  autrement  les  détails  de  ces  deux 
nouvelles  expéditions ,  et  la  date  même 
de  la  dernière  est  incertaine. 

Vérifions  successivement  jusqu'où 
ces  documents  divers  peuvent  nous 
conduire ,  tant  sur  les  côtes  que  dans 
l'intérieur  du  continent  africain,  tel 
que  nous  le  connaissons  aujourd'hui. 
Et  d'abord ,  examinons  le  périple  de 
la  côte  orientale. 

Limite  des  connaissances  andennes 
sur  la  côte  orientale. 

Au  sortir  du  golfe  Arabique,  auq.uel 
nous  restreignons  à  présent  la  déno- 

(*)  Consul-  en  Tannée  66  de  noite  ère. 

(**)  Triomphateur  en  Tannée  19  avant. 
Tère  vulgaire. 

(***}  Sous  Domitien>  en  Tannée  87  dé 
notre  era. 


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AFRIQUE  AlfCIENNE.- 


minatioû  de  mer  Rouge ,  on  se  diri- 
geait à  Test ,  le  lon^  de  la  cote  ,  jus- 
qu'au cap  des  Aromates,  pointe  la  plus 
orientale  de  la  terre-ferme ,  et  répon- 
dant dès  lors;  sans  conteste,  à  ce  qu'on 
appelle  maintenant  le  cap  Gharda- 
fouy,  ou  plus  exactement  Râs'Aseyr. 
De  là ,  naviguant  au  sud ,  on  contour- 
nait une  chersonnèse  ou  presqu'île 
pour  gagner  le  comptoir  d'Opone  ;  on 
dépassait  ensuite  une  double  apocope 
ou  échancrure ,  terniinée  par  un  cap 
appelé  Corne* du  Siid;  puis  on  lon- 
geait une  petite  côte  et  une  grande 
côte ,  on  faisait  escale  aux  mouillages 
de  Sarapion  et  de  Nicon ,  on  trouvait 
encore  plusieurs  embouchures  de  ri  viè- 
rcou  ancrages,  et  l'on  atteignait  enfin 
la  rivière ,  le  comptoir  et  le  cap  des 
Rhaptes  ou  barques  cousues,  limite 
ordinaire  des  navigations  commercia- 
les en  ces  .parages.  Depuis  les  Aro^ 
mates  jusqu'au  voisinage  des  Rhaptes, 
0  le  pilote  Diogène  avait  mis  vingt-cinq 
jours  d'une  marche  continue;  tandis 
que  le  pilote  Théophile,  favorisé  par 
le  vent  du  sud  ,  n'avait  mis  gue  vingt 
jours  depuis  les  Rhaptes  jusqu'aux 
Aromates,  estimant  à  mille  stades  cha- 
cune de  ses  journées  de  vingt-quatre 
heures.  Marinade  Tyr  jugeait  cette  es- 
time fort  raisonnable;  néanmoins  il 
n'évaluait  qu'à  cin^  mille  staîdes,  quoi- 
qu'elle eût  employé  bien  dçs  jours,  la 
navigation  du  pilote  Dioscore  au  delà 
des  j^fiaptes  jusqu'au  promontoire  Pra- 
soD ,  t^rme  le  plus  éloigné  des  recon- 
naissances vers  le  sud  :  la  variabilité 
des  vents  ne  permettait  pas  une  route 
assez  directe  pour  autoriser  une  éva- 
luation plus  considérable. 

Ptolémée  s'ensuit  lui-même,  auprès 
des  mariniers  pratiques  de  ces  parages, 
de  la  distance  qu'ils  calculaient  entre 
les  Aromates  et  les  Rhaptes  ;  cette  na- 
vigation équivalait  à  trente  journées 
de  douze  heures,  soit  de  jour,  soit  de 
Dilît ,  qu'on  devait  estimer  à  quatre  ou 
cinq  cents  stades  chacune.  Ce  résultat 
est  précisément  celui  qu'offrait  déjà  le 
périple  spécial  de  la  mer  Erythrée 
cmmn  sous  le  nom  d'Arrien  (antérieur 
de  quatre- vikigts  ans  à  Ptolémée),  sauf 
qttdqtws  dissidences  deldéti(il(]pjii  n'ont 


point  à  se  produire  ici.  Cette  route' 
était  donc,  en  totalité ,  de  quinze  mille 
stades ,  et  la  direction  en  était  au  sud- 
ouest  ,  tandis  que  celle  des  Rhaptes  au 
Prason  se  dirigeait  aU  sud-est. 

Telles  sont  les  données  que  l'anti- 
quité a  fournies  aux  élucubrations  ée% 
modernes  :  les  uns,  comme  Henri  Ja- 
cobs;  ont  hardiment  poussé  le  Prason 
jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance  ;  le 
plus  grand  nombre,  et  avec  eux  le 
docteur  William  Vincent,  à  qui  l'on 
doit  un  savant  commentaire  sur  le  pé- 
riple de  la  mer  Erythrée ,  se  sont  dé- 
terminés pour  Mozambique,  faisant 
répondre  le  comptoir  des  Rhaptes  à 
Quiloa,  et  le  promontoire  de  même 
nom  au  cap  Delgado.  Gossellin,  qui 
semble  avoir  eu  pour  système  d'écour- 
ter  sans  pitié  ni  mesure  le  monde 
connu  des  anciens,  ne  fait  aucune  dif- 
£culté  de  colloquer  à  Brava  le  cap 
Prason,  et  dans  lé  torrent  hivernal  de 
Doara  le  fleuve  et  le  comptoir  des 
Rhaptes ,  sans  s'inquiéter  en  rien  du 
gisement  de  la  côte  intermédiaire,  qui  . 
se  continue  au  sud-ouest  au  lieu  de 
faire  retour  vers  le  sud-est. 

Entre  ces  déterminations  dissidentes, 
nous  avons  une  moyenne,  appuyée  du 
grand  nom  géographique  de  D'An  ville, 
qui  sans  doute  n'est  pas  infaillible, 
mais  dont  l'admirable  sagacité  est  bien 
rarement  en  défaut,  alors  surtout 
qu'aucun  des  éléments  de  solution  ne 
lui  a  manqué.  Pour  lui ,  qui  d'abord 
avait  adhéré  à  l'opinion  générale,  mais 
qui  modifia  ses  premières  idées  après 
un  examen  plus  rigoureux  de  la  ques- 
tion ,  pour  lui ,  dis-je ,  les  Rhaptes 
doivent  coïncider  avec  Pâté ,  et  le  Pta- 
son  avec  le  cap  Delgado  :  nous  ne  pou- 
vons, ce  semble,  que  nous  ranger  à 
son  avis,  puisque  son  explication  se 
plie ,  aussi  bien  que  celle  du  docteur 
Vincent ,  aux  conditions  de  détail  du 
périple  ancien  et  des  tables  de  Ptolé- 
mée ,  tout  en  se  renfermant  dans  les 
limites  les  plus  restreintes  où  se  puisse 
encadrer  la  double  direction  de  la  côte 
au  sud-ouest  jusqu'aux  Rhaptes ,  puis 
au  sud-est  depuis  les  Rhaptes  jusqu'au 
Prason. 

La   cherâ^nnàile    infmédiaftement 


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L'UNIVERS. 


après  laquelle  vient  le  comptoir  d'O- 
pone,  ne  peut,  dans  toutes  les  hypo- 
thèses ,  être  méconnue  dans  la  pres- 
qu'île vulgairement  appelée,  sur  nos 
anciennes  cartes,^  cap  d'Orfui ,  et  plus 
exactement  désignée  aujourd'hui  sous 
la  dénomination  indigène  de  Râs-Hha- 
foun,  qui  semble  conserver  quelque 
trace  de  l'antique  nom  d'Opône.  • 

L'île  Menutnias,  inscrite  dans  les 
tables  de  Ptolémée  au  nord-est  du  Pra- 
sbn,  a  été  spécialement  considérée, 

Ear  les  partisans  de  l'hypothèse  la  plus 
irge ,  comme  un  indice  de  la  grande 
île  de  Madagascar  ;  dans  la  pensée  de 
D'Anville,  c'est  de  la  moderne  Zanzi- 
bar qu'il  s'agit.  Nous  aurons  à  revenir 
sur  ce  sujet  dans  la  partie  de  cet  ou- 
vrage où  nous  traiterons  spécialement 
deis  îles  africaines  de  la  mer  Erythrée. 

Limite  des  connaissances  anciennes 
sur  la  côte  occidentale. 

Transportons-nous  maintenant  sur 
la  côte  occidentale,  pour  y  détermi- 
ner aussi  le  point  d'arrêt  des  notions 
*de  Ptolémée.  Le  trait  saillant  de  ces 
longs  rivages  que  le  géographe  alexan- 
drin trace  jusqu'à  cinq  degrés  seule- 
ment de  distance  de  l'équateur,  c'est 
le  cap  Arsinarion,  qui  s'avance  consi- 
dérablement à  l'ouest,  et  après  lequel 
s'ouvre  le  golfe  Hespérique,  c'est-à- 
dire  occidental,  où  l'on  remarque  suc- 
cessivement un  promontoire  appelé 
Corne  du  couchant,  l'embouchure  du. 
fleuve  Masitholos  qui  vient  de  la 
montagne  nommée  Char  des  Dieux, 
et  enfin  l'hypodrome  d'Ethiopie,  ex- 
trémité des  terres  connues  dans  cette 
direction. 

Pour  un  grand  nombre  d'érudits 
du  siècle  dernier,  le  golfe  Hespériqi>.3 
n'était  autre  que  la  grande  mer  de 
Guinée,  et  la  Corne  du  couchant  ré- 
pondait au  cap  des  Palmes.  D'An- 
ville trouva  que  le  pronfbntoire  Arsi- 
narion était  évidemment  représenté 
par  le  tap  Vert,  et  le  Char  des  Dieux 

gar  les  montagnes  de  Sierra-Leone. 
rossellin  pensa  tout  autrement;  il  crut 
découvrir  que  Ptolémée  avait  répété 
jusqu'à  trois  fois,  bout  à  bout,  une 
même  série  de  points  géographiques, 


et  son  étude  fut  de  restituer  en  con- 
séquence cette  partie  du  littoral  :  le 
promontoire  Arsinarion  bu  Ryssa- 
dion,  identifié  avec  le  promontoire 
Gannaria  d'une  part^  et  avec  celui 
d'Hercule  d'une  autre  part,  fut  placé 
au  cap  de  Ger;  la  Corne  du  couchant, 
•  identifiée  avec  le  promontoire  du  grand 
Atlas,  fut  établie  au  cap  Noun;  le 
fleuve  Masitholos,  confondu  avec  ]fi 
fleuve  Nia  d'une  pa'rt,  et  avec  le  fleuve 
Nouios  d'autre  part,  fut  représenté 
par  le  fleuve  vulgairement  appelé  au- 
jourd'hui Ouêdy  Noun;  et  l'hypodro- 
me d'Ethiopie. trouva  sa  place  non  loin 
de  l'embouchure. 

Aucune  des  hypothèses  que  nous 
venons  de  signaler  ne  résout  d'une 
manière  satisfaisante  la  question  pro- 
posée :  toutes  pèchent  par  la  base,  en 
ce  qu'elles  ont  toutes  négligé,  pour  la 
détermination  du  promontoire  Ar- 
sinarion, une  condition  essentielle, 
résultant  des  tables  mêmes  de  Pto- 
lémée, savoir,  de  se  trouver  préci- 
sément par  le  travers  des  îles  Fortu- 
nées, que  représentent  de  nos  jours  . 
les  îles  Canaries.  Le  cap  Boyador  seul 
est  justement  ainsi  placé  :  voilà  donc 
le  véritable  cap  Arsinarion;  et  tout  à 
côté  s'élève  la  Penha-Grande,  ou  le 
grand  Rocher  des  premiers  explora- 
teurs portugais,  pour  représenter  le 
promontoire  Ryssadion.  La  Corne  du 
couchant  semble  se  retrouver  dans  le 
cap  du  Lagedo  ou  pavé,  au  sud  du- 
quel s'ouvre  le  fameux  JUio  do  Ouro, 
ou  fleuve  de  l'Or,  visité  au  quator- 
zième siècle  par  les  marins  de  la  Mé- 
diterranée, et  oui  répondrait  au  Masi- 
tholos, de  Ptolémée;  enfin,  l'hypodro- 
me d'Ethiopie  viendrait  se  placer  dans 
la  petite  anse  innommée  qui  précède 
l'Angra  de  Gonçalvo  de  Sintra. 

Telle  est  la  synonymie  géographique 
à  appliquer  aujourd'hui,  dans  notre 
opinion,  aux  points  les  plus  avancés 
de  la  côte  occidentale  d'Afrique  dont 
ait  fait  mention  Ptolémée.  C'est  jus- 
que-là que  s'était  prolongée  la  navi- 
gation de  Hannon,  aux  temps  de  la 
splendeur  de  Carthage;  mais  l'Italie 
et  la  Grèce  n'eurent  qu'une  révélation 
tardive  de  ces  explorations  puniques,  et 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


Pomponius  Mêla  semble  étrele  premier 
qui  en  eût  employé  les  résultats  dans 
un  ouvrage  géographique.  Le  roi  Juba 
le  jeune  les  avait  sans  doute  mis  en 
circulation;  mais  il  ne  paraît  pas  que 
les  reconnaissances  nautiques  exécu- 
tées par  ordre  de  ce  prince  eussent 
dépassé  les  Canaries,  et  c'était  encore, 
probablement,  sur  la  seule  foi  de  Han- 
non,  qu'après  un  intervalle  de  six  siè- 
cles. Marin  de  Tyr  et  Ptolémée  indi- 
quaient sur  leurs  cartes  là  côte  qui  se 
développe  au  delà  des  Iles  Fortunées. 
5ous  examinerons  dans  son  ensem- 
ble et  ses  détails  cette^  expédition  de 
Hannon,  le  long  ies  côtes  libyennes, 
à  l'île  de  Kernè  et  aux  îles  Gorgades, 
en  traitant,  dans  la  suite  de  cet  ou- 
vrage, des  îles  africaines  de  Tocéan 
Atlantique. 

Limite  des  connaissances  anciennes 
dans  f  intérieur. 

Maintenant,  c'est  dans  Tintérieur 
des  terres^  dans  ces  régions  si  peu 
connues  à  nous-mêmes,  crue  nous 
avons  à  ebercher  la  limite  des  explo- 
rations romaines  et  des  notions  re- 
cueillies par  Marin  de  Tyr  et  Ptolémée. 

Des  rivières,  des  montagnes-,  des 
noms  de  contrées  et  de  peuples,  occu- 
pent le  vaste  espace  compris  entre  les 
deux  côtes  dont  nous  venons  de  véri- 
fier l'étendue  :  le  Nil ,  avec  ses  sources 
remontant  jusqu'aux  montagnes  de  la 
Lune,-  est  tracé  dans  là  partie  orien- 
tale. De  ce  côté,  si  le  cours  supérieur 
de  ce  fleuve  n'est  pas  une  délinéation 
fantastique  et  conjecturale,  les  con- 
naissances des  anciens  ont  été  pous- 
isées  plus  loin  que  les  nôtres  ;  il  fau- 
drait avouer,  dans  tous  les  cas,  qu'ils 
étaient  aussi  instruits  que  nous  sur 
la  région  du  haut  Nil. 

Deux  autres  grands  fleuves,  le  Gir 
et  le  Nigir,  serpentent  en  plusieurs 
rameaux  sur  le  reste  de  la  Libye  inté- 
rieure, et  c'est  même  à  la  région  qu'ils 
arrosent  qu'est  spécialement  restreinte 
cette  dernière^  dénomination.  On  a 
beaucoup  disserté  sur  la  question  de 
savoir  quels  fleuves  modernes  repré- 
sentent ces  deux  grands  cours  d'eau  : 
on  les  a  longtemps  cherchés  3t  l'ex- 


61 


tréme  limite  de  nos  connaissances  sur 
l'Afrique  centrale,  et  la  géographie 
vulgaire  s'est  même  emparée  du  nom 
de  Niger  pour  l'appliquer  au  fleuye  le. 

f)lus  considérable  de  ces  parages,  ce- 
ui-là  même  dont  Laing,  Caillié,  Mun- 
go-Park  et  Lander  ont  découvert  de 
notre  temps  quelques  fractions  suc- 
cessives. 

Il  y  a  pourtant  bien  loin  de  là  aux 
notions  réelles  des  anciens.  Chez  Pto- 
lémée, le  Nigir  et  le  Gir  sont  deux 
fleuves,  presque  connexes,  mais  cepen- 
dant distincts,  le  premier  occupant  la 
région  de  l'ouest,  le  second  celle  de. 
l'est.  Quant  au  premier,  son  cours  est 
compris  entre  les  montagnes  Mandron 
et  Thala,  d'un  côté,  Sagapola  et  Ou- 
sargala  de  l'autre  :  celles-là  au  sud, 
celles-ci  au  nord.  Quant  au  second,  il 
est  compris  entre  Te  même  mont  Ou- 
sargala  et  la  vallée  Gnramantique.  Or, 
ce  mont  Ousarcala,  dont  le  nom  se 
trouve  mêlé  à  la  description  du  cours 
de  ces  deux  fleuves,  est  justement 
aussi  le  point  de  départ  duBagradas,  le^ 
fleuve  de  Carthage,  et  il  serait  dès  lors  * 
complètement  superflu  de  "chercher 
d'autres  preuves  que  les  deux  cours 
d^eau  signalés  par  Ptolémée  dans  la 
Libye  intérieure,  ont  leurs  sources 
au  revers  de  l'Atlas,  et  coulent  au 
nord  du  grand  désert  :  et  l'on  peut 
juger  par  les  noms  de  quelques  peu- 
plades indiquées  au  delà  du  Gir  et  du 
Nigir,  telles  que  les  Dolopes,  les  As- 
tacures,  les  Mimaces,  les  Nabathres, 
inscrites  en  même  temps  sur  le  ver- 
sant boréal  de  l'Atlas,  qu'il  ne  s'agit 
en  définitive  ici  que  de  la  région  atlan- 
tique. 

Puis  vient  l'Ethiopie  intérieure,  où 
se  trouvent  l'éléphant,  le  rhinocéros 
et  le  tigre  :  ori  n'y  voit  figurer  aucun 
nom  de  peuple,  mais  seulement  quel- 
ques montagnes,  et  la  grande  contrée 
d'Agasymba,  après  laquelle  tout  est 
absolument  inconnu.  Nous  savons  que 
ces  vagues  notions  étaient  le  résultat 
des  expéditions  de  Septimius  Flaccus 
et  de  Julius  Maternus.  Le  premier, 
dans  une  campagne  de  trois  mois, 
était  allé  de  chez  les  Garamantes 
chez  les  Éthiopiens  du  sud  ;  l'autre, 


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P9 


L'UNIVERS. 


parti  de  Garama  et  de  la  Grande  Lep- 
tîs,  avec  le  roi  des  Gara  mantes,  pour 
marcher  droit  au  sud  contre  les  Éthio- 
piens, avait,  dans  l'espace  de  quatre 
mois,  atteint  la  contrée  d'Agasymbn; 
mais,  remarquait  Ptolémé^,  il  s'agis- 
sait des  Éthiopiens  limitrophes  des 
Garamantes,  étendus  à  l'ouest  et  à 
l'est  aussi  bien  qu'au' midi,  et  l'on  n'en 
rapportait  d'ailleurs  aucun  renseigne- 
ment digne  d'intérêt.  Nous  pouvons 
mesurer  là-dessus  la  valeur  des  con- 
naissances acquises  jusqu'alors  sur 
.  l'Afrique  centrale  :  elles  se  rédui- 
saient à  quelques  vagues  indices  des* 
peuples  noirs  qui  bordent  le  Fezzan 
par  le  sud,  c'est-à-dire,  des  Tibbous 
de  nos  joui*s. 

Connaissances  géographiques  posté' 
rieures  à  Ptoiémee. 

Après  Ptolémée,  la  science  de  la 
terre  subit  une  révolution  nouvelle  : 
alors  commence  une  époque  de  tran- 
sition où  la  géographie,  s'appliquant 
encore  à  la  période  ancienne  de  l'his- 
toire du  monde,  se  rattache  par  ses 
formes  aux  siècles  ultérieurs  :  ainsi 
que  nous  Tavons  dit  plus  haut,  ce 
n'est  point  encore  la  géographie  du 
moyen  âge,  mais  c'est  déjà  le  moyen 
lige  de  la  géographie. 
.  Toutes  les  cosmographies  latines 
sont  désormais-  rédigées  sur  une  base 

3ui  s'éloigne  peu  de  ce  principe  fon- 
amental ,  que  l'orbe  terrestre ,  circu- 
lairement  entouré  d'un  océan  continu, 
est  diamétralement  coupé  du  nord  au 
sud  par  le  Tanaïs  et  le  Nil ,  en  deux 
parties,  dont  la  plus  orientale  s'ap- 
pelle Asie ,  tandis  que  celle  d'occident 
est  séparée  d'est  en  ouest  f)ar  la  Mé- 
diterranée en  deux  quartiers,  l'un 
d'Europe ,  l'autre  d'Afrique.  C'est  un 
retour  grossier  aux  idées  d'Ératos- 
thènes  et  de  Strabon.  La  sphéricité  de 
la  terre  s'efface  même  devant  les  scru- 
pules des  Pères  de  l'Église  ;  on  rétro- 
grade jusqu'au  disque  plan  d'Hérodote 
et  d'Homère  ;  et  le  soleil ,  effectuant 
son  cours  du  levant  au  couchant  par 
le  midi  pendant  les  douze  heures  de  la 
journée,  revient  du  -couchant  au  le- 
vant par  le  nord  pendant  les  douze 


heures  de  la  nuit  (*).  Oue  dis -je?  \^ 
rotondité  même  n'est  plus  une  condi- 
tion des  représentations  graphiques  ; 
et  le  moine  grec  Cosmas,  surnommé 
Indicopleiistes  ou  le  navigateur  '  in- 
dien ,  mscrit  sa  mappemonde  dans  nh 
parallélogramme ,  sur  la  marge  duquel 
reparaît ,  au  delà  de  l'Océan ,  la  terre 
des  Antichthones  de  Mêla ,  offrant  à 
l'orient  le  paradis  terrestre,  où  se 
voient  les  sources  non-seulement  du 
Gihon  ou  Nil ,  comme  l'avait  énoncé 
le  géographe  romain ,  mais  aussi  de 
l'Euphrate,  du  Tigre  et  du  Physom 

Dans  les  œuvres  du  moyen  âge  pro- 
prement dit,  se  reproduisirent  ces 
fantastiques  délînéations  du  monde 
connu  des  anciens.  Le$  disques  offrant 
un  hémicycle  et  deux  quartiesrs  se  re- 
trouvent nombre  de  fois  ;  les  A^nglo- 
Saxons,  à  l'autre  bout  de  la  terre,  ont 
aussi  laissé  leur  parallélogramme,  ana- 
logue à  celui  de  l'indicopleustes  Cos- 
mas ;  quelques  traces  de  la  terre  des 
Antichthones  se  montrent  sur  de  rares 
mappemondes  orbiculaires ,  dans  les 
concfitions  indiquées  par  Mêla;  pui$ 
apparaissent  les  planisphères  arabes, 
ou  percent,  à  travers  l'impéritie  de 
l'art  le  plus  naïf,  les  enseignenients  de 
Ptolémée,  et  son  système  du  prolon- 
gement de  l'Afrique  à  l'est  pour  en- 
fermer la  fher  des  Indes  comme  une 
autre  Méditerranée;  ceux -là. servirent 
de  modèle  aux  cpsmographes  néô  -  la- 
tins qui  vinrent  après  eux ,  jusau'à  ce 
qu'une  subite  lumière  sur  la  véritable 
forme  de  la  terre  détermina  la  brusque 
transition  de  ces  planisphères  grossiers 
aux  mappemondes  sphériques  de  la 
science  moderne. 

BISUMB  DES  NOTIONS  DES  ANCIENS 
SUR   L'AFRIQUE. 

Ainsi ,  d3ns  la  revue  historique  que 
nous  venons  de  passer  des  phases  di- 
verses sous  lesquelles  se  ^ont  produites 

(*)  On  retrouve  Texp^sition  de  ce  sys- 
tème au  neuvième  siècle  dans  le  géographe 
anonyme  de  Ravenne,  et  son  application 
graphique  beaucoup  plus  tard  encore,  da^t 
le  Planisphère  niellé  du  musée  Borgia. 


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AFRKyJi:  AÎÏCÏENNE. 


soccessiveoient  les  conn^ilSdnces  géo- 
graphiques de  l'antigaité  sur  rétemiue 
.  et  m  répartition  des  continents  ter- 
restres ,  parmi  lesquels  nous  avions  à 
recioMaltre.la  place  réservée  à  TAfri- 
que ,  nous  avons  vu,  tour  à  tour,  Ho- 
mère, donnant  à  l'Europe  la  plus  grande 
inoitié  du  disque ,  laisser  1  autre  «eç- 
ment  à  TAsie ,  dont  la  Libye  occupait 
r^^^itéoccidentale  ;  puis  Hérodote, 
aoKHodrissant  l'Europe ,  consacrer  à 
l'Asie  le  segment  le  plus  considérable, 
dans  lequel  la  Libye  avait  la  moindre 

Fart;  ensuite  Strabon,  attribuant  à 
Asie  toute  la  moitié  orientale  de  l'Êcu- 
mène  sphéroïde,  donner  l'autre  à  l'Eu- 
rope, en  y  comprenant  la  Libye  comme 
une  annexe  de  moindre  étendue ,  in- 
dépendamment des  terres  extérieures, 
au  nombre  desquelles  se  range  celle 
des  Antiohthones  de  Mêla  ;  nous  avons 
vu  enfin  Ptolémée ,  soudant  la  terre 
des  Anti<si>thone£  aux  extrémités  con- 
nues de  la  Libye ,  agrandir  celle-ci  jus- 
qu'à lud  assigner  le  second  rang,  après 
l'Asie  et  avant  l'Europe ,  dans  la  dis- 
tribution des  continents  de  TÉcumène. 
Après  lui ,  la  géographie  rétrograde 
vers  l'imperfection  des  âges  antérieurs, 
et  s'enveloppe  des  langes  de  la  barba- 
rie, d'où  elle  ne  doit  sortir  qu'à  la  re- 
naissance des  lettres. 

Et  parallèlement  à  ces  représenta- 
tions contemporaines ,  $ous  lesquelles 
les  anciens  formulaient  à  la  fois  leurs 
connaissances  positives  et  leurs  théo- 
ries systématiques  du  monde  habité , 
cherchant  la  portée  véritable  de  leurs 
notions  réelles,  nous  avons  vu  Ho- 
mère, mentionnant  à  peine  quelques 
lies  libyennes  de  ta  Méditerranée,  tout 
ignorer  au  delà  du  méridien  de  Car- 
mage;  Hérodote  n'a  de  renseigne- 
ments précis  que  sur  une  partie  du  lit- 
toral ;  mais  les  informations  plus  values 
ou'il  avait  obtenues  suivaient  la  ligne 
des  Oases ,  et  s'enfonçaient  peut  -  être 
même  dans  les  terres  jusqu'aux  confins 
ultérieurs  jdu  désert;  la  hmite  des  con- 
oaissaoces  de  Strabon,  partant  des  Ca- 
naries, suivait  la  chaîne  de  l'Atlas,  et 
passait  au  sud  du  Fezzan  pour  ^e  ter- 
miner au  Râs  el  Rheyl  ;  enfin ,  l'hori- 
zon de  Ftolémée  s'étendait  depuis  le 


G3 


Bîo  do  ûuro ,  par  le  nord  du  déseï^  « 
le  pays  des  Tibbous,  et  les  sources  du 
^il,  jusqu'au  cap  Delgado  voisin  4p 
Quiloa.. 

LUUTBS    DS    L'AFBIQU3    ANCIBNNB 
PU  CdTB  D^ÀSIB. 

Ptoiémée,  le  premier,  avait  osé  raai^- 
quer  expressément  la  séparation  de 
1  Afrique  et  de  l'Asie  à  l'isthme  que  les 
modernes  ont  aussi  adopté  pour  limite 
définitive  :  Hérodote  en  avait  déjà  eu 
la  pensée ,  mais  il  ne  l'avait  pas  impo- 
sée d'autorité  à  ses  contemporains  et 
à  ses  successeurs  ;  aussi  Ptolémée  est-il 
forcé  de  la  proposer  lui-même  comme 
une  nouveauté,  et  d'en  plaider  les  avan- 
tages ,  sans  parvenir  toutefois  à  con- 
vaincre son  siècle  ni  les  géographes  des 
âges  ultérieurs  :  en  vain  il  représenta 

Sue  le  Nil  avait  Tinconvénient  de  sein* 
er  l'Egypte ,  et  d'offrir  d'ailleurs  une 
séparation  moins  tranchée  et  moins 
commode  que  le  golfe* Arabique;  l'an- 
cienne rouline  prévalut.  On  se  con- 
tentait d'é.chapper  à  l'iacoovénient  de 
scinder  l'Egypte  et  l'Ethiopie ,  en  rat- 
tachant à  I  Asie  toute  la  rive  gaucf^e 
de  la  vallée  du  Nil  :  cette  vallée  même 
devint  plus  étroite  ou  plus  large  au 
gré  des  vicissitudes  politiques  qui  an* 
nexaient  à  F  Egypte  une  portion  tantdt 
plus  grande,  tantôt  moindre,  de  la  li- 
sière libyque  limitrophe. 

Ainsi,  tantôt  c'était  à  l'embouchure 
canopique  du  Nil,  ou  bien  à  Alexan- 
drie, ou  encore  au  fond  du  golfe  Plin- 
thinète,  tantôt  à  Parétonion,  ou  à 
Apis^  ou  à  Piynos,  ou  enfin  au  grand 
Catabathme ,  que  l'on  marquait,  sur  la 
côte ,  le  point  de  division  de  l'Asie  et 
de  la  Libye,  continuant  droit  au  sud 
leur  ligne  de  démarcation.  En  un  mot, 
l'Egypte,  avec  ses  dépendances,  de- 
meura fondamentalement  annexée  à 
l'Asie ,  et  le  nom  de  Libye  fut  invaria* 
blement  restreint,  daiis  l'acception 
usuelle,  à  la,région  africaine. située  à 
l'ouest  de  l'Egypte  .••les  Arabes  nièn^e, 
dont  Ptolémée  tut  pourtant  le  princi- 
pal guide ,  subirent  néanmoins  cette 
influence  des  .vieilles  habitudes  ;  et 
ycompr^u^iot  le  ^essr^  c'est-à-dire 


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64 


L'UNIVERS. 


rÉgypte,  dans  le  Scharq  ou  Orient,  ils 
eurent,  pour  représenter  la  Libye  des 
anciens,  le  nom  général  de  Maghreb 
ou  Occident. 

Il  convenait  donc,  en  traitant  de 
TAfrique  ancienne ,  de  n'y  pas  intro- 
duire rÉgypte  et  le  reste  de  la  vallée 
du  Nil ,  toujours  considérés,  dans  l'an- 
tiquité ,  comme  une  division  séparée , 
et  qui ,  dès  lors ,  exigeaient  une  des- 
cription à  part,  une  histoire  dis- 
tincte. 

DIVISIONS  GÉOGBAPHIQUBS  PB  l'A- 
FBIQUE  ANCIENNE. 


Cette  troisième  partie  du  monde 
connu  des  anciens  n'a  point  gardé,  dans 
le  cours  des  siècles,  une  distribu- 
tion géopaphique  constante  à  laquelle 
nous  puissions  accommoder  de  prime- 
saut  les  subdivisions  de  notre  travail. 
D'abord  on  n'entrevoit  d'autre  distinc- 
tion que  celle  des  peuples  :  Hérodote 
d'après  les  notions  qu'il  avait  directe- 
ment recueillies,  Salluste  d'après 
celles  qu'il  trouva  consignées  dans  les 
livres  puniques  de  Hiempsal ,  concou- 
rent à  nous  donner  une  idée  générale 
de  la  situation  primitive  des  popula- 
tions autochthones ,  ou  qu'ils  regar- 
daient du  moins  comme  telles.  Sur 
toute  rétendue  du  littoral  était  répan- 
due la  race  libyenne,  à  laquelle  ce  nom 
appartenait  en  propre;  depuis  l'Egypte 
jusqu'au  fond  de  la  petite  Syrte  et  aux 
bords  du  fleuve  Triton ,  elle  menait  la 
vie  errante  des  nomades  ;  du  Triton  à 
l'Océan,  elle  était  adonnée  aux  cul- 
tures sédentaires.  Derrière  ces  Libyens 
agriculteurs  étaient  cantonnés  d'autres 
nomades,  peuples  rudes  et  sauvages, 
désignés  sous  le  nom  de  Gétules ,  et 
[ue  représentent  peut-être  les  Berbers 
Je  nos  jours  :  les  traditions  généalo- 
giques de  ces  derniers,  rapprochées  de 
celles  que  nous  a  transmises  Procope, 
tendent  à  montrer  en  eux  les  descen- 
dants des  Rananéens  expulsés  de  la 
Palestine  par  Jbsué.  Puis ,  derrière 
tous  ces  nomades,  soit  libyens,  soit 
gétules,  habitaient  les  Éthiopiens, 
ainsi  appelés  de  la  noirceur  de  leur 
teint,  soit  qu'il  y  faille  reconnaître  des 


l 


nègres  proprement  dits,  qui  se  seraient 
avancés  alors  jusqu'au  nord  du  désert, 
soit  qu'on  *ies  doive  seulement  regar-. 
der  comme  une  race  basanée. 

A  ces  populations  indigènes  ou  pré- 
tendues telles,  se  vinrent  mêler  des 
éléments  étrangers  qui  en  modifièrent 
la  composition  intime  et  la  distribu- 
tion territoriale  ;  c'est  encore  aux  livres 
de  Hiempsal  que  Salluste  en  a  emprunté 
le  récit.  «  Quand  Hercule,  dit-îl,  selon 
les  traditions  africaines ,  eut  péri  en 
Espagne,  son  armée,  composée  de 
nations  diverses,  sans  chef,  en  proie  à 
des  ambitieux  qui  s'en  disputaient  le 
commandement ,  ne  tarda  point  à  se 
débander.  Une  partie ,  s'étant  enibar* 
quée ,  passa  en  Afrique  :  c'étaient  des 
Mèdes  et  des  Arméniens ,  qui  s'établi- 
rent sur  le  littoral  de  la  Méditerranée; 
et  des  Perses ,  qui  s'enfoncèrent  plus 
loin ,  vers  l'Océan.  Ceux-ci  se  firent 
des  abris  de  la  coque  renversée  de  leurs 
navires,  à  défaut  de  matériaux  aue  le 
sol  ne  leur  fournissait  pas,  et  qu  ils  ne 
pouvaient  tirer  d'Espagne  par  voie 
d'achat  ou  d'échange,  car  l'étendue  de 
la  mer  et  la  différence  de  langage  s'op- 
.  posaient  aux  relations  commerciales. 
Peu  à  peu  ils  se  mêlèrent  aux  Gétules 
par  des  mariages  ;  et  comme  souvent, 
tâtant  le  pays,  ils  étaient  allés  de  place 
en  place ,  eux-mêmes  se  donnèrent  le 
nom  de  Numides  (qui  n'est  qu'une  au- 
tre forme  de  celui  de  nomades).  Au 
temps  de  Salluste ,  les  demeures  de  ces 
Numides  agrestes,  appelées  mapalia 
en  leur  langue,  avaient  encore  la  forme 
allongée  et  la  courbure  latérale  d'une 
coque  de  navire. 

«Quant  aux  Mèdes  et  aux  Armé- 
niens, ils  s'unirent  aux  Libyens,  plus 
rapprochés  de  la  mer  d'Afrique;  tandis 
que  les  Gétules  étaient  plus  au  midi  , 
non  loin  des  ardeurs  du  tropique.  Ils 
eurent  bientôt  des  villes  ;  car,  séparés 
de  l'Espagne  par  un  simple  détroit,  ils 
avaient  institué  un  commerce  d'échan- 
ses.  Les  Libyens ,  altérant  peu  à  peu 
leur  nom,  les  appelèrent,  en  leur  langue 
•  barbare ,  Maures^  au  lieu  de  Mèdes 
(se  rapprochant  ainsi  de  la  prononcia- 
tion arménienne ,  qui  donne  en  effet 
Ja  forme  Mar  au  nom  des  Mèdes). 


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AFRIQUE  ANOENNE. 


es 


«  I^puissancedes  Perses  fut  prompte 
à  se  développer  (  et  leur  descendance 
directe  se  perpétua  dans  lesT  tribus  des 
Pérorses  et  des  Pharusiens ,  ainsi  que 
Pline  en  a  fait  la  remarque).  Plus  tard, 
à  cause  de  leur  multitude,  ils  se  sépa- 
rèrent de  leur  souche  et  s*étendirent , 
soas  le  nom  de  Numides,  dans  les  can- 
tons voisins  du  site  de  Carthage,  qui 
s'appelèrent  dès  lors  Numidie.  Puis, 
s'aidanf  les  uns  les  autres,  ils  subju- 
guèrent par  les  armes  ou  par  la  crainte 
les  peuples  limitrophes,  et  s^acquirent 
beaucoup  de  gloire  et  de  renommée , 
surtout  ceux  qui  s*étaient  le  plus  avan- 
cés vers  la  Méditerranée ,  où  ils  n'eu- 
rent affaire  qu'aux  Libyens,  moins 
belliqueux  que  les  Gétules  :  en  défini- 
tive, la  plage  inférieure  de  l'Afrique 
tomba ,  pour  la  majeure  partie ,  en  la 
possession  des  Numides;  et  tous  les 
vaincus  n'eurent  désormais  d'autre  na- 
tion ni  d'autre  dénomination  que  celle 
de  leurs  maîtres.  » 

Ainsi ,  à  sa  deuxième  phase,  la  po- 
pulation de  l'Afrique  se  trouva  répar- 
tie de  manière  à  nous  offrir,  au  voisi- 
nage le  plus  immédiat  de  THispanie , 
les  Maures,  formée  du  mélange  des 
Arméniens  et  des  Mèdes  avec  les  Li- 
byens indigènes;  derrière  eux  les  Pé- 
rorses et  les  Pharusiens,  postérité  des 
Perses;  puis  les  Gétules,  et,  en  avant 
de  ces  derniers ,  les  Numides  formés 
de  leur  mélange  avec  les  Perses ,  et 
englobant  les  Libvens  subjugués  du 
littoral  ,  depuis  fe  fleuve  Molouya 
borne  des  Maures,  jusqu'au  fond  de  la 

Fetite  Sj^rte,  et  même  au  delà  ;  enfin,  à 
extrémité  orientale  de  cette  longue 
zone  n  les  Libyens  pasteurs ,  chez  les- 

es  les  Numides  ne  s'étaient  point 
dus  ;  et  derrière  eux  tous,  les  Ethio- 
piens. 

D'autres  races  étrangères  vinrent 
8*iropatroni8er  en  Afrique,  non  plus 
eomme  éléments  nouveaux  destinés  à 
É'cffaeer  dans  une  fusion  commune , 
mais  au  contraire  comme  fondatrices 
de  colonies  conservant  une  nationalité 
s^rée.  Ce  furent ,  d'une  part ,  les  * 
Phéniciens  de  Tyr  et  de  Sidon,  qui 
édielonnèrent  sur  la  câte ,  à  l'ouest  de 
la  grande  Syrte ,  divers  comptoirs  < 


dont  le  plus  considérable  fut  Carthage, 
bientôt  devenue  cité  prépondérante  au 
milieu  des  cités  puniques ,  souveraine 
d'un  État  puissant ,  et  dominatrice  de 
tout  le  littoral  africain  depuis  le  fond 
de  la  Syrte  jusaue  par  delà  les  colonnes 
d'Hercule.  Ce  turent,  d'un  autre  côté, 
les  Grecs  de  Théra,  oui  vinrent  fonder, 
sur  la  côte  libyenne  a  l'est  de  la  Syrte, 
des  établissements  dont  la  métropole 
fut  Cyrène,  moins  célèbre  par  son  im- 
portance politique  et  ses  richesses  que 
par  la  culture  des  sciences  et  des 
lettres  et  par  l'illustration  de  ses 
écoles. 

Alors  se  trouvèrent  déterminées  de 
véritables  limites  territoriales,  que  les 
vicissitudes  politiques  purent  déplacer, 
mais  qui  ne  s'effacèrent  plus  ;  tes  au* 
tels  des  Philènes,  au  fona  de  la  Syrte, 
marquèrent  la  séparation  des  états  de 
Cyrène  et  de  Carthage;  le  nom  de 
Libye  acquit ^  surtout  dans  la  bouche 
des  Romains,  une  appUcation  spéciale 
à  la  première  de  ces  divisions,  tandis 
que  le  nom  d'Afrique  fut  adopté  comme 
la  dénomination  propre  du  domaine 
carthaginois;  tout  le  reste  s'apoelait 
Numidie ,  jusqu'au  Molouya ,  après  le- 
quel était  la  Mauritanie. 

Dans  la  Libye  proprement  dite ,  on 
distinguait  la  Fentapole  cyrénaîque,  et 
le  pays  des  Mar  m  arides  ou  Libye  mar- 
mariaue,   appelée   aussi    Maréotide; 

Î|uand  les  Romains  en  fur.ent  devenus 
es  mattre-s ,  ils  en  firent  une  province 
d'abord  réunie  à  la  Crète,  puis  sépa- 
rée, et  enfin  divisée  elle-même  en  deux 
provinces  présidiales  sous  l'autorité 
supérieure  du  préfet  d'Egypte. 

Dans  l'Afrique  et  la  Numidie ,  il  y 
eut ,  jusqu'à  l'époque  où  la  conquête 
romame  eut  passé  le  niveau  sur  les  ri- 
valités nationales  des  dominateuirs  pu- 
niques et  des  sujets  indigènes,  une 
fluctuation  de  limites  que  l'érudition 
et  la  science  des  modernes  n'a  pas  tou- 
jours bien  comprise ,  et  que  nous  au- 
rons la  tâche  d'ex|)liquer.  Contentons- 
nous  de  dire  ici  que  la  province 
d'Afrique,  graduellement  agrandie,  fut 
ensuite  partagée  de  manière  à  former 
d'est  en  ouest  les  provinces  successives 
appelées  Tripolitaine,  Bizaoène,  Afri* 


6*  livraison.  (Afbiqub  àngienub.) 


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UUINIVERS. 


que  )^pre,  et  Numidie  nouvelle.  Le 
rasée  ée  Taneienne  Numidie ,  donné 
par  les  Romains  au  roi  de  Mauritanie 
Boedms,  fut  désormais  confondu  dans 
les  étais  de  ce  prince,  sous  le  nom 
général  de  Mauritanie;  |>uis,  rentrées 
sous  la  domination  romaine ,  ces  con- 
trées formèrent  les  deux  provinces  de 
Mauritanie,  distinguées,  d'après  ie  nom 
de  leurs  capitales,  en  Mauritanie  Césa- 
rienne et  Mauritanie  Tin^itane  ;  plus 
tard,  on  sépara  de  la  première,  du  côté 
de  celle  de  Numidie,  une  province  nou- 
velle, qu'on  appela  Mauritanie  Siti- 
fienne.  Quand  Rome  porta  ses  armes 
au  delà  de  cette  zone  littorale,  les 
cantons  qui  subirent  alors  le  jou^ 
forent  annexés  à  la  province  la  plus  voi- 
sine :  le  reste  n'était  connu  que  de  nom. 

Les  dénominations  territoriales  que 
la  géographie  a  consacrées  pour  les 
grandes  divisioas  de  l'Afrique  an- 
eienne  sont  donc  celles  de  Libye  pro- 
|»re,  d'Afrique  aropre,  de  Numidie,  et 
de  MaurJtanies. 

Ces  oontrées  n'ont  point ,  n'eurent 
noôme  jamais  une  histoire  commune  : 
et  d'abord  une  séparation  profonde  di* 
visait  en  deux  parts  très -distinctes 
eette  longue  zone  de  provinces  :  d'un 
côté  c'était  l'Orient ,  de  l'autre  l'Occi- 
dent ,  grandes  régions  dont  la  nature 
même  avait  indiqué  le  [partage,  et  que 
la  force  des  choses  maintenait  cons- 
tamment en  des  mains  diverses,  bien 
avant  que  les  maîtres  du  monde  son- 
geassent à  le  niorceler  cq  deux  em- 
pires jumeaux.  Les  dénominations  gé- 
nérales étaient,  dans  leur  acception  la 
plus  large,  soumises  aux  exigeuces  de 
oe  partage  :  on  n'étendait  point  au 
delà  de  la  région  occidentale  l'appel- 
lation de  provinces  africaines;  et  la 
langue  de  Rome  échappait  à  l'influence 
des  habitudes  grecques ,  pour  concen- 
tra dans  la  division  orientale  le  nqm 
de  Libye, 

La  Borne  commune-  était  marquée 
par  les  Autels  des  Philènes,  monu- 
ments à  la  fois  de  l'ancienne  étendue 
des  possessions  littorales  de  Carthage 
et  du  patriotique  dévouement  de  ses 


fils.  Et  la  mer  elle-même,  vfe-à-vîs 
de  ce  point ,  semblait  avoir  subi ,  dans 
la  nomenclature  qui  lui  est  spéciale, 
l'influence  de  ce  ^rand  divorce  entre 
l'Occident  et  TOrient;  car  un  aneiea 
péjriple  grec  de  la  Méditerranée  dis- 
tingue expressément,  dans  le  golfe 
communément  appelé  grande  Syrte, 
d'une  part  une  Syrte  âe  CyrènCj  de 
l'autre  la  grande  Syrte  proprement^ 
dite. 

Dépendance  politique  de  l'empire 
d'Orient ,  la  Libye  chrétienne  recevait 
ses  évégues  d'Alexandrie.  Les  provior 
ces  africaines,  comprises  dans  l'em- 

})ire  d'Occident,  constituèrent,  sous 
a  primatie  de  Carthage,  la  célèbre 
Église  d'Afrique,  placée  dans  l'obé- 
dience de  Rome,  et  anéantie  par  la 
persécution  des  Vandales.  Quand  elles 
furent  reprises  aux  barbares  pour  être 
réunies  à  l'empire  d'Orient ,  ces  pro* 
vinces  formèrent  ensemble  nne  grande 
préfecture  prétorienne,  distincte  ëe 
toutes  les  autres. 

C'est  donc  adopter,  pour  notre  tra* 
vail,  une  distrihution  conforme  au 
sujet  lui-même,  que  de  traiter  séparé- 
ment de  ces  deux  grandes  diviéions 
territoriales.  Nous  consacrerons,  en 
conséquence,  une  première  partie  de 
ce  livre  à  la  Libye  proprement  dite , 
dont  nous  suivrons  Tnistoire,  sans  in- 
terruption ,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  l'invasion  arabe,  dans 
les  flots  de  laquelle  fut  engloutie  toute 
l'Afrique  ancienne. 

Passant  ensuite  aux  provinces  afrii» 
caines,  nous  don nerotis  iHié  section  à 
chacune  des  trofs  gt^andes  contrées^ 
l'Afrique  propre ,  ia  Nurnklie ,  les 
Mauritanres ,  depuis  IWigine  jusqu'à 
leur  réduction  en  provinces  romaines; 
la  domination  des  Romains,  leëéve^ 
loppement  et  les  vicis^udes  de  TÉ- 
glise  d'Afrique ,  le  règne  àe%  Vandales, 
la  restauration  byzantine,  demande- 
ront à  leur  tour  de  nouvelles  sections 
pour  arriTcr  à  Finvasion  musulmane, 
qui  doit  ouvrir,  ainsi  ^ue  nous  l'avons 
déjà  marqué,  l'histoire  moderne  ^ 
l'Afrique. 


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^»»^»4i%w»*<»ii«'»»%»^<»^*^^<»^**^**^***'****^^ 


.   .|i^jiinii  ni|  j 

PREMIÈRE  PARTIE, 


COMPRENANT 

LA  CYRÉNAÏQUE  ET   LA  MARMARIQUE. 


l.  I.IS  9OI1. 


limites  généretles,  politiques  çt 
physiques;  dénominations, 

Ll¥ITBS    PO^XTIQUBS    DE     l'AS- 

CisNNE  Libye.  —  L9  Méditerrsyaée  au 
oord,  au  su^  les  pTojfon<)eajrs  du  désert, 
a  l'cçt  rÉgypte,  çt  TÂfriqMC  propre  î 
Fouest,  telles  sont,  en  termes  géjoéraux, 
l^  bornes  ^  la  contrée  à  laquelle  les 
Ràmains  i-eslreignaieut  le  nom  <Ae  Li- 
bye, employé  par  les  ôjecs  4an^  uo  sens 
beaucoup  plus  étendu.  Ban/  le  coté  de 
la  mer,  dont  le  caprk^  des  bommes 
ne  pouvait  avaler  ou  reculer  les  ri- 
va^, Gçs  Umites  n'eurent  pas  la  fixité 
inSéfébiié  éè&  démarcations  natureUes 
q^eo' affectent  ^pvoX  \d%  vicissitudes  po- 
litiques; coais  si  1^  variations  qu'elles 
^rguvèreat  furent  fréquentes  et  sen- 
i^bles  du  cdfé  à^  l'Egypte ,  014  uo  pour 
vçjir  puissant  envahissait  par  degrés  un 
doiDaiiie  qu'il  devait  finir  pajr  sli^pra- 
prier  tovt  entier ,  les  limites  oocAdeo- 
taies  ae  subirent  qve  des  changements 
|Jus  rares  et  moips  considérables ,  dus 
eneore  à  Tei^tension  de  la  puissance 
^ptieuM,  qui  sous  les  Ptolémées 
sav^nca  d'unç  centaine  de  mittes  au 
delà  mlof^e  des  Autels  des  Phiiènesjus* 
qu'à  la  tour  Êuphranta;  et  au  sud ,  où 


quelqiies  fies  de  verdure  étaient  parse- 
mées à  la  lisière  septentrioRale  de  la 
grande  mer  de  sables,  la  possession 
é&  ces  îles  flotta  souvent,  incertaine, 
eutre  la  Libye,  l'Egypte,  et  les  popula- 
tions  indépendantes  du  désert. 

Limites  natubeli.es  ou  physi- 
ques. —  Cependant ,  le  territoire  que 
nous  venons  de  signaler,  peut  aussi  être 
considéré ,  au  point  de  vue  de  la  géo* 
graphie  physique,  comme  une  réçion 
déterminée  par  des  limites  assez  bien 
tracées  :  il  y  Caut  remarquer  en  effet , 
au  nord-ouest,  un  plateau  culminant, 
dont  tes  déclivités  s'abaissent  rapide- 
ment, dans  cette  direction,  vers  la 
mer  qui  l^toure ,  tandis  qu  eHes  s'^ 
tendent,  à  Topposite,  en  vastes  ter- 
rasses successivement  étagéeis  ters 
Fest,  où  le  passage  de  l'une  \  TautrS 
est  remarquable  par  les  ressauts  appe- 
lés le  grand  et  ^  petit  GatabathMe, 
et  dont  la  dernière  vient  expirer  aux 
Qonûns  immédiats  de  la  vallée  du  Mîf  ; 
pendant  que  vers  le  sud ,  depuis  le  fond 
de  la  grande  Syrte  jusqu'à  Textrémîté 
orientale,  une  longue  vaUée  s'étend 
comme  \\ïi  lit  desséehé\  entre  lès  der- 
Bîères  déclivités  du  plateau ,  et  les 
dunes  sablonneuses  ou  coHUilèhee  le 
grand  Ssahhrâ ,  présentant  sur  quel- 


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68 


L'UNIVERS. 


ques  points  des  cultures  et  des  bosquets 
yerdoj^ants,  qui  signalent  les  oases 
d*Au^iles  et  a  Ammon. 

Dénominations  diyebses  du 
PAYS.  —  Le  plateau  culminant,  partie 
principale  de  tout  cet  ensemble ,  cons- 
tituait, à  proprement  parier,  ce  qu'on 
appela  tour  à  tour  Cyrénaïqoe ,  Pen- 
tapole ,  Libye  supérieure  ;  le  reste  for- 
mait la  Marmarique ,  Libye  aride  ou 
inférieure,  nommée  aussi,  dans  sa 
partie  la  plus  orientale ,  Libye  maréo- 
tide.  Il  est  superflu  d^ajouter  que,  sous 
la  domination  de  Cyrene  ,  le  nom  de 
Cvrénaîque  s'étendait  à  toute  la  contrée 
reunie  sous  ses  lois. 

Description  de  la  Libye  supérieure 
ou  Pentapole  cyrénaîque. 

*  Tebbitoire  et  villes  de  la  Pen- 
tapole.—Figurant  une  ellipse,  le  pla- 
teau verdoyant  de  Cyrène  projetait  à 
Test  la  grande  Chersonnèse,  à  Fouest  le 
promontoire  Borion ,  comme  les  deux 

Soles  de  son  grand  axe;  tandis  que  sur  le 
anc  septentrional ,  le  promontoire  de 
Phyconte  marquait  l'extrémité  de  son 
moindre  diamètre  :  le  flanc  méridional 
s'abaissait  vers  les  landes  arides  d'une 
grande  terrasse  qui  s'étendait  elle- 
même  au  loin  jusqu'à  Augiles  et  à 
l'oasis  d'Ammon.  Sur  le  plateau  étaient 
assises  Cyrène  et  Barké,  ayant  à  leurs 

Sieds ,  au  fond  de  deux  petites  anses 
e  la  côte ,  les  ports  d'où  elles  expé- 
diaient leurs  navires  ;  là  c'était  Apol- 
lonie,  le  port  de  Cyrène,  connu j)lus 
tard  sous  le  nom  de  Sozousa,  que 
peut-être  il  avait  primitivement  porté, 
reconnaissable  encore  dans  l'appella- 
tion arabe  de  Mersày-Sousah  qu'il 
conserve  encore  aujourd'hui  ;  de  rau- 
tre  part ,  c'était  Ptolémaïs ,  le  port  de 
Barkê,  d'abord  appelé  aussi  Barké  de 
même  que  la  cité  principale  à  la  for- 
tune de  laquelle  il  était  attaché.  Plus 
loin,  à  l'ouest,  se  montrait,  sur  la 
côte,  Teukhira,  qui  fut  appelée  Arsinoé 
sous  les  Ptolémées ,  mais  oui  reprit 
ensuite  son  nom  indigène,  qu  elle  garde 
encore  de  nos  jours  ;  puis  enfin  Béré- 
nice, l'antique  Hesperide,  près  des 
ruines  de  laquelle  s'élève  la  moderne 
Ben-Ghâzy. 


Villes,  boubgades  et  autbes 

LIEUX   dépendants    DE  LA   PeNTA- 

POLE.  —  Cyrène ,  Apollonie,  Ptolé- 
maïs, Arsinoé,  Bérénice,  telles  furent 
les  cinq  cités  qui  constituèrent  la  floris- 
sante Pentapole  :  dans  leur  dépendance 
étaient  comprises  d'autres  villes  moins 
importantes  ,  comme  Adrianopolis  , 
entre  Bérénice  et  Arsinoé;  sur  la  route 
de  Ptolémaïs  à  Cyrène,  Kélida,  Ké- 
nopolis,  Phalacra,  dans  l'intérieur  ;  et 
sur  la  côte,  Ausigda,  et  le  petit  tem- 

Ele  d'Aptoukhos  ;  sans  compter  nom- 
re  de  villages  plus  obscurs ,  répandus 
sur  tout  le  plateau  en  tirant  vers  le 
sud. 

A  l'est  d'ApoIlonie,  s'ouvrait  une 
baie  spacieuse  offrant  un  Naustathmos 
ou  station  navale,  au  sortir  de  laquelle 
on  rencontrait ,  sur  la  droite ,  Éry- 
thron  ,  puis  Chersis  voisine  de  la 
petite  tie  d'Aphrodisias ,  et  sous  l'abri 
du  promontoire  Zephyrion  la  cité  de 
Darnis,  dont  le  nom  a  persisté  dans 
celui  de  la  moderne  Derneh;  après 
Darnis  on  trouvait  encore,  sur  la  côte, 
Axilis,  avant  d'atteindre  la  grande 
Chersonnèse  des  Antides;  et  quand 
on  avait  doublé  celle-ci ,  on  voyait  le 
Paiiouros  déboucher  en  face  des  îles 
Platée  et  Sidonie.  A  l'intérieur  étaient 
Limniade,  Hydrax,  Leucon,  et  d'au- 
tres points  plus  obscurs. 

Pboductions  natubelles  du 
PLATEAU  CYHÉNÉEN.  —  Le  flanc  Sep- 
tentrional du  plateau  offrait  la  plus 
admirable  fertilité,  et  les  récoltes, 
s'étaçeant  en  trois  saisons  successives 
depuis  le  pied  jusqu'au  sommet ,  oc- 
cupaient les  deux  tiers  de  l'année.  On 
commençait  la  moisson  et  la  ven- 
dange sur  le  bord  de  la  mer  ;  on  pas- 
sait ensuite  à  la  région  intermédiaire^ 
celle  des  coteaux ,  où  le  blé  et  le  rai- 
sin achevant  de  mûrir  appelaient  la 
main  qui  devait  les  couper;  et  pen- 
dant qu'on  les  cueillait  sur  cette  zone 
movenne,  ils  venaient  aussi  à  matu- 
rité dans  la  dernière  région ,  et  vou- 
laient à  leur  tour  être  moissonnés 
et  vendangés.  L'extrémité  occidentale 
présentait  surtout  la  plus  délicieuse 
végétation',  et  méritait  à  juste  titre  ce 
nom  de  Jardin  des  Hespérîdes,  que 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


l 


Pantiqufté  poétique  lui  avait  décer- 
né :  c'étaient  d'admirables  vergers ,  de 
charmants  bocages ,  où  Tombre  et  la 
fraîcheur  s*étendaient  sous  l'épaisse 
verdure  des  lotiers ,  des  pommiers  de 
toute  espèce ,  des  grenadiers ,  des  poi- 
riers, clés  arbousiers,  des  mûriers, 
des  vignes ,  des  myrtes,  des  lauriers, 
des  lierres ,  des  oliviers,  des  oléastres, 
des  amandiers ,  des  noyers.  Le  figuier 
et  le  cornouiller,  le  lentisque ,  le  gené- 
vrier odorant  et  le  cyprès,  étaient  aussi 
répandus  sur  ce  terroir  fertile  où  la 
brise  promenait  un  air  pur  et  vivifiant, 
où  des  eaux  fréquentes  nourrissaient 
de  verdoyants  paturai°;es  émaillés  des 
fleurs  du  safran.  Au  delà  de  cette  li- 
sière littorale ,  sur  les  hautes  plaines , 
depm's  la  grande  Chersonnèse  jus- 
u'aux  Hfspérides,  dans  une  longueur 
le  i  500  stades  sur  une  largeur  de 
300,  naissait  le  précieux  siiphion  aux 
ombelles  d'or,  aux  vertus  héroïques , 
produit  sauvage  des  terres  incultes, 
fuyant  les  soins  de  l'homme  et  dispa- 
raissant sous  la  dent  des  troupeaux, 
jadis  abondant,  puis  rare,  puis  disparu 
tout  à  fait  du  sot,  et  reparaissant  après 
un  long  oubli,  pour  se  laisser  étudier 
par  les  botanistes  modernes,  sous  le 
nom  de  deriah  ou  zerrah  que  lui  don- 
nent les  Arabes  nomades ,  maîtres  ac- 
tuels de  l'antique  région  silphiophore. 

Description  de  la  Libye  inférieure 
ou  Marmarique, 


Pbsmière  tebbasse,  au-dessus 
DU  GRAND  Catabathme  —  Des- 
cendons du  plateau  supérieur  sur  la 
vaste  terrasse  qui  lui  succède  au  sud, 
et  qui  s'étend  d'est  en  ouest  depuis 
le  grand  Catabathme  jusqu'au  rond 
tle  la  grande  Syrte ,  borne  au  midi , 
comnae  nous  Tavons  déjà  indiqué, 
par  les  oasis  d'Ammon  et  d'Augiles; 
ce  n'était  qu'un  désert,  parcouru  par 
quelques  nomades  sans  habitations 
fixes ,  et  l'on  n'y  pouvait  guère  relever 
qu'an  petit  nombre  de  points  sur  la 
rote.  A  Test ,  depuis  l'embouchure  du 
Paliouros ,  se  succédaient  les  ports  de 
Batraehos,  du  petit  Pétras,  d'Anti- 
pyrgos,  de  Skytnranion,  de  Ménélas, 


du  grand  Pétras  et  de  Panormos, 
jusqu'au  ^rand  Catabathme  ;  quelques 
autres  pomts,  marqués  à  l'intérieur 
dans  la  direction  d'Ammon  et  d'Au- 
giies ,  n'étaient  probablement  que  des 
lieux  de  campement.  A  l'ouest,  au 
delà  du  cap  Borion ,  on  voyait  se  suc- 
céder les  postes  de  Diachersis ,  d'Hé- 
raclion ,  de  Sérapion ,  les  ports  de 
Diarrhoas  et  d'Apis,  les  châteaux  de 
Kainon,  de  Borion,  d'Automala,  et 
enfin  le  bourg  et  les  Autels  des  Phi- 
lènes.  Si,  de  cette  limite,  on  voulait 
suivre  plus  loin  le  rivage,  on  ren- 
contrait le  petit  port  d'Épèros ,  celui 
de  Charax  où  l'on  croit  oue  naquit 
Denvs  le  Périégète,  et  enfin  la  tour 
Euphranta,  dernière  borne  de  la  Cy- 
rénaîque  sous  les  Ptolémées. 

Seconde  tebbasse,  au-dessous 
DU  GBAND  Catabathme.  —  En  des- 
cendant à  Test  le  grand  Catabathme , 
on  arrivait  à  une  seconde  terrasse,  non 
moins  aride  et  nue  que  la  première, 
s'étendant  vers  l'orient  jusqu'au  petit 
Catabathme,  et  offrant,  sur  la  côte, 
Zygris,  Zagylis,  Plynos,  Apis,  Paré- 
tonion,  et  autres  lieux  de  moindre  im- 
portance ,  sans  parler  de  nombreuses 
stations  plus  écartées  de  la  mer.  Et 
lorsqu'on  avait  encore  descendu  ce 
deuxième  Catabathme,  on  trouvait,  sur 
le  littoral,  Pédonia,  Antiphra,  Leu- 
caspis ,  et  enfin  Plinthine  où  la  Libye 
venait  expirer  devant  l'Egypte,  outre 
quelques  autres  points  moms  immé- 
diatement rapprochés  du  rivage. 

Tel  est  le  théâtre  sur  lequel  nous 
avons  à  distribuer  les  populations  qui 
se  partageaient  la  possession  du  sol. 

II.    les  HABITANTS. 

C'étaient ,  nous  le  savons ,  des  races 
indigènes,  des  Libyens  nomades,  au 
nord  desquels  s'étaient  juxtaposés  , 
sur  la  côte ,  des  colons  grecs ,  hôtes 
d'abord ,  puis  maîtres  du  pays. 

La  plus  ancienne  description  que 
nous  ayons  de  ces  divers  peuples ,  est 
celle  que  nous  devons  à  Hérodote  :  et 
nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de 
la  transcrire  ici ,  telle  à  peu  près  qu'il 
nous  l'a  laissée. 


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70 


L'UNIVERS. 


indi- 
siêclis  avant 


AdyrmachideS,  Giligames,  As- 
BYstKs  ,  AiîSKHiSES.  —  «  Voici  « , 
jflit  Hérodote,  «  rordre  dans  lequel  on 
trouve  les  peuples  de  la  Libye,  à  com- 
mencer depuis  rÉgypte. 

«  Les  premiers  qu'on  rencontre  sont 
les  Adyrmachides.  Ils  ont  presque  les 
mêmes  iisdges  qiïe  les  Égyptiens  ;  mais 
ils  s'habillent  comme  le  reste  des  Li- 
byens, et  leurs  femmes  portent  à  cha- 
que jambe  un  anneau  de  cuivre.  Elles 
laissent  croître  leurs  cheveux ,  et  si 
elles  sont  incommodées  par  les  poux, 
elles  les  prennent ,  les  tuent  avec  les 
dents,  et  s*en  débarrassent  de  cette 
manière  ;  îlis  ^ont,  au  surplus,  les  seuls 
d'eiitre  les  Libyens  qui  en  agissent 
ainsi.  Ce  sont  également  les  seuls  qui 
montrent  au  roi  leurs  fillts  nubiles 
afin  qu'il  choisisse  celle  qui  lui  plaît* 
jCes  Adyrmachides  habitent  depuis 
î'Éçypte  jusqu'au  port  appelé  Plynos 
(vofsin  du  grand  Catabathme). 

«  Ils  oht  auprès  d'eux  les  Gigames 
pu  Giligames,  qui  occupent  la  con- 
trée à  l'occident,  jusqu'à  l'île  Aphro- 
disias.  bans  cet  intervalle  est  l'île  de 
Platée,  oLi  les  Grecs  fondateurs  de 
Cyrène  s'étaient  d'abord  établis,  et 
sur  le  continent  est  le  port  de  Mené- 
las,  et  Aziris  où  les  Cyrénéens  habi- 
tèrent aussi.  Là  commence  le  sil- 
phion ,  car  c'est  depuis  l'île  de  Pla- 
tée Jusqu'à  l'entrée  de  la  Svrte  que 
ëroît  cette  plante.  Ces  peuples  ont  à 
peu  ^r'ès  les  niêiïies  coutumes  que 
lears  voisins. 

«Après les  Gigames,  du  coté  du  cou- 
chant ,  scmt  les  A^ystes ,  qui  habitent 
le  pays  au-dessus  de  Cyrène;  ils  ne 
s'ércndèht  pas  juisqu'à  la  mer.  attendu 
^e  le  littoral  est  occupé  par  les  Cyré- 
néens. Ils  Sont  fprt  habiles,  ce  sont 
lïkéme  les  plus  habiles  des  Libyens  à 
conduire  le^  quadriges  ;  \\s  ^*étuciient 
à  imit!ér  la  plupart  des  coutumes  des 
Cyrénéens. 

«  Ail  couchant  des  Àsbystes  confi- 
nent lés  AuskhiSes,  qui  occupent  lepays 
au-tfessùis  de  Barkê ,  et  s'étendent  jus- 


Î|u'à  la  mer  près  de${!e«)érides.  Vers 
e  milieu  du  territoire  des  Au^khises 
sont  cantonnés  lès  Cabales ,  petite  na- 
t^on  qui  s'étend  jusqu'à  la  mer  vers 
Taukhira ,  ville  dépendante  de  fiarké. 
Ces  peuples  ont  les  mêmes  mœurs  que 
ceux  qui  habitent  au-dessus  dé  Cyrène. 
Nâsamons,  Psylles.  rr  «  Aux 
terres  de^  Àuskbises  confinent,  à 
l'ouest,  les  Nasamons,  peuple  consi- 
dérable, qui,  laissant  pendant  l'été 
leurs  troupeaux  au  bord  de  la  mer, 
s'avancent  jusqu'au  canton  d'Augiles, 
pour  y  récolter  des  dattes ,  parce  que 
les  palmiers  y  sont  abondants ,  vigou- 
reux et  tous  féconds  :  on  les  cueille 
à  peine  mûres  (*) ,  on  les  fkit  sécher 
au  soleil ,  et  on  les  moud  ensuite  ;  on 
les  détrempe  dans  du  lait  pour  les 
manger.  Chacun  a  d'ordinaire  plusieurs 
femmes,  et  il  les  voit  publiquement,  à 
peu  près  comme  les  Massagètes,  après 
avoir  planté  en  terre  son  bâton.  I^ors- 
[qu'un  JNasamon  se  marie  |>our  la  pre- 
ïnière  fois ,  la  coutume  est ,  la  pre- 
mière nuit  des  noces ,  que  la  mariée 
Reçoive  les  embras^ements  de  tous  les 
convives,  qui  lui  font, un  cadeau  ap- 

{)orté  tout  exprès  de  chez  eux.  Voici 
eur  manière  de  faire  des  serments  et 
d'exercer  ]^  divination  :  ils  mettent  la 
main  sur  les  tombeaux  des  hommes 
^ui  ont  parmi  eux  la  réputation  d'avoir 
été  les  plus  justes  et  lé  plus  gens  de 
bien ,  et  jurent  par  eux.  Pour  exercer 
la  divination^  ils  vont  aux  tombeaux 
de  leurs  ancêtres,  y  font  leurs  prières, 
et  y  dorment  ensufte  :  si  pendant  leur 
sommeil  ils  ont  quelque  songe,  ils  en 
font  usage  dans  leur  conduite.  Ils 
s'engagent  mutuellement  leur  foi  «n 

{*)  Le  tette  d'Hérodote  est  en  cet  en-, 
droit  équivoque  à  tel  point,  que  les  tins  y 
ont  vu  des  hannetons,  d'autres  des  saute- 
relles, et  peut-être  ceux-cî  ont-ils  raison; 
cependant  nous  avons  préféré  interpréter 
Tovç  de  àTTe>£6ouc  èiceàv  br^ç/swTtûm  par  Une 
cueilletie  de  (dattes)  à  peine  migres,  plutdt 
que  par  une  chasse  aux  sauterelles ,  dôqs 
conso|aut  d'avance,  si  nous  nous  trompons, 
de  le  faire  en  compasnie  du  savant  Henri 
Estienne ,  réviseur  et  éditeur  de  la  vernon 
latine  de  Laurent  Valla. 


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AFRIQUE  AWaJENNE. 


71 


bnyaDt  réciproquement  dans  la  main 
FuD  de  l'autre  ;  à  défaut  de  liquide ,  ils 
fumassent  à  tcâre  dé  !a  poussière  et  la 
fêùheflt. 

»  Aux  Nasamons  confinent  les  Psy*- 
tes,  lesquels  périrent  de  la  ibanim 
gde  roici  :  le  vent  du  midi  avait,  de 
son  souffle,  desséché  leurs  citernes , 
et  toute  leur  contrée ,  Située  en  dedani 
defaSyrte,  est  dépourvue  d'eaû  :  ayant 
ten*  conseil  entre  eux,  ils  résolurent,- 
d'an  consentement  unanime,,  d'aller 
faire  la  guerre  au  vent  du  midi  :  je  ré- 

Kt  h  récit  des  Libyens  eux-mêmes. 
f^\f\h  furent  arrivés  au  milieu  des 
sables ,  l'autan  déchaîné  les  y  enseve- 
lit. Quand  ils  eurent  péri ,  les  Nasa- 
moDS  s'emparèrent  de  leurs  tel'res. 

POPtILATlONB  DB  l'iNTÉRIBUB.  — 

«Voilà  quels  sont  les  Libyens  nomades 
les  ptes  Rapprochés  de  la  mer.  Au-des- 
sas,  en  avançant  dans  l'intérieur 
des  terres ,  on  rencontre  la  Libye  thé- 
tiodeou  sauvage,  au-dessus  de  laquelle 
00  dit  qu'une  élévation  sablonneuse 
^  s'étend  depuis  Thèbes  d'Egypte  jus- 
qu'aux stèles  &éracléennes,  ocrant  de 
diiendlx  jou^ées,  ou  à  peu  près,  des 
couines  de  sel  gemnote  ;  du  milieu  de 
celles-ci  jaillissent  des  sources  d'eau 
douée  et  fraîche,  autour  desquelles 
habitent  les  peuples  les  plus  reculés 
^ers  le  désert  au-dessus  de  la  Libye 
thàioée.  Les  premiers  qu'on  rencon- 
tre depuis  Tlièbes ,  à  dix  journées  d^ 
route,  sont  les  Ammoniens,  qui  ont 
nntempleeonsacré  à  Jupiter  tnébéen, 
ear  ^  sait  qu'à  Tlièbes  la  statue  du 
^  a  âiie  tête  de  bélkr.  Chez  ces  peu- 

Kse  ^pouv^e  une  autre  source  uont 
iest  tiède  m  point  du  jour,  fral- 
ebe  à  fheare  du  marché ,  extrêmement 
froide  à  midi ,  au  moment  où  ils  arro- 
sent lears  jardins  ;  puis  à  mesure  que 
le  jour  avance ,  eUe  devient  moins 
^ide  jifêqu'an  coucher  du  soleil, 
^'elle  est  tiède  ;  elle  s'élève  ensuite 
^  plQs  en  plus  jusqu'à  minuit,  qu'etle 
lK)ut  à  gros  t>ôuii)ons  ;  passé  minuit , 
^  va  en  refroMissant  jusqu'au  lever 
de  faurore.  On  appelle  cette  fontaine 
la  foiMaiiae  du  Soleil. 
.  «  Après  iesAmmonlens,  à  dix  autres 
htmes  4e  route  «wr  oett€  0<me  de 


sables,  est  une  colline  de  sel  gemme 
pareille  à  celle  d*Ammoi] ,  avec  und 
source  autour  de  laquelle  sont  établit 
Tes  habitants  i  oe  canton  porte  h  nom 
d'Augiles  ;  (f eftt  là  que  les  Nasaraont 
viennent ,  en  automne ,  flaire  leur  ré* 
coite  de  dattes.  A  dix  journées  pîus 
h>ln  habitent  les  Garamantes. 

«  Les  maisons  de  tous  ces  peuples 
sont  bâties  de  quartiers  de  sel ,  car  il 
ne  pleut  jamais  dans  cette  partie  de  là 
Libye,  sans  quoi  les  murailles  de  leurs 
habitations  seraient  bient^  fondues. 
On  tire  de  ces  mines  deux  sortes  de 
sel  :  l'un  blanc,  l'autre  rouge.  Au-des- 
sus de  cette  élévation  sablonneuse 
ver»  le  midi ,  dans  Tintérieur  de  la  Li- 
bye, le  pays  est  dés^,  sans  eau,  sans 
âhimaux ,  sans  pluie ,  sans  bois ,  dé- 
pourvu de  toute  espèce  d'humidité. 

MCEUBS  ET  GOUTUMBS  DES  LI- 
BYENS.—  «  Ainsi,  à  partir  de  l'Egypte, 
les  Libyens  sont  des  nomades  se  nour- 
rissant de  la  chair  et  du  lait  de  jeurs 
brebis;  s'abstenant,  comme  les  Égyp- 
tiens, de  manger  du  bœuf,  et  n  éle- 
vant pas  non  plus  de  cochons.  Les 
femmes  cyréneennes,  même,  ne  se 
croient  pas  permis  de  manger  du 
bœuf,  à  cause  de  l'égyptienne  Isis, 
dont  elles  observent  soigneusement 
les  jeûnes  et  les  fêtes  ;  et  les  femmes 
des  Barkéens  ^^abstiennent  non-seule- 
ment du  boeuf,  mais  aussi  du  porc  : 
telle  est  leur  observance. 

n  Chez  la  plupart  des  Lib^Fons  no- 
mades (je  ne  saurais  dire  avec  certi- 
tude s'il  en  est  de  même  pour  tous  j , 
^affid  les  enfants  ont  atteint  ^atfe 
ans,  on  leur  brûle ,  avec  de  la  lame  éii 
«uint  ^  les  veines  du  haut  de  la  ^tête , 
uoelquefois  celles  des  tempes,  pour  Jas 
délivrer  à  toujours  de  réooalend^nt  des 
humeurs  de  la  téte^  et  leur  procurer 
une  santé  reb^ete.  Il  est  de  fait  que 
de  tous  lesfieuples  que  bous  eonâdks- 
sons,  les  Libvens  sont  ceux  dont  4c 
corps  est  le  pfus  sain  ;  je  ne  puis  dire 
que  telle  en  eoit  la  cause  »  mais  il  est 
certain  qu'ils  ont  une  santé  parfaite- 
Si ,  pédant  ^u'on  les  brûle ,  ies  en- 
fants sont  pris  de  convulsionst  on  y  a 
trouvé  remède  :  il  suffit  de  léj»  ds^ier- 


[ 


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71 


L'UNIVERS, 


Ser  d'urioe  de  bouc;  je  répète  ce  que 
isent  les  Libyens. 

«  Voici  comment  ces  nomades  font 
leurs  sacrifices  :  d*abord  ils  coupent, 
à  titre  de  prémices ,  une  oreille  de  la 
fietime ,  et  la  jettent  sur  le  toit  de 
leurs  maisons;  cela  fait,  ils  lui  tordent 
le  cou  :  ils  Fimmolent  au  soleil  et  à  la 
lune,  seules  divinités  auxquelles  sacri- 
fient tous  les  Libyens  sans  distinction. 
(Nous  dirons  ailleurs  le  culte  particu- 
lier des  habitants  du  lac  Tritonide,  et 
les  emprunts  que  leur  a  faits  la  Grèce.) 
C'est  aussi  des  Libyens  que  les  Grecs 
ont  appris  à  atteler  quatre  chevaux  à 
leurs  chars.  L'enterrement  des  morts 
se  fait  chez  les  nomades  comme  chez 
les  Grecs  ;  il  faut  excepter  les  Nasa- 
mons,  qui  enterrent  leurs  morts  assis, 
ayant  soin  de  tenir  les  agonisants  dans 
cette  posture,  de  peur  qu'ils  n'expirent 
couchés.  Leurs  habitations  sont  des 
cabanes  tressées  d'asphodèles  et  de 
joncs  »  qu'ils  transportent  à  volonté. 
Voilà  quels  sont  les  usages  de  ces 
peuples.  » 

État  des  populations  libyennes  de* 
puis  le  premier  siècle  avant  J.-C. 
jusqu^au  deuxième  siècle  de  notre 
ère. 

Exposé  de  Diodobe  de  Sicile, 
av  pbemier  siècle  ayant  notre 
iBB.  —Tel  est  le  tableau  que  nous  offre 
Hérodote ,  au  cinquième  siècle  avant 
notre  ère;  quatre  cents  ans  plus  tard, 
Diodore  de  Sicile  nous  fait  une  nou- 
velle description ,  moins  étendue,  mais 
qui  offre  quelques  détails  curieux,  di- 
gnes de  trouver  place  ici. 

«  Passons»,  dit-il ,  «  aux  Libyens  voi- 
sins de  rÉgypti",  et  aux  contrées  limi- 
trophes. Près  de  Cyréne  et  des  Syrtes, 
habitent ,  dans  l'intérieur  des  terres , 
quatre  races  de  Libyens  :  on  api>elle 
Nasamons  ceux  qui  s'étendent  au  midi  ; 
Aoskhises  ceux  qui  occupent  l'occi- 
dent; Marroarides  ceux  qui  ont  leurs 
demeures  entre  l'Egypte  et  Cyrène, 
tenant  une  partie  du  rivage;  les  autres 
habitent  autour  des  Syrtes.  Deux  de 
ces  peuples  obéissent  à  des  rois,  et 
mènent  une  vie  moins  grossière,  moins 
éloignée  do  tçutç  c^vilis^tioa;  mais  le 


troisième  ne  reconnaît  aucun  roi ,  n'a 
aucune  notion  de  la  justice ,  et  ne  vit 
que  de  brigandages ,  enlevant  tout  ce 
qui  arrive  du  désert ,  et  l'emportant  * 
aussitôt  dans  son  repaire.  Tous  ces  Li- 
byens mènent  une  existence  abrutie, 
couchant  en  plein  air,  et  n'ayant  qu'une 
nourriture  sauvage;  sans   maisons, 
sans  habits ,  se  couvrant  seulement  le 
corps  de  peaux  de  chèvres.  Leurs  chefs 
n'ont  pas  de  villes  sous  leur  obéis- 
sance ,  mais  seulement ,  au  voisinage 
des  sources ,  des  tours  où  ils  renfer- 
ment leurs  richesses;  tous  les  ans  ils 
somment  les  peuples  tributaires  de 
faire    leur  soumission ,   traitant  en 
amis  ceux  qui  obéissent ,  poursuivant 
comme  rebelles  ceux  qui  s'y  refusent. 
Leurs  armes  sout  analogues  à  la  na- 
ture de  leur  pays  et  à  leur  genre  de 
vie  ;  car ,  légers  de  corps ,  et  habitant 
un  pays  de  plaines,  ils  courent  au 
combat  avec  trois  javelots  et  des  pierres 
dans  un  sac  de  cuir,  sans  aucune  au- 
tre arme  offensive  ou  défensive,  ayant 
pour  but  de  gagner  de  vitesse  l'ennemi 
dans  la  poursuite  comme  dans  la  re- 
traite, habiles  qu'ils  sont  à  courir  et  à 
lancer  des  pierres ,  après  s'être  appli- 
qués à  développer  par  l'exercice  et 
l'habitude    leurs    dispositions    natu- 
relles. En  général ,  à  l'égard  des  étran- 
gers, ils  n'observent  absolument  ni 
foi ,  ni  loi.  » 

Exposé  dbStbabon  et  de  Pline, 
au  pbemibb  siècle  de  notee  àbb. 
—  Strabon,  un  peu  plus  récent,  est  plus 
bref  :  «  La  région  aride  et  stérile  qui 
s'étend  au-dessus  des  Syrtes  et  de  la 
Cyrénalque,  est  occupée  par  les  Li- 
byens, et  en  premier  lieu  par  les  Na- 
samons, qui  ont  près  d'eux  (  vers  l'oc- 
cident) les  Psylles  et  quelques  Gétules, 
après  lesquels  viennent  les  Garaman- 
tes;  à  l'orient ,  les  Marmarides,  qui 
d'un  côté  touchent  à  la  Cyrénaîque, 
et  de  l'autre  se  prolongent  jus(]u'à 
l'oasis  d'Ammon.  On  ignore  ce  qui  est 
au  delà  d'Ammon  et  des  oases  jus- 
qu'aux frontières  de  l'Ethiopie.  » 

Pline,  postérieur  à  Strabon,  se 
borne  comme  lui  à  quelques  notions 
extrêmement  concises  :  «  Les  Marma- 
rides habitent  à  peu  près  depuis  les 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


environs  de  Paretonium  jusqu'à  la 
grande  Syrte  ;  puis  viennent  les  Ara- 
raucèles,  et,  sur  les  bords  de  la  Syrte , 
les  NasamoDS,  que  les  Grecs  appe- 
laient jadis  Mesammons  à  cause  de 
iear  situation  au  milieu  des  sables. 
Après  lesNasamons  vivent  les  Asbystes 
et  les  Makes.  Depuis  le  Catabathme 
jusqu'à  rÉgypte  s^étend  la  Libye  ma- 
réotide,  occupée  par  les  Marmarides 
et  les  Adymiachides ,  après  lesquels 
viennent  lès  Maréotes.  » 

Exposé  db  Ptoléméb,  au  deuxib- 
KB  siècle  de  notre  ÈRE.  —  Mais 
Ptolémée,  dans  le  siècle  suivant,  vient 
nous  fournir  de  nouveaux  détails  : 
■  Au-dessus  de  la  Pentapole  »,  nous 
dit-il,  «  le  pays  est  occupé,  à  l'est 
des  jardins  des  Hespérides ,  par  les 
Barkites ,  à  Torient  desquels  sont  les 
Ararancides.  Derrière  le  jardin  des 
Hespérides  sont  les  montagnes  appe- 
lées les  buttes  d'Hercule,  au  levant 
d^uelles  on  trouve  les  Asbystes.  Plus 
loin  vers  l'Afrique  ,  au  -  dessus  des 
monts  Ouelpa ,  se  présentent  les  Ma- 
katoutes ,  puis  les  repaires  des  Lésa* 
nikes,  à  Test  desquels  sont  les  Psylies, 
et  ensuite ,  des  lieux  sauvages  et  la 
r^'on  silphiophore.  Les  parties  sep- 
tentrionales de  la  Marmarique  appar- 
tiennent aux  Libyarkes,  aux  Anèrittes 
et  aux  Bassakhites ,  derrière  lesquels 
sont  les  Apotomites ,  et  plus  au  sud 
encore,  les  Augyles  ;  après  ceux-ci  les 
Nasamons  et  les  Bacates ,  ensuite  les 
Aukhises  et  les  Tapa  ni  tes,  au  delà  des- 
.  quels  sont  les  Sentites  et  les  Obèles , 
puis  les  Ésariens.  Le  littoral  du  nome 
de  Libye  est  possédé  par  les  Zygriles, 
les  Rhattaniens  et  les  Zyges  ;  les  par- 
ties méridionales  par  les  Bouzes  et 
iesOçdémiens;  au  delà  sont  les  Adyr- 
inakhites,  ensuite  le  pays  d'Ammon, 
pois  les  Anagombriens,  et  après  eux 
lei  lobakbes  et  les  Rouadites.  »  Nous 
D*avons  pas  à  nous  occuper  ici  de  la 
Maréotiue,  dépendance  trop  immédiate 
deTÉgypte  pour  que  nous  puissions 
consentir  à  1-en  séparer. 

On  voit  que  Ptolémée  à  lui  seul  énu- 
nère,dans  la  contrée  qui  fait  le  sujet 
^  notre  étude  actuelle,  un  plus  grand 
nombre  de  peuples  que  tous  ses  devan- 


78 

ciers  ensemble  ;  mais  il  faut  se  hâter 
de  reconnaître  que  beaucoup  de  ces 
noms  de  peuples  ne  désignent  proba- 
blement que  les  habitants  de  quelques 
petits  districts,  quelquefois  de  simples 
villages;  les  Espagnols  qui  appellent 
puehlosoM  peuples  leurs  villages,  les 
Portugais  qui  appellent  les  leurs  pa- 
voaçào  ou  population  ,  emploient 
une*  métaphore  toute  semblable.  On 
est  frappé,  dès  le  premier  coup 
d'oeil,  des  rapports  que  présentent 
les  noms  des  Zygrites,  des  Khatta- 
niens  et  des  Zyges,  dans  la  liste  ci- 
dessus,  avec  ceux  des  villes -ou  villages 
de  Zygris,  de  Khettéa,  de  Zygis,  ins- 
crits dans  les  tables  du  géographe 
alexandrin.  Il  est  probable  que  plu- 
sieurs des  peuplades  qu'il  désigne 
étaient  des  branches  ou  des  rameaux 
de  tribus  plus  considérables. 

Résultais   comparatifs  des  notions 
qui  précédent. 

Modifications  organiques   et 
deplacements,  subis  pab  les  dl- 

YEBSES  TBIBUS  LIBYENNES.— Il  faut 

tenir  compte,  au  surplus,  dans  Texa- 
men  comparatif  des  données  succes- 
sives que  nous  venons  de  passer  en 
revue,  des  modifications  qu*ont  pu 
produire,  d'une  part  la  fusion  de  plu- 
sieurs tribus  en  une  seule,  d'autre 
part  le  niorceUement  d'une  seule  tribu 
en  plusieurs.  Hérodote  nous  dit  lui- 
même  que  les  Psylies  avaient  été  ab- 
sorbés par  les  Nasamons;  il  est  à  croire 
que  les  Cabales  et  les  Gigamcs  ou  Gi- 
ligames,  qu'il  avait  signalés,  et  qui  ne 
se  retrouvent  plus  dans  les  siècles  pos- 
térieurs, furent  pareillement  absorbés, 
les  premiers  par  les  Auskhises  ou  par 
les  Barkéens ,  les  seconds  par  les  Mar- 
marides. Quelquefois  aussi  l'imper- 
fection des  connaissances  recueillies 
par  certains  écrivains ,  ou  le  désir  de 
réduire  leurs  descriptions  à  quelques 
grands  traits,  leur  ont  fait  réunir, 
sous  une  désignation  commune,  divers 
peuples  d'ailleurs  indépendants  ;  ainsi 
Diodore  de  Sicile,  en  distribuant  tout 
l'intérieur  de  la  Libye  propre  entre  les 
Pïasamons  au  sud,  les  Auskhises  à 
Touest,  et  les  Marmarides  à  Test, 


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74 


I^'UNIVERS. 


confond  avec  chacune  de  ces  nations 
line  ou  plusieurs  des  hâtions  troîsines 
qu\  n'àvâieht  point  péri ,  putsiju'on  les 
voit  ultérieurement  reparaître  :  tels 
sont  les  Asbystes  ou  Asbytes ,  proba- 
blement sous-entendus  parmi  les  Aus- 
khises;  tels  sont,  d'une  manière  plus 
frappante  encore  >  les  Adjrrmachîdes , 
enveloppés  dans  les  Marmarides. 

Il  faut,  en  outre,  se  rendre  compte 
de  quelques  déplacements  ;  les  Asbystes 
et  les  Auskhises  paraissent  avoir  été 
poussés  au  sud  par  les  Barcéens ,  ou 
plutôt  par  les  Marmarides,  qui  au- 
raient été  repousses  à  leur  tour  par 
les  Barcéens,  pendant  qUe  les  Ararau- 
cèles  ou  Àraraucidts,  qui  se  trouvaient 
jadis  au  delà  des  Marmarides,  tout  au- 
près des  Nasamons,  remontaient  vers 
le  nord  pour  devenir  limitroplies  des 
BarcéeiYs.  Ces  déplacements  n'ont  rien 
qui  nous  doive  surprendre ,  puisqu'ils 
s'opéraient  entre  des  tribus  nomades, 
dont  le  cantonnement  territorial  à 
toujours  moins  de  fixité  que  les  éta- 
blissements des  peuples  sédentaires. 

DlSTRIBUTiaW  EBL4T1VJB  DBS  PO- 
PCLATIOMS  MîE  LK  TERRITOIBE.  — 

Quoi  qtt'tl  en  soit,  en  remontant  par  la 

Sensée  aux  temps  primitifs  de  la  Li- 
ye,  avant  que  les  Grecs  y  fussent 
venus  fonder  leurs  colonies,  et  em- 
brassant dans  une  considération  sy- 
noptique les  populations  autochtho- 
nes  et  le  territoire  qui  leur  était 
dévolu,  on  peut  se  représenter  le  pla- 
teau supérieur  en  la  possession  exclu- 
sive des  Barcéens;  la  grande  terrasse 


qui  forme  Fétase  suivant,  occupée  à 
la  fois ,  depuis  Te  Catabatbme  jinqu'è 
la  Syrte,  par  les  Gigames  à  l'est,  les 
Asbystes  au  milieu ,  et  les  Auskhises 
à  l'ouest,  avec  les  Cabales  enclavés  ; 
plus  tard  seulement ,  les  MaUnarides, 
les  itiémes  peut-être  que  les  Gtgames , 
se  trouvèrent  maîtres  exclusifs  ée 
cette  terrasse;  à  l'étage  au-dessous 
figuraient,  vers  l'ouest  les  Psylles, 
vers  le  sud  les  Nasamons,  et  vers  l'est 
les  Adyrmachides.  Voilà,  ce  nous  sem- 
ble, la  disposition  générale  qui  ressort 
de  l'étude  des  faits  ultérieurs.  Il  est 
utile  de  ne  pas  perdre  de  vue  cette  es- 
pèce de  symétrie  des  populatioDS  in- 
digènes avec  tes  grands  traits  pbysi- 
^es  du  sol ,  parce  qu'elle  a  toujours 
influé,  à  un  certain  degré,  sur  les  déli- 
mitations que  l'histoire  ou  la  géogra- 
phie ont  ensuite  adoptées. 

£t  maintenant  que  nous  avons  dé- 
crit le  théâtre  où  se  succédèrent,  dans 
le  cours  des  siècles ,  les  actes  divers 
du  drame  politique  où  le  premier  rôle 
appartient  à  Cyrène ,  il  est  temps  de 
raconter  l'origine,  l'accroissement,  la 
puissance  et  les  vicissitudes  de  cette 
vHIe  tour  à  tour  royale  et  populaire , 
autononoe  et  asservie ,  païenne ,  juive 
et  chrétienne  ;  fameuse  par  sa  turbu- 
lence ,  par  ses  richesses,  par  ses  mœurs 
raffinéeé,  par  ses  philosophes,  ses 
poètes  et  ses  savants,  aujourd'hui  dis- 
parue du  monde,  et  n'ayant  laissé  à  «a 
place  que  le  nom  de  Qerenneh  pla- 
nant sur  quelques  ruines  éparses  aban- 
données à  d'insouciants  nomades^ 


SU. 

HÏSTOIAE. 


I. 


HtSTOIBS  M  LA.  FOKDÀTfOIV 
BS  GYRÈlfE. 


'Origîi^  des  Tkér^éens  Jbrukùteurs 
de  €ijrène. 

Les   ACIIBBNS   de  X4  LagoKie, 
iMfeteïBB   ÉLBHSlfT  DB  lA  P<^D{iA- 

•noH  Wï  Théra.—- L'oi-igine  deCyrène 
se  trouve^  tQwtùt  toQtee  les  «ngines 


antiques^  entourée  d'inoertitudes  et. 
de  fables  ;  au  miliev  des  récits  divers, 
ressort  néanmoins  invariaUement  ee 
fait  principal,  t]ne  Cyrène  fut  une  co- 
lonie de  rtle  de  Théra,  dont  les  habi- 
tants étaient,  pour  la  plupart,  venus 
de  la  Laconie.  Il  est  donc  nécessaire^ 
pour  édaiitsir,  au  point  de  vue  ethno- 
logique ,  l'histoire  de  la  fondation  <le 
Cyrène ,  de  rei»M«r,  oomme  41a  rfait 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


7^ 


^rodote,  aux  colons  quj  Dçunlèrent 
™fe,  k  anx  càtties  qui  trétèrinhié- 

Oii  èbirp  rf'œil  sur  Pétat  dé  fa  La- 
tenie  à  cèltte  époque  paratt  d'abord 
îttdîspénsabîé.  Cette  contrée  était  en 
ia  )M)ssesi$fon  des  Aohéens,  quand  Pin- 
vasion  doriénne,  conduite  par  tes  Hé- 
^.radides,  au  douzième  siècle  avant 
'  ôotreèrt.  vint  y  établir  un  ordre  de 
cboslEfe  erïttèreîViènt  nouveau  :  les  côh- 
gnéhmts,  dont  le  nombre  n'était  pôiirt 
assez  considérable  potir  occuper  à  la 
fois  tout  le  pays,  Se  contentèrent,  danS 
îe principe,  de  s'établir  à  Lacëdémone, 
sâtif  à  étendre  graduellement  leur  do- 
ittihation  sur  les  cantons  voisins ,  en 
refoolant  tes  anciens  habitants  au 
dblàdes  limites,  s\iccessivement  agran- 
dies, dtt  tètrîtôit-e  subjugué.  De  là  les 
émigrations  é[u\  eurent  pour  résultat 
la  colonisation  de  Théra ,  métropole  à 
son  toui*  de  Cyrène. 

Second  ^lëment,  les  CàdmIséns 
MmoiÉs  DE  Thêbes.  —  Mais  avant 
TairivêB  deS  ÏTéraclîdes,  l'ancienne  ca- 
\^k  des  Àcliéehs  de  la  Laconie,  la 
Tito  de  Tyndare  et  de  Léda ,  là  pa- 
trie de  Castot  et  de  Poîlux ,  d'ilélene 
et  de  Clytèmhestre,  Amyclée,  avait 
K«i  dans  son  sein  les  Vestes  de  la 
noble  race  dés  Égides ,  dépossédée 
de  Thèbès  i)â^  l'invasion  béotienne 
(1150  ans  bvaht  notre  è^e)  ;  elle  avait 
tàBû  doàné  rhospitalitë  à  Tliéras  et 
te^e,  tous  deux  enfants  d'Autésion, 
ois  déshéHté  du  roi  TisaAièhe ,  dont 
lagénéatogîeirembntait,  à  travers  huit 
gaériaiions,  pair  (ifedipe,  jusqu'à  Cad- 
tous.  \2uand  riiéraclide  Aristodème 
S'empara  d'Amvclée,  il  y  prit  pour 
^ùse  la  cadmeekine  Argie,  et  la  ren- 
dit fflèfe  de  xlèux  princes  jumeaux , 
wiysthènes  et  Pâtrocles ,  qui  ne  vi- 
ren  toutefois  le  jour  (jju'apres  sa  mort 
(Jtlft  ans  ayaiii;  J  .-C.)  :  leui-  oncle  ma- 
«hjet  lïféràs  èéuvei^ua  pendant  leur 
Jfflortté ,  et  4uàhd  ils  lurent  en  âge 
de  prendre  eux-mêmes  les  r(Snes  Se 
Jfitot,  Théras  ,  trop  lier  pour  obéir 
Jpw  avofr  H  lohgteiïïps  commandé, 
]«iÈWt  de  s'expatrier  pouir  aller  ail- 
W  fonder  un  nouveau  royaume. 

Ti0ÔlJ%fe  fiLiMfeïïT,LESMlNYENS 


liÉFUGiBS  DE  Lemnos.  — •  Dans  rin- 
terValle,  l'invasion  des  PÉIasges  avait 
Cliàss'é  de  Lemnos  les  Minyens,  origi- 
naires de  Thessalie,  et  célèbres  à  raison 
de  la  part  qu'ils  avaient  prise  î 
l'expédition  des  Argonautes;  expul- 
sés de  leur  lie,  ils  cirtglèrent  vers  \i 
Lnconîe .  débarquèrent  à  Ténare  pa- 
trie de  l'argonaute  Euphème,  et  vin- 
rent campée  sur  les  hauteurs  du  Tay- 
gète.A  la  vue  des  feux  qu'ils  y  avaient 
allumés ,  les  Lacédémoniens  leur  en- 
voyèrent demander  qui  ils  étaient , 
d'où  ils  venaient,  et  ce  Qu'ils  voulaient: 
ils  réiJOrtdirent  qu'ils  étaieht  Minyens,* 
descendants  de  ces  vaillants  guerriers 
qui  montaient  le  navire  Argô,  et  qui 
ayant  abordéà  Lemnos  y avaîeht  laissé 
leur  postérité  ;  ils  ajoutèrent  qii'ayant 
été  chassés  par  les  PélasgeS,  îls  ve- 
naient ,  comme  cela  était  naturel , 
chei'cher  un  asile  au  pays  dé  leurs  pè^ 
l'es;  ils  priaient  donc  les  Laconiens 
de  tes  recevoir  chez  eux  et  de  les  ad- 
mettre au  partage  non-seulement  de 
leurs  terres,  mais  encore  des  droits  et 
des  honneurs  de  la  cité.  Les  Laco- 
niens y  consentirent,  en  considération 
surtout  de  ce  que  les  Tyndaridès 
avaient  fait  partie  de  l'expédition  des 
Argonautes  :  îls  accueillirent  les  Mi- 
nyens, leur  donnèrent  deS  terres,  et 
les  répartirent  parmi  leurs  tribus. 
Ceux-ci  y  prirent  aussitôt  des  épou- 
sés, et  y  trouvèrent  des  époux  pour 
lés  filles  qu'ils  avaient  amenées  dé 
Lemnos. 

Mais  bientôt  les  IVÎinyèns  affichè- 
rent des  prétentions  exorbitantes  :  ils 
voulurent  s'emparer  de  l'autorité ,  et 
violèrent  sur  plusieurs  points  les  lois 
du  pays.  Les  Lacédémoniens  alors  ré- 
solurent de  s'en  délivrer:  ils  se  sai- 
sirent d'eux  ,  et  les  jetèrent  en  prison 
pour  attendre  Ifiur  supplice ,  les  exé- 
cutions, à  ÎLacédénione,  ne  se  faisant 
que  la  nuit,  et  jamais  de  jour.  Comme 
1  heure  de  leur  mort  approciiait,  leurs 
femmes  ,  qui  étaient  filles  des  princi- 
paux citoyens  de  Lacédémone,  deman- 
dèrent à  entrer  dans  la  prison  pour 
parler  à  leurs  maris  ,  ce  qui  leur  fut 
accordé  sans  défiance.  Elles  ne  furent 
pas  plutôt  entrées,  qu'ellçs  §e  hâtèrent 


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76 


L'UNIVERS. 


de  donner  à  leurs  époux  leurs  propres 
vêtements  ,  et  de  prendre  les  leurs  : 
et  les  Minyens,  ainsi  cachés  sous  les 
babits  de  leurs  femmes,  sortirent  à  la 
faveur  de  ce  déguisement,  et  s'écbap- 
pant  de  la  sorte ,  se  réfugièrent  ue 
nouveau  sur  les  hauteurs  du  Taygète. 

Fondation  de  la  colonie  db 
Théra."— C'était  le  moment  où  Théras 
voulait  quitter  Lacédémone  pour  aller 
fonder  une  colonie  :  il  avait  jeté  les 
veux  sur  l'île  appelée  alors  Galliste,  déjà 
habitée,  depuis  huit  générations,  par 
«es  compatriotes  les  descendants  de 
Membliarès  fils  dePéciles,  phénicien, 
que  Cadmus  y  avait  laissé  quand  il  tra- 
versait les  mers  à  la  recherche  d'Eu- 
rope. Théras  avait  réuni  pour  son  ex- 
pédition ,  un  grand  nombre  de  Laco- 
niens  pris  dans  les  tribus  parmi  les 
Égides  et  les  Achéens  d'Amyclée,  avec 
le  dessein  d'aller  s'établir  à  Galliste, 
non  à  la  place  des  anciens  colons  cad- 
méens,  mais  paisiblement  et  dans  une 
parfaite  union  avec  eux  :  il  proposa 
d'emmener  aussi  les  Minyens  fugitifs, 
qui  dans  leur  retraite  du  Taygète 
excitaient  encore  l'inflexible  colère  de 
Lacédémone,  et  il  obtint  leur  grâce  à 
la  condition  de  cet  exil  volontaire. 
Son  fils  ayant  refusé  de  s'embarquer 
avec  lui,  il  le  laissa  comme  une  brebis 
parmi  les  loups  ,  ce  qui  fit  donner  à 
celui-ci  le  nom  d'Oïolycos.  Théras 
mit  à  la  voile  avec  trois  vaisseaux  de 
trente  rames,  se  rendit  à  Galliste  au- 
près de  la  postérité  de  Membliarès, 
et  y  forma  un  établissement  qui  prit 
le  nom  de  son  fondateur,  bientôt  subS'- 
titué  à  celui  de  Galliste  même.  Les 
traditions  de  Lacédémone  aussi  bien 
gue  celles  de  Théra  avaient  conservé 
jusque-là  un  souvenir  uniforme  des 
événements  que  nous  venons  de  rap- 
peler :  Théra  seule  pouvait  raconter 
la  suite  de  son  histoire. 

Ainsi ,  rtle  de  Théra ,  d'où  Gyrène 
devait  un  jour  sortir,  était  une  colonie 
laconienne  ;  elle  avait  reçu  pour  ha- 
bitants des  Amycléens  de  race  achéen- 
neoudanaënne,des  Minvens  venus  de 
Lemnos  au  Ténare,  et  des  Gadméens 
tant  Égides  que  Membliariens.  La  di- 
gnité royale,  dans  le  nouvel  État,  resta 


à  la  postérité  de  Théras,  avec  laquelle 
Taristocratie  des  Éeides  et  des  Mi- 
nyens partageait  l'administration  des 
affaires  publiques.  Si  Théra  eut  plus 
tard  un  gouvernement  populaire  sous 
des  archontes,  ce  ne  fut  sans  doute 
qu'à  une  époque  postérieure  à  la  fon- 
dation et  à  l'émancipation  de  Gyrène. 
Gauses  de  l'émigbation  vers 
Thbra  et  de  là  yebs  Gybène.  — 
Quels  que  soient  les  détails  anecdoti- 

3ues  au  milieu  desquels  se  trouve 
élayée  l'histoire  de  la  colonisation  de 
Théra,  on  voit  qu'elle  eut  lieu  par  suite 
des  rivalités  intestines  qui  devaient  na- 
turellement surgir  entre  des  popula- 
tions de  races  diverses,  amenées  sur 
un  même  sol  par  des  déplacements 
qui  ne  sont  pas  sans  quelque  analogie 
avec  ceux  dont  l'Europe  occidentale 
fut  le  théâtre  au  moyen  âge.  L'expé- 
dition de  Gadmus  avait  jadis  donné 
des  habitants  à  Thèbes  ;  celle  des  Ar- 
gonautes en  avait  laissé  à  Lemnos  : 
Finvasion  des  Béotiens  chassa  les  Gad- 
méens de  Thèbes;  celle  des  Pelages 
chassa  les  Minyens  de  Lemnos,  et  celle 
des  Doriens  chassa  à  son  tour,  de  la 
Laconie,  les  Gadméens  et  les  Minyens 
qui  s'y  étaient  réfugiés,  et  les  Achéeas 
anciens  maîtres  du  pays. 

Ge  furent  probablement  aussi  des 
dissensions  intestines  entre  les  Mi- 
nyens et  les  Gadméens  de  Théra  qui 
déterminèrent,  quatre  siècles  et  demi 
plus  tard ,  l'émigration  à  laquelle  Gy- 
rène dut  sa  naissance  :  la  tradition  de 
cette  cause  simple  et  naturelle  nous  a 
même  été  conservée  par  un  scholiaste. 
Mais  Gyrène  eut  des  destinées  trop 
brillantes  ,  pour  que  la  fable  ne  vînt 
pas,  de  mille  manières,  parer  son  ber- 
ceau, et  l'entourer  de  cette  trompeuse 
auréole  qui  rend  indécises  les  formes 
sur  lesquelles  elle  semble  jeter  le  plus 
d'éclat.  Il  nous  faut  donner  au  moins 
un  coup  d'oeil  rapide  à  ces  menteuses 
annales. 

Eapédîtions  des  Théréens  pour  la 
fondation  d'une  colonie  en  Libye. 

Tbaditions  consebyébs  a  Tiub- 
ba;  pbemiebb  begonnaissamcs  db 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


iliB  DE  Platéb.  — Dix-sept  généra- 
tions a{Hrès  la  colonisation  deTnéra,  le 
seeptrese  trouvait  entre  les  mains  de 
Grinos  fils  d^Esanios  ;  et  le  principal 
des  Minyens  était  Aristote  ou  Aristée 
fils  de  P'olymneste,  plus  connu  sous  le 
nom  de  Battos ,  descendant  de  ce  Sé- 
same, fils  de  Leucophane  et  petit-fîls 
de  Targonaute  Eupbème,  qui  avait 
accompagné  Théras  à  Cal  liste.  Or 
Toici,au  dire  d'Hérodote,  ce  que  ra- 
contaient d'eux  les  Théréens. 

Grinos  fils  d'Esaiiios ,  descendant 
de  Théras  et  roi  de  Fîle  de  Théra,  était 
allé  à  Delphes  pour  y  offrir  une  héca- 
tombe, en  compagnie  de  plusieurs  ha- 
bitants de  son  tie,  et  entre  autres  du 
minyen  Battos  fils  de  Polymneste, 
eophémide.  Quand  ce  prince  consulta 
l'oracle,  la  Pythie  lui  répondit  qu'il 
lai  fellait  aller  fonder  une  ville  en  Li- 
bye. «  Divin  Apollon ,  s'écria  Grinos , 
•  je  suis  vieux ,  trop  lourd  pour  de 
«  telles  entreprises»;  et  montrant  Bat- 
tos :  <  Chargez-en  plutôt  quelqu'un 
«  de  ces  jeunes  gens  venus  avec  moi.» 
De  retour  dans  leur  île ,  les  Théréens 
o'earent  aucun  égard  à  la  réponse  de 
l'oracle,  attendu  que  ne  sachant  point 
où  était  la  Libye,  ils  n'osaient  s'aven- 
turer à  y  envoyer  une  colonie. 

Il  se  passa  ensuite  sept  années  sans 
qu'il  plût  à  Théra,  où  la  sécheresse  fit 
périr  tous  les  arbres  hors  un  seul  ;  les 
Théréens  eurent  alors  recours  à  l'ora- 
cle, et  la  Pythie  leur  ordonna  de  nou- 
vean  d'allef  fonder  une  colonie  dans 
la  Libve.  N'ayant  donc  pas  d'autre  re- 
Biède  a  leur  lâcheuse  position,  ils  en- 
vojrèrent  en  Crète  s'enquérir  de  quel- 
90  BB,  Cretois  ou  étranger,  qui  eût  été 
«0  Libye.  Les  envo]^és  parcoururent 
nie,  et  arrivés  à  la  ville  d'Itanos,  ils  y 
découvrirent  un  teinturier  en  pourpre, 
Dominé  Corobios  ,  qui  leur  dit  avoir 
été  poussé  par  un  vent  violent  dans 
ffc  de  Platée  en  Libye;  ils  l'engage- 
nt movennant  salaire,  et  revinrent 
avecluiàThéra.  On  fit  partir  alors, 
SOQS  la  conduite  de  Corobios,  un  petit 
nombre  de  citoyens  chargés  d'exami- 
ner les  lieux  ;  et  quand  il  les  eut  me- 
nés à  nie  de  Platée ,  ils  l'y  laissèrent 
>^  des  vivres  pour  quelques  mois, 


77 

et  remirent  en  mer  pour  aller  en  dili- 
gence faire  aux  Théréens  leur  rapport 
sur  cette  île. 

SÉJOUB  DE  Corobios;  abbivbb 
DES  COLONS  A  PLATÉE—Lcur  absence 
s'étant  prolongée  au  delà  du  temps 
convenu  ,  Corobios  se  trouva  dam 
une  très-grande  disette;  heureusement 
qu'uir  navire  de  Samos ,  qui  allait 
en  Egypte  sous  le  commandement 
de  Coléos,  ayant  abordé  à  Platée 
et  appris  la  position  critique  de  Co- 
robios ,  lui  donna  des  vivres  pour  un 
an,  après  quoi  il  se  remit  en  route 
pour  l'Egypte  où  il  était  pressé  d'ar- 
river ;  mais  le  vent  d'est  qui  soufflait 
alors,  emporta,  comme  on  sait,  le  na- 
vire jusqu'au  delà  des  colonnes  d'Her- 
cule. La  conduite  de  Coléos  à  l'égard 
de  Corobios  fut  l'origine  de  h  grande 
amitié  que  les  Théréens  et  les  Cyré- 
néens  eurent  depuis  ce  temps  pour  les 
Samiens. 

Les  Théréens  qui  avaient  laissé  Co- 
robios à  Platée ,  rendirent  compte ,  à 
leur  arrivée  chez  eux,  de  l'établisse- 
ment qu'ils  avaient  commencé  de  for- 
mer dans  cette  fie  libyenne.  Là-dessus 
il  fut  résolu  que  de  tous  leurs  can- 
tons ,  qui  étaient  au  nombre  de  sept, 
on  enverrait  des  hommes,  que  les 
frères  tireraient  au  sort,  et  que  Bat- 
tes serait  leur  chef  et  leur  roi  :  et  en 
conséquence  de  cette  résolution ,  fu- 
rent équipés  deux  vaisseaux  à  cin- 
quante rames,  qui  transportèrent  à 
Platée  les  nouveaux  colons. 

RÉCIT  DES  Cybénéens;  obiginb 

CBÉTOISE  DE  BaTTOS  PAB  SA  MÈBE. 

—  Les  traditions  cyrénéennes ,  consi- 
gnées dans  l'histoire  d'Hérodote,  et 
rapi)elées  dans  les  chants  de  Pindare , 
attribuent  à  Battos  un  rôle  plus  im- 
portant, et  entrent,  à  Tégard  de  ce 
prince,  dans  beaucoup  plus  de  détails, 
que  nous  allons  rapporter  aussi.  Nous 
ne  pouvons  mieux  faire  que  de  trans- 
crire le  récit  du  vieil  historien. 

Étéarque,  roi  de  la  ville  d'Axos  en 
Crète,  ayant  perdu  sa  première  femme, 
dont  il  avait  une  fille  appelée  Pbro- 
nime,  prit  une  nouvelle  épouse,  qui,  à 
peine  installée  chez  lui ,  se  conduisit 
en  véritable  marâtre,  cherchant  tou3 


l 


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7d 


L'UNÎVIRS. 


les  moyens  de  nuire  à  h  jeune  prin- 
cesse, qu'elle  accusa  enOn,  auprès  de 
son  crédule  époux ,  de  s'être  abandon- 
née à  un  homme  ;  et  à  Tinstigation 
de  cette  femme,  Etéarque  se  porta,  à 
ré)s:ard  de  sa  fille ,  à  une  résolution 
odfeuse.  Il  y  avait  alors  à  Axos  un 
marchand  théréen  nommé  Thémison  : 
ce  prince  le  fit  venir ,  et  après  "flvoir 
contracté  avec  lui  l'hospitalité,  il  lui 
fit  promettre ,  avec  serment ,  de  lui 
prêter  son  ministère  dans  toutes  les 
choses  où  il  aurait  besoin  de  lui  :  et 
dès  que  le  serment  eut  été  prononcé , 
i!  lu!  remit  sa  fille,  en  le  chargeant  de 
Pemmener  et  de  la  jeter  à  la  mer. 

Fâché  de  se  trouver  ainsi  lié  par 
une  promesse  surprise  à  sa  bonne  loi, 
Thémison  rompît  avec  Ktéarqne,  par- 
tit avec  la  jeune  princesse,  et  pour 
obéir  à  son  serment,  quand  tl  fut  au 
large,  il  la  jeta  à  la  mer,  mais  attachée 
à  une  corde ,  au  nïoycn  de  laquelle  il 
la  retira  de  Tenu  ;  et  il  ren^mena  à 
Thcra.  Là  ette  fut  recueillie  par  un 
grand  seigneur  nommé  Polymneste, 
de  qui  elle  eut,  quelque  temps'après,  un 
fiîsqui,  d'après  Ics'l  hércens  aussi  bien 
que  les  Cyréncens,  fut  appelé  Battos. 

Batto^  conduit  unr  colonie  a 
Platrb.- Le  jeune  pnnceavait,dit-on, 
été  appelé  Ballos  parce  qu'il  bégayait 
et  ue  pouvait  prononcer  certaines  ar- 
ticulations; mais  Hérodote  croyait 
(u'il  avait  un  autre  nom  (  Pindare 
k  Callimaque  disent  Artstote ,  Jus- 
tin dit  Aristée),  et  que  celui  de 
Battos  lui  fut  donné  en  Libye,  tant 
à  cause  de  la  réponse  quMI  avait  re- 
çue de  Toracle  de  Delphes  qu'à  rai- 
son de  sa  dignité;  car  Battos,  comme 
le  fait  observer  l'historien  grec,  signi- 
fie roi  dans  la  langue  des  Libyens,  et 
c'est  pour  cela  sans  doute  que  la  ï*y- 
thie  ,  l'envoyant  en  Libye  pour  y  ré- 
gner, lui  donna ,  dans  sa  réponse ,  ce 
titre  libyen.  En  effet ,  étant  allé ,  à  sa 
majorité ,  consulter  l'oracle  de  Del- 
phes sur  le  défaut  de  sa  langue,  la 
Pythie  lui  répondit  :  «  Battos,  commç 
SI  elle  lui  eût  dit  :  «  Roi  !  tu  viens  ici 
*  pour  ta  voix  :  le  divin  Apollon  t'or- 
«  donne  d'aller  t^établir  dans  la  Libye 
f  où  paissent  de  nombreux  moutons,  » 


'^ 


Battos  répliqua:  «Divin  régiilatcor, 
«  je  suis  venu  vous  consulter  sur  le 
«  défaut  de  ma  langue  ;  mais  vous  me 
«  commandez  des  dhoses  impossibles 
«  en  m'envoyant  établir  une  colonie 
«  en  Libye  :  avec  quelles  troupes,  avec 
«  quelles  forces  puis-je  exécuter  un  tel 
«  projet  ?  »  Malgré  ces  raisons  ,  il  ne 
put  amener  la  Pythie  à  lui  parler  au- 
trement. Voyant  donc  que  l'orade 
persistait  dans  sa  réponse  ,  il  quitta 
Delphes,  et  retourna  a  Théra. 

Mais  dans  la  suite,  il  lui  arriva  beau- 
coup de  malheurs,  ainsi  qu^aux  autres 
habitants  de  Tilc,  et  comme  ils  en  igno- 
raient la  cause,  ils  envoyèrent  consul- 
ter Toracle  de  Delphes  sur  les  calami- 
tés qui  les  frappaient  :  la  PytWe  leur 
répondit  qu'ils,  seraient  plus  heureux 
^  s'ils  fondaient  avec  Battos  la  ville  de 
Cyrène  en  Libye.  Sur  cette  réponse, 
ils  firent  partir  Battos  avec  deux  vais- 
seaux à  cinquante  rames  ;  Battos  et 
ses  compagnons ,  forcés  par  la  néces- 
sité, naviguèrent  vers  la  Libye,  puis 
ils  voulurent  retourner  àThéfa;  mais 
les  Théréens  les  repoussèrent  quand 
ils  tentèrent  de  débarquer,  leur  inter- 
dirent d'aborder,  et  leur  ordonnèrent 
de  retourner  à  l'endroit  d'où  ils  ve- 
naient. Force  leur  ^ut  de  reprendre  la 
même  route,  et  d'aller  s'établir  dans 
une  île  voisine  de  la  Libye;  cette  île, 
comme  on  l'a  déjà  dit ,  était  celle  de 
Platée ,  dont  la  grandeur  ne  dépassait 
pas  celle  qu'eut  plus  tard  la  ville  mê- 
me de  Cyrène. 

Les  colons  quittent  Platéb 

POUR  Azims,  ET  ARRIVENT  ENFIN 
A  LEUR  DESTINATION.  — LCS    récîtS 

des  Théréens  et  des  Cyrénéens  conco^ 
daient  entre  eux,  quant  à  la  suite  de 
cette  histoire,  qu'Hérodote  poursuit 
en  ces  termes  : 

Les  Théréens  restèrent  deux  ans 
dans  l'île  de  Platée  \  mais  coi:nme  rien 
ne  leur  prospérait,  ils  y  laissèrent 
l'un  d'entre  eux ,  et  le  reste  5e  rem- 
barqua pour  aller  à  Delphes.  Quand 
ils  y  furent  arrivés  ,  Baittos  dit  à  la 
Pythie  qu'ils  s'étaient  établis  en  Li- 
bye, et  que,  cepen^^nt,  ^s  n'étt 
étaient  pas  plus  heureux,  l^orade  toi 
répondit  :  «  Tu  n'as  jamais  été  dans  Ik 


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AFRIQUE  ANaENNE. 


7Ô 


t  Libye  féconde  en  troupeaux ,  et  tu 
«prétends  la  connaHre  mieux  que 
•  moi  qui  y  ai  été.  J'admire  gran-^ 
«  dément  ton  savoir  !  »  Sur  cette  ré- 
ponse, Battoss'en  retourna  avec  son 
monde  7  puisque  le  dieu  ne  les  tenait 
pas  quittes  de  Tentreprise  tant  qu'ils 
ne  seraient  pas  allés  dans  la  Li^e 
inénie.  De  retour  à  Platée,  ils  prirent 
aveceux  celui  des  leurs  <|u*Us  y  avaient 
laissé,  et  allèrent  s'établir  sur  le  con- 
tiiienC  libyen  ,  vis-à-vis  de  l'île,  à 
Aziris ,  lieu  charmant ,  environné  de 
deux  côtés  par  des  collines  agréaisies 
couvertes  d'arbres,  et  arrosé  ea  outr» 
par  une  rivière. 

Ils  demeurèrent  six  années  à  Aziris  ; 
mais  la  septième  année  ils  se  lais- 
sèrent persuader  d'en  sortir,  sur  les 
vives  instances  des  Libyens,  et  sur  la 
promesse  qu'ils  leur  firent  de  les  me- 
ner dans  un  meilleur  canton.  Les  Li* 
byens  leur  ayant  fait  quitter  cette  ha? 
wtition,  les  conduisirent  vers  le  cou- 
chant; et  de  crainte  qu'en  passant 
psr  les  plus  beaux  sites  du  pays  ,  les 
Grecs  ne  les  préférassent,  ils  réglè- 
KBt  ieur  marche  sur  la  durée  du  jour 
àt  maftière  à  leur  faire  traverser  peur 
dant  la  nuit  cette  belle  contrée  appe- 
lée Ira|m(*).  Quand  ils  les  eurent  con- 
duis à  une  fontaine  qu'on  prétend 
josacree  à  Apollon  :  «  Qeliènes  »,  leur 
dirent-Ils,  «  la  commodité  du  lieu 
«  vous  invite  à  fixer  ici  votre  demeu- 
«»:  le  ciel  y  est  ouvert  pour  vous 
■  donner  les  pluies  qui  rendront  vos 
«  terres  fécondes.  » 
Ce  lieu  était  l'emplacement  Où  fut 
•we  Cyrène. 

Trmiftions  diverses  relatives  à  la  • 
JondatUm  de  Cyrène. 

ÏJWHB  POBTIQUB  DE  LA  MYtfPHS 

GtlàiiE.  —  A  cété  de  ces  traditions 
fwiepèrede  l'histoire  avait  recueillies 
Ijwdoutc  lui-même  à  Lacédémone,  à 
*W6t  à  Cyrène,  il  convient  de  jrap- 

.  (*)  1poi*ffa  «oXiç  'Avtaiou»  comme  U  dé- 
•pte  f indare  dans  sa  ix®  Pytb^que  ç  pn 
*^*  <l9W  .notre  volume  4es  îles,  que  le 
"•<«»  des  Antides  était  alt2\ché  à  la  çher- 
•OQnèse  appelée  aujourd'hui  Râs-el-Tyn. 


peler  quelques  autres  versions  qui  nous 
sont  parvenues  par  d'autres  voies. 

Et  d'abord  il  nous  faut  rapportei; 
en  première  ligne  le  mythe  poétique, 
célébré  dans  les  vers  de  Pindare  et  de 
Callimaque,  où   figure   la  chaste  et 
courageuse  Cyrène,  fille  d'Hypsée, 
roi  desLapithes  de  la  Thessahe,  fil$ 
lui-m^e  du  Pénée,  et  petit-fils  de  la 
Terre  et  de  TOcéan.  Ce  n'étaient  pas 
la  navette  et  les  fuseaux,  les  soins  et 
les  jeux  domestiques  qu'elle  aimait, 
c'était  l^  garde  active  des  troupeaux 
de  son  père,  et  la  chasse  des  fauves, 
qu'elle  poursuivait  de  ses  javelots  et 
combattait  de  son  épée  d'airain.  Apol- 
lon l'aperçut   un  jour  luftant  seule 
contre  un  lion  impétueux  ;  il  appelle 
aussitôt  Chiron  du  fond  de  son  antre 
pour  venir  admirer  cette  vierge  intré- 
pide ,  dont  la  résolution ,  la  vigueur, 
Je  courage,  étaient  inaccessibles  à  la 
crainte  et  supérieurs  au  danger.  Il  lui 
^emçnda  ^ui  était  cette  noble  fille ,  et 
S*il    pouvait  prétendre  à  ses  faveurs. 
«  Est-ce  à  moi ,  répondit  le  centaure, 
«  à  révéler  le  présent  ou  l'avenir  à  un 
«  dieu?  Vous  l'épouserez  et  la  condui- 
«  rez  au  delà  des  mers  pour  lui  don- 
«  ner  à  régir  une  cité  où  vous  aurez 
«  réuni,  sur  une  colline  entourée  de 
«  plaines,  des  habitants    insulaires; 
«  la  vieille  Libye  recevra  la  nymphe 
«  illustre  dans  ses  palais  d'or,  et  lui 
«  donnera  aussitôt,  pour  l'assujettira 
«  ses  lois ,  une  terre  fertite  en  fruits 
«  de  toute  espèce ,  féconde  aussi  en 
«  bêtes  sauvages.   Là  elle  enfantera 
«  Aristée,  chasseur  et  pasteur  à  la 
«  fois.  »  Les  dieux  sont  prompts,  sur- 
tout quand  ils  sont  pressés  :  dès  le 
jour  même  le  fils  de  Latone,  enle- 
vant dans  un  char  d'or  la  vierge  chas- 
seresse, la  conduisit  dans  les  somp- 
tueux palais  de  Libye  où  Vénus  les 
reçut  et  consacra  leur  union ',  et  Cy- 
rène demeura  la  maîtresse  d'un  pays 
chargé  de  troupeaux  et  de  moissons , 
dans  la  plus  riche  des  trois  parties  de 
la  terre. 

Çst-ce  l'histoire  ornée  de  poétiques 
(lehors,  ou  bien  est-ce  une  allégorique 
fiction  que  Pindare  a  voulu  consacrer 
dans  seà  chants?  il  semble  îfiipoflBi« 


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80 


L'UNIVERS. 


ble  d*hésiter  pour  cette  dernière  hy- 
pothèse. La  nymphe  thessalienne, 
conduite  en  Lib]^e  par  Apollon,  n'est- 
ce  pas  une  allusion  directe  à  la  popu- 
lation d'origine  minyenne ,  transpor- 
tée sur  le  sol  libyen  par  ordre  de  To- 
racle  de  Delphes?  Quand  il  rappelle 
des  souvenirs  historiques,  Pindare 
lui-même  ne  nous  parle  pas  de  la  nym- 

Êhe  Cyrène,  mais  bien  d'Aristote  ou 
lattos  fils  de  Polymneste ,  que  la 
Pythie  envoya  fonder    une  colonie 

Î|ùand  il  venait  la  consulter  sur  le  dé- 
aut  de  sa  langue,  et  qui  amena  en 
Libye ,  dans  ses  vaisseaux ,  les  colons 
minyens,  égides  et  lacédémoniens , 
qui  de  Sparte  s'étaient  jadis  rendus 
à  Calliste.  Le  poète  ajoute  qu'ayant 
alors  recouvré  l  usage  wcile  de  sa  lan- 
gue, il  effrayait  les  lions  du  seul  bruit 
de  sa  voix  ;  tandis  que  Pausanias  ra- 
conte que  la  frayeur  qu'il  eut  d'un 
lion  lui  délia  la  langue  en  lui  faisant 
pousser  de  grands  cris. 

RÉCITS  RECUEILLIS  PAR  UN  ANCIEN 

SCHOLIÂSTB.  —Cependant,  si  Ton  en 
croit  Acésandre,  auteur  d'une  histoire 
de  Libve  ou  de  Cyrène,  citée  par  l'an- 
cien scholiaste  de'Pindare,Battos  n'au- 
rait été  nullement  bègue,  mais  bien  au 
contraire,  étoouent,  instruit  et  habile, 
et  son  prétenau  défaut  de  langue  n'au- 
rait été  qu'une  feinte.  Un  autre  histo- 
v;;.  4ilx^j*,,  rien/Ménéclès,  cité  par  le  même  scho- 
..u^cr^>wK,liaste,  traitait  de  fables  tous  ces  récits 
où  il  était  question  du  bégaiement  de 
Battos,  et  voici  la  version  qu'il  donnait 
lui-même  de  la  fondation  de  Cyrène. 
«  Il  y  eut  »,  dit-il,  «  des  troubles  dans 
l'île  de  Théra ,  et  les  citoyens  se  par- 
tagèrent en  deux  factions  :  Battos,  qui 
était  a  ,a  tête  de  l'un  des  deux  partis, 
ayant  eu  le  dessous  dans  un  combat , 
fut  obligé  de  quitter  sa  patrie;  et 
comme  il  désespérait  d'y  pouvoir  ren- 
trer, il  forma  le  projet  de  s'aller  éta- 
blir ailleurs  avec  ceux  qui  l'avaient  ac- 
compagné dans  sa  fuite.  Etant  allé  à 
Delphes  pour  y  consulter  Toracle  sur 
ce  qu'il  devait  faire,  de  combattre 
pour  recouvrer  sa  patrie ,  ou  de  cher- 
clier  ailleurs  un  établissement ,  le  dieu 
lui  répondit  :  «  Battos,  de  ces  deux 
«  partis,  le  premier  est  mauvais ,  l'au- 


«  tre  est  bon  ;  abandonne  une  terre 
«  isolée  au  milieu  des  flots ,  le  con- 
«  tinent  te  vaut  mieux;  renonce  à 
«  l'orient ,  où  fiit  ton  premier  domi- 
«  cile,  et  obéis  à  mes  ordres  en  allant 
«  habiter  la  terre-ferme ,  suivant  la 
«volonté  des  dieux.  Garde-toi  donc 
<  d'entreprendre  une  navigation  fu- 
«  neste  pour  retourner  dans  ta  patrie, 
«  et  souviens-toi  que  selon  les  œu- 
c  vres  de  l'homme  est  le  succès  de  ses 
«  entreprises.  » 

Version  adoptée  par  l'histo- 
rien Trogue-Pompéb.  —Le  récit  de 
Trogue-Pompée,  tel  que  nous  l'a  trans- 
mis son  abréviateur  Justin,  semble 
être  un  amalgame  des  traditions  et 
des  fables  antérieures,  emprunté,  à 
ce  qu'il  semble,  d'un  fragment  de 
Théopompe;  nous  nous  bornerons  à 
le  traduire  ici. 

Cyrène,  raconte-t-il ,  fut  bâtie  par 
Aristée,  surnommé  Battos  à  cause  de 
sa  difGculté  à  parler.  Son  père  Cyr- 
nus ,  roi  de  l'île  de  Théra ,  étant  venu 
à  l'oracle  de  Delphes  pour  consulter 
le  dieu  au  sujet  de  l'infirmité  de  son 
fils  adolescent  qui  ne  parlait  point 
encore,  reçut  une  réponse  qui  ordon- 
nait à  ce  fils  Battos  de  se  rendre  en 
Afrique  pour  y  bâtir  la  ville  de  Cy- 
rène ,  où  il  recouvrerait  l'usage  de  sa 
langue.  Comme  cette  réponse  avait 
l'air  d'une  plaisanterie ,  à  cause  du  pe- 
tit nombre  d'habitants  de  Tîle  de  Thé- 
ra,  où  il  s'agissait  de  prendre  des 
colons  pour  aller  fonder  une  ville  dans 
une  contrée  aussi  vaste  que  l'Afrique , 
on  négligea  de  s'y  conformer.  Mais 
quelque  temps  après ,  ils  furent,  com- 
me des  rebelles,  forcés  par  la  peste 
d'obéir  au  dieu  :  ils  .étaient  si  peu 
qu'ils  remplissaient  à  peine  un  seul 
navire.  Quand  ils  furent  arrivés  en 
Afrique ,  ils  occupèrent ,  à  cause  de 
l'aménité  du  lieu  et  de  Fabondance  de 
la  source ,  la  montagne  de  Cyra ,  dont 
ils  chassèrent  les  habitants.  Là  leur 
chef  Battos  commença  à  parler  sans 
difficulté ,  ce  qui ,  en  leur  montrant 
l'accomplissement  des  promesses  du 
dieu  à  cet  égard ,  leur  donna  du  cou» 
rage  et  l'espérance  du  succès  pour  la 
fondation  d  une  ville. 


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AFRIQUE  AWaENNE. 


Ayant  établi  leur  camp  sur  ce  {)oint, 
ils  apprirent  la  tradition  de  l'ancienne 
fable  d'après  laquelle  Cyrène ,  vierge 
d'une  merveilleuse  beauté ,  enlevée  du 
mont  Pélion  en  Thessalie  par  Apol* 
Ion ,  et  transportée  sur  le  sommet  de 
la  montagne  même  dont  ils  occupaient 
le  versant,  avait  eu  de  ce  dieu  quatre 
enfants  :  Nomius,  Aristée,  Eutocus 
et  Argée.  Son  père  Hypsée,  roi  de 
Thessalie ,  ayant  envoyé  à  sa  recher- 
che, les  messagers,  séduits  par  l'a- 
ménité du  lieu ,  s'étaient  établis  avec 
la  princesse  sur  ce  même  territoire. 
Les  enfants  étant  devenus  adultes , 
trois  d'entre  eux  étaient  retournés  en 
Thessalie ,  où  ils  avaient  succédé  aux 
domaines  de  leur  aïeul  ;  Aristée  avait 
eu  un  vaste  royaume  en  Arcadie:  c'est 
lui  qui ,  le  premier,  avait  fait  connaî- 
tre aux  hommes  les  abeilles  et  le  miel , 
le  lait  et  le  fromage,  et  qui  le  pre- 
mier avait  observé  le  lever  solsticial 
des  astres.  Instruit  de  ces  détails ,  et 
s'étant  informé  du  nom  de  la  prin- 
cesse ,  Battos  fonda  en  cet  endroit  la 
ville  de  Cyrène. 
Attribution  prophétique  de  là 

POSSESSION  DU  territoire  DE  Cy- 
«ENE  ,  LORS  DU  PASSAGE  DES  ARGO- 
NAUTES. —  Un  savant  géographe  cri- 
tique, Mannert,  a  cru  trouver,  dans  le 
mythe  de  la  nymphe  Cyrène,  une  preuve 
que  des  navigateurs  grecs  avaient,  dans 
leurs  pér^rinations,  en  des  temps  re- 
culés, abordé  à  ces  rivages. 

Cette  opinion  est  confirmée  par  les 
traditions  des  temps  héroïques,  oii 
BOUS  trouvons ,  au  milieu  du  récit  de 
la  grande  expédition  des  Argonautes, 
des  traits  directement  relatifs  à  l'éta- 
Ulssonent  futur  des  Grecs  dans  les 
^rages  oîi  fut  plus  tard  bâtie  Cy- 
rène. 

Sans  nous  engager  dans  le  dédale 
des  traditions  diverses  qui,  dans  la 
succession  des  âges,  se  sont  formulées 
mr  la  route  par  laquelle  les  Argonau- 
tes revinrent  de  la  Colchide,  nous 
nous  bornerons  aux  récits  les  plus 
aodens ,  d'après  lesquels ,  suivant  Pin- 
dare,  les  conquérants  de  la  Toison 
ë'Or  rentrèrent  de  l'Océan  dans  la 
Méditerranée    en  transportant   leur 

ff  lÂvraison.  (Afrique  ancienne. 


H 


navire  l'espace  de  douze  jours  à  tra- 
vers les  déserts  de  la  Libye  jusqu'au 
marais  de  Triton  ;  bien  que ,  suivant 
Apollonius  de  Rhodes,  ils  effectuèrent 
ce  portage  à  partir  seulement  de  la 
Syrte ,  ou  les  avait  poussés  une  tem- 
pête qui  les  avait  saisis  en  vue  du 
Péloponèse  ;  tandis  qu'Hérodote  et 
Diodore  de  Sicile,  se  taisant  sur  le 
portage,  racontent  que  la  tempête, 
saisissant  le  navire  sur  la  route  de 
Delphes,  au  retour  de  la  Colchide  d'a- 
près celui-ci ,  avant  le  départ  d'après 
l'autre ,  l'emporta  sur  les  basses  du 
lac  de  Triton.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il 
s'agissait,  pour  les  navigateurs  grecs, 
de  dégager  leur  vaisseau  de  ces  bas- 
fonds  dangereux  :  Triton  lui-même , 
se  montrant  à  leurs  yeux  sous  les 
traits  d'Eurvpyle  roi  du  pays,  leur 
enseigna  la  Bonne  route,  soit  au  prix 
du  trépied  que  Jason  destinait  au  tem- 
ple de  Delphes ,  ou  d'une  patère  d'or 
au  dire  de  Lycophron ,  soit  sous  l'in- 
fluence d'un  sentiment  plus  désinté- 
ressé; et  comme  présent  d'hospita- 
lité, racontent  les  uns,  il  arracha  du 
sol  une  glèbe  pour  la  leur  offrir,  et 
elle  fut  reçue  par  Eupbème,  en  fa- 
veur duquel  elle  était,  ainsi  que  le 
prophétisa  Médée  ou  Jason ,  l'emblè- 
me de  la  possession  future  de  la  con- 
trée; suivant  les  autres,  c'est  au  tré- 
pied ou  à  la  patère  d'or  qu'étaient  at- 
tachées les  destinées  du  pays. 

En  quittant  le  Triton,  les  Argo- 
nautes arrivèrent  près  de  Théra ,  et 
Eupbème  y  ayant  laissé  tomber  à  la 
mer  la  glèbe  qu'il  avait  reçue  d'Eury- 
pyle ,  cet  accident  fut  le  texte  de  la 
prophétie  que  Pindare  a  mise  dans  la 
bouche  de  Médée  :  «  De  cette  île  »,  dit- 
elle  ,  «  la  fille  d'Épaphus  recevra  un 
«  jour  le  germe  des  villes  qui  s'élève- 
«  ront  sur  le  sol  consacré  à  Jupiter 
«  Ammon ,  et  à  cause  de  cette  glèbe 
«  Théra  deviendra  la  métropole  de 
«  grandes  cités  ;  car  dans  cette  île  est 
«  prématurément  tombée  la  semence 
«  destinée  à  féconder  la  vaste  Libye. 
«  Si  Eupbème  l'eût  jetée  sur  sa  terre 
«  natale ,  aux  abords  du  Ténare , 
«  ses  enfants ,  après  quatre  généra- 
«  tions,  seraient  allés  occuper  cette 


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89 


I/UNIVERB. 


€  grande  term  dvéé  le«  Danaèns 
K  qui  seront  alors  chassés  de  Lacédé^ 
«  Wione ,  d'Af gos  et  de  Mycènes  ;  tan- 
«  dis  que  maintenant  il  rencontrera 
«  des  épouses  étrangères ,  de  qui  nal- 
«  tra  dans  cette  île  le  rejeton  que  les 
*  oracles  d'Apollon  Pythien  invite- 
«  ront  à  transporter  dans  ses  irais- 
«  seaux  de  nombreux  colons  en  Lt- 
«  bye.  » 

621S  B.c.?  Date  l»ROBABLfi  H^tkVOWÙkTlOtf 

é  3  I  8  C. î  DE  Cybène. — A  quelle  époque  faut-il 
co<^j-u^  rapporter  la  fondation  de Cy rêne?  C'est 
r^^l^Z^t>  ""  P®*"^  d'autant  plus  controversé  par- 
^^'  miles  modernes,  que  les  anciens  ne  nous 
ont  transmis  à  cet  égard  que  des  indica- 
tions vagues  et  discordantes.  Le  natu- 
raliste Théophraste  énonce  d'une 
manière  générale  que  les  Cyrénéensr 
étaient  établis  dans  leur'  ville  environ 
trois  cents  ans  avant  i'archontat  de 
Sîmonides  ,  dont  la  date  se  rapporte 
à  l'année  811  avant  notre  ère.  Pline 
l'ancien,  répétant  probablement  le 
calcul  de  Tbéophraste,  fait  corres- 
pondre la  fondation  de  Cyrène  à  Fan 
143  de  Rome ,  ce  qui  revient  de  même 
à  611  ans  avant  l'ère  chrétienne.  So* 
lin ,  si  fréquemment  servi  le  copiste  de 
Pline,  s'écarte  cependant  ici  du  maître 
dont  on  l'a  surnommé  le  singe  ;  sui- 
vant lui ,  c'est  à  la  quarante-cinquième 
olympiade,  au  règne  d'Ancus  Martius, 
et^  à  Pan  586  de  la  prise  de  Troie,  que 
doit  être  fixée  la  date  de  l'établisse- 
ment formé  par  Batttrs  à  Cyrène  :  or 
cette  triple  indication  est  d'aiitant 
plus  embarrassante,  que  si  d'un  cdté 
l'année  699  avant  l'ère  chrétienne  ré- 
pond aux  deux  conditions  tirées  de  la 
chronologie  grecque ,  d'un  autre  coté 
les  vingt-quatre  ans  du  règne  d'Ancus 
Martius  s'étendent  de  640  à  616  avant 
J.  C,  en  sorte  que  la  première  date  ne 
^'accorde  nullement  avec  k  seconde , 
qui  est  précisément  celle  que  Solin  a 
dû  écrire  avec  le  plus  d'assurance, 
puisqu'elle  se  rapporte  à  la  chronolo- 
gie die  sa  propre  patrie.  On  a  tenté  di- 
verses corrections  au  texte  de  l'auteur, 
on  en  a  donné  diverses  explications , 
pour  faire  disparaître  les  contradîc-^ 
tiens  qu'il  présente  ou  semble  présen- 
ter; mafa  on  n*m  a  pa  retirer^  dansr 


tous  les  cas  9  qu'une  date  iikc«rt«fie. 
Enfin  t  le  savant  évéque  de  Césaree  ^ 
Eusèbe  le  chronologtste ,  n'est  pas, 
plus  que  Solin,  d^ccord  avec  lui- 
même,  puisqu'en  trois  endroits  de  son 
canon ,  il  énonce  des  dates  différentes, 
répondant  aux  années  1333,  758  et 
631  avant  J.-C;  on  peutcroire^  avec 
ceux  qui  supposent  divers  établisse- 
ments successifs  des  Grecs  dans  la 
Libye ,  que  ces  trois  dates  se  rappor- 
tent à  trds  différents  essais  de  coloni- 
sation* Quoi  qu'il  en  soit,  la  dernière 
a  été  acceptée  par  les  critiques  comme 
la  plus  probable  de  celles  qui  ont  étâ 
attribuées  à  l'établissement  de  Battos> 
et  nous  l'adopterons  nous-méme  sans 
plus  de  discussion. 

II.  BÀerrB  des  BATnAi>BS« 

Enfance,  développement  et  organi- 
sation de  la  colonie  sous  les  cinq 
premiers  rois. 

Enfance  de  la  colonie  sous  les 
DEUX  PBEMiERS  MONABQUBS.— Pen- 
dant huit  générations ,  dont  lès  chro- 
nek>gistes  évaluent  habituellement  la 
durée  à  deux  siècles,  Cyrène  fut  sou- 
mise à  des  rois,  dont  la  dynastie  prit 
le  nom  de  Battiades ,  de  cekti  de  son 
fondateur  Battes  Aristote. 

Le  règne  de  ee  premier  monarque 
fut  de  quarante  ans,  et  ne  laissa  que 
de  bons  souvenirs,  consacrés  par  les 
louanges  des  historiens  et  àe»  poètes;- 
il  bâtit  aux  dieux  plusieurs  sanctuaires, 
et  fît  construire ,  pour  les  solennité» 
instituées  en  l'honneur  d'Apollod,  une 
route  droite  et  pavée  renckie  célèbre 
par  les  chants  de  Pindare,  et  à  l'un  dc« 
bouts  de  laquelle ,  vers*  le  Foram,  fut 
en$«ite  placé  son  pr^e  tombeau. 
Pausanias  rapporte  que  les  Cyrénéen» 
avaient  consacré  à  sa  mémoire,  à  Del- 
phes, un  tableau  du  peintre  crétoîs 
Amphion  de  Gnosse,  où  ee  prince  étaét 
représenté  dans  un  ctor  conduit  [»r  ta 
nymphe  Cvrène,  et  couronné  {«r  la 
iq^mphe  Libye. 

Il  eut  pour  successeur  son  fil»  Ar* 
césilas^  le  premier  de  ce  nom,  qui 
régna  seize  années  ;  c'est  to«t  ee  ^m 
nous  savons  èe  ceM-ci«  BéNéoM 


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AFRiOflîË  ANOIËNNE. 


M 


ôottf  a^rend  seoIéMent  que ,  sôils  M 

Cîdce,  oomtnd  sous  i^oti  pèfe^  la  co-* 
nie  resta  confinée  datls  les  timitef 
da  premier  établissement. 

EXTBNSIOK  DB  LA  GOLÔAtE  SOlTS 
IBBjbeRB  DE  BaTTOS   t'HEUBEUt. 

—  Le  troisième  roi,  appelé  Battos 
Gomtnesoil  aîedl,  fut  sufnomfïlé  Eudé- 
mm  on  l'Heureux  :  il  s'appligua  au 
développement  de  la  cité  restée  juS'^ 
qu'alors  stationnaire ,  et  trop  faible 
pour  tenir  tête  aux  peuplades  indigènes 
dont  elle  était  entourée.  Il  appela  les 
Grecs  au  partage  des  terres  fertiles 
qu'oii  pouvait  enlever  aux  Libyens ,  et 
s'adressa,  pour  les  déterminer,  à  la 
Pythie,  dont  les  oracles  se  firent  en- 
tendre auiisltôt  :  «  Ceux  qui  n'iront 
*  dans  la  fertile  Libye  ^'après  le  par* 
«  tage  des  terres»,  cfisait  le  dieu  ^  «  au- 
«  ront  plus  tard  Sujet  de  s'en  repen- 
«tir.  »  Ainsi  excités,  nombre  de 
Grecs  du  PélopOnèse,  de  la  Crète  et 
des  îles  de  la  mer  Egée,  vinrent  grossir 
la  population  de  Cyrène,  et  la  colonie 
s'étendit  alors  aux  dépens  dés  Ll- 
l^ens  nomades  du  voisinage,  hor* 
d  état  désormais  de  lui  résister.  Les 
anciens  mattres  du  sol  ne  se  laissèrent 
pourtant  pas  dépouiller  sans  mur* 
mure  :  ils  étaient  faibles,  il  est  vrai , 
roais  ils  pouvaient  appeler  à  leur  aide 
on  protecteur  puissant  :  c'est  ce  qu'il» 
firent î  leur  chef  Adikran  implora  le 
weours  d'Apriès ,  le  pharaon  de  Sais , 
gai  envoya  contre  les  Cyrénéens  des 
iwces  considérables  ;  les  deux  armées 
se  rencontrèrent  dans  la  belle  con- 
trée dlrasa,  prèd  de  la  fontaine  de 
Thesté.  Les  Égyptiens,  qui  jamais  en* 
we  n'en  étaient  venus  aux  main» 
atw^écs  Grecs  ,  dédaignaient  de  td* 
«w>«Dià  :  mais  ils  firent  en  cette  oe- 
c»H>n  une  cruelle  épreuve  de  leurs 
amies  ;  ils  furent  battos  si  compléte- 
w«rt ,  qu'il  n*en  retourna  en  Egypte 

Sun  tiièsbpefit  nombre;  et  cette  dé- 
!e  devint ,  dans  leur  patrie ,  le  si- 
gïïal  d'une  révolte  qui  précipita  du 
^  Apriès  lui-même,  570  ans  en- 
™n  avant  notre  ère. 

Cette  victoire ,  à  laquelle  sans  doute 
Mftos  II  dut  le  Surnom  dUeureux, 
»8ora  la  domination  des  Cyrénéensr 


sur  le  territoire  quH*  âvâieftt  feUHftlî, 
et  sur  les  tribus  fibyennes  d'alentour  ; 
elle  letir  valut  âtissi  le  respect  de  rÉ« 
gypte,  dont  le  nouveau  souverain, 
Âmasis,  rechercha  leur  amitié  $  il 
leur  envoya,  pour  se  concilie?  Imts 
bonnes  grâces,  une  statue  de  Mlfterve, 
et  la  sienne  propre;  enfin  î'alliartce 
des  deux  États  fut  cimentée  par  \è 
mariage  d' Amasis  avec  une  princesse 
cyréneenne,  Indice,  fille  de  Battos, 
ou  d'Arcésilas ,  ou  peut-^étre  d'Un 
grand  seigneur  nommé  Critobule. 

C'est  tons  doute  à  cette  époque  d'ex* 
tension  et  de  développement  qu'il  faut 
rapporter  aussi  la  fondation  de  la 
plupart  des  villes  et  bourgs  d'origine 
grecque  disséminés  sur  le  territoire  de 
la  Cvrénaïque.  L'augmentation  consi- 
dérable tout  à  coup  survenue  dans  la 
population,  et  la  diversité  des  élé- 
ments dont  elle  se  trouvait  composée, 
durent  naturellement  amener  cette 
diffusion ,  ce  fractionnement  entre 
divers  centres  d'agglomération.  Les 
dissidences  politiques  contribuèrent 
surtout  à  la  formation  de  plusieurs 
cités  distinctes,  ainsi  que  le  règne 
suivant  en  offrit  un  exemple  remar^ 
quable. 

RÈGNE  D'AbCÉSILAS  II  î  DTSSEN- 

sions  POLITIQUES.  —  Battos  II  avait 
laissé  plusiétirs  enfaùtS ,  Arcésiîas , 
Léarque,  Persée,  Zacynthc,  Aristomé- 
don  et  Lycos;  ArcésilaS,  l'aîné,  succéda 
au  trône  ;  mais  ses  frères  ne  voulurent 
point  sabhr  son  autorité,  et  quittèrent 
le  canton  de  Cyrène  pour  s'aller  éta- 
blir sur  un  autre  point  :  résolus  à  fon- 
der une  cité  nouvelle,  ils  firent  alliance 
avec  les  Barcéens,  et  soit  que  ces  petï* 
pries  eussent  déjà  une  ville  où  les  Bat- 
tiades  dissidents  vinrent  avec  leurs  par- 
tisane prendre  domicile',  soit  que  les 
nouveaux  venus  fussent  lès  premiers 
à  élever  chez  leurs  alliés  nomades  la 
ville  qu'ils  habitèrent  depuis  en  com- 
mun, telle  fut  l'origine  de  la  cité 
gréro -libyenne  de  Barké  ou  Barca, 
dont  le  nom  couvre  encore  le  sol  de 
l'ancienne  Libye.  Excités  par  leurs 
hôtes ,  les  Barcéens  s'insurgèrent  con- 
tre la  èuprémartîe  de  Cyrène  i  Arcé- 
siîas marcha  contrfe  les  rebelles  et 


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Google 


M 


L'UNIVERS. 


contre  leurs  fauteurs  ;  ceux-ci,  redou- 
tant ses  armes,  s'enfuirent  à  son  ap- 
proche chez  les  Libj^ens  orientaux; 
mais  Arcésilas  se  mit  à  leur  poursuite, 
et  les  atteignit  près  de  Leucon ,  dans 
la  Marmarique  :  forcés  d'accepter  Te 
combat,  ils  se  comportèrent  avec  vi- 
gueur, et  la  victoire  se  déclara  pour 
leur  cause ,  si  bien  que  les  Cyrénéens 
y  perdirent  sept  mille  hommes  de  leurs 
meilleures  troupes. 

Il  résulta  sans  doute  de  cet  échec 
des  concessions  de  k  part  d' Arcésilas 
envers  ses  frères,  et  probablement 
l'admission  d'un  ou  plusieurs  de  ceux- 
ci  au  partage  de  Tautorité  souveraine  ; 
il  paraît  du  moins  que  Léarque  s'im- 
misça complètement  au  maniement 
des  affaires,  expulsa  ou  fit  périr  beau- 
coup de  citoyens  considérables,  en 
ayant  la  perfide  adresse  de  faire  attri- 
buer au  roi  ces  actes  d'odieuse  ty- 
rannie ,  de  manière  à  attirer  l'exécra- 
tion publique  sur  ce  prince ,  auquel  il 
projetait  de  se  substituer  lui-même  : 
quand  les  choses  lui  parurent  suffi- 
samment avancées ,  il  empoisonna  son 
frère,  et  comme  Teffet  du  breuvage 
n'était  pas  assez  prompt ,  il  l'é- 
trangla. 

USUBPATION  DE  LÉABQUE ,  DE- 
JOUEE  PAB   LA  BEINE  ËBYXO    MEBE 

DE  Battos  III.  —  Arcésilas  II  laissait 
un  fils  encore  mineur,  à  qui  devait  ap- 
partenir la  couronne;  Léarque  s'en  em- 
para, sous  prétexte  de  la  conserver  in- 
tacte pour  son  neveu,  le  jeune  Battos  III, 
le  Boiteux,  ainsi  appelé,  parce  qu'en 
effet  il  était  affligé  de  cette  infirmité  ; 
et  le  nouveau  tyran,  s'entourant  de 
soldats  é&yptiens  gagnés  par  ses  lar- 

§  esses,  donna  un  libre  cours  à  ses 
ispositions  arrogantes  et  cruelles. 
Mais  il  né  jouit  pas  longtemps  de  l'im- 
punité :  la  reine  Eryxo,  veuve  d'Ar- 
césilas  II ,  et  mère  du  jeune  Battos , 
femme  d'un  esprit  aussi  ferme  que 
doux,  ç|ui  jouissait  à  Cyrène  de  la  con- 
sidération due  à  ses  vertus,  et  ^ui 
appartenait  d'ailleurs  à  une  famille 
puissante,  étant,  par  sa  mère,  la  nièce 
de  Battos  l'Heureux;  Eryxo,  dis-je, 
sut  venger  son  époux  et  maintenir  les 
droits  &  son  fils.  Léarque,  pour  con- 


solider son  usurpation ,  voulut  obte* 
nir  sa  main ,  promettant  d'adopter  en 
même  temps  le  jeune  prince;  la  reine 
feignit  d'y  souscrire,  mais  en  repré- 
^«entant  la  nécessité  du  consentement 
de  ses  propres  frères  ;  et  ceux-ci  fai- 
sant à  dessein  traîner  la  chose  en 
longueur,  elle  parut  céder  au  désir 
du  prétendu  régent,  en  lui  donnant 
un  rendez-vous  qui  devait  rendre  inu- 
tile l'opposition  calculée  de  ceux-ci; 
mais  au  lieu  d'Eryxo ,  le  tyran  trouva 
Polyarque ,  frère  aîné  de  là  princesse, 
accompagné  de  deux  jeunes  gens  ar- 
més qui  se  jetèrent  aussitôt  sur  l'u- 
surpateur et  le  percèrent  de  leurs 
épées. 

Il  était  à  craindre  une  les  Égyp- 
tiens dont  Léarque  s'était  entouré , 
n'attirassent  sur  ses  meurtriers  la  co- 
lère d'Amasis ,  ou  pour  mieux  dire , 
n'offrissent  à  l'ambition  du  pharaon 
un  prétexte  d'envahir  la  Cyrenaïque, 
dont  il  convoitait  la  possession;  peut- 
être  une  armée  égyptienne  était-elle 
déjà  prête  à  marcher  sur  la  Libye, 
quana  les  desseins  d'Amasis ,  d'abord 
ajournés  par  la  mort  de  sa  mère ,  fu- 
rent heureusement  conjurés  par  les 
démarches  de  Polyarque,  qui  se  rendit 
auprès  du  pharaon  avec  sa  sœur 
Eryxo  et  sa  vieille  mère  Critola,  sœur 
de  Battos  l'Heureux  ;  les  bonnes  rela- 
tions qui  avaient  existé  entre  Amasis 
et  la  dynastie  royale  des  Battiades 
furent  consolidées,  et  le  monarque 
égyptien  renvoya  ses  nobles  hôtes 
comblés  d'honneurs  et  de  présents. 

Lois  données  a  la  colonie  pab 
DÉMONAx.  —  Cependant,  après  avoir 
détourné  les  périls  extérieurs,  il  fallait 
pourvoir  à  l'ordre  intérieur  ;  et  le&der- 
niers  événements  n'avaient  que  trop  fait 
sentir  l'imperfection  des  institutions 
politiques  sous  le  régime  desquelles  les 
factions  pouvaient  faire  naître  de  pa« 
reils  bouleversements  :  on  eut  recours 
au  dieu  protecteur  de  la  colonie,  et  l'on 
députa  vers  l'oracle  de  Delphes  pour  le 
consulter  sur  l'organisation  qu'il  con- 
venait de  donner  au  gouvernement  de 
Cyrène  afin  d'y  assurer  désormais  la 
tranquillité  publique.  La  Pythie  ré- 
pondit qu'il  fallait  aller  chercher  à 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


«5 


Mantînëe,  en  Arcadie,  le  législateur 
dont  les  sages  règlements  sauraient 
apaiser  leurs  dissensions.  Il  y  avait 
en  effet  alors ,  parmi  les  Mantméens^ 
un  homme  jouissant  d'une  grande  con- 
sidération politique,  appelé  Démonax  : 
et  ce  fiit  lui  gue ,  sur  la  demande  qui 
leur  en  fut  faite,  ils  envoyèrent  à  Cy- 
rène. 

Le  premier  soin  de  Démonax  fut 
d*étudier  la  situation  de  la  colonie  pour 
laquelle  on  lui  demandait  des  lois; 
auand  il  se  fut  bien  mis  au  fait  de 
rétat  des  choses,  il  sépara  en  trois 
différentes  tribus  les  éléments  hétéro* 
gènes  dont  se  composait  Tensemble  de 
la  population  :  il  réunit  dans  la  pre- 
mière tous  les  anciens  colons  venus  de 
Théra  ;  puis  il  distribua  dans  les  deux 
autres ,  d'une  part  les  Péloponésiens 
et  les  Cretois,  et  d'autre  part  les  insu- 
laires venus  de  TArchipel;  il  attri- 
bua au  roi  le  soin  des  choses  sacrées , 
avec  la  jouissance  des  revenus  du  do- 
maine sacerdotal  ;  mais  il  lui  retira  , 
pour  les  rendre  au  peuple,  tous  les 
droits  que  les  monarques  s'étaient  jus- 
qu'alors arrogés. 

Ce  nouveau  régime  fut  accepté  par 
toutes  léis  parties ,  d'un  commun  con- 
sentement ,  et  il  se  continua  sans  op- 
position pendant  tout  le  règne  de  Bat- 
tes le  Boiteux ,  bien  qu'il  y  ait  lieu  de 
croire  que  son  épouse  Phérétime,  prin- 
cesse ambitieuse  et  hautaine,  cher- 
diât  à  lui  faire  considérer  comme  une 
honte  l'abaissement  de  puissance  au- 
quel il  s'était  résigné. 

Histoire  cT^rcésilas  III  et  de  Phé- 
rétime, 

Abcbsilas  et  sa  mèbe  expulsés 
poub  avoib  voulu  abolie  les  lois 
DE  DBMONAX.  —  Arcésilas  III,  fils  de 
Battos  et  de  Phérétime ,  succéda  à  son 
père  vers  l'an  530  avant  l'ère  chrétien- 
ne; il  avait  sucé,  avec  le  lait  de  sa  mère, 
les  idées  d'ambition  et  de  fierté  de  cette 
femme  orgueilleuse,  dont  les  conseils 
eurent  désormais  sur  son  esprit  et  sa 
conduite  une  influence  exclusive.  A 
peine  monté  sur  le  trône,  il  déclara  qu'il 
ne  souffrirait  point  que  les  lois  de  Dé- 


monax subsistassent  phis  longtemps , 
et  réclama  les  honneurs  et  préroga- 
tives dont  avaient  joui  ses  ancêtres; 
mais  il  éprouva  une  vigoureuse  résis- 
tance ;  on  recourut  aux  armes ,  et  son 
parti  ayant  eu  le  dessous ,  il  s'enfuit  à 
Samos,  et  sa  mère  Phérétime  à  Sala- 
mine  de  Chypre. 

Phérétime  étant  arrivée  à  la  cour 
d'Évelthon ,  qui  régnait  alors  à  Sala- 
mine  ,  lui  demanda  des  troupes  pour 
se  rétablir  à  Cyrène,  elle  et  son  fils; 
mais  ce  prince  lui  donnait  plus  volon- 
tiers toute  autre  Chose  qu'une  armée  : 
Phérétime  acceptait  ses  présents  et  les 
trouvait  fort  beaux  ;  mais  elle  ajoutait 
qu'il  serait  beaucoup  plus  honorable 
de  lui  accorder  des  soldats.  Comnre 
elle  faisait,  à  chaque  présent,  tou- 
jours la  même  réponse ,  Évelthon  lui 
envoya  enfin  un  fuseau  d'or  avec  une 
quenouille  chargée  de  laine,  en  lui 
faisant  dire  qu'on  offrait  aux  femmes 
de  tels  présents ,  mais  qu'on  ne  leur 
donnait  pas  une  armée. 

Abcésilas  bassemble  des  ti^ou- 

PES  ET  BEPBENB  POSSESSION  DE  Cy- 

BÈNE.— A  Samos,  OÙ  Polycrate  avait 
sans  doute  besoin  de  garder  pour  lui- 
même  ses  soldats,  Arcésilas  prit  le  parti 
de  faire  de  tous  côtés  un  appel  auxGrecs, 
en  leur  promettant  des  terres  dans 
la  Cyrénaïque  ;  ce  moyen  lui  réussit  » 
et  ayant  ainsi  rassemblé  un  corps  de 
troupes  assez  considérable,  il  se  rendit 
à  Delphes  pour  consulter  l'oracle  sur 
les  chances  de  son  entreprise  ;  voici 
quelle  fut  la  réponse  de  la  Pythie: 
a  Apollon  accorde  à  ta  famille  la  do- 
«  mination  de  Cyrènej)our  huit  géné- 
«  rations  de  rois ,  quatre  du  nom  de 
«  Battos ,  quatre  du  nom  d'Arcésilas  ; 
«  mais  le  dieu  te  recommande  de  ne 
«  rien  prétendre  au  delà.  Quant  à  toi, 
«  Arcésilas,  il  te  conseille  de  rester 
«  tranquille  chez  toi ,  quand  tu  y  seras 
«  rentré  :  si  tu  trouves  un  fourneau 
«  plein  de  vases  de  terre ,  garde-toi  de 
«  les  faire  cuire ,  mets-les  au  contraire 
«  au  grand  air  ;  que  s'il  t'arrive  d'al- 
«  lumer  le  fourneau ,  prends  garde 
«  d'entrer  dans  le  lieu  qu'entoure  l'eau 
«  courante;  autrement  tu  périrais,  et 
«  avec  toi  le  plus  beau  des  taureaux.  » 


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M 


LiJHrnEW. 


Sur  eatte  réponse ,  Aréétilas  fit  voile 
pour  Cyrène  avec  le§  troupes  qu'il 
avait  levées  à  Samos,  et  rentra  en  pos- 
session de  ses  États  ;  mais  au  lieu  d'y 
demeurer  tranquille,  ainsi  que  Tavait 
recommandé  Toracle,  il  voulut  se  ven- 
ger des  rebelles  qui  l'avaient  expulsé , 
et  il  ordonna  contre  eux  des  pour- 
suites ;  eeux  dont  on  put  se  saisir  fu- 
rent déportés  en  Chypre ,  où  ils  de- 
vaient Irouver  la  mort;  mais  leur  vais- 
seau ayant  touché  à  Onide ,  les  habi- 
tants les  délivrèrent,  et  leur  fournirent 
les  moyens  de  se  sauver  à  Théra.  De 
eeux  qui  échappèrent ,  les  uns  émigrè- 
rent  à  Tétranger,  les  autres  se  réfu- 
gièrent dans  le  château  fortifié  d*Aglo- 
machos,  l'un  d'eux.  Arcésilas,  ne 
pouvant  les  forcer  dans  cette  retraite, 
fit  entasser  du  bois  à  l'entour,  y  mit  le 
feu,  et  les  étouffa  de  la  sorte  au  milieu 
ûp  l'incendie,  sans  réfléchir  quMl  vio- 
lait ainsi  la  défense  que  lui  avait  faite 
la  Pythie,  de  faire  cuire  dans  leur 
fournaise  les  vases  de  terre  qu'il  y 
trouverait  réunis. 

La   LIBYB    DIVIENT    TBTBUTAIBE 

BBS  PsBSBS.  ^  Pendant  qu' Arcésilas 
amassait  sur  ^a  tête  les  haines  de 
son  peuple,  Cambyses  envahissait  l'E- 
gypte, se  rendait  maître  de  Memphis, 
et  s'asseyait  sur  le  trône  des  pharaons 
(l'an  5S5  avant  notre  ère).  Les  Libyens 
voisins  de  l'Egypte,  craignant  d'être  en- 
vahis aussi,  se  soumirent  sans  combat, 
s'imposèrent  un  tribut ,  et  envoyèrent 
des  présents.  Les  Cyrénéens  et  les 
Barceens  imitèrent  les  Libyens  par  le 
même  motif  de  crainte.  Cambyses 
reçut  favorablement  les  présents  de 
ceux-ci;  mais  il  trouva  mesquins  ceux 
de  Cyrène ,  qui  ne  montaient  pas  au- 
dessus  de  500  mines  d'argent  (  valant 
environ  46^000  fîr.  de  notre  monnaie  ), 
•t  il  les  abandonna  à  ses  soldats. 
Ayant  trouvé  à  Safs  la  princesse  La- 
dice ,  du  sang  royal  des  Battiades ,  et 
veuve  d'Amasis,  Cambyses  lui  permit 
de  retourner  à  Cyrène.  Depuis  ce  temps, 
la  Libye  orientale,  Cyrène  et  Barkô, 
forent  comprises  comme  tributaires 
dans  la  satrapie  persane  de  l'Egypte. 

ABGBSILâS    BST    TUi    DANS    UNE 

imbotb;  sa  mèrb  s^abbbssb  aux 


PBHSBS  POUB  LI  VBNOBB.  ^  fltDMl- 

dant  Arcésilas ,  ne  pouvant  se  dissi- 
muler la  puissance  des  factions  sou- 
levées contre  lui  à  Cyrène,  n'osa  point 
y  rester  après  qu'il  eut  reconnu ,  dans 
oe  qu'il  venait  de  faire  à  la  tour  d*A- 
glomachos,  Taccomplissement  d'une 
des  conditions  fatales  auxquelles  l'o- 
racle avait  subordonné  sa  destinée, 
persuadé  qu'il  était  d'ailleurs  que  Cy- 
rène était  le  lieu  entouré  d'eau  cou- 
rante où  il  devait  en  ce  cas  prendre 
garde  d'entrer.  Comme  il  avait  épousé 
une  de  ses  parentes ,  fille  d'Alazir  roi 
des  Barceens ,  ce  fut  à  Barkê ,  près  de 
son  beau-père ,  qu'il  alla  fixer  sa  rési- 
dence, laissant  sa  mère  Pbérétime 
jouir  en  son  nom  à  Cyrène  de  tous 
les  privilèges  de  la  souveraineté ,  en- 
tre autres  de  celui  de  présider  aux  déli- 
bérations du  sénat. 

Mais  déjà  s'étaient  réfugiés  parmi 
les  Barceens  quelques-uns  des  citovens 
de  Cyrène,  que  les  persécutions  d' Ar- 
césilas avaient  forcés  d'émigrer ,  et  ils 
fomentèrent  contre  lui  un  soulèvement, 
dans  lequel  il  fut  tué  sur  la  place  pu- 
blique ,  et  avec  lui  le  roi  Alazir  soa 
beau-père.  A  peine  la  nouvelle  en  fUt- 
elle  parvenue  a  Pbérétime ,  qu'elle  se 
rendit  en  toute  hâte  à  Memphis ,  au- 
près d'Aryandes  satrape  d'Egypte, 
afin  de  lui  demander  vengeance  ,*com- 
me  au  représentant  de  Cambyses,  dont 
Arcésilas  avait  reconnu  l'autorité  en 
lui  livrant  Cyrène  et  se  soumettant 
au  tribut;  et  elle  ne  manqua  pas  d'a- 
jouter que  c'était  surtout  en  haine  de 
son  attachement  à  la  domination  per- 
sane qu'il  avait  été  assassiné  par  les 
factieux. 

Les  Pebses  tiennent  aSsiégeb 
Babké.  — Aryandes,  touché  des  plain- 
tes de  Pbérétime,  mit  à  sa  disposition 
toutes  les  forces  de  l'Egypte,  tant  d^ 
terre  qi^e  de  mer ,  les  premières  com- 
mandées par  le  marapnien  Amasis,  les 
autres  par  le  pasargade  Badrès;  ce-, 
pendant ,  avant  de  les  faire  partir ,  i( 
envoya  à  Barkê  un  héraut  chargé  de 
demander  qu'on  lui  livrât  le  meurtrier 
d'Arcésilas;  mais  les  Barceens,  qui 
avaient  eu  beaucoup  à  se  plaindre  de 
ce  prince,  se  déclarèrent  tous  solî- 


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AFRIQUE  ATICIENNE. 


daûres  dte  Tatteiltat;  et  cette  répoDde 
ayant  été  rapportée  à  Aryandes,  le 
satrape  saisit  avec  empressement  cette 
occasion  d'envahir  la  Libye,  ainsi  qu'il 
en  avait  le  dessein  ;  et  il  expédia  l'ar- 
mée avee  Phérétime. 

Arrivés  devant  Barké,  les  Perses 
sommèrent  la  ville  de  livrer  les  coupâ» 
bles,  et  n'ayant  point  obtenu  satisfac- 
tion ,  ils  attaquèrent  vigoureusement 
la  place;  ils  poussèretit  leurs  mines, 
en  neuf  mois  de  siège,  jusqu'aux 
murailles;  mais  elles  furent  éventées 
par  un  ouvrier  en  cuivre,  au  moyen 
d'un  bouclier  d'airain,  qu'il  prome- 
nait contre  terre  le  long  des  murs  d'en- 
ceinte :  là  oi!i  les  ennemis  ne  minaient 
pas ,  le  bouclier  ne  rendait  aucun  son  ; 
nuis  il  résonnait  distinctement  dans 
les  endroits  où  Ton  travaillait.  Guidés 
par  cet  indice ,  les  Barcéens  firent 
aussitôt  des  contre-mines,  et  tuèrent 
les  mineurs  persans  ;  quant  aux  atta- 
ques ouvertes,  ils  parvinrent  égale- 
ment à  les  repousser. 

Barké  est  paisb  pab  tbahison 
BT  SACCAesB.— Le  siège  durait  depuis 
longtemps,  et  les  pertes  étaient  coiisi* 
dérables  de  part  et  d'autre,  autant  du 
côté  des  Perses  que  du  côté  des  Bar- 
eéens,  quand  Amasis,  qui  commandait 
l'armée  des  assiégeants,  voyant  qu'il  ne 
pouvait  réduire  la  place  par  la  foYce, 
s'avisa  de  la  prendre  par  la  ruse;  et 
voici  le  stratagème  qu'il  imagina  : 

Il  fit  creuser ,  pendant  la  nuit ,  un 
large  fossé,  sur  lequel  on  mit  des 
pièces  de  bois  très-faibles ,  qu'on  cou- 
vrit de  terre ,  de  sorte  que  le  terrain 
était  de  niveau  et  éjgal  partout.  Au 
point  du  jour ,  il  invita  les  Barcéens  à 
un  pou%>arler  ;  ils  reçurent  cette  nou- 
velle avec  ioîe,  ne  demandant  pas 
mieux  que  d'en  venir  à  un  accommo- 
dement. On  se  réunit  donc  sur  le  fossé 
couvert ,  et  ayant  conclu  un  traité ,  on 
jura  de  part  et  d'autre  d'en  observer 
tous  les  articles  aussi  longtemps  que 
subsisterait  le  terrain  sur  lequel  on  se 
trouvait.  La  convention  portait  que 
les^  Barcéens  payeraient  au  roi  un  tribut 
convenable ,  et  que  les  Perses  ne  for- 
meraient point  de  nouvelles  entreprises 
coDtreeux. 


Le  serment  ayant  été  prêté  um  dé- 
fiance par  les  Barcéens,  ils  ouvrirent 
leurs  portes ,  sortirent  de  la  ville ,  et  y 
laissèrent  entrer  ceux  des  ennemis  qui 
voulurent  y  venir  ;  pendant  ce  temps- 
là,  les  Perses,  ayant  détruit  le  pont 
cacbé ,  entrèrent  en  masse  dans  la 
ville.  Ils  avaient  eu  soin  de  d^ruire  le 
pont,  afin  de  ne  pouvoir  être  accusés 
de  violer  le  traité  qu'ils  étaient  tenus 
d'observer  tant  que  subsisterait  le  ter- 
rain sur  lequel  il  avait  été  conclu  ;  en 
effet,  le  pont  une  fois  détruit,  le 
traité  lui-même  cessait  d'être  obliga- 
toire. 

Les  Perses  livrèrent  à  Phérétime  les 
plus  coupables  d'entre  les  Barcéens  ; 
aussitôt  elle  les  fit  mettre  en  croix  au- 
tour des  murailles;  et  ayant  fait  cou«> 
per  le  sein  à  leurs  femmes ,  elle  en  fit 
border  le  mur.  Barké  fut  mise  au  pil- 
lage par  l'ordre  de  cette  princesse  :  on 
n'épargna  que  les  Battiades^  et  ceux 
qui  n'avaient  eu  aucune  part  a  l'assas- 
sinat d'Arcésilas.  Ce  furent  les  seuls 
qui  eurent  la  permission  de  demeurer 
dans  la  ville.  Le  reste  fut  emmené  en 
esclavage. 

Fin  de  l'expédition;  Babcéens 

DSPOBTBS  EN  BAGTBIANB;  MOBT  BB 

Phébétimb.  -*-  L'armée  persane  s'é- 
tant  remise  en  marche  pour  retourner 
en  Egypte,  passa  par  Çyrène,  dont  l'en- 
trée lui  fut  librement  accordée-,  Badrès, 
commandant  de  la  flotte,  était  d'avis  (^ 
la  piller  ;  mais  Amasis  s'y  opposa ,  par 
le  motif  que  leur  mission  avait  unique^ 
ment  été  de  réduire  Barké.  Cependant, 
après  être  sortis  de  Cyrène ,  et  avoir 
assis  leur  camp  sur  la  colline  de  Ju* 
piter-Lycéen ,  ils  regrettèrent  de  ne 
s'être  pas  emparés  de  cette  riche  cité  ) 
ils  rebroussèrent  chemin  pour  tenter 
de  rentrer  dans  la  place  ;  mais  ils  trou-* 
vèrent  les  Cyrénéens  en  devoir  de  s'y 
opposer  ;  et  bien  qu'il  ne  se  montrât 
aucun  ennemi ,  ils  furent  tout  à  coup 
saisis  d'une  terreur  panique ,  et  se  re** 
tirèrent  précipitamment  à  soixante 
stades  de  là ,  où  ils  posèrent  leur  cam(^. 
Ils  furent  rejoints  en  cet  endroit  par  un 
courrier  d'Aryandes ,  qui  les  rappelait. 
Ils  demandèrent  aux  Cyrénéens  de 
leur  fournir  des  vivres ,  et  en  ayaat 


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88 


L'UNIVERS. 


obtenu ,  its  continuèrent  leur  marche 
vers  l'Egypte ,  harcelés  tout  le  long 
de  la  route  par  des  Libyens  pillards , 
qui  cherchaient  à  leur  enlever  leurs 
bagages,  tuant  les  traînards  et  tous 
ceux  qui  s*écartaient  du  gros  de  Par- 
mée. 

Ainsi  se  termina  cette  expédition , 
qui  s'était  avancée  à  l'ouest  jusqu'au 
pavs  des  Ëvhespérides  ;  les  Barcéens , 
qu  elle  emmenait  en  servitude ,  furent 
envoyés  d'Egypte  en  Perse,  où  Darius 
fils  d'Hystaspes  était  monté  sur  le 
trône  quelques  mois  après  la  mort  de 
Cambyses.  Ce  prince  leur  accorda  des 
terres  dans  la  Bactriane ,  où  ils  bâti- 
rent une  ville  à  laquelle  ils  donnèrent 
le  nom  de  leur  chère  patrie,  qu'elle 
conservait  encore  au  temps  d'Héro- 
dote. 

Phérétime,  ajoute  l'historien,  eut 
une  fin  malheureuse  :  revenue  en 
É^pte  après  s'être  vengée  des  Bar- 
céens ,  elle  périt  misérablement ,  dé- 
vorée par  les  vers  dont  son  corps 
fourmilla  :  tant  il  est  vrai  que  les  dieux 
haïssent  et  châtient  ceux  qui  portent 
trop  loin  leur  ressentiment. 

Insurrections  contre  la  domination 
persane;  abolition  de  la  royauté. 

DUBÉE  PBÉSUMÉB  DU  BÈGNE  BB 

Battos  IV.  —  Au  troisième  Arcésilas 
succéda  le  quatrième  Battos,surnommé 
ieBeau^qui  ne  nous  est  ainsi  individuel- 
lement désigné  que  par  Héraclide  de 
Pont,  et  dont  nous  ne  savons  rien  autre 
chose,  sinon  que  son  r^nedoit  remplir 
la  lacune  qui  sépare  la  mort  d'Arcesi- 
las  III  son  père,  tué  dans  les  premières 
années  de  Darius,  et  l'avènement  d' Ar- 
césilas rv  son  fils,  qui  était  tout  jeune 
encore  mais  déjà  roi ,  en  466  avant 
l'ère  chrétienne,  quand  il  fut  vainqueur 
aux  jeux  P3rthiques  :  les  chronologistes 
attribuent  ainsi  à  Battos  IV  environ 
cinquante  ans  de  gouvernement,  et  mê- 
me davantage,  en  sorte  qu'il  aurait  vu 
8*écouler  la  majeure  partie  du  règne  de 
Darius  fils  d'Hystaspes ,  celui  de 
Xerxès  le  Grand  tout  entier,  et  qu^il 
aurait  même  pu  voir  encore  Tavene- 
ment  d'Artaxerxès  Longue-main ,  si 


Ton  ne  prenait  garde  que  son  décès 
avait  dû  précéder  le  succès  d' Arcésilas. 
Tentative  d'insobbectiopt  bé- 
PBTMÉE  PAB  Absahes.  •—  C'cst  donc 
sous  Battos  le  Beau  qu'il  faut  placer 
une  expédition  contre  les  Barcéens, 
commandée  par  Arsames  qui  fut  l'un 
das  généraux  de  Xerxès ,  et  rappelée 
dans  un  de  ces  récits  anecdotiques  où, 
sans  indiquer  la  date  du  fait  ni  l'au- 
torité à  laquelle  il  l'a  emprunté,  Po- 
lyen    raconte  aux  empereurs  Marc- 
Âurèle  et  Yérus  les  stratagèmes  em- 
ployés par  les  chefs  militaires  en  des 
circonstances  célèbres.   Il  s'agit  ici 
d'un  événement  contemporain  des  pré- 
paratifs de  la  fameuse  guerre  des  Per- 
ses contre  les  Grecs.  Il  est  probable 
qu'entraînées  par  Texemnle  de  l'insur- 
rection des  É^ptiens,  à  la  fin  du  règne 
de  Darius ,  les  populations  de  la  Libye 
voulurent  aussi  recouvrer  leur  indé- 
pendance ,  et  que  Xerxès ,  après  avoir 
réduit  l'Egypte  et  lui  avoir  donné  pour 
gouverneur  son  propre  frère  Achémé- 
nès,  envoya  Arsames  contre  les  pro- 
vinces plus  occidentales.  Celui-ci  ayant 
mis  le  siège  devant  Barké,  des  ambas- 
sadeurs lui  furent  envoyés  pour  traiter 
de  la  paix  ;  il  la  leur  accorda ,  en  leur 
donnant  la  main ,  suivant  la  coutume 
persane,  et  leva  le  siège.  Il  engagea 
alors  les  Barcéens  à  se  joindre  aux 
Perses  pour  l'expédition  gui  se  prépa- 
rait contre  la  Grèce ,  et  à  fournir  des 
renforts  de  chars  de  guerre.  Ils  dépé- 
chèrent leurs  chefs  pour  traiter  avec 
lui  de  cette  alliance;  Arsames  ayant 
fait  préparer  un  splendide  festin ,  y 
invita  ces  chefs,  et  ouvrit  pour  la  foule 
des  Barcéens  un  marché  abondant  en 
toute  espèce  de  denrées.  Pendant  que 
ceux-ci  y  affluaient,  il  donna  un  signal 
aux  Perses,  qui,  armés  de  leurs  épées, 
s'emparèrent  des  portes,  envahirent 
et  saccagèrent  la  ville ,  tuant  tous  ceux 
qui  voulurent  leur  résister. 

Tboupes  libyennes  dans  l'ab- 
xÉE  DE  Xebxès.  —  Nous  u'avons 
aucun  autre  détail  sur  cette  expé- 
dition de  Libye,  qui  ne  nous  est 
connue  que  par  cet  épisode  :  mais 
nous  savons  du  moins  qu'elle  eut  pour 
résultat  de  faire  marcher  les  Libyens 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


avec  r«rm6e  de  Xerxès,  dans  cette 
grande  inyasion  de  la  Grèce  qui  devait 
si  désastreusement  échouer  à  Platée  : 
dans  le  dénombrement  de  Timmense 
armée  du  roi  des  rois ,  on  voit  figurer 
en  effet,  après  les  Arabes  et  les  Ethio- 
piens au-dessus  de  TÉgypte  comman- 
dés par  Arsames,  les  Libyens  avec 
leurs  vêtements  de  peau  et  leurs  épieux 
durcis  au  feu ,  sous  les  ordres  du  Per- 
san Massages  fils  d*Oarize  :  ils  de- 
vateot  former  un  corps  très-considé- 
rable ,  pour  avoir  ainsi  à  eux  seuls  un 
de  ces  gé-néraux  dont  le  commande- 
ment embrassait  souvent  le  contingent 
de  plusieurs  nations ,  et  se  partageait 
en  nombreuses  divisions  de  dix  mille 
hommes  d'infanterie  chacune.  Il  faut 
compter  à  part,  en  outre,  une  division 
de  cavalerie  libyenne  menant  ces  chars 
de  guerre  que  les  Cyrénéens  étaient  si 
habiles  à  diriger. 

Abcésilas  iy^  yainqubvr  aux 
JEUX  PYTHiQUES.  —  Le  règne  d'Ar- 
césllas  IV,  fils  et  successeur  de  Bat- 
tos  le  Beau,  ne  nous  est  guère  mieux 
connu  que  celui  de  son  père;  mais 
il  remporta  le  laurier  pytnique,  pour 
la  course  des  chars,  a  la  trente  et 
unième  célébration  des  jeux  institués 
à  Delphes  par  Euryloque,  c'est-à- 
dire  en  l'année  466  avant  notre  ère  ; 
et  Pindare  en  a  immortalisé  le  sou- 
venir en  consacrant  au  royal  vain- 
queur la  quatrième  et  la  cinquième  de 
ses  odes  pvthiques.  Le  chantre  thébain 
a  célébré  la  puissance  et  la  sagesse  de 
ion  héros;  il  s'est  plu  à  répéter  ce  que 
la  renommée  proclamait  de  son  esprit 
et  de  son  éloquence  au-dessus  de  son 
^e,  de  son  audace  et  de  sa  vigueur 
dans  les  cqmbats ,  de  sa  précoce  faci- 
hté  pour  la  poésie ,  de  son  habileté  à 
conduire  les  chars  (*).  Peut-être  y  a-t-il 

(*) ^\ 

Spa  xeîvov  éicauveovn  ouvexot. 
Xrfôfievov  epéio* 
xplaaova  {xàv  aXixia; 
voov  9Ép6eTai , 
•     fKaaaayt  te  Oap<roc  te  xavu- 
irrspoç  èv  6pvi|iv  al- 
eriç  êicXexa.  èrfiovCaç 
5*  épxoc  oloc ,  aOévoç* 
Ev  Te  i&oiaaiai  ncmê^  oticô 


dans  ces  éloges  un  peu  de  flatterie, 
car  le  poète  attend  une  grâce  du  jeune 
roi  de  Cyrène  :  les  troubles  politiques 
ont  causé  l'exil  de  quelques  hommes 
distingués,  entre  lesouels  brille  Dé- 
mophUe,  qui  a  cherché  asile  à  Thè- 
bes ,  et  Pindare  veut  obtemr  le  rap- 
pel de  ce  noble  Cyrénéen,  l'allié  des 
rois,  l'honneur  de  son  pays,  qui  as- 

Eire  à  revoir  sa  terre  natale  ;  il  sem- 
le  même  que  l'unique  objet  de  la 
Suatrième  Pythique  tout  entière  soit 
e  gagner  la  cause  de  Démophile  au- 
près d'Arcésilas. 

Quelle  qu'ait  été  la  décision  du  mo- 
narque dans  ce  cas  particulier,  il  paraît 
certain  qu'il  avait  juste  motif  de  se 
défier  de  l'esprit  remuant  et  factieux 
des  Cyrénéens  :  aussi  médita-t^l  un 
changement  de  résidence ,  et  s'occupa- 
t-il  prudemment  de  se  ménager  ainsi 
un  refuge  en  cas  d'événements  graves. 
Il  chargea  en  conséquence  Euphème , 
allié  à  la  famille  royale,  de  réunir  des 
troupes  mercenaires  pour  la  défense  de 
son  autorité ,  et  de  rassembler  des  co- 
lons pour  fonder  une  nouvelle  ville  aux 
Evhespérides ,  sur  la  côte  occidentale 
de  la  Cyrénaïque ,  à  l'endroit  où  gtt  la 
moderne  Ben-Ghâzy  ;  mais  Euphème 
ayant  péri,  à  ce  qu'il  parait,  dans  un 
engagement  où  là  victoire  resta  aux 
siens,  ce  fut  Karrhôtos  fils  d'Alexi- 
bias ,  beau-frère  du  roi ,  oui  prit  à  sa 
place  le  commandement  des  troupes , 
et  oui  reçut  la  mission  d'établir  la  pou- 
velle  colonie  des  Hespérides. 

Insubbection  db  la  Libye  sous 
LA  CONDUITE  d'Inabos.  —  Lorsquc, 
à  la  faveur  des  troubles  qui  suivirent 
le  meurtre  de  Xerxès,  les  Égyptiens 
s'insurgèrent  contre  Artaxerxes ,  en 
l'année  462  avant  notre  ère ,  il  sem- 
ble que  l'insurrection  eût  son  foyer 
en  Libye,  puisqu'ils  mirent  à  leur 
tête  le  roi  libyen  Inaros,  en  même 
temps  qu'un  autre  prince  du  nom 
d'Amyrtée;   et  il  y  a  tout  lieu  de 

§  résumer  que  la  Cyrénaïque  profita 
e  cette  occasion  pour  échapper  elle- 

(jLOTpo;  çiXaç\  TréçatvraC 

PiirBAftB,  PythiqueV. 


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90 


L'tmiVERS. 


même  au  joug  petsdn ,  d'autant  plus 
qu*Inaros,  aprèà  avoir  chassé  le  sa- 
trape Achéménès  et  tous  les  gouver- 
neurs étrangers,  appela  aux  armes  non- 
seulement  les  guerriers  du  pavs,  mais 
encore  tout  ce  qu'il  put  réunir  de 
tous  les  côtés,  envoyant  chercher  du 
secours  jusqu'à  Athènes ,  d'où  il  reçut 
un  renfort  de  deux  cents  vaisseaux. 
Artaxerxès  renvoya  Achéménès  .avec 
trois  cent  mille  hommes,  tant  d'in- 
fanterie gue  de  cavalerie;  l'armée  liby- 
co-égyptienne  soutint  seule  le  premier 
choc ,  et  semblait  devoir  céder  la  vic- 
toire au  nombre ,  quand  l'arrivée  des 
Athéniens  rétablit  le  combat  :  Aché- 
ménè3  fut  tué  de  la  main  d'Inaros,  son 
armée  taillée  en  pièces,  et  les  fuyards 
acculés  et  assiégés  dans  une  forteresse 
près  de  Memphis. 

/  Artaxerxès  mit  une  nouvelle  armée 
de  trois  cent  mille  soldats  sous  les 
ordres  d'Artabaze  et  de  Mégabyze 
pour  aller  réduire  les  insurgés  ;  mais  il 
leur  fallut  plus  d'une  année  pour  se 
rendre  à  leur  destination  et  refaire 
leurs  troupes.  Enfin ,  cette  multitude 
se  porta  contre  les  insurgés,  et  les 
enveloppa  à  son  to(ir  :  les  Égyptiens , 
effrayes ,  se  soumirent  en  livrant  leurs 
chefs ,  et  Inaros ,  trahi  par  les  siens , 
périt  sur  la  croix  (458  ans  avant  J.-C.). 
Mais  les  Athéniens  tinrent  ferme,  brû- 
lèrent leurs  vaisseaux  que  l'ennemi 
avait  mis  à  sec ,  et  s'apprêtèrent  avec 
une  telle  résolution  à  se  frayer  un  che- 
min par  la  force  des  armes,  que  les 
généraux  persans  ^  pour  éviter  un  car- 
nage inutile,  leur  permirent  d'opérer 
leur  retraite  en  sâreté  :  ils  gagnèrent 
la  Libye ,  arrivèrent  à  Cyrène ,  et  de 
là  s'en  retournèrent  par  mer  dans  leur 
patrie.  Soit  magnanimité,  soit  impuis- 
sance ,  les  Perses  ne  poussèrent  pas 
plus  loin  leur  victoire  contre  les  Li- 
byens ;  ils  laissèrent  Thannyras  fils 
d  Inaros  succéder  tranquillement  à  son 
père ,  de  même  qu'Amyrt^  eut  pour 
successeur  son  fils  Pausiris. 

Abolition  db  la  boyautb  à  Cy- 
BÈNE.  — -  Arcésilas  vivait-il  encore  à 
cette  époque  comme  le  pensent  quel- 
ques critiques,  ou  bien  était-il  déjà  dé- 
cédé comme  d'autres  le  supposent,  c'est 


ee  qu'on  ignore,  bien  âuedeMedemiàre 
hypothèse  semble  saeooider  mieux 
avec  l'idée  que  Cyrène,  en  prenant  part 
à  l'insurrection  libyenne  contre  la  do- 
mination persane,  se  débarrassa  dès 
lors  d'une  dynastie  de  rois  qu'elle 
considérait  comme  les  alliés  de  ces 
maîtres  étrangers ,  à  l'appui  desquels 
était  due  la  restauration  de  BattoslV 
sur  le  trône  d'où  Arcésilas  III  avait 
été  précipité.  Quoi  qu'il  en  soit ,  nous 
apprenons  d'un  des  scholiastes  de 
Pindare,  qu' Arcésilas  IV  fut  tué  en 
trahison  par  les  Cyrénéens,  qui  dé- 
clarèrent alors  la  royauté  abolie ,  et  se 
constituèrent  en  république  démocra- 
tique. 

Battos,  fils  du  dernier  Arcésilas, 
fuyant  la  turbulente  cité  où  ses  pères 
avaient  régné  pendant  deux  siècles, 
alla  chercher  asile  dans  cette  nouvelle 
cité  des  Hespérides  que  son  père  avait 
élevée  pour  être  la  sauvegarde  de  sa 
puissance  et  de  sa  race;  mais  il  y  trouva 
une  aussi  cruelle  destinée  :  il  y  périt 
misérablement,  et  pour  effacer  jusqu'à 
sa  mémoire ,  on  j6ta  sa  tête  à  la  mer, 
en  haine  de  la  royauté. 

Tels  sont  les  renseignements  que 
Diodore,Thucydide,HéraciidedePont, 
et  les  scholiastes,  fournissent  sur  les 
derniers  règnes  de  la  dynastie  des  Bat- 
tiades,  dont  les  descendants,  confondus 
désormais  avec  le  reste  des  citoyens , 
ne  se  distinguèrent  plus  que  par  le  vaia 
prestige  d'une  illustre  origine,  jusqu'à 
ce  que  l'auréole  poétique  de  Callimaque 
vînt  encore  jeter  sur  leur  nom  un  der- 
nier éclat. 

III.    GOUYBBNBHBNT    BBFUBLICAIll. 

Période  de  complète  indépendance. 

DÉYELOPPBHBNT  BEMABQUÀBUB 
DE  LA   PBOSPÉBITB  DE   GyBBNE.  

Après  deux  siècles  de  mo^parchie  , 
Cyrène  eut  deux  siècles  de  gouverne- 
ment républicain  ;  mais  son  histoire  , 
pendant  cette  seconde  période ,  nous 
est  tout  à  fait  inconnue,  sauf  quelques 
résultats  généraux  et  quelques  faits 
épars  dont  la  mention  isolée  se  ren-» 
contre  au  milieu  des  récits  du  temps* 
Le  développement  de  la  prospérité 


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AFRÏÛU»  ANCIENNE. 


ngfMpIf,  iBdtinHelle  et  ooramercial^, 
fut  une  conséquence  naturelles  de  Fac- 
(MSSÎOQ  des  cl488e8  inférieures  au  mar 
niement  des  affaires  de  la  cité  ;  car 
l'égalité  politique  engendre  des  rappro- 
chements sociaux  qui  amènent  la  dif- 
fusion des  richesses  précédemment 
eonceutrées  entre  les  mains  des  classes 
privilégiées.  liC  morcellement  de  la 
propriété  territoriale  augmente  la  pro- 
duction du  sol;  Taccumulation  des 
produits  multiplie  les  transactions 
eommerciales,  qui  à  leur  tour  accé- 
lèrent la  circulation  de  Targent;  et 
jMHis  rtniluence  de  cette  circulation 
rapide  natt  la  luxe ,  dont  les  caprices 
aiguillonDent  Tindustrie  manufactu- 
rière ,  inséparable  des  arts  utiles,  qui 
eox-nfiémes  appellent  à  leur  aide  les 
beapx-arts.  Telle  est  la  voie  par  la- 
quelle Cyrène  devait  arriver  à  une  opu- 
me^  sans  bornes,  admirée  et  enviée 
par  les  autres  nations,  tributaires  ou 
émules  de  sa  puissance  eommerciale. 
^veo  les  moeurs  élégantes  et  raffi- 
nées qu'amène  Fabondance  des  rir 
dles^es,  se  concilient  mal  les  exigences 
et  1^  rudes  habitudes  de  la  guerre  : 

rind  les  cités  opulentes  ont  besoin 
soldats,  elles  ont  de  l'or  pour  en 
«ebeter,  et  rarement  elles  arrachent 
leurs  citoyens  à  la  paisible  activité  des 
vff^ms  pour  tenter  la  fortune  des 
armes. 

CYfiàHS    NB   PBSND  POINT    PABX 
À  I^  GUEBBB   DU    PÉLOPON^SE.   ■— 

Pendant  que  la  guerre  du  Pélopo<- 
nèse  rassemblait  toutes  les  forces  ac^ 
tivea  de  la  Grèce  sous  deux  bannières 
rivales,  la  grecque  Cyrène  s'abstint  de 
pendre  part  à  une  lutte  dont  le  théâ- 
tre était  étoigné  d'elle;  mais  elle  ne 
n€usa  pas  ses  bons  offices,  quand  elle 
en  teouva  l'eccasion ,  aux  membres  de 
la  famille  dorienne,  à  laquelle  elle- 
fliéme  était  si  étroitement  apparentée  : 
ffiumfl  le  Spartiate  Gylippe  entreprit 
«rétablir  l'état  désespéré  des  affaires 
éê  Syracuse  et  appela  à  son  aide  les 
VBoforts  de  la  mère  patrie,  il  arriva  (*) 
fu  des  vaisseaux  aoriens ,  partis  du 
Péloponèse   pour    la   Sicile,  furent 

O  Ltei  41'  avant  Tère  valgaire. 


#1 


pousséa  pKc  les  vents  snr  les  e<tes  de 
la  Gyrénaïque;  ils  y  forent  bospitaliè- 
rement  reçus,  et  on  leur  fournit  deux 
trirèmes  et  des  pilotes  pour  les  guider 
dans  leur  navigation  jusqu'à  Syracuse  : 
cette  conduite  reçut  sa  récompense 
immédiate  ;  car,  en  passant  devant  la 
colonie  des  Hespérides,  les  troupes 
qu'emportait  la  flottille  délivrèrent 
cette  place  des  attaques  auxquelles 
elle  se  trouvait  alors  en  butte  de  la 
part  des  tribus  libyennes  du  voisi- 
nage ,  qui  en  avaient  formé  le  siège. 
Insubbection  i^opulaibb  sous 
liA  CONDUITE  d'Abiston.  —  La 
turbulente  Cyrène  était  toujours  en 
proie  aux  factions  :  la  querelle  s'agi- 
tait entre  l'aristocratie  et  le  peuple , 
l'une  voulant  conserver  une  supréma- 
tie que  l'autre  considérait  comme  un 
joug  insupportable  ;  en6n  un  chef  po- 

f)uiaire ,  Ariston ,  se  rendit  maître  de 
a  ville,  et  résolut  de  consommer  par 
le  meurtre  rabaissement  de  la  classe 
jusqu'alors  privilégiée  :  einq  cents  des 

f>rincipauK  de  la  cité  iiirent  massacrés; 
es  autres  parvinrent  à  échapper  par 
la  fuite,  en  attendant  quelque  circons^ 
tance  favorable  qui  leur  permit  de 
rentrer  avec  sécurité  dans  leur  patrie. 
Cette  occasion  ne  tarda  point  à  se 
présenter:  quand,  après  la  bataille 
d'Égos-Potamos,les  Spartiates  restés 
vainqueurs  chassèrent  les  Messéniens 
de  Naupacte  et  de  Céphallenie  (**) , 
trois  mille  de  ces  fugitifs  vinrent, 
Spus  les  ordres  de  Comon ,  chercher 
asile  dans  la  Cyrénaîque,  où  les  Évhes- 
pérites ,  harcelés  par  les  incursions  li- 
byennes, appelaient  de  toutes  parts  les 
Grecs  à  s'aller  établir.  A  peine  débar- 
qués, ils  furent  sollicités  par  les  exilés 
'de  Cyrène  à  leur  prêter  main-forte 
pour  reconquérir  la  position  politique 
dont  l'usurpation  plébéienne  les  avait 
dépouillés.  Les  Messéniens  se  laissè- 
rent persuader,  prirent  fait  et  cause 
pour  l'aristocratie  déchue,  et  lui  four- 
nirent un  corps  de  troupes  pour  tenter 
un  mouvement  contre  -  révolution- 
naire; mais  l'attaque  fut  vigoureuse- 
ment soutenue ,  le  combat  acharné ,  et 

(**)  L'an  401  avant  rère  vulgaire. 


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w 


L'UNIVERS. 


la  perte  énorme  des  deux  côtés ,  à  tel 
point  que  les  Messéniens  auxiliaires  y 
périrent  presque  tous.  Après  cette  rude 
épreuve ,  les  deux  partis  en  vinrent  à  des 
prétentions  moins  exclusives;  ils  mi- 
rent bas  les  armes ,  et  un  accommo- 
dement fut  ménagé ,  à  Cyrène ,  entre 
leurs  envoyés  respectifs  :  il  fut  unani- 
mement convenu ,  sous  serment ,  que 
la  querelle  serait  oubliée ,  et  que  per- 
sonne ne  garderait  rancune  du  passé. 
Des  modifications  sont  appob- 
tées  a  la  constitution  politique 
DE  Gyrène.  —  Quelques  modiflca- 
tions  furent  introduites  alors  dans 
Forganisation  de  la  république;  elles 
eurent  sans  doute  le  succès  qu'on  en 
devait  attendre,  puisque  Aristote , 
en  son  traité  de  la  Politique ,  les  cite 
comme  exemple  de  ce  qu'il  convient 
de  faire  en  pareil  cas  :  «  Augmen- 
ter le  nombre  des  tribus  et  des  sec- 
tions ,  effacer  autant  que  possible 
l'ancienne  distinction  des  nationalités 
diverses,  faire  rentrer  dans  le  culte 
commun  les  observances  religieuses 
particulières;  tout  foire  en  un   mot 

Sour  opérer  une  fusion  générale ,  et 
étruire  l'empire  des  vieilles  coutu- 
mes. »  Ce  changement  fut-il  immédiat , 
ou  fut-il  le  résultat  d'une  pénible  éla- 
boration :  c'est  ce  que  nous  ne  saurions 
dire;  nous  pensons  toutefois  qu'il  ne 
fut  résolu,  ou  du  moins  effectue,  qu'a- 
près une  infructueuse  tentative  faite , 
suivant  une  anecdote  vulgaire ,  auprès 
du  divin  Platon,  pour  obtenir  de  sa 
sagesse  de  nouvelles  institutions  poli- 
tiques. Platon  connaissait  bien  Cyrène, 
où  il  était  venu  écouter  les  leçons  du 
célèbre  Théodore  sur  la  géonnétrie  : 
«  Les  Gyrénéens  sont  trop  riches  et 
«  trop  blasés  »,  répondit  le  philosophe,  ^ 
«  pour  que  j'essaye  de  leur  donner  des 
«  lois  :  il  est  trop  difficile  de  gouver- 
«  ner  une  république  si  opulente.  » 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  dispositions  qui 
furent  alors  adoptées,  parvinrent  à 
ramener  l'ordre  et  la  paix  dans  la  cité. 
Rapatbiement  des  Messéniens. 
—  Quant  aux  Messéniens  qui  n'étaient 
pas  intervenus  dans  la  lutte,  ils  se 
cantonnèrent  chez  les  Évhespérites,  et 
y  demeurèrent  jusqu'à  ce  que,  trente 


ans  après  (*),  la  bataille  de  Leuctres 
ayant  substitué  la  fortune  de  Thèbes  à 
celle  de  Lacédémone,  Ëpaminondas 
rappela  avec  instance  dans  leurs  foyers 
les  fugitifs  de  la  Messénie,  dont  il 
voulait  restaurer  l'existence  politi- 
que (**),  afin  d'établir  ainsi  l'ennemi 
aux  portes  mêmes  de  Sparte;  et  Comon, 
quittant  la  Qrrénaïque ,  où  des  songes 
prophétiques'lui  avaient  déjà  fait  pres- 
sentir la  renaissance  de  Messène,  ra- 
mena alors  à  Naupacte  ses  compa- 
gnons d'exil  :  «  On  ne  peut  se  figurer», 
s'écrie  Pausanias ,  «  avec  quel  em« 
«  pressement  ces  fugitifs  accoururent 
«  a  l'appel  d'Épaminondas,  tous  éga- 
a  lement  transportés  d'amour  pour 
«  leur  patrie  et  de  haine  contre  Lacé- 
«  démone.  » 

Tbaité  de  limites  avec  Cai- 
thage. — Dans  Je  développement  sans 
bornes  de  sa  richesse  et  de  sa  puissance 
commerciale,  G3rrène  avait  une  active 
et  jalouse  rivale  :  de  l'autre  c6té  des 
Syrtes,  Garthage  s'était  élevée  aussi 
à  la  plus  haute  prospérité ,  et  la  con- 
currence des  deux  cités  pour  l'appro- 
visionnement du  monde  devait  amener 
fatalement  dejs  collisions  dès  qu'elles 
se  rencontreraient  sur  un  même  théâ- 
tre. Séparées  par  une  immense  Dlage 
aride  et  déserte ,  ce  n'est  point  ae  ce 
côté  que  la  kitte  dut  commencer ,  et 
déjà  sans  doute  leurs  flottes  s'étaient 
plus  d'une  fois  trouvées  aux  prises 
avant  que  l'extension  de  leurs  comp- 
toirs sur  la  côte  rendît  leurs  posses- 
sions territoriales  contigués;  mais 
quand  à  peu  de  distance  du  poste 
cyrénéen  d'Automalax  fut  venue  s'é- 
tablir l'escale  punique  de  Gharax,  le 
conflit  fut  enf^agé  aussitôt  sur  la  li- 
mite où  devaient  mutuellement  s'ar- 
rêter les  deux  puissances  devenues 
voisines  :  l'irritation  était  vive  des 
deux  parts ,  et  il  s'ensuivit  une  guerre 
longue  et  sanglante ,  dans  laquelle 
des  armées  et  des  flottes  furent  dé- 
faites  et  dispersées,  au  grand  dom- 
mage de  chacune  des  parties  conten- 
dantes  ;  si  bien  que  reconnaissant  enfin 

{*)  L'an  371  avant  Tère  vulgaire. 
(**)  L'an  369  avant  Tère  vicaire. 


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AFRIOTJË  ANCIENNE. 


qa'iin  tiers  pourrait  profiter  de  leur 
affaiblissement  et  de  leur  fatigue  pour 
Yenir  sur  leurs  brisées,  elles  convinrent 
de  r^ler  à  l'amiable  leur  différend ,  et 
voici  les  conditions  qu'elles  arrêtèrent: 
à  un  jour  désigné ,  des  délégués  de- 
vaient respectivement  partir  de  chez 
eux ,  et  le  point  de  leur  rencontre  se- 
rait désormais  la  limite  commune  des 
deux  peuples.  Les  envoyés  de  Carthage 
étaient  deux  frères  du  nom  de  Phi- 
lène  ;  ils  hâtèrent  leur  marche ,  tandis 
que  les  Cyrénéens  se  laissaient  attar- 
der, soit  par  négligence,  soit  par  acci- 
dent; en  ces  régions,  en  effet,  les 
tempêtes  peuvent  retenir  les  voyageurs 
aussi  bien  qu'en  pleine  mer  ;  car  lors- 
que le  yent  souffle  sur  ces  plaines  nues 
et  arides ,  le  sable ,  enlevé  du  sol  et 
violemment  agité,  remplit  la  bouche 
et  les  yeux ,  et  empêchant  de  rien  aper- 
cevoir, arrête  forcément  la  marche. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  envoyés  cy- 
rénéens se  voyant  en  retard ,  et  crai- 
gnant d'être  punis  au  retour  pour  avoir 
mal  fait  leur  devoir ,  se  mirent  à  accu- 
ser les  Carthaginois  d'être  partis  de 
chez  eux  avant  le  temps  convenu ,  éle- 
vèrent des  contestations ,  déclarèrent 
enfin  qu'ils  tenteraient  tout  plutôt 
que  de  s'en  retourner  vaincus  ;  mais 
ks  Carthaginois  leur  ayant  demandé 
de  poser  une  condition  dont  les  chan- 
ces fussent  ^ales,  les  Grecs  offrirent 
à  leurs  adversaires  cette  alternative , 
ou  de  se  laisser  enterrer  vivants  à  l'en- 
droit qu'ils  réclamaient  pour  limite 
de  leur  jjays,  ou  de  souffrir  qu'eux- 
mêmes  ,  à  pareille  condition ,  pussent 
avancer  jusqu'où  ils  voudraient.  Les 
Piûlènes ,  souscrivant  à  cet  accord ,  et 
sacrifiant  leur  existence  à  leur  patrie , 
forent  ensevelis  vivants  en  cet  endroit; 
et  Caurtbage  éleva  à  cette  même  place 
des  autels  consacrés  aux  frères  Phi- 
lèies ,  pour  lesquels  d'autres  honneurs 
forent  aussi  institués  dans  leur  ville 
natale. 

Cette  détermination,  antérieure  à  la 
rédaction  du  Périple  de  Scylax  ,  où 
l'on  voit  figurer  les  autels  de'Philène, 
n'est  point  rapportée  par  les  historiens 
et  les  polygrapnes  à  une  date  précise  ; 
mais  on  peut  estimer  approximative- 


ment qu'elle  eut  lieu  vers  Fan  850 
avant  notre  ère. 

Période  de  soumission  nominale  à 
Alexandre  le  Grand. 

ALEXANDBB  le  GbAND  SB  MET 
EN  BOUTE   POUB   ALLEE  CONSULTEB 

l'obacle  d'Ammon.  —  Bientôt  le 
nom  d'Alexandre  de  Macédoine,  le 
plus  grand  de  tous  les  noms  histo- 
riques que  l'admiration  des  peuples 
ait  légués  jamais  à  la  postérité,  vient 
remplir  le  monde  et  lui  annoncer  un 
maître;  des  bords  du  Danube  aux 
plaines  d'Issus,  et  d'Issus  aux  riva- 
ges de  Tyr,  la  victoire  l'accompagne 
partout  ;  il  arrive  en  Egypte,  et 
rÉgypte,  aussitôt  soumise ,  voit  s'é- 
lever une  capitale  nouvelle  qui  ef- 
facera Thèbes  et  Memphis  ,  et  perpé- 
tuera dans  les  siècles  à  venir  la  gloire 
de  son  fondateur  ;  Alexandrie ,  qui 
sera  l'entrepôt  du  commerce  de  l'uni- 
vers entier,  projette  son  merveilleux 
port  en  avant  de  la  côte,  sur  la  limite 
de  l'Egypte  et  de  la  Libye  :  c'est  dire 
assez  que  la  Libye  désormais  doit 
obéir  à  Alexandrie. 

A  cette  époque  où  les  croyances 
païennes  exerçaient  sur  les  esprits  un 
empire  illimité ,  il  était  d'une  bonne 
politique  de  se  concilier  les  oracles , 
de  donner  à  ses  armes  l'appui  des 
superstitions  populaires,  et  Alexandre 
ne  négligea  en  aucune  occasion  ce  soin 
important  :  il  avait  promis  de  rebâtir 
le  temple  de  Diane  à  Éphèse;  il  avait, 
dans  la  capitale  de  la  Pnrygie,  tranché 
avec  éclat  le  célèbre  noeud  gordien; 
aux  portes  de  la  Libye,  il  avait  voulu 
visiter,  au  milieu  des  déserts,  l'oracle 
fameux  de  Jupiter  Ammon.Cet  oracle, 
dit  Arrien ,  passait  pour  infaillible  : 
Persée  ,  Hercule  même  ,  l'avaient  in- 
terrogé lorsqu'ils  marchaient,  l'un 
par  ordre  de  Polydecte  contre  la  Gor- 
gone, l'autre  contre  le  libyen  Antée 
et  contre  l'égyptien  Busiris  ;  Alexan- 
dre voulait  rivaliser  de  gloire  avec 
ces  héros  dont  il  était  descendu ,  fai- 
sant d'ailleurs  remonter  sa  propre  ori- 
gine jusqu'à  Ammon  lui-même,puisque 
les  traditions  mythiques  rapportaient 


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94 


L'UNIVERS. 


à  ce  dien  celle  de  Persée  et  d'Hercule* 
Il  avait  dessein,  au  surplus,  de  s'ins- 
truire de  sa  destinée,  ou  de  passer  du 
moins  pour  être  allé  s'en  instruire.  Il 
se  mit  donc  en  route,  cheminant  le 
long  de  ta  côte  l'espace  de  seize  cents 
stades,  à  travers  un  pays  désert  où 
l'eau  ne  manque  cependant  pas  tout  à 
fait  jusqu'à  Parétonion, 

Soumission  des  Cybbnbens*  — 
Les  Cyrénéens,  avertis  de  la  mar- 
che d'Alexandre,  s'étaient  empressés 
de  lui  dépécher  des  ambassadeurs; 
c'est  auprès  du  lac  Maréotide  au  ra^ 

f>ort  de  Quinte-Curce ,  ou  vers  le  mi- 
ieu  seulement  du  voyage  suivant  Dio- 
dore  de  Sicile ,  que  les  envoyés  de 
Cyrène  rencontrèrent  le  héros  macé^ 
donieo;  ils  lui  apportaient  une  cou- 
ronne d'or  et  des  présents  magnifiques 
parmi  lesquels  on  remarquait  trois 
centsr  chevaux  de  guerre  et  cinq  qua- 
driges de  la  plus  grande  beauté,  enie 
suppliant  de  leur  accorder  sa  bienveil-^ 
lance  et  de  venir  visiter  leurs  villes. 
Alexandre  lés  accueillit  favorablement, 
leur  octroya  amitié  et  alliance,  mais 
ne  se  détourna  point  de  sa  destination.  ^ 
Alexàndbe  continue  sa  bouts 

A    TBAVBBS     LE    DESEBT    JUSQU'AU 

TEMPLE  d'Ammon.  —  U  quitta  la 
côte  à  Parétonion  pour  s'avancer  di- 
rectement vers  le  temple  d'Ammon 
à  travers  le  désert  et  les  sables  brû* 
lants  de  la  Libye  ;  il  emportait  dans 
des  outres  chargées  sur  des  chameaux 
la  provision  d'eau  nécessaire  pour 
voyager  dans  ces  vastes  solitudes  dé^ 
pourvues  de  sources;  mais  le  qua- 
trième jour  cette  provision  était  aéjà 
épuisée  ^  et  son  armée ,  haletante  et 
abattue,  eût  éprouvé  toutes  les.  hor- 
reurs de  la  soif,  sans  une  pluie  abon- 
dante qui  survint  à  l'improviste,  et  qui 
fut  regardée  comme  un  prodige,  aussi 
bien  que  le  fait  suivant  raconté  par 
Arrien  d'après  l'autorité  4e  Ptolémée 
le  Lagide  et  d'AristoboIe ,  deux  des 
comjmgnons  assidus  d'Alexandre. 

«  Quand  le  vent  du  midi  souffle  dans 
ces  contrées,  il  élève  une  si  grande 
qjuantité  de  sables,  qu'il  en  couvre  les 
cnemins  disparus.  Alors  ces  plaines 
oârent  l'aspect  d'im  océan  immense  : 


ni  arbres^  ni  hauteurs  pour  66  recon- 
naître; rien  n'indique  la  route  que 
doit  tenir  le  voyageur,  plus  malheureux 
que  le  nocher,  dont  les  astres  du  moinâ 
dirigent  la  navigation*  Alexandre  et 
les  siens  étaient  dans  cet  embarras , 
lorsque,  au  rapport  de  Ptolémée,  deux 
dragons  sifflent  et  précèdent  l'armée: 
Alexandre  accepte  l'augure  et  ordonne 
de  suivre  leur  trace ,  qui  dirige  ainsi 
leur  marche  vers  le  temple^  et  ensuite 
leur  retour.  Mais  Aristobule  prétend, 
et  son  opinion  paraît  plus  générale- 
ment adoptée,  que  ce  furent  deux  cor- 
beaux dont  le  vol  guida  l'armée.  Je 
crois  bien^  ajoute  Arrien ,  qu'Alexan- 
dre n'arriva  que  par  un  prodige  ;  mais 
ici,  vu  là  diversité  desré^ts,  tout  n'est 
qu'obscurité. 

«  L'ondée  imprévue  qui  survint  au 
milieu  dn  désert  avait  permis  à  l'ar- 
mée de  recueillir  dans  un  ravin  une 
nouvelle  provision  d'eau  pour  les  qua- 
tre journées  qu'il  lui  restait  à  faire 
dans  cette  contrée  aride.  On  arriva 
enfin  au  lac  amer,  et  après  avoir  mar- 
ché encore  l'espace  de  cent  stades,  on 
gagna  les  lieux  habités  ;  puis,  en  une 
journée  de  marche  on  atteignit  le  tem- 
ple d'Ammon. 

Dbscbiption  be  l'oasis  b'Am* 
mon.  —  Ce  district ,  entouré  de  tou- 
tes parts  de  déserts  sans  eau  et  sans 
culture ,  est  lui-ménse  arrosé ,  sur  un 
espace  de  cinquante  stades  en  tous 
sens,  d'eaux  abondantes,  douces  et 
saines  ,  qui  fertilisent  un  sol  couvert 
de  bosquets,  et  surtout  de  vergers,  où 
Ton  jouit  d'une  agréable  température 
semblable  à  celle  du  printemps,  for- 
mant un  délicieux  contraste  avec  la 
sécheresse  et  l'intolérable  dialeur  des 
alentours. 

«  On  dit  (notis  empruntons  ées  dé- 
tails à  Diodore  de  Sicile)  que  le  temple 
fut  bâti  par  l'égyptien  Danaûs.  La  ré- 
gion sacrée  où  il  domine  a  pour  voi- 
sins, à  l'ouest  et  au  sud  les  Éthiopiens, 
au  nord  les  Libyens  nomades  et  les  Na- 
samons  qui  leur  succèdent  vers  l'inté- 
rieur; ce  canton  lui-même  est  exchisi- 
vement  habité  par  les  Ammoniens.  Au 
centre  est  une  acropole  composée  de 
trois  forteresses  ;  la  première  est  l'ffl^ 


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AFRIQUE  ANQENME. 


émné  tMÛ^neè  injOk  ûeâ  firindes  dti 
pays  ;  la  «eeoddM,  beaucoup  plus  cont^ 
dérablet  rehf^nae  la  demeure  des  fera* 
mes,  des  enfants,  et  de  tous  les  parents 
du  roi,  la  citadelle,  le  sanctuaire,  et  la 
fontaine  sacrée  où  sont  purifiées  toutes 
les  offrandes  destinées  à  la  dirinité 
du  lien.  Dans  la  troisième  habitent  les 
satellites  du  roi*  qui  y  ont  des  caser- 
nes fortifiées. 

«Won  loin  deTacropole  est  un  autre 
temple  d'Ammon ,  ombragé  d'arbres 
grands  et  touffas ,  et  près  duquel  se 
trouTe  la  fameuse  fontaine  du  soleil 
à  la  température  périodiquement  chan- 
geante. L*image  du  dieu  est  couverte 
d*émeraudes  et  d'autres  pierreries  :  et 
les  oracles  sont  rendus  avec  des  for- 
mes particulières  :  quatre-vingts  prê- 
tres portent  sur  leurs  épaules  une  nef 
d*or  dans  laquelle  le  dieu  est  conduit 
à  Tendroit  dont  il  fait  choix  ;  il  est 
gatf  i  d'une  troupe  nombreuse  de  filles 
et  de  femmes  psalmodiant  en  leur  lau- 
gue,  tout  le  long  du  chemin,  des  hym- 
nes en  son  honneur.  » 

ALEX4NÏ)BE  CONStJLtB    l'OBACStfi 

ET  BETOUBNE  A  Memfhis.— Alexan- 
dre ayant  été  introduit  dans  le  tem- 
ple, en  présence  du  dieu,  le  plus 
YÎeux  des  prêtres  s'avança  vers  lui  en 
fe  saluant  du  titre  de  fils ,  au  nom  de 
la  divinité  dont  il  était  le  prophète  ; 
Alexandre ,  oublieux  de  sa  destinée 
mortelle,  s'empressa  d'agréer  ce  titre 
en  demandant  que  Jupiter  lui  accordât 
fempire  du  monde  :  ce  à  quoi  il  fut 
répondu  aussitôt  qu'il  serait  le  maître 
de  toute  la  terre.  Il  voulut  ensuite  sa- 
voir si  tous  les  meurtriers  de  son  père 
avaient  été  punis  ;  et  le  prêtre  cour- 
tisan de  répondre  :  que  le  dieu  son 
père  était  au-dessus  de  toute  atteinte 
criminelle  ;  mais  que  s'il  voulait  parler 
^Philippe,  les  meurtriers  de  ce  prince 
avaient  subi  leur  peine;  et  il  prédit 
enfiji  à  Alexandre  qu'il  serait  toujours 
invincible  jusqu'à  ce  qu'il  aHât  pren- 
dre place  auprès  des  dieux. 

Merveilleusement  satisfait  de  ces 
oraeles,  le  héros  macédonien  fit  à  A  m- 
moii  et  à  ses  ministres  de  magnifi- 
ques offrandes,  et  se  remit  en  marche 
pour  TEgypte,  en  passant  par  le  même 


oheniiii  selon  AHskbulf ,  m  allant  di« 
rectement  à  Memphis  au  dire  de  Pto- 
lémée,  qui  semble  avoir,  sur  ce  points 
une  plus  grande  autorité. 
Albxàndbb  poubtoit  ▲  l'admi- 

NISTBATION  Dl  l'ÉGYPTI  BT  DB  LA 

LiBTB.  -^  De  retour  à  Memphis, 
il  distribua  le  gouvernement  et  l'ad- 
ministration de  l'Egypte  et  des  oon« 
trées  voisines  entre  divers  officiers  : 
et  la  satrapie  de  Libye  échut  à  Apol- 
lonius ,  fils  de  Charinus.  La  Cyré« 
naïque  y  était-elle  comprise  ?  Il  sem- 
ble difficile  d'en  douter  :  car  Alexan- 
dre avait  la  prétention  de  commander 
au  nionde  ;  et  l'on  sait  qu'il  reçut  plus 
tard  les  députations  des  peuples  afri- 
cains plus  reculés  à  l'ouest,  les  Libo* 
Phéniciens,  les  Carthaginois,et  autres, 
jusqu'aux  colonnes  d'Hercule.  Mais  on 
peut  considérer,  en  même  temps,  que 
le  conquérant  nvacédonien  n'imposait 
qu'un  joug  très-léger  aux  nations  sub- 
juguées, et  qu'à  l'égard  des  populations 
grecques  en  particulier  sa  domination 
était  plutôt  un  simple  protectorat.  Il 
est  donc  plausible  oe  croire  que  tout 
annexée  qu'elle  était  à  l'empire  d'A-* 
lexandre  ,  la  Libye  cyrénaïque  n'en 
conservait  pas  moins  toutes  les  liber- 
tés politiques  dont  elle  s'était  habituée 
à  user  et  abuser  à  son  caprice. 

On  en  vit  de  nouvelles  preuves  au 
moment  où  la  mort  d'Alexandre  vint 
livrer  les  lambeaux  de  son  empire  à 
Tambition  de  ses  généraux  :  on  sait 
en  effet  que  l'Egypte  échut  en  partage 
à  Ptolémée  le  Lagide,  qui  eh  prit  pos- 
session sans  conteste  ;  mais  la  Cyré- 
naïque suivait  alors  d'autres  desti* 
nées ,  que  Diodore  de  Sicile  nous  a 
racontées  avec  détail,  et  que  nous  rap- 
porterons d'après  lui. 

Histoire  de  la  tyrannie  de  Thimbron. 

THTMBB<l?r  ATVIELÈ  A  GTBBNI 
I^AB    UNE    faction;    SES    PBEMTEB8 

SUCCÈS.  —  Il  faut  rappeler  d'abord 
que  pendant  l'expédition  d'Alexandre 
dans  les  Indes,  Harpale,  qu'il  avait 
laissé  gouverneur  de  Babylone,  sup- 
posant que  son  maître  n'en  revien- 
drait jamais,   s'était   abandonné  k 


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9B 


L'UNIVERS. 


toute  espèce  de  luxe  et  de  débau- 
che, de  telle  sorte  qu'à  la  nouvelle 
du  retour  de  son  souverain ,  il  n'osa 
attendre  les  effets  de  sa  juste  co- 
lère, et  emportant  cinq  mille  talents 
d'argent,  il  se  fit  suivre  d'environ  six 
mille  hommes  de  troupes  mercenai- 
res, avec  lesquelles  il  se  rendit  d'abord 
dans  le  Péloponèse,  puis  en  Crète,  où 
il  périt  par  les  embûches  du  lacédé- 
'  TvJLIw-f^  monienTThimbron,  l'un  des  siens,  qui 
s'empara  de  ses  trésors,  de  ses  sol- 
dats et  dé  ses  vaisseaux. 

Tel  était  l'état  des  choses  lorsque 
Cyrène,  toujours  partagée  entre  deux 
factions  rivales,  et  dominée  alors  par 
l'une  d'elles  ,  expulsa  de  son  sein  les 
chefs  de  l'autre  parti;  et  ceux-ci,  aux- 
quels se  réunirent  les  Barcéens  (|ui 
partageaient  la  même  fortune  politi- 
que, allèrent  chercher  asile  en  Crète, 
où  ils  trouvèrent  Thimbron  disposé 
en  apparence  à  prendre  fait  et  cause 
pour  eux.  Les  troupes  et  les  réfugiés 
furent  embarqués  sur  les  vaisseaux, 
et  Thimbron  fit  voile  aussitôt  pour  la 
Cyrénaïque  ,  où  les  connaissances  lo- 
cales des  exilés  qu'il  ramenait  lui  ser- 
virent merveilleusement  à  diriger  ses 
opérations.  Les  Cyrénéens  s'étant 
avancés  à  sa  rencontre ,  il  leur  livra 
bataille  ,  les  vainquit ,  leur  tua  beau- 
coup de  monde,  leur  fit  un  grand  nom- 
bre de  prisonniers ,  et  s'étant  rendu 
maître  du  port ,  il  les  assiégea  si  vi- 
goureusement ,  qu'il  les  força  à  capi- 
tuler moyennant  une  contribution  de 
cin^  cents  talents  d'argent  et  de  la 
moitié  de  leurs  chars  de  guerre  com- 
me continrent  dans  les  expéditions 
qu'il  voulait  entreprendre.  Il  envoya 
aux  autres  villes  des  délégués  pour 
conclure  une  alliance,  comme  s'il  allait 
soumettreles  populations  libyennesqui 
tenaient  le  plat-pays  ;  et  s'appropriant 
les  richesses  que  les  marchands  avaient 
abandonnées  dans  le  port,  il  tes  livra 
du  pillage  de  ses  soldats  afin  de  sti- 
muler leur  ardeur  pour  la  guerre. 

Rbyers  bépétés  db  Thimbron. 
—  Mais  la  fortune  ne  tarda  point  a 
changer  la  face  des  affaires  et  à  met- 
tre un  terme  aux  prospérités  de  Thim- 
bron :  parmi  les  chefis  de  son  armée 


était  le  crétois  Miuntclès ,  homme  de 
grands  talents  militaires,  pétulant  et 
audacieux,  oui,  mécontent  du  partage 
du  butin  ,  fit  défection ,  et  passa  du 
côté  des  Cyrénéens ,  auxquels  il  per- 
suada, par  ses  accusations  de  cruauté 
et  de  perfidie  contre  Thimbron ,  de 
rompre  la  capitulation  et  de  repren- 
dre leur  liberté.  Comme  il  n'y  avait 
encore  que  soixante  talents  de  payés, 
et  qu'ils  n'acquittaient  pas  le  surplus, 
Thimbron,  les  traitant  de  rebelles,  fît 
arrêter  ceux  des  Cyrénéens  qui  se 
trouvaient  dans  le  port ,  au  nombre 
d'environ  huit  cents ,  et  menant  aus- 
sitôt ses  troupes  contre  la  ville,  il  en 
fit  le  siège,  mais  avec  si  peu  de  succès, 
qu'il  fut  obligé  de  revenir  à  ApoUo- 
nie. 

Les  Barcéens  et  les  Évbespérites 
ayant  fourni  à  Thimbron,  contre  Cy- 
rène ,  les  renforts  stipulés  pour  une 
autre  destination,  les  Cyrénéens,  afin 
de  se  venger  de  cette  conduite,  allèrent 
ravager  les  terres  de  leurs  jaloux  voi- 
sins: ceux-ci  recoururent  à  Thimbron, 
qui  partit  d'Apollonie  pour  marcher  à 
leur  aide  ;  et  les  Cyrénéens ,  profitant 
habilement  de  l'occasion  d'après  les 
conseils  du  Crétois ,  vinrent  aussitôt 
sous  ses  ordres  reprendre  possession 
de  leur  port  pendant  l'absence  de 
Thimbron ,  recouvrer  leurs  marchan- 
dises, et  se  mettre  en  défense. 

La  perte  de  cette  place ,  et  de  ses 
munitions,  ôta  d'abord  tout  espoir  à 
Thimbron  ;  cependant ,  ayant  repris 
courage  et  s'étant  rendu  maître  par 
voie  de  siège  de  la  ville  de  Teuchira, 
il  conçut  quelque  espérance  de  se  re- 
lever; mais  il  éprouva  bientôt  de  nou- 
veaux désastres  ;  car  ceux  qui  étaient 
dans  les  vaisseaux ,  exclus  du  port  et 
manquant  de  vivres ,  faisaient  chaque 
jour  des  descentes  sur  la  côte  pour  se 
procurer  des  provisions  ;  mais  les  Li- 
byens se  mirent  en  embuscade,  en  tuè- 
rent un  grand  nombre,  et  firent  beau* 
coup  de  prisonniers  ;  ceux  qui  échap- 
pèrent et  purent  regagner  leurs  vais- 
seaux, se  dirigèrent  vers  les  villes 
alliées;  mais  la  tempête  en  fit  sombrer 
plusieurs ,  et  le  reste  fut  emporté  en 
Chypre  et  en  Egypte. 


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AFRIQUE  ANOETïlSE. 


97 


Or  appelle  DBS  bbufohts  de 
PAET  ET  d'autbe.  —  Sous  le  poîds 
de  tant  de  calamités ,  Tbimbron  ce- 
pendant continuait  la  guerre;  il  y 
avait  dans  le  Péioponèse,  auprès  de 
Ténare,  un  corps  de  soldats  étran- 
gers ;  car  beaucoup  de  mercenaires , 
restés  sans  emploi,  erraient  de  divers 
c6t^,  cherchant  qui  les  prît  à  sa  solde; 
et  il  se  trouvait  alors  près  de  Ténare 
une  troupe  de  deux  mille  cinq  cents 
hommes  environ,  dans  cette  position. 
Thimbron  leur  dépécha  quelques  amis 
intelligents ,  qui  les  engagèrent  pour 
lai  et  les  ramenèrent  en  Cyrénaïque. 
Mais  dans  Tintervalle ,  les  Gyrénéens, 
enhardis  par  leurs  précédents  succès, 
diraient  attaqué  à  leur  tour ,  étaient 
restés  yainqueurs,  et  avaient  tué  beau- 
eoupde  monde  à  Tennemi.  Ainsi  battu, 
Tliimbron  désespérait  presque  de  sa 
cause ,  quand  Farrivée  des  renforts 
^rtis  de  Ténare,  en  augmentant  no- 
tablement ses  forces,  vint  de  nouveau 
rétablir  ses  affaires  et  lui  rendre  cou- 
r^s;e. 

Les  Cyrénéens,  de  leur  côté,  voyant 
la  guerre  se  ranimer,  demandèrent  aide 
aux  Libyens  du  voisinage^et  même  aux 
Carthaginois;  et  ayant  rassemblé  ainsi, 
en  y  joignant  les  troupes  de  la  ville, 
jusqu^à  trente  mille  soldats,  ils  se  pré- 
parèrent à  une  bataille  décisive.  Thim- 
bron ,  ayant  réuni  une  armée  consi- 
dérable ,  livra  le  combat,  obtint  la 
victoire  ,  fit  un  grand  carnage,  et  se 
regarda  comme  bientôt  maître  des  vil- 
les voisines.  Mais  les  Cyrénéens,  dont 
tous  les  chefs  avaient  été  tués  dans 
Faction ,  en  élurent  d'autres  à  leur 
plaee,  avec  le  crétois  Mnasiclès  à  leur 
tête,  pendant  que  Thimbron,  profitant 
de  sa  victoire,  assiégeait  Apollonie  et 
livrait  à  Cyrène  des  assauts  journa- 
liers. La  continuation  de  la  euerre 
amena  dans  la  place  la  disette  des  vi- 
vres, et  bientôt  le  renouvellement  des 
séditions  et  des  querelles  entre  la 
plèbe  et  l'aristocratie  ;  le  parti  popu- 
laire prévalut,  et  expulsa  les  riches, 
qui ,  Désormais  sans  patrie ,  allèrent 
efaerdier  asile,  les  uns  auprès  de  Thini- 
bron  même ,  les  autres  en  Egypte  au- 
près de  Ptolémée ,  dont  ils  sollicitè- 


rent des  secours  pour  leur  rétablisse- 
ment, et  obtinrent  l'envoi  d'une  armée 
tant  de  terre  que  de  mer  sous  les  or* 
dres  du  eénéral  Ophellas. 

Les  Egyptiens,  venus  au  se- 
coues DES  Cybénéens,  s'empabent 
BU  pays.  —  a  la  nouvelle  de  son  ap- 
proche, ceux  qui  s'étaient  réfugiés  au- 
près de  Thimbron,  cherchèrent  à  s'é- 
chapper dans  la  nuit  pour  aller  joindre 
leurs  compagnons;  mais  ils  furent  dé- 
couverts et  mis  à  mort.  De  leur  côté, 
les  chefs  plébéiens  de  Cyrène,  craignant 
les  effets  du  retour  des  exilés,  firent  la 
paix  avec  Thimbron ,  et  se  réunirent 
pour  résister  ensemble  à  Ophellas;  mais 
celui-ci  battit  Thimbron  et  se  rendit 
maître  du  pays  et  des  villes ,  à  l'ex- 
ception de  Cyrène  qui  se  défendit  en- 
core vigoureusement  ;  Thimbron  fugi- 
tif fut  pris  par  quelques  Libyens ,  et 
livré  à  Tolinthien  Épicydes  qui  com- 
mandait à  Teuchira  pour  Ophellas  , 
puis  conduit  à  Apollonie,  où  il  avait 
•commis  tant  de  méfaits,  pour  y  être 
crucifié.  Enfin,  Ptolémée  lui-même 
vint  y  dit-on ,  achever  en  personne  la 
conquête  de  la  Cyrénaïque  (*),  et  laissa 
garnison  dans  les  places. 

Quelle  était  la  nature  de  la  do- 
mination ainsi  établie  -par  Ptolémée  ? 
Sans  doute,  dans  sa  pensée,  une 
souveraineté  absolue  ;  et  de  cette  épo- 
que ,  à  ce  compte ,  devrait  dater  le 
règne  des  Lagides  à  Cyrène.  Mais  il 
est  douteux  que  les  Cyrénéens  fussent 
disposés  à  considérer  comme  un  maî- 
tre véritable  l'allié  dont  ils  étaient 
allés  solliciter  le  secours  ;  et  le  monar- 
que égyptien  avait  trop  affaire  lui- 
même,  en  ces  premières  années  de  son 
avènement,  avec  les  rivalités  et  les  in- 
trigues auxquelles  donnait  lieu  le  pr- 
tage  de  la  succession  d'Alexandre, 
pour  s'appliquer  à  tenir  dans  une 
stricte  obéissance  une  population  qu'on 
faisait  plier  difficilement  sous  le  joug. 

Histoire  de  la  tyrannie  d'Ophellas. 

INTEBVENTION  d'OpHELLAS  DANS 
LES    DISSENSIONS    DES   CyBÉNÉENS. 

—  Il  arriva  cependant ,  peut-être,  que 
(*)  L'an  3a2  avant  l'ère  vulgaire. 


^A^VC^.*^  • 


7*  lÀvrai$(m.  (Atbiqub  ancienne.) 


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98 


L'UWVraS. 


la  garnison  égyptienne  iqùe  les  Cyré- 
néens  avaient  reçue  comme  une  con- 
cession ,  voulut  un  jour  faire  la  loi  ; 
telle  fut  sans  doute  la  cause  d'une  in- 
surrection qui  éclata  par  la  suite  (*) , 
et  dans  laquelle  les  Cyrénéfens ,  reje- 
tant la  garnison  dans  la  citadelle,  ry 
tinrent  bloquée  :  il  vint  d'Alexandrie 
des  envoyés  chargés  de  les  inviter  à 
lever  le  siège  ;  mais  les  Cyrénéens 
irrités  tuèrent  les  envoyés,  et  pres- 
sèrent plus  vivement  encore  les  soldats 
égyptiens.  Ptolémée,  irrité  à  soti  tour, 
envoya  une  armée  sous  les  ordres 
d'Agis  ,  et  une  flotte  sous  le  comman- 
dement d'Épainète;  Agis,  ayant  atta- 
qué vigoureusement  les  insurgés ,  se 
rendit  maître  de  la  ville,  se  saisit  des 
chefs  des  mutins  pour  les  envoyer  à 
Alexandrie ,  désarma  les  autres ,  et 
ayant  rétabli  l'ordre  dans  la  Cyrénàî- 
que  ,  s'en  retourna  en  Egypte. 

Il  est  probable  que  l  insurrection 
ainsi  apaisée  n'était  que  Tune  des 
phases  de  la  lutte  toujours  subsis- 
tante des  deux  partis  eritre  lesç^uels 
se  divisait  la  population  de  Cyrene, 
l'un  ayant  pour  noyau  l'aristocratie 
des  villes  qui  s'appuyait  sur  l'armée 
d'occupation  égyptienne  commandée 
par  Ophellas,  l'autre  formé  de  la 
plèbe  impatiente  de  toute  domina- 
tion et  de  tout  frein.  L'expédition 
d'Agis  et  d'Épainète  ayant  rendu  à 
Ophellas  la  supériorité  de  forces  que 
l'insurrection  populaire  avait  quelque 
temps  neutralisée ,  le  parti  aHstocra- 
tique ,  recouvrant  par  ce  moyen  sa 
prépondérance  politique ,  dut  se  mon- 
trer reconnaissant  envers  le  chef  ma- 
cédonien qui  avait  fait  cause  commune 
avec  lui;  et  de  là  résulta  sans  doute, 
pour  celui-ci,  l'occasion  et  le  dessein 
de  se  former  aussi  un  royaume  indé- 
pendant ,  à  l'exemple  des  autres  com- 
pagnons d'armes  d'Alexandre. 

Ophellas  se  déclauIs  boi  de  Li- 
BYB.  —  Quoi  qu'il  en  soit,  au  lieu  de 
se  borner  à  être  le  lieutenant  de  Ptolé- 
mée, Ophellas  prit  en  son  propre  nom 
le  gouvernement  de  la  Gyrénaïque 
avec  le  titre  de  roi,  et  ayant  réuni  des 

(*)  L'sm  5i3  avant  l'ère  vulgaire. 


tt^upes  nemtMreicges ,  il  manifesta  Iles 
intentiohs  d'agrandissement  qni  arri- 
vèrent  jusqu'aux  oreilles  d'Aflathoeleé, 
roi  de  Syracuse ,  alors  en  Airique ,  oa 
il  menait  rude  gnerre  aux  Gartliagi- 
nols.  Ce  prince  dépécha  le  syracosain 
Orthon  vers  Ophellas,  pour  lui  propo- 
ser une  alliance  offensive  contre  les 
Carthaginois  leurs  ennemis  communs, 
dont  la  destruction  laisserait  à  Aga- 
thocles  la  possession  paisible  de  Ul 
Sicile ,  à  Ophellas  l'empire  de  la  Libye; 
Le  Macédonien  accepta  avec  joie,  et 
envoya  demander  du  renfort  a  Athè- 
nes, où  il  était  tonntx  et  fort  estinwé, 
tant  à  cause  de  son  mérite  personnel 
qu'à  raison  de  Son  mariage  ayto  £u- 
tnydice  tille  de  Miltiades,  de  la 
race  du  vainqueur  de  Marathon  :  les 
Athéniens  6e  rendirent  aVec  empresse^- 
ment  à  son  invitation  ;  et  beaucoup  de 
guerriers  des  autt*ès  cités  de  la  Grècfe 
accoururent  aussi  se  ranger  àoCié  se6 
drapeaux,  espérant  que  la  fortune  al- 
lait leur  livrer  la  pins  belle  portion  de 
la  Libye  et  les  richesses  de  Carthage 
pour  se  refaire  de  l'état  misérable  où 
les  dissensions  intestines  les  atatenft 
réduits. 
Expédition  haliteobeijsb  b'O- 

PHELLAS    CONTEE    LES    CsâiBTHAGI- 

Nois.  —  Ophellas  ayant  totft'  prépare 
pour  son  expédition,  se  mit  èri  marche 
avec  une  armée  de  dix  mille  fantassins, 
Ifiix  cents  cavaliers,  et  cent  chars  mon- 
tés pari)lusde  trois  cents  combattants; 
il  y  avait  en  outre,  hors  des  cadres  de 
Tarmée ,  près  de  dix  mille  hommes , 
avec  femmes ,  enfants  et  bagages ,  ^ 
sorte  qu'il  semblait  que  ce  fût  une 
colonie  tout  entière.  Après  dix-huit 
Journées  de  route,  pendant  féâ- 
quelles  on  avait  parcouru  plus  de  trots 
mille  stades ,  on  campa  auprès  d' Auto- 
mal  ax. 

Au  dtelà  sont  des  Qiontagnes  aux 
jnancs  abrupts,  renfermant  une  vallée 
profonde  d'où  surgit  une  roche  es- 
carpée, au  pied  de  laquelle  des 
lierres  et  des  cyprès  cachent  Tentriêe 
d'une  vaste  caverne.  C'est  là ,  dit-on , 

?[ue   vivait   jadis   la    reine    Lamla', 
émme    d'une    beauté   merveilleuse, 
transformée  en  béte  féroce  à  eause'flQ 


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AFRiQtJE  ANCifeNNE. 


sa  cruauté:  on  raconte  que,  voyant 
iQOurij:  tous  ses  enfants ,  le  chagrin 

Îm  in^fiîra  une  envie  furieuse  contre 
es  lemmes  fécondes ,  et  qu*eUe  leur 
fit  arracher  leurs  enfants  pour  être 
aussitôt  massacrés.  «  Aussi,  jusqu'à  C0 
jour,  écrit  Diodore  de  Sicile,  les  enfants 
Ant-rils  gardé  le  souvenir  de  cette 
femme ,  dont  le  nom  est  pour  eux  un 
j^CHivantail.  »  Elle  chercha  Toubli  de 
jses^  douleurs  dans  Tivresse,  laissant 
%rs  chacun  faire  ce  qu1l  voulait,  sans 
j$%iquérir  de  ce  4ni  se  passait  dans  le 
pays,  en  sorte  qu*on  la  tint  pour 
aveugle  :  et  l'on  çn  vint  à  dire  tigu- 
ntivement  qu'elle  avait  mis  ses  yeux 
(sabs  sa  poche ,  exprimant  son  incurie 
née  de  l'ivresse  pat  la  cécité  supposée 
ggé  lui  aurait  causée  le  vin.  Qu'elle 
ilà,  dans  tous  les  cas ,  vécu  en  Libye, 
c'^  un  point,  syoute  piodore,  sur 
leg^l  on  peut  invoquer  le  tétiioignage 
{oftiiel  d'Euripide,  lorsqu'il  dit  (*)  : 
c  (^  ne  connaît  la  race,  en  horreur 
sttx  mortels ,  de  la  libyenne  Lamie?  » 
Opbellas  conduisit  "^  ses  troupes  à 
^vers  ces  déserts  arides  et  infestés 
^animaux  dangereux ,  où  le  manque 
^eau  et  de  vivres  mit  en  péril  le  sort 
âç  toute  l'armée.  Au  voisinage  des 
Smeç  9  le  pays  est  rempli  de  betes  ve- 
ttHoM^es  dont  la  morsure  fit  beaucout) 
^ravages ,  sans  que  la  médecine  ni 
*  *^  isoins  dfe  l'amitié  en  pussent  con- 
tes effets;  on  rencontrait  des 
nts  dont  la  couleur  terreuse  se 
[ait  tdlement  avec  celle  du 
,  qu^on  ne  savait  les  éviter,  et  ceux 
tes  foulaient  par  inadvertance, 
lent  de  leurs  morsures.  Enfin 
jï  bIus,  de  deux  mois  de  la  marche 
lus  ^nible,  on  rejoignit  Agathe- 
,  et  l'on  campa  dans  le  riche  pays 
attïiage  :  oh  sait  commuent  le  per- 
\  Syrâcdsairi  fit  périr  Ophellas  (**) 
fmr  s'approprier  son  armée. 

JIjÇïc  ToirvojMt  Ta  l7coveC8t<rrov  ppoTôTç 
^  j^D&irio.  apuH  Dxosoa. ,  XX,  4i* 

«jÇ^  L'aB  3o8  avaot  notre  èreu 

«biSk,  5{iT}pov  aÙTfp  Tàv  l6iov  vl^  ëmji^ 


99 

,  Conquête  de  la.  CVSéhenaiqi* 
PAB  LES  Égyptiens.  — -  Avec  Ifi 
mort  d'Ophellas  s'évanouît  ie  rêve 
d'un,  empire  de  Libye.  Mais  ce  n'est 
point  à  dire  que  Cyrène  tombât  im- 
médiatement sous  la  domination  égyp- 
tienne ;  la  veuve  d'Ophellas ,  Euthy- 
dice,  retournée  en  Grèce,  y  devint 
l'épouse  de  Démétrius  fils  d'Antigone, 
Vennemi  le  plus  redoutable  de  Ptolé- 
mée,  et  l'on  peut  croire  qu'elle  employa 
l'influenceju 'elle  de  vaitavoir  conservée 
en  Libye,  à  d^ouer  les  projets  de  con- 
quête du  maître  d'Alexandrie.  Nous  sa- 
vons du  moins ,  de  Pausanias ,  qu'au 
moment  où  Ptôlémée  marchait  contre 
Cyrène,  Antigone,  lui  enlevant  la  Sy- 
rie et  la  Phéniçie ,  le  forçait  à  revenir 
vers  l'Orient  ;  puis  ce  fut  en  Chypre,  et 
bientôt  en  Egypte  même,  qu'Antigone 
et  Démétrius  transportèrent  le  théâtre 
de  ia  guerre ,  en  sprte  que  c'est  seule- 
ment après  la  mort  d'Antigone  et  la 
défaite  de  Démétrius,  à  la  célèbre  ba- 
taille dlpsus  (*) ,  (me  ptôlémée ,  ayant 
repris  possession  de  la  Syrie  et  de  l'île 
de  Chypre,  put  songer  de  nouveau  à 
soumettre  la  Cyrénaïque. 

11  chargea  de  ce  ëoin  son  beau-fils 
Magas ,  fils  de  cette  Bérénice  qui ,  de 
suivante  qu'elle  était  d'abord  de  la 
reine  Eurydice  fille  d'Antipater,  s'é- 
tait élevée  à  son  tour  jusqu'à  la  couche 
ifoyale.  Magas ,  fils  de  l'obscur  macé- 
donien Philippe,  dut  à  l'influence  de 
sa  mère  le  commandement  des  trou- 
pes chargées  de  réduire  les  Cyrénéens 
a  l'obéissance ,  et  ensuite  le  gouverne- 
ment de  la  nouvelle  province  ajoutée  par 
ses  armes  à  l'empire  des  Ptolémées. 

C'est  de  ce  moment  que  date  l'éta- 
blissement définitif  de  l'autorité  des 
Lagides  sur  la  Cyrénaïque. 

IV.  KtONfi  DE^  LAOIDES. 

kois  particuliers  de  la  Cyrénaïque. 

MAe^AS    GOUYEB19B     D'aBOBB    AIT 

NOM  DE  Ptôlémée  Lapide.  —  De- 
puis l'expédition  de  Magas,   Ptolé- 

TYK  (Jûpa;  i^xT(d(i£vo<  nepieticev  aOràv^nai  nsfii 
T^v  ôcpaitcCav  aikoO  {jlovyiv  ^axo^^eÏTO.,.  x.t.à. 
PoLTXH.  Strata^mexi,  V.  A§«th.  4* 

(*)  L'an  3oi  avant  notre  ère. 


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100 


L'UNIVERS. 


mée  régna  encore  quinze  années  « 
pendant  lesquelles  Cyrène  demeura 
tranquillement  soumise  à  son  sceptre, 
sous  le  gouvernement  doux  et  ferme 
de  son  beau-fils  ;  car  la  douceur  de 
Magas  n'est  pas  moins  vantée  que  ses 
qualités  militaires,  et  Pliitarque  cite 
un  exemple  de  son  indulgewîe  envers 
le  poète  Philémon ,  qui  l'avait  publi- 
quement offensé  par  des  railleries  pi- 
quantes dans  ses  comédies  :  une  tem- 
pête rayant  poussé  à  Parétonion , 
Magas ,  pour  toute  vengeance,  se  con- 
tenta de  l'effrayer  par  l'appareil  du 
supplice,  et  tournant  ensuite  la  chose 
en  plaisanterie ,  il  le  renvoya  chargé 
de  jouets  et  de  bagatelles  comme  un 
enfant. 

L'historien  Josèphe  nous  apprend 
que  c'est  ce  premier  Ptolémée  qui 
établit,  à  Cyrène  et  dans  les  autres 
villes  de  la  Libye ,  de  nombreuses  co- 
lonies de  Juifs,  tirés  de  l'Egypte,  où 
il  les  avait  d'abord  transportés  après 
ses  expéditions  en  Syrie ,  et  où  il  en 
existait  d'ailleurs  déjà  du  temps  d'A- 
lexandre le  Grand. 

Sentant  sa  fin  approcher,  Ptolémée 
voulut  désigner  et  même  installer  son 
successeur  :  il  choisit  l'aîné  des  enfants 
qu'il  avait  eus  de  Bérénice  '  mère  de 
Magas ,  et  le  fit  solennellement  pro- 
clamer roi  à  sa  place  (*)  ;  puis  il  s'é- 
teignit environ  deux  ans  après  ,  dans 
un  âge  fort  avancé. 

Màgas  se  déclabe  souverain 

ET  MABGHE  CONTEE  PHIL ADELPHE. 

—  Le  nouveau  roi  d'Egypte,  frère 
utérin  de  Magas ,  avait  nom  Ptolémée 
comme  son  père;  il  fut  surnommé 
Philadelphe,  par  une  amère  ironie 
de  sa  conduite  envers  plusieurs  de  ses 
frères ,  dont  la  vie  fut  sacrifiée  à  son 
ambition. 

Magas  n'attendit  point  d'être  à  son 
tour  une  nouvelle  victime  de  cette 
amUié  fraternelle;  dix-sept  années 
d'un  gouvernement  paisible  avaient 
habitué  les  Gyrénéens  à  son  autorité, 
et  rendaient  mcile  toute  tentative  d'in- 
dépendance de  sa  part  :  il  avait  d'ail- 
leurs consolidé  sa  position  en  épousant* 

(*)  L'an  a85  avant  notre  ère. 


Apamé,  fille  d'Antiochus  Soter  roi  de       i 
Syrie,  et  petite-fille  de  Démétrius  Po-        i 
lyorcète.  Il  profita  des  circonstances, 
prit  le  titre  de  roi  (*),  et  se  prépara  à 
marcher  contre  TÉ^pte.  Avant  de 
quitter  Cyrène,  il  ivoublia  point  les 
précautions  de  prudence  que  comman- 
daient l'esprit  remuant  et  l'humeur 
changeante  de  ses  inconstants  sujets;       ! 
il  eut  soin  d'y  laisser  une  garnison 
dévouée ,  de  renfermer  dans  la  cita- 
delle toutes  les  armes,  machines  et 
munitions  de  guerre,  et  de  faire  dé- 
manteler les  murailles  de  la  ville ,  afin 
d'être  toujours,  en  cas  de  sédition ,  le 
maître  d'y  rentrer  par  cette  voie.  S'é-       ! 
tant  mis  en  marche ,  il  s'empara  bien- 
tôt de  Parétonion,  et  il  envoya  de  là       i 
des  éclaireurs  qui ,  s'avançant  sous 
des  dehors  amis,  conduisirent  ainsi 
l'armée  sans  obstacle  jusqu'au  village       , 
de  Khi  (**),  voisin  d'Alexandrie. 
Insubbegtion  des  Mabmabidbs  ; 

BÉGONCILIATION   DE  MaGAS   ET   DB         j 

Phil ADELPHE.  —  Ptoléméc  Phila- 
delphe^  à  la  première  nouvelle  de 
l'approche  de  Magas,  se  hâta  de  for- 
tifier tous  les  passages,  et  se  tint  sur 
la  défensive;  mais  dans  ces  conjonc- 
tures, Magas  apprit  que  les  Marma- 
rides  errants  de  la  Libye  secouaient 
le  joug  et  pouvaient  rendre  sa  re- 
traite périlleuse  :  il  abandonna  aus- 
sitôt ses  projets  pour  regagner  Cy- 
rène. Ptolémée  eût  bien  voulu  le  pour- 
suivre, mais  quatre  mille  Gaulois 
mercenaires  qu  il  avait  pris  à  sa  solde 
pour  se  défendre  contre  les  Cyrénéens, 
lui  inspirèrent  une  telle  défiance,  que 
son  premier  soin  fut  d'aller  les  perare 
sur  une  île  déserte  du  Nil ,  où  il  les 
laissa  mourir  de  faim  et  de  détresse. 
Magas  avait,  d'un  autre  côté,  engagé 
son  beau-père  Antiochus  à  venir  por- 
ter la  guerre  en  Egypte  ;  mais  Ptolé- 

(*)  Il  est  parvenu  jusqu'à  nous  des  mon- 
naies et  des  pierres  gravées  de  cette  époque. 

(**)  Ce  village,  ainsi  nommé  dans  le  Stû' 
diasme  anonyme  de  la  Grande  mer,  est 
appelé  de  même  par  Polyen,  comme  le 
marquait  le  ms.  de  Gasaubon ,  bien  que  le 
savant  critique  ait  regardé  cette  leçon 
fautive. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


101 


£$  y  obvia  en  dépédiaDt  dans  les 
ts  de  ce  prince  des  émissaires  af- 
Sdés,  chargés  d'inciter  les  populations 
à  la  révolte  ,  en  sorte  que  le  roi  de 
Syrie  fut  retenu  chez  lui  par  le  soin 
de  ses  propres  affaires. 

La  concorde  fut  rétablie  plus  tard 
entre  les  deux  frères  ,  et  la  paix  fut 
cimentée  parles  fiançailles  delà  jeune 
Bérénice ,  fille  unique  et  héritière  de 
MagaSf  avec  le  jeune  Ptoiémée,  fils  de 
Philadelphe.  Ainsi  se  trouvaient  con- 
^ciliées  toutes  les  prétentions  ;  et  Ma- 
gàs,  passant  les  dernières  années  de  sa 
vie  dans  le  repos  et  la  mollesse,  acquit 
une  telle  obésité  qu'il  mourut  étouffé 
par  l'excès  d'embonpoint,  après  avoir 
commandé  à  Cyrène  pendant  cinquante 
années. 

Tboubles  de  Cybènb  àpaisbs 
PAB  Egdèmb  et  Démophanes.  — 
A  la  mort  de  Magas  ,  privés  d'un 
maître  dont  Thabileté  avait  su  à  la 
fois  concilier  et  comprimer  leurs  riva- 
lités et  leur  turbulence,  les  Cyrénéens 
se  laissèrent  de  nouveau  entraîner  à 
des  dissensions  civiles  :  il  3^  a  lieu  de 
croire  que  le  parti  populaire ,  ébloui 
de  l'éclair  de  liberté  qui  sillonnait 
alors  la  Grèce  et  préludait  aux  grandes 
bittes  de  la  ligue  acbéenne,  renouvela 
ses  anciennes  prétentions  à  une  pré- 
pondérance exclusive  ;  deux  philoso- 
phes aiégalopolitains ,  Ecdème  et  Dé- 
flMi^[)baaes ,  disciples  d'Arcésilas ,  les 
ûmx  plus  grands  publicistes  de  leur 
nède,  qui  avaient  délivré  leur  patrie 
de  la  tyrannie  d' Aristodème ,  et  puis- 
saounent  aidé  Aratus  à  délivrer  Sicyo- 
aede  celle  de  Nicodès,  furent  appelés 
à^Cyrènç  pour  y  rétablir  l'équilibre 
efttre  les  factions  rivales  ;  et  le  dou- 
Ue  témoignage  de  Polybe  et  de  Plu- 
taïque  nous  assure  qu'ils  remplirent 
avec  succès  leur  mission,  et  iftaintin- 
reot  la  versatile  cité  dans  le  paisible 
eieroice  d'une  sage  liberté. 

BÉBÉNICE  ÉPOUSE  SUGCESSIYE- 
XSNT      DÉHÉTBIUS     ET    PtOLÉMÉB 

Etbbgète.  —  Cependant,  le  mariage 
ée  Bérénice  avec  le  prince  royal  d'E- 
eypte  n'était  point  encore  accompli;  et 
la  reine  Arsinoé,  mère  de  la  jeune  prin- 
cesse, contre  le  vœu  de  laquelle  cette 


alliance  avait  été  résolue,  s'empressa 
de  la  rompre  pour  faire  passer  entre 
les  mains  d'un  autre  époux  le  sceptre 
de  la  Cyrénaîque.  Arsinoé  jeta  les  yeux 
sur  le  beau  Démétrius ,  fils  du  Po- 
lyorcète,  et  frère  d'Antigone  Gonna- 
tas  roi  de  Macédoine  :  ce  prince  ac- 
cepta avec  joie  l'offre  qui  lui  fut  faite 
de  la  main  de  Bérénice  et  du  trône  de 
Cyrène  ;  il  accourut,  fut  fiancé  à  la 
royale  héritière,  et  prit  possession  de 
son  royaume  :  mais  il  n'en  jouit  pas 
longtemps. 

Démétrius  était  d'une  telle  beauté, 
aue  le  philosophe  Arcésilas  s'en  était 
épris,  et  que  la  reine  mère  conçut  pour 
lui  un  amour  auquel  il  ne  sut  pas  lui- 
même  résister  :  Bérénice^  offensée 
de  l'oubli  qu'il  faisait  de  ses  engage- 
ments envers  elle ,  conjura  sa  perte  ; 
et  l'imprudent  Démétrius  fut  surpris 
et  mis  à  mort  par  ses  ordres ,  dans  la 
propre  chambre  d' Arsinoé,  qui  essaya 
vainement  de  le  défendre  (*). 

Alors  Bérénice,  libre  d'accomplir  le 
mariage  auquel  son  père  l'avait  des- 
tinée ,  apporta  en  dot  à  Ptoiémée 
Évergète,  au  moment  même  où  il 
montait  sur  le  trône  d'Egypte  (**),  la 
couronne  de  Cyrène ,  une  beauté  que 
les  poètes  ont  célébrée,  et  une  pureté 
virginale  qu'ils  ont  aussi  proclamée 
dans  leurs  vers  (***).  Callimaj^ue  la  re- 
présentait comme  la  quatrième  des 
Grâces,  et  Cyrène  préparait  ses  par- 
fums de  rose  les  plus  délicieux  pour  sa 
magnifique  chevelure,  immortalisée 
par  le  sacrifice  qu'elle  en  fit  à  Vénus 
pour  obtenir  l'heureux  retour  de  son 
époux  lors  de  son  expédition  de  Syrie, 
et  par  la  flatterie  de  l'astronome  Co- 
non  de  Samos  qui  lui  donna  place 

(*)  Cùm  in  leclum  socrûs  concessisset 
percussores  immittuntur.Sed  Arsinoë  auditâ 
voce  filiae  ad  fores  stantis  et  prœcipieutis 
ut  matri  parcerent,  adulterum  paulisper 
corporesuo  protexit.  (JvsTts,Hist,  XXVI.) 
(**)  L'an  247  avant  Tère  vulgaire. 

(**0  Q**^  ^^^  tempestate,  noTÏs  auctiu  hyme- 

Vastatam  unes  irerat  Assjrios , 
Dulcia  nocturns  portans  Testrgia  rixa 
Quam  de  Tir^ioeis  gesserat  exuriif. 

CatoiiLb  »  dt  Coma  ihrmimt* 


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103  LUMYERS. 

t- 

parmi  les  confteliatioos  célestes,  et 
plus  encore  par  les  chants  de  Calli- 
iliaque  et  de  Catulle. 

TRAVAUX  ET  MOfiT  DB  BÉRÉNICB. 

—  }U'rhnv,i%  dont  le  nom  et  F  image 
Accompagnent  le  nom  et  Fimafçe  de 
Ftoldméï!  Évergête  sur  les  nombreux 
monuments  dont  la  magnificeDce  de 
ce  règne  orna  les  villes  de  l'Egypte, 
voulut  aussi  consacrer,  dans  les  déno- 
minations nouvelles  qu'elle  imposa  à 
quelques-unes  des  villes  de  la  Cyrénaï- 
qfie,  ta  m('!moire  de  son  époux ,  de  sa 
inÏTC,  et  d'elle-même;  le  port  de  Barkè 
fut  ainsi  appelé  désormais  Ptolémaïs, 
et  la  trace  en  est  restée  au  nom  mo- 
derne de  Tolomeytah  ;  Teuchira  reçut 
celui  d*Arsinoé,  qui  s'est  effacé;  et 
tlespéridc  celui  de  Bérénice,  qui  a  dis- 
paru sous  celui  de  Ben-Ghâvy. 

Après  un  règne  d'environ  trente 
ans,  depuis  la  mort  de  son  père,  Béré- 
nice, qui  avait  eu  la  douleur  de  voir 
son  époux  bien-aimé  périr  par  le  poi- 
son (*)  de  la  main  d'un  fils  qu'une 
amère  ironie  surnomma  Philopator, 
et  son  autre  fils  Magas  sacriné  par 
son  frère  à  une  ombrageuse  ^mbition^ 
Bérénice  elle-même  devint  la  victime 
de  ce  fils  dénaturé.  Peut-être  avait- 
elle  eu  la  pensée  de  réserver  à  Magas 
le  trône  de  Cyrène  ;  peut-être  eût-elle 

Su  en  faire  pour  elle-même  la  dot 
'un  nouveau  mariage:  son  fils  aîné 
coupa  court  successivement  à  toutes 
CCS  éventualités,  en  se  défaisant  de 
Ma^as  et  de  Bérénice,  comme  il  s'était 
défêit  de  son  père  pour  se  saisir  plus 
tôt  du  sceptre  deTÉgypte;  il  ne  lui 
restait  plus  que  sa  sœur  Arsinoé  :  il 
répousa. 

La  Cyrénaique  réunie  à  VÉgypte. 

RtGNB  DE  PtOLÉMÉE  PHILOPATOH. 

—  Ptolémée  Philopator,  débarrassé  de 
tout  compétiteur ,  réunit  ainsi  sur  sa 
tête  les  deux  couronnes  d'Ésypte  et 
de  Cyrène.  Nous  savons  peu  de  chose 
de  lui ,  en  oe  qui  concerne  cette  der- 
nière royauté  :  Tite-Ltve ,  cependant , 
nous  a  eonserré  rmdkatioD  dHin  ûiit 

0)  l>ft  »ii  ^wA  rère  voltaire. 


^^^^-^ 


qui  s'y  rattache.  P^ndajpl  les  cam- 
pagnes d'Anuibal  en  Italie ,  quand  les 
Campaniens,  préférant  l'alliance  de 
Cartnage  à  celle  de  Rome ,  lui  ouvri- 
rent les  portes  de  Capoue  (*) ,  Décius 
Magius,  qui  s'était  hautement  élevé 
contre  cette  honteuse  soumission  de 
sa  patrie ,  lui  fut  livré,  et  aussitôt  em- 
barqué pour  être  exilé  à  Garthage; 
mais  la  tempête  emporta  le  bâtiment 
de  l'autre  côté  des  Syrtes,  et  Décius 
Magius  aborda  à  Cyrène,  où  il  courut 
se  mettre  sous  la  sauvegarde  de  la  sta- 
tue du  roi.  Ce  fut  le  gage  de  sa  déli- 
vrance; conduit  à  Alexandrie  devant 
Ptolémée  pour  s'expliquer,  il  exposa 
comment  Annibal,  au  mépris  du  droit 
des  gens,  Tavait  fait  charger  de  chaî-. 
nés ,  et  le  roi  les  lui  fit  ôter  aussitôt , 
lui  permettant  de  s'en  retourner  à  son 
gré  à  Bome  ou  à  Capoue  :  Magius  de- 
manda à  rester  dans  les  États  du 
jprince  à  la  protection  duquel  il  devait 
son  retour  a  la  liberté. 

RÈGNE  DE  PtOIiÉMÉE  EPIPHANES. 

—  Ptolémée  Épiphanes,  âgé  seulement 
de  cinq  ans ,  succéda  à  son  père  en 
Fannée  205  avant  notre  ère ,  et  porta, 
pendant  viugt-quatre  années,  la  double 
couronne  de  Cyrène  et  de  Memphis. 
C'est  sous  son  règne  qu'Annibal,  de- 
puis trois  ans  réfugié  près  d'Antio- 
chus  de  Syrie ,  voulut  tenter  un  der- 
nier effort  contre  Rome  :  après  avoir 
persuadé  à  son  hôte  de  passer  avec  des 
troupes  en  Italie,  il  partit  loi -même 
pour  l'Afrique  avec  cinq  vaisseaux  (**), 
et  vint  débarquer  à  l'extrémité  du  ter- 
ritoire cyrénéen,  où  il  appela  son  frère 
Magon  pour  concerter  avec  lui  les 
moyens  de  déterminer  sa  patrie  à  re- 
prendre les  armes;  mais  les  Carthas 
ginois  prononcèrent  aussitôt  contre 
Magon  la  même  peine  qu'ils  avaient 
portée  contre  Annibal;  et  les  deux 
mres  n'eurent  d'autre  parti  à  prendre 
que  de  se  rembarquer. 

RÈGNE  INDIVIS   ET   PBBTSNTIONS 
BESPECTIYSS    DE    PHILOMETOR    ST 

DE  Phvscon. — Ptolémée  Épiphanes, 

(*)  L*in  ii6  aviBl  Yen  vidgaira, 
(**)  Vtm  i^  anol  ïèn  wlfun. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


fin  Qto^raDt  O ,  tal^gait  éexa  fils  en 
m&e,  sous  la  tutelle  de  leur  mère 
déapâtre,  fille  d'AnUoehus  le  Grand; 
tous  deux  avaient  nom  Ptolémée  ; 
Taîné  fiit  surnommé  Philométor,  et 
le  second,  Évergète;  noais  ce  der- 
nier, gui  aequit  plus  tard  un  embon- 
point dififorroe,  en  reçut  le  surnom 
de  Physcon,  sous  lequel  il  est  plus 
généralement  désigné.  Arrivé  à  sa 
majorité,  Philométor  voulut  porter  la 
guerre  e»  Syrie  ;  il  fut  battu ,  et  An- 
tiodituB  Epipbanes  vint  le  faire  pri- 
sm^nier  dans  Memphis  (**).  Éver- 
gèle ,  qui  à  son  tour  atteignait  alors 
sa  majorité,  fut  aussitôt  proclamé  à 
Alexandrie,  et  occupa  sent  le  trône 
pendant  quatre  années,  au  bout  des- 
quelles Pnilométor  obtint  sa  liberté; 
les  deux  princes  régnèrent  alors  en- 
semble deux  années,  pendant  lesquelles 
des  discussions  s'élevèrent  entre  eux , 
chacun  ayant  la  prétention  de  garder 
exclusivement  la  couronne. 
Rome  intbbyient  bt  fait  àdju* 

GIB    LA    CyBBNAIQUB    A    PhYSCON. 

—  Rome,  qui  intervenait  d'office  dans 
krèdement  des  affaires  d'Orient,  en- 
voyai ses  commissaires  en  Syrie(CBéus 
Oetarius,  Spurius  Lucrétius  et  Lucius 
Aorélius)  l'ordre  d'aviser  à  la  concilia- 
tion des  différends  qui  divisaient  les 
deux  rois  d'Alexandrie  (***).  Mais 
dan  l'intervalle  la  guerre  s'était  allu- 
mée «itre  les  deux  princes,  et  Taîné, 
chasié  éa  trône  par  son  frère,  renaît 
à  Roaie  implorer  la  ccmimisération 
du  aêB^  :  H  y  entra  à  pied,  couvert 
d»  lunlkHis  ;  e^  vain  son  cousin  Dé^ 
nétrius  Soter,  alors  en  otage ,  vint  au- 
deraot  de  lui  mettre  à  sa  disposition 
m  train  plus  digne  de  son  rang;  il 
nêiêû  tout ,  et  alfe  demander  un  K>ge- 
mmt  à  un  peintre  alexandrin.  Aussi- 
tlt  que  lé  sénat  en  fut  instruit ,  il  en- 
réfi  Ênre  au  nH>narc(ue  détrôné  des 
excttses  de  ne  lui  avoii^  pas  rendu  les 
boMieufs  d^usage;  on  pourvut  avec 
munificence  à  ses  besoins ,  et  l'on  en- 
voya arec  lui,  en  Egypte,  deux  com- 

O  I*'"»  i8r  avant  l'ère  vulgaire, 
f*)  L'an  17Q  aranl  Père  vHlgaipé. 
r**)'ÏAui  lèit^  avmrTèi^vvMaire, 


mt 


missaures  spéciaux,  que  Po^be  appelle 
simplement  Ganul#us  et  Quintus,  pour 
régler  sa  querelle  avec  son  frère.  La 
patrimoine  des  deux  princes,  jusqu'au 
lors  indivis  et  dispute  entre  eux ,  leur 
fut  partagé:  l'Egypte  fut  rendue  à 
Philométor,  et  la  Cyrénaïque  avec  la 
Libye  fut  adjugée  à  Physcon. 

La  Cyrénaïque  de  nouveau  séparée 
de  r Egypte 

Rbglamations  db  Physcon  con- 
tée  LA  MOOIGITB   DE   SON  LOT.  — 

Physcon  ne  se  tint  pas  pour  satis- 
fait du  royaume  de  Cyrène ,  et  il 
voulut,  à  son  tour,  venir  à  Rome 
faire  valoir  ses  droits  (*)  ;  il  s'y  ren- 
dit en  même  temps  que  les  commis- 
saires qui  avaient  fait  le  partage,  et 
se  plaignit  au  sénat  de  l'exiguïté  de 
la  part  qui  lui  était  faite,  demandant 
que  Ton  réformât  la  convention  et 
qu'on  ajoutât  à  son  lot  l'île  de  Chypre, 
après  quoi  son  domaine  serait  encore 
beaucoup  moindre  que  celui  de  son 
aîné.  Ganuléius  et  Quintus  combatti- 
rent cette  réclamation,  de  concert 
avec  le  carien  Ménylle  d'Alabande,  en- 
voyé de  Philométor,  qui  prétendait 
«i^Ëvergète  devait  s'estimer  heureux 
d'avoir  obtenu  la  Cyrénaïque;  qu'il  en 
était  bien  redevable  aux  Romains, 
ainsi  que  de  la  vie,  tant  il  s'était  fait 
détester  des  Égyptiens;  qu'au  surplus 
il  y  avait  un  traité  juré  sur  les  autels, 
et  que  les  paroles  avaient  été  mutuel- 
lement données.  Physcon  contesta  tout 
cela,  et  le  sénat,  voyant  qu'en  effet 
le  partage  n'était  point  égal,  profita 
habilement,  dit  Pofybe,  de  la  querelle 
des  deux  frères,  pour  amoinarir  les 
forces  du  roi  d'Egypte  par  un  nou- 
veau morcellement,  en  accordant  au 
plus  jeune  ce  qu'il  demandait.  Deux 
autres  commissaires,  Titus  Torquatus 
et  Cnéus  Mérula,  furent  envoyés  avec 
Physcon  pour  le  faire  mettre  en  pos* 
session  de  Tile  de  Chypre,  et  ^ablir 
une  paix  durable  entre  les  deux  rivaux. 
Arrivé  en  Grèce  avec  tes  envoyés 
romains,  Ptolémée  Physcon  y  oigagaai 

(^  L'an  i6a  avant  t^a  viil^aiN^ 


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104 


L'UNIVERS- 


un  grand  nombre  de  âbldatâ  merce- 
naires, parmi  lesquels  se  trouvait  le 
macédonien  Damasippe  banni  de  sa 
patrie  pour  crime  pohtigue  ;  à  la  tête 
de  ces  trouves,  il  se  rendit  dans  la  Pé- 
rée ,  vis-à*Tis  de  Rhodes ,  et  se  dispo- 
sait à  passer  en  Chypre ,  lorsque  Tor- 
quatus  lui  représenta  que  l'ordre  du 
sénat  était  de  le  mettre  en  possession 
de  ses  ^tats  sans  recourir  aux  armes; 
qu'il  devait  donc  congédier  son  armée, 
renoncer  à  s'emparer  de  force  de  l'île 
de  Chypre,  mais  aller  attendre  en  Cy- 
rénaïque  les  commissaires  romains, 
^ui  de  leur  côté  allaient  se  rendre 
à  Alexandrie  auprès  de  Philométor 
pour  }e  déterminer  à  consentir  à  Far- 
rangement  souhaité,  et  iraient  ensuite 
le  rejoindre  lui-même  sur  ses  fron- 
tières, en  amenant  son  frère  avec  eux. 
Sur  ces  observations  Physcon  renonça 
à  son  projet  de  descente  en  Chypre , 
licencia  ses  troupes  mercenaires,  passa 
en  Crète  avec  Damasippe  et  Cnéus 
Mérula  l'un  des  commissaires ,  et  de 
là  mettant  à  la  voile  pour  la  Libye 
avec  un  millier  de  soldats,  il  vint 
mouiller  au  port  d'Apis. 

De  son  côté ,  Torquatus ,  arrivé  à 
Alexandrie ,  employa  tous  ses  efforts 

r>ur  amener  le  plus  âgé  des  Ptolémées 
faire  la  paix  avec  son  frère,  et  à  lui 
abandonner  nie  de  Chypre;  mais  tan- 
dis que  ce  |)rince,  cédant  sur  quelques 
points ,  résistant  sur  d'autres ,  faisait 
traîner  les  choses  en  longueur,  le  plus 
ieune ,  campé  avec  ses  Cretois  en  Li- 
bye, auprès  d'Apis,  ainsi  qu'il  avait  été 
convenu ,  et  s'impatientant  de  ne  rien 
voir  venir ,  envoya  Cnéus  à  Alexan- 
drie pour  joindre  ses  efforts  à  ceux 
de  Torquatus.  Mais  il  attendit  vaine- 
ment son  retour;  le  temps  se  passa, 
quarante  jours  s'écoulèrent  sans  qu'il 
apprît  rien  de  nouveau  :  son  inquié- 
tude était  extrême.  En  effet ,  son  aîné 
cherchant,  à  force  de  caresses,  à  mettre 
les  envoyés  romains  dans  ses  intérêts, 
les  retenait  chez  lui,  quelque  répu- 
gnance qu'ils  eussent  à  y  rester. 

INSUBBSGTION  DES  CyBÉNBBNS 

BBPBiMÉE.  —Pendant  ces  délais, Phys- 
con apprend  que  Cyrène  s'insurge  con- 
uelui,  que  les  autres  villes  entrent  dans 


la  même  conspiration,  et  que  son  Keu* 
tenant  Ptolémée  le  trahit  :  (fêtait  un 
Égyptien  à  qui  il  avait  confié  le  gouver- 
nement de  son  royaume  lorsqu'il  s'était 
embarqué  pour  Rome.  Ayant  eu  avis 
bientôt  après  que  les  Çyrénéens  en 
armes  se  sont  mis  en  campagne,  et  . 
craignant  qu'en  se  préoccupant  trop 
de  l'affaire  de  Chypre,  il  ne  s'exposât 
à  perdre  la  Cyrénaîque ,  il  abandonne 
tout  pour  marcher  vers  Cyrène.  Ar- 
rivé au  grand  Catabathme ,  il  en  trouve 
les  défilés  occupés  par  les  Libyens, 
faisant  cause  commune  avec  les  Cyré- 
néens  :  dans  cet  embarras ,  il  partage 
sa  petite  armée  en  deux  corps ,  dont 
il  fait  embarquer  l'un  pour  tourner 
l'ennemi  et  le  prendre  à  dos,  pendant 
que  lui  -  même  l'attaquera  de  front  et 
tâchera  de  forcer  la  montée.  Les  Li- 
byens, effrayés  de  cette  double  attaque, 
abandonnèrent  leurs  postes  ;  et  Phys- 
con ,  franchissant  le  Catabathme ,  ga- 
gna les  hauteurs  et  occupa  Tetrapyrgia, 
où  il  trouva  de  l'eau  en  abondance^ 
De  là ,  ayant  traversé  en  sept  jours  le 
désert ,  et  ayant  été  rejoint  par  les  ha- 
bitants de  Mochyrinon,  il  atteignit  les 
Cyrénéens,  campés  au  nombre  de  huit 
mille  fantassins  et  cinq  cents  cava- 
liers. 

Jugeant  des  dispositions  de  leur  nou- 
veau roi  par  ses  précédents  à  Alexan« 
drje,  et  reconnaissant  que  ses  com- 
mencements, aussi  bien  que  toute  sa 
ligne  de  conduite,  annonçaient  moins 
un  roi  qu'un  tyran ,  les  Cyrénéens , 
loin  de  se  soumettre  de  bon  gré  à  sa 
domination,  étaient  résolus  à  tout  ris- 
quer pour  la  défense  de  leur  liberté. 
Ainsi  donc  alors ,  à  son  approche,  ils 
lui  présentèrent  la  bataille ,  et  eurent 
l'avantage.  Physcon  n'en  continua  pas 
moins  la  guerre  :  Athénée  nous  a  coq- 
servé  un  fragment  des  mémoires  de 
ce  prince ,  où  il  fait  mention  des  arti- 
chauts dont  se  nourrissaient  ses  trou- 
pes pendant  qu'il  campait  aux  envi- 
rons de  Bérénice. 

Dans  un  récit  qui  semble  ne  pouvoir 
mieux  s'appliquer  qu'à  cette  époque , 
Polyen  rapporte  que  les  Cyrénéens, 
dans  leur  guerre  contre  Ptolémée, 
s'étaient  donné  pour  chef  ^  avec  les 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


pouvoirs  les  plus  étendus,  Fétolien 
Lycope;  et  que,  pendant  que  les  hom* 
mes  combattaient,  les  femmes  forti- 
fiaient les  retranchements ,  creusaient 
les  fossés,  portaient  les  munitions,  soi- 
gnaient  les  blessés,  préparaient  les 
vivres  ;  mais  qu'après  rextinction  des 
guerriers,  Lyco[)e  ayant  voulu  trans- 
former son  administration  en  souve- 
raineté, ces  femmes  l'accablèrent  de 
tant  d'injures  que,  dans  son  exaspéra- 
tion ,  il  en  tua  le  plus  grand  nombre , 
qui  couraient  elles-mêmes  à  la  mort. 
'Ces  circonstances  expliquent  assez 
comment  la  résistance  des  Cyré/iéens 
ne  put  tenir  longtemps  contre  les  ar- 
mes de  Physcon. 
Rome  appuie  ouyebtement  les 

BÉCLAMATIONS  DE  PhYSCON.  —  Sur 

ces  entrefaites ,  Cnéus  Mérula  arriva 
d'Alexandrie ,  et  apprit  au  roi  de  Cy- 
rène  que  son  frère  rejetait  toutes  les 
propositions  qui  lui  avaient  été  fai- 
tes, prétendant  qu'on  devait  s'en  te- 
nir exclusivement  aux  conditions  pri- 
mitivement convenues.  A  ces  nouvelles, 
le  roi  désigna  aussitôt  hes  deux  frères 
Coman  et  Ptolémée  pour  se  rendre  à 
Rome  avec  Cnéus ,  et  se  plaindre  au 
sénat  de  la  ténacité  et  des  mépris  de 
son  frère.  Philométor  laissa  partir 
aussi ,  vers  le  même  temps,  Titus  Tor- 
quatus,  sans  avoir  rien  fait.  Voilà  où 
en  étaient  les  choses  à  Alexandrie  et 
à  Çyrène. 

Gesl  dans  ces  circonstances  qu'ar- 
riv^ent  {*)  à  la  fois  à  Rome  les  am- 
bassadeurs des  deux  Ptolémées;  ceux 
da  plus  jeune  ayant  à  leur  tête  Coman , 
ceux  de  Faîne  ayant  pour  chet  Ménylle 
d'Alabande.  Ils  se  rendirent  au  sénat, 
oô  ils  firent  de  longs  discours  et  se  je- 
tèrent mutuellement  à  la  face  les  re- 
pKK^es  les  plus  odieux  :  on  entendit 
aussi  Cnéus  et  Titus  gui  se  hâtèrent 
d'appuyer  de  leur  témoignage  la  cause 
do  plus  jeune.  11  fut  décrété  par  le  sé- 
nat que  Ménylle  et  les  siens  sortiraient 
de  Home  dans  le  délai  de  cinq  jours , 
que  toute  alliance  était  rompue  avec 
latoé  des  Ptolémées,  et  qu'il  serait 
envoyé  an  plus  jeune  des  commis- 

(*)  L'an  x6i  avant  î'ère  vulgaire. 


m 


sabres  chargés  de  lu!  annoncer  la  déci- 
sion rendue  en  sa  faveur.  Publius 
Apustius  et  Caïus  Lentulus  furent 
nommés,  et  partirent  pour  Cvrène, 
afin  de  s'acquitter  au  plus  tôt  ae  leur 
mission.  Physcon,  plein  de  confiance^ 
se  mit  aussitôt  à  lever  des  troupes  et 
à  s'occuper  exclusivement  de  l'affaire 
de  Chypre. 

Mais  pendant  ces  préparatifs,  il  se 
tramait  contre  lui  une  conspiration 
dont  il  faillit  être  la  victime;  il  courut 
risque  de  la  vie ,  et  n'échappa  au  fer 
des  assassins  qu'après  avoir  reçu  plu- 
sieurs blessures:  ce  fut  pour  lui  le 
motif  d'un  nouveau  voyage  à  Rome , 
afin  de  s'aller  plaindre  au  sénat  d'un 
attentat  dont  il  ne  craignait  point  d'ac- 
cuser son  frère;  et  de  son  côté  ce- 
lui -  ci  envoya  Néolaïdas  et  Androma- 
chos  pour  se  disculper.  Mais  quand 
Physcon,  à  l'appui  d  un  touchant  dis- 
cours, eut  montré  les  cicatrices  de  ses 
plaies,  l'émotion  générale  fut  telle, 
que  l'assemblée  refusa  d'entendre  les 
envoyés  du  roi  d'Egypte,  et  leur  or- 
donna de  sortir  de  Rome  sans  délai. 
On  désigna  au  contraire,  au  roi  de 
Cyrène,  cinq  commissaires,  du  nombre 
desquels  furent  Cnéus  Mérula  et  Lu- 
cius  Thermus,  jui  devaient  prendre 
chacun  une  galère  afin  de  conduire 
ce  prince  en  Chypre  ;  et  l'on  envoya 
aux  troupes  alliées ,  en  Grèce  et  en 
Asie,  l'autorisation  de  lui  prêter  main- 
forte  pour  opérer  sa  descente  dans 
l'île. 

RÉCONCILIATION  DE  PHYSCON  ET 

DE  Philométor.  —  Il  semblait  que  la 
réussite  de  ses  désirs  fût  ainsi  assurée; 
mais  la  fortune  en  décida  autrement:  il 
fut  battu  par  son  frère,  bloqué  dans  la 
ville  deLapithe,et  obligé  de  se  rendre 
à  discrétion.  Cependant  Philométor , 
soit  par  indulgence ,  soit  par  crainte 
des  Romains,  ne  profita  point  avec  ri- 
gueur de  ses  avantages  :  il  lui  offrit , 
en  dédommagement  de  l'île  de  Chypre, 
la  cession  de  quelques  villes  libyennes 
de  plus  à  ajouter  à  son  royaume  de 
Cyrene ,  des  subsides  annuels  de  fro- 
ment ,  et  dans  l'avenir  la  main  de  sa 
fille  comme  gage  d'une  alliance  du- 
rable. Ainsi  fut  terminée  définitive- 


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m 


VUIWVERS. 


rosal  0)  la  gaerdie  des  deui  rois;  ^ 
Pbyseoo  put  désormais  continuer  dans 
l'étude,  le  repos  et  la  mollesse,  un  règne 
dont  les  premières  années  avaient  été 
SI  agitées.  Il  nous  a  transmis  lui- 
inéme,  dans  un  passage  de  ses  mé- 
moires ,  conservé  par  Athénée ,  quel- 
ques détails  sur  le  luxe  qu'il  déploya  à 
roccasion  du  sacerdoce  du  temple 
d'Apollon  à  Cyrène,  quand,  il  en  fut 
revêtu  ;  c'était  une  charge  annuelle , 
dont  le  titulaire,  à  son  entrée  en  exer- 
cice, réunissait  dans  un  festin  tous 
ceux  qui  Pavaient  précédé  dans  les 
mêmes  fonctions,  et  leur  offrait  un 
vase  de  terre  d'une  certaine  caf^cité , 
rempli  de  provisions ,  en  y  joignant 
le  plus  souvent  une  lyre.  Phvscon  leur 
fit  servir  des  vases  d'argent  a'un  grand 
prix,  et  y  joignit,  pour  chacun,  un 
cheval  dressé  couvert  de  harnais  do- 
rés et  conduit  par  un  écuyer,  avec  in- 
vitation à  chaque  convive  de  monter 
le  sien  pour  s'en  retourner  chez  lui. 
Physcqn  s'empabe  de  l'Egypte 
et  bs6nb  tybanniqusiient.  —  a 
la  mort  de  Ptolémée  Philométor,  ar- 
rivée en  l'an  147  avant  notre  ère, 
Ptolémée  Physcon,  en  ayant  re(ju  la 
nouvelle  à  Cyrène ,  se  mit  aussitôt  en 
marche  avec  une  armée  pour  aller  re- 
vendiquer la  succession  de  son  frère, 
qui  ne  laissait  qu'un  fils  mineur  ;  sa 
soeur  Ciéopâtre,  veuve  de  Philométor, 
lui  eavova  offrir  sa  main  et  la  tutelle 
de  son  nls  :  il  accepta ,  entra  dans 
Alexandrie  ;  et  au  milieu  des  fêtes  du 
n^a^,  il  fit  n^ttre  à  noort  les  par- 
tisans du  jeune  prince,  le  tua  lui- 
même  entre  le^  bras  de  sa  mère ,  et 
demeura  ainsi  maître  du  trône  d'Egyp- 
te, qu'il  souilla  de  sang  et  de  crin^es. 
Les  Cyrénéens  même  qui  l'avaient  ac- 
compagné furent  sacrifiés  pour  quel- 
ques paroles  indiscrètes  sur  la  cour- 
tisane Irène,  sa  maîtresse.  Après  avoir 
eu  de  62^  sœur  Ciéopâtre  un  fils  qui 
reçut  le  nom  de  Memphite ,  il  la  ré- 
pudia^afin  de  prendre  pour  épouse  la 
jeune  Ciéopâtre  fille  de  la  première , 
dont  il  eut  deux  autres  fils  «  Ptolémée 
et  Alexandre. 


Bn  Tannée  189  avaiH  Tère  vulguiref 
sa  tyrannie  ayant  comblé  la  mesuré, 
une  émeute  survenue  à  Alexaiklrie  l'o- 
bligea de  se  réfugier  en  Chypre  ;  là, 
craignant  que  les  Alexandrins,  excités 
par  la  première  Ciéopâtre  ,  n'eussent 
l'idée  de  proclamer  à  sa  place  son  fils 
Memphite,  jeune  homme  plein  de  grâr 
ce  et  de  bonnes  qualités,  qui  était  alors 
à  Cvrène,  il  le  rappela  près  de  lui,  et 
le  fit  mettre  à  mort  sous  ses  yeux  ; 
puis,  s'il  faut  en  croire  un  affreux  ré» 
cit,  il  lui  fit  couper  la  tête,  les  pieds  et 
les  mains,  qui  furent  envelop[]^s  dans 
un  drap  et  renfermés  dans  un  panier 
pour  être  envoyés  à  la  malheureuse 
mère  comme  un  présent  le  jour  anni- 
vçrsaire  de  la  naissance  de  ce  même 
fils  f  A  la  suite  de  cette  atrocité , 
Ptolémée  Physcon  revint  en  forces 
reprendre  possession  de  l'Egypte , 
d'où  la  vieille  Ciéopâtre  se  sauva  ea 
Syrie. 

Une  grande  pluie  de  sauterelles  af- 
fligea la  Cyrénaîque  dans  les  dernièrefi^ 
années  du  règne  de  ce  prince  (*)  : 
d'immenses  essaims ,  après  avoir  ra- 
vagé toute  l'herbe  et  toutes  les  feuil- 
les des  arbres,  furent  poussés  dans  la 
mer  par  le  vent ,  et  ramenés  par  les 
flots  sur  la  côte,  où  leur  accumulatioa 
causa,  par  ses  miasmes  putrides,  une 
cruelle  peste  qui  fit  |)érir  les  animaux 
et  les  hommes  par  milliers. 

La  Cybénâique  passe  à  Apion  , 

QUI  LA  LEGUE  AUX  ROMAIIf S.  —  £n* 

fin,  après  quarante-cinq  ans  de  règne 
depuis  son  avènement  au  trône  de 
Cyrène ,  Ptolém^  Physcon  mourut  « 
en  l'année  117  avant  notre  ère ,  et  la 
Cyrénaîque  fut  de  nouveau  r<inanage 
d  un  souverain  distinct  de  celui  d^-E» 
gypte  :  le  monarque  défunt  l'avait  spé- 
cialement léguée,  par  testament ,  à 
P^lémée ,  surnommé  Anjon ,  ou  le 
Maigre,  son  fils  naturel.  Ce  prince 
occupa  le  trône  plus  de  vingt  années  ; 
mais  l'histoire  se  tait  sur  les  événe- 
ments de  son  règne ,  dont  il  nous  est 
seulement  parvenu  quelques  médail- 
les ;  et  il  n  a  acquis  une  certaine  cér 
lébrité  qu'à  raison  du  testai^apt  paî; 

(*)  L'an  za$  av^t  V«rç.  vid^f^ 


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AFRIQUE  AlfCmUNE. 


Wi 


kftA^  mt  m^mmtn  H  légua  ses  l^at» 
air  peuple  romain  f). 

Cet  acte  a  été ,  pour  les  érudits  du 
dk^ septième  siècle,  le  sujet  d'une 
grave  controverse,  à  cause  de  Téqui- 
voque  commise  par  un  ancien  compi- 
lateur ,  et  répétée  sans  examen  pat 
^vers  autres ,  sur  la  double  date  du 
legs  fait  à  Rome  par  le  ^rniér  Pto-» 
lémée  de  Cyrèoe^  et  de  la  réduction  en 
province  romaine  de  cette  même  terre 
libyenne  ainsi  léguée  par  Apion.Sextus 
Rtaus  Festus,  Tauteur  du  petit  Jré- 
fÂaire  des  conquêtes  et  fyrovinces  du 
patpk  romain ,  adressé  à  Tempereur 
Vale&s  ,  y  a  consigné  ainsi  ce  double 
fait  :  «  Cyrène  avec  les  autres  cités  de 
«  la  Pentapole  libvque,noits  les  avons 

<  reçues  de  la  libéralité  du  vieux  Pto- 

<  lémée  ;  ki  Libye ,  nous  l'avons  ac- 
«  quise  par  la  dernière  volonté  du  roi 
«  ApioD.»  AmmienMarcellin,  Eusèbe, 
Jornandès,  ont  suivi  cette  rédaction, 
et  Joseph*Juste  Scaliger  en  a  expres- 
sément concfo  quMI  y  avait  eu  deux 
j^pion,  ritn  roi  de  Cyrène,  l'autre  roi 
de  Lii^e,  ^i  tous  deux,  eelui-ià  d'a- 
bord ,  cetai-  ci  ensuite ,  avaient  légué 
l^r  royaume  aux  Romains:' et  quel- 
ques noodernes ,  faute  d'examen  sufQ- 
sa&t,  ont  adfifns  cette  explication.  Mais 
lestotvains  anitérieurs^  Cicéron,Tro- 
got-POHipée,  Tite^Live,  Tacite,  Ap- 
pien,  suivis  encore  par  Miiis  Obsé- 
qptm ,  Eutrope  et  Cassidore ,  ne 
reeoomiissent  qu'un  seul  roi  Apion, 
utt^wol  royaume  légué,  un  seul  testa- 
meèt;- et  Henri  de  Valois,  faisant  va- 
lo^  letfT  t^noignage,  a  rétabli  avec 
rastorilé  #ttne  saine  criticnie  la  seule 
eqiKctttiDû  admissible  de  réquivoque 
eonmiae  par  Sextus  Rufus,  A  mmîen , 
laàèbe  et  Jornandè^*,  et  de  nos  jours, 
QA  «avant  dam^s  qui  s'était  fait  l'bis^ 
totien  s^édal^  de  Cyrène ,  le  profes- 

r  Ttarige^  si  prématurément  enlevé 
:  y^Tt»,  a  reproduite  av^  darté  la 
snssiofi  de  Vmow ,  que  sans  doute 
H  ifisPfÉÊ^  points  ignorée. 

lloâs  n'avons  done  point  à  nous 
préoeéo^  ici  d'une  question^  qui  pa- 
raît d^nitivement  résolue  ;  et  il  nous 


Quiâfe  de  répéter  qù^Apton  Ûk  de  Bbys' 
cou  fut  le  dernier  roi  de  la  C^rénaî- 
qué,  dont  les  limites  s'étendaient  de<r 
puis  la  grande  Syrte  jusqu'aux  portes 
de  FÉgypte,  comprenant  Taride  Libye 
aussi  bien  que  la  riante  Pentapole ,  et 
qu^à  sa  mort ,  arrivée  en  Tannée  ^6 
avant  notre  ère,  tout  ce  territoire  de* 
vint,  suivant  les  dernières  volontés 
du  défunt,  une  dépendance  de  Rome. 

y.  VCEUBS  PUBLIQUES  ST  PBIVÉES 
DBS  GYBBNÉENS  AYAIKT  LA  PBBTB 
DB  LEUB  IIATIONALIÏB. 

Ce  monde  romain  dans  lequel  ve- 
nait se  fondre  le  royaume  de  C3nrène, 
c'était  comme  un  (jcéan  où  disparais- 
saient dans  un  commun  naufrage  tou- 
tes les  nationalités  qui*  s'y  laissaient 
entratner.  Sans  doute  il  put  rester,  il 
resta  certainement,  à  la  place  qu'occu- 
paient respectivement  les  nations  ainsi 
englouties,  quelque  faible  vestige  des 
caractères  dtstinetifs  qui  les  dittéren-* 
ciaietit;  mais  ils  se  laissaient  difficile- 
ment apercevoir  à  travers  la  surface 
ùnifoitne  de  l'unité  romaine.  Il  y  a 
donc  intérêt  à  esquisser  ici  le  tableau 
rapide  des  mœurs  publiques  et  privées 
des  Cyrénéens  avant  que  fa  conquête 
et  la  longue  domination  de  Rome  en 
eussent  effacé  les  traits  spéciaux  et  la 
ceuleuir  originale. 

Passons  donc  en  revue  les  croyances, 
les  dispositions  naturelles,  les  habitu- 
des, les  goûts,  les  talents  des  Cyré- 
néens du  temps  de  leur  indépendance, 
tous  ces  détails  de  la  vie  sociale  qui 
donnent  à  une  nation  sa  physionomie 
propre,  qui  font  qu'elle  est  etie<»méme 
et  non  point  une  autre. 

RdtgwHy  Cfjdte,  ' 

Apollon.  —  Apollon  était  le  dieu 
principal ,  le  dieu  archégète  du  pays  : 
il  était  naturel  que  les  rondateurs  de 
la  colonie  ^ecque  de  Libye  y  missent 
en  honneur  le  culte  du  dieu  pythien , 
dent  la  prêtresse  leur  avait  tant  de  fois, 
dans  le  temple  de  Delphes,  transmis 
les  orades.  Son  nom  fet  éanné  à  la 
fon^aine'lim^^k  qs(i  sur^ssaU-^  vei*  • 


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lOS 


L'UNIVERS. 


sinage  de  leur  principal  établissement; 
il  fut  donné  aussi  à  la  ville  même  qui 
s'éleva  autour  du  port  de  Cyrène,  d'où 
un  chemin  taillé  dans  le  roc  condiff« 
tait  directement  au  temple  consacré 
au  même  dieu  par  le  premier  Battos 
sur  la  grande  place  de  fa  cité  :  de  ma- 
gnifiques cavalcades  parcouraient  en 
pompe  cette  avenue  au  temps  des  fêtes 
cameennes.  Ces  solemnités  avaient 
successivement  passé,  avec  les  Égides, 
de  Thèbes  de  Béotie  à  Amjrclee,  à 
Théra,  et  enfin  en  Libye,  ainsi  que  le 
constatent  les  hymnes  du  poëte  Galli- 
maque  :  on  doit  penser  que  le  nom  de 
Carnéades,  qui  se  rencontre  plus  d'une 
fois  chez  les  Gyrénéens,  se  donnait  sou- 
vent aux  enfants  nés  pendant  la  célé- 
bration des  Carnées.  D'autres  fêtes 
étaient  réservées  au  dieu  aleximbrote, 
à  Apollon  médecin,  pendant  lesquelles 
on  entendait  retentir  mille  fois  l'in- 
vocation sacramentelle  :  Yèy  yè,  Pèan! 
Son  fils  Ësculape  avait  lui-même  un 
temple  à  Balacris  près  de  Cyrène,  et 
il  semble  qu'une  école  médicale  y  fût 
annexée. 

Le  grand  temple  d'Apollon ,  6ù  le 
feu  sacré  brûlait  toujours  sur  l'autel, 
était  desservi  par  un  collège  de  prê- 
tres, dont  le  chef  annuel  était  choisi 
entre  les  personnages  les  plus  distin- 
gués par  le  rang  et  les  richesses ,  et 
nous  avons  vu  le  roi  Ptolémée  Phys- 
con  revêtu  lui-même  de  ce  sacerdoce, 
et  célébrant  avec  magnificence  son  en- 
trée en  charge. 

Le  culte  d'Apollon  se  manifestait 
usque  sur  les  monnaies  de  la  cité,  où 
la  tête  du  dieu  se  trouve  souvent  figu- 
rée. Les  barbares  du  voisinage  subi- 
rent eux-mêmes  l'influence  de  cette 
dévotion  des  colons  grecs  au  culte 
d'Apollon  pythien,  et  Ton  vit  les  Am- 
péliotes,  peuplade  libyenne  du  littoral, 
aller  déposer  sur  l'autel  de  Delphes 
l'offrande  d*une  branche  de  silphion. 

La  soeur  d'Apollon,  la  chaste  Diane, 
ne  pouvait  manquer  d'être  particuliè- 
rement honorée  dans  la  cité  dont  il 
était  le  patron  ;  on  la  voit  figurer  aussi 
sur  les  monnaies  cyrénéennes,  et  des 
fêtes  solenmelles  lui  étaient  pareille- 
ment oousaccées  sous  le  nom  d'Arté- 


i 


mities  :  c'était  pendant  leur  cHébÊtL- 
tion  que  le  grand  prêtre  d'Apollon  pre- 
nant possession  de  sa  charge,  réunis- 
sait dans  un  banquet  tous  ceux  qui 
l'avaient  eue  avant  lui. 

Les  à€tbes  gbands  dieux.  — 
Cyrène  célébrait  aussi  des  Olympien- 
nes en  l'honneur  de  Jupiter,  qu'elle  ap- . 
pelait  Élinymène  ou  immuable.  Et  qui 
pourrait  oublier  Ammon,  ce  Jupiter 
Libyen  que  les  colons  grecs  considérè- 
rent comme  le  même  dieu  que  le  maî- 
tre de  l'Olympe,  et  dont  le  culte,  dé- 
bordant sur  la  Grèce,  s'introduisit  à 
Thèbes,  à  Sparte,  à  Athènes,  à  Elis? 
IVous  avons  rencontré  en  outre ,  dans 
l'histoire  de  l'expédition  d'Amasis  con- 
tre Barkè,  la  mention  du  tertre  de  Ju- 
Siter  Lycéen,  dont  le  nom  avait  sans 
oute  été  rapporté  en  Libye  par  Dé-  - 
monax  de  Mantinée.  Enfin  des  mon- 
naies cyrénéennes  offrent  également  la 
tête  de  Jupiter.  * 

La  déesse  qui  naquit  tout  adulte  de 
cette  tête  sàèrée,  avait  pour  sa  part 
les  fêtes  Palladiennes,  et  des  monnaies 
à  son  efQgie;  le  pharaon  Amasis  lui 
avait  consacré  une  statue  à  Cyrène  ;  et 
son  image  s'est  retrouvée  encore  par- 
mi les  ruines  de  Bérénice. 

Après  les  dieux  du  ciel,  ceux  des 
eaux.  Le  culte  de  Neptune  avait  été 
porté  du  Ténare  aux  rivages  iibyques 
sur  les  vaisseaux  des  Minyens,  et  s'é- 
tait répandu  même  chez  les  barbares; 
Synesios  mentionne  un  de  ses  temples 
dans  la  Cyrénaïque  :  il  était  invoqué 
tour  à  tour  sous  l'épithète  d'Amphi^ 
baios  par  allusion  au  circuit  de  l'O- 
céan, et  sous  celle  de  Pellanios  eu 
égard  à  la  sombre  couleur  des  profon- 
des eaux.  —  La  déité  charmante  née 
de  leur  écume  donnait  son  nom  d'A- 
phrodite à  une  petite  île  de  la  côte  ; 
elle  avait  un  temple  et  des  jardins  aux 
portes  de  Cyrène ,  où  sa  statue  avait 
été  placée  par  Ladice,  épouse  de  Té- 
gyptien  Amasis;  un  autre  temple  lui 
était  consacré  dans  une  Ile  du  lac  Tri- 
tonide.  Nous  aurions  à  mentionner  de 
plus  ici  la  colline  des  Grâces,  si  elle  ne 
se  fût  trouvée  en  dehors  des  lin^ites 
de  la  Cyrénaïque.— L'époux  de  la  gr^ 
cieuse  déesse,  le  noir.VqloaiQ  nom 


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AFRIQUE  ANOÊNNE. 


109 


montre  aussi  sa  figure  sur  quelques 
pierres  gravées  recueillies  parmi  les 
mines  de  Bérénice. 

Venons  aux  dieux  terrestres.  An 
dire  de  Macrobe,  les  Cyrénéens  attri- 
buaient à  Saturne  IMnTention  du  miel 
et  des  fruits,  et  pour  célébrer  sa  fête, 
ils  se  couronnaient  de  figues  fraîches, 
et  s'envoyaient  réciproquement  des  gâ- 
teaux. Ils  observaient  les  Telluries  en 
Tbonneur  de  Cybèle,  dont  la  tête  cou- 
ronnée de  tours  se  voit  sur  quelques 
monnaies  de  la  Cyrénaïque.  D'autres 
offrent  la  tête  de  Bacchus  ;  on  trouve 
d'ailleurs,  parmi  les  ruines  de  Cyrène, 
plus  d'un  vestige  du  culte  de  ce  dieu , 
et  Ton  aperçoit  encore  à  Teukhira  les 
vestiges  d'un  temple  qui  lui  était  con- 
sacré. 

Les  dieux  sbgondàibes  ou 
iTBANGEBS.  —  Quant  aux  demi- 
£eux,  un  temple  dédié  aux  Dioscures 
s'élevait  sur  la  place  de  Cyrène,  et  un 
village  s'était  paré  de  leur  nom  ;  un 
temple  d'Hercule  existait  sur  le  rivage 
près  de  Paliouros;  des  pierres  gravées 
recueillies  sur  l'emplacement  de  Béré- 
nice nous  offrent  son  image ,  et  son 
nom  jetait  attaché  à  [diverses  locali- 
tés de  la  Cyrénaïque  ;  la  nymphe  Cy- 
rène et  son  fils  Aristée  étaient  l'objet 
d'une  vénération  particulière,  à  cause 
des  traditions  qui  les  faisaient  inter- 
venir dans  la  fondation  de  la  colonie 
greoque. 

Outre  ces  dieux  de  la  Grèce,  les  Cy- 
rénéens recurent  des  étrangers,  et  mê- 
me des  barbares,  certaines  divinités  et 
certains  rites  dont  il  convient  de  consta- 
ter au  unoins  la  trace;  ainsi  les  anténo- 
lîdes  Glaucus,  Érymanthe  et  Hippo- 
loqiw,  qui  passaient  pour  s'être  établis 
chez  Anonax  roi  des  Libyens,  sur  une 
eeUine  située  entre  Cyrène  et  la  mer,  et 
à  laquelle  ils  laissèrent  leur  patronyme, 
forent  placés  par  les  colons  grecs  au 
rai^  de  leurs  héros  mythologiques, 
lor^ja'ils  vinrent  eux-mêmes  prendre 
possession  de  ce  lieu.  —  A  l'ouest  de 
Qfiène,  sur  la  côte  voisine,  se  trouvait 
VI  petit  temple  à  Aptoukhos ,  sans 
ésiite  un  dieu  libyen,  sur  lequel  nous 
n'avons  aucune  autre  lumière,  mais 
foà  semUe  pomrtant  avoir  donné  son 


nom  à  une  bourgade  obscure  de  l'A- 
frique au  delà  des  Syrtes.  —  Divers 
rites  avaient  été  empruntés  à  l'Egypte, 
dont  le  voisinage  ne  pouvait  manquer 
de  faire  sentir,  sous  ce  rapport^  son 
influence  :  nous  savons  que  les  femmes 
de  Cyrène  observaient ,  en  l'honneur 
d'Isis,  des  jeûnes,  des  jours  de  fêtes, 
et  l'abstinence  de  la  chair  de  vache  ; 
par  quelque  motif  analogue  les  Bar- 
céennes  s'abstenaient  en  outre  de  la 
chair  de  porc. 

Caractère  national. 

Jusqu'à  quel  point  les  BOimiES 

ETHNOLOGIQUES  PEUVENT  SEBVIB  A 
BÉTEBMINEB  LES  INSTINCTS  NATIO- 
NAUX. —  Ce  serait  une  étude  vérita- 
blement curieuse ,  mais  complexe  et 
ardue,  que  de  rechercher  à  priori,  dans 
la  proportion  relative  et  l'influence  ré- 
ciproque des  éléments  divers  dont  l'a- 
grégation forma  la  population  cyré- 
néenne,  la  résultante  générale  oui  dut 
constituer  le  caractère  national  ae  cette 
population ,  et  de  vérifier  ensuite  par 
les  faits  de  l'histoire  les  indications  de 
la  théorie.  Malheureusement  la  pkipart 
des  données  essentielles  du  problème 
échappent  à  notre  investigation  :  car 
nous  n'avons,  sur  les  races  antiques 
d'où  prenaient  leur  origine  les  divi- 
ses fractions  de  la  colonie  grecque  de 
Libye,  aucune  notion  assez  précise 
pour  qu'il  soit  possible  de  formuler  les 
caractères  ethnologiques  de  chacune 
de  ces  races,  dont  quelques  érudits  se 
sont  complu  de  nos  jours  à  faire  res- 
sortir avec  une  ingénieuse  finesse  l'af- 
finité ou  l'antagonisme  politique,  com- 
me de  sûrs  indices  de  la  parenté  ou  de 
l'opposition  généalogiques. 

il  s'est  manifesté  néanmoins,  dans 
la  vie  sociale  des  différentes  popula- 
tions grecques, quelques  traits  saillants 
oui  sans  être  peut-être  caractéristiques 
a'une  origine  diverse,  accusent  au 
moins  une  différence  de  civilisation 
assez  marquée  pour  n'avoir  échappé  à 
personne;  si  bien  que  les  noms  de 
Sparte  et  d'Athènes  rappellent  forcé- 
ment et  immédiatement,  aux  esprits 
les  plus  vulgaires,  les  termes  extrêmes. 


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fttO 


L'^l^IVERS. 


4e  la  ptQgfeasHon  par  kqoelle  les  uar 
tioos  grecque*  s'echeloonaient  entre 
elles  (kpuis  une  grossière  rudesse  jus- 
qu'à la  politesse  la  plus  raffinée. 

Mais  si  Ton  traouit  le$  noms  4^ 
Sparte  et  d'Athènes  par  les  dénomi- 
nations génériques  de  Doriens  et  dlo- 
pleas,  peut*Qn,  même  en  forint  Tex- 
pressioB  de  leur  antagonisme  jusqu'à 
oublier  les  anneaux  intermédiaires  for* 
mes  par  les  Éoliens  et  les  Achéens, 
méconnaître  encore  qu'ils  ont  eu  tous 
un  père  commun  dans  Heilen?  Il  est 
vrai  qu'on  attribue  à  rinfloence  étran- 
gère des  Pélasges  asiatiques  cette  dé- 
générescence ou,  si  on  aime  mieux^  ce 
progrès  qui  détermina  le  caractère  spé* 
cial  d'élégance  et  de  mollesse  des  Iq« 
niens  ;  mais  que  sait-on  avec  précision 
et  certitude  des  Pélasges  eux-mêmes  ? 

On  n'est  guère  plus  avancé  quant 
aux  immigrations  aostre-orientales  des 
Inacbides ,  des  Géeropides ,  des  Cad« 
méens,  des  Lélèçes  et  aes  Danaëns,  dé- 
puis que  le  système  d'explication  Bya^ 
Bolique  introduit  dans  1  histoire  vient 
à  la  fols,  arme  à  deux  tranchants^  dé- 
truire d'une  part  le  voile  mythique 
sous  lequel  on  suppose  eachés  w  faits 
traditionnels ,  et  d'autre  part  le  pré^ 
tendu  masque  historique  derrière  le- 
quel on  suppose  que  se  cache  un  m|r- 
Xm,  Que  penser,  au  milieu  de  ce  bou- 
leversement d'idées,  desdénominations 
dé  Danaëns  et  de  Cadméens  qui  se  trou- 
vent mêlées  aux  indications  ethnolo- 
giques touchant  la  formation  originaire 
de  la  population  cyrénéenneP 

ÉLÉMENTS  PBINGIPAUX  DE  LA.  P0« 
PULÂTION  CYfiÉNÉEHNB  AU  POINT  DR 
TUE  ETHNOLOGIQUE  :  LES  LIBYBNS 
INDiOBOIES^  LES  COLONS  GBECS,  LES 

Juifs  tbansplantbs.  —  Sans  pré- 
tendre aborder  de  si  haut,  ni  avec  un 
tel  dédain  des  vieilles  croyances  histo- 
riques, une  question  qui  se  présente  à 
nom  entourée  de  tant  de  diificultés  et 
d'incertitudes,  bonions-nous  à  rappe* 
1er  d'une  manière  générale  que  la  co- 
lonie grecque  établie  sur  le  sol  libyen 
8*ëtait  formée  d'un  premier  no^^au  thé- 
réen,  près  du<piel  s  étaient  ultérieure- 
ment implantes  d'autres  rameaux  bel- 
lèseBypoorjetereBsemblelewrs  raoines 


exotiques  sur  une  terre  qui  avait  elle- 
noême  ses  rejetons  autochtli^oes,  étouf- 
fés peut-être  sur  les  points  où  l'implan- 
tation grecque  fut  plus  dense,  mais 
qui  durent  s  y  entremêler  dans  le  pour- 
tour, bien  qu'ils  ne  se  développassent 
plus  dans  toute  leur  vigueur  qu'à  de 
plus  grandes  distances  des  lieux  en- 
vahis» 

.  Ainsi ,  dans  les  premiers  siècles  de 
son  existence  4a  population  cyrénéenne 
fiit  grecque  au  centre  et  lil^enne  à  son 
extrême  circonférence  ;  puis  dans  le 
centre  même,  indépendamment  de  tou- 
tes les  accessions  étrangères  successi- 
vement amenées  par  les  relations  po- 
litiques et  par  le  commerce,  mais  qui 
durent  se  perdre  dans  la  masse  hellé- 
nique, il  fut  introduit  un  élément  asia* 
tique,  important  par  le  noeabre  autant 
que  par  le  défaut  B'affinité;  je  veux 
parler  des  juifs  que  le  premier  Ptolé- 
mée  transplanta  dans  les  villes  de  la 
Pentapole. 

Trois  peuples,  non^^ulement  dis- 
tincts^ mais  encore  bétéro^nes,  se 
trouvaient  donc  juxtaposés  sur  le  mé* 
me  sol  :  l'un  en  dehors  4e  la  cité,  tes 
Libyens,  anciens  possesseurs  du  paya^ 
des  deu¥  autres,  exerçant  à  des  titrés 
divers  leurs  droits  politiques  dans  les 
mêmes  villes,  l'un  nouveau-venu,  leè 
Juifs  tansplantés  de  Syrie  ;  T^autre  an- 
ciennement établi  «t  réunissant  en  un 
seul  faisceau  tous  les  éléments  qui  pou^ 
vaient  prétendre  au  nom  d'fiellènes» 

Décomposition  de  l'élément 
OBEC    :     Cadméens  ,     Ëoliens  , 

ACHÉENS;  PÉLOPONÉSIBNS  ET  CbB- 

Tois;  insulaibbs  de  la  mbb  Ëgéb. 
^  Les  colons  hellènes  avaient  été 
groupés  par  Démonax,  ainsi  qu'on 
peut  se  le  rappeler,  en  trois  Iractions, 
eu  égard  à  leur  ori^ne, savoir  :  en  pre- 
mier lieu  les  Théreens  avec  les  voisins 
immédiats  qu'ils  s'étaient  assimilés  , 
puis  les  Péioponésiens  avec  les  Cre- 
tois, et  enfin  les  insulaires  de  la  mer 
Egée.  Chacun  de  ces  groupes  était, 
comme  on  le  voit,  formé  lai-mémê 
par  l'agglomération  de  plusieurs  élÀ> 
ments.  Dans  le  premier  surtout  leÉ 
éléments  étaient  nombreux  et  divee^ 
£l  d'abord)  oés  voffiias  iaooiédiàtSf  cellt 


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AFKIQlJË  ArrcIENNE. 


bot^tilation  ambiante  (Tceproixot), ces  gens 
delà  baolieue comme  ijous dirions  au- 
jourdliui  che2  noés,  semblent  ne  t)oa- 
?oir  être  que  des  Libyens  sédentaires 
de  la  èôte  soumis  par  les  coloné  thé- 
réens,  et  fondus  dans  Tagrégation 
commane;  et  quant  aux  Théréens,  On 
doit  se  souvenir  qu'ils  devaient  leiir 
oril^oè  à  une  association  de  gens  d'A- 
myelée  en  Laconie,  de  Minyens,  et  de 
Cadmëens.  Ces  derniers ,  établis  en 
p^i)é  d'adcienne  date ,  en  partie  re- 
otUl  avëe  "Phéras,  étaient,  suivant  Po- 
pinlbn  vulgaire  et  probable,  de  race 
bbéniéîétine;  les  Minyens,  quoique  nés 
a  Leninos ,  avaient  pris  origine  à 
lolcbos  en  Thessalie,  et  paraissent  dé- 
voir être  rapportés  à  la  Camille  éolteii- 
ne;  et  le  seul  élément  laconien  de 
Tassoeiation  appartenait  à  la  famille 
acbéehiiie. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  lés 
Dorieiià  étant  devenus  maîtres  de  la 
Laconie  lors  du  retoutdes  Héradi- 
des,  et  leur  domination  s'étant  éten- 
due et  consolidée  à  Théra ,-  les  Thé- 
réens eux-mêmes  furent  compris  dans 
la  Emilie  dorienne  dont  ils  subissaient 
à  la  fois  Tautorité  politique  et  Tin- 
floenc^  Sociale,  et  dont  ils  prirent  le 
langagë,toit  parce  que  la  langue  du  maî- 
tre s'in^tronise  d'ordinaire  chez  lés 
sujets ,  soit  peut-être  aussi  parce  que 
radobtion  s  en  trouvait  fevorisée  par 
la  différence  mutuelle  des  dialectes 
des  trois  populations  réunies,  et  par 
h  t^irédominance  de  la  firactioa  éolien- 
Â^  dont  l'affinité  était  plus  grande 
kféb  tes  habitudes  doriennes.  Quoi 
ttrïl  ë&  àoit,  il  est  manifeste  que  les 
TWrëédS,  déjà  compris  dans  la  natio- 
iudlté  dorienne  au  moment  de  leur 
dition  coloniale  en  Libye,  appor- 
dans  leur  établissement  cette 
nationalité  dorienne,  avec  la 
;  qui  en  était  le  caractère  exté- 
Ile  plus  apparent. 

Ce  n*est  point  à  dire,  toutefois,  que 
la  sdmrenir  y  fût  perdu  de  la  distinc- 
IkRvta^^rôrdiale  des  trois  éléments 
Mlmil  et  confondus  sous  une  déno- 
ft^lbitlôn  commune  :  les  traditions  re- 
jttéiUiès  bar  Hérodote  en  font  foi,  sur- 
mk  à  f^sard  des  Gadméens  et  des 


m 

Minyens,  m  dér«idantlés.gdnéak»ite 
du  cadméen  Tbéras  et  du  mmyen  Bat- 
tos  ;  Denys  le  périégète  et  son  traëcw- 
teur  PHscien  ont  rappelé  dans  kiics 
vers  l'origine  amydeôine  des  Cyrê- 
néens  (*);  et  Pindare,  qui  a  consacré 
par  ses  obants  la  tradition  antique  des 
Égides  (**)  et  des  Minyens  (***),  donne 
aussi  aux  fondateurs  deCyrène  le  nom 
de  Danaëna  (****),  comme  si  Tinfluence 
de  l'immigration  condntte  par  Danaiis 
chez  les  Achéens  d'Argos  se  iùi  éten- 
due à  tous  ceux  du  Péioponèse  avant 
que  la  conquête  dorienne  les  eût  dé- 
placés. Ainsi  le  premier  noyau  de  io 
population  de  Cyrène,  il  est.  bon  de  le 
constater,  n'avait  de  dorien  ifue  le  nom 
et  le  langage.  ^ 

Le  deuxiénw  groupe,  dans  lequel 
figuraient  les  Péloponesiens  et  ks  Cre- 
tois, était,  suivant  toute  apparence, 
empreint  davantage  de  la  nalionalite 
dorienne  :  il  est  présumable  qu'il  était 
au  moins  conduit  par  des  cnefs  do- 
riens,  dans  le  nombre  desquels  se  trou- 
vait même  quelmjte  Héradide,  puisque 
le  cyrénéen  Synésios,  près  de  dix  siè- 
cles après,  faisait  remonter  sa  géitéa- 
logie^  par  Ëurysthènes,  jusqu'à  fiêr- 
cule. 

Quant  aux  nésiotes  on  insulaires 
réunis  dans  le  troisième  ^upe,  nous 
n'avons  aucune  désignation  certaine 
de  la  famille  à  laquelle  ils  appartenaient 

(*)  KvpTJvti  T*  feûtincoç  'ApvxXoiîayv  y«voç 
àvSpûW. 

Dents,  Périégèse,  v.  *x3. 
Necnon  Cyrene  darorum  mater  equoriiin, 
Urbis  Amjcla;»  populus  quam  condidit  oKtn. 

Priscikn,  Périégèse,  v,  X97'S. 
(**)  'OOev  yevevafiivot 
txovTO  BvjpavSe  fû* 
T8C  AlfEldiat,  èfjLOt  iiaT^cc. 
PiKDARs,  Pftftipies,  V,  Amistr.  3. 
(***)  ....  TÔSe yàç  y«v««  Ev- 
fdtpiou  çuTsuOèv,  XoiicÀv  alei 
tùXsxQ ,  yuaX  Aaxeôai- 
uov{(i>v  tu^dévre;  àvSpûv 
fjôeffiv,  iv  uoTe  KaX- 
XCorav  dittpXYicrav  XJ?^i^ 
vôwov. 

PuTDARft,  Pfthhfues,  r¥,'Slr.  ne 
(****)  AX[i.é  o\  icetvxv  Xàôe  (rtv  sioeyKdTc 
e^étttv  di^eipov. 


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lis 


L'UNIVERS* 


dans  la  dhrisioo  etimologique  de  THel- 
lade;  mais  eo  consultant  les  conve- 
nances géographiques  de  proximité 
tant  à  l'^ara  de  Delphes  d'où  partait 
l'oracle  qui  détermina  leur  émigration 
qu'à  l'égard  de  Cyrène  qui  en  était  le 
but,  on  doit  regarder  conune  infini- 
ment probable  qu'ils  venaient  des  Cy- 
clades,  où  des  Pélasges,  des  Phéniciens, 
des  Cretois ,  des  Ëoliens ,  peut-être 
aussi  déjà  quelques  Ioniens,  avaient 
tour  à  tour  posé  les  assises  d'une  po- 

Eulation  mélangée,  au  sein  de  laquelle 
)  commerce  de  Délos  appelait  encore 
journellement  des  étrangers. 

Nous  ne  poserons  pas  ici ,  tant  il 
nous  semble  difficile  de  la  résoudre  , 
la  question  de  savoir  jusqu'à  quel  point 
la  distribution  ethnologique  dont  nous 
venons  d'esquisser  les  traits  princi- 
paux, se  trouva  conservée  ou  mécon- 
nue dans  la  distribution  politique  si- 
gnalée par  Josèphe  comme  existante  à 
Cyrène  au  temps  de  Sylla  et  de  Lu- 
eulius,  et  où  l'on  vit  figurer,  en  quatre 
classes  distinctes,  les  citadins,  les  pay- 
sans, les  étrangers  et  les  juifs;  toutes 
les  hypothèses  que  l'on  pourrait  être 
tenté  de  proposer  à  cet  égard  ne  se- 
raient fondées  que  sur  (Tarbitraires 
conjectures. 

Les  Gbecs  de  Cyabne,  comp- 
tés DANS  LA  FAMILLE  DOBIENNE , 
AVAIENT  NEANMOINS  LES  MCEUfiS 
BAFFINÉES    DES    lONIENS.  —  Ce  quî 

ressort  au  moin^  de  ce  que  nous  ve- 
nons d'exposer,  c'est  que  la  population 
cyrénéenne,  formée  d'éléments  em- 
pruntés, dans  des  proportions  inégales, 
aux  diverses  races  helléniques,  dut 
présenter,  dans  le  développement  de 
ses  instincts  nationaux,  une  diversité 
de  caractères  conséquente  à  ces  pré- 
misses :  la  prédominance  dorienne  se 
manifesta  sans  doute  dans  la  consti- 
tution aristocratique,  dans  les  habitu- 
des agricoles,  dans  le  langage;  tandis 
que  les  races  assujetties,  bientôt  puis- 
santes par  les  richesses  que  procurent 
l'industrie  et  le  commerce,  révélèrent 
leur  turbulence  démocratique  dans  plus 
d'une  tentative  d'émancipation  dont  le 
succès  ne  profita  guère  à  la  consoli- 
dation  des  libertés  publiques. 


En  relisant,  avec  ces  Impressions, 

l'histoire  de  la  Cyrénaîque  depuis  l'ar- 
rivée de  Battus  jusqu'au  testament 
d'Apion,  on  sera  porté  à  s'expliquer , 

Ear  l'antagonisme  des  deux  principes, 
I  plupart  des  troubles  dont  elle  fut  si 
souvent  le  théâtre  ;  on  reconnattra,  ou 
l'on  croira  reconnaître,  ici  les  exigen- 
ces de  l'aristocratie  dorienne^  là  les 
caprices  de  la  démocratie  tels  qu'ils 
étaient  habituels  aux  Ioniens.  Nous  ne 
voulons  point  formuler  nous-mêmes 
ces  explications  de  détail  :  qu'il  nous 
suffise  de  les  avoir  indiquées  d'une 
manière  générale,  laissant  à  la  pru- 
dence de  chacun  des  interprétations 
tantôt  plausibles,  tantôt  spécieuses  , 
tantôt  aussi  fort  aventurées. 

D'autres,  d'ailleurs,  voudront  expli- 
quer les  mêmes  faits,  et  jusqu'à  cet 
antagonisme  dont  on  lait  nonneuf  à 
l'esprit  de  famille,  par  des  circonstan- 
ces tout  à  fait  indépendantes  des  faits 
ethnologiques ,  telles  que  l'opposition 
des  intérêts  individuels,  Tesprit  de 
corps,  lajdifférence  des  directions  pri- 
ses sur  la  grande  voie  de  la  civilisation 
et  du  progrès  social.  A  ce  compte,  le 
caractère  national  des  Cyrénéens  au- 
rait été  le  produit,  non  des  instincts 
héréditaires,  mais  de  l'influence  mu- 
tuelle des  institutions  politiques,  et  du 
développement  industriel  et  commer- 
cial déterminé  par  la  richesse  du  sol 
et  la  facilité  des  communications  ma- 
ritimes. 

On  ne  peut  du  moins  se  dissimuler 
que,  dorienne  par  le  langage  et  la  dé» 
rivation  politique,  et  se  reconnaissant 
comme  telle,  la  population  cyrénéenne 
se  distingua  bien  moins  par  la  sévérité 
des  mœurs,  Téconomie,  la  sobriété,  le 
patriotisme,  la  vertu  guerrière,  qui  fi- 
rent la  gloire  de  Sparte,  que  par  les 
mœurs  élégantes,  le  luxe,  la  mollesse, 
la  turbulence ,  l'amour  des  lettres  et 
des  arts,  qui  firent  la  célébrité  d'A- 
thènes. 

Elle  poussa  même  bien  plus  loin 
qu'Athènes  l'amour  du  bien-être,  îa 
recherche,  la  sensualité,  l'ostentation. 
Le  poète  comique  Alexis,  cité  par 
Athénée,  avait  mis  en  scène  le  luxe 
des  festins  à  Cyrène  :  quelqu'un  in- 


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vîte*t4i  im «ni  àdtaef ?  Yoilà  aussitôt 
dix-huit  autres  convives,  dix  Toiture»^ 
quinze  attelages  à  héberger!  —  Qui 
ne  sait  d*aii|eurs  que  l'école  pbiloso« 
pbique  cyrénéenne  avait  pour  doctrine 
4iue  le  bonheur  est  dans  le  plaisir? 

Ce  n'est  point  toutefois  d'un  seul 
bond  que  la  colonie  dorienne  de  Libye 
put  arriver  à  ce  raffinement  de  mœurs; 
et  la  ci^iilisation  plus  rude  des  monta- 
gnes de  la  Laconie.  ne  dut  s'oublier 
Sue  progressivement,  à  mesure  que  le 
éveloppement  des  ressources  agrico- 
Jes  et  commerciales  amenait  une  opu-* 
leuce  corruptrice. 

agriculture  et  commerce;  Revenus 
publics;  monnaies. 

Pboductions.  —  Établis  sur  un 
sol  éminemment  fertile,  les  colons 

§recs  durent  y  continuer  avec  autant 
e  goût  que  de  succès  et  d'avantages 
la  vie  agricole  et  pastorale  à  laquelle 
ils  se  trouvaient  déjà  façonnés  ;  aussi 
ne  doit'On  pas  être  surpris  que  l'idée 
de  richesse  et  de  bien-être  fût  attachée 
pour  eux  à,u  mot  ôiitcvio;  (*).  Le  blé , 
le  riz,  la  vigne,  J'olivier,  couvraient  la 
majeure  partie  de  leurs  terres  ;  leur 
huile  était  la  meilleure  qui  fût  au 
monde.  Synesios  vante  aussi ,  plus 
tard,  la  qualité  du  miel  de  Cyrene, 
moins  vanté  toutefois  que  celui  du 
mont  Hymette;  au  surplus  la  cire  et  le 
miel  sont  restés  un  dés  principaux 
articles  d'exportation  de  ce  pays.  D'im- 
menses pâturages  nourrissaient  de 
nombreux  troupeaux  de  bœufs ,  de 
pourceaux,  de  chèvres,  et  surtout  de 
brebis  au  doux  lainage,  et  de  chevaux 
de  race  supérieure  :  tout  cela  se  re- 
trouve encore  chez  les  nomades  d'au- 
jourd'hui. 

Leurs  céréales,  leur  huile,  leur  miel, 
la  laine  et  les  cuirs  de  leurs  troupeaux, 
leurs  chevaux  même ,  étaient  sous  leur 
main  pour  fournir  les  éléments  d'uu 
commerce  d'exportation  considérable: 
la  nature  leur  offrait  spontanément 
d'autres  articles  plus  précieux,  tels  que 

(*)  C'csl-à-dîre',  ayant  en  abondance  les 
firuits  de  la  terre. 


AFRJQlfE/AîîaEPNNE. 


m 


Rome. 
8*  U^raison.  (Afrique  ancienne.) 


le  silphion  si  rare  ft  si  recherché,  le 
safran  odorant ,  la  rose,  principe  des 
plus  suaves  parfums,  le  spbagnQs  mus- 
qué, le  concombre  aux  verbs  médici- 
nales, enOn  le  bois  de  genévrier  si  es- 
timé à  Athènes  sous  le  nom  de  thvon, 
à  Rome  sous  celui  de  citrus,  pour  l'or- 
nement des  meubles  de  luxe.  La  chasse 
mettait  de  plus  à  leur  disposition  les 
magnifiques  plumes  de  l'autruche  ;  et 
l'exploitation  des  mines  leur  procurait 
le  sel  limpide  d'Ammon  et  la  craie  de 
Parétonion.  On  peut  supposer  que  l'or 
de  l'Afrique  centrale  parvenait  jusqu'à 
eux  par  la  voie  du  commerce  indigène, 
dont  le  temple  d'Ammon  était  peut- 
être  le  comptoir. 

CoMMEHCE.— Placée  entre  Alexan- 
drie et  Carthage,  Cyrène  eut  dans 
Tune  et  dans  l'autre  de  dangereuses 
rivales,  dont  l'active  concurrence  dut 
nuire  beaucoup  à  l'extension  de  son 
commerce  d'échanges  avec  les  peuples 
reculés  dans  le  continent,  attendu  la 
facilité  qu'avaient  l'une  et  Tautre  de 
recevoir  directement  aussi  par  la  val- 
lée du  JNil  ou  par  le  Fezzân  les  pro- 
duits de  l'Ethiopie  intérieure.  Mais 
Cyrène  avait  des  produits  que  ses  ri- 
vales même  étaient  forcées  de  venir 
prendre  chez  elle  :  Alexandrie  lui  de- 
mandait le  silphion  et  le  thyon,  qu'elle 
consommait  sur  place  ou  qu'elle  réex- 
portait à  son  tour,  et  les  Carthagi- 
nois soutiraient  par  leur  comptoir  de 
Charax  le  silphion  de  la  Cyrénaïque 
occidentale,  en  échange  des  vins  de 
luxe  qu'ils  apportaient  de  la  Sicile  et 
de  la  grande  èrèce. 

Cette  précieuse  denrée  était  telle- 
ment recherchée  que  l'on  fit  sur  plu- 
sieurs points,  notamment  dans  le  Pé- 
loponnèse et  dans  l'Ionie  asiatique  , 
mais  partout  sans  aucun  succès,  des 
tentatives  d'acclimatement  et  de  natu- 
ralisation de  la  plante  qui  sécrétait 
cette  substance  merveilleuse.  Aussi, 
rionie  par  la  voie  de  Samos,  le  Pélo- 
ponnèse par  celle  de  Cythère,  en 
étaient-ils  directement  approvision- 
nés par  les  navires  de  Cyrène,  c(tii 
l'apportaient  aussi  en  Crète,  en  Chy- 
pre, à  Athènes,  en  Sicile,  et  jusqu"*à 


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114 


tVïllVËlLS, 


AéV«!IÙSI  ïtitfdÉj  «0N*À1ÉS.  — 

Les  droite  d'exportation  et  d'importa-^ 
tion  sur  Ié9  itiafchandiseâ  devaient 
cohcourir  à  former ,  avec  ïe  produit 
des  terres  domaniales,  les  principales 
ressources  du  trésor  public.  L'or  et 
IVgent  monnayés  abondaient,  ainsi 
que  le  démontre  la  variété  des  ty^ 
pes  et  des  modules  monétaires  parve^ 
nus  jusqu'à  nous  ou  mentionnes  par 
les  anciens  écrivains  :  à  ne  parler  que 
des  monnaies  d*or ,  le  lexicographe 
PoUux  constate  Texistence ,  chez  les 
Cyrénéens,  de  tétrastatèreâ,  de  statè- 
res,  de  demi-statères,  et  de  pièces  dé 
cinquante  drachmes  (*).  Il  n'est  pas 
moins  vrai  que  le  tribut  imposé  par 
Rome  à  la  Cyrénaïque  fiit  exigé,  pour 
partie  au  moins,  en  nature,  et  que  le 
Silphion  notamment  était  reçu  et  dé- 

S  osé  par  les  questeurs  dans  le  temple 
e  Saturne. 

Éléments  de  farce  matérielle. 

PutSSÀNCE  MARtTlMÊ.  —   L'étCU- 

due  et  l'activité  du  commerce  mari- 
time des  Cyrénéens  durent  les  rendre 
habiles  dans  l'art  de  la  navigation  et 
dans.ceiui  des  constructions  navales  ; 
la  renommée,  ainsi  que  le  constate 
Pline,  leur  attribuait  l'invention  des 
lembes,  embarcations  légères  et  rapi- 
des, que  les  Romains  adoptèrent  plus 
tard  pour  leurs  stations  flottantes  dans 
les  grands  fleuves  (**).  Quand  le  prince 

(*)  Le  stalère  d'or  comptait  pour  20 
drachmes  d'argent,  et  vaudrait  pour  nous, 
d'après  celte  base,  environ  ao  francs;  et 
dès  lors  le  tétrastatère  serait  de  80  ft-ancs , 
rtiémistatère  de  10  francs,  et  le  penteconta- 
drachme  de  5o  fraucs.  Mais  dans  ce  calcul, 
le  rapport  de  l'or  à  Targent  esi  seulement 
décuple,  tandis  que  chez  nous  ce  rapport 
est  de  près  de  16  à  i  :  les  monnaies  cyré- 
néennes  que  nous  venons  de  désigner  au- 
raient donc  pour  nous  une  valeur  intrin- 
sèque d'environ  3o  francs  pour  le  siatère , 
lao  francs  pour  le  quadruple,  i5  francs 
pour  le  demi ,  et  75  francs  pour  le  pente- 
conladrachme. 

(**)  Dai^  le  Rhin  et  dans  le  Danube;  et 
les  soldats  qui  y  étaient  employés  portaÎMit 
le  nom  de  Lembarii, 


Ir^male  t)6rléns  vouhit  tenter  de 
ronder  une  nouvelle  colonie  sur  les 
côtes  libyques(*),  il  trouva  à  Cyrène 
des  guides  qui  le  conduisirent  à  l'em- 
bouchure du  CynipSf  entre  autres  Phi- 
lippe fils  de  Butacides  4  exilé  de  Cro- 
tone,  qui  arma  à  ses  frais  une  trière 
et  y  embarqua  des  soldats  pour  le  sui- 
vre. Un  siècle  après  (**)  Cyrène  four- 
nissait de  même  à  une  flotte  Spartiate 
égarée  sur  ses  côtes,  deux  trières  et 
des  pilotes  pour  la  conduire  en  Sicile* 
.11  n*est  point  douteux  que  les  forces 
navales  aes  Cyrénéens  ne  fussent  res* 

Eectabies,  puisque  nous  savons  de  Sâl- 
iste  qu'ils  luttèrent  longtemps  sur 
mer  comme  sur  terre  éontre  les  Car- 
thaginois, pour  la  question  de  limites 
qui  fut  enfin  décidée  par  facte  de  dé- 
vouement des  frères  Phllènes. 

Chbvaux,  chabs.  — Un  autre  élé- 
ment de  force  militaire  qui  appartenait 
en  propre  aux  Cyrénéens,  c'était  la 
qualité  Supérieure  des  chevaux  du  pays» 
et  leur  habileté  à  les  dresser  au  trait 
par  attelages  de  deux  et  de  quatre  che- 
vaux de  front.  Ce  n'est  probablement 
point  en  vue  de  la  guerre  qu'ils  s'adon- 
naient à  cet  exercice  :  le  luxe,  l'élé^ 
gance,  l'amour-propre,  y  avaient  sans 
doute  la  meilleure  part,  et  la  victoire 
des  jeUx  olympiques ,  pythiques  ou 
iUhmiques,  était  celle  qu  ils  ambition- 
naient le  plus:  un  de  leurs  rois,  le  der- 
nier des  Arcésilas,  se  faisait  gloire  de 
remporter,  à  la  course  des  chars,  le  lau- 
rier pythique  (**)  et  l'olivier  d'Olym- 
pie(*');  l'antiquité  classiaue  a  de  mê- 
me conservé  les  noms  d  Eubotas  (*^) , 
de  Cratisthènes,  et  des  deux  Théocres- 
tes,  vainqueurs  également  à  la  course 
des  chars  dans  les  jeux  olympiques,  et 
dont  l'un,  le  premier  Théocrestes,  avait 
déjà  été  couronné  pour  le  même  genre 
de  course,  aux  jeux  isthmiques.  Anni- 
céris  conduisait  ses  chevaux  avec  une 
telle  dextérité ,  que  les  roues  de  son 
char,  après  avoir  tracé  en  cercle  leur 

(*)  En  Tannée  Siq  avant  l'ère  vulgaire. 
(**)  En  Tannée  4i3  avant  Tère  vulgaire. 
(*^)  L'an  466  avant  Tère  vulgaire. 
(**)  L'an  460  avant  Tère  vulgaire, 
(***)  L'an  364  avant  Tère  vulgaire. 


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AFRT(2nE  ANdEUNE. 


ornière,  passaient  et  Repassaient  sur 
^  même  trace  sans  s'en  écartef,  au- 
tant de  fois  qu'il  lui  plaisait.  Antici" 
pant  au  surplus  sur  nos  habitudes  mo- 
dernes^ les  Cyrénéens  se  voituraient  en 
char  dans  Penceinte  même  de  leur  ville. 
Mais  ce  raffinement  de  leur  vie  opulente 
tournait  au  profit  de  leur  puissance 
militaire;  car  ces  chars  si  commodes 
et  si  habilement  dirigés  étaient  d'un 
grand  effet  à  la  guerre,  soit  qu'ils  vins- 
sent déposer  inopinément  des  renforts 
de  troupes  fraîches  au  milieu  des  com- 
battants fatigués,  soit  que,  lancés  au 
sein  de  la  mêlée,  ils  doublassent,  par 
l'impétuosité  de  leur  course,  la  vigueur 
des  guerriers  qui  les  montaient.  L'équi- 
tation  était  aussi  dans  leurs  habitudes, 
et  la  garde  du  roi  se  composait  de 
trois  cents  cavaliers  choisis. 

ÊXEKCICES  GYMNASTIQUES.  —  Du 

reste ,  tous  les  exercices  gymnastîques 
propres  à  développer  l'agilité  et  la 
force  du  corps,  étaient  en  honneur 
chez  les  Cyrénéens ,  ainsi  que  le  cons- 
tatent de  nombreux  triomphes  dans 
les  jeux  publics  de  la  Grèce.  Télési- 
crates  fils  de  Carnéades,  deux  fois 
vainqueur  à  la  course  dans  les  jeux 
pythiques^  (*)  et  dans  d'autres  solen- 
nités à  Égine ,  à  Mégare ,  à  Cyrène 
même,  fut  chanté  par  Pindare  et  eut 
une  statue  à  Delphes  ;  les  Cyrénéens 
Polymnestes  {*"),  Eubates  (**),  Eu- 
botas  (**)  ,  Pauros  deux  fois  cou- 
ronné (*^ ,  Polyclès  (**) ,  Idéos  Nica- 
tor  (*-0 ,  Acusilas  (*^ ,  Mnaséas  (**) , 

(*)  Dans  les  a8«  et  3o*  pythiades,  478 
et  470  ans  avant  Tère  vulgaire. 

(*«)  Dàds  la  8i«  olympiade,  4^6  ans 
avant  Tère  vulgaire. 

(**)  Dans  la  gS»  olympiade,  40S  ans 
avant  Tèi-e  vulgaire^ 

('«)  Dans  la  104*  olympiade  «  364  a&^ 
avant  l'ère  vulgaire. 

(*<*)  Dans  les  io5*  et  io6*  oiympii^et» 
36o  ou  356  ans  avant  Père  vulgaire. 

(*')  Dans  la  io8«  olympiade,  349  ans 
avant  l'ère  vulgaire. 

(V)  Dans  la  ia6«  olympiade ,  376  ans 
avant  l'ère  vulgaire. 

C)  Dans  La  i65«  olympiade,  lao  am 
avant  l'ère  vulgaire. 

(**)  La  date  est  incertaine. 


remportèren!  téur  3  toûf  îe  prix  de  la 
(ioutse  à  Olympie  ;  le  barcéen  Amési- 
nesygagna  celui  dé  la  lutte  (*).  Élien 
nous  raconte  l'anecdote  d'Eurydamas 
de  Cyrène, vainqueur  au  pugilat  à  Olym- 
pie, qui  pour  dissimuler  un  désavan- 
tage momentané,  avala  les  dents  qu'un 
coup  vigoureux  de  son  adversaire  avait 
brisées  dans  sa  bouche.  On  pourrait 
encore  ajouter  ici  un  témoignage  re^ 
cueilli  par  Athénée  sur  le  goût  des 
Cyrénéens  pour  les  monomachies  ou 
combats  de  gladiateurs  à  Texemple  de 
ceux  que  Démonax  avait  établis  à 
Mantinée. 

Cuiturç  dès  arts  et  des  kUtes^ 
Philosophie. 

Beaux-arts,  langage,  poéi^e. 

—  S'ils  étaient  adonnés  aux  exercices 
du  corps  ^  ils  ne  négligeaient  pas  ceux 
de  l'esprit;  nous  ne  pouvons  guère 
juger  que  par  des  ruines ,  de  leurs 
talents  dans  les  arts  libéraux  :  deâr 
pierres  gravées,  des  médailles,  des 
vases  peints ,  des  restes  d'édifices 
écroulés ,  tels  sont  à  peu  près  les  seuls 
témoignages  que  nous  ayons  de  leur 
habileté  dans  la  sculpture ,  la  peinture 
et  l'architecture. 

Leur  histoire  littéraire  est  un  peu 
mieux  connue ,  malgré  la  perte  des 
cent  vingt  livres  que  le  cyrénéen  Cal- 
limaque  avait  consacrés  à  un  Tableau 
des  écrits  de  tout  genre.  Ils  avaient 
apporté  de  Théra  le  dialecte  dorien  ; 
le  voisinage  immédiat  des  tribus  li- 
byennes, de  fréquentes  relations  mer- 
cantiles avec  des  peuples  de  toute 
origine ,  durent  altérer  la  pureté  du 
langage ,  et  introduire,  au  moins  dans 
le  parler  usuel,  un  grand  nombre  de 
mots  et  de  locutions  étrangères  ;  mais 
les  écrivains  durent  prendre  d'autant 
plus  de  soin  de  se  tenir  en  garde  con- 
tre ces  indices  du  contact  des  barbares. 

Comme  dans  toutes  les  histoires 
littéraires,  c'est  la  poésie  qui  point 
d'abord  à  l'horizon  :  dès  le  temps  du 
second  Battos,  Eugammon  composait 

(*)  Dans  la  So«  olympiade,  4^0  ^ns  avant 
l'ère  vulgaire. 

8. 


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11<J  L'UNIVERS. 

en  deux  chants  son  poème  de  la  Télé- 
gonie ,  récit  des  dernières  aventures 
aÛlysse,  de  son  arrivée  chez  les  Thes- 
protes ,  et  de  sa  mort  sous  les  coups 
de  Tèlégone.  Il  faut  descendre  ensuite 
sous  les  Ptolémées  pour  rencontrer 
le  iyri(]ue  Callimaque  lui-même,  qui 
florissait  à  la  cour  de  Philadelphe ,  et 
dont  il  ne  nous  reste  qu'un  petit  nom- 
bre d'hymnes,  des  epigrammes,  et 
quelques  fragments  d*élégies;  il  ne 
reste  rien  de  son  neveu ,  le  poëte  épi« 
que  Callimaque  le  jeune.  Et  ce  n'est 
plus  qu'à  de  longs  siècles  d'intervalle , 
au  dernier  âge  de  Cyrène  province  des 
Romains,  que  Synesios  nous  donnera 
son  nom  à  inscrire  à  côté  de  ces  poètes, 
pour  les  hymnes  qui  se  trouvent  parmi 
ses  œuvres. 

GÉOGRAPHES  ,  GRAMMÀIBIENS  *, 
HISTOIRE,  MÉDECINE,  SCIENCES  MA- 
THÉMATIQUES. —  Plutôt  savant  que 
poète ,  Callimaque  l'ancien  avait  écrit 
de  nombreux  ouvrages  scientifiques, 
parmi  lesquels  il  y  en 'avait  d'histoire 
naturelle,  et  principalement  de  géo- 
graphie ,  sur  les  îles  et  les  villes  au 
point  de  vue  surtout  de  la  nomencla- 
ture comparative ,  sur  les  fleuves  de 
la  terre ,  sur  les  choses  remarquables 
des  diverses  contrées  du  monde.  Il 
devait  avoir,  pour  cette  dernière  scien- 
ce, une  affection  ou  une  aptitude  par- 
ticulière, car  la  vocation  des  élevés 
dépend  presque  toujours  de  celle  du 
professeur ,  et  Callimaque  compta 
parmi  ses  disciples  plusieurs  géogra- 
phes distingués:  Philostéphanos,  Is- 
ter,  et  le  grand  Êratosthènes.  Philo- 
stéphanos écrivit  un  livre  des  îles,  cité 
par  quelques  scholiastes;  Ister,  qui 
semble  avoir  été  un  esclave  cyréneen 
originaire  des  bords  du  Danube,  avait 


composé  un  recueil  de  documents  sur 
l'Attique,  des  Argoliques ,  et  un  livre 
des  colonies  de  l'Egypte,  dont  on  re- 
trouve quelques  minces  fragments  chez 
les  polvçraphes  ultérieurs;  quant  à 
Êratosthènes,  qui  fut  bibliothécaire 
des  Ptolémées  à  Alexandrie,  il  réunis- 
sait les  connaissances  les  plus  variées, 
mais  c'est  la  géographie  qui  a  fait  par- 
dessus tout  sa  renommée  ;  et  Strabon 
a  puisé  dans  ses  écrits  le  germe  de 


son  propre  chef-d'œuvre.  A  ces  noms 
géographiques,  nous  devons  ajouter 
encore  celui  du  cyréneen  Apellas,  dont 
Tâge  est  incertain,  et  qui  n'est  cité  que 
dans  l'abrégé  d'Artémidore*d'Éphese 
par  Marcien  d'Héraclée.  ^ 
,  Parmi  les  divers  précepteurs  dont 
Êratosthènes  avait  pris  les  leçons  à 
Cyrène,  on  compte  le  grammairien 
Lysanias;  ce  titre  de  grammairien 
n'était  pas  dédaigné  par  Callimaque , 
par  Ister ,  ni  par  Êratosthènes  lui- 
même.  Il  est  donné  encore  à  un  Apol- 
lodore,  un  Damon,  un  Démétrius- 
Stamnos,  tous  Cyrénéens  aussi,  mais 
dont  l'époque  est  incertaine,  et  l'exis- 
tence même  à  peine  constatée. 

Dans  le  champ  de  l'histoire ,  le  juif 
cyréneen  Jason  composa  en  grec,  vers 
Fan  160  avant  notre  ère,  sur  les  évé- 
nements de  son  temps  touchant  les 
Juifs,  cinq  livres  de  mémoires  qui  ser- 
virent de  guide  au  rédacteur  du  second 
livre  biblique  des  Machabées. 

Dès  le  temps  d'Hérodote,  l'école  mé- 
dicale de  Cyrène  était  vantée  comme 
la  plus  habile  après  celle  de  Crotone  ; 
et  pourtant  aucune  renommée  indivi- 
duelle ne  s'est  fait  jour  jusqu'à  nous  ; 
et  nous  n'aurions  pas  un  seul  nom 
propre  à  prononcer  dans  cette  catégo- 
rie, si  Sextus  Empiricus  n'avait  men- 
tionné un  traité  de  Polyante  le  Cyré- 
neen, sur  l'origine  des  Asclépiades  ou 
enfants  d'Ësculape. 

Si  nous  passons  aux  sciences  ma- 
thématiques, nous  aurons  à  citer  le 
géomètre  Théodore,  contemporain  et 
ami  de  Socrate,  et  dont  le  divm  Platon 
vint  à  Cyrène  écouter  le  docte  ensei- 
gnement ;  mais  nous  n'avons  pas  d'au- 
tre géomètre  à.  mentionner  après  lui. 
L'astronomie  ne  nous  offre  également 
qu'un  seul  nom ,  celui  de  Nicotélès  , 
Qont  nous  ne  savons  d'ailleurs  rien 
autre  chose  sinon  qu'il  avait  écrit  un 
mémoire  contre  l'astronome  Conon  de 
Samos. 

ÉCOLE  PHILOSOPHIQUE  DE  Cy- 
BÈNE  ,  ET  AUTRES  PHILOSOPHES  CY- 

BÉNÉENS.  —  C'est  la  philosophie  pro- 

Î>rement  dite  ^ui  fit  la  renommée 
ittéraire  de  Cyrène  ;  et  sur  cette  ma- 
tière l'antiquité  nous  a  l^ué  des  no* 

*•  Vil.  'huiH:,.c4M,/iM.^Mc^ 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


HT 


tions  plus  étendues  ;  mais  il  convient 
de  nous  borner  à  quelques  indications 
rapides,  afin  d'achever  à  grands  traits 
cette  esquisse  morale  de  Cyrène  an- 
tique. 

A  la  tête  de  tous  les  noms  que  nous 
avons  à  inscrire  m ,  vient  se  placer , 
dans  l'ordre  chronologique  comme 
dans  l'ordre  de  célébrité,  le  fondateur 
de  l'école  cyrénéenne,  le  fameux  Aris- 
tippe ,  tant  méconnu ,  tant  calomnié , 
amant  du  plaisir  et  sachant  le  dédai- 
gner ;  cet  homme  à  qui  allaient  égale- 
ment bien ,  suivant  l'expression  d'Ho- 
race {*) ,  toutes  les  couleurs,  toutes  les 
conditions ,  toutes  les  fortunes ,  car  il 
portait  avec  la  même  grâce  le  manteau 
de  pourpre  ou  la  robe  de  bure,  gar- 
dait auprès  des  tyrans  la  même  liberté 
d'esprit  que  dans  la  vie  privée,  et  mon- 
trait la  même  aisance  à  jouir  des  ri- 
chesses et  à  s'en  passer.  Disciple  de 
Socrate,  il  professa  d'autres  doctrines, 
qu'il  paraît  n'avoir  enseignées  que  sur 
ses  vieux  jours ,  quand  il  fut  rentré 
dans  sa  patrie ,  après  avoir  vécu  tour 
à  tour  à  Athènes,  à  Égine,  à  Syracuse. 
Aucun  de  ses  écrits  ne  nous  est  [)ar- 
vcnu ,  et  l'on  ne  saurait  juger  saine- 
ment de  ses  principes  par  les  mé- 
disances ou  les  calomnies  de  ses 
détracteurs  ;  il  semble  résulter  des 
mots  graves  ou  piquants ,  sérieux  ou 
enjoués,  qu'on  lui  attribue ,  qu'il  re- 
gardait le  bien-être  matériel  comme 
un  élément  essentiel  du  bonheur;  mais 
qu'il  faisait  consister  la  sagesse  à  sa- 
voir jouir  des  plaisirs  sans  leur  accor- 
der assez  d'importance  pour  les  fuir 
comme  un  danger,  ou  pour  subir  leur 
empire  comme  celui  d'un  besoin  indis- 
pensable. S'il  va  voir  Laïs ,  et  qu*on 
mi  en  fasse  reproche  :  «  £Ue  est  à 
«  moi ,  répond-il  ;  mais  je  ne  suis  point 
«  à  elle.  »  Si  son  esclave  est  fatigué  du 
poids  de  l'or  dont  il  est  chargé  :  «  Ne 
«  porte  que  ce  que  tu  pourras,  lui  dit- 
«  il ,  et  jette  le  reste.  »  Si  on  lui  de- 
mande pourauoi  il  vient  à  la  cour  de 
Syracuse,  il  répond  :  «  Pauvre  de 
c  science ,  j'allais  à  Socrate  ;  pauvre 

(*)  Omnif  Aristippam  decuit  color  et  status  et  res. 
HoK&CB,  Épftnst  I,  xTiz,  T.  a3. 


«  d'argeht,  je  viens  à  Denis.»  S'il  sol-  n;'«J.'Dc<*»|. 
licite  le  tyran  en  faveur  d'un  ami  (de  i^jv^* 
Platon  peut-être  !  ),  il  ne  rougit  pas  de  *'^******^  • 
pousser  ses  instances  jusqu'à  se  pros- 
terner ;  et  quand  on  a  le  courage  de  le 
lui  reprocher,  il  s'écrie  :  «  Est-ce  ma 
«  faute ,  à  moi ,  si  Denis  n'a  d'oreilles 
«  gu'à  ses  pieds?  »  Mais  si  Denis  ne 
lui  donne  à  sa  table  que  le  dernier 
rang  :  «  Ah  !  dit-  il ,  on  veut  que  cette 
«  place  devienne  la  plus  honorable.  » 
Et  si  le  tyran  ose  dire  qu'un  philoso- 
phe, en  venant  à  la  cour,  n'est  plus 
qu'un  esclave ,  de  libre  qu'il  était  au- 
paravant :  «  Non ,  non ,  réplique  aus- 
«  sitôt  Aristippe;  un  philosopne  n'est 
«  point  à  la  cour  un  esclave,  s'il  était 
«  libre  avant  d'y  venir.  »  Et  quand  on 
lui  demande  quel  est  le  mérite  d'un 
philosophe  :  «  De  n'avoir  rien  à  chan- 
«  ger  à  sa  vie,  se  borne- t-il  à  répon- 
«  dre ,  soit  qu'il  y  ait  ou  n'y  ait  point 
«  de  lois.  »  Sa  philosophie,  voisine  de 
celle  d'Épicure ,  qui  nnit  par  l'absor- 
ber, en  différait  pourtant  en  ce  que  la 
volupté  se  trouvait  davantage,  pour  le 
Cyrénéen,  dans  le  bien-être  matériel , 
tandis  que  les  jouissances  intellectuelles 
et  morales  tinrent  une  plus  grande 
place  dans  le  système  du  dernier. 

L'école  d'Anstippe  se  continua  d'a- 
bord par  ses  propres  disciples ,  Anti- 
pater  de  Cyrène,  Ptolémée  1  Éthiopien, 
et  sa  propre  fille  Arété,  qui  transmit 
sa  doctrine  à  son  fils,  nommé  Aristippe 
comme  son  aïeul ,  et  surnommé,  avec 
juste  raison,  Métrodidacte  ou  élève 
de  sa  mère.  Mais  bientôt  la  secte  cj;- 
rénaïque-  se  partagea  en  trois  subdivi- 
sions, les  Hégésiaques,  les  Ânnicériens, 
et  les  ïhéodoriens  ;  les  premiers  pro- 
fessaient les  opinions  d'Hégésias,  dis- 
ciple de  Parébates,  qui  était  disciple 
d'Épitimèdes,  disciple  lui-même  d'An- 
tipater;  les  seconds  eurent  pour  chef 
un  autre  disciple  de  Parébates,  Anni- 
céris,  qu'il  ne  faut  pas  confondre, 
comme  le  fait  Diogène  de  Laérte,  avec 
son  homonyme  l'habile  conducteur  de 
quadriges,  par  lequel  Platon  fut  ra- 
cheté de  l'esclavage  ;  les  derniers  sui- 
virent les  leçons  de  Théodore,  disciple 
d' Aristippe  le  jeune ,  et  auteur  d'un 
traité  des  dieux,  qui  le  fit  surnommer 


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!!• 


vvmviv^s. 


leur  à  tour  Tâthée  çt  le4i^u  ;  du  nom- 
bre cte  ceuï-rcî  forent  Bion  da  Borys-» 
tb^e.  renommé  pour  ses  bons  mots  ( 
et  Êvhémère  le  Messénien ,  qui  ensei- 
gna le  premier  l'origine  historique  de$ 
dieux.  Mais,  en  nous  bornant  à  des 
poms  cyrénéens,  nous  n*avons  à  ajou- 
ter à  ceux  qui  préeèdent  que  r^îeotélès, 
frère  et  condisciple  d'Annicéris  ;  et  un 
Aristote,  dont  nous  ne  savons  rien, 
sinon  que  plusieurs  élèves  le  Quittè- 
rent pour  aller  écouter  Stilpon  de  Mé^ 
gare. 

Parmi  les  philosophes  qui,  nés  à  Cy- 
rène,  n'appartiennent  cependant  point 
à  la  secte  cyrénaïque,  Strabon  nou$ 
fait  connaître  ApoUonius  Cronos ,  de 
Vécole  de  Mégare ,  professeur  du  dia- 
lecticien Diodore  de  lassus ,  qui  prit 
lui-même ,  de  son  mattre ,  le  ï^urnom 
de  Cronos.  Nous  voyons  plus  tard  La- 
cydes  fils  d'Alexandre,  au  temps  de 
Ptolémée-Évergète,  briller  au  premier 
rang  dans  la  moyenne  académie  ;  Pto^ 
lémée ,  qui  avaii  reçu ,  par  Tintermé* 
diaire  d  Eubule  et  d'Èuphranor,  les 
doctrines  de  Timon ,  essa)[er  la  res- 
tauration de  récole  sceptique;  puis 
enfin  Carnéades,  qui  florissait  environ 
170  ans  avant  notre  ère,  fonder  la 
nouvelle  académie ,  ou  l'école  du  pro- 
babiiisme. 

Et  si  l'on  cherche  encore  à  Cyrène, 
daps  les  temps  postérieurs ,  un  philo- 
sophe à  mentiouner  comme  un  loin- 
tain reflet  de  Tancien  lustre  de  sa 
patrie,  on  verra  luire,  au  milieu  de 
la  nuit  qui  enveloppe  alors  les  der- 
niers restes  de  la  civilisation  cyré- 
néenne ,  le  néo-platonicien  Synésios , 
après  lequel  les  lettres  ne  trouvent 
plus  un  seul  nom  à  prononcer. 

VI.    DOMINATIOn  DES  BOMÂIlfS. 

Première  période  f  jusqu'à  la  rédtjc^ 
Uon  en  province  :  Époque  dç  diS" 
fensioH  et  de  tyrannie. 

PbBMIBBB  OB<»AmSATION  PB  It^ 
BOXINÂTION  BOMAINB  EN  LIBYB.  -* 

En  recueillant  la  successi<m  des  roif 
de  Gyrène ,  Rome  avait  le  choix ,  pfn 
éê  muÈ^  tes  tnstitutioM  politiques 


de  isa  nouvelle  acquisition  ,  pour  np 
Tassimiler  d'une  manière  plu3  com- 

{)lète ,  ou  de  prendre  les  choses  dans 
'état  où  elles  se  trouvaient ,  en  subs- 
tituant purement  et  simplement  Tau-' 
torité  du  sénat  à  celle  des  rois.  Elle 

S  rit  ce  dernier  parti,  laissant  aux  villes 
e  la  Pentapole  leurs  libertés  muuici- 
Sales,  se  bornant  à  prendre  possession 
es  terres  domaniales ,  dont  les  pro- 
duits durent  être  désormais  et  furent 
en  effet  versés  au  trésor  :  dès  les  pre- 
mières années  de  la  domination  ro- 
maine on  voit  figurer,  parmi  les  re- 
venus publics ,  trente  livres  de  sil- 
phion  faisant  partie  des  tributs  de  la 
Cyrénaîque  ;  et  Ton  sait  que  plus  tard, 
au  commencement  de  la  guerre  civile, 
Jules  César,  dictateur,  put  retirer  du 
trésor  cent  onze  livres  de  cette  pré- 
cieuse matière.  £n  résumé ,  ce  fut  le 
domaine  utile  que  retinrent  les  nou- 
veaux maîtres  du  pays,  laissant  à  leurs 
sujets  pleine  liberté  de  se  gouverner  à 
leur  guise. 

Il  était  impossible,  avec  l'esprit 
versatile  et  turbulent  des  Cyrénéens, 
qu'une  telle  latitude  ne  produisit  pas 
qe  déplorables  résultats  ;  les  divisions 
intestines  recommencèrent,  et  du  sein 
de  l'anarchie  surgit  un  despotisme 
tyrannique.  Un  récit  anecdotique  de 
Plutarque  peut  nous  donner  une  idée 
de  la  situation  où  se  trouva  bientôt 
réduite  Cyrène  par  l'exercice  de  cette 
liberté  sans  frein. 

Tyrannie  de  Nicocrats  ,  dé- 
truite PAB  Abetaphilb.  —  Nico- 
crate  est  le  nom  du  tyran  qui  d'abord 
s'empara  de  l'autorité  et  la  conso- 
lida en  ses  mains  par  le  meurtre  d'un 
grand    nombre  de   citoyens    distin- 


homme  d'un  rang  illustre,  dont  il  con^ 
voitait  la  femme  Arétaphile,  fille  d'£- 
glator,  aussi  remarquable  par  sa  gran- 
de beauté  que  par  sa  prudence  singu* 
lière  et  son  aptitude  a  traiter  des  af« 
faires  publiques  ;  et  il  Tépousa  malgré 
elle,  n  commit  une  infinité  d'autres 
actes  en  violation  des  lois,  si  bien  que 
l'on  se  fût  empressé  4»  fuir  pour  se 


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AFRIQUK  AIi<;if  NNE 

sowtir^îr^  à  300  horrible  tyrannie,  ell 
n  eût  m  I0  précaution  de  faire  garder 
les  portes  avec  une  telle  rigueur,  qu'où 
piquait  même  les  cadavres ,  ou  qu'on 
les  passait  au  feu,  pour  s'assurer  que 
fies  vivants  ne  tentaient  pas  de  s'é^ 
chapper  en  faisant  les  morts.  Ce  mons*r 
ire  farouphe,  que  rien  ne  pouvait  ap* 
privoiser  ,  se  laissait  pourtant  subju- 
guer par  son  amour  pour  Arétapbile; 
pour  elle  seule  il  était  doux  et  mania- 
Bie,  et  souffrait  qu'elle  jouit  d'une 
grande  autorité.  Mais  outre  le  poids 
de  ses  propres  chagrins,  elle  avait  le 
poîgnc^nt  spectacle  des  malheurs  de  sa 
patrie  indignement  soumise  à  de  si 
atroces  épreuves  :  car  on  sacrifiait  les 
citoyens  l'un  après  l'autre ,  et  il  n'y 
avait  pas  de  vengeance  à  espérer  de 
la  part  de  quelques  exilés  timides  t 
faibles  et  dispersés. 

Arétapbile  sentait  qu'en  elle  seule 
était  l'espoir  de  son  pays,  et  pleine  d'une 
noble  résolution,  mais  dénuée  de  tout 
secours,  elle  tenta  de  se  débarrasser  de 
son  époux  par  le  poison;  comme  elle 
faisait  ses  dispositions,  se  procurait 
les  drogues  nécessaires,  et  essayait  la 
force  de  ses  préparations,  la  chose  fut 
découverte;  après  en  avoir  recueilli 
les  preuves,  Calbia,  mère  de  Nicocrate, 
femme  sanguiqaire  et  implacable , 
opina  pour  qu'Arétapbile ,  honteuse* 
ment  traitée,  fût  mise  à  mort  sur-le** 
champ.  Mais  l'amour  retenait  JMico- 
crate  et  lui  ôtait  le  courage  de  sévir, 
d'autant  plus  qu'Arétapliile  repoussait 
vivement  l'accusation  et  soutenait  son 
innocence.  Voyant  cependant  qu'elle 
ne  pouvait  tout  nier  absolument,  elle 
avoua  qu'en  effet  elle  avait  voulu  pré' 
parer  un  breuvage ,  mais  non  pour 
causer  le  trépas  :  «  Il  s'agissait  pour 
«  moi ,  dit-elle ,  d'une  chose  impor- 
«  tante;  car  les  honneurs  dont  je  jouis^ 
«  l'autorité  que  je  dois  à  votre  bien-r 
«  veillance  ,  ont  excité  cpntre  moi  les 
«  dangereuses  jalousies  de  beaucoup 
«  de  femmes;  craignant  leurs  breuva« 
t  ges  et  leurs  artifices,  j'ai  voulu  aussi 
«  recourir  à  de  semblables  moj^ens  : 
d  imaginations  vaines  et  féminines , 
«(  ^ans  doute ,  mais  non  punissables 
«  du  supplice  ;  à  moioA  que  yom  M 


U9 

*t  jugiez  digne  de  morlt  l'épouse  gpi , 
«  par  un  Breuvage  d'amour,  espérait 
«  se  faire  chérir  plus  peut-être  que 
«  vous  n'aviez  résolu.  » 

En  entendant  Arétapbile  se  défendre 
ainsi,  Nicocrate  ordonna  seulement 
gu'elle  fût  mise  à  Ja  question  ,  laissant 
à  l'implacable  Calbia  le  soin  d'y  prési- 
der; mais  Arétapbile  supporta  les 
tourments  avec  tant  de  fermeté,  se 
tira  avec  tant  d'avantage  de  toutes  les 
épreuves ,  que  Calbia  ,  fatiguée  elle- 
même  ,  fut  forcée  d'y  renoncer,  et  que 
Nicocrate,  persuadé  de  T  innocence  de 
sa  femme,  lui  rendit  la  liberté,  plein  de 
regret  des  tortures  qu'elle  avait  subies. 
Et  bientôt  il  revint  à  elle  plus  amou- 
reux que  jamais ,  la  comblant  d'atten- 
tions et  d'honneurs. 

Quant  à  elle,  que  la  douleur  et  les 
tourments  n'avaient  pu  faire  céder  ^ 
elle  ne  se  laissa  pas  décourager  ;  le 
soin  de  sa  gloire  et  sa  ténacité  à  rem- 
plir un  noble  dessein,  lui  firent  pren- 
dre d'autres  voies.  Elle  avait  une  fille 
assez  belle,  et  déjà  nubile ,  qu'elle  fît 
voir  à  Léandre,  frère  du  tyran,  jeune 
homme  facile  à  enflammer,  et  don^ 
elle  exalta  ,  dit-on ,  par  des  prestij^es 
et  des  philtres,  la  passion  jusqu'au  dé- 
lire. Et  lorsque^  tombé  dans  le  piège, 
il  eut,  à  force  de  prières ^  obtenu  de 
son  frère  la  main  de  la  jeune  fille, 
eelle-ci,  sous  l'inspiration  de  sa  mèrey 
lui  insinua  l'idée  de  délivrer  sa  patrie 
d'une  tyrannie  sous  laquelle  il  ne  lui 
était  pas  permis  de  vivre  en  liberté  et 
de  prendre  ou  de  garder  une  épouse  ; 
pendant  que  d'un  autre  côté  les  amis 
d' Arétapbile  lui  suggéraient  officieu- 
sement de  calomnieuji^  soupçons  con^* 
tre  son  frère.  Léandre  ayant  compriis 
que  les  idées  d' Arétapbile  étaient  d'ao* 
cord  avec  tes  siennes ,  se  mit.  à  Foeu* 
vre,  gagna  le  chambellan  Daphnis ,  et 
par  son  moyen  parvint  à  tuer  Nico- 
crate. 

Tyhànniede  Léandre,  détruits 

ÉeiLEMErfT    PAR    ARÉTAPHltE.    -^ 

Léandre  ne  remplit  point  ensuite  l'at- 
tente d' Arétapbile,  et  montra  au  con- 
traire, par  sa  conduite  inhabile  et  hau- 
taine, qu'il  avait  bien  été  un  fratricidei 
mais  mn  un  tyra^niçide*  Afrétaphiia 


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120 


L'UNIVERS. 


cotiservaii  toutefois  auprès  de  lu!  son 
rang  et  son  autorité,  ne  montrant 
elle-même  ouvertement  à  son  égard 
ni  hostilité  ni  répugnance  ;  mais  elle 
faisait  silencieusement  ses  disposi- 
tions. Elle  excita  d'abord  à  la  guerre 
contre  Léandre,  Anabos,  chef  des  Li- 
byens du  voisinage,  qui  fit  des  incur- 
sions dans  le  pays,  et  s'avança  en  ar- 
mes contre  la  ville;  puis  elle  repré- 
senta à  son  gendre  que  ses  amis  et 
ses  généraux,peu  disposés  à  la  guerre, 
ne  <merchaient  que  la  paix  et  le  repos  ; 
qu'au  surplus,  c'était  le  parti  qui  con- 
venait le  mieux  à  ses  intérêts  s'il  vou- 
lait affermir  son  autorité  sur  ses  con- 
citoyens :  et  elle  offrit  en  même  temps 
de  s'entremettre  de  la  paix,  se  faisant 
forte  d'amener  Anabos  à  une  confé- 
rence avec  lui,  s'il  le  souhaitait,  avant 
que  les  hostilités  eussent  amené  quel- 
que dommage  irréparable. 

Léandre  lui  ayant  ordonné  d'agir 
dans  cette  voie ,  elle  eut  d'abord  une 
entrevue  avec  le  Libyen,  et  obtint  de 
lui,  à  force  de  présents  et  de  promes- 
ses ,  au'il  s'engageât  à  se  saisir  de 
Léandre  quand  il  viendrait  pour  con- 
férer avec  lui.  Cependant  Léandre 
hésitait  ;  néanmoins,  par  honte  vis-à- 
vis  d'Arétaphile  qui  déclarait  vouloir 
assister  à  la  conférence ,  il  s'y  rendit 
sans  armes  et  sans  escorte;  mais  lors- 

au'en  approchant  il  aperçut  Anabos, 
se  mit  à  tergiverser,  à  vouloir  qu'on 
apostat  des  satellites  ;  sa  belle-mère , 
de  son  côté,  le  rassurait,  le  grondait; 
et  enfin  ,  comme  il  tardait  trop  long- 
temps^ elle  le  saisit  hardiment  par  la 
main ,  et  le  conduisit  bel  et  bien  au 
barbare ,  et  le  lui  livra.  Léandre ,  ar- 
rêté aussitôt  par  les  Libyens,  fait  pri- 
sonnier, et  garrotté,  fut  gardé  jusqu'à 
ce  que  les  amis  d'Arétaphile ,  accom- 
pagnés par  le  reste  des  citoyens,  vins- 
sent apporter  la  récompense  promise. 
Car  la  plupart,  à  la  nouvelle  de  ce 
qui  se  passait,  accoururent  au  lieu  de 
la  conférence,  et  en  voyant  Arétaphile, 
peu  s'en  fallut  qu'oubliant  leur  colère 
contre  le  tyran ,  ils  ne  négligeassent 
d'en  tirer  vengeance ,  n'ayant  rien  de 
plus  pressé  que  de  venir,  en  pleurant 
de  joie,  la  saluer  comme  s'ils  eussent 


été  en  présence  de  l'image  de  quelque 
divinité  ;  et  comme  ils  affluaient  les 
uns  après  les  autres ,  ils  ne  purent 
emmener  Léandre  et  rentrer  dans  la 
ville  que  le  soir.  Là ,  après  avoir  sa- 
tisfait le  besoin  qu'ils  avaient  de  re- 
mercier et  de  bénir  Arétaphile  ,  ils 
s'occupèrent  enfin  des  tjrrans  :  Calbia 
fut  brûlée  vive,  et  Léandre,  cousu  dans 
un  sac,  fut  jeté  à  la  mer. 

On  supplia  Arétaphile  de  se  joindre 
aux  sénateurs  pour  gouverner  et  ad- 
ministrer la  cité  ;  mais  elle ,  comme 
s'il  se  fût  agi  d'une  pièce  de  théâtre 
en  plusieurs  actes  qu  elle  aurait  enfin 
conduite  jusqu'au  dénoûment ,  dès 
qu'elle  vit  la  hberté  rétablie,  elle  ren- 
tra aussitôt  dans  le  gynécée ,  et  refu- 
sant de  se  mêler  en  rien  des  affaires 
publiques,  elle  passa  le  reste  de  sa  vie 
a  filer  sa  quenouille  au  milieu  de  sa 
famille  et  de  ses  amis. 

Intebvention  de  Lucullus  ;  bé- 

DUCTION     DE    LA     CYEÉNAÎQUB     EN 

PBOViNCE.  —  La  perturbation  causée 
par  ces  événements  n'était  point  en- 
core effacée ,  quand  le  fameux  Lucius 
Licinius  Lucullus  aborda  à  Cyrène. 
Il  avait  accompagné  Sylla  comme  ques- 
teur dans  la  guerre  contre  Mithriclate, 
et  pendant  que  l'armée  campée  autour 
d'Athènes  avait  ses  convois  interceptés 
par  la  flotte  ennemie ,  il  était  envoyé 
en  Libye  et  en  Egypte  pour  y  rassem- 
bler des  vaisseaux  (*),  afin  de  faire 
cesser  cet  état  de  choses.  A  son  arri- 
vée à  Cyrène ,  Lucullus  trouva  la  po- 
pulation encore  en  proie  à  l'agitation 
et  au  désordre  causés  par  les  révolu- 
tions intérieures  dont  elle  venait  d'être 
le  théâtre ,  et  il  mit  ses  soins  à  y  ré- 
tablir le  bon  ordre  et  la  tranquillité  : 
il  se  souvint ,  à  cette  occasion,  de  la 
réponse  que  jadis  Platon  avait  faite 
aux  Cyrénéens  qui  lui  demandaient  des 
lois  :  «Qu'ils  étaient  trop  riches  pour 
«  cela  ;  attendu  que  nul  n'est  plus  dif- 
«  ficile  à  gouverner  que  l'homme  fa- 
<  vorisé  par  la  fortune,  tandis  qu'au 
«  contraire  nul  n'est  plus  souple  et 
«  plus  docile  que  l'homme  dans  la  dis- 

(*)   Au  commencement  de  Tannée  86 
avant  Père  vulgaire. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


I  grâee.  »  1>  temps  était  venu  où  les 
Cyréoéens  devaient  se  trouver  dans 
les  dispositions  convenables  pour  re- 
cevoir avec  soumission  les  lois  qui 
leur  seraient  données;  et  cette  cir- 
constance rendit  plus  facile  la  tâche 
deLuculius,  qui  sans  doute  ne  fit 
Qu'assurer  de  nouveau  Tobservation 
des  institutions  anciennes.  Après  avoir 
pourvu  à  ce  que  lui  paraissaient  exi- 
ger les  besoins  locaux ,  il  poursuivit 
sa  mission  et  se  rendit  en  Egypte. 

Pais ,  lorsque  douze  ans  après  Lu- 
cutius  ftit  parvenu  au  consulat  (*),  la 
Bithynie,  queNicomède  venait  de  lé- 
guer aux  Romains  ,  et  la  Gjrrénaïque 
qtfils  avaient  reçue  d' A  pion  vingt-deux 
ans  auparavant,  furent  à  la  fois,  ainsi 
que  nous  l'apprend  Appien  ,  réduites 
en  provinces  de  l'empire. 
^A  quelques  années  de  là,  l'île  de 
Crète,  qui  s'allonge  en  face  des  côtes 
libyennes ,  ayant  été  conquise  par 
Quintus  Cecilius  Metelius,  et  réduite 
aussi  en  province  (**),  on  pourrait  con- 
clure d'un  rapprochement  fait  par 
Eutrope  dans  une  rédaction  un  peu 
équivoque,  que  dès  lors  furent  réunies 
en  une  seule  province  la  Crète  et  la 
Cyrénaïque,  bien  que  cette  réunion  ne 
soit  incontestabje  qu'à  dater  de  l'em- 
pereur Auguste ,  et  que  dans  l'inter- 
valle la  Crète  d'une  part  et  la  Cyré- 
naïque de  l'autre  se  soient  derechef 
trouvées  entre  des  mains  diverses  : 
car  l'attribution  des  provinces  n'eut 
dans  le  principe  aucune  fixité,  et  dans 
la  répartition  annuelle  qui  en  était 
laite  entre  les  consuls  et  les  préteurs, 
on  en  réunissait  souvent  ensemble 
deux  ou  trois  sous  un  même  gouver- 
neur, ainsi  que  Dion  Cassius  a  eu  soin 
a  en  faire  la  remarque  expresse. 

Sec(mde  période  y  depuis  la  réduc- 
tion en  province  jusqu'à  Auguste  : 
époque  des  guerres  civiles. 

Cause  de  la  Cybénaïque  plai- 
^^^  PIE  CiGÉBON.  —  On  sait  que  , 
sous  le  consulat  de  Cicéron  (**  *),  le  tri- 

(*)  L'an  74  avant  Fèrc  vulgaire. 

,     O  L'an  65  avant  Tèrc  vulgaire. 

(***)  L'an  63  avant  l'ère  vulgaire. 


bun  4a  peuple  Publlot  ServiKus  Rultus 
proposa  une  loi  agraire ,  dont  le  but 
apparent  était  de  procurer  aux  citoyens 
pauvres  des  terres  en  Italie  :  ces  terres, 
qu'on  leur  aurait  gratuitement  distri- 
buées, il  fallait  les  acheter,  et  pour  cela 
amasser  des  sommet  immenses  desti- 
nées à  les  pay^;  et  Ruilus  proposait 
d'y  pourvoir  en  faisant  vendre  aux  en- 
chères, par  dix  commissaires  spéciaux, 
les  terres  domaniales  de  la  république 
dans  les  provinces  :  les  champs  de  la 
Cyrénaïque  étaient  formellement  com- 
pris dans  cette  opération.  L'éloquenee 
du  consul  a  rendu  célèbre  ce  projet  de 
loi,  dont  il  sut  avec  tant  (Thabileté 
faire  prononcer  le  rejet;  et  Jes  cam- 
pagnes cyrénéennes  restèrent  nomina- 
lement un  domaine  de  l'État ,  pendant 
qu'elles  étaient  envahies  en  réalité 
par  des  usurpations  privées,  ainsi  que 
nous  le  verrons  en  son  lieu. 

L'éloquence  de  Cicéron  a  de  même 
consacré  la  mémoire  du  procès  in- 
tenté àCnéus  Plancius,  édile  curuleH, 
parMarcus  Juventius  Laterensis,  son 
concurrent  évincé,  qui,  parmi  ses 
titres  aux  suffrages  du  peuple,  faisait 
valoir  ses  services  comme  questeur  de 
la  Cyrénaïque ,  où  il  avait  su  se  mon- 
trer à  la  fois  libéral  envers  les  officiers 
du  fisc ,  et  juste  envers  une  population 
alliée.  Il  accusait  Plancius  de  lui  avoir 
enlevé,  par  la  brigue  et  la  corruption, 
une  charge  à  laquelle  il  croyait  avoir 
plus  de  droits;  mais  Cicéron  vint  jeter 
dans  la  balance  le  poids  de  son  talent 
en  faveur  de  Plancius,  et  l'ancien 
questeur  de  Cyrène  fut  débouté  de  ses 
poursuites. 

La  Cybénaïque  suit  le  pabti 
DE  Pompée.  —  Au  temps  des  guerres 
civiles ,  lorsque  Jules  César  et  Pompée 
se  disputaient  l'empire,  la  Cyrénaïûue 
dut  se  trouver  d'abord ,  avec  tout  10- 
rient ,  entraînée  dans  le  parti  de  Pom- 
pée ;  du  moins,  après  la  batailledePhar- 
sale(**),  la  flotte  aux  ordres  de  Caton 
vint-elle ,  avec  les  restes  considérables 
de  l'armée  vaincue,  y  chercher  refuge 
et  s'y  enquérir  des  nouvelles  du  fugi- 

(*)  L'an  54  avant  l'ère  vulgaire. 
(**)  L'an  48  avant  l'ère  vulgaire. 


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trumvBïkS^ 


ut;  cU0  abovda  au  port  4a  Palieoiros, 
en  face  de  Ytk  de  Platée;  ce  fut  là 

âu'on  apprit  la  mort  du  grand  Pompée, 
e.  la  bouche  de  $on  ^»  Sextus  et  de  «la 
veuve  Cornéiie,  qui  s'étaient  enfuis  de 
la  rade  de  Péluse,  et  après  avoir  tou- 
ché à  Chypre,  avaient  été  portés  par 
les  vents  au  port  même  où  arrivaient 
Gaton  et  les  siens.  Là  se  séparèrent 
dans  diverses  directions  plusieurs  des 
chefs ,  qui  n'espéraient  plus  qu'en  la 
démence  du  vainqueur,  entre  autres 
Gains  Gassius,  qui  alla  peu  après  se 
rendre  à  César  dans  Alexandrie  ;  mais 
le  plus  grand  nomhre  persista  dans 
Bon  dévouement  à  la  cause  des  fils  de 
Pompée.  De  Paliouros  on  vint  à  Cy- 
rêne;  d'abord  la  ville  ferma  ses  portes 
à  Labiénus,  mais  le  port  reçut  la 
flotte ,  qui  de  là  se  rendit  en  Afiri^ 
que  (*) ,  où  allait  se  trouver  le  théâtre 
de  la  guerre. 

Lorsqu'après  la  mort  de  César  (**) 
on  changea  la  distribution  qui  avait 
naguère  été  faite  des  provinces  entre 
les  magistrats,  que  la  Syrie  fut  retirée 
à  Cassius  pour  être  donnée  à  Dola*- 
bel  la ,  et  la  Macédoine  retirée  à  Bru* 
tus  pour  être  donnée  à  Antoine,  ec'- 
lui'-ci,  d'après  ce  que  raconte  Appien, 
fit  assurer  aux  deux  officiers  ainsi  dé- 

Î)ouiilés  de  leurs  provinces ,  et  envers 
esquels  il  voulait  cependant  garder 
quelque  apparence  de  ménagement, 
la  Cyrénaîque  et  la  Crète;  suivant  une 
autre  version  recueillie  par  le  même 
historien,  Cassius  les  aurait  eues  toutes 
deux,  et  c'est  la  Bithynie  qu'on  aurait 
accordée  à  Brutus.  Mais  comme  Cicé- 
ron ,  dans  une  de  ses  Philippiques 
contre  Antoine,  rappelle  expressément 
que  la  Crète  avait  été  attribuée  à 
Brutus  avec  le  titre  de  proconsul ,  il 
semble  qu'on  en  doit  conclure  que  la 
première  version  est  plus  exacte,  et 
que  la  Cyrénaïque  et  la  Crète  se  trou- 
vaient alors  encore  séparées ,  celle  -  ci 
étant  dévolue  à#Brutus,  celle-là  for- 
mant le  département  de  Cassius. 

La  CvlBlTÀiQUEBNTBS  DANS  LE  LOT 

(*)  Il  s*agit  de  l'Afrique  propre,  distin- 
guée de  h  Libye. 

(**)  L'«A  44  rmni  l'ère  vulgaire. 


i>'AiîToi?i«.  —  MeJA,  qu^pd  cm  ^ux 
chefs  eurent  été  détruits  i  la  double  ba- 
taille de  Philippe8(*),et  que  les  trium- 
virs se  partagèrent  l'empire ,  Antoiiaa 
s'attribua  la  mission  d  aller  réduire  les 
provinces  de  l'Orient  pour  leur  compte 
commun;  puis,  lors  du  traité  qui  scella 
par  le  mariage  d'Antoine  avec  la  fi||a 
d'Octavien  la  réconciliation  de  ces 
deux  rivaux  (**),  dans  le  partage 
au'ils  se  firent  du  monde  romain ,  h 
1  exception  de  l'Italie  qui  demeurait  io- 
divise ,  Octavien  prit  l'Occident ,  et 
Antoine  l'Orient,  choisissant  pour  li- 
mite commune  entre  ces  deux  immeq- 
ses  départements  ,  dans  le  nord  la 
ville  de  Scodra  en  Illyrie,  et  dans  le 
sud  l'Afrique  propre  qu'on  abandoa- 
nait  à  Lépide  pour  son  lot. 

Antoine,  subjugué  par  les  charmée 
et  l'adresse  de  la  trop  fameuse  Cléo- 
pâtre,  se  montra  prodigue  envers  elle 
de  ses  provinces,  comme  il  Tétait  de 
son  temps,  de  ses  trésors,  de  sa  gloire, 
de  son  honneur  même  ;  i|  ne  se  con- 
tenta point  d'agrandir  les  domaines  de 
la  reine  d'Egypte  aux  dépens  de  l'Ara- 
bie, de  la  Judée,  de  la  Ptiénicie,  de  la 
Célésyrie,  qui  appartenaient  à  des 
princes  tributaires  et  amis;  il  lui  ren- 
dit encore  des  pays  dont  Rome  elle- 
même  avait  pris  possession ,  et  c'est 
ainsi  que  la  Cyrénaïque  rentra  avec 
Chypre  sous  le  sceptre  des  Ptolé- 
mées  (***).  Cependant  on  le  vit,  trois 
ans  après  (****),  se  déclarant  publique- 
ment l'époux  de  Cléopâtre,  et  procla- 
mant rois  les  enfants  qu'il  avait  eus 
d'elle,  disposer  encore  en  maître  de 
ces  mêmes  provinces,  et  faire  de  la 
Cvrénaïque  la  dot  future  de  sa  fille 
Cléopâtre-Sélène,  la  même  qui  depuis 
fut  mariée  à  Juba  le  jeune,  roi  de  Mau- 
ritanie. 

-TÉMOIGNAGE  DE  BEGON NAISSANCE 
DES    JUIFS     DE     BÉBÉNICE     ENYEBS 

Mabgus  Titius.  —  A  cette  époque 
se  rapporte,  suivant  l'opinion  du  docte 
Fréret,  une  inscription  grecque  gravée 

(*)  L*an  in  avant  Père  vulgaire. 

(**)  L'an  4o  avant  l'ère  vukaire. 

(*"*)  L'an  36  avant  l'ère  vulgaire. 

(***♦)  L*an  33  avant  l'ère  vulgaire. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


m 


fur  nitrl^eMtiif  )  venu^  eriginaire^ 
ment  de  la  Cyr^oaïaae,  traosporté^ 
plus  tar4  ae  Tripoli  ae  Barbarie  à  Aûc 
eu  Provence,  et  dopt  voici  la  traduçr 
tion  française  : 
f  a  L'an  ô5,  le  25  de  paophi,  en  Tai* 
a  semblée  de  la  fête  des  Tabernacles, 
«  sous  Tarcbontat  de  Cléandre  ûis  de 
«  Stratonicus ,  d'Eupbranor  fils  d*A- 
«  riston ,  de  Sosigène  fils  de  Sosippe, 
«  d'Andromaque  fils  d'Andromaque , 
«  de  IVIarcus  Lélius  Onasion  fils  d'A- 
«  poUonius  ,  de  Philonide  fils  d'Agée 
«  raon  9  d'Autociès  fils  de  Zenon ,  de 
s  Sonicus  fils  de  Théodote ,  et  de  Jo- 
c  seph  fils  de  Straton  ; 

m.  D'autant  que  Marcus  Titius  fils 
«  de  Sextus ,  de  la  tribu  Emilia ,  per^- 
«  sonnage  excellent ,  depuis  son  avé- 
«nement  à  la  préfecture  s'est  conf>- 
«  porté  dans  It^s  affaires  publiques  avee 
c  beaucoup  d'humanité  et  d'intégrité, 
ft  et  qu'ayant  marqué  dans  sa  conduite 
«  toutes  sortes  de  bontés ,  il  continue 
«  d'en  user  de  même ,  et  non  -  seule* 
«ment  se  montre  humain  dans  les 
«  choses  générales,  mais  aussi  à  Tégard 
«  de  ceux  qui  recoureut  à  lui  pour  leurs 
«affairas  particulières,  traitant  sur- 
«  tout  favorablement  les  Juifs  de  notre 
c  synagogue ,  et  ne  cessant  de  faire 
«  des  actions  dignes  de  son  caractère 
«  bienfaisant  : 

a  A  ces  causes,  les  chefs  et  le  corps 
«  des  Juifs  de  Bérénice  ont  ordonné 
«  qu'il  serait  prononcé  un  discours  à 
«sa  louange,  et  que  son  nom  serait 
«  orné  d'une  couronne  d'olivier  avec 
«  le  lemnisque,  à  chacune  de  leurs  as- 
«  semblées  publiques ,  et  à  chaque  re- 
•  nouvellement  de  lune;  el  qu'à  la  di- 
«  licence  desdits  chefs  la  présente 
«  délibération  soit  gravée  sur  une  co- 
«  lonne  de  marbre  de  Paros ,  qui  sera 
«  érigée  au  lieu  le  plus  distingué  dç 
«  Famphithéâtre. 
«  Voté  à  Tunanimité.  » 
Il  s'agit ,  comme  on  voit ,  d'actions 
de  çrâces  décernées  par  les  Juifs  de  Bé- 
rénice au  gouverneur  romain  Marcus 
Ïitius,  à  raison  de  sa  conduite  pleine 
humanité  envers  eux  ;  Fréret  pense 
que  la  mission  de  Titius  émanait  d'An- 
toine, eï  3e  li^it  à  la  proclamûtioA  de 


la  jeu9e  priocesse  m  fille ,  dans  h 
royaume  aut  venait  de  lui  être  attri- 
bué. D*auires  critiques  ont  opté  pour 
une  époque  plus  ancienne ,  et  d'autres 
pour  une  date  plus  moderne  :  la  Ques- 
tion dépend,  k  cet  égard,  de  l'ère  a  lai* 
guelle  doit  être  rapportée  l'année  56* 
inscrite  en  tête  de  ce  décret;  les  uns 
optent  pour  le  commencement  de  la 
domination  romaine  en  Cyrénaîque, 
les  autres  pour  la  réforme  législative 
de  Lucullus,  ceux-ci  pour  la  réduction 
en  province,  ceux-là  pour  l'adoption 
du  calendrier  Julien  à  Alexandrie: 
chaque  hypothèse  a  ses  arguments  et 
ses  difficultés,  et  il  est  difficile  de 
prendre  un  parti  définitif  au  milieu  de 
toutes  ces  incertitudes, 

Antoine  pehd  la.  GYfiÉNAÎQUB 
BT  l'bmpibe.  —  Nous  vojci  arrivés 
au  moment  où  la  bataille  d'Actium  (*) 
allait  décider  de  l'empire  du  monde.  La 
fuite  de  Cléopâtre  détermina  le  départ 
et  la  défaite  d'Antoine,  qui  la  suivit  à 
Parétonion ,  d'où  il  la  laissa  revenir 
seule  à  Alexandrie,  déterminé  qu'il  était 
en  apparence  à  faire  quelques  disposi- 
tions militaires  pour  la  continuation  de 
la  guerre.  Il  avait,  dans  la  Cyrénaï^ue, 
quatre  légions  commandées  par  Pina« 
rius  Scarpus,  un  de  ses  lieutenants, 
et  il  voulut  les  appeler  auprès  de  lui  ; 
mais  Scarpus  refusa  d'obéir,  fit  tuer 
les  courriers  que  lui  dépêchait  An- 
toine, et  même  quelques  soldats  qui 
élevaient  la  voix  pour  blâmer  une  telle 
conduite;  et  il  livra  Cyrène  et  s^ 

âuatre  légions  à  Gallus,  lieutenant 
'Octavien,  Antoine  alors  se  rendit 
lui-même  à  Alexandrie,  pendant  que 
Gallus  venait,  avec  les  légions  de  Scar- 
pus, s'emparer  lui-même  de  Paréto- 
nion  ;  le  triumvir  espéra  qu'ji  pour- 
rait, en  faisant  directement  appel  à 
ces  vieux  soldats  qui  avaient  com- 
battu sous  lui ,  les  ramener  à  sa  cause, 
et  ressaisir  ainsi  la  place  importante 
que  la  défection  de  Srarpus  venait  de 
lui  faire  perdre:  il  reprit  donc,  avec 
une  flotte  et  quelques  troupes,  la  route 
de  Parétonion;  sa  flotte  entra  sans 
obstacle  dans  le  port,  et  lui-mêmp 

(*)  L*an  3i  avant  l'ère  yuljç«re. 


""^^Î^^Ni^    ^Ov>^^<hUrtCC^  •  Digitizedby  Google 


124 


L'UNIVERS. 


s'avança  vers  ses  anciennes  légions; 
mais  comme  il  voulut  leur  parler, 
Gallus  fit  aussitôt  couvrir  le  son  de  sa 
voix  par  les  fanfares  de  ses  trompettes, 
et  rendit  de  ce  côté  ses  efforts  inu- 
tiles ;  il  lui  fit  même  souffrir ,  dans 
une  sortie,  quelque  désavantage.  D'un 
autre  côté,  des  chaînes  d'abord  ca- 
cliées  sous  l'eau  s'étaient  tendues  à 
l'entrée  du  port,  et  les  vaisseaux,  blo- 
qués, attaqués  de  toutes  parts,  étaient 
coulés  à  fond  ou  brûlés,  et  il  n'en  put 
échapper  qu'un  très-petit  nombre.  On 
sait  le  reste  :  désormais  la  Cyrénaïque 
et  l'empire  tout  entier  étaient  dévo- 
lus à  Octavien,  à  qui  il  ne  manquait 
plus  que  le  titre  d'Auguste,  créé  tout 
exprès  pour  lui  quelque  temps  après. 

Troisième  période ,  depuis  Auguste 
jusqu'à  Trajan  :  Époque  dHnsur' 
rection  des  Juifs  cyrénéens. 

La  Cyrénaïque  compbise  dans 
LE  LOT  DU  SÉNAT.  —  Au  Commen- 
cement de  cette  ère  nouvelle  qui 
commençait  pour  Rome  avec  des  ins- 
titutions où  tous  les  pouvoirs  des 
grandes  charges  de  l'ancienne  répu- 
Dlique  venaient  se  concentrer  entre 
les  mains  d'un  seul  homme,  quelques 
dehors  pourtant  semblaient  être  con- 
servés pour  témoigner  du  respect  de 
ce  magistrat  suprême  envers  le  sé- 
nat et  le  peuple  ;  et  il  leur  abandonna 
le  gouvernement  direct  des  provinces 
dont  la  tranquillité  ne  renaait  point 
nécessaire  l'active  surveillance  du  gé- 
néralissime des  armées,  ou  empereur. 
La  Cyrénaïque ,  réunie  à  la  Crète  en 
une  seule  province ,  était  du  nombre 
de  celles  qui  furent  ainsi  attribuées  au 
sénat  (*>;  dans  la  même  catégorie  se 
trouvait  aussi  l'Afrique  avec  la  Nu- 
midie  ;  en  sorte  qu'au  sud  de  la  Mé- 
diterranée, le  lot  du  sénat  se  trouvait 
compris  entre  la  Mauritanie  encore 
aux  mains  de  Juba ,  et  l'Egypte  dévo- 
lue à  l'empereur  ;  l'Afrique  fut  décla- 

(*)  Ce  partage  des  provinces  fut  fait  le 
i3  janvier  de  l'an  27  avant  l'ère  vulgaire; 
et  ce  fut  quatre  jours  après  qu'Octavien  re- 
çut le  titre  d'Auguste. 


rée  consulaire ,  la  Cyrénaïque  fut  ran- 

fée  parmi  les  prétoriales.  Les  bornes 
e  cette  dernière  province  étaient  alors 
marquées ,  en  ce  qui  concerne  la  por- 
tion continentale ,  par  les  autels  des 
Philènes  à  l'ouest ,  et  le  grand  Cata- 
bathmeà  l'est;  et  cette  délimitation 
persista  jusqu'au  règne  d'Adrien. 

Resgbtts  en  faveub  des  Juifs 
CYHÉNÉENS.  —  D'après  le  récit  de  Fla- 
vien  Josèphe ,  les  Juifs  de  Libye  ainsi 
que  ceux  des  provinces  asiatiques ,  se 
voyant  fort  maltraités  par  les  Grecs, 
qui  les  accusaient  d'exporter  de  l'ar- 
gent et  de  leur  être  à  charge  en  toutes 
choses ,  furent  contraints  de  recourir 
à  la  justice  d'Auguste,  qui  adressa  des 
rescrits  aux  magistrats  provinciaux, 
et  notamment  à  Flavius,  préteur  de 
Libye  (*),  pour  qu'on  ne  troublât  plus 
les  réclamants  dans  l'exercice  de  leurs 
droits. 

Malgré  ces  ordres  précis,  ils  se 
trouvèrent  gênés  de  nouveau  dans  leurs 
libertés ,  et  réitérèrent  leurs  plaintes , 
qui  donnèrent  lieu  à  un  rescrit  d'A- 
grippa  (**) ,  dont  la  teneur  nous  a  été 
conservée  par  Josèphe ,  et  que  nous 
croyons  devoir  transcrire  ici  : 

«  Mabcus  Agrippa  ,  aux  magîs- 
«  trats  et  au  sénat  de  Cyrène,  salut. 

«  Les  Juifs  qui  demeurent  à  Cyrène 
«  nous  ayant  fait  des  plaintes  de  ce 
«  gue ,  encore  (|u'Auguste  ait  ordonné 
«  à  Flavius  préteur  de  Libye,  et  aux 
«  officiers  de  cette  province ,  de  les 
«  laisser  dans  une  pleine  liberté  d'en- 
«  voyer  de  l'argent  sacré  à  Jérusalem, 
«  comme  ils  ont  de  tout  temps  cou- 
«  tume  de  le  faire ,  il  se  trouve  des 
«  gens  assez  malveillants  pour  préten- 
«dre  les  en  empêcher,  sous  prétexte 
«  de  quelques  tributs  dont  ils  les  disent 
«redevables,  mais  qu'ils  ne  doivent 
«  point  en  effet  ; 

«A  ces  causes,  nous  ordonnons 
«  qu'ils  seront  maintenus  dans  la  jouis- 
«  sance  de  leurs  droits ,  sans  qu'ils 
«  puissent  y  être  troublés  ;  et  que  si 
«  dans  quelque  ville  on  avait  diverti 
«  de  l'argent  sacré ,  il  soit  restitué  aux 

(*)  L'an  i5  avant  l'ère  vulgaire. 
(**)  L'an  14  avant  l'ère  vulgtire. 


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AFRIQUE  ÀWaENNE. 


155 


«  Joife  par  des  commissaires  nommés 
«  à  cet  «ffet.  » 

Ces  dispositions  assurèrent  peut-être 
la  tranquillité  des  Juifs  pour  le  reste 
du  rèfi^ae  d'Auguste;  mais  les  vexa- 
tions devaient  recommencer  pour  eux 
bientôt  après  la  mort  de  ce  grand  em- 
pereur. 

Une  simple  mention  de  Tbistorien 
Florus,  répétée  par  Jornandes,  nous 
apprend  qu'Auguste  envoya  pour  sou- 
mettre les  Marmarides  insurgés  et  les 
Garamantes,  Publius  Quirinius,  le 
mêoie  sans  doute  qui  avait ,  peu  d'an- 
nées auparavant ,  procédé  par  ses 
ordres  au  recensement  de  la  Syrie ,  à 
l'époque  où  naquit  Jésus-Cbrist ,  ainsi 
que  le  rapporte  l'évangéliste  saint  Luc. 
Quirinius  fut  victorieux ,  et  il  eût  pu 
se  parer,  à  cette  occasion ,  du  surnom 
de  Marmaricus ,  s'il  n'eût  eu  la  mo- 
destie de  priser  moins  baut  les  avan- 
tages qu'il  avait  remportés. 

Pbocédubes  intentées  pàb  les 
Ctrénébns  contre  biybbs  offi- 
ciers KOMAiNS.  —  Sous  Tibère ,  Cé- 
sius  Cordus  était  proconsul  de  Crète 
et  de  Cyrène  ;  il  commit  des  exactions 
qui  soulevèrent  contre  lui  les  Cyré- 
néens ,  et  les  déterminèrent  à  s'en 
plaindre  devant  l'empereur;  Ancbarius 
Priscus  porta  contre  lui  une  accusa- 
tion de  concussion ,  en  y^  ajoutant  celle 
de  lèse-majesté ,  qui  était  alors  comme 
le  complément  obligé  de  toutes  les  au- 
tres (  *  )  ;  la  plainte  des  Cyrénéehs  fut 
reconnue  fondée,  et  sur  la  poursuite 
d'Ancharius  Priscus,  Césius  Cordus 
fut  condamné  comme  concussionnaire. 

Sous  Néron,  Pédius  Blésus,  à  son 
tour,  fut  accusé  par  les  Cyrénéens 
d^avoir  pillé  le  trésor  du  temple  d'Es- 
culape ,  et  de  s'être  laissé  corrompre 
par  argent  ou  par  intrigue  dans  les 
opérations  du  recrutement  militaire; 
le  coupable  fut  exclu  du  sénat  (**). 
Les  Cyrénéens  se  plaignaient  en  même 
temps  d'AciliusStrabo,  qui  avait  exercé 
les  fonctions  de  préteur,  avec  une  mis- 
sion spéciale  de  l'empereur  Claude, 
pour  prononcer  sur  les  usurpations 

(*)  L'an  ai  de  Fèrè  vulgaire. 
(*^  L*tn  59  de  Tère  vulgaire. 


commises  sur  les  terres  autrefois  jpos- 
sédées  par  le  roi  Apion ,  et  par  lui  lé- 
guées, avec  tout  son  royaume,  au 
peuple  romain  ;  les  propriétaires  voi- 
sins s'en  étaient  empares  cbacun  à  sa 
convenance,  et  ils  se  fondaient  sur 
l'ancienneté  de  leur  injuste  possession 
comme  sur  le  titre  le  plus  équitable. 
Le  juge  ayant  prononce  le  retrait  des 
terres  usurpées,  il  en  était  résulté  à 
son  égard  de  grandes  animosités,  et  on 
avait  porté  plainte  contre  lui  au  sénat, 
qui  déclara  n'avoir  point  connaissance 
de  la  mission  donnée  par  Claude ,  et 
renvoya  les  parties  devant  l'empereur. 
Néron,  après  avoir  approuvé  l'arrêt 
d'Acilius  Strabo ,  ajouta  que  cepen- 
dant il  voulait  se  montrer  favorable  à 
des  alliés,  et  qu'il  leur  abandonnait  les 
domaines  qu'ils  s'étaient  appropriés. 
Insurrection  du  zélateur  juif 
JONATHAS.  —  Sous  le  règne  de  Vespa- 
sien ,  qui  avait  jadis  été  lui-même  ques- 
teur de  Cyrène  et  de  Crète ,  la  Cyrénaï- 
que  fut  troublée  par  une  sorte  d'insur- 
rection parmi  la  population  juive  du 
pays.  On  sait  que  Judas  le  Galiléen, 
dont  il  est  parlé  dans  les  Actes  des  apô- 
tres, avait  été  le  fondateur  d'une  secte 
de  fanatiques  ennemis  de  toute  sou- 
mission aux  pouvoirs  terrestres,  sur- 
tout à  la  domination  étrangère  ;  que 
cette  secte ,  grossie  plus  tard  des  restes 
de  toutes  les  factions  vaincues,  et  des 
malfaiteurs  toujours  disposés  à  se  met- 
tre en  révolte  contre  les  lois  qui  les  con- 
damnent ,  couvrant  leurs  brigandages 
du  prétexte  d'un  zèle  ardent  pour  l'in- 
dépendance nationale,  joua  un  rôle 
important  dans  la  défense  de  Jérusa- 
lem contre  les  Romains;  après  la  sou- 
mission de  la  Judée ,  un  assez  grand 
nombre  de  ces  Zélateurs,  comme  ils  se 
nommaient  eux-mêmes,  ou  de  ces  Si- 
caires  ou  assassins,  comme  les  appe- 
lait la  voix  publique ,  s'étaient  sauvés 
à  Alexandrie ,  en  y  portant  l'esprit  de 
rébellion  qui  les  caractérisait;  mais  il 
fut  coupé  court  aux  menées  révolu- 
tionnaires qu'ils  y  avaient  entreprises, 
en  les  livrant  aux  magistrats  romains  ; 

{)lus  de  six  cents  furent  exterminés,  et 
'on  poursuivit  jusqu'à  Thaïes  ceux 
qui  s  y  étaient  réfugiés. 


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lit 


fTÏÎ^ÏVElM 


Mâîs  f  un  tfeux ,  uh  tlSsefârtd  bommé 
:fôrïathâs ,  qui  s'était  ëhful  à  Cyrène , 
travailla  activement  à  la  résurrection 
de  son  parti  au  moyea  du  rôle  de  pro* 
phète  qu'il  s'attribua  ;  et  ses  annonce^ 
de  prodiges  et  de  miracles  ayant  ras- 
semblé autour  de  lui  la  eanâille  juive 
du  pays,  il  se  trouva  à  la  tête  de  deut 
mille  misérables ,  avec  lesquels  il  alla 
Camper  âu  désert  (*).  Les  principaux 
d*entre  les  Juifs  avertirent  de  ce  trou- 
ble naissant  Catullus,  préteur  de  Li- 
bye ,  qui  envoya  contre  les  insurgé* 
des  troupes  de  pied  et  de  cheval  ;  ils 
furent  entourés,  tués  pour  là  plupart, 

Suelques-uns  faits  prisonniers  et  con- 
uits  à  Catullus  ;  l'auteur  du  mouve- 
ment, Jonathas,  parvint  alors  à  s'é- 
chapper, mais  il  fut  recherché  avec 
soin  dans  tout  le  pays,  arrêté,  et  amené 
devant  le  préteur  :  alors ,  pour  retar- 
der sa  punition,  il  entraîna  Catullus  à 
des  iniquités  au  moyen  de  prétendues 
révélations  qui  désignaient  les  Juifs  les 
plus  riches  comme  les  promoteurs  se- 
crets de  l'insurrection. 

Exactions  et  cRUÂUTiês  du  prê- 
teur Catullus  a  l'égard  des  Juifs. 
—  «  Cet  avare  gouverneur  » ,  ainsi  que 
le  raconte  l'historien  juif  Flavien  Jo- 
sèphe ,  «  prêta  volontiers  l'oreille  à 
une  si  grande  calomnie ,  y  ajouta  même 
encore  afin  qu'il  parût  en  quelque  sorte 
avoir  terminé  lui-même  la  guerrecontre 
les  Juifs  ;  et  pour  comble  de  méchan- 
ceté, il  excita  ces  scélérats  de  sicaires 
à  employer  de  nouvelles  suppositions 

§our  perdre  ces  innocents.  Il  leur  or- 
onna  particulièrement  d'accuser  un 
*uif  nommé  Alexandre,  qu'au  su  de 
;out  le  monde  il  haïssait  depuis  long- 
temps, et  il  le  fit  mourir  avec  sa 
femme  Bérénice,  qu'il  enveloppa  dans 
la  même  accusation.  Il  fit  ensuite 
mourir  aussi  trois  mille  autres  Juifs, 
dont  le  seul  crime  était  d'être  riches, 
sans  qu'il  crût  aw)ir  rien  à  craindre , 
parce  que ,  se  contentant  de  prendre 
leur  argent,  il  confisquait  leurs  terres 
au  profit  de  l'empereur;  et  pour  ôter 
à  ceux  qui  demeuraient  en  d'autres 
provinces  le  moyeu  de  l'accuser  et  de 

(*)  L'an  72  de  V^  vulgaire. 


i! 


le  convainerè  d'un  si  grand  orime,  il  se- 
servit  de  ce  même  Jonathas  et  de  quet'^ 
ques-uns  de  sa  faction,  prisonniers 
avec  lui ,  pour  dénoncer  comme  cou- 
pables les  gens  les  plus  honorables  de 
cette  nation  qui  demeuraient  à  Alexan-i' 
drie  et  à  Rome,  et  du  nombrd  desquels 
était  l'historien  Josèphe  lui-niême. 

«  Après  avoir  concerté  une  èi  grande 
méchanceté,  et  ne  doutant  point  de 
réussir  dans  son  détestable  dessein  , 
il  alla  à  Rome ,  y  mena  Jonathas  en-* 
chaîné,  et  ces  autres  calomniateurs. 
Mais  il  fut  trompé  dans  son  espé- 
rance; car  Vespasien,  ayant  conçu 
Î[uelque  soupçon ,  voulut  approfondir 
a  vérité;  et  quand  il. l'eut  reconnue^ 
il  déclara  innocents ,  à  la  sollicitation 
de  Titus,  Josèphe  et  les  antres  qui 
avaient  été  si  faussement  accusés  ;  et 
pour  punir  Jonathas  comme  il  le  mé^ 
ritait ,  il  le  fît  brûler  tout  vif  après 
l'avoir  fait  battre  de  verges. 

Punition  céleste  des  grimes 
DB  Catullus.  —  «  Quant  à  Catullus , 
la  clémence  des  deux  princes  le  sauva. 
Mais  bientôt  après  il  tomba  dans  une 
maladie  incuranle  et  si  horrible,  que, 

Quelque  extraordinaires  et  insupporta- 
les  que  fussent  les  douleurs  qu'il  res-* 
sentait  en  tout  son  corps,  celles  qui 
bourrelaient  son  âme  les  surpassaient 
encore  de  beaucoup.  Il  était  agité  sans 
cesse  par  des  frayeurs  épouvantables , 
criait  qu'il  voyait  devant  ses  yeux  les 
fantômes  de  ceux  qu'il  avait  injuste- 
ment livrés  au  supplice  ;  et  ne  pouvant 
demeurer  en  place,  il  se  jetait  hors  du 
lit  comme  s'il  y  eût  été  sur  la  roue 
ou  sur  un  brasier.  Ses  maux  presque 
inconcevables  allèrent  toujours  en 
augmentant,  et  enfin  ses  entrailles 
étant  toutes  dévorées  par  le  feu  qui  le 
consumait ,  il  finit  sa  vie  coupable  par 
une  mort  telle ,  que  jamais  Dieu  n'a 
manifesté  d'une  manière  plus  remar- 
quable la  grandeur  des  pemes  que  les 
méchants  doivent  attendre  de  sa  jus- 
tice. » 

Josèphe  à  sans  doute  exagéré  outre 
mesure  les  tourments  endurés  par  le 
préteur  de  Libye  qui  avait  sévi  contre 
ses  coreligionnaires.  Divers  savants 
ont  cru  que  ce  magistrat  était  le  même 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


m 


4|«#  Catullus  MdstidliQiM  mentionné 
par  Plîae  l«  jeuao  Domidè  un  homme 
•aac  liéflitation>  sans  pudeur  «  laiis  pi- 
tié ,  fameux  par  nés  méfaits  et  tes  ar- 
rêts sanguinaires.  Quelques-uns  ont 
pensé  aussi  que  les  halludnations 
dottt  il  était  tourmenté  araient  fourni 
le  sujet  d'une  pièoe  de  théâtre  citée 
par  JuYénal  sous  le  titre  de  Phasma 
CatuUi. 

NOUTBIXB  INSÛBmiCtlOKDBS  JUIFS 

SOUS  TAajah 4  ^  Sous  le  r^ne  de  Do- 
ffiitien ,  U  y  eut  un  sénateur  nommé 
Cécilius  Rufinus,  que  le  nouvel  au*- 
foste^  exerçant  la  charge  de  censeur  (*), 
«rut  devoir  rayer  de  la  liste  du  sénat , 
parce  ^u'il  aimait  à  danser:  peut-être 
est-ce  à  ce  même  personnage  qu'il  faut 
rapporter  une  inscription  où  Ton  voit 
figurer  Quintus  Gécilius  Rufinus  avec 
le  titre  de  proconsul  de  Crète  et  de 
Carène. 

Sous  Trajan,  en  la  dix-huitième  an- 
née du  règne  de  ce  prince  (**),  une  in- 
surrection générale  des  Juifs,  née  dans 
la  Cyrénaïque  et  -propagée  dans  les 
contrées  voisines ,  donna  au  monde  le 
speetacle  des  plus  horribles  atrocités. 
Voyant  l'empereur  engagé  dans  la 
fuerre  contre  les  t^arthes,  et  toutes  Ifs 
forices  de  l'empire  tournées  vers  l'O- 
rient i  ils  avaient  cru  l'oceasion  fâvo« 
rable  pour  recouvrer  leur  indépen- 
dance :  les  Juifs  cyrénéens  donnèrent 
le  signal  ^  ay^t  mis  à  leur  tête  un  des 
leurs,  nommé  André,  ils  s'excitent  an 
massacre  des  Grecs  et  des  Romains 
au  milieu  desquels  ils  vivaient ,  et  s'il 
en  faut  croire  Dion  Cassius  s  ils  niân< 
gent  \%%  chairs  de  leurs  victimes  ,  dé«- 
vorent  leurs  entrailles ,  se  frottent  le 
corps  de  leur  sang,  se  vêtent  de 
leur  peau  ;  ils  les  scient  ep  long  par  le 
milieu  «  ou  bien  ils  les  livrent  aux 
bé^s  féroces ,  ou  les  font  combattre 
entre  eux  jusqu'à  la  mort. comme  des 
gladiateurs  :  affreuses  représailles  des 
scènes  de  l'amphithéâtre  où  ces  mal* 
très  du  monde  amusaient  la  populace 
de  Rome  par  de  semblables  horreurs» 
Dion  fait  monter  à  deux  cent  vingt 

(*)  L*an  82  de  l'ère  vulgaire.. 
}**)  L'an  1x5  de  Tère  vulgaire. 


qoiUe  le  nombre  des  personnes  qui , 
dans  la  seule  Cyrénaïque,  périrent  dans 
ceUe épouvantable  boucherie;  les  Juifs 
d'Egypte  et  de  Chypre,  excités  par  cet 
«xemple,  massacrèrent  de  leur  côté 
deux  oent  quarante  mille  victimes. 

En  vain  les  Grecs  de  Libye  avaient 
tenté  d'arrêter  ce  torrent  furieux  ;  ils 
avaient  été  battus  a  la  première  ren- 
contre ,  et  s'étaient  sauvés  à  Alexan- 
drie, où  ils  avaient  immédiatement 
fait  main-basse  sur  toute  la  population 
juive  de  cette  caoitale,  tandis  aue  celle 
qui  était  répanaue  dans  le  plat-pavs 
vint,  avec  Lucua  son  chef,  qu'Ëusèbe  '— -— *^ 
décore  même  du  titre  de  roi ,  se  réunir  z''^'^-^?  ^^ 
aux  révoltés  de  la  Cyrénaïque.  Trajan  ^**v'>»^^«<^* 
prit  de  çérieuses  mesures  pour  remé- 
dier à  ces  désordres:  il  envoya  en 
Libye  des  troupes  d'infanterie  et  de 
cavalerie,  et  même  une  armée  navale , 
le  tout  sous  le  commandement  de  Mar- 
cius  Turbo,  l'un  des  plus  vaillants  ca- 
pitaines de  ce  temps ,  qui  devint  peu 
d'années  après  préfet  du  prétoire. 
Turbo  réduisit  en  effet  les  rebelles, 
mais  ce  ne  fut  qu'à  force  de  combats 
et  de  temps ,  ayant  affaire  non-seule- 
ment aux  Juils  cyrénéens,  mais  en 
même  temps  à  tous  ceux  de  l'Egypte , 
qui  étaient  accourus  à  l'appel  de  leur 
roi  ;  en  sorte  que  la  guerre  se  prolon- 
gea jusqu'à  l'avènement  d'Adrien  (*), 
et  que  ce  fut  seulement  au  commen- 
cement de  ce  nouveau  règne  que  Mar- 
cius  Turbo,  ayant  enfin  complètement 
réprimé  les  Juifs  de  Libye,  put  être  en- 
voyé contre  les  Maures  d'Afrique. 

Quatrième  période  ^  depuis  Adrien 
jusqu'à  Théodose  le  Grand:  Épo- 
que de  réorganisations  adminis- 
tratives. 

CHÂNeBMENT    DB    LIMITES    SOuà 

Adbien.  —  Les  déprédations  des  in- 
surgés avaient  tellement  désolé  la  Li- 
bye, qu'elle  serait  demeurée  presque 
déserte ,  et  inculte  faute  d'habitants  , 
si  Adrien  n'eût  rassemblé  de  tous 
côtés  des  colons  pour  y  fonder  de  nou- 
veaux établissements.  Ils  bâtirent,  sur 

(^  Le  II  août  ZZ7  de  l'ère  vulgaire. 


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128 


L'UNIVERS. 


la  côte,  une  ville  à  laquelle  ils  donnè- 
rent le  nom  d'Adriane  ou  Adrianoi>olis, 
qui  a  disparu  sans  laisser  de  vestiges. 
Adrien,  comme  on  sait,  passa  en 
voyages  dans  les  provinces  de  Tem- 
pire ,  plus  de  moitié  de  la  durée  totale 
de  son  règne;  la  Libye  ne  fut  point 
exclue  de  cette  inspection  générale  du 
monde  romain,  mais  les  historiens  ne 
nous  ont  conservé  à  cet  égard  aucun 
détail ,  ni  même  aucune  mention  pré- 
cise :  une  anecdote  seule ,  consignée 
dans  le  curieux  recueil  d'Athénée ,  et 
appuyée  du  témoignage  des  médailles, 
nous  fait  connaître  qu'Adrien,  dans 
une  chasse  qu'il  fit  en  ce  pays(*), 
y  tua  un  lion  d'une  taille  énorme ,  qui 
aepuis  longtemps  ravageait  toute  la 
Libye,  et  avait  en  beaucoup  d'endroits 
forcé  les  habitants  à  déserter  leurs 
demeures. 

C'est  sans  doute  au  règne  d'Adrien, 
ce  grand  et  actif  administrateur  des 
provinces,  que  doit  être  rapporté,  s'il 
eut  lieu  en  effet  dans  l'ordre  politique 
comme  on  n'en  peut  guère  douter,  un 
changement  dans  les  délimitations 
communes  de  la  Cyrénaïque  et  de 
rÉgypte,  qui  n'est  accusé  par  aucun 
historien  du  temps ,  mais  qui  se  fait 
remarquer  dans  les  descriptions  du 
géographe Ptolémée.  Dans  le  coup  d'œil 
général  qu'Appien,  au  commencement 
de  son  histoire,  jette  sur  le  monde  ro- 
main, on  voit  énumérées  en  effet, 
sans  distinction  expresse,  et  d'une 
manière  assez  équivoque,  les  diverses 
provinces  de  Tempire  ;  en  ,gorte  qu'il 
est  difficile  de  reconnaître  si  l'on  doit 
réunir  ou  séparer  mutuellement  Cy- 
rène  et  les  Marmarides,  et  les  Ammo- 
niens ,  et  les  peuples  voisins  du  lac 
Maréote,  qu'une  même  phrase  nomme 
ainsi  bout  à  bout.  Mais  son  contem- 
porain Ptolémée  décrit  expressément 
la  province  Cyrénaïque  (i?)  Kupijvaîx^j 
èTTopxia)  comme  bornée  sur  la  côte,  à 
l'ouest  par  les  autels  des  Philènes ,  et 
à  l'est  par  la  ville  de  Darnis  ;  tandis 
qu'il  annexe  à  TÉgypte  un  nome  de 
Marmarique,  un  nome  de  Libye,  et 

(*)  Probablement  en  l'année  i3a  de  no- 
tre ère* 


un  nome  Maréote.  Peut-être  cette  dé- 
limitation nouvelle  était^^lle  la  consé- 
quence des  disi|M)sition8  militaires  dont 
la  dernière  insurrectiondes  Juifs  avait 
fait  reconnaître  la  nécessité. 

Dans  ces  limites  plus  restreintes,  la 
Cyrénaïque  continuait  d'être  réunie  à 
la  Crète  en  une  seule  province ,  dont 
le  jeune  Publius  Septimius  Geta  ,  fils 
de  Septime  Sévère,  fiit  questeur  et 
propréteur  avant  son  avènement  à 
j'empire ,  ainsi  que  le  constatent  les 
inscriptions.  Le  même  ordre  (te  choses 
durait  encore  au  temps  de  l'historien 
Dion  Cassius. 

Une  mention  isolée  de  l'historien  Vo- 

Siscus  nous  apprend  que  sous  le  règne 
'Aurélien,  Probus,  qui  bientôt  après 
fut  empereur,  eut  à  combattre  vigou- 
reusement contre  les  Marmarides,  qu'il 
réduisit  à  l'obéissance. 

La  Cyrénaïque  devenue  chré- 
tienne.— A  l'époque  où  nous  sommes 
parvenus,  le  christianisme,  qui  s'était 
mtroduit  à  Cyrèue  dès  le  temps  de  la 
prédication  des  apôtres,y  avait  fait  assez 
de  progrés  pour  que  les  mesures  dont 
la  religion  nouvelle  était  l'objet  de  la 
part  des  empereurs,  eussent,  pour  cette 
province ,  une   importance   directe  ; 
tout  en  nous  réservant  de  consacrer 
plus  loin  un  paragraphe  spécial  à  l'ex- 
posé succinct  du  développement  et  des 
vicissitudes  de  l'Église  chrétienne  dans 
la  Cyrénaïque ,  nous  ne  pouvons  nous 
dispenser  cl'annoter  ici  que  plusieurs 
des  villes  de  la  Pei^apole  avaient  déjà 
des  évêques,  et  qu'à  l'époque  où  la 
persécution  entreprise  par  Dioclétien 
vint  commencer  l'ère  des  martyrs  (*) , 
de  saints    confesseurs  y  moururent 
pour  la  foi  ;   l'évêque  Théodore  fut 
alors  une  des  victimes  de  la  persécu- 
tion, dont  le  ministre,  dans  cette  pro- 
vince, était  le  gouverneur  Dignianus 
(Diogenianus?),  auquel  la  légen^de 
donne  le  titre  de  prœses  ou  comman^ 
dant  ;  et  avec  le  saint  évêque  périrent 
le  diacre  Irénée,  et  les  lecteurs  des 
divines  Écritures  Sérapion  et  Ammo- 
nius.  ^ 

(*)  On  sait  que  l'ère  des  martyrs  date 
du  ag  août  aS*.  t  (.    3*w<t:thVv,  4«^ij. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


MOBGELLEMBNT    DBS   PBOVINGBS 

SOUS  DiocLÉTiBW.  —  On  s'accorde 
à  rapporter  au  règne  de  Dioclétien, 
sur  la  foi  d'un  reproche  adressé  à  sa 
mémoire  par  l'auteur  du  livre  De  la 
mort  des  persécuteurs  (*),  le  morcel- 
lement des  provinces ,  dont  on  n'en- 
trevoit que  des  traces  éparses  et  fu- 
gitives dans  les  auteurs  contempo- 
rains, et  à  l'égard  duquel  nous  n'avons 
de  renseignements  précis  que  posté- 
rieurement à  l'organisation  générale 
faite  par  Constantin  le  Grand.  On  sait 
du  moins  que  Dioclétien ,  et  son  col- 
lègue Maximien-Hercule,  s'étant  asso- 
cié ,  le  !«'  mars  292,  Constance-Chlore 
et  Galère,  il  y  eut  alors,  entre  les  deux 
augustes  et  les  deux  césars ,  une  di- 
vision quadripartite  de  l'empire,  dans 
laquelle  Constance -Chlore  eut  l'Occi- 
dent au  delà  des  Alpes,  Maximien 
l'Italie  et  l'AfriqTue,  Galère  le  reste 
de  l'Europe,  et  Dioclétien  l'Orient  :  la 
Cyrénalque  avec  la  Libye  et  l'Egypte 
étaient  comprises  dans  ce  dernier  lot. 
Il  est  difûcile  de  décider  si  la  Crète 
fut  dès  lors  détachée  de  Cyrène  pour 
s'aller  annexer  à  la  Grèce,  apanage  de 
Galère  :  quelques  auteurs  ont  admis 
cette  séparation  hâtive;  il  nous  semble 
plus  sage  de  douter,  et  nous  penchons 
même  à  croire  qu'elle  ne  dut  avoir  lieu 
que  sous  Constantin.  Il  est  probable , 
en  effet,  que  le  morcellement  des  pro- 
vinces ne  précéda  point  le  partage  de 
l'empire,  et  qu'il  fut,  au  contraire,  une 
conséquence  de  ce  partage,  parce  qu'a- 
lors chacun  desquatre  princes  régnants 
voulut  avoir  sa  cour,  ses  ofnciers, 
toute  la  hiérarchie  administrative  et 
militaire  d'un  empire  distinct  ;  et 
pour  multiplier  les  commandements , 
il  fallut  multiplier  les  divisions  terri- 
toriales sur  lesquelles  ces  commande- 
ments étaient  exercés.  Telle  est  la 
marche  naturelle  des  choses,  telle 
aussi   la  succession  des  indications 

(*)  Ce  livre  est  vulgairement  cité  sous  le 
nom  de  Lactance;  mais  le  manuscrit  unique 
oui  a  servi  de  type  à  toutes  les  éditioas  ne 
désigne  l'auteur  que  sous  le  nom  de  Lucius 
CécUius,  qui  n*a  qu*un  rapport  bien  in- 
complet avec  celui  de  Lucius  Cœlius  LactaU' 
tiu*  Pirmîanus, 


129 

fournies  par  le  livre  De  la  mort  des 
persécuteurs  :  «  Avare  et  timide  à  la 
«  fois,  »  s'écrie  le  fougueux  écrivain , 
c  Dioclétien  a  bouleversé  toute  la  terre  : 
«  il  s'est  associé  trois  collègues .  divi- 
«  sant  le  monde  en  quatre  parties , 
«  grossissant  les  armées  au  point  que 
«  chacun  des  quatre  empereurs  a  plus 
«  de  soldats  qu'il  n'en  fallait  autrefois 
«  au  maître  unique  de  tout  l'empire... 
«  Les  provinces  aussi  ont  été  coupées 
«  en  morceaux  ;  on  a  établi  des  souver- 
«  neurs  avec  toute  leur  séquelle  dans 
«  chaque  contrée,  presque  dans  chaque 
«  cité;  des  intendants  de  finances  mul- 
fttipliés,   des    inspecteurs   généraux 

«  militaires,  des  vice-préfets, etc.  » 

MoDB  d'àpbbs  leqobl  l'empibe 

PUT  BIYISB  BN  QUATBB  PÀBTIES.  — 

Il  y  a  donc  lieu  de  penser  que  le 
partage  de  l'empire  se  fit  entre  les 
quatre  princes  par  voie  d'attribution , 
à  chacun  d'eux ,  d'un  certain  nombre 
de  provinces,  suivant  certaines  conve- 
nances résultant  des  affinités  mutuelles 
de  celles-ci  ;  et  que ,  plus  tard  seule- 
ment, quand  chacune  de  ces  provinces 
en  eut  formé  plusieurs,  la  grande  di- 
vision quadripartite  put  être  modifiée 
par  le  retrait  ou  l'accession  de  quel- 
qu'une de  ces  provinces  nouvellement 
constituées.  C'est  ainsi  gue  nous  rap- 
portons au  règne  de  Dioclétien  l'or- 
ganisation d'après  laquelle  trois  pro- 
vinces distinctes  se  trouvèrent  formées 
du  territoire  de  l'ancienne  province 
Cyrénéenne  établie  par  Auguste.  Nous 
avons  déjà  remarqué  le  déplacement 
de  limites  qui ,  sous  Adrien ,  avait 
transporté  de  cette  province  à  celle 
d'Egypte  la  Libye  qui  s'étend  à  l'est 
,  de  Darnis  ;  sous  Dioclétien,  cette  der- 
nière dut  être  détachée  de  l'Egypte 
pour  faire  une  province  nouvelle;  et 
celle  qui  du  temps  d'Adrien  compre- 
nait sous  un  seul  gouverneur  la  Pen- 
tapole  cyrénaïque  et  l'île  de  Crète,  fut 
naturellement  subdivisée  par  Dioclé- 
tien en  deux  gouvernements  distincts, 
l'un  continental,  l'autre  purement  in- 
sulaire; et  c'est  au  temps  de  Constan- 
tin seidement  que  ce  dernier  gou- 
vernement, ayant  acquis  ainsi  une 
individualité  propre ,  put  être  distrait 


9*  JM>raison.  (Afbiqub  ancienne.) 


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180 


L'UNIVERS. 


sans  effort  de  Tun  des  qaatre  grands 
départements  de  Fempire,  pour  être 
désormais  rattaché  à  un  département 
▼oisin. 

Il  serait,  en  effet,  erroné  de  croire 
que  ces  quatre  grandes  divisions,  dans 
chacune  desquelles  il  y  avait  un  préfet 
du  prétoire  avec  plusieurs  vice-préfets, 
répondissent  précisément  aux  quatre 
préfectures  étahlies  par  Constantin, 
et  renfermassent  les  mêmes  diocèses 
ou  vice-préfectures  t  ainsi  Dioclétien 
n'avait  point  dans  son  département 
le  diocèse  de  Thrace,  qui  fut  cepen- 
dant compris  ensuite  dans  la  préfec- 
ture d*Orient;  et  après  l'abdication 
de  Dioclétien  (*)«  le  lot  qu'il  avait  eu 
ne  passa  même  à  Maximin  que  dimi- 
nue encore  des  provinces  du  Pont, 
qu'il  reprit  seulement  après  la  mort 
de  Galère  (**);  Licinius  au  contraire 
ajouta  tout  le  département  de  Maxi* 
min  (***)  à  une  portion  de  celui  de  Ga» 
1ère.  Nous  ne  saurions,  au  surplus, 
déterminer  le  nombre  et  l'étendue  des 
diocèses  existants  à  cette  époque 
dans  chaque  département ,  et  c'est  uni- 
quement par  conjecture  que  nous  pou* 
vons  considérer  la  Cyrénaïque  et  ses 
démembrements  comme  englobés  avec 
l'Egypte  dans  un  même  diocèse,  dont 
la  Palestine  faisait  peut-être  alors  éga« 
lement  partie  :  tout  ce  que  nous  sa- 
vons avec  assurance ,  c^est  que  ces 
rrovinces  appartinrent  successivement 
Dioclétien,  à  Maximin,  et  à  Licinius, 
et  que  la  persécution  contre  les  chré- 
tiens y  fut  à  diverses  fois  renouvelée, 
jusquà  la  reunion  de  tout  l'empire 
dans  les  mains  de  Constantin. 

Organisation  et  partaok  bb 
l'empire  sous  Constantin  et  ses 
ENFANTS.— Sous  ce  dernier  empereur, 
le  christianisme  cessa  d'être  opprimé, 
il  devint  même  la  religion  dominante  et 
fevorisée;  et  les  Pères  de  TÉglise  ca- 
tholique purent  se  réunir  en  concile 

(*)  Le  i**"  mai  3o5.  Maximin  ne  fut  fait 
alors  que  césar,  mais  il  se  déclara  lui-même 
auguste  dès  3o8. 

(*•)  En  avril  3ii. 

(•**)  Maximin,  vaincu  par  Licinius,  mou- 
rut vers  août  3i3;  Licinius  lui-même  fut 
dépouillé  par  Gonstaiitiii  à  la  fin  de  3a3. 


général  k  Nioée ,  en  inrésenee  même 
du  souverain,  le  10  juin  825,  au  nom- 
bre de  trois  cent  dix-huit  évêques, 
pour  y  dresser  le  symbole  de  leur  foi  : 
les  deux  provinces  de  Libye  (la  Libye 
et  la  Pentapole)  y  furent  représentées 
par  sept  évêques,  groupés  en  deux 
camps,  les  uns  autour  de  leur  métro- 
politain le  patriarche  d'Alexandrie ,  les 
autres  autour  du  théologien  Arius,  qui 
fut  alors  déclaré  hérésiarque. 

L'organisation  générale  de  l'empire 
sous  Constantin  ne  nous  est  pas  con- 
nue dans  ses  détails  avec  une  pré- 
cision telle  qu'on  la  pourrait  désirer, 
puisque  la  Notice  des  dignités  des 
empires  d^ Orient  et  d'Occident,  ce 
précieux  inventaire  de  toutes  les  charges 
civiles  et  militaires  du  monde  romam , 
est  postérieure  d'environ  un  siècle  à 
l'établissement  administratif  fondé  ou 
complété  par  cet  enipereur.  Toujours 
est-il,  nous  le  savons  par  le  témoi- 
gnage explicite  de  Zosime,  que  dans 
le  partage  qu'il  fit,  en  quatre  grandes 
préfectures  prétoriales,  du  territoire 
de  l'empire  qu'il  venait  de  pacifier  (*J, 
la  Pentapole  et  la  Libye  furent  attri- 
buées au  préfet  qui  eut  l'Egypte  avec 
l'Orient  ;  tandis  que  la  Crète ,  déjà  sé- 
parée de  Cvrène ,  fut  dévolue  à  celui 
?|ui  avait  1  Illyrie  avec  la  Grèce  ;  l'A- 
rique ,  à  l'ouest  de  la  Pentapole ,  ap- 
partenait au  préfet  d'Italie  ;  celui  des 
Gaules  tenait  l'ancien  lot  de  Constance- 
Chlore. 

Cette  organisation  devait  reeevoir, 
de  son  auteur  même,  une  modifica- 
tion importante ,  lorsqu'il  voulut  dis- 
tribuer entre  ses  trois  fils,  Constantin, 
Constance  et  Constant,  et  ses  deux 
neveux  Delmace  et  Annibalien  (**), 
les  provinces  de  ce  grand  empire  ;  il 
est  vrai  que  le  département  du  jeune 
Constantm  répondit  exactement  à  la 
préfecture  des  Gaules;  mais  celle  d'O- 
rient; donnée  à  Constance,  perdit 
d'un»  part  la  petite  Arménie ,  le  Pont 
et  la  C^ppadoce,  qui  en  furent  démom 


(^  Ce  (jni  indique  pour  date  l'année  3»S 
de  noire  ère. 

(^*)£a  Tannée  S35,deia  ans  avant  sa 
mort 


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AFRIQUE  ANCIEIWE. 


brés  pour  former  un  royaume  à  An- 
nibalien,  et  d'autre  part  la  Thrace, 
qui  fut  jointe  à  la  Grèce  démembrée  do 
rlllyrie ,  pour  constituer  le  départe- 
ment de  Delmace  ;  la  préfecture  dlta- 
lie  s'augmenta  au  contraire  du  reste 
de  celle  d'Illyrié,  pour  devenir  le  lot  de 
Constant.  Mais  a  la  mort  de  Constan- 
tin le  Grand ,  cet  ordre  fut  encore 
bouleversé ,  et  pendant  que  Constan- 
tin le  jeune  et  Constant  se  disputaient 
ritalie  et  l'Afrique ,  Constance  repre- 
nait tout  rOrient  et  la  Thrace;  puis, 
quand  il  alla  combattre  tes  tyrans  qui 
s'étaient  élevés  en  Occident  à  la  place 
de  ses  frères,  il  laissa  le  gouvernement 
supérieur  de  l'Orient  à  son  jeune  cou- 
sin Gallus ,  avec  le  titre  de  César  {*) 
et  Lucilianus  pour  maître  de  la  mi- 
lice, indépendamment  des  préfets  du 
prétoire  entre  les  mains  desquels  se 
trouvait  l'administration  réelle,  et  dont 
il  se  réservait  la  nomination;  mais 
trois  ans  après,  Gallus  ayant  été  mis 
à  mort  par  ordre  de  Constance,  tout 
l'empire  se  trouva  réuni  de  nouveau 
sous  un  même  sceptre.  Au  milieu  de 
ces  changements ,  la  Pentapole  et  la 
Marmarique  n'avaient  cessé  d'apparte- 
nir directement  à  Constance  que  pen- 
dant le  règne  transitoire  du  césar 
Gallus. 

RÈONB  DE  VaLBNS  ET  DE  THEO- 

BOSE  LE  Grand.— Quand  l'empire  fut 
donné  à  Yalentinien  (en  364),  on  sait 
qu'il  le  partagea  avec  son  frère  Valens, 
à  qui  il  céda  tout  l'Orient,  dont  les  deux 

Erovinces  libyennes  formaient  invaria- 
lement  une  dépendance;  et  si  Théodose 
le  Grand,  qui  succéda  à  Valens  (en  379), 
parvint  à  réunir  encore  une  fois  eq 
ses  mains  tout  l'empire,  ce  fut  pour 
en  consommer  le  partage  irrévocable 
(en  39S)  entre  ses  deux  fils,  Arcadius 
qui  eut  l'Orient,  et  Honorius  qui  eut 
rOccident.  Jusqu'alors  il  n'y  avait  eu. 
à  proprement  parler,  qu'un  seul  et 
mém«  empire,  possédé  à  la  fois  par 
deux  ou  plusieurs  empereurs,  dont 
diacun  exerçait  plus  spécialement  son 
autorité  dans  une  circonscription  dé- 
terminée, mais  par  une  sorte  de  délé- 

(*)  Le  x5  mars  35i, 


181 

gation  mutuelle  entre  collèguet.  Aussi 
les  aperçus  géographiques  de  l'empire 
romain  qui  nous  sont  fournis  par  Sex- 
tus  Rufus  sous  Valens  et  Valentinien, 
par  Ammien  Marcellin  et  par  la  No- 
tice des  Provinces  sous  Théodose  le 
Grand  et  Valentinien  le  Jeune,  le  re- 

§  résentent  comme  un  seul  tout,  sub- 
ivisé  en  provinces.  La  Notice  y 
compte  cent  treize  provinces,  renfer- 
mées dans  onze  régions  ou  diocèses  ; 
la  région  d'Egypte  y  O^ure  pour  six 
provinces,  parmi  lesauelles  sont  énu- 
mérées  la  Libye  Ariae  {Libya  Sicca\ 
c'est-à-dire  la  Marmarique,  et  la  Li- 
bye Pentapole,  c'est-à-dire  la  Cyré- 
naîque. 

SÉPABATION  PES  DEUX  EMPIBES  A 
LA  MORT  DE  ThÉODOSE  LE   GbAND. 

— Après  la  mort  de  Théodose,  au  con- 
traire, il  y  eut  désormais  deux  empires 
bien  distincts,  conservant,  il  est  vrai, 
une  organisation  similaire,  mais  non 
plus  commune.  C'est  le  tableau  de 
cette  organisation  qui  nous  est  donné, 
pour  chacun  des  deux  empires,  par  la 
Notice  des  Dignités^  où  nous  allons 
relever  les  indications  spéciales  qui 
concernent  la  Lib^e. 

L'empire  d'Orient  était  divisé  en 
deux  préfectures  du  prétoire,  celle  d'O- 
rient et  celle  d'Iilyrie.  La  première 
comprenait  cinq  diocèses,  savoir  ,  l'E- 
gypte ,  rOrient,  l'Asie,  le  Pont  et  la 
Thrace,  dont  les  quatre  derniers  étaient 
gouvernés  par  des  vice-préfets,  tandis 
que  le  gouverneur  du  diocèse  d'Egypte 
avait  le  titre  particulier  de  préfet  au- 
gustal  :  six  provinces  se  trouvaient 
dans  sa  circonscription,  savoir ,  la  Li- 
bye supérieure  ré|)ondant  à  l'ancienne 
Cyrénaïque,  la  Libye  inférieure  ré- 
pondant à  la  Marmarique*  FÉsypte 
propre,  la  Thébaïde,rArcadie,etT'Au- 
gustamnique  ;  sauf  l'Egypte  propre, 
directement  régie  avec  le  titre  de  pro- 
vince consulaire  par  le  préfet  augus- 
tal  lui-même,  toutes  ces  provinces 
avaient  chacune  un  commandant  titré 
de  prœses,  ayant,  pour  l'expédition 
des  affaires  administratives  et  judi- 
ciaires, des  bureaux  dirigés  par  un  pre- 
mier commis. 

Le  commandement  militaire,  qui 

9. 


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132 


L'UPOVERS. 


depuis  Constantin  le  Grand  demeurait 
tout  à  fait  séparé  du  gouvernement 
politique,  appartenait,  en  chef,  sous 
les  orares  immédiats  de  Tempereur, 
à  des  grands-mattres  ou  colonels-gé- 
néraux, deux  pour  la  garde  impériale, 
tOQJours  présents  à  la  cour,  et  trois 
pour  le  reste  de  l'armée,  exerçant, 
chacun  son  autorité  dans  une  grande 
division  militaire,  comme  l'Orient,  la 
Tbrace  ou  Tlllyrie.  Parallèlement  à 
eux,  un  grand -maître  des  offices  ou 
intendant-général  avait  dans  ses  at- 
tributions les  services  administratifs 
de  Tarmée  et  la  juridiction  militaire 
supérieure.  Chaque  grande  division  se 
partageait  en  plusieurs  subdivisions, 
attribuées  à  des  généraux  de  divers 
rançs,  les  plus  élevés  en  grade  ayant 
le  titre  de  comte,  les  autres  celui  de 
duc;  trois  de  ces  généraux  étaient  af- 
fectés au  diocèse  dTÉgypte,  savoir  ,  un 
comte  d'Egypte,  un  duc  de  Thébaïde, 
et  un  duc  de  Libye. 

Cbéation  d'un  duc  de  Libye. 
—  Dans  le  principe,  il  n'y  avait,  pour 
la  défense  de  tout  le  diocèse  d'Egypte, 
qu'un  seul  duc,  dont  l'institution,  sous 
ce  titre  ou  sous  un  autre,  paraît  re- 
monter au  règne  même  d  Auguste; 
fmis  on  voit,  au  temps  de  Gallien,  en 
'année  265,  figurer  clans  l'histoire  du 
tyran  Celsus  par  Trébellius  Pollio,  un 
duc  de  Libye,  Fabius  Pompeïanus,  qui 
s'était  prononcé  pour  cet  empereur 
éphémère  :  mais  quelque  doute  peut 
s  élever  sur  l'exactitude  de  cette  dési- 
gnation ;  il  est  plus  sûr  de  ne  rappor- 
ter qu'au  règne  de  Valens  la  création 
des  ducs  de  Thébaïde  et  de  Libye,  aux 
dépens  des  attributions  du  duc  d'E- 
gypte, que  l'on  consola  de  ce  démem- 
brement en  l'élevant  au  rang  de 
comte. 

Le  duc  de  Libye,  qui  avait  son  quar- 
tier-général à  Parétonion,  parait  avoir 
été,  dans  l'origine,  charge  de  la  dé- 
fense de  toute  la  Libye,  c'est-à-dire 
de  la  Cyrénalque  et  de  la  Marmarique 
ensemble  ;  mais  il  y  eut,  à  cet  égard , 
quelque  changement  notable,  qu'une 
lacune  dans  le  seul  exemplaire  qui 
nous  soit  parvenu  de  la  Notice  des 
DignitéSy  et  l'insuffisance  ou  l'équivo* 


que  des  autres  documents  que  nous 
possédons,  laissent  fort  obscur  pour 
nous;  et  grande  est  la  divergence  des 
critiques  qui  ont  voulu  l'expliquer,  les 
uns  supposant  le  retrait  absolu  des 
troupes  régulières  de  toute  la  Libye, 
ou  au  moins  de  la  Cyrénaïque,  les  au- 
tres la  coexistence  d'un  gouverneur 
civil  et  d'un  commandant  militaire 
dans  la  Pentapole,  d'autres  encore  la 
réunion  des  pouvoirs  civils  et  mili- 
taires en  une  seule  mainC).  Quoi  qu'il 
en  soit  à  cet  égard,  des  modifications 
avaient  eu  lieu,  qui  excitaient  le  dé- 
plaisir de  Synésios,  et  lui  avaient  fait 
réclamer,  quoique  en  vain,  le  retour  à 
l'organisation  ancienne. 

Cinquième  période ,  règnes  â^Arca- 
dius  et  de  Théodose  le  Jeune  : 
Époque  de  Synésios. 

^  Commencements  de  Synésios. 
— Nous  venons  de  prononcer  un  nom 
qui  tient  une  place  d'honneur  dans 
1  histoire  de  la  C3nrénaïque  à  cette 
épo(|ue  :  Synésios  nous  présente,  au 
milieu  des  calamités  qui  aésolèrent  sa 
patrie,  une  de  ces  belles  figures  que 
grandit  encore  la  petitesse  des  person- 
nages qui  occupent  la  scène  autour  de 
lui.  Il  nous  faut  consacrer  ici  à  ce 
nom  célèbre  une  page  spéciale. 
Issu  de  la  race  royale  des  Eurysthé- 

(*)  La  première  de  ces  opinions  est  ex- 
posée par  Marcus,  dans  ses  additions  à 
la  Géographie  de  Mannert  ;  elle  n'est  que 
spécieuse,  et  accompagnée  de  notables  er- 
reurs. La  seconde  est  professée  par  le  savant 
Tillemont,  qui  cependant  n*a  pas  été  suivi 
sur  ce  point  par  Lebeau ,  son  paraphraste 
ordinaire;  mais  Lebeau  a  certainement  con- 
fondu des  indications  très-distinctes,  et  Ton 
peut  s*étonner  que  Saint-Martin ,  son  der- 
nier éditeur  critique,  n*ait  pas  relevé  cette 
confusion.  Tillemont  nous  semble  donc  ici 
le  meilleur  guide  à  suivre,  et  c'est  en  nous 
aidant  de  son  jugement  à  la  fois  perspicace, 
consciencieux  et  sûr,  que  nous  avons  pu 
cheminer  dans  le  labyrinthe  des  données 
historiques  éparpillées  dans  le  recueil  désor- 
donné des  écrits  de  Synésios.  Notre  con- 
fiance n*a  cependant  point  été  aveugle,  et 
nous  avons  osé,  sur  quelques  points,  avoir 
une  opinion  différente  de  la  sienne. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


nides  de  Sparte,  Synésios  avait  vu  le 
jour  à  Cjrrène  vers  le  milieu  du  qua- 
trième siècle  de  notre  ère,  et  se  trou- 
vait Tafné  de  trois  enfants  :  Evoptios 
était  le  nom  de  son  frère,  Stratonice 
celui  de  sa  sœur.  Il  fut  élevé  dans  sa 
ville  natale,  oîi  il  étudia  les  belles-let- 
tres, mais  surtout  les  mathématiques 
et  la  philosophie,  et  il  alla  perfection- 
ner son  instruction  à  Técole  d'Alexan- 
drie, où  il  suivit  les  leçons  de  la  cé- 
lèbre Hypathie  fille  de  Théon ,  aussi 
savante  qu*aimable,  aussi  chaste  que 
belle ,  pour  laquelle  il  conserva  toute 
sa  vie  une  vive- et  respectueuse  affec- 
tion, soumettant  à  sa  critique  et  à  son 
goût  exquis  les  œuvres  sorties  de  sa 
plume,  acceptant  ses  décisions  comme 
des  oracles.  Un  riche  patrimoine  lui 
permettait  de  suivre  son  inclination 
pour  la  culture  de  la  philosophie  :  il 
s'éloigna  des  affaires  et  embrassa  une 
vie  douce  et  tranquille,  conforme  à  ses 
mœurs.  L'étude  fit  ses  délices,  la 
chasse  et  l'agriculture  son  amuse- 
ment. Fuyant  la  barbarie  de  son 
temps ,  il  se  transportait  dans  les  siè- 
cles les  plus  polis  de  la  Grèce  :  c'était 
là  qu'il  vivait  ;  il  semblait  en  être  un 
reste  précieux  ;  il  en  prit  le  goût  et  le 
langage;  écrivain  pur,  élégant,  ingé- 
nieux ,  mais  un  peu  trop  chargé  de 
métaphores,  il  ne  put,  même  dans  les 
fonctions  austères  du  sacerdoce  dont  il 
fut  revêtu  dans  la  maturité  de  l'âge,  se 
défaire  de  ce  tour  de  pensées  et  d'ex- 
pressions qui  lui  était  devenu  familier 
pendant  sa  jeunesse,  et  dans  le  langage 
chrétien  il  conserva,  pour  ainsi  parler, 
l'accent  du  paganisme. 

Sa  position  sociale,  les  charges  mu- 
nicipales auxquelles  il  ne  chercha  point 
à  se  soustraire,  plus  tard  Tépiscopat 
dont  il  fut  honore,  lui  assurèrent  dans 
sa  patrie  une  influence  qu'il  fît  servir 
à  rendre  de  nombreux  services ,  mais 

3ui  lui  suscitèrent  aussi  des  rivaux  et 
es  ennemis  qui  contrariaient  ses  des* 
seins  ou  se  vengeaient  de  sa  supério- 
rité par  des  invectives  et  des  calom- 
nies. Parmi  les  hommes  qui  s'élevè- 
rent contre  lui  dans  les  luttes  du.  sé- 
nat, il  nous  désigne  un  certain  Julius, 
qu'il  trouva  toujours  opposé  aux  me- 


188 


sures  qui  lui  paraissaient  au  contraire 
d'urgente  nécessité.  Ce  fut  d'abord  à 
propos  de  l'abandon  qui  était  fait  de 
la  garde  militaire  et  de  l'administra- 
tion de  la  cité  à  des  mercenaires, 
abandon  que  Synésios  combattait, 
mais  qu'il  ne  put  empêcher.  Puis  ce 
fut  au  sujet  d'une  mission  que  le  noble 
Cyrénéen  alla  remplir,  au  nom  de  son 
pays,  auprès  de  l'empereur  Arcadius, 
en  l'année  397;  mission  que  Julius 
ambitionnait  sans  doute,  et  pour  la- 
quelle il  ne  pardonna  peut-être  point  à 
son  rival  de  lui  avoir  été  préféré. 

Mission  db  Synbsios  aupbàs 
d' Abcabius.  -—  Synésios  était  chargé 
d'offrir  à  l'empereur  une  couronne  d'or, 
et  de  demander  une  remise  d'imposi- 
tions.Le  discours  d'apparat  qu'il  pro- 
nonça à  son  audience  d'introduction 
nous  est  parvenu;  il  y  indique  seulement 
en  quelques  mots  l'objet  de  sa  venue  au 
nom  de  la  grecque  Cyrène,  antique  et 
vénérable  cité  que  les  poètes  célébrè- 
rent jadis  par  des  milliers  de  vers , 
maintenant  pauvre  et  huniiliée,  ruines 
vastes  et  désertes  qui  ont  besoin  de 
la  munifîcence  souveraine  pour  être 
en  mesure  de  soutenir  la  dignité  de 
leur  vieille  origine.  Puis  il  entreprend 
de  faire  entendre  au  jeune  empereur 
quels  sont  les  devoirs  du  monarque  à 
regard  du  pays  ;  il  fronde  cette  pompe 
extérieure  dont  la  splendeur  affecte  de 
s'accroître  à  mesure  que  le  mérite  dé- 
croît et  s'anéantit.  Quoiqu'il  vît  alors 
tant  de  barbares  promus  aux  premières 
dignités  de  l'Ëtat,  il  s'élève  librement 
contre  cette  coutume  de  prodiguer  les 
honneurs  aux  ennemis  naturels  de 
l'empire;  il  conseille  d'éloigner  ces 
étrangers,  qui  ne  sont  nés,  dit-il,  que 
pour  être  esclaves  des  Romains.  Il 
trace  d'un  pinceau  ferme  et  hardi  les 
défauts  du  gouvernement,  l'affaiblis- 
sement des  troupes  romaines,  l'ascen- 
dant que  prennent  les  barbares  dans 
les  armées,  les  maux  que  leur  inso- 
lence va  infailliblement  produire,  la 
préférence  que  des  hommes  sans  mé- 
rite et  même  vicieux  obtiennent  à  la 
cour  sur  des  offîciers  vertueux  et  dé- 
voués à  la  patrie.  Il  exhorte  l'empereur 
à  se  choisir  des  amis  sincères  et  éclai- 


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IS4 


L*UHIVBRS. 


rés,  à  se  faire  aimer  des  troupes,  à  ne 
nommer  pour  gourernears  et  pour 
magUtrats  gue  des  hommes  désmté- 
ressés  et  qui  aiment  les  peuples,  parce 
que  ceux-là  seuls  aiment  le  prince,  et 
à  veiller  par  lui-même  sur  la  conduite 
de  ceux  qu'il  emploie^  Puissé-je,  diMl 
en  terminant,  trouver  un  empereur 
tel  que  je  viens  de  le  dépeindre,  quand 
je  reviendrai  l'entretenir  des  demandes 
que  lui  adressent  les  cités  de  ma 
patrie. 

Il  suivit  opiniâtrement  pendant  trois 
ans  Tobjet  de  sa  mission,  couchant 
quelquefois  sous  le  portique  du  palais, 
dans  un  grand  tapis  égyptien  dont  il 
paya  plus  tard  les  bons  offices  de  Tua 
des  tachygraphes  de  la  cour  ;  il  se  cort- 
eilia  les  bonnes  grâces  d'un  autre  per- 
sonnage en  lui  faisant  cadeau  d'un 
globe  céleste  d'argent;  mais  le  pro- 
tecteur qui  lui  fut  le  plus  utile,  c'est  le 
sophiste  Troïle,  qui  jouissait  d'une 
grande  considération  et  d'un  crédit 
réel.  Synésios  atteignit  le  but  de  ses 
efforts,  et  revint  àCyrène  satisfait  du 
succès  qu'avaient  enfin  obtenu  ses  dé- 
marches. 

ÉTAT  DE  LA  CYHÉNAIQUB  AU  BE- 

TOUH  DE  SVNÉsios.  —  Mais  il  y 
trouva  la  guerre  au  dehors  de  la  part 
des  barbares  Mazikes  et  Ausuriens , 
habitants  du  désert  sur  la  limite  com- 
mune de  la  Libye  et  de  l'Afrique  (*)i 
dont  les  incursions  désolaient  la  Pen- 
tapole  et  s'étendaient  même  jusqu'à 
l'Egypte;  et  au  dedans  l'opposition 
de  Julius,  constant  à  repousser  les 
mesures  qu'il  proposait  comme  re- 
mède aux  maux  du  pays  ;  quand,  pour 
redonner  de  la  vigueur  aux  milices, 
Synésios  voulait  en  écarter  les  étran- 
gers, dont  les  habitudes  mercantiles 
ont  rinconvénient  de  réagir  sur  les 
gens  même  les  plus  braves,  Julius  s'y 
opposa  dans  un  intérêt  purement  per- 
sonnel. Synésios  réclama  ensuite  l'a- 
bolition au  commandement  militaire 

(*)  Cette  distinction  entre  la  Libye  et 
l'Afrique  se  trouve  expressément  observée 
ici  par  le  grec  Philostorge  :  Mo^ixeç  xal 

AOÇcapiovol  (uxa^  $à  Ai6uirjc  xal  'Açpwv  oôrot 
ve(j.ovTat .  xaxà  (lèv  tô  icodtvÀv  oeuTÛv  xXCjta 
^  Atfiwiv  é^pi^(uotfav  (XI,  8). 


local,  tout  le  monde  s'aceordant  à  dire 
que  l'unique  moyen  de  rétablir  les 
affaires  était  de  faire  rentrer  les  cités 
sous  l'ancienne  administration  prési* 
diale,  c'est-à-dire  sous  l'autorité  du 
préfet  d'Egypte  (*);  mais  des  motifs  sor* 
aides  poussèrent  encore  Julius  à  s'y 
opposer,  peu  soucieux  qu'il  était  des 
malheurs  publics  dont  lui-même  ne 
serait  pas  atteint,  et  se  félicitant  d'un 
succès  présent,  bien  que  la  ruine  fu^ 
ture  de  la  patrie  y  fût  attachée. 

FANFABONNABE    et  LACHETE    DB 

Jean,  bival  de  Synésios»  —  Ua 
autre  puissant  du  jour  était  un  Phry^ 
gien  nommé  Jean,  un  de  ces  hom- 
mes que  l'on  voit  fanfarons  pendant  la 
paix,  lâches  à  la  guerre,  toujours  mé- 

(*)  tldiXiv  ffpaçov  ûwèp  tov  >eXû<rôai  ti^v 
icap^  i^(jitv  (TroaTyjYiav,  6icep  otTcavreç  djJLOçw- 
va)ç  ol  T^8e  avÔpomoi  (xôvov  eîvai  çatn  Xuttq- 
ptov  Tôv  fieivôv,  èTtaveXOeîv  eîç  àpxafov  iiyg- 
{lovCocv  Totc  ir6Xei; ,  rourécmV  Oicd  tov  Alyu- 
ircCcav  dpxovra  xal  Ta;  Ai0ôb>v  Teràx^ai. 
(  STirésios,  épitre  94.) 

Ce  passage  nous  semUe  constater,  contre 
l'opinion  de  Tillemont,  qu'il  n'y  avait  pas  à 
la  fois  dans  la  Pentapole,  à  cette  époque, 
un  gouveraeur  civil  ou  prœses,  fjy6|jwi>v,  et 
un  conunandant  militaire  ou  duc,  dux,  6oùÇ^ 
oraTYjYoç.  Cependant  le  titre,  un  peu  sus- 
pect il  est  vrai,  de  la  Catastasc  de  Syné- 
sios porte  que  l'invasion  des  barbares  qui 
en  fait  le  sujet ,  a  eu  lieu  TJyefioveiîovToç 
TewaStou ,  xal  Souxèç  ôvroç  îvvoxevrtou. 
Cela  supposerait  dès  lors  le  retour  désiré 
par  Synésios  de  àp^aiov  T^yetiovCew;  mais 
est-ce  d'alors  seulement?  Tillemont  regarde 
Andronicus  comme  un  gouverneur  civil,  et 
Anysios  comme  un  duc  militaire,  et  il  ne 
peut  y  avoir  de  doute  pour  ce  dernier; 
quant  à  Andronicus,  Synésios  se  sert  géné- 
ralement à  son  égard  des  mots  ^epLcov,  1^- 
(iovia,  àç^ijif  qui  appartiennent  à  la  magis- 
trature civile  ;  mais  il  semble  le  désigner 
aussi ,  dans  sa  lettre  7a,  par  la  qualification 
de  stratège. 

Il  y  a  dans  tout  cela  une  question  d'or- 
ganisation provinciale  assez  difficile  à  dé- 
brouiller. Synésios  parle  de  stratèges;  le 
titre  de  sa  Catastase  accuse  un  duc  et  un 
prœses;  sous  Léon  et  Zenon  nous  ne  trou- 
vons que  des  ducs;  Hiéroclès  ne  désigne 
que  des  prœses,  k  la  place  desquels  Justi- 
nien  vient  constituer  un  duc.  Que  de  va- 
riations en  moins  d'un  siècle  et  demil 


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AFRIQUE  ANCIENIŒ. 


prisables.  Au  forum,  il  soutenait  sa 
cause  à  coups  de  poing,  insultait  de 
ses    coups  de  pied  les  gens  les  plus 
tranquilles  ;  le  péril  vint  rabaisser  soh 
arrogance.    Le  bruit  courait  depuis 
quelques  jours  qu'une  incursion  des 
barbares  se  préparait  ;  un  détachement 
de  cavaliers  désignés  sous  le  nom  de 
Balagrites ,  sans  doute  parce  qu'ils 
avaient  leur  quartier  à  Balacris,  sorti'* 
rent  avec  leur  chef  pour  aller  faire  une 
reconnaissance,  et  les  citoyens  s'avan- 
cèrent dans  la  campagne  pour  attendre 
l  ennemi;  mais  ne  voyant  rien  venir,  ils 
rentrèrent  chez  eux,  pour  se  présentei 
de  nouveau  le  surlendemain.  On  ne  put 
alors  découvrir  Jean  nulle  part;  on 
faisait  circuler  le  bruit  qu'il  s'était 
cassé  la  jambe^  ou  quMI  lui  était  ar* 
rivé   quelque  autre   grave  accident, 
mais  on  ne  savait  ou  il  était  ;  et  ses 
amis  de  déplorer  l'absence  d'un  homme 
si  résolu,  dont  le  bras  serait  d'un  si 
grand  secours*  Le  danger  passé,  il 
revient  comme  d'un  long  voyage,  fait 
le  brave,  s'érige  en  conimandant  des 
milices^  prétend  les  instruire  et  les 
exercer,  et  s'avance  avec  elles  pour 
faire  face  à  un  ennem'  qu'il  croyait 
fort  éloigné  ;  mais  voilà  qu'il  arrive  au 
camp  quelques  pâtres  effrayés ,  suivis 
bientôt  d'une  troupe  de  pauvres  cava- 
liers que  la  faim  plus  que  toute  autre 
cause  semblait  amener,  et  qui  s'arrê- 
tèrent à  ta  vue  des  Cyrénéens,  descen- 
dirent de  cheval  et  se  tinrent  en  ob- 
servation, paraissant  disposés  à  se  dé- 
fendre plutôt  qu'à  attaquer  ;  et  il  n'y 
eut  en  effet  aucun  engagement,  la  re- 
traite s'étant  opérée  de  part  et  d'autre 
avec  prudence.  Mais  dès  l'apparition 
de  l'ennemi ,  Jean  avait  tourné  bride, 
et  pressant  les  flancs  de  son  cheval, 
fouettant,  criant,  employant  toutes  ses 
ressources  à  accélérer  sa  course,  il 
avait  du  moins,  dans  la  fuite  la  plus 
honteuse  qu  fut  jamais ,  montré  un 
admirable  talent  d'équitation     fran- 
chissant les  montées   les  descentes, 
le^  haie8>  les  fossés    sans  se  laisser 
désarçonner,  jusqu'à  ce  qu'il  fût  par- 
venu tout  d'une  traite  au  site  de  Bom* 
béa,  que  l'aspérité  des  rochers,  la  pro« 
fondeui  des  vallées,  et  les  travaux  de 


n$ 


Fart  rendaient  un  asile  inexpugnable. 

Tels  étaient  les  hommes  avec  les- 
quels avait  à  lutter  Synésios  î  il  y  re- 
nonça de  dégoût,  et  s'enibarquant  à 
Phyconte,  puis  touchant  à  Erythron  , 
et  débarquant  le  cinquième  jour  à  l'île 
du  Phare,  il  vint  habiter  Aleiandrie, 
où  il  se  maria  (*)  et  vit  nattre  son  pre- 
mier enfant. 

Gouvernement  de  Gébéàlis.  — 
Après  deux  ans  d'absence ,  il  rentra 
dans  sa  patrie,  gouvernée  alors  par  le 
stratège  Céréalis,  homme  sans  mérite, 
peu  soucieux  de  renommée  ni  même 
de  considération  inuabile  à  la  guerrci 
tracassier  pendant  la  paix,  à  oui  il 
avait  suf6  d'un  court  intervalle  dô 
tranquillité  pour  tout  bouleverser  dans 
le  pays.  Afin  de  s'approprier  l'argent 
des  soldats,  il  les  dispensait  du  ser- 
vice, leur  laissant  la  faculté  de  s'aller 
établir  la  oii  ils  croiraient  pouvoir 
trouver  à  subsister;  telle  était  du  moins 
sa  conduite  avec  les  troupes  indigènes; 
quant  aux  autres,  dont  il  ne  pouvait 
extorquer  l'argent,  il  les  employait  à 
rançonner  les  villes,  en  s'y  portant 
comme  pour  tenir  garnison,  et  accep- 
tant l'or  qu'elles  s'empressaient  d'of- 
frir pour  se  racheter  de  cet  onéreux  se- 
jour.  De  chez  les  Libyens  à  demi  civili- 
sés du  voisinage,  la  nouvelle  de  cet  état 
de  cnoses  se  propagea  chez  les  bar- 
bares pius  éloignés,  ^t  bientôt  Cyrène 
se  trouva  assiégée  par  les  Mazikes, 
qui  pillèrent  et  ravagèrent  tout  le  plat 
pays  ;  le  lâche  Cérèaiis ,  au  lieu  d'af- 
fronter le  danger  qu'il  avait  provoqué 
lui-m^me,  se  hâta  de  quitter  la  terre 
pour  se  réfugier  dans  un  bâtiment  et 
se  tenir  en  mer  à  quelque  distance  du 
rivage,  avec  des  navires  chargés  -  de 
son  or  et  de  provisions.  Synésios  à  la 
tête  de  quelques  soldats  balagrites 
auxquels  Céréalis  avait  ôté  leurs  che- 
vaux, mais  qui  n'en  étaient  pas  moins 
d'excellents  archers,  faisait  pendant  la 
nuit  des  rondes  autour  de  la  place, 
pour  veiller  à  la  tranquillité  des  habi- 
tants, et  assurer  l'approvisionnement 
d'eau  dont  la  ville  ne  pouvait  se  pas- 

(*)  A  la  fin  de  4o3  ou  au  eommeiioeaeat 
dA4o4. 


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136 


L'UNIVERS. 


ser.  On  manquait  d*armes  et  de  ma- 
chines :  Synésios  faisait  fabriquer  des 
lances  et  des  flèches,  construire  des 
batistes  à  lancer  de  grosses  pierres  du 
haut  des  tours. 

L'occupation  du  pays  par  les  bar- 
bares se  prolongea,  avec  des  succès 
balancés,  pendant  plusieurs  années, 
sans  que  le  zèle  de  Synésios  se  ralen* 
tît.  Dans  rintervalie ,  sa  femme  iui 
donna  deux  autres  enfants,  que,  dans 
les  moments  de  danger,  il  confiait  aux 
soins  de  son  frère,  tout  en  répétant 
pour  lui-même  ce  mot  des  magistrats 
de  Lacédémone  à  Léonidas  :  «  Que 
c'est  en  combattant  comme  si  Ton  de- 
vait être  tué,  qu'on  échappe  le  plus 
sûrement  à  la  mort.  »  Les  prêtres 
d'Axilis,  près  de  Darnis,  pendant  que 
les  soldats  se  cachaient  dans  les  mon- 
tagnes, réunissant,  à  l'issue  des  saints 
offices,  une  troupe  de  paysans  déter- 
minés, marchèrent  droit  à  l'ennemi, 
qui  s'était  engagé  sans  précaution  dans 
la  vallée  profônde  et  boisée  de  Myrsi- 
nis  ;  le  diacre  Faustus,  qui  marchait 
en  avant,  frappe  d'une  pierre  à  la  tempe 
le  premier  de  ces  pillards  qu'il  ren- 
contre, lui  enlève  ses  armes,  et  donne 
l'exemple  d'une  attaque  meurtrière, 
qui  fiit  couronnée  du  succès  le  plus 
complet. 

GOUVEBNEMENT      D'AnDRONIGUS 

SUGGESSEUB  DE  Qennàdiiis.  —  Quel- 
que temps  après,  nous  voyons  le  gou- 
vernement de  la  Cyrénaïque  exercé 
par  le  syrien  Gennadius,  homme  juste 
et  habile,  qui,  sans  employer  d'au- 
«  très  moyens  que  la  persuasion ,  sut 
faire  venir  au  trésor  public  plus  d'ar- 
gent que  les  gouverneurs  qui  em- 
ployaient les  rigueurs  de  la  contrainte. 
Il  fut  remplacé  par  Andronicus,  fils 
d'un  pêcheur  de  Bérénice,  qui  obtint 
sa  nomination  en  achetant  les  bonnes 
grâces  des  eunuques  de  la  cour,  et 
porta  dans  sa  nouvelle  dignité  la  bas- 
sesse d'esprit  et  la  grossièreté  qu'il 
devait  à  sa  naissance.  Gomme  la  con- 
duite de  son  prédécesseur  devait  for- 
mer un  fâcheux  contraste  avec  celle 
3a'il  se  proposait  de  tenir,  il  tâcha 
'abord  de  le  noircir,  et  voulut  le  faire 
condamner  comme  coupable  de  pécu- 


lat  ;  il  alla  jusqu'à  faire  emprisonner 
un  avocat  qui  lui  refusait  son  minis- 
tère pour  cette  injuste  accusation  ; 
mais  ses  efforts  furent  inutiles,  et  la 
réputation  de  Gennadius  ne  put  être 
ternie. 

Andronicus,  néanmoins ,  suivant 
sans  honte  son  penchant  à  la  rapine, 
enlevait  les  deniers  publics  et  faisait 
mourir  de  faim  dans  les  cachots  les 
officiers  chargés  de  les  recueillir.  Le 
pays  avait  déjà  beaucoup  souffert  des 
tremblements  déterre,  clés  sauterelles, 
de  la  famine,  et  du  ravage  des  barba- 
res; Andronicus  fut  un  cinquième 
fléau.  Il  inventait  des  supplices  inouïs  ; 
il  avait  des  instruments  de  torture 

Sarticuliers  pour  disloquer  les  doigts 
es  pieds,  pour  écraser  le  nez,  pour 
arracher  les  oreilles  et  les  lèvres  ;  et 
il  avait  pour  conseillers,  Zénas  qui 
avait  eu  l'habileté  de  faire  payer  l'im- 
pôt annuel  deux  fois  dans  la  même 
année,  Julius  qui  lui  imposait  d'auto- 
rité ses  propres  volontés  comme  un 
maître  à  son  esclave,  mais  surtout 
Thoas  qui  de  geôlier  était  devenu  re- 
ceveur de  certaines  redevances  mili- 
taires. Ce  Thoas  fit  un  voyage  à  Cons- 
tantinople,et  voulant  perdre  deux  hon- 
nêtes citoyens  de  Gyrène  nommés 
Maximin  et  Clinias,  il  rapporta  à  son 
retour,  comme  un  secret  fort  impor- 
tant, que  le  patrice  Anthémius,  préfet 
du  prétoire  et  premier  ministre  de 
l'empereur  Théodose  le  Jeune,  étant 
malade,  avait  été  averti  en  songe  qu'il 
ne  guérirait  pas  qu'on  ne  fit  mourir 
Clinias  et  Maximin  :  aussitôt  Andro- 
nicus, affectant  un  zèle  ardent  pour  la 
santé  du  tout-puissant  ministre,  fit 
arrêter  ces  deux  citoyens;  mais  ce  qui 
montra  bien  qu'il  y  avait  en  lui  moins 
d'illusion  que  de  méchanceté,  c'est 
qu'il  ne  les  mit  pas  à  mort  sur-le- 
champ;  ils  furent  cruellement  maltrai- 
tés à  plusieurs  reprises  :  c'était  son 
passe-temps;  il  revenait  à  eux  lors- 
qu'il n'avait  personne  à  tourmenter. 

Synésios  ,  devenu  étêqub  ,  ex- 
communie Andbonigus.  —  Syné- 
sios avait,  dans  l'intervalle,  vu  ajou- 
ter à  l'autorité  que  lui  donnaient  sa 
naissance  et  sa  position  sociale,  celle 


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AFRIQUE  ANCIEIHNE. 


qoe  confère  le  sacerdoee.  Devenu  chré- 
tien, il  avait  été  élu,  en  410,  évéque 
de  Ptolémaïs;  il  voulut  résister,  peu 
disposé  qu'il  était  à  quitter  une  femme 
quil  chérissait  et  des  idées  philoso- 
phiques auxquelles  il  n'était  pas  moins 
attaché;  mais  on  insista,  et  il  fut  sa- 
cré à  Alexandrie  des  mains  du  pa- 
triarche Théophile,  qui  avait  lui- 
même,  sept  ans  auparavant,  béni  son 
mariage.  £n  prenant  possession  de  son 
siège,  il  perdit  un  de  ses  enfants,  et  se 
laissa  aller  à  la  plus  grande  douleur, 
d'où  il  fut  tiré  par  le  besoin  d'arrêter 
les  persécutions  d'Andronicus.  Celui-ci 
connaissait  le  crédit  de  Synésios,  il  y 
avait  eu  recours  pendant  le  séjour  du 
prélat  à  Alexandrie,  pour  éviter  d'y 
être  mandé  lui-même.  Mais  il  ne  tint 
aucan  compte  de  ses  remontrances, 
s'aigrit  de  ses  réprimandes,  voulut 
même  ôter  aux  églises  le  droit  d'asile, 
et  s'emporta  enfin  en  blasphèmes  à  ce 
propos.  Synésios  alors  formula  contre 
ÂDdronicus,Tboas,  et  leurs  adhérents, 
la  terrible  sentence  d'excommunica- 
tion. 

«L'Église  de  Ptolémaïs  à  toutes 
«  celles  de  la  terre.  Qu'aucun  temple 
«  de  Dieu  ne  soit  ouvert  à  Androni- 
«cus  ni  aux  siens,  à  Thoas  ni  aux 
«siens;  que  tous  les  lieux  sacrés  et 
«leur  enceinte  leur  soient  fermés; 
«  car  il  n'est  pour  le  démon  aucune 
■  place  en  paradis,  et  s'il  s'y  glisse 
«lurtivement  on  doit  l'en  chasser. 
«  J'ordonne^  soit  aux  particuliers^  soit 
«  aux  magistrats,  de  n'avoir  avec  eux 
«  ni  le  même  toit  ni  la  même  table  ;  je 
«  le  recommande  surtout  aux  prêtres, 
«  qui  ne  leur  parleront  point  de  leur 
«  vivant,  et  ne  leur  feront  point  de  fu- 
«nérailles  après  leur  mort.  Que  si 
«  quelqu'un,  dédaignant  une  ville  peu 
«  msidérable,  recevait  ceux  que  son 
«  Église  a  condamnés,  comme  s'il  était 
«  permis  de  ne  lui  point  obéir  à  cause 
«  de  son  peu  d'importance,  qu'il  sache 
«  que  c'est  diviser  l'Église  que  Jésus- 
•  Christ  a  déclarée  indivisible  ;  et  quel 
«  qu'il  soit,  diacre,  prêtre  ou  évêque, 
«  il  sera  pour  nous  dans  le  même  cas 
«  qu'Andronicus  lui-même  ,  et  ja- 
«mais  notre  main  ne  touchera  la 


187 


«  sienne,  jamais  nous  ne  mangerons  à 
«  la  même  table,  bien  loin  de  vouloir 
«  communier  dans  les  saints  mystères 
«  avec  ceux  qui  auraient  aucun  rap- 
«  port  avec  Andronicus  et  Thoas.  » 

Cet  acte  de  vigueur  étonna  Andro- 
nicus et  lui  donna  à  réfléchir  ;  il  de- 
manda la  suspension  de  la  sentence, 
promettant  de  s'amender,  et  Synésios, 
sur  les  instances  du  clergé  de  la  pro- 
vince, consentit,  quoiqu'il  n'espérât 
rien  de  ce  délai,  à  différer  la  publica- 
tion de  la  sentence.  Andronicus ,  qui 
avait  promis  tout  ce  qu'on  avait  voulu, 
montra  bientôt  que  c  étaient  de  vaines 
promesses  ;  il  continua  de  piller^  de 
proscrire,  de  faire  périr  les  citoyens. 
On  déplora  surtout  la  mort  de  Ma- 
gnus,  jeune  homme  de  grande  espé- 
rance, distingué  par  sa  naissance  et 
ses  services,  dont  le  frère  avait  été 
banni;  on  n  avait  d'autre  crime  à  lui 
reprocher  que  d'être  le  frère  d'un 
homme  qu'Andronicus  haïssait  :  on 
lui  demanda  de  l'argent,  et  on  le  battit 
jusqu'à  ce  qu'il  payât  ;  et  quand  il  eut 
payé ,  on  le  battit  encore  jusqu'à  ce 
ou  il  expirât ,  parce  qu'il  avait  trouvé 
ae  quoi  payer  en  vendant  des  terres 
à  d'autres  qu'au  stratège  lui-même. 
Synésios  alors  lança  l'excommunica- 
tion, et  l'envoya  à  tous  les  évêques  de 
la  chrétienté ,  avec  une  lettre  qui  en 
expliquait  les  motifs ,  et  une  seconde 
gui  faisait  connaître  les  nouveaux  mé- 
laits  d' Andronicus. 

Andbonigus  est  bemplagb;  ahbi- 
vÉB  d'Anysios.— Le  vigoureux  prélat 
ne  se  borna  point  à  user  de  ces  armes 
spirituelles;  il  avait  déjà  écrità  Constan- 
tmople  pour  dévoiler  à  quelques  person- 
nages puissants  la  conduite  du  gouver- 
neur imposé  à  la  Pentapole  {)0ur  son 
malheur;  il  s'adressa  alors  àXroïle, 
en  le  priant  de  mettre  la  vérité  sous  les 
yeux  d'Anthémius;  et  enfin  Andronicus 
fut  révoqué.  On  avait  déjà  désigné,  pour 
le  commandement  militaire  du  pays  (*), 
Anysios,  jeune  et  brave,  mais  en  même 
temps  sage,  vigilant,  juste,  pieux ,  in- 
tègre, désintéressé,  qui  s'empressa  de 
faire  rentrer  dans  l'ordre  tous  les  su- 

(*)  Avant  Pâques  de  l'année  41  >• 


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iss  iTrtrtVERS. 

bâltemes;  d'arrêter  leurs  pillages  et 
leurs  exactions.  Andronicus  fut  pour- 
suivi ,  et  n'échappa  aux  rigueurs  de  la 
justice  que  par  rlntercession  de  S^né- 
sios ,  qui ,  pour  le  sauver ,  ne  craignit 
pas  de  froisser  plusieurs  de  ses  amis, 
que  le  désir  de  se  venger  animait  con- 
tre le  gouverneur  destitué. 

Depuis  sept  ans ,  les  courses  sans 
eesse  renouvelées  des  barbares  mena- 
çaient la  Pentapole  d'une  ruine  com- 
plète ;  Anysios  1  en  préserva  une  année 
encore  par  sa  bravoure.  Une  horde 
d'Ausuriens  s'étant  avancée  dans  la 
province,  Anysios  se  mit  à  la  tête  des 
troupes,  composées  de  Marcomans  et 
de  Tbraces,  avec  quarante  cavaliers 
hunnigardes,  qu^il  attacha  plus  spécia- 
lement à  sa  personne,  et  aui  suivaient 
tous  ses  mouvements  ;  il  attaqua  en 
diverses  rencontres  les  Ausuriens ,  et 
par  la  valeur  de  ses  quarante  Hunni- 
gardes, il  les  culbuta  et  les  battit  si 
rudement,  que  de  mille  cavaliers  qu'ils 
étaient ,  Il  en  échappa  à  peine  un  cin- 
quième. Synésios  composa  un  éloge 
spécial  du  stratège  victorieux  et  de  ses 
Hunnigardes,  proclamant  ceux«ci  de 
véritables  soldats  romains  quand  ils 
étaient  commandés  par  un  tel  chef, 
et  demandant  hautement  quil  fût  ac- 
cordé à  la  province  un  corps  de  deux 
cents  hommes  de  cette  arme,  persuadé 
qu'avec  eux  Anysios  pourrait  non-seu- 
lement chasser  définitivement  les  Au- 
suriens du  pays,  mais  encore  aller  les 
battre  sur  leur  propre  territoire. 

État  déplorable  de  laCybénaï- 

QUE  APBis  LE    BAPPEL   d'ANYSÎOS. 

—  Ce  vœu  ne  devait  pas  être  rempli, 
et  Ànvsios,  que  Ton  vit  élevé  peu 
d'années  après  à  la  dignité  de  comte 
des  largesses  impériales ,  fut  appelé  à 
une  autre  destination:  sa  place  fut 
donnée  à  un  nouveau  chef  que  l'âge  et 
les  infirmités  rendaient  impotent,  et 
dont  la  bonne  volonté  ne  pouvait  sup- 
pléer les  forces  ;  une  indication  sus- 
pecte lui  attribue  le  nom  d'Innocent 
et  la  qualité  de  duc,  en  même  temps 
qu'elle  nomme  Gennade  comme  gou- 
verneur civil.  Les  Ausuriens  profitè- 
rent de  sa  faiblesse  pour  renouveler 
leurs  déprédations,  ils  envahirent  les 


campagnes  de  la  Cyrénaïque.  rutnèrent 
le  pays,  où  le  cours  de  la  Justice  fut 
interrompu;  Synésios  lui-même  se 
trouva  assiégé  dans  sa  ville  épiscopale, 
avec  le  seul  fils  qui  lui  restât  alors,  et 
qu'il  devait  bientôt  voir  mourir  aussi 
tout  jeune  encore.  L'éloquent  évêque 
nous  a  laissé,  dans  un  morceau  que  Ton 
a  intitulé  Catastase  ou  Constatation, 
le  tableau  de  l'état  déplorable  où  se 
trouvait  alors  réduite  la  Pentapole  : 
«  Elle  était  naguère  en  la  possession 
«des  Romains,  s'écrie  - 1  -  il  ;  mais 
«  ils  peuvent  la  rayer  maintenant  de 
«  la  liste  de  leurs  provinces  ;  c'en  est 
«  fait  d'elle ,  elle  est  perdue.  —  Il  eût 
«  suffi,  pour  la  conserver,  d'opposer 
h  aux  barbares  quatre  centuries  et  un 
«  stratège;  mais  on  a  laissé  les  Ausu- 
«  riens  s'enhardir  par  le  succès  ;  et 
«  leurs  femmes  même,  l'épée  au  poing, 
«  leur  nourrisson  à  la  mamelle ,  vien- 
«  nent  partagef,  avec  leurs  maris,  l'hon- 
«  neur  et  le  butin.  —  O  honte  !  ces  fiers 
k  Romains ,  dont  les  trophées  coa- 
«  vraient  le  monde,  ne  peuvent  garder 
«  les  villes  grecques  de  la  Libye ,  ni 
«  même  peut-être  Alexandrie  d'Egypte  ! 
«  —  Rien  n'a  arrêté  les  barbares ,  ni 
«  les  montagnes ,  ni  les  forts  ;  Ils  en* 
«  lèvent  les  femmes  et  les  enfants;  les  en- 
ti  fants  qu'ils  élèveront  pour  la  guerre, 
«  et  qu'ils  ramèneront  adultes  dévaster 
«  le  sol  oui  les  vit  naître.  —  Qui  vou- 
^  drait  énumérer  les  châteaux  qu'ils 
ft  ont  démolis,  les  dépouilles  qu'ils  ont 
«  emportées,  les  troupeaux  qu'ils  ont 
«  emmenés?  ils  ont  chargé  cmq  mille 
«  chameaux  de  leur  butin,  et  fait  trois 
«  fois  plus  de  prisonniers  qu'ils  n'é- 
«  taieht  eux-mêmes.  La  Pentapole  est 
«  perdue  sans  retour  (*).  —  Je  n'ai  plus 
«  de  patrie  ;  il  ne  me  reste  qu'à  atten- 
«  dre  un  navire  qui  veuille  me  trans- 
it porter  pauvre  et  humble  dans  une 
«  île  éloignée ,  à  Cythère  peut-être. 
«  O  Cyrène  !  guitterai-je  donc  ces  ar- 
«  chives  publiques  où  ma  généalogie 
«  est  inscrite  depuis  Hercule ,  et  ces 
«  tombeaux  doriens  où  le  mien  devait 

(*)  T£6vTQxtv  Ma^  tb  Il£VTait6>eci>c» 
réXoç  Sxsi  *  8iax£xeîpi9Tai  *  àTtôXcoXcv  *  oO)i 
it*  éôrl  TcavreXcôÇy  ouO*  i^fiiv,  oirre  pacotXEt. 


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AFRIQIIE  ANCIENNE. 


m 


«  être,  ^  cette  infortunée  Ptolémals 
«  dont  j'aurai  été  le  dernier  pasteur!— 
«  lYon ,  non  ,  Tirai  au  saint  temple  de 
«  Dieu ,  c'est  la  ma  place;  je  m'entou- 
«  l^raf  des  vases  sacrés ,  j'embrasserai 
*  leà  bàlustres  de  la  samte  table ,  et 
«je  m'assoirai  là  virant  pour  y  at^ 
il  tendre  le  moment  où  J'y  reposerai 
«  mort.  » 

Telles  étaient  les  circonstances  au 
tailied  desquelles  le  gouvernement  de 
la  Pentapole  fut  confié  à  Marcellin;  il 
trouvait  les  villes  assiégées  au  dehors 
par  utie  multitude  de  barbares  furieux , 
en  proie  au  dedans  à  la  licence  des 
"soldats  et  à  la  rapacité  de  leurs  offi* 
ciers  ;  il  apparut  comme  un  Dieu  sau- 
ireur ,  mit  l'ennemi  en  déroute  dans 
nne  seule  bataille ,  appliqua  une  sur-* 
veillance  soutemie  à  retenir  les  mili- 
taires  dans  le  devoir,  et  délivrant 
ainsi  les  citoyens  des  deux  fléaux  qui 
les  opprimaient,  il  leur  rendit  la  paix, 
et  se  montra  intègre,  désintéressé, 
bienveillant,  pieux,  juste,  humain, 
tel  enfin  qu'un  philosophe  chrétien , 
ainsi  que  se  désigne  lui-même  Syné- 
sios,  pouvait  se  complaire  à  faire  de 
lui,  après  qu'il  eut  quitté  sa  charge 
et  sa  province,  un  éloge  complet  quoi- 
que exempt  de  flatterie;  et  c'est  en 
ces  termes  que  Tévéque  de  Ptolémaïs 
rendait  témoignage  de  la  bonne  admi- 
nistration de  ce  gouverneur.  Synésios 
occupa  encore  plusieurs  années  son 
siège  épiscopal,  et  continua  sans  doute 
de  prendre  aux  affaires  de  sa  patrie 
une  part  active  et  influente;  mais 
l'histoire  ne  nous  en  a  rien  conservé. 

Sixième  période^  depuis  Marcien  jus- 
qu'à HéracUus  :  Époque  de  déca- 
dence  et  de  transition. 

Administration  de  là  Cyrénâi- 
QUE  sous  Zenon  et  sous  Anàstàse. 
—  Plus  de  soixante  années  s'écoulent 
sans  que  nous  trouvions  aucune  trace 
des  événements  politiques  de  la  Pen- 
tapole; sous  Zenon,  et  nendant  le 
court  espace  de  tem[)S  ou  il  régna 
conjointement  avec  le  jeune  Léon  son 
fils ,  une  loi  fut  adressée,  par  eux  en 
commun,  à  Érythrius,  prétet  du  pré- 


toire, relativement  à  certaines  condt*- 
tions  d'admission  dans  les  bureaux 
des  grands  fonctionnaires  de  TÉtat; 
et  dans  la  nomenclature  de  ceux -et 

Î[ui  y  est  insérée ,  on  voit  figurer  à  la 
ois  les  duos  de  la  Libye  et  de  la  Peu* 
tapole  ;  ce  qui  constate  l'existence ,  en 
474,  de  deux  officiers  de  ce  rang  pour 
les  deux  provinces  libyennes ,  au  lieu 
d'un  seul  marqué  dans  la  Notice  des 
Dignités;  mais  ne  faut-il  point  faire 
remonter  beaucoup  plus  haut  la  créa- 
tion du  titre  de  duc  de  la  Pentapole  ? 
Il  semble  que  les  écrits  de  Synésios 
nous  désignent  précisément  cet  officier 
sous  l'appellation  de  stratège,  bien 
qu'il  ne  lui  attribue  nulle  part  le  com- 
mandement exclusif  de  la  Cyrénaîque^ 
Sous  Anastase ,  la  Pentapole  fut  en- 
core affligée  par  le  double  fléau  des 
barbares  et  des  mauvais  gouverneurs. 
Les  Mazikes  renouvelèrent  en  491 
leurs  incursions  et  leurs  ravages  danst 
cette  province,  abandonnée  en  quel- 
que sorte  à  la  famille  du  premier  mi- 
nistre pour  s'y  enrichir:  ce  premier 
ministre  était  le  syrien  Marinus, 
homme  grossier,  brutal,  outrageux  en 
paroles,  impitoyable  à  l'égard  oes  mal- 
heureux ,  avide  de  richesses  pour  lui 
et  pour  les  siens.  Il  préposa  d'abord 
à  la  Libye  son  neveu  Marinus,  jeune 
écervelé ,  à  qui  les  confiscations  in*- 
justes ,  le  san^  même  des  innocents, 
ne  coûtaient  fien  pour  arriver  le  plus 
tôt  possible  à  son  but  de  faire  for- 
tune. Après  lui,  ce  fut  le  tour  de  Bas- 
sianus ,  proore  fils  du  ministre ,  dont 
les  excès  et  les  violences  surpassèrent 
encore  celles  de  son  prédécesseur ,  au 
point  de  le  faire  regretter.  Les  richesses 
amassées  par  ces  deux  gouverneurs 
furent  un  appât  pour  toute  leur  pa- 
renté et  leurs  amis,  qui  allaient,  comme 
un  essaim ,  s'abattre  sur  cette  pro- 
vince pour  avoir  leur  part  du  pillage. 
Restauration  de  la  Libye  sous 
Justinien.— Sous  Justinien,la  Libye, 
qu'il  avait  trouvée  entièrement  envahie 
par  les  barbares,  fut  restaurée,  et  reçut 
une  organisation  nouvelle.  L'ancienne 
organisation,  telle  qu'elle  existait  pen- 
dant les  premières  années  de  son  règne, 
est  constatée  par  le  Synecdéme  de 


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140 


L'UNIVERS. 


Hiéroclès,  ou  Ton  voit  figurer  la  pro- 
vince présidiale  delà  Libye  supérieure, 
avec  les  villes  de  Sozousa,  Cyrène,  Pto- 
lémaïs,  Teukhira,  Adriane  et  Bérénice; 
et  la  province  également  présidiale  de 
la  Libye  inférieure ,  avec  les  villes  de 
Parétonion,  Zogra,  Zagoulis,  Pidonia» 
Antipbrai,  barnis  et  Ammoniaca.  Pro« 
bablement  ces  deux  provinces  étaient 
soumises,  au  moins  nominalement,  au 
préfet  d'Egypte.  Par  un  édit  spécial , 
Justinien  sépara  entièrement  radmi- 
nistration  de  la  Libye  de  celle  de  l'É* 
gypte,  laissant  cette  dernière  sous 
rautorité  civile  et  militaire  du  préfet 
augustal,  et  constituant  dans  une 
complète  indépendance,  sous  l'auto- 
rité ci  vile  et  militaire  d'un  seul  duc,  une 
^ande  province  de  Libye,  comprenant 
a  la  fois  la  Cyrénaîque  et  la  Marma- 
rique ,  plus  la  Maréotide  et  la  ville  de 
Menélas  qui  est  contre  TÉgypte  ;  ces 
deux  annexes  étaient  enlevées  à  la  cir- 
conscription du  préfet  augustal ,  pour 
être  désormais  comprises  dans  la  Li- 
bye. Le  duc  était  chargé  de  toutes  les 
branches  de  l'administration ,  et  de  la 
levée  des  impôts  de  toute  nature,  sur 
lesquels  il  devait  prendre  la  solde  de 
ses  troupes. 

L'empereur  n'épargna  rien,  au  sur- 
plus, pour  relever  les  villes  de  l'état 
d'abandon  et  de  décadence  oii  elles 
étaient  tombées;  et  nous  devons  à 

v>.f  ! V*^»^.  Pfocope  le  recensement  des  travaux 
. ,..  •«••qu'il  y  fit  exécuter.  Taposiris,  qui  est 

De  /^(N^^Uiti^  une  journée  d'Alexandrie,  fut  dotée, 
"t^iUi^A'  entre  autres  édifices,  d'un  palais  et  de 
fK.tK»  •^ains  publics;  comme  cette  partie  de 
la  Libye  est  fort  déserte  et  a  besoin 
d'être  défendue  contre  les  incursions 
des  Maures  du  voisinage,  Justinien 
eut  la  précaution  d'y  faire  prudem- 
ment établir  deux  citadelles  où  il  mit 
garnison  :  Tune  à  Parétonion  ;  l'autre 
a  Antipyrgos,  qui  n'est  pas  loin  de  la 
Pentapole.  Celle-ci  est ,  pour  un  bon 
marcheur,  à  dix  journées  de  route 
d'Alexandrie  ;  l'empereur  y  fit  entou- 
rer la  ville  de  Teuchira  d'une  forte 
muraille ,  et  réparer  l'enceinte  de  Bé- 
rénice depuis  les  fondements,  sans 
parler  des  bains  qu'il  fit  construire  en 
ce  dernier  endroit  pour  l'usage  du  pu- 


blic. Il  entoura  de  fortifications  deux 
monastères  situés  aux  confins  de  la 
Pentapole,  afin  de  repousser  les  bar- 
bares, et  d'empêcher  que ,  par  des  in- 
cursions inattendues,  ils  ne  fissent  ir- 
ruption à  l'improviste  sur  le  territoire 
romain.  Dans  la  même  contrée  est  la 
ville  de  Ptolémaîs,  jadis  florissante  et 
populeuse,  délaissée  à  la  longue,  à 
cause  du  manque  d'eau,  par  la  {plupart 
de  ses  habitants ,  qui  avaient  émigré 
dès  longtemps  pour  ce  motif,  et  s'é- 
taient dispersés,  au  gré  de  chacun,  sur 
différents  points  ;  Justinien  ayant  fait 
réparer  les  aqueducs  et  les  canaux  de 
la  place,  lui  rendit  ainsi  son  ancien 
air  d'opulence. 

La  dernière  ville  de  la  Pentapole 
est  Borion ,  où  la  réunion  des  chaînes 
de  montagnes  et  la  difficulté  des  che- 
mins ferment  le  passage  aux  ennemis  ; 
elle  n'avait  pas  de  murailles  ;  l'empe- 
reur l'entoura  de  solides  fortifications 
^ui  en  fissent  un  lieu  sûr.  A  quatre 

i'ournées  de  route  de  Borion  pour  un 
)on  marcheur,  sont  deux  villes,  toutes 
deux  portant  le  nom  d'Augila,  an- 
ciennes toutes  deux,  tournées  au  sud, 
dont  les  habitants  conservaient  les 
mœurs  et  les  usages  antiques,  tous 
étant  encore  nomades  au  temps  de 
Procope ,  et  adonnés  au  culte  de  plu- 
sieurs dieux;  autrefois  il  y  avait  là 
des  temples  à  Ammon  et  à  Alexandre 
de  Macédoine,  où  les  indigènes  avaient 
continué,  jusqu'au  règne  de  Justinien, 
à  sacrifier  des  victimes.  Ce  prince,  plus 
jaloux  encore  du  salut  de  leurs  âmes 
que  de  leur  sûreté  temporelle ,  pour- 
vut avec  beaucoup  de  soin  à  leur  con- 
version à  la  vraie  foi ,  en  établissant 
parmi  eux  plusieurs  familles  chré- 
tiennes :  ils  abandonnèrent  les  hon- 
teuses pratiques  de  leur  patrie ,  et  il 
leur  construisit  un  temple  consacré  au 
vrai  Dieu.  Quant  à  la  ville  de  Borion  • 
voisine  des  Maures  barbares ,  elle  de- 
meura exempte  de  tributs  ;  et  jamais 
depuis  qu'elle  existe ,  ajoute  le  narra- 
teur, il  n')r  est  entré  aucun  officier  de 
finances  ni  percepteur  d'impôts.  Il  ^ 
avait  Jadis ,  au  voisinage ,  une  colonie 
de  Juifs  possesseurs  d  un  ancien  tem- 
ple fort  vénéré  parmi  eux  ;  Justinien 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


les  ayant  convertis  au  christianisme , 
transforma  ce  temple  en  église.  Au 
delà  sont  les  Syrtes. 

La  Libye  bnlbyéb  a  l'bmpibe 
sous  Hébaglius.  —  Ces  précautions 
assurèrent  sans  doute  à  Fempire  la  con- 
servation de  la  Libye;  du  moins  voyons- 
nous,  à  l'époque  où  Texarque  d'Afrique 
Héraclius,  et  le  patrice  Grégoire  son 
frère  et  sou  lieutenant,  résolurent,  à  la 
sollicitation  de  Crispus  gendre  de  Pho- 
cas ,  d'envoyer  leurs  fils  Héraclius  et 
Nicétas  pour  détrôner  cet  empereur 
débauché  (*) ,  du  moins  voyons-nous , 
dis-je,  Nicétas  choisir,  pour  se  rendre 
de  Carthage  à  Constantinople,  la  route 
de  terre  à  travers  l'Afrique,  la  Libye, 
rÉgypte  et  l'Orient ,  pendant  que  son 
cousin  Héraclius  allait,  avec  la  flotte, 
tenter  de  surprendre  la  ville  impériale, 
ainsi  qu'il  l'exécuta  heureusement. 

Héraclius  fut  le  dernier  empereur 
qui  posséda  la  Libye  ;  les  Arabes  lui 
avaient  enlevé  déjà  la  Syrie  et  Ja  Mé- 
sopotamie; ils  étaient  entrés  en  Egypte; 
quand  il  mourut  (**) ,  Amrou  ben  el-'As 
assiégeait  Alexandrie,  qui  fut  prise 
dans  la  même  année  ;  et  bientôt  après 
son  lieutenant  Oqbah  ben  Nafé'  enva- 
hissait l'antique  contrée  des  Barkéens, 
lui  imposait  tribut,  et  poursuivait  sa 
course  victorieuse  vers  l'Occident.  C'é- 
tait pour  la  Libye  le  commencement 
d'une  vie  politique  nouvelle,  et  son 
nom  même  disparaissait  à  tout  jamais 
sous  celui  de  pays  de  Barqah  ;  l'his- 
toire de  l'ancienne  Libye  se  termine 
donc  naturellement  à  cette  époque  ;  et 
il  ne  nous  reste  plus  qu'à  jeter  un 
coup  d'oeil  rétrospectif  sur  les  annales 
de  I  Église  chrétienne  que  les  apôtres 
y  avaient  établie ,  et  qui  fut  alors  en- 
gloutie par  le  flot  musulman. 

'     VIL  FASTES  DE  l'BGLISB  GHBB- 
TIENNB  BN  LIBYB. 

Établissement  et  progrès  du  chrisHa* 
nisme  dans  la  province  de  Cyrène. 

Pbemièbb  pbédication  de  l'é- 
YANGiLE  EN  LiBYB. — Dcs  uomscyré- 

(•)  En  Pannée  6ro. 
(**7  Le  iiinars64i. 


141 

néens  se  font  remarquer  dans  l'histoire 
des  premiers  temps  de  l'établissement 
du  christianisme:  qui  ne  connaît  Simon 
le  Cyrénéen,  qui  aida  Jésus-Christ  à 
porter  sa  croix,  et  qui  fut  père  d'A- 
lexandre et  de  Rufus,  comptés  au 
nombre  des  premiers  fidèles  ?  ^ui  ne 
sait  que  les  Cyrénéens  vinrent  à  An- 
tiocbe  au  temps  du  baptême  du  cen- 
turion Cornélius  ?  qui  n'a  vu  le  nom 
de  Lucius  de  Cyrène  parmi  les  pré- 
dicateurs entre  lesquels  Paul  et  Bar- 
nabe furent  désignés  pour  l'aposto- 
lat? Nos  livres  sacrés  nous  fournis- 
sent eux-mêmes  ces  premières  indica- 
tions ;  et  l'on  doit  croire  que  si  des 
Cj^rénéens  allaient  ainsi  professer  au 
loin  le  christianisme,  il  s'en  trouvait 
sans  doute  aussi,  dans  leur  patrie,  qui 
avaient  embrassé  la  foi  du  Christ  ;  et 
ce  fut  probablement  parmi  les  Juifs  de 
la  Pentapole  que  la  nouvelle  loi  trouva 
de  nombreux  adhérents. 

On  croit  quel'évangéliste  saint  Marc 
lui  -  même ,  le  disciple  et  le  secrétaire 
de  saint  Pierre,  était  un  de  ces  Juifs 
cyrénéens  ;  aussi,  lorsque,  après  avoir 
écrit  à  Rome  son  évangile  sous  la  dic- 
tée du  prince  des  apôtres ,  il  fut  en- 
voyé en  Orient  pour  propager  la  parole 
divine ,  il  était  naturel  qu'il  vînt  dé- 
barquer à  Cyrène,  comme  le  témoi- 
§nent  les  historiens  ecclésiastiques, 
ont  quelques-uns  le  font  arriver  dans 
la  Pentapole  dès  l'année  40  de  Jésus- 
Christ,  et  lui  attribuent  un  séjour  pro- 
longé dans  cette  province  avant  qu'il 
vînt  commencer  sa  prédication  à 
Alexandrie  ;  quelle  qu'ait  été  la  durée 
effective  de  ce  séjour,  il  est  unanime- 
ment reconnu  qu  il  en  résulta  de  nom- 
breuses conversions,  tant  parmi  les 
juifs  que  parmi  les  gentils.  De  Cyrène 
il  passa  dans  les  autres  parties  de  la 
Libye ,  telles  que  la  Marmarique  et  la 
région  Ammonienne,  champs  vastes  et 
vierges,  où  la  moisson  fut  abondante. 
Enfin ,  en  la  septième  année  du  règne 
de  Néron,  l'an  61  de  l'ère  chrétienne, 
il  quitta  la  Cyrénaïque  pour  se  rendre 
à  Alexandrie,  où  il  fonda  diverses  pa- 
roisses, et  exerça  pendant  deux  ou 
trois  ans  les  fonctions  du  patriarcat; 
puis,  s'étant  donné  un  successeur  dans 


(ij.  ^ju^  z"»^' '''^  A-w/y' 


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143 


L'UNIVERS. 


le  gouyernement  de  l'église  d'Alexan- 
drie (la  seconde  alors  de  toute  la  chré- 
tienté), il  revint  dans  la  Libye  visiter 
les  fidèles  quil  y  avait  convertis ,  en 
augmenter  le  nombre  par  ses  prédica- 
tions, et  établir  parmi  eux  des  mi- 
nistres du  nouveau  culte.  On  prétend 
quMl  y  institua  même  des  évéques  ;  et 
les  martyrologes  désignent  Lucius  le 
Cyrénéetî ,  le  même  qui  avait  concouru 
à  (a  consécration  de  saint  Pau!  et  de 
saint  Barnabe,  comme  ayant  été  alors 
le  premier  évêque  de  Cyrène.  Saint 
Maro  retourna  ensuite  à  Alexandrie, 
pour  y  trouver  la  mort  dans  une 
émeute  populaire  le  25  avril  68. 

Prbmièbe  obgànisation  de  l'É- 
glise CYBENEENNE.  —  DepuîS  CCttC 

première  institution  d'évéques  (  si 
elle  est  réelle)  dans  la  province,  alors 
unique,  de  Cyrène,  celle-ci  fut  désor- 
mais soumise  à  Fobédience  d'Alexan- 
drie; et  il  est  remarquable  que  la 
hiérarchie  était  réglée  de  telle  ma- 
nière, que  Fordination  des  évêques 
n'y  pouvait  être  faite  que  par  le  pa- 
triarche, soit  directement,  soit  par  dé- 
légation de  ses  pouvoirs  à  un  de  ses 
suffragants,  ainsi  que  nous  en  ver- 
rons plus  loin  des  exemples. 

Cependant,  suivant  les  annales  arabes 
du  patriarche  Eutychius ,  qui  ne  sont 
point  contredites  en  cela  par  les  mo- 
numents historiques  plus  anciens,  les 
évêques  d'Alexandrie,  depuis  saint 
Marc  jusqu'à  son  onzième  successeur 
Démétrius  (*) ,  se  bornèrent  à  admi-  ^ 
nistrer  les  églises  de  leur  obédience 
par  de  simples  prêtres  ;  et  eux-mêmes 
étaient  élus  et  ordonnés  par  leur  pro- 
pre chapitre.  11  est  certain  que ,  sauf 
la  mention  de  Lucius  de  Cyrène  avec 
le  titre  d'évêque,  dans  certains  marty- 
rologes, on  ne  découvre  aucune  autre 
trace  d'évêque ,  dans  la  Cyrénaïque , 
avant  le  milieu  du  troisième  siècle. 

Saint  Denis  d'Alexanbbie  exi- 
lé EN  Libye.  —  Ce  fut  alors  (en 
260)  qu'eut  lieu  la  persécution  de 
Décius,  et  la  retraite  en  Libye  du  pa- 
triarche saint  Denis  d'Alexandrie, 
pris  d'abord  par  des  soldats,  et  con- 

{*)  Élu  e&  189,  mort  en  i3i. 


K 


duit  à  Taposiris,  où  il  fût,  malgré 
lui,  délivre  de  leurs  mains  par  quel- 
ques fidèles  qui  Tobligèrent  à  fuir 
dans  le  désert  de  Marmarique,  jusqu'à 
trois  journées  de  Parétpnion.  La  mort 
de  Décius  rendit  un  moment  la  paix 
à  l'Église  ;  et  le  patriarche  rentra  dans 
sa  métropole.  Mais  la  persécution  re- 
commenija  avec  une  nouvelle  force 
sous  Yalerien,  en  257  ;  et  saint  Denis, 
mandé  par  le  préfet  augustal ,  fut  exilé 
en  Libye,  dans  un  village  obscur  ap- 
pelé Képhron;  quoique  malade,  le 
pieux  éveque  eut  a  partir  sur-Je-champ 
pour  cette  destination ,  dont  le  nom 
même  lui  était  à  peine  connu  ;  mais 
sa  présence  y  attira  de  nombreux  fidè- 
les, tant  d'Alexandrie  que  du  reste  de 
l'Egypte  ;  et  les  habitants  du  lieu,  qui 
étaient  idolâtres  et  persécutaient  d'a- 
bord saint  Denis  et  ses  disciples ,  ne 
tardèrent  pas  à  subir  Tinfluence  de  sa 
prédication.  Le  préfet  alors  le  trans- 
féra à  Collouthion  dans  la  Maréotide, 
plus  près  d'Alexandrie  il  est  vrai,  mais 
séparé  de  ses  compagnons  d'exil ,  à 
chacun  desquels  fut  assignée  une  rési- 
dence distincte. 

HÉBÉSIE   DE  SaBELLIUS.   —    C'cst 

pendant  cet  exil  que  saint  Denis  écri- 
vit ,  tant  au  pape  romain  Sixte  II , 
qu'à  Ammonius  évêque  de  Bérénice 
dans  la  Pentapole ,  et  à  d'autres ,  au 
sujet  de  Thérésie  de  Sabellius  de  Pto- 
lémaîs,  qui  commençait  alors  à  se 
répandre;  renouvelant  Terreur  de 
Praxéas,  que  lui  avait  transmise  Noë- 
tus  de  Smyrne,  dont  il  fut  le  disciple, 
Sabellius  enseignait  qu'il  n'y  a  en 
Dieu  qu'une  seule  personne,  appelée 
de  trois  noms  différents  suivant  le 
point  de  vue  sous  lequel  on  la  consi- 
dère. <(  Il  s'est  élevé  a  Ptolémaîs  dans 
«  la  Pentapole,  »  mandait  saint  Denis 
à  Sixte  II ,  «  une  doctrine  véritable- 
«  ment  impie,  contenant  plusieurs  blas- 
ât phèmes  contre  Dieu  le  Père,  tendant 
«  a  ne  point  regarder  son  fils  unique 
«comme  la  première  de  toutes  les 
«  créatures,  le  Verbe  incarné,  et  à  ne 
«  point  reconnaître  le  saint  Esprit. 
«  J'en  ai  reçu  premièrement  des  écrits 
«  de  part  et  d'autre  ;  et  ensuite  des 
«  frères  sont  venus  m'en  parler  ;  sur 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


«  quoi  f  al  écrit  quelques  lettres  trai-» 
f  tant  la  question  sous  le  rapport  du 
«  dogme ,  et  je  vous  en  envoie  les  co« 
«  pies.  »  En  effet ,  quelques  évé^ue0 
avaient  adopté  les  idées  ae  Sabeliius , 
et  leur  opinion  avait  tellement  pré- 
valu, que  Ton  ne  prêchait  presque 
plus  le  mystère  de  rincarnation  de 
Jésus-Cbrist  ;  saint  Denis,  en  pasteur 
diligent,  les  avait  exhortés  à  quitter 
leor  erreur  ;  mais  ils  n'en  avaient  rien 
fait,  et  s'étaient  imprudemment  enga- 
gés plus  avant  dans  leur  impiété  ;  et 
c'est  pour  ce  motif  que  le  saint  pa- 
triarche avait  adressé  a  Ammonius  de 
Bérénice  et  à  Euphranor  une  lettre 
spéciale,  où  il  rappelait  les  témoigna- 
ges évangélique^  en  ce  qui  touche  Thur 
manité  de  Jesus-Ghrist ,  afin  de  mon- 
trer que  ce  n'est  pas  le  Père,  mais  le 
Fils  qui  g^est  fait  nomme  pour  nous^ 
et  les  amener  ensuite  à  la  connaissance 
de  la  divinité  du  Fils.  Mais,  ainsi  qu'il 
arrive  souvent  dans  les  discussions,  en 
voulant  combattre  l'unité  de  personne 
prêchée  par  Sabeliius,  saint  Denis, 
dans  sa  lettre  à  Euphranor  et  Animo- 
nius,  avait  un  peu  forcé  l'expression 
des  arguments  propres  à  établir  la 
distinction  du  Père  et  du  Fils  ;  si  bien 
que  des   fidèles   scrupuleux  crurent 
trouver  dans  cet  écrit  des  assertions 
contraires  à  la  consubstantialité  des 
deux   personnes  divines,   et  signa- 
lèrent au  pape  l'erreur  prétendue  du 
patriarche;  ce  fut,  pour  celui-ci,  l'oc- 
casion d'adresser  à  saint  Denis,  évéque 
de  Rome  et  successeur  de  Sixte  II  « 
une  nouvelle  lettre,  accompagnée  d'un 
traité  apologétique  où  il  se  justifiait 
pleinement  de  la  fausse  interprétation 
donnée  à  ses  paroles. 

ÉpIT&E  GANONIQUB  a   BÀSILIDB8 

»B  Ptolémais.  —  Une  autre  lettre 
de  saint  Denis  d'Alexandrie  nous 
fait  connaître  le  nom  de  Basilides  , 
évé(q[ue  de  Ptolémaïs ,  ou  comme  on 
disait  alors ,  évéque  de  la  Pentaçoie , 
qui  l'avait  consulté  sur  plusieurs 
points  de  discipline,  notamment  sur 
rheure  à  laquelle  on  pouvait  rom- 
pra le  jeûne  le  jour  de  Pâques;  les 
uns  attendaient  le  chant  du  coq  après 
avoir  passé  Iput  le  samedi  sans  man- 


ia 

ger,  d'autres  manseeient  plus  tôt, 
et  quelques-uns  dès  le  soir  du  samedi. 
Le  saint  patriarche  blâme  l'intempé- 
rance de  ceux  qui  se  hâtent  trop,  loue 
le  courase  de  ceux  qui  tiennent  bon 
jusqu'à  la  quatrième  veille,  et  ne 
trouve  d'ailleurs  rien  à  redire  à  ce 
qu'on  cède  au  besoin  du  sommeil, 
tandis  que  les  plus  fervents  passaient 
la  nuit  entière  sans  dormir.  «  Vous 
«  nous  avez  fait  ces  questions ,  mon 
«  cher  fils,  »  disait  -  il  en  terminant , 
«  non  par  ignorance ,  mais  pour  nous 
«  faire  honneur  et  entretenir  la  con- 
«  corde  ;  et  moi ,  j'ai  déclaré  ma  pen- 
«  sée,  non  pour  faire  le  docteur,  mais 
«  pour  user  de  la  simplicité  avec  la- 
«  quelle  nous  devons  parler  ensemble.  » 
Cette  lettre  à  Basilides  a  toujours  été 
regardée,  par  les  églises  d'Orient ^ 
comme  une  épître  canonique  faisant 
règle  en  matière  de  discipline.  Deux 
écrivains  ecclésiastiques  du  douzième 
siècle,  Zonare  et  le  canoniste  Théodore 
Balzamon,  ont  recueilli  quelques  frag- 
ments de  Basilides  lui-même. 

Pbehibbs  bvéques  db  la  Ctbb- 
lîAïQUE.  —  Le  titre  d'évéque  de  la  Pen- 
ta()ole,  que  portait  Basilides,  ne  doit 
point  nous  induire  à  penser  qu'il  n'y  eât 
alors  qu'un  seul  évéque  pour  toute  la 
Pentapole,  puisque  nous  avons  déjà 
rencontré  aussi  le  nom  d'Ammonius 
évéque  de  Bérénice;  peut-être  le  pre- 
mier s'intitulait -il  ainsi,  parce  que  le 
siège  de  Ptolémaïs,  qu'il  occupait, 
était  le  principal  de  la  Pentapole ,  et 
lui  donnait,  en  quelque  sorte,  la  qua- 
lité de  métropolitain.  Il  y  a  lieu  de 
croire  que ,  même  sans  remonter  plus 
haut  que  le  patriarche  Démétrius,  plu- 
sieurs évéchés  furent  simultanément 
établis  dans  la  Cyrénaîque ,  bien  que 
nous  n'ayons  trouvé  jusqu'ici  d'indices 
formels  que  pour  Bérénice  et  Pto- 
lémaïs. 

Les  martyrologes  nous  désignent 
ensuite ,  à  la  date  du  4  juillet ,  Théo- 
dore, évéque  de  Cyrène,  comme  ayant 
péri  dans  les  tortures  au  temps  de  la 
persécution  de  Dioclétien ,  en  l'année. 
802  ;  et  sous  la  date  du  26  mars,  un 
autre  Théodore,  évéque  de  PtolémaTs, 
qui  fut  martyrisé  avec  le  diacre  Irénée 


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144 


L'UNIVERS. 


et  les  lecteurs  Sérapion  et  Ammonius, 
peut-être  à  la  même  époque,  peut-être 
seulement  sous  le  règne  de  Lîcinius , 
vers  819,  comme  on  pourrait  le  con- 
clure des  annales  d*£utychius ,  où  se 
trouve  indiqué,  sous  ce  prince,  le  mar- 
tyre de  Théodore  chevalier,  et  du  me- 
tropoUtain  de  Batkè ,  sans  désigna- 
tion plus  précise  de  celui  -  ci  ;  il  nous 
suffit  de  rappeler,  quant  à  ce  dernier, 
que  Ptolémaïs  était  alors  la  métropole 
de  la  province,  et  qu'elle  portait  dans 
Forigme  le  nom  de  Barkè. 

I^  Libyen  Àrius  et  son  hérésie, 

Nàissangb  et  pbogbès  de  VeÉ' 
BBSiE  b*Abiu$. — Bientôt  éclata  l'hé- 
résie d'Arius.C'était,  suivant  le  portrait 
que  nous  a  laisséde  lui  saint  Épi  phanes, 
un  Libyen  déjà  âgé,  à  la  taille  élevée,  au 
maintien  austère,  au  costume  simple, 
au  visage  mélancolique  et  grave,  a  la 
voix  douce  et  persuasive.  Fait  diacre 
sous  le  patriarcat  de  saint  Pierre 
successeur  de  saint  Denis,  il  avait  eu 
discussion  avec  son  évêque  en  prenant 
le  parti  de  Mélétius  de  Panopolis  con- 
tre les  rigueurs  oui  avaient  déterminé 
le  schisme  de  celui-ci.  Saint  Achillas, 
successeur  de  saint  Pierre,  n'en  avait 

f>as  moins  élevé  Arius  à  la  prêtrise, 
ui  donnant  même  la  direction  de  l'é- 
glise de  Boukolion,  l'une  des  paroisses 
d'Alexandrie.  Arius,  s'il  en  faut  croire 
ses  ennemis,  prétendait  à  l'épiscopat, 
et  ne  put  pardonner  à  saint  Alexandre 
de  lui  être  préféré  pour  succéder  à 
saint  Achillas  (en  313);  d'autres,  au 
contraire,  assurent  qu'Alexandre  ne 
fut  nommé  que  par  l'influence  d'A- 
rius. 

Alexandre,  en  préchant  à  son  clergé 
et  aux  autres  fidèles  le  mystère  de  la 
Trinité,  parut  à  l'esprit  prévenu  d'A- 
rius  se  laisser  entraîner  au  sabellia- 
nisme;  et  le  prêtre  ardent,  comme 
autrefois  saint  Denis  d'Alexandrie^ 
préchant  à  son  tour  contre  cette  er- 
reur, tomba  dans  l'excès  contraire ,  et 
enseigna  que,  loin  de  n'admettre  en 
Dieu  qu'une  seule  personne,  il  fallait 
bien  reconnaître  que  le  Père  étant  le 
créateur  du  Fils,  avait  dû  exister  avant 


lui ,  en  telle  sorte  qu'il  y  avait  distinc- 
tion, non-seulement  de  personne,  mais 
aussi  de  substance.  Cet  enseignement, 
bien  que  renfermé  dans  son  église,  fit 
des  prosélytes  et  entraîna  plusieurs 
des  prêtres  les  plus  distinj^ués  d'A- 
lexandrie; mais  d'autres  résistèrent, 
la  controverse  naquit,  et  le  patriarche 
assembla  dans  sa  métropole,  en  320, 
un  synode,  où  fut  anathématisée  l'hé- 
résie nouvelle ,  et  son  auteur  excom- 
munié avec  neuf  diacres  qui  parta-. 
geaient  son  erreur.  La  lettre  synodale 
adressée  au  patriarche  d'Antioche  et 
à  quelques  autres  évêgues ,  pour  les 
instruire  de  cette  décision,  portait  que 
nombre  d'évéques  de  l'Egypte,  delà 
Thébaîde,  de  la  Libye,  de  la  Penta- 
pole  et  de  diverses  autres  provinces  y 
avaient  adhéré  par  leurs  lettres. 

Mais  l'hérésie ,  loin  d'en  être  abat- 
tue, se  propageait  au  contraire  au  de- 
dans et  au  dehors.  Secundus,  évêque 
de  la  Pentapole ,  c'est-à-dire  de  Ptolé* 
maïs ,  et  Théonas,  évêque  de  Marma- 
rique,  c'est-à-dire  peut-être  de  Darnis, 
l'adoptèrent  avec  éclat  ;  et  le  patriar- 
che assembla  en  321  un  nouveau  sy- 
node des  évêques  d'Egypte  et  de  Li- 
bye, au  nombre  de  près  de  cent 
disent  les  historiens ,  pour  anathéma- 
tiser  de  nouveau  Arius  et  ses  adhé- 
rents, et  avec  ceux-ci  les  évêques  Se- 
cundus et  Théonas.  Des  prêtres  et  des 
diacres  d'Alexandrie  et  de  la  Maréo- 
tide  demandèrent  à  être  compris  dans 
la  même  sentence  ,  et  Arius,  se  reti- 
rant en  Palestine,  se  vit  à  la  tête  d'un 
parti  nombreux ,  où  tenait  le  premier 
rang  Eusèbe  de  Nicomédie. 

Resgbit  de  Constantin  poub  la 

PACIFICATION   DE  l'ÉOLISE.  —  LeS 

choses  en  vinrent  à  ce  point,  que  l'em- 
pereur lui-même  sentit  le  besoin  d'in- 
tervenir :  il  écrivit  à  Alexandre  et  à 
Arius  une  lettre  commune,  dans  la- 
quelle, au  milieu  de  développements 
étendus,  il  leur  disait  en  substance  : 

«  J'ai  résolu ,  avec  l'aide  de  la  Pro- 
«  vidence  divine,  de  me  constituer  vo- 
«  tre  arbitre  et  votre  médiateur,  et  de 
«  vous  rappeler  à  des  sentiments  plus 
a  sages  et  plus  modérés.  Je  dirai  donc 
«  avant  tout  que  toi ,  Alexandre ,  tu 


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AFRIQUE  ANQENNE. 


145 


R  as  été  la  cause  première  de  tout  le 
K  mal,  par  ton  imprudence  à  proposer 
X  à  tes  prêtres  des  questions  subtiles 
X  et  vaines  sur  divers  passages  du  texte 
K  de  notre  loi  ;  et  que  toi ,  Arius,  tu 
X  as  indiscrètement  manifesté  une  opi- 
X  Dion  que  tu  ne  devais  point  avoir, 
K  ou  que  du  moins  tu  devais  cacher 
K  avec  grand  soin:  c'est  de  ces  fautes 
1  qu'est  née  entre  vous  deux  la  dis- 
X  corde  qui  trouble  votre  Église.  Mais 
X  tout  pouvait  être  réparé;  au  lieu  de 
X  cela,  vous  avez  refusé  de  vous  con- 
X  carter,  de  vous  entendre  ;  vous  avez 
jt  rompu  toute  communiou  religieuse 
K  entre  vous  ;  et  le  peuple  des  fidèles, 
X  h  votre  exemple,  s  est  séparé  en  deux 
R  partis,  et  a  détruit  Tunité  de  TÉgiise 
X  par  un  schisme  déplorable.  —  Mais, 
R  puisque  le  mal  est  fait,  nardonnez- 
K  vpus  mutuellement,  tant  la  demande 
B  inconsidérée  de  l'un  que  la  réponse 
s  imprudente  de  l'autre.  Il  ne  s'agit 
K  pas  entre  vous  de  quelque  point 
I  principal  de  la  loi  nouvelle,  ou  d'un 
t  dogme  qu'on  veuille  inventer  puur 
t  l'ajouter  à  la  somme  des  articles* de 
t  notre  foi  ;  vous  professez  tous  deux 
(  une  seule  et  même  opinion  sur  le 
i  culte  de  la  divinité  ;  à  tous  deux  donc 
c  il  doit  être  facile  de  vivre  dans  la 
i  même  communion  religieuse.— L'u- 
[  niformité  en  tout  est  impossible; 
i  elle  n'existe  ni  dans  les  volontés ,  ni 
:  dans  les  caractères  des  hommes  :  il 
I  doit  suffire  que  vous  soyez  parfaite- 
;  ment  d'accord  sur  la  foi  que  vous 
avez  en  Dieu  et  dans  la  Providence 
divine  ;  et  si  désormais  quelque  nou- 
velle question  venait  à  s'élever  entre 
vous  sur  des  choses  d'un  moindre 
intérêt,  ensevelissez -la  soigneuse- 
ment au  fond  ie  votre  cœur,  et  ne 
vous  attachez  qu'à  conserver  Ia*cha- 
rité  mutuelle,  la  vérité  de  la  croyan- 
ce, et  l'observation  des  préceptes  de 
Dieu  et  de  la  loi.  Croyez-m'en  :  ai- 
mez-vous de  nouveau  les  uns  les  au- 
tres; faites  que  tout  le  peuple,  sans 
exception,  puisse,  comme  de  cou- 
tume, donner  et  recevoir  le  baiser 
de  paix.  —  Faites ,  je  vous  en  con- 
jure, que  je  puisse  bientôt  voU^  re- 
voir, ainsi  que  tous  les  peuples  de 


«  mon  empire,  aussi  tranquilles  et  aussi 
a  heureux  qu'autrefois,  et  que  je  puisse 
a  rendre  à  Dieu ,  pour  la  bonne  har- 
«  monie,  la  prospérité  et  la  liberté  de 
«  tous,  le  tribut  de  grâces  et  de  louan- 
«  ges  qui  lui  est  si  légitimement  dd.  » 

Osius,  évéque  de  Gordoue,  en  qui 
l'empereur  avait  toute  confiance ,  fut 
chargé  de  remettre  ces  lettres  et  d'en 
suivre  l'effet  ;  il  se  rendit  à  Alexan- 
drie et  y  convoqua  (  en  324  ),  de  con- 
cert avec  le  patriarche,  un  synode,  où 
se  réunirent,  dit-on,  plus  de  deux 
cents  évêques,  tant  de  l'Egypte  que  de 
la  Libye  ;  et  il  tenta  tous  les  efforts 
imaginables  pour  amener  une  récon- 
ciliation; mais  ses  tentatives  furent 
vaines,  et  il  vint  rendre  compte  à 
Constantin  de  l'inutilité  de  sa  mis- 
sion. Alors,  sur  le  conseil  des  évêques 
les  plus  influents,  l'empereur  résolut 
de  convoquer  un  concile  écuménique, 
c'est-à-dire  de  réunir  en  une  seule  as- 
semblée tous  les  prélats  de  l'écumène 
ou  de  la  terre  habitée,  premier  exem- 
ple d'une  réunion  générale  de  toute 
l'Église  chrétienne. 

Concile  général  de  Nicée,  qui 
CONDAMNE  Arius.  —  Dcs  lettres  im- 
périales furent  en  conséquence  en- 
voyées dans  toutes  les  provinces;  Ni- 
cée fut  désignée  pour  le  lieu  du 
rendez-vous,  et  les  relais  de  l'empire 
furent  mis  à  la  disposition  des  évêques 
et  des  prêtres  convoqués.  S'il  en  fal- 
lait croire  les  Annales  d'Eutychius, 
cette  convocation  aurait  amené  à  Nicée 
deux  mille  quarante-huit  évêques,  tous 
divisés  d'opinions  et  de  croyances;  mais 
probablement  les  simples  prêtres  et  les 
autres  clercs  sont  compris  dans  ce  chif- 
fre, et  l'on  doit  penser  que  le  nombre 
des  évêques  était  seulement  de  trois 
cent  dix-huit,  suivant  le  compte  admis 
par  la  tradition  la  plus  répandue. 

Après  quelques  conférences  partîcu^ 
Hères,  le  concile  s'ouvrit  le  19  juin  325, 
sous  la  présidence  de  l'empereur  en  per- 
sonne, dans  une  des  salles  de  son  palais. 
Arius  et  ses  partisans  furent  entendus, 
et  malgré  leur  opposition  la  consubstan- 
tialité  du  Fils  avec  le  Père  fut  recon- 
nue et  proclamée,  et  Ton  adopta  com- 
me sacramentel  le  mot  destiné  à  expri* 


JO*  Livraison,  (Afrique  ancienne.) 


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146 


L'UNIVERS. 


mer  ce  dogme.  La  majorité  futénorme, 
et  les  évéques  ariens  qui  rejetèrent  le 
symbole  de  foi  rédigé  par  elle  se  rédui- 
saient à  dix-sept,  parmi  lesquels  étaient 
Secundus  de  la  Pentapole,  Théonas  de 
la  Marmarique,  Secundus  de  Theucbi- 
ra,  Dathès  de  Bérénice,  Sentianus  de 
Borion,  Zéphyrios  de  Barkè.  La  dis- 
cussion et  des  considérations  diverses 
réduisirent  bientôt  le  nombre  de  dix- 
sept  à  cinq  seulement,  savoir  :  Secun- 
dus de  la  Pentapole ,  Théonas  de  la 
Marmarique,  Eusèbe  de   Nicomédie, 
K.  fi  >c  Cb^  Théognis  de  Nicée ,  et  Maris  de  Cal- 
.  ^i/ ^T*^  cédoine  ;  mais  ces  trois  derniers  ne  ré- 
p^H  «^    sistèrent  pas  à  des  menaces  de  déposi- 
S'^Ui^'iw    tion  et  d'exil,  et  en  déflnitive  Secun- 
''^t/»vK4f  »•   dus  et  Théonas  restèrent  seuls  entre 
V*^^  *v.  K   tous  les  évéques ,  fermes  dans  la  cause 
v<lV^v»jd^  d'Arius.  Titus  de  Parétonion  et  Sé- 
Ca^.  rapion   d^Antiphra    s'étaient  rangés, 

dès  le  principe,  de  l'avis  de  la  majorité. 
L'assemblée  arrêta  vingt  canons  re- 
latifs à  la  discii>line ,  dont  le  sixième, 
concernant  principalement  l'ordina- 
tion des  évéques,  rappelait  les  ancien- 
nes coutumes  établies  dans  l'Egypte, 
la  Libye  et  la  Pentapole ,  où  l'évêgue 
d'Alexandrie  avait  l'autorité  exclusive, 
de  telle  sorte  que,  nul  évéque  ne  pou- 
vant, en  général,  être  institué  dans  une 
province  qu'avec  le  consentement  du 
métropolitain ,  il  fallait  en  outre  ici  le 
consentement  de  l'évêque  supérieur, 
patriarche,  ou  pape,  auquel  étaient 
subordonnées  en  commun  les  diverses 
provinces  que  nous  venons  de  dési- 
gner (*). 

(*)  «  Antiaiia  consiietudo  servetur  in 
m  ^gypto ,  Libyâ  et  Pentapoli ,  ut  Alexan- 
w  drinus  episcopus  horum  omnium  habeat 
«  potestatem.  » 

L'édition  arabe  des  canons  du  même 
concile  nous  a  conservé,  sous  le  nombre  39, 
le'reuseignement  suivant ,  curieux  pour  This- 
toire  de  l'ancienne  hiérarchie  des  églises 
d'Orient  : 

«c  Gonsideret  Patriarcha  qusB  Archiepis- 
«  copi  et  Episcopi  ejus  in  provinciis  sub 
«faciunt,  et  si  quid  reperiat  secùs  quàm 
«oporteat,  factum  mutet,  et  disponat  ut 
«  sibi  videbitur,  siquidem  ipse  est  pater 
«  omnium  ;  et  quamvis  sit  Archiepiscopus 
«  in  Episcopos  tanquam  frater  major  qui 


Avant  de  se  séparer,  les  Pères  da 
concile  écrivirent  une  épître  synodale, 
adressée  principalement  à  Féglise  d'A- 
lexandrie et  à  tous  les  fidèles  de  l'E- 
gypte, de  la  Libye  et  de  la  Pentapole, 
comme  plus  directement  intéressés 
dans  la  question,  et  en  général  à  tou- 
tes les  églises  de  la  terre,  afin  de  leur 
notifier  les  décisions  de  l'assemblée, 
l'excommunication  et  l'exil  d'Arius,  de 
Secundus  et  deTbéonas.  Saint  Alexan- 
dre, patriarche  d'Alexandrie,  et  le 
grand  saint  Athanase  qui  était  alors 
son  archidiacre,  furent  chargés  de 
promulguer  cette  épître  dans  leur  dio- 
cèse. 

RÉHABILITATION   ET   MOBT    d'A- 

Bius.— Mais  cet  acte  solemnel,  qui  sem- 
blait devoir  anéantir  l'arianisme ,  fut 
loin  de  le  déraciner  :  Eusèbe  de  Nicomé- 
die  et  Théognis  de  Nicée  retirèrent  leur 
signature,  et  se  laissèrent  déposer  et 
exiler   pour   la  cause  d'Arius;    plus 
tard ,  à  la  prière  de  Constantia  sœur 
de  l'empereur,  les  deux  évéques  et 
Arius  lui-même  furent  rappelés;  et 
bientôt  la  rigidité  de  saint  Athanase, 
devenu  patriarche   d'Alexandrie  par 
surprise,  au  dire  de  Philostorge,  aigrit 
contre  lui  Constantin,  au  point  que  la 
sentence  portée  au  concile  de  Nicée  ne 
lui  parut  plus  incontestablement  juste, 
et  qu'un  nouveau  concile  fut  convoqué 
à  Tyr  en  335,  dix  ans  précisément  après 
celui  de  Nicée.  On  y  vit  des  évéques 
d'Egypte,  de  Libye,  de  tout  l'Orienf, 
de  Macédoine  et  dePannonie;  ils  étaient 
nombreux,  et  la  plupart  ariens;  ils 
n'avaient  pas  terminé  leurs  opérations 
^uand  une  lettre  impériale  les  invita 
à  se  transporter  à  Jérusalem  pour  v 
assister  à  la  dédicace  de  régiise  du 
Saint-Sépulcre,  qui  eut  lieu  le  13  sep- 
tembre. Arius  et  tous  les  siens  furent 
reçus  à  la  communion  de  l'Églisl^ 
saint  Athanase  condamné  et  déposé, 
et  bientôt  après,  exilé  à  Trêves  par 
Constantin ,  et  Pistus  ordonné  à  sa 
place  évéque  d'Alexandrie,  par  Secun- 
dus de  Ptolémaîs.  Une  lettre  synodale 

«  curam  habet  fratrum  snorum,  et  ei  debent 
«  obedientiam  quià  praeesty^st  tamen  Pa- 
«  triarcha  loco  patrîs,  sub  cujus  dominât)) 
«  ac  potestate  sont  fiUi  ejus,  a 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


fut  adressée  à  TÉglise  d'Alexandrie, 
aux  évêques  d'Egypte,  de  la  Libye  et 
de  la  Pentapole,  et  généralement  à 
tous  les  évécjues,  prêtres  et  diacres  du 
inonde  chrétien.  Arius  survécut  peu  à 
sa  réhabilitation,  et  Constantin  le 
Grand  mourut  lui-même  peu  de  temps 
après. 

Résistance  de  saint  Athanase  contre 
rarianisme. 

Succession  de  conciles  contra- 
]>ictoibes  qui  consomment  le 
SCHISME.— Constantius,  à  qui  fut  dé« 
voiu  rOrient,  penchait  pour  Tarianis- 
me;  mai^  Constantin  le  jeune,  qui  avait 
les  Gaules,  se  crut  en  droit  de  renvoyer 
saint  Athanase  à  son  patriarchat,  soit 
qu'il  obéît  en  cela  à  des  dispositions  réel- 
lement favorables  j  comme  on  Tadmet 
généralement,  soit  peut-être  qu'il  ju- 
geât prudent  d'éloigner  cet  homme  al- 
tier  et  turbulent.  Les  ariens  réclamè- 
rent hautement  contre  cette  violation 
de  la  sentence  portée  par  le  concile  de 
Tyr  ;  mais  saint  Athanase  répondit  à 
leurs  plaintes  en  assemblant  à  Alexan- 
drie, en  Tannée  840,  un  synode  d*en- 
viron  cent  évêques  de  l'Egypte ,  de  la 
Thébaîde ,  de  la  Libye  et  de  la  Penta- 
pole, qui  écrivirent  'en  commun  une 
épître  synodale  à  tous  les  évêques  ca- 
tholiques du  monde  chrétien,  pour  ré- 
futer les  accusations  dont  le  patriar- 
che eonsubstantialiste  était  l'objet,  et 
repousser  comme  nulle  Tordination 
du  patriarche  arien  que  Secundus  de 
la  Pentapole  et  Théonas  de  Libye  lui 
avaient  substitué.  Il  s'ensuivit  un  nou- 
vel examen  de  la  question  dans  un  con- 
cile convoqué  à  Antioche  en  341  :  saint 
Athanase  y  fut  reconnu  dûment  déposé 
par  le  concile  de  ïyr,  et  on  lui  nomma 
pour  successeur  Grégoire,  qui  reçut  la 
confirmation  de  l'empereur.  Là-des- 
sus ,  réclamation  de  saint  Athanase^ 
surtout  auprès  du  pape  Jules  1*',  qui 
convoqua  à  Rome,  en  843,  un  nouveau 
concile,  où  saint  Athanase  fut  déclaré 
évêque  légitime  et  Grégoire  sans  qua- 
lité. 

Les  églises  d'Orient  et  celles  d'Oc- 
çtdem  se  trouvant  ainsi  en  dissidence 


147 

prononcée,  et  le  désaccord  se  proton- 
geant  de  concile  en  concile,  l'empereur 
Constans  proposa  à  son  frère  d'assem- 
bler un  concile  général  des  évêques 
tant  d'Orient  que  d'Occident,  pour 
trancher  enfin  la  difficulté  d'un  com- 
mun consentement.  La  réunion  eut 
lieu  en  847  à  Sardique  enillyrie,  aux 
confins  des  deux  empires  ;  mais  les  con- 
ditions que  chacune  des  parties  voulait 
imposer  à  ses  adversaires  rendirent 
tout  accord  impossible ,  les  Orientaux 
refusant  de  siéger  avec  Athanase  et 
d'autres  évêaues  qu'ils  avaient  excom- 
muniés et  demandant  que  la  procé- 
dure faite  à  leur  égard  fût  au  moins 
recommencée,  les  Occidentaux  préten- 
dant maintenir  leur  détermination  sans 
nouvel  examen.  Les  choses  en  étant  à 
ce  point,  les  Orientaux  quittèrent  Sar- 
dic|ue  et  se  rendirent  à  Philippopolis, 
laissant  les  Occidentaux  excommunier 
à  leur  gré  le  patriarche  Grégoire  et 
dix  autres  évêques  d'Orient  ;  mais  ils 
déclarèrent  à  leur  tour  maintenir  leur 
propre  sentence  contre  Athanase  et 
Asantus,  évêques  si  empressés  d'aller 
à  l'étranger  et  loin  du  théâtre  de  leurs 
méfaits,  obtenir  l'absolution  des  con- 
damnations prononcées  contre  eux  en 
connaissance  de  cause;  et  ils  excom- 
munièrent de  leur  côté  le  pape  Jules 
et  quatre  autres  évêques  d'Occident. 
Parmi  les  soixante-treize  signatures 
que  porte  l'épître  synodale  écrite  à  ce 
sujet ,  nous  devons  relever  spéciale- 
ment ici  celle  de  Pison,  évêque  de  Dar- 
nis. 

Les  empereurs  prennent  part 
A  LA  querelle;  nouveau  rétablis- 
sement   ET    NOUVELLE  ^EXPULSION 

DE  SAINT  Athanase.  —  Les  églises 
d'Orient  et  d'Occident  se  trouvèrent 
ainsi  divisées  plus  que  jamais  ;  et  cha- 
cun des  empereurs  épousa  la.  cause  de 
ses  évêques.  Constantius  exila  dans  la 
Libye  supérieure  ou  Pentapole  Arius, 
évêque  de  Pétra  en  Palestine,  et  Asse- 
rius,  évêque  de  Pétra  en  Arabie,  qui  s'é- 
taient séparés  de  leurs  collègues  à  Sar- 
dique pour  se  réunir  aux  Occidentaux. 
Constans  de  spn  côté  écrivit  à  son  frère 
pour  lui  demander  le  rétablissement  de 
saint  Athanase,  avec  menaces  d'y  pour* 

10, 


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148 


L'UNIVERS. 


voir  lui-même  s'il  le  fallait.  Grégoire 
étant  mort  sur  ces  entrefaites,  au  com- 
mencement de  Tannée  349,  Constan- 
tius  jugea  opportun  de  céder  aux  exi- 
gences de  Constans;  il  rappela  saint 
Athanase ,  et  adressa  au  préfet  d'E- 
gypte, ainsi  qu'aux  gouverneurs  des 
Çrovinces  de  l'Augustamnique,  de  la 
hébaïde  et  de  la  Libye,  un  rescrit  à 
ce  sujet.  Arrivé  à  Jérusalem ,  le  pa- 
triarche y  fut  accueilli  par  un  synode 
de  seize  évéques,  qui  écrivirent  a  ceux 
d'Egypte  et  de  Libye ,  et  aux  prêtres, 
diacres  et  fidèles  d'Alexandrie  pour 
les  féliciter  du  retour  de  leur  pasteur. 
De  là   saint  Athanase  se  rendit   à 
Alexandrie ,  où  il  fut  reçu ,  dit-il  lui- 
même  ,  avec  une  joie  incroyable  non- 
seulement  du  peuple,  mais  des  évéques 
d'Egypte  et  des  deux  Libyes,  qui  accou- 
raient de  tous  côtés,  joveux  de  se  voir 
délivrés  de  la  tyrannie  âes  hérétiques. 
Cependant  la  roideurde  saint  Atha- 
nase envers   les  ariens  ,  les  menaces 
qu'il  avait  inspirées  à  Constans  vis-à- 
vis  de  son  frère ,  son  accession  vraie 
ou  supposée  au  parti  de  Magnence^  et 
d'autres  griefs  secondaires,  lui  eurent 
bientôt  fait  perdre  les  bonnes  grâces 
de  Constantius,  désormais  seul  empe- 
reur. Un  concile,  assemblé  à  Arles  en 
353,  le  condamna  de  nouveau,  et  un 
concile  tenu  à   Antioche  en  354  lui 
donna  pour  successeur  George,  que 
les  Alexandrins  refusèrent  de  recevoir; 
un  troisième  concile  convoqué  à  Mi- 
lan en  355  ratifia  encore  la  condam- 
nation d' Athanase,  qui  n'en  persista 
pas  moins  à  rester  dans  sa  ville  épis- 
copale ,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  recours 
contre  lui  à  la  force,  en  faisant  venir 
de  Libye  les  troupes  aux  ordres  du  duc 
Syrianus.  Saint  Athanase  écrivit  alors 
aux  évéques  d'Egypte  et  de  Libye  une 
lettre  de  protestation  où  il  cite  entre 
autres  Secundus  de  la  Pentapole  com- 
me un  des  promoteurs  de  la  persécu- 
tion. Celle-ci,  au  surplus,  s'étendit 
hors  d'Alexandrie ,  par  toute  l'Egypte 
et  la  Libye  :  il  y  eut  un  ordre  de  Cons- 
tantius pour  chasser  des  églises  les  évé- 
ques consubstantialistes,   afin  de  les 
livrer  aux  ariens;  et  le  duc  Sebastia- 
DUS  fut  chargé  de  l'exécution. 


Tbiomphe  momentané  de  l'à« 
BiÂNiSME.  —  Le  récit ,  sans  doute 
très-partial ,   de   saint  Athanase  lui- 
même,  accuse  cet  officier  général  d'une 
rigueur  cruelle  :  «  il  écrivit  aux  com- 
mandants et  aux  chefs  militaires  des 
provinces,   pour  requérir  leur  con- 
cours; on  voyait  des  évéques  prison- 
niers, des  prêtres  et  des  moines  char- 
gés de  chaînes  après  avoir  été  bat- 
tus jusqu'à  la  mort.  Tout  le  pays  était 
en  trouble;  les  peuples  murmuraient 
d'une  ordonnance  si  injuste  et  de  la 
dureté  de  l'exécution;  car,  quoique 
l'ordre  impérial  portât  seulement  de 
les  chasser  de  leurs  sièges ,  on  les  en- 
voyait à  deux  ou  trois  provinces  de  là, 
dans  des  solitudes  affreuses ,  ceux  de 
Libye  dans  la  grande  oasis  de  Tbèbes, 
ceux  de  Tliébaïde  dans  la  Libye  ammo- 
nienne.On  traitait  de  cette  manière  des 
vieillards,  des  infirmes  :  quelques-uns 
moururent  au  lieu  d'exil ,  d'autres  en 
chemin.  La  persécution  frappa  ainsi 
près  de  quatre-vingt-dix  évéques,  c'est- 
à-dire  à  peu  près  autant  qu'il  y  en  avait 
dans  toute  l'Egypte  et  la  Libye;  seize 
furent  bannis,  plus  de  trente' chassés, 
les  uns  et  les  autres  remplacés  aussi- 
tôt par  de  jeunes  débauchés  qui  ache- 
taient à  prix  d'or  leur  épiscopat;  quel- 
ques-uns dissimulèrent  par  contrainte, 
et  se  soumirent  à  la  réordination  du  pa- 
triarclie  George.  —  Il  y  avait  à  Barkè 
un  prêtre  appelé  Secundus  qui  refusait 
de  reconnaître  l'autorité  de  l'évêque 
Secundus  de  Ptolémaïs ,  l'un  des  plus 
fougueux  ariens  :  celui-ci,  aidé  du  prêtre 
Etienne,  qui  depuis  fut  son  successeur, 
maltraita  tellement  à  coups  de  pied  le 
prêtre  réfractaire ,  que  le  malheureux 
en  mourut  :  ceci  se  passait  au  carême 
de  l'an  356.  »  -—  Saint  Athanase  se 
déroba  aux  violences  dont  il  était  me- 
nacé, en  s'enfuyant  au  désert. 

Les  évéques  d'Orient  s'étant  assem- 
«blés  en  «concile  à  Séleucie  au  mois  de 
septembre  359 ,  on  y  vit  assister  Hé- 
liodore,  évêque  de  Sozysa,  Etienne, 
successeur  de  Secundus  au  siège  de 
Ptolémaïs,  Pollux  ou  Polydeuces,  évê- 
que de  Marmarique,  c'est-à-dire  sui- 
vant nous  de  Darnis,  et  Si  ras,  évêque 
de  Parétouion  ;  pendant  le  même  temps 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


149 


les  évéques  d*Occident,  réunis  à  Ri- 
mi  ni,  acceptaient  une  profession  de 
foi  arienne  envoyée  par  l'empereur; 
puis  les  uns  et  les  autres  furent  man- 
dés tous  ensemble  à  Constantinople 
au  commencement  de  Tannée  360  , 
pour  y  si|!ner  en  commun  la  formule 
de  Rimini ,  qui  fut  d'ailleurs  envoyée 
par  tout  Tempire ,  aûn  de  recevoir  Fa- 
dbésion  de  tous  les  évéques  sans  ex- 
ception ;  et  il  y  eut  en  effet  très-peu 
de  réfractaires. 

RÉACTION  CATHOLIQUE.  —  Le  pa- 
triarche George  avant  été  tué  dans 
une  émeute  populaire  en  362,  saint 
Athanase,  qui  depuis  sept  ans  était 
resté  caché  au  désert*  pensa  qu'il  pour- 
rait rentrer  sans  obstacle  à  Alexan- 
drie; il  y  fut  reçu  en  triomphe  par 
les  catholiques,  et  il  y  eut  une  reac- 
tion contre  les  ariens,  auxquels  ils 
enlevèrent  la  possession  des  églises, 
leur  laissant  la  consolation  de  se  réu- 
nir dans  des  maisons  particulières  et 
d'élire  Lucius  pour  succéder  à  George. 
Divers  évéques  catholiques ,  revenant 
de  leur  exil ,  se  réunirent  à  Alexan- 
drie sous  la  présidence  de  saint  Atha- 
nase, et  formèrent  un  concile  peu 
nombreux  (  vingt  évéques  en  tout  ) , 
qui  se  crut  en  droit  de  protester  au 
nom  de  toute  TËglise  contre  la  for- 
mule de  Rimini  et  les  conciles  qui  l'a- 
vaient acceptée.  Au  nombre  des  assis- 
tants se  trouvaient  saint  Eusèbe  de 
Verceil  revenant  de  la  Thébaïde ,  As- 
sérius  de  Pétra  en  Arabie  revenant  de 
la  Libye  supérieure,  puis  encore  Caïus^ 
évéque  de  Parétonion,  Menas,  évêque 
d*Antiphra,  et  Marcus,  évéque  de  Zy- . 
gris,  tous  les  trois  de  la  Libye  infé- 
rieure et  qui  probablement  revenaient 
de  la  grande  oasis. 

L'empereur  Julien  ayant  appris  le 
retour  de  saint  Athanase,  s'écria  que 
celui  qui  avait  été  chassé  par  les  déci- 
sions de  plusieurs  empereurs  aurait 
dû  au  moins  en  attendre  une  nouvelle 
avant  de  revenir;  et  il  envoya  l'ordre 
le  plus  formel  au  préfet  d'Egypte  d'ex- 
pulser l'audacieux  évêque  :"  celui-ci 
quitta  la  ville ,  mais  pour  y  rentrer  se- 
crètement presque  aussitôt ,  et  s'y  te- 
nir caché  jusqu  à  l'avènement  de  Jo- 


vien ,  qui  prononça  le  rappel  de  tous 
les  bannis  et  la  restitution  des  églises 
aux  catholiques.  Saint  Athanase  écri- 
vit au  nouvel  empereur  au  nom  de 
tous  les  évéques  d'Egypte ,  de  Thé- 
baïde et  de  Libye,  pour  lui  demander 
de  proclamer  l'observation  exclusive 
du  symbole  de  Nicée;  les  ariens  vou- 
lurent réclamer  de  leur  côté,  mais  ils 
ne  furent  pas  écoutés.  Valens  n'accorda 
point  la  même  protection  aux  consub- 
stantialistes,  et  il  voulut  même,  en 
367,  expulser  de  nouveau  saint  Atha- 
nase, qui  se  tint  caché  pendant  quatre 
mois  ;  mais ,  à  la  demande  de  Valent!- 
nien,  il  (it  cesser  la  persécution  et 
laissa  le  patriarche  tranquille  sur  son 


Indulgence  et  rigueur  de  saint 
Athanase  ;  fin  de  la  lutte.  — 
Il  y  avait  dans  la  Pentapole ,  aux 
confins  de  la  Libye,  deux  bourgades 
contiguës ,  nommées  Hydrax  et  Palé- 
bisca ,  comprises  dans  la  circonscrip- 
tion de  l'église  d'Érythron,  et  trop 
peu  importantes  pour  avoir  elles-mê- 
mes un  évéque  ;  cependant  comme  elles 
étaient  un  peu  éloignées  du  siège ,  et 
que  révoque  Orion  qui  l'occupait  alors 
n'était  pas  assez  ingambe  pour  les  pro- 
téger tant  au  spirituel  qu'au  temporel, 
elles  eurent  le  désir  de  se  donner  aussi 
un  évêque ,  et  elles  jetèrent  les  yeux 
sur  Sidérios,  jeune  homme  actif  et 
vigoureux  qui  revenait  de  l'armée  pour 
faire  valoir  des  terres  qui  lui  avaient 
été  accordées.  A  leur  prière ,  Philon 
de  Cyrène  vint  faire  l'ordination  du 
nouvel  évêque  :  ordination  très-irré- 
gulière  sans  doute,  puisqu'elle  eût  dû 
étire  faite  par  le  patriarche  d'Alexan- 
drie, ou  de  son  consentement;^ar  trois 
évéques  au  moins;  cependant  saint 
Athanase  ne  crut  pas  le  moment  favo- 
rable pour  se  montrer  rigoureux  en- 
vers des  chrétiens  fidèles;  d'autant  plus 
que  Sidérios  lui  parut  un  homme  de 
mérite  et  de  résolution ,  très-propre  à 
lutter  contre  l'hérésie  arienne,  si  bien 
qu'il  le  transféra  même  sur  le  siège 
ae  Ptolémaîs,  où  l'arianisme  avait  be- 
soin d*étre  plus  vigoureusement  com- 
battu. Plus  tard  Sidérios  devenu  vieux 
revint  terminer  ses  jours  à  Palébisca. 


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1^ 


L'UNIVERS 


L*ahier  patriarche  ne  se  montra 
point  aussi  indulgent  envers  le  gouver- 
neur de  la  Libye,  qu'il  traite  d'homme 
brutal ,  cruel  et  débauché ,  mais  dont 
on  peut  soupçonner  que  le  principal 
«rime  à  ses  ^eux  était  de  favoriser  la 
cause  des  ariens  ;  saint  Athanase  l'ex- 
communia ,  et  dénonça  l'anathème  à 
saint  Basile ,  qui  avait  dans  son  dio- 
cèse la  famille  de  cet  officier  ;  l'évéque 
de  Césarée  répondit  qu'il  avait  notifié 
cette  condamnation  à  tous  les  servi- 
teurs, tous  les  amis,  tous  les  hôtes  du 
gouverneur  excommunié ,  et  que  nul 
n'aurait  plus  commerce  avec  lui ,  ni 
de  feu ,  ni  d'eau,  ni  de  couvert. 

Saint  ADhanase  étant  mort  en  373 , 
les  ariens  reprirent  le  dessus  dans  son 
diocèse,  sous  la  protection  déclarée  de 
l'empereur  Valens;  mais  à  Tavéne- 
ment  de  Théodose ,  les  églises  furent 
rendues  aux  consubstantialistes  ;  et 
Farien  Lucius  fut  expulsé  d'Alexan- 
drie. Bientôt  le  concile  général  de 
Constantinople ,  de  381,  vint  complé- 
ter le  symbole  de  Nicée,  et  le  rendre 
tel  qu'il  est  aujourd'hui  chanté  dans 
nos  églises.  Ce  concile  fut  successive- 
ment présidé  par  divers  prélats ,  l'un 
desquels  fut  Timothée,  patriarche  d'A- 
lexandrie; parmi  les  canons  qui  y  fu- 
rent décrétés ,  le  cinquième  attribuait 
à  révéque  de  Constantinople  le  second 
rang,  immédiatement  après  l'évêque 
de  Rome;  mais  cette  décision,  qui 
préjudiciait  aux  droits  de  l'évêque 
d'Alexandrie,  fut  repoussée  par  des 
conciles  postérieurs  (*). 

(*)  Le  5*  canon  du  concile  de  Constan- 
tinople est  ainsi  conçu  dans  les  sommes  la- 
tines : 

«  Constantinopolitanaecivitatis  episcopum 
«  habere  oportet  primatûs  honorera  post 
«  Romanum  episcopum ,  propter  quôd  sit 
«  nova  Roma.  » 

Mais  le  a*  canon  du  concile  de  Rome, 
en  496  y  porte  : 

«  Est  ergo  prima  Pétri  apostoli  sedes  Ro- 
«  mana  ecclesia,  non  habens  maculam  ne- 
«que  rugara,  nec  aliquid  hujiismodi.  Se- 
«tcunda  autem  sedes  apud  Alexandnam 
«  beati  Pétri  nomine  a  Marco  ejus  discipulo 
««t  evangelista  consecrata;  ipseque  a  Petro 
«  apostolo  in  JEgyptum  difectus,  • 


Épiscopat  de  Synésios. 

Le  patriarche  Théophile  pour- 
voit A  DIVERS  SIEGES  EN  LiRYE.  — - 

Dans  un  concile  assemblé  en  394  à 
Constantinople,  à  l'occasion  de  la  dédi- 
cace d'une  éslise,  et  (]ui  eut  à  opter  en- 
tre deux  éveques  qui  se  disputaient  le 
siège  de  Bostra  en  Arabie,  on  vit  figu- 
rer, avec  le  patriarche  Théophile  d'A- 
lexandrie, Probatius,  évéque  de  Béré- 
nice. 

C'était  alors  l'usage  que  les  métro- 
politains promulgassent  chaque  année, 
après  l'Epiphanie,  des  lettres  paschales, 
où  ils  faisaient  connaître  le  jour  où 
devait  commencer  le  carême,  et  les 
fêtes  ndobiles  dépendantes  delà  Pâque. 
Saint  Jérôme  nous  a  conservé  trois 
des  lettres  paschales  émanées  du  pa- 
triarche Théophile,  pour  les  années 
401, 402  et  404  ;  à  la  fin  de  la  seconde 
se  trouve  l'indication  de  quelques  nou- 
veaux évéques  de  Libye,  dont  il  an- 
nonce l'avènement  afin  de  les  accrédi- 
ter auprès  de  leurs  frères,  pour  qu'on 
leur  écrivît  et  qu'on  reçût  leurs  lettres 
suivant  la  coutume  de  l'Église.  «  il 
«  faut  que  vous  sachiez  qu'en  rempla- 
«  cernent  des  saints  éveques  qui  se 
«  sont  endormis  dans  le  Seigneur,  on 
«  a  ordonné,  a  Lemniade,  Naséas  à  la 
«  place  de  Héron  ;  à  Érythron,  Paul  à 
«  la  place  de  Sabbatius.  » 

C'est  ce  même  Théophile  qui ,  en 
l'année  410,  ordonna  Synésios  évéque 
de  Ptolémaïs ,  malgré  la  répugnance 
expresse  et  motivée  du  nouveau  pré- 
lat, que  l'amour  de  la  famille  et  des 
études  philosophi€[ues  retenait  dans  la 
vie  séculière ,  mais  qui  fut  obligé  de 
sacrifier  ses  goûts  aux  instances  de 
ses  amis,  et  qui,  après  s'être  préparé 
à  ses  fonctions  sacerdotales  par  une 
retraite  de  sept  mois,  vint  en  411 
prendre  possession  de  son  siège ,  et 
exercer  tes  pouvoirs  métropolitains 
qui  y  étaient  attachés  à  Tégard  des 
autres  sièges  de  la  Pentapole,  en  même 
temps  que  la  confiance  de  Théophile 
l'investissait  des  pouvoirs  spéciaux  ex- 
clusivement réservés  au  patriarche 
d'Alexandrie.  Synésios ,  de  son  côté , 
professait  pour  Théophile  ia  d^é« 


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AFRIQUE  ANCIErsNË. 


m 


rence  et  la  soumission  ta  plus  entière. 

TOLBRÀNGE  DE  SYNÉSIOS.  —   En 

arrivant  à  Ptolémaïs,  il  y  trouva  ré- 
fugié et  rentré  dans  la  vie  privée  le 
noble  cyrénéen  Alexandre,  qui  s'était 
engagé  très-jeune  dans  les  observan- 
ces monastiques,  avait  ensuite  été  élevé 
au  diaconat,  puis  à  la  prêtrise ,  et  s*é- 
tant  rendu  à  Gonstantinople ,  y  avait 
fait  la  connaissance  de  saint  Jean 
Chrvsostdme ,  oui  Tavait  promu  à 
Tépiscopat  en  lui  assignant  la  ville 
de  Basilinopolis  en  Bitnynie;  quand 
avaient  éclaté  les  querelles  de  Chry- 
sostome  et  de  Théophile ,  où  la  dissi- 
dence religieuse  des  origéniens  et  des 
anthropomorphites  couvrait  des  haines 
personnelles,  Alexandre  était  resté  at- 
taché au  parti  de  son  bienfaiteur;  mais 
maintenant  Chrysostome  était  mort 
depuis  quatre  ans ,  il  y  en  avait  trois 
que  la  réconciliation  avait  été  conve- 
nue, et  Théophile  avait  lui-même  écrit 
au  patriarche  Atticus  de  Gonstantino- 
ple ,  en  faveur  des  anciens  partisans 
de  Chrysostome.  Synésios,  encore 
nouveau  dans  le  sacerdoce ,  était  fort 
embarrassé  sur  la  conduite  à  tenir  en- 
vers Alexandre  ;  il  prit  un  terme 
moyen ,  dont  il  rendait  compte  à  Théo- 
phile en  ces  termes:  «Voyant  des 
«vieillards  qui,  dans  la  crainte  de 
«  blesser  quelque  règle  canonique ,  le 
«  traitaient  durement,  et  sans  pouvoir 
«  articuler  rien  de  précis  contre  lui , 
«  refusaient  de  le  recevoir  sous  leur 
«  toit,  je  n'ai  voulu  ni  les  reprendre , 
«  ni  les  imiter.  Savez-vous,  mon  véné- 
«  rable  père,  ce  que  j'ai  fait  ?  Je  ne  l'ai 
«  point  reçu  à  l'église,  ni  à  la  commu- 
«  nion  de  la  sainte  table  ;  mais  je  l'ai 
«  accueilli  chez  moi  comme  un  homme 
«  sans  reproche ,  lut  faisant  honneur 
«  suivant  mon  habitude  à  l'égard  de 
«  mes  concitoyens,  sans  crainte  de  dé- 
«  roger  en  cela  à  la  dignité  de  mon 
«  siège.  » 

SyN BSIOS  BEMPLIT  DIVERSES  MIS- 
SIONS PÀTRIÂBGHALES.  —   Sur  l'or- 

dre  de  Théophile,  Synésios  se  rendit 
à  Hydrax  et  Palébisca,  pour  y  insti- 
tuer un  évêque  en  remplacement  de 
$idérios,  jadis  établi  en  ce  lieu  par 
pbilon  de  Cyrène ,  oncle  de  l'évêque 


du  même  nom  qui  occupait  acitieUe-* 
ment  le  même  siège.  Mais  la  popu-' 
lation  de  ces  bourgades,  qui  aepuis 
la  translation  de  Sidérios  à  Ptolé- 
maïs, du  temps  de  saint  Athanase, 
était  rentrée  sous  l'obédience  de  l'évê- 
que d'Érythron ,  et  s'était  attachée  à 
Paul ,  que  Théophile  lui-même  avait 
en  40 i  nommé  à  ce  dernier  siège,  re- 
fusa d'en  recevoir  un  autre,  et  de- 
manda avec  instance  à  Synésios  de 
suspendre  l'exécution  de  sa  commis- 
sion jusqu'à  <ïe  que  le  patriarche  eût 
entendu  la  réclamation  qu'on  lui  adres- 
sait ;  et  il  ne  fut  point  donné  de  suc- 
cesseur à  Sidérios. 

L'évêque  de  Ptolémaïs  avait  à  ré- 
gler en  même  temps  un  différend  sur- 
venu entre  Paul  a'Érythron  et  Dios- 
core  de  Darnis ,  au  sujet  d'un  tertre 
situé  dans  la  bourgade  d'Hydrax ,  sut 
la  limite  des  deux  évéchés,  et  dont 
les  deux  prélats  se  disputaient  la  pos- 
session, Dioscore  revendiquant  le  lieu 
comme  ayant  été  de  tout  temps  dépen- 
dant de  son  église,  Paul  prétendant  l'a- 
voir acquis  par  la  consécration  qu'il  y 
avait  faite  d'une  chapelle  sur  les  ruines 
d'une  plus  ancienne.  Une  enquête  dé- 
montra que  cette  consécration  avait  été 
subreptice  :  Paul  avait  violé  la  clôture 
d'une  petite  maison  dont  Dioscore  avait 
les  clefs,  et  y  avait  fait  porter  une  table 
qu'il  avait  bénie;  Synésios,  présidant  le 
synode  des  évêques  du  voisinage  qui 
s  étaient  réunis  à  cette  occasion,  dé- 
clara indigne  le  procédé  d'employer 
les  cérémonies  de  la  religion  pour 
usurper  la  propriété  d'autrui  ;  Paul 
reconnut  ses  torts ,  et  Dioscore  con- 
sentit à  lui  céder,  à  des  conditions  fa- 
vorables ,  l'immeuble  objet  du  litige. 

Synésios  présida  à  l'élection  d'un 
nouveau  pasteur  pour  l'évêché  d'Ol- 
bia,  devenu  vacant  par  la  mort  d'Atha- 
mas,  qui  Tavait  rempli  jusqu'à  un  âge 
très-avancé.  Les  suffrages  se  portèrent 
sur  Antoine ,  compagnon  d'études  de 
deux  évêques  présents  à  l'assemblée, 
et  qui  avait  même  reçu  de  l'un  d'eux 
l'ordre  de  prêtrise  ;  Tevêque  de  Ptolé- 
maïs se  joignit  à  eux  pour  le  nommer, 
et  sollicita  en  sa  faveur  l'homologatioa 
patriarehale. 


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152 


L'UNIVERS. 


DlÉFéBENCB  DE  SyNBSIOS  ENVERS 
LE  PATRIARCHE  POUR  LES  AFFAIRES 
DE  SON  PROPRE  DIOCÈSE.   —   Syné- 

sios  avait  soin  en  outre  de  rendre 
compte  à  Théophile  des  affaires  de 
son  propre  diocèse.  Le  prêtre  Jason 
ayant  attaqué  de  paroles  le  prêtre 
Lamponianus,  celui-ci  s'échappa  en 
voies  de  fait,  et  sur  la  plainte  de 
Jason  fut  exclu  des  assemblées  ec- 
clésiastiques :  il  témoigna  un  grand 
repentir,  et  sa  grâce  fut  demandée 
par  le  peuple  des  fldèles;  mais  Tévéque 
déclara  que  le  pouvoir  d'absoudre  le 
coupable  était  réservé  au  patriarche. 
— Des  ecclésiastiques  s'intentaient  mu- 
tuellement des  procès  scandaleux  de- 
vant les  gouverneurs  militaires,  à  qui 
ils  procuraient  ainsi  un  lucre  illégi- 
time; Synésios  demandait  à  Théophile 
d'ordonner  qu'on  ne  suivît  plus  cette 
marche  à  l'avenir,  mais  qu'on  s'adres- 
sât, en  pareil  cas,  à  la  juridiction  épis- 
copale.. —  Pes  prêtres,  quittant  volon- 
tairement leur  église,  venaient  jouir, 
'  sans  charges  ni  soucis,  des  honneurs 
du  sacerdoce  là  où  la  vie  leur  semblait 

Ï»lus  agréable;  Synésios  proposa  de  ne 
es  admettre  qu'à  la  communion  des 
laïques,  et  de  les  laisser  confondus  dans 
la  toule  des  fidèles,  afin  que  la  priva- 
tion des  honneurs  ecclésiastiques  les 
portât  à  retourner  chez  eux,  et  à  gar- 
der la  résidence  que  leur  ordmation 
leur  avait  imposée. 

Le  pieux  évêque  craignit  une  nou- 
velle invasion  de  l'arianisme  dans  la 
Pentapole,  au  moyen  des  prédications 
et  des  assemblées  secrètes  de  ces  sec- 
taires, favorisés  par  un  officier  appelé 
Quintianus ,  et  protégés  par  l'autorité 
militaire  ;  il  écrivit  à  ce  sujet  aux  prê- 
tres de  son  diocèse,  pour  les  inviter  à 
se  tenir  sur  leurs  gardes,  a  épier  et  à 
démasquer  ces  suppôts  du  démon,  et 
à  les  chasser  honteusement,  recom- 
mandant surtout  d'agir  en  vue  des 
récompenses  célestes,  et  non  d'une 
avidité  sordide  des  richesses,  anathé- 
matisant  d'avance  ceux  qui  se  laisse- 
raient entraîner,  à  prix  d'argent,  à 
fermer  les  yeux  sur  ces  réunions  cri- 
minelles. 

LÉGENDE  PP  LA   GONYEBSlOIf  DU 


PHILOSOPHE  ÉVAGRE  PAR  SVNÉSIOS. 

—Un  livre  de  la  vie  des  Pères,  oui  pa- 
raît avoir  été  composé  à  Rome  dans  le 
septième  siècle,  et  qui  porte  le  titre  de 
Pré  spirituel,  contient  une  légende  re- 
lative à  la  conversion  opérée  par  Sy* 
nésios,  d'un  philosophe  païen  nommé 
Évagre,  son  ancien  compagnon  d'étu- 
des, qui  résista  longtemps  opiniâtre- 
ment à  ses  instructions  et  à  se*s  ins- 
tances, mais  qui  se  rendit  enfin  et  se 
laissa  baptiser  :  il  remit  à  Synésios 
une  somme  d'or  pour  être  distribuée 
aux  pauvres,  en  échange  d'une  pro- 
messe écrite  de  Tévêque,  que  Dieu  lui 
tiendrait  compte  de  cette  charité  dans 
l'autre  vie.  A  sa  mort,  Évagre  recom- 
manda à  ses  enfants  de  l'enterrer  avec 
cet  écrit  dans  les  mains ,  ce  qui  fut 
exécuté.  Trois  jours  après ,  il  apparut 
en  songe  à  Synésios ,  l'invitant  à  ve- 
nir reprendre  dans  son  tombeau  ce 
même  écrit  revêtu  de  sa  quittance,  at- 
tendu que  la  promesse  qu'il  contenait 
se  trouvait  remplie;  on  alla  rechercher 
dans  le  sépulcre  l'écrit  de  Synésios; 
et  l'on  y  trouva ,  fraîchement  tracée 
de  la  main  d'Évagre,  la  quittance  an- 
noncée. L'auteur  de  ce  récit  en  avait 
recueilli  les  éléments  à  Alexandrie,  de 
la  bouche  de  Léonce  d'Apamée ,  qui 
avait  fait  un  long  séjour  à  Cyrène, 
dont  il  fut  depuis  évêque,  et  où  il  avait 
vu  de  ses  yeux  la  pièce  même  dont 
nous  venons  de  parler,  soigneusement 
conservée  dans  le  trésor  de  la  cathé- 
drale. 

Nous  avons  déjà  rapporté  ailleurs 
les  démêlés  de  Synésios  avec  le  gou- 
verneur Andronic,  et  l'excommunica- 
tion dont  il  le  frappa.  Le  noble  évêque 
occupait  encore,  en  417 ,  le  siège  de 
Ptolémaïs;  mais,  à  partir  de  cette 
date ,  l'histoire  ne  nous  fournit  plus 
à  son  égard  aucune  trace. 

Lutte  de  l'Église  d'Alexandrie  con- 
tre le  nesforianisme, 

HÉRÉSIE  DE  Nestorius.  —  L'a- 
nimosité  qui  avait  autrefois  divisé 
Théophile  et  saint  Jean  Chrysostome 
se  reproduisit  entre  leurs  succes- 
seurs, saint  Cyrille,  patriarche  d'A- 


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AFRIQUE  ANCIENPŒ. 


158 


lexandrie,  et  Tîestorius,  patriarche  de 
Constantinople.  En  expliquant  le  dog- 
me de  Tincarnation  divine,  Nestorius 
avait  poussé  trop  loin  la  distinction 
des  deux  natures  de  Jésus-Christ ,  à 
ce  point  qu'il  refusait  à  la  Vierge  le 
titre  sacramentel  de  mère  de  Dieu  ;  ses 
écrits  s'étaient  répandus  jusque  dans 
les  couvents  d'Egypte ,  et  saint  Cyrille 
écrivit  à  son  tour  pour  les  réfuter,  en 
en  référant  en  même  temps  à  Rome, 
au  pape  saint  Célestin ,  qui  écrivit  de 
son  coté ,  et  envoya  ses  lettres  à  saint 
Cyrille  pour  les  faire  parvenir  à  Nes- 
torius, à  qui  elles  furent  portées  par 
quatre  évêques  du  diocèse  d'Egypte , 
entre  autres  Daniel  de  Darnis.  Les 
partisans  de  Nestorius,  André  de  Sa- 
mosate  et  Théodoret  de  Cyros,  répon- 
dirent aux  mémoires  de  saint  Cyrille; 
ce  fut  Évoptios,  frère  et  successeur  de 
Synésios  à  Tévéché  de  Ptolémaîs,  qui 
envoya  plus  tard  de  Constantinople  à 
son  métropolitain  la  critique  incisive 
de  Théodoret.  L'empereur  Théodose 
le  jeune,  sollicité  de  convoquer  un 
concile  général  pour  mettre  fin  à  ces 
discussions ,  désigna  Éphèse  pour  lieu 
de  réunion,  et  chargea  Candidianus, 
comte  des  domestiques,  c'est-à-dire 
capitaine  de  ses  gardes,  de  pourvoir 
à  !a  sûreté  du  concile. 

Concile  d'Éphèse  qui  con- 
damne Nestobius.  —  Nestorius  et 
Cyrille  se  rendirent  chacun  de  leur 
coté  à  Éphèse ,  où  Je  patriarche  d'A- 
lexandrie amenait  cinquante  de  ses 
suffragants,  parmi  lesquels  nous  de- 
vons signaler  Evoptios  de  Ptolémaîs, 
Zenon  de  Teuchira  ,  Zénobios  de 
Barkè,  Publius  d'Olbia,  Samuel  de 
Dysthis,  et  Daniel  de  Darnis.  Avant 
d'attendre  l'arrivée  du  patriarche 
d'Antioche  avec  son  cierge,  et  mal- 
gré les  protestations  tant  dé  Nestorius 
que  du  comte  Candidianus,  le  véhément 
Cyrille  voulut  commencer  les  opéra- 
tions, et  ayant  fait  sommer  inutile- 
ment Nestorius  de  comparaître,  on 
procéda  à  une  enquête  :  Daniel  de 
Darnis  déclara  qu'il  avait,  avec  ses 
collègues,  remis  publiquement  à  Nes- 
torius, un  dimanche,  dans  sa  cathé- 
drale, les  lettres  de  saint  Cyrille  et 


de  saint  Célestin.  «  Il  nous  dît,  » 
ajouta  Daniel ,  «  de  revenir  le  lende- 
main le  trouver  en  particulier;  mais 
quand  nous  y  allâmes,  il  nous  ferma 
les  portes  et  ne  daigna  pas  nous  répon- 
dre. >  La  destitution  de  Nestorius  fut 
prononcée  séance  tenante,  le  22  juin 
431.  Mais  le  comte  Candidianus  fît 
publier  dès  le  lendemain  un  édit  de 
protestation  contre  tout  ce  qui  s'était 
fait,  avec  ordre  d'attendre,  pour  ou- 
vrir le  concile,  l'arrivée  des  évêques 
du  patriarchat  d' A ntioche.  Ceux-ci 
étant  entrés  à  Éphèse  cinq  jours  après, 
se  réunirent  de  leur  côté  avec  Nesto- 
rius et  les  autres  évêques  qui  avaient 
déféré  aux  avertissements  du  comte 
Candidianus,  et  ils  prononcèrent  à  leur 
tour  la  déposition  de  Cyrille  d'Alexan- 
drie et  de  Memnon  d'Éphèse.  Chaque 
parti  prétendit  être  le  véritable  con- 
cile, et  écrivit  en  conséquence  à  la 
cour  de  Constantinople;  saint  Cyrille 
y  envoya  même  Daniel  de  Darnis  avec 
ueux  autres  évêques  pour  y  soutenir 
sa  cause.  L'empereur,  admettant  les 
dépositions  prononcées  de  part  et  d'au- 
tre comme  valables,  envoya  le  comte 
Jean  arrêter  Nestorius,' Cyrille  et 
Memnon ,  et  tenter  la  réconciliation 
de  leurs  adhérents;  et  Jean  n'ayant  pu 
y  réussir,  Théodose  ordonna  que  cha- 
que parti  lui  envoyât  ses  députés  pour 
exposer  les  prétentions  respectives  sur 
lesquelles  il  avait  à  statuer  :  Evoptios 
de  Ptolémaîs  fut  Tun  des  huit  ora- 
teurs désignés  en  conséquence  de  cet 
ordre  par  le  parti  de  saint  Cyrille. 
Théodoret  de  Cyros,  l'un  des  huit  en- 
voyés du  parti  contraire,  manda  bien- 
tôt aux  siens  que  leurs  adversaires 
avaient  gagné  h  prix  d'argent  l'entou- 
rage de  l'empereur,  et  qu'il  ne  fallait 
point  espérer  gain  de  cause.  En  effet, 
le  concile  fut  dissous ,  Cyrille  renvoyé 
à  Alexandrie,  Memnon  maintenu  à 
Éphèse,  et  Nestorius  exilé  et  rem- 
placé. 

Pacification  de  l'Église  en 
Orient. — Le  schisme  fut  loin  de  ces- 
ser ;  Jean  d'Antioche,  dans  un  synode 
tenu  à  Tarse  au  mois  de  novembre  431, 
refusa  de  reconnaître  le  successeur  de 
Nestorius  et  anatbématisa  de  nouveau 


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164 


LtnWVEHS. 


iaint  Cyrille  avec  les  évéques  déf)uté8 
par  lui  vers  l'empereur,  et  parmi  les- 
quels était  £vo|îtios  de  Ptolémaïs  ;  et 
retourné  à  Antioche ,  Jean  y  tint  en- 
core un  synode  où  furent  confirmées 
ces  résolutions;  de  leur  côté,  ceux 
qui  se  proclamaient  exclusivement  ca- 
tholiques, profitant  de  la  faveur  im- 
périale ,  désignaient  de  nouveaux  évé- 
ques  à  la  place  des  Nestorjens  qu'ils 
chassaient  de  leurs  sièges.  Théodose 
jsentit  le  besoin  d'arrêter  ces  désordres; 
il  s'entremit  de  la  paix  entre  les  deux 
patriarches  d'Alexandrie  et  d' Antio- 
che ,  et  leur  réconciliation  fut  enfin 
obtenue  après  un  an  entier  de  négo- 
ciations. Nestorius  fut  relégué  en  436 
dans  la  grande  oasis. 

II  semble  que  des  ordinations  irré- 
gulières s'étaient  faites  dans  les  pro- 
vinces libyennes,  puisque  nous  avons 
une  lettre  de  saint  Cyrille  provoquée 

Ear  les  plaintes  des  abbés  de  la  Thé- 
aïde  à  ce  sujet ,  et  adressée  aux  évô- 
Î[uesdelaLibyeetdelaPentapole,pour 
eur  enjoindre  de  s'informer  exacte- 
ment de  la  vie  des  ordinands,  s'ils 
étaient  mariés  on  non  et  depuis  quand, 
s'ils  avaient  été  chassés  par  quelque 
évéque,  ou  de  quelque  monastère,  afin 
de  n'ordonner  que  des  personnes  li- 
bres et  sans  reproche. 

Établissement  de  l'hérésie  (TEU" 
tychès. 

L'hébêsie  d'Eutychès,  triom- 
phante A  ÉPHÈSE,  EST  CONDAMNÉE 
PA»  LE  CONCILE  DE  CALCÉDOINE.  — 

D'une  opposition  outrée  au  nestoria- 
nisme  était  née  l'erreur  de  l'archi- 
mandrite Eutychès,  qui  ne  faisait  point 
une  distinction  suffisante  des  deux  na- 
tures de  Jésus-Christ  ;  elle  fut  inci- 
demment déférée  en  448  à  un  concile 
assemblé  à  Constantinople ,  et  ana- 
thématisée  ;  Eutychès  en  appela  à  un 
nouveau  concile  ,  gui,  fut  en  consé- 
auence  convoqué  à  Éphèse  au  mois 
d'août  449 ,  et  présidé  par  Dioscore, 
successeur  de  samt  Cyrille  au  patriar- 
cbat  d'Alexandrie;  il  avait  près  de  lui 
plusieurs  de  ses  suf&agants,  entre  les- 
quels nous  devons  nommer  ici  Zosipiie 


de  Sozysa,  Rufîis  de  Cyrène  et  Tbéd^ 
dore  de  Barkè,  pour  la  Pentapole  ;  Lu- 
cius  de  Zygris  et  Philocalos  de  Zagylis 
Dour  la  Libye  inférieure  :  Eutychès  y 
tut  absous,  et  ses  accusateurs  condam- 
nés. Les  procès- verbaux  du  concile 
témoignent  d'une  grande  régularité  de 
procédure,  mais  les  historiens  ecclé- 
siastiquies  rapportent,  surtout  de  la 

Î)art  ae  Dioscore ,  des  scènes  de  vio- 
ence  et  des  voies  de  fait  à  peine  croya- 
bles ,  qui  ont  valu  aux  actes  de  cette 
assemblée  d'être  flétris,  par  les  ca- 
tholiques, du  nom  de  brigandage  d'É- 
phèse. 

Un  nouveau  concile  général  fut  de- 
mandé; l'empereur  Marcien,  succes- 
seur de  Théodose  le  jeune,  le  réunit  en 
octobre  451  à  Calcédoine;  il  s'y  trouva 
trois  cent  soixante  évéques,  parmi  les- 
quels nous  remarquons,  à  la  suite 
du  patriarche  Dioscore  d'Alexandrie, 
Théophile  d'Érythron.  La  sentence 
prononcée  à  Éphèse  fut  annulée ,  et 
Dioscore  anathématisé  avec  Eutychès; 
on  voulut  ensuite  faire  violence  aux 
treize  suffraisjanls  de  Dioscore  pré- 
sents au  concile,pour  souscrire  la  nou- 
velle profession  de  foi;  mais  sur  leur 
déclaration  opiniâtre  qu'ils  ne  pou- 
vaient canoniquement  rien  faire  de 
leur  chef  et  sans  autorisation  de  leur 
patriarche ,  on  les  ajourna  jusqu'à  ce 
qu'un  successeur  eût  été  nommé  à 
Dioscore.  Cependant  le  concile  de  Cal- 
cédoine ne  fut  pas  reçu  paisiblement 
en  Orient ,  et  il  fallut* plusieurs  édits 
impériaux  pour  en  ordonner  l'exécu- 
tion ;  il  y  eut  schisme  dans  le  patriar- 
chat  d'Alexandrie,  les  uns  persistant  à 
tenir  pour  Dioscore,  les  autres  lui 
ayant  donné  pour  successeur  l'archi- 
prêtre  Protérius. 

Schisme  sanglant  dans  le  pa- 

TBIABGHAT  D'ALEXANDBIE.—  DioS- 

core  mourut  en  454  à  Gangres  en 
Paphlagonie,  où  il  avait  été  relé- 
gué; mais  les  eutychiens,  maintenus 
dans  le  devoir  tant  que  vécut  l'empe- 
reur Marcien,  profitèrent  de  son  décès 
pour  se  relever  en  Egypte ,  et  promu- 
rent au  patriarchat  le  moine  Timo- 
thée  Élure  (AÎXoupoç,  chcU)^  qui  fut 
violemment  introni§4  le  39  mars  4^, 


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ÀPRIQÛE 

par  te  meUrtte  de  Protérius ,  dont  -le 
cadavre  fut  traîné  dans  les  rues  d'A- 
lexandrie. Quatorze  évoques  de  son 
diocèse,  entre  lesquels  on  voit  figurer 
Maxinrje  de  Zagylis ,  fuyant  les  persé- 
cuiions  du  patriarche  intrus ,  se  sau- 
vèrent à  Constantinople,  où  ils  remi- 
rent à  l'empereur  une  supplique  afin 
d'obtenir  l'expulsion  de  Timothée 
Élure  et  la  liberté  d'élire  régulière- 
ment un  successeur  à  Protérius.  Un 
synode  assemblé  aussitôt  dans  la  ville 
impériale  déclara  nulle  la  nomination 
de  Timothée,  et  un  grand  nombre  de 
synodes  provinciaux  tenus  sur  l'ordre 
de  l'empereur  firent  la  même  déclara- 
tion. Pendant  que  cette  affaire  se  pour- 
suivait, le  patriarche  Gennadios  de 
Constantinople  ayant  tenu  un  concile 
contre  la  simonie ,  les  évéques  éçyç- 
tiens  présents  sur  les  lieux  y  assistè- 
rent ,  et  nous  devons  nommer  parmi 
eux  Pierre  de  Dvsthis  dans  la  Penta- 
pole ,  Apollon  d'Antiphra  et  Maxime 
de  Zagylis  en  Marmarique. 

Timothée  Salofaciole  fut  élu  patriar- 
che d'Alexandrie  par  les  catholiques, 
et  Timothée  Élure  relégué  dans  la 
Chersonèse;  mais  il  revint  à  Alexan- 
drie en  475,  à  la  faveur  de  l'usurpa- 
tion du  tyran  Basilisque,  et  força  son 
compétiteur  à  se  retirer  à  Canope. 
Quand  Zenon  eut  repouvré  l'empire, 
en  477,  il  voulut  expulser  de  nouveau 
le  patriarche  intrus  ;  mais  celui-ci 
s'empoisonna.  Ses  adhérents  lui  don- 
nèrent alors  pour  successeur  l'archi- 
diacre Pierre  MongeCMoYYoç,  bègue)^ 
qui  fut  sacré  pendant  la  nuit  par  un 
seul  évéque;  Zenon  ordonna  l'expulsion 
de  Pierre  et  le  rétablissement  de  Sa- 
lofaciole; mais  le  premier  se  cacha 
dans  Alexandrie,  et  le  second  étant 
mort  en  482,  on  lui  donna  pour  suc- 
cesseur Jean  Talaïa,  que  sa  liaison 
avec  le  rebelle  Illus,  maître  des  offices, 
fit  repousser  par  l'empereur. 

HÉNOTIQUE  DE  ZENON.  —  ZénOU 

donna  alors  son  approbation  à  l'in- 
tronisation de  Pierre  Monge ,  et  en- 
voya au  préfet  et  au  duc  d'Egypte  des 
ordres  à  ce  sujet,  en  même  temps 
qu'un  édit  d'union,  bien  connu  sous 
le  nom  d'Hénotique  (ivowixèv^  t^ni/t/), 


ANCIENNE. 


iU 


adressé  aux  évéques  et  aux  fidèles  d'A- 
lexandrie, de  l'Egypte,  de  la  Libye  et 
de  la  Pentapole ,  et  pointant  en  sub- 
stance que  pour  obtenir  l'unité  de 
l'Eglise,  si  vivement  désirée  par  les 
gens  de  bien ,  il  convenait  de  se  rallier 
exclusivement  au  symbole  de  Nicée, 
complété  à  Constantinople,  et  suivi 

{)ar  les  Pères  du  concile  d'Éphèse,  avec 
es  douze  articles  publiés  par  saint 
Cyrille  contre  Nestorius;  anathémati- 
snnt  toute  profession  contraire  qui  ait 
pu  ou  qui  pourrait  se  produire ,  jadis 
ou  aujourd  hui ,  à  Calcédoine  ou  ail- 
leurs. Pierre  reçut  l'Henotique,  le  fit 
recevoir  par  les  catholiques,  et  écrivit 
à  ce  sujet  des  épttres  synodales  tant 
au  pape  Simplicms  qu'au  patriarche 
de  Constantinople  ;  mais  l'évéque  Jean 
de  Zagylis  et  les  archimandrites  des 
monastères  de  la  basse  Egypte  s'insur- 
gèrent ouvertement ,  et  envahissant 
séditieusement  sa  cathédrale,  le  forcè- 
rent à  anathématiser  le  concile  de  Cal- 
cédoine et  les  lettres  du  pape  Léon 
contre  Eutychès.  Le  corps  de  Timo- 
thée Salofaciole  fut  déterré  et  jeté  à 
la  voirie.  Depuis  lors  le  siège  d'A- 
lexandrie fut  occupé  par  une  suite  de 
patriarches  eutychiens,  qui  générale- 
ment recevaient  l'Henotique  de  Zenon 
et  rejetaient  en  même  temps  le  concile 
de  Calcédoine  ;  et  l'on  ne  peut  guère 
douter  que  les  évéques  de  leur  obé- 
dience ne  suivissent  aussi  les  mômes 
doctrines. 

Concile  gbnébàl  de  Constanti- 
nople.—  L'empereur  Justinien  eut  à 
son  tour  la  prétention  d'opérer  la  réu- 
nion des  diverses  églises  de  la  chrétienté 
au  moyen  d'une  confession  de  foi  qui  sa- 
tisfît a  toutes  les  exigences  légitimes, 
et  il  rendit  à  ce  sujet  en  546  un  édit, 
où  est  formulée  l'acceptation  des  qua- 
tre conciles  généraux  de  Nicée,  de 
Constantinople,  d'Éphèse  et  de  Calcé- 
doine, tout  en  rejetant  certains  écrits 
de  Théodore  de  Mopsueste,  deThéo- 
doret  de  Cyros,  et  d'Ibas  d'Édesse,  dé- 
signés en  commun  sous  le  titre  vul- 
gaire des  trois  chapitres,  et  que  le 
concile  de  Calcédoine  avait  admis;  es- 
pérant ainsi  lever  le  plus  grand  obsta- 
cle à  la  réceptiop  dir  d^rpier  coneile 


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156 


L'UNIVERS. 


par  les  Eulychiens.  Mais  il  éprouva  des 
résistances  auxquelles  il  ne  s'était  pas 
attendu,  et  après  les  plus  déplorables 
scandales,  la  décision  de  la  question 
fut  enfin  déférée  à  un  nouveau  concile 
écuménique  :  cent  cinquante  et  un  évo- 
ques rassemblés  à  Constantinople  par 
ordre  de  l'empereur,  au  mois  de  mai 
653,  condamnèrent  les  trois  chapitres. 
Avec  le  patriarche  Apollinaire  d'A- 
lexandrie souscrivirent  George  de  Pto- 
lémaïs  dans  la  Pentapole,Émilien,  évê- 
que  d'Antipyrgos  dans  la  Libye  infé- 
rieure ,  et  jusqu'à  Théodore,  évêque 
d'Augila  dans  le  désert. 

Mais  le  schisme  de  l'église  d'Alexan- 
drie était  consommé  ;  les  Eutychiens 
ou  monophysites,  qu'on  appela  désor- 
mais Jacobites  à  cause  de  Jacc|ues 
d'Édesse  leur  chef  le  plus  actif,  ou 
cophtes  à  raison  de  leur  nationalité 
spécialement  égyptienne,  restèrent  sé- 
parés des  catholiqueSfdont  la  masse  se 
composait  des  habitants  grecs  de  l'E- 
gypte et  des  deux  Libyes,  et  qui  recu- 
rent plus  tard,  soit  des  Juifs,  soit  des 
Arabes ,  la  dénomination  de  melkites 
ou  royaux ,  parce  quils  suivaient  la 
religion  de  la  cour  de  Constantinople. 

Debnibbs  évéques  libyens  ; 

CONQUÊTE    MUSULMANE.    —    Le    pa- 

triarchat  de  saint  Euloge  d'Alexan- 
drie, intronisé  par  les  catholiques  sur 
ce  siège  en  580,  et  qui  y  mourut 
en  607,  a  uo  droit  particulier  à  notre 
attention,  en  ce  que  ce  prélat,  dis- 
tingué par  ses  écrits  contre  les  di- 
vers hérétiques  de  son  diocèse,  et  par 
Tamitié  du  pape  saint  Grégoire  le 
Grand,  avait  pour  syncelle  ou  coad- 
juteur  Théodore,  évéque  de  Darnis  en 
•  Marmarique,  dont  le  surnom  de  Skri- 
boon  n'est  peut-être  qu'une  trans- 
cription grecque  du  titre  de  scribe  ou 
secrétaire,  et  dénoterait  de  sa  part  un 
concours  actif  aux  écrits  polémiques 
de  son  métropolitain.  Lui-même  mon- 
ta, après  Euloge»  sur  le  siège  patriar* 
chai  et  l'occupa  deux  ans,  jusqu'à  ce 
qu'il  périt  en  609,  de  la  main  de  ses 
ennemis ,  à  l'époque  où  l'Afrique  et 
l'Orient  s'insurgeaient  contre  Phocas 

ë>ur  donner  la  couronne  impériale  à 
éraclius.  Dans  le  même  temps  sié- 


geait aussi  à  Cyrène  l'évêque  Léon- 
tius,  qui  avait  naguère  raconté  à  Jean 
Moschus,  l'auteur  du  Pré  spirituel,  la 
légende  de  la  conversion  du  philoso- 
phe Évagre  par  Synésios  dePtolémaîs. 
Au  moment  de  l'invasion  de  l'E- 
gypte par  les  Musulmans,  les  Jacobi- 
tes obtinrent  la  protection  du  vain- 
queur, et  furent  même  mis  en  posses- 
sion des  églises  des  melkites,  suspects 
aux  conauérants  comme  liés  de  croyan- 
ce avec  l'empereur,  leur  ennemi  poli- 
tique; aussi  le  patriarche  melkite 
Pierre,  ne  trouvant  plus  la  place  te- 
nable,  se  retira  à  Constantinople ,  et 
Alexandrie  n'eut  pendant  longtemps 
que  des  patriarches  jacobites.  Quant  à 
la  Libye  et  à  la  Pentapole,  il  ne  reste 
aucune  trace  de  la  dernière  agonie  du 
culte  chrétien  dans  les  églises  qu'il  y 
avait  fondées  :  il  ne  s'est  trouvé  au- 
cune voix  pour  déplorer  assez  haut , 
au  milieu  du  naufrage,  la  disparition 
des  évêques,  des  prêtres,  des  fidèles 
que  le  débordement  musulman  en- 
gloutissait. 

«  Etiàm  periôre  ruinae.  » 

Tableau  des  évéchés  des  deux  H- 
byes, 

A  cette  esquisse  imparfaite  des  vi- 
cissitudes du  christianisme  dans  l'an- 
cienne Cyrénaïque  ,  il  nous  reste  à 
joindre,  comme  un  complément  néces- 
saire, le  tableau  succinct  des  évéchés 
qui  y  étaient  compris,  et  la  liste  des 
prélats  dont  l'histoire  a  enregistré  les 
noms. 

lo    LIBYE    SUPERIEURE,    PENTA- 
POLE, OU  cyrénaïque. 

1 .  Ptolémâis  ,  métropole, 

Basilides ,  évêque  des  paroisses  de 
la  Pentapole,  à  qui  le  patriarche  saint 
Denis  d'Alexandrie  adressa,  vers  260, 
une  de  ses  lettres  canoniques. 

Théodore,  métropolitain  de  la  Pen- 
tapole, martyr  dans  la  persécution  de 
Licinius  vers  319. 

Secundus,  évêque  de  la  Pentapole, 
fauteur  d'Arius ,  excommunié  en  321 
par  le  synode  d'Alexandrie,  et  en  325 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


par  le  concile  de  Nicée;  réhabilité  en 
335  par  le  concile  de  T3^r,  condamné 
de  nouveau  en  340,  et  rétabli  en  356. 

Etienne,  évé(jue  de  Ptolémaïs  de  Li- 
bye, arien,  présent  au  concile  de  Sé- 
leucie  en  359. 

Sidérios,  ordonné  d'abord  évêque 
d'Hydrax  et  Palébisca,  puis  transféré 
à  Ptolémaïs  vers  370. 

Syné^ios,  évêque  de  Ptolémaïs  en 
410,  siégeait  encore  en  417. 

Évoptios,  frère  de  Synésios,  présent 
au  concile  d'Éphèse  en  431. 

Georges,  présent  au  concile  de  Cons- 
tantinople  en  553.  / 

2.    BÉRÉNTGE. 

Ammonius,  à  qui  le  patriarche  saint 
Denis  d'Alexandrie  adressa  une  lettre 
contre  le  sabellianisme,  vers  260. 

Datbès,  arien,  présent  au  concile  de 
Nicée  en  325. 

Probatius  ,  présent  'au  concile  de 
Constantinople  en  394. 

3.  Cybène. 
Théodore,  martyr  dans  la  persécu- 
tion de  Dioclétien'^en  302. 

Philon  l'Ancien,  qui  ordonna  Sidé- 
rios évêque  d'Hydrax  et  Palébisca 
avant  370. 

Philon  le  Neveu,  qui  siégeait  en 
410. 

Rufus,  présent  au  brigandage  d'E- 
phèse en  449. 

Léonce,  contemporain  de  Jean  Mos« 
chus,  auteur  du  Pré  spiriftiel,  vers 
600. 

4.  Bàrkè. 
Zéphyrios  (ou  Zopiros),  arien,  pré- 
sent au  concile  de  Nicée  en  325. 

Zénobios,  présent  au  concile  d'É- 
phèse en  431. 

Théodore,  présent  au  brigandage 
d'Ephèse  en  449. 

5.  Teughibà. 

Secundus,  arien,  présent  au  concile 
de  Nicée  en  325. 

Zenon,  présent  au  concile  d'Éphèse 
en  431. 

6.    BOBTON. 

Sentianus,  arien,  présent  au  concile 
de  Nicée  en  325. 


167 

7.  SOZOUSÀ. 

Héliodore,  présent  au  concile  de  Sé- 
leucie  en  359. 

Zosime  (pu  Sosias),  présent  au  bri- 
gandage d'Éphèse  en  449. 

8.  Erythron.. 

Orion,  vieux  à  l'époque  de  l'ordina- 
tion de  Sidérios,  avant  370. 

Sabbatios,  cité  comme  mort,  dans  la 
lettre  paschale  du  patriarche  Théo- 
phile pour  402. 

Paul ,  nommé  en  401,  en  différend 
avec  révéque  de  Darnis  en  411. 

Théophile,  présent  au  concile  de 
Calcédoine  en  451. 

9.  Hydrax  et  Palébisca. 

Sidérios,  transféré  à  Ptolémaïs,  par 
saint  Athanase,  vers  370. 

10.  Lemniade. 

Héron,  cité  comme  mort  récem- 
ment, dans  la  lettre  paschale  du  pa- 
triarche Théophile  pour  402. 

Naséas,  cité  comme  nouvellement 
promu,  dans  la  même  lettre. 

II.Olbia. 

Athamas,  mort  à  un  âge  très-avan- 
cé, vers  410. 

Antoine,  élu  en  présence  de  Syné- 
sios vers  411. 

Publius,  présent  au  concile  d'É- 
phèse en  431. 

12.  Dysthis. 

Samuel ,  présent  au  concile  d'É- 
phèse en  431. 

Pierre,  présent  au  concile  de  Cons- 
tantinople en  459. 

2*^  LIBYE  INFÉRIEURE,    SECONDE 
LIBYE,  OU  JIIARMARIQUE. 

1.  Dabnis  ,  métropole. 

Théonas ,  évêque  de  Marmarique , 
fauteur  d'Arius,  condamné  au  synode 
d'Alexandrie  en  321  et  au  concile  de 
Nicée  en  325. 

Pison,  évêque  de  Darnis,  présent  au 
concile  de  Sardique  en  347. 

Poilux  ou  Polydeuces,  évêque  de  la 


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L'UNIVERS. 


seconde  D'bye,  présent  au  concile  de 
Séieucie  en  859. 

Dioscore,  évéaue  de  Darnis,  en  dif- 
férend avec  Paul  d'Erythron  en  411. 

Daniel,  présent  au  condle  d'Éphèse 
en  431. 

Théodore  Scrrbon,syncelIe  ou  coad- 
juteur  du  patriarche  saint  Euloge,  et 
son  successeur  en  607. 

a.  PABBTONIOlf. 

Titus,  présent  au  concile  de  Nicée 
en  325. 

Siras,  arien,  présent  au  concile  de 
Séieucie  en  359. 

Caîus,  présent  au  concile  d'Alexan- 
drie en  362. 

8.  Antiphrâ. 

Sérapion,  présent  au  concile  de  Ni- 
cée  en  325. 

Menas,  présent  au  concile  d'Alexan- 
drie en  362. 


Apollon,  présent  au  concile  deCkMi»- 
tantinople  en  459. 

4.  Ztgbis. 

.  Marc,  présent  au  concile  d'Alexan- 
drie  en  362. 

Lucius,  présent  au  brigandage  d'É- 
phèse en  449. 

5.  Zagtlis. 

Philocalos,  présent  au  brigandage 
d'Éphèse  en  449. 

Maxime,  présent  au  concile  deCons- 
tantinople  en  459. 

Jean,  qui  força  en  482  le  patriarche 
.  Pierre  Monçe  à  anathématiser  le  con- 
cile de  Calcédoine. 

6.  Antipybgos. 

Emilianus,  présent  au  concile  de 
Çonstantinople  en  553. 

7.    AUGILA. 

Théodore,  présent  au  second  con- 
cile général  de  Çonstantinople  en  553. 


FIN  DU,  LA  PBEMTÈBE  PABTIB  DB  L'AFBTQUE  ANCIENNE. 


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^VffîKQiWS  i^SfOaSTXTB. 


SECONDE  PARTIE. 


LA  RÉGION  D'AFRIQUE, 


OOMPRBNAMT 


L'AFRIQUE  PROPRE,  LA  NUMIDIE 
ET  LES  MAURITANIES. 


DESCRIPTION    GÉNÉRALE. 


I.   0BOGHÀPHIE  PHYSIQUB. 

Étendue  et  limites, 

BOBNBS  GÉNÉRALES.  —  AinSJ  qUC 

nous  l'avons  dit  au  début  de  ce  livre , 
le  nom  d'Afriqqe  fut  d'abord  restreint 
à  la  colonie  phénicienne  concentrée 
sur  remplacement  de  Carthage;  puis  il 
s*étendit  avec  elle  dans  les  environs,  et 
gagnant  de  proche  en  proche,  il  désigna 
successivement  une  petite  province  , 
puis  une  province  plus  grande ,  puis 
toutes  les  possessions  puniques  dans 
leur  plus  grand  développement ,  puis 
enfm  tout  Te  continent  ou  elles  étaient 
assises. 

De  cette  diversité  d'étendue  terri- 
toriale que  représente  tour  à  tour  la 
dénomination  d'Afrique ,  il  résulte  un 
certain  embarras  dans  l'emploi  que 
nous  en  voulons  faire  ici.  Dans  son 
acception  la  plus  large  au  point  de  vue 
de  1  antiquité  classique,  elle  désigne 
le  sujet  de  tout  ce  volume  ;  dans  son 
acception  étroite ,  au  contraire ,  elle 
reste  attachée  au  domaine  politique  de 
Carthage,  auquel  est  consacrée  une 
section  importante  dans  la  suite  de  ce 
trarail.  Pour  le  présent,  il  nous  faut 


cette  acception  intermédiaire,  où  il 
ne  s'agit  ni  de  toute  l'Afrique  connue 
des  anciens,  ni  de  la  seule  Afrique 
propre  distincte  de  la  Numidie  et  des 
MauritanieSy  mais  bien  de  la  vaste 
région  à  laquelle  ce  même  nom  d'A- 
frique était  donné  par  opposition  à 
celui  de  Libye,  c'est-à-dire  de  l'en- 
semble des  contrées  se  succédant  d'est 
en  ouest  depuis  les  Autels  des  Philènes 
jusqu'à  l'extrême  occident ,  et  sur  les- 
quelles l'évêque  de  Carthage  étendait 
son  bâton  pastoral  à  titre  de  primat. 

Limites  a  l'est  ht  au  nobd.  — 
Cette  région  avait  pour  limite  orientale 
la  Libye  propre,  et  le  désert  ultérieur 
jusqu'à  l'Ethiopie  au-dessus  de  l'Egypte. 

Au  nord ,  elle  étendait  sur  la  Médi- 
terranée de  lon^s  rivages  onduleux, 
où  le  cap  des  Trières  (TptTipôv)  et  celui 
qu'on  appelait  les  Têtes  (xÊ^oXal)  suc- 
cédaient ensemble  à  l'enfoncement  de 
la  grande  Svrte,  tandis  qu'un  peu  plus 
loin  celui  de  Zitha  et  celui  qui  tirait 
son  nom  des  bas-fonds  adjacents  (*), 

(*)  BpaxcoSY);  déxpa  chez  les  Grecs,  Caput 
*vada  chez  les  Romains. 


,  (|aof  Bonine  portm 


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160 


L'UNIVERS. 


enfermaient  la  petite  Syrte;  le  cap 
d'Hermès  ou  de  Mercure  projetait 
ensuite  sa  longue  saillie  au  nord,  pour 
enceindre  d'un  côté  le  golfe  de  Car- 
tilage, que  bornaient  à  la  fois^  de  l'au- 
tre côté,  le  Beau  promontoire  (*)  et 
celui  d'Apollon,  jumeaux  mais  dis- 
tincts l'un  de  l'autre.  Puis  les  golfes 
des  deux  Hippones ,  séparés  entre  eux 
par  le  cap  Blanc  {candidum  promon- 
torlum),  étaient  suivis  de  la  Pointe 
du  Cheval  (ïincou  dtxpa);  plus  loin  le  cap 
Trèton  (xpriTàv ,  percé)  divisait  le  golfe 
Olcâchites  du  golfe  Numidique  «  lequel 
se  prolongeait  vers  l'ouest  jusqu'au 
promontoire  Audon  ;  puis  les  dente- 
lures de  la  côte  s'amoindrissant ,  les 
géographes  grecs  et  latins  eurent  peu 
de  souci  de  constater  la  nomenclature 
de  ces  rentrées  et  de  ces  saillies  si 
petites  et  si  nombreuses ,  jusqu'à  un 
autre  promontoire  d'Apollon ,  voisin 
de  Cartenna.  Ils  nous  ont  pourtant 
conservé  à  leur  insu ,  en  transcrivant 
Quelques  noms  puniques  significatifs, 
1  indication  de  plusieurs  de  ces  petits 
caps  intermédiaires,  tels  que  Rousa- 
zous  ,  Rousoubbeser,  Rousouccoron , 
Rousibbicar,  Rousgonion  ,  où  la  syl- 
labe initiale  rous  n'est  autre  que  la 
forme  punique  du  mot  que  les  Arabes 
prononcent  râs,  et  qui  nous  est  main- 
tenant si  familier.  Plus  loin  dans 
l'ouest  s'arrondissait  le  golfe  Laturus. 
Le  Grand  promontoire  ({AéyaàxpoynQpiov), 
et  ceux  qui  portaient  les  noms  de  Mé- 
tagonite ,  Sestiaria  et  Oléastron ,  enfin 

ce  AlternA  pro  parle  Caput  dizére  vadorum 
«  Autiqui  naulae.  » 

CoRiprs,  Johannîdc,  I,  368. 
Les  modernes  en  ont  fait  Capoudia,  et 
même  la  Capoule» 

{*)  KaXôv  àxpwTifipiov  de  Polybe,  Pul- 
chri  promontorium  de  Tite-Live  ;  les  criti- 
ques qui  le  confondent  avec  le  cap  d'Her- 
mès, comme  Heyne  et  Heeren,  ou  avec  le 
cap  d'Apollon,  comme  Maunert,  ne  tien- 
nent pas  assez  de  compte ,  dans  le  premier 
cas,  de  la  situation  relative  à  Tégard  de 
Carthage,  et  dans  le  second  cas ,  de  la  dis- 
tinction entre  le  râs  Sydy  'Aly-el-Mekky 
(KaXôv  àxpoyriQpiov)  à  lest  de  Porlo-Farina , 
et  le  râs  Zebyb  (AiréXXwvo;  âxpov)  au  nord- 
ouest  de  la  même  ville. 


la  pointe  de  Phébus ,  s'échelonnaient 
ensuite  jusqu'au  détroit  des  Colonnes, 
à  la  sortie  duauel  se  projetait  le  cap 
Côtés ,  où  la  ligne  des  rivages ,  jus- 
que-là dirigée  d'est  en  ouest,  tournait 
brusquement  au  sud  pour  tracer,  dans 
cette  direction  nouvelle,  les  limites 
occidentales  de  la  région  d'Afrique. 

Limites  a  l'ouest  et  ad  sud. 
— Le  cap  Côtés  ou  Cota,  que  les  Grecs 
noinmaient  Ampelousia ,  était  placé 
justement  à  égale  distance  des  Syrtes 
et  du  terme  des  connaissances  ancien- 
nes sur  le  littoral  africain  baigné  par 
l'océan  Atlantique.  En  suivant  du  nord 
au  sud  l'ondulation  des  rivages ,  on 
trouvait  d'abord  le  golfe  des  Comptoirs 
puniques  (  êfinopixèç  koXtco;  )  portant 
également  le  nom  de  Côtés  et  celui  de 
Saguti,  puis  la  saillie  du  petit  Atlas 
("AiXa;  IXdtrrwv)  appelée  aussicap  d'Her- 
mès (*),  et  successivement  celles  de  la 
montagne  du  Soleil ,  du  cap  d'Hercule, 
du  cap  Oussadion ,  du  Grand'  Atlas 
("AyXaç  fieiCtov)  ;  la  pointe  Gannaria,  la 
pointe  Soloentia ,  le  cap  Arsinarion  ou 
Surrentium  (**),extrétîiité  la  plus  occi- 
dentale de  l'Afrique  alors  connue  ;  le 
cap  Ryssadion ,  le  cap  Catharon ,  et 
enfin  la  Corne  du  couchant  CETTcépou 
xépaç) ,  après  laquelle  s'enfonçait  dans 
les  terres  le  golfe  Hespérique  I  terminé 
lui-même  plus  loin  par  la  Corne  du 
sud  (NoTou  xepotç). 

La  limite  méridionale  de  cette  vaste 
région  demeurait  indéterminée;  les 
connaissances  positives  s'arrêtaient  à 
la  chaîne  de  TAtlas ,  dont  on  savait 
déjà  que  le  nom  indigène  était  Dy- 
rin  (***)  ;  au  delà ,  sauf  l'itinéraire  de 

(♦)  •Epfxaia  ôxpa  ;  c'est  là  que  les  Ro- 
mains eurent  plus  tard  leur  poste  le  plus 
avancé,  sous  le  nom  à^Exploratio  ad  Mer- 
curîos, 

(**)  Ce  promontoire,  ainsi  appelé  par  . 
Polybe,  élail  terminé  par  le  mont  Barce, 
nommé  Brace  et  Praxe  par  l'anonyme  Ra- 
vennate. 

(***)  Nous  avons  à  cet  égard  l'affirmation 
expresse  de  Slrabon,  de  Pline,  de  Solin, 
de  Martianus  (lapella ,  qui  écrivent  tour  à 
tour  Aupiv,  Dyrin  ,  Dirin ,  Addirin  ;  c'est 
le  même  nom  que  les  Arabes  écrivent    ,  p 


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AFRIQUE  ANCtEîîNE. 


m 


quelques  rares  expéditions  militaires, 
on  n'avait  que  de  vagues  indications 
recueillies  sur  des  oui-dire  sans  ga- 
rantie. 

Montagnes. 
Insuffisance  et  DÉFiCTUOSiTés 

DE  LÀ  NOMENGLATUBE  DE  PtOLÉMÉE. 

—  Cette  chaîne  de  l'Atlas,  qu'Héro- 
dote regardait  comme  un  faîte  sablon- 
neux courant  depuis  Thèbes  d'E- 
gypte jusqu'aux  Colonnes  d'Hercule  et 
même  au  delà,  mais  dont  Strabon 
connaissait  bien  à  la  fois  la  nature 
montagneuse  et  la  continuité  depuis 
les  Syrtes  jusqu'à  l'Océan ,  Ptolémée 
n'en  donne  qu'une  description  mor- 
celée ,  ou  pfutôt  une  nomenclature 
multiple  sans  enchaînement  certain. 
Cependant ,  l'ordre  successif  et  les 
rapports  de  position  de  toutes  ces 
montagnes  diverses,  peuvent  permet- 
tre d'en  deviner  la  liaison  mutuelle, 
en  s'aidant  des  indications  orogra- 
phiques (souvent  bien  aventureuses  il 
est  vrai)  de  nos  cartes  modernes.  Ce 
n'est  ici  le  lieu  ni  l'occasion  d'ex|)oser 
les  lois  et  de  justifier  les  procédés  de 
redressement  de  la  carte  de  Ptolémée, 
dans  le  but  de  retrouver  la  place  réelle 
des  éléments  topographiques  qu'il  y 
a  si  singulièrement  éparpillés  :  qu'il 
nous  sumse  de  faire  remarquer  d'une 
manière  générale  que  la  corrélation 
nécessaire  des  rivages  et  des  cours 
d'eau  avec  les  reliefs  des  terrains  qui 
déterminent  les  versants ,  nous  four* 
nit  un  heureux  secours  pour  le  dé- 
brouillement  de  ce  chaos  :  on  peut  bien 
appeler  chaos  ,  en  effet ,  le  tracé  fan- 
tastique où  des  savants  recommanda- 
blés,  tels  que  d'Anviile,  Rennell  et 
Leake  (*),  ont  pu  se  croire  autori- 

Deren,  et  avec  l'article  El-Deren  (qui  se 
prononce  Eddercn)  :  le  mot  berber  Idrâren 
signifie  montagnes.  Une  observation  à  faire 
à  cette  occasion,  c'est  que  le  nom  de  Rys» 
sadiron,  Rusadir  ou  Rtissader,  et  ses  ana- 
logues plus  ou  moins  corrects  Rjrssadion, 
et  Oussadion  ou  Risardir,  paraissent  ré- 
pondre simplement  à  la  locution  punique 
Ros-he-Deren ,  ou,- suivant  la  forme  arabe, 
Rds-éUDeren,  c'est-à-dire  Cap  de  L'Atlas. 
(•)  Voir  le  «  Mémoire  concernant  les  ri- 


sés  à  reconnaître  les  grands  fleuves 
*de  la  r^igritie,  là  où  il  ne  s*agit  que  de 
quelques  torrents  de  l'Atlas. 

Indications  de  Ptolémée  qui 
sebyent  a  corrigee  les  défauts 
DE  SA  CARTE.— Le  géographe  alexan- 
drin nous  a  donnélui-méme  la  clef  d'une 
partie  de  ses  délinéations,  quand  il  a 
rattaché  au  cours  du  Cynips  ou  Cyni- 
phos,  qui  débouchait  près  de  la  Grande 
Leplis,  les  montagnes  de  Zouchabari 
où  il  coulait,  et  de  Girgiris  où  il  prenait 
sa  source  ;  au  cours  du  Triton ,  qui 
occupait  le  fond  de  la  petite  Syrte ,  le 
mont  Ousaleton  au  pied  duquel  il  s'é- 
tendait en  triple  marécage  ;  au  cours 
du  Bagradas ,  qui  débouchait  au  nord 
de  Carthage,  les  montagnes  Mampsa- 
ron  où  il  coulait,  et  Oursargala  où  il 
avait  son  origine;  aux  lacs  aHippone 
Diarrhyte  le  mont  Cirna  ;  au  cours  du 
Eubricatus  qui  se  jetait  à  la  mer  près 
d'Hippone-Royale,'le  mont  Thammès 
d'où  il  venait  ;  et  au  cours  de  l'Amp- 
sa^as ,  qui  avait  son  embouchure  entre 
Igilgilis  et  Collops ,  les  montagnes 
Bouzara  au  milieu  desquelles  il  pre- 
nait naissance  ;  indiquant  en  outre  les 
monts  ïizibi  et  Giglion  entre  le  Cyni- 
phos  et  le  Triton ,  le  mont  de  Jupiter 
entre  le  Triton  et  le  Bagradas,  et  le 
mont  Audon  entre  le  Rubricatus  et 
l'Ampsagas. 

Pareillement  sur  la  côte  occiden- 
tale Ptolémée  lui-même  nous  met  sur 
la  voie  des  rectifications  à  lui  appli- 

vières  de  rintérieur  de  l'Afrique,  sur  les 
notions  tirées  des  anciens  et  des  modernes  », 
lu  en  1755  à  r Académie  royale  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  par  d'Anviile;  l'ou- 
vrage intitulé  :  «  Le  Système  géographique 
d'Hérodote  examiné  et  expliqué  par  une 
comparaison  avec  ceux  des  autres  auteurs 
anciens  et  avec  la  géographie  moderne  » , 

Î>ublié  à  Londres  en  1800  par  Rennell  ;  et 
e  mémoire  sur  cette  question  :  «  Le  Kouâra, 
dont  le  cours  a  été  récemment  reconnu  jus- 
qu'à son  embouchure  dans  la  mer,  est-il  le 
même  fleuve  que  le  Nigir  des  anciens  P  » 
communiqué  en  i83a  à  la  société  royale- 
géographique  de  Londres  par  M.  W.  Mar- 
tin Leake,  qui  fait  même  coïncider  la  ville 
de  Thamondocana  de  Ptolémée  avec  la  fa- 
meuse Ten-Boktoue  des  medernes  !... 


11'  lÀvraison.  (Afrique  ancienne.) 


11 


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ii3 


L'UNIVERS. 


quer,  en  marquant  expressément  que 
le  Soubos,  dont  rembouchure  était 
voisine,  au  sud ,  du  promontoire  du 
grand  Atlas,  prenait  naissance  aux 
monts  Sagapola  ;  que  le  Darados ,  qui 
débouchait  au  sud  de  la  pointe  Soloen- 
tia,  avait  sa  source  au  mont  Caphas  ; 
que  le  fleuve  Stachir,  dont  l'entrée 
s'ouvrait  au  sud  du  promontoire  Rys- 
sadion,  et  le  fleuve  Nia,  qui  avait  la 
sienne  un  peu  plus  loin  vers  le  midi , 
provenaient  l'un  et  l'autre  des  mon- 
tagnes appelées  aussi  Ryssadiop  comme 
le  promontoire  ;  enfin  que  le  Masitho- 
los,  dont  l'embouchure  était  sous  la 
Corne  du  couchant,  avait  sa  source 
dans  le  Théôn-Ochéma.  A  quoi  il  faut 
ajouter  encore  l'indication  du  mont 
Mandron  entre  le  fleuve  Darados  et 
les  montagnes  Sagapoia. 

De  même  à  l'intérieur  le  géographe 
d'Alexandrie  nous  fournit  un  moyea 
d'appréciation  de  ses  propres  erreurs , 
en  montrant  d'un  côté  le  fleuve  Nigir 
liant  entre  elles ,  par  son  cours  multi- 
ple, les  montagnes  Sagapoia,  Mandron, 
Caphas,  Ousargala,  Thala,  et  formant 
dans  l'intervalle,  à  l'ouest  le  lac  Nigri- 
tes,  à  l'est  le  lac  Libya;.et  en  mon- 
trant d'un  autre  côté  le  fleuve  Gir 
liant  aussi ,  de  ses  longs  bras ,  .les 
monts  Ousargala  à  ceux  du  défilé  Ga- 
ramantique ,  et  formant  dans  l'inter- 
valle les  paluds  Chélonides,  puis, 
après  s'être  caché  quelque  temps  sous 
terre ,  reparaissant  pour  former  le  lac 
Nouba. 

Les  indications  directes  ne  man- 
quent donc  que  pour  les  montagnes 
répandues  sur  la  contrée  à  l'ouest  de 
l'Ampsagas  et  au  nord  du  Soubos  ;  et 
encore  avons-nous  ici  quelques  moyens 
de  repère,  tels  que  le  cours  du  fleuve 
Savos ,  dont  l'embouchure  ie  trouvait 
entre  loosioa  et  Rusgonia ,  et  dont 
un  affluent  supérieur,  le  Phémios, 
avait  sa  souree  dans  l'intervalle  des 
monts  Garas  et  Phrouréson ,  le  Savos 
lui-même,  dans  son  cours  inférieur, 
ayant  à  sa  droite  le  mont  Byryn  et  à 
sa  gauche  le  mont  Zalacon.  D'un 
autre  côté,  la  position  du  mont  Yalua 
entre  les  monts  Bouzara  et  Phrouré- 
son se  trouve  par  là  suffisamment  in- 


diquée ;  celle  des  monts  Phocra  est 
assurée  par  leur  double  liaison  au 
petit  Atlas  et  au  promontoire  Ryssa- 
dion  ;  et  il  ne  reste  plus  à  retrouver 
que  les  monts  Garapha  derrière  le 
mont  Zalacon,  puis  les  monts  Cinnaba 
et  Madethoubadon  derrière  les  monts 
Phrouréson  et  Garapha  ;  plus  à  l'ouest 
le  mont  Dourdon  sur  la  limite  des 
deuxMauritanies,  à  la  hauteur  du  pro- 
montoire Oussadion;  -enfin  le  mont 
Diour  tirant  vers  la  pointe  nord-ouest 
de  la  Tingitane. 

Synonymie  modebnb  de  la  no- 
henglatube  des  montagnes  con- 
NUES DE  Ptolémée.— Toute  cette  no- 
menclature inconnexe  peut  donc  être 
rattachée  avec  assez  de  confiance,  au 
moins  d'une  manière  générale  et  sauf 
quelque  hésitation  dans  les  détails,  aux 
grands  traits  connus  de  la  chaîne  Atlan- 
tique et  de  ses  contre-forts  :  le  mont 
Girgiris  se  trouvera  représenté  par  le 
Gharyân  des  modernes;  les  monts 
Ousargala  s'identifieront  avec  l'Auras , 
le  mont  Phrouréson  répondra  aux 
montagnes  de  Tithéry,  le  mont  Zala- 
con à  celles  de  Mélyânah ,  les  monts 
Garapha  au  Ouânscherys ,  le  mont 
Dourdon  aux  montagnes  de  Dédès,  les 
monts  Sagapoia  aux  montagnes  d'Agh- 
mât;  et  sur  ces  bases  prmcipales  il 
est  aisé  de  compléter  une  restitution 
plausible ,  aux  localités  actuelles ,  des 
noms  anciens  recueillis  par  Ptolémée. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  ;  car  d'autres 
noms  encore  sont  fournis  par  les  his- 
toriens :  Tite-Live  parle  du  mont  Bal- 
bum  non  loin  du  territoire  de  Carthage; 
Ammien  Marcellin  nous  fait  connaître 
les  monts  Ferratus  ,  Transceilensis  , 
Ancorarius  et  Caprariensis  ,  répandus 
dans  l'intérieur  ae  la  contrée  qui  s'é- 
tendait depuis  le  mtéridien  d'Igilgilis 
jusqu'à  cdui  de  Césarée;  Procope 
mentionne  à  son  tour  les  monts  Bour- 
gaon,  Aurasion  et  Pappoua,  le  pre- 
mier dans  la  Byzacène ,  les  deux  au- 
tres dans  la  Numidie,  celui-là  aisé- 
ment reconnaissabte  à  son  nom ,  et  le 
dernier  voisin  d'Hippone^Royale.  Enfin 
Victor  de  Vite  désigné  sous  le  nom  de 
Ziquensis  le  mont  Zaghouân  des  Ara- 
bes, jadis  appelé  montagne  de  Jupi- 


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AFRrQUE  AlfCIËNNE. 


KTB 


ter,  et  dont  fl  paraît  que  ïes  chrétiens 
avaient  fait  la  montagne  du  Seigneur. 

Fleuves. 

De  cette  chaîne  descendaient  aux 
deux  mers,  ou  vers  des  hassins  inté- 
rieurs, des  fleuves  nombreux,  dont 
nous  avons  déjà  nommé  les  plus  con- 
sidérables ;  ils  se  trouvent  naturelle- 
ment repartis  entre  le  versant  septen- 
trional mcliné  vers  la  Méditerranée , 
le  versant  occidental  incliné  vers  l'O- 
céan, et  le  versant  austral  dont  les 
pentes  ne  conduisent  à  aucuns  ri- 
vages. 

FLEtrVES  DÉBOUCHANt  DANS  tÈ 
BASSIN  ORIENTAL  DE  LA  MÉDITEBRA- 

ïcÉE.— Quant  au  versant  septentrional, 
il  a  deux  plages  bien  distinctes ,  sépa- 
rées par  le  détroit  de  Sicile  :  Tune  à 
Test ,  basse  et  sablonneuse ,  à  peine 
sillonnée  de  quelques  rares  torrents  ; 
l'autre  à  l'ouest,  montueuse,  et  cou- 
pée de  fleuves  plus  fréquents.  Sur  la 
première ,  la  Table  Peutingérienne 
seule  montre  d'abord  un  torrent  sans 
nom,  puis  un  fleuve  Be,  après  les- 
quels venait  le  Cynips  connu  dès  le 
temps  d'Hérodote  et  que  les  Arabes 
appellent  aujourd'hui  Wédy  Qahan; 
plus  loin,  débouchant  près  de  Ga- 
phara,  était  le  fleuve  Énoladon,  men- 
tionné uniquement  par  le  Stadiasme 
de  la  Grande-Mer,  et  que  l'on  retrouve 
dans  leWêdy  Lâdos  des  Arabes;  puis 
on  trouvait  le  fleuv«  Ausere ,  indiqué 
seulement  par  la  Table  Peutingérienne, 
qui  le  feit  aboutir  derrière  l'île  de 
Girba.  Le  célèbre  fleuve  Triton,  et  le 
triple  marécage  qu'il  traversait  pour 
venir  déboucher  auprès  de  Tacape, 
sont  représentés  par  quelqu'un  des 
cours  d'eau  qui  se  déchargent  au  fond 
du  golfe  de  Qâbes ,  et  par  la  chaîne  de 
petits  lacs  que  le  voyageur  Grenville 
Temple  a  signalés  au  voisinage  de  cette 
ville.  C'est  sans  doute  auprès  de  la 
colonie  de  Thènes  qu'allait  aboutir  le 
fleuve  Tana ,  où  Salluste  raconta  que 
Marius,  parti  des  frontières  de  la 
province  romaine ,  vînt  faire  provision 
d'eau  le  sixième  Jour  de  sa  marche  sur 
Capsa ,  où  il  arriva  trois  jours  après. 


Fleuves  DiiBotJcttANT  ï>ans  le 

BASSIN  OCCtnENTAL  DE  LA  MÉDITER- 
BANÉE,  A  l'est  D'ICOSION.  —  PaS- 

sons  le  détroit  de  Sicile ,  et  nous  ren- 
contrerons, auprès  de  Carthage,  le 
fleuve  Catada,  sans  doute  le  Wéd 
Melyânah  de  nos  jours;  puis,  au- 
dessous  du  Beau  promontoire,  débou- 
chait le  Bagradâs,  appelé  aussi  Macar 
dans  les  récits  de  Polybe ,  et  dont  le 
nom  s'est  perpétué  sous  la  forme  Mé- 
gerdah ,  le  plus  important  des  fleuves 
africains ,  surtout  au  point  de  vue  de 
l'histoire.  La  Table  Peutingérienne 
nous  apprend  que  l'un  de  ses  aifluents, 
sur  la  route  d'Hippone-Royale  à  Car- 
thage par  Bulla-Regia,  portait  le  nom 
d'Armascla  ;  et  Orose  appelle  Ardai  ion 
cet  autre  affluent  nrès  duquel  fut  battu 
Gildon,  entre  Theveste  et  Ammédéra. 
Il  faut  peut-être  chercher  encore  parmi 
les  affluents  du  même  fleuve  ce  fa- 
meux Muthul  sur  les  bords  duquel 
Métellus  eut  à  soutenir  une  si  vigou- 
reuse attaque  de  la  part  de  Jugurtha. 
Le  fleuve  Tusca  avait  son  embou- 
chure près  de  Tabraca  ;  un  peu  plus 
loin  vers  l'ouest  était  le  fleuve  Armua 
ou  Armoniacum  ;  et  l'approche  d'Hip- 

{)one-RoyaIe  nous  avertit  ensuite  que 
es  noms  d'Ubus  et  de  Rubricatus 
doivent  trouver  ici  leur  place,  soit 

Su'on  les  applique  ensemble  au  même 
euve ,  le  Wêd  Seybous  des  Arabes , 
comme  le  veulent  la  plupart  des  géo- 
graphes modernes ,  soit  que  l'on  aime 
mieux,  conformément  aux  conditions 
itinéraires,  identifier  à  la  petite  ri- 
vière qui  se  décharge  à  cinq  milles  à 
l'est  de  Bone,  le  fleuve  Ubus  de  la  Ta- 
ble Peutingérienne,  et  réserver  le  Sey- 
bous pour  représenter  exclusivement 
le  Rubricatus  de  Ptolémée.  Le  Wêd  el- 
Safsaf  près  de  Philmpeviile,  répond 
exactement  au  fleuve  Tapsus  de  Vi- 
bius  Sequester,  qui  débouchait  près  de 
Rousiccade.  Doublant  alors  le  pro- 
montoire Trèton  pour  entrer  dans  le 
golfe  Numidique  ,  on  arrivait  au" 
grand  fleuve  Ampsagas,  le  Wéd  Kébyr 
des  Arabes ,  important  dans  Fhistoire 
des  démarcations  territoriales  du  pays. 
En  continuant  d'avancer  à  l'ouest , 
on  rencontrait  encore,  dans  le  golfe 

11. 


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1A4 


L'UNIVERS. 


?e 


Numidique ,  d^abord  le  fleuve  Goulos 
débouchant  un  peu  en  deçà  dlgilgilis, 
et  qu'il  semble  naturel  de  reconnaître 
dans  celui  qui  prend  aujourd'hui  son 
nom  de  la  ville  de  Gygel  ;  puis  le 
fleuve  Audon ,  qui  se  déchargeait  sous 
le  promontoire  appelé  pareillement 
Audon ,  limite  occidentale  du  golfe. 
Quelle  est  la  dénomination  actuelle  de 
ce  fleuve?  Après  de  grandes  difficultés 
dans  la  fixation  des  synonymies  géo- 
graphiques applicables  aux  divers 
points  de  la  côte  à  Touest  de  Gygel  jus- 
jue  vers  Scherschel  et  même  au  delà, 
es  critiques  semblent  s'accorder  main- 
tenant a  adopter  les  déterminations 
jadis  proposées  par  le  docteur  Shaw, 
et  dont  la  plus  importante  dans  la 
question  en  litige ,  est  celle  qui  fait 
répondre  Tancienne  Saldes  à  la  mo- 
derne Bougie  :  le  promontoire  Audon 
se  place  alors  forcément  sur  le  cap 
Cavallo  de  nos  cartes,  et  le  fleuve 
Audon  est  représenté  par  la  rivière 
anonyme  qui  coule  un  peu  à  Test  de 
ce  cap.  Le  fleuve  Sisar,  que  Pline 
appelle  Usar,  doit  être  cherché  dans 
Tun  des  cours  d'eau  qui  avoisinent 
Manssouryah,  et  le  fleuve  Pïasabath 
s'identifie  à  la  rivière  même  de  Bou- 
gie; le  fleuve  Serbétès,  au  delà  de 
Rousouccora,  paraît  répondre  au  Wêd 
Isser  ;  et  le  fleuve  Sa  vos,  appelé  Aves 
par  Mêla  et  Pline ,  débouchant  entre 
kousgonia  et  Icosion,  ne  peut  être 
autre  que  le  Hharratch. 

Fleuves  débouchant  dans  le 
bassin  occidental  de  la  médi- 

TEBBANÉE,    A    L'OUEST    D'ICOSION. 

—  Le  Chinalaph,  qui  débouchait  à 
l'ouest  et  tout  auprès  de  Césarée ,  dont 
l'emplacement  est  occupé  par  la  mo- 
derne Scherschel,  ne  saurait  être  con- 
fondu avec  le  Schélif ,  à  moins  de  sa- 
crifier à  une  douteuse  homonymie  les 
conditions  de  distance  et  de  position 
relative  :  c'est  dans  quelque  petit  fleuve 
côtier  que  doit  être  retrouvé  le  Chi- 
nalaph ,  tandis  que  le  Schélif,  qui  ne 
vient  qu'après  Ténès,  répondra  tout 
au  plus  au  fleuve  Cartenna  de  Ptolé- 
mêe.  A  partir  de  ce  point ,  les  diffi- 
cultés géographiques  sont  considéra- 
blement   accrues    par   le   désaccord 


frappant  des  autorités  anciennes  aux- 
quelles il  nous  est  possible  de  recou- 
rir :  il  y  aurait  matière  à  d'intermi- 
nables dissertations  s'il  nous  fallait 
traiter  ici  de  telles  questions,  et  dis- 
cuter les  indications  contradictoires 
de  Pline  et  Ptolémée  d'une  part ,  et  du 
routier  vulgairement  appelé  l'Itiné- 
raire d'Antonin,  d'autre  part;  bor- 
nons-nous à  supposer  admise  sans 
contradiction  l'identité  respective  d'O- 
ran  et  de  Mersày-el-Kébyr  avec  la 
colonie  de  Kouiza  et  le  Portus-Magnus 
des  anciens  ;  et  alors  la  rivière  Chyli- 
math  de  Ptolémée,  la  même  que  le 
Mulucha  de  Pline  et  de  Salluste ,  indi- 
quée entre  Kouiza  et  le  Grand-Port , 
n'aura  der  correspondance  possible 
qu'avec  la  petite  rivière  d'Oran.  Le 
Flumen  Salsum  de  l'Itinéraire ,  le 
fleuve  Asarath  de  Ptolémée,  le  Sarda- 
bal  de  Pline  et  de  Mêla ,  soit  qu'on  les 
considère  comme  autant  de  fleuves 
distincts,  soit  qu'on  n'y  voie  que  des 
noms  différents  d'un  même  cours 
d'eau ,  se  placent  nécessairement  entre 
Mersày-el-Kébyr  et  la  Tafnày,  près 
de  laquelle  se  voient  encore  les  ruines 
de  Siga ,  et  qui  répond  précisément  à 
l'ancien  fleuve  de  ce  nom. 

Après  Siga,  jus<qu'au  promontoire 
Métagonite  oii  était  la  ville  de  Kyssa- 
dir,  débouchaient  plusieurs  fleuves,  à 
l'égard  desquels  se  reproduisent  des 
incertitudes  de  synonymie  que  les  cri- 
tiques modernes  ont ,  en  général,  tran- 
chées plutôt  que  résolues  :  Strabon 
n'indique  en  cet  endroit  que  le  fleuve 
Molocnath,  et  Pline  désigne  seule- 
ment le  fleuve  navigable  Maluana; 
mais  Ptolémée  énumère  à  la  fois  le 
Maloua  et  le  Molochath ,  ce  dernier 

Ï>Ius  occidental  que  l'autre  ;  tandis  que 
'Itinéraire  maraue  un  fleuve  Pople- 
tum  à  l'est  du  fleuve  Malua.  Il  n'est 
ppint  douteux,  d'après  les  conditions 
odométriques,  que  le  Malua  de  l'Itiné- 
raire ne  soit  le  Malouyah  des  moder- 
nes, le  seul  qui  puisse  représenter  aussi 
le  Maluana  navigable  de  Pline,  et  que 
l'homOphonie  semble  identifier  encore 
au  Maloua  de  Ptolémée;  il  resterait 
alors  à  chercher  un  peu  plus  loin  le 
Molochath  de  Ptolémée  et  de  Strabon. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


Entre  Kyssadir  et  leâ  colonnes 
d'Hercule ,  Pline  mentionne  deux 
fleuves  navigables,  le  Laud  et  le  Ta- 
muda;  Ptolémée  ne  connaît  que  ce 
dernier,  qu'il  nomme  Thalouda  ;  puis, 
dans  le  détroit  même,  entre  la  mon- 
tagne des  Sept  frères  ou  de  Sebthah, 
et  Tingis  ou  Thangeh,  il  inscrit  le 
fleuve  Oualon. 

Fleuves  débouchant  dans  l'O- 
céan ou  SE  PERDANT  DANS  L'INTÉ- 

BiEUB.  —  Sur  rOcéan  se  succédaient, 
entre  le  promontoire  Côtés  et  celui  du 
petit  Atlas  ou  d*Hermès,  les  fleuves 
Zilias,  Lix  ou  Lixos,  Soubour,  Sala,  et 
Dyos,  le  même  sans  doute  que  Scylax 
appelle  Anidieus(*)etPolybeAnatis:  on 
y  reconnaît  sans  difflculté  les  rivières 
d'Azylah,  Séboue,  de  Salé,  etYetkem. 
Entre  le  petit  Atlas  et  la  montagne 
du  Soleil ,  Ptolémée  nomme  les  fleuves 
Cousa ,  Asama  et  Diour  (ces  deux  der- 
niers appelés  Asana  et  Vior  par  les 
indigènes,  suivant  Pline),  quMl  faut 

(*)  Il  y  a  de  grandes  difficultés  à  faire 
concorder  d'une  manière  satisfaisante  les 
descriplions  que  Hannoo,  Scylax  et  Polybe 
nous  ont  laissées  de  cette  côte;  mais  quel- 
ques-unes de  ces  difficultés  disparaissent 
quand  on  étudie  les  textes  mêmes ,  au  lieu 
des  billevesées  des  traducteurs  :  ainsi ,  le 
fleuve  Anidieus,  que  les  versions  latines  et 
fiançaises  de  Scylax  mettent  au  delà  du 
promontoire 'd'Hermès,  est  bien  placé  en 
deçà  dans  le  texte  grec ,  où  il  est  déjà  ex- 
pliqué clairement  que  l'on  va  jeter  un  coup 
d'oeil  rétrospectif  sur  la  côte  OLTzà  -rîj;  Aiêwi; 
iià  T?)v  'EupwTciriv,  quand  l'auteur  ajoute  : 
àicô  ÔèTYÎ;  '£p(jiaCaç  àxpac  luoiajjiôç  èoriv  'Avi- 
Sieuç  ;  et  c'est  dans  la  même  direction  q\ie 
doivent  probablement  éti'e  rangées  les  in-, 
dications  qui  suivent  ;   (/.exà  ôè  'AviSieotà 

x.T.> {UTà  §è  AiÇov  X.  T.  X jusqu'à  ce 

que  le  retour  à  l'ordre  inverse  soit  formel- 
lement signalé  par  cette  autre  indication  ex- 
presse :  àmà  OvpiiaTepîac  el;  SoXoeaav  âxpav 
oc.  T.  X.  Polybe  agit  de  même  lorsqu'il  éiiouce 
d'abord  que  l'Atlas  (le  Grand-Atlas  de  Pto- 
lémée ,  ainsi  que  le  constate  le  voisinage  de 
nie  de  Cerné)  est  à  485  milles  du  fleuve 
Anatis,  lequel  est  à  io5  milles  du  Lixus, 
situé  lui-même  à  iia  milles  du  détroit  de 
Gadès  ;  après  qi!oi  les  indications  reprennent 
leur  point  de  départ  au  Lixus  pour  se  con- 
tinuer dans  la  direction  du  5ud< 


165 


retrouver  dans  trois  des  petites  riviè- 
res qui  précèdent  Dâr-Baydhâ;  puis, 
entre  la  montagne  du  Soleil  et  le  pro- 
montoire Oussadioii,  était  le  fleuve 
Phthouth  ou  Fout,  représenté  aujour- 
d'hui par  rOmm-Rabye'.  Ensuite  se 
présentaient,  entre  le  promontoire 
Oussadion  et  le  grand  Atlas ,  les  fleu- 
ves Ouna ,  Agna  et  Sala  :  nous  igno- 
rons le  nom  des  cours  d*eau  qui  leur 
peuvent  correspondre  sur  cette  côte 
mal  explorée;  mais  nous  savons  du 
moins  que  les  voyageurs  Badia  et  Wash- 
ington ont  Fun  et  l'autre  rencontré 
sur  leur  route,  à  quelque  distance  du 
littoral ,  des  courants  dirigés  vers  la 
mer  et  qui  remplissent  ici  les  condi- 
tions du  problème. 

Au  delà  du  grand  Atlas  jusqu'à  la 
pointe  Gannaria,  c'est-à-dire  entre  le 
cap  Gantin  et  le  cap  Agulou,  il  nous 
est  facile  de  retrouver  le  fleuve  Soubos 
dans  le  Tensyft ,  le  Salalhos  et  le 
Ghousaris  dans  les  rivières  qui  débou- 
chent à  Aghadyr  et  à  Mésah.  Puis, 
entre  les  pointes  Gannaria  et  Soloen- 
tia  où  Ptolémée  indique  les  fleuves 
Ophiodes  et  Nouïos,  les  relèvements 
nautiques  nous  offrent  les  rivières  As- 
saka  et  Albuéda.  Ensuite  venaient, 
entre  la  pointe  Soloentia  et  le  cap  Ar- 
sinarion,  les  fleuves  Massas  ou  Masa- 
tat,  et  Darados  ou  Darat,  dont  le  der- 
nier, qu'on  faisait  venir  de  fort  loin 
dans  l'intérieur,  paraît  répondre  au 
Wêd  Dara'h  de  nos  jours,  qui  débou- 
che sous  le  cap  Noun ,  et  dont  les  in- 
digènes disent  pareillement  que  la 
source  est  très-éloignée.  Enlm  les 
fleuves  Stachir  et  Nias ,  les  mêmes 
sans  doute  que  Polybe  appelait  Salsum 
et  Bambotum ,  se  retrouvent  dans  les 
coupures  ou  les  estuaires  voisins  du 
cap  des  Sables  (*),  et  le  Masitbolos 
dans  le  fameux  Rio  de  l'Or. 

Pour  ce  gui  est  des  deux  grands 
fleuves  intérieurs,  le  Gir  et  le  Nigir,  il 
semble  que  le  premier  ne  puisse  rai- 

(*)  Appelé  sur  les  caries  italiennes  du 
moyen  âge,  Capo  délie  Sabbie,  d'où  les 
cartographes  anglais  ont  tiré  le  nom  défi- 
guré de  Capo  Juby,  qui  a  passé  sur  toutes 
les  cartes  modernes. 


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1^6 


L'UNIVERS. 


sonnablement  avoir  d'autre  représen- 
tant sur  nos  cartes ,  que  le  Wéd  el 
GMy  des  Arabes ,  et  que  l'autre  doive 
être  cherché  dans  une  réunion  confuse 
du  Zyz  et  du  Ghyr  de  nos  jours. 

Tel  est  le  tableau  général  sinon  com- 
plet desfieuves  de  la  région  d'Afrique  : 
Artémidore ,  qui  disait  ces  rivières 
nombreuses  et  considérables,  avait 
raison  du  moins  quant  au  nombre  ;  et 
Possidonius ,  qui  les  trouvait  rares  et 
petites,  avait  peut-être  raison  de  son 
côté  quant  à  leur  peu  d'importance. 

Productions  naturelles. 

Nature  du  sol;  minéraux.  — 
Considérée  dans  son  ensemble,  toute 
cette  région  offrait,  depuis  le  fond 
de  la  grande  Syrte  jusqu'au  cap  Cô- 
tés, une  plage  d'abord  large ,  sableu- 
se, basse  et  aride ,  puis  graduelle- 
ment rétrécie,  arrosée  et  fertile,  la 
chaîne  de  montagnes  qui  traversait  le 
pays  dans  Tintérieur  s  élevant  succes- 
sivement et  s'étendant  plus  près  du 
rivage  à  mesure  qu'elle  se  continuait 
vers  l'occident.  On  y  trouvait  des 
mines  de  cuivre,  des  pierres  précieuses 
telles  que  l'escarboucle  et  le  grenat  ; 
on  y  exploitait  des  marbres  renom- 
més ;  on  y  connaissait  aussi  une  source 
d'asphalte. 

^VÉGÉTAUX.  —  La  végétation  y  était 
admirable  :  les  arbres  y  actjuéraient  une 
grosseur  prodigieuse,  et  tournissalent 
aux  Romains  ces  larges  tables  d'une 
seule  pièce  dont  les  veines  présentaient 
à  l'œil  les  accidents  les  plus  variés  ;  des 
ceps  de  vigne  acquéraient  un  tel  dia- 
mètre que  deux  hommes  pouvaient  à 
peine  en  embrasser  le  tronc ,  et  les 
grappes  qui  pendaient  à  leurs  rameaux 
étaient  longues  de  près  d'une  coudée. 
Les  plantes  herbacées  et  potagères  y 
devenaient  aussi  monstrueuses  :  des 
tiges  d'estragon,  de  panais,  de  fenouil, 
d'artichaut,  avaient  jusqu'à  douze  cou- 
dées de  haut  et  quatre  empans  de  tour. 
Les  blés,  récollés  deux  fois  l'an  et 
rapportant  chaque  fois  plus  de  deux 
cents  pour  un ,  s'élevaient  jusqu'à  cinq 
coudées,  et  la  paille  en  était  grosse 
conune  le  petit  doigt. 


Animaux.  —  Mais  les  bêtes  ve- 
nimeuses étaient  si  abondantes,  qu'en 
certains  cantons  les  habitants  renon- 
çaient à  la  culture  du  sol,  et  que 
dans  d'autres  ils  ne  pouvaient  faire 
leurs  récoltes  qu'en  prenant  des  pré- 
cautions particulières  :  c'étaient  de 
erands  scorpions  avec  ou  sans  ailes , 
des  araignées  énormes,  des  lézards 
longs  de  deux  coudées,  de  gros  ser- 
pents. Le  pays  nourrissait  d'ailleurs 
abondance  de  gazelles  ,  de  bubales  , 
et  autres  animaux  de  la  même  famil- 
le, outre  des  éléphants,  des  lions, 
des  léopards,  des  chats  sauvages,  ^nGn 
une  prodigieuse  quantité  de  singes, 
dont  les  manières  et  la  tournure  amu- 
sèrent beaucoup  Possidonius  d'Apa- 
mée,  quand  il  eu  vit,  sur  la  côte,  une 
troupe  nombreuse ,  dans  laquelle  se 
trouvaient  des  nourrices  aux  grosses 
mamelles  et  à  tête  chauve  donnant  à 
téter  à  leurs  petits  de  manière  à  offrir 
la  caricature  de  vénérables  matrones. 
Les  rivières  étaient  infestées  de  croco- 
diles et  de  lamproies  (  les  traducteurs 
de  Strabon  en  ont  fait  des  sangsues  ! } 
longues  de  sept  coudées,  ayant  sur  cha- 
que flanc  une  rangée  d'ouvertures 
branchiales. 

Plus  avant  dans  les  terres,  au  dire 
d'Iphicrate,  serencontraient,avec  l'élé- 
phant, des  girafes,  des  rhinocéros,  et 
des  serpents  d'une  taille  si  extraordi- 
naire qu'il  leur  croissait  de  Fherbe 
sur  le  dos.  Là  les  roseaux  étaient 
assez  gros  pour  contenir  huit  chénices 
de  froment  dans  l'intervalle  d'un  nœud 
à  l'autre,  et  les  asperges  avaient  une 
dimension  non  moins  surprenante. 

IL  DISTRIBUTION  BBS  POPULATIONS.» 

Indications  primitives  recueillies  par 
SaUuste, 

Si  l'on  se  rappelle  l'exposé  que  Sal- 
luste  nous  a  laissé  des  premiers  temps 
de  l'Afrique,  en  tête  de  son  admirable 
livre  de  la  guerre  de  Jugurtha  (*) ,  on 
ne  peut  manquer  de  conserver  une 

(*)  Voir  cet  exposé  transcrit  en  entier 
dans  notre  Introduction  à  l'Afrique  ancien- 
ne, pages  64  et  65  du  présent  volume. 


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AFRIQUE  AJPfdMîïNE. 


idée  aussi  nette  que  pi^ise  d^une  dou* 
ble  phase  sous  lac|ueHe  se  présente  à 
nous  la  distribution  des  populations 
antiques  qui  se  partagèrent  le  sol  afri- 
cain. 

D*abord  apparaissent  seules,  inéga* 
lement  réparties  sur  une  triple  zone, 
trois  races  distinctes  entre  elles,  sa- 
voir :  d*un  bout  à  l'autre  de  la  plage 
qui  borde  la  Méditerranée,  les  Libyens  ; 
derrière  eux  à  Tintérieur,  mais  sur  la 
moitié  occidentale  seulement,  les  Gé- 
tuies;  et  plus  loin  encore,  à  une  pro- 
fondeur inconnue,  les  Éthiopiens  brû- 
lés par  le  soleil. 

Plus  tard,  après  l'arrivée  et  l'éta- 
blissement définitif  des  débris  de 
l'armée  d'Hercule ,  la  triple  zone  de 
peuples  existe  toujours  il  est  vrai,  mais 
la  composition  en  est  changée  :  les 
Éthiopiens  sont  restés  à  Thorizon  ex- 
trême ou  nous  les  avions  aperçus  ;  les 
Gétules  sont  demeurés  également  les 
maîtres  de  l'intérieur  en  avant  des 
Éthiopiens,  sauf  peut-être  à  recon- 
naître parmi  eux,  sous  le  nom  de 
Pharousiens  et  de  Pérorses ,  quelques 
Persans  qui  s'étaient  conservés  sans 
mélange;  mais  sur  le  littoral,  les  Mau- 
res, postérité  des  Mèdes  et  des  Armé- 
niens suivant  Salluste ,  ou  des  Indiens 
au  dire  de  Strabon ,  mêlée  aux  Libyens 
occidentaux,  occupent  la  région  la  plus 
rapprochée  de  THispanie  ;  à  côté  d'eux, 
les  Numides,  nés  du  mélange  des  Per- 
ses et  des  Gétules,  ont  subjugué  les 
cantons  qui  s'étendent  sur  la  mer  Sar- 
do-Tyrrhénienne  ;  et  la  plage  orientale 
seule  est  restée  aux  Libyens  primitifs. 

Il  serait  fort  délicat  d'assigner  une 
date  absolue  à  ces  changements  :  nous 
ne  l'essayerons  point.  Salluste  les  sup- 
pose antérieurs  à  l'arrivée  des  colo- 
nies phéniciennes  :  c'est  les  faire  re- 
monter à  seize  siècles  au  moins  avant 
notre  ère. 

État  des  populations  indigènes  au 
temps  d'Hérodote, 

Le  père  de  l'histoire,  dont  les  con- 
naissances de  détail  sur  l'Afrique  pa- 
raissent atteindre  tout  au  plus  la  limite 
ou  commençait  le  domaine  des  Numi- 


liî 

des  du  littoral  et  des  Gétnlès  de  l'Inté- 
rieur, Hérodote  laisse  en  dehors  de  ses 
descriptions  les  Gétules  et  les  Numi- 
des ,  et  à  plus  forte  raison  les  Maures 
relégués  au  delà  des  Numides.  Pour 
lui  l'Afriaue  n'a  que  deux  peuples  in- 
digènes :  les  Libyens  sur  la  côte ,  et 
derrière  eux,  au  loin,  les  Éthiopiens. 

Quant  aux  Libyens,  ils  sont  noma- 
des depuis  l'Egypte  jusqu'au  fleuve 
Triton,qui  s'écoule  dans  la  petite  Syrte; 
au  delà  du  Triton  ils  sont  agriculteurs. 
Notre  examen  doit  se  borner  ici  aut 
contrées  qui  s'étendent  à  l'ouest  de  la 
grande  Syrte ,  où  s'arrêtaient  les  Na- 
samons  :  c'est  de  là  que  nous  allons 
reprendre  le  récit  de  Tnistorien  grec. 

Nomades  du  littobal.  —  «  Sur 
les  bords  de  la  mer,  à  l'ouest  des 
Nasamons,  habitent  les  Makes,  qui 
se  rasent  les  cheveux  autour  de  la 
tête  et  ne  laissent  croître  qu'une 
touffe  sur  le  vertex  ;  pour  la  guerre 
ils  se  cuirassent  de  peaux  d'autruches. 
C'est  dans  leur  pays  que  dé|^ouche  à 
la  mer  le  Cinyps,  venant  des  coteaux 
^ui  portent  le  nom  des  Grâces ,  situés 
à  deux  cents  stades  de  la  côte,  et  cou- 
verts dèJ)ocaçes  épais,  tandis  que  le 
reste  de  l'Afrique,  à  l'orient,  est  en- 
tièrement déboisé. 

«  Près  des  Makes  sont  les  Gindanes, 
dont  les  femmes  portent  chacune,  au-^ 
tour  de  la  cheville  du  pied ,  autant  de 
lanières  de  cuir  qu'elle  a  eu  d'amants; 
et  celle  qui  en  compte  davantage  est 
la  plus  considérée ,  comme  ayant  mé- 
rité les  suffrages  du  plus  grand  nom- 
bre d'hommes. 

«  Le  rivage  de  la  mer,  en  avant  du 
pays  des  Gindanes^  est  habité  par  les 
Lotophages,  qui  ne  vivent  que  de 
fruits  de  lotos ,  lesquels  ressemblent 
par  la  grosseur  à  ceux  du  lentisque , 
par  le  goût  à  ceux  du  palmier,  et  dont 
ils  font  aussi  du  vin. 

«  Aux  Lotophages  confinent  ,  le 
long  de  la  mer,  les  Machlyes,  qui  eux- 
mêmes  font  pareillement  usage  de 
lotos ,  mais  beaucoup  moins  que  les 
premiers;  ils  s'étendent  jusqu'au  grand 
fleuve  appelé  Triton ,  qui  se  jette  dans 
le  grand  lac  Tritonide  eu  est  l'île  nom- 
mée Phla* 


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1^ 


rUNIVERS. 


«  Immédiatemont  après  les  Mach- 
ines viennent  les  Auses ,  qui  habitent, 
ainsi  qù*eùx,  autour  du  lac  Tritonide, 
mais  qui  en  sont  séparés  par  le  fleuve 
Triton.  Les  Machiyes  laissent  croître 
leurs  cheveux  sur  le  derrière  de  la  tête, 
et  les  Auses  sur  le  devant.  Ils  ont 
leurs  femmes  en  commun ,  n*habitant 
point  avec  elles ,  mais  vivant  ensem- 
ble comme  des  brutes.  Les  enfants 
sont  élevés  par  leur  mère  :  quand  ils 
sont  assez  grands ,  ils  vont  à  l'assem- 
blée trimestrielle  des  hommes,  et  cha- 
cun devient  le  fils  de  celui  auprès  du- 
quel il  lui  convient  de  vivre.  » 

Observations  sub  le  fleuve 
Tbiton  et  le  làc  Tbitonide.  — 
Arrêtons-nous  un  instant  ici  pour  re- 
marquer que  si  Le  fleuve  Triton  est, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  re- 
présenté par  l'une  des  rivières  qui 
débouchent  au  voisinage  de  Qâbes, 
répithète  de  grand,  que  lui  donne  Hé- 
rodote, est  une  de  ces  libéralités  méta- 
phoriques ^ont  l'histoire  est  si  prodi- 
gue, et  qui  du  Tibre  ont  fait  le  roi 
des  fleuves.  Il  est  évident  en  même 
temps  que  le  lac  Tritonide  d'Hérodote 
est  le  golfe  même  de  la  petite  Syrte , 
et  que  son  tle  Phla  n'est  autre  que 
Gerbeh  :  explication  si  certaine  à  la 
fois  et  si  naturelle,  que  nous  pouvons 
nous  étonner  à  bon  droit  de  la  donner 
ici  pour  la  première  fois.  Le  vieil  his- 
torien répète  en  cet  endroit  de  sa  des- 
cription ,  en  les  appliquant  a  ce  lac 
Tritonide,   les  traditions  argonauti- 

3ues  que  nous  avons  déjà  racontées 
'après  les  chants  de  Pindare  et  d'Apol- 
lonius de  Rhodes,  qui  les  rapportent 
au  marais  de  Triton  voisin  ae  Béré- 
nice ;  traditions  relatives  à  la  prédic- 
tion faite  aux  Argonautes,  de  réta- 
blissement futur  d^ne  colonie  grecque 
sur  ces  bords. 

Hérodote  insère  en  outre  ici  quel- 
ques détails  curieux  sur  des  coutumes 
locales  qui  ont  quelque  liaison  avec 
les  croyances  grecques  :  «  A  la  fête 
annuelle  de  Minerve ,  leurs  jeunes 
filles  se  partagent  en  deux  troupes , 
combattent  les  unes  contre  les  autres 
à  coups  de  pierres  et  de  bâton,  suivant, 
à  ce  qu'elles  disent,  les  rits  établis  par 


leurs  pères  en  l'honneur  de  la  déesse 
indigène  que  les  Grecs  ont  nommée 
Athené,  et  elles  appellent  fausses 
vierges  celles  qui  meurent  de  leurs 
blessures.  Mais  avant  que  de  cesser  le 
combat,  elles  revêtent  d'un  casque 
corinthien  et  d'une  armure  grecque 
celle  qui  est  reconnue  avoir  le  mieux 
combattu ,  et  la  faisant  monter  sur  un 
char,  elles  la  promènent  autour  du  lac. 
Quelle  parure  avaient  ces  jeunes  filles 
avant  l'établissement  des  Grecs  dans 
leur  voisinage,  je  ne  saurais  le  dire  ; 
mais  je  présume  que  c'étaient  des  ar- 
mures égyptiennes,  car  je  crois  que  le 
bouclier  et  le  casque  sont  venus  aux 
Grecs  des  Égyptiens.  Ces  gens  pré- 
tendent que  Minerve  est  fille  de  Nep- 
tune et  du  lac  Tritonide ,  et  qu'ayant 
eu  quelque  sujet  de  plainte  contre  soa 
père ,  elle  se  donna  à  Jupiter,  qui  l'a- 
dopta pour  sa  fille.  » 

Nomades  de  l'intébieub.  — 
Nous  venons  de  passer  en  revue  les 
peuples  du, littoral  qui  mènent  une  vie 
nomade.  Énumérons  maintenant  les 
nomades  de  l'intérieur  qui  ont  été 
connus  d'Hérodote,  et  reprenons  pour 
cela  les  paroles  mêmes  da  vieil  histo- 
rien. 

«  A  dix  journées  de  chemin  à  l'ouest 
d'Augiles  on  trouve  aussi  une  colline 
de  sel  gemme,  avec  une  source  et  de 
nombreux  dattiers,  comme  à  Ammon 
et  à  Augiies  même.  Les  habitants  sont 
appelés  Gara  mantes,  et  forment  une 
nation  grande  et  puissante.  Ils  répan- 
dent de  la  terre  sur  le  sol  pour  faire 
leurs  semailles.  Ils  sont  peu  éloignés 
des  Loto{)hages^  de  chez  lesquels  il  y 
a  trente  journées  de  route  jusqu'au 
pays  où  l'on  voit  des  bœufs  qui  pais- 
sent en  marchant  à  reculons,  parce  que 
leurs  cornes  tournées  en  avant  s'en- 
fonceraient dans  la  terre  s'ils  mar- 
chaient devant  eux;  particularité  au 
surplus,  qui  seule,  avec  leur  cuir  plus 
épais  et  plus  souple,  les  distingue  des 
autres  bœufs.  Ces  Garamantes  font  la 
chasse  aux  Troglodytes  éthiopiens  au 
moyen  de  quadriges,  car  ces  Troglo- 
dytes sont  bien  les  coureurs  les  plus 
lestes  et  les  plus  rapides  dont  nous 
ayons  jamais  entendu  parler  :  ils  se 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


16^ 


nourrissent  de  seirpents ,  de  lézards , 
et  autres  reptiles  analogues  ;  ils  ont 
un  langage  qui  ne  ressemble  à  aucun 
autre  et  qu*on  prendrait  plutôt  pour  le 
cri  des  chauves-souris. 

«  A  dix  autres  journées  de  route 
des  Garamantes  se  rencontre  encore 
une  colline  de  sel  gemme,  avec  de 
Peau  et  des  habitants  à  Tentour  appe- 
lés Ataraotes,  les  seuls  de  tous  les  hom- 
mes que  je  connaisse,  oui  n'aient  pas 
de  noms  ;  car  ils  sont  a  la  vérité  dé- 
signés en  commun  par  la  dénomina- 
tion d'Atarantes,  mais  aucun  d*eux  en 
particulier  n'a  de  nom'  propre.  Ils  mau- 
dissent le  soleil  quand  il  arrive  à  son 
point  culminant,  lui  reprochant  de 
venir  brûler  et  les  hommes  et  ie  sol. 

«  Après  dix  journées  de  chemin  en- 
core, on  retrouve  une  nouvelle  colline 
de  sel ,  avec  de  Teau  et  des.  habitants. 
Auprès  de  là  est  la  montagne  appelée 
Atlas,  étroite,  escarpée  de  tous  côtés, 
et  si  élevée,  dit-on,  qu'on  n'en  peut 
voir  le  sommet  à  cause  des  nuages 
dont  il  est  toujours  enveloppé,  en  été 
comme  en  hiver  ;  les  indigènes  en  font 
une  colonne  du  ciel,  et  les  hommes 
même  d'alentour  en  tirent  leur  nom , 
car  ils  sont  appelés  Atlantes  ;  on  dit 
qu'ils  ne  mangent  de  rien  qui  ait  eu 
Yie,  et  qu'ils  n*ont  jamais  de  songes. 

«  Jusqu'à  ces  Atlantes  »,  ajoute  Hé- 
rote ,  «  j'ai  pu  désigner  par  leur  nom 
les  peuples  cantonnés,  de  dix  en  dix 
journées,  sur  le  faîte  qui  s'étend  jus- 
qu'aux stèles  Héracléennes  et  par  delà  ; 
mais  je  ne  puis  faire  de  même  pour 
ceux  qui  viennent  après  les  Atlantes.  » 

Populations  agbigolbs.  —  «  A 
l'ouest  du  fleuve  Triton  et  des  An- 
ses, habitent  des  Libyens  agricul- 
teurs ayant  des  demeures  fixes ,  appe- 
lés Maxyes ,  qui  laissent  croître  leurs 
cheveux  sur  le  côté  droit  de  la  tête  et 
rasent  le  côté  gauche  ;  ils  se  peignent 
le  corps  avec  du  vermillon  et  se  disent 
issus  des  Troyens.  Aux  Libyens  Maxyes 
confinent  les  Zaouèkes ,  dont  les  fem- 
mes conduisent  les  chars  de  guerre; 
après  eux  viennent  les  Zygantes ,  chez 
lesquels  les  abeilles  produisent  natu- 
rellement une  grande  quantité  de  miel, 
nutis  qui  en  recueillent  encore  davan- 


tage par  leur  industrie.  Ils  se  peignent 
tous  le  corps  de  vermillon ,  et  se  nour- 
rissent de  singes. 

«  Les  Carthaginois  disent  que  dans 
le  voisinage  de  cette  contrée  se  trouve 
nie  allongée  de  Kyrkynis  (*).  » 

Ainsi,  dans  la  partie  de  l'Afrique 
dont  Hérodote  connaît  les  habitants , 
le  littoral  entre  les  Syrtes  était  le  do- 
maine des  Makes ,  des  Gindanes ,  des 
Lotophages,  des  Machlyes  et  des  Au- 
ses,  derrière  lesquels^  s'étendaient  à 
l'intérieur  les  Garamantes ,  les  Ata- 
rantes  et  les  Atlantes  ;  puis ,  au  delà 
du  Triton  s'échelonnaient  les  Maxyes, 
les  Zaouèkes  et  les  Zygantes. 

ÉnumératUm  des  peuplades  africai- 
nes au  temps  des  Romains 

Peuplades  littorales  de  l'est 

ENTBB  l'A|£PSAGAS  ET  LES  AUTELS 

DES  Philenes.  —  Strabon  et  Pline 
considèrent  de  même,  au  point  de 
vue  géographique ,  la  région  des  Syr- 
tes comme  formant  une  division  sé- 
parée; mais  ils  ne  tranchent  pas, 
dans  leurs  indications  ethnographi- 
ques ,  la  séparation  marquée  par  Hé- 
rodote au  fleuve  Triton.  Sans  doute 
la  domination  de  Carthage  avait, 
en  se  propageant  sur  la  côte,  im- 
primé aux  indigènes  im  cachet  exté- 
rieur de  civilisation  uniforme:  aussi 
Strabon  attribue-t-il  sans  distinction 
le  littoral  aux  Libo-Phéniciens  ,  der- 
rière lesquels  il  étend ,  sur  une  zone 
parallèle,  les  Garamantes,  jusqu'aux 
montagnes  des  Gétules  dans  l'ouest. 
Pline  se  borne  d'abord  à  nous  désigner 
quatre  nations  principales  dans  la  ré- 
gion syrtique ,  savoir  :  au  fond  de  la^ 
grande  Syrte  confinant  aux  Autels  des 
Philenes,  les  Lotophages,  auelquefois 
appelés  Alachroes  ;  à  1  entrée ,  du  côté 
de  la  grande  Leptis,  les  Gisipades  ;  et 
au  delà  de  vastes  déserts  qui  les  sépa- 
raient de  la  petite  Syrte,  les  Gara- 
mantes ,  au-dessus  desquels  étaient  les 
Psylles.  Mais  ensuite  il  ne  compte  pas 

(*)  Voir,  au  sujet  de  cette  île,  le  volume 
de  la  présente  collection  spécialement  con- 
sacré aux  îles  d«  l'Afrique,  page  80. 


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170 


L'UWn^RS. 


moins  de  cinq  cent  seize  peuplades 
sujettes  de  Rome,  entre  les  Âuteis  des 
Philènes  et  TAmpsagas;  il  ne  donne 
toutefois  qu'une  très-petite  liste  de 
noms ,  savoir  :  les  Natabudes ,  les 
Capsitans,  les  Misulans,  les  Sabar- 
bares,  les  Massyles,  les  Nisives,  les 
Yamacures,  les  Éthins,  les  Mussins, 
les  Marchubiens,  et  tous  les  Gétules 
jusqu'au  fleuve  If igir  qui  sépare  l'Afri- 
que de  l'Ethiopie. 

Ptolémée  nous  offre  une  nomen- 
clature beaucoup  plus  riche ,  sans 
distinguer  non  plus  les  peuplades  syr- 
tiques  de  celles  qui  avoisinent  Gar- 
thage  ;  il  en  fait  l'énumération  en  al- 
lant de  l'Ampsagas  auxAutels  des  Phi- 
lènes. Quelque  sèche  et  décharnée  que 
soit  une  liste  étendue  de  noms  aux- 
quels se  rattachent  peu"  de  souvenirs, 
il  nous  semble  nécessaire  de  rapporter 
ici  celle  que  nous  a  transmise  le  géo- 
graphe alexandrin ,  de  peur  que  l'omis- 
sion n'en  fût  considérée,  avec  quelque 
raison,  comme  une  regrettable  lacune. 
Voici  donc  la  version  fidèle  de  ses 
indications  ethnologiques  : 

«  Les  habitants  des  parties  occiden- 
tales de  l'Afrique  propre  jusqu'à  la 
mer  soât  les  Cirtésiens  et  les  Naba- 
thres  ;  après  eux  vers  l'est,  les  lontiens, 
contre  la  Numidie  ou  Nouvelle  pro- 
vince, jusqu'à  Thabraca  ;  puis  les  Mi- 
dènes ,  et  contre  la  Carthaginoise ,  les 
LIby-Phéniciens  ;  ensuite,  jusqu'à  la 
petite  Syrte  les  Makhynes ,  et  der- 
rière (*)  celle-ci  les  Kinithiens ,  et  plus 
à  l'est  jusqu'au  fleuve  Ginyphos  les 
ISigitimes,  et  autour  de  ce  même 
fleuve  les  Lotophages.  Puis  vers  la 
pande  Syrte  les  Samamykiens ,  et  à 
leur  suite  les  Nycpiens ,  derrière  les- 
quels sont  placés  les  Éléons. 

«  £n  revenant  au  sud  des  Girtésiens 
et  de  la  Numidie ,  derrière  le  mont 

(*)  Bien  que  la  particule  (jné  piit  être 
littéralement  traduite  sans  inconvénient  par 
souSf  au-dessous  de,  j'ai  préféré  la  rendre 
uniformément)  pour  plus  de  clarté,. par 
derrière,  qui  laisse  moins  d'incertitude  à 
l'esprit  le  plus  inattentif.  J'ai  soigneuse- 
ment traduit  cita  par  puis  ou  ensuite.  Ces 
mots  ont  ici  une  importance  spéciale  pour  ca- 
ractériser la  HtuauoB  relative  des  peuples. 


Audon,  les  Mifoulaàs,  derrière  eax 

les  Nattaboutes ,  puis  les  Nisibei  ; 
[au  sud]  des  Midènes  les  Miédiens, 
derrière  lesquels  les  Mousounes;  en- 
suite derrière  le  mont  Thammès  les 
Sabourboures ,  derrière  eux  les  Ha- 
liardes,  et  la  campagne  Sittafienne.  Au 
sud  des  Liby-Pheniciens  est  la  contrée 
Byzacitide,  derrière  laquelle  sont  les 
Ozoutes;  puis  les  Kérophées,  et  les 
Mampsâres  sur  la  montagne  du  même 
nom,  et  derrière  la  montagne  les  Mo- 
toutouriens.  Derrière  les  Makhynes 
sont  les  Makhryes,  puis  les  Gèphes , 
après  lesquels  les  Mimakes ,  et  der- 
rière le  mont  Ousaleton  les  Ouzales 
et  le  conmiencement  de  la  Libye  dé^ 
serte. 

«  De  même  derrière  les  Kinithiens 
sont  les  Sigiplosiens ,  puis  les  Aché- 
mènes ,  puis  tes  M outourgoures ,  der- 
rière lesquels  les  Moukhthousiens  ; 
derrière  les  Nigitim^s  les  Astacoures  ; 
derrière  les  Lotophages  les  Êropées , 
puis  les  J)olopes,  derrière  lesquels  les 
Erébides;  derrière  les  Samamykiens 
les  Êdamensiens ,  puis  les  Nyghènes  ; 
enfin  derrière  les  Nycpiens  et  les 
Éléons,  les  Makes  syrtites,  et  la  Libye 
déserte.  » 

On  voit  que  Ptolémée  a  disposé  les 
quarante  noms  qui  composent  sa  liste, 
sur  trois  zones  parallèles ,  représen- 
tant par  leur  réunion  la  zone  littorale 
d'Hérodote;  auant  à  la  zone  intérieure 
sur  laquelle  les  Garamantes  d'Héro- 
dote et  les  Gétules  de  Salluste  vien- 
nent, au  dire  de  Strabon,  se  rejoindre 
bout  à  bout,  elle  fait,  dans  son  ensem- 
ble, pour  le  géographe  alexandrin,  le 
sujet  d'un  chapitre  spécial  sous  le  titre 
de  Libye  intérieure.  Nous  y  revien- 
drons après  un  coup  d'œil  sur  le  reste 
des  populations  de  la  côte ,  dont  nous 
n'avons  encore  nommé  que  celles  qui 
occupent  la  fraction  orientale. 

Peuplades  littobalbs  de 

l'ouest  :  ENTEE  l'AmPSAGAS  ET 
les     COLONNES     d'HEBCULE.    —    A 

l'ouest  de  Garthage,  où  Salluste  se 
borne  à  signaler,  en  deux  grandes  di- 
visions, les  Numides  et  les  Maures, 
Strabon  ri'est  guère  plus  explicite, 
puisqu'il  se  contente  de  nommer  les 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


ITt 


Humides  Massyliéens  quil  englobe 
dans  le  domaine  punique,  puis  les 
Numides  MaSsésyliens  qu'il  étend  du 
cap  Trèton  au  cap  Métagonion,  et  enfin 
les  Maurusiens  a  Textrênae  occident. 
Pline  n*entre  pas  dans  beaucoup  plus 
de  détails  :  il  mentionne  sous  la  sim- 
ple dénomination  de  Numides  les  Mas- 
syliéens  de  Strabon ,  puis  les  Massé- 
syliens,  parmi  les(|uels  il  place  les  peu- 
plades des  Macurebes  et  des  Nabades, 
enfin  les  Maures  ou  Maurusiens ,  que 
Tinvasion  des  Gélules  Baniures,  Auto- 
loles  et  Vésunes ,  avait  réduits,  de  son 
temps,  à  un  petit  nombre  de  familles. 
Ptolémée  a  recueilli  une  bien  plus 
grande  quantité  de  dénominations  par- 
ticulières des  peuplades  qui  se  ratta- 
chent à  Tune  ou  à  l'autre  de  ces  sou- 
ches, dont  la  distinction  ethnologique 
n^avait  pas  cessé,  bien  que  le  territoire 
respectivement  occupé  par  chacune 
d'elles  portât ,  au  moms  depuis  le  rè- 

fne  de  Claude,  rappellation  uniforme 
e  Mauritanie,  saut  addition  de  l'épi- 
thète  de  Césarienne  pour  l'ancienne 
Numidie,  et  de  Tingitane  pour  la 
Mauritanie  véritable.  Ptolémée,  dont 
les  descriptions  procèdent  d'occident 
en  orient,  commence  par  la  Tingi'tane, 
et  la  fait  suivre  de  la  Césarienne;  voici, 
dans  l'ordre  qu'il  a  suivi ,  l'énuméra- 
tion  qu'il  donne  des  populations  de 
ces  deux  contrées. 

«  Les  habitants  de  la  province  (Tin- 
gitane) sont,  vers  le  détroit  (des  Co- 
lonnes), les  Métagonites ,  vers  la  mer 
Ibérienne  les  Socossiens ,  et  derrière 
ceux-ci  les  Ouerouès,  et  derrière  la 
contrée  Métagonite  les  Masikes;  en- 
suite les  Ouerbikes,  derrière  lesquels 
les  Salinses  et  les  Kaunes:  puis  les 
Bakouates,  derrière  lesquels  lesMa- 
canites.  Derrière  les  Ouerouès  les 
Ouoloubilians  ;  puis  les  langaucanes , 
derrière  lesquels  les  Nectibères;  ensuite 
la  campagne  Rousse  (Iluffàv  Tieôiov), 
derrière  eux  les  Zégrensiens  ;  puis  les 
Banoïoubes  et  les  Ouakouates.  La  li- 
sière orientale  est  habitée  en  entier 
par  les  Maurensiens  et  une  partie  des 
Herpéditans. 

«  Les  habitants  de  la  province  (Cé- 
sarienne )|  vers  roccideut,  sont  les 


Herpéditans,  sur  ce  qu'on  appelle  les 
mines  de  cuivre  (  XaX^^jcw);  derrière 
eux  les  Taladousiens.  Puis  les  Sôres , 
au  midi  desquels  les  Masésyles,  der^ 
rière  lesquels  les  Drvites.  Ensuite,  au 
delà  du  mont  Douraon,  les  Élouliens, 
et  les  Tolôtes  et  les  Nacmousiens  jus* 
Qu'aux  montagnes  Garapha.  A  l'est 
des  Taladousiens  Jusqu'aux  bouches 
du  fleuve  Chinalapn  sont  les  Machou- 
siens  ,  derrière  lesquels  le  mont  Za- 
lacon,  et  au  delà  de  celui-ci  les  Ma- 
zikes.  Puis  les  Bantourariens,  et  der- 
rière les  montagnes  Garapha  les 
Akouensiens  et  les  Mykènes  et  les 
Maccoures,  et  sur  la  montagne  Kin- 
naba  les  Ènabases.  A  l'est  du  mont 
Zalacon,  vers  la  mer,  les  Makkhourè- 
bes,  derrière  lesquels  les  Toulensiens; 

f)ui$  les  Banioures ,  derrière  lesquels 
es  Makhoures  ;  ensuite  les  Salassiens 
et  les  Malkhoubiens.  Encore  à  l'est 
des  Toulensiens  les  Moukounes  et  les 
Khitoues  Jusqu'au  fleuve  Ampsagas  ; 
derrière  ceux-ci   les  Rédamousiens  ; 

Suis  les  Todoukes  vers  les  sources  du 
euve  Ampsagas.  » 

Quelque  nombreux  que  soient  ces 
noms,  on  est  loin  d'y  retrouver  pour- 
tant tous  ceux  qui  figurent  dans  les 
récits  d'Ammien  Marcellin  ou  dans  les 
cosmographies  d'Ethicus  et  de  Julius 
Honorius  :  nous  ferons  ici  grâce  au 
lecteur  de  ces  nomenclatures  arides 
qui  passent  sous  les  yeux  sans  inté- 
resser l'esprit;  l'histoire  nous  dira 
ces  noms  avec  plus  de  profit ,  en  les 
enchâssant  au  milieu  des  faits  auxquels 
ils  se  lient. 

*  Peuplades  de  l'intébieuk.  — 
Passons  à  la  grande  zone  intérieure 
partagée  d'une  manière  générale,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  remarqué,  entre 
les  Garamahtes  à  l'est  et  les  Gétules  à 
l'ouest  ;  il  nous  reste  à  voir  comment 
Ptolémée  distribue  sur  ce  vaste  terri- 
toire les  tribus  comprises  dans  chacune 
de  ces  deux  divisions  principales.  Nous 
nous  bornerons  encore  à  traduire  lit- 
téralement ce  que  le  laborieux  géogra- 
phe d'Alexandrie  nous  expose  lui-même 
a  cet  égard. 

«  Derrière  les  Mauritanies  est  si- 
tuée la  Oitulie  ;  derrière  l'Afrique  et 


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Ht 


L'UNIVERS. 


3; 


la  Cyrénalque ,  la  Libye  déserte.  Et 
les  plus  considérables  des  nations  qui 
se  partagent  la  Libye  sont  :  celle  des 
Garamantes  qui  s*étendent  depuis  les 
sources  du  Bagradas  jusqu'au  lac 
Nouba  ;  et  celle  des  Mélanogétules  qui 
habitent  l'intervalle  entre  les  monts  Sa- 
gapola  et  Ousargala  ;  et  la  race  des 
Ethiopiens  Rouges,  qui  sont  au  midi 
du  fleuve  Gir  ;  et  celle  des  Éthiopiens 
Nigrites  qui  sont  au  nord  du  fleuve 
Nigir;  et  celle  des  Darades  qui  habi- 
tent vers  la  mer  sur  les  bords  du  fleuve 
du  même  nom  ;  et  celle  des  Pérorses 
ui  sont  plus  à  l'orient  et  plus  éloignés 
e  la  mer  que  la  montagne  appelée 
Theôn-Ochéma;  et  celle  des  Ethio- 
piens Odraggides  habitant  l'intervalle 
entre  les  monts  Kapha  et  Thala;  et 
celle  des  Mimakes  qui  sont  derrière  ce 
même  mont  Thala  ;  et  celle  des  Nou- 
bes  habitant  à  l'ouest  du  Défilé  des 
montagnes;  et  celle  des  Derbikkes  qui 
sont  à  l'occident  du  mont  Aragga. 

«  Il  y  a  des  peuplades  moins  consi- 
dérables ;  vers  la  mer  au  delà  des  Gé- 
tules,  habitent  les  Autolalels  et  les  Si- 
ragges  et  les  Mausoles,  jusqu'au  mont 
Mandron  ;  puis  ,  contre  celui-ci ,  les 
Babiens  et  les  Maikoes  et  les  Mandors 
jusqu'aux  Darades,  au  delà  desquels 
les  Sophoukéens,  et  derrière  le  mont 
Ryssadion  les  Leukéthiopiens  entre  les- 
quels et  les  Pérorses  s'étend  la  cam- 
pagne Rousse.  Ensuite ,  au  nord  du 
mont  Sagapola  les  Pharousiens ,  au 
nord  du  mont  Ousargala  lesNatembes, 
du  mont  Girgiris  les  Lygxamates  et 
les  Samamykiens  ;  et  entre  le  mont 
Mandron  et  le  mont  Sagapola  les  Sal- 
thes  et  les  Daphnites  et  les  Zamaziens 
et  les  Arokkes  et  les  Ketianes  jus- 
qu'aux Éthiopiens  Nigrites.  Derrière 
le  mont  Ousargala  les  Soubourpores, 
derrière  le  mont  Girgiris,  comme  vers 
les  Garamantes  ,  les  Makkoens  et  les 
Dauchites  et  les  Kalètes  jusqu'au  lac 
Nouba.  Puis  à  l'est  des  Darades  les 
Makkhourèbes ,  des  Sophoukéens  les 
Soloentiens;  à  l'est  de  ceux-«i  les  An- 
ticoles  ou  Phraurousiens,  et  les  Khou- 
rites  et  les  StaHiires  jusqu'au  mont 
Capha,  entre  lequel  et  le  mont  Theôn- 
Ocnéma,  les  Orphes,  derrière  lesquels 


les  Tarôualtes  et  les  Maltites  et  les 
Afrikérons,  nation  considérable.  Et 
encore,  au  sud  des  Éthiopiens  Odrag- 
gides les  Achèmes,  des  Mimakes  les 
GoggaleSy  au  delà  desquels  les  Nanos- 
bes;  ensuite  les  Nabathres  jusqu'au 
mont  Aroualton  ;  et  entre  le  lac  L.ibya 
et  le  mont  Thala,  les  Alitambes  et  les 
Maurales  ;  entre  ceux-ci  et  les  Noubes, 
les  Armies  et  les  Thaïes  et  les  Dolo- 
pes  et  les  Astacoures  jusqu'au  Défilé 
des  montagnes;  et  au  nord  du  mont 
Araggas  les  Arokkes,  à  l'orient  les 
Asarakes.  Entre  les  Derbikkes  et  le 
mont  Aroualtes  les  Dermones;  et  der- 
rière les  Afrikérons,  à  peu  près  au  sud- 
sud-est^  les  Éthiopiens  AgaggineS  ;  au 
levant  de  ceux-ci  derrière  le  mont 
Aroualton  jusqu'au  montAragsa,  les 


Éthiopiens  Xylikkes;  enfin  au  delà  de 

ces  derniers  les  Éthio  ' 

kes. 


iiiopiens  Oukhalik- 


On  voit  reparaître  sur  cette  liste  les 
noms  de  diverses  peuplades*  qui  déjà 
ont  figuré  parmi  celles  du  littoral,  tel- 
les que  les  Samamykiens,  les  Sou- 
bourpores, les  Makkourèbes,  les  Achè- 
mes,  les  Mimakes,  les  Nabathres ,  les 
Dolopes,  les  Astacoures;  ce  serait  une 
nouvelle  preuve ,  s'il  en  était  besoin , 
du  peu  de  profondeur  de  cette  zone 
intérieure  que  d'aventureuses  hypo- 
thèses ont  beaucoup  trop  reculée  vers 
le  sud. 

III.   VILLES  ET  BOUTES. 

Considérations  préliminaires. 

Impoetange  DES  Itineraibes. 
—  Au  surplus,  les  révolutions  politi- 
ques font  varier  l'emplacement  des 
peuples,  surtout  lorsqu'ils  persistent 
dans  les  habitudes  nomades  et  errantes 
où  l'histoire  et  la  géographie  les  ont, 
trouvés;  c'est  ainsi  que  les  Maures, 
les  Gétules,  les  Mazikes,  et  bien  d'au- 
tres, se  sont  avancés  graduellement 
de  l'occident  extrême  à  l'extrême 
orient  de  la  région  d'Afriaue.  Les  vil- 
les qu'ils  ont  bâties  ou  laisse  bâtir  au  mi- 
lieu d'eux  offrent  au  contraire,  ainsi  que 
les  traits  caractéristiques  du  sol,  tels 
que  la  découpure  des  côtes,  l'assiette 
des  montagnes  et  le  cours  des  fleuves^ 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


ira 


des  points  dé  repère  invariables,  pour 
déterminer  le  véritable  théâtre  des 
événements ,  et  l^emplacement  alors 
occupé  par  les  peuples  qui  en  ont.  été 
les  acteurs. 

r^ous  ne  pouvons ,  à  ce  titre ,  nous 
dispenser  de  jeter  ici  un  cou()  d'œil 
rapide  sur  la  distribution  des  villes  à 
la  surface  du  territoire  que  nous  étu- 
dions. Les  sources  d'information  les 
plus  importantes  que  nous  avons  à  cet 
égard  sont  bien  moins  les  géographes, 
comme  Strabon  et  Pomponius  Mêla 
qui  se  bornent  à  un  petit  nombre  d'in- 
dications principales,  ou  même  comme 
Pline  et  Ptolémée  dont  les  listes  sont 
assez  considérables,  ^ue  certains  au- 
tres documents  moins  usuels,  mais 
beaucoup  plus  utiles  par  leur  spécia- 
lité, savoir,  les  deux  routiers  romains 
vulgairement  connus  sous  les  dénomi- 
nations de  Table  Peutingérienne  et  d'I- 
tinéraire d'Antonin,  dont  le  premier 
date  de  Tannée  même  de  la  mort  xle 
Constantin  le  Grand,  et  dont  le  se- 
cond a  été  rédigé  une  quarantaine 
d'années  plus  tard  par  Ethicus. 

Il  est  donc  naturel  que  nous  ayons 
recours  surtout  à  ces  guides  que  rien 
ne  pourrait  remplacer  pour  nous,  afin 
de  donner  une  idée  assez  précise,  tout 
à  la  fois ,  des  villes  répandues  sur  le 
sol  africain  et  des  routes  qu'elles  ja- 
lonnaient. 

Disposition     générale     des 

GBANDES     ROUTES    DE    l'AFRIQUE. 

—  Une  observation  préalable  est  d'a- 
bord nécessaire  à  cet  égard  :  c'est  que 
la  civilisation,  avec  les  villes  qu'elle 
enfante  et  les  routes  qu'elle  trace,  a 
fixé  son  point  de  départ  à  Garthage, 
soit  dès  le  temps  des  fondateurs  phé- 
niciens de  cette  cité  puissante,  soit 
après  leur  chute  sous  les  coups  de 
Rome,  qui  commença  par  là  la  con- 
quête du  pays.  C'est  donc  de  là  que 
devaient  rayonner  et  gue  rayonnaient 
en  effet  les  routes  principales  condui- 
sant successivement,  à  travers  des  gî- 
tes d'étape  plus  ou  moins  nombreux, 
vers  les  centres  d'administration  des 
provinces  successivement  ajoutées  à 
ce  premier  nopu  ;  et  ces  centres  se- 
condaires devaient  offrir  à  leur  tour, 


et  offraient  respectivement  en  réalité 
le  point  de  départ  d'un  nombre  plus 
ou  moins  considérable  de  voies  rayon- 
nant à  travers  le  territoire  soumis  à 
chacune  d'elles;  enfin  le  croisement 
de  plusieurs  de  ces  voies  en  quelques 
points  faisait  encore  de  ceux-ci  comme 
de  nouveaux  centres  de  rayonnement. 
Le  territoire  occupé  offrant,  au  sur- 
plus, sous  le  méridien  de  Garthage, 
une  bien  plus  grande  largeur  qu'en 
tçute  autre  partie ,  les  routes  s'avan- 
çaient à  l'intérieur,  de  ce  côté ,  jus- 
qu'à des  profondeurs  beaucoup  plus 
considérables. 

A  examiner  sous  un  point  de  vue 
d'ensemble  la  diiàposition  générale  de 
ces  routes,  on  pourrait  les  systémati- 
ser ainsi  :  1*"  une  route  non  interrom- 
pue le  long  des  côtes ,  plus  certaines 
portions  de  route  plus  directes  entre 
quelques-unes  des  principales  villes 
maritimes;  2**  diverses  routes,  à  l'in- 
térieur, dirigées  parallèlement  à  la 
première;  3°  enfin  les  communica- 
tions transversales  des  unes  aux  autres. 
La  réunion  de  toutes  ces  lignes  cons- 
titue un  réseau  aux  mailles  duquel  se 
trouvent  invariablement  attachés  tous 
les  points  compris  dans  l'un  et  l'autre 
routier,  de  manière  à  fournir  un 
moyen  assuré  de  fixer  complètement 
la  correspondance  des  voies  anciennes 
avec  le  sol  tel  que  les  explorations 
modernes  nous  le  font  connaître  au- 
jourd'hui ;  cependant  il  n'en  est  pas 
tout  à  fait  ainsi,  attendu  que  l'un  ni 
l'autre  de  ces  routiers  ne  nous  est 
parvenu  dans  son  intégrité  officielle  , 
et  que  nous  en  possédons  seulement 
des  copies,  doublement  altérées  par  les 
mutilations  du  temps  et  la  révision  des 
éditeurs. 

Incertitude  des  synonymies 
géographiques  applicables  aux 
STATIONS  ITINÉRAIRES.  —  Quelque 
incertitude  peut  donc  subsister  en- 
core ,  maigre  ce  précieux  élément  de 
vérification,  dans  la  détermination 
des  synonymies  géographiques,  et  il 
faut  s'aider  en  outre  d'autres  indi- 
ces, tels  que  la  tradition,  la  ressem- 
blance des  noms,  les  monuments  lapi- 
daires trouvés  sur  place^  sans  se  dissi* 


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174 


L^rovras. 


ta 


muler  qo'auetme  de  ees  prenves  prise 
isolément  n*est  irréfragaole.  La  tra- 
dition altère  quelquefois  le  fait  le 
mieux  constaté  :  n'est-ce  point  la  tra- 
dition qui ,  en  forgeant  le  nom  de 
bataille  de  Zama  pour  la  fameuse  ren- 
contre où  ScipioQ  Émilien  vainquit 
Annibal,  a  fait  chercher  sur  ce  champ 
de  bataille  la  ville  royale  de  Zama  qui 
en  est  éloignée  de  plusieurs  journées  ? 
La  ressemblance  des  noms  est  trom- 
leuse  aussi  quelquefois,  et  si  elle  ne 
laisse  aucun  doute  pour  certains  points 
incontestables,  n'a-t-elle  pas  offert  de 
fausses  lueurs  à  ceux,  par  exemple , 
qui  dans  Gézâyr  (Alger)  crovaient  re- 
trouver Césarée,  ou  bien  l'ancienne 
Gemellœ  dans  la  moderne  Gemmileh 
que  les  inscriptions  désignent  comme 
répondant  en  réalité  à  Cuiculum  ?  Les 
inscriptions  néanmoins  ne  procurent 
pas  plus  de  certitude  :  non-seulement 
elles  sont  quelquefois  matériellement 
déplacées,  mais  on  en  trouve  aussi  qui 
ont  été  consacrées  en  un  lieu  éloigné 
de  cekii  au  nom  duquel  elles  sont  fai* 
tes  ;  ainsi  Rusgunia  est  nommée  dans 
une  inscription  à  Hamzah ,  et  Rustc- 
cade  dans  une  inscription  de  Constant 
tine.  C'est  par  une  intelligente  combi- 
naison  de  tous  ces  divers  éléments  de 
conviction  que  Ton  arrive  plus  sûre- 
ment à  la  vérité. 

C'est  sous  l'influence  de  ces  préoc- 
cupations que  doivent  être  examinées 
et  comparées  les  voies  décrites  par  les 
routiers  anciens,  et  les  cartes  dressées 
par  les  géographes  modernes.  Les  dis- 
cussions scientific|ues  auxquelles  cet 
examen  comparatif  peut  donner  lieu, 
ne  sauraient  trouver  place  ici  :  nous 
nous  contenterons  de  présenter  en 
raccourci  le  tableau  des  routes  ancien- 
nes, avec  l'indication  des  positions 
modernes  qui  offrent,  à  Tégard  des 

{)rincfpales  villes,  les  correspondances 
es  moins  contestables  ou  les  plus 
plausibles. 

Grande  route  du  littoral. 

Prenons  d'abord  la  grande  voie  lit- 
torale qui  de  l'extrémité  occidentale 
de.hi  province  Tingitane  jusqu'aux  Au- 


tels des  Phitènes  et  au  delà,  eètoyait 
la  mer  en  suivant  à  peu  près  toutes 
les  sinuosités  du  rivage.  Elle  se  parta* 
geait  en  deux  moitiés  inégales ,  don]t 
Carthaçe  marquait  la  séparation^  et 
qui  étaient  en  outre.  Tune  et  l'autre, 
coupées  par  des  ^ints  d'arrêt  inter- 
médiaires, la  première  en  sept  portions 
snccessives ,  la  seconde  en  trois  :  en 
voici  la  série  entière  : 

1.  Du  poste  deMercurios  jusqu'à 
Tingis  ; 

2.  De  Tingis  à  Rusadder; 

8.  De  Rusadder  à  Césarée  de  Mau- 
ritanie ; 

4.  De  Césarée  à  Saldes  ; 

5.  De  Saldes  à  Rusiccade  ; 

6.  De  Rusiccade  à  Hippone  Royale;; 

7.  D'Hippone  Royale  à  Cartbage  ; 

8.  De  Cartbage  à  Thènes  ; 

9.  De  Thènes  à  la  Grande  Leptis  ; 

10.  De  la  Grande  Leptis  aux  Autels 
des  Philènes. 

Route  depuis Mebgurios  jusqu'à 
RusADDEB. —  La  première  de  ces  rou- 
tes partielles  avait  son  point  de  départ 
au  poste  de  Mercurios,  c'est-à-dire  à  la 
pointe  d'Hermès  ou  du  petit  Atlas,  et 
son  point  d'arrivée  à  Tingis,  décorée  par 
l'empereur  Claude  du  titre  de  colonie 
et  du  surnom  de  Julia  Traducta,  à  la 
place  de  laquelle  s'élève  la  moderne 
Thangeh;  la  route  passait  d'abord  à 
Sala^  dont  le  nom  est  resté  à  la  ville 
de  Salé;  plus  loin  à  Banasa,  colonie 
d'Auguste,  surnommée  Vaientia,  dont 
les  cartes  de  Ptolémée  nous  montrent 
que  la  position  n'était  point  tout  à 
fait  littorale  ;  puis  à  Lix  ou  Lixos,  cé- 
lèbre par  les  fabuleuses  relations  de 
l'antiquité  qui  y  plaçaient  le  palais 
d'Antée  et  le  jardin  des  Hespérides, 
érigée  en  colonie  par  l'empereur  Claude, 
et  représentée  aujourd'hui  par  Et- 
'Arâysch,  à  l'embouchure  du  fleuve 
Aouikos  (*);  ensuite  à  Zilis  ou  Zilia, 

(*)  Nous  préférons  éciire  Thaogeh,  El- 
'Aràysch,  Aouikos,  Sebtbab,  plutôt  que 
Jauger,  Larache,  Luccos,  Ceuta,  parce  que 
l'exactitude  uous  parait  devoir  remporter 
sur  la  corruption  d'orthographe.  Il  est  des 
gens  dont  la  prononciation  transforme, 
comme  on  sait,  Shahpeare,  shut  the  door, 
en  chat  qui  expire,  chat  qui  dortf  est-ce  un 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


t16 


autre  eoUmit  d* Auguste,  nommée  plus 
tard  Julia  Constantia,  et  dont  la  mo- 
derne Azylah  retient  la  place  et  le 
nom. 

La  seconde  fraction  de  route  se 
poursuivait  depuis  Tingis  jusqu'à  Rus- 
adder,  colonie  d*originé  assez  récente, 
dont  Templacerhent  paraît  répondre 
à  celui  de  Méiylah  ;  dans  Tintervalle^ 
nous  ne  trouvons  d'autre  point  digne 
d'être  signalé  ici ,  que  les  Sept  frères 
(Em'  àSek<fo\  de  Ptolémée),  où  l'on  re- 
connaît par  son  nom  la  ville  de  Seb- 
thah,  que  les  Espagnols  appellent 
Céuta. 

Route  de  Rusabder  à  Gbsabbb  ; 

DÉSACCOBD  ENTBE  L'iTINéfiAIBE    ET 

LES  Tables  de  Ptolémée.  —  Depuis 
Rusadder  jusqu'à  Siga,  —  La  troi- 
sième partie  de  la  route  que  nous  par- 
courons se  continuait  depuis  Rusad- 
der, ou  Méiylah,  jusqu'à  Césarée,  jadis 
sous  le  nom  de  loi,  résidence  des  rois 
indigènes ,  dotée  du  titre  de  colonie 
romaine  par  l'empereur  Claude,  et  ca- 
pitale de  la  province  à  laquelle  elle 
imposa  son  nom.  On  ne  doute  plus 
aujourd'hui  que  Césarée,  qu'on  a  cher- 
chée tour  à  tour  sur  l'emplacement 
d'Alger  et  sur  celui  de  Ténes,  ne  fôt 
précisément  à  la  place  occupée  par  la 
moderne  Scherschel,  où  l'on  a  recueilli, 
dans  ces  dernières  années,  des  ins- 
criptions qui  paraissent  décisives  : 

L.  UCINIO  L.  FIL.   QVIB 

8ECVNDIN0.   DECVRIONI 

OAESARlENSIVlf.   EQVO  PVBLIGO 

EXOliNATO  SACR18QVE 

LVPERCALIBVS  FVNCrO 

a  A  Lucins  Licinius  SecimdiDus,  fils  de 
«  Luciiis,  de  la  tribu  Quirina,  décarion  des 
«  Césaréens,  gratifié  d'un  cheval  d'honneur^ 
«  et  ayaat  été  chargé  de  la  célébration  des 
«  Liiy^rccles.  » 

' EIOO  G.    F.  FATiai 

DECVRIONI  SPLENDIOISSIMAB 
GOfcOftUB  GAESARIENSIS  RELIGJ060 

ANTisrrri  samcti  nvhimis  matris 

DEVM  DENDROPHORO  DIGNlSftlMO 

«  A ... .  énius  Fatalis,  fils  de  Caius,  dé* 
«  carioa  de  la  magnifiqujs  colonie  de  Cé^a- 
«  rée,  religieux  pontife  de  la  sainte  divinité 
«  de  la  Mère  des  Dieux,  digne  dendrophore.  v 

motif  pour  c|ue  l'orthograplie  se  plie  à  ces 
ridicules  balivernes  ?... 


D*un  antre  côté,  les  Troif-Iles,  et 
le  fleuve  Malua^  qui  marquent  les  deux 
premières  étapes  à  partir  de  Rusadder, 
sont  bien  reconnus  pour  les  trois  ties 
des  Gjaïaryn  et  le  fleuve  Malouyah  : 
ainsi  les  deux  extrémités  de  cette  route 
sont  bien  déterminées;  mais  toutes 
les  stations  intermédiaires  le  sont  fort 
peu,  à  raison  de  la  discordance  de  l'I- 
tinéraire avec  les  cartes  de  Ptolémée, 
en  outré  d'une  grande  lacune  que  laisse 
en  cette  partie  la  Table  Peutingérienne, 
et  de  l'insuffisance  actuelle  des  notions 
acquises  sur  cette  région.  Ce  n'est  pas 
que  les  principaux  lieux  compris  dans 
cet  intervalle  ne  figurent  à  la  fois  dans 
le  routier  romain  et  dans  la  série  des 
positions  données  par  le  géographe  grec; 
mais  Teur  situation  relative  est  souvent 
inverse.  Du  n[K)ins  ne  peut-il  y  avoir 
doute  sur  certains  points  :  Siga  ,  par 
exemple,  qui  avait  été  la  capitale  du 
pays  au  temps  de  Syphax,  c'est-à-dire 
a  l'époque  des  guerres  puniques,  Siga 
devenue  ensuite  une  colonie  romaine 
ainsi  que  le  constate  Ptolémée  au  se- 
cond siècle,  érigée  plus  tard  en  muni- 
cipe  comme  nous  le  montre  l'Itinéraire 
260  ans  après  ;  cette  ville  est  indiquée 
par  ces  deux  autorités  dans  une  posi- 
tion qui  doit  en  faire  reconnaître  l'em- 
placement sur  les  bords  de  la  Tâfnày, 
où  l'on  en  trouve  encore  des  restes,  à 
l'endroit  même  où  s'était  élevée,  après 
la  conquête  musulmane,  la  ville  mau- 
resque d'Areschqoul ,  non  loin  de  la- 
quelle les  Français  avaient  naguère 
établi  leur  poste  de  la.  Tâfnày,  appelé 
également  par  les  Arabes  Areschqoul, 
tandis  que  nous  n'avons  conservé  ce 
nom,  défiguré  en  Risgoun  ou  Harsch- 
goun,  qu'à  la  petite  tle  voisine. 

—  Depuis  Siga  jusqu'à  Césarée. 
—  Le  géographe  alexandrin  nous  dé- 
signe bientôt  après  le  Portos  Magnas 
ou  Grand  Port,  puis  la  colonie  de 
Kouiza  qui  dans  le  principe  était  un 
établissement  étranger ,  ensuite  le 
Theôn-limên  ou  Port  des  Dieux ,  en- 
fin la  colonie  d'Arsenaria,  naguère 
ville  latine,  à  trois  milles  du  rivage  : 
lieux  importants  qui  seraient  repré- 
sentés aujourd'hui  respectivement  par 
Mersày-el-Kébyr  ou  le  Grand  Port, 


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m 


L'UNIVERS. 


par  Oran,  par  le  bort  et  par  la  ville 
d*Arzéou;  mais  rltinéraire  ne  peut 
cadrer  à  ces  correspondances;  son 
Fortus  Maarms  va  tomber  vers  Mos- 
taghâoem,  bien  que  son  Portas  Divi" 
nus  coïncide  avec  celui  d'Arzéou  ; 
tandis  que  son  Quiza,  de  colonie  de- 
venu municipe,  et  son  Arsenaria,  dé- 
pouillé de  toute  qualification,  devraient 
être  cherchés  sur  la  côte  mal  connue 
à  la  droite  du  Schélif.  Il  semble  que 
ritinéraire  ait  subi  quelque  transpo- 
sition dont  il  faudrait  accuser  Tinad- 
vertance  des  copistes.  , 

La  colonie  de  Cartonna,  fondée  sous 
Auguste  par  la  seconde  légion,  paraît, 
dans  tous  les  cas,  représentée  par  la 
moderne Ténès,  où  des  fouilles  récentes 
ont  fait  découvrir  cette  inscription  : 

C.  FVLCINIO.  H.  F.   QVIR. 

OPTATO.  FLAM.   AVG.  Il  VIR. 

<ÏQ.  PONTIF.   Il  VIR.   AVGVR, 

AED.   QTE8T0RI.  QTI. 

IMRYPTIONE.   BAQYA- 

TIYM.   COLONIAM.   TVI- 

TV8.   EST.   TESTIMONIO. 

DECRETI.   ORDINIS.  ET. 

POPYU    CARTENNITANI. 

ET.    INCOLA.   PRIMO.   IPSI. 

NEC.   ANTE.   TLU. 

AERE.  CONLATO. 

«  A  Caius  Fulcinius  Optatus,  fils  de  Mar- 
«  eus,  de  la  tribu  Qairina,  flamineaugustal , 
«  duumvir  quinquennal ,  pontife ,  duumvir 
«augurai,  édile,  questeur;  qui  a  préservé 
«  la  colonie  de  l'irruption  des  Baquates  (*); 
n  en  foi  d'un  décret  du  corps  municipal  et 
«  des  citoyens  de  Cartenua ,  ainsi  que  des 
«  habitants  ;  à  lui  le  premier,  et  à  personne 
«  auparavant;  par  souscription.  » 

(*)  Le  nom  des  Baquates,  connu  d'ail- 
leurs par  les  indications  de  Ptolémée,  de 
l'Itinéraire  et  de  Julius  Honorius,  figure 
sur  cet  autre  monumeut  épigraphique,  déjà 
publié  par  Marini ,  par  Fabretti ,  et  par 
Orelli,  qui  offre  un  intérêt  particulier  : 

D.    M. 

MEMORIS 

pilI 
avrklI 

caitartbak 

PRIIfCfPIS   GEKTIVK 
BAQVATIVM 
QVI    VIXIT 

Aww.  xvr. 
«  Anx  mânes  de  Mémor,  fils  d'Aur^UutCanarlha, 
«  prince  de«  Baquates*  mort  à  seize  ans.  » 


Dans  Test,  lltinéraire  indigue  tin 
château  appelé  Lar^  qui  peut-être  fut 
bâti  à  Kar-kôme  ou  village  de  Kar 
mentionné  250  ans  auparavant  par 
Ptolémée.  C'est  un  peu  plus  loin  que 
ce  géographe  place  des  Castra  Ger- 
manônr(\\x\  semblent  répondre  par  leur 
dénomination  aux  Castra  puerorum 
de  l'Itinéraire,  tandis  que  ce  dernier 
les  désigne  bien  auparavant ,  dans 
Touest,  auprès  d'une  colonie  de  GUua 
inconnue  a  Ptolémée  sur  la  côte  (*) ., 
et  qui  répondrait  à  Oran  dans  le  tracé 
de  cette  route.  Pïon  loin  de  Césarée, 
Gunugi  ou  Kanoukkis,  ancien  noste 
carthaginois  où  fut  établie  une  colonie 
sous  Auguste  par  une  cohorte  préto- 
rienne, se  montre  dans  Ptolémée  au 
second  siècle,  et  dans  l'Itinéraire  au 
quatrième,  sans  aucune  mention  de 
cet  ancien  titre  colonial.  On  voit  de 
combien  d'incertitudes  sont  envelop- 
pées les  notions  qui  nous  sont  parve- 
nues touchant  les  stations  que  les  Ro- 
mains avaient  établies  sur  cette  portion 
de  côte  (**). 

Route  depuis  Césabée  jusqu'à 
KusiGGADE,  PAR  S XLDES.  —  Position 
deSaldes, — La  quatrième  et  la  cinquiè- 
me portion  de  la  route  littoraiequinous 
occupe,  sont  comprises,  dans  leur  en- 
semble, entre  Césarée  que  nous  savons 
être  Scherschel ,  et  Rusiccade  dont  les 
ruines  se  voient  encore  au  Râs  Sokay- 
kadah  près  de  Storah;  et  comme  elles 
sont  d'égale  longueur,  c'est  précisé- 
ment au  milieu  de  cet  intervalle  que 
doit  se  trouver  la  colonie  de  Saldes 
fondée  par  Auguste ,  dont  la  position 
a  longtemps  été  un  problème  pour  les 
modernes,  attendu  que  nulle  ville  im- 

(*)  si  l'on  se  résolvait  à  la  chercher, 
avec  Reichard,  dans  l'intérieur  des  terres, 
on  pourrait  alors  plausiblement  l'identifier 
à  la  riyXovv)  de  Ptolémée. 

(**)  L'intérêt  spécial  et  actuel  que  notre 
possession  de  l'Algérie  imprime  ici  à  notre 
sujet,  nous  a  entraîné  à  nous  départir  quel- 
que peu  du  système  de  description  et  de 
narration  rapides  auquel  est  astreint  l'en- 
semble de  notre  travail.  Nous  n'avons  pour- 
tant indiqué  que  les  sommités  de  la  ques- 
tion de  géographie  comparée  que  donne  à 
résoudi*6  rétude  de  cette  côte. 


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r 


AFRIQUE  ANCIENNE. 


portante  ou  ancienne  n'existe  sur  la 
côte,  à  égale  distance  de  Scherschel 
et  de  Storah  ;  le  voyageur  Shaw  sup- 
posa Saldes  à  Bougie,  et  le  grand 
géographe  d'Anviile  la  plaça  à  Tediès  : 
une  inscription  recueillie  à  Bougie  de- 
puis notre  conquête  paraît,  suivant 
l'interprétation  de  divers  savants , 
donner  gain  de  cause  au  voyageur  an« 
glais;  la  voici  : 

SEX.  CORNEUO. 

gEX.  F.   ARM.  DEXTRO. 

PROC.  A8IAE.  IVRIDICO.  ALB 

XANDRE^E.  PROC.  NEASPO 

LEOS.   ET.  MAVSOLEI.  PRAEF. 

CLASSI8.  8YR.   DONIS.   MILITA 

RIB.   DONATO.   A.  DIVO.  HADRI 

ANO.   OR.   BELLVM.  IVDAICVH. 

HASTA.  PVRA.   ET.  VEXILLO. 

PRAEF.  ALAE.  I.    ATG.   GEM.  CO 

LONORVM.  TRIR.  LEG.  TIII.  AVG. 

PRABF.  GOH.  V.  RAETORTM. 

PRAEF.  FABRCH.  III.  PATRONO. 

COLOMIAB. 

P.   BLAESIV8.  FEUX.     G.  LEG.   II.   TRA 

UN.  FORT.   ADFINI.  PIISSIMO. 

OR.  MERTFA. 

«  Â  Sextus  Cornélius  Dexter,  fils  de  Sex- 
fc  tuSy  de  la  tribu  Amienne,  proconsul  d'Asie, 
ce  grand  juge  d'Alexandrie,  procurateur  de 
<c  la  nouvelle  ville  et  du  mausolée,  préfet 
n  de  la  flotte  de  Syrie,  honoré  de  distinc- 
«tions  militaires  par  l'empereur  Adrien 
«  pour  la  guerre  contre  les  Juifs  (savoir) , 
«  d'une  pique  simple  et  d'un  guidon  ;  préfet 
«de  l'Aile  première  Augusta-Gemina  des 
«  colons  ;  tribun  de  la  lé^on  huitième  Au- 
n  guste  ;  préfet  de  la  cohorte  cinquième  des 
«  Rhétiens  ;  trois  fois  préfet  des  ouvriers  ; 
m.  patron  de  la  colonie  :  Publius  Blaesius 
«  Félix ,  centurion  de  la  légion  deuxième 
«  Trajana-Fortis,  à  son  bon  parent,  pour 
«  ses  bienfaits.  » 

C'est  ce  titre  de  colonie  donné  à  la 
ville  sur  l'emplacement  de  laquelle  est 
aujourd'hui  Bougie ,  qui ,  a  défaut 
d'existence  connue  d'une  colonie  autre 
que  Saldes  dans  l'intervalle  où  peut 
s'étendre  Fincertitude  des  critiques, 
a  été  considéré  comme  un  argument 
décisif:  les  deux  routes  conduisent 
donc,  dans  cette  hypothèse,  l'une  de 
Scherschel  à  Bougie,  et  l'autre  de 
Bougie  à  Storah. 

—  De  Césarée  à  Saldes.  —  Après 
Gésarée  vient  immédiatement  la  ville 
latine  de  Tipasa,  représentée  par  la 


177 

moderne  Tefesah,  puis  Casœ  Cal- 
venti  qui  était  peut-être  sur  l'em- 
placement de  QoIe*yah ,  ensuite  la  co- 
lonie ù'IcosioUy  bâtie,  si  l'on  en  croit 
Solin,  par  vingt  compagnons  d'Her- 
cule qui  ne  voulurent  laisser  à  aucun 
d'entre  eux  la  gloire  de  lui  donner  son 
propre  nom  ;  elle  tenait  de  Vespasien 
son  titre  de  ville  latine ,  et  l'on  pense 
qu'elle  occupait  la  place  actuelle  d'Al- 
ger, d'autant  plus  qu'on  y  a  trouvé 
Pinscription  suivante  {*)  : 

L.  SmO.   M.  F.  QVIR. 
PLOGAMIAM. 

ORDO. 
ICOSITANOR. 
M.  SmVS.  SP.   F.  QVIR 
CAECILIANTS 
PRO  FlUO 
PIENT18S1M0 
H.  R.  I.  R. 

«  A  Lucius  Sittius  Plocamîanus  fils  d^ 
«  Marcus,  de  la  tribu  Quirina,  le  corps  mu- 
«  nicipal  des  Icositans  :  Marcus  Sittius  Ce- 
«  cilianus  fils  de  Spurius,  de  la  tribu  Qui- 
«  rina ,  pour  le  meilleur  des  fils ,  après  les 
«  honneurs  reçus,  a  remboursé  la  dépense.» 

On  voit,  après,  Rusgunia,  colonie 
fondée  par  Auguste ,  à  laquelle  appar- 
tiennent ,  dit-on ,  les  ruines  que  Ton 
trouve  un  peu  au  sud  du  cap  Témed- 
fous,  et  d'où  Ton  assure  qu'ont  été 
tirées  diverses  inscriptions  transpor- 
tées à  Alger,  entr'autres  celle-ci  : 

L.  FADIO.  L.   F.  QVIR. 
ROGATa. 

DEC.  AED.  uviR.  ir?ra. 

QQ.  RVSG.  ET.  RVSG. 
GONSISTENTES.  OR. 
MERrrA.  QYOD.  FRV 
MENTVM.  INTVLERrr 
ET.  AMNONAM.  PAS 
8VS.  NON.  SIT.  INCRESCERE. 
AERE.  COLLATO. 

«  A  Liicius  Fadius  Rogatus ,  fils  de  Lu- 
«  cius,  de  la  tribu  Quirina ,  décurion ,  édile, 
«duumvir;  les  duumvirs  quinquennaux 
«  de  Rusgunia  et  autres  présents  à  Rusgu- 
«  nia,  pour  les  services  qu'il  a  rendus  en  fai- 

{*)  Le  texte  de  cette  inscription  offre 
beaucoup  d'incertitude  de  lecture  à  la  pre- 
mière ligne,  ainsi  qu'à  la  fin  de  la  cinquième; 
mais  tout  le  reste  ne  donne  prise  à  aucun 
doute.  Le  nom  quelque  peu  étrange  de  Plo- 
cmndanus  parait  tiré  du  grec  icXoxajioç  (che- 
velure bouclée). 


12*  livraison.  (Afrique  ancienne.) 


12 


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178 


L'UNIVERS. 


d  sant  venir  des  blés ,  et  en  ne  souffrant  pas 
«  que  rapproYisionnement  renchérit  ;  par 
K  souscnptioo.  » 

A  la  suite  paratt  Rusubbicari  dont 
le  nom ,  écrit  aussi  Rousikibar  par 
Ptolémée,  est  quelquefois  accompagné 
de  celui  de  Matidie,  en  Fhonneur  sans 
doute  de  la  princesse  Matidie,  nièce 
deTrajan  etbelle-mère  d'Adrien.  Cisse, 
qui  suit,  avait  le  titre  de  municipe,  et 
Ausuccurum  celui  de  colonie,  oui  lui 
avait  été  donné  par  l'empereur  Claude; 
lomnium  encore  était  un  municipe; 
Rusâzus  ,  jadis  colonie  d'Auguste  , 
était  pareillement  devenu  un  municipe 
au  quatrième  siècle  ;  et  dans  Finter- 
valle  compris  entre  lomnium  et  Ru- 
sâzus la  Table  Peutingérienne  indique 
un  autre  municipe  encore,  celui  de 
Rusippisir. 

—  De  Soldes  à  Rtcsiccade,  —  Pre- 
nant maintenant  la  route  de  Sal- 
des  à  Rusiccade,  on  trouve  pour  pre- 
mière étape  Muslubium,  où  la  Table 
Peutingérienne  nous  avertit  qu'il  exis- 
tait des  Horrea  ou  greniers.  A  l'étape 
suivante  était  le  municipe  de  Coba ,  qui 
occupait  l'endroit  appelé  aujourd'hui 
Manssouryah.  La  moderne  Gygel  a 
succédé  à  la  colonie  d'Igilgilis,  qui 
devait  sa  fondation  à  Auguste.  La  sta- 
tion qui  vient  ensuite  nous  montre 
encore  une  fois  le  nom  de  la  prin- 
cesse Matidie  ;  puis  on  traversait  le 
fleuve  Ampsagas ,  qui  vient  de  Cons- 
tantine ,  et  à  l'embouchure  duquel  le 
bourg  de  Tucca  marquait  la  limite 
commune  de  deux  provinces ,  et  l'on 
arrivait  au  municipe  de  Chullu ,  dont 
le  nom  s'est  conservé  sur  place  jus- 
qu'à nos  jours,  dans  celui  d'El-QoIl. 
Enfin  la  route  aboutissait  à  Rusiccade, 
qui  est  décorée  du  titre  de  colonie 
dans  la  Table  Peutingérienne. 

Route  depuis  Rusiccade  jus- 
qu'à Cabth  âge.— Le  sixième  segment 
de  la  grande  voie  littorale  que  nous 
suivons  nous  conduit  jusqu'à  Hippone 
Royale,  ancien  établissement  carthagi- 
nois, qui  ftit  probablement  eonquw  et 
choisi  pour  capitale  par  le  roi  des  Numi* 
des  Gala,  père  de  Massintssa,  érigé  ea« 
suite  en  colonie  après  la  ee«K|u^  des 
Romains ,  illustré  par  i*épiscopat  de 


saint  Augustin,  détruit  par  les  Vanda- 
les, et  dont  les  ruines  gisent  à  quelque 
distance  au  sud  de  Bone ,  bâtie  de  ses 
débris  par  les  Arabes  ,  et  dont  le 
nom  rappelle  encore  celui  de  la  ville 
antique.  Aucune  des  stations  inter- 
médiaires ne  se  recommande  parti- 
culièrement à  notre  attention. 

Le  septième  segment  arrive  à  Car- 
thage  ;  sur  cette  route  se  montre  d'a- 
bord Thabraca ,  dont  le  nom  s'est 
conservé  sur  plaee  presque  sans  alté- 
ration ,  et  qui  fut  une  colonie  de  ci- 
toyens romains  à  l'embouchure  du 
fleuve  Tusca  ,  limite  alors  entre  la 
Numidie  et  l'Afrique  proconsulaire, 
comme  il  l'est  encore  aujourd'hui, 
sous  le  nom  de  Ouéd-el-Berber,  entre 
l'Algérie  et  la  régence  de  Tunis  ;  puis 
vient  Hippone  -  Diarrhyte  ,  ancienne 
ville  punique  comme  l'autre  Hippone, 
et  royale  aussi  comme  elle ,  au  aire  de 
StraÉon ,  que  l'on  a  taxé  d'erreur  à 
cet  égard ,  sans  prendre  garde  au  voi- 
sinage immédiat  de  Thimida  qui  fut 
la  résidence  du  roi  Hiemsal,  fils  de 
Gulussa  :  Pline  le  jeune  lui  attribue  le 
titre  de  colonie,  peut-être  par  inad- 
vertance ou  par  suite  d'une  méprise , 
car  elle  se  dit  Hbre  sur  ses  monnaies; 
le  surnom  grec  de  Diarrhvte  qu'elle 
devait  aux  eaux  du  lac  à  1  entrée  du- 
quel elle  était  bâtie ,  se  corrompit  par 
la  prononciation  africaine  en  celui  de 
Zaryte,  et  d'HipponeZarite  les  Arabes 
ont  fait  Ben-Zert,  que  nous  pronon- 
çons et  écrivons  aujourd'hui  Bizerte. 
Bientôt  après  se  rencontre  Utique  »  le 
plus  ancien  des  établissements  fondés 
sur  les  plages  africaines  par  les  Phé- 
niciens, et  la  première  des  posses- 
sions romaines  sur  le  territoire  puni- 
que, puis  capitale  de  la  province  con- 
quise ,  dotée  par  Auguste  du  droit  de 
cité  romaine ,  et  s'intitulant  sur  ses 
monnaies  municijnum  JuUum  Uti- 
censé,  réduite  déjà  sous  Adrien  au 
titre  plus  nriodeste  de  colonie ,  qu'elle 
conserve  encore  sur  la  Table  Peutin- 
gérienne, mais  qui  ne  paraît  phis  dans 
lltinéraire,  rangée  parmi  les  villes  la- 
tines par  Septime-Sévère  et  Caracalla; 
on  croit  que  ses  mines  sont  ceHes 
qu'on  aperçoit  aujourd'hui  sous  le  nom 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


d'Abou^Sehâter,  à  trois  lieaes  au  sud- 
ouest  de  Porto-Farina.  Entre  ces  deux 
I>oints  un  village,  appelé  El-Ouqati.par 
es  Arabes ,  conserve  sous  cette  forme 
Je  nom  de  l'ancienne  ville  de  Loktia , 
prise  par  Scipion  au  commencement 
de  la  deuxième  guerre  punique.  Nous 
arrivons  enfin  à  Carthage,  dont  il  vaut 
mieux,  suivant  l'expression  de  Sal- 
luste ,  ne  rien  dire  que  dire  trop  peu. 
Route  depuis  Cabthàge  jus- 
qu'aux  AUTELS    DES  PHILENES.  — 

De  Carthage  à  Thènes,  —  Poursui- 
vons à  l'est  de  Carthage  cette  lonr 
gue  route  dont  nous  avons  déjà  par- 
couru la  plus  grande  moitié  :  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  cette  seconde 
partie  était  divisée  en  trois  segments 
par  les  deux  points  d'arrêt  qu'offraient 
Tbènes  et  L«ptis  la  Grande. 

Au  sortir  de  Carthage  on  rencon- 
trait successivement  deux  villes  du 
nom  de  Maxula,  l'une  surnommée 
PrateSy  dont  il  semble  que  le  village 
actuel  de  Rades  ait  garde  à  la  fois  la 

1>lace  et  le  nom,  l'autre  distinguée  pr 
e  titre  de  cité,  et  dont  la  position 
parait  répondre  à  Hhammâm-el-Enf  ; 
Tune  d'elles  avait  au  temps  de  Pline 
la  qualité  de  colonie;  la  première  re- 
çoit de  Ptolémée  i'épithete  de  Paléa 
ou  ancienne.  La  route  coupait  l'isthme 
au  delà  duquel  est  la  presqu'île  du  eau 
Bon,  pour  arriver  directement  à 
Putput,  représenté  par  la  ville  mo- 
derne de  Hbammâmet;  les  Horrea 
Cœlia  qui  venaient  ensuite,  ont  laissé 
leur  nom  k  Ehraqlyah  ;  Adrumète  , 
chefJieu  de  la  Byzacène,  ville  libre 
d'abord ,  puis  décorée  par  Trajan  du 
titre  de  colonie  et  du  surnom  de  Con- 
cordia  (*),  voit  aujourd'hui  la  ville 

(*)  CetsL  résulte  d'une  inscription  bien 
connue,  de  Tan  3ii,  où  on  lit  : 

eOLONI.  C0I.0iriAB.  CONCO&DIAS. 

VI.PXAB.  TAAIAITAE 

AVGTSTAK.  FRVOXPKRAK.  HADRVMBTIKAB 

Q.  ARiiDlVlC.  VJLLERIVM.  PROCVLVM.  V.  C. 

PRAX8IDB1C  PROYIHCIAB.   BTZACRITAB. 

UBBROS.   POSTBROSQVK.  KXVS 

SIBL  I.IBBRIS.  POSTBRUQVB.  SVIS.  PATROlTTlf. 

coopTAVBRVirT elc. 

«  Les  coloot  de  la  colonie  Concordia  d'Ulpias 
«  Trajaa  Augoste ,  la  féconde  Adrumète ,  oot  choisi 


179 

arabe  de  Sousab  élevée  au  milieu  de 
ses  ruines  ;  celles  de  la  cité  de  Lepti- 
minus  ou  Leptis  la  Petite  gisent  an 
bourg  de  I^mthah ,  et  celles  de  Tus- 
drum,  dont  le  titre  colonial  datait 
sans  doute  du  règne  de  Gordien,  qui 
y  fut  proclamé  empereur,  montrent 
encore  de  beaux  restes  à  Legem.  La 
cité  ou  le  municipe  d'UsuIa ,  ancien 
établissement  de  Locriens-Ozoles  si 
l'on  en  croit  les  scholies  de  Servius,  a 
laissé  quelques  traces  de  son  nom  à  la 
moderne  Inshilla  :  et  le  nom  actuel  de 
Tény  indique  la  place  de  l'ancienne 
ville  libre  de  Thènes,  qui  reçut  de 
l'empereur  Adrien  le  titre  de  colonie 
avec  le  surnom  de  Mercurialis  (*).  On 
voit  que  cette  route  abandonnait  la 
côte  à  Leptis  pour  venir  plus  directe* 
ment  à  Thènes  ;  elle  laissait  ainsi  sur 
la  gauche,  le  long  de  la  mer,  Thapsus 
devenue  fameuse  par  la  victoire  de 
César,  dont  l'emplacement  est  marqué 
au  cap  Dymâs ,  et  la  tour  d' Annibal , 
oîi  le  héros  carthaginois  fit  son  dernier 
adieu  à  la  terre  d'Afrique. 

—  De  Thènes  aux  Autels  des  Phir 
lènes.  —De  Thènes  à  Leçtis  la  Grande, 
la  première  étape  se  faisait  au  municipe 
des  Petites  Macomades,  qui  tirait  son 
nom  des  marécages  salés  du  voisi« 
nage,  ce  mot  de  Macomades  désignant 
en  effet  toujours,  ainsi  qu'il  est  facile 
de  le  vérifier  par  une  étude  attentive , 
ce  que  nous  appelons  aujourd'hui,  avec 
les  Arabes,  une  sebkhah;  plus  loin 
on  atteignait  la  colonie  de  Tacape, 

«  le  clarissime  Quintos  Aradius  Valerius  Proculns  , 
«  goaverpeur  de  la  province  Byzacène ,  se»  enfants 
«  et  descendants  ,  comme  patron  pour  eux  ,  leui'S 
w  enfants  et  descendants  ,  elc.  » 

{*)  Une  inscription  non  moins  connue 
que  la  précédente ,  et  de  la  même  date , 
porte  : 

DRCYRIOHKS.  ST.  COLOIf  I.  COLOHIAB.  AELIAS 
AVOnSTAB.  M&RCVRIALIS.THAENXT.  CVM.  QVIN- 
TO,  ARAOIO.  VALERXO.  PROCVLO.  V.  C  FRAKSXDI 
PROVINC.  VAL.  BTZAC.  HOSPITXVM.  CLISNTE 
LAMQVE.  FECISSEHT.  ,.  .  .  .etC 

t<  Lea  décurions  et  les  colons  de  la  colonie  d'É- 
«  lius  (Adrien)  Auguste,  la  Mercuriale  Thànes ,  au- 
«  raient  fait  contrat  d'hospitalité  et  de  clientèle 
<c  avec  le  clarissime  Quintus  Aradius  Valerius  Pro- 
«  coins  ,  gouTerneur  de  la  province  Valérie  ByiA- 
«cène etc.» 

12. 


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180 


L'UNIVERS. 


dont  la  moderne  Qâbes  conserve  le 
nom,  dépouillé  de  l'article  berber  qui 
le  précède  dans  sa  forme  antique.  On 
traversait  les  municipes  de  Gittis  et 
de  Zita  et  plusieurs  villas,  pour  at- 
teindre la  colonie  de  Sabrata ,  aue  les 
Arabes  appelaient  encore  Santbbartha 
et  Sabart  avant  que  les  mariniers  euro- 
péens en  eussent  fait  Tripoli  vecchio 
ou  le  vieux  Tripoli  ;  après  une  autre 
villa,  on  atteignait  Tancienne  cité  d*Ééa 
ou  £a,  revêtue  désormais  du  titre  de 
colonie,  et  représentée  de  nos  jours 
par  la  grande  ville  de  Tripoli  de  Bar- 
barie; et  après  deux  villas  encore,  on 
arrivait  à  Leptis  la  Grande,  patrie  de 
Septime-Sévère ,  et  qui  dut  sans  doute 
à  cet  empereur  son  érection  en  colo- 
nie ;  son  nom  ne  s'est  point  entière- 
ment effacé  dans  celui  de  Lebedah 
qu'elle  porte  aujourd'hui. 

De  Leptis  aux  Autels  des  Philènes(*), 
nulle  station  n'est  digne  d'être  men- 
tionnée, si  ce  n'est  peut-être  celle  des 
Grandes  Macomades,  pour  rappeler 
qu'elles  désignent  en  effet  une  sebkhah 
très-considérable.  Quelques  traverses 
pouvaient,  entre  certaines  mutations, 
abréger  le  chemin,  ou  remédier  à  l'in- 
terruption accidentelle  de  la  grande 
voie  :  c'est  là  tout  ce  que  nous  avons 
à  en  dire,  et  nous  le  disons  ici  pour 
n'y  plus  revenir. 

A  l'ouest  de  Leptis,  au  contraire, 
les  traverses  et  les  routes  de  Tinté- 
rieur  méritent  une  attention  particu- 
lière, surtout  en  se  rapprochant  de 
Carthage ,  où  est  le  véritable  point  cen- 
tral de  toutes  ces  lignes  de  communi- 
cation. 

Routes  de  l'Intérieur. 

A  l'extrême  occident,  une  route  in- 
térieure, dont  il  ne  nous  est  parvenu 
qu'ime  indication  tronquée,  partait 
probablement  de  quelque  point  de  la 
côte  pour  revenir  a  Tingis  en  passant 

(*)  Nous  avons  fait  remarquer  ailleurs 

3ue  les  Autels  des  Philènes  sont  marqués 
ans  ritinéraire  par  la  dénomination  de 
Bomi,  idesi  arœ,  défiguré  par  les  copistes  en 
BanadedarL  —  Toyez  le  volume  consacré 
aux  lies  de  Pjfrique^  i**'  partie,  p.  3o. 


f)ar  Volubilis,  décorée  du  titre  de  co- 
onie  postérieurement  au  temps  de 
Ptolémée  ;  un  embranchement  qui 
était  tracé  sur  la  feuille  perdue  de  la 
Table  Peutingérienne ,  dont  quelques 
vestiges  défigurés  se  retrouvent  dans 
la  compilation  du  cosmographe  ano- 
nyme de  Ravenne,  passait  par  Babba, 
érigée  en  colonie  par  Auguste,  qui 
lui  donna  le  nom  de  Julia  Campes- 
tris. 

Deux  grandes  voies,  l'une  deCalama 
à  Rusuccurum,  et  de  là  à  Saldes,  puis  à 
Igilgilis,  l'autre  de  Carthage  à  Cesarée 
par  Cirta  et  Sitifis,  se  croisant  toutes 
deux  à  Sufazar,  formaient  une  grande 
ligne  continue,  par  l'intérieur,  entre 
Carthage  et  l'extrémité  occidentale  de 
la  Mauritanie  Césarienne. 

Gb ANDE  BOUTB  DE  CaLAMA  A  IgIL- 
GILIS  PAB  RUSUCCUBUM  ET  SaLDES. 

— Le  première,  celle  de  Calama  à  Ru- 
succurum, traversant  un  pays  sur  le- 
quel nous  n'avons  encore  aujourd'hui, 
malgré  les  intelligentes  reconnaissan- 
ces de  nos  officiers  d'état-major,  que 
des  notions  imparfaites,  il  est  à  peu 
près  impossible  de  déterminer  l'empla- 
cement actuel  d'une  bonne  partie  des 
lieux  par  où  elle  passait.  Le  point 
de  départ  est  lui-même  un  problème 
non  encore  résolu  d'une  manière  satis- 
faisante, puisque  les  uns  l'identifient  à 
Nedromah ,  d'autres  à  un  fort  voisin 
du  Malouyah ,  les  uns  et  les  autres  le 
mettant  ainsi  à  quelques  lieues  dans 
les  terres,  d'accord  en  ceci  avec  la 
position  qu'offrent  les  cartes  de  Pto- 
lémée ;  tandis  que  l'itinéraire  maritime 
des  Romains  semble  en  faire  une  ville 
de  la  côte,  en  énonçant  la  distance  qui 
le  sépare  de  quelques  îles  voisines.  Ce 
n'est  ici  le  lieu  ni  d'examiner  ni  de  ré- 
soudre ces  difficultés.  A  la  quatrième 
étape  on  trouvait  une  station  appelée 
Regix;  c'était  sans  doute  une  rési- 
dence royale  des  anciens  princes  indi- 
gènes ;  d'Anville  supposait  qu'elle  ré- 
pondait à  Telemsên.  Plus  loin  se  ren- 
contraient consécutivement  Castra 
nova  ou  le  nouveau  camp ,  le  Praesi- 
dium, poste  ou  fort  de  Ballene,  Mina^ 
et  le  camp  de  Gadaum;  pour  cette 
partie  de  la  route ,  des  analogies  de 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


181 


dénomination ,  Jointes  aux  conditions 
de  distances,  et  à  la  certitude  acquise 
qu'au  passage  de  la  rivière  Mynah  exis- 
tent les  ruines  d'une  ville  romaine 
qui  représentent  très -bien  celle  de 
Mina  de  Tltinéraire  :  ces  circonstances 
rendent  très-probables  les  synonymies 
géographiques  d'après  lesquelles  on 
placerait  Castra  nova  à  Ma'skarah, 
dont  la  signiBcation  arabe  est  analo* 
gue  à  celle  de  Castra ,  un  camp  mili- 
taire ;  Praesidium  Ballene  à  Qala'h,  dont 
la  signification  arabe  est  pareillement 
analogue  à  celle  de  Praesidium,  un 
poste  fortifié,  un  fort;  puis,  au  delà  de 
Mina,  Gadaùm  castra  à  Téqdemt,  dont 
l'homonymie  est  frappante.  Plusieurs 
étapes  venaient  ensuite,  dont  les  cor- 
respondances modernes  ne  sont  point 
déterminées;  on  y  peut  remarquer, 
échelonnés  de  proche  en  proche,  le 
château  de  Tinsitium  (ou  Tingitanum), 
le  munîcipe  de  Tigauda,  la  colonie 
d'Oppidum  novum  et  le  camp  de  Ti^ava 
au  passage  du  Schélif  ;  après  quoi  on 
rencontrait  Malhana  ,  dont  le  nom 
s'est  conservé  dans  celui  de  Melyânah. 
La  route  se  poursuivait  à  l'est  par  di- 
verses stations  dont  la  position  est 
encore  incertaine ,  mais  parmi  les- 
quelles on  peut  remarauer  le  camp  de 
Tarana-Musa,  le  poste  au  Tamaricetum 
ou  de  la  plantation  de  Tamariscs,  et 
le  camp  de  Rapida,  sans  doute  au 
passage  de  quelque  rivière ,  à  l'un  de 
ces  endroits  appelés  aujourd'hui  Schil- 
lêlah  ou  Gjendel;  et  Ton  atteignait 
enfin,  sur  la  côte,  la  colonie  de  Rus- 
uccurum,  identifiée  avec  Tediès  par 
quelques  géographes. 

De  Rusuccurum  à  Saldes,  la  tra- 
verse de  l'intérieur  passait  par  le  mu- 
nicipe  de  Bida  ou  Bidil ,  et  par  celui 
de  Tubusuptus ,  qui  avait  précédem- 
ment été  une  colonie,  fondée  par  Au- 
guste ,  ainsi  que  l'indique  Pline. 

De  Saldes  à  Igilgilis,  la  route  faisait 
un  coude  assez  prononcé,  vers  la  co- 
lonie de  Sitifis,  dont  le  nom  est  resté 
à  la  moderne  Séthyf ,  et  qui  fut  la  ca- 
pitale de  la  Mauritanie  Sitifîenne;  nous 
y  remarquons  encore  un  municipe, 
celui  de  Sava,  entre  cette  colonie  et 
celle  de  Saldes. 


GbàNDB  BOtTE  DE  CABTHAGB  A 
CÉSABBE  PAB  ClBTA  ET  Sl^IFIS.  — 

De  Carthage  à  Théveste,  —  La  se- 
conde grande  voie  intérieure,  de  Car- 
thage à  Césarée,  était  distribuée  aussi 
en  trois  fractions,  par  les  stations 
principales  de  Cirta  et  de  Sitifis  ; 
et  la  première  fraction  elle-même  , 
de  Carthage  à  Cirta,  se  partageait 
naturellement,  bien  que  l'Itinéraire 
n'en  fasse  pas  mention ,  en  deux  sub'- 
divisions  à  peu  près  égales,  ayant 
leur  point  de  réunion  à  Théveste, 
colonie  romaine  dont  le  nom  est  resté 
avec  peu  d'altération  à  la  moderne 
Tébesah.  La  première  subdivision  fut 
restaurée  sous  Adrien,  en  Tannée  119 
de  notre  ère,  ainsi  que  le  constate 
l'inscription  bien  connue  que  voici  : 

IMP.   CAESAR 

DIVl  NERVAE  MEPOS 

DITI  TRAIANI   PARTHICI  P. 

TRAIANTS  HADRIANYS 

AVG.  PONT.   MAX.  TRIB. 

POT.  VU.  COS.  m. 

yiAM  A  CARTHA6INE 

THEYESTEN  8TRAVIT 

FER  LEG.  ni.   AVG. 

P.  METHJO  SEGVNDO 

LEG.  AVG.  PR.   PR. 

«  L'empereur  et  césar,  petit-fils  du  bien- 
ce  heareux  Nerva ,  fils  du  Dienheureux  Tra- 
«  jan  le  Parthique,  Trajan  Adrien  Auguste, 
«  grand  pontife,  revêtu  de  la  puissance  tri- 
«  bunitienne  j^ur  la  septième  fois ,  consul 
«  pour  la  troisième  fois ,  a  fait  paver  la 
«  route  de  Carthage  à  Théveste  par  la 
«  légion  Troisième-Auguste ,  sous  Publius 
«  Metilius  Secundus ,  lieutenant  impérial 
«  propréteur.  » 

Cette  route  passait  par  Musti ,  dont 
plusieurs  inscriptions  assurent  l'em- 
placement au  villaçe  arabe  de  Sydj- 
*Abd-el-Rabbi;  ensuite  par  Lares,  Laris, 
ou  Laribus  comme  on  disait  dans  la 
basse  latinité  (*),  qui  a  laissé  cette 
forme  au  nom  arabe  actuel  d'El-Orbos, 
ville  déjà  connue  de  Salluste,  et  dé- 
corée du  titre  de  colonie  sans  doute 
par  Adrien ,  comme  on  peut  le  penser 

(*)  «Urbs  Laribus  mediis  surgît  tutisstma  silrîf, 
«  Et  maris  munita  noris,  quos  condidit  ipae 
«  Justiniaons  apex  orbis.  » 

CoRitvE^  Johannide,  Yl^  x43« 


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IM 


L'XJIfïVERS. 


diaprés  cette  inseriptîoù ,  encore  exi»* 
tante  sur  place  : 

DITO 

AirroNiNO 


AYG.  LARES. 

(t  ka  bienheareux  Antonin  César,  la  oo- 
«  loDÎe  £lia  Augusta  Lares.  » 

L'étape  qui  précédait  Théveste  por- 
tait le  nom  d'Ammédéra  et  le  titre  de 
colonie ,  qu'Hygin ,  l'affranchi  d'Au- 
guste et  l'ami  d'Ovide ,  mentionne 
déjà  comme  une  faveur  récente,  et  qui 
réparaît  dans  l'Itinéraire  après  un  ou- 
bli de  près  de  quatre  siècles. 

—  De  Théveste  à  Cirta,  —  La  se- 
conde subdivision ,  entre  Théveste  et 
Cirta,  ne  nous  offre  pas  de  lieu  remar- 
quable; nous  y  devons  signaler  tou- 
tefois de  nouvelles  Macomades,  dont 
le  nom  constate  que  la  route  passait 
auprès,  sinon  au  travers  de  la  longue 
sebkhah  qui  s'étend  du  sud  au  sud-est 
de  Constantine  ;  de  là  on  passait  à  Si- 
gus  (*),  dont  les  ruines  n'ont  d'autre 

(*)  Cette  ville  aurait  eu  le  titre  de  co- 
lonie ,  si  c'est  à  elle  qu'il  faut  rapporter 
rinscriptioD  suivante  trouvée  à  Constan- 
tine : 

M.   AVRELIO  AITTO 

irZVO    CABS.    IMP.    DBS 

TIWATO.    FIUO 

IMP.    CAKS.    DIVI.    M.   AlfTOHI 

iri    PII   OERMAiriCI    S^RMATI 

CI    FIL.    DIVI    COMMODI    FRATRIS 

DIVI   AirrONINI   PII   KEP.    DIVI 

HADRIAlfl   PROITEP.    DIVI    TRA 

lAXri    PARTBIGI   ABITEP.    DIVX 

IfBRVAB    ADITBPOTIS 
I..    SEPTIMI   SEVERI   PERTIITA 
CIS.    AVO.    PARTHIGI   ARABICX 

PARTHIGI    ADIABEZnCI   PRO 

PAOATORK   IMPERIC   POITTIF. 

HAX.    TRÏB,    POT.  T   IMP.  VIII 

G08.    PaOCOS.    FORTISSIMI 

■T   SAHCTISSIMI   PRINCIPIS 

COL.    SIGVITAirOKVlt. 

«<  A  Marc  Aorèle  Antonin ,  césar  et  futur  empe* 

«  reor,  fils  de  l'empereur  et  césar Lucins  Sep- 

«  timius  Sereros  Pertinax  Auguste,  le  parthique  ara- 
«  bique ,  le  parthique  adiabénique ,  Vextensenr  de 
«  l'empire ,  grand  pontife ,  revêtu  de  la  puissance 
«  triboni  tienne  pour  la  cinquième  fois ,  du  titre  de 


mérite  que  d'avoir  été  vlsftéeë  par 
Peyssonnel ,  et  l'on  atteignait  Cfrta , 
peut-être  la  plus  ancienne  et  méme^ 
d'abord  l'unique  ville  bâtie  chez  les  Nu- 
mides, qui  pour  la  désigner  emprun- 
tèrent à  la  langue  des  Carthaginois 
cette  appellation  de  lAUe  (*)  qui  man- 
quait à  leur  vocabulaire,  comme  il  man- 
que encore  à  celui  de  leurs  rejetons  les 
Berbers  de  nos  jours.  Tour  à  tour  ca- 

Sitale  de  Syphax,  de  Massinissa,  de 
licipsa,  d'Adherbal,  de  Juba  le  Jeune; 
chef-lieu  de  la  province  romaine  de 
Numidie ,  elle  fut  érigée  en  colonie 
par  Jules  César,  pour  récompenser  le 
corps  de  partisans  avec  lequel  Publius 
Sittius  Nucerinus  lui  avait  rendu  de 
si  utiles  secours  pendant  la  guerre 
d'Afrique,  et  fut  dès  lors  appelée  Cirta 
Sittianorum  et  Cirta  Julia,  jusqu'à 
ce  qu'au  quatrième  siècle  elle  reçût  le 
nom  de  Constantine  qui  lui  est  resté. 
—  De  Cirta  à  Sitifis.  —  La  frac- 
tion de  route  qui  conduisait  de  Cirta 
ou  Constantine  à  Sitifis  ou  Sétbyf , 
traversait  Mileum  revêtue  du  titre  de 
colonie  dans  la  Table  Peutinçérienne , 
célèbre  par  l'épiscopat  de  saint  Optât 
l'historien  du  schisme  des  Donatis- 
tes ,  et  encore  reconnaissable  aujour- 
d'hui sous  son  nom  arabe  de  My- 
lah  ;  puis  on  atteignait  la  colonie  de 
Cuiculum ,  dont  une  inscription  re- 
cueillie sur  place  paraît  déterminer 
avec  certitude  la  position  à  l'endroit 
même  où  s'élève  aujourd'hui  Gemmy- 
leh ,  vers  le  nord-est  de  Sétbyf;  cette 
inscription  est  ainsi  conçue  : 

TELLVBI  GENETRIGI  RESPVBLICA  CVICVUTANOR. 

TEMPLVH   FEGrr. 
C.   nriJVS  LEPIDV8  TERTVLLV&  LEG.  AVG.   PR. 

PR.   DBDIGAVm 

SniTLAGRyM    DEAE    ACROLITHVM    TI.    lYLITS 

HONORATTS  PONT.  FL.  PP.   DONO  DEDIT. 

«  généralissime  pour  la  huitième  fois,  consul,  pro- 
«  consul ,  puissant  et  inviolable  prince;  la  colonie 
«  des  Siguitains.M  Cette  inscription  (dont  nous  nous 
dispensons  de  traduire  les   indications  purement 

Sénéalogiques)  est  de  l'année  iq8  ,  la  5"  du  règne 
e  Septime  Séyire ,  et  s'adresse  a  son  fils  Garacalla, 
alors  césar. 

(*)  >^m6»  Qertâ,  la  Ville.  Les  Berbers 
ont  de  môme  emprunté  aux  Arabes  leur 
mot  Médynah,  qu'ils  ont  naturalisé  sous  la 
forme  Témdjnt, 


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AFRIQUE  ANCIENNE- 


m 


«  A  la  Terre  génératrice ,  la  république 
a  des  Guiculitains  a  élevé  ce  temple  ;  Caïus 
«  Julias  Lepidus  Tertullus ,  lieutenant  im- 
«  pénal  propréteur,  en  a  fait  la  dédicace  ; 
«  Tiberius  Julius  Honoratus ,  pontife  fla- 
«  Tien,  a  donné,  de  ses  deniers ,  la  statue 
«  de  la  déesse  sur  son  piédestal.  » 

Cuiculum  communiquait  à  la  c6t6 
par  deux  routes  directes,  Fune  sui^ 
Goba  avec  embranchement  vers  Igilgi- 
lis,  l'autre  sur  Tucca  à  l'embouchure 
de  TAmpsagas. 

—  De  Sîtifis  à  Césarée,  —  La  der- 
nière fraction  de  la  grande  route  de 
Carthage  à  Césarée  partait  de  Siti- 
fis,  et  ne  comptait  pas  moins  de  douze 
gîtes  d'étape,  parmi  lesquels  nous 
remarquons  les  noms  de  Perdices , 
Cellas,  Maori,  Auza,  Rapidum,  Caput- 
Cillani,  Sufasar,  et  Aquis. 

Séthyf  d'une  part  et  Scherschel  de 
l'autre  indiquent  les  deux  points  ex- 
trêmes ;  vers  le  milieu  se  trouve,  dans 
le  château  actuel  de  Hamzah,  le  point 
corrélatif  à  Auza,  qu'Ammien  Marcel- 
lin  appelle  Gastellum  Audiense,  et  qui 
porte  le  titre  de  colonie  dans  deux 
inscriptions  recueillies  sur  les  lieux 
mêmes  ;  Tune  est  consacrée 

AYZIO  DBO  GENIO  ET  G0N8ERVAT0R1  COL. 

<c  Au  dieu  d'Auza,  génie  et  gardien  de  la 
«  colonie.  » 

l'autre  trouvera  sa  place  plus  loin, 
dans  le  résumé  topographique  de  l'ex- 
pédition de  Théoaose  contre  Firmus. 
C'était  le  quartier-général  d'un  com- 
mandant de  frontière  que  la  Notice  des 
dignités  intitule  prœposUus  Hmitis 
Andiensis. 

Ces  trois  points  ne  suffisent  pas  pour 
donner  une  idée  générale  de  la  direc- 
tion de  la  route:  car  on  vient  aujour- 
d'hui de  Sélhyf  à  Hamzah  par  les  fa- 
meuses Portes  de  fer  que  les  soldats 
français  ont  franchies ,  tandis  que  la 
voie  romaine  contournait  par  le  sud 
les  montagnes  dans  lesquelles  est  ou- 
vert ce  périlleux  défilé.  Un  Qassr  elr\ 
Thàyr  ou  Château  des  Oiseaux  répon-, 
drait  bien  par  sa  dénomination  a  la 
station  de  Perdices^  si  la  condition  de. 
distance  était  mieux  remplie.  Le  nom^ 
de   Cellœ  indique  suffisamment  des> 


magasins,  mais  Templai^ement  en  est 
encore  ignoré.  Mac|qarah ,  lieu  de  nais- 
sance du  célèbre  historien  arabe  Sche- 
hâb-el-Dyn  Ahhmed  el-Maqqary,  re- 
présente très-bien  le  Macri  de  rltiné- 
raire.  La  route  qui ,  pour  arriver 
jusque-là  ,  avait  tiré  au  sud-ouest, 
reprenait  ensuite  au  nord  pour  gagner 
Auza. 

Entre  ce  dernier  point  et  Césarée , 
le  nom  de  Rapidum  indique  une  de 
ces  chutes  d'eau  que  les  indigènes  ap- 
pellent aujourd'hui  Schillélah,  et  dont 
plusieurs  sont  marquées  sur  les  cartes^ 
dans  ces  cantons.  Le  Caput-dUani 
désignait-il  un  poste  établi  à  la  source 
d'un  fleuve  Cillanus?  On  pourrait  le 
croire  :  un  commandant  de  frontière, 
prsepositus  Hmitis  Caput-CellensiSj  y 
avait  ses  quartiers;  et  les  montagnes 
situées  au  delà  portaient  le  nom  de 
mont  TranS'Cellensis ;  peut-être  était- 
ce  celles  de  Tythery.  A  Sufazar  se  trou- 
vait le  point  d^intersection  de  la  route 
de  Sitins  à  Césarée  avec  celle  de  Cala- 
ma  à  Rusuccurum  ;  puis  on  passait  à 
AquiSy  c'est-à-dire  à  un  établissement 
thermal  destiné  au  soulagement  des 
malades  et  des  blessés;  et  l'on  n'avait 
plus  qu'une  étape  pour  arriver  à  Cé- 
sarée. La  position  de  ces  thermes, 
ainsi  que  celle  de  Sufazar,  n'a  point 
encore  été  déterminée  avec  quelque 
assurance  :  le  voyageur  Shaw,  qui  con- 
naissait bien  le  pays ,  avait  désigné 
Hhammâm-Merghah  comme  représen- 
tant plausiblement  les  Aquœ  de  l'Iti- 
néraire. 

Grande  boute  de  Thèwes  a  Sal- 

DES  PAB  THÉVESTET  LaMBÈSE  ET  Sl- 

TiFis.  —  La  grande  voie  que  nous 
venons  de  parcourir  était  coupée  car- 
rément à  Sitifis  par  une  autre  ligne 
importante  conduisant  de  Thènes  à 
Saldes  par  Théveste ,  Lambèse  et  Si- 
tifis. 

Cette  ligne  se  compose  de  divers 
fragments,  qui  sont  présentés  dans  l'I- 
tinéraire en  cet  ordre  :  route  de  Sitifis 
à  Saldes,  route  de  Lambèse  à  Sitifis, 
route  de  Théveste  à  Sitifis  par  Lambè- 
se, et  plus  loin,  route  de  Thènes  à 
Théveste  ;  nous  aimons  mieux  les  exa- 
miner dans  l'ordre  inverse,  qui  moti- 


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184 


L'UNIVERS. 


tre  plus  clairement  comment  ces  frag- 
ments s'ajustent  bout  à  bout. 

—  Depuis  Thènes  Jusqu'à  Théveste, 
—  La  route  de  Thenes  à  Théveste , 
après  avoir  traversé  Autentum,  ou  Au- 
tenti  comme  on  le  trouve  dans  les 
vers  de  Corippe  (*),  passait  par  Suf- 
fétula ,  lieu  important  par  le  croise-> 
ment  des  diverses  voies  auxquelles  elle 
offrait  ainsi  un  centre  commun ,  et 
dont  les  ruines  présentent  encore 
d'assez  beaux  restes  de  trois  temples , 
et  d'un  arc  de  triomphe  dédié  à  An- 
tonin ,  sur  lequel  Peyssonnel ,  Shaw, 
et  Grenville  Temple  ont  lu  quelques 
mots  épars  d'une  dédicace  que  nous 
croyons  pouvoir  rétablir  ainsi  dans 
son  entier  : 
iMP.  càesàri  divi  hadriani  aug.  fil.  divi 

TRAIANI  PARTHICI  NEP.  DIVI  NERVAE  PRONEP, 
TITO  AEUO  HADRIANO  ANTONINO  AVG.  PIO 
PONT.  MAX.  TRIB.  POT.  COS.  II.  PP  ORDO  ET 
POPVLVS  SVFFETVLENSIVM  (ARCVH?)  HANG 
EDIFICAVERVNT  EX  DD.   PP. 

«  A  rempereur  et  césar  fils  du  bienhea* 
«  reux  Adrien  Auguste ,  petil-fils  du  bien- 
«  heureux  Trajan  le  Parthique,arrière-petit- 
«  fils  du  bienheureux  Nerva ,  Titus  Elius 
n  Hadrianus  AntoninusAugustus  Plus,  grand 
«  pontife ,  revêtu  de  la  puissance  tribuni- 
«  tienne ,  consul  pour  la  seconde  fois  (**) , 
K  père  de  la  patrie  ;  le  corps  municipal  des 
«  Suffétulans  a  élevé  cet  arc;  par  décret 
«c  des  décurions ,  des  deniers  publics.  » 

Le  nom  de  Suffétula  se  retrouve 
presque  intact  dans  celui  de  Sobey- 
thalab  que  porte  aujourd'hui  la  ville 
arabe  élevée  au  milieu  de  ces  ruines. 
Après  Suffétula  on  trouvait  Cilium  , 
obscur  dans  les  géographes,  mais  dont 
les  ruines,  éparses  auprès  du  village 
actuel  deQassryn,  montrent  encore  de 
grands  tombeaux,  et  un  arc  de  triomphe 
avec  une  inscription  qui  constate  que 
ce  lieu  avait  été  décoré  du  titre  de 
colonie  : 

COLONUE  OLITANAE 
Q.  MANLIV8  FELIX  C.  FILIVS  PAPIRIA  RECEPTVS 
POST    ALIA    ARCVM    QVOQVE    CVM    IN81GN1BVS 

GOLONIAE 
SOUTA  IN  PATRIAM  LIBER ALITATE  EREXIT 

<t  A  la  colonie  Cilitaine,  Quintus  Manlius 

{*)  «  Te  Autenti  sacvos  mactantes  vHlerat  hostes.  » 

CoRipPE,  Johannide,  II[,  319. 
{!'*)  En  laiinée  139  de  notre  kiç. 


ft  Félix  Réceptosy  fils  de  Calos,  de  la  tribu 
«Papiria,  outre  d'antres  monuments ,  a 
«  aussi ,  avec  sa  libéralité  accoutumée  en- 
«  vers  sa  patrie ,  élevé  cet  arc  décoré  des 
«  insignes  de  la  colonie,  etc.  » 

—  Depuis  Théveste  jusqu'à  Lamr 
hèse.  —  Sur  la  roule  de  Théveste  à  Si- 
tifîs,  le  point  important  était  celui  de 
Lambèse,  dont  la  synonymie  géographi- 
aue  est  bien  connue  par  les  vérifications 
de  Peyssonnel  et  par  la  visite  récente 
d'un  jeune  prince  au  milieu  de  ses 
ruines,  où  subsistent  de  nombreuses 
inscriptions,  qui  constatent,  aussi  bien 
qu'une  annotation  spéciale  de  Ptolé- 
mée  (*),  que  c'était  une  colonie  de  la 

(*)  Il  existe  généralement,  dans  la  ma- 
nière dont  cette  annotation  est  entendue 
par  les  éditeurs  de  Ptolimée  et  par  les  des- 
sinateurs de  ses  cartes,  une  erreur  trop 
grave  pour  que  nous  ne  regardions  pas 
comme  un  devoir  de  la  relever  ici,  surtout 
au  moment  où  la  petite  édition  grecque  de 
M.  Nobbe  (destinée,  par  son  mérite  aussi 
bien  que  par  la  modicité  de  son  prix  et  la 
netteté  de  son  exécution,  à  une  circulation 
très-étendue)  rend  cette  erreur  plus  sensible 
encore  par  une  coupure  mal  placée.  On 
nous  pardonnera  cette  digression,  à  cause 
de  rintérét  qui  s'attache  à  toutes  les  ques- 
tions de  géographie  ancienne  relatives  au 
territoire  de  l'Algérie. 

Ayant  à  énumérer  les  villes  intérieures  de 
la  province  d'Afrique,  Ptolémée  les  distribue 
en  quatre  séries  principales  :  1°  entrée  fleuve 
Ampsagas  et  Thabraca  ;  a"  entre  lliabraca 
et  le  fleuve  Bagradas  ;  3°  entre  le  fleuve  Ba- 
gradas  et  le  fleuve  Triton  ;  4°  entre  les  deux 
Syrtes;  et  il  subdivise  la  première  et  la 
troisième  de  ces  quatre  séries  principales 
en  deux  séries  secondaires  cbacune,  savoir  : 
la  3'  en  villes  soumises  à  Cartbage  et  villes 
soumises  à  Adrumète  (ce  qui  revient  à  la . 
division  bien  connue  de  la  Zeugitane  et  de 
la  Byzacène)  ;  et  la  i'*,  dont  nous  voulons 
parler  spécialement  ici,  en  villes  des  Gir^ 
tésiens  et  villes  de  la  Numidie  Nouvelle. 

Les  éditeurs  ne  paraissent  point  s'être 
rendu  compte,  autant  qu'il  était  nécessaire, 
de  cet  arrangement,  et  ils  ont  fait  ressortir 
d'une  manière  uniformQ  les  titres  des  sub- 
divisions aussi  bien  que  ceux  des  divisions 
principales  ;  -bien  plus,  l'annotation  qui  suit 
le  nom  de  Lambèse,  ils  l'ont  prise  aussi 
pour  un  titre  applicable  aux  villes  dénom- 


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AFRIQUE  ANOENNE. 


185 


légion  lYaisiême-Juguste,  qui  fut, 
depuis  la  conquête,  constamment  af- 
fectée à  la  garde  de  l'Afrique  :  cette 
circonstance,  et  la  multiplicité  des 
routes  tracées  à  l'entour,  nous  fournit 
une  indication  très-digne  de  remarque 
sur  le  système  d'occupation  et  de  dé- 
fense adfopté  par  les  Romains  en  cette 
région  :  c'est  à  vingt  lieues  au  sud  de 
Constantine  qu'ils  avaient  porté  le 
noyau  de  leurs  forces  militaires,  te- 
nant ainsi  en  échec ,  entre  la  côte  et 
le  cordon  des  frontières,  les  indigènes 
subjugués,  et  circulant  librement  sur 
leur  territoire  au  moyen  des  routes 
dont  ils  l'avaient  sillonné  :  ce  sytème 
ne  paraît  pas  encore  avoir  été  assez 
clairement  aperçu  ni  médité. 
Avant  d'arriver  à  Lambèse  on  passait 

mées  ultérieurement  jusqu'au  titre  suivant  ; 
si  bien  que  la  dernière  édition  grecque , 
stéréotypée  à  Leipzig,  porte  même  : 
§  29.  NoujAiôioç  véctç' 

•  ••• • •••• 

Aàjiêaiffa.  . . .  TÔ  XT 

§  30.  AEYeCwv  TpCiY)  veScurcfi 

6ou6ovnç. . .  x.T.  X. 
et  les  cartographes  ont  en  conséquence 
tracé  la  limite  de  la  Numidie  Nouvelle  au- 
tour des  villes  énumérées  sous  cette  rubri- 
que jusques  et  y  compris  lambèse,  laissant 
en  dehors  les  vUles  dénommées  après ,  com- 
me si  elles  composaient  une  subdivision 
spéciale  affectée  à  la  légion  Troisième-Au- 
guste. 

On  ne  s'est  point  aperçu  :  i®  en  la  forme, 
que  si  Tannotalion  qui  suit  le  nom  de 
AàpL6ai<ra  eût  constitué  un  nouveau  titre 
corrélatif  à  ceux  de  KipTYjerCwv  et  de  Nou- 
(ttÔMtç  véaç ,  il  aurait  fallu  lire  Aeytovoç  xpi- 
TTjç  ffsêofcm^ç  au  génitif,  au  lieu  du  nomi- 
natif qui  dénote  une  fonction  explétive  à 
regard  du  nom  qui  précède;  a"  au  fond, 
que  les  inscriptions  ont  constaté  le  canton- 
nement de  la  légion  Troisième- Auguste  à 
Lambèse,  et  qu'en  outre  Ptolémée  lui- 
même  a  bien  expliqué  l'étendue  qu'il  en- 
tend donner  à  la  Numidie  Nouvelle  à  l'est 
des  Cirtésiens  jusqu'à  Thabraca,  quand  il 
place  les  lontiens  tcatà  -n^v  NoupiiSiav  t^v 
XQcl  Neav  èwap/tav  piéxpi  0aêpaxYiç.  Les 
douze  villes  qui  «suivent  l'annotation  doivent 
donc  être  comprises,  aussi  bien  que  les 
onze  qui  précèdent,  dans  la  circonscription 
de  la  nooiTelle  provinoe  de  Numidie. 


à  Thamugadis,  dont  le  titre  colonial, 
qu'elle  paraît  avoir  reçu  de  Trajan,  ne 
nous  est  révélé  que  par  cette  inscrip- 
tion tumulaire  : 

D.      M. 

L.  AELI.  PERPETVI 

LEGATIONS  PVNCTI 

PATRIAE  SVAE  COLONI 

AE  VLPIAE  THAMVCA 

DB  EX  MVMIDIA. 

FECRRVNT 

AEUI  TERTIV8  ET  COMA 

FILII  LEVCADIO. 

€  Aux  mânes  de  Lucius  Elius  Perpetuus, 
«  qui  avait  rempli  les  fonctions  d'envoyé  de 
«  sa  patrie,  la  colonie  Ulpia  Thamucadis  en 
«Numidie;  fait  par  Tertius  et  Coma  fils 
«  d  Elms  Leocarliiifi.  u 


«  d'Elius  Leocadius.  » 

—Depuis  Lambèse  jîisgu'à  Saldes. 
—  De  Lambèse  la  route  se  continuait 
vers  Sitifis  en  passant  par  Diana,  ap- 
pelée auiourd'hui  Zanah,  et  qui  était 
un  établissement  de  vétérans,  ainsi 
qiie  l'indique  suffisamment  le  nom  de 
Diana  Veteranorum  qui  lui  est  donné 
ailleurs  dans  l'Itinéraire  ;  sur  un  arc 
de  triomphe  en  ruines  se  lit  encore 
cette  inscription  : 

WP.  CAE8.  M.  SEVEROPIO  FEUCI  AVG.  PONT. 
MAX.  TRI.  POT.  PR0VIDENTI58IM0  ET  SANC- 
TISSIMO  PRINGIPI.  ET  ANTONINO  N0B1LIS8IM0 
CAESARI  PRIKaPI  IVYENTVTI8.  DIANENS.  EX 
DEGRETO  DD.  PP. 

«  A  Tempereur  et  césar  Marcus  Seyerus 
«  Plus  Félix,  auguste,  grand  prêtre,  revêtu 
«  de  la  puissance  tribunitienne,  prévoyant 
«  et  inviolable  prince  ;  et  à  Antonin  très- 
K  noble  césar  et  prince  de  la  jeunesse  ;  les 
«Dianais,  par  décret  des  décurions,  des 
«  deniers  publics.  » 

Une  autre  route  pouvait  conduire 
de  Théveste  à  Diana  sans  passer  par 
Lambèse,  mais  il  y  avait  communica- 
tion de  Tune  à  l'autre  voie  ,par  une 
traverse  entre  Lambèse  et  le  Vicus 
Aurelii.  On  pouvait  aussi,  à  volonté, 
aller  de  Lambèse  à  Sitifis  sans  passer 
par  Diana,  soit  en  prenant  à  droite 
par  Taduttis  dont  le  nom  est  resté  à 
Tattubt,  soit  en  prenant  à  gauche  par 
Lamasba  dont  le  nom  se  retrouve  en- 
core dans  celui  de  Lamaza,  et  en  al- 
lant, par  Zarai  qui  est  aujourd'hui  re- 
présenté par  Zéryah,  rejoindre  Perdi- 
ces  ;  mais  Diana  communiquait  diree^ 


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m 


t'UNiVERS. 


teroent  d'un  câté  avec  Taduttls  et  de 
Tautre  avec  Lamasba. 

Enfin  de  Sitifîs  on  gagnait  Saldes, 
soit  en  droiture ,  soit  en  passant  par 
le  municipe  de  Tubusuptus. 

— Autres  communications  deLam- 
hèse  avec  Théveste  et  avec  Cirta. 

—  De  Lambèse  se  détachait  vers  le 
sud  une  route  qui  revenait  ensuite  au 
nord  vers  Théveste  ;  le  point  le  plus 
avancé  du  côté  du  désert  était  sans 
doute  Badias  dont  le  nom  et  la  posi- 
tion paraissent  se  rapporter  au  Heu 
due  les  Arabes  appelèrent  plus  tard 
Bâdys  de  Zâb;  c^est  là  qu^avait  son 
quartier -général  le  commandant  de 
frontière  désigné  dans  la  Notice  des 
dignités  sous  le  titre  de  prsepositus 
limitis  Bazensis.  Parmi  les  stations 
intermédiaires,  celles  qui  portent  les 
dénominations  de  Jquas  Herculis  et 
ad  Piscinam  désignent  probablement 
des  établissements  thermaux,  dont  le 
dernier  est  peut-être  représenté  par  le 
Qala't-el-  Hhammâm  des  Arabes. 

Une  route  partait  également  de 
Lambèse  vers  le  nord ,  pour  aboutir 
directement  à  Cirta,  en  passant  par 
une  station  ad  Rotam  qui  semble  in- 
diquer un  moulin  à  eau,  et  par  le  La- 
cas Regius  représenté  sans  doigte  par 
la  grande  sebkhah  allongée  qui  couvre 
une  vaste  plaine  dans  le  sud  et  le  sud- 
est  de  Constantine,  et  que  nous  avons 
déjà  ^rencontrée  sous  le  nom  de  Maco- 
mades,  entre  Théveste  et  Cirta,  sur 
la  grande  voie  de  Garthage  à  Gésa- 
rée. 

Routes  de  Gakthage  a  Cïbta, 
PAK  Vatabum,  et  par  Hipponb. 

—  Route  par  Vatarum^  —  On  pou- 
vait se  rendre ,  par  un  chemin  plus 
direct ,  de  Garthage  à  Cirta ,  en  pre- 
nant à  Musti  un  embranchement  qui 
conduisait  d'abord  à  Sicca-Yénéria , 
que  Ton  croit  un  établissement  ori- 
ginairement punique,  devenue  une  co- 
lonie romaine  dès  avant  Ténoque  de 
Pline,  et  remplacée  aujoura'hui  par 
la  ville  arabe  d'El-Kéf,  où  se  voit  en- 
core rinscription  suivante  : 

vicTom 

CBMTUBIONI 
LEGIONAAIO 


EX.  EQVITB 

ROMÂNO 

OB  MVNIFI 

GEifTIAM  OBDO     , 

SIOCENfflVM 

cm  ET  Ca^DECVRIOMl 

DD.     PP. 

«  A  Victor,  centurion  légionnaire ,  ex- 
«  chevalier  romain ,  à  raison  de  sa  manifi- 
«  cence;  le  corps  municipal  des  Siccéens  à 
«  leur  concitoyen  et  co-décarion  ;  par  dé* 
«  cret  des  décurions,  des  deniers  publics.  » 

On  traversait  ensuite  Naraggara, 
sous  les  murs  de  laquelle,  et  près  de 
Killa,  fut  livrée  cette  bataille  fameuse 
où  Scipion  vainquit  Annibal,  et  que 
les  modernes  appellent  invariablement 
bataille  de  Zama,  par  une  de  ces  con- 
fusions si  communes  dans  les  dési- 
gnations de  ce  genre;  une  commnni* 
cation  directe  était  établie  de  Narag- 
gara  à  Hippone-Royale  par  Tagaste , 
patrie  de  saint  Augustin.  Plus  loin  on 
trouvait  Tipasa,  représentée  par  la 
moderne  Tyfêsch,  d'où  se  détachait 
un  embranchement  sur  Hippone-Roya- 
le; à  Tipasa  on  avait  à  choisir,  pour 
gagner  Cirta,  entre  la  route  de  droite 
par  Tibilis,  ou  la  route  de  gauche  par 
Sigus.  Il  existait  en  outre  ,  pour  aller 
de  Musti  à  Cirta,  une  troisième  route 
tracée  entre  les  deux  premières  et  com- 
muniquant avec  Tune  et  l'autre  par  quel- 
ques traverses;  elle  passait  à  Vatarum 
ou  Cellas  Vatari  qui  a  trouvé  place  dans 
les  vers  de  Corippe  (*),  à  Tigisis  qui  a 
laissé  son  nom  à  la  moderne  Teghzeh, 
et  enfin  à  Sigus^  d*où  l'on  arrivait  à 
Cirta;  mais  on  pouvait,  à  volonté, 
poursuivre  son  chemin  en  droiture  de 
Sigus  à  Sitifis,  et  continuer  même  au 
delà  vers  quelques  points,  dont  le  seul 
connu  est  Tubuna,  qui  se  retrouve 
dans  la  ville  arabe  de  Tbobnah,  et  qui 
était  le  quartier-général  du  prœposi^ 
tus  limitis  Tubuniensis. 

—  Route  par  Hippone.  —  Il  existait 
encore  une  autre  route  de  Cirta  à  Gar- 
thage :  par  Hippone-Royale.  On  arrivait 
d'abora  de  Cirta  à  Hippone  soit  par  Ru- 
sicade,  soit  un  peu  plus  directement  par 

(*)  Voir  ci-après,  pag«  a5o,  note  (*),  cê 
que  nous  disons  de  ce  lieu. 


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AFRIQUE  AJVCIENNE. 


m 


JeS  Jgusé  TibÙitànae,  que  l'on  croit  cor- 
respondre aux  Hhammâm  el-Berda'  de 
nos  jours,  A'Hippone  à  Carthage,  les 
|}remlères  étapes  pous  montrent  en 
premier  lieu  des  Jquœ  désignant  ici , 
comme  dans  tous  les  cas  semblables  ^ 
tin  établissement  thermal  public;  puis 
la  colonie  de  Simittu^  qui  parait  avoir 
laissé  son  nom  à  remplacement  où  le 
roi  de  Tunis ,  au  commencement  du 
seizième  siècle,  bâtit  la  ville  de  'Ayn- 
Samniit,  bientôt  après  ruinée  par  les 
Bédouins  ;  ensuite  BuUa^  qui  dans  le 
premier  siècle  avait  été  la  ville  royale 
du  numide  Hiarbas  le  compétiteur  de 
Hiemsal,  et  qui  était  bâtie  au  milieu 
d'une  campagne  fertile  vantée  par 
saint  Augustin  et  Procope,  et  connue 
des  Arabes  sous  le  nom  de  Fahhss 
BoII.  Le  reste  de  la  route  n'offre  plus 
Qu'une  série  de  stations  obscures 
échelonnées  à  des  distances  assez  rap- 
prochées, le  long  du  Bagradas. 

Routes  de  Tacàpe. — Z)e  f^atarum 
à  Tacope.  —  De  Vatarum  une  route 
conduisait  parThéveste  et  Télepte  jus- 
qu'à Tacape.  Elle  n'offrait,  dans  sa  pre- 
mière partie,  aucun  nom  à  mettre  en 
saillie;  dans  la  seconde  se  rencontrait, 
comme  unique  station  intermédiaire,  le 
château  d'Ubaza,  où  aboutissait  aussi 
Tune  des  branches  de  la  route  de  Ba- 
dias.  La  troisième  partie  seule  offre  de 
l'intérêt.  B'abord  c'était  Télepte  même, 
que  la  Table  Peutingérienne  décore  du 
titre  de  colonie  ;  puis  Gapsa,  dont  les 
traditions  héroïques  attribuaient  la 
fondation  à  Hercule,  fameuse  par  l'ex- 
pédition de  Marins,  ville  libre  à  l'épo- 
que de  Pline,  colonie  au  temps  de  la 
rédaction  de  la  Table  Peutingérienne, 
et  décorée  de  monuments  dont  il  reste 
à  peine  quelques  inscrintions  et  quel- 
ques débris  enchâssés  aans  les  cons- 
tructions ultérieures  des  Arabes ,  qui 
lui  conservent  le  nom  de  Qafssah  ;  puis 
les  Jquœ  Tacapitanœ,  que  l'on  retrou- 
ve à  Hammam  près  de  Qâbes.  De  Té- 
lepte et  de  Gansa,  deux  routes  jumel- 
les bientôt  réunies  en  une  seule  se 
détachaient  au  sud  pour  regagner  Ta- 
cape après  avoir  contourné  au  midi  la 
grande  lagune  salée  qu'on  appelle  aur 
jourd'hui  El-Sebkhah-el-'Aoudyeh,  et 


dont  nous  supposons  que  Ptolémée 
avait  fait  son  marais  Libya  :  les  noms 
de  Praesidium,  de  Prœtorium,  de  Tur- 
resy  de  Spéculum,  indiquent  assez  que 
la  frontière  était  peu  sûre ,  et  qu  on 
avait  pris  ses  précautions  pour  com- 
muniquer de  ce  côté  avec  Thiges,  Tw 
suros,  Nente,  que  représentent  au- 
jourd'hui Téqyous,  Touzer  et  Nef- 
tbab. 

—  De  Tacape  à  Leptia.  —  De  Ta- 
cape une  route  intérieure  se  ren- 
dait à  Leptis  la  Grande  le  long  des 
frontières  tripolitaines  ;  elle  passait 
par  les  Jquœ  que  nous  avons  oéjà  si- 
gnalées, et  s'enfonçait  ensuite  dans  les 
terres  en  traversant  des  lieux  aujour- 
d'hui inconnus,  à  une  profondeur  in- 
déterminée; des  géographes  ont  pensé 
^ue  la  ville  reculée  de  Cydamus  ,  la 
moderne  Ghadâmes,  mentionnée  seu- 
lement par  Pline  et  Procope,  pourrait 
se  trouver  cachée  sous  quelqu'un  de 
ces  noms  barbares;  nous  n osons  le 
croire.  Peut-être  le  village  actuel  de 
Télémin  conserve-t-il  quelque  ves- 
tige du  nom  de  la  Turris  TamaUeni 
et  é\i  Limes  ThamaUensis;  Bézéréos, 
Thabalati,  Thémélami,  Tillabari  que 
Corippe  a  enchâssé  dans  ses  vers  (*), 
Talalati,  paraissent  désigner  les  quar- 
tiers où  résidaient  les  commandants 
ou  prévôts  de  frontières  que  la  Notice 
des  dignités  de  l'Empire  étiumère  sous 
les  noms  de  Bizereutani,  Tablatensis, 
Thamallomensis,  Tillibarensis,  Secun- 
danorum  in  castris  Tillibarensibus,  et 
Talalatensis,  les  uns  sous  les  ordres 
du  comte  d'Afrique,  les  autres  sous  les 
ordres  du  duc  de  la  Tripolitaine.  Entre 
cette  route  et  celle  du  littoral,  une  toute 
intermédiaire  partant  de  Tacape  en 
tirant  vers  Sabrata  et  traversant  le 
fleuve  Ausere ,  est  indiquée  en  partie 
dans  la  Table  peutingérienne. 

—  De  Musti  à  Tacape,  —  On  ar- 
rivait encore  à  Tacape  par  une  autre 
route  intérieure ,  se  séparant  à  Musti 
de  la  grande  voie  de  Carthage  à  Cé- 

(*)  M  Nec  cessant  populos  infaasti  mittftre  eampi 
«  Qaos  Talantœis  nutrix  suscepit  ab  arvis 
«  Tillibaris,  junotisque  maris  distendit  arenis 
«  Martamali  genitrix.  » 

CoKirvE ,  Johannide,  II,  78^. 


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tss 


L'UNIVERS- 


sarée  par  Théveste  et  Cirta;  on  ve- 
nait d'abord  à  Assura ,  dont  l'em- 
placement est  déterminé  par  les  ruines 
qui  portent  aujourd'hui  le  nom  de 
Zanrour  et  au  milieu  desquelles  se  lit, 
sur  une  porte  triomphale,  l'inscription 
suivante  : 

DIVO  OPimO  8EVER0  PIO  ÀVfî.  ARAB.  PART. 
ADIAB.  MAX.  ET  IMP.  CAE8ARI  AVREUO  ANTO« 
NINO  PIO  AVG.  FEUa  PART.  MAX.  BRIT.  MAX. 
GERM.  MAX.  PONT.  MAX.  FIL.  TRIB.  POT.  XVIII. 
IMP.  in.  COS  IIU.  PP.  PR0G08.  OPTIMO  MAX!» 
MOQVE  PRINCIPI.  ET  IVUAE  DOMNAE  PlAE  PER- 
TiNAa  AVG.  MATRI  AVG.  ET  GASTRORVM  ET 
SENATVS  ET  PATRIAE.  GONIVGI  DIVI  SEVERI 
AYG.  PU  COL.  IVL.  ASSVRA  DEVOTA  KTMWI 
EORVM     DDD.   P. 

«  Au  dieu  bienfaisant  Severus  Plus,  Au- 
«  guste ,  l'Arabique ,  le  Partbique ,  le  grand 
«  Adiabénique  ;  et  à  l'empereur  et  césar 
«  Aurélius  Antoninus  Pius  Augustus  Félix, 
«  le  grand  Partbique,  le  grand  Britannique, 
«  le  grand  Germanique,  grand  |)ontife ,  son 
«  fils ,  revêtu  de  la  puissance  tribunitienne 
«  pour  la  xviii*  fois,  généralissime  pour  la  , 
«  m*  fois,  consul  pour  la  iv*  fois  (*) ,  père 
«  de  la  patrie,  le  meilleur  et  le  plus  grand 
(c  des  princes  ;  et  à  Julia  Domna  Pia  Perti- 
«nax  Augusta,  mère  de  l'empereur,  des 
«  armées,  du  sénat  et  de  la  patrie,  épouse 
(c  du  bienheureux  Sévère  Auguste.  Pius ,  la 
«  colonie  Julia  Assura,  dévouée  à  leur  divi- 
«  nité,  a  élevé  ce  monument,  dédié  par 
«  décret  des  décurions.  » 

Les  ruines  de  Mahhdher  Aouléd 
'Ayâr  sont  moins  explicites  pour  la  dé- 
termination de  la  correspondance  de 
ce  lieu  avec  l'ancienne  Tueca  Téré- 
benthina ,  qui  venait  après  Assura  ; 
Sufes,  qui  suivait,  est  représentée  par 
la  moderne  Esbybah.  Bientôt  on  attei- 
gnait Suffétula,  et  l'on  arrivait  à  Ta- 
cape  à  travers  quelques  stations  moins 
connues. 

Diverses  routes  passant  par 
Aquas  Regias.  -^  La  route  ci-dessus 
était  coupée  à  angle  droit  par  celle  de 
Tysdrus  à  Théveste,  sur  laquelle  se  trou- 
vaient Jquœ  Regix,  d'où  l'on  gagnait 
ensuite  Suffétula.  Les  ^équœ  Regiœ  se 
rencontraient  également  sur  la  route 
d'Adrumète  à  Suffétula ,  de  même  que 
sur  celle  de  Sufes  à  Adrumète,  et  enfin 

(*)  Ces  chiffres  se  rapportent  à  l'an  ax3 
de  noU«  ère. 


sur  une  autre  route  encore  de  Tysdrus 
à  Théveste  par  ZamaRegia,  Assura,  et 
Auiniédéra  :  celle-ci ,  tracée  unique- 
ment sur  la  Table  Peutingérienne,  est 
importante  en  ce  qu'elle  sert  à  déter- 
miner avec  assurance  la  position  de 
Zama,  plus  célèbre  par  1  application 
erronée  de  son  nom  a  la  fameuse  ba- 
taille oùScipion  vainquit  Annibal,  que 
par  les  faits  réels  de  son  histoire  ;  le 
titre  de  colonie  lui  fut  probablement 
accordé  par  l'empereur  Adrien,  ainsi 

au'on  en  peut  juger  par  le  fragment 
'inscription  que  voici  : 

COLONI  COLONIAE  AELUB  HADRIANAE  AVG. 

ZAMAE  REGIAE 

Q.   ARADfVH  VALERIVM  PROGVLVM  IPSVII 

UBEROS  POSTEROSQVE  EIVS  SIBI  LIRERIS  POSTE 

RISQVE  SVIS  PATRONVM  GOOPTAVERtJNT. 

«  Les  colons  de  la  colonie  £lia  Adrienne 
«  Auguste  Zama  Regia ,  tant  pour  eux  que 
«  pour  leurs  enfants  et  descendants ,  ont 
a  choisi  pour  leur  patron  Quintus  Aradius 
«  Yalerius  Proculus,  ses  enfants  et  descen- 
«  dants.  9 

Multiplicité  des  villes  et  autres  éta- 
blissements. 

On  vient  de  voir  quel  était  dans  son 
ensemble  le  système  de  communica- 
tions itinéraires  établi  dans  la  région 
d'Afrique.  Sur  ces  roufes  étaient  se- 
més, en  grand  nombre,  les  villes  ro- 
maines ,  les  châteaux ,  les  camps ,  les 
postes  occupés  par  des  soldats,  les 
thermes  où  ils  allaient  guérir  leurs 
blessures  et  leurs  maladies,  les  gre- 
niers oii  des  provisions  de  vivres  étaient 
accumulées  pour  leur  subsistance. 
Aussi,  tranquilles  possesseurs  du  sol, 
ils  bâtissaient,  même  hors  du  passage  de 
ces  routes,  des  cités  florissantes  telles 
que  Galama  notre  moderne  Ghelmah, 
Madaurus  la  patrie  d'Apulée;  ils  dis- 
séminaient sans  crainte  dans  les  cam- 
pagnes ou  les  vallées  des  viUas  de 
plaisance ,  comme  au  sein  de  la  belle 
Italie. 

Les  indigènes  de  leur  côté  avaient 
des  cités  et  des  bourgades  multipliées 
répandues  dans  le  plat  pays,  et  l'his- 
toire nous  a  transmis  le.  nom  d'un 
certain  nombre  de  ces  places;  nous  ne 
chercherons  point  à  en  faire  ici  le  fas- 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


tidieux  inventaire:  nous  aimons  mieux 
les  signaler  avec  précision  dans  une 
esquisse  rapide,  au  point  de  vue  topo- 
graphique, des  faits  historiques  dans 
le  récit  dc^uels  elles  se  trouvent  en- 
cadrées, et  qu'il  nous  faut  maintement 


189 


passer  en  revue  pour  y  saisir  les  élé- 
ments d'une  détermination  des  limites 
dans  lesquelles  se  trouvèrent  successi- 
vement renfermés  les  états  et  les  pro- 
vinces entre  lesquels  fut  morcelé  le 
territoire  de  l'Afrique. 


§11. 

APEBÇU  GÉNËBAL  DES  BËVOLUTIONS 
POLITIQUES  ET  TEBRITORIALES. 


I.    IHAISSÀNGB   ET  PBOGBÈS    DE  tk 
PUISSANCE  PimiQUE. 

Établissement  des  colonies  phéni- 
ciennes en  Afrique. 

RÉPARTITION  DU  TEBBITOIBE  EN- 
TRE LES  POPULATIONS  INDIGÈNES 
AVANT  l'ABBIVÉE  DES  PHENICIENS. 

— L'histoire  des  divisions  territoriales 
du  sol  africain  ne  peut  remonter  jus- 
qu'à une  antiquité  bien  reculée,  car  il 
n'eut  longtemps  que  des  habitants  no- 
mades, entre  lesquels  il  n'existe  guère 
de  délimitations  fixes;  les  récits  de 
Salluste  et  les  descriptions  d'Hérodote 
nous  montrent  seulement  une  ancienne 
distribution  générale,  par  grandes  mas- 
ses, des  populations  auxquelles  la  pos- 
session en  était  dévolue  :  sur  le  pre- 
mier plan  les  Libyens,  les  Numides  et 
les  Maures;  sur  le  second  plan,  les 
Garamantes  et  les  Gétules  ;  au  dernier 
plan  les  Éthiopiens.  Quelles  étaient  les 
limites  respectives  de  ces  peuples,  on 
ne  saurait  prétendre  le  déterminer 
avec  précision  ;  il  faut  se  contenter  de 
quelques  indications  vagues  et  flottan- 
tes ,  sorte  de  moyenne  conjecturale 
entre  des  contours  variables  et  igno- 
rés :  on  peut  ainsi  tracer  à  la  crête  de 
r Atlas  la  ligne  qui  séparait ,  des  Ga- 
ramantes et  des  Gétules  de  Tintérieur, 
les  trois  nations  littorales,  à  Tégard 
desquelles  le  fleuve  Tusca  pourrait  ol- 
frir  assez  plausiblement  la  borne  mu- 
tuelte  des  Libyens  et  des  Numides, 
comme  le  fleuve  Malua  celle  des  Nu- 
mides et  des  Maures.  Nous  n'oserions 
nous  hasarder  à  décrire  au  sud  des 
Garamantes  et  des  Gétules  la  ligne 


qui  les  séparait  des  Éthiopiens;  mais 
nous  pouvons  présumer  que  la  zone 
mitoyenne  occupée  par  ces  deux  na- 
tions se  partageait  entre  elles  vis-à-vis 
du  fond  de  la  petite  Syrte. 

Voilà,  autant  que  nous  pouvons  le 
présumer,  quelle  était,  au  temps  d'Hé- 
rodote, la  répartition  probable  du  sol 
entre  les  grandes  populations  indigè- 
nes ou  réputées  telles.  Le  vieil  histo- 
rien connaît  de  plus,  en  Afrique,  deux 
peuples  étrangers  :  —  en  premier  lieu 
les  Grecs  étabhs  dans  la  Cyrénaïque 
et  dont  nous  n'avons  plus  à  nous  oc- 
cuper actuellement;  peut-être  aussi 
quelques  autres  réfugiés  grecs,  rares 
et  épars  sur  divers  points  des  côtes 
ultérieures,  tels  que  les  colons  lacédé- 
moniens  conduits  sur  les  bords  du 
Cinyps  par  Doriéus ,  les  Locriens- 
Ozoles  de  Kyrkinis  et  d'Uzala,  les 
Hellènes  égarés  au  retour  de  Troie 
qui  abordèrent  à  Meskheia,  et  d'autres 
encore ,  tous  disparus  sans  laisser 
d'autres  souvenirs  ;  — •  en  second  lieu 
les  Phéniciens. 

Colonies  phéniciennes  en  Afbi- 
que;  pbééminence  de  Gabthage. 
—Ceux-ci  avaient  fondé,  sur  les  plages 
libyennes,  de  nombreuses  villes,  les 
unes  succursales  et  ornement  de  leurs 
métropoles ,  qui  y  avaient  écoulé  le 
trop  plein  de  leur  population  ;  les  au- 
tres, souverainetés  nouvelles  créées 
par  des  factions  expatriées,  et  qui  prê- 
tèrent à  leurs  frères  d'Orient  un  se- 
courable  appui  ;  toutes,  à  l'exemple  de 
la  mère-patrie,  trouvant  dans  le  com- 
merce une  source  inépuisable  d'opu- 
lence et  de  prospérité. 


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190 


L'UNIVERS, 


Favorisée  par  son  heureuse  position 
'  maritime,  Carthage  devait  naturelle- 
ment primer  au  milieu  de  toutes  ces 
colonies  d'un  même  peuple;  et  la  force 
des  choses  en  dut  faire  un  centre  po- 
litique en  même  temps  qu'un  centre 
de  commerce,  pour  tous  ces  comptoirs, 
indépendants  sans  doute  les  uns  des 
autres,  mais  réunis  en  confédération 
nécessaire  sous  l'empire  d'un  intérêt 
commun  de  monopole  et  de  défense. 

Comme  la  phipart  de  nos  comptoir? 
modernes ,  ces  villes  phéniciennes 
étaient  des  postes  isolés  sur  une  plage 
étrangère,  n'ayant  dans  leur  dépen- 
dance qu'un  petit  territoire  à  l'entour 
de  leurs  murailles;  et  nous  savons 
avec  certitude,  au  moins  pour  Cartha- 
ge, qu'il  avait  fallu  acheter  des  indi- 
gènes remplacement  sur  lequel  on  s'était 
établi,  tout  comme  nous  achetons,  des 
peuples  nègres  chez  lesquels  nous  por- 
tons notre  commerce ,  l'emplacement 
oiî  nous  voulons  élever  nos  magasins  ; 
et  le  prix  de  cette  cession  était  une  re- 
devance annuelle ,  tout  comme  celles 
que  nous  payons  sous  le  nom  de  cou- 
tumes, 

Carthage  paya  longtemps  les  coutu- 
mes convenues.  Puis  elle  se  crut  assez 
forte  pour  répudier  ce  témoignage 
constant  d'une  possession  précaire: 
elle  voulut  être  chez  elle  maîtresse  in- 
commutable  ;  et  elle  lutta  à  diverses 
reprises  contre  les  indigènes  qui  se 
prétendaient  les  véritables  propriétai- 
res du  sol.  Justin  nous  la  montre  en 
guerre  avec  les  Libyens  dès  une  épo- 
aue  qu'Orose  nous  dit  contemporame 
ae  Cyrus;  puis  encore  au  temps  de 
Darius,  et  forcée  alors  de  payer  les  ar- 
rérages stipulés;  mais  renouvelant 
bientôt  ses  tentatives,  qui  enfin  eurent 
une  meilleure  issue  et  obligèrent  les 
indigènes  à  consentir  l'abolition  de  la 
redevance  contestée. 

Extension  des  escales  et  des 
GOMPTOiES  PUNIQUES.  —  Les  Car- 
thaginois, au  dire  de  Justin,  por- 
tèrent dès  lors  aussi  leurs  armes  chez 
les  Pïumides  et  même  chez  les  Mau- 
res. Peut-être  cette  expédition  eut- 
elle  pour  but  l'établissement  de  quel- 
ques escales  sur  le  littoral  pour  assu- 


rer leur  navigation  jusqu'au  détroit 
des  Colonnes,  au  delà  duquel  Hannon 
alla  niême  fonder  de  nouvelles  colo- 
nies sur  la  plage  occidentale.  Cette 
route  leur  était  familière ,  ainsi  que 
nous  l'assurent  les  informations  re- 
cueillies par  Hérodote,  et  dont  il  ré- 
sulte qu'ils  allaient  porter  leurs  mar- 
chandises chez  des  peu  pies  avec  lesquels 
ils  traitaient  d'une  façon  singulière , 
déposant  leur  cargaison  sur  le  rivage 
et  retournant  à  leurs  vaisseaux  pour 
attendre  qqe  les  indigènes  fussent  ve- 
nus déposer  auprès  de  chaque  objet  la 
?[uantité  d'or  jugée  équivalente, /«t  sq 
ussent  retirés  à  leur  tour  pour  atten- 
dre que  les  vendeurs  eussent  examiné 
si  le  prix  (^ert  était  suffisant  ;  renou- 
velant de  part  et  d'autre  ce  manège 
jusqu'à  ce  que  le  marché  fût  accepté 
ou  rompu. 

Du  côté  de  l'est ,  les  villes  phéni- 
ciennes étaient  nombreuses  jusqu'à  la 
petite  Syrte,  et  quelques-unes  s'avan* 
çaient  beaucoup  plus  loin,  telle  que  la 
grande  Leptis  fille  de  Sidon  ;  au  sur- 
plus, la  limite  orientale,  vivement  dis- 
putée par  les  Cyrénéens,  ainsi  que 
nous  l'avons  raconté  en  son  lieu,  fut 
définitivement  portée  au  fond  de  la 
grande  Syrte  par  le  dévouement  des 
frères  Philènes. 

Étendue  et  conditions  de  la  puis- 
sance territoriale  de  Carthage  en 
jifrlque. 

RÉPABTITION  DU  SOL  ENTRE  DI- 
VERS   ORDRES  DE   POPULATIONS.   — 

Jusque-là  Carthage  ne  se  montre  à 
nous  que  comme  colonie  prépondérante 
au  milieu  de  la  confédération  des  co- 
lonies phéniciennes ,  ayant  peut-être 
elle-même  quelques  établissements  se- 
condaires immédiatement  soumis  à 
son  autorité,  exerçant  peut-être  aussi, 
à  l'égard  de  certaines  villes  de  la  con- 
fédération, un  protectorat  plus  direct, 
bien  voisin  d'une  suzeraineté  absolue , 
ainsi  qu'il  arrive  toujours  en  pareil 
cas  entre  le  fort  et  les  faibles. 

iVIais  là  ne  se  bornait  point  le  do- 
maine des  Carthaginois.  L'argent  des 
mines  ibériennes ,  accaparé  par  leur 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


commerce  avant  qu'il  devînt  le  fruit 
de  leurs  propres  exploitations ,  leur 
servait  à  aclîeter  des  soldats  merce- 
naires, ces  condottieri  des  vieux  temps, 
avec  lesquels  ils  firent,  en  Afrique  et 
au  dehors,  des  conquêtes  territoriales. 

Sans  chercher  à  déterminer  quant 
à  présent  l'époque  précise  où  Cartbage 
parvint  à  ce  pomt  de  puissance  terri- 
toriale en  Afrique ,  et  sans  discuter 
avec  Heeren  si  Justin  s'est  mépris  en 
faisant  descendre  jusqu'au  temps  de 
Darius  la  date  où  elle  s'affranchit  de 
la  redevance  annuelle  stipulée  lors  de 
sa  fondation  ;  nous  remarquerons  du 
moins  que  dès  le  moment  où  cet  ordre 
de  choses  fut  établi,  dès  lors  aussi  se 
trouva  constituée  la  distribution  géné- 
rale du  sol  africain,  telle  que  l'a  ex- 
pressément signalée  Diodore  pour  un 
temps  ultérieur,  entre  les  Carthaginois, 
les  Libo-Phéniciens  alliés,  les  Libyens 
tenus  à  grand'peine  sous  le  joug,  et  les 
Numides  indépendants. 

La  cité  de  Cabthaoe,  noyau 
de  la  population  punique.  — 
Quant  aux  premiers,  c'étaient  les 
Phéniciens  de  Carthage  comme  les 
appelle  Diodore,  c'est-à-dire  ceux  qui, 
au  milieu  de  la  nationalité  tyrienne , 
s'étaient  créé  une  nationalité  spéciale; 
et  le  grand  Annibal  lui-même  nous  ex- 
plique ce  qu'il  faut  comprendre  en 
eelie-ci,  lorsque,  traitant  avec  Philippe 
de  Macédoine  (*),  il  stipule  pour  les 
seigneurs  carthaginois,  pour  lui-même 
leur  stratège,  pour  les  citoyens  com- 
battant sous  ses  ordres ,  pour  les  hy- 
parques  ou  gouverneurs  provinciaux 
carUiaginois ,  pour  tous  ceux  en  un 
mot  qui  avaient  en  commun  les  mê- 
mes lois.  C'était  la  cité  carthaginoise 
paraUèle  à  la  cité  romaine,  comprenant 
connne  elle,  outre  la  métropole,  toutes 
les  villes,  tous  les  étaWissements  colo- 
niaux peuplés  de  citoyens  tirés  de  son 
sein.  En  dehors  de  ce  cercle,  tout  ce 
qui  obéissait  à  Carthage  était  eonfondu 
sous  la  dénomination  générale  de  Sym- 
maques ,  ou  alliés ,  confédérés,  ainsi 

(^  L'an'aiS  avant  notre  ère.  Ce  traité 
est  rapporté  en  entier  dans  la  suite  de  ce 
yohane  {Carthage,  pp.  86  et  87). 


191 


que  nous  le  montre  le  premier  traité 
conclu  avec  Rome  immédiatement 
après  l'expulsion  des  Tarquins  {*). 

Les  Libo- Phéniciens,  second 
élément  de  la  population  puni- 
QUE.— Au  premier  rang  parmi  ces  con^ 
fédérés  étaient  les  Libo-Phéniciens,  les 
Phéniciens  Libyqttes  comme  les  ap^ 
pelle  Ptolémée  ;  c'étaient  les  posses- 
seurs de  la  plupart  des  villes  mariti- 
mes, unis  par  d'étroites  affinités  avec 
les  Carthaginois,  et  souvent  confondus 
avec  eux  sous  un  même  nom,  ainsi  que 
l'assure  Diodore  et  que  nous  en  oifre 
d'ailleurs  un  exemple  le  stadiasme  ano- 
nyme de  la  Méditerranée,  où  toute  la 
cote  depuis  la  petite  Syrte  jusqu'au 
delà  d'Utique  est  désignée  par  le  notn 
de  Phénicie.  Mais,  ainsi  que  Carthage, 
et  plus  ancienne  qu'elle ,  Utique  sur- 
gissait aussi  au  milieu  des  villes  puni- 
ques, de  manière  à  se  constituer  une 
individualité  distincte,  et  elle  prit  place 
nominativement,  à  ce  titre,  dans  les 
actes  fédéraux,  ainsi  qu'on  le  voit  dans 
le  second  traité  avec  Rome  (**)  et  d^ns 
le  traité  d' Annibal  avec  Philippe  de 
Macédoine. 

Quant  aux  autres  miles  de  la  confé- 
dération, elles  sont  purement  et  sim- 
plement ainsi  appelées  dans  le  dernier 
de  ces  deux  actes  ;  mais  dans  le  pré- 
cédent elles  ont  une  désignation  plus 
précise,  puisqu'on  y  voit  nommés,  à 
côté  des  Carthaginois  ou  citoyens  de 
Carthage,  et  des  Itykéens  ou  citoyens 
d'Utique,  les  Tyriens^  qui  ne  peuvent 
être  les  citoyens  de  la  vieille  Tyr  d'o- 
rient, ni  d'une  Tyr  africaine  inconnue, 
mais  uniquement  des  villes  tyriennes 
réunies  dans  cette  Phénicie  d'occident 
dont  nous  venons  de  constater  l'exis- 
tence. Aucune  de  celles-ci  n'avait  une 
prépondérance  assez  marquée  pour 
être  mentionnée  individuellement  par- 
mi les  membres  influents  de  la  confé- 
dération; on  bien  elles  ne  constituaient 

(*)  L*an  509  avant  notre  ère.  Voyez  ce 
traité  transcrit  en  entier  dans  la  suite  de  ce 
volume  {Carthage,  pp.  4  et  5). 

(**)  Le  deuxième  traité  avec  Rome  est  de 
Tan  35a  ayant  notre  ère  ;  nous  le  pap|)OT^ 
terons  un  peu  plus  loin  dans  une  note. 


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192 


L'UNIVERS. 


en  commun  qu'un  seul  état  particu- 
lier, comme  i^^mble  l'insinuer  plus 
tard  Tite-Live. 

Ces  villes  étaient  nombreuses,  et 
rapprochées  comme  les  anneaux  suc- 
cessifs d'une  seule  chaîne,  sur  la  côte 
qui  s'étendait  jusqu'au  fond  de  la  pe- 
tite Syrte,  et  le  trafic  y  était  si  actif, 
qu'elles  en  avaient  reçu  d'une  manière 
absolue  la  dénomination  à'Emporia 
ou  les  Comptoirs.  Entre  les  Syrtes  , 
l'aridité  des  côtes  n'était  aucunement 
propice  à  l'accumulation  des  établisse- 
ments de  ce  genre,  et  le  nom  de  Tri- 
poli, resté  à  la  capitale  actuelle  du 
pays,  suffit  pour  nous  rappeler  que 
trois  grandes  villes  seulement  avaient 
pu  trouver  place  sur  ce  rivage  inhos- 
pitalier. Dans  l'ouest  elles  étaient  plus 
fréquentes  sans  doute;  après  Utique  , 
Hippone-Diarrhyte,  Tabraca,  venaient 
les  villes  métagonites  parmi  lesquelles 
peut-être  il  faut  compter  l'autre  Hip- 

f^one  qui  plus  tard  fut  distinguée  par 
'épithete  de  Royale;  et  tant  d'autres 
villes  que  leur  nom  phénicien  nous  si- 
gnale à  défaut  de  témoignages  histori- 
ques plus  précis;  enfin,  au  delà  des 
colonnes  d'Hercule,  les  comptoirs  de 
la  côte  occidentale. 

Les  Libyens  sujets  de  Cahthà- 
GE  :  Zeugitàne  ,  Byzagene.  —  Pas- 
sons aux  Libyens,  désignés  par  Dio- 
dore  comme  les  habitants  les  plus 
nombreux  et  les  plus  anciens  du  pays, 
sujets  de  Carthage,  mais  rongeant  le 
frein  qu'elle  leur  avait  imposé.  Stra- 
bon  déclare  que  la  domination  des 
Carthaginois  dans  la  Libye  s'étendit 
sur  toute  la  contrée  qui  n'^était  point 
dévolue  aux  Nomades,  c'est-à-dire  sur 
la  presqu'île  comprise  entre  Tabraca 
et  la  petite  Syrte.  Nous  avons  déjà 
recense ,  avec  Hérodote ,  les  peuples 
agricoles  qui  y  avaient  fixé  leurs  de- 
meures. Carthage  prenait  soin  de  dis- 
séminer au  milieu  d'eux ,  en  colonies 
intérieures,  le  trop  plein  de  sa  popula- 
tion, constituant  par  ce  mo3[en,  sur  le 
sol  conquis,  un  réseau  de  villes  puni- 
ques destinées  à  maintenir  l'asservis- 
sement des  indigènes. 

Le  pays  paraît  avoir  été  partagé, 
dès  une.époque  fort  ancienne,  en  deux 


régions  distinctes,  sur  la  délimination 
et  le  nom  desquelles  nous  ne  trouvons 
cependant  quelques  données  précises 
qu  à  une  date  plus  récente. 

L'une  était  celle  que  Strabon  ap« 
pelle  Karkhédonie  ou  Carthaginoise , 
la  dénommant  ainsi  d'après  la  capi- 
tale, par  imitation  peut-être  de  ce 
qu'avaient  fait  les  Carthaginois  eux- 
mêmes  en  étendant  à  toute  cette  con- 
trée la  désignation  açpellative  d'^/ri- 
quej  d'abord  restreinte  à  leur  ville 
seule  ainsi  que  nous  le  dit  Suidas,  et 
dont  la  signification  paraît  être  ana- 
logue à  celle  de  colonie;  mais  c'est 
Plme  seulement  qui  nous  instruit  des 
limites  dans  lesquelles  était  renfermée 
autrefois  la  province  ^Afrique  pro' 
prement  dite,  assez  exactement  re- 
présentée aujourd'hui  par  cette  portion 
de  la  régence  de  Tunis  qui  est  plus 
spécialement  appelée  Afryqyah  par  les 
indigènes.  Pline  nous  révèle  en  même 
temps  la  dénomination ,  sans  doute 
plus  ancienne,  de  Zeugitàne^  qui  rap- 
pelle d'une  manière  frappante  le  nom 
des  peuples  ZaowéÂ;es  d'Hérodote,  ai- 
sément reconnaissable  encore  dans  ce- 
lui des  berbers  de  Zauâghah ,  leurs 
successeurs  sur  le  même  territoire. 

La  seconde  région  est  celle  que  bor- 
daient à  l'orient  les  Emporia  ou  comp- 
toirs libo-phéniciens.  Habitée  par  des 
peuples  appelés  Byzaciens  ou  Byzan- 
tes,  elle  en  avait  reçu  la  dénomination 
de  Byssatide,  Byzacium,  Byzacène  ou 
Byzacitide,  qui  apparaît  déjà  dans  Po- 
lyoe  et  qui  subsista  jusqu'aux  der- 
niers instants  de  la  dommation  ro- 
maine. 

Rappobts  de  Cabthâge  avec  les 
Numides  ou  Nomades  indépen- 
dants.—-Voilà  quelle  était  l'extension 
territoriale  de  l'autorité  de  Carthage  en 
Afrique.  Au  delà  de  ces  limites  il  n'y 
avait  plus  que  des  Nomades  indépen- 
dants, Quelquefois  liés  à  elle  par  des 
traités  ne  paix  et  d'amitié,  et  chez  les- 
quels son  or  allait  recruter  des  soldats 
mercenaires  :  mais  ceux-là  n'étaient 
point  comptés  dans  la  grande  circon- 
scription des  ^^mmoçt^f.  Annibal  ne 
les  oublie  cependant  point  lorsqu'il 
traite  avec  Pniiippe,  et  après  tous  les 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


membres  de  la  confédération  éuumé- 
rés,  il  comprend  encore  dans  la  ligue 
contre  les  Romains,  les  Stratiotes  qui 
ne  faisaient  partie  qu'à  ce  seul  titre  de 
l'armée  fédérale. 

Quant  à  leur  pays,  dès  que  Carthage 
s'était  trouvée  assez  puissante,  elle  en 
avait  interdit  l'accès  à  toute  colonisa- 
tion, à  tout  commerce  étrangers  :  c'est 
un  double  monopole  qu'elle  se  réser- 
vait. Elle  autorisait  seulement  les  ex- 
péditions de  pillage  et  de  piraterie 
contre  les  villes  indépendantes,  à  con- 
dition que  les  habitants  et  le  butin 
appartiendraient  seuls  aux  capteurs, 
mais  qu'on  ne  garderait  point  la  place; 
et  s'il  s'agissait  d'une  ville  amie,  il 
était  stipulé,  en  outre,  que  les  habi- 
tants ainsi  enlevés  ne  seraient  point 
conduits  dans  un  port  carthaginois 
sans  courir  la  chance  d'être  réclamés, 
et  par  suite  rendus  à  la  liberté.  Tel 
était  le  droit  public  d'alors  :  nous  le 
trouvons  ainsi  expliqué  dès  le  second 
traité  avec  Rome  (*),  et  les  conditions 

(*)  Il  est  essentiel  de  rapporter  ici  ce 
traité  de  Tan  352  avant  notre  ère,  qui  ne 
se  trouve  pas,  comme  le  premier,  dans  la 
suite  de  ce  volume. 

«  Il  y  aura  amitié  entre  les  Romains  et 
«les  alliés  des  Romains,  et  le  peuple  des 
«c  Carthaginois ,  des  Tyriens  et  des  Itykéens, 
«  et  les  alliés  de  ceux-ci. 

«  Au  delà  du  Beau  promontoire,  de  Mas- 
«  tia ,  de  Tarseïon ,  les  Romains  ne  pourront 
«  faire  ni  pillage ,  ni  commerce ,  ni  établis- 

•  sèment. 

«  Si  les  Carthaginois  prennent  quelque 
«  ville  du  Latium  non  soumise  aux  Romains, 
ttils  garderont  le  butin  et  les  prisonniers, 
«  mais  rendront  la  ville.  Si  des  Carthaginois 
«  font  prisonniers  des  gens  qui  aient  des 
«c  traités  de  paix  avec  les  Romains,  sans  être 
«néanmoins  leurs  sujets,  qu'on  n'en  intro- 
«  duise  point  dans  les  poris  des  Romaius  ; 
«  s'il  en  est  introduit  quelqu'un ,  et  qu'un 
«  Romain  le  saisisse ,  il  sera  rendu  à  la  li- 

•  berté.  La  même  condition  sera  observée 
«  par  les  Romaius. 

«  Si  dans  un  pays  soumis  aux  Carthagi- 
«  nois  un  Romain  prend  de  l'eau  ou  des 
«provisions,  il  ne  pourra,  avec  ces  pro- 
«  visions,  rien  faire  contre  ceux  qui  ont 
«  paix  et  amitié  avec  les  Carthaginois  ;  et  le 
«  Carthaginois  observera4a  même  condition: 


193 

que  nous  venons  de  transcrire  ne  sont 
qu'une  application  réciproque  de  ce 
que  les  Romains  stipulaient  de  leur 
côté  à  l'égard  des  peuplades  indépen- 
dantes du  Latium. 

Agrandissement  de  là  puis- 
sance PUNIQUE  ENTRE  LE  PREMllER 
£T  LE  SECOND  TRAITE  DE  CARTHAGE 

AVEC  Rome. — Dans  le  premier  traité  de 
Carthage  avec  la  république  romaine,  il 
n'est  fait  aucune  condition  à  l'égard  de 
cette  région  littorale  où  les  Carthagi- 
nois se  réservent  exclusivement  ici  le 
droit  de  commercer  et  de  coloniser, 
tout  en  reconnaissant  n'être  pas  les 
maîtres  du  sol.  A  cette  autre  époque, 
antérieure  de  plus  d'un  siècle  et  demi, 
ils  se  bornent  à  interdire  l'accès  des 
contrées  situées  au  delà  du  Kalon 
Jkrotérion ,  qui  est  au  nord  de  Car- 
thage, de  la  Byssatide  et  des  Emporia; 
dans  le  second  traité  ils  sont  bien  plus 
explicites  à  l'égard  de  ces  parages,  et 
ils  prohibent  positivement  tout  traGc, 
tout  établissement  et  toute  piraterie 
au  delà  du  Kalon  Jkrotérion^  aussi 
bien  qu'au  delà  de  Mastia  et  de  Tar- 
seïon (après  lesquelles  étaient  les  co- 
lonies de  rOcéan;. 

Une  grande  différence  se  révèle  ainsi 
entre  ces  deux  époques  de  la  puissance 
carthaginoise  :  ce  qu'elle  stipulait  jadis 
pour  l'Afrique  propre  n'est  guère  que 
ce  qu'elle  stipule  ensuite  pour  la  ré- 
gion indépendante  où  elle  a  échelonné 
des  postes  et  des  comptoirs  :  une 
grande  révolution  s'est  donc  opérée 
dans  l'intervalle;  et  lediredeTrogue- 
Pompée,  quelque  mutilé  qu'il  soit  dans 
le  sommaire  décharné  de  son  abré- 

«  dans  le  cas  d'infraction,  on  ne  se  fera  ])oint 
•e  justice  soi-même  ;  s'il  y  a  tort  causé  par 
«  quelqu'un ,  ses  nationaux  seront  respou- 
«  sables  du  dommage. 

«  £n  Sardaigne  et  en  Afrique,  nul  Ro- 
«main  ne  pourra  commercer  ni  former 
ce  d'établissement ,  à  moins  que  pour  pren- 
ne dre  des  provisions  ou  radouber  son  vais- 
m  seau  ;  si  la  tempête  l'y  porte ,  il  en  repar- 
«t  tira  dans  les  cinq  jours.  Dans  la  Sicile 
«  soumise  aux  Carthaginois ,  et  à  Carthage, 
«'  il  fera  et  agira  comme  il  appartient  à  tout 
«  citoyen.  Le  Carthaginois  de  son  côté  fera 
«  de  même  à  Rome.  » 


13"  Livraison.  (Afrique  ancienne.) 


13 


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194 


L'UNIVERS. 


viateur,  n*en  a  pas  moins  toute  Pau- 
torité  d'un  fait  historique  confirmé 
par  les  documents  contemporains,  sa- 
voir :  que  Carthage  ne  devint  maî- 
tresse du  pays  que  par  les  efforts  de 
la  famille  de  Magon,  au  temps  de  Da- 
rius fils  d'Hystaspes,  et  même  plus 
tard  (*). 

Hàins  des  Libyens  pour  lb 
JOUG  DE  Carthage.  —  Au  surplus , 
en  ces  Libyens  conquis,  Carthage  ne 
trouva  point  des  sujets  toujours  do- 
ciles; et  le  joug  sous  lequel  elle  fai- 
sait plier  leur  tête ,  trop  lourd  pour 
être  porté  sans  impatience  ,  n'était 
point  assez  fortement  assujetti  pour 
résister  aux  accès  de  colère  d'un  peu- 
ple qu'elle  ne  sut  qu'opprimer. 

Quand  Himilcon  eut  vu  la  peste  en- 
vahir son  armée  devant  Syracuse  (**), 
et  que  réduit  à  fuir  avec  1a  seule  co- 
horte sacrée  des  citoyens  carthagi- 
nois, il  abandonna  à  la  merci  du  vain- 
queur ses  auxiliaires  libyens  sans  re- 
fuge sur  cette  terre  étrangère  oîi  ils 
furent  bientôt  dispersés  et  détruits , 
alors  une  violente  mdignation  souleva 
l'Afrique,  dès  longtemps  fatiguée  du 
joug  de  ses  maîtres;  elle  reprit  son 
indépendance.  Deux  cent  mille  soldats 
s'emparant  de  Tunis  et  pressant  Car- 
thage, lui  demandèrent  compte  de  ce 
lâche  abandon.  Mais  ils  étaient  sans 
chefs  habiles,  de  tribus  diverses,  trop 
nombreux  pour  se  procurer  aisément 
des  vivres  ;  les  Carthaginois  surent 
trouver  quelques  traîtres  à  acheter,  et 
bientôt  cette  multitude  débandée,  re- 
gagnant ses  demeures,  délivra  la  cité 
suzeraine  des  frayeurs  qu'elle  lui  cau- 
sait. Et  l'adroite  Carthage  eut  bientôt 
repris  son  ascendant  politique  en  Afri- 
que, oà  quatre  ans  après  nous  la  voyons 
iaire  de  puissantes  levées  de  soldats 
pour  créer  une  nouvelle  armée  de  Si- 
cile. 

Mais  quinze  ans  plus  tard  (***),  pen- 
dant que  la  peste  et  les  émeutes  déso- 

{*)  C'est-à-dire  à  la  génération  suivante , 
sous  les  fils  d'Amilcar  le  contemporain  de 
Darius. 

(**)  L'an  395  avant  l'ère  yolgairo. 

(**•)  L'an  379  avant  l'ère  volgaiiv.    . 


laient  Carthage,  les  Libyens  se  hasar- 
dèrent encore  à  secouer  le  joug;  il 
fallut  les  combattre  et  les  vaincre  pour 
les  faire  rentrer  dans  la  sujétion  :  et 
les  efforts  des  Carthaginois  pour  y 
parvenir  durent  être  bien  grands,  puis- 
que dix  ans  après  Denys  de  Syracuse 
profitait  de  l'épuisement  qui  en  était 
résulté  pour  recommencer  les  hosti- 
lités. 

Quand  Agathocles,  pressé  en  Sicile 
par  les  armes  carthaginoises,  résolut 
de  porter  la  guerre  en  Afrique,  il 
comptait  sur  la  défection  ,  en  sa  fa- 
veur, des  Libyens  alliés  de  Carthaçe , 
qu'il  savait  être  las  de  la  domination 
puniaue  ;  et  l'événement  sur  ce  point 
justina  ses  prévisions. 

Invasion  deV Afrique  par  Agathocles. 

Agathocles  enlève  aux  Car- 
thaginois TOUTES  LEURS  POSSES- 
SIONS ET  SB  DÉCLARE  ROI  D' AFRIQUE. 

—  Cette  expédition  d'Agathocles  (*) , 
qui  sillonna  de  ses  marches  le  sol  de 
1  Afrique  et  mit  Carthage  à  deux  doigts 
de  sa  ruine,  fournit  quelques  indica- 
tions topographiques  qu'il  est  intéres- 
sant de  recueillir  dans  le  récit  de  Dio- 
dore. 

Furtivement  parti  de  Syracuse,  Aga- 
thocles vient  débarquer  aux  Latomies 
ou  carrières  aue  l'on  voit  encore  près 
d'El-Hawaryén;  il  emporte  et  pille  Mé- 
galopoHsj  qui  paraît  répondre  à  Sydy- 
Daoud,  et  entre  dans  le  blanc  Tunis , 
qui  se  rend  à  la  première  sommation.  Il 
bat  les  premières  troupes  qui  lui  sont 
opposées,  dévaste  les  environs  de  Car- 
thage, re<^oit  les  soumissions  d'un 
grand  nombre  de  places;  puis  il  mar- 
che contre  les  villes  maritimes,  s'em- 
pare de  NéapoHs,  aujourd'hui  Nabel, 
et  va  assiéger  Jarumète,  la  moderne 
Sousah,  de  concert  avec  Elymas  roi 
des  Libyens  devenu  son  allié.  Il  prend 
ensuite  Thapsus,  dont  les  ruines  se 
voient  au  cap  Dimas»  et  plusieurs  au- 
tres villes  du  même  canton.  Ayant 
ainsi,  de  gré  ou  de  force,  réduit  à  son 

{*)  D«  l'an  3zo  à  l'an  3o6  avant  l'ère  vul- 
gaire. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


195 


obéissance  plus  de  deux  cents  villes, 
îl  s'enfonce  dans  l'intérieur.  Les  Car- 
thaginois tentent  une  diversion;  mais 
Agathocles  revient  les  surprendre,  les 
taille  en  pièces,  et  reprena  son  ascen- 
dant sur  les  Libyens  après  avoir 
vaincu  et  tué  Elymas  qui  était  retour- 
né au  parti  ennemi.  Cependant  les 
Carthaginois  envoient  des  troupes 
pour  regagner  les  Numides  déficients, 
et  Agathocles  ne  peut  les  empêcher 
d'atteindre  les  terres  des  Zouphons , 
de  faire  déclarer  pour  Carthage  un 
grand  nombre  d'habitants,  et  de  ra- 
mener à  leur  ancienne  alliance  beau- 
coup de  ceux  qui  s'en  étaient  sépa- 
rés. 

Après  avoir  appelé  à  son  aide  Ophel- 
las  et  l'avoir  fait  assassiner,  Agatho- 
cles grossit  sa  propre  armée  des  trou- 
pes venues  de  Cyrène;  et  comme  Anti- 
gone,  Démétrius,Ptolémée,  Cassandre, 
Lysimaque  se  créaient  des  royaumes 
des  lambeaux  de  l'empire  d'Alexandre, 
lui-même  aussi  prend  la  couronne  et 
le  titre  de  roi.  Il  vient  assiéger  C/ifigwe, 
qu'il  enlève  d'assaut,  puis  Hippou- 
Jkra,  c'est-à-dire  la  citadelle  de  la 
première  Hippone  représentée'aujour^ 
d'hui  par  Bizerte,  qu'il  emporte  éga- 
lement; et  il  se  fait  ainsi  reconnaître 
de  la  plupart  des  Libyens  du  littoral 
et  de  l'intérieur  ;  quant  aux  Numides 
quelques-uns  acceptent  son  alliance, 
les  autres  attendent  l'issue  définitive 
de  la  lutte. 

Expéditions  d'Eumaque  chez 
LES  Numides.— Rappelé  en  Sicile  par 
l'état  de  ses  affaires,  Agathocles  laisse 
à  son  fijs  Archagathe  le  soin  de  conti- 
nuer la  guerre  d'Afrique.  Celui-ci  en- 
voie dans  l'intérieur  des  terres  un  corps 
de  troupes  sous  les  ordres  d'Eumaque, 
lequel  prend  d'abord  Tokai  et  soumet 
les  Numides  d'alentour,  puis  s'empare 
de  Phellinê,  et  réduit  les  Asphodélodes 
du  voisinage,  semblables  pour  la  cou- 
leur aux  Ethiopiens,  se  rend  maître 
ensuite  de  la  grande  ville  de  Meskhe- 
Uif  de  là  va  conquérir  la  citadelle  de 
la  seconde  Hippone  y  homonyme  de 
celle  qu'avait  naguère  subjuguée  Aga- 
thocles ,  et  enfin  emporte  et  rase  la 
ville  libre  ^AkriSy  après  quoi  il  re- 


vient auprès  d' Archagathe.  Une  se- 
conde expédition  est  alors  résolue,  et 
Eumaque  ,  dépassant  les  villes  déjà 
soumises,  attaque  à  l'improviste  Mil- 
Une  y  que  des  forces  supérieures  le 
forcent  d'abandonner  :  traversant  alors 
une  montagne  infestée  de  chats  sau- 
vages, il  entre  dans  un  pa^s  rempli  de 
singes,  et  atteint  trois  villes  dont  le 
nom,  traduit  à  la  manière  des  Grecs, 
est  exprimé  dans  Diodore  par  celui  de 
Pithékousses;  elles  étaient  sans  doute 
placées  vers  le  golfe  d'El-Qoll,  où  les 
pithèques  abondent,  et  où  Scylax  in- 
dique d'ailleurs  une  île  Pithékousse 
qui  suivant  toute  apparence  est  l'île 
aux  singes  existant  encore  sous  ce  nom 
près  de  Storah.  Eumaque  emporte  et 
détruit  une  de  ces  villes,  reçoit  les 
soumissions  des  deux  autres;  mais  ef- 
frayé du  nombre  des  ennemis  qui  ac- 
couraient de  toutes  parts,  il  s'empresse 
de  regagner  les  bords  de  la  mer. 

Cahthage  becouvre  toutes  ses 
POSSESSIONS  d'Afbique.  —  'Cepen- 
dant les  revers  d'Archagathe  rappel- 
lent Agathocle  en  Afrigue,  et  dans 
le  dénombrement  qu'il  fait  à  son  ar- 
rivée, ce  prince  compte  encore  six 
mille  Grecs,  autant  de  mercenaires 
d'Europe,  dix  mille  auxiliaires  libyens, 
quinze  cents  chevaux  et  six  mille  chars 
du  pays  ;  mais  un  premier  échec 
amène  la  défection  des  Libyens  ,  et 
Agathocles  voyant  sa  cause  perdue  en 
Afrique,  s'enfuit  secrètement  en  Si- 
cile. Ses  soldats,  indignés  de  ce  lâche 
abandon,  massacrent  ses  deux  fils,  et 
traitent  directement  avec  Carthage  , 
qui  leur  accorde  trois  cents  talents  en 
échange  des  villes  qu'ils  tenaient  en- 
core, réduit  par  la  force  les  garnisons 
qui  voulaient  résister,  prend  à  son 
service  ceux  qu'elle  y  trouve  disposés, 
et  transporte  le  reste  en  Sicile.  Ainsi 
fut  terminée  cette  guerre  qui  avait  dé- 
pouillé un  moment  Carthage  de  tou- 
tes ses  possessions  territoriales  d'A- 
frique, mais  après  laquelle  les  choses 
se  trouvaient,en  définitive,  remises  au 
même  état  qu'avant  les  hostilités. 

Pour  apprécier  l'étendue  de  ces  pos- 
sessions, au  moins  sur  certains  rayons, 
il  nous  suffirait  de  connaître  l'empla- 

13. 


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196 


L'UNIVERS 


cernent  des  Numides  Zouphons^  qui 
étaient  une  nation  amie  et  non  sujette, 
située  par  conséquent  en  dehors  des 
limites  puniques;  et  celui  des  villes  de 
Touest  conquises  par  Ëumaque,  et 
dont  la  première,  Tokai^  est  déjà  in- 
diquée comme  une  place  numide  :  c'est 
probablement  la  même  que  Ptolémée 
mdique  sous  le  nom  de  Toukka  entre 
Thabraka  et  le  fleuve  Bagradas;  mais 
la  position  en  demeure  pour  nous  in- 
certaine: et  quant  aux  Zouphons,  il  ne 
s'est  encore  produit  à  leur  égard  que 
des  hypothèses  sans  consistance. 

II.  LUTTB  DS  CABTHAGE  GONTBE 
BOME. 

Jusqu'à  l'époque  où  nous  sommes 
parvenus,  la  reine  du  commerce  de 
Toccident,  Carthage  n'avait  eu  de  rap- 
ports avec  Rome  que  pour  lui  inter- 
dire l'approche  de  ses  domaines  d'A- 
frique: la  Sicile,  jetée  entre  les  deux 
rivales,  était  le  champ  sur  lequel 
elles  devaient  se  rencontrer,  et  com- 
mencer la  lutte,  fameuse  dans  tous  les 
siècles,  où  trois  fois  elles  mesurèrent 
.leurs  forces,  s'ébranlant  l'une  l'autre 
dans  leurs  fondements,  jusqu'à  ce 
qu'enfin  Carthage  fut  violemment  ar- 
rachée du  sol  par  son  implacable  en- 
nemie. 

Les  trois  guerres  qui  forment  com- 
me les  actes  de  cette  longue  tragédie, 
eurent  leurs  intermèdes,  dignes  d'un 
si  grand  drame  :  et  Carthage,  deux 
fois  échappée  aux  coups  de  Rome,  fut 
aux  prises  tour  à  tour  avec  les  soldats 
stipendiés  dont  ses  caisses  épuisées  ne 
pouvaient  solder  les  services ,  et  avec 
l'insatiable  Massinissa,  dont  Tambi  tion 
usurpatrice  la  dépouillait  pièce  à  pièce 
de  ses  domaines. 

Ainsi  s'offrent  successivement  à  no-- 
tre  étude  suivant  Tordre  des  temps  ; 

—  la  première  guerre  avec  Rome,  celle 
dont  Régulus  fut  le  héros  ainsi  que  la 
victime  ;  —  la  guerre  des  stipendiés  ; 

—  la  çuerre  chantée  par  Silius  Itali- 
ens, ou  les  grands  noms  de  Scipion  et 
d'Annihal  ne  laissent  de  place  pour 
aucun  autre  ;  —  les  querelles  de  ter- 
ritoire élevées  par  Massinissa  ;  —  en- 


fin la  dernière  guerre  avec  Rome,  où 
le  fils  de  Paul-Émile,  le  fils  adoptif  de 
Scipion,  n'eut  qu'à  porter  le  coup  de 
grâce  à  la  malheureuse  Carthage  qui 
se  débattait  en  vain,  dans  uneaf&euse 
agonie,  sous  le  fer  impitoyable  de  ses 
bourreaux. 

Voilà  ce  qu'il  nous  faut  parcourir 
d'un  coup  d'oeil  rapide  ;  mais  aux  seu- 
les choses  d'Afrique  doit  se  borner  ici 
notre  examen,  restreint  même,  dans 
son  point  de  vue,  à  de  simples  ques- 
tions de  topographie  et  de  limites  ter- 
ritoriales. 

Première  guerre  punique. 

Expédition  de  Régulus.— Après 
huit  années  de  combats  où  la  téna- 
cité des  Romains  semblait  triom- 
pher de  l'inconstante  fortune,  les  con- 
suls Aulus  Manlius  Vulso  et  Marcus 
Atilius  Régulus  (*)  avaient  résolu  d'ef- 
fectuer une  descente  sur  le  territoire 
même  de  Carthage;  et  la  flotte  ro- 
maine ,  rompant  les  obstacles  que  les 
vaisseaux  puniques  avaient  tenté  de 
lui  opposer,  se  rallia  au  promontoire 
d'Hermès;  puis  longeant  la  côte  vers 
le  sud,  elle  s'arrêta  devant  Aspis,  dont 
le  nom  grec  était  traduit  dans  la  lan- 
gue des  Latins  par  celui  de  Clypéa,  con- 
servé presque  entièrement  par  les  Ara- 
bes à  la  moderne  Églybyah.  C'est  là 
qu'on  débarqua  ;  la  ville  fut  emportée, 
et  devint  le  quartier  général  cfe  l'ar- 
mée expéditionnaire,  qui  fut  bientôt 
maîtresse  de  tout  le  plat  pays  et  de 
nombre  de  places  dans  le  voismage. 

A  l'expiration  de  son  consulat,  Ré- 
gulus, maintenu  comme  proconsul  à 
la  tête  des  troupes  nécessaires  pour 
continuer  la  guerre,  s'avança  vers  l'in- 
térieur du  pays ,  arriva  sur  les  bords 
du  Bagradas^  et  vint  mettre  le  siège 
devant  la  forte  place  nommée  Adin, 
au  soutien  de  laquelle  accoururent  les 
Carthaginois;  mais  l'habileté  de  Régu- 
lus triompha  de  leur  nombre  ;  sa  vic- 
toire fut  complète,  et  lui  valut  la  ca- 
pitulation du  pays  dans  un  ravon  assez 
étendu  pour  compter  jusqu'à  quatre- 

(*)  L'an  ikBt  avant  l'ère  vulgaire. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


197 


Yîngts  villes  soumises.  Certaines  condi- 
tions de  position  et  d'homophonie  sem- 
blent désigner  la  ville  appelée  Outhina 
dans  Ptolémée ,  Utina  dans  les  conci- 
les ,  et  dont  les  ruines  portent  encore 
le  nom  deOudenah,  à  aix  milles  géo- 
graphiques au  sud  de  Tunis,  comme 
représentant  TAdindePolybe-La  prise 
de  Tunis  couronna  cette  brillante  cam- 
pagne, où  les  succès  du  proconsul 
étaient  accompagnés  des  déprédations 
des  Numides  ,  ennemis  plus  acharnés 
encore  que  les  Romains. 

Victoire  de  Xantippe.  —  Ce- 
pendant Carthage  ayant  eu  recours 
a  des  Grecs  mercenaires,  le  lacédé- 
monien  Xantippe  vint  changer  d'un 
seul  coup  la  race  des  affaires;  l'ar- 
mée des  Romains  fut  anéantie ,  et 
2  000  hommes  à  peine  parvinrent  à  re- 
gagner Clypéa.  Les  Carthaginois  s'em- 
pressèrent d'expulser  les  Romains  des 
places  qu'ils  occupaient,  et  ils  vinrent 
assiéger  Clypéa.  Mais  Rome  s'était  hâ- 
tée de  mettre  en  mer  de  nouvelles  for- 
ces ;  les  consuls  Servius  Fulvius  Péti- 
nus  Nobilior  et  M arcus  Emilius  Paullus 
vinrent  d'abord  à  l'île  de  Cossura ,  la 
moderne  Pantellaria,  dont  ils  s'empa- 
rèrent; puis  ils  se  dirigèrent  sur  Cly- 
péa ,  en  vue  de  laquelle  ils  remportè- 
rent sur  la  flotte  carthaginoise  une 
victoire  vivement  disputée,  descendi- 
rent à  terre,  établirent  leur  camp  près 
de  la  ville,  et  battirent  encore  les  Car- 
thaginois ;  puis ,  embarquant  la  gar- 
nison et  le  butin ,  ils  abandonnèrent 
l'Afrique  pour  retourner  en  Italie,  où 
les  honneurs  du  triomphe  les  atten- 
daient à  raison  de  la  prise  de  Cossura 
et  de  la  défaite  des  Carthaginois.  Mais 
une  tempête  détruisit  leur  flotte  sur 
les  côtes  de  Sicile ,  et  Cossura  fut  re- 
prise par  Carthalon ,  pendant  qu'Amil- 
car  Barca ,  parcourant  en  maître  le 
pays  des  Numides,  les  châtiait  de  l'ap- 
pui qu'ils  avaient  prêté  à  Régulus , 
faisant  pendre  les  chefs  et  imposant 
aux  populations  de  grosses  contribu- 
tions d  argent  et  de  hestiaux. 

RÉSULTATS     DE    LA    GUEBBE.     — 

Ainsi  la  première  expédition  des  Ro- 
mains en  Afrique  n'avait  eu  d'autre 
résultat,  quant  à  la  possession  du  ter- 


ritoire ,  qu'une  occupation  passagère, 
dont  toutes  les  traces  étaient  déjà  effa- 
cées. Il  n'y  eut  plus  de  leur  part^  jus- 
q[u'à  la  fin  de  la  guerre,  aucune  teiïta- 
tive  sérieuse  d'invasion  :  d'abord  les 
consuls  Cnéus  Servilius  Cépio  et  Caïus 
Sempronius  Blésus  (*)  vinrent  faire 
quelques  courses  de  i>illage  sur  divers 
points  du  littoral ,  jusqu'à  l'île  des 
Lotophages  appelée  Ménix  (c'est-à- 
dire  l'île  deGerbeh,  où  subsiste  encore 
le  nom  de  Menâqes) ,  emportant  un 
butin  que  la  mer  engloutit  à  leur  re- 
tour ,  ce  qui  n'empêcha  pas  Sempro- 
nius d'obtenir  le  triomphe.  Six  ans 
après,  quelques  particuliers,  armant 
à  leurs  frais  des  galères  empruntées  à 
la  république,  allèrent  courir  les  côtes 
africaines ,  pénétrèrent  dans  le  port 
d'Hippone-Diarrhyte,  3^  brûlèrent  les 
vaisseaux  ennemis  ainsi  qu'une  partie 
de  la  ville,  ûrent  un  butin  considéra- 
ble ,  et  effectuèrent  leur  sortie  en  fran- 
chissant adroitement  les  chaînes  ten- 
dues pour  leur  barrer  le  passage.  Puis 
à  deux  ans  de  là  le  consul  Marcus 
Fabius  Butéo  (**)  conduisit  une  flotte 
en  Afrique ,  et  remporta  sur  les  Car- 
thaginois ,  auprès  de  l'île  Ëgimurus, 
une  victoire  navale ,  dont  encore  une 
fois  la  tempête  enleva  les  fruits  aux 
Romains.  Ëgimurus  est  la  plus  grande 
des  deux  îles  conjointement  appelées 
aujourd'hui  Gjouâmer,  pluriel  de  Gja- 
mour,  ou  de  Gjâmerah  dont  les  Euro- 
péens ont  fait  Zembra ,  ainsi  écrit  sur 
nos  cartes. 

Enfin  la  paix  fut  conclue ,  et  la  pre- 
mière guerre  punique,  dont  le  théâtre 
était  demeuré,  sur  le  continent ,  res- 
treint dans  un  cerclé  médiocrement 
étendu,  fut  terminée  sans  que  Rome 
eût  pris  pied  sur  le  territoire  d'A- 
frique. 

Guerre  des  Stipendiés. 

Causes  de  la  guerre.  —  Car- 
thage eut  bientôt  sur  les  bras  toutes 
les  troupes  mercenaires  et  libyennes 
que  l'évacuation  de  la  Sicile  et  la  ces- 

(*)  L'an  a53  avant  l'ère  vulgaire. 
[  (**)  L'an  a45  avant  l'ère  vulgaire. 


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198 


LOTNIVERS. 


cation  des  hostilités  rendaient  mainte- 
nant inutiles ,  et  qui  furent  provi- 
soirement transférées  à  Sicca^  la  mo« 
derne  Réf. 

Elles  avaient  à  réclamer  un  gros 
arriéré  de  solde  et  de  prestations  de 
toute  nature,  sur  le  montant  desquel* 
les  on  voulut  marchander  ;  elles  s'en 
irritèrent ,  et  prenant  la  route  de  Car- 
thage,  elles  vinrent  camper  à  Tunis  au 
nombre  de  20  000  hommes  (*);  les 
tardives  concessions  du  sénat  cartha- 
ginois accrurent  leurs  exigences,  et 
comme  on  n'y  obtempérait  pas  sans 
objections ,  elles  se  révoltèrent  ouver- 
tement ,  et  appelèrent  le  pays  à  faire 
cause  commune  avec  elles. 

Le  pays  concentrait  une  loùgue  im- 
patience des  exactions  impitoyables  de 
ses  maîtres,  qui  ne  croyaient  être  que 
justes  en  ravissant  au  cultivateur  la 
.moitié  de  ses  produits,  en  arrachant 
aux  villes,  en  temps  de  guerre,  le 
double  des  contributions  ordinaires. 
Toutes  les  villes  et  les  campagnes  ré- 
pondirent à  l'appel  de  leurs  frères  ;  de 
toutes  parts  on  envoya  des  soldats , 
des  munitions ,  de  l'argent  ;  les  fem- 
mes même  sacrifièrent  avec  empresse- 
ment leurs  joyaux  pour  soutenir  la 
querelle  nationale;  et  les  insurgés 
ayant  ainsi  réuni  une  armée  de  70  000 
hommes,  allèrent,  sous  la  conduite  du 
libyen  Mathôs  et  du  transfuge  campa- 
nien  Spendius,  attaquer  Utique  et 
Hippone-Diarrhyte,  qui  seules  étaient 
restées  fidèles  à  la  cause  des  Cartha- 
ginois. 

Succès  DIYEBS  DE  HANNON  ET  D'A* 

MiLCAR.  —  Le  Stratège  Hannon,  qui 
avait  fait  sa  réputation  militaire  par  la 
conquête  antérieure  du  canton  libyen 
d'Hécatompyle,  fut  mis  à  la  tête  d'une 
armée  improvisée  au  sein  de  la  capitale* 
Cette  Hécatompj^le,  que  Polybe  et  Dio- 
dore  font  conquérir  par  Hannon,  avait, 
suivant  le  dernier,  été  fondée  par  Her- 
cule à  la  sortie  du  désert  de  Libye , 
sur  la  route  d'Egypte  à  Gades  ;  et  nous 
savons  par  Salluste  que  la  grande  ville 
fondée  en  cette  région  par  Hercule, 
n'était  autre  que  Capsa ,  dont  les  Ara- 

(*)  Vm  a4o  avant  l'ère  vulgaire. 


bes  ont  conservé  le  nom  à  la  moderne 
Qafssah  qui  lui  a  succédé.  Hannon 
marcha  au  secours  des  places  assié- 
gées ,  et  remporta  auprès  d'Utique  un 
premier  succès,  presque  aussitôt  suivi, 

{)ar  son  imprudence,  d'un  désastre  qui 
ui  fit  perdre  son  camp  et  tout  son 
matériel  ;  puis,  à  quelques  jours  de  là, 
devant  la  ville  de  Gorza ,  dont  nous 
ignorons  remplacement  certain,  bien 
Çue  des  inscriptions  en  soient  venues 
à  nos  musées  d'Europe  {*) ,  deux  fois 
son  impéritie  laissa  échapper  une  vic- 
toire facile.  Carthage  em*ayée  se  hâta 
de  mettre  sur  pied  une  nouvelle  ar- 
mée de  10000  citoyens  avec  70  élé- 
phants, et  en  donna  le  commandement 
a  Amilcar  Barca,  qui  fit  prendre  aussi- 
tôt une  nouvelle  face  aux  affaires. 
'  Les  insurgés  avaient  établi  des  pos- 
tes multipliés  en  travers  de  l'isthme 
qui  joignait  Carthage  au  continent  ; 
ils  occupaient  en  outre  l'unique  pont 
du  fleuve  Makar  (c'est  ainsi  que  Po- 
lybe appelle  le  BagradasouMegerdah), 
et  y  avaient  même  bâti  une  ville.  Ce 
pont  et  la  ville  attenante  sont  plau- 
siblement  représentée  aujourd'hui  par 
la  position  d'El-Qantharah  ou  le  Pont , 
à  moitié  chemin  de  Tunis  à  Bizerte. 
Amilcar,  qm  grand  étonnement  de 
tous ,  tourna  ces  obstacles  en  opérant 
son  passage  sur  la  barre  même  du 
fleuve,  que  la  mer  découvrait  sous 

(*)  Le  musée  de  Cortone  renferme  deux 
iilscriptions  curieuses  apportées  d'Afrique 
et  publiées  pour  la  première  fois  par  Marini 
dans  ses  Monuments  des  Frères  Arvales  ; 
nous  nous  bornerons  à  rapporter  ici  un  frag- 
ment  de  l'une  d'elles,  datée  de  l'an  7  de 
notre  ère  : 

cxvrrjLS  gvrzknsis  ex  afriga 

HOSPITIVM   FfiCXT   CVM   C.    AVFVS 

TIO    C.    F.    GAI..    MACRINO    PRAEF. 

FABR.    SYMQVE   LIBEROS   POSTE 

ROSQVE   EIVS    SIBI   LIBERIS 

POSTERISQVS   SVIS   PATRO 

WVII   COOPTARVKT. 

etc. 

K  Les  citoyens  de  Garza  en  Afrique  ont  fait  con- 
«  trat  d'hospitalité  arec  Gains  Anfostios  Mserinus 
wfils  de  Gains,  de  la  tribu  Galeria,  préfet  des  otH 
«  vriers ,  et  l'ont  choisi ,  lui ,  ses  enfants  et  descen- 
«  dants ,  pour  lenr  patron  à  eux ,  leurs  enfants  et 
"  mis  î  »  etc. 


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Goo^z 


AFRIQUE  ANCIENNE. 


190 


rinfluenoe  de  certains  Tents  dont  il 
sut  profiter,  et  il  put  marcher  à  dé- 
couvert sur  l'armée  ennemie ,  la  vain- 
cre, dégager  Utique,  occuper  la  ville 
du  Pont ,  et  parcourant  en  vainqueur 
le  pays  environnant  ^  en  reprendre 
toutes  les  places,  les  unes  par  capitu- 
lation ,  les  autres  d'assaut.  Une  nou- 
velle victoire  (due  principalement  à  la 
défection  en  sa  faveur  au  prince  nu- 
mide Naravase  avec  ses  2  000  cava- 
liers) le  délivre  ensuite  des  corps  de 
troupes  envoyés  pour  le  harceler  dans 
sa  marche  ;  et  il  opère  enfin  sa  jonc- 
tion avec  Hannon. 

Mais  la  rivalité  des  deux  chefs  vint 
paralyser  les  efforts  d'Amilcar;  et  la 
cause  de  Carthage  éprouva  d'autre 
part  des  revers  répétés;  pour  comble 
de  malheur,  Utique  et  Hippone-Diar- 
rhyte,  jusqu'alors  inébranlables  dans 
leur  fidélité,  ouvrirent  leurs  portes 
aux  Libyens;  et  ceux-ci,  enfin,  vin- 
rent mettre  le  siège  devant  Carthage. 

ViCTOiBE  DES  Carthaginois  et 
FIN  DE  LA  GUEBBE.  —  Le  rappel  de 
Hannon  rendit  à  Amilcar  toute  sa 
force;  il  harcela  les  assiégeants  jus- 
qu'à leur  faire  lâcher  prise  ;  et  les  in- 
surgés ayant  mis  à  ses  trousses  une 
armée  de  .50  000  hommes  (où  figurait 
avec  les  siens  le  prince  libyen  Zar- 
xas) ,  il  les  battit  en  détail ,  les  attira 
dans  une  position  désavantageuse , 
en  un  lieu  appelé  Priôn^  scie,  par 
allusion  à  cet  instrument;  et  pendant 
qu'ils  attendaient  vainement  des  se- 
cours de  leur  camp  de  Tunis ,  il  les 
réduisit  à  manger  leurs  prisonniers  et 
leurs  esclaves,  jusqu'à  ce  qu'enfin  il 
pût  anéantir  jusqu'au  dernier  les 
40  000  hommes  qui  restaient. 

Cette  victoire  valut  encore  la  reddi- 
tion d'un  grand  nombre  de  villes  li- 
byennes. Après  avoir  assuré  la  sou- 
mission du  pays,  Amilcar  vint  assié- 
ger Tunis  de  deux  côtés  à  la  fois  ; 
mais  l'un  des  camps  fut  surpris  et 
Amilcar  obligé  de  faire  retraite  vers 
l'embouchure  du  Bagradas.  Hannon 
lui  ayant  amené  des  renforts,  les  deux 
géniaux ,  agissant  désormais  de  con- 
cert, firent  éprouver  à  Mathôs  de 
fréquents  revers ,  soit  auprès  de  Lep- 


tis,  représentée  comme  on  sait  par  la 
moderne  Lemthah,  soit  ailleurs.  Enfin 
on  en  vint  à  une  bataille  décisive  où 
la  victoire  demeura  aux  Carthaginois  ; 
la  plupart  des  Libyens  y  périrent,  le 
reste  se  réfugia  dans  une  ville  voisine 
qui  ne  tarda  pas  à  se  rendre.  Tout  le 
pays  rentra  dans  l'obéissance,  sauf  Uti- 
que et  Hippone-Diarrhyte ,  qu'il  fallut . 
réduire  de  force.  Et  les  Carthaginois 
se  trouvèrent  ainsi  redevenus  maîtres 
encore  une  fois  de  toutes  leurs  posses- 
sions d'Afrique.  Ils  châtièrent  même 
les  populations  voisines  qui  s'étaient 
montrées  hostiles,  notamment  les  Nu- 
mides Micatanes ,  dont  ils  maltraitè- 
rent les  flammes  et  les  enfants,  et  em- 
palèrent tous  ceux  qui  tombèrent  en- 
tre leurs  mains. 

Deuxième  guerre  punique. 

Dispositions  préalables  d*An-, 
NiBAL. — Dépouillée,  par  les  Romains,' 
de  la  Sicile,  de  la  Sardaigne,  de  la  Corse, 
de  la  plage  ligurienne,  Carthage  trou- 
vait une  ample  compensation  à  ces 
pertes  dans  ses  conquêtes  nouvelles  eu 
Hispanie  ;  mais  la  jalouse  Rome  en 
prit  ombrage,  prétendit  imposer  l'Èbre 
pour  limites,  et  réserva  même,  au 
delà,  l'indépendance  de  la  grecque  Sa- 
gonte  :  Annibal  prit  Sagonte  et  la 
guerre  fut  rallumée. 

Le  général  carthaginois  pourvut 
aussitôt  à  la  sûreté  de  l'Afrique  et  de 
l'Hispanie  en  les  munissant  de  garni- 
sons échangées  entre  les  deux  pays; 
f)our  l'un  ,  comme  au  temps  de  Scy- 
ax,  Carthage  commandait  en  maî- 
tresse depuis  la  grande  Syrte  jusf- 
qu'aux  colonnes  d'Hercule  ;  pour  l'au- 
tre ,  depuis  les  colonnes  d'Hercule 
jusqu'aux  Pyrénées.  Annibal  tira  de 
cette  dernière  16  000  hommes  qu'il 
répartit  entre  Carthage  et  les  places 
de  la  Métagonie,  après  avoir  pris  à 
celles-ci  4  000  fantassins  qu'il  trans- 
fera dans  la  capitale,  comme  otages 
plus  encore  que  comme  défenseurs. 
En  retour ,  il  fit  venir  en  Hispanie  un 
corps  de  15000  hommes  dont  il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  rappeler  ici  la  com- 
position :  l'infanterie  présentait  un  ef- 


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300 


L'UNIVERS. 


fectif  un  peu  moindre  de  12000  Li- 
byens, au)tquels  il  joignit  300  Liguriens 
et  500  Baléares  ;  quant  à  la  cavalerie , 
la  Libye  et  les  villes  libo-phénicien- 
nes  n'avaient  pas  fourni  500  hommes  ; 
il  y  avait  de  plus  300  Lorgites  et 
1800  nomades  Massy liens,  Massésy- 
liens,  Makiens,  et  Maures  des  bords 
de  l'Océan.  Lui-même  entra  en  cam- 

I)agne  avec  une  puissante  armée,  dont 
es  Libyens  et  les  Numides  avaient 
fourni  une  part  importante. 

Nous  n'avons  pomt  à  raconter  ici 
les  mémorables  prouesses  du  héros 
carthaginois  conduisant  ses  éléphants 
et  ses  phalanges  africaines  à  travers  les 
frimas  des  Pyrénées,  des  Alpes,  de 
l'Apennin ,  ébranlant  toute  l'Italie  et 
réduisant  Rome  à  la  dernière  extré- 
mité ;  nous  n'avons  point  à  dire  les 
exploits  des  Scipions  en  Hispanie  ; 
l'Afrique  seule ,  au  [)oint  de  vue  de 
.son  histoire  territoriale ,  a  droit  de 
nous  occuper. 

Pbemièbes  ingubsions  des  Ro- 
mains.—Le  consul  Cnéus  Servi  liusGé- 
minus  (*)  y  lit  une  première  incursion  ; 
d'abord  il  dévasta  l'île  de  Ménix ,  ran- 
çonna celle  de  Kerkina  ,  et  débarqua 
ensuite  sur  le  continent  pour  y  faire 
le  dégât;  mais  il  fut  enveloppé,  per- 
dit 1000  hommes  avec  son  questeur 
Sempronius  Blésus,  et  fut  contraint 
à  une  honteuse  fuite  ;  dans  la  traver- 
sée de  retour,  il  prit  la  petite  île  de 
Kossyra,  où  il  laissa  garnison,  et 
rentré  à  Lilybée,  il  remit  le  comman- 
dement de  la  flotte  au  préteur  Titus 
Otacilius,  le  même  qui  deux  ans  après 
vint  faire  une  descente  sur  les  côtes 
carthaginoises  qu'il  dévasta,  et  trois 
ans  plus  tard  reparut  avec  quatre- 
vingts  galères  devant  Utique ,  enleva 
dans  le  port  même  cent  trente  navires 
chargés  de  grains ,  ravagea  les  envi- 
rons ,  et  revint  en  Sicile  avec  un  im- 
mense butin,  fruit  d'une  simple  croi- 
sière de  trois  jours. 

A  son  exemple,  Marcus  Valérius 
Messala,  envoyé  par  le  consul  Marcus 
Valérius  Lévinus  (**) ,  vint  deux  ans 

j*)  L'an  ai 7  avant  Tère  vulgaire. 
(**)  L'an  aip  avant  l'ère  vijlgairc. 


après  avec  cinquante  galères  faire  une 
descente  à  Utique,  ravager  la  campa- 
gne et  enlever  des  [prisonniers.  L'an- 
née suivante,  les  comices  voulurent  que 
Lévinus,  conservant  la  Sicile  comme 
proconsul,  fît  encore  quelque  descente 
en  Afrique ,  en  personne  ou  par  un  de 
ses  lieutenants ,  soit  Messala ,  soit  le 
propréteur  Lucius  Cincius  Alimentus  ; 
mais  il  n'effectua  son  expédition  que 
la  seconde  année  de  son  proconsulat  ; 
alors  il  partit  avec  cent  galères ,  vint 
débarquer  près  de  Clypéa ,  poussa  ses 
excursions  au  loin  dans  la  campagne 
sans  trouver  d'obstacles,  et,  chargé  de 
dépouilles, regagna  précipitamment  ses 
vaisseaux  pour  combattre  et  vaincre  la 
flotte  carthaginoise  envoyée  contre  lui. 
L'année  d'après,  proconsul  encore,  il 
aborda  près  d'Utique,  s'avança  fort 
avant  sur  le  territoire  de  Carthage , 
et  ayant  recueilli  un  riche  butin,  il 
se  remit  en  mer  pour  battre  la  flotte 
punique  qui  venait  à  sa  rencontre. 

Rome  se  fait  des  allies  en  Afbi- 
QUB.  —  Mais  des  courses  de  pillage  sur 
le  littoral  étaient  sans  portée  :  pour  in- 
quiéter sérieusement  Carthage  en  Afri- 
que, il  fallait  prendre  pied  sur  ce  con- 
tinent ;  Rome  n'avait  point  négligé  de 
s'y  ménager  des  alHances  dans  ce^'but. 
Entre  les  possessions  puniques  et  les 
Maures  voisins  de  THIspanie  s'éten- 
daient les  deux  puissants  royaumes 
numides  des  Massésyliens  et  des  IVlas- 
syliens ,  états  rivaux  se  disputant  la 
possession  d'une  province  enlevée  à 
Carthage,  l'un  ayant  pour  roi  Syphax 
dont  la  capitale  était  Siga ,  l'autre  ap- 
partenant à  Gala  et  ayant  pour  capi- 
tale peut-être  la  royale  Hippone.  Les 
Romains  ayant  gagné  Syphax,  les  Car- 
thaginois excitèrent  contre  lui  Gala  , 
qui  envoya  son  jeune  fils  Massinissa  le 
combattre  et  le  vaincre  à  deux  repri- 
ses ;  cependant  Syphax  se  releva  de  sa 
double  défaite  et  obtint  quelques  avan- 
tages contre  les  Carthagmois,  pendant 
que  Massinissa  faisait  la  guerre  pour 
eux  en  Bispanie ,  où  l'avait  accompa- 
gné son  neveu  le  jeune  Massiva. 

Massiva  ayant  été  fait  prisonnier 
dans  une  rencontre,  Scipion  le  ren- 
voya sans  raqçon  et  comblé  de  pré- 


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AFRIQUE  ANQENNE. 


201 


sents  à  son  oncle,  qui  fut  vivement 
touché  de  cet  acte  de  générosité ,  et 
résolut  peut-être  dès  lors  d'embrasser 
le  part!  des  Romains.  On  peut  croire 
toutefois  que  ses  dispositions  à  cet 
égard  furent  principalement  détermi- 
nées par  le  désir  de  s'assurer,  au 
moyen  de  leur  alliance,  la  possession 
future  d'un  trône  qui  venait  de  lui 
échapper  par  l'avènement  de  son  oncle 
Ésalcès,  plus  favorisé  que  lui-même 
des  Carthaginois ,  lesquels  avaient  ci- 
menté leur  amitié  en  faisant  épouser 
au  nouveau  roi  une  nièce  du  grand 
Annibal.  Quoi  qu'il  en  soit,  Massi- 
nissa  fit  de  premières  ouvertures  au 
propréteur  Marcus  Silanus,  puis  il  eut 
avec  Scipion  lui-même  une  entrevue 
secrète,  dans  laquelle  il  insista  vive- 
vement  pour  que  la  guerre  fût  portée 
en  Afrique,  ou  il  était  né,  où  if  avait 
été  élevé  dans  l'attente  d'un  trône,  et 
où  il  pourrait  montrer  aux  Romains 
que  jamais  ils  n'avaient  eu  d'ami  aussi 
dévoué  que  lui.  Après  s'être  engagé 
mutuellement  leur  foi ,  les  deux  chefs 
se  séparèrent,  et  bientôt  Scipion  se 
rendit  à  Rome  pour  obtenir  le  consu- 
lat, et  Massinissa  fut  rappelé  en  Afri- 
que par  le  soin  de  ses  propres  affaires. 

Massinissa  recourbe  son  boy au- 
ME  ET  LE  BEPERD.  —  11  avait  d'abord 
reçu  la  nouvelle  que  son  oncle  Ésalcès 
était  mort,  et  que  son  cousin  Capusa, 
fils  aîné  du  défunt,  avait  été  proclamé 
roi  à  sa  place;  bientôt  il  apprit  que  Ca- 
pusa avait  été  tué  dans  un  combat  con- 
tre Mézétule,  autre  prétendant,  qui  tou- 
tefois n'avait  osé  prendre  le  sceptre 
qu'à  titre  de  tuteur  du  jeune  Lacuma- 
cès  frère  de  Capusa,  tout  en  cherchant 
à  consolider  son  usurpation,  d'un  côté 
par  l'alliance  des  Carthaginois  au  moyen 
de  son  mariage  avec  la  veuve  d'Ésal- 
cès  nièce  d'Annibal,  et  d'un  autre 
côté  par  l'alliance  deSyphax,  à  qui  il 
envoya  des  ambassadeurs. 

Massinissa  ne  perdit  pas  un  instant: 
il  passa  en  Mauritanie,  et  obtint  du  roi 
Bocchar  4  000  cavaliers  à  titre  d'escorte 
jusqu'aux  frontières  de  la  P^umidie  des 
Massyliens,  où  cinq  cents  de  ses  par- 
tisans ,  prévenus  de  son  arrivée,  vin- 
rent le  recevoir;  bientôt  son  armée 


étant  devenue  nombreuse ,  moins  ce- 
pendant qu'il  ne  l'avait  espéré,  il  mar- 
cha contre  Lacumacès,  qu'il  atteignit 
près  de  Thapsus  au  moment  où  ce 
prince  partait  pour  aller  joindre  Sy- 
phax  ;  Massinissa  s'empara  de  la  ville, 
reçut  à  merci  les  cavaliçrs  royaux  qui 
se  rendirent,  tailla  en  pièces  ceux  qui 
voulurent  résister;  mais  le  gros  de 
l'armée  ainsi  que  le  jeune  roi  parvin- 
rent à  s'échapper  pendant  la  mêlée  et 
rejoignirent  Syçhax.  Ce  premier  suc- 
cès ayant  grossi  les  forces  de  Massi- 
nissa, il  put  tenir  tête  à  Mézétule  mal- 
gré les  renforts  que  Lacumacès  avait 
obtenus  de  Syphax  ;  il  leur  livra  ba- 
taille, les  défit,  les  obligea  à  se  réfu- 
gier sur  les  terres  de  Carthage ,  et  re- 
couvra ainsi  le  royaume  de  ses  pères; 
mais  sentant  qu'il  allait  avoir  Syphax 
sur  les  bras ,  il  se  hâta  de  faire  à  ses 
compétiteurs  défavorables  conditions, 
et  les  rallia  ainsi  à  son  parti. 

Syphax  en  effet,  adroitement  excité 
par  les  Carthaginois  à  occuper  sur-le- 
champ  en  maître  le  territoire  qui  avait 
été  l'otnet  de  contestations  opiniâtres 
entre  uala  et  lui,  fondit  sur  les  Mas- 
syliens, et  força  Massinissa  à  fuir  dans 
les  montagnes  avec  un  petit  nombre 
de  cavaliers  et  quelques  familles  em- 
portant leurs  tentes  et  chassant  de- 
vant elles  leurs  troupeaux  :  les  habi- 
tants ,  dit  Tite-Live ,  appellent  ces 
montagnes  Balbum ,  soit  que  Phisto- 
rien  latin  traduise  la  signification  du 
mot  indigène,  soit  qu'il  en  reproduise 
simplement  l'émission  phonétique.  Un 
lieutenant  de  Syphax,  chargé  d'une 
expédition  dans  ces  gorges  étroites, 
poursuit  Massinissa  de  retraite  en  re- 
traite ,  l'atteint  et  le  blesse  auprès  de 
Clypéa,  et  perd  enfln  sa  trace  au  pas- 
sage d'un  torrent  où  le  prince  s'est  jeté 
et  doit  avoir  péri Mais  une  ca- 
verne cache  le  monarque  blessé ,  qui 
bientôt  rétabli  reparaît  au  milieu  des 
Massyliens  enthousiasmés,  reprend  son 
royaume,  ravage  les  terres  de  ses  voi- 
sins ,  vient  se  faire  battre  entre  Hip- 
pone  et  Cirta  par  son  heureux  com- 
pétiteur, et  va  chercher  un  refuge  au 
fond  de  la  petite  Syrte,  dans  le  canton 
situé  entre  les  comptoirs  puniques  et 


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209 


L'UNIVERS. 


les  Garamantes,  où  il  attendit  avec 
confiance  des  jours  meilleurs. 

AfiaiYBE  DE  SciPiON.  —  Tel  était 
rétat  des  choses  quand  le  consul  Sci- 
pion  (*),  préparant  en  Sicile  une  ex- 
pédition aécisive  contre  Carthage,  en- 
voya Caius  Léiius  avec  une  escadre 
courir  les  côtes  et  sonder  le  terrain  ; 
celui-ci  débarqua  à  Hippone-Royale  , 
fit  le  dégât  dans  les  environs,  eut 
une  entrevue  avec  Massinissa  ,  et  re- 

Ïiartit  chargé  de  butin ,  pendant  que 
es  Carthaginois  effrayés  s'em[)res- 
saient  d'acheter,  au  prix  de  la  main  de 
la  belle  Sophonisbe ,  la  renonciation 
ouverte  de  Syphax  à  ralliarice  ro- 
maine ,  et  tentaient  de  gagner  égale- 
ment Massinissa ,  qui  teignit  de  s'y 
Erêter  et  vint  avec  ses  cavaliers  éta- 
lir  son  camp  auprès  d'Utique.  Enfin 
Scipion,  à  qui  Rome  avait  laissé,  avec 
le  titre  de  proconsul ,  la  province  de 
Sicile  et  le  soin  de  la  guei^re  d'Afrique, 
mit  en  mer  avec  une  flotte  bien  équi- 
pée et  de  nombreuses  troupes  de  dé- 
barquement; après  une  journée  et  une 
nuit  brumeuses ,  le  soleil  dissipa  les 
nuages  et  le  vent  fraîchit  ;  on  aperçut 
la  terre  à  cinq  mille  pas,  c'était  le  pro- 
montoire de  Mercure  :  «  Allons  plus 
loin  »,  dit  Scipion.  Le  vent  tomba,  la 
brume  reparut  et  ne  fut  dissipée  que 
le  lendemain  au  lever  du  soleil  ;  on 
revit  la  terre ,  c'était  le  Beau  promon- 
toire :  a  Bon  augure  !  dit  Scipion;  dé- 
barquons ici.  » 

Il  établit  d'abord  son  camp  sur  les 
hauteurs  les  plus  voisines ,  envoie  sa 
flotte  vers  Ulique ,  et  prend  la  même 
route  par  les  coteaux  peu  éloignés  du 
rivage,  s'empare  chemin  faisant  de 
quelques  places ,  est  rejoint  par  Mas- 
sinissa avec  2  000  cavaliers  numides, 
ravage  la  campagne,  occupe  la  ville 
libyenne  de  Lokha  dont  le  nom  est 
resté  au  village  actuel  d'Ël-Ouqâ,  et 
vient  camper  à  un  mille  d'Utique; 
puis  il  va,  à  quinze  milles  de  son  camp, 
tomber  sur  un  corp9  de  4  à  5  000  ca- 
valiers cantonnés  à  Salera ,  qu'il  em- 
porte, dévaste  les  alentours,  prend 
quelques  autres  places,  et  revient,  après 

(*)  L'an  ao5  avant  Tère  vulgaire. 


une  absence  de  sept  Jours  seulement, 
assiéger  Utique  par  terre  et  par  mer. 
L'arrivée  de  Syphax  et  d'Asarubal  le 
détern^ine  à  lever  le  sié^e  après  qua- 
rante jours  d'efforts  inutiles,  et  à  s'al- 
ler retrancher  pour  l'hiver  sur  un  pro- 
montoire qu'un  isthme  étroit  unissait 
au  continent;  ce  lieu  en  prit  le  nom 
de  Castra  Cornélia ,  sous  lequel  on  le 
voit  figurer  dans  les  itinéraires. 

Premiebs  succès  de  Scipion.  — 
Après  quelques  pourparlers  sans  ré- 
sultat, Syphax  se  porta  sur  la  ville  de 
Tholonte  où  les  Romains  avaient  de 
grands  approvisionnements, et  l'enleva 
par  surprise.  Mais  Scipion  (*),  dans 
une  expédition  nocturne ,  se  dirige 
silencieusement  vers  le  camp  d'As- 
drubal,  distant  de  soixante  stades  en- 
viron, ou  plus  de  sept  milles,  pour 
aller  y  mettre  le  feu,  pendant  que  Lé- 
iius se  joint  à  Massinissa  pour  incen- 
dier celui  de  Syphax  ;  profitant  du  tu- 
multe et  de  l'effroi  que  cause  de  part 
et  d'autre  cet  embrasement,  les  assail- 
lants font  un  épouvantable  carnage  et 
demeurent  bientôt  maîtres  des  deux 
camps  :  Syphax  s'enfuit  à  huit  milles 
de  la,  dans  une  position  mieux  défen- 
due; Asdrubal  se  réfugie  avec  500 
cavaliers  seulement  dans  la  ville  d'Au- 
da,  qu'il  abandonne  presque  aussitôt, 
et  qui  ouvre  ses  portes  à  Scipion  , 
dont  les  soldats  enlèvent  et  saccagent 
deux  autres  villes  du  voisinage ,  puis 
il  revient  au  siège  d'Utique. 

Asdrubal  se  hâte  de  recruter  de 
nouvelles  troupes;  Syphax,  retirée 
Abba,  y  rallie  tout  ce  qui  lui  reste  de 
soldats,  fait  de  nouvelles  levées,  reçoit 
un  renfort  de  Celtibériens  qui  arri- 
vaient de  l'Hispanie ,  et  les  deux  ar- 
mées réunies  établissent  leur  camp 
dans  ce  qu'on  appelait  les  Grandes 
Plaines,  c'est-à-dire  dans  le  canton 
arrosé  par  le  fleuve  Tusca,  et  qu'on  ap- 
pelle encore  la  campagne  de  BoU  ;  Sci- 
pion, partant  d'Utique,  arrive  en  cinq 
journées ,  campe  d'abord  à  trente  sta- 
des ou  quatre  milles  de  l'ennemi,  puis 
il  s'en  rapproche  jusqu'à  sept  stades  ; 
enfin,  après  quelques  escarmouches,  la 

(*)  L'an  2o3  avant  l'ère  vulgaire. 


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AFRIQUE  ANCIENNE- 


208 


bataille  s'engage,  et  Scipion  remporte 
une  victoire  complète  qui  force  Syphax 
à  regagner  ses  états  et  Asdrubal  a  re- 
tourner à  Carthage.  Sciçion  alors  en- 
voie Lélius  et  Massinissa  à  la  poursuite 
de  Syphax,  et  lui-même  subjugue  le 
pays,  prenant  les  places  les  unes  d'as- 
saut, le  plus  grand  nombre  par  capi- 
tulation, fatiguées  qu'elles  étaient  des 
exactions  dont  les  accablait  Carthage; 
enfin  il  se  rapproche  de  cette  capitale 
et  s*empare  de  Tunis  qui  n'en  est  éloi- 
gné que  de  cent  vin^t  stades  ou  quinze 
milles.  Les  Carthagmois  tentèrent  avec 
leur  flotte  une  diversion  sur  Tescadre 
romaine  stationnée  devant  Utique, 
mais  lentement,  s'arrétant  en  route 
au  port  de  Ruscinona,  et  laissant  ainsi 
aux  Romains  le  temps  de  faire  avorter 
cette  attaque.  Scipion  de  son  côté  fit 
une  tentative  contre  Utique,  puis  con- 
tre Hippone-Diarrhyte ,  sans  réussir 
d'une  part  plus  que  de  l'autre;  alors  il 
brûla  ses  machines  et  retourna  à  Tu- 
nis. 

Expédition  db  Lélius  et  de 
MASSINISS4  EN  NuBiiDiE.  —  Cepen- 
dant Lélius  et  Massinissa ,  arrivés  en 
Numidie,  trouvèrent  les  Massyliens 
empressés  de  reconnaître  leur  roi  lé- 
gitime et  d'expulser  les  gouverneurs 
et  officiers  de  Syphax ,  en  sorte  que 
celui-ci  se  trouva  restreint  à  ses  an- 
ciennes limites;  mais,  stimulé  par 
Sophonisbe  et  par  Asdrubal ,  il  leva 
de  nouvelles  troupes ,  marcha  contre 
Fennemi,  fut  battu  et  fait  prisonnier  : 
la  plus  grande  partie  de  son  armée 
s'enfuit  à  Cirta  dont  il  avait  fait  sa 
capitale.  Massinissa  s'y  rendit  aussi- 
tôt, emmenant  avec  lui  ce  prince  en- 
chaîné, et  la  ville  ouvrit  immédiate- 
ment ses  portes.  Nous  n'avons  point 
à  rappeler  ici  l'épisode  touchant  de 
Sophonisbe,  si  jeune  et  si  belle,  qui  ne 
put  échapper  que  par  le  poison  à  l'op- 
probre d'orner  un  triomphe.  Scipion 
décerna  solennellement  a  Massinissa 
le  titre  de  roi ,  en  lui  donnant  la  cou- 
ronne et  la  coupe  d'or,  le  trône  et  le 
sceptre  d'ivoire ,  la  robe  et  la  tunique 
de  pourpre  à  palmes  d'or  dont  on  dé« 
corait  les  triomphateurs,  et  lui  fit  es- 
pérer toute  la  Numidie  après  l'exécu- 


tion de  Svphax  !  le  sénat  confirma  tou- 
tes les  '  d^ispositions  de  Scipion  à  cet 
égard ,  et  combla  de  présents  les  am- 
bassadeurs que  Massinissa  avait  en- 
voyés à  Rome. 

VlGTOIRB    DÉCISIVE    DE    SciPION 

SUR  Annibal;  fin  de  la  guerre. 
—  Les  Carthaginois  ayant  intimé  se- 
crètement à  Annibal  l'ordre  de  venir 
défendre  l'Afrique ,  il  débarqua  à 
Leptis,  alla  camper  auprès  d^dru- 
mète,  où  il  fit  des  approvisionnements 
de  vivres  et  de  chevaux;  il  attira  à  son 
parti  Tychée  chef  des  nomades  Aréa- 
cides,  Mézétule  qui  disposait  de  1  000 
cavaliers ,  et  encore  Vermina  fils  et 
successeur  de  Syphax;  il  s'empara, 
tant  par  capitulation  que  par  la  force 
des  armes,  de  plusieurs  villes  du  do- 
maine de  Massinissa,  et  il  employa 
même  la  trahison  pour  se  rendre  maî- 
tre de  celle  de  Narlkê  ;  puis  il  se  porta 
vers  Zama,  distante  de  cinq  journées 
de  route  à  l'égard  de  Carthage  :  il  y 
eut  là  un  engagement  de  cavalerie  ou 
les  Romains  obtinrent  l'avantage. 

Scipion  de  son  côté  courant  la  cam- 
pagne, saccageait  le3  villes ,  ne  rece- 
vant pas  même  à  composition  celles 
qui  voulaient  se  rendre.  Après  avoir 
emporté  la  grande  ville  de  Parthos  et 
reçu  des  renforts  de  Massinissa,  il  alla 
s'établir  prés  de  Naraggara ,  où  il  at- 
tendit Annibal ,  qui  lui  avait  fait  de- 
mander une  entrevue  ;  le  général  car- 
thaginois vint  alors  camper  à  quatre 
milles  de  Scipion ,  tout  près  de  K.illa. 
Les  deux  chefs  n'ayant  pu  s'accorder, 
on  en  vint  aux  mains  ;  la  victoire  resta 
à  Scipion ,  et  Annibal ,  après  avoir 
vaillamment  combattu,  se  réfugia  avec 
une  poignée  des  siens  dans  la  ville  de 
Thon,  d'où  il  passa  à  Adrumète,  fai- 
sant à  cheval  en  deux  jours  et  deux 
nuits  une  route  de  près  de  trois  mille 
stades.  Ayant  rallié  6  000  fantassins 
et  500  cavaliers,  il  se  porta  sur  la  ville 
de  Marthama;  mais  il  fut  ra{)pelé  à 
Carthage  par  suite  des  négociations 
pour  la  paix.     , 

Après  avoir  marché  à  la  rencontre 
de  Vermina  qui  venait  au  secours  des 
Carthaginois,  et  lui  avoir  taillé  en  piè- 
ces 15  000  hommes,  Scipion  rentra  à 


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204 


L'UNIVERS. 


Tunis  pour  y  recevoir  les  soumissions 
des  vaincus  ;  les  conditions  de  la  paix 
furent  ainsi  réglées  :  que  les  Carthagi- 
nois demeureraient  libres ,  conservant 
leurs  lois  et  la  possession  des  villes 
de  leur  territoire  en  dedans  des  limites 
existantes  avant  la  guerre,  évacuant 
toutes  les  villes  en  dehors  de  ces  limi- 
tes, et  leur  rendant  leurs  otages;  qu'ils 
livreraient  tous  les  prisonniers  et 
transfuges ,  tous  leurs  éléphants,  tou- 
tes leurs  galères,  sauf  dix  trirèmes 
seulement  ;  qu'ils  ne  feraient  aucune 
guerre,  soit  en  Afrique,  soit  au  dehors, 
sans  l'autorisation  de  Rome;  qu'ils 
rendraient  à  Massinissa  tout  ce  gu'ils 
lui  avaient  enlevé,  et  s'allieraient  à  lui  ; 
qu'ils  fourniraient  les  vivres  et  la  solde 
de  l'armée  jusqu'au  retour  des  ambas- 
sadeurs à  députer  au  sénat;  qu'ils 
payeraient  10  000  talents  euboïques  , 
donneraient  cent  otages,  et  restitue- 
raient toutes  leurs  prises. 

Rome  ayant  décerné  de  pleins  pou- 
voirs à  Scipion  (*),  la  paix  fut  ainsi 
définitivement  conclue.  Le  proconsul 
ajouta  aux  états  que  Massmissa  te- 
nait en  héritage  de  ses  pères,  la  ville 
de  Cirta  et  toutes  les  autres  places  et 
territoires  qui  avaient  été  enlevés  à 
Syphax  par  les  armes  romaines,  le 
surplus  demeurant  au  pouvoir  de  Ver- 
mina.  Puis  il  quitta  l'Afrique  et  vint 
recevoir  à  Rome  les  honneurs  du 
triomphe. 

RÉSULTATS  DE  CETTE  GUERBE 
QUANT  AUX  DELIMITATIONS  TERRITO- 

BiALES.  —  Quelles  furent  alors  les  li- 
mites où  se  trouvèrent  renfermés  les 
Carthaginois,  quelles  furent  celles  de  , 
Massinissa  et  celles  du  fils  de  Syphax  ? 
La  question  est  plus  facile  à  poser  qu'à 
résoudre.  Toutefois  il  est  quelques 
données  générales  qui  ressortent  des 
faits  que  nous  venons  de  résumer,  des 
indications  subséquentes  des  géogra- 
phes, et  des  lumières  que  l'on  peut 
demander  aux  événements  ultérieurs. 
Les  Carthaginois  devaient  $e  renfer- 
mer, dit  Appien,  dans  le  territoire 
ceint  par  les  fossés  puniques  {**);  mais 

(*)  L'an  aot  avant  noire  ère. 

(*  )  *£vTÔç  Tôv  4»oivix(dci)v  T^içpwv. 


ces  fossés  ne  sont  mentionnés  que  par 
lui,  et  par  un  fragment  de  la  Périégêse 
perdue  d'Eumaque,  conservé  par  PWé- 
gon  de  Tralles ,  sans  indication  de 
leur  situation.  Pline  aussi  nous  parle 
d'un  fossé  que  le  jeune  Scipion  établit 
pour  limite  entre  les  possessions  ro- 
maines et  celles  des  rois  numides ,  et 
il  est  probable  qu'il  s'agit ,  au  moins 
en  partie ,  de  la  même  ligne  de  dé- 
marcation; mais  nous  ne  sommes 
guère  mieux  instruits  de  la  situation 
précise  de  celle-ci.  Quoi  qu'il  en  soit, 
nous  pouvons  admettre,  sans  crainte 
d'erreur  grave ,  que  les  Carthaginois 
prétendaient  posséder  tout  le  terri- 
toire compris  entre  Thabraca  et  Thè- 
nes;  que  Massinissa  avait  sans  con- 
testation la  contrée  qui  s'étendait  au 
delà  de  ces  limites  jusqu'à  la  Cyrénaî*- 
que  d'une  part,  et  d^autre  part  au 
moins  jusques  et  y  compris  la  royale 
Cirta;  sauf  les  prétentions  puniques 
sur  quelques  villes  du  littoral ,  et  les 

E rétentions  de  Massinissa  sur  une 
onne  partie  du  territoire  occupé  par 
les  Carthaginois  et  dont  la  restitution 
était  stipulée.  Le  domaine  de  Ver- 
mina,  assez  vaste  encore,  se  poursui- 
vait à  l'ouest  du  royaume  de  Massi- 
nissa jusqu'à  la  Mauritanie,  c'est-à-dire, 
suivant  toute  apparence,  jusqu'au  fleu- 
ve Molochath  au  couchant  du  Malua, 
où  commençait  le  royaume  de  Boc- 
char. 

Envahissements  de  Massinissa» 

Gouvernement  d'Annibal  aCar- 
thage  :  révolution  parlemen- 
TAIRE CONTRE  LUI.— Le  traité  qui  ve- 
nait d'être  conclu  entre  Rome  et  Car- 
thage  contenait,  dans  ses  dispositions 
en  faveur  de  Massinissa,  le  germe  de 
longues  contestations  ;  car  il  était  évi- 
dent qu'un  intérêt  de  conservation  de- 
vait porter  Carthage  à  résister  aux  ten- 
tatives d'agrandissement  que  Tambition 
et  ia  confiance  en  l'appui  des  Romains 
inspireraient  au  monarque  numide  :  et 
l'on  avait  ôté  à  Carthage  la  faculté  de 
vider  à  cet  égard  sa  propre  querelle,  en 
lui  interdisant  toute  guerre  qui  n'au- 
rait pas  l'assentiment  de  Rome. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


Cependant  la  présence  d'Annibal 
dans  sa  patrie  suffisait  pour  contenir 
les  prétentions  de  Massinissa  dans  les 
bornes  d'une  simple  réclamation  di- 
plomatique :  l'illustre  stratège ,  resté 
a  la  tête  de  Tarmée  carthaginoise^ 
partageait  avec  son  frère  Magon  le 
soin  de  maintenir  TAfrique  dans  le 
devoir.  Mais  bientôt  Rome  en  témoi- 
gna de  l'ombrage.  Le  parti  populaire 
était  alors  assez  puissant  encore  pour 
lutter  contre  le  servilisme  qui  envahis- 
sait le  sénat  punique  ;  et  ce  ne  fut 
qu'après  trois  ans  d'efforts  que  les 
deux  factions  que  Ton  appelait  ro- 
maine et  royale  parvinrent  a  faire  pro- 
noncer le  rappel  d'Annibal  et  de  Ma- 
gon :  ce  ne  fut  même  qu'un  succès 
momentané ,  car  le  parti  patriote  re- 
gagna presque  aussitôt  l'avantage  en 
portant  Annibal  à  la  suprême  magis- 
trature (*).  Le  grand  homme  s'y  mon- 
tra plus  redoutable  encore ,  et  d'im- 
menses réformes  faisant  refluer  au 
trésor,  pour  l'acquittement  des  char- 
ges publiques ,  les  richesses  dont  l'a- 
ristocratie avait  seule  jusqu'alors  abu^ 
sivement  profité,  on  vit  Carthage  se 
refaire  de  ses  pertes  avec  une  merveil- 
leuse rapidité,  se  créer  des  ressources 
nouvelles ,  et  redevenir  pour  Rome 
une  rivale  d'autant  plus  formidable 
qu'elle  semblait  se  ménager  des  allian- 
ces étrangères. 

Aussi  des  ambassadeurs  romains 
arrivèrent-ils  à  Carthage  sous  le  pré- 
texte de  terminer  par  voie  de  concilia- 
tion les  discussions  soulevées  par  les 
réclamations  de  Massinissa ,  mais  en 
réalité  pour  favoriser  une  révolution 
parlementaire  contre  Annibal,  et  ob- 
tenir l'extradition  de  leur  implacable 
ennemi.  Il  leur  échappa  toutefois  en 
s'exilant  volontairement  de  son  in- 
grate patrie  :  averti  de  leurs  menées, 
il  fit  secrètement  disposer  des  relais 
pendant  qu'il  affectait  de  se  montrer 
toute  la  journée  exclusivement  occupé 
des  affaires  publiques  ;  et  le  soir  il 
partit  furtivement  ;  il  fit  une  telle 
diligence,  qu'après  avoir  traversé  une 
partie  du  territoire  Yocan,  il  arriva  le 

(*)  L'an  197  avant  l'ère  vulgaire. 


205 

lendemain  matin  à  la  tour  qui  portait 
son  nom ,  entre  Acholla  et  Thapsus. 
Il  se  rendit  le  même  jour  à  l'île  de 
Cercina,  et  remit  en  mer  la  nuit  sui- 
vante pour  aller  chercher  un  asile  au- 
près d  Antiochus  de  Syrie  qui  prépa- 
rait la  guerre  aux  Romains. 

Massinissa  se  met  en  posses- 
sion DES  Empobia.  —  Au  milieu 
des  préoccupations  nouvelles  excitées 
par  cet  événement  inattendu,  la  ques- 
tion de  limites  qui  avait  servi  de  pré- 
texte à  la  venue  des  commissaires, 
fut  probablement  oubliée  ;  tandis  que 
Massinissa,  enhardi  par  les  mauvai- 
ses dispositions  des  Romains  contre 
les  Carthaginois,  et  favorisé  en  même 
temps  par  les  dissensions  intestines 
de  ceux-ci ,  prit  le  parti  d'envahir 
le  territoire  qu'il  convoitait,  soumit  à 
son  autorité  quelques-unes  des  villes 
tributaires  de  Carthage,  et  dévasta 
tout  le  pays  :  il  s'agissait ,  nous  dit 
Tite-Live,'de  la  contrée  maritime  ap- 
pelée Emporta^  bordée  à  la  fois,  d'un 
côté,  par  la  petite  Svrte,  de  l'autre  par 
une  campagne  fertile,  et  constituant, 
sous  le  nom  de  Leptis,  une  cité  uni- 
que (*)  qui  payait  à  sa  métropole  l'é- 
norme tribut  d'un  talent  par  jour. 

Carthage  envoya  à  Rome  des  am- 
bassadeurs (**)  pour  se  plaindre  de 
cette  violation  des  limites  fixées  par 
Scipion  :  limites,  disaient-ils,  que  Mas- 
sinissa avait  bien  reconnues  et  respec- 
tées, alors  que,  poursuivant  le  nu- 
mide Aphir  ou  Aphtérate  dans  sa  fuite 
vers  Cyrène,  il  s'était  cru  obligé  de 
demander  et  s'était  vu  refuser  par  les 
Carthaginois  le  passage  qu'il  avait  re- 
vendiqué depuis.  Mais  des  envoyés  nu- 
mides étaient  aussi  venus  pour  répon- 
dre à  ces  griefs  :  ils  accusèrent  les 

(*)  C'est  ainsi ,  suivant  nous ,  qu'il  faut 
entendre  ce  passage  de  Tite-Live  :  ««  Empo- 
«  ria  Tocant  eam  regionem  ; . . . .  una  civitas 
«  ejus^Leptis.  »  Les  Iraducteurs^qui  oublient 
trop  souvent  la  valeur  du  mot  civitas  (corps 
politique  ) ,  font  dire  au  Padouan  qu'il 
n'y  avait  en  ce  pays  que  la  seule  ville  de 
Leptis  !  tandis  que  Polybe  assure  au  con- 
traire qu'il  y  avait  un  grand  nombre  de 
villes. 

(**)  L'an  193  avant  l'ère  vulgaire. 


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206 


L'UNIVERS. 


Carthaginois  de  menaonge  en  ce  qui 
concernait  les  limites  fixées  par  Sci- 

f>ion  :  que  si  Ton  voulait  remonter  à 
'origine  des  droits  respectifs,  Gar- 
thage,  disaien^ils,  n'aurait  (l'autre 
domaine  que  l'espace  mesuré  par  les 
lanières  de  la  fameuse  peau  de  boeuf; 
tout  ce  qu'elle  possédait  au  delà,  elle 
l'avait  usurpé  ;  mais  si  l'on  voulait  se 
borner  à  la  Question  actuelle ,  il  était 
certain  que  la  possession  du  territoire 
en  litige,  loin  d'avoir  constamment 
appartenu  aux  Carthaginois,  avait  au 
contraire  flotté  sans  cesse  entre  eux  et 
les  rois  numides,  au  gré  de  la  fortune 
des  armes;  et  il  convenait  de  ne  rien 
changer  à  cet  ordre  de  choses. 

Rome  délégua  trois  nouveaux  com- 
missaires, parmi  lesquels  était  Scîpion 
lui-même ,  pour  aller  réçler  cette  af- 
faire sur  les  lieux;  mais  après  exa- 
men, les  envoyés  romains  aimèrent 
mieux  laisser  la  question  indécise  que 
de  prononcer  un  jugement  qui  eût 
mécontenté  l'une  des  parties  conten- 
dantes  :  et  Massinissa  demeura  ainsi 
provisoirement  maître  de  fait  du  pays 
dont  il  s'était  emparé. 

Massinissa  bepbend  un  canton 
jadis  conquis  par  son  pèbe.  — 
Dix  ans  après  (*),  de  nouvelles  que- 
relles de  territoire  furent  provoquées 
par  d'autres  envahissements  de  Mas- 
sinissa. Cette  fois ,  il  s'agissait  d'un 
canton  jadis  enlevé  aux  Carthaginois 
par  son  père  Gala,  puis  conquis  sur 
Gala  par  Syphax,  et  restitué  par  celui- 
ci  aux  Carthaginois  en  considération 
de  son  beau-père  Asdrubal  ;  Massinissa 
le  reprit  à  main  armée,  et  opposa  aux 
plaintes  des  Carthaginois  le  double 
titre  de  son  droit  héréditaire  et  de  sa 
possession  effective.  Des  commissaires 
romains  furent  encore  envoyés,  et 
maintinrent  le  statu  quo  si  favorable 
à  leur  allié,  réservant  au  sénat  le  droit 
de  rendre  une  décision  définitive.  Les 
Carthaginois,  de  leur  côté, jugeant 
opportun  un  moment  où  les  Romains 
avaient  sur  les  bras  la  guerre  contre 
les  Celtibériens ,  pendant  que  Massi- 
nissa lui-même  était  harcelé  par  d'au- 

/*)  L'an  x8a  avant  l'ère  vulgaire. 


Ires  nations  ibériennes,  idiargèrent 
leur  boëtharque  (*)  Carthalon  de  pro- 
fiter de  sa  tournée  dans  les  provinces 
{)uniques  pour  reprendre  aux  Numides 
a  contrée  envahie  :  les  hostilités,  sou- 
tenues de  part  et  d'autre  avec  aideur, 
durèrent  jusqu'à  ce  que  de  nouveaux 
commissaires  romains  vinrent  y  met- 
tre un  terme  en  adjugeant  à  Massi- 
nissa le  territoire  dont  il  s'était  em- 
paré ,  remettant  en  compensation  aux 
Carthaginois  les  cent  otages  que 
Rome  avait  jusqu'alors  retenus. 

Massinissa  s'empabs  des  Gban- 
BES  Plaines.  —  Après  un  autre  laps 
de  dix  années  (**),Rome  eut  encore  à  in- 
tervenir dans  une  troisième  contesta- 
tion de  territoire,  suscitée  par  les  em- 
piétements continuels  de  Massinissa: 
c'était  maintenant  les  Grandes  Plaines, 
c'est-à-dire  le  district  de  Tusca,  qu'il 
avait  envahi ,  et  où  il  s'était ,  depuis 
deux  ans,  rendu  maître  de  plus  de 
soixante-dix  villes  et  châteaux.  Les 
Carthaginois  renouvelèrent  avec  force 
leurs  plaintes  devant  le  sénat  romain, 
et  demandèrent  avec  instance  ou  qu'on 
leur  fît  justice  ou  qu'on  leur  laissât 
vider  par  les  armes  leur  propre  que- 
relle; ou  du  moins,  si  l'injustice  devait 
prévaloir  contre  eux ,  que  Rome  elle- 
même  fixât  une  fois  pour  toutes  la  part 
qu'il  fallait  faire  à  leur  insatiable  voi- 
sin. Guiussa  ,  fils  du  monarque  nu- 
mide, arrivé  en  même  temps  que  l'am- 
bassade punique ,  essaya  de  conjurer 
Torage ,  mais  n'y  réussit  qu'à  demi  : 
il  fut  ordonné  que  les  parties  conten- 
dantes  enverraient  des  délégués  spé- 
ciaux pour  discuter  cette  affaire,  non 
dans  la  vue  d'établir  de  nouvelles  li- 
mites, mais  bien  de  s'en  tenir  aux  an- 
ciennes, sans  faire  perdre  aux  Cartha- 
ginois pendant  la  paix  ce  que  la  guerre 
ne  leur  avait  pas  enlevé. 

Guiussa  revint  avec  les  |>onvoirs  de 
Massinissa ,  et  son  premier  soin  fut 
de  suggérer  des  craintes  sur  l'usage 
que  pourraient  faire  ultérieurement 
les  Carthaginois,  des  forces  navales 
qu'ils  étaient  censés  préparer  pour  ser- 

(^  Commandant  des  auxiliaires; 
(**)  L*an  17  a  avant  l'ère  vulgaire. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


Tîr  les  Romains  dans  leur  guerre  de 
Macédoine  ;  en  sorte  que  la  question 
des  limites  à  débattre  entre  lui  et  les 
envoyés  de  Carthage  ne  se  présenta 
plus  avec  la  même  faveur.  Comme 
dans  les  précédentes  contestations, 
rien  ne  fut  décidé,  sinon  que  \e  statu 
quo  serait  maintenu  jusqu'à  ce  que 
de  nouveaux  commissaires  fussent  al- 
lés régler  le  différend  sur  les  lieux  ;  et 
Ton  prit  soin  de  traîner  l'affaire  en 
longueur  pour  donner  à  Massinissa  le 
temps  de  consolider  sa  possession. 
Enfin,  après  de  longues  années  d'at- 
tente, les  commissaires  furent  dési- 
gnés (*) ,  et  l'un  d'eux  fut  le  farouche 
Marcus  Caton ,  l'ennemi  acharné  de 
Carthage:  arrivés  sur  les  lieux,  ils  de- 
mandèrent que  la  décision  du  litige 
fût  entièrement  abandonnée  à  leur  dis- 
crétion :  Massinissa ,  sûr  d'être  favo- 
risé ,  s'y  prêtait  volontiers  ;  mais  les 
Carthaginois ,  instruits  à  leurs  pro- 
pres dépens  de  la  partialité  de  Rome, 
msistèrent  pour  l'exécution  pure  et 
simple  du  traité  fait  sous  l'autorité  de 
Scipion  :  aussi  les  commissaires  s'en 
retournèrent-ils  sans  avoir  rien  fait, 
mais  frappés  de  la  richesse  du  pays, 
de  l'opulence  et  de  l'açrandissemênt 
de  la  ville,  et  depuis  lors  Caton  ne 
cessa  de  prêcher  hautement  la  guerre 
contre  Carthage. 

Préparatifs  de  guerre  de  Car- 
thage. —  Une  grosse  armée  numide 
commandée  par  Archobarzanes  petit- 
fils  de  Svphax  se  trouvant  rassemblée 
sur  les  frontières  puniques,  Caton  s'é- 
cria que  ces  forces,  réunies  en  apparence 
contre  Massinissa ,  l'étaient  en  réalité 
contre  les  Romains ,  et  que  c'était 
pour  ceux-ci  un  juste  motif  de  com- 
mencer les  hostilités;  mais  Scipion 
Nasica  s'y  étant  opposé,  on  résolut 
d'envoyer  des  commissaires  chargés 
de  s'assurer  des  faits ,  et  Scipion  fut 
du  nombre  (**)  :  après  avoir  reproché 
au  sénat  carthaginois  d'avoir  levé  une 
armée  et  équipé  une  flotte  contraire- 
ment aux  traitis ,  ils  voulurent  ame- 
ner la  paix  entre  les  deux  parties 

PL'an  i57  avant  l'ère  vulgaire. 
)  L'aa  x5a  avant  l'ère  vulgaire. 


207 


moyennant  l'abandon  que  ferait  Mas- 
sinissa du  territoire  contesté;  mais 
Giscon  fils  d'Amilcar,  qui  était  alors 
revêtu  de  la  suprême  magistrature, 
voyant  le  sénat  disposé  à  souscrire  à 
ces  conditions,  souleva  si  bien  par  son 
éloquence  l'indignation  du  parti  pa- 
triote contre  les  factions  romaine  et 
royale,  que  les  envoyés  de  Rome  eux- 
mêmes  eussent  couru  quelque  danger 
s'il  n'eût  assuré  leur  fuite  ;  quant  aux 
royalistes,  il  yen  eut  quarante  d'ex- 
pulsés, avec  serment  de  ne  jamais  souf- 
frir qu'il  fût  fait  aucune  motion  pour 
leur  retour  ;  ils  allèrent  chercher  asile 
auprès  de  Massinissa ,  avec  la  résolu- 
tion de  le  pousser  à  la  guerre. 

Gulussâ  vint  à  Rome  pour  dénon- 
cer que  l'on  faisait  à  Carthage  des  le- 
vées de  troupes  ,  qu'on  y  armait  une 
flotte,  et  qu'il  n était  pas  douteux 
qu'on  n'y  méditât  la  guerre  :  Caton, 
suivant  sa  coutume,  nt  valoir  ces  ar- 
guments; mais  Scipion  Nasica  insista 
pour  qu'on  ne  fît  rien  légèrement,  jt 
une  nouvelle  commission  de  dix  mem- 
bres fut  désignée  pour  aller  vérifier 
l'état  des  choses.  Massinissa  voulut 
que  ses  fils  Gulussa  et  Micipsa  accom- 

Sagnassent  les  envoyés  romains ,  afin 
e  demander  le  rappel  des  quarante 
exilés  ;  mais  le  boétharque  qui  cam- 

f)ait  aux  portes  de  la  ville  en  interdit 
'entrée  aux  princes  numides  ;  une 
embuscade  leur  fut  même  dressée  à 
leur  retour,  et  Gulussa  n'y  échappa 
qu'en  perdant  plusieurs  personnes  de 
sa  suite. 

Les  commissaires, dé  retouràRome, 
où  Gulussa  se  rendit  avec  eux,  attestè- 
rent qu'en  effet  il  existait  à  Carthage 
une  armée  et  une  flotte;  Caton  et  d'au- 
tres sénateurs  opinèrent  pour  qu'on 
transportât  aussitôt  une  armée  ro- 
maine en  Afrique  ;  mais  sur  l'avis  de 
Scipion ,  qu'il  nV  avait  point  encore 
là  une  cause  suffisante  de  guerre ,  il 
fut  décidé  qu'on  y  renoncerait  si  Car- 
thage consentait  à  licencier  son  armée 
et  à  brûler  sa  flotte,  sans  quoi  les  pro- 
chains consuls  auraient  à  s'occuper  de 
la  guerre. 
Massinissa  prend  Orosgopa  et 

TAILLE   EN    PIEGES   LES    CARTHAGI- 


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20$ 


L'UNIVERS. 


ivois.— Surces  entrefaites,  Massinissa 
vint  assiéger  la  place  d*Oroscopa,  qu'il 
désiraitréunirencoreà  ses  usurpations, 
sans  s'inquiéter  davantage  des  traités. 
Le  boétharque  Asdrubal  marcha  aussi- 
tôt contre  lui  avec  25  000  hommes  de 
pied  et  4000  cavaliers  urbains,  et  il 
fut  bientôt  renforcé  de  6000  cava- 
liers numides  par  la  défection  d'Osa- 
sis  et  de  Suba ,  deux  des  généraux  de 
Massinissa  ;  il  eut  d*abord  Tavantage 
dans  quelques  escarmouches  ;  mais 
Massinissa ,  se  retirant  à  dessein  de- 
vant lui ,  le  conduisit  ainsi  jusau'à  une 
grande  plaine  aride  entourée  ae  colli- 
nes abruptes  ;  c'est  là  qu'à  la  vue  de 
Scipion  Émilien  qui  venait  alors  lui 
demander  au  nom  de  Lucullus  un  ren- 
fort d'éléphants  pour  l'armée  de  Celti- 
bérie  (*),  le  vieux  monarque  numide , 
agile  encore  malgré  ses  quatre-vingts 
ans ,  livra  aux  Carthaginois  une  ba- 
taille meurtrière  et  prolongée,  où  il 
eut  le  principal  avantage.  Instruits  de 
la  présence  de  Scipion ,  les  Carthagi- 
nois réclamèrent  sa  médiation  pour 
terminer  enfin  par  un  traité  de  paix 
une  si  longue  querelle;  ils  consen- 
taient à  abandonner  sans  retour,  à 
leur  compétiteur,  le  district  appelé 
Emporia,  à  lui  payer  mille  talents 
d'argent  ;  le  roi  numide  exigea  qu'on 
lui  livrât  en  outre  les  transfuges ,  et 
cette  condition  fit  rompre  aussitôt 
les  négociations;  mais  un  peu  plus 
tard  Asdrubal,  bloqué,  affamé,  réduit 
à  l'extrémité  par  la  disette,  la  chaleur 
et  les  maladies ,  consentit  à  tout,  la 
reddition  des  transfuges ,  la  rentrée 
des  quarante  exilés,  le  payement  d'une 
rançon  de  cinq  mille  talents  en  cin- 
quante années ,  l'abandon  de  ses  ar-> 
mes  ;  puis  le  vindicatif  Gulussa  tomba 
sur  cette  troupe  désarmée,  et  Cartbage 
revit  à  peine  quelques  soldats ,  des 
58  000  hommes  qu'avait  eus  Asdrubal. 

Alors  éclata  la  troisième  guerre  pu- 
nique. 

Nouvelles  délimitations  tek- 

RITOBIÀLES  BÉSULTÀNT  DES  ENVA- 
HISSEMENTS DE  Massinissa. —  En 
cherchant  à  se  rendre   un    compte 

(*)  L'an  x5o  avant  l'ère  vulgaire. 


exact  des  nouvelles  limites  qui  sépa- 
raient à  cet  instant  le  domame  puni- 
que des  États  de  Massinissa ,  on  se 
rappellera  les  envahissements  succes- 
sifs du  monarque  numide  au  sud  et  à 
l'ouest  de  Carthage ,  et  l'on  reconnaî- 
tra^ dès  l'abord  ,  qu'il  s'était  mis  en 
possession  de  toute  la  Byzacène,  et  de 
tout  le  pays  des  Grandes  Plaines  ou 
de  Tusca ,  probablement  jusqu'auprès 
d'Hippone-Diarrbyte,  sans  parler  de 
quelques  autres  points  douteux  ou 
moins  connus.  Quant  à  ceux-ci ,  on 
peut ,  du  moins  en  ce  qui  concerne  les 
cantons  jadis  enlevés  a  Carthage  par 
Gala ,  à  Gala  par  Syphax ,  à  Syphax 
par  Massinissa,  puis  repris  par  Syphax 
et  rendus  à  Carthage ,  et  repris  enfin 
de  nouveau  par  Massinissa ,  penser 
avec  quelque  raison  que  c'était  la  cam- 
pagne au  nord  de  la  Byzacène,  puisque 
nous  avons  vu  précédemment  Massi- 
nissa, vaincu  par  Syphax  dans  la  lutte 
relative  à  la  possession  de  ce  terri- 
toire, se  retirer  sur  le  mont  Balbum 
et  dans  le  voisinage  de  Clvpéa ,  c'est- 
à-dire  jusque  dans  la  grande  presqu'île 
du  cap  d'Hermès. 

Les  états  de  Massinissa  avaient  dû 
s'agrandir  considérablement  aussi  du 
côté  opposé ,  car,  en  admettant  c|ue 
Vermina,  fils  de  Syphax,  eût  gardé  jus- 
qu'à sa  mort  sans  contestation  nou- 
velle le  sceptre  des  Massésyliens ,  il 
est  certain  qu'Archobarzanes,  petit- 
fils  de  Syphax ,  s'étant  montré  dans 
ces  derniers  temps  l'allié  de  Carthage 
contre  Massinissa,  dut  subir  les  vicis- 
situdes de  la  cause  <|u'il  avait  embras- 
sée^ et  se  voir  dépouillé  de  son  royaume 
par  l'heureux  rival  de  sa  famille  :  aussi 
Appien  énonce-t-il  que  les  états  de 
Massinissa  touchaient  d'une  part  à  la 
Mauritanie  voisine  de  l'Océan ,  et  de 
l'autre  à  la  Cyrénaïque.  Mais  quant  à 
la  limite  précise  entre  la  Numidie  et  la 
Mauritanie ,  on  peut  se  demander  si 
elle  était  restée  au  Molochath  comme 
au  temps  où  Syphax  régnait  à  Siga ,  ou 
si  elle  avait  été  transportée  au  Mulu- 
cha,  oii  nous  la  trouverons  prochaine- 
ment indiquée  ;  la  postérité  de  Syphax 
ayant  dû  être  dépouillée  dans  les  der- 
niers temps  du  règne  de  Massinissa, 


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AFRIQUE  ANCIEIflfE. 


on  peut  supposer  que  le  roi  de  Mau- 
ritanie Bocchus  y  aura  concouru  pour 
sa  part  et  à  son  profit ,  en  s'emparant 
du  canton  de  Siga  et  s'avançant  jus- 
qu'au Muiucha,  qu'il  déclarera  plus 
tard  avoir  été  la  lunite  commune  en- 
tre lui  et  Micipsa. 

On  peut  se  former  ainsi  une  idée 
assez  juste  des  conditions  territoria- 
les au  milieu  desuuelles  allait  surve- 
nir la  reprise  des  hostilités. 

.  Troisième  guerre  punique. 

Pbemiàbbs  opebàtions  de  la 
GUEBBE. — En  prenant  les  armes  sans 
la  permission  de  Rome  pour  repousser 
les  agressions  de  Massinissa,  Carthaçe 
avait  contrevenu  aux  conditions  du 
traité  que  lui  avait  imposé  sa  rivale  ; 
et  elle  redoutait  maintenant  d'autant 
plus  le  courroux  des  Romains,  qu'elle 
Tenait  d'éprouver  des  revers,  et  qu'Uti- 
que  abandonnait  sa  cause  pour  se  don- 
ner à  ses  implacables  ennemis.  Elle 
essaya  de  conjurer  l'orage  en  offrant 
satisfaction  au  sénat  de  Rome  ;  les  con- 
suls Lucius  Marcius  Censorinus  et 
Marcus  Manilius  Nepos  (*)  furent  en- 
voyés en  forces  à  U tique  pour  en  dic- 
ter les  conditions,  pendant  que  trois 
cents  otages  étaient  exigés  comme  gage 
préalable  d'obéissance.  Après  ces  ota- 
ges, les  consuls  se  firent  livrer  toutes 
les  armes ,  puis  ils  exigèrent  l'abandon 
de  Carthage  elle-même  ;  ce  fut  le  signal 
d'une  tentative  d^e  défense  désespérée. 

Le  boëtharqueAsdrubal  avait  réuni 
20  000  hommes  sur  le  territoire  exté- 
rieur ;  tous  les  citoyens  en  état  de  por- 
ter les  armes  dans  la  ville  se  levèrent 
en  masse  et  furent  placés  sous  les  or- 
dres d'un  autre  Asdrubal,  petit-fils  de 
Massinissa  par  sa  mère;  on  travailla 
jour  et  nuit  à  fabriquer  de  nouvelles 
armes ,  et  l'on  se  trouva  en  état  de 
soutenir  vigoureusement  un  siège, 
d'autant  plus  que  les  Romains  ne  se 
procuraient  qu'à  grand'peine  des  vi- 
vres qu'il  leur  fallait  tirer  exclusive- 
ment d'Adrumète,  Saxos,  Leptis , 
Achollè  et  Utique ,  tandis  qu'Asdru- 


f09 

bal,  occupant  tout  le  reste  de  TAfrlque, 
dirigeait  sur  Carthage  de  nombreux 
convois.  Les  consuls  furent  repoussés 
au  premier  assaut  qu'ils  voulurent 
tenter,  et  ils  éprouvèrent  encore  di- 
vers échecs  partiels  ;  harcelée  journel- 
lement par  la  cavalerie  d'Asdrubal,  qui 
avait  établi  son  camp  à  Pïéphéris ,  à 
180  stades  de  Carthage,  l'armée  ro- 
maine se  trouva  plus  d'une  fois  dans 
une  position  difficile ,  dont  elle  fut  ti- 
rée cnaque  fois  par  la  bravoure  et  l'ha- 
bileté de  ScipionÉmilien,  alors  tribun. 
Ce  jeune  seigneur  s'acquit  ainsi  une 
grande  réputation  tant  parmi  les  siens 
que  chez  l'ennemi  ;  et  le  vieux  Massi- 
nissa ,  qui  voyait  en  lui  le  fils  adoptif 
de  son  premier  protecteur ,  l'investit 
en  mourant  du  droit  de  régler  le  par- 
tage de  sa  succession  entre  ses  enfants. 
Scipion  adjugea  à  Micipsa  le  gouverne- 
ment politique,  avec  la  possession  de  la 
royale  Cirta  ;  il  attribua  à  Mastanabal 
le  pouvoir  judiciaire  ;  et  il  réserva  le 
commandement  des  troupes  à  Guiussa, 
qu'il  ramena  avec  lui  et  un  corps  de 
cavalerie  numide  au  camp  des  Romains 
.  devant  Carthage. 

Peu  de  succès  dks  consuls  Ma- 
nilius ET  Calpubnius.  —  Pour 
laver  la  honte  d'un  premier  échec 
reçu  devant  Néphéris  qu'il  avait  im- 
prudemment attaquée,  Manilius  vou- 
lut alors  faire  contre  cette  place  une 
nouvelle  tentative  ;  il  emporta  pour 
quinze  jours  de  vivres ,  et  alla  établir 
son  camp  dans  le  voisinage;  mais  il 
n'eut  pas  plus  de  succès,  et  fut  obligé 
par  le  manque  de  vivres  à  effectuer 
sa  retraite  le  dix-septième  jour,  ayant 
à  faire  en  outre  trois  pénibles  journées 
de  marche  pour  regagner  son  camp  de- 
vant Carthnge  ;  et  il  fallut  que  l'habi- 
leté  de  Scipion  le  tirât  encore  d'em- 
barras. 

De  jîouveaux  consuls  ayant  été 
nommés  (*),  Lucius  Caipurnius  Piso 
Césonius  vint  prendre  le  commande- 
ment de  Tarmée  d'Afrique;  mais  il  ne 
fut  point  heureux  dans  ses  opérations. 
Quittant  le  siège  de  Carthage  ,  il  alla 
tenter  contre  Aspis  ou  Clypéa  une 


(•)  L'an  149  avant  Vère  Tulgaire.  (*)  L'an  148  avanl  Fère  vulgaire. 

14*  Livraison.  (Afbiqub  AifCiBNHB.}  H 


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iib 


WntvMè 


double  attaque  par  terre  et  par  mer, 
et  fut  repoussé  ;  il  s'en  vengea  en  sac- 
cageant une  ville  voisine  qui  s'était 
rendue  à  luL  De  là  il  marcha  contre 
Hippone-Diarrhyte  (  ou  Hippagreta 
comme  l'appelle  Appien)  qui  profitait 
de  son  voisinage  d  Utique  pour  inter- 
cepter les  convois  que  celle-ci  expé- 
diait à  l'armée  romaine;  la  place  était 
grande  et  forte,  Calpurnius  passa  tout 
Pété  à  l'assiéger  sans  succès,  et  il  s'en 
retourna,  sans  avoir  rien  fait,  prendre 
ses  quartiers  d'hiver  à  Utique. 

Pendant  ce  temps,  les  Carthaginois, 
rassurés  parles  échecs  irépétésde  leurs 
ennemis  et  par  l'accession  de  huit  cents 
cavaliers  numides  qui  abandonnèrent 
Gulussa  pour  venir  avec  leur  chef  Bi- 
thyas  se  ranger  à  leur  parti,  s'enhar- 
dirent à  parcourir  le  pays,  à  y  distri- 
buer des  garnisons,  à  se  faire  des  par- 
tisans parmi  les  indigènes  ;  et  le  boë- 
tbarque  Asdrubal ,  à  ^ui  l'on  devait 
tous  ces  avantages,  fut  élu  stratège  de 
la  république  à  la  place  de  l'autre  As- 
drubal, qui  fut  mis  à  mort  comme 
coupable  d'intelligences  secrètes  avec 
son  oncle  maternel  Gulussa ,  allié  des 
Romains. 

SCIPION-ÉMILIEN  DÉTBUIT  CaB- 
THÀGE  ET  BÉDUIT  SON  TEBBITOIBE 
EN  PBOVINCE  BOMAINE.  —  Enfin  le 
jeune  Scipion  Êmilien  fut  porté  au 
consulat  avant  l'âge  (*),  dans  la  per- 
suasion que  la  fin  de  cette  guerre  lui 
était  fatalement  réservée,  et  il  vint 
prendre  le  commandement  de  l'armée 
romaine  ;  il  établit  son  camp  devant 
Carthage ,  s'empara  dans  un  premier 
assaut  du  faubourg  de  Mégara  ,  et  fit 
ses  dispositions  pour  affamer  la  place 
par  un  blocus  rigoureux  ;  puis  il  alla 
détruire  devant  Néphéris  l'armée  exté- 
rieure des  Carthaginois  ;  et  la  prise  de 
cette  ville  ayant  amené  la  soumission 
de  toutes  celles  du  voisinage,  tranquille 
désormais  de  ce  côté,  il  revint  presser 
le  siège  de  Carthage  (**),  et  malgré  les 
efforts  inouïs  des  assiégés,  il  emporta 
enfin  la  place ,  défendue  pied  à  pied 
avec  le  courage  du  désespoir,  et  acheva 

(*)    L'an  i47  avant  l'ère  vulgaire. 
(**)  L'an  146  avant  l'ère  vulgaire. 


de  détruire,  aprfeg  Ta  vîctëfre ,  ce  cfiia 
l'incetidie  et  lès  dévastations  de  là 
guerre  avaient  pu  laisser  encore  de- 
bout. Rome  fiit  au  comble  de  la  joie, 
et  le  sénat  délégua  dix  commissaires 
pour  régler  avec  Scipion  le  sort  du 

f)ays  conquis.  Il  fut  résolu  que  toutes 
es  villes  qui  dans  cette  guerre  avaient 
tenu  le  parti  de  Carthage  seraient  ra- 
sées ,  et  leur  territoire  donné  à  celles 
qui  avaient  embrassé  la  cause  des  Ro- 
mains ;  Utique  obtint  ainsi  tout  le  can- 
ton qui  s'étendait  d'un  côté  jusqu'à 
Carthage  et  de  l'autreJusQu'à  Hippone- 
Dîarrhyte  ;  le  reste  rat  oéclaré  tribu- 
taire, et  il  fut  convenu  qu'on  y  enver- 
rait de  Rome  un  stratège,  ou  préteur 
annuel ,  comme  gouverneur. 

Rome  se  substituait  ainsi  purement 
et  simplement  aux  Carthaginois  dans 
la  possession  de  leur  domaine  d^ Afri- 
que ,  tel  qu'il  se  trouvait  en  dernier 
lieu  circonscrit  par  les  états  des  mo- 
narques numides.  Peut-être  doit-on 
penser  qu'une  partie  au  moins  de  la 
byzacène  fut  dès  lors  reprise  par  Sci- 
pion, et  que  dès  lors  aussi  fut  tracé  le 
fossé  de  partage  qui  s'avançait  jus- 
qu'à Thènes;  peut-être  au  contraire 
est-il  permis  de  croire  que  la  prolon- 
gation du  fossé  jusqu'à  Thènes  est  un 
fait  postérieur  à  la  délimitation  adop- 
tée par  Scipion,  et  dont  nous  rencon- 
trerons plus  tard  quelques  indices. 

III.  CONQUETE  DE  LÀ  NUMIDIE  PAli 
LES  BOMAINS. 

Guerre  de  Jugurtha. 

Succession  de  Micipsa  envahie 
pab  jugubtha  sub  hiemsal  et 
Adhebbal.  —  La  mort  de  Gulussa 
et  de  Mastanabal,  que  la  maladie  em- 
porta à  une  époque  dont  la  date  ne 
nous  est  point  donnée,  laissa  Micipsa 
seul  maître  des  vastes  états  de  son 

{)ère,  dont  il  s'appliqua  à  continuer 
'œuvre;  on  ne  peut  oublier  com- 
bien le  règne  long  et  brillant  de  Mas- 
fiinissa  avait  eu  d'influence  sur  les 
mœurs  de  son  peuple»  qu'il  sut  façon- 
ner aux  habitudes  de  la  vie  agrico- 
le; Micipsa,  prince  ami  de  la  paix  et 


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AFRIQUE  IWCIENNE. 


des  arts,  poorsuivit  activement  eette 
œuvre  de  eiviiisatioo,  orna  sa  capitale 
d'édifices  et  d'établisseipents  utiles,  y 
appela  une  colonie  de  Grecs,  et  la  ren- 
dit tellement  florissante  et  peuplée, 
qu'elle  pouvait  metlre  en  campagne , 
suivant  le  calcul  de  Strabon ,  20  000 
Éintassins  et  10  000  chevaux.  La  plaie 
de  sauterelles  racontée  par  Orose,  oui 
sous  son  régné  (*)  vint  anéantir  les 
moissons  et  causer  cette  affreuse 
peste  à  laquelle  succombèrent  plus  de 
800  000  Numides,  200  000  Libyens 
de  la  provinde  d'Afrique,  et  30  000  sol^ 
dats  romains  cantonnés  à  Utique,  fut 
un  coup  funeste  à  de  si  favorables 
progrès,  et  il  fallut  longtemps  sans 
doute  pour  s'en  relever.  Peut-être  est- 
<se  dans  cette  redoutable  épidémie  que 
périrent  et  Mastanabal  et  Gulussa.  Le 
premier  laissait  deux  enfants ,  Gauda 
et  Jugurtha  ;  le  second  un  fils ,  Mas- 
siva ,  les  seuls  dont  Thistoire  ait  eu  à 
nous  entretemr.  Micipsa  lui-même  eut 
deux  enfants ,  Adherbal  et  Hiemsal. 
Tous  ces  princes  eurent  des  préten- 
tions au  trône  de  Numidie. 

On  sait  comment  le  fils  adoptif  de 
Micipsa ,  ce  Jugurtha  que  nous  a  si 
bien  fait  connaître  Salluste ,  appelé  à 
partager  avec  ses  cousins  Adherbal  et 
Hiemsal  la  succession  de  son  bienfai- 
teur, se  hâta  de  faire  assassiner  Hiem- 
sal dans  sa  capitale Thimida(**), et  força 
Adherbal  vaincu  à  se  réfugier  à  Rome 
pour  y  demander  protection  contre 
l'usurpateur. 

(*)  L'an  125  avant  l'ère  vulgaire. 

(**)  Sallust«  rappelle  Thirmida;  mais  tous 
les  documents  ultérieurs  s'accordent  à  écrire 
Thimida ,  Thimida  regia,  entre  autres  cette 
inscription  mutilée.: 

<;.  IVLIO  REGlirO  DECVRIOir. 
KA.RTHAG.  ÀED.  II  TIR  QVIH 
QVSKKAUCIO.   GBIfTIS   SRV£KZ 


^f ,,,»,,. ,  CVBÀTOR 

SPLENBiniSSIMAS   RBIPVBI.ICAB 

I^BmiDEirSIVlC    RKGIORVM.    ORD. 

DSCVRIOKVM  EX   SPORTVLIS   SVIS 

OB  MEKXTÀ   D.  D. 

#>  A-CAîiia  JnliuB  Begiavs,  etc. ,  le  carateur  de  Ta 
fina(Qifi^ue.r«p«]iUiia«  ikTbimida  royale^  »etc* 


211 
C0ttMâN€BM£RtS^  DB  Bà   ÔUÂBKB 

DE  !NuMiDiB.  . —  L'habile  Jugurtha 
sut  acheter  la  faveur  d'uéi  sénat  cor- 
rompu, qui  envoya  une  commission  de 
dix  membres  faire  le  partage  des  états 
de  Micipsa  entre  le  fils  survivant  de 
ce  monarque  et  le  meurtrier  de  l'au- 
tre ;  et  les  décemvirs ,  gagnés  a  force 
d'or ,  lotirent  Jugurtiia  de  la  portion 
la  plus  ét^due  et  la  plus  puissante, 
la  Numidie  des  Massésyliens  depuis  le 
fleuve  Mulucha  jusqu'à  une  limite  qui 
nous  semble  avoir  dû  être  établie  dès 
lors  près  du  port  de  Saldes ,  laissant 
à  Adherbal  la  plus  ornée  de  villes  etd'é* 
difices,  avec  la  royale  Civta.  Mais  l'am- 
bition de  Jugurtha  n'est  pas  satisfaite  : 
il  vient  piller  le  donnaine  d'AdhcN 
bal,  et  bientôt  envahit  ouvertement 
ses  états ,  le  bat  entre  Girta  et  la  mer, 
et  vient  l'assiéger  dans  sa  capitale.  Une 
seconde,  une  troisième  commission 
envoyées  de  Rome  sont  gênées  ;  Cirta 
capitule,  et  Jugurtha  fait  massacrer 
aussitôt  Adherbal  et  tous  ses  adlié- 
rents.  Mais  la  nouvelle  de  ces  attentats 
émeut  à  Rome  les  classes  populaires; 
le  tribun  Caïus  Memmius  tonne  contre 
les  grands  que  l'or  de  Jugurtha  a  cor- 
rompus; la  guerre  deNumidie  est  ré* 
solue,  et  le  consul  Lucius  Calpurnius 
Piso  Bestia  est  envoyé  pour  la  eom» 
mander.    ■ 

Bestia  signale  son  entrée  en  cam- 
pagne par  la  prise  de  quelques  villes  et 
de  nombreux  captifs  ;  mais  bientôt  l'or 
du  Numide  achète  une  paix  facile  ; 
MenMnitns  indigné  obtient  qu'on  ap- 
pelle à  Rome  Jugurtha  pour  démas- 
quer les  concussionnaires,  et  Jugurtha 
vient  encore  semer  l'or  à  pleines  mains 
dans  cette  ville  vénale  :  Massiva,  fils  de 
Gulussa,  qui  s'y  trouvait  aussi,  s'a- 
dresse au  sénat  pour  obtenir  lui-même 
le  royaume  de  Numidie ,  et  Jugurtha 
le  fait  assassiner.  Le  sénat  alors  k»i 
ordonne  de  quitter  immédiatement 
l'Italie ,  et  le  consul  Spurius  Posthu- 
mius  Àlbinus  recommence  la  guerre; 
puis  en  laisse  le  soin  à  son  frère  Au- 
ws,  qui  court  assiéger  Suthul ,  où 
étaient  les  trésors  du  monarque  nu- 
mide, et' que  Paul  Orose  identilie  à 
Calama ,  vulgairement  appelée  aujour^ 

14 


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213 


L'UNIVERS. 


d'hui  Ghelma  ;  mais  Jtigurtba  Tattire 
dans  une  embuscade  au  milieu  des  bois, 
et  le  force  à  capituler  aux  conditions 
les  plus  honteuses;  l'armée  romaine 
est  obligée  de  passer  sous  le  joug  et 
d'évacuer  en  dix  jours  la  Numidie. 

SUCCBS    DE    MÉTELLUS.    —  RomC 

ne  veut  point  reconnaître  une  pa- 
reille convention,  et  elle  charge  le 
nouveau  consul  Quintus  Cécilius  Mé- 
tellus ,  plus  tard  surnommé  Numidi- 
cus,  d'aller  reprendre  la  guerre  ;  il  se 
rend,  avec  le  fameux  CaïusMarius  pour 
lieutenant,  dans  la  province  romaine, 
où  se  trouvaient  cantonnées  les  troupes, 
dont  il  fallut  d'abord  relever  le  moral, 
puis  entrant  en  Numidie ,  il  y  occupe 
d'abord  Vacca ,  le  marché  le  plus  re- 
nommé de  tout  le  royaume ,  très-fré- 
quenté  des  marchands  italiens  ;  arrivé 
sur  les  bords  du  Muthul,  dans  Tancien 
domaine  d'Adherbal ,  il  y  obtient  sur 
Jugurtha  une  victoire  signalée,  à  la 
suite  de  laquelle  il  reçoit  les  soumis- 
sions de  plusieurs  places  ,  et  en  pre- 
mier lieu  de  Sicca ,  la  moderne  Kéf , 
peut-être  aussi  celle  de  Cirta,  où  nous 
voyons  établis  peu  de  temps  après  ses 
magasins.  Il  se  porte  ensuite  surZama, 
ville  considérable  (*) ,  le  boulevard  du 
royaume  dans  la  partie  où  elle  était 
située  ;  mais  il  ne  peut  l'emporter,  et 
il  revient  prendre  ses  quartiers  d'hi- 
ver dans  la  province  romaine,  au  voi- 
sinage de  la  Numidie. 

ËnGn  Jugurtha  se  résout  à  ouvrir 
ses  trésors,  à  livrer  tous  ses  éléphants 
et  une  partie  de  ses  armes  et  de  ses 
chevaux  ;  ce  n'est  point  assez  :  Métel- 
lus  exige  qu'il  vienne  en  personne  re- 
cevoir ses  ordres  à  Tisidium;  mais 
Jugurtha  veut  tenter  un  effort  déses- 
péré plutôt  que  de  se  livrer  lui-même; 
il  recommence  la  guerre,  fait  égorger 
par  trahison  la  garnison  romame  de 
Vacca ,  qui  est  aussitôt  reprise  et  sac- 

(*)  «  Urbem  magnam,  et  in  eâ  parte 
«  quà  sita  eral  arcem  regni,  nomine  Za- 
M  mam,  *  tels  sont  les  termes  de  Salliiste.  Il 
ne  peut  donc  être  douteux  que  ce  ne  soit 
la  Za(ia  \fA\Xjm  ou  grande  Zama  de  Ptolé- 
mée,  la  Zama  regia  d'Hirtius  et  des  monu- 
ments ultérieurs. 


cagée  ;  il  est  battu  de  nouveau  en  rase 
campagne,  se  réfugie  dansThala  (dont 
Grenville  Temple  croit  avoir  de  nos 
jours  retrouvé  les  ruines  à  vingt  milles 
dans  l'est  d'Ayédrah ,  conservant  en- 
core le  nom  de  Tsâlah  H  ;  puis  il 
l'abandonne  pendant  que  Métellus 
vient  l'assiéger ,  la  prendre ,  et  rece- 
voir sur  ses  ruines  tumantes  les  en- 
voyés de  Leptis,  fille  de  Sidon  et  alliée 
de  Rome  depuis  le  commencement  de 
la  guei^re ,  qui  venaient  lui  demander 
une  garnison  ;  il  leur  accorda  quatre 
cohortes  de  Ligures  avec  Caïus  Annius 
pour  commandant.  Jugurtha  va  alors 
recruter  chez  les  Gétules  une  armée 
dont  il  fait  l'éducation  militaire;  il 
s'adresse  au  roi  de  Mauritanie  Boc- 
chus  dont  il  avait  épousé  une  fille, 
l'entraîne  dans  son  parti ,  et  tous  deux 
s'avancent  vers  Cirta ,  sous  les  murs 
de  laquelle  Métellus  vient  asseoir  et 
fortifier  son  camp. 

Mabius  tebmine  là  guerre.  — 
Sur  ces  entrefaites ,  le  consulat  et  la 
guerre  de  Numidie  échurent  à  Marias, 
qui  revint  à  Utique  avec  des  renforts 
considérables  de  troupes  fraîches,  re- 
prit les  hostilités  avec  une  nouvelle 
vigueur,  battit  Jugurtha  et  ses  Gétu- 
les non  loin  de  Cirta  ,  alla  détruire  la 
lointaine  Capsa ,  à  neuf  journées  de 
distance ,  prit  et  brûla  nombre  d'au- 
tres places;  puis  à  l'autre  extrémité 
de  la  Numidie,  non  loin  du  fleuve  Mu- 
lucha ,  limite  commune  des  états  de 
Bocchus  et  de  Jugurtha ,  il  vint  assié- 
ger et  emporter  d'assaut  un  château 
réputé  imprenable  ;  c'est  là  qu'il  fut 
rejoint  par  son  questeur ,  le  fameux 
Lucius  Cornélius  Sylla,  qui  arrivait 
d'Italie  avec  un  corps  considérable  de 
cavalerie;  et  ils  opérèrent  ensemble 
leur  retraite  vers  Cirta ,  afin  d'aller 

(*)  Le  nom  arabe  u  b  Tsâlah  se  pror 
nonce  exactement  comme  le  grec  OoXa,  dont 
le  latin  Thala  est  la  simple  transcription. 
Mais  peut-être  faudrait-il  chercher  Thala 
dans  un  moindre  éloignement  de  la  grande 
Leptis,  ou  supposer,  au  contraire,  qu*il 
s'agit  de  la  petite  Leptis,  et  que  c'est  par 
confusion  que  Salluste  lui  a  appliqué  des 
désignations  propres  à  la  grande. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


f^rendre  leurs  quartiers  d'hiver  dans 
es  villes  du  littoral.  Bocchus  et  Ju- 
gurtha ,  réunis  de  leur  côté ,  saisissent 
le  moment  de  ce  départ,  et  tombent, 
à  la  fin  du  jour,  sur  l'armée  romaine  ; 
mais  l'avantage  reste  à  Marins ,  qui 
reprend  sa  marche ,  et  arrive  quatre 
jours  après  non  loin  de  Cirta,  où  une 
nouvelle  attaque  des  deux  rois  ne  peut 
encore  leur  procurer  une  victoire  ;  et 
les  Romains  opèrent  enfin  leur  ren- 
trée à  Cirta. 

Alors  s'ouvrirent  des  négociations 
avec  Bocchus,  dont  plusieurs  fois  déjà 
on  avait  sondé  les  dispositions  favo- 
rables. Ce  n'est  point  par  animosité , 
répondit-il  à  Syila,  qu'il  avait  [xris  les 
armes  contre  les  Romains ,  mais  uni- 
quement pour  la  défense  de  son  pro- 
pre territoire;  car  il  avait  lui-même 
conquis  sur  Jugurtha  (*)  cette  partie 
de  la  Numidie  que  Marins  venait  ra- 
vager :  «  Je  n'ai  point  fait,  je  n'ai  ja- 
«  mais  souhaité  qu'on  fît  la  guerre  au 
«  peuple  romain  ;  j'ai  défendu  à  main 
«  armée  mes  frontières  qu'on  atta- 
A  quait  à  main  armée.  Mais  laissons 
«  cela ,  puisque  vous  le  voulez  ;  faites 
«  comme  vous  Tentendrez  la  guerre  à 
«  Jugurtha.  Je  ne  dépasserai  point  le 
«  fleuve  Mulucha,  qui  était  entre  moi 
«  et  Micipsa ,  et  je  ne  souffrirai 
*  pas  que  Jugurtha  le  franchisse  ; 
«  si  vous  avez  à  me  demander  quelque 
«  chose  de  plus,  je  ne  m'y  refuserai 
«  point,  pourvu  que  ce  soit  digne  de 
«  moi  comme  de  vous.  »  Après  bien 
des  hésitations, 'l'adroit  Sylla  parvint 
à  le  faire  consentir  à  livrer  Jugur- 
tha ,  qui  fut  amené  à  Marins,  et  alla 
mourir  de  froid  et  de  faim  dans  un 
cachot  de  Rome. 

Modifications  dans  les  cibcon- 
scbiptions  tebritobtales  apbès 
la  défaite  de  jugubtha.  — 
Quels  furent  les  résultats  de  cette 
guerre  quant  à  la  distribution  du  ter- 
ritoire africain  entre  les  diverses  puis- 

(*)  A  ce  propos,  il  n'est  pas  sans  intérêt 
de  rappeler  ici  que,  diaprés  un  fragment  de 
Dion  Cassius,  il  semble  que  Cirta  fût  tom- 
bée au  pouvoir  de  Bocchus  par  voie  de 
composiUon ,  quand  il  traita  avec  Marins. 


21  d 

sauces  oui  s'y  trouvaient  établies? 
Comme  les  historiens  se  taisent  sur  ce 
point,  les  critiques  ont  tenté  d'y  sup- 
pléer par  des  conjectures,  et  les  opi- 
nions varient  beaucoup  à  cet  égard. 
Bocchus,  qui  promettait  de  se  renfer- 
mer dans  ses  anciennes  limites  du 
Mulucha,  y  demcura-t-il  confiné,  ou 
bien  Rome  le  récompensa-t-elle  de  sa 
trahison  envers  Jugurtha  en  lui  adju- 
geant les  pays  qu'il  énonçait  avoir  lui- 
même  conquis  sur  ce  prince?  Nous 
admettrons,  comme  la  plus  probable, 
cette  dernière  hypothèse,  contre  la- 
quelle ne  s*élèvent  point  les  faits  ulté- 
rieurs ;  et  il  y  a  quelque  motif  de  pen- 
ser, en  ayant  égard  à  ceux-ci,  que  la 
limite  orientale  en  put  être  portée 

i'usqu'à  Saldes,  qui  fut  plus  tard  la 
)orne  commune  de  la  Numidie  des 
Romains  et  de  la  Mauritanie  de  Juba 
le  jeune;  il  paraît  certain,  dans  tous 
les  cas,  que  Bocchus  n'eut  point  Cirta, 
bien  qu'il  l'eût  un  moment  occupée, 
car  elle  fut  plus  tard  conquise  par  son 
fils  Bocchus  sur  Juba  l'ancien. 

La  province  romaine  demeura-t-ellc 
aussi  confinée  dans  ses  premières  li- 
mites, ou  fut-elle  augmentée  de  quel- 
qu'une des  conquêtes  de  Métellus  et 
de  Marins  ?  Cette  dernière  hypothèse 
semble  offrir  quelque  probabilité  :  on 
peut  croire  que  Vacca  et  le  territoire 
adjacent  depuis  Thabraca  jusqu'à  Hip- 
pone-Diarrhyte  ,  de  même  que  Sicca , 
furent  désormais  annexés  à  la  province 
d'Afrique. 

Règne  des  princes  numides  succes- 
seurs de  Jv^urtha. 

RÈGNE  DE  Gauda.  —  Quant  au 
surplus,  on  a  trop  souvent  oublié  que 
le  valétudinaire  Gauda  ,  fils  de  Mas- 
tanabal  et  frère  par  conséquent  de 
Jugurtha  ,  tenait ,  des  volontés  der- 
nières de  son  oncle  Micipsa,  un  droit 
éventuel  de  succession  qu'il  avait  fait 
valoir  auprès  de  Métellus,  et  que  Ma- 
rins avait  adroitement  caressé  ;  c'est 
donc  à  Gauda  que  revenait  de  droit, 
aux  yeux  mêmes  des  Romains,  le  scep- 
tre de  la  Numidie;  et  quand  on  voit 
plus  tard  un  Hiarbas  qu'on  dit  son 


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m 


L'UNIVERS. 


•lUs,  et  un  Hiemsal  qu'on  iait  gratni- 
lement  fils  de  Gulussa,  régner  en  Nu- 
)nidie,  on  oublie  de  tenir  compte  du 
droit  héréditaire  qui  les  a  appelés  au 
trône.  On  a  trop  négligé ,  sur  deux 
points  essentiels,  les  indications  d'une 
inscription  deCarthagène  bien  connue, 
et  souvent  répétée  (*),  que  nous  allons 
reproduire  à  notre  tour  : 

HEGl.  IVBAE.  BE.. 

1TBAE.  FILIO.  REClg 

tBin>8ALIS.  N.  REGIS.  CAV«. 

PRONEPOTl.   REGIS.  MAStNIIS.. 

PRONEPOTIS.  «EPOn 

IWIR.  QVINQ.  PATRONO 

COLONl 

«An  roi  Jnba  fils  du  roi  Juba,  petit-fils 
«  du  roi  lempsal ,  arrière-petit-fils  du  roi 
<c  Gauda ,  petit-fils  de  l'arrière-petit-fils  du 
«  roi  Massinissa  ;  les  duumvirs  quinquen- 
«  naux  au  Patron  de  la  colonie.  » 

Il  résulte  évidemment  de  cette  ins- 
cription ,  d'abord  que  Biemsal  était 
fils  de  Gauda ,  et  en  second  lieu  que 
Gauda  a  eu  le  titre  de  roi;  d'où  il 
faut  conclure  que  Gauda,  à  qui  Marius 
iavait  promis  la  Numidie  dès  que  Ju- 
^urtba  seraiit  pris  ou  tué,  reçut  effecti- 
vement la  possession  de  ce  royaume,  et 
la  transmit  à  sa  postérité.  Comment  fut 
réglée  sa  succession,  on  l'ignore  ;  quel- 

Î[ues  modernes  ont  conjecturé  qu'elle 
ut  partagée  entre  Hiemsal  et  Hiar- 
bas;  mais  les  lambeaux  historiques 
qu'il  est  possible  de  recueillir  sur  ces 
princes  ne  procurent  à  cet  égard  au- 
cune lumière. 

RÈGNE  SIMULTANÉ  BE  HiEMSÀL, 

BiABBÀS,  £T  Massinissa  pèbe  p'A- 
BABiON.  —  Quand  le  parti  de  Ma- 
rius fut  obligé  de  fuir  devant  la  for- 
tune de  Sylla  (**),  le  jeune  Caïus  Marius 

(*)  Nous  donnons  cette  inscription  d'a- 
près une  empreinte  tout  nouvellement  appor- 
tée de  Carthagène  par  M.  Joseph  Tastu ,  qui 
Va  prise  lui-même  sur  Toriginal  :  elle  diffère 
à  la  fois,  et  de  la  c^pie  du  Père  Ximenez 
publiée  par  Shaw,  et  de  la  copie  du  che- 
valier de  Bibran  empruntée  par  Spon  aux 
papiers  de  Peiresc  :  elle  s'éloigne  néanmoins 
tort  peu  de  la  première,  adoptée  par  le 
président  de  Brosses  et  Tabbé  Relley,  qui 
en  out  toutefois  méconnu  la  portée. 

(**)  L'an  88  avant  l'ère  vulçaiiie. 


ATÎnt,  avec  d^autres  proscrits,  chercher 
refuge  en  Nuniidie  auprès  du  rod 
Miemsal ,  dont  les  dispositions  incer- 
taines excitèrent  bientôt  leur  défiance; 
aussi  dès  qu'ils  apprirent  que  le  vieia 
Marius  fugitif  avait  paru  a  Carthage, 
ils  s'échappèrent  pour  le  venir  joindre, 
et  quittant  avec  lui  ces  rivages  inhos^ 
pitaliers,  ils  s'empressèrent  de  passer 
a  Cercina,  d'où  ils  aperçurent  bientôt 
les  cavaliers  numiaes  que  Hiemsal 
envoyait  à  leur  poursuite.  Puis  les 
proscrits  de  la  veille  devinrent  les 
proscripteurs  du  lendemain;  puis  la 
fortune  revint  à  l'heureux  Sylla,  et  les 
restes  du  parti  vaincu  naviguèrent  de 
nouveau  en  Afrique,  pour  ren  empa- 
rer en  compensation  de  la  perte  de 
l'Italie  (*);  c'est  alors  que  nous  voyons 
apparaître  pour  la  première  fois  le  nom 
du  roi  Hiarbas,  que  suivant  toute  ap- 
parence le  parti  de  Marius  éleva  sur  le 
trône  de  Numidie  à  la  place  de  Hiem- 
sal, ou  au  moins  en  rivalité  avec  lui. 
Mais  Pompée  envoyé  par  le  diclateur 
contre  les  rebelles,  fit  enlever  dans  l'île 
de  Cosyra  le  consul  Cnéus  Papirius 
Carbo,  qui  fut  décapité;  et  débarquant 
à  Curubis  (la  moderne  Qourbah),  Il 
vint  tailler  en  pièces  auprès  d'Utique 
Cnéus  Domitius  Ahénobarbus  et  le  roi 
Hiarbas  qui  s'était  joint  à  lui  ;  Domi- 
tius fut  tué  et  Hiarbas  prit  la  fuite. 
Pompée  s'occupa  alors  de  rétablir 
Hiemsal  dans  son  rovaume  ;  il  fit  at- 
taquer et  battre  Hiarbas  par  Bogud, 
fils  du  roi  maure  Bocchus,  qui  le  forç$ 
à  revenir  s'enfermer  dans  Bulla  sa 
i;apitaleC^),où  Pompée  le  fît  mettre  à 
mort  après  avoir  emporté  la  place. 
Hiarbas  avait^il  entièrement  dépouil- 

(*)  'O;  Aiêuyjv  9capaoTiqo>6(Uvoc  àvxl  tïjç 
TtoXiocç.  (Appien,  Guerres  civiles,  l,  9a.) 
(**)  C'est  à  liire  de  capitale  de  Hiarbas 

Sue  Bulla  fut  décorée  dès  lors  de  l'épiihète 
e  Koyale  qu'on  lui  trouve  désormais  dans 
les  géograpbes,  les  itinéraires  et  les  actes 
des  conciles.  —  Cette  expédition  de  Pompée, 
sur  laquelle  on  ne  possède  que  quelques 
rares  indications  éparses  daps  les  fragments 
de  Salhiste,  dansPlutarque,  Appien,  £u- 
Irope ,  Aurélius  Victor,  Oroae ,  Paul  Diacre, 
et  Zonare,  3e  raf^rte à  l'an  8;  «vaot  Vèn 
vulgaire. 


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AFRIQUE  ANOENNE. 


pi 


\6  Hiçmsal ,  ou  lui  avait-il  seulemeuft 
eolevé  la  portion  de  la  JXumidie  située 
à  Touest  de  la  province  romaine  d'A- 
frique ?  On  peut  rester  indécis  entre 
«es  deux  hypothèses.  Mais  il  est  une 
autre  question  à  résoudre  :  Hiemsal 
devait-il  seul  renrendre  tout  ce  dont 
on  dépouillait  Hiarbas,  et  n'y  avait-il 
aucun  autre  prétendant  a  satisfaire? 
Aurélius  Victor  a  laissé  échapper  le 
nom  de  Massinissa  :  est-ce  upe  mé- 
prise de  copiste,  ou  bien  y  avait-il  en 
effet  un  prince  du  nom  de  Massissina 
à  qui  il  fallût  rendre  quelque  portion 
de  la  Numidie  ?  On  peut  à  bon  droit 
g'arrêter  à  cette  dernière  pensée  lors- 
qu'on réfléqhitque  César,  cQpime  nous 
le  dirons  tout  à  l'heure,  dépouilla  pimi 
tard  de  ses  domaines  le  numide  Mas* 
^inissa,  dont  le  fils  Arabion  est  appelé 
roi  par  Appien.  IS'est-ce  pap,  dirai-]e 
encore,  contre  qç  même  prétendant , 
dont  le  nom  ei^t  écrit  cette  fois  Ma* 
sintha  par  Suétone,  que  le  roi  Hiem- 
^1  eut  à  envoyer  à  Rome  (*),  pour 
soutepir  ses  intérêts,  son  propre  ^Is 
Juba,  aussi  riche  de  pièces  d'or  que 
de  cheveux,  dit  plaisamment  CicéroB 
dans  son  deuxième  discours  contre  la 
loi  agraire?  Masintha  s'était  mis  sou$ 
le  patronage  de  César,  qui  dans  un^ 
discussion  animée  au  sujet  de  cette  &P 
faire  s^emporta  jusqu'à  saisir  Juba  par 
sa  barbe  :  affront  que  celui-ci  ne  lui 
pardonna  jamais;  aussi,  devenu  roi,  se 
fit-il  un, des  fauteurs  les  plu^  ardents 
flu  parti  de  Pompée. 

lÎÈ&NE     DP     JUBÀ     l'àNGI|2N.    — 

Lorsqu'il  avait  été  chargé  pour  trois 
ans  de  i'imniense  commandement  ma- 
ritime et  territorial  motivé  par  la 
giierre  des  pirates.  Pompée  avait  assi- 
goé  l'Afrique  avec  la  Sardaigne  et  la 
Corse  à  ses  lieutenants  Cnéus  Corné- 
lius Lentulus  Marcellinus  et  Publiujs 
AttiliMs  ;  depuis  son  second  consulat, 
^yant  efi  l'Airique  avec  l'Espagne  dans 
son  lot,  il  les  gouvernait  de  même 
par  /ses  li^qtenapts.  «Quand  éclata  la 
guerre  civile  (**),  le  popipéien  Attius 
iVarps,  chassé  d'Italie,  s'empara  aisé- 

i*()  <U0ii  63  a^jipt  rère  vtilgaire. 
.-P*^  HW^i49«S(a»t  i'w  vulgaire. 


ment  de  la  province  d'Afrique,  et 
trouva  dans  le  roi  Juba  un  voisin  et 
un  allié  tout  disposé  pour  sa  cause. 

César  ayant  envoyé  contre  Varus  so^ 
lieutenant  Curion,  celui-ci  vint  débar- 
quer à  Aquilaria,  lieu  bien  abrité  en- 
tre deux  caps,  à  vingt-deux  milles  de 
Clypéa,  et  qui  paraît  être  1^  moderne 
El-Hawaryan,  le  même  point  ou  plus 
de  fleux  siècles  et  demi  auparavant 
Agathocles  avait  aussi  abordé.  Le  jeune 
Lucius  César,  n'osant  attendre  à  Cly- 
péa  une  attaque  de  la  flotte  de  Curion, 
alla  se  réfugier  à  Adrumète,  où  Caïus 
Confidius  Longus  était  cantonné  avec 
une  lésion.  Curion  envoya  ses  vais- 
seaux a  Utique,  vers  laquelle  il  sa- 
chemina  lui-même  par  terre  :  trois 
journées  l'ayant  conduit  près  du  Ba- 
gradas ,  il  alla  avec  sa  cavalerie  re- 
connaître les  Castra  Coruélia,  et  éta- 
blit ensuite  sop  camp  devant  tJtique. 
Juba  avait  à  se  plaindre  personnel- 
lement de  Curion,  qui  l'année  précé' 
dente,  pendant  son  tribunat,  avait 
proposé  une  loi  pour  la  confiscation 
de  la  IMumidie  et  sa  réduction  en  pro«> 
viqce  romaine  :  aussi  le  vindicatif  mo- 
narque s'était-il  empressé  d'envoyer 
des  secours  à  Varus,  ejt  il  vint  bientôt 
le  joindre  lui-même  avec  de  npuveaux 
renforts,  tailla  en  nièces  Curion  et  soq 
armée,  passa  au  ni  de  l'épée  ses  pri- 
sonniers, et  rentra  triomphant  dans 
ses  états. 

L'Afrique  devint  alors  le  point  de 
refuge  de  tous  les  restes,  considér 
râbles  encore,  du  p^rti  pompéien  dis- 
persés par  les  victoires  de  César,  et 
l'on  résolut  de  s'y  défendre  vigou- 
reusement; Caton  ^'enferma  dans  Uti- 
que ,  qui  devait  être  son  tombeau , 
et  Métellus  Scipion  prit  le  comman- 
dement de  l'armée.  Mais  si  lalNumidie 
de  Jub;i  était  hautement  déclarée  pour 
eux ,  il  n'en  était  pas  de  même  des 
états  de  Bogud  et  de  Bocchus ,  qui 
avaient  succédé  a  leur  père  Bocchus 
l'ancien,  allié  de  Marins,  et  qui  s'étaient 
partagé  sqn  héritage,  Bogud  conser* 
vaut  l'ancienne  Mauritanie  avec  Tingis 
pour  capitale,  Bocchus  ay^.pour  son 
lot  ta  !Numidie  de&  Masgésyliians,  avee 
Ipl  pour  i^pilAl^  ainsi  qfk&  nou8  J'io* 


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3ie 


L'UNIVERS. 


clique  Solin  ;  l'un  et  l'autre  avaient 
embrassé  avec  empressement  le  parti 
de  César,  qui  les  avait  proclamés  tous 
deux  rois,  et  amis  du  peuple  romain. 
Caton  encouragea  le  jeûne  Cnéus  Pom- 
pée à  tenter  contre  eux  une  expédition: 
il  prit  trente  galères ,  et  partant  d'U- 
tique,  il  gagna  la  Mauritanie,  royaume 
de  Bogud ,  où  il  essaya  un  coup  de 
main  sur  la  place  d'Ascurum,  défendue 
par  une  garnison  royale  ;  mais  il  fut 
repoussé  dans  ses  vaitsseaux,  quitta  ces 
rivages,  et  se  dirigea  vers  les  Baléares. 

Guerre  de  Jules-César  en  Afrique. 

Arbiyée  de  César  en  Afrique  ; 
SES  DISPOSITIONS.  —  Cependant  Cé- 
sar avait  résolu  de  venir  porter  le 
coup  de  grâce  aux  Pompéiens  dans 
leur  dernière  retraite  :  sans  se  lais- 
ser effrayer  par  le  mauvais  temps, 
il  s'était  embarqué  pour  l*Afrique ,  et 
passant  en  vue  de  Clypéa  et  de  Néa- 
polis  ,  il  avait  abordé  sans  obstacle 
mais  avec  peu  de  monde,  près  d'Adru- 
mète,  d^oîj  il  s'était  rendu  à  Ruspina, 

f^uis  à  Leptis,  qui  se  déclarèrent  pour 
ui  :  de  là  il  envo3[a  des  bâtiments  en 
croisière  pour  rallier  sa  flotte  éparse, 
dépécha  le  préteur  Salluste  à  ^Cercina 

Sour  y  faire  des  approvisionnements 
e  vivres ,  expédia  des  courriers  dans 
les  provinces  pour  demander  des  ren- 
forts d'hommes  'et  de  munitions,  et 
laissant  une  garnison  à  Leptis,  il  vint 
établir  son  camp  à  Ruspina,  où  il  fut 
rejoint  par  une  partie  de  son  monde 
et  eut  aussitôt  à  soutenir  une  vigou- 
reuse attaque  qu'il  repoussa,  mais  qui 
menaça  bientôt  de  se  renouveler  plus 
formidable,  Scipion  étant  parti  d'Uti- 
que  avec  le  reste  de  son  armée  pour 
venir  à  Adrumète ,  où  il  devait  être 
rejoint  par  Juba.  Heureusement  que  le 
chef  de  partisans  Sittius,  avec  une  ar- 
mée que  mit  à  sa  disposition  le  roi 
maure  Bocchus ,  fit  diversion  sur  la 
Numidie  et  la  Gétulie  de  Juba,  par  la 
prise  de  Topulente  Cirta  et  la  ruine  de 
deux  villes  gétules  qui  avaient  refusé 
decapituler;  en  sorte  que  Juba  fut  obligé 
de  courir  à  la  défense  de  son  propre 
royaume.  Ceb  dçpna  à  César  le  t^mps 


de  se  fortifier,  de  provoquer  dans  le 
camp  de  Scipion  la  désertion  des  Nu- 
mides et  des  Gétules  qui  avaient  tenu 
pour  Marius ,  de  faire  déclarer  pour 
lui  diverses  places,  telles  qu'Acilla  et 
Tisdrus,  de  recevoir  des  convois  con- 
sidérables de  vivres  que  Salluste  lui 
expédia  de  Cercina  après  en  avoir 
chassé  le  questorien  Caïus  Décius ,  et 
de  voir  arriver  enfin  une  partie  des 
renforts  qu'il  attendait  de  Sicile,  tandis 
que  Sittius  enlevait  à  Juba  un  château 
fort  où  le  roi  numide  avait  fhit,  en 
vue  de  cette  guerre,  de  grands  approvi- 
sionnements de  vivres  et  de  munitions. 
Victoire  de  César  ,  qui  reste 

MAITRE    DE   LA   NUMIDIB.   —  César 

alors  s'avança  par  les  hauteurs,  vers 
le  camp  ennemi ,  et  après  une  escar- 
mouche où  il  eut  l'ava'ntage ,  il  s'ap- 
procha jusqu'à  un  mille  d'Uzita,  cfc- 
cupée  par  Scipion  ;  d'un  autre  côté  , 
Confîdius  qui  était  allé  tenter  de  sur- 

firendre  Aciila  et  n'avait  pas  réussi , 
eva  le  siège,  et  prenant  son  chemin 
par  le  territoire  de  Juba  ,  rentra 
a  Adrumète,  et  remit  à  Scipion  une 
partie  de  ses  troupes.  Enfin  Juba , 
pressa  par  Scipion  de  venir  le  rejoin- 
dre, arriva  au  camp,  après  avoir  laissé 
à  son  lieutenant Sabura  le  soin  défaire 
tête  à  Sittius.  César,  ayant  assuré  par 
de  bonnes  garnisons  la  défense  de  Lep- 
tis, Ruspina  et  Aciila,  et  donné  ordre 
à  sa  flotte  de  bloquer  Tapsus  et  Adru- 
mète, brûla  son  camp  devant  Uzita  et 
vint  se  retrancher  près  d'Agar,  dont 
les  habitants  s'étaient  vigoureusement 
défendus  contre  diverses  attaques  des 
Gétules  :  Scipion  alors  le  suit  et  porte 
ses  quartiers  à  six  milles  d'Agar  ;  il 
envoie  des  troupes  pour  faire  des  vi- 
vres àZetta,  dont  il  n'était  éloigné 
que  de  dix  milles;  mais  César,  quoi- 
qu 'ayant  dix-huit  milles  à  parcourir 
pour  y  arriver,  l'y  devance,  s'en  em- 
pare, y  met  garnison,  et  revient  à  son 
camp;  Juba  de  son  côté  saccage  Yacca, 
peu  éloignée  de  Zetta^  et  qui  avait  fait 
inviter  César  à  lui  envoyer  des  trou- 

Ees.  César  à  son  tour  enlève  à  Scipion 
)  place  de  Sarsura ,  et  met  garnison 
dans  Thabéna ,  située  à  l'extrémité 
littorale  du  royaume  de  Jute }  poiSt 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


de  son  camp  d*Agar,  où  il  est  rejoint 
par  de  nouveaux  renforts ,  il  s^avance 
de  huit  milles,  jusqu'à  quatre  milles 
du  camp  de  Scipion,  auprès  de  la  ville 
de  Tégéa,  où  il  engage  un  comba^de 
cavalerie,  mais  sans  pouvoir  en  venir 
à  une  action  générale. 

Alors  il  prend  le  parti  de  quitter 
Agar,  et  faisant  seize  milles  avant  le 
jour,  il  vient  assiéger  Thapsus  ;  Sci- 
pion le  suit  pour  secourir  la  place;  la 
Bataille  s'engage  enfin,  et  César  rem- 
porte une  viâore  complète  (*);  les 
fuyards  prennent  le  chemin  d'Utique, 
et  comme  la  ville  de  Parada  leur  ferme 
ses  portes,  ils  la  prennent  de  force  et 
r  t'incendient.  César  laisse  à  un  de  ses 
lieutenants  le  soin  d'emporter  Thap- 
sus, en  envoie  un  autre  s'emparer  de 
Tysdrus,  dépêche  sa  cavalerie  vers  Uti- 
que,  va  lui-même  prendre  Usceta,  puis 
Adrumète,  et  arrive  à  son  tour  à  Uti- 
que,  où  Caton  s'était  donné  la  mort 
de  désespoir,  et  où  Mes.^ala  avait  fait 
aussitôt  son  entrée.  Juba ,  échappé  de 
la  mêlée,  se  cachant  le  jour  et  mar- 
chant la  nuit,  atteignit  amsi  Zama  sa 
capitale;  mais  elle  lui  ferma  ses  por- 
tes ,  et  fit  porter  ses  soumissions  à 
César,  qui  vint  en  prendre  possession; 
le  malheureux  roi  se  tua  de  désespoir. 
D'un  autre  côté,  Sittius  avait  taillé  en 
pièces  les  troupes  que  ce  prince  avait 
laissées  pour  le  combattre ,  il  arrêta 
dans  leur  fuite  à  travers  la  Maurita- 
nie les  restes  du  parti  vaincu  qui  vou- 
laient passer  en  Espagne,  et  coula  les 
galères  sur  lesquelles  se  sauvait  Sci- 
pion et  que  la  tempête  avait  poussées 
dans  le  port  de  la  royale  Hippone. 
Pabtàge  de  la  Numidie  :  gbéa- 

TION  DE  LÀ  NOUVELLE  PROVINCE 

d'Apkique.— La  Numidie  de  Juba  était 
tout  entière  au  pouvoir  du  dictateur;  il 
donna  à  Sittius,  en  récompense  de  ses 
services,  la  ville  de  Cirta  (font  il  s'était 
emparé  si  à  propos,  avec  uq  territoire 
considérable  au  voisinage;  il  gratifia 
le.  roi  Bocchus  de  quelques  autres  can- 
tons à  sa  convenance  ;  et  de  tout  le 
reste  il  lit  une  province  romaine  con- 
fiée au  gouvernement  du  préteur  Sal- 

(*)  L'an  4G^ant  l'ère  vulgaire. 


517 

luste,  qu'il  décora  du  titre  de  procon- 
sul :  cette  province  fut  appelée  iVbwî7c/fe 
par  opposition  à  l'Afrique  propre,  qui 
était  i Ancienne.  Il  semble  que,  dans 
l'état  où  la  constitua  César,  elle  con- 
serva Zama  pour  capitale,  et  s'étendit 
au  sud  de  l'ancienne  province,  par 
Adrumète,  Ruspina,  Leptis,  Acilla  ou 
Acholla,  et  Tysdrus,  jusqu'à  cette 
Thabéna  extrême,  dernière  possession 
littorale  de  Juba;  et  dans  l'ouest  jus- 
qu'aux concessions  faites  au  partisan 
Sittius  et  au  roi  Bocchus. 

Ces  concessions  elles-mêmes  n'é- 
taient autre  chose  que  l'ancien  terri- 
toire du  prince  Massînissa,  qui  avait, 
comme  allié,  suivi  la  fortune  du  mal- 
heureux Juba ,  et  qui  peut-être  avait 
péri  avec  lui  ;  Arabion,  fils  de  Massi- 
nissa ,  se  réfugia  en  Espagne  auprès 
du  jeune  Pompée,  et  lorsque  celui-ci, 
après  la  mort  de  César,  eut  recouvré 
la  fortune  et  les  honneurs  de  son  père, 
Arabion  revint  en  Afrique ,  rallia  les 
indigènes  auxiliaires,  et  avec  leur  aide 
il  chassa  Bocchus,  se  défit  de  Sittius 
par  trahison  ,  et  rentra  en  possession 
de  son  patrimoine.  Quelles  en  étaient 
les  limites?  Sans  avoir  à  cet  égard  des 
témoignages  directs,  nous  avons  du 
moins  cette  indication  essentielle  que 
la  ville  de  Cirta,  si  elle  n'y  était  point 
elle-même  renfermée ,  en  était  du 
moins  immédiatement  voisine;  d'où 
il  suit  que  selon  toute  apparence,  le 
fleuve  Ampsagas  qui  passait  a  Cirta,  ' 
et  qui  fut  plus  tard  la  limite  occiden- 
tale de  la  province  de  Numidie,  était 
la  borne  orientale  du  royaume  d'Ara- 
bion,  qui  s'étendait  sans  doute  à  Fop- 
posite  jusqu'à  Saldes. 

IV.  DOMINATION  DES  KOMAINS  EN 
AFBIQUE  DEPUIS  LA  CONQUÊTE  DE 
LA  NUMIDIE  JUS^^U'AU  BÈGNE  DE 
CLAUDE. 

Première  période  :  l^ Afrique  an- 
cienne  et  l'Afrique  nouvelle  for^ 
mant  deux  provinces  distinctes. 

Les  deux  Afbiques,  pabtagées 
ENTRE  Antoine  et  Césab  Octa vien, 
abandonnées  a  Lbpide.  --  Autant 


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J21B 


l/CWVEftl 


gu*OD  ea  peut  juger  sur  les  récits 
contradictoires  de  Dion  Cassius  et 
^'Appien ,  Titu^  Sextius  et  Quintus 
Cornificius,  l'un  partisan  d'Antoine, 
Tautre  de  César  Octavien,  se  dispu- 
taient alors  la  possession  des  deux  pro- 
vinces d'Afrique,  et  cherchaient  à  at- 
tirer chacun  dans  son  parti  le  roi 
Arabion;  Cornificius,  maître  de  la  pro- 
vince Ancienne,  ayant  voulu  envahjr 
la  Nouvelle,  qui  appartenait  à  Sextius, 
celui-ci  se  porta  rapidemeat  de  Tiicca 
sur  Adrumète,  qu'il  occupa,  ainsi  que 
les  places  du  voisinage;  toutefois  il  se 
laissa  surprendre  par  PubUusVenlidiu^, 
Tun  des  lieutenants  de  son  antago- 
niste, fut  battu,  poursuivi,  et  serré  de 
près  dans  la  Numidie,  pendant  que 
bécimus  Lélius,  autre  lieutenant  de 
Cornificius,  vint  assiéger  Cirta;  m^is 
les  Sittiens  et  Arabion  faisant  alors 
cause  cominiine  avec  Sextius,  celui-ci 
reprit  le  dessus ,  tailla  en  pièces  Ven- 
tidius ,  repoussa  Lélius  jusqu'auprç§ 
d'Utique,  le  bloqua  dans  son  camp, 
déOt  et  tua  Cornificius  qui  venait  ea 
personne  au  secours  de  son  questeiir; 
celui-ci  eut  le  même  sort,  et  Sextius, 
maître  des  deux  Afriques,  en  conserva 
le  gouvernement  jusqu'à  ce  que  César 
Octavien,  réconcilié  avec  Antoine  pour 
la  formation  d'un  nouveau  triumvirat 
avec  Lépide(*),  eut  pour  son  lot,  dans 
la  distribution  des  provinces,  les  deux 
Afriques  avec  la  Sardaigne  et  la  Sicile. 
Sextius  alors  remit  sans  difficulté  le 
commandement  à  Caïus  Fuficius  Fan- 
go,  désigné  à  cet  effet  par  César. 

Mais  après  la  bataille  de  Philippes  , 
une  nouvelle  division  des  provinces 
ayant  été  faite  entre  les  triumvirs,  la 
Numidie  seule  demeura  à  César,  et 
l'Afrique  propre  fut  céd^e  h  Antpine , 
sauf  dévolution  éventuelle  à  Lépide  : 
$extius,  qui  était  rçsté  sur  les  lieux, 
fut  invité  par  Fulvie,  femme  d'Antoine, 
à  prendre  possession  de  la  province 
p^dée  ;  Fango  résista  ;  mais  il  ne  s'é- 
tait point  fait  aimçr  daps  le  .pays,  et 
il  fut  obligé  de  se  retirer  dans  la  seule 
province  qui  lui  était  conservée  :  là 
liussi  il  ^uf  maille  ^i  pactir  dvec  les 


Cirtésiens,  contre  lesqu^  il  prit  ieê 
mesures  rigoureuses,  et  Arabion  ayant 
refusé  de  reconnaître  son  autorité,  il 
le  chassa  de  son  territoire  et  demanda 
ensuite  son  extradition  à  Sextius  au- 
près duquel  il  s'était  réfugié;  ne  Tayant 
point  obtenue,  il  vint  faire  le  dégftt 
dans  l'Afrique  propre,  fut  repoussé  et 
poursuivi;  mais  Sextius  ayant,  sur 
quelque  soupçon,  fait  tuer  perfidement 
Arabion,  la  cavalerie  numide  indi* 
gnée  l'abandonna  pour  se  joindre  à 
Fango.  Après  un  moment  de  paix,  ce- 
lui-ci fit  une  nouvelle  irruption  en 
Afrique;  les  deux  partis  en  vinrent  aux 
mains,  et  un  second  combat  ayant  eu 
lieu,  Fango  battu  se  sauva  dans  les  mon- 
tagnes où  il  se  tua.  Sextius  alors  s'em- 
para sans  difficulté  de  la  ?([umidie,  prit 
par  famine  Zama  qui  résistait,  et  ûe 
trouva  ainsi  pour  la  secondefois  réunjr 
sous  son  autorité  les  deux  Afriques; 
mais  Lépide  étant  venu  pour  en  pren- 
dre possession  n  avec  six  légions  déta- 
chées de  l'armée  d'Antoine,  Sextius  se 
résigna  de  bonne  grâce  à  livrer  au 
triumvir  les  provinces  qui  lui  étaient 
abandonnées  par  ses  deux  collègues  : 
Xiépide  les  cçnserva  quatre  ans ,  jus- 
qu'à ce  que  dépouillé  du  triumvirat 
par  César  Octavien  à  la  suite  de  leurs 
querelles  en  Sicile.,  il  vit  le  proconsul 
Titus  Statilîus  Taurus  les  aller  sou- 
mettre au  vainqueur  (**). 

La  Mauritanie  tombe  au  pou- 
voir DES  Romains.  —  Quant  à  la 
Mauritanie  et  à  la  riumidie  des  Mas- 
sésyliens,  que  l'on  avait  pris  l'habi- 
tude d'appeler  le  royaume  de  Bogud 
et  le  royaume  de  Bocchus,  il  s'y  pas- 
sait des  événements  d'une  nature 
analogue  :  Bogud  s'étant  laissé  en- 
traîner à  combattre  en  Espagne  pour 
la  cause  d'Antoine  contre  les  lieute- 
nants de  César,  se  trouva  évincé  de  ses 
propres  états  au  moyen  d'une  insur- 
rection adroitement  ménagée  dans  sa 
capitale  Tipgis,  et  de  l'océupation  de 
son  royaume  par  Bocchus,  à  qui  César 
en  conâcma  la  possession  ;  Bogud  iu- 

(*)  L'an  40  avant  Tère  vulgaire. 
(**)  Cette  expédition  valut  à  Statilius  Tau« 
fus  un  tri<Mi^be. 


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AFRIQUE  ABW^IENNE. 


2^9 


.  jOtif  «lia  rejoindre  Antoine,  et  périt 
^us  tard  à  Métbone.  Bocchus,  souve- 
jraÎD  de  tout  le  pav$  qui  s'étendait  de- 
.puis  Saldes  jusqu'à  l'Océan,  conserva 
^core  cinq  années  le  gouvernement 
de  ce  v^te  royaume  (*),  dans  lequel,  à 
sa  mort,  il  n'eut  point  de  successeur 
immédiat,  César  l'ayant  alors  compris 
dans  le  nombre  des  province  directe- 
ment sou|[pises  à  son  autorité. 
La  ^ukidie  benbub  a  JUBi  LB 

JBUNB,    PpiS  BEPBISE  £N  SCHAl«GiE 

DE  LA  Mapbitanje.—  Lorsque  après 
la  bataille  d'Actium,  le  vainqueur 
td' Antoine  fut  resté  seul  maître  de 
l'empire,  il  donna  Cléopâtre  Sélène 
^ur  épQuse  à  Juba  le  jeune,  son 
^compagnon  d'armes,  et  lui  rendit, 
.à  cette  occasion  (**)  »  le  royaume  de 
lïuiuidie,  dont  quin;;e  ans  auparavant 
Juies  César  Tavait  déshérité.  Malgré 
cette  restitution  cependant,,  lorsqqe 
César  Octavien,  au  moment  d'être  pro- 
ciaifié  Auguste,  .p^rt^igea  avec  le  sénat 
et  le  peuple  t'aaministrâtîon  des  pro- 
viDçepdu  monde  romain,  la  Numidie, 
si  Ton  s'en  rapportait  du  moires  à  Ja 
liste  que  donne  l'historien  Dion  Cas- 
slus,  se  serait  trouvée,  aussi  bien  que 
l'Afrique  propre ,  dans  le  nombre  de 
celles  qui  écnurent  au  ^énat;  mais 
cette  indication  ne  peut  convenir  à  la 
date  du  partage  général  des  f)rovin- 
ces  (***),  puisque  la  Numidie  était  alors 
encore  aux  mains  de  Juba ,  à  qui  Au- 
guste ne  l'enleva  que  deux  ans  après , 
en  échange  de  la  Mauritanie,  qu'il  lui 
,octraya  (  ***)  telle  que  naguère  l'avait 
possédée  le  dernier  Bocchus,  avec  quel- 
ques portions  de  la  Gétulie  qui  recon- 
naissaient la  dopfiination  de  Rome  : 
les  Gélules,  mécontents  de  cette  di|s- 
|K)sition,  résistèrent  d'abord  sourde- 

(*)  De  l'an  38  à  l'an  33  avant  l'ère  vul- 
gaire. 

.(**)  I/an  3o  avant  iVère  vulgaire.  Les  mé- 
dailles royales  de  ce  prince  commencent 
^és^  cette  çpoq^e. 

(***)  Aiii^urplus,  Dion  lui«a)éme.fait,co|i- 
,4re  l'exactitude  rigoureuse  de  sa  liste ,  cette 
.pbfervation ,  qu'il  ne  .faut  pas  perdre  de 
,Tue  :  Touxa  Sk  o<k(ji  ^x^efpt ,  iSti  vùv  x«>>plc 
,|xa<rcqv,  çijv'çcâv  fJY^P'^^Êyex^i. 


ment,  puis  s'insurgèrent  contre  leur 
pouveau  maître,  dévastèrent  ses  fron- 
tières, taillèrent  en  pièces  de  nom* 
breu6es.expédition|S  ronnaines  succes- 
sivement dirigées  contre  eux,  entraî- 
nèrent dans  leur  parti  les  Musulans, 
qui  les  avoisinaient  à  Test,  et  ce  parti 
était  devenu  assez  formidable  quand 
pprès  de  longes  années  d'hostilités 
jCnéus  Cornélius  Cossus  fut  envoyé  par 
Auguste  aQn  d'en  avoir  raison  (*) , 
pour  que  les  succès  qu'il  obtint  fus- 
sent jugés  dignes  des  honoeurs  triom- 
f)haux  et  du  glorieux  surnom  de  Gétu- 
ique,  qu'il*  transmit  à  son  ûls. 

Seconde  période  :  toute  rMdqne  f?p- 
maine  rév/fm  en  une  seuk  provir^e 
^ous  ^autorité  e(cçlu,me<(i*un  pro- 
consul. 

RéUNJOU  DB  tk  NCMIDIB  BO- 
HAINE  A  L'AFBIQyE    PJilOP»^.  —  La 

Numidie,  reptrée  sous  rautorité  di- 
recte de  Rome ,'  ne  redevint  point 
,pne  province  séparée,  attribuée  au  sé- 
^oat  ou  à  Tempereur,  et  régie  par  un 
.proconsul  au  nom  du  premier,  ou  par 
.un  Ijeuteqant  du  second.;  elle  fut  pu- 
rement et  simplement  annexée  à  la 
province  sénatoriale  d'Afrique  ,  et 
confondue  avec  elle,  pendant  soixante- 
cinq  ans,  sou^  le  gouvernement  d'un 
inéme  proconsul,  ainsi  que  npus  som- 
mes autorisés  à  le  conclure  des  faits 
wUérieurs.  Cette  province  unique,  dé- 
fendue par  deux  légions,  s'étendait 
depuis  Saldes  jusqu'aux  confins  de  la 
Cyrénaîque  :  dans  une  aujssi  vaste 
étendue  de  territoire ,  il  était  difficile 
que  la  paix  ne  ftlt  point  quelquefois 
.troublée  ,par  ^'insurrection  de  guel- 
qu'ijue  des  ti;ibus  indigènes;  mais  les 
thistorieps  ne  npps  ont  point  transmis 
le  récit  d|ÇS  expéditions  qu'il  falhit  di- 
riger Qopti^e  ejlfi^,  et  les  j'ast^  capito- 
lins  nous  ^vêlent  seuls  divers  succès 
.pb^tepu^  par  les  aripes  romaines,  en 
j^qp^  àï^ï^  les  noms  des  proconsuls 

(*)  Cossus  termina  cette  guerre  en  l'an  6 
de  notre  ère.i  elle^ifrait  depijis,fF^eJ^n8, 
si  on  là  .^ait  remonter  ^  \%\^ivdi^^l  de 
Juba  au.!tr9ï}e!ije  l^ijçjj^^e. 


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220 


L'UNIVERS. 


d'Afrique  auxquels  ces  succès  valurent 
les  honneurs  du  triomphe  :  tels  furent 
Lucius  Autronius  Pétus  (*),  Lucius 
Sempronius  Atratinus  (*^),  et  Lucius 
Cornélius  Balbus  (***). 

Mais  s'il  ne  nous  est  parvenu  d' Au- 
tronius et  de  Sempronius  Atratinus 
que  leur  nom  et  la  simple  mention  de 
leur  triomphe,  quelques  détails  de 
plus  sont  arrivés  jusqu'à  nous  des  ges- 
tes de  Balbus  dans  la  province  dont  le 
sénat  lui  avait  confié  le  gouvernement, 
et  nous  devons  à  Pline  des  indications 
précises  qu'il  convient  de  transcrire 
ici  en  entier. 

Expédition  db  Balbus  en  Pha- 
ZANiE. — «  Vers  ces  solitudes  africaines 
appelées  Désert  au-dessus  de  la  petite 
Syrte ,  s'étend  la  Phazanie,  dont  nous 
avons  subjugué  les  habitants  avec 
leurs  villes  d'Alèle  et  de  Cillaba,  ainsi 
que  Cydamus  dans  la  région  voisine 
de  Sabrata.  Ensuite  se  prolongent  du 
levant  au  couchant ,  sur  un  vaste  es- 
pace ,  des  montagnes  que  les  nôtres 
ont  appelées  Noires ,  à  cause  de  leur 
aspect  brûlé ,  ou  noirci  par  la  réver- 
bération du  soleil.  Au  delà  se  trouvent 
des  déserts^  Matelges  ville  des  Ga- 
ramantes,   ainsi  que  Débris  arrosée 

Ï>ar  une  source  dont  l'eau  est  bouil- 
ante  de  midi  à  minuit  et  glaciale  de 
minuit  à  midi  ;  puis  la  fameuse  ville 
de  Garama  capitale  des  Garamantes  : 
tout  cela  a  été  subjugué  par  les  ar- 
mes romaines,  et  a  valu  le  triomphe 
à  Cornélius  Balbus,  le  seul  étran- 
ger à  qui  l'on  ait  octroyé  le  char 
triomphai  et  les  privilèges  de  citoyen  ; 
car  on  lui  donna ,  quoique  né  à  Gades, 
le  droit  de  cité  romame,  en  même 
temps  qu'à  Balbus  l'Ancien,  son  on- 
cle. Et  il  y  a  cela  de  remarquable,  que 
nos  auteurs  ont  constaté  qu'il  avait 
pris  les  villes  nommées  ci-dessiis ,  et 
que  lui-même  lors  de  son  triomphe 
avait  dans  son  cortège ,  en  outre  de 
Cydamus  et  de  Garama ,  les  noms  et 
les  images  de  toutes  les  autres  villes 
ou  peuplades,  qui  défilèrent  dans  cet 

(*)  L'an  ag  avant  Tère  vulgaire» 
(*T  L'an  ai  avant  Tère  vulgaire. 
(***)  L'an  ig  avant  Tère  vulgaire. 


ordre  :  la  ville  de  Tabidium ,  la  beu- 
plade  de  Nitéris,  la  ville  de  Négligé- 
mêla,  la  ville  ou  peuplade  de  Bubéium, 
la  peuplade  des  Enipes,  la  ville  de 
Thuben ,  les  montagnes  appelées  Noi- 
res, les  villes  de  Nitinrum  et  de  Rapsa, 
la  peuplade  de  Discéra,  la  ville  de  Dé- 
bris, le  fleuve  Nathabur,  la  ville  de 
Thapsagum ,  la  peuplade  des  Nanna- 
ges ,  la  ville  de  Boîn ,  la  ville  de  Pège , 
le  fleuve  Dasipari  ;  puis  la  série  con- 
tinue des  villes  de  Baracum,  Buluba, 
Alasi ,  Balsa ,  Galla ,  Maxala ,  Zizama  ; 
enfin  les  montagnes  de  Gyri,  avec  une 
inscription  portant  qu'on  y  trouvait 
des  pierres  précieuses. —  Néanmoins 
la  route  qui  va  chez  les  Garamantes 
est  restée  jusqu'ici  impraticable,  parce 
que  les  gens  du  pSys  couvrent  de  sa- 
ble l'ouverture  de  leurs  puits ,  qu'on 
retrouverait  pourtant  sans  creuser 
beaucoup,  si  l'on  connaissait  bien  les 
localités.  » 

Les  points  principaux  de  cette 
grande  expédition,  c'est,  d'une  part, 
Cydamus,  dont  la  moderne  Ghadâ- 
m'es  a  gardé  à  la  fois  la  place  et  le 
nom,  et  d'autre  part,  Garama,  dont 
le  nom  et  l'emplacement  sont  pareille- 
ment restés  à  la  moderne  Germah; 
Je  surplus  de  cette  fastueuse  énumé- 
ration  de  villes ,  de  tribus ,  de  fleuves, 
de  montagnes,  ne  saurait  être  cher- 
ché que  sur  les  routes  qui,  de  la  côte, 
menaient  à  ces  deux  points;  et  comme 
toute  cette  nomenclature  n'a  point  de 
synonymie  certaine  chez  les  écrivains 
qui  auraient  pu  nous  en  conserver  la 
tradition ,  il  ne  saurait  plus  aujour- 
d'hui se  produire  que  des  explications 
purement  conjecturales  et  arbitraires, 
dont  il  vaut  beaucoup  mieux  s'abste- 
nir que  de  se  laisser  entraîner  aux 
fantastiques  exagérations  dont  quel- 

?[ues  esprits  peu  sensés  nous  ont  of- 
ert  plus  d'une  fois  de  regrettables 
exemples. 

GuEBBB  DE  Tacfarinas.  —  Une 
autre  guerre  célèbre  devait  donner 
lieu  à  plusieurs  triomphes;  je  veux 
parler  de  celle  de  Tacfarinas ,  ce  Nu- 
mide d'abord  mercenaire  dans  les 
troupes  auxiliaires  des  Romainf^,  puis 
déserteur^  chef  de  bande ,  bientôt  à  la 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


tètê  d'une  armée  disciplinée,  reconnu 
et  proclamé  par  la  puissante  tribu  des 
Misulames  ou  Misoulans,  qui  habi- 
taient vers  le  mont  Auras ,  non  loin 
du  désert  d'Afrique,  et  n'avaient  point 
encore  de  villes  ;  il  attira  dans  son 
parti,  d*un  côté  les  Maures  du  voisi- 
nage auxquels  commandait  Mazippa, 
et  d'un  autre  côté  les  Cinitbiens  , 
peuplade  considérable  dont  on  con- 
naît remplacement  vers  Ie,fond  de  la 
petite  Syrte  :  l'insurrection  avait  sans 
doute  pour  but  de  briser  le  joug  de 
Rome;  mais  le  proconsul  d'Afrique 
Marcus  Furius  Camiiius  marcha  con- 
tre eux ,  remporta  des  avantagnes  si- 
gnalés, et  obtint  du  sénat  les  orne- 
ments triomphaux  (*).  Cependant  Tac- 
far  inas  ne  tarda  point  à  porter  de 
nouveau  la  guerre  dans  l'Airique  ro- 
maine; il  s'empara  même  d'un  château 
peu  éloigné  du  fleuve  Pagida  ;  mais  il 
fut  battu  ensuite  par  le  proconsul 
Lucius  Apronius  successeur  de  Ca- 
miiius ,  devant  le  fort  de  Thala  qu'il 
attaquait ,  et  forcé  plus  tard  de  faire 
retraite  jusqu'au  désert;  et  Apro- 
nius obtint,  comme  son  prédécesseur, 
les  ornements  triomphaux.  Bientôt 
après  (**),  nouvelles  incursion»  de 
Tacfarinas ,  contre  lequel  fut  envoyé 
par  le  sénat ,  selon  le  vœu  de  Tibère, 
le  proconsul  Caïus  Junius  Blésus. 
Celui-ci  se  miten  campagne  avec  trois 
corps  d'armée ,  l'un  confié  à  Cornélius 
Scipion  son  lieutenant ,  pour  aller 
vers  l'est  aarantir  la  ville  de  Leptis 
des  déprédations  de  l'ennemi ,  et  lui 
couper  toute  retraite  vers  le  pays  des 
Garamantes;  le  second  aux  ordres 
du  fils  de  Blésus ,  pour  aller  à  l'ouest 
couvrir  les  cantons  des  Cirtésiens; 
lui-même,  commandant  le  troisième 
corps,  s'avançait  entre  les  deux  pre- 
miers, en  ayant  soin  d'établir  des 
postes  et  des  garnisons  dans  les  lieux 
les  plus  convenables;  enfin,  dans  une 
expédition  avancée ,  il  parvint  à  s'em- 
parer d'un  frère  du  rebelle;  et  Tibère, 
regardant  la  guerre  comme  terminée, 
s'elnpressa  d  accorder  au  proconsul 

(•)   L'an  17  de  Père  vulgaire. 
{**)  L'an  %o  de  rèra  vulgaire. 


S21 


les  honneurs  triomphaux  (*)«  et  de 
rappeler  en  Italie  une  des  légions  em- 
ployées à  ces  expéditions. 

Ce  fut  pour  Tacfarinas  un  motif  de 
recommencer  de  plus  belle  ses  courses 
sur  le  territoire  romain,  aidé  qu'il 
était,  d'un  côté  par  la  défection  des 
Maures ,  que  Ptoiémée  fils  de  Juba , 
nouvellement  assis  sur  le  trône  de  son 
père,  avait  mécontentés,  et  d'un 
autre  côté  par  l'alliance  des  Gara- 
mantes  ;  enfin  par  l'accession  de  tous 
les  gens  sans  aveu  de  la  province  ;  si 
bien  qu'il  s'enhardit  jusqu'à  venir  as- 
siéger la  ville  de  Thubuscum ,  la 
même,  suivant  l'opinion  commune, 
que  celle  de  Tubusuptus  vers  Saldes , 
bien  qu'on  puisse  trouver  une  res- 
semblance phonétique  plus  grande  en- 
core dans  le  nom  de  Thubursicum. 
Le  nouveau  proconsul  Publius  Corné- 
lius Dolabella  n'eut  qu'à  se  présenter 
pour  faire  lever  le  siège.  Se  liguant 
alors  avec  le  roi  Ptoiémée,  Dolabella 
forma  quatre  détachements  pour  les 
lancer  plus  aisément  à  la  poursuite  de 
cet  ennemi  insaisissable;  et  comme 
on  eut  bientôt  la  nouvelle  que  Tacfa- 
vinas  et  ses  Numides  avaient  établi  un 
camp  fixe  auprès  du  château  à  demi 
ruiné  d'Auzéa,  qu'eux-mêmes  avaient 
jadis  incendié,  et  dont  on  voit  encore 
les  restes  au  fort  moderne  de-Ham- 
zah,  il  vint  les  y  surprendre,  et  leur 
livra  une  attaque  meurtrière  dans  la- 
quelle Tacfarinas  se  fit  tuer  en  com- 
battant (**).  Alors  seulement  la  guerre 
fut  réellement  terminée ,  et  des  am- 
bassadeurs vinrent  même  de  la  part 
du  roi  (fies  Garamantes  faire  leur  sou- 
mission. Tibère,  ingrat  envers  Dola- 
bella ,  témoigna  du  moins  hautement 
sa  satisfaction  au  roi  Ptoiémée  en  lui 
envoyant ,  suivant  l'ancien  usage ,  un 
sceptre  d'ivoire  et  une  robe  d'hon- 
neur. 

(*)  L'an  a  a  de  l'ère  vulgaure. 
(**)  L'an  24  de  l'ère  vulgaire. 


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Google 


m 


L'UNIVEftS. 


Troisième  période  .•  toute  ^Afrique 
romaine  réunie  en  une  sèuh  pro^ 
mnce  sous  deux  magistrats  (Hs^ 
tinctSy  Fun  civîi,  Fâutre  miiitàte. 

SkPARATIOW  bu    GOtiVERNÈMÉTPÉ 
CTVIL  ET  DU  COWfMANDSMEîrt:  MILI- 

TAiBE  DE  L'AFRiQUià.  —  H  n'cst  pas 
dans  intérêt  de  remarquer  ici  que 
éans  cette  guerre,  où  des  succès  pas^ 
sagers  valurent  jusqu'à  trois  fois  les 
ornements  triomphaux  au  générall 
^ui  commandait  l'armée  romaine  ,' 
ce  général  était  toujours  le  procon- 
sul d'Afrique,  sans  qu'on  voie  inter- 
venir aucun  gouverneur  de  lé  Nu- 
midie ,  bien  que  cette  contrée  fût  le 
principal  théâtre  de  l'insurrection ,  et 
de  la  lutte  qui  s'ensuivit.  C'est  oue 
la  réunion,  à  cette  époque,  de  rAiri- 
qn«  et  de  la  Numidie  en  une  seule  e# 
même  province,  n'est  point  douteuse  ; 
on  en  trouve  une  nouvelle  preuve 
dans  le  témoignage  contemporain  de 
Strabbn ,  qui  décrit  comme  formant 
une  même  circonscription  territoriale 
lé  pays  desMassyliéens  et  de  Carthage. 

Un  fait  non  moins  certain  à  con- 
dnre  de  ce  récit,  c'est  en  outre  l'at- 
tribution du  commandement  militaire 
ati  proconsul.  Mais  l'ombrageuse  sus- 
ceptibilité de  Caligula  changea  cet 
ordre  de  choses,  en  ôtant  au  procon* 
sul  le  commandement  des  troupes , 
qui  afppartint  désormais  à  un  lieute- 
nant du  prince ,  ainsi  que  le  rappor- 
tent Tacite  et  Dion ,  l'un  à  Tégara  du 
proconsul  Marcus  Silanus,  l'autre  de 
Lueius  Pison ,  son  successegr  :  di- 
vision de  pouvoirs  qui  suscita  au 
magistrat  sénatorial  de  perpétuelles 
tracasseries,  en  faisant  naître  une 
envieuse  rivalité,  dont  un  autre  Pison 
fbt,  sous  Yespasien,  la  sanglante 
victime. 

Il  semblerait  naturel  de  penser  que, 
pour  affaiblir  d'autant  plus  l'autorité 
du  proconsul  d'Afrique ,  Caligula  dut 
retrancher  de  son  gouvernement  la 
province  de  Numidie  pour  la  donner, 
avec  le  commandement  des  troupes,  à 
un  lieutenant  impérial  ;  mais  le  texte 
de  Dion  Cassius  se  prête-t-il  bien  à 
cette  hypothèse),  quand  il  énonce  que 


rémpérèur,  pour  diminuer  Ta  puis- 
Sauce  dé  Lucius  Pison,  homme  de 
cœur,  qui  avait  à  sa  disposition  de 
Nombreuses  troupes,  soit  nationales, 
Soit  étrangères ,  partagea  en  deux  ta 
nation  (ta  Sôvoç)  pour  attribuer  à  une 
autre  personne  l'armée  et  les  nomades 
qui  en  dépendaient  (toi»?  Tccpl  aOro) ,  ce 
oui  semble  ne  pouvoir  s'entendre  que 
cTun  partage,  non  du  territoire,  mais 
de  ses  habitants? 

Digression  sur  la  date  PRé-^ 
crsE  de  la  Géographie  de  Mêla. 
—La  circonscription  donnée  à  la  Nu- 
midie  par  Pomponius  Mêla  vient  dé- 
montrer aussi  que  le  territoire  qui 
forma  ultérieurement  la  province  de 
ce  nom,  était  encore  de  son  temps 
compris  dans  FAfrique  propre;  car 
ce  qu'il  appelle  Numidie  n'est  autre 
chose  que  ce  qui  fut  nommé  depuis 
Mauritanie  Césarienne;  rtiais  l'âge  de 
Mêla  n'est  point  déterminé  avec  une 
certitude  et  une  précision  suffisantes 
pour  qu'on  puisse  tirer  de  son  témoi- 
gnage un  argument  péremptoire  con- 
tre l'hypothèse  de  la  division  de  l'A- 
frique en  deux  provinces  par  Caligula. 
On  croit  généralement  en  effet  que 
Mêla  écrivit  postérieurement  aux  pre- 
miers succès  de  l'expédition  envoyée 
par  Claude  dans  la  Bretagne ,  et  vers 
Tannée  44,  où  cet  empereur  triompha 
des  Bretons  ;  mais  alors  était  définiti- 
vement consommé  le  partage  des  états 
du  roi  Ptolémée  en  deux  provinces 
portant  l'une  et  l'autre  la  dénomina- 
tion de  Mauritanie,  avec  les  épithètes 
distinctives  de  Tingitane  et  ,de  Césa- 
rienne, que  Mêla  n'a  point  connues , 
non  plus  que  la  limite  nouvellement 
tracée  entre  elles  :  on  peut  trouver  là 
un  indice  d'où  il  résulterait  que  notre 
géographe  aurait  écrit  antérieurement 
a  l'adoption  de  cette  nomenclature 
officielle,  c'est-à-dire  avant  4'année  41, 
tandis  que  nous  avons  d'autre  part  la 
certitucle  que  sa  description  se  rap- 
porte à  une  époque  postérieure  à  la 
mort  de  Juba  le  jeune ,  qui  est  de 
Tan  21  ;  et  il  s'agit  de  retrouver  entre 
ces  deux  termes  une  expédition  con- 
tre la  Bretagne,  dont  notre  auteur  ait 
pu  dire  que  bientôt  elle  proewerait 


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AFRîQjUÉ  AlttlteNNE. 


stnf  ce  pays  des  himières  àouvèlles, 
el  dottDcrait  Heu  à  un  triomphe  pro- 
chain. Il  n*est  pas  déraisonnable  de 
^nser,  d- après  ces  indices,  que  Mêla 
a  dû  écrire  précisément  en  l'an  40 ,  à 
l'époque  même  où  Caligula,  après 
avoir  eiîvoyé  en  exil  Ptolémée ,  qUi 
paraît  afvoir  été  assassiné  en*  route, 
allait  faire  contre  la  Bretagne  la  ridi- 
cule estpédifiton  &ù^  il  ramena  des 
charges  de  coquilles  et  des  captifs 
vrais  ou  supposés  pour  orner  le  triom- 
phe qu'il  avait  ordonné  de  lui  pré- 
parer. 

OSSBAVATrOWS  StIR  LA.  DÉLTlfflTA- 
TION  DBS  COI^TflÉBS   ÀFBIGAmES    A 

CETTE  ÉPOQUE.  —  Quoi  qu'il  en 
s<Mt,  les  descriptions  géographiques 
de  Pomponius  Mêla  ,  rapprochées  de 
celles  di  Strabou ,  rendent  nécessai- 
res ici  quelques  observations  sur  la 
«lélimitation  des  contrées  africaines. 
Strabon ,  qui  terminait  son  livre  vers 
l'an  22-  de  notre  ère,  dit  que  le  Mo- 
lôchath  et  le  cap  Métagonion  qui  en 
est  voisin,  séparent  le  pays  des  Mau- 
rasiens  de  celui  des  Massés vliens , 
et  que  le  cap  Treton  (voisin  de  l'em- 
bouchure de  l'Ampsagas)  sépare  le 
pays  des  Massésyliens  de  celui  des 
Massyîiéens  et  de  Carthage  ;  mais  il 
fait  remarquer  en  même  temps  que  la 
limite  du  royaume  de  Juba  et  du  ter- 
ritoire romain  est  fixée  à  Saldes,  après 
diverses  variations  causées  par  l'al- 
fiance  ou  l'hostilité  des  habitants  de 
ces  contrées  :  ainsi  le  géographe  grec 
BOUS  fait  connaître  deux  sortes  de  li- 
mites, les  unes  politiques,  entre  les 
états  ;  les  autres  ethnologiques ,  entre 
les  nations.  Mêla ,  plus  jeune  que 
Straboft  de  dix-huit  années ,  dit  à  son 
tour  que  le  fleuve  Mnlucha  sépare  là 
Mauritanie  de  la  P^umidie  comme  il 
séparait  jadis  les  royaumes  de  Boc- 
chus  et  de  Jugurtha  ;  et  que  le  fleuve 
Anapsagas  avec  le  cap  Métagonion  sé- 
parent la  Numidie  de  l'Afrique  pro- 
prement dite ,  qui  s'étend  de  là  jus- 
qu'aux Autels  des  Philènes.  Malgré  la 
ressemblance  des  noms  du  Molochath 
de  Strabon  et  du  Mulucha  de  Pompo* 
nius  Mêla ,  on  sait  déjà  qu'il  n*est  pas 
guestioQ  da^méme  fieuve,  le  premier 


^3 


étant  dans  Touést^  le  secoflid  dans 
Test  de  la  royale  Siga,  celui-là  limite 
purement  ethnologiaue,  celui-ci  limite 
politique.  A  l'autre  oout  au  contraire, 
malgré  la  différence  des  noms ,  le  cap 
Métagonion  de  Mêla  est  identique  au 
cap  Treton  de  Strabon ,  et  nous  savons 
que  c'est  la  limite  ethnologique.  Il  y 
a  donc  accord  entre  les  deux  géogra- 
phes ,  et  nous  pouvons  en  induire  que 
nulle  délimitation  n'avait  changé  de- 

Euis  la  mort  de  Juba ,  époque  de  Stra- 
on,  jusqu'à  la  mort  de  Ptolémée, 
époque  de  Pomponius  Mêla. 

V.  ADMINISTRATION  BOMAINB  DE- 
PUIS L'OBGANISATION  PBOViN- 
CIALB  DE  CLAUDE  JUSQU'A  CELLE 
DE  MAXIMIEN-HEBGULE. 

Nouvelle  organisation  provinciale  de 
V  Afrique, 

CbÉATION  de  DEUX  PROVINCES 
DE  MaUBITANIE  et  d'UNE  NOU- 
VELLE   PBOVINCE    DE    ISUMIDIE.   — 

Une  nouvelle  distribution  de  tous 
ces  territoires  semble  devoir  être  rap- 
portée à  une  organisation  générale 
qui  aurait  été  opérée  au  commence- 
ment du  règne  de  Claude.  En  appre- 
nant l'assassinat  du  roi  Ptolémée, 
Kudémon,  l'un  de  ses  affranchis, 
avait  soulevé  \^%  indigènes  de  la  Mau- 
ritanie pour  venger  le  meurtre  de  ce 
prince  ;  les  premiers  troubles  suscités 
a  cette  occasion  dès  avant  la  mort  de 
Caligula  avaient  été  réprimés  immé- 
diatement, et  Claude,  arrivant  à  l'em- 
pire, se  laissa  persuader  par  ses 
courtisans  qu'il  devait  accepter  les 
honneurs  d'un  triomphe  pour  des 
succès  que  non-seulement  il  n'avait 
point  obtenus  en  personne ,  mais  qui 
avaient  même  précédé  son  avènement. 
Les  Maures  s'étant  de  nouveau  sou- 
levés l'année  suivante»  le  prétorien 
Caïus  Suétonius  Paulinus  fut  envoyé 
pour  les  réduire ,  et  c'est  alors  qu'en» 
dix  étapes  il  se  porta  jusqu'à  une  dis- 
tance de  quelques  milles  par  delà  les 
cimes  neigeuses  de  l'Atlas,  et  qu'il 
atteignit  même  le  fleuve  Ger,  qui 
coule  au  milied  d'un  déséi^t  poudrem 


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334 


L'UNIVERS. 


coupé  de  quelques  roches  brûlées,  non 
loin  des  forêts  remplies  d'éléphants , 
de  fauves  et  de  reptiles ,  où  les  Cana- 
riens faisaient  leur  demeure.  Dans 
une  nouvelle  expédition  (*),  Cnéus 
Sidius  Géta  marcna  droit  contre  Sa- 
labos  chef  des  insurgés,  le  poursui- 
vit dans  le  désert  (où  une  pluie  inat- 
tendue vint  suppléer  à  Pépuisement 
de  sa  provision  d'eau),  et  força  l'en- 
nemi à  se  soumettre.  Claude  constitua 
alors  les  deux  provinces  Mauritanien- 
nes', qui  eurent  pour  chefs-lieux  Tingis 
et  Césarée ,  et  où  il  envoya  des  gou- 
verneurs pris  dans  l'ordre  des  Cheva- 
liers. —  a  Dans  le  même  temps,»  ajoute 
Dion,  «quelques  parties  delà  Numidie 
ayant  été  attaquées  par  les  barbares 
du  voisinage,  ceux-ci  furent  battus  et 
soumis ,  et  la  paix  rétablie.  » 

Ce  récit  nous  semble  constater  à  la 
fois  la  création  des  deux  provinces  de 
Mauritanie,  et  la  renaissance  de  la 
Numidie  comme  province  séparée 
avec  Cirta  pour  capitale.  Ce  n'est  plus 
de  la  Numidie  de  Pomponius  Mêla 
qu'il  peut  être  question  ,  puisque 
celle  ci  est  désormais  officiellement 
constituée  sous  le  nom  de  Mauritanie 
Césarienne  ;  c'est  donc  bien  de  la  Nu- 
midie des  Massyliéens,  naguère  con- 
fondue avec  l'Afrique. 

DÉLTMITATIONS  DES  PROVINCES 
ORGANISÉES   PAR  CLAUDE.   —  AinSÎ 

Claude  aurait,  en  l'an  42,  pourvu  à  une 
nouvellerépartition  générale  de  toute  la 
région  d'Afrique  en  quatre  provinces  : 
l'Afrique  propre,  la  Numidie,  la  Cé- 
sarienne et  la  Tingitane  ;  et  l'on  doit 
raisonnablement  faire  remontek*  à 
cette  répartition  une  modification  dans 
les  circonscriptions  jusqu'alors  varia- 
bles de  ces  pays ,  de  manière  à  ce  que 
les  limites  des  provinces  coïncidassent 
désormais  avec  les  délimitations  eth- 
nologiques dont  nous  avons  signalé 
les  traces.  Le  fleuve  Malua  ,  presque 
contigu  au  Molochath  de  Strabon, 
borne  commune  des  Maures  et  des 
Numides  Massésyliens ,  marqua  la  sé- 
paration entre  la  Tingitane  et  la  Cé- 
sarienne; et  TAnnpsagas,  borne  mu- 

(*)  L'an  4a  de  notre  ère. 


tuelle  des  Massésyliens  et  des  Massy- 
liens ,  devint  la  ligne  de  partage  entre 
la  Césarienne  et  la  Numidie.  Celle-ci 
ne  fut  point  rétablie  dans  son  ancienne 
étendue  vers  l'est,  alors  qu'elle  en- 
tourait de  toutes  parts  la  province 
d'Afrique  concentrée  autour  d'Utique 
entre  Thabraca  et  Adrumète;  la  nou- 
velle Numidie  resta  tout  entière  a 
l'ouest  de  l'Afrique  propre,  qui  con- 
serva tous  les  territoires  annexes  du 
sud  et  de  l'est  jusqu'à  la  Cyrénaïque. 
C'estrdans  cet  état  que  Pline  l'Ancien, 
qui  termina  son  grand  ouvrage  sous 
le  règne  de  Vespasien ,  trouva  les 
provinces  africaines  et  en  composa 
la  description.  Une  trace  s'y  laisse 
apercevoir  encore  de  cette  annexion  à 
l'Afrique  propre  d'une  portion  jadis 
adhérente  a  la  Numidie ,  quand  il  fait 
remarquer  la  distinction,  en  usa^e 
alors,  ae  la  Zeugitane  jusqu'à  Néapolis, 
et  du  Byzacium  depuis  Adrumète  ; 
et  peut-être  faut-il  imputer  à  la  même 
cause  la  dénomination  de  Numidie 
nouvelle  qui  se  retrouve  longtemps 
encore  après  dans  Ptolémée,  par  op- 
position sans  doute  à  la  Numidie  an- 
cienne ,  dont  l'étendue  était  bien  plus 
considérable. 

Grades  des  gouverneurs  de  ces 
PROVINCES.— Le  commandement  des 
deux  Mauritanies ,  nous  avons  à  cet 
égard  un  témoignage  formel,  était  at- 
tribué à  de  simples  chevaliers,  avec  le 
titre  de  procurateurs;  la  Numidie,  tout 
semble  porter  à  le  croire,  n'eut  qu'un 
magistrat  du  même  grade.  L'Afrique 
proconsulaire  elle-même,  sous  le  règne 
éphémère  de  Galba  son  ancien  pro- 
consul, se  trouva  accidentellement  en- 
tre les  mains  d'un  officier  d'un  rang 
inférieur  :  le  commandant  militaire 
Caîus  Clodius  Macer,  poussé  par  les 
intrigues  d'une  femme  perdue,  aux 
derniers  jours  de  Néron ,  se  révolta 
dans  cette  province ,  y  leva  de  nou- 
velles troupes,  intitula  de  son  nom 
une  légion  ainsi  formée  ,  et  se  souilla 
d'exactions  et  de  cruautés  tyranni- 
ques  ;  ce  fut  le  procurateur  Trebonius 
Garucianus  qui  fut  chargé  par  Galba 
de  la  mission  de  le  délivrer  d'un  tel 
rival ,  et  qui  «'en  acquitta  par  \e^ 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


mains  du  centurion  Papirius  (*)  :  cette 
exécution  fut  vue  de  mauvais  œil; 
mais  l'Afrique  et  ses  légions  ne  firent 
cependant  point  difficulté  de  recon- 
naître Galba,  après  avoir  obéi  à  un 
maître  de  plus  bas  étage.  A  la  fortune 
de  Galba  succéda  celle  d'Othon  :  le 
procurateur  Lucéius  Albinus ,  à  qui 
Néron  avait  confié  le  gouvernement 
de  la  Mauritanie  Césarienne  ,  et  qui 
avait  de  plus  reçu  de  Galba  celui  de  la 
Tingitane,  se  déclara  pour  le  nouvel 
empereur  ;  autant  en  fît  Carthage  à 
rinstigation  de  Crescens  affrancni  de 
Néron,  et  son  exemple  entraîna  toute 
l'Afrique,  qui  n'attendit  pas  l'arrivée 
du  proconsul  Vipsanius  Apronianus 
qui  lui  était  envoyé  ;  mais  les  destins 
sont  changeants,  et  Albinus,  qui  vou- 
lait ,  dit-on ,  s'approprier  les  deux 
Mauritanies  et  envahir  THispanie  pour 
lui-même,  se  vit  dépouiller  et  tuer  par 
Cluvius  Rufus  au  nom  de  Yitellius. 

Événements  divers  en  Afrique  de- 
puis f^itellius  jusqu'à  Septime  Sé- 
vère. 

Meurtre  du  proconsul  Pison. 
—  L'étoile  de  Vitellius  pâlit  bientôt  à 
son  tour  devant  celle  de  Vespasien. 
L'un  et  l'autre  avaient  été  proconsuls 
d'Afrique;  mais  ie  premier  n'y  avait 
laissé  que  de  bons  souvenirs;  le  second 
au  contraire  sy  était  fait  des  enne- 
mis par  sa  sévérité  :  le  proconsul  actuel 
Lucius  PisorS  se  montrait  neutre  en- 
tre les  partis,  mais  fidèle  à  son  de- 
voir, tandis  que  le  lieutenant  impé- 
rial Valérius  Festus,  d'abord  partisan 
déclaré  de  Vitellius  ,  ne  tarda  point  à 
travailler  activement  pour  Vespasien  ; 
et  comme  Pison  avait  fait  exécuter  le 
centurion  Papirius ,  le  meurtrier  de 
Clodius  «Macer,  envoyé  pour  l'assassi- 
ner lui-même,  Valérius  Festus  y  sup- 
pléa en  ^îhargeant  de  la  même  com- 
mission quelques  cavaliers  auxiliaires; 
on  sait  le  dévouement  de  cet  esclave 
qui ,  devinant  leurs  sinistres  desseins, 
se  fit  passer  pour  son  maître  :  dévoue- 
ment inutile ,  car  il  y  avait  là ,  pour 

(•)  L'an  68  de  notre  ère. 


Û2& 

reconnaître  et  signaler  Pison,  l'infâme 
Bébius  Massa,  un  des  procurateurs 
d'Afrique  (*).  Après  avoir  reçu  à  Adru- 
mète  la  nouvelle  de  l'accomplissement 
de  ses  ordres  (**),  Festus  courut  à  ses 
troupes ,  où  il  distribua  arbitraire- 
ment les  punitions  et  les  récompenses, 
comme  s'il  venait  d'étouffer  une  in- 
surrection. Puis  il  s'acbemina  vers 
Eéa  et  la  grande  Leptis  pour  mettre 
fin  à  leurs  discordes. 

Expéditions  romaines  chez  les 
Garamantes  et  les  Éthiopiens. — 
Nées  d'abord  de  quelques  vols  de  ré- 
coltes et  de  troupeaux  entre  paysans, 
ces  discordes  étaient  devenues  sérieu- 
ses par  l'appel  que  ceux  d'Ëéa,  se  sen- 
tant plus  faibles ,  avaient  fait  à  l'al- 
liance des  Garumantes,  cens  indomp- 
tés et  pillards ,  qui  avaient  porté  la 
dévastation  et  la  terreur  chez  les  ha- 
bitants de  Leptis.  Festus,  avec  ses 
cohortes  et  ses  escadrons,  alla  atta- 
quer et  mettre  en  déroute  les  Gara- 
mantes,  auxquels  il  enleva  tout  le  bu- 
tin gu'ils  avaient  fait,  sauf  ce  qui  déjà 
avait  été  transporté  par  des  sentiers 
inaccessibles  pour  être  vendu  au  loin. 
C'est  alors  qu'on  découvrit,  ainsi  que 
nous  l'apprenons  de  Pline ,  la  route 
appelée  prxter  caput  Saxiy  qui  con- 
duisait chez  les  Garamantes  par  un 
chemin  plus  court  de  quatre  journées. 

Quelques  expéditions  eurent  lieu 
encore  de  ce  côté,  sur  lesquelles  nous 
n'avons  que  des  indications  insuffisan- 
tes et  incorrectes  :  il  est  permis  de  se 
demander,  par  exemple ,  comment  le 
nom  des  Nasamons  peut  se  trouver 
rapproché  dans  un  même  récit  de  ce- 
lui de  la  Numidie,  dont  le  commandant 
Flaccus  aurait  éprouvé  un  échec  de  la 
part  de  ce  peuple ,  et  en  aurait  pris 

(*)  Le  récit  de  Tacite  démontre  qu'il 
pouvait  y  avoir  à  la  fois  dans  une  même 
province  un  proconsul  et  des  officiers 
ayant  respectivement  le  titre  de  légats  et  de 
procurateurs  :  il  ne  faudrait  donc  pas ,  de 
la  mention  isolée  du  légat  ou  du  procura- 
teur d'une  province  sénatoriale,  conclure 
que  cette  province  eût  cessé  d'élre  procon- 
sulare. 

(**)  Au  commencement  de  l'an  70  de 
notre  ère. 


\^^  Livraison.  (Afkiqué  ancienne.) 


M 


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Google 


immédiatement  sa  revanche  :  c'est  le 
compilateur  Zonare  qui  nous  rapporte 
tel  événement  comme  l'effet  d'une 
rébellion  des  Nasamons  (*)  contre  les 
^actions  des  collecteurs  romains  :  ne 
semble-t-il  pas  que  sous  ce  nom  de 
Nasamons  il  faille  chercher  celui  de 
quelque  peuple  plus  voisin  de  la  Nu- 
midie,  et  plus  sûrement  inscrit  parmi 
les  sujets  de  Rome?  Quoi  qu'il  en 
soit,  tt  est  à  croire  que  ce  FI  accus  dé- 
signé par  Zonare  comme  chef  de  la 
Numidie,  est  le  même  que  Septimius 
Flacens  mentionné  par  Marin  de  Tyr 
comme  étant  venu  en  armes  d'Afrique 
en  Ethiopie  jusqu'à  trois  mois  de 
route  au  sud  des  Garamantes.  Marin 
citait  en  même  temps  une  expédition 
de  Julius  Maternus  qui,  venu  de  Lep- 
tis  à  Garama,  avait  ensuite  marché 
quatre  mois  au  sud,  en  compagnie  du 
roi  des  Garamantes,  jusqu'au  pays 
d'Agisymba,  patrie  des  rhinocéros. 
Nous  n'avons  sur  ces  faits  aucun  au- 
tre renseignement. 

La  cause  de  la  province  d'A- 
frique PLAiDÉE  PAR  Tacite  et 
Pline  le  Jeune.  —  L'Afrique,  pres- 
surée par  ses  gouverneurs,  éleva  quel- 
quefois la  voix  contre  leurs  exactions; 
le  proconsul  Marins  Priscus  et  son  lieu- 
tenant Hostilius  Firminus,qui  avaient 
pillé  la  province  et  vendu  la  justice,  fu- 
rent, sous  Trajan,  dénoncés  au  sénat, 
poursuivis  et  condamnés;  cette  cause  fit 
du  bruit  et  nous  est  signalée  par  cette 
circonstance  remarquable ,  qu'elle  fut 
poursuivie  par  Tacite  et  Pline  le  Jeune 
en  présence  de  Trajan  lui-même,  pen- 
dant trois  longues  séances ,  et  que 
Pline  y  occupa  la  tribune  pendant  cinq 
heures  d'horloge  sans  désemparer.  Le 
proconsul,  coupable  de  concussion  et 
ae  forfaiture,  fut  exilé,  mais  sans  être 
dépouillé  de  ses  honteuses  richesses, 
et  Juvénal  put  à  bon  droit  flageller 
dans  ses  vers  cette  vaine  justice  (**). 

(*)  L'an  87  de  notre  ère,  d'après  la  chro- 
nique d'Eusèbe. 

(**)  « At  hic  dainnatns  inani 

«  Judicio  (quid  enîtn  salvis  iiifainia  nuizimis?) 
«  Exul  ab  oclavâ  Marins  bibit ,  et  fraitur  diis 
¥  Iratis  :  at  la  ,  viclrix  proTincia  ,  pioras.  » 
Ju VÉNAL,  Satyres,  î^  47. 


L'UNIVERS. 


Insurrections  des  Maures.  — 
Sous  Adrien  nous  voyons ,  dans  les 
maigres  histoires  qui  nous  sont  par-^ 
venues  de  ce  temps,  les  Maures  se 
soulever  (*) ,  leur  gouverneur  Lusius 
Quiétus,  dont  l'empereur  se  défiait, 
rappelé  à  Rome ,  et  Marti  us  Turbo 
envoyé  en  Mauritanie  pour  le  rempla- 
cer et  y  réprimer  l'insurrection.  Mais, 
soit  qu'elle  fût  mal  étouffée,  soit  que 
de  nouvelles  circonstances  excitassent 
de  nouveaux  troubles  ,  les  Maures 
étaient  encore  soulevés  quand  Adrien, 
au  milieu  de  la  grande,  tournée  qu'il 
faisait  dans  les  provinces  de  l'empire, 
vint  en  personne  les  faire  rentrer  dans 
le  devoir  (**),  ce  qui  lui  valut  les  féli- 
citations solennelles  du  sénat.  Plus 
tard  (***).  il  vint  aussi  faire  un  voyage 
dans  l'Airique  propre,  et  suivant  l'ex- 
pression de  son  biographe  Spartien , 
il  octroya  aux  provinces  africaines 
nombre  de  bienfaits  :  nous  savons  par 
une  inscription  qu'il  fit  paver  la  route 
de  Carthage  à  Théveste.  Peut-être 
était-il  accompagné,  dans  ce  voyage,  de 
la  princesse  Matidie  nièce  de  Trajan 
et  sa  propre  belle-mère,  pour  laquelle 
il  professait  la  plus  haute  considéra- 
tion ;  toujours  est-il  que  le  nom  de 
cette  princesse  resta  attachée  diverses 
localités,  telles  que  Rusubbicari  et 
Pacciana  dans  la  Numidie. 

Oeservations  sur  la  circon- 
scription DES  provinces  AFRICAI- 
NES AU  TEMPS  d'Adrien.  —  Il  n'ap- 
paraît d'aucune  modification  appor- 
tée par  Adrien  à  la  division  de  ces 
provinces  ;  mais  il  semble  que  la  na- 
ture des  choses  dût  amener  insensi- 
blement une  subdivision  de  la  vaste 
étendue  de  l'Afrique  proconsulaire,  et 
l'on  en  découvre  l'indice  précurseur 
dans  rériumération  qu'Appien,au  proè* 
me  de  ses  Histoires,  nous  fait  des  pos- 
sessions de  Rome,  où  il  compte  tour  à 
tour  distinctement  les  Maures  ,  les 
Numides,  les  Africains  de  Carthage, 
et  les  Africains  du  littoral  des  Syrtes. 
Ptolémée,    son  contemporain,    est 

(*)   L'an  117  de  notre  ère, 
{*^   L'an  laa. 
(***)  L'an  125. 


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AFRIQUE  AJNCIENNE. 


plus  explicite  encore  à  distinguer  les 
villes  de  la  dépendance  de  Carthage, 
les  villes  de  la  dépendance  d*Adru- 
mète,  et  les  villes  entre  les  deux  Syrtes: 
il  n'est  point  déraisonnable  de  penser 
que  chacune  de  ces  fractions  de  la 
province  proconsulaire  était  spéciale- 
nnent  confiée  dès  lors  à  un  lieutenant 
du  proconsul. 

Peut-être  y  aurait-il  lieu  de  croire 
que  la  Numidie  elle-même ,  au  lieu 
de  former  une  province  compléte- 
nïent  constituée  à  part  de  FAfrique, 
s'y  trouvait  réunie  par  intervalles, 
comme  une  subdivision  analogue  aux 

f)récédentes,  avec  un  lieutenant  pour 
a  commander  :  ainsi  s'expliqueraient 
quelques  faits  ultérieurs,  dans  lesquels 
on  est  étonné  de  voir  mutuellement  aux 
prises  les  gouverneurs  de  TAfrique  et 
des  Mauritanies,  sans  aucune  mention 
de  la  Numidie  guf  devait  pourtant  sé- 
parer leurs  territoires  respectifs  ;  ainsi 
s'expliquerait  aussi  l'expédition  du 
commandant  de  la  Numidie  (Noui«S(aç 
âpx<«»')  Flaccus  contre  des  peuples  de  la 
Syrtique  :  il  n'aurait  fait  ainsi  que 
passer  d'un  bout  à  l'autre  de  la  même 
province ,  au  lieu  de  sortir  de  sa  pro- 
vince pour  aller  guerroyer  dans  une 
province  voisine  où  il  n'aurait  eu  au- 
cun droit  de  commandement.  Quoi 
qu'il  en  soit,  Ptolémée  comprend  en 
effet  la  Numidie  dans  les  limites  de 
l'Afrique  propre,  ce  qui  vient  à  l'appui 
de  l'observation  précédente;  mais  il 
lui  donna  spécialement  le  titre  de  pro- 
vince CEwotpx^),  qu'il  refuse  aux  autres 
subdivisions  de  son  Afrique ,  ce  qui 
constate  en  même  temps  une  sépara- 
tion administrative  plus  tranchée.  Quoi 
qu'il  en  smt,  nous  avons  une  preuve 
expresse  et  directe  de  la  séparation 
complète  sous  le  règne  d'Antonin, 
dont  une  constitution  recueillie  par  le 
jurisconsulte  Tryphoninus  et  citée  d'a- 
près lui  dans  le  Digeste  de  Justinien, 
est  adressée  à  Tuscius  Fuscianus  /e'- 
gat  de  Numidie,  c'est-à-dire  lieute- 
nant im(>érial  ayant  le  commandement 
de  la  province  militaire  ainsi  dénom- 
inée. 

NOUYELLES    INSUBBECTIOIfS    DEg 

Uaubes.  —  Les  Maures  continuaient 


227 


d'inquiéter  l'empire  :  Antonîn  refoula 
les  insurgés  dans  l'Atlas  et  les  força  à 
demander  la  paix  (*);  mais  ilsreparuren€ 
sous  Marc  Aurèle,  et  poussèrent  leurs 
incursions  hardies  jusqu'en  Hispa- 
nie  C),  d'où  les  lieutenants  impériaux 
eurent  à  les  chasser  ;  ils  étaient  encore, 
en  rébellion  dans  la  Tingitane  sous  le 
règne  d'Alexandre  Sévère  (***),  qui  les 
fit  heureusement  rentrer  dans  le  de- 
voir par  les  dispositions  de  Furius 
Celsus,  qui  sans  doute  était  alors  com* 
mandant  de  cette  province.  Les  au- 
tres provinces  de  rAfrique  n'étaient 
pas  non  plus  exemptes  de  troubles  : 
Commode  avait  fait  semblant  de  vou- 
loir s'v  rendre  en  personne  en  Tannée 
188;  ^ertinax,  qui  y  fut  envoyé  deux 
ans  açrès  comme  proconsul,  eut  beau» 
coup  a  souffrir  des  séditions. 

Empereurs  africains, 

Septimb  SÉvisBB,  Magbin,  Éla- 
GABAL. —  Septime  Sévère,  africain 
lui-même  et  natif  de  la  grande  Leptis, 
qui  avait  exercé  la  charge  de  légat  du 
proconsul  d'Afrique ,  eut  soin ,  à  son 
avènement  à  l'empire  (****) ,  d'envoyer 
dans  cette  province  des  légions  pour 
empêcher  son  concurrent  Pescennius 
Niger  de  s'en  emparer.  Macrin,  qui  par- 
vint à  son  tour  à  la  pourpre  par  le  meur< 
tre  de  Caracalla  (*****),  était  un  Maure 
de  la  Césarienne  qui  s'associa  aussi- 
tôt son  jeune  fifs  Diaduménus,  dont  le 
règne  éphémère  semble  avoir  laissé 
une  trace  en  Numidie  dans  le  nom  de 
Diadumène  acColé  à  celui  de  la  station 
militaire  Ad  Basilicam  près  de  Lam- 
bèse.  Élagabal  qui  leur  succéda  était 
le  fils  de  Sextus  Varius  Marcellus,  an- 
cien gouverneur  de  la  Numidie  et 
commandant  de  la  légion  Troisième 
Auguste,  sous  Septime  Sévère  :  il  sem- 
blait que  l'Airique  eût  alors  le  privi- 
lège de  donner  la  pourpre,  sinon  à  ses 

(*)    L'an  x38  de  notre  ère. 
rt  L'an  170. 
(**•)  L'an  a34. 

Ç***)  L'an  173  ;  c'est  en  l'année  17»  qu'il 
avait  été  légat  d'Afrique. 
(*^****)  L'an  a  17. 


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228 


L'UNIVERS. 


propres  enfants,  du  moins  à  ceux  dont 
eue  devenait  la  patrie  d'adoption.  La 
proclamation  des  Gordiens  eu  offrit 
un  nouvel  exemple. 

Les  tbois  Gordiens.— MarcusAn- 
tonius  Gordianus  Africanus,  qui  avait 
été,  en  l'année  229,  le  collègue  de  l'em- 
pereur Alexandre  Sévère  dans  son  troi- 
sième consulat,  fut  envoyé  Tannée  sui- 
vante, comme  proconsul  en  Afrique, 
par  le  sénat,  qui  plus  tard  lui  désigna 
son  «propre  fils  pour  lieutenant.  Sept 
années  s'écoulèrent  en  paix  sous  le 
gouvernement  de  Gordien ,  toujours 
prorogé  dans  son  proconsulat;  mais 
le  meurtre  d'Alexandre  Sévère  avait 
frayé  à  Maximin  le  chemin  du  trône 
impérial,  et  les  partisans  de  ce  prince 
dur  et  grossier  changèrent  la  face  du 
pays(*)  :  un  procurateur  rigoureux  et 
avide,  tancé  par  le  proconsul  et  le  lé- 
gat, s'emporta  contre  eux  en  menaces, 
et  les  Africains ,  ne  le  pouvant  souf- 
frir, le  tuèrent  et  proclamèrent  empe- 
reur, à  Tysdrus,  le  vieux  Gordien  lui- 
même,  malgré  sa  résistance,  ainsi  que 
son  fils,  et  le  sénat  de  Rome  confirma 

(*)  Cependant  le  nom  de  Maximin  se 
rattache,  en  Afrique,  à  des  travaux  utiles, 
ainsi  que  le  prouve  rinscription  suivante  , 
qui  se  rapporte  à  l'an  a36  : 

IMP.  càesar  c.  ivlivs 

VERVS    MAXIMINVS    PIVS 

FELIX    àVG.    GERM.    Max.    SA.R 

HAT.    MAX.    DAGICVS    MAX.     POK. 

MAX.    TRIB.    POTEST.   IH.    IMP.   V. 

C.    IVLIVS   VERVS    MAXIMINI  F.    ZTO 

BILISSIMVS    CAES.    PRINCEPS 

IVVENTVTIS    GERM.    MAX.    SAR 

MAT.    MAX.     DAGICVS    MAX. 

VIAM    A    KARTHAGINE    VS 

QVB    AD   FINES    I7VMID1AE 

PROVINCI AB    LONGA    INCVRIA 

CORRVPTAM    ADQVE    DIULP 

SAM    RESTITVERVNT. 

^  «  L'empereur  et  césar  Caïus  Julius  Vërus  Maxî- 
•t  minus  Plus  Félix ,  auguste ,  le  Germanique ,  !• 
u  Sarmatiqne ,  le  Dacique ,  grand  pontife,  revêtu  d« 
«  la  puissance  tribunitienne  pour  ta  troisième  fois, 
«  empereur  triompliaiit  pour  la  cinquième  fois  ;  et 
•c  Caïus  Julius  Verus ,  fils  de  Maximin  Auguste  » 
m  très'noble  César,  prince  de  la  jeunesse ,  le  Ger-> 
«  mauique  ,  le  Sarmatique ,  le  Dacique  ;  ont  ré- 
m  tabli  la  route  depuis  Carthage  jusqu'aux  fron- 
«  tières  de  la  Mumidie  ,  qu'une  longus  négligence 
m  avait  laissé  dégrader  «t  dépérir.  » 


ce  choix  (*)  ;  mais  le  gouverneur  de 
Mauritanie  Capellianus,  ennemi  per- 
sonnel de  Gordien ,  et  qui  venait  d'ê- 
tre destitué  par  lui ,  se  mit  en  marche 
avec  les  nombreuses  troupes  qu'il  avait 
sous  ses  ordres  pour  contenir  la  tur- 
bulence des  Maures,  et  se  dirigea  vers 
l'Afrique  afin  de  soutenir  la  cause  de 
Maximin;  Gordien  le  jeune  alla  au-de- 
vant de  lui ,  mais  il  fut  défait  et  tué; 
et  son  père ,  à  cette  nouvelle,  mit  lui- 
même  fin  à  ses  jours,  six  semaines 
après  sa  proclamation.  Mais  un  troi- 
sième Gordien,  son  petit-fils,  fut  aus- 
sitôt amené  à  Rome  par  ordre  du  sé- 
nat, et  déclaré  césar,  puis  auguste. 
Observation  suh  la  nullité 
du  rôle  provincial  de  la  numi- 

DIE  DANS  LES  TROUBLES  DE  L'AFRI- 

QUE  A  CETTE  ÉPOQUE.  —  Sabiniauus, 
proconsul  d'Afrique,  ayant  voulu  , 
quelque  temps  après  (**) ,  tenter  une 
insurrection  dans  sa  province,  à  son 

f)ropre  bénéfice,  le  commandant  de 
a  Mauritanie ,  contre  lequel  il  avait 
d'abord  eu  l'avantage ,  le  repoussa  vi- 
goureusement ,  réduisit  les  rebelles  à 
livrer  le  coupable,  et  de  cette  manière 
mit  fin  à  la  révolte. 

Ainsi  entre  le  premier  Gordien  el 
Capellianus,  entre  Sabinianus  et  le 
commandant  de  la  Mauritanie,  on  voit 
naître  des  collisions  directes ,  comme 
s'il  n'existait  point  entre  leurs  gou- 
vernements respectifs  une  province  de 
Numidie  à  traverser  ;  cependant  nous 
avons  en  même  temps ,  dans  un  autre 
ordre  de  faits ,  des  témoignages  cer- 
tains de  l'individualité  provinciale  de 
la  Numidie:  le  christianisme,  dès 
longtemps  introduit  et  propagé  en 
Afrique,  y  avait  fondé  de  nombreuses 
églises ,  dont  les  pasteurs ,  décorés  du 
titre  d'évêque ,  se  réunirent  fréquem- 
ment en  conciles  :  une  assemblée  de 
soixante-dix  évêques  se  tint  à  Car- 
thage dans  l'une  des  dernières  années 
du  deuxième  siècle ,  et  saint  Cyprien 
énonce  que  ces  prélats  appartenaient 
à  la  province  d'Afrique  et  a  la  Numi- 
die ;  lui-même  réunit  en  264  un  con^ 

(*)    L'an  a37.  .  >     v 

(*•)  L'an  a4o. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


cile  de  soixante-onze  évêques  tant  de 
la  province  d'Afrique  que  de  la  Nu- 
midie ,  et  il  présida  en  255  un  autre 
concile  de  quatre-vingt-cinq  évêques, 
dont  les  act^s  nous  sont  parvenus,  et 
constatent  qu'ils  étaient  de  la  pro- 
vince d'Afrique,  de  la  Numidie,  et  de 
la  Mauritanie. 

Le  tyban  Celsus.  —  Alors  que 
de  toutes  parts  s'élevaient  dans  l'em- 
pire ces  prétendants  éphémères  que 
l'histoire  a  dédaigneusement  appelés 
les  trente  tyrans,  l'Afrique  eut  aussi 
le  sien ,  plus  misérable  encore  que 
les  autres  :  le  proconsul  Vibius  Pas- 
siénus  et  le  duc  de  la  frontière  liby- 
que  Fabius  Pomponianus  s'ingérè- 
rent, en  265 ,  de  proclamer  auguste 
un  ancien  tribun  rentré  dans  la  vie 
privée  et  cultivant  ses  terres ,  nom- 
mé Celsus;  on  le  revêtit,  pour  l'i- 
naugurer, du  manteau  de  pourpre  de 
la  Déesse  Céleste  de  Carthage;  mais  la 
semaine  était  écoulée  à  peine,  que  son 
cadavre  était  livré  aux  chiens  par  les 
habitants  de  Sicca ,  pendant  qu'on  le 
cruciflait  en  effigie.  Nous  voyons,  dans 
ce  récit  de  Trébellius  Pollion ,  figurer 
pour  la  première  fois  un  duc  de  fron- 
tière; la  frontière  libyque  qui  lui  est 
attribuée  doit  probablement  s'enten- 
dfe  de  celle  de  l'Afrique  proconsulaire, 
du  côté  de  la  Libye  propre  ou  de  la 
Libye  intérieure  {  c'est  de  la  même 
charge  sans  doute  qu'était  revêtu  sous 
Aurelien  un  Firmus  cité  par  l'histo- 
rien Vopiscus  comme  duc  de  la  fron- 
tière africaine ,  en  même  temps  que 
proconsul.  Probus,  qui  depuis  fut  em- 
pereur, avait  été  chargé  par  le  même 
prince  d'apaiser  des  troubles  à  Car- 
thage, et  depuis  son  élévation  à  l'em- 
pire lui-même  chargea  Sextus  Julius 
Saturninus,  qui  fut  plus  tard  son  com- 
pétiteur ,  de  délivrer  l'Afrique  des 
Maures  qui  l'avaient  envahie. 

VI.  ADMINISTRATION  ROMAINE  DE- 
PUIS l'organisation  PROVIN- 
CIALE DE  MAXIMIEN-HERCULE  JUS- 
QU'A CELLE  D'HONORIUS. 

Divers  partages  de  Vempire, 
A  l'avènement  de  Probus,  en  276, 


229 

alors  que  Florianus,  proclamé  par  le 
sénat,  était  reconnu  dans  l'Europe, 
TAfrique  et  l'Asie  Mineure,  tandis  que 
le  premier  avait  pour  lui  le  reste  de 
l'Asie  avec  FÉgypte;  l'empire  se  trou- 
va un  moment  partagé,  ainsi  qu'il  l'a- 
vait été  aux  temps  des  Triumvirs ,  et 
que  Caracalla  avait  eu  dessein  de  le 
partager  avec  Géta  ,  en  deux  grandes 
divisions,  qui  allaient  bientôt  se  repro- 
duire d'une  manière  plus  durable, 
jusqu'à  se  perpétuer  enfin  sous  les 
noms  d'Empire  d'Occident  et  d'Empire 
d'Orient  :  et  dès  ce  moment  la  région 
d'Afrique  demeura  comprise  dans  la 
division  occidentale,  Carus,  en  partant 
en  283  pour  l'Orient  avec  Numérien, 
laissa  à  Carinus  l'Italie,  l'Illyrie,  l'A- 
frique et  le  reste  de  l'Occident,  pour 
les  gouverner  avec  la  plénitude  de 
l'autorité  impériale.  Quand  Dioclétien, 
en  286,  se  fut  donné  pour  collègue 
Maximien-Hercule,  il  lui  fit  un  apa- 
nage dans  lequel  se  trouvaient  l'Italie, 
l'Afrique  et  l'Hispanie  ;  puis  ,  en  292, 
les  deux  augustes  s'associant  deux  cé- 
sars, Maxi mien-Hercule  partagea  son 
lot  avec  Constance-Chlore  son  gen- 
dre, à  qui  il  abandonna  tout  l'Occident 
au  delà  des  Alpes,  et  peut-être  même 
la  Tingitane  comme  annexe  de  l'His- 
panie, se  réservant  l'Italie  et  l'Afrique 
avec  les  îles  intermédiaires. 

Maximien-Hercule  maître  de 
l'Afrique  ,  y  multiplie  le  nom- 
bre DES  PROVINCES.  —  L'attention 
de  Maximien ,  excitée  d'abord  par  les 
querellés  intestines  des  Maures  (*), 
eut  à  se  préoccuper  bientôt  plus  sé- 
rieusement de  leur  insurrection;  c'é; 
talent  de  sauvages  montagnards  can- 
tonnés entre  Saldes  et  Rusuccurum  , 
formant  une  association  de  cinq  peu- 
plades désignées  en  commun  par  le 
nom  de  Quinquégentiens ,  et  qui  se 
croyaient  à  l'abri  du  joug  dans  ces 
retraites  inaccessibles  ,  défendues  par» 
la  nature  elle-même;  leur  révolte 
semble  se  lier  à  celle  d'un  préten- 
dant nommé  Julien,  d'ailleurs  incon- 

(*)  «  Furit  in  viscera  sua  gens  effrena 
Maurorum.  »  (Mamertin,  Panégyrique, 
ni,  17.)  Ceci  se  rapporte  à  l'an  291. 


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'28Ô 


t'UNIVERS. 


iju  (*)  :  Maximien,  comme  naguère 
Tjans  les  mêmes  lieux  le  gouverneur 
français  de  l'Algérie,  pénétra  dans 
leurs  repaires,  les  battit  et  les  reçut  à 
merci;  mais  pour  prévenir  de  nou- 
veaux soulèvements,  il  les  transplanta 
ailleurs.  D'autres  tribus,  voisines  des 
Syrtes,  furent  plus  opiniâtres  ou  plus 
tieureuses,  et  échappèrent  à  son  auto- 
rité (**). 

On  suppose  que  ce  fut  alors  que 
Maximien-Hercule  effectua  la  subdivi- 
sion de  l'Afrique  proconsulaire  en  trois 
provinces  distinctes,  ayant  respective- 
ment pour  capitales  Carthage,  Adru- 
mète  et  la  grande  Leptis  ;  et  qu'il 
subdivisa  en  même  temps  la  Mauritanie 
Césarienne  en  deux  provinces  dont  les 
chefs-lieux  furent  Césarée  et  Sitifîs  ; 
la  Numidie  conservant  son  territoire 
intégral  et  sa  capitale  Cirta.  Quant  à 
la  Tingitane ,  elle  était  probablement 
déjà  annexée  à  PHispanie.  Le  terri- 

(*)  «  Âfncam  Julianus  ac  nationes  Quia- 
quegentanae  graviter  quatiebant.  »  (  Auré- 
Lius  Victor  ,  cfes  Césars,  xxxix ,  3.  )  —  Il 
De  peut  éire  question  là  de  Sabinus  Julia- 
nus soulevé  dans  la  Yénétic  et  tué  par 
Carinus,  ni  de  Julien  proconsul  d'Afrique 
auquel  est  adressée  une  loi  du  3i  mars  296 
oontre  les  Manichéens,  ni  probablement  de 
Julien  soulevé  en  Italie.  Les  médailles  du 
temps  nous  montrent  un  Quintus  lYebonius 
Julianus  et  uu  Marcus  Aurélius  Julianus, 
dont  Tun  était  sans  doute  le  tyran  africain, 
l'autre  celui  d'Italie;  mais  nous  n'avons 
aucun  indice  pour  reconnaître  celui  qui 
nous  intéresse. 

(**)  Nous  voulon^parler  des  Hilaguas  ou 
IlasguaSy  qui  jouent  un  grand  rôle  dans  les 
vers  de  Corippe ,  où  on  les  voit  répéter 
sans  cesse  : 

«  Non  qnantàm  HiUçtns 
«  Notos  iQirta  tibi,  q«em  Unia  fama  perennis 
«  Prisca  canil  P  cqjos  jàin  Maxiaiianus  io  armb 
«  Aotiqoos  pereensit  aros,  Romana  per  orb«iu 
«  Sceplra  tenens,  Lalii  princeps  P 

Johannide,  I,  478. 
«  Imperium  Ticére  pâtre*  :  non  Tincera  noetros 
«  Maximiaaus  ayos.  Romani  fortia  regui 
«  Sceptra  ftenena,  potuit. 

Jbid.,  ly,  8ai. 

«  Nec  Mazimianus  apertaa 
a  Bit  potnH  conferra  manns,  càm  sceptra  tenent 
«  Romani  princeps  popnli,  victorque  per  omoes 
«  FtraonuD  geate*  bellU  transiret  acerbis.  a 
Ihid,,  TI,  53o, 


toire  auquel  resta  le  nom  d'Afrique  se 
trouva  ainsi  composé  de  six  provinces 
se  succédant  d'ouest  en  est  en  cet  of- 
dre  :  la  Mauritanie  Césarienne  depuis 
le  Malua  jusqu'^  Saldes,  la  Mauritanie 
Sitifienne  depuis  Saldes  jusqu'à  TAmp- 
sagas,  la  Numidie  depuis  1  Ampsagas 
jusqu'à  ïhabraca,  TArrique  propre  de- 

f)uis  Thabraca  jusqu'à  Horréa-Célia  , 
a  Valérie  ou  Byzacène  depuis  Horréa 
Célia  jusqu'au  fleuve  Triton,  et  enfin 
la  Subventane  (subsidiaire)  ouTripo- 
litaine  depuis  le  Triton  jusqu'à  la  Cy- 
rénaïque  :  ces  six  provinces  formaient 
ensemble  un  diocèse  gouverné  par  un 
vicaire  du  préfet  du  prétoire  ;  quel  ti- 
tre était  alors  affecté  au  commandant 
de  chacune  de  ces  provinces,  c'est 
chose  malaisée  à  définir  :  on  sait  seu- 
lement que  l'Afrique  propre  demeurait 
affectée  à  un  proconsul;  quant  aux 
autres,  on  trouve  bien  dans  le  code  de 
Justinien,  une  constitution  impériale 
adressée  en  295  à  un  Concordius/;ro- 
consul  de  Numidie;  mais  ce  n'est  peut- 
être  que  l'erreur  d'un  copiste  peu  ha- 
bile à  distinguer  l'abréviation  du  titre 
de  procurateur  de  celle  de  proconsul; 
quelques  années  après  nous  trouvons 
la  mention  d'un  con^u/air^  de  Numi- 
die, et  un  peu  plus  tard  les  monuments 
épigraphiques  donnent  à  la  Numidie 
un  légat  propréteur ^  et  à  la  Valérie- 
Byzacène  un  prœses. 

Tyrannies  d'Alexàndbe  bt  db 
Maxbncb.  —  Quand  les  césars  Cons- 
tance-Chlore et  Galère  furent  procla- 
més augustes  à  la  place  de  Maximien- 
Hercule  et  de  Dioclétien  qui  abdi- 
quaient, et  qu'ils  eurent  à  leur  tour 
pour  associés  comme  césars  Sévère 
et  Maximin  ,  Constance -Chlore  mit 
sous  l'autorité  directe  de  Sévère  les 
diocèses  qui  avaient  été  le  lot  de 
Maximien  -  Hercule.  Mais  Maxeoce  , 
fils  de  ce  dernier,  ayant  battu  et  tué 
Sévère  pour  se  substituer  à  lui,  pré- 
tendit se  faire  reconnaître  en  Afri- 
que :  elle  leva  alors  l'étendard  contre 
Maxence  et  proclama  auguste  le  pan- 
nonien   Alexandre  (*)  qui  avait  été 

(^  L'an  3o8;  c'est  en  3o4,  et  peut-être 
ILuparavant^  qu'il  était  comte  d'Afrique , 


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AFRIQUE  ANCIEINNE. 


231 


quelques  années  auparavant  comte 
milijtaire  de  TAfrique  et  avait  ensuite 
été  promu  au  grade  de  vicaire  ou  lieu- 
tenant général  du  préfet  du  prétoire 
dans  tout  le  diocèse  :  il  conserva  ainsi 
son  gouvernement  dans  une  complète 
indépendance  pendant  trois  années  , 
au  bout  desquelles  Maxence,  devenu 
plus  fort,  envoya  contre  lui  Rufus 
Yolusianus  son  préfet  du  prétoire,  et 
Zénas  général  expérimente,  qui  le  bat- 
tirent, le  poursuivirent  et  l'assiégèrent 
dans  Cirta  où  il  s'était  réfugié,  em- 
portèrent la  place  qui  fut  saccagée, 
et  s'étant  emparés  d'Alexandre ,  le  fi- 
rent étrangler  :  les  plus  considérables 
des  rebelles  furent  dépouillés  de  leurs 
biens  et  sacrifiés;  Carthage  elle-même 
fut  pillée  et  incendiée ,  et  toute  TA- 
frique  ruinée.  Constantin  le  Grand , 
qui  Tannée  suivante  ôta  à  Maxence 
Tempire  et  la  vie,  envoya  en  Afrique, 
comme  une  sorte  de  satisfaction,  la 
tête  du  tyran  qui  Tavaii  dévastée;  il 
fit  réédifier  Cirta  qui  prit  désormais 
le  nom  de  Constantine,  et  il  fit  distri- 
buer dans  les  provinces  des  indemni- 
tés et  des  aumônes  par  les  mains  de 
l'évêque  de  Carthage. 

SOBT  DE  L'AfBIQUE  DANS  LES  DI- 
TEBS  PAETÀGES  DE  LA  FAMILLE  DE 

Constantin.  —  Bien  que ,  dans  le 
partage  qu'il  fit  en  314  avec  Lici- 
nius,  Constantin  se  fût  réservé  la 
possession  de  TOccident ,  néanmoins 
comme  ce  partage  n'était  à  propre- 
ment parler,  ainsi  que  nous  en  avons 
précédemment  fait  l'observation  gé- 
nérale ,  qu'une  distribution  des  par- 
ties d'un  même  empire  entre  des  col- 
lègues possédant  en  commun  un  pou- 
voir inaivis  et  solidaire,  il  ne  faut  point 
être  surpris  de  trouver  en  Afrique  des 
monuments  lapidaires  en  l'honneur  du 
prince  dans  le  lot  duquel  elle  n'était 
pas  comprise,  mais  qui  n'en  avait  pas 
moins,  pour  elle  comme  pour  tout  le 
monde  romain,  le  titre  et  l'autorité 
impériale  :  on  a  ainsi  relevé,  dans  les 
environs  de  Tunis ,  deux  inscriptions 
des  années  313  et  318  dédiées  à  Lici- 

c'est-à-dire  légat  ayant  le  commandement 
des  U'oupes. 


nius,  l'une  par  les  décurions  de  TaSu^ 
dis,  l'autre  par  la  colonie  Bisica  Lu- 
cana. 

Quand  tout  l'empire  fut  réuni  sous 
le  sceptre  de  Constantin,  et  qu'en  l'an- 
née 326  ce  monarque  en  régla  l'orga- 
nisation en  quatre  préfectures  préto- 
riaies  ,  l'Afrique  tut  comprise  avec 
l'Italie  et  les  îles  intermédiaires  dans 
l'une  de  ces  grandes  divisions  territo- 
riales ;  nous  avons  à  cet  égard  un  té- 
moignage exprès  de  Zosime,  qui  men- 
tionne en  outre  la  séparation  qui  fut 
faite  alors  de  l'autorité  civile  laissée 
aux  préfets  du  prétoire,  et  de  l'autorité 
militaire  réservée  aux  maîtres  de  la  mi- 
lice; mais  nous  ne  connaissons  rien 
de  précis  quant  à  la  hiérarchie  qui  fut 
en  même  temps  établie  dans  chaque 
branche  des  services  publics,  quoique 
i^ous  sachions  d'ailleurs,  par  quelques 
indices  épars,  qu'il  y  avait,  dans  le 
diocèse  d'Afrique,  un  vicaire,  un  pro- 
consul, des  consulaires,  un  conseil  gé- 
néral des  provinces,  et  des  conseils  pro- 
vinciaux distincts ,  un  comte ,  des 
ducs ,  etc.  Dans  la  distribution  que 
Constantin  fit  de  ses  états  en  335  à 
ses  trois  fils  et  ses  deux  neveux,  l'A- 
frique fut  attribuée  à  Constant  avec 
l'Italie  et  l'Illyrie;  mais  lors^u'aprè* 
le  meurtre  de  Delmace  etd'Annibalien, 
les  trois  empereurs  procédèrent  en  338 
à  un  remaniement  général  de  leur  par- 
tage, l'Afrique  devint  un  sujet  de  dis- 
corde entre  Constant  qui  la  possédait 
déjà,  et  Constantin  le  Jeune  qui  pré- 
tendait l'avoir  :  il  y  eut  même,  suivant 
quelques  critiques,  soit  un  ^morcelle- 
ment par  lequel  Constantin  obtint  la 
proconsulaire  pendant  que  Constant 
gardait  la  Numidie,  soit  une  alterna- 
tive de  possession,  pendant  laquelle 
Constantm,  en  339,  agissait  en  maîtrQ 
à  l'égard  des  provinces  africaines,  que 
Constant  tenait  encore  en  338  et  avait 
déjà  reprises  en  340  avant  que,  la  que- 
relle des  deux  frères  étant' vidée  par 
les  armes.  Constant  vainqueur  s'empa- 
rât de  tout  l'héritage  de  Constantin^ 
Magnence  ayant  en  350  usurpé  le  trône 
de  Constant,  qu'il  fit  assassiner,  l'A- 
friaue  le  reconnut  pour  maître  jusi- 
qu'a  ce  que  CQnstance  vint  en  352  lé 


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3S3 


L'UNIVERS. 


punir  de  son  usurpation,  et  demeurer 
bientôt  seul  possesseur  de  tout  Tem- 
pire.  Constance  à  son  tour  vit  Julien 
saisir  le  sceptre  dans  les  Gaules  ;  il 
voulut  défendre  contre  lui  l'Afrique  , 
et  y  envoya  pour  cet  objet  Gaudence, 
sur  la  fidélité  duquel  il  pouvait  comp- 
ter ;  mais  la  fortune  de  Julien  l'em- 
porta enfin,  et  l'Afrique,  conservée  à 
Constance  tant  qu'il  vécut,  fut  remise 
après  sa  mort  à  son  successeur. 

Incursions  des  Maures  Austu- 
riens;  prévarication  du  comte 
ROMANUS.  —  Valentinien,  parvenu 
à  l'empire  en  364  ,  céda  l'Orient  à 
son  frère  Valens,  et  se' réserva  pour 
lui-même  l'Occident  :  l'Afrique  était 
alors  en  proie  aux  courses  des  Aus- 
turiens  et  autres  nations  maures- 
ques, dont  l'insolence  était  augmen- 
tée par  la  lâcheté  et  l'avarice  du 
comte  Romanus,  plus  habile  encore 
que  les  barbares  à  ruiner  les  provinces 
qu'il  était  chargé  de  défendre,  mais  qui 
se  fiait  pour  l'impunité  de  ses  rapines, 
à  sa  parenté  avec  le  maître  des  offices, 
son  chef  immédiat  et  ministre  de  l'em- 
pereur. Cet  état  de  choses  avait  pré- 
cédé Favénement  de  Valentinien;  la 
fureur  des  Austuriens  avait  été  pro- 
voquée par  le  supplice  d'un  des  leurs 
qui  s'était  rendu  coupable  de  noéfaits 
dans  la  Tripolltaine;  sous  prétexte  de 
le  venger  ils  étaient  venus  piller  et  in- 
cendier les  faubourgs  mêmes  de  Leptis. 
Le  comte ,  appelé  par  les  Leptitains , 
vint  avec  ses  troupes,  mais  refusa  de 
marcher  à  l'ennemi  si  on  ne  lui  four- 
nissait d'immenses  provisions  et  qua- 
tre mille  chameaux  ;  c'était  au  delà  de 
leurs  facultés,  et  le  comte  s'en  retour- 
na ;  les  malheureux  eurent  recours  à 
l'empereur,  mais  le  maître  des  offices 
rendit  leurs  plaintes  vaines ,  et  dans 
l'intervalle  les  barbares,  envahissant 
la  Tripolitaine,  vinrent  porter  de  nou- 
veau le  ravage  et  la  mort  sur  le  terri- 
toire de  Leptis  et  d'Ééa  :  et  le  gouver- 
neur de  la  province,  Ruricius,  n'y  put 
mettre  aucun  obstacle,  parce  que  ses 
pouvoirs  militaires  venaient  d'être 
transférés  au  comte  :  cependant  l'em- 
pereur envoie  son  secrétaire  Palladius 
pour  vérifier  )es  faits,  mais  Romanus 


le  corrompt  et  le  gagne;  une  troisième 
incursion  des  Austuriens  porte  dans 
la  Tripolitaine  le  carnage  et  la  désola- 
tion ,  et  Leptis  dépêche  à  l'empereur 
de  nouveaux  députés  pour  lui  exposer 
les  doléances  de  la  province  ;  mais  Va- 
lentinien, prévenu  par  de  faux  rap- 
ports, défère  la  connaissance  de  toute 
cette  affaire  à  Crescens  vicaire  d'A- 
fri(jue  (*),  et  de  honteuses  manœuvres 
amènent  des  rétractations  par  suite 
desquelles  Ruricius  gouverneur  de  la 
Tripolitaine  est  condamné  comme 
ayant  fait  un  rapport  entaché  de  men- 
songe et  d'exagération,  et  est  exécuté 
à  Sitifis  ;  d'autres  innocents  sont  aussi 
mis  à  mort  à  Utique.  Et  la  Tripoli- 
taine, saccagée,  ensanglantée,  fut  ré- 
duite à  une  silencieuse  résignation. 
Mais  le  jour  de  la  justice  devait  arri- 
ver plus  tard  :  la  conduite  de  Roma- 
nus fut  dévoilée  à  Théodose  pendant 
son  expédition  contre  Firmus ,  et  le 
coupable  renvoyé  devant  l'empereur 
pour  recevoir  son  châtiment. 

Gtœrre  contre  Firmus, 

Insurrection  de  Firmus;  le 
COMTE  Théodose  est  envoyé  con- 
tre lui.  —  Nubel,  un  des  chefs  les 
plus  puissants  des  tribus  mauresques, 
étant  venu  à  décéder,  son  fils  Zamma 
qui  avait  lié  amitié  avec  le  comte  Ro- 
manus, fut  tué  par  son  frère  Firmus, 
contre  qui  le  comte  envoya  des  rap- 
ports passionnés  ,  aussitôt  remis  à 
l'empereur  par  le  maître  des  offices, 
qui  supprimait  au  contraire,  ou  re- 
tardait la  communication  des  mémoi- 
res justificatifs  de  Firmus  ;  celui-ci , 
inquiet  pour  sa  propre  sûreté,  se  ré- 
volta et  commit  des  dévastations  pour 
la  répression  desquelles  Valentinien 
envoya  le  comte  Tnéodose,  maître  de 
la  cavalerie,  avec  quelques  troupes  de 
sa  garde. 

Ce  général ,  débarqué  sur  la  côte 

(*)  L'an  369.  Morcelli  rapporte  à  celle 
affaire  une  loi  du  code  Théodosien  qui  laisse 
les  frais  du  retour  dans  leur  province  aux 
députés  dont  la  mission  n'a  point  été  jus- 
tifiée par  des  potifâ  suffisants. 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


22Z 


de  la  Mauritanie  SitiGenne  à  Igii- 
gilis,  après  avoir  dépéché  Romanus 
dans  la  Césarienne  pour  y  organiser 
des  postes  avancés,  se.  rendit  à  Sitifis 
oii  il  reçut  les  envoyés  de  Firmus  et 
demanda  des  otages;  puis  il  alla  à  la 
station  Pancharlana^C*),  passer  la  re- 
vue des  légions  employées  en  Afrique, 
auxquelles  il  avait  assigné  ce  lieu  de 
rendez-vous;  et  revenu  à  Sitifis,  il  se 
mit  en  campagne  et  porta  son  quar- 
tier général  aTubusuptusdans  les  mon- 
tagnes de  Fer,  où  il  refusa  de  voir  de 
nouveaux  envoyés  de  Firmus  qui  ve- 
naient sans  les  otages  :  tombant  alors 
sur  lesTyndiensetlesMassissiens,il  les 
tailla  en' pièces,  saccagea  le  domaine 
de  Pétra  aussi  considérable  qu'une 
ville,  et  emporta  la  place  de  Lamfocta, 
oii  il  reçut  les  soumissions  que  Firmus 
vint  lui* faire  en  personne  :  deux  jours 
après  le  chef  maure  fit  la  remise,  dans 
Icosium  (qu'on  croit  représenté  au- 
jourd'hui par  Alger),  des  enseignes  ro- 
maines et  du  butin  qu'il  avait  précé- 
demment enlevés;  àTipasa  (la  moderne 
Tefsah)  les  Mazikes  alliés  de  Firmus 
vinrent  faire  des  offres  de  soumission 

(*)  On  a ,  bien  à  tort  ce  me  semble,  cher- 
ché cette  station  Pancharienne,  rendez-vous 
des  troupes  préposées  à  la  garde  de  l'Afri- 
que ,  dans  les  Pacciana  de  la  côte ,  vers  Tem- 
bouchure  de  TAmpsagas.  Il  ne  faut  pas 
oublier  que  le  principal  centre  de  canton- 
nement était  à  Lambèse,  et  que  c'est  sur  la 
roule  de  Lambèse  à  Sitiûs,  quartier  géné- 
ral deXhéodose,  que  celui-ci  devait  naturel- 
lement aller  passer  la  revue  des  troupes 
qu'il  voulait  réunir  à  celles  qu'il  amenait  des 
Gaules,  et  qui  étaient  déjà  arrivées  à  Sitifis; 
or,  à  moitié  chemin  de  Lambèse  à  SitiGs, 
nous  avons,  dans  la  Table  Peulingérienne, 
entre  Thadute  (identique  à  Tadutli  de  l'Iti- 
néraire, aujourd'hui  Tattubt)  et  Sitifis,  une 
station  appelée  Baccarus,  ou  Baccaras  sui- 
vant le  Ravennate  anonyme,  qui  parait  ré- 
pondre parfaitement  aux  conditions  du 
problème,  soit  qu'on  veuille  lire  Statio 
Bacchariana  ou  Paccharlana  dans  Ammien, 
soit  qu'on  lise  Pancarus  ou  Bancarus  dans 
la  Table.  Il  semble  que  la  sagacité  de  d' An- 
ville  ait  deviné  cette  solution ,  puisque  sur 
sa  carte  de  Numidie  de  1742,  où  il  a  in- 
diqué les  routes  données  par  la  Table ,  il  a 
écrit  Pancarus  j^u  lieu  de  Macçarus, 


qui  ne  furent  pas  agréées  ;  et  le  comte 
Théodose  arriva  enfin  à  Césarée,  au- 
jourd'hui Scherschel ,  dont  l'incendie 
et  les  dévastations  des  insurgés  avaient 
fait  un  monceau  de  ruines  ;  la  Pre- 
mière et  la  Seconde  légion  furent  char- 
gées de  la  rétablir  et  d'y  tenir  garni- 
son ;  et  les  magistrats  de  la  province 
avec  le  tribun  Vincentius  vinrent  y  re- 
prendre leurs  fonctions. 

EXPÉDITION  DE  ThÉODOSB  DANS 

liE  SUD  DB  CÉSABEE.  —  Mais  le 
comte  Théodose ,  ayant  eu  avis  que 
Firmus  tramait  quelfjue  perfidie,  se 

f)orta  immédiatement  a  Sugabarri  sur 
a  pente  du  mont  Transcellensis ,  y 
surprit  un  corps  de  transfuges,  et  les 
emmena  à  Tigavies,  oti  lui  furent  con- 
duits prisonniers  Bellen  un  des  prin- 
cipaux d'entre  les  Mazikes,  et  Feri- 
cium  ou  Faraxen ,  leur  chef,  capturé 
par  le  tribun  Quintus  Gargilius  (*): 

(*)  La  capture  de  Faraxen ,  appelé  Feri- 
cium  par  Ammien  Marcellin ,  est  rappelée 
dans  une  inscription  recueillie  à  Hamcah , 
l'ancienne  Auza ,  qui  nous  fait  connaître 
le  nom  du  capteur  : 

Q.    GARGILIO    Q.    F 

PRAEK.    COH ....    BRITAITKIAK 

TRIB.    CO MAVR.    CAE 

A.    MIL.    PRAE.    COH.    SING.    ET    VEX. 

EQQ.    MAVROR.    IN   TERRITORIO 

AVZIEIfSI    PRETEKUEHTtVM 

DEC.    DVARVM    COLL.    AVZIEK 

SIS   ET    RVSCVNIEKSIS    ET    PAT, 

PROV.    OB   IMSIGMEM   IN   Ct 

VES   AXORElf    ET  8IVGVLA 

REM    ERGA   PATRIAM    ADFEC 

TIOKIM    ET    QVOD    BIVS   V£R 

TVTE   AC   VIGILANTIA   FA     . 

RAXEN    REBELLIS    CVM    SA 

TELLITIBVS   SVIS   FVKRIT 

CAPTVS   ET   INTERFECTVS 

ORDO    COL.    AVZIRIfSIS 

INSIDIIS   BATARVM    OE 

CEPTO   P.P.    F.    D.D.   VIII   KAL. 

FEBR.    PR.    CCXXI. 

«  A  Qntntas  Gargilins...  fils  de  Qaintiu,  chef  d« 
«la  cohorte....  Britannique, tribun  delà  cohorte 
«des  Maures  Césariens  formant  i'ailo  miltiaire, 
«  chef  de  la  cohorte  des  cavaliers  singulaires  et 
«  vexillalres  maures  campés  dans  le  territoire 
«  d'Auao  ,  décurion  des  deux  colonies  d'Anza  et 
«c  de  IVusçunia ,  et  patron  de  la  province  ;  pour  son 
«  amour  insigne  envers  ses  concitoyens ,  et  son 
«  affection  ||>articulière  envers  sa  |>atrie  ;  et  attend^ 


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334 


L'UNIVERS. 


Théodose  fit  passer  les  transfuges  par 
les  armes,  et  décapiter  les  deux  chefs 
maures.  De  là  il  alla  prendre  et  raser 
le  camp  fortifié  de  Gallonatis,  et  se  di- 
rigeant vers  le  cliâteau  Tingitan  à  tra- 
vers le  mont  Ancorarium ,  il  tomba 
sur  un  parti  de  Mazikes  commandés 
par  Suggena,  et  les  tailla  en  pièces. 
Le  comte  militaire  d'Afrique  succes- 
seur de  Romanus  (qui  avait  alors  été 
démasqué  et  renvoyé  à  la  justice  de 
l'empereur),  fut  chargé  d'aller  dans  la 
MauritanieSitifienne  surveiller  les  pos- 
tes afin  de  garantir  la  province  de 
toute  invasion,  et  Théodose  lui-même 
Se  dirigea  contre  les  Musons;  mais  à 
peine  avancé  jusqu'auprès  du  municipe 
a'Audia  (*),  ayant  appris  qu'il  aurait 
affaire  à  une  multitude  innombrable 
de  gens  de  toutes  les  tribus ,  tandis 
gu'il  n'avait  avec  lui  que  3  500  hommes, 
il  prit  le  parti  de  battre  en  retraite, 
et  quoique  vivement  harcelé,  il  arriva 
sans  grave  accident  au  domaine  de 
Mazuca,  et  de  là  à  Tipasa,  où  il  rentra 
au  mois  de  février  373. 


«  que  c'est  par  son  courage  et  sa  Tig^ilance  qne  le 
«  rebelle  Faraxen  ,  avec  sa  bande ,  a  été  pris  et  mis 
«  à  mort  ;  le  sénat  de  la  coIoDÏe  d'Auza  a  fait  élevtr 
«  e«  monument  à  une  Victime  de  la  Irahison  des  Ba- 
«  vares  ,  aux  frais  du  trésor  public ,  en  reriu  d'un 
«  décret  des  décurions,  le  8  des  calendes  de  février, 
<c  l'an  de  la  province  aai.  m 

La  restilution  de  cette  inscription  offre 
quelques  difficultés  ;  la  date  de  l'aunée  prp- 
viuciale  soulève  plus  d'une  question,  et  le 
chiffre  même  nous  en  paraît  erroné.  Le  nom 
de  Faraxen ,  sa  capture ,  sa  mort ,  le  cam- 
pement avancé  d'Auza,  la  trahison  ulté< 
rieure  des  Bavares,  voilà  assez  de  motifs  de 
certitude  que  Tinscription  se  capporte  à  la 
gueri-e  de  Théodose  contre  Firmus,  et  qu'elle 
doit  être  réellement  de  Tannée  873. 

(*)  Ammien  Marcellin ,  dont  nous  n'a- 
vons qu'un  texte  très-imparfait ,  parle  cer- 
tainement du  même  lieu  en  trois  endroits, 
où  le^  éditions  porteut  néanmoins  trois  le- 
çons différentes  ;  municipium  ou  castellum 
Addense,  Audiense  ^tX  Duodiense;  la  se- 
conde leçon  est  évidemment  la  meilleiu'e , 
et  nous  rappelle  très-bien,  sous  une  forme 
adjective,  le  nom  a'Audia ,  le  même  que 
Auza;  la  permutation  de  di  en  z  est  une 
des  particularités  les  mieux  constatées  dé 
Tancieune  prononciation  africaine. 


FUITB  DE  FiBMUS  *,    SA  MOBT.  — 

Théodose  s'occupa  alors  de  rompre 
adroitement  la  li^ue  formée  à  grands 
frais  par  Tennemi ,  et  de  gaguer  par 
des  promesses  ou  des  menaces,  les 
tribus  circonvoisines  telles  que  les 
Baïures ,  les  Cantavriens  ,  les  Avas- 
tomates ,  les  Casaves ,  les  Davares  et 
autres  limitrophes.  Firmus  effrayé  du 
danger  d*une  défection,  se  sauva  au 
loin  dans  les  monts  Caprariens,  puis 
dans  le  municipe  de  Conta  :  ses 
alliés  se  dispersent  ,  Théodose  dé- 
vaste leur  camp  abandonné,  établit 
des  chefs  dévoués  sur  les  tribus  quMJ 
soumet  sur  son  passage,  va  battre 
chez  eux  les  Caprariens  et  leurs  voi- 
sins les  Abannes ,  et  tournant  vers 
Conta,  il  se  rend  maître  de  la  place, 
d'où  Firmus  s'était  enfui  à  son  appro- 
che pour  se  réfugier  chez  les  Isaffiens; 
Théodose  va  les  attaquer  et  les  bat- 
tre, et  s'enfonce  plus  avant  jusqu'aux 
montagnes  des  Jubalènes,  natrie  de 
Nubel  et  de  Firmus  :  là  les  aifftcultés 
du  terrain  l'arrêtent,  et  il  revient  au 
château  d'Audia,  où  il  r«çoit  les  sou- 
missions des  léssaliens. 

Ayant  porté  son  camp  auprès  du 
château  de  Média,  il  s'occupa  de  nou- 
veau à  chercher  les  moyens  de  se  faire 
livrer  Firmus;  apprenant  au'il  était 
revenu  chez  les  Isauiens,  il  alla  le  leur 
redemander,  mais  inutilement,  et  après 
un  combat  acharné  dont  l'issue  fut 
douteuse,  il  retourna  au  château  d'Au- 
dia, où  il  fut  encore  harcelé  par  les 
barbares  ;  hâtant  sa  marche,  il  tomba 
à  l'improviste,  par  des  chemins  de 
traverse,  sur  le  pay?  des  léssaliens 
dont  il  se  défiait,  le  dévasta,  et  conti- 
nuant sa  route  par  les  villes  de  la 
Mauritanie  Césarienne,  il  rentra  à  Si- 
tifis.  Enfin,  dans  une  dernière  cam- 
pagne. Théodose  ayant  fatigué  les  Isa- 
fltens  par  de  nouvelles  attaques,  leur 
roi  Igmazen  se  décida  à  traiter  se- 
crètement avec  lui  de  l'extradition  de 
Firmus,  par  l'intermédiaire  de  Massiila 
chef  des  Mazikes  dévoué  aux  Romains; 
Firmus,  averti  du  danger,  n'y  échappa 
qu'en  se  donnant  la  mort.  Son  cada- 
vre, chargé  sur  un  chameau,  fut  porté 
^u  château  <le  Subicara  près  duquel 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


235 


eainpait  Théodose,  qui  rentra  alors 
triomphant  à  Sitifis. 

ÉTAT  DES  PBOVIIfCBS  AFRIGUNBS 

▲  GBTTK  BPOQUB.  -^  Ges  événements 
signalaient  la  fin  du  règne  de  Va- 
lentinien  :  il  nous  reste  de  ce  temps 
lé  tableau  abrégé  ou  Bréviaire  des 
victoires  et  des  provinces  du  peuple 
romain ,  de  Sextus  Rufus ,  où  la  ré- 
duction Successive  des  états  de  l'A- 
frique en  provinces  est  rappelée  en 
quelques  lignes,  et  leur  situation  résu- 
mée en  ces  mots  :  «  Il  a  été  fait,  de 
«  toute  l'Afrique,  six  provinces  :  d'a- 
«  bord  celle  même  où  estCarthage,  ' 
«  proconsulaire;  la  Numidie,  consu- 
«  laire;  le  Byzacium,  consulaire  ;  Tri- 
«  poli,  et  les  deux  Mauritanies ,  c'est- 
«  a-dire  la  Sitifienne  et  la  Césarienne, 
«  sont  présidiales.  »  Quant  à  la  Tin- 
gitane,  il  déclare  un  peu  plus  loin 
i}u'elle  est  annexée  à  THispanie  et 
qu'elle  est  au  nombre  des  provinces 
présidiales.  La  même  disposition  se 
trouve  reproduite,  avec  quelques  dé- 
tails de  moins,  dans  la  Notice  des  Pro- 
vinces que  Ton  croit  dater  du  règne 
de  l'empereur  Théodose  le  Grand. 

VII.  OBGATIISATION  P&OYIIÎGIALE 
sous  HOMOBIUS. 

Révolte  de  Gildon, 

Lb  gomtb  Gildon,   bevétu  de 
tous  les  pouvoibs  militaibes  en 

AfBIQUB,  TENTE  DE  SE  BENDBE  IN- 
DÉPENDANT. —  A  la  mort  de  Valen- 
tinien  (*)  le  sceptre  d'Occident  resta 
aux  mains  de  son  fils  Gratien,  âgé 
de  dix-sept  ans  à  peiné,  à  qui  Tar- 
mée  donna  pour  collègue  son  frère 
Valentinien  le  Jeune,  enfant  de  qua- 
tre ans  ;  et  il  se  fît  entre  eux  ,  dit- 
on,  un  partage,  qui  ne  peut  avoir  été 
que  nominal,  par  lequel  TAfrique,  l'I- 
talie et  t'IIIyrie  auraient  été  attribuées 
au  dernier.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'usur- 
pateur Maxime ,  après  s'être  emparé 
du  lot  de  Gratien,  voulut  dépouiller 
aussi  Valentinien  le  Jeune ,  et  parvint 
à  se  iaire  reconnaître  en  33$  d^nç  le 

(*)  Le  17  novembre  375. 


diocèse  d'Afrique,  qu'il  épuisa  d'exac- 
tionr,  l'empereur  Tnéodose  vint  le  pu- 
nir, et  rétablir  immédiatement  l^ur 
torité  du  prince  légitime;  et  quand 
celui-ci  eut  péri  en  393,  Théodose  réu- 
nit en  sa  main  tout  l'empire,  qu'il 
partagea  définitivement  à  sa  mort  (en 
89Ô)  entre  ses  deux  fils;  ce  fut  le  plus 
jeune,  Honorius,  qui  eut  l'empire  d  Oc- 
cident sous  la  tutelle  de  Stilicbon. 

Dans  ces  temps  de  troubles  et  de 
minorités,  l'organisation  hiérarchique 
des  services  publics  éprouvait  des  va- 
riations au  gré  des  besoins  et  des  coi^ 
venances  locales  ou  du  caprice  des  in- 
fluences personnelles  :  Constantin  avait 
prétendu  séparer  complètement  l'ad- 
Q)inistration  civile  du  commandement 
militaire,  mais  à  l'époque  où  nous 
sommes  parvenus  on  voyait  un  même 
officier  être  à  la  fois  duc  et  président 
de  la  Mauritanie  Césarienne ,  tel  autre 
duc  et  correcteur  de  la  Tripoli taine« 
L'armée  active  avait  été  placée  sous 
les  ordres  de  maîtres  de  la  milice  ré- 
sidant près  de  l'empereur,,  et  les  deux 
armes  de  l'infanterie  et  de  la  cavalerie 
étaient  même  attribuées  à  des  maîtres 
distincts;  et  d'un  autre  côté  les  trou- 
l^es  sédentaires  préposées  à  la  garde 
des  frontières  étaient  spécialement 
commandées  par  des  comtes  et  des  ducs 
ressortissant  au  maitre  des  offices; 
mais  quand  le  maître  de  la  cavalerie 
ïbéodose  fut  envoyé  en  Afrique  con- 
tre Firmus,  le  commandement  mili- 
taire lui  appartint  sans  réserve  pour 
tout  le  temps  de  son  expédition  :  c'é- 
tait un  premier  pas  ;  bientôt  après  le 
comte  Gildon  fut  revêtu  du  même 
commandement  en  titre  d'office,  com- 
me maitre  de  fune  et  l'autre  milice 
en  Afrique,  ce  qui  lui  conférait  un  tel 
pouvoir,  qu'il  eut  été  surprenant  qu'il 
n'en  abusât  pas,  surtout  après  qu^une 
longue  possession  l'eût  consolidé  en 
ses  mains  {*)  :  aussi  dès  que  l'autorité 
impériale  faiblirait  on  devait  s'attendre 

(*)  Glaudien  donne  à  Gildon  douze  an- 
nées de  gouvernement: 

« . , Jàm  solis  hftèlBiMB 

•c  Bt»  s«mis  torqoent  bimnes  »  oerricibas  ex  quo 

Çuerre  de  Gildon,  i53« 


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S30 


L'UNIVERS. 


de  sa  part  à  une  défection.  Un  mo- 
ment il  put  croire  douteuse  la  fortune 
de  Théodose  le  Grand,  ébranlée  par  la 
révolte  d'Arbogast  et  d'Eugène,  et  il 
négligea  de  fournir  à  son  souverain  le 
contingent  de  troupes  qui  lui  était  de- 
mandé. Après  la  mort  de  Théodose,  il 
se  trouva  plus  à  Taise  encore;  et  ré- 
solu à  i'indépendance,  mais  n'osant 
toutefois  se  mettre  en  hostilité  ou- 
verte sans  appui  suffisant  contre  la 
vigoureuse  activité  de  Stilichon,  il 
prit  le  parti  de  se  soustraire  à  l'obéis- 
sance d'Honorius  en  se  plaçant  nomi- 
nalement dans  la  dépendance  de  Tem- 
pire  d'Orient  (*),  ce  qui  lui  assurait  la 
protection  d'une  puissance  rivale. 
Punition  DE  Gildon;  suppbes- 

SION    DE    LA    GRANDE   CHARGE    MI- 
LITAIRE DONT  IL  ÉTAIT  REVETU.  — 

Mais  Stilichon  n'était  point  d'un  ca- 
ractère à  souffrir  cette  défection  dé- 
guisée ,    dangereuse  pour  Rome   et 
l'Italie  qu'elle  pouvait  affamer;  il  avait 
d'ailleurs  à  ses  ordres  un  ennemi  ir- 
réconciliable de  Gildon,  son  frère  Mas- 
kelzer,  dont  les  enfants  venaient  d'être 
égorgés  par  ordre  da  perfide  :  il  lui 
confia  un  premier  corps  de  troupes 
assez  considérable,  prêt  à  le  faire  ap- 
puyer par  de  nouvelles  forces  s'il  était 
nécessaire.  Maskelzer ,  débarqué  en 
Afrique,  s'avance  aussitôt  contre  Gil- 
don et  le  rencontre  près  du  fleuve  Ar- 
dalion,  entre  Théveste  et  Ammédéra, 
l'attaque  avec  résolution,  jette  le  dé- 
sordre dans  la  cavalerie  indigène,  et 
met  l'ennemi  en  complète  déroute  : 
Gildon ,  abandonné  des  siens,  s'em- 
barque pour  chercher  un  refuge  en 
Orient,  mais  les  vents  contraires  le 
ramènent  à  Thabraca,  où  il  trouve  la 
prison  et  la  mort  (**).  L'Afrique  re- 
tourna à  Honorius;  tous  les  fauteurs 
de  la  rébellion  furent  sévèrement  re- 
cherchés et  punis,  leurs  biens  furent 
confisqués,  cfe  même  que  ceux  de  Gil- 
don ,  au  profit  du  trésor  impérial  ; 
et  des  monuments  lapidaires  (***)  aussi 

(•)   Sur  la  fin  de  397. 
(**)  Au  commencement  de  398. 
(***)  Sans  les  rapporter  ici,  nous  pouvons 
4u  moins  y  relever  les  phrases  suivantes  : 


bien  que  les  vers  des  poètes  furent 
œnsacrés  à  célébrer  le  triomphe  de 
Stilichon  et  le  rétablissement  de  la 
paix.  . 

La  grande  charge  demagisterutriuS' 
que  militiœ  per  Africain  demeura 
supprimée,  et  c'est  postérieurement  à 
cette  suppression  (*),  que  fut  rédigée 
la  Notice  des  Dignités  si  précieuse 
pour  la  connaissance  de  Toreanisation 
administrative  des  empires  d  Orient  et 
d'Occident  à  cette  époque.  L'Afrique 
y  occupe  une  place  importante,  qu'il 
y  a  intérêt  de  constater  ici  au  moins 
d'une  manière  succincte,  et  sans  en- 
trer dans  les  développements  que  nous 
interdisent  la  nature  et  les  bornes  de 
ce  travail. 

Organisation  des  pouvoirs  publics. 

Administration  centrale.  — 
Il  nous  faut  dire  d'abord  comme  in- 
troduction nécessaire  qu'autour  de 
l'empereur  se  trouvaient  groupés,  avec 
la  qualification  dHllustres ,  certains 
grands  dignitaires ,  ministres  et  offi- 
ciers du'paiais,  qui  avaient,  sur  la  con- 
duite des  affaires  de  l'empire,  une  m- 
fluènce  diverse:  le  gouvernement  pro- 
prement dit,  comprenant  l'administra- 
tion générale  et  la  distribution  de  la 
justice,  était  confié  aux  préfets  du 
prétoire  ;  le  commandement  des  ar- 
mées aux  maîtres  de  la  milice;  l'ad- 
ministration centrale  dans  le  sens  le 
plus  étendu,  mais  au  point  de  vue  de 
fa  surveillance  et  du  contrôle  plutôt 
que  de  la  direction  des  affaires,  avec 

s.    p.   Q.    R.     VIIÏDICATA     REBELLIOWE    KT 

AFRICAE    RKSTITUTIONE    lAETVS.  FL.   STI- 

I.ICHOWI AFRICA  CONSILIIS  MVS  ET  PRO- 

VISIONE  LIBER  ATA,  elC. 

(*)  Postérieurement  même  à  la  chute  de 
Stilichon  en  408,  puisque  celui-ci  était 
maître  de  la  cavalerie  et  de  F  infanterie  de 
l'empire  d'Occident,  charges  dislinctes  dans 
la  Notice.  Ce  titre  de  maître  répond  assex 
bien  à  ce  qu'on  appelait  autrefois  chez  nous 
grand  maître  y  mestre  de  camp  général,  et 
enfin  colonel  général  de  l'arme  placée  tout 
entière  sous  le  commandement  de  l'officier 
ainsi  désigné. 


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AFRIQUE  ANCtENNE* 


W 


la  police  patente  ou  secrète,  les  postes, 
les  fabriques  d'armes,  tout  ce  qui  con- 
cernait en  un  mot  la  sûreté  de  l'empe- 
reur et  de  Tempire,  au  maître  des 
offices;  les  affaires  législatives  au 
auesteur;  le  maniement  des  finances 
ae  rétat  au  comte  des  largesses  im- 
périales ;  l'intendance  de  la  liste  civile 
au  comte  des  affaires  privées  de  la 
maison  de  l'empereur.  Nous  ne  disons 
rien  des  dignitaires  dont  les  attribu- 
tions avaient  exclusivement  pour  objet 
le  service  personnel  du  souverain. 

Et  maintenant  voyons  quelles  étaient^ 
quant  à  l'Afrique,  les  diverses  hiérar- 
chies de  fonctionnaires  placées  dans 
les  attributions  de  ces  illustres  dépo- 
sitaires des  pouvoirs  publics  et  des  vo- 
lontés impériales. 

Gouvernement  civil.  —  Quant 
au  gouvernement,  tout  le  territoire 
de  l'empire  était  partagé  en  deux  pré- 
fectures prêter iales  renfermant  six 
diocèses  et  cinquante -huit  provin- 
ces. Le  préfet  du  prétoire  des  Gau- 
les avait  dans  sa  circonscription  le 
diocèse  de  Bretagne,  celui  des  Gau- 
les, et  celui  d'Hispanie  oii  la  province 
de  Mauritanie  Tingitane  se  trouvait 
comprise  ;  le  préfet  du  prétoire  d'Italie 
gouvernait  les  trois  diocèses  d'il ly rie, 
d'Italie,  et  d'Afrique.  Chaque  diocèse 
était  régi  par  un  officier  qualifié  de 
respectable  ou  considérable  {specta- 
bilis) ,  avec  la  dénomination  de  vicaire 
ou  vice-préfet ,  et  ayant  sous  ses  or- 
dres les  gouverneurs  particuliers  des 
provinces,  auxquels  était  en  général 
accordée  la  qualification  de  très-dis' 
tingués  (clarissimt) ,  bien  que  les  uns 
eussent  le  titre  de  consulaires  et  les 
autres  celui  de  présidents  :  par  excep- 
tion, Quelques  gouverneurs  de  pro- 
vinces étaient  d'un  rang  plus  modeste 
et  ne  recevaient  que  le  nom  de  cor- 
recteurs ,  avec  la  simple  qualification 
de  très-parfaits;  d'autres  au  con- 
traire, ou  plutôt  un -autre  seulement 
dans  tout  l'empire  d'Occident ,  était 
d'un  rang  plus  élevé ,  et ,  revêtu  du 
titre  de  proconsul ,  marchait  l'égal 
des  vicaires,  recevant  comme  eux  la 
qualification  de  respectable.  Cest  en 
Afrique  précisément  que  se  montrait 


cette  anomalie.  Ce  diocèse  avait  six 
provinces  ;  mais  le  proconsul  qui  gou- 
vernait celle  d'Afrique,  avec  deux 
lieutenants  sous  ses  ordres ,  échappait 
par  son  rang  à  l'autorité  du  vicaire  ou 
gouverneur  général ,  qui  n'avait  ainsi 
réellement  sous  sa  dépendance  ^ue  les 
cinq  autres  gouverneurs,  savoir,  les 
deux  consulaires  de  la  Numidie  et  de  la 
Byzacène,  et  les  trois  présidents  de  la 
Mauritanie  Sitifienne ,  de  la  Maurita- 
nie Césarienne,  et  de  la  Tripolitaine. 
Outre  le  proconsul  et  le  vicaire ,  il  y 
avait  encore  en  Afrique  deux  fonction- 
naires supérieurs  obéissant  directe- 
ment au  préfet  du  prétoire ,  savoir , 
le  préfet  ou  intendant  des  vivres  d'A- 
frique, et  le  préfet  ou  intendant  des 
domaines  patrimoniaux  :  nous  n'avons 
pas  d'autres  lumières  à  leur  égard. 

Commandement  militàibe.  — 
En  ^e  qui  concerne  le  pouvoir  mi- 
litaire, le  commandement  des  armées 
était  dévolu  fondamentalement  à  un 
maître  de  l'infanterie  et  un  maître  de 
la  cavalerie,  tous  deux  présents  à  la 
cour  :  des  circonstances  exceptionnel- 
les pouvaient  motiver  la  création  d'un 
emploi  semblable  hors  de  la  résidence 
impériale  ;  c'est  ce  qui  avait  eu  lieu 
précédemment  en  Afrique  pour  Gil- 
don  ;  c'est  ce  qui  existait  encore  dans 
les  Gaules  au  moment  de  la  rédaction 
de  la  Notice.  A  cette  derriière  époque, 
l'autorité  militaire  était  exercée  en 
Afrique,  sous  les  ordres  directs  du 
grand  maître  de  l'infanterie ,  par  un 
comte  militaire,  qualifié  de  respecta- 
ble ,  aussi  bien  que  deux  ducs  ou  com- 
mandants de  frontières  qui  lui  étaient 
adjoints ,  l'un  pour  la  Mauritanie  Cé- 
sarienne, l'autre  pour  la  Tripolitaine. 
Un  comte  militaire  était  pareillement 
établi  dans  la  Tingitane.  Sous  le 
commandement  de  ces  comtes  étaient 
placées  un  certain  nombre  de  troupes 
d'infanterie  et  de  cavalerie  tirées  de 
Tarmée,  et  organisées  en  légions  et 
escadrons.  Douze  légions  et  dix-neuf 
escadrons  se  trouvaient  ainsi  à  la  dis- 
position du  comte  d'Afrique;  le  comte 
de  la  Tingitane  n'avait  que  quatre  lé- 
gions et  cinq  escadrons.  C'étaient  les 
troupes  de  ligne  et  de  combat ,  eo 


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7SB. 


L'UNIVERS. 


garnison  dans  les  villes ,  mobiles  sui- 
vant les  exigences  de  la  guei're,  et 
excUisivement  attribuées  aux  comtes 
militaires.  Il  y  avait  en  outre  des 
troupes  spécialement  affectées  à  la 
garde  des  frontières,  établies  à  de- 
meure dans  des  cantonnements  fixes, 
sous  le  commandement  de  préposés 
ou  prévôts  respectivement  placés  sous 
les  ordres  du  comte  ou  des  dtics  des 
frontières,  d'après  les  circonscriptions 
territoriales  assignées  à  ceux-ci.  Le 
comte  d'Afrique  avait  ainsi  dans  sa 
circonscription  particulière  seize  pré- 
vôts ;  le  duc  de  la  Mauritanie  Césa- 
rienne en  avait  huit,  et  le  duc  de  la 
Tripolitaine  (piatorze.  Malgré  les  dé- 
fectuositésde  la  Notice  et  F  insuffisance 
des  documents  contemporains  ou 
peuvent  être  puisés  les  éléments  de 
comparaison  et  d'éclaircissement,  on 
reconnaît ,  au  milieu  de  la  triple  liste 
des  cantonnements  qui  y  sonttinumé- 
rés,  que  si  la  circonscription  respec- 
tive des  ducs  de  la  Césarienne  et  de 
la  Tripolitaine  était  la  même  que  celle 
de  chacune  de  ces  deux  provinces,  la 
division  territoriale  du  comte  d'Afri- 
que était  beaucoup  plus  étendue  que 
la  province  proconsulaire ,  car  il  est 
facile  de  retrouver  la  ligne  de  ses  li- 
mites particulières,  jalonnée  entre 
Tacape  et  Saldes  par  les  cantonne- 
ments de  Tamallenum,  Nepte  (*)  , 
Badiae,  Gemellœ,  Tubuna ,  Zabi  et 
Tubusuptus ,  qui  embrassent  à  la  fois 
la  Byzacène ,  la  Proconsulaire  et  la 
Sitifienne  ;  et  Ton  voit  de  plus  quMI 
avait  aussi  des  prévôts  sous  ses  or- 
dres ,  même  concurremment  avec  ceux 
des  ducs,  dans  certains  cantonnements 
de  la  circonscription  de  ceux-ci, comme 
à  Bida,  au  Caput  Cillani,  et  ailleurs 
dans  la  Césarienne,  à  Tillibari  et 
ailleurs  dans  la  Tripolitaine;  d'où  il 
nous  paraît  résulter,  contre  l'opinion 

(*)  Les  édîHoDs  de  la  Noiioe  portent  : 
PtÊtpastims  Cmiiis  MoiUêmsis  in  casiris  Lep» 
tàtutis;  sans  entrer  dans  une  discussion 
dont  œ  n*est  point  ici  la  place,  nous  croyons 
cependant  nécessaire  d'avertir  que  la  Tên- 
table  leçon  nous  parait  devoir  être  :  Prte^ 
^//Hi  miii9mM<mt«nsium  in  auuù  A<yH 


commune,  que  le  comte  militaire  avait 
au-dessus  des  ducs  de  frontière  une 
supériorité,  non-seulement  de  titre  et 
de  rang,  mais  encore  d'autorité  réelle, 
et  peut-être  de  commandement  hié- 
rarchique. N'oublions  pas  de  remar- 
quer ici,  qu'à  la  date  de  la  Notice ,  la 
commission  de  duc  de  la  Césarienne 
avait  été  donnée  au  président  ou  gou- 
verneur civil  de  cette  province,  oui 
cumulait  ainsi  deux  emplois  regardés 
généralement  comme  incompatibles. 
Dans  la  Tinçitane,  outre  les  troupes 
de  ligne  mises  à  la  disposition  du 
comte ,  il  avait  sous  ses  ordres  une 
aile  et  six  cohortes  de  troupes  séden- 
taires dans  sept  cantonnements  éche- 
lonnés sur  la  côte  depuis  Pariétina  à 
l'est  jusqu'à  Frigula  à  l'ouest  (*). 

Finances  de  l'empiee  et  de 
l'empebeur  ;  offices.  —  Pour  Tad- 
ministration  des  finances,  VUlustre 
comte  des  largesses  avait  eu  sous  ses 
ordres  dans  chaque  diocèse ,  et  avait 
encore  dans  celui  d'Afrique  un  très- 
parfait  comte  des  largesses  chargé  de 
pourvoir  au  double  service  des  recet- 
tes et  des  dépenses  du  trésor  pu- 
blic dans  l'étendue  du  diocèse.  Après 
celui-ci  venaient  les  comptables  du 
trésor  {rationales  summarum)  ^  au 
nombre  de  deux ,  l'un  d'Afrique ,  I  au- 
tre de  Numidie,  ce  qui  indique  suffî- 
^samment  que  le  premier  avait  dans 
son  ressort ,  avec  l'Afrique  proconsu- 
laire ,  la  Byzacène  et  la  Tripolitaine , 
tandis  que  le  ressort  de  l'autre  devait 
comprendre ,  avec  la  Numidie ,  la  Si- 
tifienne et  la  Césarienne.  H  y  avait  en 
outre  trois  procurateurs  des  ateliers 
publics,  savoir,  le  procurateur  du 
gynécée  de  Carthage ,  atelier  de  fem- 
mes pour  la  fabrication  des  étoffes, 
et  deux  procurateurs  des  teintureries, 
l'un  pour  le  seul  atelier  de  l'île  de 
Girba  dans  la  Tripolitaine ,  et  son 
collègue  pour  tous  les  autres  ateliers 
de  teinture  disséminés  en  Afrique. 

Quant  au  domaine  particulier  de 

(*)  Tous  ces  noms  sont  défigurés  dans  la 
Notice;  et  lltinéraire,  qui  pourrait  aider  à 
les  rétablir,  a  besoin  lui-mâae  d'uoe  téwf  ' 
^ration. 


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AFRIQUE  ANCffiNNE. 


remperemr,  VUlusire  comte  des  affai- 
reê  fNrivées  avait  sous  son  autorité 
qaatce  agents  principaux  ddtis  le  dio- 
cèse d'Afrique  :  en  premier  lieu,  le 
comte  du  patrimoineGildonien,  chargé 
de  Fadmioistration  de  tous  les  biens 
confisqués  naguère  sur  le  rebelle  Gil- 
don  et  ses  adhérents;  administration 
assez  importante  pour  que  ce  fonc- 
tionnaire eût  lui-même  sous  ses  ordres 
des  procurateurs ,  des  préposés  et  des 
comptables  dans  les  diverses  provin- 
ces où  ces  biens  étaient  situes.  Il  y 
avait  en  outre  un  comptable  particu- 
lier des  immeubles  de  ta  maison  im- 
périale en  Afrique  (*) ,  plus  un  comp- 
table et  un  procurateur  du  domaine 
privé,  Tun  pour  l'Afrique,  l'autre 
pour  la  Mauritanie  Sitifîenne. 

Le  maître  des  offices  n'avait  en 
Afrique  aucun  subordonné  à  résidence 
fixe;  mais  les  agents  impériaux  atta- 
chés à  son  département  y  faisaient  des 
tournées  d'inspection,  et  nous  savons, 
par  l'exemple  du  comte  Romanus, 
qu'on  pouvait  quelquefois  acheter  leur 
silence,  et  obtenir  des  rapports  men- 
songers ,  alors  surtout  que  le  maître 
des  offices  lui-même  était  complice  des 
méfaits  à  dénoncer  au  prince. 

VIIÏ.    DOMINATION  DKS   VANDALES. 

Règne  de  Giséric. 

Invasion  de  l'Afrique.  —  Le  rè- 
gne du  troisième  Valentinien ,  qui 
succéda  à  Honorius  (**) ,  fut  marqué 
en  Afrique  par  un  grand  désastre, 
^invasion  des  Vandales,  appelés  dans 

(*)  Un  rescrit  du  i8  février  4a a,  adressé 
pv  Honoriiis  au  comte  du  domaine  privé, 
relativement  à  l'impôt  dû  sur  les  immeu- 
bles de  la  maison  impériale  dans  la  Pro- 
consulaire  et  la  Byzacène ,  peut  nous  faire 
apprécier  l'étendue  des  terres  ainsi  possédées 
par  le  prince  :  deux  commissaires  avaient  été 
envoyés  sur  les  lieux  pour  en  faire  la  véri« 
ficalion ,  et  ils  avaient  trouvé ,  dans  Tune  et 
Tau 0*6  province,  une  mesure  totale  équi- 
valente à  près  de  qùitize  cent  mille  hectares, 
dont  plus  de  huit  cent  mille  en  terres  ex- 
cellentes (opiimorum  fundorum). 


23? 

un  moment  d'emportement  par  le 
comte  militaire  Bonfftice,  que  aes  in- 
trigues de  cour  avaient  fait  disgracier; 
simple  tribun ,  il  avait  défendu  vigou- 
reusement les  frontières  contre  les 
incursions  des  Maures  ;  nonmié  comte 
d'Afrique  en  423,  il  avait,  au  milieu 
des  troubles  politiques  de  cette  époque, 
maintenu  son  diocèse  dans  le  oevoir. 
Blessé  de  Tinjustice  dont  on  payait  ses 
services ,  près  d'être  attaqué  comme 
rebelle  par  une  armée  envoyée  contre 
lui ,  il  eut  recours  aux  barbares  de  la 
Bétique,  et  pendant  que  les  troupes 
impériales  entraient  à  Carthage,  aua- 
tre-vingt  mille  Vandales,  mêlés  a'A- 
lains  et  de  Goths ,  passaient  le  détroit 
au  mois  de  mai  429,  et  s'abattaient 
sur  les  Mauritanies.  La  cour  de  Ra- 
venne  fit  alors  appel  à  la  fidélité  de 
Bbniface ,  et  il  essaya  d'arrêter  le  tor- 
rent dont  lui-même  avait  rompu  les  di- 
gues; mais  il  fut  battu,  et  refoulé  dans 
Hippone-Royale,  où  les  Vandales  le 
tinrent  assiégé  pendant  quatorze  mois, 
tandis  que  leurs  bandes,  soumettant  le 
plat  pays,  ne  laissaient  plus  aux  Ro- 
mains que  Carthage,  Cirla,  et  Hippone 
elle-même;  si  bien  qu'au  concile  géné- 
ral d'Éphèse,  en  431 ,  l'Église  d'Afri- 
que n'avait  d'autre  représentant  que 
te  diacre  Bessula,  envoyé  par  l'évêque 
de  Carthage  pour  faire  connaître  l'im- 
possibilité où  le  cierge  africain  se 
trouvait  alors  de  se  réunir,  à  cause  de 
l'invasion  des  barbares  qui  avaient  dé- 
vasté complètement  les  provinces  et 
coupé  toutes  les  communications.  Ce- 
pendant l'arrivée  d'un  secours  consi- 
dérable enbardit  Boniface  à  tenter  le 
sort  d'une  nouvelle  bataille;  mais  il  la 
perdit,  et  fut  trop  heureux  que  la  mo- 
dération ou  la  prudence  de  Giseric 
rendît  possibles  des  négociations  pour 
la  paix.  Le  roi  des  Vandales  offrit  de 
payer  un  tribut  annuel ,  et  il  donna  en 
otage  de  ses  bonnes  dispositions  son 
propre  fils  Hunéric.  iJne  trêve  au 
moins  était  conclue ,  si  l'on  s'en  rap- 
porte à  la  chronique  de  saint  Prosper, 
lorsqu'en  432  Boniface  quitta  l'Afri- 
que pour  venir  à  Ravenne  prendre  pos- 
session de  la  charge  de  maître  de  la 
ibilice.  Aspar,  son  compagnon  d'ar*" 


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240 


L'UNIVERS. 


mes ,  était  encore  a  Garthage ,  suivant 
le  livre  des  Promesses  de  Dieu  attri- 
bué à  saint Prosper,  quand  il  fut  élevé 
au  consulat  en  434. 

Une  PikBTiE  DE  l'Afbique  est 
CÉDÉE  AUX  Vandales  par  un 
TRAITÉ.  —  Enfin ,  le  11  février  435 
d'après  la  chronique  que  nous  venons 
de  citer,  la  paix  fut  faite  à  Hippone  , 
moyennant  la  cession  d'une  partie  de 
l'Afrique  aux  Vandales,  à  qui  fut  sans 
doute  alors  rendu  le  jeune  Hunéric. 

L'histoire  de  ces  événements  est  fort 
obscure  et  à  peine  indiquée  par  quel- 
ques mentions  vagues  et  inconnexes 
des  chroniqueurs;  aussi,  comme  de 
raison,  les  conjectures  des  critiques 
se  sont-elles  librement  exercées  sur 
l'arrangement  des  faits  et  la  détermi- 
nation des  détails.  La  fixation  des 
limites  territoriales  résultant  du  der- 
nier traité  offre  surtout  une  question 
susceptible  de  solutions  fort  diverses, 
tant  sont  insuffisantes  les  données  du 
problème;  les  uns  supposent  que 
Giséric  ne  garda  que  les^Mauritanies 
et  restitua  tout  le  reste,  ce  qui  est 
contredit  par  l'exil  qu'il  prononça,  en 
437,  contre  deux  éveques  de  la  Numi- 
die ,  entre  autres  Possidius ,  Tami  et 
le  biographe  de  saint  Augustin  (*)  ; 
d'autres,  au  contraire,  ont  pensé  que 
Giséric  siarda  ses  conquêtes  de  Nu- 
midie,  d'Afrique  et  de  Byzacène,  lais- 
sant aux  Romains ,  avec  Cirta ,  Car- 
thage  et  la  Tripolitaine,  les  provinces 
de  l'ouest, dont  il  ne  se  souciait  plus. 
Cette  dernière  opinion  nous  paraît  la 
plus  juste ,  pourvu  qu'on  ne  com- 
prenne point  dans  les  provinces  aban- 
données par  Giséric  la  Mauritanie 
Sitifîenne,  d'où  il  exila ,  en  437 ,  No- 
vatus  évêque  de  Sitifis.  Suivant  toute 
apparence ,  la  paix  de  435  ne  fut  que 
provisoire,  pour  trois  ans  seulement, 
comme  l'indiquent  certaines  éditions 
de  la  chronique  de  saint  Prosper,  et 
dut  se  borner  dèîs  lors  à  consacrer  le 
statu  quo  jusqu'à  un  arrangement  dé- 
finitif. 

^  (*J  Giséric  sévissait  ainsi  intrà  hahita' 
tîorns  sucs  limitât,  suivant  les  termes  d« 
laint  Prosper. 


Nouveau   traité   de  partage 

DES    PROVINCES    d' AFRIQUE    ENTRE 

LES  Vandales  et  les  Romains.  — 
Il  était  naturel  de  voir  les  Vandales  re- 
prendre les  armes  après  l'expiration  du 
terme  convenu  .Ils  choisi  rent  le  moment 
opportun,  et  s'emparèrent  de  Garthage 
le  18  octobre  439.  On  songea  bien  à  Ra- 
venne  et  à  Çonstantinople  à  armer  con- 
tre eux;  mais  Fun  et  l'autre  empire  était 
en  proie  à  la  crainte  d'invasions  plus 
menaçantes  encore  de  la  part  des  bar- 
bares du  Nord  ,  et  l'on  traita;  la  paix 
fut  conclue  en  442 ,  et  l'Afrique  par- 
tagée entre  Giséric  et  Valentinien 
d'une  manière  précise  (*)  :  tout  ce  que 
nous  en  savons  cependant  se  borne  à 
cette  indication  de  Victor  de  Vite,  que 
Giséric  disposa  des  provinces  de  la 
Zeugitane,  la  Byzacène,  l'Abaritane, 
la  Gétulie  et  une  partie  de  la  Numidie. 
Il  restait  à  Valentinien  le  surplus  de 
la  Numidie,  et  les  Mauritanies ,  ainsi 
que  le  témoignent  diverses  lois  ajou- 
tées par  lui  au  Gode  Théodosien: 
comme  à\  ne  rétablissait  point  pour 
ces  provinces  la  charge  de  vicaire 
d'Afrique,  il  régla  par  une  loi  expresse 
du  21  juin  445,  que  l'on  porterait  dé- 
sormais directement  devant  le  préfet 
du  prétoire  l'appel  des  sentences  ren- 
dues dans  la  Numidie  et  la  Mauritanie, 
aux  habitants  desquelles  il  fit  en  même 
temps  remise  des  sept  huitièmes  de 
rimpôt  foncier;  et  par  une  autre  loi,  du 
1 3  juillet  451 ,  il  assigna  aux  fonctionnai- 
res de  la  Zeugitane  et  de  la  Byzacène, 
dépouillés  et  chassés  par  les  Vandales, 
des  secours  en  argent,  et  des  terres  à 
prendre  tant  sur  les  jachères  de  la 
Numidie  que  sur  les  domaines  impé- 
riaux dans  la  Numidie,  la  Sititienne  et 
la  Gésarienne.  Quant  à  la  Tripolitaine 
ou  Subventane ,  dont  il  n'est  rait  nulle 
mention ,  d'une  ou  d'autre  part  , 
nous  serions  porté  à  croire  qu'elle  est 
indiquée  sous  le  nom ,  d'ailleurs  in- 
connu, d'Abaritane  (**) ,  dans  le  lot  de 

(*)  Certîs  spatiisy  dit  la  chronique  de 
saint  Prosper. 

{**)  Il  y  avait  bien  dans  la  Proconsulaire 
une  localité  appelée  Abaritane,  où  croissait 
une  espèce  particulière  de  roseau;  maia 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


Gisérîc,  d'autant  plus  qu*il  est  certain 
qu^elle  appartenait  à  ce  prince,  puis- 
qu'il en  exila  plusieurs  évéques ,  no- 
tamment ceux  de  Girba ,  de  Sabrata 
et  d'Ééa ,  du  vivant  même  de  Vaien- 
tinien,  et  pendant  la  durée  de  Jeur 
bonne  intelligence.  Pour  la  Gétulie , 
Fanonyme  de  Ravenne  nous  en  dési- 
gne remplacement  d'une  manière  as- 
surée ,  en  y  plaçant  les  villes  de  Thu- 
surum ,  Tiges ,  Spéculum ,  Turres  , 
Cerva,  dont  les  deux  premières  sont 
bien  connues  sous  leurs  noms  moder- 
nes de  Touzer  etTeqyous,  à  l'ouest 
de  la  grande  Sebkhah  el-'aoudyah. 
Nous  n'avons  donc  plus,  pour  nous 
rendre  un  compte  exact  des  résultats 
du  traité  de  442  quant  à  la  délimita- 
tion mutuelle  du  territoire  romain  et 
du  territoire  vandale  en  Afrique,  qu'à 
tracer  dans  la  Numidie  la  ligne  qui 
divisait  cette  province  en  deux  par- 
ties :  à  cet  égard  nous  ne  possédons 
que  de  faibles  indices;  nous  savons 
d'un  côté  qu'Hippone -Royale  était 
tombée,  après  la  défaite  de  Boniface 
et  d'Aspar,  aux  mains  des  Vandales , 
qui  l'avaient  saccagée,  et  nous  savons 
en  même  temps  que  Cirta  leur  avait 
résisté ,  sans  que  nous  trouvions  au- 
cune trace  de  la  prise  de  cette  capitale 
par  Giséric  :  c'est  par  conséquent  en- 
tre Hippone  et  Cirta  que  devait  passer 
la  ligne  de  démarcation;  mais  nous 
ne  pouvons  rien  dire  de  plus  explicite 
sur  ce  point. 

Les  Vandales  s'empakent  de 
tout  ce  qui  bestaït  aux  ro- 
MAINS EN  Afrique.  —  A  la  mort 
de  Valentinien,  Giséric,  appelé  par 
sa  veuve  pour  le  venger,  alfa  punir 
Rome  du  forfait  de  Maxime,  et  se 
considéra  désormais  comme  délié  des 
engagements  que  les  nouveaux  empe- 
reurs d'Occident  ne  pouvaient  plus 
le  sommer  d'exécuter;  il  reprit  alors 
la  Numidie  et  les  Mauritanies  :  Ma- 

cela  n'a  rien  de  commun  avec  la  province 
distincte  de  la  Proconsulaire  dont  nous 
paile  Victor  de  Vite.  Peut-être,  au  lieu  de 
Subventana  dans  Elhicus  et  d'yiharitana 
dans  Victor,  faudrait-il  lire  uniformément 
partout  Sabratana  ou  Sabaratana, 


341 


jorîen  eut  bien  le  projet  d'aller  en 

f)ersonne  faire  revivre  les  droits  de 
'empire  sur  ce  point;  mais  la  mort 
l'arrêta  dans  ses  préparatifs.  Les  em- 
pereurs d'Orient  voulurent  à  leur  tour 
porter  la  guerre  chez  les  Vandales 
pour  réprimer  et  punir  leurs  pirate- 
ries; Léon  l'Ancien  envoya  contre  eux 
en  Afrique  (*)  Héraclius,  qui  débar- 
qua dans  la  Tripolitaine ,  oattit  les 
troupes  qu'il  y  trouva ,  occupa  les 
villes  sans  difficulté ,  et ,  laissant  là  sa 
flotte,  conduisit  par  terre  son  armée 
vers  Carthage  pour  y  rejoindre  Rasi- 
lisque ,  beau-frère  de  l'empereur,  c|ui 
devait  y  arriver  avec  une  expédition 
formidable ,  et  qui  vint  attérir  en  effet 
au  cap  d'Hermès ,  mais  pour  y  voir 
bientôt  sa  flotte  incendiée  par  les  brû- 
lots de  Giséric;  en  sorte  qu'il  n'eut 
rien  de  mieux  à  faire  que  de  s'en  re- 
tourner à  Constantinople ,  aussi  bien 
qu'Héraclius  ;  et  Giséric  reprit  de  plus 
belle  ses  courses  de  piraterie;  mais 
enfin  Zenon  conclut  avec  lui,  en  476, 
une  paix  solennelle,  qui  dura  jusqu'au 
règne  de  Justinien. 

Règne  des  successeurs  de  Giséric, 

Étendue  des  possessions  van- 
dales sous  HuNÉBiG.  —  L'étendue 
et  la  division  territoriale  du  royaume 
des  Vandales  nous  est  particulière- 
ment indiquée  par  un  document  pré- 
cieux qui  se  rapporte  au  temps  de 
la  persécution  exercée  par  Hunéric 
contre  les  catholiques  de  ses  domai- 
nes :  Victor  de  Vite  raconte  qu'il 
exila  quatre  mille  neuf  cent  soixante- 
seize  évéques ,  prêtres ,  diacres  et  au- 
tres clercs ,  lesc^uels  furent  réunis  à 
Siccaet  Lares,  ou  ils  furent  livrés  aux 
Maures  qui  venaient  les  y  chercher 

Sour  les  conduire  au  désert.  La  liste 
es  évéques  arrachés  ainsi  à  leurs  siè- 
ges en  l'année  484,  se  trouve  à  la 
suite  de  l'histoire  de  cette  persécution 
écrite  en  487  par  Victor  de  Vite  ;  on 
y  voit  figurer  les  noms  de  quatre  cent 
soixante  et  un  évéques,  y  compris 


(*)  En  l'année  468. 


16*  Livraison.  (Afrique  ancienne.) 


16 


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2^^  yÇNIYERS. 

eaux  ^  tief ,  pillas  ^atotze  çi^ges  va-  rept  toute  U  ^auritar\ie  depuis  Gadea 

caots,  le  tout  ainsi  réparti  :  '  jusqu'aux  frontièrieSs  delà  Numidie,  et 

Brovince  procousulaire U  "«^  grande  partie  du  reste  de  i'Afri- 

Province  de  Numidie 125  q"^-  Évidemment  leur  émancipatioa 

Brovince  de  Byzacène 115  avait  dû  commencer  par  la  Tingitane, 

Province  de  MauritaniftCésarienne  J26  pl"S  éloignée  du  centre  du  gouverne- 
Province  de  Mauritanie  Sitifien  ne.    42  ment,  et  se  propager  successivement 

Province  de  Tripolitaine ^  ^^^s  Test  ;  à  la  mort  de  Hunéric ,  elle 

Province  de  Sardaigne 8  ^^si»'*  'W^  atteint  et  envahi  TAurasion. 

—     ,  -rrr  Gondamond  eut  à  soutenir  contre  eux 

^®:^'  V ^'^  plusieurs   combats .    et    Trasamond 

Pao^xiïCBS  succ:p$siyEMBNT  EN-  éprouva  une  sanglante  défaite  de  la 

LEVÉES  AUX  Vandales  PAR  LES  M  AU-  part  de  ceux  auxquels  commandait 

BES.— Aucune  indication  ne  se  trouve  Rabaon  dans  la  Tripolitaine:  Hildéric 

làdç  la  pcovinceTingitane.  Les  critiques  à  son  tour  fut  battu  par  Antalas  chef 

Qnt  cru  reconnaître,  il  est  vrai ,  quel-  des  Maures  de  la  Byzacène. 
ques  sièges  susceptibles  d'être  attri-        Usubpation  de  Gélimek  ;  Béh- 

bués  à  cette  province  dans  la  liste  de  saibe  lui  enlève  l'Afbiqde.    — 

ceux  de  la  Mauritanie  Césarienne;  mais  Gélimer  se  prévalut  de  ce  honteux 

celte  attribution  paraît  fort  douteuse,  revers  pour  arracher  le  sceptre  à  Hil- 

Oo  peut  expliquer  de  diverses  manié-  déric,  qu'il  emprisonna  :  l'empereur 

rQS  rabsence  du  nom  delà  Tingitane;  Justinien,  allié  et  ami  de  Hildéric 

01}  bien  ellf  n'avait  point  d'évéques,  qui  avait  été  élevé  à  Gonstantinopte, 

ou  ses  éyêques  avaient  embrassé  Ta-  réclama  sa  mise  en  liberté;  Gélimer  la 

rianisme,  pu  bien  encore  elle  secouait  refusa  :  de  là  la  guerre  qui  substitua 

-  déjà  le  ioug  dçs  Vandales.  La  présence  la  domination  des  Byzantins  à  celle 

des  éveques  catholiques  de  la  Sardaigne  des  Vandales.  Il  y  eût  d'abord  défec- 

etdes  Baléares  ne  permet  pas  de  croire  tion  de  la  Tripolitaine,  qu'un  citoyen 

queçeuxdelaTingitane,  si  elle  en  avait  de  cette  province  livra  aux  troupes 

eu  ,  se  fussent   soustraits  à  l'appel  impériales.  Puis  Bélisaire  vint  débar- 

d'Hupéric  spus  prétexte  de  leur  union  quer  à  Caput-Vada ,  à  cinq  iournées 

à  l'Hispanie  sous  le  rapport  de  Tobé-  de  Carthage,  avec  une  armée  de  15  000 

di^nce   ecclésiastique.    Elle  apparte-  soldats  ;  laissant  à  Gélimer,  qui  était 

nait  incontestablement  aux  Vandales  àHermione,  à  quatre  journées  dans 

spus  le  règne  de  Giséric  ;  mais  elle  les  terres,  la  faculté  de  le  poursuivre, 

dut  être  ^  première  à  échapper  à  ses  il  marcha  sur  Carthage  en  suivant  le 

successeurs.  littoral ,  et  passant  par  Syllecte,  Lep- 

Nous  savoKU^  en  effet  quç  les  indigè-  tis  et  Adrumète ,  il  atteignit  Grasse, 

nés  coqoinencerent,  dès  la  mprt  de  ce  résidence  royale  à  trois  cent  cinquante 

prince,  à  s'insurger  daçs  leu^s  monta-  stades  ou  cinquante  milles  rômafris  de 

gnes  et  à  harceler  les  Vandales,  tantôt  Carthage;  quatre  jours  après  il  arriva 

nattants,  tantôt  battus;  sous  le  règne  ^  Décimum  ,  c'est-à-dire,   comme  le 

niéme  de  Hunéric ,  ceux  ^é  l'Aura-  nom  l'indique,  à  d\i^  milleç  de  la  capi- 

sion  avaient  repris  leur  indépendance,  taie ,  où  l'on  se  rend  en  passant  sur 

et  nul  effort  des  Vandales  ne  put  les  la  droite  contre  une  sebkhah  (  ireôCov 

réduire  à  la  soumission  :  il  est  certain  ^<^v ,  une  plaine  de  sel  ).  C*est  là  que 

Sue  Procppe,  dans  une  rapide  esquisse  Gélimer  le  joignit,  fut  battu,  et  se 
e  leur  histoire  i,  dit  que  les  Romains,  sauva  avec  les  restes  de  son  armée 
les  avaient  repoussés  aux  derniers  dans  la  plaine  de  Bulla,  à  quatre  jour- 
confins  de  TAfrique  habitable ,  tandis  nées  vers  les  frontières  de  la  JNumî- 
qi^  ils  avaient  pris  à  leur  solde  te^  Car-  die,  pendant  que  Bélisaire  léntrait  à 
tnaginois  et  les  antres  Libyens  ;  mais  Carthage.  A^ant  été  rejoint  à  Bulla 
que  les  Maures ,  agi^  4e  fréquents  par  les  troupes  <]ue  son  frère  lui  ra- 
avantages  sur  les  Vandales  ^  occupé-  menait  de  Sardaigne ,  GélLc^çi^  vùp^t  de, 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


94S 


nouveau  Sê  faire  battre  par  Bélisaire 
à  Tricamara,  à  vîngt  milles  de  Car- 
thage(*),  et  s'enfuit  précipitamment 
en  Numidie ,  où  il  se  réfugia  chez  les 
Maures  barbares  des  montagnes  es- 
carpées de  Pappua ,  dans  leur  viHe  de 
Médéos ,  située  à  l'extrémité  de  ces 
montagnes  ;  mais  il  y  fut  rigoureuse- 
ment bloqué,  et  forcé  enfin  de  se  ren- 
dre ;  et  Bélisaire ,  après  avoir  envoyé 
ses  lieutenants  prendre  Gésarée  de 
Mauritanie  qui  est  à  trente  journées 
de  Carthage ,  le  fort  de  Septon  qui  es| 
près  des  Stèles  Héracléennes,  les  Ba- 
léares, la  Corse,  la  Sardaigne,  et  avoir 
pourvu  à  la  sûreté  de  la  Tripolitaine, 
mit  à  la  voile  pour  Constantinople, 
emportant  d'immenses  trésors ,  Géli- 
mer  enchaîné ,  de  nombreux  captifs, 
et  laissant  à  Carthage ,  pour  comman- 
der à  sa  place ,  Salomon  qui  avait  été 
son  chef  d'état-major. 

IX.    DOMINÂTKON  BYZANTINE. 

Org.(mîsaUon  cMle  et  militaire  de 
V Crique  sous  Justùiien. 

Obgànisation  civile.  —  Avant 
que  Bélisaire  quittât  l'Afrique,  il  avait 
été  pourvu  à  l'organisation  civile  et 
militaire  du  pavs  par  deux  rescrits 
impériaux,  dates  l'un  et  l'autre  du 
13  avril  5,34,  et  adressés,  le  premier 
à  Archélaiîs,  ancien  préfet  de  Cons- 
taniinople  et  d'Illyrie  ,  en  dernier 
lieu  questeur  de  Bélisaire,  et  qui  était 
nommé  préfet  du  prétoire  d'Afri- 
que; le  second  à  Bélisaire  lui-même 
çn  s^  qualité  de  maître  de  la  milice. 
Ce  sont  deux  monuments  trop  direc- 
tement li^s  à  notre  sujet  pour  qu'il 
ne  soit  pas  convenable  d'en  repro- 
duire ici  les  dispositions  principales  : 
on  pardoQuers^  sans  doute,  on  nous 
saura  gré  peut-être,  d'avoir  conservé,^ 
par  une  version  très-littérale,  les  for- 
njes  et  la  couleur  du  style  caractéris- 
tique de  cette  époque. 
«iUi  mm,  de  Notre-Seignear  Jésus-Christ  : 
«  L'EipçREUR  et;  César  Flavius  Jdstinien, 
l'Allimarique ,  I.»  Gothique,  x.e  Ger- 
MUfiQUE  ,    LE    Francique  ,    i.'Antiqu£  . 

{^  Décembre  5SS. 


t.*Al.AinQUX,  UC^ASDAtXQim,  t'Aw^CKXMf 
DÉBOSKÂIRE,  HEUREUX,  RSlfOKMÉy  VAXPr 
QUEUE  ET  TaXOUPaATEUE,  VQWOU|kS  AV- 
<^USTB» 

n  A  A«<BiiA«a 
Préfet  du  prétoire  d'Afrique^ 

«  Kotre  esprit  ne  peut  embrasser, 
notre  langue  ne  peut  dire  tout  ce  que 
nous  devons  de  remercîmenis  et  de 
louanges  à  Notre-Seigneur  Dieu  Jé- 
sus-Christ. Déjà  nous  avions  reçu  de 
Dieu  bien  des  grâces,  et  nous  confes- 
sons les  innombrables  bienfaits  qu'il 
nous  a  accordés  sans  que  nous  eussions 
rien  fait  pour  les  mériter.  Mais  ce  que 
le  Dieu  tout-puissant  a  daigné  mani- 
fester en  dernier  lieu ,  par  nous  en 
son  nom,  dépasse  toutes  les  merveilles 
accomplies  en  ce  siècle  :  qu'en  si  peu 
de  temps  l'Afrique  ait  par  nos  efforts 
recouvré  la  liberté  après  quatre-vingt-* 
quinze  années  de  servitude  sous  les 
yandaleSy  ces  ennemis  des  ,âmes  et  des 
corps  à  la  fois ,  car  ils  entraînaient 
dans  leur  impiété,  par  un  second  bap- 
tême ,  les  âmes  trop  faibles  pour  sup- 
porter les  tortures  diverses  et  les  sup- 
plices, et  ils  soumettaient  durement 
a  un  joug  barbare  des  corps  nés  pour 
être  libres.  Ils  souillaient  aussi  de 
leurs  impiétés  les  saintes  églises  de 
Dieu  ;  de  quelques-unes  ils  avaient  fait 
des  écuries.  Nous  avons  vu  des  hommes 
vénérables  dont  la  langue  coupée  à  la 
racine  racontait  douloureusement  les 
souffrances  ;  d'autres ,  après  des  tor- 
tures diverses,  dispersés  en  diffé- 
rentes provinces,  avaient  terminé  leur 
vie  dans  l'exil.  Par  quelles  paroles, 
par  quelles  œuvres  pourrons-nous  di- 
gnement rendre  grâces  à  Dieu ,  qui, 
par  moi  le  dernier  de  ses  serviteurs, 
a  daigné  venger  tes  injures  de  son 
Église  et  arracher  au  joug  de  la  servi- 
tude les  peuples  de  si  vastes  provin- 
ces ?  bienfait  que  n'avaient  pu  obtenir 
de  Dieu  nos  prédécesseurs,  à  qui  non- 
seulement  il  ne  fut  point  donné  de 
délivrer  l'Afrique,  mais  qui  virent 
Rome  elle-même  prise  par  les  Van- 
dales, et  tous  les  ornements  impériaux 
transportés  de  là  en  Afrique.  Tandis 
que  maintenant  Dieu,  par  sa  miséri- 
corde, nous  a  non- seulement  livré 

16. 


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244 


L'UNIVERS. 


l'Afrique  et  toutes  ses  provinces,  mais 
nous  a  aussi  rendu  ces  mêmes  orne- 
ments impériaux  qui  avaient  été  en- 
levés à  la  prise  de  Rome.  Après  donc 
de  tels  bienfaits  que  la  Providence 
nous  a  départis ,  ce  que  nous  atten- 
dons de  la  miséricorde  du  Seigneur 
notre  Dieu ,  c'est  qu'il  affermisse  et 
maintienne  intactes  les  provinces  qu'il 
a  daigné  nous  rendre,  et  nous  les  fasse 
régir  selon  sa  volonté  et  son  bon  plai- 
sir, en  sorte  que  l'Afrique  entière 
éprouve  la  miséricorde  du  Dieu  tout- 
puissant,  et  que  ses  habitants,  déli- 
vrés de  la  plus  dure  servitude  et  d'un 
joug  barbare,  reconnaissent  en  quelle 
liberté  il  leur  est  donné  de  vivre  sous 
notre  heureux  gouvernement.  Nous 
réclamons  instamment  aussi  des  priè- 
res de  la  sainte  et  glorieuse  Marie 
mère  de  Dieu ,  toujours  vierge ,  (jue 
tout  ce  qui  manque  à  notre  empire, 
Dieu  le  lui  restitue  par  nous  les  der- 
niers de  ses  serviteurs ,  en  son  nom  ; 
et  qu'il  nous  rende  dignes  d'accomplir 
ses  œuvres. 

«  1.  En  conséquence,  avec  l'aide  de 
Dieu  et  pour  le  bonheur  de  notre  em- 
pire, nous  voulons,  par  cette  loi  im- 
périale, que  toute  l'Afrique  que  Dieu 
nous  a  confiée  soit,  par  sa  miséri- 
corde ,  élevée  au  premier  rang ,  et  ait 
une  préfecture  propre ,  en  sorte  que, 
comme  l'Orient  et  Tlllyrie ,  de  même 
aussi  l'Afrique  soit  spécialement  do- 
tée par  notre  Clémence  de  la  suprême 
autorité  prétorienne,  dont  nous  or- 
donnons que  le  siège  sera  à  Carthage, 
et  que  le  nom  soit  ajouté  dans  le 
préambule  des  actes  publics  à  celui 
des  autres  préfectures;  et  nous  avons 
aujourd'hui  fait  choix  de  Votre  Excel- 
lence pour  la  gouverner. 

a  2.  Et  avec  l'aide  de  Dieu,  il  y  sera 
organisé  sept  provinces  avec  leurs 
magistrats,  entre  lesquelles  celle  de 
ïingis,  celle  de  Carthage  ci-devant 
appelée  proconsulaire ,  celle  de  Byza^ 
cmm,  et  celle  de  Tripolis,  auront  des 
gouverneurs  consulaires;  les  autres, 
savoir  ,  la  Numidie,  la  Mauritanie  et 
la  Sardaigne,  seront.  Dieu  aidant,  ad- 
ministrées par  des  présidents. 
.  «  3.  Et  quant  aux  bureaux  de  Vo- 


tre Grandeur,  ou  de  Sa  Magnificence 
le  préfet  du  prétoire  d' Afrique  en 
exercice,  quel  qu'il  soit,  nous  ordon- 
nons qu'il  y  sera  employé  trois  cent 
quatre-vingt-seize  personnes ,  répar- 
ties entre  les  diverses  divisions  et  bu- 
reaux. Quant  à  ceux  des  consulaires 
et  présidents,  il  y  aura  cinquante 
personnes  dans  les  bureaux  de  chacun 
d'eux. 

«  4.  Les  émoluments  que,  soit  Vo- 
tre Magnificence,  soit  les  consulaires, 
les  présidents  et  chaque  employé  des 
bureaux,  doivent  recevoir  aux  frais 
du  trésor  public  ,  sont  déterminés 
dans  un  état  ci-après  annexé. 

«  5.  Nous  souhaitons  donc  que  tous 
nos  magistrats  s'appliquent  a  admi- 
nistrer leurs  gouvernements  suivant 
la  volonté  et  la  crainte  de  Dieu ,  et 
suivant  nos  instructions  et  nos  ordres, 
de  manière  qu'aucun  d'eux  ne  s'aban- 
donne à  des  exactions  et  ne  commette 
lui-même,  ou  ne  laisse  commettre,  par 
des  magistrats,  ou  leurs  bureaux,  ou 
tous  autres,  aucune  violence  à  l'égard 
des  contribuables  ;  car  bien  que  nous 
tâchions ,  avec  l'aide  de  Dieu ,  que 
dans  toutes  nos  provinces  en  général 
les  contribuables  n'éprouvent  aucun 
préjudice ,  nous  nous  occupons  sur- 
tout de  ceux  du  diocèse  d'Afrique, 
lesquels,  après  un  si  long  esclavage, 
ont ,  avec  l'aide  de  Dieu ,  obtenu  par 
nos  soins  de  voir  de  nouveau  luire  pour 
eux  la  liberté.  Nous  ordonnons  donc 
que  toutes  violences,  toute  exaction 
cessent,  et  que  la  justice  et  la  loyauté 
soient  gardées  envers  tous  nos  sujets  ; 
c'est  par  là  que  Dieu  sera  satisfait ,  et 
qu'eux-nïêmes  pourront  plus  promp- 
tement,  comme  les  autres  contribua- 
bles de  notre  empire,  se  relever  et 
fleurir. 

«  6.  Nous  voulons  que  les  bureaux 
de  Sa  Magnificence  le  préfet  du  pré- 
toire d'Airique,  aussi  bien  que  des  au- 
tres magistrats,  reçoivent  leurs  épices 
conformément  à  ce  qui  est  régie  par 
nos  lois  et  observé  dans  tout  notre 
empire;  en  sorte  que  personne  ne  se 
permette,  en  aucun  temps  ni  d'aucune 
manière,  d'excéder  le  tarif. 

«  7.  Nous  jugeons  devoir  régler 


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AFfaQUE  ANCIENNE. 


145 


aussi  par  la  présante  ordonnance,  que 
les  magistrats  n'aient  point  à  suppor- 
ter de  grands  frais  pour  la  mise  en 
règle  de  leurs  lettres  ou  commissions, 
soit  en  notre  chancellerie ,  soit  dans 
les  bureaux  du  préfet  du  prétoire  d'A- 
frique, afin  que,  n'étant  |)oint  eux- 
mêmes  chargés  de  frais,  ils  n'aient 
aucun  besoin  de  grever  à  leur  tour 
les  contribuables  de  notre  Afrique.  ' 
Nous  voulons  y  en  conséquence,  que 
les  magistrats  du  diocèse  d'Afrique, 
tant  civils  que  militaires,  ne  payent  à 
notre  chancellerie,  pour  les  droits  de 
leurs  commissions  ou  lettres  de  no- 
mination, que  dix  sous  d'or  (*),  et  au 
bureau  du  préfet,  que  douze  sous 
d'or.  Que  si  quelqu'un  excède  cette 
taxe,  le  magistrat  lui-même  payera 
une  amende  de  trente  livres  cror,  et 
ses  bureaux  seront  passibles  non-seu- 
lement de  pareille  amende,  mais  même 
de  la  peine  capitale  ;  car  si  quelqu'un 
osait,  en  quoi  que  ce  soit,  excéder 
nos  ordres,  et  ne  tâchait  pas ,  dans  la 
crainte  de  Dieu,  de  les  observer,  non- 
seulement  il  aurait  à  craindre  la  perte 
de  sa  dignité  et  de  ses  biens ,  mais  il 
encourrait  même  le  dernier  supplice. 

«  8.  Voici,  avec  l'aide  de  Dieu,  Té- 
tât des  émoluments  :  Pour  les  vivres 
et  fourrages  du  préfet  du  prétoire  de 
toute  l'Afrique,  en  exercice,  100  livres 
d'or  ;  —  pour  les  vivres  des  consulai- 
res, 20  livres  d'or;  pour  les  vivres  des 
[présidents],  7  livres  d'or.  (Suit  le 
détail,  très-curieux,  mais  très-peu  in- 
telligible, et  d'ailleurs  très-long,  des 
émoluments  des  employés  des  bu- 
reaux.) , 

«  9.  Étant  ainsi  instruit  de  ce  que, 
par  cette  constitution  impériale,  nous 
avons  accordé,  pour  leurs  frais,  aux 
nnagistrats  civils  de  l'Afrique  et  à 
leurs  bureaux,  c'est  à-dire  tant  aux 
commis  qu'aux  autres  employés  de 
cette  grande  préfecture ,  Votre  Gran- 
deur pourvoira  à  sa  mise  à  exécution 
à  dater  des  calendes  de  septembre  de 
la  prochaine  iodiction  treizième  {**), 

(*)  La  valeur  du  sou  d*or  était  d'environ 
i4  francs.  Il  y  avait  7a  sous  à  la  livre,  qui 
Talait  à  peu  près  1000  francs.' 

{**)  C'est-à-dire  du  1*^  septembre  534. 


et  à  ce  qu'elle  soit  observée  et  portée 
à  la  connaissance  de  tous  par  des  édits 
publics  ;  car  ceux  qui  auront  été  éta- 
blis par  Votre  Sublimité ,  conformé- 
ment à  la  présente  constitution  impé- 
riale, seront  maintenus  à  perpétuité 
dans  leur  situation. 

«  Nous  statuerons ,  avec  l'aide  de 
Dieu ,  par  une  autre  ordonnance  sur 
les  magistrats  militaires  et  leurs  bu- 
reaux, et  sur  l'armée. 

«  Donné  à  Constantinople,  etc.  » 

Organisation  mïlitaibe.— Pas- 
sons maintenant  à  cette  organisation 
militaire  annoncée  dans  le  précédent 
rescrit,  et  en  tête  de  laquelle  nous 
nous  dispensons  de  répéter  l'invoca- 
tion sacramentelle  et  la  pompeuse  sé- 
rie des  titres  officiels  de  l'empereur. 

«A  BÉLISA.IRE« 

Maître  de  la  milice  d'Orient. 

«  C'est  au  nom  de  Notre-Sei^eur 
Jésus-Christ  que  nous  poursuivons 
toujours  nos  desseins  et  nos  actes;  car 
c'est  par  lui  c|ue  nous  avons  reçu  les 
droits  attachés  à  la  dignité  impériale, 

1>ar  lui  que  nous  avons  conclu  avec 
es  Perses  la  paix  à  perpétuité,  par 
lui  que  nous  avons  renversé  d'opiniâ- 
tres ennemis  et  des  princes  puissants, 
par  lui  que  nous  avons  surmonté  de 
nombreuses  difficultés,  par  lui  qu'il 
nous  a  été  donné  de  secourir  l'Afri- 
que et  de  la  réduire  en  notre  pouvoir, 
par  lui  enfin  que  nous  avons  la  con- 
fiance qu'elle  sera  sous  notre  autorité 
convenablement  régie  et  fermement 
gardée.  C'est  ainsi  que  par  sa  grâce 
nous  avons  établi  des  magistrats  ci- 
vils avec  leurs  bureaux  cour  les  pro- 
vinces africaines  respectives ,  et  ré^lé 
l'émolument  que  chacun  doit  recevoir. 
Soumettant  encore  notre  esprit  à  sa 
providence,  nous  avons  résolu  d'orga- 
niser les  troupes  armées  et  les  com- 
mandants militaires. 

«  I.  Nous  ordonnons  en  consé- 
quence que  le  duc  militaire  de  la  pro- 
vince Tripolitaine  aura  sa  résidence 
provisoire  dans  la  ville  de  Leptis  la 
Grande  ;  que  le  duc  de  la  province  By- 
zacène  résidera  provisoirement  dans 
les  villes  de  Capsa  et  de  Leptis  la  Pe- 


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H$ 


f^umvms. 


1^6;  quie  ledoe  tfe  là  proi^hts^  de  I^û- 
mrdie  aura  sa  térfdence  provisoire 
dans  la  Ville  de  Constantine;  enfin, 
que  te  duc  de  la  provh)ce  de  Maurita- 
nie résidera  nroTisoirement  dans  ia 
▼iHe  d^  Césarée. 

«  2.  Nous  ordonnons  aussi  que  vous 
établissiez  eomplétement ,  sur  le  pas- 
sage qui  est  vers  THispanie  et  qu'ott 
appelle  Septa,  en  tel  nombre  que  Vetrc 
Grandeur  le  jugera  nécessaire,  des 
sbldats  avec  leur  tribun^  homme  pru- 
dent et  djéyoué  à  notre  empire ,  de  ma- 
nière qu'ils  puissent  toujours  garder 
ce  passage,  et  faire  savoir  au  respec- 
table duc  tout  ce  qui  se  fait  du  côte 
de  THispanie,  de  la  Gaule  ou  des 
Francs,  afin  que  lui-même  le  rapporte 
à  Votre  Grandeur.  Vous  ferez  établir 
en  outre,  dans  ce  passage,  des  vais- 
seaux légers,  autant  ^ue  vous  le  juge- 
rez nécessaire. 

«  8.  Nous  -voulons  qu'il  soit  établi 
un  duc  en  Sardalgne,  et  qu'il  résidé 
prés  des  montagnes  oii  se  trouvent 
des  populations  barbares,  avec  autant 
de  soldats  que  Votre  Grandeur  ju- 
gera nécessaire  pour  la  garde  des 
lieux. 

«  4.  Que  tous  veillent  diligemment 
aux  provinces  commises  à  leur  garde; 
qu'ils  préservent  nos  sujets  du  préju- 
dice de  toute  incùlrsion  des  ennemis  ; 
qu'ils  tâchent ,  en  invoquant  jour  et 
nuit  l'aidis  de  Dieu,  et  en  travaillant 
activement  i  d'étendre  les  provinces 
africaines  jusqu'aux  limites  où  avant 
l'invasion  des  Vandales  et  des  Maures 
l'empire  romain  avait  ses  frontières, et 
où  les  anciens  entretenaient  des  pos- 
tes, ainsi  qu'on  le  voit  par  les  clôtu- 
res et  tes  tours  ;  qu'ils  se  hâtent  sur- 
tout de  prendre  et  de  fortifier,  à  me- 
sure qu'avec  l'assistance  de  la  misé- 
ricorde divine  les  ennemis  en  seront 
e)[pulsés ,  les  villes  voisines  des  clô- 
tures et  des  limites,  et  qui  étaient  au- 
trefois occupées  comme  étant  établies 
sous  l'autorité  romaine  ;  t{m  les  ducs 
et  les  troupes  se  rapprochent  succes- 
sivement des  points  où  étaient  aupa- 
ravant les  limites  et  les  clôtures  deà 
provinces,  lorsque  sous  l'autorité  ro- 
maine se  conservaient  encore  iûtàtVei 


les  nrovlnees  lifHeMrait  ^  fn  fKin» 
espérons^  avec  la  permissioil  de  ]>iett 
par  l^aide  de  qui  ëliês  lious  ont  été 
rendues^  voir  arriver  biientdt  de  nôtre 
temps.  Et  que  les  provinees,  dans  l'in- 
t^ralité  de  leurs  ancienhes  limites  ^ 
soient  maintenues  en  sécurité  et  tran- 
quillité, que  par  la  vigilance  et  les  ef- 
forts des  soldats  les  blus  dévoués  et 
les  soihs  des  respectables  ducs  en  exer^ 
cice^  elles  soient  conservées  intactes  i 
car  il  faut  que  les  provinces  aient  tou- 
jours des  gardieds  fidèles,  afin  d'ôter 
aux  ennemis  la  faculté  d'envahir  ou  de 
dévastier  les  lielix  posséda  par  nos  su^ 
jets. 

a  5.  Quant  au  nombre  de  soldats^^ 
soit  fantassins  soit  cavaliers,  qu'il  faut 
placer  sur  chaque  frontière  pour  la 
^rde  des  provinces  et  des  villes,  Votre 
Grandeur  le  râlera  ainsi  qu'elle  croira 
convenable^  de  manière  que  si  ces  dis- 
positions nous  paraissent  suffisantes 
nous  les  confirmions^  ou  que  si  nous 
apercevions  qu'il  y  eût  à  faire  davan- 
tage nous  y  ajoutassions; 

«  6.  Ce  qu'un  duc  doit  recevoir  à  ti- 
tte  de  solde,  pour  luitet  ses  hommes,  et 
ce  qui  revient  à  ses  bureaux,  se  trouve 
détaillé  dans  l'état  ci-dessous  annexé. 

«  7.  Ainsi  donc  qu'il  a  été  dit,  les 
ducs  et  les  troupes  résideront  provi- 
soirement, quant  à  présent,  confor- 
mément à  notre  ordre  ^  dans  les  villes 
et  lieux  que  nous  avons  désignés,  jus^ 
qu'à  ce  que  Dieu  prêtant  aide  à  nous 
et  à  notre  empire ,  ils  puissent  être 
rétablis  par  nos  efforts  dans  les  lieux 
où  était  ûxée  l'ancienne  limite  de  cha- 
que province,  à  l'époque  où  lesdites 
provmces  étaient  restées  entières  sous 
l'empire  florissant  des  Romains. 

<t  8.  Il  nous  parait  toutefois  néces- 
saire que,  poiir  l'organisation  des  fron- 
tières, il  soit  créé,  en  sus  des  troupes 
mobiles  distribuées  dans  les  forts,  des 
troupes  spéciales  qui  puissent  défen- 
dre et  les  forts  et  les  places  de  la  fron- 
tière ,  en  même  temps  qu'elles  culti- 
vieraient  le  sol;  en  sorte  que  les  autres 
provinciaux  Içs  voyant  là,  aillent  s'y 
établir  aussi.  Nous  avons  organisé  un 
modèle  de  bataillon  de  frontière,  que 
noua  vous  envoyons^  afin  que  sut  ce 


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AFMÇÎtE  ÀNCiENNE. 


U7 


ihâdèTé  roéë  «rândèut*  éh  orgàbise 
âé  ^mblable^  dâbè  Hèé  fbrts  et  Ids  pla- 
ces qu'elle  choisira  ;  de  façon  cepen- 
dant qOb  si  y&ùji  troDVez  dans  les  pro- 
vince^ oa  p^àtmi  les  soldats  qu'elles 
ayaient  antérieurement,  des  sujets 
ééiiVenabies^  vous  en  tormiet  un  ba< 
téitlon  spécial  pour  bhaque  frontière; 
afin  ^ne  s'il  y  avait  quelque  mouvement, 
ces  troupes  frontières  pussent  èlleè- 
mémes ,  sans  le  secours  des  troupes 
mobiles,  défendire  aVéc  leurs  chefs  les 
lieux  ô&  ^ll)es  auront  été  placées ,  sans 
8'éîoignipr  beaucoup  de  la  frontière,  ni 
les  troupes ,  ni  leuirs  chefs.  Ces  trou- 
pe^ frontières  ne  supporteront  aucuns 
frais  de  la  part  des  ducs  ni  des  offi- 
ciers de  ceux-ci ,  qui  ne.  pourront  dé- 
tourner frauduleusement  à  leur  profit 
aucuh  dtoit  sur  leur  solde.  Nous  vou- 
lons, au  surplus,  que  ceci  Soit  observé 
non-seulem)ent  à  Tégard  des  troupes 
frontières ,  mais  aussi  à  l'égard  des 
troupes  mobiles. 

«  9.  Et  nous  voulons  que  chaque  duc, 
ainsi  que  les  tribuns  de  ces  mêmes  troi^- 
pes,  exercent  toujours  leurs  soldaU  aU 
maniemeiit  lies  armes,  et  ne  leur  per- 
mettent pas  de  s'éloigner,  afin  qu'ëh 
cas  de  besoin  ils  puissent  résister  à 
l'ennemi  ;  et  4tie  les  ducis  ni  les  tri- 
buns ne  se  permettent  d'en  en\oyep 
aucun  en  congé,  de  peur  qu'ien  cher- 
chant à  en  faire  pront,  ils  nie  laissent 
les  provinces  dégarnies.  Que  si  les 
ducé  susmentionnés  ou  leurs  bureaux 
ou  les  tribunâ  s'avisaient  de  laisser 
quelqu'un  des  soldats  en  congé,  ou  de 
tirer  quelque  profit  de  leur  paye,  non- 
seulement  nous  voulons  qu'ils  resti- 
tuent au  trésor  public  le  quadruple , 
mais  encore  qu'ils  soient  destitués  de 
leur  grade.  Car  les  ducs  et  les  tribuns 
doiveiit  attendre  de  notre  largesse,  en 
sus  des  émoluments  qui  leur  sont  ac- 
cordés, une  rémunération  proportion- 
née à  leurs  services,  et  non  chercher  à 
gagner  sur  les  congés  ou  sur  la  solde 
des  troupes  qui  sont  organisées  pour 
la  garde  des  provinces  ;  d'autant  plus 
que  nous  avons  assigné  des  émolu- 
ments suffisants  aux  ducs  eux-mêmes 
et  à  leurs  bureaux,  et  que  nous  avons 
touJt)Urs  eu  sbin  d'éleVet  chacun,  en 


bîropttrtlbri  de  ses  éèfyicé^,  â  des  em- 
plois et  des  grades  iiVéilleurè. 

«10.  Quand  il  aura  plu  à  Dieu,  que 

tmr  les  soins  de  Votre  Grandeur  toute 
a  frontière  ait  été  remise  en  son  an- 
tien  état  et  soit  bfen  organisée;  alors, 
là  où  cela  deviendra  hécessalre  les  res- 
pectables ducs  se  prêteront,  quand  le 
besoin  l'exigera ,  une  mutuelle  assis- 
tance, afin  qu'avec  Tàîde  de  Dieu  les 
provinces  ou  les  frontières  soient  con- 
servéejs  intactes  par  leur  vigilance  et 
leurs  efforts, 

«  11.  De  même  que  nous  voulons  que 
nos  magistrats  et  nos  troupes  soient 
audacieux  et  intraitables  envers  les 
ennemis ,  de  même  nous  les  voulons 
doux  et  bienveillants  envers  nos  con- 
tribuables ,  et  qu'ils  ne  leur  fassent 
aucun  tort  ni  dotumage.  Que  si  ùh 
militaire  se  permettait  de  taire  quel- 
que tort  à  nos  sujets ,  il  sera  puni 
exemplairement,  sous  la  responsabilité 
du  respectable  duc,  ou  du  tribun,  ou 
du  premier  commis ,  de  manière  que 
nos  sujets  soient  indemnisés. 

«  12.  Que  si,  pour  certaines  causes, 
il  était  fait  une  interpellation  par-de- 
vant nos  magistrats,  nous  voulons  que 
les  exécuteurs  ne  reçoivent  à  titre  d'é- 
pices  rien  au  delà  de  ce  qui  est  fixé  par 
nos  lois ,  sans  encourir  la  peine  pro- 
noncée par  les  mêmes  lois  en  cas  de 
contravention. 

«  13.  Lorsque,  avec  la  permission  de 
Dieu,  nos  provinces  africaineis  auront 
été  organisées  par  Votre  Grandeur 
conformément  à  nos  ordres ,  que  la 
frontière  en  aura  été  rétablie  suivant 
l'ancien  état  dé  choses ,  et  que  toute 
l'Afrique  aura  été  restaurée  telle 
qu'elle  était;  lors  donc  que  tout  cela, 
avec  l'aide  de  Dieu  ,  aura  été  fait  et 
achevé  sous  les  yeux  de  Votre  Gran- 
deur, et  que  par  vos  efforts  l'Afrique 
aura  répris  toutes  ses  anciennes  limi- 
tes, et  que  vous  nous  aurez  rendu 
compte  de  l'organisation  complète  de 
tout  ie  diocèse  d'Afrique,  savoir,  dans 
quels  lieux  ou  cruelles  villes  et  en  quel 
nombre  ont  été  distribuées  les  trou- 
pes ,  et  de  quelle  espèce  elles  sont  ; 
combien  de  troupes  frontières  ,  et  de 
quelle  arcne ,  en  quels  lieUx  elles  ont 


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S48 


L'UNIVEaS. 


été  placées  ;  alors  nous  youlons  que 
Votre  Grandeur  revienne  auprès  de 
Notre  Clémence. 

«  14.  En  attendant,  si  Votre  Gran- 
deur jugeait  que  certaines  places  ou 
châteaux  de  la  frontière  étaient  trop 
considérables  pour  être  bien  gardés , 
qu'elle  les  fasse  rebâtir  de  telle  ma-> 
nière  qu'elles  puissent  être  bien  gar- 
dées par  peu  de  monde. 

«  15.  Lors  donc  que  Votre  Gran- 
deur, après  avoir  réglé  toutes  choses, 
effectuera  le  retour  c|ui  lui  est  ordonné; 
alors  les  ducs  de  chaqueiimite,  toutes 
les  fois  qu'ils  auront  besoin  de  quel- 
que chose  pour  la  réparation  des  places 
ou  châteaux,  pour  leur  solde  ou  leurs 
provisions,  le  feront  savoir  au  plus  tôt 
au  magnifique  préfet  d'Afrique  ,  afin 
que  lui-même  fasse  aussitôt  ce  qui  sera 
nécessaire,  et  qu'aucun  délai  ne  puisse 
nuire  aux  provinces. 

«  1 6.  Et  ce  qu'il  aura  fait  lui-même, 
et  ce  à  quoi  il  sera  encore  nécessaire 
de  pourvoir  ultérieurement,  le  magni- 
fique préfet  du  prétoire  d'Afrique  sus- 
mentionné et  les  respectables  ducs  nous 
en  rendront  fréquemment  compte , 
ainsi  que  de  tout  ce  qui  se  passe  ;  pour 
que  nous  confirmions  ce  qui  aura  été 
bien  fait ,  et  que  les  dispositions  qui 
auraient  pu  être  mieux  prises  soient 
complétées  par  nos  ordres. 

(c  17.  Ifous  réglons  en  outre  que  les 
magistrats  à  établir  sur  les  frontières 
africaines,  n'auront  rien  de  plus  à 
payer,  soit  dans  le  palais  impérial  à 
aucune  personne  ou  dignité,  soit  dans 
le  prétoire  d'Afrique  à  la  préfecture 
ou  au  magistère  cie  la  milice ,  que  ce 
qui  est  déclaré  dans  l'état  ci-dessous 
annexé;  car  si  quelqu'un  exigeait  ou 
recevait  plus  que  ce  qui  est  taxé  audit 
état ,  il  serait  puni  d'une  amende  de 
trente  livres  d  or ,  et  encourrait  de 
plus  notre  indignation.  Us  n'auront 
rien  à  payer  d'ailleurs  à  aucune  autre 
personne,  dignité,  ou  office,  autre  que 
celles  dénommées  en  l'état  ci-dessous. 

«  18.  Nous  ordonnons  en  outre,  avec 
l'aide  de  Diefu  ,  que  chaque  duc>  ainsi 
que  ses  bureaux ,  reçoive  ses  émolu- 
ments sur  les  tributs  de  la  province 
d'Afrique ,  à  partir  des  calendes  de 


septembre  de  la  pnn^ine  indiotion 
.  treizième ,  suivant  ce  qui  est  réglé  en 
l'état  ci-dessous  annexé. 

«  19.  Et  voici,  avec  la  volonté  de 
Dieu ,  l'état  de  ce  qui  doit  être  alloué 
aux  ducs  établis  en  Afrique,  et  à  leurs 
bureaux,  pour  les  vivres  et  fourrages 
qui  leur  sont  annuellement  dus.  (Suit 
un  détail  fort  embrouillé  des  émolu- 
ments dus,  pour  eux  et  leurs  gens,  aux 
cinq  ducs ,  qualifiés  simplement  ici  de 
clarissimes  ou  très-distingués,  au  lieu 
de  la  qualification  de  spectabiles  ou 
considérables,  qui  leur  est  donnée  dans 
le  reste  de  la  loi.) 

«  20.  État  des  droits  que  le  duc  de 
chaque  frontière  doit  pa^er  à  la  chan- 
cellerie impériale,  au  prétoire  de  l'am- 
pli ssi  me  préfecture  dT Afrique ,  et  au 
secrétariat  du  maître  de  la  milice  en 
exercice  ;  savoir  :  à  la  chancellerie  im- 
périale six  sous  d'or;  au  secrétariat 
du  magistère  de  la  milice,  pour  l'enre- 
gistrement de  Tordre  impérial  deNotre 
Sérénité  relatif  à  sa  nomination,  douze 
sous  d'or  ;  au  secrétariat  de  l'amnlis- 
sime  préfecture  d'Afrique,  pour  1  en- 
registrement des  mêmes  lettres,  douze 
sous  d'or. 

«  21.  En  conséquence  Votre  Gloire 
ordonnera  la  mise  à  exécution  et  l'ob- 
servation de  ce  que  Notre  Éternité  a 
réglé  par  cette  ordonnance  officielle. 

«  Loi  rendue  aux  ides  d'avril  à  G>ns- 
tantinople,  sous  le  quatrième  consulat  de 
notre  seigneur  Justiitien  Père  de  la  Patrie 
et  Auguste ,  avec  Pauliit.  » 

Tout  ce  qui  était  ordonné  à  Béli- 
saire  dans  ce  rescrit  était  sans  doute 
en  voie  d'exécution  quand  ce  grand 
homme  quitta  Carthage  pour  aller  re- 
cevoir à  Constantinople  les  honneurs 
du  triomphe ,  et  prendre  bientôt  après 

Î)ossession  du  consulat.  Son  départ 
aissa  son  œuvre  inachevée ,  et  priva 
l'Afrique  de  la  main  puissante  qui 
seule  pouvait  retenir  à  la  fois  dans  le 
devoir  une  armée  hétérogène  qui  n'a- 
vait plus  de  romain  que  le  nom,  et  des 
chefs  maures  dont  sa  renommée  avait 
amené  la  soumission. 

Guerres  contre  les  Maures. 

Phbmièbb  expédition  db  Salo- 


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AFRIQUE  ANCIENNE. 


M oif .  —  Trois  efaefi  principaux  corn-» 
mandaient  aux  Maures  répandus  sur  le 
territoire  romain;  c'étaient,  dans  la 
Byzacène,  Antala8(*),  fidèle  à  Tempire, 
qui  se  Tétait  attaché  moyennant  une 
pension  annuelle,  et  Coutzinas,  le 
plus  notable  d'une  foule  de  petits  chefs 
que  le  nom  de  Bélisaire  avait  jusqu*à 
ce  moment  tenus  en  respect;  dans 
la  Numidie,  laudas,  demeuré  indépen« 
dant  sur  les  montagnes  d'Aurasion, 
On  peut  croire  que  des  conditions  pa- 
reilles à  celles  d'Antalas  auraient  as- 
suré la  soumission  des  deux  autres  ; 
mais  ils  se  plaignirent  hautement  d'a- 
Toir  été  déçus  par  de  vaines  promes- 
ses, et  les  vaisseaux  de  Bélisaire 
avaient  à  peine  levé  Tancre,  que  déjà 
un  soulèvement  général  se  manifestait 
sur  toute  la  frontière  ;  les  postes  ro- 
mains dans  la  Byzacène  et  la  Numi- 
die ,  trop  faibles  encore  pour  arrêter 
le  torrent,  étaient  battus,  et  les  bar- 
bares dévastaient  tout  le  pays.  Deux 
officiers  distingués  de  la  cavalerie  im- 
périale avaient  été  tués  dans  la  Bvza- 
cène  après  une  défense  acharnée;  dans 
la  Numidie,  Althias ,  qui  était  can- 
tonné à  Centuries  (**)  avec  un  corps  de 
Huns  pour  la  garde  des  forts  d'alen- 
tour, avait  été  plus  heureux,  et  il  avait 
remporté  sur  laudas ,  auprès  de  la 
fontaine  de  Tigisis  (où  Procope  met  la 
fameuse  inscription  constatant  Fori- 
gine  cananéenne  des  Maures) ,  un 
avantage  brillant  quoique  de  peu 
d'importance.  Salomon  marcha  a'a- 
bord  contre  Coutzinas  et  ses  adhé- 
rents, qu'il  battit  rudement  à  deux 
reprises ,  d'abord  à  Mamma ,  puis  sur 

(*)  Ce  nom  africain  se  montre  plus  tard 
dans  rhistoire  mauresque  sous  la  forme 
H/ianthahh,  suivant  l'orthographe  des  Ara- 
bes. 

(**)  'Etuyx«^£  ^  'AXOia;  èv  xevroupiai;  xûv 
èxeîvig  (  NoutJ^ifiiqc  )  çpoupitùv  ©uXaxiîiv  £x***^* 
(Procope,  Guerre  des  Fanaales,  II,  i3.) 
Nous  pensons ,  comme  Ruinart ,  qu'il  faut 
lire  ici  ht  Kevroupiaiç ,  à  Centuries ,  ce  qui 
se  rap|»orte  au  poste  appelé  <w/  Centena^ 
rium  sur  la  Table  Peutingérienne ,  entre 
Gasaupala  et  Tigisis,  sur  la  route  de  Tipasa 
(Tyfèsch)  à  Constantine  par  Sigus.  T(Yi<rt; 
est  la  moderne  Teghzeh. 


240 


les  monts  Bourgadn,  les  forçant  à 
s'aller  réfugier  en  Numidie  auprès 
de  laudas.  Il  vint  ensuite  chercher 
celui-ci  dans  l'Aurasion  ,  où  il  fut 
guidé  par  deux  princes  maures  :  l'un 
de  ces  guides  était  Orthaîas ,  chef  des 
tribus  cantonnées  dans  Touest  de  l'Au- 
rasion, qui  reprochait  à  laudas  de 
favoriser  Mastigas ,  chef  des  tribus  de 
la  Mauritanie,  dans  le  dessein  qu'avait 
celui-ci  de  chasser  Orthaîas  lui-même 


et  ses  Maures  du  pays  où  ils  étaient 
depuis  longtemps  établis  ;  ce  qui  avait 
déterminé  Taccession  d'Orthaïas  et 
des  siens  à  la  cause  romaine.  Après 
avoir  campé  sur  le  fleuve  Abigas,  qui 
is'échappe  de  ces  montagnes ,  Salomon 
s'avança  jusqu'à  celle  é^Àspis  ou  du 
Bouclier  ;  mais  craignant  de  s'engager 
trop  avant  avec  des  guides  peu  sûrs , 
il  se  borna  pour  lors  à  cette  démons- 
tration, renforça  en  se  retirant  les 
garnisons  de  la  !^ïumidie ,  et  retourna 
passer  l'hiver  à  Carthage  (*). 

Au  printemps  suivant,  une  mutine- 
rie de  ses  troupes  obligea  Salomon  à 
quitter  précipitamment  son  palais ,  et 
à  se  réfugier  à  Missoua,  vers  le  cap 
d'Hermès,  d'où  il  dépêcha  un  courrier 
en  Numidie,  pendant  que  lui-même  ai- 
lait  chercher  Bélisaire  à  Syracuse.  La 
révolte  avait  été  excitée  par  les  fem- 
mes et  le  clergé  vandales ,  et  les  mu- 
tins grossissant  leur  nombre  des  débris 
du  peuple  vaincu,  se  réunirent  dans  la 
plaine  de  Bulla  en  un  corps  de  huit 
mille  hommes,  sous  le  commandement 
de  Stotzas ,  qui  vint  bientôt  assiéger 
Carthage,  mais  qui  battit  en  retraite 
au  seul  nom  de  Bélisaire  arrivant 
avec  quelques  soldats.  Le  fameux' 
guerrier  vmt  défaire  et  disperser  les 
rebelles  auprès  de  Membressa ,  sur  le 
Bagradas ,  à  350  stades  ou  cinquante 
milles  romains  de  Carthaeje  ,  et ,  rap- 
pelé en  Sicile  par  une  autre  révolte ,  il 
laissa  à  Salomon,  pour  suivre  les  af- 
faires d'Afrique ,  deux  braves  officiers, 
Théodore  et  Ildiger,  et  repartit  aussi- 

(*)  A  la  fin  de  Tannée  535,  et  non  en 
536  comme  l'indique  Lebeau  dans  son 
Histoire  du  Bas-Empire,  où  cette  date  erro- 
née remonte  jusqu'à  la  bataille  de  Mamma. 


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9S0 


vwxprBSiS. 


tôt.^  lEsK  Nqmidie  «^Je ,  due  Marcellus., 
ayant  appris  que  Stotzas  fugitif  était 
avec  peu  de  monde  à  Gazopbyles  (que 
les  routiers  romains  appelleut  Gazau- 
fula  ou  Gasaupala),  a  deux  journées 
de  Constantine ,  voulut  l'y  aller  sur- 
prendre ;  mais  le  rebelle  lui  débaucha 
ses  troupes ,  et  le  fit  massacrer  avec 
ses  officiers. 

Expédition  db  Gebmain.  — • 
Alors  Justinien  envoya  en  Afrique, 
pour  remplacer  Salomon  comme  mai-^ 
tre  de  la  milice,  le  patrice  Germain 
son  neveu ,  avec  les  sénateurs  Sym- 
maque  comme  préfet  du  prétoire  , 
et  Dominique  comme  maître  de  Tin- 
fanterie  à  la  place  de  Jean  récem- 
ment décédé.  La  vérification  des  ma*- 
tricules  fit  reconnaître  qu'il  manquait 
à  rappel  les  deux  tiers  des  soldats  : 
Thabileté  de  Germain  en  rappela  un 
grand  nombre  dans  le  devoir,  si  bien 
que  Stotzas  résolut  de  livrer  ba- 
taille avant  que  la  désertion  de  ses 
adhérents  ne  fût  complète ,  et  il  vint 
camper  non  loin  de  la  mer,  à  trente- 
cinq  stades  ou  cinq  milles  romains  de 
Carthagô.  Germain  alla  l'attaquer,  le 
mit  en  déroute,  le  suivit  en  JSumidie, 
et  ra3^ant  atteint  en  un  lieu  que  les 
Romains  appelaient  Cellas  Fatari, 
ou  les  Magasins  de  Vatarum  (*) ,  il  le 

(*)  Personûe  encore  n'a  su  reconnaître 
dans  le  texte  de  Procope  le  nom  de  ce  lieu 
Ô  li[  KoXXa;  paTopaç  xaXoOcri  'Pcùfiaïoi;  Sca- 
liger,  sans  l'appui  d'aucun  Manuscrit,  sans 
autre  motif  que  sa  fantaisie,  pensa  qu'il 
fallait  Ure  IxaXaç  pérepeç ,  forgeant  ainsi  le 
nom  latin  de  Scalœ  ^eteres,  servilement 
adopté  par  tous  les  traducteurs,  et  retraduit 
à  son  tour  dans  notre  langue  en  Vieilles 
échelles;  mais  il  est  évident  que  KaXXoç 
^Topocç  doit  indiquer  des  celles  ou  maga- 
sins, cellas,  comme  on  eu  connaît  plu- 
sieurs en  Afrique ,  où  Ton  ne  trouve  point 
au  contraire  d'échelles,  scalas;  et  que  pa- 
Topaç ,  vataras,  est  l'adjectif  caractéristique 
du  lieu,  comme  nous  voyons  l'adjectif  />/- 
centinis  attaché  aux  Cellis  voisines  de  Ta- 
cape.  Or  Procope,  en  nous  racontant  la 
bataille  qui  a  eu  lieu  en  cet  endroit ,  nous 
montre  Germain  partageant  sa  cavalerie  en 
trois  corps  commandés  par  Ildiger,  Théo- 
dore, et  ce  Jean  frère  de  Pappus,  auquel 
Joroandèâ  applique  le  surnom  deXroglita, 


h9itt\i  t\  eomrâtétéfenént,  qdb  StottM 
prit  le  parti  de  se  réftjgier  avec  quel- 
ques Vandales  jusqu'en  Mauritanie' 
ou  il  épousa  la  fille  d'un  chef  indigène; 
et  l'Afrique  demeura  enfin  quelque 
temps  en  paix  (*) 

Seconde  sxpÉniTibN  db  Salo- 
•  MON — En  639,  treizième  année  de  soft 
règne ,  Justinien  rappela  près  de  lui 
Germain,  Symmaque  et  Dominique^ 
et  confia  de  nouveau  le  soin  des  af- 
faires d'Afrique  à  Salomon,  qui  arriva 
avec  des  renforts  de  troupes  et  d'au- 
tres chefs.  Il  s'appliqua  à  purger  fe 
pays  de  tout  ce  qui  y  restait  de  rebel- 
les et  de  Vandales,  à  fortifier  les  villes, 
à  assurer  l'observation  des  lois,raug- 

qui  se  distingua  particulièrement  aux  càtés 
de  Germain ,  et  dont  Corippe  a  fait  le  héros 
de  son  poème  de  la  Johannide  ;  on  doit  donc 
trouver  dans  ce  poème  quelque  allusion  à 
la  conduite  glorieuse  de  Jean  dans  cette 
bataille;  et  en  effet  Corippe  ne  manque 
pas  de  rappeler  cette  circonstance  dans  ses 
vers,  où  il  met  dans  la  bouche  d'un  officier 
faisant  en  présence  de  Jean,  alors  maître 
de  la  milict,  le  récit  des  précédentes  guerres, 
une  indication  précise  de  ce  combat  : 

«  Te  quoque  per  médias  yîdit  Victoria  pugnas; 
«  Fortis  et  irraptis  iruucabas  agmina  castrii 
«  Ense  grati ,  siœilique  viros  virtute  necabas. 
«  Gerinauo  spargeote  ferum  viclumque  lyraanam, 
«  Te  Cellas  Vatari  miro  spectabat  amore; 
«t  Te  Auteiiti  ssvos  inactantem  viderai  hostes.  » 

Corippe,  Johannide,  III,  3r4-3i^. 
Nous  lisons  dans  ces  vers  Cellas  Fatari 
comme  porte  le  manuscrit  de  Trivulce ,  et 
non  cultor  Fatari,  comme  il  a  plu  à  Mazzu- 
chelii  de  corriger. 

La  Table  Peutingérienne  nous  avait  déjà 
révélé  Texisteuce  et  fait  connaître  la  situa- 
tion relative  d*un  lieu  appelé  ^a^ari ,  entre 
Sicca,  Théveste  et  Cirta,  de  manière  à  en 
assurer  la  position  à  quelques  milles  dans 
le  sud  de  Tipasa,  aujourd'hui  Tyfèsch.  C'est 
là  qu'a  eu  lieu  la  bataille  décrite  en  détail 
par  Procope.  Mais  les  vers  de  Corippe  nous 
indiquent  encore  une  autre  affaire,  dont 
Procope  ne  dit  rien ,  qui  eut  lieu  à  Auten- 
tum  près  de  Suffetula. 

(*)  Cette  paix  est  décrite  avec  beaucoup 
de  charme  dans  les  vers  de  Corippe,  très- 
remarquables  pour  l'âge  de  décadence  com- 
plète où  ils  furent  écrits;  ils  nous  appren- 
nent aussi  qu'au  milieu  de  cette  p&ix  sur- 
vint une  épidémie. 


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ÀFKKÏBE  AïfCIENNE. 


Ml 


|MtttatipB  des  revenu^,  et  la  {Nrospéri^ 
jwblique.  Fuis  il  résolut  udc  expédi- 
tion contre  laudas  et  les  Maures  de 
r Aurasipn  ;  son  avant^garde  vint  cam- 
peir  sur  Jes  bords  de  TAbigas,  auprès 
de  la  vHle  abandonnée  de  Basai,  où 
les  ^laares ,  par  des  barrages ,  reurent 
bientôt  inondée  :  niab  Tarrivée  de  Sa- 
lomon  les  refoule  vers  les  montagnes, 
en  un  lieu  appelé  Babôsis,  où  il  vient 
les  mettre  en  déroute  ;  une  partie  se 
retire  en  Mauritanie  j  une  autre  chez 
les  barbare^  du  Sud.  laudas,  ayant 
encore  vingt  mille  hommes ,  va  établir 
une  forte  garnison  dans  le  château  de 
Zervoula  {*) ,  et  gagnant  lui-même  le 
haut  des  montagnes,  il  s'établit  au 
milieu  des  rochers ,  sur  un  point  en- 
touré de  pentes  abruptes ,  en  un  Heu 
appelé  Toumar,  pendant  que  ses  fem- 
mes 0t  sesi  trésors  sont  renfermés, 
sous  la  garde  d'un  vieux  guerrier,  dans 
uniB  tour  écartée ,  anciennement  bâtie 
à  la  cime  d'un  pic  isolé  appelé  la 
Pierre  de  Géminien  ;  mais  Salomon , 
après  être  allé  fourrager  dans  les 
jQhamps  de  Tamougadis,  ^'empare  de 
Zervoula,  force  laudas  dans  sa  re- 
traite de  Toumar,  et  enlève  la  tour  de 
Géminien.  laMdas,  blessé  lui-même, 
se  sauve  en  Mauritanie.  Alors  Salo- 
mpn  établit  à  demeure  des  postes  for- 
tifiés dans  TAurasion ,  et  chassant  Jes 
Maures  de  toute  la  Numidie,  il  alla, 
ditProcopC)  soumettre  le  canton  de 
Zaba ,  au  delà  de  FAurasion ,  appar- 
tenant à  la  première  Mauritanie,  dont 
la  métropole  était  Sitifis.  Césarée  était 
la  capitale  de  l'autre  Mauritanie,  sou- 
mise tout  entière  au  prince  maure 
Mastigas,  à  la  seule  exception  de  Cé- 
sarée elle-même ,  où  les  vainqueurs  ne 


3; 


{*)  Procope  rappelle  ZepêouXT) ,  qui  de- 
vait se  prononcer  ZervouU;  Gorippe  la  nom- 
me Zerquilis,  à  côté  de  Geminam  petram, 
[ui  esl  évidemment  la  nérpicv  FeiAiviavou 
le  Procope  :  la  synonymie  de  Zerquilis  avec 
Z£p6ouXY)  est  donc  certaine,  et  assure  cc^ 
que  la  àa{;acité  de  M.  Dureau  de  ta  Malle 
avait  devinée  entre  ZepëouXY]  et  Zerqelah 
des  géographes  arabes.  Le  même  savant  a 
iftignaié  avec  la  métae  justesse  Tidentité  de 
Toumar  et  Petrâ  Gemihianl  avec  Tov^iidl^ 
et  np(t(ftVdt  d6  Ptdlémée; 


pouvai^t  en  eonsé^pienoe  H  rendre 
que  par  mer. 

Justinien  ayant ,  en  ^3 ,  donné  le 
commandement  de  la  Tripiolitaiivp  à 
Sergius  neveu  de  Salomon ,  en  nvSme 
temps  qu'il  accordait  la  Pentapole  à 
Cyrus  frère  du  premier,  il  y  eut  an 
soulèvement  général  des  Maures  Léva- 
thes ,  par  suite  du  massacre  de  quel- 
{fues-uns  des  leurs  à  Leptis  Magna^  et 
les  deux  frères  fïirent  obligés  de  se 
sauver  auprès  de  leur  oncle.  Les  in- 
surgés entrèrent  dans  le  Byzacium, 
où  Us  trouvèrent  Antalas  tout  disposé 
à  faire  avec  eux  cause  commune  ;  car, 
à  la  suite  de  quelques  troubles ,  Salo- 
mon avait  puni  de  mort  son  frère 
Guarizilas,  et  supprimé  la  pensioi» 
annuelle  d* Antalas  lui-même.  Salomon 
marcha  à  leur  rencontre ,  et  leur  livra, 
près  de  Théveste ,  un  combat  o^  il 
périt;  et  les  Lévathes  s'avancèrent 
jusqu'à  Laribus ,  qui  se  racheta  d'un 
siège  par  une  contribution  en  argent. 

Expédition  de  Sebgius  et  Aaiô- 
binde;  usurpation  de  Oontha- 

BIS  DEJOUEE  PAH  ARTABAN.  —  Scr- 

gius  succéda  à  son  oncle  dans  le 
commandement ,  et  se  ût  détester  de 
tous  par  sa  hauteur,  si  bien  que  les 
chefs  de  Tàrmée  ne  se  souciaient  point 
de  lui  obéir,  tandis  que  les  Maures , 
ayant  appelé  à  eux  le  rebelle  Stotzas, 
se  montraient  plus  formidables  que 
jamais.  Le  duc  de  la  Byzacène,  Himé- 
rios,  ayant  été  pris  dans  une  embus- 
cade à  Ménéfésis(  entre  Suffétula  et 
Théveste) ,  ils  en  profitèrent  pour  al- 
ler s'emparer  par  ruse  d'Adrumète, 
qu'une  autre  ruse  ne  tarda  pas  à  leur 
enlever. 

L'empereur  envoya  le  sénateur  Ario- 
binde  partager  avec  Seirgius  le  com- 
mandement militaire  des  provinces  de 
l'Afrique,  lui  donnant  à  cet  effet  quel- 
ques officiers  et  un  petit  nombre  de 
nouvelles  troupes  pour  continuer  la 
guerre  en  Byzacène  pendant  que  Ser- 
gius la  ferait  en  Numidie.  Athanase 
fut  envoyé  en  même  temps  comme 
préfet  du  prétoire  ;  mais  on  conçoit 
que  cette  haute  magistrature  civile 
était  alors  presque  effacée  au  milieu 
dutumulte  des  armes.  AHobinde  ayattt 


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9S2 


L1JNIVERI?, 


appris  que  les  ^nemis  étaient  campés 
près  de  Sicca-Vénéria ,  envoya  contre 
eux  un  de  ses  lieutenants ,  qui  les  at- 
taqua dans  le  port  ou  défilé  deTacia  (*), 
tua  Stotzas,  et  fut  tué  lui-même,  au 
milieu  d'une  défaite  que  le  concours 
de  Sergius  aurait  emnéchée:  iVmpe- 
reur  alors  rappela  ennn  ce  jeune  pré- 
somptueux. Gontharis,  chef  des  trou- 
pes de  la  Numidie ,  eut  Tambition  de 
se  substituer  à  la  fois  à  Sergius  et  à 
Ariobinde,  en  se  liguant  secrètement 
avec  les  Maures ,  et  il  ameuta  laudas 
et  Coutzinas  contre  Carthage,  en  mê- 
me temps  qu'Antalas  s'y  portait  avec 
le  rebelle  Jean^  que  les  soldats  de 
Stotzas  avaient  élu  pour  chef.  Ario- 
binde rappela  aussitôt  près  de  lui  tous 
ses  généraux,  et  s'efforça  de  désunir 
les  chefs  maures  par  des  négociations 
secrètes.  Gontharis  devenu  nécessaire 
à  Carthage ,  y  leva  le  masque ,  fit  mas- 
sacrer Ariobinde,  et  se  saisit  ainsi 
du  pouvoir;  Jean  et  les  soldats  de 
Stotzas ,  ainsi  que  le  maure  Coutzi- 
nas ,  vinrent  se  joindre  à  lui ,  tandis 
qu'Antatas  prit  le  parti  de  se  réunir 
aux  troupes  de  la  byzacène  restées  fi- 
dèles dans  Adrumète  sous  leur  duc 
Marcentius;  mais  Tarsacide  Artaban, 
d'accord  avec  le  préfet  Athanase  que 
Gontharis  avait  dédaigné  de  frapper, 
fit  assassiner  le  rebelle  par  un  de  ses 
Arméniens,  trente- six  jours  après  son 
usurpation ,  et  rendit  ainsi  Carthage 
à  l'empereur,  qui  l'en  récompensa  en 
le  nommant  lui-même  stratège  ou  maî- 
tre de  la  milice  d'Afrique  (**).  Mais 
Tamour  peut-être  entrait  pour  une 
part  dans  la  conduite  d'Artaban ,  et 
en  sacrifiant  Gontharis  c'est  d'un  ri- 
val qu*il  s'était  défait  ;  peut-être  Gon- 
tharis lui-même  n'était-il  devenu  cri- 
minel que  pour  rompre  le  nœud  qui 
unissait  comme  épouse  à  Ariobinde  la 
jeune  Préjecte  nièce  de  Justinien,  à 
la  main  de  laquelle  il  prétendit  aussi- 
tôt ;  Artaban  fut  plus  heureux,  et  de- 

(*)  Procope  parle  du  défilé  sans  le  nom- 
mer ;  mais  le  chroniqueur  Jean  de  Valclara 
nous  fournit  une  indication  précise. 

(**)  En  la  i9«  année  du  règne  de  Justi- 
nien, c*est-à-dire  en  545. 


manda  son  rappel  pour  l'allfer  retrod- 
ver  à  Constantinople ,  où  fl  devint 
maître  de  la  milice  de  la  garde. 

Expédition  de  Jean  Troglita. 
—Ce  fut  alors  Jean  Troglita  que  l'em- 
pereur nomma  stratège  d'Afrique  ;  il 
vint  débarquer  à  Caput-Vada  comme 
Bélisaire ,  et  après  avoir  réuni  à  Car- 
thage les  troupes  d'Afrique,  celles 
qu'il  amenait ,  et  les  Maures  de  Cou- 
tzinas qu'une  pension  annuelle  atta- 
chait alors  à  l'empire ,  il  courut  dans 
la  Byzacène ,  à  l'endroit  autrefois  ap- 
pelé le  Camp  d'Antoine  (*),  remporta 
sur  Antalas  et  ses  confédérés  une  vic- 
toire complète,  et  retourna  triom- 
phant à  Carthage.  Mais  une  ligue  for- 
midable s'étant  formée  des  Maures  de 
la  Tripolitaine  avec  ceux  de  la  Byza- 
cène ,  il  réunit  de  nouveau  ses  troupes 
et  ses  alliés  pour  marcher  à  l'ennemi 
avant  qu'il  eut  envahi  cette  dernière 

f)rovince.  Au  bruit  de  son  approche , 
es  Lévathes ,  qui  étaient  déjà  sur  la 
frontière^  rebroussent  chemin  et  s'en- 
foncent dans  le  désert  de  Gadaïas ,  où 
Jean  Troglita  les  suit  sans  pouvoir  les 
atteindre.  Le  manque  d'eau  et  de  vi- 
vres le  rappelle  vers  la  côte,  où  il 
reçoit  les  soumissions  de  quelques  tri- 
bus ;  puis  il  se  porte  vers  les  collines 
de  Gallica  pour  couper  le  chemin  aux 
ennemis ,  que  la  soif  ramenait  sur  les 
bords  d'un  fleuve,  où  il  les  devance 
avec  quelques  troupes  :  le  combat 
s'engage  avant  que  les  Romains  eus- 
sent assis  leur  camp;  ils  sont  défaits, 
et  Jean  Troglita  est  obligé  de  se  re- 
plier sur  une  petite  ville,  puis  de  re- 
gagner Vinci,  où  son  armée  s'était 
ralliée  et  Fattendaît;  de  là  il  renvoie 
ses  troupes  se  refaire  dans  leurs  quar- 
tiers ,  et  lui-même  prenant  la  route  du 
littoral,  ne  s'en  écarte  plus  que  pour 
gagner  Laribus,  où  il  donne  rendez- 
vous  à  tout  son  monde  pour  une  nou- 
velle expédition  (**), 

(*)  «  Jamqoe  per  extensos  properans  exercitns  agros 
«Byzacii,  carpebat  iter  quà  jintonim  Castra 
«  Mouline  dictus  avis  locus  est.  » 

GoRiPPE ,  Johannide,  1 ,  460. 
(**)  Toute  cetle  campagne  est  résumée 
par  Procope  en  ces  mots  :  «  Les  Lévathes 
«(  venant  de  la  Tripolitaine  avec  une  grande 


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AFRIQUE  ANaËNNE. 


Ayant  bientôt  réuni  les  troupes  et 
les  munitions  nécessaires ,  et  un  ren- 

«  armée,  entrèrent  dans  la  Byzacène  et  se 
«  réunirent  à  Antalas  ;  Jean  ayant  marché 
«  contre  eux  fut  vaincu ,  perdit  beaucoup 
«  de  monde ,  et  se  réfugia  à  Laribus.  »  Go- 
rippe  au  contraire  nous  fait  un  long  récit,' 
où  ne  se  trouvent  malheureusement  qu'en 
fort  petit  nombre  les  désignations  préci«e8 
nécessaires  pour  la  détermination  des  loca- 
lités ;  et  Saint-JVlartin  les  a  même  négligées 
dans  son  analyse  du  poëme  ;  nous  avons  au 
contraire  soigneusement  relevé  ces  faibles 
indices,  que  certaines  corrections  hasar- 
dées par  Mazzuchelli  et  répétées  par  le  se- 
cond éditeur,  M.  Emmanuel  Bekker,  ren- 
daient plus  difficiles  à  saisir,  en  transportant 
dans  la  Tingitane  ce  qui  regarde  exclusi- 
vement la  Tripolitaine ,  bien  que  la  leçon 
du  manuscrit  se  prêtât  mieux  à  la  restitu- 
tion plus  naturelle  que  nous  avons  adoptée. 
Ainsi,  quand  la  renonimée  fait  connaître 
aux  Maures  l'approche  de  Jean  Troglita 
avec  tous  ses  ducs,  ce  n'est  point  Abvlœ 
Tingensis  ad  arva  qu'elle  peut  raisonnable- 
ment aller,  mais  bien 

«  Lag^uatan  çentis  ad  oras 
«Improba  teudit  iter.  Fines  jàin  raptor  iniquas 
«  Byzacii  vastabat  eques  :  sic  pectora  rumor 
«  Nominis  incatiens  magnâ  virtute  Johannis 
«  Terrait,  innumeras  acies  post  terga  reflexit. 

« Siccas  superare  Gadaias 

«  Nec  dubitant.tristesque  locos,  quts  nallus  eandi 
«  Vivendique  iiy>dus.  » 

Gadaïas  ne  s'identifie  ni  à  Cydamus  ou  Ga- 
dames ,  ni  à  Gadabis  qui  est  vers  Leptis  la 
Grande  ;  mais  c'est  évidemment  dans  les 
mêmes  cantons  que  la  position  en  doit  être 
cherchée.  Quand  les  Romains  sont  revenus 
à  la  côte, 

« tanc  maie  fida  Latinis 

<c  Urcelianm  manos  Romanis  addita  fatis. 


<(  Subjicit  ipsa...  sese 

«  jistricum  gens  ctara  Tirûra.  » 

Puis  lorsque  Jean  Troglita  va  couper  aux 

ennemis  le  chemin  du  fleuve, 

«  Infandum  carpebat  iter,  collesque  malignos 
«  Trîstis  et  infaostosmonstrabat  6^a//ica  campos.  » 

Dans  un  autre  passage,  le  nom  est  écrit  Gai- 
lida;  mais  l'ime  ni  l'autre  forme  ne  nous 
rappdle  un  point  déjà  connu.  Après  la  dé- 
faite 

(c  Successit  parrœ  defessns  mœnilms  nrbis. 

«  Inde  peteus  Vinei  Romaoum  contrahitagmen.» 

Tinci  ne  nous  est  pas  plus  connu  que  Ga- 
daïas, que  Galfida,  que  les  Urcéliens  et  les 


253 

fort  considérable  de  Maures  alliés ,  il 
se  remit  en  campagne.  Les  ennemis 
s'étaient  avancés  jusqu'aux  frontières 
de  la  Byzacène,  et  dévastaient  le  plat 
pays  autour  de  Mamma;  à  la  nouvelle 
de  son  approche,  ils  se  retirèrent  au 
désert  pour  qu'il  s'y  engageât  encore 
à  leur  poursuite  ,  et  s'éloignèrent  jus- 
qu'à une  distance  de  dix  journées.  Jean 
Troglita  ayant  envoyé  reconnaître  leur 
position,  s'avança  jusqu'à  la  ville  de 
Vinci  auprès  de  laquelle  ils  étaient 
campés  sur  le  bord  de  la  mer,  et  pen- 
dant que  les  Maures  se  retiraient  de- 
vant lui  sur  les  hauteurs ,  il  occupa  le 
rivage,  dont  il  fit  rentrer  tous  les  bâ- 
timents dans  16  port  de  Lariscum  ; 
puis  il  s'avança  encore  jusqu'en  un 
lieu  appelé  le  Camp  de  Caton  (où 
sans  doute  s'était  jadis  arrêté  ce  grand 
homme  lorsqu'il  ramena  par  terre  les 
restes  de  Farmée  des  Pompéiens  de- 
puis Cyrène  jusqu'à  Utique).  C'est  là 
qu'ayant  habilement  attiré  les  enne- 
mis dans  la  plaine ,  Jean  Troglita  leur 
livra  une  sanglante  bataille ,  où  leur 
perte  fut  énorme  (*);  ils  y  perdirent, 
suivant  Jôrnandès,  dix-sept  chefs  de 
tribus ,  et  demeurèrent  complètement 
écrasés.  Après  avoir  ainsi  terminé  la 
guerre,  Jean  Troglita  rentra  triom- 
phant à  Carthage,  et  s'appliqua  à  faire 
jouir  l'Afrique  des  bienfaits  d'une  paix 
profonde. 

A.strices;  nous  savons  seulement  que  c'est 
une  ville  soumise  aux  Romains ,  non  loin 
de'  la  mer,  à  plusieurs  journées  au  delà  des 
limites  de  la  Byzacène. 

(*)  La  victoire  de  Jean  Troglita  fut  rem- 
portée dans  les  mêmes  lieux  où  il  avait 
éprouvé  une  défaite  ;  outre  le  voisinage  de 
la  ville  de  Vinci ,  ,qui  est  déjà  un  repère 
significatif,  le  Camp  de  Caton  est  lui-même 
indiqué  dans  le  récit  antérieurement  fait 
par  Corippe  de  celte  défaite  si  bien  racbe- 
tée,  par  cette  allusion  mise  dans  la  bouche 
de  son  héros  : 

«  Magnoqne  Calone  secnndmn 
M  Me  tentasse  legent.  » 

En  supposant  que  les  trois  campagnes  de 
Jean  Troglita  ne  se  soient  succédé  que  d'an- 
née en  année ,  la  guerre  aurait  été  terminée 
en  548  au  plus.  tard. 


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Édifices  ^,  J^tiVik»  en  4frique, 


Alors  sans  doute  s'achevèrent  les 
ouvrages  entrepris  par  Bélisaire  et 
continués  par  Salonion  pour  la  sûreté 
et  l'enibeliissement  des  villes.  Proco- 
pe,  en  nous  racontant  au  sixième  livre 
de  ses  Édiflces  les  constructions  faites 
sous  le  nom  de  Justinien  dans  le  res- 
sort de  la  préfecture  d'Afrique ,  nous 
fait  apprécier  l'étendue  des  travaux 
qui  y  turent  exécutés.  Il  est  intéres- 
sant de  jeter,  sous  ce  point  de  vue  , 
un  coup  d'oeil  rapide  sur  les  indica- 
tions de  l'historien  courtisan. 

Édifices  de  la.  ïhipolitaine. 
— «  La  Tripolitaine,  voisine  des  Syr- 
tes,  a  pour  habitants  des  Maures  bar- 
bares d'origine  phénicienne.  Là  est 
aussi  la  ville  de  Kidamè,  peuplée  de 
Maures  dès  longtemps  alliés  des  Ro- 
mains, et  qui  se  sont  aisément  laissé 
persuader  par  Justinien  d'embrasser 
le  christianisme:  on  les  appelle  Paca/i, 
pacifiés,  à  cause  de  la  paix  où  ils  se 
maintiennent  vis-à-vis  des  Romains. 
La  ville  de  Lepti-Magna,  autrefois 
grande  et  peuplée,  est  devenue  ensuite 
presque  déserte,  et  le  sable  Ta  envahie  : 
Justinien  en  a  relevé  les  murs  depuis 
les  fondements,  mais  sur  une  étendue 
bien  moindre  que  l'ancienne  enceinte: 
il  a  laissé  dans  Tétat  où  elle  était  la 
portion  de  la  ville  ensevelie  sous  les 
sables,  et  il  a  entouré  de  fortes  mu- 
railles la  partie  restante  :  U  y  a  fait 
construire  un  fort  beau  temple  sou$ 
l'invocation  de  la  Vierge,  et  quatre  au- 
tres églises;  il  a  restauré  Tancien  pa- 
lais de  Septime  Sévère ,  gui  ét^it  né 
dans  cette  ville  et  y  avait  Caisse  ce  mo- 
nument de  son  élévation.  Peu  après 
Favénement  de  Justinien ,  et  avant  la 
guerre  de  Bélisaire,  des  Maures  bar- 
bares, appelés  Leucathes,  ayant  chasse 
les  dominateurs  vandales  de  tepti- 
Magna,  l'a  valent  désolée  complètement. 
Justinien  l'a  décorée  encore  de  bains 
publics  et  d'autres  édifices.  Quant  aux 
barbares  d'alentour  ,  appelés  Gadabi- 
tains ,  qui  professaient  le  paganisme 
grec,  il  les  a  complètement  convertis 
au  ctiristidoiçme.  XI  a  aussi  fortifié  I4 
yiile  de  Sabaratba,  et  j.  a  bâti  une. 


belle  égli^.  A  Textrémité  4f  |j^  infime 
plage  sont  les  deux  villes  de  T?ca|i^ 
et  de  Girgis ,  entre  lesquelles  est  la 
pçtite  Syrte. 

]f  D,IFIGBS  BB  l'AeRXQUE  IPBOPAE. 

7r«  Après  la  ']('ripoUtaine  et  les  Syrtes 
i^ient  le  reste  dQ  l'Afrique.  Les  Vaa- 
dates,  devenus  maîtres  du  pys,  avaient 
pensé  qu'il  convenait  à  leur^  intérêts 
de  démanteler  toutes  les  fklaces,  de 
peur  que  les  Roraams  venant  à  s'en 
emparer  n'en  tirassent  avantage  contre 
eux  ;  ils  épargnèrent  les  murs  de  Car- 
thage  et  de  quelques  autres  villes, 
mais  les  laissèrent  se  dégrader  par  dé- 
faut d'entretien:  Justinien,  après  avoir 
arraché  l'Afrique  aux  Vandales,  non- 
Sçulement  releva  les  forteressf-s  détrui- 
ses, mais  en  construisit  çn  outré  plu- 
sie^rs  nouvelles.  Et  d'abord,  s'occupant 
de  Carthage,  appelée  aujourd'hui  à  bon 
droit  Justinienne,  il  en  restaura  com- 
piétement  les  murailles,  et  la  ceignit 
d'un  fossé  neuf;  il  érigea  dans  le  pa- 
lais une  chapelle  à  la  Vierge,  et  hors 
du  palais  une  autre  à  sainte  Prime  qui 
est  Tune  des  saintes  indigènes  ;  il  fit 
construire  des  portiques  des  deux  cô- 
tés dçi  la  place  dite  de  la  Marine,  et 
de  très-beaux  bains  publics  que  l'on  a 
S^ppelés  Tbéodoriens  du  nom  de  Fim- 
èeratrice;  il  a  en  outre  bâti  sur  le 
bord  de  la  mer,  près  du  port  appelé 
Mk^r^'drâcion ,  un  monastère  si  bien 
Ç)rti(ié,  qu'il  en  a  fait  un  château  inex- 
p^ù§na|l)le  :  voilà  les  édifices  dont  Jus- 
Ûfliçn  a  doté  la  nouvelle.  Carthage. 
Bans  la  contrée  environnante,  qu'on 
appelle  PJTOConsulaire,  la  ville  de  Vaga 
se  trouvait  sans  murailles,  au  point 
que  les  barbares  auraient  pu  la  pren- 
dre sans  effort  et  pour  ainsi  dire  en 
Ç.aj»sant  :  Justinien  l'a  fortifiée  de  ma- 
nière a  offrir  de  véritables  moyens  de 
défense  à  ses  habitants,  qui  par  re- 
connaissance ont  donné  à  leur  ville, 
en  rUonneur  de  l'impératrice,  le  nom 
de  Théodoriade  ;  il  a  érigé  aussi  dans 
le  même  canton  le  château  appela  ; 
Toucca. 

ËniFIGSa   D£    I.A    ByZÂGBNB.    — 

«  Dans  le  Byzacium,  la  ville  d'Adra- 
myte,  sur  la  côte,  autrefois  grande  el 
peuplée,  avait  le  rang  et  k Utce  dft 


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AFRIQUE  -^LWGIENNE. 


m 


flp^tv^^^  d^  U  contrée ,  tant  à  cause 
dé  son  étendue  que  cIq  soo  heureuse 
position;  lesVandalesen  avaient  abattu 
les  murs  pour  que  les  Romains  ne 
IHissent  s'y  retrancher,  çt  elle  deoneu- 
rait  exposée  aux  courses  des  Maures  ; 
les  habitants  avaient,  pour  leur  propre 
sûreté,  relié  entre  elles  et  fortifié  leurs 
maisons  contre  les  agressions  du  de- 
hors; mais  dans  une  telle  situation 
leur  ^àtut  ne  tenait  pour  ainsi  dire 
qu'à  un  fil,  car  les  Maures  les  harce- 
kient,  et  les  Vandales  ne  prenaient 
nui  souci  de  ie$  défendre.  Mais  Justi- 
nien  devenu  maître  de  l'Afrique,  a  en- 
touré la  place  de  fortes  murailles  et  y 
a  niis  uue  garnison  sufûsante  pour 
rassurer  les  habitants  contre  toute  es- 
pèce d'ennemis;  aussi  appellent -ils 
également  aujourd'hui  cette  ville  Jus- 
tinienne  en  témoignage,  de  leur  grati- 
tude pour  les  bienfaits  du  prince  ;  seul 
témoignage  en  effet  qu'ils  pussent  lui 
donner  ft  qu'il  voulût  accepter. 

«  Sur.  la  cote  de  la  Byzacène  était 
un  lieu  appelé  Capoudvada  par  les  in- 
digènes :  c'est  là  qu'avait  abordé  la 
flotte  impériale  lors  de  l'expédition 
contre  Gélimei:  et  lès  Vandales,  et 
Pieu  y  avait  admirablement  fait  con- 
naître sa  bienveillance  pour  notre  mo- 
narque en  faisant  naître  dans  ce  lieu 
aride ,  où  l'armée  romaine  souffrait 
beaucoup  du  manque  d'eau,  une  source 
qui  jaillit  tout  à  coup  sous  la  pioche 
des  soldats,  du  sein  d'une  terre  jus- 
qu'alors desséchée;  en  sorte  qu'après 
avoir  trouvé  là  un  campement  favora- 
ble, Us  purent  le  lendemain  s'élancer 
vigoureusement  à  la  conquête  de  l'A- 
frique. Aussi  Justinien,  pour  consa- 
crer d'une  façon  durable  le  souvenir, 
de  ce  divin  bienfait,  ordonna  aussitôt 
la  fondation  d'une  belle  et  forte  ville, 
dont  il  traça  le  plan;  elle  a  été  bâtie 
en  effet ,  entourée  de  murs ,  et  son 
e^isten^e  a  changé  la  face  de  ce  can- 
ton, car  les  habitants  se  sont  civilisés, 
ont  pris  l'habitude  de  venir  tous  les 
jours  au  forum,  de  délibérer  de  leurs 
.  affaires  dans  des  assemblées,  d'établir 
dies  marchés,  de  faire  en  un  mot  tout 
G$.  qui  se  pratique  dans  les  cités  :' 
¥9il4  (^  que  Ji^tiAi§n  a  fait  siir  le  lit- 


toral du  ByzacLUOQi.  Dans  l'intérieur, 
sur  les  limites  de  la  province  habitées 

Sar  des  JVlaures  barbares,  il  a  établi 
e$  postes  fortifiés,  eu  sorte  qu'ils  ne 
peuvent  pli^s  faire  d'incursions  sur  le 
territoire  romain;  car  après  avoir  en- 
tquré  de  fortesi  murailles  les  ville* 
frontières  de  Mamma',  Télepte,  Kou- 
Ipulis,  et  le  château  que  les  indigènes 
appellent  Ammétéra ,  il  y  a  mis  de 
bonnes  garnisons. 

Édifices  de  la.  Numidie.  —  «  Il 
a  de  même  pourvu  à  la  sûreté  de  la 
TÏumîdie  pardeç  postes  fortifiés  et  des 
garnisons,  ainsi  que  je  vais  l'expo- 
ser. Dans  cette  province  se  trouve 
le  mont  Aurasion ,  qui  n'a  pas  son 
pareil  au  monde,  car  il  s'élève  abrup- 
tement  à  une  grande  hauteur,  et  n^a 
guère  moins  de  trois  journées  de  cir- 
cuit; l'abord  en  est  très-difficile,  et 
l'on  n'y  peut  monter  qu'à  travers  des 
précipices;  mais  le  sommet  en  est  plat, 
d'un  parcours  facile,  couvert  de  prai- 
ries, de  vergers  et  de  bosquets  odori- 
férants, de  sources  limpides,  de  ruis- 
seaux paisibles ,  et  chose  surprenante, 
les  moissons  et  les  fruits  n'y  sont  pas 
moins  beaux  que  dans  le  reste  de  1 A- 
frique  :  tel  est  le  mont  Aurasion.  Les 
Vandales  s'en  étant  emparés  au  com- 
mencement de  leur  occupation,  les 
Maures  s'y  établirent  après  le  leur 
avoir  enlevé,  jusqu'à  ce  que  Justinien 
les  en  avant  chassés,  l'a  réuni  au  do- 
maine de  l'empire;  et  aOn  d'en^pêcher 
qu'il  ne  retombe  au  pouvoir  des  bar- 
bares, il  a  fortifié  les  villes  d'alentour, 
qu'il  avait  trouvées  désertes  et  dé- 
mantelées :  de  plus  il  y  a  placé  deux 
cliâteaux  avec  des  garnisons  suffisantes 
pour  ôter  aux  barbares  du  voisinage 
tout  espoir  de  jamais  reprendre  TAu- 
rasion.  Il  a  éplement  mis  en  état  de 
défense  les  villes  situées  dans  le  reste 
de  la  Numidie. 

Édifices  en  Sabdâigbts  et  a 
Sbpta.—  «  Dans  l'île  de  Sardôs  qu'on 
appelle  maintenant  Sardinia ,  est  une 
ville  nommée  par  les  Romains  le  Châ- 
teau de  Trajan  ;  Justinien  l'a  ceinte  de 
murailles  et  de  fortifications,  dont  elle 
était  aupî^ravant  dépourvue. 

«  yers  les  colonnes  d'Hère!^,  sur 


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256 


L'UNIVERS. 


le  rivage  africain ,  était  autrefois  un 
fort  appelé  Septon ,  construit  par  les 
Romains  à  une  époque  antérieure,  et 
croulant  de  vétusté  par  suite  de  Tin- 
curie  des  Vandales  :  Justinien  Ta  en- 
touré de  bonnes  murailles ,  y  a  mis 
une  forte  garnison,  et  y  a  bâti  une 
belle  église  à  la  Vierge.  Comme  c'est 
là  que  commencent  ses  États,  il  a  fait 
en  sorte  que  cette  forteresse  soit  inex- 
pugnable. » 

Dernière  période  de  la  domination 
byzantine. 

Prolongation  de  là  pàtx.  — 
Après  quinze  années  de  profonde 
paix,  une  faute  analogue  à  celle  qui 
avait  causé  la  révolte  d'Antalas  vint  de 
nouveau  troubler  TAfrique.  Le  préfet 
du  prétoire  Jean  Rogathinus  voulut 
supprimer  les  coututnes  annuelles  qui 
étaient  payées  au  maure  Coutzinas 
comme  prix  de  sa  fidélité ,  et  il  fit  as- 
sassiner ce  chef  dans  Carthage  quand 
il  y  vint  pour  les  réclamer  (*);  ses  fils 
s'insurgèrent  aussitôt,  ne  respirant  que 
la  vengeance,  et  se  mirent  à  dévaster 
le  pays  :  Justinien  fut  obligé  d'en- 
voyer, avec  des  troupes,  pour  rétablir 
la  tranquillité,  son  neveu  Marcien  maî- 
tre de  la  milice ,  auquel  ils  se  scumi- 
renfrç  et  la  paix  fut  ainsi  de  nouveau 
assurée  pendant  quelques  années. 

C'est  peu  de  temps  après  sans  doute 
que  fut  nommé  préfet  du  prétoire 
d'Afrique,  Thomas,  célébré  dans  quel- 
ques vers  de  Corippe  comme  le  res- 
taurateur de  l'Afrique  déchue,  dont  la 
sagesse  avait  plus  fait  pouria  soumis- 
sion des  indigènes  que  d'autres  n'a- 
vaient pu  faire  par  les  armes  (**)  ;  de 
tels  résultats  ne  s'improvisent  point, 
et  déjà  Thomas  les  avait  obtenus  au 
commencement  du  règne  de  Justin  le 
jeune.  Une  inscription  lapidaire,  en- 
core encastrée  dans  les  murs  de  l'an- 
cien  Tubursicum-Bure ,  aujourd'hui 

(*)  Le  20  décembre  56a. 

(**)  «  Et  Thomas  Libycac  nutantis  destina  terrx , 
«c  Qui  lapsain  statuit ,  vilae  spem  reddidil  Afris, 
«  Pacem  composait,  beUum  sine  milite  pressit, 
«  Vicit  consiliis  quos  nullus  vicerat  annis.  » 

Go&xppK ,  Louang,  de  Jtistin,  I,  i8-ai. 


Teberseq,  déclare  que  ces  murs  ont  été 
bâtis  pas  ses  soins  : 

SALVIS  DOMINIS  M0STR1S  XmSTlANISSlMlS 

ET  mvicnssiMis  imperatoribvs 

IVSTINO  ET  SOFIA  AVGVSTI8  HANC  MVNmONEM 

TOMAS   EXGELLBNTISSIMVS    PBAEFECTVS    FELI- 

CITER  AEDinCAVlT. 

«Sous  le  règne  de  nos  seigneurs  très- 
«  chrétiens  et  invincibles  empereurs  Justin 
«  et  Sophie ,  augustes ,  cette  fortification  a 
«  été  bâtie  par  le  très-excellent  préfet  Tho- 
«  mas.  1* 

A  cette  époque  aussi  les  Garamantes 
demandèrent  d'être  reçus  dans  l'al- 
liance de  l'empire  et  dans  la  foi  chré- 
fienne,cequi  leur  fut  aussitôt  accordé. 

Nouvelles  insurrections  des 
Maures.  —  Les  guerres  que  la  sa- 
gesse du  préfet  Thomas  avait  étouf- 
fées sans  recourir  aux  armes  devaient 
éclater  plus  cruelles  sous  ses  suc- 
cesseurs moins  conciliants  et  moins 
habiles  que  lui.  A  la  tête  des  Mau- 
res se  trouvait  un  homme  d'une 
grande  énergie  que  malheureusement 
nous  ne  connaissons  que  par  les  an- 
notations si  brèves  et  si  sèches  des 
chroniques  de  ce  temps.  Jean  de  Val- 
clara  seul  nous  parle  du  farouche  Gas- 
mul;  quatre  fois  il  nous  entretient 
de  ses  sanglantes  prouesses  contre  les 
Romains,  et  tout  ce  qu'il  en  dit  se 
trouve  contenu  dans  ces  froides  an- 
nales de  quelques  lignes  :  «  En  568 
«  Théodore  préfet  d'Afrique  est  tué 
«  par  les  Maures;  —  en  569  Théoctiste 
«  maître  de  la  milice  des  provinces 
«  africaines  est  défait  et  tué  par  les 
«  Maures;  —  en  570  Amabilis  maître 
«  de  la  milice  d'Afrique  est  tué  par  les 
«  Maures  ;  —  en  577  Gennadius  maître 
«  de  la  milice  en  Afrique  châtie  les 
rf\Maures  :  il  bat'  le  puissant  roi  Gas- 
«  mul,  qui  déjà  avait  tué  les  trois 
«  commandants  sus-nommés  de  Far- 
«  mée  romaine,  et  il  frappe  de  son 
«  glaive  ce  roi  lui-même.  »  Que  de 
faits  intéressants  pour  l'histoire  de 
l'Afrique  se  trouvent  ensevelis  sous  ce 
peu  de  mots  ! 

Plus  tard  Gennadius  eut  le  titre  de 
préfet  du  prétoire  ou  comme  on  disait 
alors  à'exarqne  d'Afrique;  les  Maures 
voulurent  tenter  encore  une  insurrec- 


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PLAJ>î^   DE   CARTHAGK    ET    DE    JLA   PENINSULE. 


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AFRIQUE  ANCIEINNE. 


tion  générale  (*)^  et  ils  marchèrent  sur 
Carthage  avec  des  forces  redoutables , 
auxquelles  Gennadius  n'avait  pas  de 
troupes  suffisantes  à  opposer  ;  mais 
l'administrateur  d'alors  se  montra 
aussi  habile  que  le  général  s'était 
montré  brave  autrefois  ;  il  les  amusa 
par  une  déférence  simulée  pour  tou- 
tes Jeurs  exigences,  et  pendant  que  sa- 
àsfaits  de  cette  facile  victoire  ils  se 
livraient  aux  festins  et  à  la  boisson,  il 
l^s  surprit,  les  tailla  en  pièces,  et  dis- 
sipa ainsi  cet  orage  qui  avait  paru  si 
menaçant. 

L'Afriqub  est  envahie  par  les 
Saebasins.  — A  Gennadius  succéda, 
cm  l'année  600,  Innocentius,  connu  par 
les  lettres  du  pape  saint  Grégoire  le 
Grand,  dont  il  était  l'ami;  et  Innocen- 
tius à  son  tour  fut  remplacé,  en  l'année 
603,  par  le  comte  Héraclius,  avec  son 
frèr&Grégoras  [K)ur  lieutenant  ou  pour 
collègue  :  on  sait  qu'à  l'instigation  des 
principaux  personnages  de  la  cour  de 
Phocas,  les  deux  frères  envoyèrent 
leurs  fils  Héraclius  et  Nicétas,  le  pre- 
mier avec  une  flotte,  le  second  avec 
une  armée,  pour  enlever  l'empire  au 
tyran,  et  que  le  jeune  Héraclius,  ar- 
nvé  à  Constantinople  le  4  octobre  610, 
y  était^  proclamé  empereur  le  lende- 
main :  triste  fortune ,  qu'il  ne  tarda 
point  à  regretter,  et  qu'il  aurait  volon- 
tiers quittée  quelques  années  après 
pour  revenir  à  Carthage  près  de  son 
père,  si  les  Byzantins  n'y  eussent  mis 
obstacle  en  exigeant  de  lui  le  serment 
solennel  de  ne  les  point  abandonner. 

L'empire  d'Orient  s'en  allait  afors 
par  lambeaux,  et  périssait  sous  l'é- 
treinte des  peuples  de  l'Asie,  conmie 
Pempire  d'Occident  avait  péri  sous 
l'étreinte  des  barbares  du  Nord  :  et 
cette  Afrique,  où  Héraclius  avait  pensé 
trouver  un  dernier  refuge,  il  eut  la 
douleur  de  la  voir  entamée  par  les 
conquérants  sarrasins  ;  quand  ils  eu- 
rent pris  Damas ,  l'empereur  écrivit , 
dit-on,  à  Pierre  qui  commandait  en 
liiFumidie,  pour  l'appeler  à  la  défense  de 
l'Egypte;  mais  l'Egypte  était  déjà  oc- 
cupée   et  Alexandrie  assiégée  avant 

.  (*).Ëa  l'année.  597.  ... 


367 


qu'Héraclius  eût  fermé  les  yeux.  Cinq 
ans  après,  l'exarque  d'Afrique,  le  pa- 
trice  Grégoire,  ne  craignait  pas  de  se 
déclarer  indépendant  dans  son  gou- 
vernement; et  Tannée  suivante  il  pé- 
rissait lui-même  sous  les  coups  des 
Sarrasins ,  qui  avalent  déjà  envahi  la 
majeure  partie  de  l'Afrique  et  la  sou- 
mirent dès  lors  au  tribut.  L'établisse- 
ment de  leur  domination  imprimait  à 
cette  région  une  face  toute  nouvelle  ; 
et  quelque  persistance  que  l'on  veuille 
supposer  à  certains  éléments,  à  cer- 
tains caractères  des  populations  sub- 
juguées et  du  sol  envahi,  cette  con- 
quête néanmoins  opérait  une  trans- 
formation profonde ,  dans  laquelle 
disparaissait  sans  retour  l'Afrique  an- 
cienne, dont  l'histoire  se  termine  donc 
ici. 

EÉSUMÉ. 

Nous  venons  de  parcourir  tout  d'une 
haleine  l'histoire  des  révolutions  po- 
litiques et  territoriales  de  l'Afrique 
ancienne,  depuis  les  temps  primitifs 
jusqu'à  la  conquête  musulmane, qui  en 
marque  le  terme  ;  mais  quelque  rapide 
qu'ait  été  notre  course ,  trop  de  dé- 
tails encore  ont  dû  passer  devant  nos 
yeux  pour  qu'il  n'y  ait  point  utilité  de 
récapituler,  à  un  point  de  vue  d'en- 
semble, les  principales  phases  sous 
lesquelles  s'est  montrée  à  nous  suc- 
cessivement la  région  d^Afrique,  à 
mesure  que  les  bouleversements  poli- 
tiques y  ont  changé  la  distribution  des 
états  ou  des  provmces. 

PÉBIODE  d'indépendance  PRIMI- 
TIVE.—  A  une  époque  primordiale, 
dont  la  chronologie  n'a  point  mesuré 
l'éloignement,  une  zone  ininterrompue 
de  peuples  libyens  occupe  toute  la 
plage  littorale. 

En  arrière  de  cette  zone ,  les  Gétu- 
les  à  l'ouest ,  les  Garamantes  à  l'est , 
forment  une  seconde  assise,  après  la- 
quelle sont  les  Éthiopiens  jusqu'à  des 
profondeurs  inconnues.  Mais  ces  plans 
éloignés  du  tableau  restent  invariables 
pour  nous;  le  devant  de  la  scène 
éprouve  seul  les  variations  dont  l'his- 
toire s'est  occupée. 


17''  Livraison,  (Afbique  ancienne.) 


17 


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m 


wm^Ms^ 


A  une  seconde  époque,  fort  reculée 
aussi  dans  la  nuit  des  temps,  les 
Maures  et  les  Pïumides  ont  remplacé 
les  Libyens  dans  la  partie  occidentale 
de  leurs  possessions^  les  premiers  de«^ 
puis  rOcéan  jusqu'à  une  limite  que 
nous  croyons  devoir  placer  au  fleuve 
Malua,  les  seconds  depuis  ce  fleuve 
jusqu'à  une  autre  limite  que  nous 
supposons  au  fleuve  Tusoa  ;  les  Libyens 
ne  conservant  que  la  plage  qui  s'étend 
à  Test  de  celui-ci. 

Pebiode  punique.  —  L'établisse- 
ment des  colonies  puniques  vient  chan- 
ger cet  état  de  choses;  U tique ^  Car- 
thage  et  les  Ëmporia  ,  implantées  sur 
la  c^te  libyenne ,  forment  une  chaîne 
de  plus  en  plus  étendue,  (jui  domine 
le  pays,  ou  en  interdit  l'accès  aux  peu- 
ples étrangers.  Deux  phases  distinO'» 
tes  sont  constatées  à  cet  égard  par  le 
premier  et  le  second  traité  de  Carthage 
avec  Rome ,  qui  se  rapportent  à  l'an 
^^  et  à  Tan  362  avant  notre  ère.  Dans 
le  premier  cas,  les  villes  puniques 
n'ont  que  leur  propre  territoire  avec 
le  monopole  du  commerce  sur  la  cote 
au  sud  au  Kalon-Akrotérion  ;  dans  le 
«econd  cas,  Carthage,  arrivée  à  l'apo- 
gée de  $a  grandeur,  est  devenue  maî- 
tresse des  pays  libyens,  et  se  réserve 
le  monopole  du  commerce  sur  tout  le 
reste  de  la  côte  africaine. 

Un  peu  avant  la  deuxième  guerre 
punique,  le  domaine  libyen  de  Car- 
thage se  trouve  entamé  par  les  con- 
quêtes de  Gala,  roi  des  Numides  Mas- 
avliéens,  occupant  le  pays  entre  les 
fleuves  Tusca  et  Ampsagas  ,  avecHip- 
pone  pour  capitale ,  tandis  que  le  reste 
de  la  Numidie,  appartenant  aux  Mas- 
sésyliens,  avait  pour  roi  Syphax,  dont 
la  capitale  fut  d'abord  Siga ,  y  mais  qui 
transporta  sa  résidence  à  Cirta  après 
avoir  agrandi  vers  l'est  ses  états  aux 
dépens  des  Massyliéens. 

Après  la  deuxième  guerre  punique, 
terminée  par  un  traité  l'an  201  avant 
notre  ère,  des  changements  notables 
se  sont  opérés  ;  le  domaine  de  Carthage 
eomprend  encore  la  Zeugitane  et  la 
Byzacène,  depuis  le  fleuve  Tusca  jus- 
ou'à  la  petite  Syrte;  mais  il  est  pressé 
de  tous  côtés  par  les  états  de  Massi- 


nissa,  qui  d'une  part  fouchent  à  la 
Cyrénaïque  et  de  l'autre  vont  peut- 
être  jusqu'à  Saldes,  ayant  à  Touest  les 
états  deVermina,  qui  se  prolongent 
au  couchant  jusqu'au  Malua  ou  au 
Molochat,  limite  de  la  Mauritanie* 

Mais  bientôt  les  envahissements  de 
Massinissa  viennent  amoindrir  de  plus 
en  plus  les  possessions  carthaginoises, 
à  ce  point  qu'au  commencement  de  la 
troisième  guerre  punique,  l'an  150 
avant  potre  ère,  Carthage  n'a  plus 
qu'un  territoire  restreint  entre  Hip- 
pone-Diarrhyte  et  la  presqu'île  du  cap 
d'Hermès ,  tandis  que  la  Numidie  s'est 
agrandie  de  tout  le  reste,  et  s'étend 
au  couchant  jusqu'au  fleuve  Mulucha, 
où  s'avance  alors  la  Mauritanie. 

Après  la  guerre ,  Carthage  est  dé-; 
truite,  et  le  territoire  qu'elle  avait 
jusqu'alors  gardé  est  désormais  sou-     n 
rais  aux  Romains,  dont  le  préteur 
siège  à  Utique. 

PÉRIODE  ROBfAiNB.  —  C'cst  main- 
tenant sur  la  Numidie  (jue  notre  at- 
tention est  appelée.  Apres  la  mort  de 
Micipsa ,  il  semble  qu'il  en  eût  ét^fait 
une  division  tripartite  eqtre  Adherbal 
régnant  à  Cirta,  Hiemsal  régr^aut  à 
Thimida,  et  Jugurtha,  dont  nous  ne  ' 
connaissons  pas  la  ville  royale;  il  est 
du  moins  certain  qu'après  l'assassinat 
de  Hiemsal,  il  y, eut  un  partage  effec- 
tif entre  Adherbal  et  Jugurtha^  le  pre- 
mier ayant  toute  la  Numidie  orientale 
avec  la  ville  de  Cirta,  l'autre  la  Numi- 
die occidentale  jusqu'au  Mulucha.  La 
limite  intermédiaire  paraît  avoir  été  à 
la  hauteur  de  Saldes,  et  l'on  peut  pré- 
sumer que  le  territoire  d' Adherbal  re^ 
présentait  son  lot  primitif ,  augmenté 
de  celui  de  son  frère  Hiemsal  ;  mais 
bientôt  il  est  dépouillé  lui-même,  et 
Jugurtha  se  trouve  maître  de  tout 
l'ancien  royaume  de  Massinissa  et  de 
Micipsa. 

Les  Romains  vinrent  renverser  cet 
état  de  choses.  Après  la  chute  de  Ju« 
gurtha,  Tan  104  avant  notre  ère,  le 
roi  de  Mauritanie  Bocchus  paraît  éten* 
dre  ses  limites  jusqu'à  Saldes ,  l'Afri- 
que romaine  agrandit  probablement 
les  siennes  jusqu'à  Sicca  et  au  fleuve 
Tusca,  et  le  reste  forme  les  états  du 


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AFRIQUE  AUQEI^xNE. 


259 


roi  numide  Gauda.  La  succession  de 
celui-ci  est  ensuite  possédée  par  Hiern- 
sal  dont  la  capitale  est  peut-être 
Zaraa,  par  Hiarbas  qui  siège  à  Bulla, 
et  par  Massinissa  ou  Masintha  à  qui 
appartient  le  territoire  à  Touest  de 
Qrta.  Que  le  règne  de  Hiemsal  et  de 
Hiarbas  ait  été  simultané  ou  alterna- 
tif, Hiemsal  demeura  seul  maître  de 
leur  double  domaine,  et  le  transmit 
tout  entier  à  Juba  l'Ancien ,  qui  con- 
serva Zama  pour  sa  capitale. 

Après  la  guerre  de  Jules-César,  en 
Afrique ,  l'an  46  avant  notre  ère ,  un 
nouvel  ordre  de  choses  se  trouve  éta- 
bli :  les  états  du  roi  maure  Bocchus 
l'Ancien  étaient  passés  à  ses  enfants , 
le  roi  Bogud  conservant  l'ancienne 
Mauritanie  à  l'ouest  du  Mulucha  avec 
Tingis  pour  capitale;  le  roi  Bocchus  le 
Jeune,  qui  régnait  à  loi,  est  gratifié  de 
quelques  cantons  pris  sur  les  états  de 
Masintha,  dont  le  surplus  est  donné, 
avec  Girta,  à  Sittius  et  ses  partisans  ;  et 
la  Numidie  de  Juba  forme  aux  Romains 
une  seconde  province  d'Afrique,  appe- 
lée Nouvelle,  gouvernée  par  un  pro- 
consul qui  réside  probablement  à  Zama, 
tandis  que  l'Ancienne  continue  d'être 
régie  par  un  préteur  siégeant  à  Utique. 
Peu  de  temps  après .  Arabion  fils  de 
Masintha  vint  reprendre  à  Bocchus  et  à 
Sittius  le  patrimoine  dont  Jules-César 
l'avait  dépoui  lié  ;  mais  il  ne  tarda  point 
à  en  être  expulsé  par  Fango  lieutenant 
de  César-Octavien ,  et  l'Afrique  nou- 
velle se  trouva  augmentée  d'autant. 
Sextius,  lieutenant  d'Antoine,  l'en- 
leva à  Fango,  et  la  rendit,  avec  la 
province  ancienne,  au  triumvir  Lé- 
pide  ;  puis  Statilius  Taurus ,  l'an  40 
avant  notre  ère,  reconquit  Tune  et 
l'autre  pour  César.  Quant  aux  états 
maures,  Bogud,  entraîné  dans  le  parti 
d'Antoine ,  et  forcé  de  s'aller  réfugier 
près  de  lui ,  laissait  son  royaume  à 
Bocchus,  et  celui-ci  à  son  tour  laissait 
en  mourant,  l'an  33  avant  notre  ère , 
toutes  ses  possessions  à  la  merci  de 
César.  A  ce  moment,  toute  l'Afrique 
était  aux  Romains. 

L'empereur  eut  le  bon  plaisir  d'en 
disposer  autrement ,  et  l'an  30  ayant 
notre  ère  un  royaume  de  Numidie  fut 


rétabli  pour  Juba  !e  Jeune ,  tel ,  ce 
semble ,  que  l'avait  possédé  son  père 
Juba  l'Ancien;  mais  cinq  ans  après, 
revenant  sur  sa  première  décision  , 
Auguste  reprit  à  Juba  la  Numidie  pour 
l'annexer  à  la  province  romaine  d'A- 
frique, sous  l'administration  d'un  pro- 
consul à  la  nomination  du  sénat:  et 
la  Mauritanie  de  Bocchus,  depuis  l'O- 
céan jusqu*à  Saldes,  forma  désormais 
le  royaume  de  Juba ,  qui  donna  à  loi, 
sa  capitale,  le  surnom  de  Césarée. 
Sous  cette  phase ,  l'Afrique  ne  nous 

Î)résente  plus  que  deux  états  parallè- 
es  :  à  l'ouest  le  royaume  de  Mau- 
ritanie ,  à  l'est  la  province  romaine 
d'Afrique  depuis  Saldes  jusqu'à  la 
Cyrénaïque.  L'expédition  de  Balbus 
ajoute  bientôt  à  celle-ci,  nominalement 
au  moins,  Cydamus  et  quelques  can- 
tons de  la  Phazanie. 

Avec  le  règne  de  Claude ,  l'an  42  de 
l'ère  chrétienne ,  commence  pour  l'A- 
frique une  nouvelle  organisation  ter- 
ritoriale :  le  royaume  ae  Mauritanie , 
devenu  vacant  par  la  meurtrière  ja- 
lousie de  Caracalla,  forme  dorénavant 
deux  provinces  régies  par  des  procu- 
rateurs, sous  les  noms  de  Tingitane 
et  de  Césarienne ,  avec  le  fleuve  Malua 
pour  borne  commune ,  et  l'Ampsagas 
pour  limite  orientale;  une  province  de 
Numidie  est  détachée  à  l'ouest  de  celle 
d'Afrique ,  dont  elle  est  séparée  par 
le  fleuve  Tusca,  et  son  chef-lieu  est  à 
Cirta;  mais  l'Afrique  proconsulaire 
garde  alors  dans  sa  circonscription  la 
Byzacène  et  la  région  Syrtique,  celles-ci 
constituant  peut-être 'déjà  des  subdi- 
visions à  chacune  desquelles  était  pré- 
posé un  lieutenant  du  proconsul. 

Maximien-Hercule,  vers  l'an  296, 
opère  le  morcellement  définitif  de  l'A- 
frique en  sept  provinces ,  dont  l'une , 
la  Tingitane,  est  annexée  à  l'Hispanie, 
tandis  que  les  six  autres,  la  Césarien- 
ne, la  Sitifienne,  la  Numidie,  l'Afri- 
que proconsulaire,  la  Byzacène,  et  la 
Tripolitaine  ou  Sabra tane,  constituent 
un  diocèse  d'Afrique  dépendant  de  la 
préfecture  du  prétoire  d'Italie. 

PÉRIODE  VANDALE.-— Un  nouvcau 
bouleversement  «st  amené  par  l'inva- 
sion des  Vandales  :  entrés  en  Mauri- 

17. 


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260 


L'UNIVERS. 


tanie  en  Tannée  429,  ils  ont  déjà  con- 
quis en  431  tout  le  plat  pays  jusqu'à 
Carthage,  qui  seule  avec  Cirta  et  flip- 
pone  résiste  à  leurs  attaques;  encore 
Hippone  est-elle  prise  en  432.  Alors  un 
armistice  provisoire,  puis  un  traité 
conclu  en  435  et  stipulant  une  trêve  de 
trois  ans ,  maintiennent  le  statu  ^ito 
en  attendant  un  arrangement  déGnitif. 
Mais  la  trêve  expire  avant  qu'une  paix 
solide  ait  été  réglée,  les  Vandales  s'em- 
parent de  Cartnage,  et  la  paix,  enfin 
conclue  en  442 ,  leur  assure  toute  la 
partie  orientale  de  h  région  d'Afrique, 
a  partir  d'une  limite  tracée  au  milieu 
de  la  Numidie  entre  Hippone  et  Cirta; 
toute  la  partie  occidentale,  à  partir  de 
cette  limite,  retourne  aux  Romains. 
Mais  à  la  mort  de  Valentinien  le  Jeune, 
en  455,  Giséric  reprend  ces  provinces, 
et  toute  l'Afrique  est  englobée  dans  le 
royaume  des  Vandales. 

Ce  sont  les  Maures  dont  l'insurrec- 
tion vient  ensuite  imprimer  à  l'orga- 
nisation territoriale  de  l'Afrique  une 
face  nouvelle.  A  la  mort  de  Hunéric, 
en  484,  laTingitane  et  les  districts  de 
l'Aurasion  sont  déjà  perdus  pour  les 
Vandales ,  et  sous  Trasamund ,  vers 
l'année  500,  les  Maures  leur  ont  en- 
levé le  reste  des  Mauritanies  jusqu'aux 
frontières  de  la  Numidie. 

Bélisaire  acheva  de  les  dépouiller. 


Pebiode  byzantine.— La  restau- 
ration byzantine  nous  présente  enfin 
la  dernière  phase  sous  laquelle  se 
montrent  à  nous  les  provinces  de  l'A- 
frique ancienne  ;  elles  sont  alors  tou- 
tes réunies,  avec  la  Sardaigne  et  les 
îles  voisines  pour  annexes ,  sous  l'au- 
torîté  d'un  préfet  du  prétoire  établi 
à  Carthaçe;  mais  cette  réunion  n'est 
que  nommale  pour  la  Tingitane,  où 
rempire  ne  possède  que  le  fort  de 
Septon  ou  Septa,  et  pour  la  Césarien- 
ne, où  il  ne  possède  que  Césarée 
même;  néanmoins  un  gouverneur 
consulaire  et  un  duc  y  sont  revêtus 
des  pouvoirs  civils  et  ou  commande- 
ment. La  Sitifienne  appelée  désormais 
Première  Mauritanie,  la  Numidie  qui 
en  est  voisine,  et  la  Sardaigne,  sont 
gouvernées  par  des  présidents;  la 
Carthaginoise,  la  Byzacène,  et  la  ïri- 
politaine  ont  des  gouverneurs  consu- 
laires. A  côté  de  cette  administration 
civile  est  constituée  en  même  temps 
une  hiérarchie  militaire,  qui  l'écUpse 
complètement  chaque  fois  que  la  tur- 
bulence des  Maures  renouvelle  la 
guerre. 

Puis  tout  cela  s'efface  entièrement 
sous  la  conquête  musulmane,  qui 
vient  clore  brusquement  l'histoire  des 
temps  anciens  de  l'Afrique. 


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TABLE  DES  MATIERES. 


ESQUISSE  6ÉNÉBALE  DE  L'AFRIQUE. 


IirmoDucnoir • • .  • .  •  i 

Primièrk  section  :  Da  sol  de  TAfriqae • a 

S  I.  Vue  générale  de  l'Afrique a 

DeDomiDatioDS  de  TAfri^ae 4 

§  II.  Aspect  et  constitution  physique S 

Situation ,  figure,  étendue.  .• ••• & 

Dépendances • 6 

IMers  ambiantes,  courants • ..•• 6 

Yents  réguliers •*••  7 

Golfes  et  caps. • 7 

Tersants  et  reliefs  généraux ,  fleuves 8 

Lacs « * 8 

Montagnes. »...«.....*..•.•• •  9 

Plaines  et  terrasses. •...••.• » 9 

^  III.  Histoire  naturelle 10 

Règne  minéral •  10 

Constitution  géognostiqne.  ...•••• • 10 

Oryctognosie,-  ••.. «....•.•.». • 10 

Climat II 

Yégétation. 11 

Zoologie la 

Invertébrés • • i3 

Poissons i3 

Reptiles x3 

Oiseanx 14 

Mammifères • 14 

SxcoRi)K  SKCTioir  :  Des  peuples  africains • 16 

§  I.  Ethnologie  africaine x6 

Multiplicité  des  riices  humaines •• x6 

Grandes  divisions  du  genre  humain. .•.-..•...• 17 

Classification  des  races  africaines 18 

5  IL  Linguistique  africaine ao 

Considérations  générales  sur  les  indications  linguistiques ao 

Classification  artificielle  des  langues  africaines •«•  ao 

Langues  africaines  considérées  sons  un  point  de  vue  cohésif. ai 

Langues  africaines  considérées  sous  un  point  de  vue  diacritique. sa 

Écritures  africaines a3 

^  m.  État  social  des  peuples  africains • a3 

Religions  de  TAfrique aS 

Échelle  de  la  civilisation  africaine ....••.... a4 

Organiaation  politique .^ • .  a4 


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262  TABLE 

S  IV.  Histoire  de  ï Afrique a5 

Traditions  labaleuses ,  hypothèses  conjecturales a  5 

Indices  )iistoriqnes  tnr  l'origine,  les  migrations  et  le^  révolutions  politi- 
ques des  peuples  nègres a6 

Origine  et  histoire  ancienne  des  égyptiens •  27 

Origine  et  histoire  ancienne  des  populations  atlantiques a  8 

Domination  musulmane  en  Afrique •••• 29 

Taoïsièsn  sbctioit  :  Dd  Tétude  de  TAMqne.i  •  •  > •..*.»•.»..**....  3i 

§  I.  Explorations  et  découvertes, 3i 

Anciennes  circumnavigations. > 3l 

Connaissances  des  anciens  sur  l'intérieur  de  TAfrique 3a 

Connaissances'  géographiques  des  Arabes  sur  le  continent  flfricaiii ;  *  B4 

^    Ifavigations  des  peuples  modernes  autour  ^e  T Afrique.  «... » . .  35 

Derniers  voyages  d'cjcptorationet  de  découvertes  dans  Tîntérienr  de  l'A- 
frique   36 

Exploration  des  iles  africaines • 40 

§  II.  Distribution  géographique  du  sol  africain. 4i 

Systèmes  antérieurs • 4i 

iLégions  au  sud  de  Téquateur 4^ 

l^égions  an  nord  dé  l'éqnateur • .  • 4^ 

Iles  africaines ••• , ..i  ..  44 

S  III.  Plan  général  de  l'ouvrage^ «•••.«. « 45 

Afrique  ancienne.  ......«......•.«...«•.^«^••«,.« i 46 

Étai&  barbaresqnes. •.•..•««..•..•..«..«•....^•.•»..^* 46 

Egypte  ancienne. ...,..«•••••,••,..,«• « k.^....  46 

Egypte  moderne  ;  Ethiopie. . . . ,  « ...,,..«.. 47 

Kigritie.  .....,,.•«•«..,.«,., »  .  • « 47 

Iles  de TAfrique ..••••,.. «..,«••* 4S 

AFBIQUi:  ANCIENNE* 

INTEODÎJCTION. 

Situation  et  grandeur  de  l'Afrique  dans  le  monde  connu  des  âticiens 49 

Centrées  libyennes  comprises  dans  le  diàque  terrestre  d'Ubmère 5o 

La  Idbye  dans  le  planisphère  d'Hérojdote.  • 5a 

La  Libye  dans  la  mappemonde  de  Stntbon • • .  54 

La  Libye  dans  la  mappemonde  de  Ptolémée • .  56 

Étendue  «t  formes  générales  du  monde  conhu  de  Ptolémée 57 

Limite  des  connaissances  anciennes  sur  la  côte  orientale 58 

Limite  des  connaissances  atocienlies  sur  la  côte  occidentale ; . . . .  60 

Limite  des  connaissances  Anciennes  dans  Tintérienr. ..; ;....  61 

Connaissances  géogt>aphîqaes  postérieures  à  Ptolémée 62 

Résumé  des  notions  des  anciens  sur  TAfrique 6a 

'Limites  de  l'Afrique  ancienne  du  côté  d'Asie. .....; 63 

Divisions  géographiques  de  V Afrique  ancienne .  ; , 64 


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DES  MATIERES.  Î63 

PREMlilRB  PARTIE. 

LA  LIBYE  P&OPR]£  y  COMPEBNANT  I4A  CTE^NAÏQUE  ET  LA  MAEMAEIQUÊ. 

g  I.  DfiSCRiPTJOZr • •  .  .  . 67 

I,  lie  sqI,  , ,  » • i  • .  •  •  1 67 

Limites  giénérales ,  politiqaes  et  physiques  ;  dénominations.  .•.•••.....  67 

Limites  politiqaes  de  T^ncienne  Libye* « 67 

ïiimites  naturelles  on  physiques «  . .  « 67 

Dénominations  diverses  du  pays 68 

Description  de  la  Libye  supérieure  ou  Pentapole  cyrénaïque 68 

Territoire  et  villes  de  la  Pentapole 68 

YiUes ,  bourgades  et  autres  lieux  dépendants  de  la  Pentapole.  i 68 

.  Pfodnctions  naturelles  du  plateau  cyrénéen * 68 

Description  de  la  Libye  inférieure  on  Marmarique è . .  .  •  •  69 

Première  terrasse ,  au-dessDS  du  Grand  Catabathme 69 

Seconde  terrasse ,  au-dessous  du  Grand  Catabathme.  .............  69 

a.  ItCf  habitants  • , . .  ^ • • •',  69 

Description  des  populations  indigènes  au  v^  siècle  avant  Tère  vulgaire. .  •  70 

Adyrmachides ,  Giligaromes ,  Asbystes ,  Auskhises •••«••  70 

Kasamons,  Psylles • .•••..* 70 

Populations  de  rintérienr «.; .•...•4.««; 71 

Mœurs  et  coutumes  des  Libyens • « 71 

État  des  populations  libyennes ,  depuis  le  premier  siècle  avant  Jésus-Christ 

jnsqu*au  deuxième  siècle  de  notre  ère .» 7a 

Exposé  de  Diodore  de  Sicile  au  premier  siècle  avant  notre  èrs 7  a 

Exposé  de  Strabon  au  premier  siècle  de  notre  ère ••««•»•.*  7a 

Exposé  de  Ptolémée  au  deuxième  siècle  de  notre  ère..^  •«.•....;..  73 

Résultats  comparatifs  des  notions  qui  précèdent ••• 73 

Modifications  organiques»  et  déplacements  subis  par  les  diverse)  tribus 

.    libyennes^  .»•*...•.  4 * 73 

Dîmribation  relative  des  populations snr  le  territoire* .••*.•• 74 

S  II.  Histoire. 74 

z*.  Histoire  de  la  fondation  de  Cyrène -» 74 

Origine  des  Théréens,  fondateurs  de  Cyrène. 74 

Lés  Achéfens  de  la  Laconie»  prètaie^  élément  de  la  pOpblatioh  de  Théra.  74 

Second  élément ,  les  Cadméens-  réfugiés  de  Thèbes. . .  -. 75 

Troisième  élément ,  les  Mjniens  réfugiés  de  Lemnos y 5 

Fondation  de  la  colonie  de  Tbébà; 76 

•  Causes  de  réraigratiou  vers  Théra  et  de  là  vers  Cyrène 7  fi 

■Expéditions  des  Théréens  pour  la  fondation  d'une  colonie  en  Libye. ...  76 
Traditions  conseirées  à  Théra  ^  première  recontiaissance  de   Tile  de 

Platée 77 

-Séjour  de  Corobios;  arrivée  des  colons  \i  Platée 77 

Récit  des  Cyrénéens;  origine  brétoise  de  Battos  par  sa  mère 77 

Battos  conduit  une  colonie  à  Platée 78 

-  Les  colons  quittent  Platée  ^oar  Axiris,  et  arrivent  enfin  à  leur  desti- 
nation  » 78 

^-  -Traditions  diverses  relatives  à  la  fondation  de  Cyrène 79 

'    *       Mythe  poétique  dé  la  nymphe  de  Cyrène ; 79 

Récits  recueilHs  par  un  ancien  dcholiaste 80 

Yersion  adoptée  pat  Thiitorien  Trogue  Pompé»* .' 80 


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364  TABLE 

Attrîbation  prophétique  de  la  possession  da  territoire  deCyrèoe,  lors 

du  passage  des  Argonautes ••• •  8t 

Date  probable  de  la  fondation  de  Cyrène.  • . .  • • 8a 

ft.  Règne  des  Battiades • 8a 

Enfance ,  développement  et  organisation  de  la  colonie  sous  les  cinq  pre- 
miers rois 8a 

Enfance  de  la  colonie  sons  les  deux  premiers  monarques 8  a 

Extension  de  la  colonie  sons  le  règne  de  Battos  THenreux 83 

Règne  d*Ârcésilas  II;  dissensions  politiques 83 

Usurpation  de  Léarque,  déjouée  par  la  reine  Erixo,  mère  de  Battos  III.  84 

Lois  données  à  la  colonie  par  Démonax 85 

Histoire  d'Ârcésilas  Kl  et  de  Phérétime 85 

Areésilas  et  sa  mère  expulsés  pour  avoir  voulu  abolir  les  lois  de  Dé- 
monax   85 

Areésilas  rassemble  des  troupes  et  reprend  possession  de  Cyrène 85 

L»  Libye  ^levient  tributaire  des  Perses 86 

Areésilas  est  tué  dans  une  émeute;  sa  mère  s'adresse  anx  Perses  pour 

le  venger 86 

Les  Perses  viennent  assiéger  Barkè •  86 

•  Barkè  est  prise  par  trahison  et  saccagée 87 

Fin  de  Texpédition  ;  Barcéens  déportés  en  Bactriane  ;  mort  de  Phérétime.  87 

Insurrections  contre  la  domination  persane  ;  abolition  de  la  royauté 88 

Durée  présumée  du  règne  de  Battos  IV 88 

Tentative  d'insurrection  réprimée  par  Arsames 88 

Troupes  libyennes  dans  Farmée  de  Xerxès 88 

Areésilas  lY  vainqueur  aux  jeux  pythiques 8g 

Insurrection  de  la  Libye  sous  la  conduite  d*Inaros, • 89 

Abolition  de  la  royauté  à  Cyrène 90 

3.  GouPernement  républicain • 90 

Période  de  complète  indépendance 90 

Développement  remarquable  de  la  prospérité  de  Cyrène. . . .' 90 

Cyrène  ne  prend  point  part  à  la  guerre  du  Péloponèse 91 

Insurrection  populaire  sous  la  conduite  d^Ariston 91 

Des  modifications  sont  apportées  à  la  constitution  politique  de  Cyrène.  9a 

Rapatriement  des  Messéniens 9a 

Traité  de  limites  avec  Carthage ••  9a 

Période  de  soumission  nominale  à  Alexandre  le  Grand 93 

Alexandre  le  Grand  se  met  en  route  pour  aller  consulter  l'oracle  d*Am- 

mon 93 

Soumission  des  Cyrénéens ". 94 

Alexandre  continue  sa  route  à  travers  le  désert  jusqu'au  temple  d*Am« 

mon , .......i 94 

Description  de  l'oasis  d'Ammon 94 

Alexandre  consulte  l'oracle  et  retourne  à  Memphîs •  95 

Alexandre  pourvoit  à  Tadministration  de  TÉgypte  et  de  la  Libye. ...  95 

Histoire  de  la  tyrannie  de  Thimbron gS 

Thimbron  appelé  à  Cyrène  par  une  faction  ;  ses  pjeraiers  succès.  • .  •  •  96 

Revers  répétés  de  Thimbron 96 

On  appelle  des  renforts  de  part  et  d'autre 97 

Les  Egyptiens,  venus  au  secours  des  Cyrénéens,  s'emparent  du  pays. .  97 

Histoire  de  la  tyrannie  d'Ophellas 97 

Intervention  d'Ophellas  dans  les  dissensions  des  Cyrénéens. 97 

Ophellas  se  déclare  roi  de  Libye • 98 

Expédition  d'OphelIas   contre  les  Carthaginois.  ••••...» 98 


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DES  MATIÈRES.  365 

Conquête  de  la  Cyrénaïqae  par  les  Égyptiens qq 

4*  Règne  des  Lagides 9g 

B-ois  particuliers  de  la  CyreDaïque •..•••  99 

Magas  gouverne  d*abord  an  nom  de  Ptolémée  Lagide 99 

Magas  se  déclare  sonverain,  et  marche  contre  Philadelphe xou 

Insurrection  des'Marmarides;  réconciliation    de  Magas  et  de  Phila- 
delphe   • 100 

Troubles  de  Cyrène  apaisés  par  Ecdène  et  Démophanes. .  ^  .  • loz 

Bérénice  épouse  successivement  Démétriuset  Ptoléroée  Evergète. ....  loi 

Travaux  et  mort  de  Bérénice « loa 

La  Cyrénaïque  réunie  à  TÉgypte 102 

Règne  de  Ptolémée  Philopator ..«..*. •  •  loa 

Règne  de  Ptolémée  Épiphanes loa 

Règne  indivis  et  prétentions  respectives  de  Philométor  et  de  Pbyscon.  loa 

Rome  intervient  et  fait  adjuger  la  Cyrénaïque  à  Physcon. . , zo3 

Tja  Cyrénaïque  de  nouveau  séparée  de  TÉgypte ••  io3 

Réclamations  de  Physcon  contre  la  modicité  de  son  lot •  io3 

Insurrection  des  Cyrénéens  réprimée zo4 

Rome  appuie  ouvertement  les  réclamations  de  Physcon zo5 

Réconciliation  de  Physcon  et  de  Philométor •  • zo5 

Physcon  s*empare  de  TÉgypte  et  règne  tyranniquement.  • zo6 

La  Cyrénaïque  passe  à  Apion,  qui  la  lègue  aux  Romains 106 

5,  Mœurs  publiques  et  privées  des  Cyrénéens  avant  la  perte  de  leur  nationalité,  107 
Religion ,  culte • Z07 

Apollon ....• •••• Z07 

Les  antres  grands  dieux • 108 

Les  dieux  secondaires  ou  étrangers «... 109 

Caractère  national 109 

Jusqu'à  quel  point  les  données  ethnologiques  peuvent  servir  à  déter- 
miner les  instincts  nationaux. X09 

Éléments  principaux  de  la  population  cyrénéenne  au  point  de  vue 

ethnologique • '. ..  izo 

Décomposition  de  l'élément  grec « 1 10 

Les  Grecs  de  Cyrène ,  comptés  dans  la  famille  dorienne ,  avaient  les 

moeurs  des  Ioniens iia 

'  Agriculture  et  commerce;  revenus  publics  ;  monnaies zi3 

Productions.  ••• • • ii3 

Commerce • zi3 

Revenus  publics  ;  monnaies • • 114 

Éléments  de  force  matérielle ....••••«  1x4 

Puissance  maritime • •  iz4 

Chevaux;  chars .••..• it4 

Exercices  gymnastîqnes ii5 

Culture  des  arts  et  des  lettres;  philosophie xx5 

Beaux-arts ,  langage ,  poésie ....•.••. xx5 

Géographes,  grammairiens;  histoire ,  médecine,  sciences,  mathéma- 
tiques   116 

.    École  philosophique  de  Cyrène,  et  autres  philosophes  cyrénéens 1x6 

6.  Domination  des  Romains .••«.. z z8 

i^  période,  jusqu'à  la  réduction  en  province  ;  époque  de  dissensions  et  de 

tyrannie • xz8 

Première  organisation  de  la  domination  romaine  en  Libye x  z8 

Tyrannie  de  Nicocrate,  détruite  par  Arétaphile ••••  zz8 

'  Tyrannie  de  Léandre,  détruite  également  par  Arétaphile XI9 


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m  TABLE 

tnterrention  de  Lncnllas;  rédaction  de  là  C3rrénaïque  eu  province.  • .  lao 

a*  période ,  depuis  la  rédaction  en  province  jusqa^à  Angasle  ;  époqae  des 

j^aerres  civiles •  • .  • • la i 

Caase  de  la  Cyrénaïqae  plaidée  par  Cicéron zsi 

lia  Cyrénaïqae  soit  le  parti  de  Pompée ...•••.« xai 

La  Cyrénaïqae  entre  dans  le  lot  d*Antoine ^ zaa 

Témoignage  de  reconnaissance  des  Jnifs  de  Bérénice  envers  M.  Titins.  ^aa 

Antoine  perd  la  Cyrénaïqae  et  Tempire xa3 

3*  période,  depuis  Aagoste  jasqa'à  Trajan;  époqae  d*insarrectîons  des 

Juifs  cyrénéens i a4 

La  Cyrénaïqae  comprise  dans  le  lot  da  sénat ia4 

]ft.e8crits  en  faveur  des  Juifs  cyrénéens. . .  * «  •  •  •  ia4 

Procédures  intentées  par  les  Cyrénéens  contre  divers  officiers  romains.  ia5 

Insurrection  du  zélateur  juif  Jouathas ia5 

Exactions  et  cruautés  du  préteur  Catnllus  à  l'égard  des  Juifs xaô 

Punition  céleste  dés  crimes  de  Catnllus ia6 

Nouvelle  insurrection  des  Juifs  sous  Trajan .•..«..  137 

4*  période  ,  depuis  Adrien  jusqu'à  Tbéodose  le  Grand  ;  époque  de  réor- 
ganisations administratives ■ 137 

Ôian^ement  de  limites  sous  Adrien 137 

La  Oyrénaïqne  devenue  chrétienne xa8 

Morcellement  aes  provinces  sôus  Ûioclétien. 139 

Mode  d'après  lequel  Tempire  fut  divisé  en  quatre  parties xag 

Organisation  et  partage  de  Tempire  sons  Constantin  et  ses  enfants.. . .  i3o 

kègne  de  Valens  et  de  Tbéodose  lé  Grand '. i3£ 

Réparation  des  deux  empires  à  la  mort  de  Théodose  le  Grand x3i 

Création  d*un  duc  de  Libye , . .  x3a 

5^  période  ;  règnes  d^Àrcadins  et  de  Théodose  lé  Jeune  ;  époque  de  Synésios.  1 3a 

Commencements  de  Synésios x3a 

Mission  de  Synésios  auprès  d' Arcadins x33 

État  de  la  Cyrénaïque  an  retour  de  Synésios x34 

Fanfaronnade  et  lâcheté  de  Jean  j  rival  de  Synésios i34 

(Gouvernement  de  Céréalîs x35 

Gonvernement  d'Andronicus,  successeur  de  Gennadins i36 

Synésios,  devenu  évéqne,  excommunie  Andronicus • x36 

Andronicus  est  remplacé  par  Anysios z37 

État  déplorable  de  la  Cyrénaïqae  après  le  rappel  d* Anysios 138 

6^  période,  depuis  Marcieii  jusqu'à  âéraclius^  époque  de  décadence  et  de 

transition.  . 139 

Administration  de  la  Cyrénaïque  sons  Zenon  et  sons  Anastase 1 39 

Restauration  de  la  Libye  sous  Jnstihîen. x39 

La  Libye  enlevée  à  l'empire  sons  Héracllus. x4i 

Fastes  de  ^Église  chrétienne  en  Libye ..,.., ^..  141 

Établissement  et  progrès  du  christianisme  dans  la  province  de  Cyrène. . . .  x4i 

Première  prédication  de  l'Évangile  en  Libye x4i 

Première  organisation  de  l'Église  cyrénéenne 14a 

Saint  Denis  d'Alexandrie  exilé  eh  Libye x4a 

Hérésie  de  Sabellins • x4a 

Epitre  canonique  à  Ëasilides  de  Ptolémaïs.  ,..••,.... 143 

Premiers  évéques  de  la  Cyrénaïque i43 

Le  Libyen  Arius  et  son  hérésie. ••••.........••.•...  x44 

Naissance  et  progrès  de  l'hérésie  d'Anus.  .....•,.., x44 

Rescrit  de  Coi^stantiif  pour  la  pacification  de  l'Église • i44 

Concile  général  de  Nlcee,  qui  condamne  Arius.  t . .  • •  i45 


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DES  MATIÈRES.  Hèl 

Réhabilitation  et  mort  d'Arias • •  146 

Bésistance  de  saint  Atbanase  contre  Farianisuie x47 

Snccession  de  conciles  contradictoires  qui  consomment  le  schisme. .  •  147 
Les  empereurs  prennent  part  à  là  querelle;  nouveau  rétablissement  et 

nouvelle  expulsion  de  daint  Athanase • . . . .  i47 

'   T^idfnphe  momentané  de  Tarianisme 148 

Réadtioil  catholique é k .  é  « 149 

Indulgence  et  rigueur  de  saint  Athaoase  ;  an  de  la  lutte x49 

Épiscopât  de  Synésios x5o 

Lé  jiatriàrche  Théophile  |nnirvoit  à  divers  sièges  en  Libye i5o 

Tolérance  de  Synésios. ..;......  w * i  ô  l 

Synésios  remplit  diverses  missions  patriarchales..  • «...  i5i 

Déférence  de  S^ésioê  envers  le  patriarche  pour  les  affaires  de  son 

propre  diocèse  « . .  » » .  •  ^ * x  ôa 

Légende  de  1»  conversion  du  philosophe  Evagre  par  Synésios i5a 

Latte  de  TÉglise  d'Alexandrie  contre  le  nestorianisme «...  x5a 

hérésie  de  Nestorius * x53 

Concile  d*Éphèse,  qui  condamne  Nestorius l53 

, Pacification  de  TÉglise  en  Orient « i53 

Établissement  de  Thérésie  d'Eutychès i54 

L*hércsie  d^Eutycbès ,  triomphante  à  Éphèse  ^  est  condamnée  par  le 

.    . concile  de  Chalcédoine • «•..  i54 

Schisme  sanglant  dans  le  patriarchat  d'Alexandrie ,  • i54 

Hénotique  de  Zenon , ••.*.•..•...  l55 

Concile  général  de  Constantinople »..•.»*••« ibS 

Dei-niers  éyéqnes  libyens  ;  conquête  musulmane ...  « 1 56 

Tableau  des  évéchés  des  deux  Llbyes ••...•...«.•.» i56 

1" .Libye supérieure» Pentapole,  ou  Cyrénaïque* .« •••••.....  166 

,   .  a°  iLi]i>ye  inférieure ,  seconde  Libye,  ou  Marmarique.» ,  • .  • z57 


SECONUE  PAATIÉ. 

LA  RiGÏOlf  1>'aFRIQUB,  GOMPRBlTÀkt  L^FRIQUB  PÉOt»Rl£ ,  LA  kUHIDIB 
ET  LES  MAURITANIES. 

(  1,  Descriptiok  génjîraije,  «'.  ..«•.•• •••«••» 159 

^.   Géographie  physique^  ..••• •.••••.«••• •  z59 

Étendue  et  limites. •.••««.;••••• 159 

3prne8  générales. «.•••...  .^ 169 

Limites  à  l'est  et  an  nord. ••... «•••^•••..•, i59 

Limites  à  Touest  et  au  sud •••• • 160 

Montagnes.  .••*., ...,4. •«*••...« «• i6e 

Insuffisance  et  défectuosités  de  la  nomenclatare  de  Ptolémée x6i 

.         Indications  de  Ptolémée  qui  servent  à  corriger  les  défauts  de  sa  carte. .  x6z 
Synonymie  moderne  de  la  nomenclature  des  montagnes  connues  de 

Ptolémée. •••»••» .•...•.••••••.••.••..••. i6a 

Fleoves •......./ 1 63 

Fleuves  débouchant  dans  le  bassin  oriental  de  la  Méditerranée x63 

.  FJeuves  déboiichant  dans,  le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée  à 

.    Test  d'Icosion. ....  ^ • i63 

Fieuves  débpnchant  dans  le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée  à 

Touçst  d'Icqsion. • ^  •  ..«^  ^ 164 

Fleuves  débouchant  dans  FOcéan,  ou  se  perdant  dans  Fintérieur... .  •  i65 


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368  TABLE 

Prodnctions  natarelles • .'.•..•.......  i66 

Nature  du  sol  ;  minéraux • • •  •  •  1^6 

Yégétaux • 166 

Animaux.. ••••  i^^ 

a.  Distribution  'des  populations , • 166 

Indications  primitives  recueillies  par  Salluste • .  •  •  1 66 

État  des  populations  indigènes  au  temps  d'Hérodote 167 

Nomades  du  littoral •.....• 167 

Observations  sur  le  fleuve  Triton  et  le  lac  Tritouide 168 

Nomades  de  rii|térîeur • •.•••• 168 

Populations  agricoles.  .•..•••..•• • 169 

Énnmération  des  peuplades  africaines  au  temps  des  Romains 169 

Peuplades  littorales  de  Test  :  entre  T  Ampsagas  et  les  Autels  des  Philènes.  1 69 

Peupladeslittorales  de  l'ouest  :  entre  TAmpsagas  etles  colonnes  d'Hercule.  1 70 

Peuplades  de/l''intérienr • '7' 

3.   Filles  et  routes. .  .\  . • • 17* 

Considérations  préliminaires •  •  • • 17^ 

Importance  des  itinéraires •  •  •  17^ 

Disposition  générale  des  grandes  routes  de  l'Afrique.  .* •  173 

Incertitude  des  synonymies  géographiques  applicables  ac^  stations  des 

itinéraires : •••  X73 

Grande  route  du  littoral * 174 

Route  depuis  Mcrcnrios  jnsqu^à  Rnsadder •••••  174 

Route  de  Rusadder  et  Gésarée;  désaccord  entre  Tltinéraire  etles  tables 

de  Ptoléroée X75 

—  depuis  Rusadder  jusqu'à  Siga  ..,..• 17^ 

—  depuis  Siga  jusqu'à  Césarée. •..••.......  176 

Route  depuis  Césarée  jusqu'à  Rusiccade ,  par  Saldes.  • .  •  • 176 

—  Position  de  Saldes • •..•.••.••••••  176 

-~  de  Césarée  à  Saldes • X77 

— ^  de  Saldes  à  Rusiccade • Î78 

Route  depuis  Rusiccade  jusqu'à  Cartbage • 17^ 

Route  depuis  Cartbage  jusqu'aux  Autels  des  Philènes • 179 

—  de  Cartbage  à  Thènes ; 1 79 

—  de  Thènes  aux  Autels  des  Philènes.  ••.•.... 179 

Routes  de  l'intérieur •  x8o 

Grande  route  de  Calama  à  Igilgilis,  par  Rusuccnrum  et  Saldes 180 

Grande  route  de  Cartbage  à  Césarée  -,  par  Cirta  et  Sitifîs. ..., 181 

—  de  Carthage  à  Théveste ••••.••..•• x8f 

—  de  Théveste  k  Cirta • 181 

—  deCirhi  à  Sitifis • « x8a 

^  de  Sitifîs  k  Césarée.  ,i •  •  i83 

-     Grande  route  de  Thènes  à  Saldes,  par  Théveste,  Lambèse  et  Sitifis.  • .  i83 

—  depuis  Thènes  jusqu'à  Théveste é • 184 

—  depuis  Théveste  jusqu'à  Lambèse. .  • • .  •  •  •  l84 

—  depuis  Lambèse  jusqu'à  Saldes k i85 

—  Autres  communications  de  Lambèse  avec  Théveste  et  avec  Cirta . .  x86 
Routes  de  Carthage  à  Cirta ,  par  Yatarum  et  par  Hippone, x86 

—  Route  pa^  Yatarum • 186 

-—  Route  par  Hippone.  ..•••••v..«.. •••••.• ..«•,..•  x86 

Routes  de  Tacape , 187 

—  de  Yatarum  à  Tacape • 187 

—  de  Taoape  à  Leptis , 187 


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DES  MATIÈRES,  2t69 

—  de  Mnsti  k  Tacape 187 

Diverses  roates  passant  par  Aqnas  Regias 188 

Multiplicité  des  villes  et  autres  établissements. • 188 

§  II.  Aperçu  GBiriRAi.  dis  bévolutions  politiques  et  tereitoriaxes 189 

r.  Naissance  et  progrès  de  la  puissance  punique 189 

Établissement  des  colonies  phéniciennes 189 

Répartition  du  territoire  entre  les  populations  indigènes  avant  Tarri- 

vée  des  Phéniciens 189 

Colonies  phéniciennes  en  Afriqne  ;  prééminence  de  Gaithage 189 

Extension  des  escales  et  des  comptoirs  puniques • 190 

Étendue  et  conditions  de  la  puissance  territoriale  de  Carthage  en  Afrique.  190 

Répartition  du  sol  entre  divers  ordres  de  population 190 

La  cité  de  Carthage  noyau  de  la  population  punique 191 

Les  Libo-Phéniciens ,  second  élément  de  la  population  punique 191 

Les  Libyens  sujets  de  Carthage  :  Zeugitane,  Byzacène 19a 

Rapports  de  Carthage  avec  les  ISuinides  ou  Nomades  indépendants. .  19a 
#       Agrandissement  de  la  puissance  punique  entre  le  premier  et  le  second 

traité  de  Carthage  avec  Rome ,  193 

Haine  des  Libyens  pour  le  joug  de  Carthage ••• 194 

Invasion  de  l'Afrique  par  Agathocles 194 

Agathocles  enlève  aux  Carthaginois  toutes  leurs  possessions,  et  se  dé* 

clare  roi  d'Afrique 194 

Expéditions  d'Eumaqne  chez  les  Numides. ••  195 

Carthage  recouvre  toutes  ses  possessions  d'Afrique 195 

a .  Lutte  de  Cartilage  contre  Rome, . . .  • «...  196 

Première  guerre  punique •  • , 196 

Expédition  de  Régnlus ,  196 

Yictoire  de  Xantippe • I97 

Résultats  de  la  guerre. • , • 197 

Guerre  des  stipendiés 197 

Causes  de  la  guerre 197 

Succès  divers  de  Uannon  et  d'Amilcar 198 

Yictoire  des  Carthaginois  et  fin  de  la  guerre 199 

Deuxième  guerre  punique • , 199 

Dispositions  préalables  d'Annibal. ..•• .«• ••••  199 

Premières  incursions  des  Romains • •••.•  aoo 

Rome  se  fait  des  alliés  en  Afrique aoo 

Massinissa  recouvre  son  royaume  et  le  reperd soi 

Arrivée  de  Scipion «• aoa 

Premiers  succès  de  Scipion •  soi 

Expédition  de  Lélius  et  de  Massinissa  en  Numidie ao3 

Yictoire  décisive  de  Scipion  sur  Annibal  ;  fin  de  la  guerre au3 

Résultats  de  cette  guerre  quant  aux  délimitations  territoriales ao4 

Envahissements  de  Massinissa ,»  104 

Gouvernement  d' Annibal  à  Carthage  ;  révolution  parlementaire  contre 

lui 204 

Massinissa  se  met  en  possession  des  Emporia 2o5 

Massinissa  reprend  un  canton  jadis  conquis  par  son  père. 206 

Massinissa  s'empare  des  Grandes  Plaines , .  206 

Préparatifs  de  guerre  k  Carthage 207 

Massinissa  prend  Oroscopa,  et  taille  en  pièces  les  Carthaginois 207 

Nouvelles  délimitations  territoriales  résultant  des  envahissements  de 

'    Massinissa, • 208 


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!^7P  TABLE 

Troisième  guerre  puniqne •• •.......• 209 

Premières  opérations  de  la  gaerre 209 

Peu  de  saccès  des  consuls  Manilîns  et  Calpumins ,..  S09 

Scipion-Emilien  détruit  Carthage  et  réduit  son  territoire  eu  province 

romaine « « •  aïo 

3.  Conquête  de  la  NumidU  par  Us  Romains, .  * •  é  « s  10 

Guerre  de Jugurtba • • •....«•••.  aïo 

Succession  de  Micipsa,  envahie  par  Jngnrtha  sur  Hiemsal  et  Adherbal.  a  10 

Commeneeraents  de  la  guerre  de  Numidie 211 

Snccès  de  Métellns ,.... #.•••••• 219 

Marins  termine  la  guerre 212 

Modifications  dans  les  circonscriptions  territoriales  après  la  défaite  de 

Jngnrtha • • , 2i3 

Règne  des  princes  nnmides  successeurs  de  Jngnrtha , ,  2i3 

Règne  de  Gauda . . .  • 2 1 3 

Règne  simultané  de  Hiemsal,  Hiarbas,  et  Massinissa  père  d*Arabion.  •  214 

Règne  de  Juba  TAncien • 2i5 

Gaerre  de  Jules-César  en  Afrique. ^  216 

Arrivée  de  César  en  Afrique  ;  ses  dispositions 216 

Tictotre  de  César,  qui  reste  maitre  de  la  Numidie 2x6 

Partage  dek  Numidie;  création  d'une  nouvelle  province  d* Afrique. .  217 

4.  Domination  des  Romains  en  Afrique  depuis  la  conquête  de  la  Numidie 
jusqu'au  règne  de  Claude 217 

Première  période. — L^Afrique  ancienne  et  TAfrique  nouvelle  formant  deux 

provinces  distinctes 217 

Les  deux  Afrîques ,  partagées  entre  Antoine  et  César-Octavien ,  sont 

abandonnées  à  Lépide. • • • 217 

La  Mauritanie  tombe  an  pouvoir  des  Romains ««...f..*.  218 

La  Numidie  rendue  à  Juba  le  Jeune,  puis  reprise  en  échange  de  la  Mau- 
ritanie  • • 219 

Seconde  période. — Toute  l'Afrique  romaine  réunie  en  une  seule  province 

■  sous  Tautorité  exclusive  d*un  proconsul , • 219 

Réunion  de  la  Numidie  romaine  à  TAfrique  propre , 219 

Expédition  de  Ealbus  en  Phazanie 220 

Guerre  de  Tacfarînas 220 

Troisième  période.— Toute  TAfrique  romaine  réunie  en  une  seule  province 

sous  deux  magistrats  disitincts ,  Fnn  civil ,  l'autre  militaire 222 

l^éparaHon  du  gouvernement  civil  et  du  commandement  militaire  de 

TAfrique..'.' • 222 

'     '    Digression  sur  la  date  préèise  de'la  géographie  de  Mêla 229 

^Observations  sur  la  délimitation  des  contrées  africaines  à  cette  époque.  223 

$,^Adnwistra^on  romaine  depuis  l'organisation  provinciale  de  Claude  jus- 

quM  cfilU  de  Maximien-'Hercule , « , 223 

.  NQi|ve|le  organisation  provinciale  de  l'Afrique.  .,.••«»  ^ , . . .  223 

Cré^ktipn  de  denx  provinces  de  Mauritanie   et  d'une  nouvelle  province 

.     .    .    d^  l^umidie 223 

Délimitations  des  provinces  organisées  par  Claude 224 

Grades  des  gouverneurs  de  ces  provinces. . .  ^ . . , .  • , 224 

Événçm^nts  divers  en  Afrique  depuis  TiteUius  jusqu'à  Septime  Sévère. . .  225 

Meurtre  du  proconsul  Pison .,.......•,....,,•.....  225 

Expéditions  romaines  chez  les  Garamantes  et  les  Éthiopiens 225 

Ia  cau^ç  de  là  province  d'Afrique  plaidée  par  Tacite  et  Pline  le  Jeune.  226 

Insnrrççtions  des  Maures,  •••••••..•.••.«*•,•••;«••• 9Si6 


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DÇS  MATIERES.  ^71 

Observât Î0P8  sur  U  cirçoiispription  des  provinces  africainei  na  temps 

d*A4rieq. ..*.>•»., ,.•....• •«.»• ..•••.  226 

PïoaveUes  iqsurrectipps  é^es  Mfiures «,..».. 227 

Empereqrs  afriçiiipSt  «..y*.«<.<,,^ • ..••..•••......••  227 

Septiipç-Sévère ,  Macrm ,  Élag^bdl. •  • .  •  • •  •  • 227 

X^es  trpis  Goi'dieos.  .*..,•,.»,»,«••, • •.....••  228 

Ob'er^litipns  sur  la  nnllité  du  ràl«  provincial  de  U  Nooiidie  dans  les 

tropble?  de  r4i'nque  à  oeMe  époque...  • 228 

XiC  tyri\n.Celsiis. «««..... 229 

6.  Administration  romqine  depuis  Vorgamisation  pronnoiale  de  Maximien'- 
Hercule  jusqu'à  celle  çtHonçrius •  229 

Divers  partages  de  l'empire  ..|t,.»,» ,.«.•• 229 

Maximien-Hercule  y  maître  de  TAfrique ,  y  multiplie  le   nomlSre  des 

provinces ., ...•..*.. •.* 229 

Tyrannies  d'Alexandre  çt  dç  Maxence a3o 

Çort  de  TÂfrique  dans  les  divçrs  partages  de  la  famille  de  Constantin. .   23 1 
Incursions  des  Maares  Austurieps;  prévarication  du  comte  Romanns. .   282 

Gnerre  contre  Firraus 282 

lusarrection  de  Firmus  ;  le  comte  Tbéodose  est  envoyé  contre  lui.. . .    282 

Expédition  de  Tbéodose  dans  le  sud  de  Césarée 233 

Fuite  de  Flrnins  ;  sa  mort 2  34 

État  des  provinces  africaines  à  cette  époque i35 

7 .  Organisation  provinciale  sous  Honorius a35 

Révolte  de  Gildon , 235 

Le  comte  Gildon,  revêtu  de  tous  les  pouvoirs  militaires  en  Afrique , 

tente  de  se  rendre  indépendant 235 

Punition  de  Gildon;  suppression  de  la  grande  charge  militaire  dont 

il  était  revêtu 236 

Organisation  des  pouvoirs  publics .'. .  • 236 

Administration  centrale 236 

Gouvernement  civil 237 

Commandement  militaire 237 

Finances  de  Tempire  et  de  Tempereur ;  officcii 238 

8.  Domination  des  Vandales 239 

Règne  de  Giséric 239 

Invasion  de  TAfrique > « a39 

Une  partie  de  l'Afrique  est  cédée  aux  Yandales  par  un  traité 240 

Nouveau  traité  de  partage  des  provinces  d'Afrique  entre  les  Yandales 

et  les  Romains 240 

Les  Yandales  s'emparent  de  tout  ce  qui  restait  aux  Romains  en  Ainqne.  24 1 

Règne  du  successeur  de  Giséric 241 

Étendue  des  possessions  vandales  sous  Hunérîc 241 

Provinces  successivement  enlevées  aux  Yandales  par  les  Maures 242 

Usurpation  de  Gélimer;  Béiisaire  lui  enlève  l'Afrique 242 

9.  Domination  byzantine 243 

Organisation  civile  et  militaire  de  l'Afrique  sous  Justinien 243 

Organisation  civile • 243 

Organisation  militaire • 24$ 

Guerre  contre  les  Maures 248 

Première  expédition  de  Salomon 249 

Expédition  de  Germain 25o 

Seconde  expédition  de  Salomon 25o 

^Expédition  de  Sergius  et  Ariobinde;  usurpation  de  Gontharis  déjouée 

<  par  Artaban.  ••• ..•«••• ji^.  • .  •  a5x 


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372  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Expédition  de  Jean  TrogliU «••«•••.  i5a 

Édifices  de  Jostinien  en  Afrique • a54 

Édifices  de  la  Tripolitaine • a54 

Édifices  de  l'Afrique  propre • a54 

•Édifices  de  la  Byzacène • 254 

•     Édifices  de  la  Nomidie » a55 

Edifices  en  Sardaigne  et  à  Septa a55 

Dernière  période  de  la  domination  byatntine. • a56 

Prolongation  de  la  paix* .......*.• a  56 

Pïonvelles  insurrections  des  Maures a56 

L* Afrique  est  envahie  par  les  Sarrasins a57 

Résumé. • a57 

Période  d'indépendai^ce  primitive aS? 

Période  punique. • *..•  a58 

Période  romaine a58 

Période  vandale aSg 

Période  byzantine •  •  •  • • a6o 


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PAYS    COMPRIS    EJVTRE   CARTHAGE    ET    ZUNGHAR.    3. 


lunflutr 


lieue  j'  de-  3  S  au    Déffrt^  . 


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L'UNIVERS, 


OU 


HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 

DE  TOUS  LES  PEUPLES, 

DE  LEURS  RELIGIONS,  MOEURS,  INDUSTRIE,  COSTUMES,  etc. 


CARTHAGE. 

PAR  M.  BUREAU  DE  lA  MALLE, 

MSMB&K  DK  l'iKSTITUT» 


V^ÂRTHAGE  eut  le  triste  destin  de 
ne  jeter  un  grand  éclat  qu'au  moment 
de  sa  ruine,  et  de  voir  le  soin  de  sa 
gloire  abandonné  à  des  historiens 
étrangers.  La  mémoire  de  ses  écri- 
vains nationaux  s*est  perdue  depuis 
longtemps;  et,  parmi  les  étrangers, 
il  n'en  est  aucun  qui  ait  écrit  d'une 
manière  suivie  l'histoire  de  cette  ré- 
publique. 
Obigtne  et  fondation  de  Car- 

THAGE  ,  878  AVANT  JÉSUS-CHRIST.  — 

Il  est  certain  que  Carthage  est  une 
colonie  de  Tyr ,  car  la  langue  puni- 
que ,  comme  plusieurs  auteurs  anciens 
Font  affirmé ,  et  comme  l'ont  prouvé 
plusieurs  savants  modernes ,  est  la 
même  que  la  langue  phénicienne.  Selon 
la  tradition  poétique,  recueillie  par 
Virgile  et  Trogue-Porapée ,  cette  ville 
aurait  dû  sa  fondation  a  Didon ,  fem* 
me  de  Sichée  et  sœur  de  Pygmalion , 
roi  de  Tyr.  Ce  prince  ayant  fait  mou- 
rir injustement  Sichée ,  Didon ,  que 
les  Tyriens  appelaient  aussi  Elisa, 
s'enfuit  avec  ses  trésors,  suivie  d'une 
petite  troupe  de  ses  partisans ,  et  vint 
aborder  en  Afrique,  à  six  lieues  de 
Tunis,  dans  le  golfe  où  s'élevait  déjà 

!'•  Uvraism.  (Carthage.) 


Utique.  Cette  princesse  demanda, 
dit-on,  aux  naturels  du  pays  qu'ils 
voulussent  bien  lui  vendre ,  pour  l'é- 
tablissement qu'elle  méditait ,  autant 
de  terrain  qu^en  pourrait  renfermer 
une  peau  de  bœuf.  On  ne  crut  pas 
devoir  lui  refuser  une  j^ce  si  petite 
en  apparence.  Alors  Didon  divisa  sa 
peau  ae  bœuf  en  lanières  fort  étroites,, 
et  les  étendit  à  la  suite  les  unes  des 
autres,  de  manière  à  former  une  vaste 
enceinte,  où  elle  construisit  d'abord 
une  citadelle  qui,  de  là,  fut  appelée 
Bybsa  (*). 

XJue  les  fondateurs  deCarthage  soient 
Zorus  et  Karchedon ,  ainsi  que  le  pré- 
tendent  Philistus ,  Appien ,  Eusèbe  et 
saint  Jérôme;  que  ce  soit  Élisa  ou 
Didon,  comme  presque  tous  les  au- 
teurs anciens  nous  l'ont  transmis,  on 
peut  admettre ,  comme  un  fait  histo- 

(*)  BOpaa ,  en  grec ,  signifie  peau.  C'est 
ce  c|iii  a  donné  lieu  à  ceUe  ridicule  étymo- 
logie  dont  les  savants  versés  dans  les  lan- 
gues sémitiques  oiii  moniré  la  fausseté  en 
faisant  remarquer  que  hosra ,  qui ,  en  hébreu 
et  en  syriaque ,  signifie  citadelle,  a  été  changé 
par  le»  Grecs  en  ^paa. 


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L'UNIVERS. 


rique,  qu'elle  a  ét$  fondée  par  une 
colonie  de  Tyriens,   et  comme  une 
opinion  vraisemblable ,  que  cette  fon- 
dation a  eu  lieu  avant  celle  de  Rome, 
environ  878  ans  avant  Tère  vulgaire. 
€eax  qui  adQ{)teQt  cette  date    ont 
wprocbe  à  Virgile  l'anachronisme  qu*{l 
a  commis  en  faisant  paraître  à  la  cour 
deDidon  un  prince  troyen  qui  aurait 
existé  plus  de  trois  cents  ans  avant 
cette  princesse.  Cependant  d'habiles 
critiques  ont  cru  pouvoir  justifier  Je 
poète  latin,  en  faisant  remonter  la 
rondation  de  Caipthage  à  Tannée  12^5 
avant  J.  G. ,  qui  est  a  peu  près  celle 
de  la  guerre  de  Troie.  Dans  cette  der- 
nière hypothèse ,  Didon^t  Karchedon 
auraient  seulement  agrandi  l'enceinte 
et  augmenté  la  puissance  de  Carthase. 
Cette  opinion,  soutenue  par  des 
savants  distingués,  s'appuierait  encore 
sur  les    autorités  d'après  lesquelles 
Procope  raconte  l'origine  des  Maures 
et  rétablissement  des  colonies  phénf- 
ciennes  en  Afrique.  L'auteur  bysan- 
tin ,  invoquant  le  témoignage  unanime 
de  tous  les  historiens  anciens  de  la 
Phénicie ,  assure  que ,  lors  de  Finva- 
sion  de  la  Palestine  par  Josué,  fils  de 
Navé  (1590  ans  avant  J.  C),  tous  les 
peuples  qui  habitaient  la  région  mari- 
time, depuis  Sidon  jusqu'à  l'Egypte, 
et  qui  étaient  soumis  à  un  seul  roi , 
les  Gergéséens,  les  Jébuséens  et  plu* 
sieurs  autres  tribus ,  dont  les  noms 
sont  inscrits  dans  les  livres  histori- 
ques   des   Hébreux ,    abandonnèrent 
leur  patrie   et  se  portèrent,  à  tra- 
vers l'Egypte,  dans  l'Afrique.  Pro- 
cope   ajoute   qu'ils    s'étendirent  jus- 
.qu'aux  colonnes  d'Hercule,  qu'ils  occu- 
pèrent la  région  septentrionale  tout 
entière,  et  qu'ils  fondèrent  dans  ce 
vaste  pays  un  grand  nombre  de  villes, 
dans  lesquelles ,  de  son  temps ,  la  lan- 
gue phénicienne  était  encore  en  usage. 
Ces  récits  s'accordent  assez  bien  avec 
ce  que  les  anciens  nous  ont  transmis 
sur  la  fondation  dIJtique ,  qu'ils  pla- 
cent deux  ou  trois  cents  ans  avant 
celle  de  Carthage,  et  il  nous  semble 
que  le  rapprochement  de  ces  autori- 
tés présente ,  de  l'établissement  et  de 
la  formation  de  Carthage ,  un  tableau 


aussi  vraisemblable  qu'il  est  possible 
de  l'entrevoir  à  travers  les  nuages  de 
la  fable  et  le  long  espace  des  siècles. 

Formation  et  accboissements 
DE  Carthage  ,  de  878  a  543  avant 
J.  C.  —  Carthage,  qui  avait  eu  de 
très-faibles  commencements,  s'accrut 
d'abord  peu  à  peu  dans  le  pays  même, 
et  forma  plusieurs  établissements  de 
commerce  à  Test  et  à  l'ouest  sur  la 
côte  septentrionale  de  l'Afrique.  Mais 
sa  domination  ne  demeura  pas  long- 
temps enfermée  dans  ces  bornes  étroi* 
tes.  Cette  ville  ambitieuse  porta  sm 
conquêtes  au  dehors ,  envahit  la  Sar- 
daigne,  s'empara  d'une  grande  par- 
tie de  la  Sicile,  soumit  presque 
toute  l'Espagne,  et,  ayant  envoyé  de 
tous  côtés  de  puissantes  colonies,  elle 
demeura  maîtresse  de  la  mer  pendant 
plus  de  six  cents  ans ,  et  se  fit  un  état 
qui  le  pouvait  disputer  aux  plus  grands 
empires  du  monae  par  son  opulence, 
par  son  commerce,  par  ses  nombreuses 
armées,  par  ses  flottes  redoutables, 
et  surtout  par  le  courage  et  le  mérite 
de  ses  capitaines.  La  date  et  les  cir- 
constances de  plusieurs  de  ces  con- 
quêtes sont  peu  connues  :  à  partir  de 
la  mort  de  Didon ,  il  existe  une  lacune 
de  près  de  trois  cents  ans  dans  This- 
toîre  de  Carthage. 

Guerre  entre  Cyrène  et  Car- 
thage. -*  C'est  entre  l'époque  de  sa 
fondation  et  l'année  509  avant  Jésus- 
Christ  ,  que  Carthage  s'affranchît  du 
tribut  qu^elle  avait  consenti  à  payer 
aux  Libyens,  et  qu'elle  étendit  ses 
conquêtes  dans  l'intérieur  de  l'Afri- 
que et  sur  le  littoral  de  la  Méditerra- 
née. Le  fait  historique  le  plus  ancien 
que  nous  connaissions  avec  quelques 
aétails  est  une  contestation  entre 
Carthage  et  Cyrène  au  sujet  des  limites 
de  leur  territoire.  Cyrène  était  un« 
yille  fort  puissante  située  sur  le  bord 
de  la  Méditerranée,  vers  la  grande 
Syrte,  qui  avait  été  bâtie  par  Battus» 
de  Lacédémone.  «Entre  les  deux  États, 
«  dit  Salluste,  se  trouvait  une  plaine 
«  sablonneuse ,  tout  unie ,  où  il  n'y 
a  avait  ni  fleuve  ni  montagne  qui  pdt 
«  servir  à  marquer  les  limites  ^  ce  qui 
«  occasionna  entre  eux  une  guerre  lon« 


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CARmAGE. 


«  gue  et  sanglante.  Les  armées  des 
à  deux  nations ,  tour  à  tour  battues  et 
«  mises  en  fuite  sur  terre  et  sur  mer, 
«s'étaient  réciproquement  affaiblies. 
«  Dans  cet  état  de  choses ,  ces  peuples 
«  craignirent  de  voir  bientôt  un  en- 
«  nemi  commun  attaquer  tout  ensem- 
«ble  les  vainqueurs  et  les  vaincus, 
«  également  épuisés.  Ils  convinrent 
«dune  trêve,  et  réglèrent  entre  eux 
«  aue  de  chaque  ville  on  ferait  partir 
«  deux  députes  ;  que  le  lieu  où  ils  se 
«  rencontreraient ,  serait  la  borne  res- 
<>  pective  des  deux  États. 

«  Carthage  choisit  deux  frères  nom- 
«  mes  Phi4ènes.  Ceux-ci  firent  la  plus 
«  grande  diligence.  Les  députés  de  Cy- 
«rène  allèrent  plus  lentement,  soit 
«  que  ce  fût  leur  faute,  soit  qu'ils  eus- 
«sent  été  contrariés  par  le  temps; 
«car  il  s'élève  souvent  dans  ces  dé- 
«  serts ,  comme  en  pleine  mer ,  des 
«  tempêtes  qui  arrêtent  les  voyageurs: 
«  lorsque  le  vent  vient  à  souffler  sur 
«  cette  vaste  surface  toute  nue ,  qui 
«  ne  lui  présente  aucun  obstacle ,  il  y 
«élève  des  tourbillons  de  sable,  qui, 
«  emporté  avec  violence ,  entre  dans  la 
«  bouche  et  dans  les  yeux  et  empêche 
«  les  voyageurs  de  marcher.  Les  Cy- 
«  rénéens  se  voyant  un  peu  en  ar- 
«  rière ,  et  craignant  d'être  punis  à 
«  leur  retour  du  tort  que  leur  retard 
«  aurait  causé  à  leur  pays  ,  accusent 
«  les  Carthaginois  d'être  partis  avant 
«  le  temps,  et  font  naître  mille  diffi- 
«  cultes.  Enfin ,  ils  sont  décidés  à  tout 
«  plutôt  que  de  consentir  à  un  partage 
«  aussi  inégal.  Les  Carthaginois  leur 
«  offrant  un  nouvel  arrangement,  égal 
«  pour  les  deux  nartis ,  les  Cvrénéens 
v>  leur  donnent  1  option ,  ou  di'être  en- 
«  terrés  tout  vifs  clans  le  lieu  dont  ils 
«  voulaient  faire  la  limite  de  Carthage, 
«  ou  de  les  laisser ,  aux  mêmes  condi- 
«  tioas,  aller  jusqu'où  ils  voudraient. 
«  Les  Philènes  acceptèrent  la  proposi- 
«  tion,  heureux  de  faire  à  leur  patrie 
«  le  sacrifice  de  leurs  personnes  et  de 
«  leurs  vies  :  ils  furent  enterrés  tout 
«  vivants.  » 

Les  Cartliaginois  élevèrent  deux  au* 
tels  en  leur  nom  au  lieu  de  leur  sépul- 
ture ^Jeur  rendirent  chez  eux  les  boa-» 


neurs  divins  ^  et  depuis  ce  temps-là  ce 
lieu  fut  appelé  les  autels  bss  Phit 
LENES,  arœ  Philenorum^  et  servît  de 
borne  à  l'empire  des  Carthaginois, 
qui  s'étendait  depuis  cet  endroit  jus- 
qu'aux colonnes  d'Hercule. 
.  L'Art  de  vérifier  les  dates  place 
rhistoire  des  Philènes  en  Tan  460  avant 
Jésus-Christ ,  sans  s'appuyer  sur  au- 
cune autorité.  Comme  le  premier  traité 
de  Rome  avec  Carthage  est  de  509 ,  et 
qu'il  peut  être  rangé  au  nombre  des 
faits  les  mieux  avérés ,  nous  avons 
cru  devoir  reporter  à  une  époque  an- 
térieure cette  légende  du  dévouement 
des  frères  Philènes,  qui,  de  même 
que  le  combat  des  Horaces  et  des  Cu- 
riaces,  semble  appartenir  à  l'histoire 
fabuleuse  plutôt  qu'à  l'histoire  posi- 
tive. 

GUEBBE    CONTRE   LES    PhOCÉEWS , 

AVANT  J.  C.  543.  —  La  marine  de 
Carthage  qui,  dans  les  siècles  sui- 
vants, devmt  si  formidable,  paraît 
s'être  montrée  avec  avantage  dans  la 
Méditerranée  dès  l'époque  de  Cyrus 
et  de  Cambyse.  Une  victoire  rempor- 
tée en  ce  temps-là  par  les  flottes  coin- 
binées  des  Étrusques  et  des  Carthagi- 
nois sur  les  Phocéens,  qui  étaient 
alors  une  des  plus  redoutables  nations 
sur  ^a  mer,  nous  présente  Carthage 
comme  la  digne  fille  de  ïyr  dans  l'art 
de  la  navigation.  Les  vainqueurs,  après 
la  retraite  des  vaincus ,  restèrent  maî- 
tres de  l'île  de  Cyrne ,  aujourd'hui  la 
Corse.  . 

ËNTBEPRISE    DES    CARTHAGINOIS 

SUR  LA  Sicile,  536  avant  l'ère 
VULGAIRE.  —  IBientot  l'ambition  fit 
aspirer  les  Carthaginois  à  de  nouvelles 
conquêtes.  Malchus,  qui  avait  déjà 
remporté  des  avantages  signalés  sur. 
les  princes  africains ,  voisins  de  Car- 
thage ,  s'empara  de  la  presque  totalité 
de  la  Sicile.  Ce  général  est  le  premier 
qu'on  trouve  dans  l'histoire  avoir  oc- 
cupé la  dienité  de  suffète.  Peut-être 
est-ce  à  l'époque  oij  il  vivait,  ou  quel- 
que temps  auparavant,  que  la  monar- 
chie, à  Carthage,  a  fait  place  à  v^t^ 
gouvernement  républicain,  composé  de 
trois  pouvoirs. 
. .  iPeSïE  a  CartHAG£    et    GUERBII 


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L'tNIVERâ. 


DE  SâRDÀIGNS,  530  ANS  AVANT  J.  C. 

—  La  joie  qu'avait  répandue  à  Car- 
thage  le  succès  de  ses  armes  en  Si- 
cile ,  fut  bientôt  troublée  par  une  peste 
horrible  qui  désola  les  Carthaginois. 
CeUx-ci ,  voyant  dans  le  iléau  dont  ils 
étaient  victimes  un  signe  non  équivo- 
que de  la  colère  des  dieux ,  crurent  les 
apaiser  en  immolant  sur  leurs  autels 
des  victimes  humaines.  Justin,  qui 
rapporte  ce  fait,  assure  que  cette 
atrocité,  loin  de  rendre  le  ciel  favo- 
rable à  Carthâge,  lui  attira  de  nou- 
veaux malheurs.  «  La  haine  des  dieux, 
«  dit-il ,  vint  punir  ces  forfaits.  Long- 
«  tcmçs  vainqueurs  en  Sicile ,  les  Car- 
«  thaginois ,  ayant  porté  leurs  armes 
«  en  Sardaigne,  y  perdirent,  dans  une 
«  cruelle  défaite ,  la  plupart  de  leurs. 
«  soldats.  Ce  revers  fut  attribué  à  Mal- 
«  chus ,  et  ce  général ,  injustement  ac- 
«cusé,  fut  banni  avec  les  débris  de 
«  son  armée  vaincue.  Indignés  de  ces 
«rigueurs,  les  soldats  envoient  des 
«députés  à  Carthâge,  d'abord  pour 
«  solliciter  leur  retour  et  le  pardon  de 
«  leurs  revers,  et  bientôt  pour  déclarer 
«  qu'ils  obtiendraient  par  la  force  des 
«  armes  ce  que  l'on  refuserait  à  leurs 
«  prières.  Prières  et  menaces  sont  éga- 
«  lement  dédaignées.  Aussitôt  ils  ^em- 
«  barquent  et  paraissent  en  armes  de- 
«  vant  la  ville.  Là,  ils  jurent  au  nom 
«de  Dieu  et  des  hommes,  <][u'ils  ne 
«  viennent  point  asservir,  maisrecôu- 
«  vrer  leur  patrie ,  et  montrer  à  leurs 
«  concitoyens  que  c'est  la  fortune,  et 
«  non  le  courage ,  qui  leur  a  manqué 
«  dans  le  dernier  combat.  Les  com- 
«  munications  sont  coupées,  et  la  ville 
«  assiégée  est  réduite  au  désespoir. 

«  Cependant  Carthalon ,  fils  du  gé- 
«  néral  exilé,  à  son  retour  de  Tyt,  où 
«  les  Carthaginois  l'avaient  envoyé 
«  pour  offrir  a  Hercule  le  dixième  du 
«  Dutin  que  Malchus  avait  fait  en  Si- 
«cile,  passe  près  du  camp  de  son 
«  père ,  et ,  appelé  devant  lui ,  il  fait 
«  répondre  qu'avant  d'obéir  au  de- 
«voir  particulier  de  fils,  il  satisfera 
«  au  devoir  public  de  la  religion.  In- 
«  digne  de  ce  refus ,  Malchus  ne  vou- 
«  lut  cependant  pas  outrager  dans  son 
«  fils  la  majesté  même  des  dieux.  Mais 


«  peu  de  jours  après,  Carthalon ,  ayant 
«  obtenu  du  peuple  un  congé,  retourna 
«  vers  son  père ,  et  se  montra  à  tous 
«  les  regards  couvert  de  la  pourpre  et 
«  des  bandelettes  du  sacerdoce.  »  Mal- 
chus le  prit  à  part,  lui  reprocha  de 
venir  insulter,  par  le  luxe  de  ses  orne- 
ments, à  ses  malheurs  et  à  ceux  de 
ses  concitoyens ,  lui  rappela  son  refus 
outrageant  de  comparaître  devant  lui 
quelques  jours  auparavant,  et,  oubliant 
qu'il  était  père  pour  ne  se  souvenir 
que  de  sa  qualité  de  général ,  il  fit  at- 
tacher son  malheureux  fils ,  revêtu  de 
ses  ornements ,  à  une  croix  très-éle- 
vée,  en  vue  de  la  ville. 

Au  bout  de  quelques  jours ,  il  s'em- 
pare de  Carthâge ,  assemble  le  peuple, 
se  plaint  de  son  injuste  exil  qui  Ta 
forcé  de  recourir  aux  armes ,  et  dé- 
clare que,  content  de  sa  victoire,  il 
se  borne  à  punir  les  auteurs  de  ces 
désastres ,  et  pardonne  à  tous  les  au- 
tres de  l'avoir  injustement  banni.  Il 
fit  mettre  à  mort  dix  sénateurs  et  ren- 
dit la  ville  à  ses  lois.  Bientôt,  accusé 
lui-même  d'aspirer  au  trône,  il  fut 
puni  du  double  parricide  commis  con- 
tre son  fils  et  contre  sa  patrie. 

Tbàité  entbe  les  Cabthaginois 
ET  LES  Romains,  609  ans  avant  l'èbe 
TULGAiBE.  —  Polybe  nous  apprend 
qu'une  année  après  l'expulsion  des  Tar- 
quins,  et  vingt-huit  ans  avant  l'irrup- 
tion de  Xerxès  dans  la  Grèce ,  sous  le 
consulat  de  J.  Brutus  et  de  M.  Ho- 
ratius,  se  fit  le  premier  traité  entre 
les  Romains  et  les  Carthaginois.  Je 
rapporterai  en  entier  ce  monument  si 
curieux  de  l'antiquité.  Polybe  l'a  tra- 
duit en  grec  sur  l'original  latin,  le  plus 
exactement  qu'il  lui  a  été  possible; 
car,  dit-il,  la  langue  latine  de  ces  temps 
est  si  différente  de  celle  d'aujourd'hui, 
que  les  plus  habiles  ont  bien  de  la 
peine  à  entendre  ce  vieux  langag<î 

«  Entre  les  Romains  et  leurs  alliés, 
«  et  entre  les  Carthaginois  et  leurs  al- 
«  liés ,  il  y  aura  alliance  à  ces  condi- 
«  tions  :  que  ni  les  Romains  ni  leurs 
«  alliés  ne  navigueront  au  delà  du  beau 
«  promontoire,  s'ils  n'y  sont  poussés  par 
«  la  tempête ,  ou  contraints  par  leurs 
«  ennemis  :  qu'en  cas  qu'ils  aient  été 


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CARTHAGE. 


«  poussés  malgré  eux,  il  ne  leur  sera 
«  permis  d*y  rien  acheter  ni  d'y  rien 
«prendre,  sinon  ce  qui  sera  précisé- 
«  ment  nécessaire  pour  le  radoube- 
«  ment  de  leurs  vaisseaux,  ou  pour  le 
«  culte  des  dieux ,  et  qu'ils  en  parti- 
«  ront  au  bout  de  cinq  )ours  ;  que  ceux 
«  qui  y  viendront  faire  le  commerce 
«  ne  pourront  conclure  aucune  né^o-» 
«  ciation  si  ce  n'est  en  présence  d  un 
«  crienr  et  d'un  greffier  :  que  tout  ce 
«  qui  sera  vendu  devant  ces  deux  té- 
«  moins,  la  foi  publique  le  garantira  au 
«  vendeur  ;  qu'il  en  sera  ainsi  pour  tout 
«  ce  qui  se  vendra  en  Afrique  ou  dans 
<i  la  Sardaigne  :  que  si  quelques  Ro- 
«  mains  abordent  dans  1<\  partie  de  la 
«  Sicile  qui  est  soumise  aux  Cartha^i- 
«  nois,  ils  y  jouiront  des  mêmes  droits 
«  que  les  Carthaginois  :  que  ceux-ci 
«  n'inquiéteront  en  aucune  manière 
«  les  Antiates,  les  Ardéates,  les  Lau- 
«rentins,  les  Circéens,  les  Terraci- 
«  niens  (*)  et  aucun  des  peuples  latins 
«  qui  obéissent  aux  Romains  ;  que  s'il 
«y  en  a  même  quelques-uns  qui  ne 
a  soient  pas  sous  là  domination  ro- 
«  maine,  les  Carthapnois  n'attaque- 
«  ront  point  4eurs  villes;  que  s'ils  en 
«  prennent  quelqu'une,  ils  la  rendront 
«  aux  Romains  aans  son  entier  ;  qu'ils 
«  ne  bâtiront  aucune  forteresse  dans 
«  le  pays  des  Latins  ;  que  s'ils  y  en- 
«  trent  à  main  armée,  ils  n'y  passeront 
R  pas  la  nuit.  » 

Ce  traité,  dont  la  simplicité  et  la 
précision  sont  remarquables,  montre 
que,  sous  le  consulat  du  premier  Bru- 
tus,  11  y  avait  des  Romains  qui  s'ap- 
pliquaient au  commerce;  que  la  ma- 
rine ne  leur  était  pas  inconnue;  que 
l'usage  des  vaisseaux  marchands  était 
commun  chez  eux,  et  qu'ils  faisaient 
des  voyages  d'assez  long  cours ,  puis- 
qu'ils allaient  jusqu'à  Carthage.  Il  nous 
montre  aussi  quelle  était  à  cette  épo- 
que la  puissance  des  Carthaginois,  les- 
quels étant  maîtres  de  la  mer,  de  la 
Sardaigne  et  d'une  partie  de  la  Sicile, 

(*)  Les  peuples  ou  villes  dont  il  est  parlé 
ici  bordaient  la  côte  de  la  mer  et  cou- 
vraient Rome  sur  ce  point  depuis  l'embou- 
chure du  Tibre  jusqu'à  Terraçinç. 


pouvaient  facilement  infester  les  cAtes 
maritimes  de  l'Italie. 

ACCBOISSEMENTS    DE    CàRTHAGE 
sous  MàGONj   de  509  a  489  AYANT 

l'Ère  chrétienne.  —  Magon,  qui 
succéda  à  Malchus  comme  suffète  et 
comme  général,  accrut,  par  ses  talents, 
sa  prudence  et  son  adresse,  l'empire  et 
la  gloire  de  Carthage.  C'est  lui  qui ,  le 
premier,  introduisit  la  discipline  mili- 
taire parmi  les  Carthaginois  ;  il  recula 
les  frontières  de  la  république,  étendit 
son  commerce,  et  laissa  en  mourant 
deux  fils,  Asdrubal  et  Amilcar,  qui, 
suivant  les  traces  glorieuses  de  leur 
père ,  tirent  voir  qu'il  leur  avait  trans- 
mis son  génie  avec  son  sang. 

Expédition  en  Sardaigne  et  en 
Sicile  ;  guerres  contre  les  Afri- 
cains,   sous     LE     commandement 

d' Asdrubal  et  d' Amilcar,  fils  de 
Magon  ;  de  489  a  460  avant  J.  C. 
—Sous  les  ordres  des  deux  fils  de  Ma- 
gon ,  Carthage  porta  la  guerre  en  Sar- 
daigne et  combattit  les  Africains,  qui, 
depuis  longtemps,  lui  demandaient  en 
vam  le  tribut  annuel  promis  pour  prix 
du  sol  qu'elle  avait  occupé.  Mais,  pour 
cette  fois ,  les  Africains  virent  la  jus- 
tice de  leur  cause  couronnée  par  le 
sort  des  combats,  et  Carthage,  posant 
les  armes,  finit  la  guerre  en  acquittant 
sa  dette.  Asdrubal ,  grièvement  blessé 
en  Sardaigne,  laissa  en  mourant  le 
conimandement  à  son  frère  Amilcar. 
Asdrubal  s'était  vu  onze  fois  revêtu 
de  la  dignité  de  suffète,  et  quatre  triom- 
phes avaient  été  le  prix  de  ses  victoi- 
res. Les  regrets  de  ses  concitoyens  et 
le  souvenir  de  ses  actions  glorieuses 
honorèrent  ses  funérailles  ;  et,  comme 
s'il  eût  emporté  dans  le  tombeau  la 
puissance  de  sa  patrie,  les  ennemis  de 
Carthage  reprirent  confiance. 

Quelques  années  après  le  traité  de 
609,  entre  Carthage  et  Rome,  les 
Carthaginois  firent  alliaf/ice  avec  Xer- 
xès,  roi  des  Perses.  Ce  prince  voulait 
exterminer  les  Grecs,  et  les  Carthagi- 
nois s'emparer  du  reste  de  la  Sicile. 
Ils  saisirent  avidement  l'occasion  fa- 
vorable qui  se  présentait  d'en  achever 
la  conquête.  Le  traité  fut -donc  conclu  : 
on  convint  que  les  Carthaginois  atta- 


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é 


L'UNIVERS. 


queraîent  avec  toutes  leurs  forces  les 
Grecs  établis  dans  la  Sicile,  pendant 
que  Xerxès  en  personne  marcherait 
contre  la  Grèce. 

Les  préparatifs  de  cette  guerre  du- 
rèrent trois  ans.  S'il  faut  en  croire  les 
historiens  de  Sicile,  qui  ont  peut-être, 
par  un  sentiment  de  vanité  nationale, 
exagéré  le  nombre  de  leurs  ennemis, 
rarmée  de  terre  ne  montait  pas  a 
moins  de  trois  cent  mille  hommes, 
et  la  flotte  comptait  deux  mille  vais- 
seaux et  plus  de  trois  mille  petits  bâ- 
timents de  charge.  Amilcar,  le  capi- 
taine de  son  temps  le  plus  estimé, 
partit  de  Carthage  avec  ce  formidable 
appareil.  Il  aborde  à  Palerme,  et,  après 
y  avoir  fait  prendre  quelque  repo  à 
ses  troupes,  il  marche  contre  la  ville 
d'Hymère,  qui  n'en  est  pas  fort  éloi- 
gnée ,  et  en  forme  le  siège.  Théron , 
gouverneur  de  la  place,  ayant  vaine- 
ment imploré  le  secours  de  Léonidas , 
roi  de  Lacédémone,  députe  à  Syracuse, 
veFS  Gélon,  qui  s'en  était  rendu  maî- 
tre. Ce  général  accourt  aussitôt  au 
secours  de  la  ville  assiégée ,  avec  une 
armée  de  cinquante  mille  hommes  de 
pied  et  cinq  mille  chevaux. 

Gélon  était  un  général  fort  habile  et 
savait  employer  à  propos  la  force  et  la 
ruse.  On  lui  amena  un  courrier  chargé 
d'une  lettre  que  les  habitants  de  Séli- 
nonte  adressaient  à  Amilcar,  pour  le 
prévenir  que  la  troupe  de  cavaliers 
qu'il  leur  avait  demandée  arriverait  un 
certain  jour.  Gélon  en  choisit  dans 
ses  troupes  un  pareil  nombre,  qu'il  fît 
partir  au  temps  dont  on  était  convenu. 
Ayant  été  reçus  dans  le  camp  des  en- 
nemis comme  venant  de  Sélinonte,  Ils 
se  jetèrent  sur  Amilcar,  qu'ils  tuèrent, 
et  mirent  le  feu  aux  vaisseaux.  Dans 
le  moment  même  de  leur  arrivée,  Gé- 
lon attaqua  avec  toutes  ses  troupes  les 
Carthagmois,  qui  se  défendirent  d'a- 
bord fort  vaillamment;  mais  quand  ils 
apprirent  la  mort  de  leur  général ,  et 
qu  ils  virent  la  flotte  en  feu,  le  courage 
et  les  forces  leur  manquèrent,  et  lis 
prirentja  fîiite.         ^ 

Le  carnage  ftit  hornble  :  il  y  périt, 
dit-on,  cent  cinquante  mille  hommes. 
Les  autres  s'étant  retirés  dans  un  en- 


droit où  ils  manquaient  de  tout,  iie 
purent  pas  s'y  détendre  longtemps,  et 
se  rendirent  a  discrétion.  Ce  combat, 
suivant  quelques  historiens,  se  donna 
le  jour  même  de  la  célèbre  action  des 
Thermopyles.  Hérodote  et  Aristote  di- 
sent au  contraire  que  ce  fut  le  jour  de 
la  bataille  de  Salamine.  Le  témoignage 
de  ces  deux  écrivains  mérite  sans  doute 
la  préférence.  Le  premier  de  ces  deux 
auteurs  raconte  même  d'une  autre 
manière  la  mort  d' Amilcar  :  il  dit  que 
le  bruit  commun  parmi  les  Carthagi- 
nois était  (^ue  ce  général,  voyant  la 
défaite  entière  de  ses  troupes,  pour 
ne  pas  survivre  à  sa  honte,  se  préci- 
pita lui-même  dans  le  bûcher  oii  il 
avait  immolé  plusieurs  victimes  hu- 
maines. 

Les  Carthaginois,  imputant  à  leur 
général  la  défaite  qu'ils  venaient  de 
recevoir,  bannirent  de  Carthage  Gis- 
Con,  son  fils,  qui,  dans  la  suite,  périt 
de  misère  à  Sélinonte.  Quelques  siè- 
cles après,  ils  rendirent  à  Amilcar 
des  honneurs  presque  divins. 

La  victoire  complète  que  Gélon  ve- 
nait de  remporter,  loin  de  le  rendre 
fier  et  intraitable,  ne  fit  qu'augmenter 
sa  modestie  et  sa  douceur,  même  à 
à  l'égard  de  ses  ennemis.  Il  accorda 
la  paix  aux  Carthaginois,  exigeant  seu- 
lement d'eux  qu'ils  payassent  pour  les 
frais  de  la  guerre  deux  mille  talents 
(11  millons  de  francs),  et  qu'ils  bâtis- 
sent deux  temples  oii  l'on  exposerait 
en  public  et  où  l'on  garderait  les  con- 
ditions du  traité. 

Puissance  de  là  famille  de,Ma- 
gon;  création  du  centumvirat; 

DE  460  A  440  AVANT  l'ÈRE  VULGAIRE. 

—  Amilcar,  mort  dans  la  guerre  de 
Sicile,  laissa  trois  fils  :  Imilcon,  Han- 
non  et  Giscon.  Asdrubal  avait  un  pa- 
reil nombre  d'enfants  :  Annibal ,  As- 
drubal et  Sapnho.  Toutes  les  affaires 
de  Carthage  étaient  alors  confiées  à 
leurs  mains.  On  fit  la  guerre  aux  Mau- 
res ;  on  combattit  les  Numides  ;  on 
força  les  Africains  à  renoncer  au  tri- 
but'que  leur  avait  promis  Carthage 
naissante.  Cette  famille  de  généraux , 
qui  réunissaient  dans  leurs  mains  te 
pouvoir  exécutif  et  l'autorité  judiciaire, 


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CARTHAGE. 


jwirut  dangereuse  à  la  liberté.  On  for- 
ma un  tribunal  de  cent  sénateurs,  à 
qui  les  généraux ,  au  retour  de  leurs 
campagnes,  devaient  rendre  compte  de 
leur  conduite ,  pour  que  la  crainte  sa- 
lutaire des  lois  et  rattente  d'un  ju- 
gement servissent  de  frein  à  Tarbitraire 
du  commandement  militaire. 

Continuation  de  la  guerre  de 
Sicile  ;  maladie  contagieuse  dans 
l'armée;  de  440  A  410  avant  l'ère 
chrétienne.  -^  En  Sicile,  Imilcon 
succéda  à  Amilcar.  Après  avoir  rem- 
porté plusieurs  victoires  sur  terre  et 
sur  mer,  et  pris  un  grand  nombre  de 
villes,  il  perdit  tout  a  coup  son  armée 
par  les  ravages  d'un  mal  contagieux. 
Apportée  à  Carthage,  cette  nouvelle 
plongea  les  habitants  dans  le  deuil. 
tes  maisons  et  les  temples  se  ferment  ; 
on  court  au  port;  on  ne  voit  sortir  des 
vaisseaux  qu'un  petit  nombre  de  sol- 
dats échappés  à  ce  désastre. 

Cependant,  dit  Justin,  qui  nous  a 
transmis  ce  fait,  le  malheureux  Imil- 
con sort  de  son  vaisseau  dans  l'aban- 
don de  la  douleur,  couvert  d'une  tu- 
nique d'esclave.  A  son  aspect,  les 
groupes  de  citoyens  éplorés  se  rassem- 
blent autour  de  lui.  Il  élève  les  mains 
vers  le  ciel ,  déplorant  tour  à  tour  son 
triste  sort  et  les  désastres  de  sa  patrie. 
Il  reproche  aux  dieux  de  lui  ravir  ses 
triomphes,  ses  nombreux  trophées  qu'il 
devait  à  leur  appui  ;  de  détruire  par  la 
peste  et  non  par  le  fer  cette  armée  qui 
avait  pris  tant  de  villes,  et  si  souvent 
vaincu  sur  terre  et  sur  mer.  Il  appor- 
tait du  moins,  disait-il,  à  ses  conci- 
toyens ce  motif  de  consolation,  que 
l'ennemi  pouvait  bien  se  réjouir,  mais 
non  se  glorifier  de  leurs  désastres. 
Ceux  qui  étaient  morts  n'avaient  pas 
succombé  sous  ses  coups;  ceux  qui 
revenaient  dans  leur  patrie  n'avaient 
pas  fui  devant  lui.  Le  butin  que  le 
Grec  avait  enlevé  dans  un  camp  aban- 
donné n'était  pas  de  ces  dépouilles 
aue  l'orgueil  d'un  vainqueur  se  plaît  à 
étaler,  mais  de  celles  que  la  mort  for- 
tuite de  leurs  maîtres  a  laissées  va- 
cantes et  livrées  aux  mains  qui  s'en 
emparent.  Vainqueurs  de  leurs  enne- 
mis ,  ses  soklats  n'avaieot  été  vaincus 


que  par  la  peste;  maïs  son  chagrin  le 
plus  vif  était  de  n'avoir  pu  mourir  au 
milieu  de  tant  de  braves,  et  de  se  voiip 
réservé,  non  pouf  goûter  les  douceurs 
de  la  vie ,  mais  pour  servir  de  jouet  à 
l'adversité;  que  cependant,  après  avoir 
ramené  dans  Carthage  les  tristes  dé* 
bris  de  son  armée ,  il  allait  à  son  tour 
suivre  ses  compagnons  d'armes ,  et 
montrer  à  sa  patrie  que  s'il  avait  pro- 
longé jusque-là  ses  jours,  ce  n'était 
point  par  amour  de  la  vie,  mais  par 
crainte  d'abandonner,  en  mourant,  au 
milieu  des  armées  ennemies,  ceux  qu'a- 
vait épargnés  le  terrible  fléau.  Déplo- 
rant ainsi  son  malheur,  il  entre  dans 
la  ville,  arrive  à  sa  maison^  salue  d'un 
dernier  adieu  le  peuple  qui  le  suivait, 
et ,  faisant  fermer  les  portes  sans  per- 
mettre à  ses  fils  eux-mêmes  de  pa- 
raître-devant lui,  il  se  donne  la  mort. 
Continuation  de  la  guerre  de 
Sicile;  prise  de  Sélinonte  et 
d'Hvmèrr  par  les  Carthaginois  ; 

environ  410  AVA^T  l'ère  VULGAJi^E. 

—  Après  la  défaite  des  Athéniens  de- 
vant Syracuse,  où  Nicias  périt  avec 
toute  sa  flotte ,  les  Ségestains,  qui  s'é- 
taient déclarés  pour  eux  contre  les 
Syracusains,  craignant  le  ressentiment 
de  leurs  ennemis,  et  se  voyant  déjà 
attaqués  par  Sélinonte,  implorèrent  le 
secours  de  Carthage,  et  se  mirent,  eux 
et  leur  ville,  à  sa  discrétion.  Les  Car- 
thaginois, après  avoir  longtemps  ba- 
lancé à  s'engager  dans  cette  guerre , 
nue  la  puissance  de  Syracuse  et  l'éclat 
de  ses  dernières  victoires  devaient  lui 
faire  redouter,  y  furent  poussés  par 
les  conseils  d'Annibal  leur  suffète, 
et  envoyèrent  du  secours  aux  Séges- 
tains. 

Annibal  tira  de  l'Afrique  et  de  l'Es- 
pagne  un  grand  nombre  de  mercenai- 
res; il  y  joignit  un  nombre  considé- 
rable de  Carthaginois ,  et  débarqua  en 
Sicile  avec  une  armée  qu'Éphore  porte 
h  200  mille  fantassins  et  4  mille  cava- 
liers ,  mais  que  Timée  et  Xénophon , 
historiens  plus  dignes  de  foi ,  rédui- 
sent en  tout  à  100  mille  combattants. 
Annibal,  petit-fils  d' Amilcar  qui  avait 
été  défait  par  Gélon  et  tue  devant 
lïymère ,  et  ôls  de  Oiscon ,  qui  avait 


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L'UNIVERS. 


été  condamné  à  Texil,  était  animé 
d'un  vif  désir  de  venger  sa  famille  et 
sa  patrie,  et  d'effacer  la  honte  de  la 
dernière  défaite.  Sa  première  entre- 
prise fut  le  siège  de  Sélinonte.  L'at- 
taque fut  très-vive,  et  la  défense  ne 
le  fut  pas  moins  :  les  femmes  mgmes, 
les  enfants  et  les  vieillards  montrèrent 
un  courage  au-dessus  de  leur  âge  et  de 
leurs  forces.  Après  une  longue  résis- 
tance, la  ville  fut  prise  d'assaut,  et 
livrée  au  pillage.  Le  vainqueur  exerça 
les  dernières  cruautés,  sans  avoir  égard 
ni  au  sexe,  ni  à  l'âge.  Il  fit  déman- 
.teler  la  ville ,  qu'il  rendit  aux  habi- 
tants que  le  fer  avait  épargnés ,  à  con- 
dition qu'ils  se  reconnaîtraient  sujets 
deCartnageet  lui  payeraient  un  tribut. 

Hymère,  qu'il  assiégea  ensuite,  et 
qu'il  prit  aussi  d'assaut ,  après  avoir 
été  traitée  avec  encore  plus  de  cruauté, 
fut  entièrement  rasée.  Il  fit  souffrir 
toutes  sortes  d'ignominies  et  de  sup- 
plices à  trois  mille  prisonniers,  et  les 
fit  égorger  tous  dans  l'endroit  même 
où  Son  grand-père  avait  été  tué,  pour 
apaiser  et  satisfaire  ses  mânes  par 
le  sang  de  ces  malheureuses  victi- 
mes. 

Après  cette  expédition,  Annibal  re- 
tourna à  Carthage,  chargé  d'un  im- 
mense-butin. Toute  la  ville  sortit  au- 
devant  de  lui,  et  le  reçut  au  milieu 
des  cris  de  joie  et  des  applaudissements 
unanimes  :  car  en  quelques  jours  il 
avait  plus  fait  que  les  généraux  qui  l'a- 
vaient précédé  dans  le  cours  de  plu- 
sieurs campagnes. 

Fondation  de  la.  ville  de  Ther- 
mes, EN  Sicile  ,  environ  408  avant 
l'ère  chrétienne.  —  Ces  brillants 
succès  inspirèrent  aux  Carthaginois 
le  désir  et  Tespoir  de  s'emparer 
de  la  Sicile  entière.  Mais  avaht  de 
commencer  la  guerre,  ils  fondèrent 
sur  la  côte  septentrionale,  auprès 
d'une  source  d'eau  chaude ,  une  ville 
à  laquelle  sa  position  fit  donner  le 
nom  de  Thermes;  ils  la  peuplèrent  de 
Carthaginois  et  d'Africains. 

EXPEDITION  d' Annibal  et  d'Imil- 

CON,    SIEGE   d'AORIGENTE,   407    ET 

406  AVANT  l'Ère  vulgaire.  —  Quel- 
que temps  après,    les  Carthagmois 


nommèrent  encore  pour  général  An- 
nibal. Comme  il  s'excusait  sur  son 
grand  âge^  et  refusait  de  se  charger 
de  cette  guerre,  on  lui  donna  pour 
lieutenant  îmiicon,  àls  d'Hannon,  qui 
était  de  la  même  famille.  Les  prépa- 
ratifs de  la  guerre  furent  proportion- 
nés au  grand  dessein  que  les  Cartha- 
ginois avaient  conçu.  Le  nombre  des 
troupes  montait ,  selon  Timée ,  à  plus 
de  120  mille  hommes;  Éphore  les 

f)orte  à  300  mille.  Les  ennemis ,  de 
eur  côté ,  s'étaient  mis  en  état  de  les 
bien  recevoir,  et  lesSyracusains  avaient 
envoyé  chez  tous  les  alliés  pour  y  le- 
ver des  troupes ,  et  dans  toutes  les 
villes  de  la  Sicile ,  pour  les  exhorter 
à  défendre  courageusement  leur  li- 
berté. 

Agrigente  s'attendait  à  essuyer  les 
premières  attagues.  C'était  une  ville 
puissamment  riche ,  et  environnée  de 
bonnes  fortifications.  Annibal  com- 
mence ,  en  effet ,  la  campagne  par  le 
siège  de  cette  place,  située,  de  même 
que  Sélinonte ,  sur  la  côte  de  Sicile 
qui  regarde  l'Afrique.  Ne  la  jugeant 
prenable  que  par  un  endroit ,  il  tourne 
tous  ses  efforts  de  ce  côté-là,  fait 
approcher  des  murs  deux  tours  d'une 
hauteur  extraordinaire ,  ordonne  la 
démolition  des  tombeaux  qui  envi- 
ronnaient la  ville,  et  fait  construire, 
avec  leurs  décombres ,  un  aager  qui 
s'élève  jusqu'à  la  hauteur  aes  mu- 
railles. Bientôt  une  peste  effroyable 
ravage  l'armée  carthaginoise  ;  Anni- 
bal même  périt  victime  du  fléau.  Les 
soldats  superstitieux  croient  voir  dans 
les  ravages  de  cette  terrible  maladie 
une  punition  des  dieux,  qui  vengeaient 
ainsi  les  morts  de  l'outrage  qu'on  avait 
fait  à  leur  dernière  demeure.  On  cesse 
de  toucher  aux  tombeaux  ;  on  ordonne 
des  prières  d'après  le  rit  de  Carthage , 
et,  suivant  la  coutume  barbare  obser- 
vée dans  cette  ville,  on  immole  un 
enfant  à  Saturne,  et  l'on  jette  plu- 
sieurs victimes  dans  la  mer  en  l'hon- 
neur de  Neptune. 

Cependant  les  Syracusains,  avec  une 
armée  de  trente  mille  hommes  et  de 
cinq  mille  chevaux,  viennent  au  se- 
cours d' Agrigente.  Us  remportent  unç 


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CARTHAGE. 


grande  victoire  sur  rarmée  des  Car- 
tiiaginois;  ils  les  tiennent  bloqués 
dans  leur  camp ,  leur  coupent  les  vi- 
vres, et  les  réduisent  à  la  plus  déplo- 
rable extrémité.  Effrayés  de  leur  der- 
nier échec,  les  assiégeants  n'osaient 
sortir  de  leurs  retrancheraenls  pour 
livrer  bataille.  Déjà  la  famine  avait 
fait  périr  un  grand  nombre  de  sol- 
dats ,  déjà  les  mercenaires  menaçaient 
dépasser  à  l'ennemi,  lorsqu'un  évé- 
nement imprévu  vint  changer  la  face 
des  affaires.  Imilcon  apprend  par  un 
transfuge  que  les  Syracusains  envoient 
par  mer  à  Agrigente  un  convoi  consi- 
dérable de  vivres.  Aussitôt,  ce  général, 
avec  quarante  trirèmes,  leur  dresse 
une  embuscade.  Les  Syracusains  navi- 
guaient sans  ordre ,  persuadés  que  les 
Carthaginois,  tant  a  cause  de  leur 
défaite  récente  qu'à  cause  de  la  saison 
des  tempêtes  qui  approchait,  n'ose- 
raient pas  se  mettre  en  mer.  Imiiçon 
proûte  de  leur  négligence ,  détruit 
toute  leur  flotte  et  s'empare  du  con- 
voi. 

La  famine  passa  alors  du  camp  des 
assiégeants  dans  la  ville.  Les  Agrigen- 
tins  se  trouvèrent  tellement  pressés, 
que,  se  voyant  sans  espérances  et  sans 
ressources ,  ils  prirent  le  parti  d'aban- 
donner leurs  murailles.  On  marqua  la 
nuit  suivante  pour  le  départ.  Alors 
une  foule  innombrable  d'hommes ,  de 
femmes,  d'enfants,  protégés  par  les 
soldats ,  sortent  de  la  ville  au  milieu 
des  gémissements  et  des  sanglots, 
abandonnant  à  la  merci  du  vainqueur 
leurs  richesses,  leurs  foyers,  leurs 
dieux  domestiques,  et,  ce  qui  aug- 
mentait encore  leur  douleur ,  les  bles- 
sés, les  malades  et  les  vieillards.  Ces 
infortunés  se  réfugièrent  d'abord  à 
Gela ,  et  obtinrent  ensuite  de  la  pitié 
des  Syracusains  la  ville  des  Léontins 
pour  asile. 

Cependant  Imilcon  entra  dans  la 
ville,  et  lit  égorger  tous  ceux  qui  y 
étaient  restés.  On  peut  se  faire  une 
idée  de  l'immensité  du  butin  dans  une 
des  cités  les  plus  opulentes  de  la  Si- 
cile, peuplée,  selon  Diodore,  de  deux 
cent  mille  habitants,  et  qui  n'avait 
jamais  souffert  de  siège,  ni  par  consé- 


quent de  pillage.  On  y  trouva  un  nom- 
bre infini  de  tableaux ,  de  vases ,  de 
statues  de  toute  sorte;  car  les  arts 
d'imitation  étaient  très-florissants  dans 
Agrigente.  Parmi  ces  monuments  pré- 
cieux qu'Imilcon  envoya  à  Carthage, 
était  le  fameux  taureau  de  Phalaris, 
aui ,  260  ans  plus  tard ,  après  la  ruine 
de  cette  ville,  fut, rendu  aux  Agrigen- 
tins  par  Scipion  Émilien. 
Siège  et   pbise   oe   Gela  par 

f  MILCON  ;  TBAITÉ  ENTEE  LES  CAE- 
THAGINOIS  et  DeNYS  JL' ANCIEN  ,  TY- 
RAN DE  SyBACUSE  ,  404  AVANT  l'Ère 
CHRÉTIENNE.  —  Le  siégc  d' Agrigente 
avait  duré  huit  mois.  Imilcon  avait 
épargné  les  maisons  particulières  pour 
servir  de  quartier  d'hiver  à  ses  trou- 
pes. Lorsqu'elles  se  furent  reposées 
de  leurs  fatigues ,  il  en  sortit  au  com- 
mencement du  printemps  et  rasa  en- 
tièrement la  ville.  Imilcon  assiégea 
ensuite  Gela,  et  la  prit  malgré  le  se- 
cours qu'y  mena  Denys  le  Tyran ,  qui 
s'était  emparé  de  l'autorité  à  Syra- 
cuse. Ce  prince  éprouva  un  échec  con- 
sidérable dans  une  attaque  dirigée 
contre  le  camp  des  Carthaginois.  Le 
seul  résultat  qu'il  put  obtenir ,  fut  de 
sauver,  de  la  colère  du  vainqueur,  les 
habitants  de  Gela  et  de  Camarine, 
dont  il  protégea  la  retraite  avec  ses 
troupes ,  et  qu'il  établit  sur  le  terri- 
toire de  Syracuse.  Cependant,  une 
maladie  contagieuse  qui  se  déclara  dans 
le  camp  des  Carthaginois  et  leur  en- 
leva la  moitié  de  leur  armée ,  engagea 
Imilcon  à  proposer  aux  Syracusams 
des  conditions  de  paix.  Denys ,  qui 
venait  d'éprouver  ae  grands  revers, 
et  dont  la  puissance  n'était  pas  en- 
core solidement  établie  à  Syracuse, 
accepta  avec  joie  ces  propositions. 

Les  conditions  du  traite  furent  que 
les  Carthaginois ,  outre  leurs  anciennes 
conquêtes  dans  la  Sicile,  demeure- 
raient maîtres  du  pays  des  Sicaniens , 
de  Sélinonte,  d'Agrigente  et  d'Hy- 
mère,  comme  aussi  de  celui  de  Gela 
et  de  Camarine,  dont  les  habitant 
pourraient  demeurer  dans  leurs  villes 
démantelées,  en  payant  tribut  aux  Car- 
thaginois ;  que  les  Léontins ,  les  Mes- 
séniens  et  tous  les  Siciliens  vivraient 


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10 


rUNIVERS. 


êé(m  leurs  loit  et  conserveraient  leur 
liberté  et  leur  indépendance  ;  qu'enfin 
les  Syracusains  demeureraient  soumis 
à  Denyg. 

Imilcon ,  après  la  .  conclusion  du 
traité,  retourna  à  Cartilage,  où  les 
dél)ris  de  son  armée  apportèrent  la 
peste,  qui  fit  périr  un  grand  nombre 
de  citoyens. 

Renouvellement  des  hostilités 
PÀB  Denys  ïm  Tyran,  399  avant 
l'ère  vulgaire.  —  Denys  n'avajt 
<X)nclu  la  paix  avec  les  Carthaginois 
que  pour  se  donner  le  temps  d'affer- 
mir, son  autorité  naissante,  et  de  tra- 
vailler aux  préparatifs  de  la  guerre 
qu'il  méditait  contre  eux.  Ses  prépara- 
tifs furent  immenses.  Syracuse  en- 
tière était  devenue  un  vaste  atelier^ 
où ,  de  toutes  parts ,  on  était  occupé  à 
fabriquer  des  armes ,  des  machines  de 
guerre  (*)  et  des  vaisseaux.  Corinthe 
avait ,  la  première ,  construit  des  vais- 
seaux à  trois  rangs  de  rames;  c'est 
du  temps  de  Denys  que  Syracuse, 
colonie  de  Corinthe,  perfectionna  cette 
invention  en  construisant  des  navires 
à  quatre  et  à  cinq  rangs  de  rames. 
Denys  animait  le  travail  par  sa  pré- 
sence, par  des  libéralités  et  des  louan- 
ges qu'il  savait  dispenser  à  propos,  et 
surtout  par  des  manières  populaires 
et  engageantes,  moyens  encore  plus 
efficaces  que  tout  le  reste  pour  réveil- 
ler l'industrie, et  l'ardeur  des  ouvriers, 
et  il  faisait  souvent  manger  avec  lui 
ceux  qui  excellaient  dans  leur  genre. 

Quand  tous  ces  préparatifs  furent 
achevés,  et  qu'il  eut  levé  un  grand 
nombre  de  troupes  en  différents  pays, 
il  fit  sentir  aux  Syracusains  que  les 
Carthaginois  n'avaient  d'autre  but  que 

(*)  Parmi  les  machines  de  guerre,  Diodone 
mentionne  les  catapultes.  Élieu  et  Plutarque 
disent  qu^elIcs  furent  inventées  alors  en  Sicile. 
Mais  il  est  sûr  que  c«tte  aime  terrible  fut  em- 
pruntée par  les  Grecs  aux  peuples  orientaux  ; 
car  les  livres  sacrés  en  font  mention  en  8io 
avant  l'ère  vulgaire ,' sous  le  règne  d'Osias, 
roi  de  Jérusalem.  Voy.  sur  Tépoque  de  cetie 
imentton  la  Poliorcétique  des  anciens ,  par 
M.  Dureau  de  (a  Malle,  pag.  356  et  suiv. 
PaiU»  1K19,  chez  F.  Didot 


d'envahir  toute  la  Sidle;  que  ii  Ton 
n'arrêtait  teurs  prosrès ,  leur  capitale 
se  verrait  bientôt  elle-même  attaquée  ; 
iiu'il  fallait  profiter,  pour  se  délivrer 
ae  ces  barbares,  du  moment  où  la 
peste  qui  ravageait  leur  pays  les  met- 
tait hors,  d'état  de  se  défendre.  Les 
Syracusains  applaudissent  le  discours 
et  les  projets  de  leur  premier  magis- 
trat. 

Sans  aucun  sujet  de  plainte,  sans 
déclaration  de  guerre,  il  abandonne 
au  pillage  et  à  la  fureur  du  peuple 
les  biens  et  les  personnes  des  Cartha- 
ginois, qui,  sur  la  foi  des  traités, 
exerçaient  le  commerce  à  Syracuse; 
on  force  leurs  maisons ,  on  pille  leurs 
effets ,  on  leur  fait  souffrir  toutes 
sortes  d'ignominies  et  de  supplices, 
en  représailles  des  cruautés  qu'ils 
avaient  exercées  contré  les  habitants 
du  pays ,  et  cet  horrible  exemple  de 
p^fidie  et  d'inhumanité  fut  suivi  dans 
toute  l'étendue  de  la  Sicile. 

Denys,  après  cette  sanglante  in- 
fraction des  traités ,  osa  envoyer  des 
députés  aux  Carthaginois,  pour  de- 
mander qu'ils  rendissent  la  liberté  à 
toutes  les  villes  de  Sicile ,  et  leur  dé- 
clarer qu'en  cas  de  refus ,  ils  y  seraient 
traités  comme  ennemis. 

Cette  provocation  jeta  une  grande 
alarme  à  Carthage,  surtout  à  cause 
de  l'état  déploraole  où  elle  se  trou- 
vait. 

Siège  de  Motya  PAït  les  Syba- 

CUSAINS ,  397  ANS  AVANT  l'ÈBE  CHRÉ- 
TIENNE. --  Denys  ouvrit  la  campagne 
par  le  siège  de  Motya ,  qui  était  la 
place  d'armes  des  Carthaginois  en  Si- 
cile, et  il  [)oussa  vivement  ce  siège, 
sans  qu'Imilcort ,  qui  commandait  la 
flotte  ennemie ,  pût  s'y  op{)Oser.  De- 
nys avait  sous  ses  ordres  quatre-vingt 
mille  fantassins,  trois  mille  cavaliers , 
deux  cents  vaisseaux  de  guerre  et  cinq 
cents  vaisseaux  de  charge.  Débarque 
devant  la  place ,  il  fit  avancer*  ses 
machines ,  la  fit  battre  avec  le  bélier, 
approcha  des  murs  des  tours  à  six 
étages,  qui  étaient  portées  sut  des 
roues  et  qui  égalaient  la  hauteur  des 
maisons.  De  là,  il  incommodait  fort 
les  assiégés  par  ses  catapultes ,  m^" 


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CARTHAOE. 


11 


chines  jusqu'alors  inconnues  aux  Car- 
thaginois, et  qui  leur  inspiraient  une 
erande  terreur  par  la  force  et  le  nom- 
bre des  traits  et  des  pierres  qu'elles 
lançaient.  La  ville  fit  une  longue  et 
vigoureuse  résistance.  L'enceinte  prise, 
les  habitants  barricadèrent  leurs  mai- 
sons ,  et  s'y  défendirent  avec  opiniâ- 
treté. Cl;  nouveau  siège  coûta  plus  de 
monde  aux  Syracusams  que  le  pre- 
mier. Enfin,  la  ville  fut  prise,  et  tous 
les  habitants  passés  au  fil  de  l'épée, 
excepté  ceux  qui  se  réfggièrent  dans 
leurs  temples.  On  abandonna  le  pillage 
aux  soldats.  Denys,  y  ayant  laissé  une 
bonne  garnison  et  un  gouvernement 
sûr,  retourna  à  Syracuse. 

Siège  de  Syhacuse  paa  les  càb- 

THÀ&INOIS,  396  ET  895  AVÀTIT  L'ÈEB 

CHEÉTiEfiNE.  -—  Pendant  que  Denys 
assiégeait  Motya,  Imilcon,  que  les 
Carthaginois  avaient  nommé  suffète , 
occupé  en  Afrique  des  apprêts  de  la 
guerre ,  conçut  un  projet  de  diversion 
qui  fut  exécuté  avec  une  audace  re- 
marquable. Il  met  un  commandant 
actif  à  la  tête  de  dix  vaisseaux  légers , 
et  lui  ordonne  de  partir  secrètement 
la  nuit ,  de  voguer  à  toutes  voiles  vers 
Syracuse ,  de  forcer  l'entrée  du  port 
et  de  détruire  les  vaisseaux  qu'on  y 
avait  laissés.  L'officier  entre  la  nuit , 
sans  être  aperçu,  dans  le  port  de  Syra- 
cuse ,  coule  à  fond  tous  les  vaisseaux 

ui  s'y  trouvaient,  et  reprend  la  route 

e  Carthage. 
L'année  suivante,  Imilcon  revint  en 
Sicile  avec  une  armée  composée ,  sui- 
vant Éphore,  de  trois  cent  mille  hom- 
mes de  pied  et  de  quatre  mille  chevaux; 
mais  que  Timée,  dont  l'assertion  nous 
parait  phis  probable,  ne  fait  monter  en 
tout  qu'à  cent  mille  combattants.  Sa 
(lotte  était  composée  de  trois  cents 
vaisseaux  de  gnerre ,  et  de  six  cents 
vaisseaux  de  transport  pour  les  vivres 
et  les  munitions.  Il  aborda  à  Païenne, 
recouvra  Éryx  par  composition,  Motya 
par  la  force ,  fM-it  et  rasa  Messine ,  et 
s'empara  de  Catane  et  de  quelques  au- 
tres villes.  Animé  par  ses  heureux  suc- 
cès ,  il  marche  vers  Syracuse  pour  en 
former  le  siège ,  menant  ses  troufies 
ût  pied  par  terre,  pendant  qœ  ta 


ï 


flotte,  sous  la  conétiite  de  Magoov 
côtoyait  les  bords  de  la  mer. 

L'arrivée  des  Carthagihois  jeta  un 

frand  trouble  dans  la  capitale  de  la 
icilè.  Magon,  à  la  tête  de  tes  navires 
de  guerre,  chargés  des  dépouilUis  de 
la  flotte  ennemie,  sur  laquelle  il  venait 
de  remporter  une  victoire  signalée, 
entra  comme  en  triomphe  dans  le  grand 
port,  suivi  de  ses  vaisseaux  de  charge* 
On  vit  en  même  temps,  du  côté  de  la 
terre,  arriver  la  nombreuse  armée  que 
conduisait  Imilcon.  Ce  général  fit  dres- 
ser sa  tente  dans  le  temple  même  de 
Jupiter.  Le  reste  de  l'armée  campa 
dans  les  environs  à  douze  stades, 
c'est-à-dire ,  un  peu  plus  d'une  demi- 
lieue  de  la  ville.  Bientôt  il  range  ses 
troupes  en  bataille  sous  les  murs  de 
la  place,  et  s'efi^^orce,  mais  en  vain, 
d'attirer  les  Syracusains  au  combat. 
Non  content  d'avoir  ainsi  obtenu  des 
assiégés  l'aveu  de  leur  faiblesse  sur 
terre,  il  veut  encore  leur  montrer  que, 
sur  la  mer,  ils  ne  sont  pas  moins  in- 
férieurs aux  Carthaginois.  Du  grand 
port  qu'il  occupliit,  il  envoie  cent  vais- 
seaux d'élite  qui  s'emparent  des  au- 
tres ports  sans  résistance*  Pendant 
trente  jours ,  il  porte  le  çavage  et  la 
désolation  dans  tout  le  territoire  de  Sy- 
racuse. Il  se  rend  maître  du  faubourg 
d'Achradine,  pille  les  temples  de  Cérès 
et  de  Proserpine,  et,  pour  fortifier  ' 
son  camp,  il  abat  tous  les  tombeaux 
qui  environnaient  la  ville,  et,  entre  au- 
tres, celui  de  Gélon  et  de  Démarète  sa 
femme ,  qui  était  d'une  magnificence 
extraordinaire. 

Cette  impiété ,  dit  Diodore ,  attira 
sur  ImilcoA  le  courroux  des  dieux.  La 
fortune  changea  de  face,  et  d'affreux 
revers  suivirent  les  brillants  succès 

3ui  avaient  signalé  le  commencement 
e  la  campagne.  D'abord  les  Syracu- 
sains, ayant  repris  confiance,  avaient 
eu  l'avantage  dans  quelques  légères 
escarmouches.  Des  terreurs  paniques 
troublaient  chaque  nuit  le  camp  des 
Africains.  Imilcon  l'entoura  de  nou- 
veaux ouvrages  et  construisit  trois 
forts ,  l'un  à  Plemmyre ,  l'autre  vers 
le  milieu  du  port ,  et  le  dernier  ^s  du 
temple  de  Jupiter  II  les  approvisiiMintt 


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12 


L'UNIVERS. 


ée  blé,  de  vin  et  de  toutes  les  choses 
nécessaires  à  la  défense;  car  il  pré- 
voyait que  cette  guerre  serait  plus 
longue  et  plus  difficile  qu'il  ne  Tavait 
cru  d'abord. 

Peste  horrible  dans  le  camp 
DES  Carthaginois.  —  Mais  bientôt 
une  maladie  contagieuse  se  déclara 
dans  son  armée  et  y  fit  des  ravages 
incroyables.  On  était  dans  le  fort  de 
Tété,  et  la  chaleur,  cette  année,  était 
excessive.  De  plus,  son  camp  était 
placé  dans  une  vallée  basse  et  maré- 
cageuse, circonstances  favorables  au 
développement  de  l'épidémie  qui,  dans 
le  même  emplacement,  avait  décimé 
les  Athéniens  lorsqu'ils  assiégèrent 
Syracuse. 

La  contagion  commença  par  les 
Africains  qui  mouraient  par  centaines. 
D'abord  on  enterrait  les  morts,  on 
soignait  les  malades  ;  mais  tous  les  re- 
mèdes étant  inefficaces,  le  mal  se  com- 
muniquant à  tous  ceux  qui  assistaient 
les  pestiférés,  et  le  nombre  des  vic- 
times s'accroissant  tous  les  jours ,  les 
cadavres  demeurèrent  sans  sépulture 
et  les  malades  sans  secours.  Bientôt , 
l'infection  causée  par  la  putréfaction 
de  ces  cadavres  augmenta  l'intensité 
du  fléau.' 

Cette  peste  i  dit  Diodore,  indépen- 
damment des  bubons,  des  fièvres  vio- 
lentes et  des  engorgements  glandulai- 
res, signes  caractéristiques  de  cette 
nialadie ,  était  accompagnée  de  symp- 
tôi^es  extraordinaires,  de  cruelles  dys- 
senteries ,  de  pesanteurs  dans  les  jam- 
bes, de  douleurs  ai^ës  dans  la  moelle 
épinière ,  de  frénésie  même  et  de  fu- 
reur telles  qu'ils  se  jetaient  sur  qui- 
conque se  trouvait  sur  leur  passage  et 
le^  mettaient  en  pièces. 

Denys,  connaissant  le  déplorable 
état. de  l'armée  des  Carthaginois,  les 
attaque  de  trois  côtés  à  la  fois  avec 
toutes  ses  forces.  Dans  la  confusion 
où  cette  triple  attaque  jette  les  Afri- 
cains, il  emporte  d'assaut  deux  des 
forteresses  qu'ils  avaient  construites. 
En  même  temps  la  flotte  syracusaine 
vient  fondre  sur  leurs  vaisseaux.  Les 
Carthaginois ,  qui  pensaient  n'être  at- 
taqués quç  sur  terre  et  qui  avaient 


Sorte  toutes  leurs  forces  à  la  défense 
e  leur  camp,  se  précipitent  en  tu- 
multe vers  le  port  pour  tâcher  de 
sauver  leur  flotte.  Mais  la  diligence 
des  ennemis  les  a  prévenus.  Ils  n'ont 
pas  eu  le  temps  de  se  mettre  en  dé- 
tense  que  déjà  la  plupart  de  leurs  vais- 
seaux sont  pris,  coulés  à  fond  ou  con- 
sumés par  les  flammes.  Ces  premiers 
succès  augmentèrent  tellement  la  con- 
fiance des  Syracusains ,  que  les  enfants 
et  les  vieillards  se  mêlèrent  à  l'armée 
et  à  la  flotte,  et  voulurent  aussi  avoir 
leur  part  des  périls  et  de  la  victoire. 

La  nuit  mit  fin  au  combat,  et  Denys 
plaça  son  camp  en  face  du  camp  en- 
nemi ,  près  du  temple  de  Jupiter. 

Imilcon,  vaincu  à  la  fois  sur  terre 
et  sur  mer,  envoya  secrètement  vers 
Denys  pour  lui  demander  la  permis- 
sion d'emmener  avec  lui  à  Carthage  le 
peu  qui  lui  restait  de  troupes.  Il  offrait 
pour  obtenir  cette  grâce  tout  l'argent 
qu'il  possédait  encore,  et  qui  ne  se 
montait  pas  à  plus  de  trois  cents  talents 
(1660  mille  francs).  Il  ne  put  obtenir 
cette  grâce  que  pour  les  Carthaginois 
avec  lcs(]uels  il  s'échappa  pendant  la 
nuit,  laissant  tous  les  autres  soldats 
à  la  discrétion  de  l'ennemi. 

Ainsi,  dit  Diodore,  ces  conquérants 
qui  s'étaient  emparés  de  toutes  les 
villes  de  Sicile,  à  l'exception  de  Syra- 
cuse que  même  ils  regardaient  déjà 
comme  une  proie  assurée,  se  voyaient 
réduits  à  trembler  pour  le  salut  de 
leur  patrie.  Ceux  qui  avaient  détruit  les 
tombeaux  des  Syracusains  laissaient 
étendus  sur  la  terre  étrangère,  et  pri- 
vés des  honneurs  de  la  sépulture,  cent 
cinquante  mille  cadavres  de  leurs  con- 
citoyens que  la  peste  avait  moisson- 
nés. Ceux  qui  avaient  porté  le  fer  et 
le  feu  dans  le  territoire  de  Syracuse 
avaient  vu,  par  un  juste  retour  du  sort, 
leur  flotte  immense  consumée  par  les 
flammes.  Ceux  qui  avec  toute  leur  ar- 
mée étaient  entrés  orgueilleusement 
dans  le  port  de  Syracuse,  parés  des 
dépouilles  ennemies  et  dans  tout  l'é- 
clat du  triomphe,  ne  prévoyaient  pas 
qu'ils  seraient  forcés  de  s'échappei 
mrUvement  au  milieu  de  la  nuit,  aban- 
donnant leurs  alliés^  leurs  compagnons 


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CARTHAGE. 


ÎM 


d^armes  aux  vengeances  d'un  ennemi 
justement  irrité.  Le  chef  lui-même 
d*unc  armée  si  nombreuse,  ce  fier 
Imilcon  qui  avait  osé  dresser  sa  tente 
dans  le  temple  de  Jupiter  olympien , 
et  porter  sur  les  trésors  du  dieu  une 
main  sacrilège,  est  réduit  à  implorer 
une  capitulation  honteuse  pour  rame- 
ner du  moins  à  Carthage  quelc|ues 
restes  de  ses  concitoyens.  Les  dieux 
lui  infligent  pour  peine  de  son  impiété 
une  vie  misérable,  déshonorée,  en  butte 
aux  reproches,  aux  outrages,  à  la  ma- 
lédiction universelle.  On  le  voit,  con- 
traint dliumilier  son  orgueil ,  couvert 
de  misérables  haillons,  se  prosterner 
dans  les  temples,  faire  l'aveu  public  de 
son  impiété,  implorer  le  pardon  de 
ces  menées  dieux  qu'il  avait  outragés; 
enfin,  ne  pouvant  échapper  aux  re- 
mords de  sa  conscience,  il  s'impose 
la  faim  pour  supplice  et  se  laisse  ex- 
pirer d'une  mort  lente  et  douloureuse. 
Rbvoltç  des  Africains  gontbe 

LES  CABTHAGINOIS,  395  AYANT  L'ÈBB 

vuLGAiBE.  —  Un  nouveau  surcroît  de 
malheurs  vint  accabler  les  Carthagi- 
nois. Les  Africains ,  qui  depuis  long- 
temps supportaient  avec  peine  la  do- 
mination de  Carthage,  irrités  alors 
jusqu'à  la  fureur  de  ce  que  le  général 
de  cette  république  avait  lâchement 
abandonné  leurs  compatriotes,  et  les 
avait  livrés  aux  vengeances  des  Sy- 
racusains,  se  préparèrent  à  la  révolte. 
L'état  de  détresse  de  leurs  domina- 
teurs leur  inspirait  l'espoir  de  recou- 
vrer facilement  leur  indépendance.  Ils 
se  liguent  entre  eux,  arment  jusqu'aux 
esclaves,  forment  en  peu  de  temps 
une  armée  de  deux  cent  mille  hommes, 
s'emparent  de  Tunis,  et  après  avoir 
vaincu  les  Carthaginois  en  rase  cam- 
)agne,  dans  plusieurs  combats,  ils  les 
brcèrent  à  se  renfermer  dans  leurs 
murailles.  La  ville  se  crut  perdue  :  on 
regarda  ce  soulèvement  imprévu  com- 
me un  effet  et  comme  une  suite  de  la 
colère  des  dieux ,  qui  poursuivait  les 
coupables  jusque  dans  Carthage  in^me. 
Les  peuples,  dans  leurs  malheurs,  sont 
poussés  par  la  crainte  à  la  supersti- 
tion. Cérès  et  Proserpine  étaient  des 
divinités  inconnues  jusque-là  dans  le 


g 


pays  :  pour  réparer  l'outrage  aui  leur 
avait  été  fait  par  le  pillage  oe  leurs 
temples,  on  leur  érigea  de  magnifiques 
statues;  on  leur  donna  pour  prêtres 
les  citoyens  les  plus  distingués  de  la 
ville;  on  leur  otfrit  des  sacrifices  et 
des  victimes  selon  le  rit  grec,  et  l'on 
n'omit  rien  de  ce  qu'on  croyait  pou- 
voir rendre  ces  déesses  propices  à  la 
république.  Après  s'être  acquitté  en- 
vers les  dieux,  on  s'occupa  activement 
des  préparatifs  de  la  guerre.  Heureu- 
sement pour  les  Carthaginois,  la  nom- 
breuse armée  des  rebelles  était  sans 
chefs;  nulles  provisions,  nulles  ma- 
chines de  guerre,  point  de  discipline 
ni  de  subordination  :  chacun  voulait 
commander  ou  se  conduire  à  son  gré. 
La  division  s'étant  donc  mise  parmi  ces 
troupes,  et  la  famine  augmentant  tous 
les  jours  de  plus  en  plus  dans  leur 
camp,  ils  se  retirèrent  chacun  dans^ 
son  pays ,  et  délivrèrent  Carthage  d'une 
grande  terreur. 
Expédition  deMagon  en  Sicile; 

TBAITE  ENTBE  LES  CaBTHAGINOIS  ET 

Denys,  tyban  de  Sybacuse;  de 
395  A  383  AVANT  J.  C.  —  Cependant 
les  Carthaginois,  ayant  eu  le  temps  de 
rétablir  leurs  forces ,  font  passer  Ma- 
gon  en  Sicile ,  à  la  tête  d*une  nouvelle 
ari^iée.  Ce  général  reconquit  les  an-- 
ciennes  possessions  carthaginoises,  fit 
révolter  plusieurs  villes  soumises  à  De- 
nys, et  s'avança  jusqu'à  Agyris  (*). 
Denj's  s'y  était  porté  de  Syracuse,  et 
les  rorces  des  deux  partis  étant  balan- 
cées ,  les  Siciliens  et  les  Carthaginois 
s'accordèrent  sur  les  bases  d'un  traité 
de  paix.  Les  conditions  furent  les 
mêmes  que  celles  du  traité  conclu  en- 
tre Imilcon  et  Denys,  après  la  prise 
d'Agrjgente  et  de  'Gela,  dont  nous 
ayons  déjà  rapporté  la  substance.  Il 
n'y  eut  d  ajouté  que  ces  deux  clauses  : 
que  Magon  abandonnerait  Tauromi- 
nium  aux  Syracusains,  et  que^s  Si- 
cules,  jusqu'alors  hbres  et  indépen- 
dants, seraient  à  l'avenûr  sujets  de 
Denys. 

Ce  traité  dura  neuf  années  consécu* 
tives. 

{*)  Entre  Eiina  et  Catane,  à  ao  lieuei  en- 
viron de  Syracuse. 


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a 


L'UNIVERS. 


R^NOUV^EMENT   DE  LA   GUEBBB 

«N  Sicile;  mok*  deMagoît,  suf- 

FÈTE  ET  GÉNÉRAL  DES  CARTHAGI- 
NOIS ;  883  AVANT  l'Ère  chrétienne. 

—  Cependant  Denys  excite  à  la  défec- 
tion les  villes  soumises  aux  Carthagi- 
nois, et  les  reçoit  dans  son  alliance. 
Ceux-ci,  craignant  pour  leurs  posses- 
sions ,  envoient  de  nouveau  Magon  en 
Sicile,  à  la  tête  de  quatre-vingt  mille 
hommes.  Après  quelques  combats,  où 
les  succès  furent  nalancés,  une  bataille 
décisive  se  livra  auprès  de  Cabala.  De- 
nys y  fit  des  prodiges  de  courage  et 

I  dMiabileté,  tua  dix  mille  hommes  aux 
ennemis ,  et  fît  cinq  mille  prisonniers. 
Magon  perdit  la  vie  dans  cette  bataille, 
et  les  Carthaginois  effrayés  demandè- 
rent la  paix  a  Denys.  Celui-ci  leur  ré- 
pondit qu'il  ne  poserait  les  armes  que 
lorsque  les  Carthaginois  auraient  con- 
senti à  évacuer  la  Sicile  entière ,  et 
à  payer  les  frais  de  la  guerre. 

Expédition  de  Magon  II  en  Si- 
cile,   382   AVANT  L*ÈRE   VULGAIRE. 

—  Ces  conditions  leur  semblèrent  ex- 
trêmement dures ,  et,  pour  les  éluder, 
ils  recoururent  à  leur  adresse  accou- 
tumée. Ils  feignent  d'accepter  ce  traité 
désavantageux  et  humiliant;  mais,  sous 
prétexte  qu'ils  ne  peuvent  livrer  les 
villes  sans  l'ordre  du  gouvernement, 
ils  obtiennent  une  trêve  assez  longue 

riur  envoyer  demander  la  ratification 
Carthage.  On  y  profite  de  ce  répit 
pour  lever  et  exercer  de  nouvelles  trou- 
pes. On  leur  donne  pour  chef  Magon , 
fils  du  général  qui  avait  péri  dans  la 
dernière  bataille.  Il  était  encore  dans  la 
pemière  jeunesse  ;  mais  déjà  son  ha- 
Dileté,  son  courage,  sa  prudence,  l'a- 
Vaientf^it  distinguer.  Pendant  le  court 
espace  de  la  trêve,  ses  encourage- 
ments et  ses  leçons  établirent  la  dis- 
cipline dans  son  armée,  et  lui  inspi- 
Kèrent  une  juste  confiance  dans  ses 
forces." 

Aussitôt  après  l'expiration  de  la 
trêve ,  il  livra  contre  Denys  une  ba- 
taille, où  Leptine^  l'un  des  plus  habiles 
généraux  du  tyran,  fut  tue,  et  où  les 
Syracusains ,  à  qui  les  ennemis  ne  fai- 
saient point  de  (quartier,  laissèrent 
plus  de  quatorze  mille  morts.  Le  jeune 


Magon  se  montra  prudept  et  modéré 
dans  la  victoire.  Il  accorda  à  Den3^8 
une  paix  honorable.  Les  Carthaginois 
conservèrent  toutes  leurs  possessions 
en  Sicile,  y  acquirent  en  outre  Séli- 
nonte  et  une  partie  du  territoire  d'A- 
grigente ,  et  exigèrent  mille  talents  (*) 
pour  les  frais  de  la  guerre. 

SÉNATUS-CONSULTE  QUI  INTERDIT 

AUX  Carthaginois  d'apprendre  et 

DE  PARLER  LES  LANGUES  ÉTRANGÈ- 
RES. — Ce  fut  à  peu  près  vers  ce  temps- 
là  ,  dit-on ,  qu'un  citoyen  de  Carthage 
ayant  écrit  en  grec  à  Denys  pour  lui 
donner  avis  du  départ  de  I  armée  car- 
thaginoise ,  il  fut  défendu  par  arrêt  du 
sénat  aux  Carthaginois  d'apprendre  à 
écrire  ou  à  parier  la  langue  grecque, 
pour  les  mettre  hors  (Fétat  d'avoir 
aucun  commerce  avec  les  ennemis, 
soit  par  lettre,  soit  de  vive  voix. 
L'existence  de  ce  décret,  dont  Justin 
seul  fait  mention ,  me  semble  peu  pro- 
bable. Du  moins,  s'il  a  jamais  existé, 
il  dut  bientôt  tomber  en  désuétude. 
Les  relations  de  guerre  et  de  com- 
merce que  Carthage  avait  avec  la  Si- 
cile et  les  provinces  voisines  rendaient 
son  exécution  presque  impossible.  Nous 
savons  d'ailleurs  qu'Amilcar  Barca  et 
le  fameux  Annibal  haranguaient  leurs 
auxiliaires  dans  leur  propre  langue; 
que  ce  dernier,  suivant  Cornélius 
Népos  et  Plutarque,  cultiva  la  litté- 
rature crecque,  et  composa  dans  cette 
langue  les  mémoires  de  ses  campagnes 
et  Tinscription  du  temple  de  Junon 
Lacinia  qui  a  été  vue  et  mentionnée 
par  Polybe. 

Peste  a  Carthage  ;  nouvelle  ré- 
volte DES  Africains  et  des  Sardes; 

DE  379  A  368  AVANT  L'ÈRE  VULGAIRE. 

— Carthage  était  affaiblie  par  une  peste 
épouvantable  qui  avait  fait  de  grands 
ravages  dans  ses  murs.  Les  Africains 
et  les  Sardes  voulurent  profiter  de 
cette  occasion  pour  secouer  le  joug; 
mais  les  uns  ec  les  autres  furent 
domptés  et  forcés  de  rentrer  dans  l'o- 
béissance. 

Renouvelleîient  de  la  guerre 
ENTRE  Denys  ET  LES  Carthaginois; 

(*)  5,5oo,ooo  fr. 


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GARTHAGE. 


If 


MOBT  BB  DBNYS;  868  AYANT  L'SBB 

VULGÀiBE.  —  Vers  le  même  temps , 
Denys  veut  encore  profiter  des  em- 
barras des  Carthaginois  pour  renou* 
vêler  la  guerre.  Une  armée  de  trente 
mille  Siciliens ,  de  trois  mille  chevaux 
et  de  trois  cents  vaisseaux  prend  Séli- 
nonte,  Ëntelle  et  Éryx.  Mais  elle  est 
obligée  de  lever  le  siège  de  Lilybée.  Im 
flotte  de  Denys  est  surprise  par  celle 
des  Carthaginois  qui  lui  enlèvent  trente 
vaisseaux.  Les  deux  partis,  las  de  la 
guerre,  font  un  nouveau  traité  de 
paix.  Peu  de  temps  après,  Carthage 
se  vit  délivrée  de  son  ennemi  le  plus 
formidable.  Denys  mourut  après  trçnte* 
huit  années  de  règne ,  âgé  de  soixante- 
trois  ans.  Il  eut  pour  successeur 
Denys  son  fils  af né ,  qu'on  a  distingué 
par  le  nom  de  Denys  le  Jeune. 
Second  traité  bntbe  les  Ro- 

IIAINS  ET  LES  CARTHAGINOIS ,  L'AN 
402  DE  LA  FONDATION  DE  ROME,  352 

AVANT  J.  C.  —  Nous  avons  déjà  rap- 
porté un  premier  traité  entre  les  Ro- 
mains et  les  Carthaginois.  Il  y  en  eut 
un  second  qu'Orose  dit  avoir  été  conclu 
la  quatre  cent  deuxième  année  avant 
la  fondation  de  Rome,  et  par  consé- 
quent vers  le  temps  dont  nous  parlons. 
Ce  second  traité  contenait  à  peu  çrès 
les  mêmes  conditions  que  le  premier, 
excepté  que  les  habitants  de  Tyr  et 
d'Utique  y  étaient  nommément  com- 
pris et  joints  aux  Carthaginois. 

Guerre  des  Carthaginois  con- 
tée Denys  le  Jeune;  Timoléon 
vient  au  secours  de  3ybacuse;  db 

362  A  342  AVANT  l'ère  VULGAIRE.  — 

Après  la  mort  du  premier  Denys ,  il 
y  eut  de  grands  troubles  à  Syracuse. 
Denys,  qui,  sans  avoir  aucun  des  ta- 
lents de  son  père,  en  avait  exagérç 
tous  les  d^auts  et  tous  les  vices ,  se 
plongea  dans  la  mollesse  et  la  débauche, 
et  devint  pour  tous  un  objet  de  mépris 
^t  de  haine.  Syracuse  lui  déclara  la 
guerre  et  le  chassa  de  ses  murs.  Il  fut 
accueilli  par  les  Locriens  sur  lesquels 
il  exeri^a  pendant  six  ans  unç  horrible 
tyrannie.  Chassé  encore  de  Locres  par 
les  habitants  ligués  contre  lui,  il  re- 
vint en  Sicile,  et  rentra  par  trahison 
4ans  Syracuse  où  il  s'abandonna  sans 


nMSure  à  tous  les  mes  de  la  baine  ef 
de  la  vengeance.  Les  Syracusains  se 
révoltèrent  de  nouveau  contre  Iqi  et 
appelèrent  à  leur  secours  Icétas,  ty- 
ran de  Léontium,  qui  s'empara  qe 
toute  la  ville,  excepté  de  la  citadelle 
où  Denys  réussit  à  se  maintenir. 

La  conjoncture  de  ces  troubles  parut 
favorable  mix  Carthaginois  pour  réa- 
liser leur  désir  obstiné  de  s'emparer 
de  la  Sicile,  et  ils  envoyèrent  dans 
cette  Ile  une  nombreuse  uotte  et  une 
armée  de  soixante  mille  hommes  com- 
mandés par  Magon.  Dans  cette  extré- 
mité ,  ceux  d'entre  les  Syracusains  qui 
étaient  le  mieux  intentionnés  eurent 
recours  aux  Corinthiens,  leurs  fonda- 
teurs, qui  les  avaient  déjà  souvent  ai- 
dés dans  leurs  périls.  Ceux-ci  leur  en« 
voyèrent  Timoléon.  C'était  un  général 
habile  et  un  citoyen  vertueux,  qui  avait 
signalé  son  zèle  pour  le  bien  public  en 
affranchissant  sa  patrie  du  joug  de  la 
tyrannie ,  aux  dépens  de  sa  propre 
famille.  11  partit  avec  dix  vaisseaux 
seulement,  et,  étant  arrivé  à  Khége, 
il  éluda  par  un  heureux  stratagème  la 
viçilance  des  Cartliaginois  qui .  ayant 
été  avertis  de  son  départ  et  de  son 
dessein  par  Icétas,  voulaient  l'empê- 
cher de  passer  en  Sicile. 

Timoléon  n'avait  guère  plus  de  mille 
soldats  avec  lui;  avec  ce  faible  déta- 
chement il  marche  hardiment  au  se- 
cours de  Syracuse,  écrase  auprès  d'A- 
driana  l'armée  d 'Icétas  qui  lui  était  bien 
supérieure  en  nombre,  et,  profitant  de 
sa  victoire,  il  réussit  à  s'emparer  d'une 
partie  de  la  capitale  de  la  Sicile.  Icétas, 
effrayé  de  l'audace  et  des  succès  de 
Timoléon,  livre  le  grand  port  aux 
Carthaginois  qui  y  font  entrer  cent 
cinquante  vaisseaux,  et  débarquent 
soixante  mille  hommes  dans  la  partie 
de  la  ville  voisine  de  la  rade.  Étrange 
position  des  Syracusains,  où  ils  sem- 
fclaient  avoir  perdu  même  jusqu'à  l'es- 
pérance !  Ils  voyaient  les  Carthaginois 
maîtres  du  port,  Denys  de  la  citadelle, 
Icétas  de  l'Achradine  et  de  la  ville 
neuve.  Heureusement  Denys ,  qui  était 
sans  ressources ,  remit  à  Timoléon  la 
citadelle  avec  toutes  les  troupes,  \e$ 
armes  et  les  vivres  qui  s'y  trouvaient, 


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le 


L'UNIVERS* 


et  en  obtînt  un  sauf-conduit  pour  se 
réfugier  à  Ck)rinthe.  Il  y  eut  alors  une 
suspension  d'hostilités  entre  les  trois 
armées  qui  occupaient  Syracuse. 

La  plupart  des  auxiliaires  de  Magon 
étaient  Grecs.  Ils  se  mêlèrent  penoant 
la  trêve  avec  les  soldats  de  Timoléon. 
Ceux-cf  leur  représentaient  sans  cesse 
qu^il  était  indigne  de  leur  nom  et  de 
leur  courage  d'employer  leurs  armes  à 
la  ruine  d  une  des  plus  belles  villes 
fondées  par  les  Grecs,  pour  la  sou- 
mettre à  la  domination  barbare  des 
Carthaginois;  que  Tappui  que  ceux-ci 
prêtaient  à  Icétas  n'était  c[u'un  prétexte 
pour  déguiser  leurs  projets  ambitieux 
sur  Syracuse  et  sur  la  Sicile.  Ces  insi- 
nuations se  répandent  dans  le  camp 
des  Africains;  Magon,  d'un  caractère 
faible  et  pusillanime,  que  les  entrepri- 
ses hardies  de  Timoléon  avaient  aéjà 
frappé  de  terreur,  se  croit  au  moment 
d'être  trahi  et  abandonné  par  ses  trou- 
pes, et  la  peur  grossissant  le  péril  à 
ses  yeux,  il  rembarque  son  armée,  s'é- 
loigne du  port,  et  fait  voile  vers  Car- 
thage.  Dès  que  Magon  fut  arrivé  dans 
cette  ville,  on  lui  fit  son  procès;  mais 
il  prévint  son  supplice  par  une  mort 
volontaire ,  et  son  corps  fut  attaché  à 
une  croix  et  exposé  en  spectacle  au 
peuple.  Le  lendemain  du  départ  de 
Magon,  Timoléon  attac^ue  Syracuse  par 
trois  endroits  à  la  fois',  renverse  et 
met  en  fuite  les  troupes  d'Icétas,  et 
s'empare  de  la  ville  sans  avoir  perdu 
un  seul  de  ses  soldats. 

Nouveaux  efforts  des  Cartha- 
ginois EN  Sicile;  Ahilgar  II  et 

AnNIBAL  II  SONT  BATTUS  PAR  TlMO- 
LÉON;    340   AVANT    l'ère  VULGAIRE. 

—  Les  Carthaginois,  jaloux  de  laver 
la  honte  de  leurs  armes,  équipent  deux 
cents  vaisseaux  longs ,  mille  vaisseaux 
de  churge,  et  les  envoient  en  Sicile, 
chargés  de  soixante-dix  mille  combat- 
tants et  d'un  immense  appareil  de 
guerre.  Ils  abordèrent  à  Lilybée,  sous 
la  conduite  d'Amilcar  et  d'Annibal ,  et 
résolurent  d'aller  d'abord  attaquer  les 
Corinthiens.  Timoléon,  sans  être  ef- 
frayé de  leur  nombre,  prît  aussitôt 
le  parti  de  marcher  à  leur  rencontre  ; 
mais  à  Syracuse,  on  fut  tellement 


épouvanté  de  la  supériorité  des  forces 
ennemies,  que,  dans  sa  nombreuse 
garnison ,  Timoléon  eut  peine  à  trou- 
ver trois  mille  Syracusains  et  quatre 
mille  mercenaires  qui  osassent  le  sui- 
vre; encore,  parmi  ces  derniers,  il  y 
en  eut  mille  qui  se  laissèrent  entraîner 
par  la  crainte ,  et  qui  désertèrent  pen- 
dant la  marche.  Timoléon ,  loin  d'être 
ému  de  leur  départ,  regarda  comme 
un  avantage  que  ces  lâches  se  fussent 
déclarés  avant  le  combat.  Il  encourage 
par  son  air  et  par  ses  discours  pleins 
de  confiance  le  reste  de  sa  petite  ar- 
mée, et  la  mène  droit  à  rennemi, 
camp^  près  du  fleuve  Crimise. 
«   Attaquer  avec  cinq  mille  fantassins 
et  mille  cavaliers  seulement  une  armée 
de  soixante-dix  mille  hommes,  abon- 
damment pourvue  de  tous  les  moyens 
de  défense,  engager  le  combat  à  huit 
journées  de  Syracuse ,  sans  nul  espoir 
de  secours,  sans  aucun  moyen  de  re- 
traite ,  c'était  dans  Timoléon  un  excès 
d'audace  qui  semblait  tenir  de  la  folie  ; 
et  cependant  la  témérité  seule  pouvait 
donner  la  victoire.  Il  se  sert  habile- 
ment, pour  rendre  l'espoir  à  ses  sol- 
dats ,  du  puissant  mobile  des  présages 
et  des  augures;  il  fait  passer  dans  leurs 
âmes  l'enthousiasme  et  la  confiance 
qui  l'animent,  et  toUibe  a  l'improviste 
sur  les  Carthaginois,  au  moment  où 
ils  passent  la  rivière.  Au  même  ins- 
tant, un  ouragan  épouvantable,  ac- 
compagné d'éclairs ,  de  tonnerres ,  et 
de  gréions  énormes,  éclata  tout  à  coup 
sur  leurs  têtes  :  ce  fut  pour  les  Grecs 
un  puissant  auxiliaire;  car  l'orage,  les 
frappant  par  derrière ,  ne  les  incom- 
modait que  faiblement,  tandis  que  le 
vent,  la  grêle  et  les  éclairs  frappaient 
en  face  les  Carthaginois.  En  butte  à 
la  fureur  des  éléments,  et  vigoureuse- 
ment pressés  par  les  Grecs,  ils  ne 
peuvent  résister  et  prennent  la  fuite. 
Dès  lors  ce  n'est  plus  qu'une  déroute, 
une  horrible  confusion  :  les  chars,  les 
cavaliers,  les  fantassins,  se  précipitent 
à  la  fois  dans  la  Crimise,  et  s'embar- 
rassent mutuellement  dans  leur  fuite; 
le  fleuve,  grossi  par  l'orage,  les  en- 
gloutit dans  ses  tourbillons.  Ceux  qui 
veulent  chercher  un  refuge  sur  les 


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CARTHAfeË. 


1? 


collines  &ont  massacrés  par  les  troupes 
légères.  La  cohorte  sacrée  des  Car- 
thaginois, composée  de  deux  mille  cinq 
cents  citoyens,  les  plus  distingués  par 
leurs  richesses  et  par  leur  courage, 
combattit  jiisqu'au  dernier  soupir,  et 
se  laissa  massacrer  tout  entière  plu- 
tôt que  de  se  rendre.  Les  Carthagi- 
nois laissèrent  en  outre  dix  mille 
morts  sur  le  champ  de  bataille  :  Ti- 
raoléon  leur  Gt  qumze  mille  prison- 
niers et  s'empara  de  leur  camp,  où  il 
trouva  des  richesses  immenses,  qu'il 
abandonna  tout  entières  à  ses  soldats 
sans  en  rien  réserver  pour  lui-même. 
Conspiration  d'Hannon  contbe 

LE    SÉNAT    ET    LE   PEUPLE    DE    CAB- 

thage;  337  avant  l'èbe  chétienne. 
—  Ce  fut  probablement  vers  ce  même 
temps,  tandis  que  Carthage  était  af- 
faiblie par  les  revers  qu'elle  venait 
d'éprouver  en  Sicile,  qu'eut  lieu  la 
conspiration  d'Hannon ,  dont  le  récit 
ne  nous  a  été  transmis  que  par  le  seul 
Justin.  Hannon,  le  premier  citoyen 
de  Carthage,  dont  la  richesse  excessive 
était  formidable  pour  la  république, 
employa  ses  trésors  à  l'asservir,  et 
voulut,  en  égorgeant  le  sénat,  se  frayer 
une  route  a  la  tyrannie.  Il  choisit, 
pour  exécuter  son  crime ,  le  jour  des 
noces  de  sa  tille ,  afin  de  cacher  plus  ai- 
sément, sous  le  voile  de  la  religion, 
l'affreux  dessein  qu'il  méditait.  Il  fait 
dresser  sous  les  portiques  publics  (*) 
des  tables  pour  les  citoyens,  et,  dans 
l'intérieur  de  son  palais,  un  festin 
pour  le  sénat,  afin  de  le  faire  périr  en 
secret  et  sans  témoins  par  des  bois- 
sons empoisonnées,  et  d  envahir  plus 
aisément  l'empire  privé  de  ses  chefs. 
Instruits  de  ce  dessein  par  ses  servi- 
teurs, les  magistrats  le  déjouèrent  sans 
le  punir  :  ils  craignaient  qu'avec  un 

(*)  Ces  portiques  publics  étaient  la  double 
colonuade  qui  entourait  le  Cotlidn,  ou  le 
port  militaire  des  Carlhaginois.  Le  palais 
d'Hannon  s'élevait  dans  File  qui  occupait  le 
milieu  du  Cotliôn.  On  peut  en  voir  les  preu- 
ves dans  les  Recherches  sur  la  topographie 
de  Carthcige ,  par  M.  Dureau  de  la  Malle , 
p.  88  et  planche  III.  Paris,  Firm'ui  Didot. 
i835. 

T  Livraison.  (Cabthage.) 


homme  si  puissant  la  découverte  du 
crime  ne  fut  plus  funeste  à  l'État  que 
le  projet  de  son  exécution.  Se  bornant 
donc  à  prévenir  la  conspiration,  ils 
fixèrent  les  frais  des  noces  par  un 
décret,  qui,  s'appliquant  à  tous  les 
citoyens,  semblait  moins  désigner  le 
coupable  que  réformer  un  abus  géné- 
ral, lïannon,  entravé  par  cette  mesure, 
excite  les  esclaves  à  la  révolte,  fixei 
une  seconde  fois  le  jour  des  massacres, 
et,  voyant  encore  sa  trame  découverte, 
s'empare  d'un  château  fort  avec  vingt 
mille  esclaves  armés.  Là ,  tandis  qu'il 
appelle  à  son  secours  les  Africains  et  le 
roi  des  Maures,  il  tombe  aux  mains 
des  Carthaginois,  qui  le  font  battre  de 
verges,  lui  font  crever  les  yeux,  rom- 
pre les  bras  et  les  jambes ,  et  lui  don- 
nent la  mort  aux  yeux  du  peuple; 
enfin  son  corps  déchiré  est  mis  en 
croix.  Ses  fils  et  tous  ses  parents, 
même  étrangers  à  son 'crime,  sont  li- 
vrés au  supplice,  afin  que  de  cette  race 
odieuse  ne  survécût  personne  qui  pût 
imiter  son  exemple  ou  venger  sa 
mort. 

Fin  de  la  guebbe;  nouveau 

TBAITÉ  DE  PAIX  ENTBE  LES  SYBA- 
CUSAINS  ET  LES  CABTHAGINOIS  ;  338 

AVANT  l'èbe  chbétienne.  —  Après 
la  victoire  remportée  près  du  fleuve 
Crimise,  Timoléon,  laissant  dans  le 
pays  ennemi  les  troupes  étrangères, 
pour  achever  de  piller  et  de  ravager 
tes  terres  des  Carthaginois,  s'en  re- 
tourna à  Syracuse.  En  arrivant,  il 
bannit  de  Sicile  les  mille  soldats  qui 
l'avaient  abandonné  en  chemin,  et  il 
les  fit  sortir  de  Syracuse  avant  le 
coucher  du  soleil,  sans  en  tirer  d'au- 
tre vengeance. 

Les  Carthaginois,  aussi  prompts  à 
se  laisser  abattre  par  les  revers  qu'à 
s'enivrer  d'espérances  exagérées  au 
moindre  succès ,  demandèrent  la  paix, 
que  Timoléon  leur  accorda ,  à  condi- 
tion que  les  bornes  de  leur  territoire 
seraient  les  rives  du  fleuve  Halycus, 
qu'ils  laisseraient  à  tous  les  Siciliens 
la  liberté  d'aller  s'établir  à  Syracuse 
avec  leurs  familles  et  leurs  biens,  et 
qu'ils  ne  conserveraient  avec  les  ty- 
rans ni  alliances  ni  intelligences. 

2 


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^ 


L'UNIVERS, 


TÉs  EN  SiGiiiS;  auEBi^ES  pi;s  Caq- 

THAGINOIS  C0NTB3  AgATHOCLE,  TY- 
ÂAN    DE  SyEAGUSE;    DE   319    A  309 

AVANT  l'èbe  VUI.GAIBE.  —  -Comtue 
rhistoirc  d'Agathocle  est  intimement 
Bée.  à  l'histoire  de  Carthage ,  que  ce 
prince  osa  le  premier  porter  la  guerre 
en  Afrique,  et  qu'il  mit  Carthage  à 
deux  doigts  de  sa  ruine,  il  est  né- 
cessaire d'entier  dans  quelques  détails 
sur  la  naissance,  sur  les  commence- 
ments de  cet  homme  extraordinaire, 
et  sur  les  divers  obstacles  qu'il  e^t 
h  surmonter  pour  s'élever  à  la  tyran-  ' 
niç.  Il  naquit  à  Therma,  en  Sicile, 
d'un  potier  de  terré;  son  père  l'ex^ 
posa  lors  de  sa  naissance ,  et  l'avait 
condamné  à  périr  :  i)  fut  sauvé  par 
la  tendresse  ae  sa  mère  et  élevé  chez 
un  d«  ses  oncles,  qui  lui  donna  le 
nom  d'Agathocle.  Son  enfance  fut 
aussi  méprisable  que  son  origine  était 
basse.  Doué  d'une  rare  beauté  et  d'une 
grande  perfection  de  formes,  il  ne 
vécut  longtemps  qu'en  prostituant  sa 
pudeur  :  sitôt  qu  il  eut  franchi  l'vlge 
de  la  puberté,  l'ardeur  de  ses  passions 
se  dirigea  des  hommes  vers  les  fenir 
mes;  bientôt  en  butte  à  la  haine  de 
l'un  et  de  l'autre  sexe ,  il  se  vit  con- 
traint d'embrasser  le,  métier  de  bri- 
gand. Dans  la  suite,  s'étant  fixé  à  Sy- 
racuse, où  son  père  et  lui  avaient 
obtenu  le  droit  de  cité,  il  y  vécut  long- 
temps dédaigné  comme  un  homme  qui 
n'avait  ni  honneur  ni  fortune  à  per- 
dre; enûn,  il  servit  comme  simple 
soldat,  et  on  le  vit  toujours  prêt  à 
tout  oser ,  aussi  ardent  pour  le  désor- 
dre qu'il  l'avait  été  pour  la  débauche. 
Il  montrait  en  effet  tour  à  tour  une 
grande  audace  à  la  guerre,  une.  élo- 

guence  impétueuse  oans  les  assem- 
lées.  Aussi  fut-il  nommé  centurion , 
et  peu  de  temps  après  chiliarque ,  ou 
commandant  de  mille  hommes.  Peut- 
être  dut-if  aussi  cet  avancement  rapide 
à  l'amour  de  Damascon,  qui  était 
éperdument  épris  de  sa  beauté.  Dès 
sa  première  campagne,  il  donna  aux 
Syracusaius  des  prçuves  signalées  de 
sa  valeur  dans  une  guerre  contre  les 
habitants  d'Etoa^  Bum  la  seconde, 


contre  les  Campaniens,  il  fît  conee- 
voir  de  lui  de  si  hautes  espérances, 
qu'il  fut  nommé  général  à  la  place  de 
Damascon  qui  venait  de  mourir ,  lais- 
sant à  sa  femme  d'immenses  richesses, 
Agathocle  aussitôt  s'empressa  d'épou- 
ser la  veuve,  gui,  depuis  longtemps, 
vivait  en  adultère  avec  lui.  Ce  passage^ 
inespéré  de  la  pauvreté  à  l'opulence 
ne  satisfit  pas  encore  son  ambition ,  il 
se  fit  chef  de  pirates  et  exerça  ses  bri- 
gandages contre  sa  patrie.  Ses  com- 
plices, faits  prisonniers  et  mis  à  la 
torture,  le  sauvèrent  en  ne  l'accusant 
pas.  Deux  fois  il  tenta  d'asservir  Sy- 
racuse ,  et  deux  fois  il  fut  condamné  à 
l'exil. 

Il  s'était  réfugié  chez  les  Murgan- 
tins.  Ceux-ci,  en  haine  de  Syracuse, 
le  firent  d'abord  préteur  et  bientôt 
général.  Il  entre  en  campagne,  s'em- 
pare de  Leontium,  et  vient  assiéger 
Syracuse  sa  patrie.  Les  Syracusains 
implorent  la  protection  d'Amilcar,  gé- 
néral des  Carthaginois,  qui,  abjurant 
ses  sentiments  de  haine  nationale, 
leur  envoie  des  secours.  Syracuse  vit 
donc  à  la  fois  uu  de  ses  citoyens  l'as- 
siéger avec  toute  l'ardeur  d'un  ennemi, 
et  un  ennemi  la  défendre  avec  le  dé- 
vouement d'un  citoyen.  Comme  la  dé- 
fense était  plus  vigoureuse  que  l'atta- 
3ue ,  Agathocle  fait  supplier  Amilcar 
e  hii  servir  de  médiateur  auprès  des 
Syracusains ,  promettant  de  reconnaî- 
tre ses  bienfaits  par  ses  services. 
Amilcar,  séduit  par  cette  offre,  et  crai- 
gnant d'ailleurs  les  forces  d'Agathocle,. 
fait  alliance  avec  lui,  dans  Tespoir 
d'en  obtenir,  pour  étendre  sa  puis- 
sance à  Carthage,  Tappui  qu'il  lui  four- 
nirait contre  les  Syracusains.  Il  obtint 
donc,  pour  Agathocle ,  non-seulement 
la  paix.,  mais  aussi  la  dignité  de  pré- 
teur à  Syracuse.  Agathocle  fait  alors 
le  serment  solennel  d'être  fidèle  à  Car- 
tàa^,  et  reçoit  d'Amilc^  cinq  mille 
Africains ,  par  lesquels  il  fait  égorgev 
les  principaux  Syracusains.  Sous  pré- 
texte de  procéder  à  l'organisation  des 
pouvoirs ,  il  ^convoque  le  peuple  au 
théâtre ,  et  rassemble  d'abord  le  sénat 
dans  le  gymnase,  comme  pour  régler 
quelques  préliminaires.  Après  avoir 


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lettre.                                                                CARTHA&E  .  ' 

Héfaaxi^oK ■ Lettres  Riinques lettres  ftàjaçedaea   ■^ 


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CARTHAGE. 


1? 


j^ïîs  ces  mesures ,  il  fait  rjard'jer  les 
«oldats,  enveloppe  le  peuple,  égorgs 
le  sénat,  et  se  délivre  encore,  après 
ce^massacre ,  des  plébéiens  les  plus  ri- 
clies  et  les  audacieux. 

Il  lève  alors  des  soldats,  et  ras- 
semble une  armée  avec  laquelle  il  fond 
brusquement  sur  les  villes  voisines, 
qui  ne  s'attendaient  point  à  ces  atta- 
ques. D'accord  avec  Amilcar,  il  mal- 
traite et  persécute  même  les  alliés  de 
Carthage,  qui  envoient  des  députés 
pour  se  plaindre  aux  Carthaginois 
moins  d'Agathocle  que  d' Amilcar.  «Le 
«"prem'ier  était  un  usurpateur  et  uft 
«  tyran,  le  second  un  traître  qui ,  par 
«  un  pacte  frauduleux,  abandonnait 
«  ses  alliés  à  leur  plus  cruel  ennemi. 
«  Pour  jprix  d'un  odieux  marché,  dont 
«  le  premier  gage  avait  été  le  don 
«  de  Syracuse,  rëtemelle  ennemie  de 
«  Carthage ,  la  rivale  qui  lui  dispu- 
«  tait  la  dominatiofi  de  fa  Sicile,  il 
«  cédait  maintenant  les  villes  de  leurs 
«  alliés.  On  verrait  bientôt  les  effets 
«  de  cette  allianoe  de  deux  traîtres 
«  retomber  sur  Carthage  et  devenir 
«  aussi  funestes  à  l'Afrique  qu'ils  fa- 
«  vaient  été  à  la  Sicile.  »  Ces  plaintes 
irritèrent  le  sénat  contre  Amilcar; 
mais,  comme  la  force  était  daiis  ses 
mains,  la  délibération  fut  secrète ,  et 
les  votes,  avant  d'être  publiés ^  forent 
renfermés  dans  une. urne  qui  devait 
rester  scellée  jusqu'au  retour  d'un  au- 
tre Amilcar,  fils  de  Giscon ,  alors  en 
Sicile.  La  mort  naturelle  du  général 
accusé  remirt  inutile  l'adroite  {»récau^ 
tion  des  sénateurs  et  la  séntenee  se- 
crète par  laquelle  ils  l'avaient  condamné 
sans  l'entendre.  Ce  iugetnent,  dont  les 
dispositions  avaient  transpiré,  servit 
de  ^texte  à  Agatbocle  pour  déclarer 
la  guerre  aux  Carthaginois^  Il  livra 
é'abord,  près  d'Hvmère^  une  bataille 
contre  Amilcar,  fils  de  Gisco^  :  il  fut 
vaincu ,  |)erdit  la  plus  grande  partie  de 
son  armée ,  et  se  vit  contramt  de  se 
renfermer  dans  Syracuse.  Bientôt,  il 
leva  une  armée  plus  considérable,  et 
tenta  une  seconde  fois,  mais  sans  plus 
de  succès ,  la  fortune  des  armes. 

SiB&K  DE  SYBiiGUSE  PÂB  LES  CàB- 
TBAaiKOIS;  AûATHOGUB  JPOEME  LE 


PROJET  BE  PASSER  EN  AfBIQUE;  310 

AVÀifT  l'èbe  vulgaire.  —  Lcs  Car- 
thaginois vainqueurs  mettent  le  siège 
devant  Syracuse.  Agathocle,  alors 
pressé  par  des  forces  de  terre  et  de 
mer  supérieures  aux  siennes,  mal  pré^ 
paré  à  soutenir  un  siège ,  délaissé  par 
tous  ses  alliés  révoltés  de  sa  cruauté, 
voyant  la  Sicile  entière,  à  l'exception 
de  Syracuse,  au  pouvoir  des  Barbares, 
conçut  un  dessein  si  hardi  et  si  impos- 
sible à  prévoir,  que,  même  après 
l'exécution  et  le  succès ,  il  paraît  en- 
core presque  incroyable.  En  effet,  tan- 
dis qu'on  pensait  généralement  qu'H 
n'essayerait  pas  même  de  résister  aux 
Carthaginois,  il  laisse  dans  Syracuse 
une  garnison  suffisante^  et  passe  en 
Afrique  avec  l'élite  de  ses  troupes.  Au- 
dace vraiment  extraordinaire,  d'aHer 
attaquer  dans  leur  capitale  ceux  contre 
lesquels  il  ne  peut  défendre  la  sienne; 
d'envahir  une  terre  étrangère,  lors- 
qu'il ne  p«it  protéger  sa  patrie,  et  d'o- 
ser, vaincu,  insulter  a  ses  vainqueurs* 
Il  avait  cakulé  que  les  citoyens  de 
Carthage,  amollis  par  une  lon^  paix, 
ne  pourraient  résister  à  ses  vieux  sol^ 
dats,  habitués  à  tous  les  travaux,  à 
tous  les  périte  de  la  guerre;  que  les 
Africains,  fetigués  depuis  longtemps 
du  joujg  oppresseur  des  Carthaeinon» 
sainraient  avec  joie  l'ôecasion  de  s'en 
délivrer  ;  qu'en  un  mot,  par  cette  di- 
version  hardie,  il  arracherait  l'ennemi 
du  coeur  de  la  l^dle  ^  et  transporterait 
ht  guerre  en  Afrique.  Le  profond  se^ 
cret  qu'il  garda  n^est  pas  moins  sur* 
prenant  que  l'entreprise  même.  Il  se 
borna  à  déclarer  au  peuple  qu'il  avait 
trouvé  la  route  de  la  victoire;  qu'il  ne 
leur,  demandait  que  le  courage  de  soui* 
tenir  le  siège  pendant  quelques  jours; 
qu'enfin,  ceux  qu'effrayait  l'état  pré- 
sent des  choses  étaient  libres  de  se 
retirer.  Seize  cents  citoyens  seulement 
quittèrent  la  ville  ;  il  fournit  aux  autr^ 
rargent  et  les  vivres  nécessaires  à  sa 
défense,  et  ^'emporta  que  cinquante 
talents  (*)  pour  les  besoins  présents, 
aimant  mieux  prendre  le  surplus  à  ses 
ennemis  qu'à  ses  alliés.  H  affranchit 

(*)  375,000  fr. 


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iù 


L'tfNlVERS. 


tous  les  esclaves  en  état  de  porter  les 
armes,  reçoit  leur  serment,  les  em- 
barque et  les  incorpore  dans  ses  trou- 
pes ,  persuadé  qu'en  confondant  ainsi 
ces  hommes  de  différentes  conditions:, 
il  établirait  entre  tous  une  émulation 
de  courage.  Le  reste  fut  laissé  pour  la 
défense  de  la  patrie. 

AeATHOGLE  TBOMPE  LÀ  VIGILANCE 
DES  GaBTHÂGINOIS,  ET  DEBARQUE 
BN  ÂFBiqUE    AVEC   SON  AEMÉE;  309 

AVANT  l'ebe  vulcjAire,  —  Tout  était 
prêt  pour  le  départ  ;  soixante  vaisseaux 
étaient  armés,  portant  le  roi  et  ses 
deux  fils,  Archagatlie  et  Héraclide; 
mais  le  port  était  blogué  par  une 
flotte  ennemie  bien  supérieure  en  nom- 
bre. Tout  à  coup ,  un  grand  convoi  de 
vaisseaux  chargés  de  blé  se  dirige  vers 
Svracuse;  les  Carthaginois  lèvent  le 
blocus,  et  courent,  avec  toutes  leurs 
voiles,  pour  s'en  emparer.  Agathocle 
saisit  Fmstant  propice,  débouche  du 
port  et  gagne  la  pleine  mer  :  la  flotte 
punique  alors  se  retourne  vers  lui ,  et 
abandonne  les  vaisseaux  de  charge, 
qui  entrent  dans  la  ville,  désormais  à 
1  abri  de  la  disette  et  de  la  famine. 
Agathocle,  au  moment  d'être  atteint 

Ear  les  Carthaginois,  est  sauvé,  d'a- 
ord  par  la  nuit,  le  lendemain  par  une 
éclipse  totale  de  soleil  c[ui  leur  dérobe 
sa  marclie.  .Enfin,  après  six  jours  et 
six  nuits  d'une  poursuite  continue,  il 
arrive  aux  côtes  d'Afrique  presque  en 
même  temps  que  les  ennemis,  et  opère 
son  débarquement  à  la  vue  de  la  flotte 
punique,  qui  arrive  pour  en  être  té- 
moin, mafis  trop  tard  pour  s'y  op- 
poser. Agathocle  fait  tirer  ses  vais- 
seaux à  sec  près  des  carrières  où  il 
était  abordé  (*),  et  les  entoure  d'un 
retranchement. 

Agathoglb  bévele  ses  pboiets 
A  ses  soldats.  —  C'est  alors  que , 
pour  la  première  fois,  Agathocle  ré- 
vèle à  ses  soldats  le  dessein  qu'il  avait 
conçu.  Il  leur  rappelle  l'état  de  Syra- 

(*)  Lapidicinas  AaTop.îaç.  Ces  carrières 
dont  parle  Strabon  (liv.  xvix,  p.  834),  sont 
situées  sur  le  côté  oriental  du  golfe  de  Tunis, 
au  sud  du  cap  Bon,  a  un  endroit  appelé 
Louaria^  Fancienne  Aquilaria. 


cuse,  dont  l'unique  ressource  est  dé- 
sormais de  faire  souffrir  à  l'ennemi 
ce  qu'elle  souffre  aujourd'hui.  «  La 
«  guerre ,  leur  dit-il ,  ne  se  fait  pas 
«  au  dedans  comme  au  dehors  :  au  de- 
«  dans,  c'est  à  la  patrie  seule  qu'il  faut 
«  emprunter  toutes  ses  ressources , 
«  tandis  qu'au  dehors  on  peut  vaincre 
«  l'ennemi  par  ses  propres  forces ,  et 
«ses  alliés  rebelles,  qui,  las  d'une 
«longue  servitude,  accueillent  avec 
«  ioie  des  libérateurs  étrangers.  D'ail- 
«  leurs,  les  villes,  les  châteaux  de  l'A- 
«  frique,  ne  sont  ni  entourés  de  reui- 
«  parts,  ni  construits  sur  des  monta- 
u  gnes,  mais  situés  dans  la  plaine,  et 
«  ouverts  de  tous  côtés  :  la  crainte  de 
«  leur  destruction  entraînera  facile- 
«ment  les  places  dans  notre  parti. 
«  L'Afrique  elle-même  va  devenir  pour 
«  Carthage  une  ennemie  plus  redouta- 
«  ble  que  la  Sicile.  Tout  va  s'unir  con- 
«  tre  une  ville  qui  n'a  guère  pour  appui 
«  que  son  nom ,  et  nous  tirerons  ainsi 
«  de  cette  terre  ennemie  les  forces  qui 
«nous  manquent.  De  plus,  l'épou- 
«  vante  soudaine  qu'inspirera  tant 
«d'audace  contribuera  puissamment 
«  à  la  victoire.  L'incendie  des  villages, 
«  le  pillage  des  villes  et  des  places  qui 
«  oseront  se  défendre,  le  siège  de  Car- 
«thage  elle-même,  montreront  aux 
«  ennemis  que  leur  pays  n'est  pas  à 
«  l'abri  du  fléau  delà  guertre  qu'ils  ont 
«  jusqu'ici  toujours  porté  chez  les  au- 
«  très.  La  victoire  sur  les  Carthagi- 
«  nois  sera  la  délivrance  de  la  Sicile. 
«Poursuivront-ils  le  siège  de  Syra- 
«  cuse,  quand  ils  verront  leur  patrie 
«  assiégée  ?  Ainsi  la  guerre  la  plus 
«  facile  vous  offre  la  plus  riche  proie  ; 
«  car  la  Sicile  et  l'Afrique  entière  se- 
«  ront  le  prix  deMa  conquête  ^e  Car- 
«  thage.  La  gloire  d'une  si  belle' entre- 
«prise,  perpétuée  d'âge  en  âge, 
«  triomphera  du  temps  et  de  l'oubli. 
«  On  dira  de  vous  que,  seuls  entre  tous 
«  les  hommes ,  vous  avez  porté  chez 
«l'ennemi  une  ^erre  que  vous  ne 
«pouviez  soutenir  chez  vous;  que 
«  seuls,  après  une  défaite,  vous  avez 
«  poursuivi  vos  vainqueurs  et  assiégé 
«ceux  qui  assiégeaient  votre  patrie. 
«Entreprenez  donc,   pleins  a'espé- 


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CARTHAGE. 


31 


«rance  et  de  joie,  une  guerre  où  la 
«victoire   vous   promet  d'immenàes 
«  richesses,  et  la  aéfaite  même  un  glo- 
a  rieux  tombeau.  » 
Agathogle  bàssube  ses  soldats 

EFf  BAYES  PAB  L'eCLIPSE  ET  MET  LE 
FEU   A   SES  VAISSEAUX.  —  ToUS   ICS 

soldats,  enivrés  d*espérance,  applau- 
dirent à  ce  discours;  cependant,  lors-  ' 
que  la  première  impression  fut  calmée, 
le  souvenir  de  Téclipse  qui  avait  en 
lieu  pendant  leur  voyage ,  agita  de  vives 
terreurs  leurs  âmes  superstitieuses. 
Agathocle  les  rassura  en  leur  faisant 
entendre  que  ces  variations  dans  le 
cours  naturel  des  astres  marquaient 
toujours  un  changement  dans  l'état 
présent;  que  Téclipse,  loin  d*étre  un 
funeste  aueure,  présageait  indubita- 
blement la  nn  de  leurs  revers  et  le  dé- 
clin de  la  prospérité  de  Gartha^e. 

Alors,  vovant  ses  soldats  bien  dis- 
posés, il  exécuta  une  entreprise  aussi 
nardie  et  plus  périlleuse  peut-être  que 
sa  diversion  même  en  Anrique;  ce  fut 
de  brûler  entièrement  la  flotte  qui  l'y 
avait  amené.  Plusieurs  motifs  puis- 
sants le  déterminèrent  à  prendre  un 
parti  si  extrême.  Il  n'avait  pas  de  port 
en  Afrique  où  il  pût  mettre  ses  vais- 
seaux en  sûreté.  Les  Carthaginois,  maî- 
tres de  la  mer,  s'empareraient  facile- 
ment de  sa  flotte,  si  elle  n'était  défendue 
que  par  une  faible  garnison  ;  s'il  laissait 
assez  de  troupes  pour  la  protéger,  il 
affaiblissait  trop  son  armée  active; 
enfin,  par  la  destruction  de  ses  vais- 
seaux, il  enlevait  à  ses  soldats  tout 
espoir  de  retraite ,  et  les  mettait  dans 
la  nécessité  de  vaincre  en  ne  leur  lais- 
sant d'autre  ressource  que  la  victoire. 

Après  avoir  fait  approuver  son  projet 
par  tous  ses  officiers  qui  lui  étaient  dé- 
voués, Agathocle  ofn*e  un  sacrifice  à 
Cérès  et  a  Proserpine,  et  convoque 
l'assemblée  des  soldats.  Alors,  vêtu 
d'habits  de  fête,  le  front  ceint  d'une 
couronne  :  «  Lorsque  nous  partîmes 
«de  Syracuse,  dit -il,  au  moment 
«  d'être  atteints  par  l'ennemi,  j'invo- 
«  quai  Proserpine  et  Cérès,  divinités 
«  protectrices  de  îa  Sicile,  et  je  leur 
«  promis ,  si  elles  nous  sauvaient  dans 
«  ce  péril  extrême,  de  brûler  en  leur 
«  honneur  tous  nos  vaisseaux,  dès  que 


«  nous  serions  arrivés  en  Afrigue. 
«  Aidez-moi ,  soldats ,  à  m'acquitter 
«  de  mon  vœu  ;  les  déesses  sauront 
«  bien  nous  dédommager  de  ce  sacri- 
«  fice.  Déjà  même  les  victimes  que  je 
«  viens  deieur  immoler  nous  promec- 
«  tent  un  glorieux  succès.  »  Aussitôt 
il  prend  en  main  la  torche  sacrée  ;  il 
en  fait  distribuer  à  chacun  des  capi- 
taines ;  il  met  le  feu  à  son  propre  vais- 
seau; chefs  et  soldats  imitent  son 
exemple,  et,  en  un  instant,  aux  ap- 
plaudissements et  aux  cris  de  joie  de 
toute  l'armée,  la  flotte  entière  n'est 
plus  qu'un  vaste  monceau  de  cendres. 

Les  soldats  n'avaient  pas  eu  le  temps 
de  réfléchir.  Séduits  par  la  ruse  habile 
d' Agathocle,  une  ardeur  aveugle  et 
impétueuse  les  avait  tous  entraînés. 
Mais  lorsque  leur  enthousiasme  se  fut 
refroidi,  lorsque ,  mesurant  dans  leur 
esprit  cette  vaste  étendue  de  mer  qui 
les  séparait  de  leur  patrie ,  ils  se  virent 
en  pays  ennemi  sans  aucun  moyen 
d'en  sortir,  une  noire  tristesse  et  un 
morne  désespoir  s'emparèrent  de  tous 
les  cœurs. 

Agathocle,  sans  laisser  à  ce  décou- 
ragement le  temps  de  se  propager,  se 
hâte  de  conduire  son  armée  vers  une 
ville  du  domaine  de  Carthage ,  appelée 
Mégalopolis.  Le  pays  qu'ils  eurent  à 
traverser  était  orné  de  jardins ,  de  vi- 
gnes ,  d'oliviers  et  de  plantations  de 
toutes  les  espèces  d'arbres  fruitiers, 
entrecoupé  de  ruisseaux  et  de  canaux 
d'eau  vive  qui  arrosaient  abondamment 
toutes  les  cultures.  On  trouvait  à  cha- 

gue  pas  des  maisons  de  campagne, 
âties  avec  une  recherche  et  une  ma- 
gnificence qui  attestaient  l'opulence  de 
leurs  propriétaires.  Les  champs  étaient 
couverts  d'immenses  troupeaux  de 
bœufs  et  de  brebis,  et  les  prairies 
nourrissaient  un  grand  nombre  de  su- 
perbes cavales.  En  un  mot ,  cette  belle 
contrée,  où  les  plus  nobles  et  les  plus 
riches  Carthaginois  avaient  choisi  leur 
demeure,  of&ait  partout  des  preuves 
de  leur  goût  pour  la  vie  champêtre, 
de  leur  amour  pour  les  arts,  et  de 
leur  habileté  dans  l'agriculture.  L'as- 
pect de  ce  beau  pays  ranime  le  courage 
abattu  des  soldats,  et  les  entodne  à 
braver  tous  les  périls  pour  s'emparer 


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32 


L*UNIVERS. 


d'une  si  riche  proie.  Agathocle  proOte 
de  leur  ardeur  et  les  mèn^  à  Tattaque 
de  Mégalopolis  qui  i  assaillie  à  Timpro-r 
viste,  et  n'ayant  pour  défenseurs  quQ 
des  habitants  sans  expérience  dans  U 
guerre,  est  emportée  d*assaut.  Aga- 
thocle en  abandonne  le  pillage  à  ses 
soldats.  L'abondance  règne  (Jans  le 
camp;  la  confiance  augmente,  et  aussi- 
tôt ils  s'emparent  d'une  ville  que  Dio- 
dore  appelle  Leuco-Tunès  (*),  et  qu'il 
place  à  deux  mille  stades  de  Carthage. 

DÉFAITE  d'HANNON  ET  DE  BOMIL- 

CAR  PAU  Agathocle;  309  avant 
l'èbe  vulgaire.  —  Cependant  les 
Carthaginois,  instruits  par  les  habi- 
tants des  campagnes  du  débarquement 
d'Agathocle  en  Afrique,  conçurent  de 
grandes  alarmes.  Ils  crurenti  d'abord 
que  leur  armée  et  leur  flotte  de  Sicile 
avaient  été  entièrement  anéanties.  Com- 
ment concevoir,  en  effet,  qu'Agatho- 
cle,  à  moins  d'être  vainqueur,  eût  osé 
laisser  Syracuse  sans  défense ,  et  qu'il 
se  fût  hasardé  à  traverser  la  mer,  si 
les  vaisseaux  carthaginois  en  eussent 
encore  été  les  maîtres.?  Le  trouble  et 
là  terreur  se  répandent  dans  la  ville  ; 
le  peuple  court  en  désordre  au  forum. 
Le  sénat  s'assemble  à  la  hâte  et  tu- 
multuairement.  On  délibère  sur  les 
moyens  de  sauver  la  république.  On 
n'avait  pas  sous  la  maîn  de  troupes  ré- 
gulières gu'on  pût  obposer  à  l'ennemi, 
et  rimmmencé  du  danger  ne  permet- 
tait pas  d'attendre  celles  qu'on  pourrait 
lever  dans  les  campagnes  et  chez  lei^ 
alliés.  Les  uns  voulaient  qu'on  deman- 
dât la  paix  à  Agathocle ,  les  autres  qu'on 
attendît  des  informations  plus  précisesr. 
L'arrivée  du  commandantde  la  flotte  flt 
connaître  le  véritable  état  des  choses. 
Il  fut  résolu  enûn  d'armer  les  citoyens. 
Le  nombre  des  troupes  monta  à  qua- 
rante mille  hommes  d'infanterie,  mille 
ehevaux  et  deux  mille  chariots  armés 
en  guerre.  On  nomma  pour  généraux 
de  cette  armée  Hannon  et  Bomilcar 
qui  étaient  divisés  par  des  inimitiés 
héréditaires.  Mais  le  sénat  voyait  dans 
h  haine  mutuelle  de  ces  citoyens  puis- 
sants une  garantie  pour  la  république. 

O  La  posiaon  de  ««ito  vilte  Mt  ioGoniMte. 


Il  se  trompa  néanmoins  dans  ses  pré* 
visions.  Bomilcar  depuis  longtemps 
aspirait  à  la  tyrannie.  Jusqu'alors  il 
n'avait  ni  trouvé  l'occasion  favorable, 
ni  obtenu  lé  pouvoir  nécessaire  pour 
arriver  à  ^on  but.  Revêtu  alors  du 
commandement  de  l'armée,  il  jugea 
l'instant  propice  à  ses  desseins  et  en 
résolut  l'exécution. 

Bientôt  les  deux  généraux  carthagi- 
nois marchèrent  à  rennemi,  et  l'ayant 
atteint,  rangèrent  leur  armée  en  ba- 
taille. Les  troupes  d'Agathocle  ne  mon- 
taient qu'à  treize  ou  quatorze  mille 
hommes,  dont  plusieurs  même  n'a- 
vaient pas  d*armes  défensives.  Aga- 
thocle leur  en  fabriqua  avec  les  cou- 
vertures en  cuir  des  boucliers  de  ses 
hoplites.  Il  s'aperçut  ensuite  que  ses 
soldats  étaient  effrayés  de  la  supério- 
rité du  nombre  de  l'ennemi,  et  surtout 
de  sa  cavalerie.  L'habile  politique  em- 
ploie aussitôt  un  pieux  stratagème 
pour  relever  leur  courage.  Il  retait 
procuré  un  certain  nombre  de  chouet- 
tes j^rivées.  Il  fait  lâcher  à  la  fois  dan» 
plusieurs  parties  de  son  camp  cet 
oiseaux  consacrés  à  Minerve,  qui,  se 
posant  sur  les  drapeaux  et  sur  les 
Doucliers  des  soldats ,  semblent  leur 
promettre  au  nom  de  la  déesse  une 
victoire  assurée, 

La  bataille  s'engaae  :  les  chariots  et 
la  cavalerie  des  Carthaginois  viennent 
se  briser  contre  les  rangs  serrés  de 
l'infanterie  sicilienne.  Hannon,  à  la 
tête  de  la  cohorte  sacrée,  soutient 
longtemps  l'effort  des  Grecs,  et  les  en- 
fonce même  quelquefois;  mais  bien- 
tôt il  tombe  mort  aux  premiers  rangs, 
accablé  d'une  grêle  de  traits  et  percé 
d'innombrables  blessures.  La  mort  de 
leur  chef  intimide  les  Carthaginois  et 
redouble  la  confiance  des  soldats  d'A- 
gathocle. Bomilcar,  dont  les  forces 
étaient  encore  entières ,  aurait  pu  ré* 
tablir  le  combat;  mais  cet  ambitieux 
conspirateur,  jugeant  que  la  victoire 
d'Agathocle  et  la  défaite  des  Cartha- 
ginois étaient  pour  lui  un  moyen  sûr 
d'arriver  à  la  souveraine  puissance, 
se  retire  avec  son  corps  d'armée  sur 
une  hauteur  voisine.  Cette  lâche  déser- 
tion amène  une  déroute  générale.  La 


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CÀRTHAÔE. 


l^faorte  sacrée  soutient  seule  pendant 
linéique  temps  lëis  effotts  de  l'ennemi  ; 
mais,  entourée  de  tous  côtés ,  elle  se 
kisse  massacrer  presque  tout  entière 
sur  \e  corps  de  son  général.  Agathode, 
après  avoir  quelque  temps  poursuivi 
les  fuyards,  revient  sur  ses  pas  et 
s'empare  du  camp  des  Carthaginois. 

Les  historiens  varient  sur  la  perte 
qu'éprouvèrent  les  Carthaginois  danft 
cette  bataille.  Les  uns  la  portent  à 
mille  hommes  seulement,  le$  aUtreS 
à  six  mille,  ce  qui  nous  paraît  plus 
vraisemblable.  Après  cette  victoire, 
Agathocle  s'empare  des  villes ,  fait  un 
immense  butin,  égorge  des  milliers 
d'ennemis.  11  vient  asseoir  son  camp  à 
Tunis  pour  que  les  habitants  de  Car- 
thage  puissent  voir  du  haut  de  ieuns 
murailles  la  Jruine  de  ce  qu'ils  ont  de 
plus  cher,  le  ravage  de  leurs  Campa- 
gnes, l'incendie  de  leurs  maisons.  Mé- 
morable exemple  des  vicissitudes  de  la 
fortune,  qui,  par  un  retour  inattendu, 
élevait  les  vaincus  au  niveati  des  vain- 
queurs !  En  effet ,  les  Carthaginois  ^ 
après  avoir  iremporté  en  Sicile  sur  leis 
sj'racusains  une  victoire  signalée ,  as- 
siégeaient Syracuse ,  tandis  qu' Agatho- 
cle, vainqueur  contre  son  attente  dans 
un  combat  décisif,  entourait  les  murs 
de  Carthage  de  ses  retranchements; 
et,  chose  étonnante,  ce  général  qui, 
dans  son  propre  pays ,  avec  ses  forces 
tout  entières ,  n'avait  pu  résister  aux 
barbares,  maintenant,  sur  la  terre 
ennemie ,  avec  une  faible  portion  des 
débris  de  son  armée  vaincue,  ébranlait 
la  puissance  de  Carthage. 

Offrandes  et  sagbifigës  dès 
Carthaginois  a  Hercule  et  a  Sa- 
turne. — -  Ces  revers  réveillèrent  dans 
Carthage  les  idées  superstitieuses.  Elle 
attribua  ses  malheurs  à  sa  négligence 
envers  les  dieux.  C'était  une  coutume 
à  Carthage,  aussi  ancienne  que  la 
Ville  même ,  d'envoyer  tous  les  ans  à 
Tm  d'où  elle  tirait  son  origine,  la 
dîme  de  tous  les  revenus  de  la  répu- 
blique ,  et  d'en  faire  une  offrande  à 
Hercule,  le  patron  et  le  protecteur  des 
deux  villes.  Depuis  quelque  temps  les 
Carthaginois  avaient  diminué  la  va- 
leur des  offirandes.  Le  scrupule  les  sai- 


sit :  ils  avouèrent  puMit|iiemeiit  letir 
mauvaise  foi  et  leur  sactiiéçe  avarice., 
et  pour  expier  leur  faute ,  ils  envoyè- 
rent à  l'Hercule  tyrien  une  grande 
somme  d'argent  et  un  nombre  conài*- 
liérable  de  rfchiRs  présents. 

Leur  SUperstitioh  barbare  imagina 
aussi  qtie  Saturne^  irrité  coàtre  eux, 
leur  envoyait  ces  revers  pour  lés  punir 
d'avoir  n^ligé  l'observation  exacte  des 
l^rati^ues  dé  son  culte.  Anciennement 
on  Ihimolait  à  Saturne  les  ehfants  des 
meilleures  maillons  de  Carthage.  Ils  se 
Teprochèrerit  d'avoir  usé  de  fraude  et 
de  mauvaise  foi  envçrs  le  dieu  en  of- 
frant, à  la  place  des  enfants  de  leui* 
noblesse  4  d'autres  enfants  de  pauvres 
ou  d'esclaves  qu'on  achetait  dans  cette 
vue.  Pour  expier  cette  transgression 
sacrilège,  ils  immolèrent  à  leur  dieu 
i^gainaire  deiix  cents  enfents  choisis 
dans  les  plus  illustres  familles  de  la 
ville,  et  plus  de  trois  cents  personnes 
qui  se  sentaient  coupables  de  cette 
n^audë  impie  s'offrirent  elles-mêmes 
en  sacrifice  pour  éteindre  par  leur  san^ 
la  colère  de  Saturne. 

Progrès  d'Agathoûlé  en  Afri- 
que; llÉFEGTtON  DES  SUIEtS  ET  DES 

ALLIÉS  DE  CARlHAëE.  —  Cependant 
la  renommée  publie  dans  l'Aftique  en- 
tière que  l'armée  des  Carthaginois  est 
détruite,  qu' Agathocle  S'est  emparé 
d'un  grand  nombre  de  villes  et  met  le 
siège  devant  Carthage.  On  s'étonne 
qu'un  si  puissant  empii'e  ait  été  si 
brusquement  attaqué,  et  par  tin  en- 
nemi déjà  vaincu.  A  la  surprise  suc- 
cède insensiblement  le  mépris  pour  lés 
Carthaginois,  et  Agathocle  voit  bien- 
tôt passer  dans  son  parti ,  non-seule- 
ment les  Africains  tributaires,  mais 
ehcore  de  puissantes  cités  alliées^  en- 
traînées par  l'amour  du  changement  ; 
il  en  reçoit  pour  prix  de  sa  victoire  des 
vivres  et  de  l'argent. 

DÉFAITE  D'AmîLCAR  ÊÏ^  SlCtlB, 
ENYIRGN  309  AVANT  t'ètlE  CHRÉ- 
TIENNE. —  Dans  cette  position  cri- 
tique, les  Carthaginois  oépêchent  Un 
navire  en  Sicile  pour  instruire  Amil- 
car  de  l'état  des  choses  en  Afrique, 
et  le  presser  d'cntoyer  du  secours. 
Employant  encore  dans  cette  occa- 


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14 


L'UNIVERS. 


sion  leurs  ruses  accoutumées,  ils  font 
remettre  à  Amilcar  les  éperons  de 
vaisseaux  grecs  Qu'ils  avaient  eu  soin 
de  recueillir  après  l'incendie  de  la  flotte 
d'Agathocle.  Le  général  carthaginois 
prescrit  aux  envoyés  le  plus  profond 
silence  sur  les  victoires  des  Siciliens , 
répand  le  bruit  qu'Agathocle  a  été 
complètement  battu,  que  sa  flotte  est 
au  pouvoir  des  Carthaginois ,  et  pour 
preuve  de  son  assertion ,  il  montre  les 
éperons  des  vaisseaux  qu'on  lui  avait 
expédiés.  Cette  nouvelle  s'accréditait 
dans  la  ville  ;  le  grand  nombre  son- 
geait déjà  à  se  rendre  et  à  capituler  ; 
le  commandant  même  de  la  {>]ace, 
Antandros ,  frère  d'Agathode ,  qui  était 
loin  d'avoir  son  courage  et  son  éner- 
gie, parlait  déjà  de  traiter  avec  Ten- 
nemi,  lorsqu'un  esquif  à  trente  rames 
qu'Agathocle  avait  tait  construire  à  la 
hâte  arriva  dans  le  port,  et  parvint, 
non  sans  peine  et  sans  danger,  jus- 
qu'aux assiégés.  Les  S^racusains,  que 
la  curiosité  taisait  courir  en  foule  vers 
le  port,  avaient  négligé  sur  quelques 
points  la  garde  des  murailles.  Amilcar 
profite  de  l'occasion,  et  fait  attaquer 
brusquement  cette  partie  des  remparts 
par  une  troupe  d'élite. 

Mais  la  nouvelle  des  victoires  d'Asa- 
thocle  s'était  répandue  dans  la  ville, 
et  avait  rendu  la  confiance  et  le  cou- 
rage à  tous  les  habitants.  Pleins  d'une 
ardeur  invincible,  ils  se  précipitent 
sur  les  assaillants,  et  les  repoussent 
après  en  avoir  fait  un  grand  carnage. 
Découragé  par  cet  échec,  Amilcar 
leva  le  siège  de  Syracuse,  et  envoya 
cinq  mille  nommes  au  secours  de  sa 
patrie. 

Conquêtes  d'Agathoclb  dans  là 
Byzagene;  stratagème  de  ce 
pbinge;  309  AVANT  J.  C.  —  Pendant 
que  ces  événements  se  passaient  en 
Sicile,  Agathocle,  maître  de  la  cam- 
pagne, tourna  ses  armes  contre  les 
villes  maritimes  soumises  aux  Cartha- 
ginois. Il  laisse  dans  son  camp  re- 
tranché à  Tunis,  une  armée  suffisante, 
marche  contre  Néapolis,  prend  la  ville 
d'assaut,  et  traite  les  vaincus  avec  in- 
dulgence. De  là  il  va  mettre  le  siège 
devant  Adrumète,  et  attire  dans  son 


alliance  un  chef  africain  ^  appelé  Élyma. 
Profitant  du  départ  d'Agathocle ,  les 
Carthaginois  dirigent  toutes  leurs  for- 
ces contre  Tunis,  s'emparent  du  camp 
retranché,  approchent  de  la  ville  les 
machines  de  guerre,  et  redoublent  l'ac- 
,tivité  de  leurs  attaques ,  pour  s'en  em- 
parer avant  le  retour  du  prince  sicilien. 
Agathocle,  averti  de  la  prise  de  son 
camp  et  du  danser  qui  menace  Tunis, 
laisse  devant  Adrumète  la  plus  grande 
partie  de  son  armée,  et,  ne  prenant 
avec  lui  que  sa  garde  et  quelques  fai- 
bles détachements,  jl  gravit  en  silence 
une  montagne  d'où  il  pouvait  être 
aperçu  et  par  les  habitants  d' Adru- 
mète et  par  les  Carthaginois  qui  assié- 
geaient Tunis.  Là  il  invente  un  strata- 
gème qui  jette  à  la  fois  la  terreur  chez 
tous  ses  ennemis.  Pendant  la  nuit,  il 
fait  allumer  de  grands  feux  qui  cou- 
vrent un  vaste  espace  de  terrain.  Les 
Carthaginois  occupés  au  siège  de  Tu- 
nis, croyant  qu'il  marchait  au  secours 
de  la  place  avec  une  nombreuse  armée, 
s'enfuient  dans  leurs  murs  en  aban- 
donnant leurs  machines.  Les  habitants 
d' Adrumète,  persuadés  que  les  assié- 

feants  reçoivent  un  renfort  considèra- 
le,  sont  frappés -de  crainte  et  se  ren- 
dent à  discrétion.  D' Adrumète,  il  se 
dirige  vers  Thapsus,  qu'il  emporte  d'as- 
saut ;  et  après  s^être  rendu  maître ,  tant 
par  la  force  que  par  la  persuasion ,  de 
près  de  deux  cents  villes,  il  entreprend 
une  expédition  dans  l'intérieur  de  l'A- 
frique. 

A  peine  s'est-il  éloigné  de  quelques 
journées  de  marche  que  les  Carthagi- 
nois lèvent  de  nouvelles  troupes,  les 
joignent  à  celles  qu'ils  ont  reçues  de 
Sicile,  et  mettent,  pour  la  deuxième 
fois,  le  siège  devant  Tunis.  Agathocle, 
instruit  par  un  courrier  de  cette  atta- 
que imprévue,  revient  de  suite  sur  ses 
pas,  place  son  camp  à  deux  cents  stades 
de  l'ennemi,  et,  pour  cacher  son  arri- 
vée, il  défend  à  ses  soldats  d'allumer 
des  feux.  Il  se  met  en  marcbe  pendant 
la  nuit;  au  point  du  jour,  il  surprend 
les  Carthaginois  hors  de  leur  camp, 
dispersés  dans  la  campagne,  et  fourra- 
geant sans  ordre  et  sans  discipline.  Il 
tombe  sur  eux  comme  la  foudre,  en 


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CARTHAGE. 


n 


tue  deux  mille  et  fait  uâ  grand  nombre 
de  prisonniers.  Ce  nouveau  succès  ré- 
t2d)iit  la  supériorité  d'Agathocle ,  Qu'on 
croyait  alors  inférieur  aux  Cartnagi- 
nois,  depuis  que  ceux-ci  avaient  reçu 
des  rentorts  de  Sicile  et  des  secours 
de  leurs  alliés  d'Afrique. 
Nouvelle  entbepbise  d' Amilcar 

CONTEE  SyEACUSE  ;  DÉFAITE  ET  MOBT 
DE  CE  GÉNÉBAL;    308  AVANT   L'eRE 

VULGAIRE.  —  Pendant  que  ces  événe- 
ments se  passaient  en  Afrique ,  Amil- 
car, qui,  à  la  tête  d'une  flotxe  et  d'une 
srm&e  très-nombreuse,  avait  soumis  la 
Sicile  presque  tout  entière,  résolut  de 
tenter  un  nouvel  effort  contre  Syra- 
cuse. Il  se  porte  du  côté  du  temple  de 
Jupitex*  olympien',  et  prend  la  résolu- 
tion de  donner  brusquement  l'assaut  à 
la  ville;  car  les  devins  lui  avaient  pré- 
dit qu'il  y  sonnerait  le  lendemain. 

Les  assièges,  devinant  l'intention 
de  l'ennemi ,  avaient  placé  sur  les  hau- 
teurs d'Euryèle  trois  mille  fantassins 
et  quatre  cents  cavaliers.  Les  Cartha- 
ginois ignoraient  ces  dispositions  et 
croyaient  surprendre  l'ennemi.  La  nuit 
était  sombre  et  pluvieuse.  Amilcar 
marchait  en  avant  à  la  tête  de  sa  garde , 
suivi  de  sa  cavalerie  et  de  deux  corps 
d'infanterie,  composés  d'Africains  et 
de  Grecs  auxiliaires.  Attirée  pan  Tes- 
poir  du  pillase ,  une  foule  immense 
d'esclaves  et  de  valets  désarmés,  sans 
ordre  et  sans  discipline  ,^^  s'était  mêlée 
dans  les  rangs.  Cette  multitude  turbu- 
lente se  pressait,  s'entassait  confusé- 
ment dans  les  chemins  étroits  et  embar- 
rassés qui  conduisaient  aux  remparts. 
Bientôt  des  rixes ,  des  querelles  ^  suivies 
de  cris  discordants,  s'élèvent  parmi 
ces  masses  avides  de  pillage,  qui  se 
heurtaient 'pour  arriver  aux  premiers 
rangs.  Leur  désordre  gagne  les  trou- 
pes régulières,  et  l'éveil  est  donné  à 
l'ennemi.  Alors  les  Syracusains,  qui 
s'étaient  postés  sur  l'Euryèle,  fondent 
brusquement  sur  les  Carthaginois,  les 
accablent  d'une  grêle  de  traits,  et,  les 
attaquant  de  plusieurs  côtés  à  la  fois , 
leur  coupent  la  retraite.  Les  Cartha- 
ginois, assaillis  à  Timproviste  au  mi- 
lieu des  ténèbres,  ignorant  la  conflgu- 
ration  du  terrain  et  les  forces  de 


Tennemi,  86  troid>lent/ hésitent,  et 
finissent  par  prendre  la  fuite.  Les  uns 
tombent  dans  des  précipices,  les  au- 
tres sont  écrasés  par  leur  propre  cava- 
lerie; d'autres,  par  une  méprise  ordi- 
naire dans  ces  rencontres  nocturnes, 
se  combattent  entre  eux.  Amilcar, 
avec  sa  garde ,  soutint  d'abord  coura- 

feusement  l'effort  de  l'ennemi;  mais 
ientôt,  abandonné  par  ses  soldats, 
transis  de  trouble  et  d'effroi ,  il  est  pris 
vivant  par  les  Syracusains. 

Ce  fut  encore  un  des  événements  les 
plus  inattendus  que  présenta  cette 
guerre  si  féconde  en  changements  de 
fortune.  Agathocle ,  le  plus  habile  gé- 
néral de  son  siècle,  à  la  tête  d'une 
puissante  armée ,  avait  été  vaincu ,  près 
d'Hymère,  par  les  Carthaginois,  et  y 
avait  perdu  l'élite  de  ses  troupes;  A 
maintenant  un  petit  nombre  de  Syra- 
cusains vaincus,  restés  pour  la  défen^ 
de  leurs  murailles,  venaient  de  dé- 
truire la  nombreuse  armée  punique 
qui  les  assiégeait,  et  de  prendre  vivant 
Amilcar,  le  plus  illustre  des  généraux 
de  Carthage.  Trois  mille  hommes  dé- 
terminés ,  n'ayant  pour  eux  que  l'avan- 
tage de  leur  position. et  l'imprévu  de 
leur  attaque,  avaient  suffi  pour  mettre 
en  déroute  une  armée  de  plus  de  cent^ 
vingt  mille  combattants. 

Les  Carthaginois,  dispersés  de  tous 
côtés,  ne  se  réunirent  qu'avec  peine, 
et  se  virent  désormais  hors  d'état  de 
rien  entreprendre. 

Les  Syracusains  rentrèrent  dans  la 
ville  chargés  de  riches  dépouilles. 
Après  avoir  fait  souffrir  à  Amilcar 
toutes  sortes  de  supplices ,  ils  le  firent 
périr  d'une  mort  ignominieuse,  et  en- 
voyèrent sa  tête  à  Agathocle.  Ce  gé- 
néral s'approcha  aussitôt  du  camp  des 
Africains ,  et  y  jeta  le  sanglant  trophée 
qu'il  venait  de  recevoir,  pour  leur  ap- 
prendre dans  quel  état  étaient  leurs 
affaires  de  Sicile. 

SÉDITION  DANS  l' ARMÉE  d' AGA- 
THOCLE ;    DÉFECTION    d'une   PARTIE 

DE  SES  TROUPES.  —  Lcs  Carthaginois 
étaient  consternés.  Agathocle,  que  la 
victoire  avait  couronne  dans  toutes  ses 
entreprises  depuis  son  débarquement, 
voyant  qu'en  Sicile  et  en  Afrique  l'en- 


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UUNIVBRS. 


tiemi  né  t)Àuvàlt')^tl9  réilstèr  à  séft 
firmes,  s6  croyait  au  bout  de  ses  tra^ 
vaux  6t  8e  livrait  mx  plus  ambitieusel 
espérauces,  lorsmie,  du  seiu  de  sa 
propre  armée,  s'éleva  subitement  une 
tempête  qui  menaça  d'engloutir  à  la 
fois  sa  vie  et  sa  fortune.  Lyciscus ,  l'un 
de  ses  plus  braves  lieutenants,  au  mi* 
lieu  d'un  repas  où  il  était  échauffé  par 
le  vin,  avait  lancé  des  traits  mordants 
contre  Agathocle  et  contre  son  fils 
Archagate.  Dans  son  ivresse,  il  s'était 
même  emporté  jusqu'à  reprocher  à  ce 
dernier  une  liaison  incestueuse  avec  sa 
bdlle^mère.  Archagate,  bouillant  de 
colère,  saisit  un  javelot,  et  frappe 
Lyciscus  d'uh  coup  mortel.  La  tnort 
de  cet  officier  fut  le  «ignal  d'une  ré- 
volte générale*  Chefs  et  soldats  se  ras^ 
semblent  eu  tumulte  autour  de  la  tente 
du  prince;  tous  demandent  à  grands 
cris  qu'on  livre  le  meurtrier  a  leur 
vengeance.  Si  Agathocle  persiste  à  voa» 
loir  le  sauver,  il  tombera  lui-même 
sous  leurs  coups.  En  même  temps,  ils 
exigent  insolemment  le  payement  de 
leur  solde  arriérée;  ils  nomment  des 
généraux  pour  les  commander,  s'em- 
parent de  Tunis,  et  placent  des  gardes 
sur  tous  les  points  des  remparts  de 
cette  ville.  A  la  nouvelle  de  cette  ré- 
volte ,  les  Carthaginois  conçoivent  l'es*' 
pérance  d'attirer  les  séditieux  dans  leur 
parti.  Ils  font  proposer  aux  soldats 
une  pave  plus  forte,  et  aux  officiers  de 
magnifiques  présents.  Plusieurs  de  ces 
derniers  se  laissent  corrompre,  et  s'en- 
gagent à  passer  avec  leurs  troupes  dans 
le  camp  africain. 

Dans  cette  extrémité  Agathocle,  re- 
doutant la  mort  ignominieuse  qu'il 
aurait  à  subir  s'il'  était  livré  à  ren- 
nemi,  trouve  dans  l'énergie  de  son 
désespoir  le  moyen  de  ramener  ses 
soldats.  Il  auitte  la  pourpre ,  se  cou- 
vre d'humbles  vêtements  et  s'avance 
au  milieu  d'eux.  Ce  changement  inat- 
tendu les  frappe;  tous  lont  silence, 
Agathocle  prend  alors  la  parole.  Après 
leur  avoir  rappelé  tous  les  succès  qu'il 
doit  à  leur  courage,  il  leur  déclare 
qu'il  est  prêt  à  mourir  si  sa  mort  peut 
être  utile  à  ses  compagnons  d'armes  ; 
que  jamais  la  crainte  ou  le  désir  de 


sa  vie  ilë  TôBt  fâit  souâerirè 
une  action  indigne  de  sa  gloire ,  et 
pour  leur  en  donner  la  preuve,  il  tire 
sonépée  et  menace  de  s'en  frappera 
ieurs  yeux.  On  court  vers  kii  ;  on  s'enk- 
presse  d'arrêter  son  bras.  Toutes  les 
voix  proclament  son  innocence  et  l'in^ 
vitent  à  ireprendre  les  insignes  dé  la 
royauté.  Il  cède  à  leurs  instances  réi^ 
térées;  il  leur  exprime  sa  reconnaisç- 
sance  en  versant  des  larmes  de  joie  et 
de  tendresse  ;  tous  les  cœurs  sont  émus^ 
et  les  applaudissements  unanimes  de 
l'assemblée  célèbrent  le  rétablissement 
complet  du  pouvoir  de  leur  général  et 
de  leur  roi. 
Nouvelles  i)ÉFAii:Es  des   Cab« 

THAGINOtS  PÀB  AGATHOCLE  ;  8UP-r 
PLICE  DES  TRANSFUGES  ;  308  AVANT 

l'èbe  GHBÉTiENNE.  —  Cependant  Aga- 
thocle, qui  ne  n^ligeait  aucun  moyen 
d'affaiblir  la  puissmice  de  Carthage, 
envoya  des  députés  à  Ophellas,  roi  de 
la  Cyrénaïque ,  pour  l'attirer  dans  son 
alliance.  Ce  prince,  qui  avait  été  l'un  des 
lieutenants  d'Alexandre  (*) ,  et  avait 
épousé  une  descehdante  du  fameux  Mil- 
tiade ,  nourrissait  l'espoir  ambitieux  de 
soumettre  l'Afrique  a  sa  domination4 
Agathocle  lui  fait  représenter  que  Car- 
thage  estle  seul  obstacle  à  l'agrandisse^ 
ment  de  leur  puissance ,  que  le  motif  de 
son  invasion  en  Afrique  a  été ,  nob  l'am- 
bition  de  conquérir,  mais  la  m^essitë 
de  se  défendre,  et  qu'après  la  destruc- 
tion de  l'ennemi  commun ,  il  lui  aban- 
donnerait TAfrique,  et  se  contenterait 
de  régner  sur  là  Sitile  entière.  Ophel- 
las se  laisse  séduire  par  ces  Offres  bril- 
lantes, et  vient  joindre  Agathocle  ave<i 
une  armée  composée  de  dix  mille 
hoplites  grecs,  et  d'un  pareil  nombre  dt 
troupes  irrégulières.  Agathocle  l'act 
cueille  d'abord  avec  la  plus  grande 
bienveillance,  le  comble  de  caresses  « 
lui  prodigue  des  flatteries,  l'invité 
souvent  à  sa  table,  et  lui  fait  même 
adopter  un  de  ses  fils.  Mais  ce  prince 
n'avait  jamais  reculé  devant  un  crime 

(*)  Ophellas  avait  d'abord  conquis  et  gou- 
verné la  Cyrénaïque  au  nom  de  Ptolémée- 
Lagus ,  et  avait  fini  par  se  rendre  indépen- 
dant. 


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CAKTHAOE, 


utile  à  ses  intérêts  et  â  sa  puissance. 
Par  une  perfidie  sans  exemple  ^  il  dé<- 
bauche  une  partie  des  troupes  d'0<- 
phellas,  le  fait  périr  au  milieu  de  son 
camp,  et  s'attache  son  armée  tout 
entière  par  des  présenti  et  de  magni- 
fiques promesses. 

CONJORÂTIOlKr  BE  BoMILCAB;  SUPf 
PLIGH  DE  CE  GÉnÉBAL;  807  AVANT 

l'èbb  chbbtisn^.  -v-  Jamais  4  depuis 
le  commencement  de  la  guerre,  Car- 
thage  ne  s'était  trouvée  ilans  un  si 

frand  péril.  Aux  «nnemis  étrangers 
ont  les  forces  venaient  d'être  doublées 
par  la  réunion  de  l'armée  d'Opbellas, 
se  joignait  un  ennemi  domestique,  non 
moins  dangereux  et  non  nloins  redol^ 
table.  Bomilcar,  qui  depuis  longtemps 
aspirait  à  la  tyrannie,  jugea  le  mo*- 
ment  favorable  pOur  exécuter  son  proi- 
.jet.  Il  éloigna  de  Garthage  sous  différ 
rents  prétextes  la  plus  grande  partie 
de  la  noblesse  qui  aurait  été  un  obstacle 
à  ses  desseins.  Bien  tôt,,  ayant  fait  des 
levées  dans  le  faubourg  nommé  la 
\Nouvelle  ville,  qui  est  un  peu  en  de- 
hors de  l'ancienne  Garthage ,  il  licen- 
cia tous  ceux  qu'il  croyait  attachés 
au  gouvernement.  Il  rassembla  quatre 
mille  mercenaires  et  cinq  cents  de  ses 
concitopns,  complices  de  ses  projets, 
et  se  lit  déférer  par  eux  le  pouvoir 
despotique.  Il  divise  sa  troupe  en  cinq 
corps  et  entre  dans  la  ville,  massa- 
crant tous  ceux  qu'il  rencontre  dans 
les  rues.  Une  terreur  Incroyable  se 
répand  dans  Garthage.  Tous  fuient, 
persuadés  que  la  ville  a  été  livrée  à  l'eh- 
nemi,  qu'Agathocle  a  pénétré  dans  son 
enceinte.  jMais  sitôt  que  la  vérité  est 
connue,  les  jeunes  citoyens  courent 
aux  armes,  forment  leurs  rangs  et 
marchent  contre  le  tyisun.  Geui-ci, 
après  avoir  tué  tous  ceux  qu'A  ren- 
contre sur  sa  route,  pénétre  dans  le 
forum.  Alors  les  Gartnaginois,  ayant 
occupé  les  maisons  très -hautes  qui 
bordent  cette  place  publique ,  font  pleu- 
voir une  grêle  de  traits  sur  les  conju- 
rés qui,  dans  cette  position,  se  trou- 
vaient à  découvert  de  tous  les  cotés. 
Geux-ci ,  trop  maltraités ,  serrent  leurs 
rangs,  et,  à  travers  les  rues  étroites, 
se  frayent  un  passage  jusqu'à  la  Noù- 


¥el]e  ville  «  ittalgré  les  pierr^^  et  le^ 
traits  qu'on  lance  sur  eux  de  tontes 
ies  maisons  situées,  sur  leur  ]iM)ute; 
jenfin  ils  occupent  sur  une  én^inence 
une  position  avantageuse  p);  mais 
tous  les  citoyens,  ayant  pris  les  ar- 
nés,  viennent  canoper  devant  les  rér 
voltés. 

L'affaire  se  termina  par  une  anuiîiSr 
itie  générale  que  Is^  foi  punique  rompit 
envers  le  seul  Bomilcar.  On  le  fit  pérhr 
idans.  les  plus  cruelle,  tortures.  Justin 
ajoute  que  Bomilcar  fut  mis  en  croi^ 
m  milieu  du  forum ,  afin  que  le  même 
lieu  où  ofi.Iui  avait  conféré  les  hon^ 
neurs  suprêmes  devînt  le  théâtre  d^ 
son  supplice  et  de  son  ignominie. 
^  DJoaore  observe ,  comme  une  sin- 
gularité remarquable ,  que  les  Cartha- 
|;inois  ignorèrent  entièrement  les  pro- 
jets d'Agathocle  contre  Ophellas ,  et 
qu'à  spn  tour  Agathocle  n'eut  aucun^î 
connaissance  de  la  conjuration  de  Bo- 
milcar. S'il  en  eût  été  autrement,  ofe 
bienles.Carthaginois  se  seraient  ligués 
avec  Ophellas  pour  chasser  Agathocle 
de  l'Afrique ,  ou  bien  ce  général  aurait 
profité  de  la  guerre  civile  allumée 
dans  les  murs  de  Garthage,  pour  s'em- 
parer de  cette  ville. 

Phise  b'Utiqiîe  et  d'HippozabiI- 
Tus;  Agathocle  pa^se  en  Sicile; 
307  avant  l'ère  yulgaibs.  —  Ce- 
pendant Agathocle  porie  ses  armes 
dans  les  provinces  situées  à  Foccident 
de  Cartilage.  Il  s'empare ,  après  une 
vive  résistance,  dIJtiquç  et  d'Hippo- 
zaritus ,  qui  avaient  essayé  de  se  sous- 
traire à  sa  domination.  Dans  le  bi;\t 
de  prévenir  désormais  de  nareîlles  ten- 
tatives ,  il  inflige  à  ces  aeux  cités  un 
châtiment  exemplaire  :  il  en  abandonne 
le  pillage  à  ses  soldats ,  et  fait  passer 
au  fil  de  l'épée  la  phis  grande  partie  de 
leurs  habitants. 

Après  cette  sanglante  exécution ,  il 
soumit  à  son  pouvoir  la  plus  grande  par- 
tie des  villes  maritimes  et  les  peuples  de 
Tintérieur,  exceptéles  Numides,  dont  les 

(*)  Cette  position  est  probablement  le 
Djebel'khawi  près  du  cap  Qamart.  Voyez 
la  Topographie  de  Carthage,  par  M,  Bu- 
reau de  la  Malle,  p.  73  et  planche  IL 


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M 


L'UNIVERS- 


uns  entrèrent  dans  son  alliance ,  les  au- 
tres restèrent  neutres  en  attendant  l'is- 
sue de  la  guerre.  C'est  alors  que,  se 
voyant  supérieur  aux  Carthaginois,  tant 

Sar  ses  propres  forces,  que  par  reten- 
ue de  ses  alliances  et  que,  jugeant  sa 
domination  solidement  établie  en  Afri- 
que, il  se  résolut  à  passer  en  Sicile ,  où 
le  mauvais  état  des  affaires  semblait^ 
exiger  sa  présence.  Il  n'emmena  que 
deux  mille  soldats ,  et  laissa  le  com- 
mandement du  reste  de  l'armée  à  son 
fils  Archagate. 
État  des  affàibes  bn  Afrique 

sous  LE  COMMANDEMENT  D'ABGHA- 
GATE ,  306  AVANT  L'ÈBE  GHBÉTIENNE. 

-—  La  fortune  sembla  d'abord  favoriser 
les  armes  du  nouveau  général.  Il  fit, 
yai  ses  lieutenants,  quelques  expédi- 
tions heureuses  dans  la  partie  méri- 
dionale derAfirique,  et  subjugua  même, 
dit  Diodore ,  quelques  tribus  de  peu- 
ples nègres. 

N^  Cependant  le  sénat  de  Carthage,  se 
relevant  de  l'abattement  où  l'avaient 
jeté  les  succès  d'Agathocle,  résolut 
de  tenter  un  dernier  effort,  et  mit  sur 
pied  trois  corps  d'armée,  composés 
chacun  de  dix  mille  hommes ,  qui,  sous 
le  commandement  d'Adherbal ,  d'Han- 
non  et  d'Imilcon ,  devaient  agir,  l'un 
sur  les  côtes  de  la  mer ,  l'autre  dans 
les  provinces  de  l'intérieur ,  le  troi- 
sième sur  les  frontières  méridionales. 
Ils  espéraient,  par  ce  plan  de  campa- 
gne, contraindre  l'ennemi  à  diviser 
ses  forces,  délivrer  la  ville  du  blocus 
qui  gênait  l'importation  des  vivres, 
et  enfin,  raffermir  la  fidélité  chance- 
lante de  leurs  alliés ,  qui ,  voyant  de 
nouveau  les  armées  puniques  en  cam- 
pagne ,  pourraient  compter  sur  un  se- 
cours efficace. 

Ce  plan ,  bien  conçu ,  obtint  le  ré- 
sultat qu'on  en  avait  espéré.  Plusieurs 
des  alliés  de  Carthage,  que  la  crainte 
seule  avait  forcés  de  se  réunir  aux 
Grecs ,  s'en  détachèrent  et  renouèrent 
avec  la  réi)ublique  leurs  anciennes  liai- 
sons d'amitié.  D'un  autre  côté ,  Archa- 
gate, voyant  les  troupes  carthaginoi- 
ses répandues  dans  toute  l' Afrique, 
partagea  lui-même  son  armée  en  trois 
corps.  £sdu:ion,  à  la  tête  d'une  de  ces 
divisions ,  était  chargé  de  défendre  les 


Ï provinces  de  l'Intérieur.  Hannon ,  qui 
ui  était  opposé  ,  lui  dressa  une  em- 
buscade ,  ouïe  général  syracusain  périt 
avec  quatre  mille  fantassins ,  et  deux 
cents  cavaliers. 

Imilcon,  chargé  des  opérations  de 
la  guerre  sur  les  frontières  méridipna- 
les,  s'était  emparé  d'une  place  forte 
sur  la  route  ^ue  devait  tenir  £uma- 
chus.  Celui-ci  ayant  présenté  la  ba- 
taille, le  rusé  Carthaginois  laissa  dans 
la  ville  une  partie  de  son  armée  avec 
l'ordre  de  fondre  sur  l'ennemi  au 
moment  où  il  feindrait  lui-même  de 
prendre  la  fuite.  Au  même  instant,  il 
sort  de  la  ville  avec  la  moitié  de  ses 
troupes,  s'avance  sous  les  retranche- 
ments de  l'ennemi,  engage  I»  combat, 
et  s'enfuit  aussitôt  comme  frappé  d'une 
terreur  soudaine.  Les  soldats  d'Ëu- 
machus ,  croyant  la  victoire  décidée , 
rompent  leurs  rangs  et  s'abandonnent 
en  désordre  à  la  poursuite  des  fuyards. 
Tout  à  coup,  la  portion  de  l'armée 
carthaginoise  qui  était  restée  dans  la 
ville,  tombe  sur  eux,  rangée  en  bon 
ordre  et  poussant  de  grands  cris  :  les 
Grecs ,  surpris  par  cette  attaque  im- 
prévue, s'arrêtent,  frappés  de  terreur, 
et  s'enfuient  presque  sans  résistance. 
Mais  l'ennemi  leur  avait  coupé  la  re- 
traite du  côté  de  leur  camp  ;  Ëuma- 
chus  fut  contraint  de  se  réfugier  avec 
ses  soldats  sur  une  éminence  voisine, 

Sosition  assez  forte,  mais  entièrement 
épourvue  d'eau  :  les  Carthaginois  les 
y  poursuivent,  entourent  la  colline 
d'un  retranchement,  et  l'armée  grec- 
que périt  tout  entière,  soit  par  la  soif, 
soit  par  le  fer  de  l'ennemi.  De  huit 
mille  huit  cents  hommes  dont  elle 
était  composée,  il  ne  se  sauva,  dit  Dio- 
dore, que  trente  fantassins  et  quarante 
cavaliers. 

Archagate,  consterné  par  ces  revers 
inattendus,  se  retire  à  Tunis,  réunit 
autour  de  lui  tout  ce  qui  lui  restait  de 
trouj[)es ,  et  envoya  en  Sicile  porter  à 
son  père  la  nouvelle  de  ces  désastres , 
et  le  supplier  de  venir  aussitôt  à  son 
secours.  Déjà  il  était  abandonné  de 

Sresque  tous  ses  alliés  ;  il  était  bloqué 
ans  Tunis  par  les  trois  généraux  car- 
thaginois, et,  la  mer  étant  au  pouvoir 
de  rennemi ,  son  armée  abattue  et  dé- 


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'i'.^'' 


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CARTHAGE. 


» 


couragée  était  en  proie  à  toutes  les 
horreurs  de  la  disette. 
Agathogle  bepasse  en  Afrique 

PQUE  SECOUEIE  SON  FILS  ABGHAOA- 

the.  -^  Agathocle,  après  avoir  obtenu 
d'abord  quelques  succès  en  Sicile,  avait 
vu  la  {)lus  grande  partie  de  Fîle  se 
soustraire  à  sa  domination.  Néanmoins 
les  nouvelles  qu'il  reçut  d'Afrique  lui 
parurent  si  désastreuses,  qu'il  résolut 
de  s'embarquer  sur-le-champ  pour 
aller  au  secours  de  son  armée.  Il 
trompe,  par  un  nouveau  stratagème, 
la  vigilance  des  Carthaginois  qui  blo- 
quaient le  port  de  Syracuse ,  en  sort 
avec  dix-sept  galères,,  met  en  fuite  la 
flotte  supérieure  en  nombre  qui  le 
poursuivait ,  et  débarque  en  Afrique. 
Là,  retrouvant  ses  soldats  épuisés  par 
la  disette  et  abattus  par  le  désespoir, 
il  relève  leur  courage  par  ses  exhorta- 
tions, leur  démontre  qu'une  victoire 
décisive  peut  seule  les  sauver,  et  les 
mène  contre  l'ennemi.  Il  lui  restait 
encore  en  infanterie  six  mille  hommes 
de  troupes  grecques,  un  pareil  nombre 
de  mercenaires  étrusques,*  celtes  et 
samnites,  et  dix  mille  Africains,  sur 
la  fidélité  desquels  il  ne  pouvait  pas 
entièrement  compter.  Il  avait  encore 
quinze  cents  hommes  de  cavalerie  grec- 
que, et  six  mille  chars  de  guerre  mon- 
tés par  des  Africains.  Les  généraux 
carthaginois,  quoiqu'ils  eussent  l'a- 
vantage du  nombre  et  de  la  position, 
ne  voulaient  pas  s'exposer  aux  hasards 
d'une  bataille  contre  un  ennemi  au 
désespoir  ;  persuadés  qu'en  traînant  la 
euerre  en  longueur,  et  en  continuant 
a  lui  couper  les  vivres,  ils  le  force- 
raient à  se  rendre.  Agathocle,  ne  [)0u- 
vant  attirer  l'ennemi  dans  la  plaine, 
prend  le  parti  d'attaquer  les  hauteurs 
sur  lesquelles  étaient  retranchés  les 
Carthagmois.  La  détresse  où  il  se 
trouvait  justifiait  à  ses  yeux  la  témé- 
rité de  l'entreprise.  L'armée  punique 
sort  de  son  camp  rangée  en  bataille; 
Agathocle,  mal^é  tous  les  désavanta- 
ges de  sa  position,  résiste  longteiiips 
aux  efforts  des  Carthaginois.  Enfin, 
les  mercenaires  et  les  Africains  ayant 
été  enfoncés,  il  est  contraint  de  se 
retirer  dans,  son  camp*  Les  Cartha- 


§inois,  dans  la  poursuite,  eurent  soin 
'épargner   les   Africains   auxiliaires 

qu'ils  espéraient  engager  h  la  défec- 
tion; ils  s'acharnèrent  à  massacrer  les 
Siciliens  et  les  mercenaires,  dont  trois 
mille  environ  restèrent  sur  la  place. 

Incendie  du  camp  des  Cartha- 
ginois; TEEREUR  PANIQUE  DANS  LES 
DEUX  ARMÉES.  —  Pendant  la  nuit  qui 
suivit  la  bataille,  un  événement  inat- 
tendu porta  la  terreur  et  le  désordre 
dans  les  deux  armées.  Tandis  que  les 
Carthaginois,  en  réjouissance  de  leur 
victoire,  immolaient  aux  dieux  l'élite 
de  leurs  prisonniers ,  le  feu  de  l'autel 
embrasa  la  tente  du  sacrifice.  Favorisé 
par  un  vent  impétueux,  l'incendie 
consuma  en  un  instant  le  camp  tout 
entier,  qui  n'était  qu'un  assemblage  de 
cabanes  grossièrement  formées  de 
paille  et  de  roseaux.  Les  rapides  pro- 
grès du  feu  rendent  tout  secours  inu- 
tile. Les  uns ,  surpris  par  les  flammes 
dans  les  rues  étroites  du  camp  où  ils 
s'étaient  entassés,  y  trouvent  le  même 
supplice  que  leur  impiété  barbare  vient 
d'infliger  à  leurs  prisonniers  ;  les  au- 
tres ,  qui ,  en  tumulte  et  en  désordre , 
s'étaient  jetés  hors  des  retranche- 
ments ,  y  trouvent  une  nouvelle  cause 
de  trouble  et  d'épouvante.  Cinq  mille 
Africains  de  l'armée  d' Agathocle  dé- 
sertaient en  ce  moment  ses  drapeaux, 
et  se  rendaient  au  camp  des  Carthagi- 
nois. Ceux-ci,  les  ayant  aperçus  de 
loin,  supposent  que  l'armée  des'Orecs 
vient  tout  entière  les  attaquer.  Une 
terreur  incroyable  se  répand  dans  l'ar- 
mée; tous  prennent  la  fuite  :  les  uns, 
aveuglés  par  la  crainte,  se  jettent  dans 
des  précipices  ;  les  autres ,'  dans  l'obs- 
curité de  la  nuit,  croyant  combattre 
l'ennemi,  tournent  leurs  armes  contre 
leurs  camarades,  et  s'égorgent  entre 
eux.  Cinq  mille  hommes  périrent  dans 
ce  tumulte;  le  reste  s'enfuit  précipi- 
tamment vers  Carthage,  dont  les  ha- 
bitants, trompés  par  cette  fuite  désor- 
donnée, crurent  que  leur  armée  avait 
été  complètement  défaite. 

Cependant,  les  déserteurs  africains, 
à  l'aspect  de  l'incendie  du  camp  dos 
Carthaginois  et  du  désordre  qu'y  avait 
jeté  leur  approche,  n'avaient  ose  pour- 


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L'UNIVER8. 


iiuivre  leui*  marcbe,  et  étalent  retour- 
nés sur  leurs  pas.  A  leur  retour,  la 
TOême  terreur  panique  qui  venait  d'ê- 
tre si  fatale  aux  troupes  cartbagi- 
«oises,  se  répandit  tout  à  coup  dans 
le  camp  d'Agathocle.  Les  Gi*ec8  s'ima- 
-ginèrent  aussi  que  Vaxmée  ennemie 
tout  entière  venait  les  attaquer;  le 
itumùlte  et  l'épouvante  causés  par  cette 
-erreur  produisirent  sur  eux  les  mêmes 
«ffets,  et  coûtèrent  la  vie  à  quatre 
mille  hommes. 
Agatho€le  abandonne  son  ab- 

3IBE    ET   BtEiPASSB    EN    SiGiLB  ;    FIN 
tDE    LA    GUEBBE;    306    AYANT   L'eBB 

•  'VULGAIBE.  —  Après  ce  nouveau  dé- 
-sastre,  Agathocîe*,  se  voyant  aban- 
doni^  par  tous  ses  alliés,  et  trop  faible 
désormais  pour  lutter  avec  les  Carth»> 
•ginois,  résolut  d'abandonner  l'Afri- 
que. Il  manquait  de  vaisseaux  pour 
transporter  ses  troupes;  d'ailleiirs,  la 
ïner  était  au  pouvoir  des  ennemis.  Ces 
4eux  motifs  le  décidèrent  à  s'embar^ 
quer  seul  sur  un  vaisseau  léger,  lais'>> 
sant  ses  deux  fils  et  son  armée  exposés 
è  toutes  les  chances  de  la  guerre.  A  la 
.nouvelle  de  son  départ,  les  soldats 
épouvantés,  et  se  crojjant  déjà  dans 
les  mains  d'un  ennemi  implacable,  s'é- 
criaient que,  pour  la  seconde  fois,  leur 
roi  les  abandonnait  au  milieu  des  enn&r 
mis;  que  celui  qui  leur  devait  jusqu'à 
la  sépulture^  renonçait  même  à  dé- 
fendre leur  vie.  Us  veulent  poursuivre 
ileur  roi,  mais,  arrêtés  par  les  Numi- 
•de&  de  l'armée  carthaginoise,  ils  sont 
'forcés  de  rentrer  dans  leur  camp. 
Alors,  dans  leur  désespoir,  ils^or* 
gent  les  fils  d' Agathocîe,  et  traitent 
avec  les  Carthaginois.  Les  conditions 
de  cet  accommodement  furent  que  les 
Grecs,  moyennant  trois  cents  ta^ 
lents  (^),  livreraient  aux  Carthaginois 
toutes  les  villes  dont  ils  ^ient  en 
possession;  que  ceux  qui  voudraient 
servir  dans  les  armées  puniques  y  re- 
cevraient la  paye  ordinaire  des  trour 
:pes ,  et  que  les'  autres  seraient  trans* 
portés  à  Sulonte,  en  Sicile,  où  on  leur 
donnerait  les  moyens  de  s'établir.  Les 
Gommandsoits  de  ^eiques  places,  dans 


Tespoîr  d'être  secourus  par  Agatho- 
cîe, ne  voulurent  point  souscrire  à 
cette  capitcilàtion.  Les  Carthaginois 
mirent  le  siège  devant  ces  villes,  et, 
après  s'en  être  emparés ,  ils  mirent  en 
croix  les  chefs ,  réduisirent  en  escla- 
vage les  soldats ,  et  forcèrent  à  faire 
reueurir  la  culture  dans  leurs  campa- 
gnes, ces  mêmes  mains  qui  y  avaient 
porté  le  ravage  et  la  désolati(m. 

Telle  fut  la  fin  4e  cette  guerre  mé* 
raorable,  qui  avait  duré  quatre  an- 
nées et  qui  avait  ébranlé  dans  ses  fon- 
dements la  puissance  de  Carthage. 

L'année  suivante,  un  traité  con(^ 
entre  Agafbocle  et  les  Carthaginois 
rétablit  les  possessions  des  deux  partig 
en  Sicile  dans  le  même  état  où  eUes 
étaient  avant  la  guerre.  La  république 
consentit  à  payer  pour  ce  traité  au 
prince  syracusain  trois  cents  talents 
et  deux  cent  mille  médimnes  de  blé. 

MOBT  D'AGATHOCLE  ;  NOUYELLS 
EXPEDITION  DES  CABTRAGINOIS  EN 

Sicile  ,  de  305  a  278  avant  l'bke 
VULGAIBE.  —  Les  vin^tccinq  année» 
qui  suivirent  le  dernier  traité  avec 
Agathode  furent  pri^jablement  pour 
Carthage  une  période  de  calme  et  de 
bonheur.  Le  silence  de  l'histoire  est 
presque  une  preuve  de  la  tranquillité 
uniforme  dont  jouit  alors  cette  répu- 
blique. Les  époques  stérile  pour  les 
'  historiens  sont  généralement  heureuses 
pour  les  peuples. 

Agathocîe  était  mort  en  28&  avant 
J.C,  après  Ma  règne  de  vingt-huit 
ans,  dans  la  soixante-douzième,  et 
suivant  quelques  historiens,  dans  la 
uuatre-vingt-quinzième  année  de  son 
âge.  La  démocratie  s'était  rétablie  dans 
Syracuse;  les  dissensions  intestines 
qui ,  pendant  neuf  ans  entiers ,  déchi- 
rèrent cette  malheureuse  ville,  réveil- 
lèrent diez  les  Carthaginois  l'espoir 
de  s'en  emparer.  Ite  vinrent  l'assiéger 
par  terre  et  par  mer,  avec  cent  vais^ 
$eaux  de  guerre  et  cinquante  nHlle 
hommed  de  troupes  de  débarquement. 

Tboisième  tbaite  des  Romains 

^T   DES  CABTHAGINOIS  ;   GUBBBE  EN 

Sicile  contbe  Pybbbus  ;  27S  avai^t 

l*'ÈBB  VULGAIBE.  —  DcUX  aUS  aUD»- 

rafantit,  les  Carthaginois  et  les  Ro^ 


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K 

r 

X 


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CAKTOkùt. 


il 


mains,  alarmés  da  l'ambition  de  Pyr- 
rhus, roi  d'Épire,  qui  menaçait  à  la 
fois  la  Sicile  et  Tltalie,  avaient  renou- 
velé leurs  anciens  traités ,  en  y  ajou-» 
tant  la  clause  d'une  alliance  ofiensive 
et  défensive  contre  ce  prince.  Leur 
prévoyance  n'avait  pas  été  vaine  :  Pyr^ 
rlius  tourna  ses  armes  contre  TKalie, 
et  y  remporta  plusieurs  victoires.  Leg 
Gsûrthaginois,  en  conséquence  du  der-« 
nier  traité^  se  crurent  obligés  de  se« 
courir  les  Romains,  et  leur  envoyé^ 
rent  une  flotte  de  cent  vingt  vaisseaux, 
commandés  par  Magon.  Le  sénat  ro-> 
main  témoigna  sa  reconnaissance  de 
l'empressement  de  ses  alliée,  mais 
n'accepta  pas  leurs  secours. 

Magon,  quelques  jours  après,  alla 
trouver  Pyrrhus,  sous  prétexte  de  mé- 
nager un  accommodement  entre  ce 
prmce  et  les  Romains,  mais,  en  eCfct, 
pour  le  sonder,  et  pour  pressentir  ses 
desseins  au  sujet  de  la  Sicile,  qui,  de^ 
puis  longtemps ,  l'âppdait  à  son  s&* 
cours. 

En  ^et,  les  Syracusains,  vivement 
pressés  par  les  Carthaginois ,  avaient 
envoyé  aéputés  sur  députés  à  Pyrrhus, 
pour  le  supptier  de' venir  les  délivrer. 
Ce  prince,  ayant  épousé  Lanassa,  fille 
d'Açathoclè,  regardait  en  quelque  sorte 
la  Sicile  comme  un  héritage  qui  lui 
était  dévolu.  Il  partit  donc  de  Tarente, 
passa  le  détr(»t,  et  aborda  en  Sicile^ 
Les  peuplades  grecc[ues  de  cette  île  le 
reçurent  avec  une  joie  extraordinaire^ 
et  lui  offrirent  à  l'envi  leurs  villes, 
leurs  troupes,  leur  argent  et  leurs 
vaisseaux.  Pyrrhus  avait  amené  avec 
lui  trente  mille  fantassins,  deux  mille 
cinq  cents  cavaliers.,  et  deux  cents 
vaisseaux  de  guerre.  Ses  conquêtes 
furent  d'abord  si  rapides,  qu'il  ne  resta 
dans  toute  la  Sicile  aux  Cartliaginois 
que  la  seule  ville  de  Lîlybée,  dont  il 
s'apprêtait  à  faiire  le  siège.  Alors  les 
Carthaginois  entrèrent  en  négociation 
avec  lui  :  ils  consentaient  même  à  ache- 
ter la  paix  au  prix,  d'une  flotte  et  d'une 
somme  d'argent  considérable  qu'ils 
livreraient  entre  ses,  mains.  Pyrrhus 
exigeait  cju'ils  abandonnassent  la  Sicile 
tout  entière.  Cette  condition  sembla 
%aofL  dure  aui^  Cartbapoois,  et  la  né* 


gocîatioB  fiit  rofUDue.  Dès  lors  Pyr«t 

rhus  résolut  d'employer  tous  les  moyens 
pour  s'emparer  de  Lilvhée;  mais  les 
Carthaginois,  étant  maîtres  de  la  mer, 
avaient  fait, entrer  des  vivres  et  une 
nombreuse  garnison  dans  cette  ville, 
qui,  située  sur  un  promontoire  es-* 
carpe,  de  toute  part  environnée  par 
les  eaux,  ne  se  joignait  ii  la  terre  ferme 
que  par  un  isthme  fort  étroit.  lia 
avaient  en  outre  fortif  é  avec  le  plus 
grand  soin  cette  partie,  qui  était  la 
seule  accessible.  Pyrrhus. employa  vai*» 
nement  toutes  les  machines ,  tous  les 
procédés  usités  pour  l'attaque  des  pla-> 
ce&  Après  deux  mois  de  tentatives 
inutiles ,  il  fut  obligé  de  lever  le  siège. 
Ce  prenuer  revers  fiitpour  Pyrrhus 
le  (H*âage  de  revers  plus  funestes.  Il 
avait  besoin  de'  rameurs  et  de.  sokkts 
pour  l'exécution  de  ses  pojets  ambi- 
tieux :  la  dureté  avec  laquelle  il  en 
exigea  des  villes  de  Sicile  excita  con- 
tre lui  un  mécontentement  universel* 
Les  Carthaginois,  prompts  à  saisir  une 
occasion  si  favorable  de*  recouvrer 
leurs  anciennes  possessions,  envoyè- 
rent en  Sicile  une  nouvelle  armée,  qui 
se  grossit  de  jour  en  jour  par  le  con- 
cours des  mécontents.  Alors  Pyrrhus, 
sous  prétexte  de  défendre  les  villes 
contre  les  troupes  puniques,  y  mit  des 
gariûsons  qui  lui  étaient  dévouées ,  et  • 
fit  périr,  comme-coupables  de  trahison, 
les  citoyens  les  plus  distingués,  dans 
l'espoir  au'il  lui .  serait  plus  aisé  de 
contenir  la  multitude  privée  de  la  pro- 
tection de  ses  chefs.  Ces  actes  de 
cruauté  décidèrent  isa  mine.  Dès  lors, 
il  se  vit  abandonné  par  le  petit  nombre 
de  villes  qui  jusque-  là  lui  étaient  res- 
tée<«.  fidèles  ;  la  Sicile  repassa  sous  la 
domination  de  ses  anciens  maîtres, 
et  il  perdit  cette  belle  et  riche  contrée 
avec  autant  de  rapidité  qu'il  lavait 
conquise.  Plutarque  rapporte  que  iorsr 
gu'il  se.  fiit  embajrqué  pour  retourner 
à  Tarente ,  il  s'écria,  les  yeui^  tournés 
vers  les  c6tes  de  Sicile  :  «  0  le  beau 
^  champ  de  bataille  que  nous  laissons 
•«  aux  Carthaginois  et  aux  Romains  !  » 
Cette  prédiction  fut  pleinement  justi- 
fiée par 'les  guerres  açbarQées  q^e  se 
firent  ces  deux  peuples,  et  par  les 


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M 


L'UKIVERS. 


sanglantes  défaites  qu'ils  essuyèrent 
tour  à  tour. 

HlÉl^ON,  ÉLEVÉ  A  LA  ROYAUTÉ  A 
SYBACUSE,  continue  là  GUEBBE  CON- 
TEE LES  Gabthaginois  ,  275  A  268 
AVANT  l'èbe  vulgaibe.  —  Après  le 
départ  de  Pyrrhus,  la  magistrature  su- 
prême de  Syracuse  fut  remise  aux 
mains  d'Hiéron.  Gagnées  par  l'attrait 
de  ses  vertus,  toutes  les  villes  lui  dé- 
cernèrent d'un  commun  accord  le  com- 
mandement des  troupes  contre  les 
Carthaginois.  Fils  d'Hiéroclès,  homme 
d'une  naissance  distinguée,  qui  des- 
cendait de  Gélon ,  ancien  tyran  de  la 
Sicile,  son  origine  maternelle  était 
obscure  et  honteuse.  Il  devait  le  jour 
à  une  esclave,  et  son  père  le  fit  expo- 
ser comme  l'opprobre  de  sa  maison. 
Bientôt,  sur  la  foi  de  brillants  pré- 
sages, qui  annonçaient  la  grandeur  fu- 
ture de  cet  enfant,  Hiéroclès  le  prit 
avec  lui  et  s'appliqua  à  le  rendre  di^ne 
des  destins  qui  l'attendaient.  A  peine 
sorti  de  l'adolescence ,  il  se  distingua 
dans  plusieurs  actions,  et  reçut  de 
Pyrrhus  plusieurs  récompenses  mili- 
taires. Doué  d'une  rare  beauté,  d'une 
force  plus  qu'ordinaire,  plein  de  grâce 
dans  ses  paroles,  de  justice  dans  sa 
conduite,  de  modération  dans  le  pou- 
voir, il  se  vit  déférer  d'un  consente- 
ment unanime  le  nom  et  l'autorité  de 
roi.  Il  fut  chargé  de  te  guerre  contre 
les  Carthaginois,  et  remporta  sur  eux 
de  grands  avantages.  Mais  bientôt  des 
intérêts  communs  unirent  les  Cartha- 
ginois et  les  Syracusains  contre  un 
nouvel  ennemi,  qui  menaçait  la  Sicile, 
et  qui  leur  donnait  aux  uns  et  aux  au- 
tres de  vives  et  justes  alarmes.  Il  était 
aisé  de  prévoir  que  les  Romains,  qui 
avaient  conquis  toute  l'Italie  jusqu'au 
détroit  de  Sicile,  ne  s'arrêteraient  pas 
devant  cette  faible  barrière ,  et  qu'ils 
porteraient  bientôt  leurs  armes  victo- 
rieuses dans  cette  île  riche  et  féconde, 
qui  leur  semblait  en  quelque  sorte  une 
annexe  de  l'Ijtalie.  Il  ne  leur  manquait 
pour  s'en  emparer,  qu'un  prétexte  ou 
une  occasion  favorable  :  elle  se  présenta 
bientôt,  et  fut  cause  de  la  première 
guerre  punique. 


PBEMIÈAfi  OtTERBE  jnJNIQtnS. 

Ici  les  événements  s'agrandissent, 
et  l'histoire  prend  un  caractère  plus 
imposant.  Les  deux  plus  puissanjtes 
républiques  du  monde,  alliées  depuis 
plus  de  deux  siècles  et  dont  jusqu'alors 
aucun  différend  n'avait  troublé  la 
bonne  intelligence,  vont  s'entrecho- 
quer avec  toutes  leurs  forces,  avec 
un  acharnement  sans  exemple.  Car- 
thage  avait  pour  elle  d'immenses  ri- 
chesses ,  une  marine  formidable, 
une  cavalerie  auxiliaire  excellente; 
Rome,  l'union  et  la  force  de  son  gou- 
vernement, l'austérité  de  ses  vertus 
antiques,  le  courage  et  la  discipline  de 
ses  armées  nationales,  exercées  par 
deux  cents  ans  de  victoires  contre  les 
peuplades  guerrières  de  l'Italie.  Jamais 
on  ne  vit  aux  prises  des  nations  plus 
belliqueuses,  et  jamais  ces  mêmes  na- 
tions ne  déployèrent  plus  de  force  et 
d'énergie.  En  effet ,  ce  n'était  pas  seu- 
lement une  médiocre  province,  c'était 
l'empire  du  monde  que  ces  deux 
peuples  rivaux  se  disputaient  dans  l'é- 
troite arène  de  la  Sicile. 

Causes  de  la  pbemièbe  gueesb 

PUNIQUE ,    268    AVANT   J.  C.  —  Déjà 

quelques  signes  de  refroidissement 
s'étaient  manifestés  entre  les  Romains 
et  lés  Carthaginois  pendant  la  guerre 
de  Pyrrhus  et  le  siège  de  Tarente  : 
mais  ce  furent  les  dissensions  de  Mes- 
sine qui  amenèrent  entre  les  deux 
peuples  une  rupture  déclarée.  Sous  le 
règne  d'Agathocle,  tyran  de  Sicile, 
quelques  aventuriers  campaniens  qui 
étaient  à  la  solde  de  ce  prince  s'é- 
taient ouvert  par  la  perfidie  l'entrée 
de  la  ville  de  Messine ,  avaient  égorgé 
une  partie  des  habitants,  chasse  les 
autres,  épousé  leurs  femmes,  envahi 
leurs  biens,  et  étaient  demeurés  seuls 
maîtres  de  cette  place  importante.  Ils 
avaient  pris  le  nom  de  Marner  tins  (*). 
A  leur  exemple,  et  par  leur  secours , 
une  légion  romaine,  composée  de  sol- 
dats campaniens,  et  commandée  par 
Décius  Jubellus,  citoyen  de  Capoue, 

(*)  Ce  nom  venait  du  mot  Mamers ,  qui  » 
dans  la  langue  campanienne,  signifiait  Mari. 


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CARTHAGE. 


83 


avait  traité  de  même  la  ville  de  Rhége, 
située  vis-à-vis  de  Messine,  de  l'autre 
côté  du  détroit.  Les  Mamertins ,  sou- 
tenus par  ces  dignes  alliés,  accrurent 
rapidement  leur  puissance,  et  devin- 
rent un  sujet  de  crainte  et  d'inquié- 
tude pour  les  Carthaginois  et  les  Sy- 
racusains,  qui  se  partageaient  l'empire 
de  la  Sicile.  Mais  sitôt  que  les  Ro- 
mains, délivrés  de  la  guerre  contre 
Pyrrhus,  eurent  tiré  vengeance  de  la 
perlide  légion  qui  s'était  emparée  de 
Rhége,  et  rendu  la  ville  à  ses  anciens 
habitants,  les  Mamertins,  demeurés 
seuls  et  sans  appui ,  ne  furent  plus  en 
état  de  résister  aux  forces  de  Syra- 
cuse ,  et  crurent  devoir  recourir  à  une 
protection  puissante.  Mais  la  division 
se  mit  parmi  eux  ;  les  uns  livrèrent 
la  citadelle  aux  Carthaginois,  les  au- 
tres envoyèrent  à  Rome  un  ambassa- 
deur pour  offrir  la  po^ession  de  leur 
ville  au  peuple  romam,  et  le  presser  de 
venir  à  leur  secours. 

L'affaire ,  mise  en  délibération  dans 
le  sénat,  fut  envisagée  sous  deux  points 
de  vue  opposés.  D'un  côté,  il  parais- 
sait indigne  des  vertus  romaines  de 
protéger,  en  défendant  les  Mamertins, 
des  brigands  semblables  à  ceux  qu'on 
avait  punis  si  sévèrement  à  Rhége;  de 
l'autre,  il  semblait  important  d'arrêter 
les  progrès  des  Carthaginois,  qui, 
maîtres  de  Messine,  le  seraient  bien- 
tôt de  Syracuse  et  de  la  Sicile  entière, 
et  qui,  ajoutant  cette  conquête  à  leurs 
anciennes  possessions  de  Sardaigne  et 
d'Afrique,  menaçaient  de  toutes  parts 
les  côtes  de  l'Italie.  Le  sénat  n'osa 
prendre  aucune  décision  :  il  renvoya 
l'affaire  au  peuple ,  qui ,  excité  par  les 
consuls,  résolut  de  secourir  les  Ma- 
mertins. 

Passage  du  detboit  de  Sicile, 

ET    OCCUPATION    DE    MESSINE    PAR 

LES  Romains  ,  264  avant  l'èbe 
VULGAIBE.  —  Aussitôt,  le  consul  Ap- 
pius  Claudius  se  mit  en  marche  avec 
son  armée,  et  se  rendit  à  Rhége,  où 
il  attendit  l'occasion  favorable  de  pas- 
ser le  détroit  de  Sicile.  Ce  général  au- 
dacieux ose  se  confier  à  la  mer  sur 
une  frêle  barque  de  pêcheur,  passe, 
sans  être  aperçu,  au  travers  de  la 

3*  lÂvraison.  (Carthage.) 


flotte  carthaginoise ,  et  arrive  à  Mes- 
sine. Là,  par  son  éloquence  et  de  bril- 
lantes promesses,  il  détermine  les  ha- 
bitants à  réunir  leurs  efforts  pour 
recouvrer  leur  liberté.  Les  Mamertins 
emploient  tour  à  tour  les  menaces ,  la 
ruse,  la  force,  et  parviennent  à  chas- 
ser de  la  citadelle  l'officier  qui  y  com- 
mandait au  nom  des  Carthaginois. 
Ceux-ci  font  mettre  en  croix  le  com- 
mandant dont  la  lâcheté  ou  l'impéritie 
avait  causé  la  perte  de  Messine,  et 
assiègent  cette  ville  par  terre  et  par 
mer.  En  même  temps,  Hiéron,  jugeant 
l'occasion  favorable  pour  chasser  en- 
tièrement les  Mamertins  de  la  Sicile, 
fait  alliance  avec  les  Carthaginois,  et 
part  de  Syracuse  pour  se  joindre  à 
eux. 

Le  consul  Appius  Claudius  qui,  pen- 
dant cet  intervalle,  était  retourné  à 
Rhége,  essaye  de  traverser  le  détroit 
avec  sa  flotte ,  dans  le  but  de  faire 
lever  le  siège  de  Messine.  Ce  fut  d'a- 
bord en  plein  jour  qu'il  tenta  ce  pas- 
sage dangereux;  mais  la  supériorité 
et  l'expérience  de  la  flotte  carthagi- 
noise, l'impétuosité  des  vagues  dans 
cette  mer  difficile  et  resserrée,  et  une 
violente  tempête,  qui  s'éleva  tout  à 
coup ,  furent  pour  ses  matelots  peu 
exercés  des  obstacles  invincibles.  Il 
perdit  quelques  vaisseaux,  et  ne  re- 
gagna qu'avec  beaucoup  de  peine  le 
port  de  Rhége,  d'où  il  était  sorti. 

L'âme  ferme  et  constante  du  consul 
ne  se  laissa  point  abattre  par  ce  pre- 
mier revers.  Persuadé  qu'il  ne  pour- 
rait passer  en  Sicile  tant  que  les  Car- 
thaginois occuperaient  le  détroit,  il 
eut  recours  à  un  ingénieux  stratagème. 
Il  feignit  d'abandonner  l'entreprise, 
de  retourner  à  Rome  avec  sa  flotte,  et 
fixa  publiquement  le  jour  et  l'heure 
du  cfépart.  Sur  ravis/]ui  leur  en  fut 
donné,  les  ennemis  qui  bloquaient 
Messine  du  côté  de  la  mer  s'étant 
retirés  comme  s'il  n'v  avait  plus  rien 
à  craindre ,  le  consul ,  qui  avait  soi- 
gneusement observé  la  nature  du  dé- 
troit ,  s'empressa  de  saisir  le  moment 
favorable.  Aidé  du  vent  et  de  la  ma- 
rée, profitant  de  l'absence  des  Cartha- 
ginois et  de  l'obscurité  de  la  nuit,  il 


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84 


L'UNITERS 


effectue  le  passage  et  aborde  à  Messine. 

L'accomplissement  de  cette  entre- 
prise immortalisa  le  nom  d'Ap[)ius. 
Comme  il  avait  transporté  au  milieu 
de  la  nuit,  à  travers  cette  mer  dange- 
reuse, la  plus  grande  partie  de  ses 
soldats  sur  des  radeaux  formés  de 
troncs  d'arbre  et  de  planches  grossiè- 
rement jointes,  on  lui  donna  le  surnom 
de  Caudexy  des  mots  cavdices  et  eau- 
dicarim  naves^  par  lesquels  les  Ro- 
mains désignaient  ces  sortes  d'embar- 
cations. 

Appius,  se  voyant  pressé  dans  Mes- 
sine par  des  forces  de  terre  et  de  mer 
supérieures  aux  siennes,  fit  offrir  la 
paix  aux  Carthaginois  et  aux  Syracu- 
sains,  à  condition  qu'ils  abandonne- 
raient le  siège  de  cette  ville.  Ces  pro- 
positions furent  rejetées.  Alors  le  con- 
sul, réduit  à  tenter  la  fortune  des 
armes ,  résolut  d'attaquer  séparément 
chacun  de  ses  ennemis.  Il  fondit  d'a- 
bord sur  l'armée  d'Hiéron,  qui,  après 
une  assez  vigoureuse  résistance,  fut 
vaincue  et  forcée  de  se  retirer  dans 
son  camp.  Hiéron,  déjà  mal  disposé 
envers  les  Carthaginois,  à  cause  ae  la 
négligence  qu'ils  avaient  mise  à  garder 
le  détroit,  et ,  de  plus,  prévoyant ,  d'a- 
près Pessai  (ju'il  venait  de  faire  des 
armes  romaines,  que  l'issue  de  la 
^erre  leur  serait  favorable,  s'échappa 
en  silence  au  milieu  de  la  nuit ,  et  re- 
tourna promptement  à  Syracuse. 

DÉFAITE  DES  CàKTHAGINOIS  DE- 
VANT Messine;  les  Romains  s'a- 
vancent jusqu'à  Syracuse.  —  Le 
lendemain,  Appius,  enhardi  par  la  vic- 
toire et  par  la  retraite  des  Syracusains, 
résolut  d'attaquer  les  Carthaginois 
dans  leurs  retranchements.  Ils  étaient 
campés  dans  un  lieu  que  la  nature  et 
l'art  avaient  fortifié.  D'un  côté  la  mer, 
de  l'autre  un  lïlarais  large  et  profond, 
formaient  une  péninsule  qu'ils  avaient 
fermée  d'une  muraille  sur  le  seul  point 
par  où  elle  était  accessible.  Les  Ro- 
mains tentèrent  de  forcer  cette  bar- 
rière ;  mais  la  difficulté  des  lieux ,  et  la 
résistance  opiniâtre  des  Carthaginois 
rendirent  leurs  efforts  inutiles.  Appius 
reconnut  bientôt  la  témérité  de  son 
entreprise,  et  ordonna  la  retraite. 


Alors  les  Carthaginois,  parsuadés 
que  c'était  à  leur  valeur  et  non  à  l'a- 
vantage du  terrain  qu'ils  devaient  la 
victoire ,  sortirent  de  leurs  retranche- 
ments et  poursuivirent  les  Romains. 
Tout  à  coup  la  fortune  changea  avec 
la  position  des  lieux;  il  ne  resta  à  cha« 
cun  gue  son  propre  courage.  Les  Car- 
thaginois ne  purent  soutenir  le  choc 
des  Romains.  Il  y  en  eut  un  grand 
nombre  de  tués.  Les  autres  se  réfu- 
gièrent soit  dans  les  villes  voisines, 
soit  dans  leur  camp  d'où  ils  n'osèrent 
plus  sortir  tant  qu'Appius  demeura 
dans  Messine. 

Appius,  maître  de  la  campagne,  laisse 
une  forte  garnison  dans  Messine,  porte 
le  ravage  dans  le  territoire  de  Syracuse, 
et  met  le  siège  devant  cette  ville  dans 
l'espoir  de  détacher  Hiéron  de  l'alliance 
des  Carthaginois.  La  campagne  finit 
sans  qu'il  eut  pu  réussir  dans  son  des* 
sein ,  et  il  repassa  en  Italie. 

Continuation   de  la  guerbe; 

TRAITÉ  DES  ROMAINS  AVEC  filÉRON  ; 

263  AVANT  l'Ère  vulgaire.  —  L'an- 
née suivante,  les  Romains,  ayant  à 
cœur  de  terminer  la  guerre  de  Sicile , 
y  envoyèrent  les  deux  nouveaux  con- 
suls avec  quatre  légions,  et  le  nombre 
d'auxiliaires  qui  était  attaché  à  chacun 
de  ces  corps  (*).  Avec  ces  forces  impo- 
santes, tantôt  unissant  leurs  troupes, 
tantôt  les  séparant,  les  consuls  bat* 
tirent  en  plusieurs  occasions  les  Car- 
thaginois et  les  Syracusains,  et  ré- 
pandirent partout  la  terreur  de  leurs 
armes.  Leurs  succès  furent  si  rapides 
qu'ils  se  virent  en  peu  de  temps  maî- 
tres de  soixante-sept  villes,  au  nombre 
desquelles  furent  Catane  et  Taurome- 
nium.  Alors  Hiéron  qui,  voyant  le  dé- 
couragement général  des  peuples  de  la 
Sicile,  se  défiait  de  ses  forces  et  de 
celles  de  ses  alliés ,  envoya  des  députés 
aux  consuls  pour  traiter  de  la  paix 
avec  eux.  Ceux-ci  ne  furent  pas  diffi- 
ciles sur  les  conditions.  En  détachairt 
de  l'alliance  des  Carthaginois  Hiéron , 
souverain  des  contrées  les  plus  fécon- 
des de  la  Sicile ,  ils  se  procuraient  les 

(*)  En  tout  32  mille  fantassins  et  3^oo 
cavaliers.     « 


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€ARTHÀGE. 


^ 


moyens  d'approyisionner  leur  armée, 
qui  ne  pouvait  que  très-difficilement 
recevoir  des  vivres  d'Italie ,  tant  que 
les  flottes  puniques  étaient  maîtresses 
de  la  mer.  Les  clauses  du  traité  furent 
qu'on  se  rendrait  de  part  et  d'autre 
les  prisonniers ,  qu'Hieron  serait  réta- 
bli dans  la  possession  intégrale  de  son 
royaume ,  et  qu'il  payerait  cent  talents 
pour  les  frais  de  la  guerre  (*).  Annibal, 
général  des  Carthaginois,  is'avançait 
déjà  avec  sa  flotte  pour  secourir  Ûié- 
ron  qu'il  croyait  assiégé  dans  Syracuse 
par  les  Romains  ;  mais  lorsqu'il  apprit 
la  conclusion  du  traité,  il  jugea  pru* 
dent  de  retourner  sur  ses  pas. 

TfiOISlÈME  ANNÉEDELÀ  l"  GUERBJB 
punique;    SIEGE  EX  BATAILLE  d'A- 

gbigente;  262  avant  l'èke  chbé- 
XIENNE.— Cependant  les  Carthaginois, 
voyant  les  Romains  fortifiés  de  l'al- 
liance d'Hiéron,  jugèrent  à  propos 
d'envoyer  en  Sicile  des  forces  plus  con- 
sidérables ,  tant  pour  résister  à  leurs 
ennemis  que  pour  conserver  leurs  an- 
ciennes possessions.  Ils  joignirent  à 
leurs  armées  nationales  un  grand  nom- 
bre de  mercenaires  tirés  de  la  Ligurie, 
de  la  Gaule  et  surtout  de  l'Espagne. 
Ils  choisirent  pour  leur  place  d'armes 
Agrigente  que  sa  position  naturelle  et 
ses  lortiâcations  rendaient  presoue 
imprenable,  et  y  firent  entrer  des 
vivres  et  une  nombreuse  garnison. 
Les  consuls  romains,  ayant  réuni  à 
leurs  légions  toutes  les  forces  de  leurs 
alliés,  viennent  camper  à  mille  pas 
d' Agrigente ,  et  forcent  les  Carthagi- 
nois à  se  renfermer  dans  les  murs.  Les 
moissons  étaient  alors  parvenues  à 
leur  maturité ,  et  les  soldats  romains , 
qui  ijrévoyaient  la  longueur  du  siège , 
s'étaient  imprudemment  dispersés  dans 
la  campagne  pour  ramasser  des  jgrains. 
Les  Carthagmois ,  profitant  de  leur  né- 
gligence, fondent  à  l'improviste  sur  les 
lourrageurs  et  les  mettent  aisément  en 
fuite.  De  là  ils  marchent  au  camp  des 
Romains,  et  partagés  en  deux  corps,  les 
uns  commencent  a  arracher  les  palis- 
sades ,  tandis  gue  les  autres  combattent 
les  postes  qui  couvrent  les  rctraQche- 

(*)  55o,ooo  fr. 


ments.  En  cette  occasion  çpmme  ei^ 
plusieurs  autres,  les  lois  rigoureuses 
de  la  discipline  militsâre  sauvèrent 
l'armée  romaine  d'un  désastre  qui 
paraissait  inévitable.  Ces  lois  punis- 
saient de  mort  le  soldat  qui  lâchait 
pied  dans  une  bataille  ou  qui  abandon- 
nait son  poste.  Aussi ,  quoique  infé- 
rieurs en  nombre  aux  assaillants ,  le$ 
Romains  chargés  de  la  défense  du 
camp  soutinrent  leur  daoc  avec  une 
incroyable  fermeté,  leur  tuèrent  plus 
de  monde  qu'ils  n'en  perdirent,  e^ 
donnèrent  le  temps  aux  cohortes  d^ 
s'armer  et  de  venir  à  leur  secours. 
Alors ,  les  Carthaginois ,  qui  s'étaient 
vus  au  moment  d'emporter  les  retran- 
chements, sont  envâoppés  de  toutes 
parts ,  taillés  en  pièces  ou  mis  en  dé- 
route ,  et  poursuivis  jusqu'aux  portes 
de  la  ville.  Cet  événement  rendit  à  {^ 
fois  les  Romains  plus  circonspects, 
et  les  Carthaginois  moins  entrepi:er 
uants. 

Ceux-ci  n'engageant  plus  que  rare- 
ment de  légères  escarmouches,  les 
consuls  divisèrent  leur  armée  en  deux 
corps,  dont  Tun  fut  placé  devant  le 
temple  d'EscuIape ,  l'autre  du  côté  de 
la  ville  qui  regarde  Héraclée.  Les  deux 
camps  étaient  protégés  par  une  double 
ligne  de  retranchements ,  l'une  desti- 
née à  empêcher  les  sorties  des  assié- 
gés, l'autre  à  garantir  les  derrières  du 
camp,  et  à  intercepter  les  secours  qu'on 
voudrait  introduire  dans  la  place.  Des 
postes  fortifiés  remplissaient  l'espace 
intermédiaire  entre  les  deux  corps 
d'armée. 

Le  blocus  durait  depuis  cinq  mois. 
Les  Romains  recevaient  de  leurs  alliés 
de  Sicile  des  vivres  en  abondance. 
Agrigente  au  contraire ,  où  cinquante 
nulle  hommes  se  trouvaient  entassés, 
souffrait  déjà  toutes  les  horreurs  de  la 
disette.  Annibal,  fils  de  Giscon,  qui 
commandait  dans  la  place,  envoyait 
depuis  longtemps  à  Carthage  courriers 
sur  courriers  pour  exposer  sa  détresse, 
et  demander  des  secours  en  vivres  et 
en  soldats.  Enfin  les  Carthaginois  firent 
passer  en  Sicile  le  vieil  Hannon  avec 
cinquante  mille  hommes  d'infanterie , 
six  mille  chevaux  et  sokante  éléphants. 
8. 


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86 


L'UNIVERS. 


A  peine  ce  général  était-il  débarqué  à 
Héraclée  avec  toutes  ses  forces  qu'on 
lui  livra  la  ville  d'Erbesse ,  voisine  du 
camp  latin ,  où  Ton  apportait  de  tous 
les  points  de  la  Sicile  les  vivres  desti- 
nés à  Tapprovisionnement  de  l'armée 
romaine.  Alors  les  Romains,  assié- 
geants à  la  fois  et  assiégés,  se  trou- 
vèrent réduits  à  la  même  pénurie  qu'ils 
faisaient  éprouver  à  la  garnison  d'A- 
grigente.  La  famine  fît  bientôt  de  tels 
progrès  qu'ils  furent  plusieurs  fois  sur 
le  point  de  lever  le  siège ,  et  ils  y  au- 
raient été  forcés  si  l'adresse  et  le  zèle 
d'Hiéron  n'eussent  réussi  à  leur  faire 
passer  quelques  convois  qui  soulagèrent 
un  peu  leur  détresse.  Hannon,  voyant 
les  Romains  affaiblis  par  la  famine  et 
par  les  maladies  oui  en  sont  la  suite  or- 
dinaire ,  s'approcna  de  leur  camp ,  ré- 
solu de  livrer  une  bataille  générale.  D'a- 
bord il  eut  l'adresse  d'attirer  dans  une 
embuscade  leur  cavalerie  qui  éprouva 
une  perte  considérable.  Enhardi  par 
ce  premier  succès ,  il  porta  son  camp 
sur  une  colline  à  quinze  cents  pas  de 
l'armée  romaine.  Cependant  la  bataille 
se  donna  beaucoup  plus  tard  qu'on  ne 
devait  l'attendre  de  deux  armées  si 
voisines  l'une  de  l'autre,  les  Romains 
et  les  Carthaginois  craignant  alterna- 
tivement de  confier  la  décision  de  la 
guerre  au  hasard  d'une  seule  journée. 
Ainsi,  tant  qu'Ha^inon  témoigna  de 
l'empressement*  pour  en  venir  aux 
mains,  \es  consuls  se  tinrent  renfer- 
més dans  leurs  retranchements,  ef- 
frayés de  la  multitude  et  de  la  confiance 
de  leurs  ennemis,  et  découragés  en 
outre  par  la  défaite  récente  de  leur 
cavalerie.  Mais  quand  ils  s'aperçurent 

Sue  leurs  craintes  et  leurs  délais  affai- 
lissaient  le  zèle  et  le  courage  de  leurs 
alliés,  que  les  Carthaginois  en  deve- 
naient plus  fiers  et  plus  hardis ,  et  que 
la  faim  était  un  çnnemi  encore  plus  à 
craindre  pour  eux  que  les  soldats 
d'Hannon ,  ils  se  déciclèrent  à  accepter 
la  bataille.  Alors  Hannon,  à  son  tour, 
parut  en  craindre  l'événement  et  cher- 
cher les  moyens  de  l'éviter. 

Deux  mois  se  passèrept  dans  cette 
alternative  de  confiance  et  de  crainte 
sans  aucun  événement  décisif.  Enfin , 


sollicité  par  les  vives  instances  d'Anni- 
bal  qui  lui  mandait  que  les  assiégés  ne 
pouvaient  plus  résister  à  la  famine  et 
guc  plusieurs  de  ses  soldats  passaient 
à  l'ennemi ,  Hannon  résolut  de  donner 
la  bataille  sans  plus  différer,  et  con- 
vint avec  Annibal  qu'il  ferait  en  même 
temps  une  sortie.  Les  Romains,  par 
les  pressants  motifs  que  nous  avons 
indiqués ,  n'étaient  pas  moins  disposés 
à  livrer  le  combat.  La  bataille  s'enga- 

fea  dans  une  plaine  située  entre  les 
eux  camps.  Le  succès  fut  longtemps 
balancé.  Enfin,  par  un  dernier  effort,  le 
consul  Posthumius  enfonce  les  rangs 
des  mercenaires  qui  combattaient  en 
tête  de  l'armée  carthaginoise.  Ceux-ci, 
reculant  en  désordre  sur  les  éléphants 
et  sur  les  troupes  de  la  seconde  ligne, 
portent  le  trouble  et  la  confusion  dans 
toute  l'armée.  Dès  lors  plus  de  résis- 
tance; presque  tous  tombent  sous  le 
fer;  Hannon  se  sauve  à  Héraclée  avec 
une  poignée  de  soldats.  Les  Romains 
s'emparent  du  camp  des  Carthaginois 
et  de  presque  tous  les  éléphants.  An- 
nibal ne  fut  pas  plus  heureux  dans  sa 
diversion.  Il  fit  une  sortie  contre  le 
camp  romain ,  fut  repoussé  avec  une 
grande  perte,  et  poursuivi  jusqu'aux 
portes  de  la  ville.     '■•■.-. 

Cependant  il  sut  habilement  saisir 
le  moment  favorable  pour  sauver  sa 
garnison.  Au  déclin  du  jour,  il  remar- 
qua, que  lès  Romains,  soit  par  l'ex- 
trême confiance  qui  suit  toujours  la 
victoire,  soit  à  cause  des  fatigues 
d'une  si  rude  journée ,  gardaient  leurs 
lignes  avec  plus  de  négligence  qu'à  l'or- 
dinaire. Il  sortit  en  silence  au  milieu 
de  la  nuit,  traversa  les  fossés  des  li- 
gnes romaines  sur  des  pontons  qu'il 
avait  préparés  d'avance,  et  parvint  à 
s'échapper  avec  toutes  ses  troupes  à 
l'insu  des  ennemis.  Les  Romains,  au 
point  du  jour,  s'étant  aperçus  de  son 
évasion,  se  contentèrent  de  harceler 
son  arrière-garde  et  portèrent  toutes 
leurs  forces  à  l'attaque  de  la  ville. 
Agrigente,  abandonnée  de  ses  défen- 
seurs ,  fut  prise  sans  résistance  et  li- 
vrée au  pillage  ;  vingt-cinq  mille  de  ses 
habitants  furent  vendus  comme  escla- 
ves. La  conquête  de  cette  place,  dont 


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CARTHAGE 


ei^^^^ 


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CARTHAGE. 


87 


le  siège  avait  duré  sept  mois ,  fut  éga- 
lement utile  et  glorieuse  aux  Romains  ; 
mais  elle  leur  coûta  de  grands  sacrifi- 
ces. Ils  y  perdirent  plus  de  trente  mille 
hommes ,  tant  de  leurs  soldats  que  des 
Siciliens  leurs  alliés.  Aussi  les  consuls, 
se  voyant  désormais  hors  d'état  de 
former  aucune  entreprise  importante, 
se  retirèrent  à  Messme. 

Quatrième  année  de  la  guebbb 
punique;  261  avant  l*èbe  chré- 
tienne. —  Aucun  événement  impor- 
tant n*a  signalé  la  quatrième  année  de 
la  première  guerre  punique.  Les  Car- 
thaginois ,  indignés  de  la  perte  d'A- 
grigente  et  de  la  défaite  d'Hannon , 
destituèrent  ce  général  et  le  condam- 
nèrent à  une  forte  amende.  Il  fut 
remplacé  en  Sicile  par  un  Amilcar,  qu*il 
ne  faut  cas  confondre  avec  Amilcar 
Barcà,  père  du  fameux  Annibal.  La 
flotte  punique,  envoyée  en  Italie  pour 
empécner  le  passage  des  consuls,  ne 
put  accomplir  son  dessein;  mais  en 
Sicile  elle  réussit  à  recouvrer  la  plu- 
part des  villes  maritimes  dont  les  Ro- 
mains s'étaient  emparés.  Ceux-ci ,  ce- 
pendant, depuis  la  prise  d'Agrigente 
qui  avait  répandu  dans  toute  rîle  une 
consternation  générale,  s'étaient  ren- 
dus maîtres  de  presque  toutes  les  villes 
de  l'intérieur,  que  les  Carthaginois 
étaient  hors  d'état  de  défendre.  Ainsi 
les  Romains  occupant  les  villes  éloi- 
gnées des  côtes  aussi  facilement  que 
les  Carthaginois  celles  qui  étaient  si- 
tuées le  long  de  la  mer,  et  les  deux 
peuples  conservant  leurs  conquêtes, 
il  existait  entre  leurs  forces  respecti- 
ves ,  quoique  de  nature  différente ,  un 
équilibre  qui  ne  permettait  pas  de  pré- 
sager quelle  serait  l'issue  de  la  guerre. 

Cinquième  année  de  la  guerbe 
punique  ;  construction  de  la  flot- 
te romaine,  prise  du  consul  cor- 
nélius par  les  carthaginois  ;  260 
AVANT  J.  C.  —  Cependant  les  projets 
et  les  espérances  des  Romains  s^agran- 
dissaient  avec  leurs  victoires.  La  con- 
quête de  Messine  ne  suffisait  plus  à 
leur  ambition  ;  ils  méditaient  mainte- 
nant celle  de  la  Sicile  entière.  Lassés 
d'un  état  de  choses  qui  ne  décidait 
rien ,  irrités  d'ailleurs  de  voir  l'Afri- 


que paisible  et  tranquille ,  tandis  que 
r  Italie  était  infestée  par  les  fréquentes 
incursions  des  flottes  puniques,  ils 
formèrent  l'audacieuse  et  magnanime 
résolution  de  disputer  à  leurs  ennemis 
l'empire  de  la  mer.  Ils  n'avaient  pas 
alors  un  seul  vaisseau  de  guerre ,  pas 
un  constructeur  habile,  pas  un  rameur 
expérimenté  :  une  galère  carthaginoise 
^à  cinq  rangs  de  rames,  échouée  sur  leurs 
*côtes,  leur  sert  de  modèle.  Ils  se  livrent 
avec  une  ardeur  incroyable  à  des  tra- 
vaux, à  des  exercices  entièrement  nou- 
veaux pour  eux.  Les  uns  construisent 
les  vaisseaux,  les  autres,  imitant  sur  le 
rivage  les  mouvements  des  rameurs , 
s'exercent  à  la  manœuvre.  Les  con- 
suls animent  tout  par  leur  présence  et 
parleurs  exhortations  :  à  peine  soixante 
jours  s'étaient  écoulés ,  et  Rome  avait 
a  l'ancre  une  flotte  de  cent  vingt  ga- 
lères ,  qui  semblait  sortie  par  miracle 
tout  armée  et  tout  équipée  des  forêts 
de  l'Italie. 

Le  commandement  de  l'armée  de 
terre  en  Sicile  était  échu  à  Duilius, 
celui  de  la  flotte  à  Cornélius.  Ce  der- 
nier avait  pris  les  devants  avec  dix- 
sept  vaisseaux,  le  reste  de  la  flotte 
devait  le  suivre  de  près.  Arrivé  à  Mes- 
sine ,  il  se  livra  avec  trop  d'imprudence 
à  l'espoir  qui  semblait  s'offrir  de  s'em- 
parer de  l  île  et  de  la  ville  de  Lipari. 
Les  habitants,  de  concert  avec  Annibal, 
amiral  de  la  flotte  carthaginoise,  lui 
avaient  promis  de  se  rendre.  Il  part 
avec  ses  dix-sept  navires  ;  mais  à  peine 
est-il  entré  dans  le  port,  qu'il  y  est 
bloqué  par  vingt  galères  que  comman- 
dait Boodès,  lieutenant  d' Annibal. 
Alors,  enveloppé  de  toutes  parts,  et 
ne  pouvant  résister  à  deux  ennemis  à 
la  fois ,  il  est  forcé  de  se  rendre  à  Boo- 
dès qui  le  conduit  en  triomphe  à  Car- 
thage. 

Invention  du  corbeau  ;  bataille 
navale  entre  les  romains  et  les 
Carthaginois. — Peu  de  jours  après, 
le  même  excès  de  conflance  qui  avait 
causé  la  perte  de  Cornélius  devint  fii- 
neste  à  l'amiral  carthaginois.  Il  avait 
appris  que  la  flotte  romaine  longeait  les 
côtes  de  l'Italie  pour  se  rendre  à  Mes- 
sine. Plein  de  mépris  pour  un  ennemi 


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88 


L'UNIVERS. 


sans  expérience  dans  la  navigation , 
et  dans  les  combats  maritimes,  il 
«'avança  pour  le  reconnaître  à  la  tête 
de  cinquante  galères.  Dans  sa  pré- 
somptueuse confiance ,  il  marchait  en 
désordre  et  sans  précaution,  lorsque 
tout  à  coup,  au  détour  d'un  jpromon- 
toire  d'Italie,  il  rencontra  la  flotte 
romaine  voguant  en  bon  ordre  et  toute 
prête  à  combattre.  II  fait  de  vains  ef-*, 
torts  pour  réparer  son  imprudence  et 
se  trouve  vaincu  avant  d'avoir  pu  même 
disposer  sa  ligne  de  bataille.  Il  perdit 
la  plus  grande  partie  de  ses  vaisseaut 
et  eut  bien  de  la  peine  à  se  sauver  avec 
le  peu  qui  lui  en  restait. 

La  flotte  victorieuse  ayant  a|)pris  le 
désastre  de  Cornélius,  en  donna  avis 
â  Builius  son  collègue ,  qui  commah- 
çlait  les  troupes  de  terre  en  Sicile,  et 
lui  apprit  en  même  temps  son  arrivée 
et  l'avantace  qu^elle  venait  de  rem- 
porter sur  l'ennemî.  l)uilius  laissa  le 
commandement  de  l'armée  aux  tribuns, 
et  se  mit  à  la  tête  de  la  flotte.  Arrivé 
à  la  vue  des  Carthaginois  près  des 
côtes  de  Myte  (*),  il  se  prépara  ail 
combat. 

Mais  s'apercevant  aussitôt  du  dé- 
savantage que  ses  pesants  vaisseaux ,  . 
construits  grossièrement  et  à  la  hâte, 
auraient  en  combattant  cetix  dés  Car* 
thaginois,  plus  élancés ,  plus  agiles  et 
plus  faciles  à  manier ,  il  suppléa  à  cet 
mconvénient  par  une  machine  qui  fiit 
inventée  sur-le-champ,  et  que  depuis 
on  a  appelée  Corbeau.YÀle  se  composait 
d'un  mât  planté  sur  la  proue,  auquel 
s'adaptait  un  pont-levis ,  portant  à  son 
extrémité  un  cône  de  fer  très-pesant 
et  très-aigu,  garni  de  crochets  mobi- 
les. Cette  machines'abattant  avec  force 
d'une  grande  hauteur,  le  cône,  par  sa 
forme  et  par  son  poids ,  s'enfonçait 
dans  le  pont  du  vaisseau  ennemi ,  y 
fixait  le  pont-levis  et  donnait  ainsi  aux 
soldats  romains  un  moyen  facile  de 
monter  à  l'abordage. 

La  flotte  carthaginoise  se  composait 
de  cent  trente  vaisseaux.  Son  comman- 
dant Annibal,  le  même  qui,  lors  de 

(*^  Melazzo  sur  la  côte  septentrionale  de 
la  Sicile. 


la  prise  d'Agrîçente,  avait  fait  rme  re- 
traite si  hardie,  montait  une  galère 
à  sept  rangs  de  rames  qiïe  les  Cartha- 
ginois avaient  prise  dans  leur  guerre 
contre  Pyrrhus.  Le  dernier  échec  qu'if 
avait  essuyé  n'avait  pas  abattu  sa  pré- 
somptueuse confiance.  A  l'approche 
des  Romains,  il  s'avança  dMalgneu- 
sement  contre  eux,  et,  comme  s'fl  ne 
se  fût  pas  agi  de  combattre,  mais  seu- 
lement de  recueillir  des  dépouifles  dont 
il  se  croyait  déjà  maître,  il  ne  prit 
pas  môme  la  peine  de  former  sa  ligne 
de  bataille.  L^avant-garde  des  Cartha- 
ginois fut  pourtant  un  peu  étonnée  de 
ces  machines  élevées  sur  la  proue  de 
chac(ue  vaisseau,  et  qui  étaient  pou*-* 
velles  pour  eux.  Mais  bientôt  se  Vas^ 
surant  et  se  moquant  même  de  l'in^ 
tention  grossière  d'un  ennemi  igno- 
rant, ils  fondent  avec  impétuosité  sut 
les  Romains.  Alors  les  corbeaux,  abais- 
sés tout  à  coup  et  lancés  avec  force 
sur  leurs  vaisseaux,  les  accrochent 
malgré  eux,  et,  changeant  la  forme 
du  combat,  les  obligent  à  en  venir  mx 
mains,  comme  si  l'on  eût  été  sur  terre* 
Les  uns  sont  massacrés  ;  les  autres^ 
frappés  de  stupeur  à  l'aspect  de  ces 
machines  inconnues,  se  rendent  prison- 
niers. Les  trente  galères  de  ravant- 
garde  ,  au  nombre  desquelles  était  le 
vaisseau  amiral ,  furent  coulées  a  fond 
ou  prises  avec  tout  leur  équipage.  An- 
nibal, voyant  tout  perdu,  ne  s'^happa 
qu'avec  peine  dans  une  chaloupe. 

Le  resté  de  la  flotte  des  Carthaginois 
voguait  avec  ardeur  pour  fondre  sur 
les  Romains.  Mais  lorsqu'ils  virent  le 
désastre  de  leur  avant-garde,  ils  s'avan- 
cèrent avec  plus  de  circonspection,  et 
cherchèrent  a  éviter  par  leurs  manœu^ 
vres  l'atteinte  des  redoutables  cor- 
beaux. Ces  habiles  marins,  se  fiant  à 
l'agilité  de  leurs  galères  et  à  la  promp- 
titude de  leurs  évolutions,  espéraient 
encore,  en  attaquant  tantôt  les  flancs, 
tantôt  la  poupe  des  vaisseaux  romains, 
ventr  à  bout  de  leurs  ennemis.  Mais 
comme  ils  se  voyaient  environnés  de 
tous  côtés  par  ces  terribles  machines, 
et  comme,  pour  peu  qu'ils  s'approchas- 
sent, ils  ne  pouvaient  éviter  l'abor- 
dage, la  terreur  les  saisit  ^  et  ils  pri- 


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CARIHAGE* 


39 


rent  la  fuHe  «près  avoir  perdu  dn« 

nte  vaisseaux.  C'est  aiosi  que  les 
ains,  qui  l'emportaient  dans  les 
eoml^ts  de  pied  ferme  par  leur  cou- 
rage, Fexerdce  et  la  bonté  de  leurs 
armes,  vainquirent  aisément  des  en- 
Demis  moins  bien  armés,  ^comp- 
taient beaucoup  plus  sur  la  légèreté  de 
leurs  vaisseaux  que  sur  leur  valeur  per- 
sonnelle et  sur  la  vigueur  de  leurs  bras. 

Annibal  sentait  bien  ce  qu'il  avait  à 
araindre  de  ses  concitoyens  après  sa 
défaite.  Il  se  hâta  d'envoyer  un  ami  à 
Garthage  avant  aue  la  nouvelle  de  son 
désastre  y  eût  ^  portée,  et  s'avisa  de 
cette  ruse  pour  éviter  le  supplice  dont 
cette  république  punissait  sonv^t  ses 
ffénâraux  malheureux.  Le  messa^r, 
introduit  dans  la  salle  des  délibérations 
du  sénat,  informe  rassemblée  que  le 
consul  Duilius  est  arrivé  avec  une  non>* 
breuse  flotte,  et  lui  dmnande  si  elle 
est  d'avis  qu' Annibal  livre  la  bataille. 
Tous  s'étant  écriés  qu' Annibal  devait 
saisir  au  plus  tôt  l'occasion  de  combat- 
tre. «  Eh  bien,  »  r^rit  l'envoyé,  «  il 
«  l'a  fait  et  il  a  été  vaincu.  »  Par  cet 
adroit  stratagème,  Annibal  mit  les  sé- 
nateurs dans  l'impossibilité  de  con- 
damner une  action  qu'ils  avaient  con- 
seillée eux-mêmes. 

Cette  victoire  signalée  redoubla  l'ar- 
deur cA  la  confiance  des  Romains. 
Duflius  débarqua  en  Sicile ,  reprit  le 
commandement  de  ses  légions ,  fit  lever 
le  siège  de  Ségeste  que  les  Carthaginois 
avaient  réduite  à  la  dernière  extrémité, 
et  emporta  d'assaut  Macella,  sans  qu'A- 
milcar,  général  des  troupes  carthagi- 
noises osât  se  présenter  devant  lui. 
Le  consul,  après  avoir, par  ses  succès, 
assuré  la  tranquillité  des  villes  alliées, 
voyant  l'hiver  approcher,  s'en  retourna 
à  Rome. 

Les  Romains  lui  rendirent  des  hon- 
neurs extraordinaires.  Il  fut  le  premier 
à  qui  le  triomphe  naval  fut  accordé. 
On  lui  érigea  une  colonne  rostrale 
avec  une  inscription  qui  existe  encore 
aujourd'hui. 

Dissensions  dans  l'ârméb  ro- 
maine PAVOBABLES  AUX  CAETHAGI- 

KOis.  —  L'absence  de  Duilius  rétablit 
les  affaires  des  Carthaginois,  et  plu- 


sieurs villes  rentrèrent  sous  leur  obéis- 
sance. Les  Romains  furent  obligés  de 
lever  le  siège  de  My  tistrate  après  ravoir 
continué  pendant  sept  mois  et  y  avoir 
perdu  beaucoup  de  monde.  Quelque 
temps  après,  il  s'éleva  une  dissension 
dans  l'armée  romaine  entre  les  légions 
et  les  auxiliaires  qui  prétendaient  oc- 
cuper le  premier  rang  dans  les  batail- 
les. Amilcar,  qui  était  alors  à  Palerme, 
ayant  été  instruit  que,  par  suite  de  ces 
divisions,  les  auxiliaires  campaient  se-* 
parement  entre  Parope  et  Thermes  (*) , 
vint  fondre  tout  à  coup  sur  eux  et  leur 
tua  plus  de  quatre  mHle  hommes;  peu 
s'en  fallut  même  que  toute  l'armée  ro- 
maine ne  fût  détruite.  Amilcar,  après 
cette  victoire,  reprit  encore  plusieurs 
villes,  les  unes  de  force  et  les  autres 
par  compositicMDi 

Sixième  année  db  jjl  pbemièbb 
guebbe  punique  ;  expeditions  bans 

LA  SARDAIÔNE  et  DANS  LA  COBSE, 
â59  AVANT  L'èBE  VULGAIBE.  —  Après 

sa  défaite,  Annibal  reprit  la  route  de 
Carthage  avec  ce  qui  lui  restait  de 
vaisseaux.  Qudque  temps  après  il 
équipa  une  nouvelle  flotte ,  choisit  i>our 
commander  ses  vaisseaux  les  capitaines 
les  plus  expàimentés,  et  passa  dans  la 
Sardaigne.  Les  Romains  lui  opposè- 
rent le  consul  Cornélius  Sçipio ,  a  qui 
était  échu  le  commandement  de  la 
flotte.  Ce  tùt  là  leur  première  expédi- 
tion contre  la  Sardaigne  et  la  Corse. 

Ces  deux  lies,  si  voisines  qu'on  les 
prendrait  pour  une  seule  et  même  île, 
sont  cependant  fort  différentes  pour 
la  nature  du  terroir  et  le  caractère  des 
habitants.  La  Sardaigne  est  grande  et 
fertile;  elle  possède  de  riches  trou- 
peaux, des  mines  d'or  et  d'argent,  et 
produit  du  blé  en  si  grande  abondance 
qu'elle  en  a  longtemps  fourni  à  Rome 
et  à  l'Italie.  La  Corse  ne  saurait  lui 
être  comparée  ni  pour  la  grandeur  ni 
pour  la  fertilité;  elle  est  montueuse  et 
âpre,  inaccessible  et  inculte  en  plu- 
sieurs endroits.  Les  habitants  partici- 
pent de  la  nature  sauvage  du  terroir, 
et  sont  d'un  caractère  dur  et  féroce. 
Jaloux  à  l'excès  de  leur  indépendance, 

(*)  Therm»  hymerenses. 


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40 


L'UNIVERS. 


ils  ne  se  soumettent  (][u*avec  peine  à 
une  domination  étrangère. 

Les  Carthaginois  avaient  longtemps 
fait  la  guerre  aux  habitants  de  ces  deux 
ties,  et  ils  avaient  fini  par  s'emparer 
de  tout  le  pays,  à  l'exception  de  cer- 
tains points  inaccessibles  et  impratica- 
bles à  leurs  armées.  Mais  il  était  plus 
facile  de  vaincre  ces  peuples  que  de  les 
dompter.  Pour  les  tenir  dans  une  en- 
tière dépendance,  les  Carthaginois 
avaient  arraché  leurs  blés ,  détruit  leurs 
arbres  fruitiers,  et  leur  avaient  dé- 
fendu, sous  peine  de  mort,  de  rien 
semer  ou  planter  qui  pût  leur  fournir 
aucune  espèce  de  nourriture.  Par  là, 
ils  les  obligèrent  à  venir  chercher  en 
Afrique  toutes  les  provisions  néces- 
saires à  leur  subsistance,  et  les  accou- 
tumèrent insensiblement  au  joug  pé- 
nible de  la  servitude. 

Le  consul  Cornélius  débarqua  d'a- 
bord dans  la  Corse,  et  après  avoir  pris 
de  force  la  ville  d'Aléria ,  il  se  rendit 
maître  aisément  de  toutes  les  autres 
places  de  l'île.  De  là,  il  fit  voile  versr 
fa  Sardaigne,  oîi  Annibal  venait  d'ar- 
river avec  ses  vaisseaux.  L'amiral  car- 
thaginois, bloqué  dans  un  des  ports 
de  l'île  par  la  flotte  romaine ,  perdit  la 
plus  grande  partie  de  ses  galères,  et 
n'échappa  pomt  cette  fois  au  ressenti- 
ment de  ses  concitoyens.  Il  fut  saisi 
par  ses  propres  soldats,  irrités  de  son 
impéritie,  attaché  tout  vivant  à  une 
croix,  et  ne  reçut  la  mort  qu'après  de 
cruelles  tortures. 

Cornélius  marcha  ensuite  vers  01- 
bia,  dans  le  dessein  d'en  former  le 
siège  ;  mais  se  sentant  trop  faible  pour 
attaquer  une  ville  défendue  par  sa  po- 
sition naturelle  et  par  une  nombreuse 
garnison,  il  renonça  pour  le  moment 
a  son  entreprise ,  et  retourna  à  Rome 
pour  y  lever  de  nouvelles  troupes. 
A  son  retour,  il  reprit  le  siège  d'Olbia. 
Hannon  avait  succédé  à  Annibal  dans 
le  commandement  de  la  flotte  cartha- 
ginoise. Le  consul  battit  son  nouvel 
adversaire,  qui  perdit  la  vie  dans  le 
combat,  s'empara  de  la  ville  d'Olbia, 
et  soumit  en  peu  de  temps  toutes  les 
villes  de  Sardaigne. 

Dans  la  Sicile  où  le  consul  Florus, 


collègue  de  Cornélius,  commandait  les 
légions  romaines,  Amilcar  soutenait 
encore  la  fortune  de  Carthage.  Enna  et 
Camarine  lui  avaient  ouvert  leurs  por- 
tes. Drépane,  situé  près  de  la  ville 
d'Éryx,  fui  offrait  un  excellent  port. 
II  s'empara  d'Éryx ,  la  détruisit  de  ond 
en  comble ,  et  en  fit  passer  tous  les  har 
bitants  à  Dréoane,  dont  il  fît  une 
ville  considéraole,  qu'il  entoura  de 
bonnes  fortifications.  Enfin ,  il  se  serait 
en  peu  de  temps  rendu  maître  de  la 
Sicile  entière,  si  le  consul  Florus  ne 
se  fût  opposé  à  la  rapidité  de  ses  pro- 
grès en  restant  dans  l'île  malgré  la  ri- 
gueur de  la  saison. 

Septième  année  de  la  guebre; 
pbise  de  plusieubs  villes  en  si- 
CILE PAB  LES  CONSULS  AtILIUS  CA- 
LATINUS  ET  SULPITIUS  PATEBCULUS  , 

258  AVANT  l'èbe  vulgaibe.  —  Les 
nouveaux  consuls  arrivés  en  Sicile  con- 
duisirent toutes  leurs  forces  vers  Pa- 
lerme,  où  les  Carthaginois  avaient 
leurs  quartiers  d'hiver,  et  leur  présen- 
tèrent la  bataille.  Ceux-ci  l'ayant  refu- 
sée et  fait  ainsi  l'aveu  de  leur  faiblesse, 
les  consuls  marchent  sur  Hipnane  et 
l'emportent  d'assaut.  De  là,  ils  vont 
mettre  le  siège  devant  Mytistrate ,  place 
très -forte  que  leurs  prédécesseurs 
avaient  attaquée  à  plusieurs  reprises, 
mais  toujours  sans  succès.  La  place 
avait  capitulé;  mais  le  soldat,  irrité 
de  sa  résistance  opiniâtre,  massacra  la 

{)lus  grande  partie  des  habitants  et  livra 
a  ville  aux  flammes. 

L'armée  romaine  marcha  ensuite 
sur  Camarine.  Pendant  le  trajet,  une 
habile  manœuvre  du  général  carthagi- 
nois la  mit  à  deux  doigts  de  sa  perte. 
Ce  général ,  suppléant  par  la  ruse  a  l'in- 
fériorité de  ses  forces,  s'était  hâté 
d'occuper  les  hauteurs  qui  dominaient 
une  vallée  où  les  Romains  s'étaient  té- 
mérairement engagés,  et  d'en  fermer 
toutes  les  issues.  Ils  se  trouvaient  pres- 
que dans  la  même  situation  qu'aux 
fourches  caudines,  et  n'attendaient 
plus  que  la  mort  ou  une  capitulation 
Ignominieuse,  lorsque  le  tribun  M.Cal- 
purnius  Flamma ,  par  sa  présence  d'es- 
prit et  son  dévouement  sublime ,  réussit 
a  sauver  l'armée  d'une  perte  certaine. 


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CARTHAGE. 


41 


Il  se  présente  au  consul  et  lui  fait  sentir 
rimminence  du  danger.  «  Il  faut  te 
«  hâter,  dit-il,  si  tu  veux  délivrer  ton 
«  armée,  d'envoyer  quatre  cents  hom- 
«  mes  d'élite  s'emparer  de  cette  hau- 
«  teur.  Notre  diversion  attirera  toutes 
«  les  forces  des  ennemis  ;  ils  ne  s'occu- 
«  peront  qu'à  la  repousser.  Sans  aucun 
«  doute  nous  y  périrons  tous;  mais  en 
«  vendant  cher  notre  vie,  nous  te  don- 
«  nerons  le  temps  de  sortir  du  défilé 
«  avec  tes  légions.  Il  ne  te  reste  plus 
«  d'autre  moyen  de  salut.  »  Les  prévi- 
sions du  tribun  ne  furent  point  tronv- 
pées.  Il  se  porte  sur  la  hauteur;  l'in- 
ranterie  et  la  cavalerie  carthaginoises 
enveloppent  de  toute  part  sa  faible 
cohorte;  elle  se  défend  avec  un  courage 
invincible;  enfin,  après  d'incroyables 
efforts,  accablée  par  le  nombre,  elle 
reste  tout  entière  sur  le  champ  de  ba- 
taille. Mais  la  résistance  avait  été  assez 
opiniâtre  et  assez  longue  pour  que  le 
consul  eût  le  temps  de  aéj^ager  son 
armée.  L'issue  d'une  action  si  héroïque 
est  toute  merveilleuse  et  en  relève  en- 
core l'éclat.  Caipurnius  fut  trouvé  au 
milieu  des  cadavres ,  criblé  de  blessu- 
res, dont,  par  un  hasard  qui  tient  du 
miracle,  aucune  n'était  mortelle.  Il 
parvint  à  s'en  guérir,  reçut  pour  ré- 
compense la  couronne  obsidionale,  et 
rendit  encore  de  grands  services  à  son 
pays. 

Délivré  du  danger,  Atilius  alla  met- 
tre le  siège  devant  Camarine.  Avec  les 
machines  de  guerre  que  lui  fournit 
Hiéron,  il  renversa  les  remparts,  s'em- 
para de  la  ville,  et  vendit  comme  es- 
claves la  plus  grande  partie  des  habi- 
tants.Enna,  Sittana,Camicum,  Erbesse 
et  plusieurs  autres  villes  de  la  province 
carthaginoise  tombèrent  en  son  pou- 
voir. Enhardi  par  ces  succès,  il  s^em- 
barqua  pour  aller  attaquer  Lipari ,  où 
il  croyait  avoir  un  parti  parmi  les  ha- 
bitants. Mais  Amilcar,  ayant  pénétré 
ses  desseins ,  était  entré  secrètement 
dans  la  ville,  où  il  épiait  l'occasion  de 
le  surprendre.  En  enet,  le  consul  qui 
croyait  Amilcar  bien  éloigné  s'avançait 
sous  les  murs  de  Lipari  avec  plus  de 
hardiesse  que  de  prudence,  lorsque  les 
Carthaginois  firent  sur  lui  une  vigou- 


reuse sortie, dans  laquelle  ils  blessèrent 
ou  tuèrent  un  grand  nombre  de  Ro« 
mains. 

Huitième  année  de  là  guebbe, 
257  AVANT  l'èbe  yulgaibe.  —  Cette 
année  il  ne  se  passa  entre  les  armées  et 
les  flottes  romaines  et  carthaginoises 
aucune  action  remarquable.  L'his- 
toire ne  rapporte  que  quelques  évé- 
nements peu  importants ,  où  les  suc- 
cès départ  et  d'autre  furent  également 
balances. 

Neuvième  année  de  la  pbemièbb 

GUEBBE  punique;  BATAILLE  NAVALE 
D'EgNOME  ;  DÉFAITE  DES  CABTHA- 
GINOIS;    256    AVANT    L'ÈBE    CHBÉ- 

tienne.  —  Cependant  les  deux  peu- 

S  les  rivaux,  jugeant  bien  que  l'issue 
e  la  ^erre  serait  en  faveur  de  ce- 
lui qui  resterait  maître  de  la  mer, 
avaient  employé  toutes  leurs  ressour- 
ces à  des  préparatifs  immenses.  Les 
Romains,  avec  une  flotte  de  trois  cent 
trente  galères,  abordèrent  à  Messine, 
et  de  la  se  rendirent  à  Ecnome,  où 
leurs  légions  étaient  campées.  En  même 
temps  Amilcar,  qui  commandait  la 
flotte  carthaginoise,  composée  de  trois 
cent  cinquante  vaisseaux  de  guerre, 
avait  abordé  à  Lilvbée ,  et  s'était  en- 
suite porté  sur  Héraclée,  où  il  obser- 
vait les  mouvements  des  Romains. 
Ceux-ci  avaient  conçu  le  projet  auda- 
cieux de  passer  en  Afrique,  d'en  faire 
le  théâtre  de  la  guerre,  et  de  réduire 
par  là  les  Carthaginois  à  combattre 
non  pour  la  possession  de  la  Sicile, 
mais  pour  celle  de  leur  territoire  et  le 
salut  de  leur  patrie.  Les  Carthaginois , 
au  contraire,  sachant  par  expérience 
combien  l'accès  et  la  conquête  de  l'A- 
frique étaient  faciles,  ne  craignaient 
rien  tant  que  cette  invasion ,  et  avaient 
résolu,  pour  l'empêcher,  de  tenter  le 
sort  d'une  bataille  navale. 

Les  Romains  firent  leurs  disposi- 
tions pour  accepter  le  combat,  si  on  le 
leur  présentait,  ou  pour  faire  une  ir- 
ruption dans  le  pays  ennemi ,  si  on  n'y 
mettait  pas  obstacle.  Ils  embarquèrent 
l'élite  de  leur  armée  de  terre,  et  divi- 
sèrent toute  la  flotte  en  quatre  esca- 
dres ,  distribuant  également  les  légions 
dans  les  trois  premières,  et  réunissant 


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43 


LTNITEKS. 


tous  les  triaircs(*)  dans  la  dernière. 
Chaque  vaisseau  contenait  trois  cents 
rameurs  et  cent  vingt  combattants,  ce 
qui  portait  les  forces  romaines  à  près 
ae  cent  quarante  mille  hommes.  Les 
Carthaginois  étaient  supérieurs  pour 
le  nomnre,  et  avaient  sur  leurs  vais- 
seaux plus  de  cent  cinquante  mille 
hommes,  tant  rameurs  que  soldats. 
Ces  chiffres  suffisent  à  eux  seuls  pour 
donner  une  haute  idée  de  la  puissance 
et  de  l'énergie  de  ces  deux  grandes  ré- 
publiques. 

Les  Romains,  calculant  que  c'était 
surtout  en  pleine  mer,  où  ils  allaient 
s'engager,  que  les  Carthaginois  l'em- 
portaient sur  eux  par  la  légèreté  de 
leurs  vaisseaux ,  cherchèrent  à  suppléer 
à  ce  désavantage  par  une  ordonnance 
compacte  et  dimcile  à  rompre.  Dans  ce 
but ,  les  deux  vaisseaux  à  six  rangs ,  que 
montaient  les  deux  consuls  Régulus  et 
Manlius,  furent  placés  de  front  à  côté 
l'un  de  l'autre.  Derrière  eux  s'allon- 
geaient, sur  deux  files  obliques,  la 
première  et  la  seconde  escadre,  figu- 
rant les  deux  côtés  d'un  triangle,  dont 
la  troisième  escadre  formait  la  base. 
Cette  troisième  escadre  remorquait  les 
vaisseaux  de  charge  placés  derrière 
elle  sur  une  longue  ligne  parallèle; 
enfin,  la  quatrième  escadre,  ou  les 
triaires,  venait  après,  rangée  de  ma- 
nière à  déborder  des  deux  côtés  la 
li^ne  qui  la  précédait.  Cet  ordre  de  ba- 
taille, jusqu'alors  inusité,  rendait  la 
flotte  romaine  également  propre  à  sou- 
tenir le  choc  des  ennemis  et  a  les  atta- 
quer avec  avantage. 

Cependant  les  généraux  carthagi- 
nois ,  après  avoir  exhorté  leurs  soldats 
à  combattre  courageusement  dans  une 
action  d'où  dépendait  le  sort  de  Car- 
thage,  les  voyant  pleins  de  confiance 
et  d'ardeur,  sortirent  du  port  d'Héra- 
clée  et  allèrent  au-devant  de  l'ennemi. 
Ils  disposèrent  leur  plan  de  bataille 
d'après  l'ordonnance  des  Romains.  Ils 
partagèrent  leur  flotte  en  trois  esca- 
dres rangées  sur  une  seule  ligne.  Ils 
étendirent  en  pleine  mer  l'aile  droite 

(*)  Les  U'iaires ,  chez  les  Romains,  com- 
posaient la  dernière  ligne  de  l'armée. 


en  réioignant  du  ceatre^  et  la  eamj^ 
aèrent  des  vaisseaux  les  plus  légers  et 
les  plus  propres ,  par  la  rapidité  &  leurs 
manœuvres ,  à  envelof^r  l'ennemi.  Us 
ajoutèrent  sur  les  derrières  de  l'aile 
gauche  une  quatrième  escadre  qui  s'é- 
tendait obliquement  vers  la  terre.  Han- 
non,  le  même  général  qui  avait  été 
vaincu  près  d'Agrigente,  commandait 
l'aile  droite;  Amilcar,  qui  avait  battu 
les  Romains  à  Lipari,  s'était  réservé 
le  centre  et  l'aile  gauche.  Cdui-ei ,  pen- 
dant la  bataille,  employa  un  s^ata- 
gème  qui  faillit  causer  la  perte  des 
Romains. 

Comme  l'armée  carthaginoise  était 
rangée  sur  une  simple  ligne,  qui,  pai 
cette  raison,  paraissait  faale  à  etra 
enfoncée,  les  Romains  conmiencent 
Fattaque  par  le  centre.  Amilcar,  pour 
rompre  leur  ordre  de  bataille,  avait 
olrdonné  aux  siens  de  prendre  la  fuite 
sitôt  que  l'action  serait  engagée.  Les 
Romams,  se  laissant  emporter  à  leur 
courage,  poursuivirent  les  fuyards 
avec  une  ardeur  téméraire.  Ainsi  la 
première  et  la  seconde  escadre  s'âoi- 
gnèrent  de  la  troisième  qui  remorquait 
tes  vaisseaux  de  charge,  et  de  la  qua«' 
trième  où  étaient  les  triaires  destmés 
à  les  soutenir.  Dès  qu'il  voit  que  soa 
stratagème  a  réussi ,  Amilcar  donne  le  . 
signal;  les  fuyards  font  volte-face,  et 
fondent  avec  impétuosité  sur  ceux  qui 
les  poursuivaient.  Alors  le  combat  de- 
vint terrible  et  le  succès  douteux.  Les 
Carthaginois  l'emportaient  sur  les  Ro- 
mains par  la  légèreté  de  leurs  vais- 
seaux, l'agilité  de  leurs  évolutions  et 
la  précision  de  leurs  manœuvres;  mais 
les  Romains  compensaient  ce  désavan- 
tage par  leur  vigueur  dans  les  combats 
de  pied  ferme,  lorsque  leurs  corbeaux 
avaient  accroché  les  vaisseaux  enne- 
mis, et  par  l'ardeur  que  leur  inspirait 
la  présence  de  leurs  consuls,  sous  les 
yeux  desquels  ils  brûlaient  de  se  si- 
gnaler. 

Pendant  ce  temps-là,  Hannon,  qui 
commandait  l'aile  droite,  et  qui,  au 
conmiencement  du  combat,  l'avait  te- 
nue à  quelque  distance  du  reste  de  la 
flotte,  tourne  les  vaisseaux  des  triai- 
res, les  attaque  brusquement  par-der- 


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CARTHAGÉ. 


rîère,  et  y  jette  le  trouble  et  la  confu- 
sion. D'un  autre  côté,  les  Carthaginois 
de  Taîle  gauche,  qui  étaient  rangés 
obliquement  vers  la  terre,  changeant 
'  leur  première  disposition,  se  forment 
çn  ligne  de  bataille,  et  fondent  sur  la 
troisième  escadre,  dont  les  galères 
étaient  attachées  aux  Taisseaux  de 
charge  pour  les  remorquer.  Ainsi  cette 
bataille  présentait  trois  actions  diffé- 
rentes, séparées  l'une  de  l'autre  par 
des  distances  considérables.  L'avan- 
tage fut  longtemos  balancé  de  part  et 
d*autre.  Mais  ennn  l'escadre  que  com- 
mandait Amilcar  est  mise  en  fuite,  et 
Manlius  attache  à  ses  vaisseaux  ceux 
qu'il  avait  prris.  Régulus  vient  au  se* 
cours  des  triaires  et  des  vaisseaux  de 
charge,  menant  avec  lui  les  galères  de 
la  deuxième  escadre,  qui  étaient  sor- 
ties du  premier  combat  sans  être  en- 
dommagées. Pendant  qu'il  est  aux 
mains  avec  Hannon,  les  triaires,  qui 
étaient  près  de  se  rendre,  reprennent 
courage,  et  retournent  à  la  charge  avec 
une  nouvelle  vigueur.  Les  Gmfaag^ 
noîs,  assaillis  par-devant  et  par-der* 
rière,  et  ne  pouvant  résister  à  cette 
double  attaque,  gagnent  la  pleine  mer 
pour  échapper  à  une  destruction  iné^ 
vitable. 

Sur  ces  entrefaites ,  Manlius  revient 
et  aperçoit  la  troisième  escadre  acculée 
contre  *le  rivage  par  les  Carthaginois 
de  l'aile  gauche.  Les  vaisseaux  de 
charge  et  les  triaires  étant  en  sûreté, 
Régulus  et  lui  unissent  leurs  forces 
pour  la  tirer  du  péril  extrême  où  elle 
se  trouvait;  car  elle  soutenait  une  es- 
pèce de  siège,  et  elle  aurait  été  im- 
manquablement détruite,  si  les  Car^ 
tha^inois,  par  la  crainte  des  corbeaux 
et  de  l'abordage,  ne  se  fussent  con- 
tentés de  la  tenir  bloquée  contre  la 
terre.  Les  consuls  arrivent,  envelop- 
pent de  toutes  parts  les  Carthaginois 
et  leur  enlèvent  cinquante  vaisseaux 
avec  tout  leur  équipage.  Quelques-uns 
s^échappèrent  en  rasant  la  côte  de  Si- 
cile. 

Telle  fut  l'issue  de  cette  grande  ba- 
taille navale.  Trente  vaisseaux  cartha- 
ginois furent  coulés  à  fond,  soixante- 
quatre   furent   pris.    Du    côté   de» 


Romains,  vingt-quatre  vaisseaux  êea* 
lement  périrent  dans  le  combat;  auaan 
ne  tomba  en  la  puissance  des  ennemis* 

Descente  des  Romains  en  Afbi- 
que;  pbise  de  Clypeà  et  de  plu- 
sieurs ÀUTBES  PLACES.  —  Bientôt  les 
Romains,  après  avoir  radoubé  leurs 
vaisseaux  et  complété  tous  les  prépa- 
ratifs nécessaires  pour  une  longue 
campagne,  mirent  à  la  voile  pour  l'A- 
frique, sans  qu' Amilcar  osât  faire  un 
seul  mouvement  pour  s'opposer  à  leur 
passage.  Les  premiers  navires  abordè- 
rent au  promontoire  Hermaeum,  qui 
forme  l'extrémité  orientale  du  golfe  de 
Carthage.  Ils  y  attendirent  les  bâti- 
ments qui  étaient  en  retard ,  et ,  après 
avoir  réuni  toute  leur  flotte,  ils  lon- 
gèrent la  côte  jusqu'à  la  ville  de  Cljpea 
(aujourd'hui  Kalima);  ils  y  débarquè- 
rent, et,  après  avoir  tiré  leurs  vais- 
seaux à  terre,  et  les  avoir  environnés 
d'un  fossé  et  d'un  retranchement,  ils 
mirent  le  siège  devant  la  ville. 

La  nouvelle  de  la  défaite  d'Ecnome 
avait  répandu  la  consternation  parmi 
les  Cartnaginoîs.  Tous  s'attendaient  h 
voir  les  Romains,  enorgueillis  d'un  si 
brillant  succès ,  tourner  leurs  armes  vic- 
torieuses contre  Carthage  elle-même. 
Mais  quand  ils  apprirent  que  les  con- 
suls débarqués  à  Clypea  pédalent  leur 
temps  au  siège  de  cette  ville,  ils  repri- 
rent courage,  et  s'occupèrent  à  ras- 
sembler des  troupes  pour  mettre  leur 
capitale  et  le  pays  d'alentour  à  l'abri 
des  attaques  de  rennemi. 

Les  consuls  avaient  envoyé  des  cour- 
riers à  Rome  pour  informer  le  sénat 
de  ce  qu'ils  avaient  fait  jusqu'alors ,  et 
le  consulter  sur  les  mesures  ultérieures 
à  prendre.  En  attendant  leur  retour, 
ils  fortifièrent  Clypea  pour  en  faire 
leur  place  d'armes;  ils  y  laissèrent  un 
corps  de  troupes  pour  garder  la  ville  et 
son  territoire ,  pénétrèrent  dans  le  pays 
avec  le  reste  de  leur  armée,  et  ravage* 
rent  le  plus  beau  canton  de  l'Afrique, 
qui,  depuis  le  temps  d'Agathocle,  n'a- 
vait point  éprouvé  les  malheurs  de  la 
guerre.  Ils  aétruisirent  un  grand  nom- 
bre de  magnifiques  maisons  de  plai- 
sance, enlevèrent  une  quantité  im- 
mense de  bestiaux,  et  firent  jfius  d^ 


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44 


L'UNIVERS. 


vingt  mille  prisonniers,  sans  trouver 
aucune  résistance.  De  plus ,  ils  prirent 
de  force  ou  reçurent  à  composition 
plusieurs  villes,  dans  lesquelles  ils 
trouvèrent  quelques  déserteurs  et  un 
bien  plus  grand  nombre  de  Romains 
faits  prisonniers  dans  les  dernières  cam- 
pagnes, parmi  lesquels  était  probable- 
ment Cn.  Cornélius  Scipio,  que  nous 
voyons  deux  ans  après  élevé  à  un 
deuxième  consulat. 

Alors  arriva  la  réponse  du  sénat. 
Elle  prescrivait  à  Regulus  de  rester 
en  Afrique  avec  quarante  vaisseaux, 
quinze  mille  fantassins  et  cinq  cents 
cavaliers ,  et  à  Manlius  de  retourner  à 
Rome  avec  les  prisonniers  et  le  reste 
de  la  flotte. 

Dixième  animée  de  là  guebbe; 

BATAILLE   ï)'ADIS;  PBISE  DE    TUNIS 

PAB  LES  Romains  ;  255  avant  l'èbe 
VULGAIBE.  —  Les  nouveaux  consuls 
furent  Servius  Fulvius  Paetinus  Nobi- 
lior  et  Marcus  iEmilius  Paulus.  Le 
sénat,  pour  ne  pas  interrompre  le 
cours  des  victoires  deRégulus,  lui  con- 
tinua le  commandement  de  Farmée  en 
Afrique  avec  le  titre  de  proconsul.  Lui 
seul  fut  affligé  d'un  décret  qui  était  si 
glorieux  pour  lui.  Il  écrivit  au  sénat 
que  le  régisseur  des  sej^ijugères  (*)  de 
terre  qu'il  possédait  à  Pupinies  était 
mort,  et  que  l'homme  de  journée  y  pro- 
fitant de  l'occasion ,  s'était  enfui  après 
avoir  enlevé  tous  les  instruments  de 
culture;  qu'il  demandait  donc  qu'on 
lui  envoyât  un  successeur,  puisque,  si 
son  champ  n'était  pas  cultivé,  il  n'au- 
rait plus  de  quoi- nourrir  sa  femme  et 
ses  enfants.  Le  sénat  ordonna  ^ue  le 
champ  de  Régulus  serait  de  suite  af- 
fermé et  cultivé,  gu'on  rachèterait  aux 
frais  de  l'État  les  instruments  dérobés , 
et  que  la  république  se  chargerait  aussi 
de  la  nourriture  de  sa  femme  et  de  ses 
enfants.  Rare  exemple  du  mépris  des 
honneurs  et  de  la  fortune  !  L'éclat  dont 
brille  encore  le  nom  de  Régulus ,  après 
une  longue  suite  de  siècles ,  prouve  que 
la  gloire  est  pour  la  vertu  une  récom- 
pense plus  durable  que  la  richesse. 

(*)  Le  jugère  valait  un  demi-arpent  :  a4 
ares ,  68  centiares. 


Cependant  les  Carthaginois,  qui 
avaient  élu  pour  généraux  Asdrubal, 
fils  d'Hannon,  et  IJostar,  rappelèrent 
encore  de  Sicile  Amilcar,  qui,  avec 
cinq  mille  hommes  d'infanterie  et  cinq 
cents  cavaliers ,  se  rendit  aussitôt  d'Hé- 
raclée  à  Carthage.  Ces  trois  généraux; 
après  avoir  délibéré  entre  eux ,  se  dé- 
cidèrent à  tenir  la  campagne ,  pour  ne 
pas  laisser  le  pays  exposé  impunément 
aux  ravages  de  l'ennemi. 

Régulus  s'avançait  dans  la  contrée, 
s'emparant  de  toutes  les  villes  qui  se 
trouvaient  sur  son  passage.  Arrivé  de- 
vant Adis  (*),  l'une  des  plus  fortes 
places  du  pays,  il  en  forma  le  siège. 
Les  généraux  carthaginois  s'empres- 
sèrent de  venir  au  secours  de  la  ville. 
Ils  occupèrent  une  colline  qui  dominait 
le  camp  des  Romains  et  qui  paraissait, 
au  premier  coup  d'œil,  une  position 
avantageuse.  Mais  l'inégalité  et  l'âpreté 
du  terrain  rendaient  inutile  la  princi- 
pale force  de  leur  armée ,  qui  consistait 
en  cavalerie  et  en  éléphants.  Régulus , 
en  habile  général,  profite  de  la  faute 
de  ses  ennemis ,  et  avant  qu'ils  eussent 
le  temps  de  la  réparer,  en  descendant 
dans  la  plaine,  il  monte  avec  ses  lé- 
gions sur  la  cojline,  et  les  attaque  de 
deux  côtés  à  la  fois.  La  cavalerie  et  les 
éléphants  des  Carthaginois  ne  leur  ren- 
dirent aucun  service.  Les  troupes  mer- 
cenaires combattirent  avec  une  grande 
valeur  et  mirent  d'abord  en  déroute  la 

{)remière  légion;  mais,  ayant  rompu 
eurs  rangs  dans  l'ardeur  de  la  pour- 
suite, ils  furent  entourés  par  les  trou- 
pes romaines  qui  attaquaient  la  colline 
de  l'autre  côte^  et  forcés  eux-mêmes 
de  prendre  la  fuite.  Leur  exemple  en- 
traîna le  reste  de  l'armée.  La  cavalerie 
et  les  éléphants  se  sauvèrent  dans  la 
plaine.  Les  Romains  poursuivirent  pen- 
dant quelque  temps  l'infanterie  et  re- 
vinrent piller  le  camp  des  Carthagi- 
nois. 

Après  cette  victoire,  Régulus,  maî- 
tre de  la  campagne,  ravagea  impuné- 
ment tout  le  pays,  et  s'empara  même 
de  la  ville  de  Tunis.  Cette  position, 

(*)  Aujourd'hui  Rhadès,  à  quelques  lieues 
de  Tunis. 


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CARTHAOE . 


Cl7'w<^i^<"^<i^^^i''^/^    ^s'/^i^^e    à.   é^lt^^rt^^ -4fiTt,^/A^nyn^c.*c^*^  ^<é*:^.o,/ 


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CARTHAGE. 


tant  par  sa  force  naturelle  que  par  sa 
proximité  de  Carthage,  lui  parut  très- 
avantageuse  pour  Texécution  de  ses 
projets  :  il  en  fit  sa  place  d'armes ,  et 
y  établit  un  camp  retranché. 

^NÉGOCIATIONS  INFRUCTUEUSES  EN- 
TEE LES  Romains  et  les  Cartha- 
ginois. —  Les  Carthaginois  avaient 
été  battus  par  terre  et  par  mer.  Ils 
avaient  vu  plus  de  deux  cents  places 
tomber  au  pouvoir  des  vainqueurs. 
Tant  de  défaites  et  de  pertes  reveillè- 
rent contre  eux  la  haine  des  Numides, 
leurs  anciens  ennemis ,  qui  se  répan- 
dirent dans  leurs  campagnes,  y  mirent 
tout  à  feu  et  à  sang,  et  y  causèrent 
encore  plus  de  terreur  et  de  désola- 
tion que  n'avaient  fait  les  Romains 
eux-mêmes.  Les  habitants  de  la  cam- 
pagne, se  réfugiant  de  tous  côtés  à  Car- 
thage avec  leurs  femmes  et  leurs  en- 
fants, pour  y  chercher  un  abri,  aug- 
mentaient la  consternation,  et  faisaient 
craindre  la  famine  en  cas  de  siège. 

Dans  ces  extrémités,  les  Carthagi- 
nois députèrent  les  principaux  séna- 
teurs au  généra]  romam  pour  demander 
la  paix.  Régulus  ne  se  refusa  point  à  ces 
ouvertures;  mais,  abusant  des  droits 
de  la  victoire,  il  leur  imposa  ces  dures 
conditions  :  «  Céder  aux  Romains  la  Si- 
cile et  la  Sardaigne  tout  entières  ;  leur 
rendre  tous  leurs  prisonniers  sans  ran- 
çon, et  racheter  les  prisonniers  cartha- 
ginois ;  payer  tous  les  frais  de  la  guerre, 
et,  de  plus,  se  soumettre  à  un  tribut 
annuel.  »  Telles  furent  d'abord  les 
prétentions  du  vainqueur.  Il  y  ajouta 
d'autres  obligations  qui  n'étaient  pas 
moins  humiliantes  pour  les  Carthagi- 
nois :  qu'ils  n'auraient  d'autres  amis 
et  d'autres  ennemis  que  ceux  des  Ro- 
mains; qu'ils  ne  pourraient  mettre  en 
mer  qu'un  seul  vaisseau  de  guerre,  et 
qu'ils  fourniraient  aux  Romains  cin- 
quante trirèmes  toutes  les  fois  Qu'ils 
en  seraient  requis.  Les  ambassadeurs 
supplièrent  Regulus  de  mettre  plus  de 
modération  dans  ses  demandes ,  et  de 
leur  prescrire  des  conditions  plus  sup- 
portables ;  mais  il  ne  voulut  se  relâcher 
sur  aucun  point,  ajoutant,  avec  un 
orgueil  insultant,  qu^il  fallait  ou  savoir 
vamcre  ou  savoir  obéir  au  vainqueur. 


Le  sénat  de  Carthage,  sur  le  rapport 
de  ses  envoyés ,  fut  tellement  indigné 
de  la  dureté  des  lois  qu'on  lui  impo- 
sait, que,  malgré  sa  détresse,  il  prit 
la  généreuse  résolution  de  tout  souffrir 
et  de  tout  tenter  plutôt  que  de  subir 
la  plus  insupportable  et  la.  plus  hon- 
teuse de  toutes  les  servitudes. 

Arbiyée  de  Xanthippe  a  Cab- 
thage  ;  défaite  et  pbise  de  régu- 
LUS. —  Telle  était  la  situation  des 
Carthaginois,  lorsque  les  vaisseaux 
qu'ils  avaient  envoyés  dans  la  Grèce 
pour  y  lever  des  troupes,  revinrent 
avec  un  renfort  assez  considérable  de 
soldats  mercenaires.  Dans  le  nombre 
était  Xanthippe  de  Lacédémone,  qui, 
formé  dès  son  enfance  à  la  discipline 
austère  de  sa. patrie,  y  joignait  une 
expérience  consomma  dans  le  métier 
de  la  guerre.  Cet  officier,  instruit  en 
détail  de  la  dernière  défaite  des  Car- 
thaginois et  des  circonstances  qui  l'a- 
vaient amenée ,  calculant  de  plus  les 
ressources  qui  leur  restaient ,  le  nom- 
bre de  leur  cavalerie  et  de  leurs  élé- 
phants, pensa  en  lui-même  et  dit  à  ses 
amis  que  les  Carthaginois  n'avaient  pas 
été  vamcus  par  les  Romains,  mais  par 
eux-mêmes  et  par  l'incapacité  de  leurs 
généraux.  Ce  mot  se  répand  dans  le 
public,  et  arrive  bientôt  aux  oreilles 
des  sénateurs.  Les  magistrats  font 
appeler  Xanthippe  ;  il  vient  et  justifie 
clairement  ce  qu'il  avait  avancé.  Il 
leur  démontre  que ,  soit  dans  les  mar- 
ches ,  soit  ^dans  les  campements ,  soit 
dans  les  combats  mêmes,  on  avait 
toujours  choisi  les  positions  les  moins 
avantageuses*  Il  ajoute  que  s'ils  vou- 
laient Suivre  ses  conseils,  et  tenir 
constamment  l'armée  dans  la  plaine, 
il  leur  répondait  non-seulement  de 
leur  salut ,  mais  encore  de  la  victoire. 
Tous  les  chefs  de  la  république ,  et  les 
généraux  eux-mêmes ,  par  une  généro- 
sité bien  rare  et  bien  digne  de  louange, 
sacrifièrent  leur  amour-propre  au  sa- 
lut de  la  patrie ,  et  confièrent  à  un 
étranger  le  commandement  de  leurs 
armées. 

L'habileté  avec  laquelle  Xanthippe 
avait  juçé  l'ensemble  de  la  guerre, 
avait  déjà  inspiré  aux  Cartliaginois 


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46 


L'UHIVERS. 


tine  grande  confiance  dans  ses  lumières. 
Mais  Quand  on  le  vit  ranger  prontpte- 
ment  Parmée  en  bataille  aux  portes  de 
la  ville,  commander  des  manœuvres 
savantes ,  faire  exécuter  en  bon  ordre 
fcs  évolutions  les  plus  compliquées,  un 
enthousiasme  universel  s^empara  du 
peuple  et  de  l'armée ,  et  tous ,  déjà  sûrs 
fle  vaincre  sous  un  tel  général ,  de- 
mandèrent, avec  des  cris  de.  joie,  à 
marcher  contre  l'ennemi. 

Xanthippe  ne  laissa  pas  refroidir 
<;ette  ardeur,  et  alla  Chercher  les  Ro- 
mains. Son  armée  était  composée  de 
douze  mille  hommes  d'inl^nterie ,  de 
<juatre  mille  dievaux  et  d'environ  cent 
el^hants.  Régulus  fut  d'2dK>rd  surpris 
4e  woir  les  Carthaginois,  changeant 
leur  méttiode  ordinaire,  diriger  leur 
•marche  et  asseoir  leur  camp  dans  la 
«laine;  mais,  plein  de mé|Hris  pour  des 
Troupes  qu'il  avait  vaincues  tant  de 
fois,  il  Usât  résolu  de  les  combattre, 
fiuel  que  fût  l'avantage  de  leur  position. 
11  vint  donc  camp^  à  mille  toises  de 
Tennemi. 

Alors  Xanthippe ,  par  tdé^penoe 
pour  les  ofûciers  de  Parmée  punique, 
les  réunit  en  conseil  de  guerre,  et  les 
consulta  sur  le  parti  qu'ils  avaient  à 
prendre.  Mais,  pendant  cette  délibéra- 
tion ,  les  soldats  demandaient  à  grands 
cris  la  bataille,  et  Xanthippe  sup- 
pliant le  conseil  de  ne  pas  laisser 
échapper  une  occasion  si  favorable, 
les  chefe  ord^nàrent  à  Parmée  de  se 
tenir  prête,  et  laissèrent  à  Xanthi[)pe 
l'entière  liberté  d'agir  comme  il  le  ju- 
gerait Gonvenaèle. 

Ce  général  rangea  ainsi  son  armée 
en  bataille.  Il  mit  en  avant  les  élé- 

Î hauts  disposés  sur  une  seule  ligne. 
>errière  eux,  à  quelque  distance,  il 
plaça  la  phalange  carthaginoise  qui 
était  l'élite  de  son  infanterie.  Il  répan- 
dit la  cavalerie  sur  les  deux  ailes,  avec 
ceux  des  soldats  auxiliaires  qui  étaient 
le  plus  légèrement  armés.  Le  reste  des 
mercenaires  fut  placé  à  l'aile  droite 
entre  la  phalange  et  la  cavalerie.  Xan- 
thippe avait  ordonné  à  ses  soldats  ar- 
mes à  la  légère ,  après  qu'ils  auraient 
lancé  leurs  traits ,  de  te  retirer  dans  les 
ÎBtervaUes  qd  êépaattàmt  les  corps  de 


troupes  placés  derrière  eux,  et,  pen- 
dant que  l'ennemi  serait  aux  prises 
avec  la  phalange  carthaginoise,  de 
sortir  de  côté  et  de  l'attaquer  eo 
flanc. 

Régulus  avait  d'abord  rangé  son 
armée  en  bataille  suivant  la  noétbode 
ordinaire.  Mais  quand  il  vit  la  dispo- 
sition des  ennemis ,  pour  se  garantir 
du  choc  des  éléphants ,  il  mit  tous  ses 
vélites  à  la  première  ligne.  Ensuite ,  il 
plaça  ses  cotiortes ,  dont  il  doubla  les 
nies ,  et  distribua  sa  cavalerie  sur  les 
deux  ailes ,  donnant  ainsi  à  son  ordre 
de  bataille  moins  de  front  et  plus  4e 
profondeur  qu'il  n'avait  fait  d'abord. 
Cette  ordonnance,  dit  Polybe,  était 
excellente  pour  résista  aux  éléphants , 
mais  elle  exposait  les  Romains  à  être 
entourés  par  la  cavalerie  carthagi- 
noise, fort  supérieure  en  nos^re  à  la 
leur. 

Xanthippe  al<Nrs  fait  avaneer  à  la  fols 
les  éléphants  pour  enfoncer  le  centse 
de  l'armée  romaine,  et  la  cavalerie  de 
ses  deux  ailes  pour  charger  et  envelop- 
per l'ennemi.  Les  Romains  poussent 
leur  cri  de  guerre,  et  mardieut  auda- 
cieusement  sur  les  Carthaginois.  La 
cavalerie  romaine,  trop  inférieure  en 
nombreà  celle  des  ennemis,  ne  putrésis- 
t&t  longtemps ,  et  laissa  les  deux  ailes  à 
découvert.  L'infanterie  de  Paile  gauche, 
soit  pour  éviter  le  choc  des  éléphants , 
soit  pour  montrer  sa  supériorité  sur  les 
soldats  mercenaires  qui  formaient  l'aile 
droite  des  Carthaginois ,  les  attaque , 
les  disperse  et  les  poursuit  jusqu'à  leurs 
retranchements.  Au  centre  qui  était 
opposé  aux  éléphants,  les  premiers 
rangs  furent  renversés  et  foulés  aux 
pieds  par  ces  masses  énormes.  Le  reste 
du  corps  de  bataille,  à  cause  de  sa 
profondeur,  resta  quek[ue  temps  iné- 
branlable, idais  lorsque  les  derniers 
rangs ,  enveloppés  par  la  cavalerie  et 
par  les  armés  à  la  légère ,  furent  con- 
traints de  faire  volte-face  pour  leur 
tenir  tête,  et  que  ceux  qui  avaient  forcé 
le  passade  au  travers  des  éléphants 
rencontrèrent  la  phalange  des  Cartha- 
ginois, qui  n'avait  pas  encore  chargé , 
et  qui  était  en  bon  ordre ,  la  position 
des  Romains  fut  tout  à  fait  désespérée. 


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CARTHAGE . 


,5^' 


't^it 


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CÀETHA6E. 


Les  un  furent  écrasés  par  les  élé- 
phants; les  auti^,  sans  sortir  de 
leurs  rangs,  périrent  sous  les  iaveiots 
de  la  cavalerie  et  des  troupes  légères. 
Il  n'y  en  eut  qu'un  petit  nombre  qui 
efaercbèrent  leur  salut  dans  la  fuite  ; 
mais  dans  cette  plaine  rase  et  unie,  ils 
ne  purent  échapper  aux  poursuites  des 
élégants  et  de  la  cavalerie.  Cinq  cents 
hommes ,  qui  s'étaient  ralliés  autour 
de  Régulus ,  furent  faits  prisonniers 
avec  lui.  Les  Carthaginois  perdirent  en 
cette  occasion  huit  cents  soldats  étran- 
gers qui  étaient  opposés  à  l'aile  gauche 
des  Romains  ;  et  de  ceux-ci ,  il  ne  se 
sauva  que  les  deux  mille  qui,  en  pour- 
suivant i'aile  droite  des  ennemis,  s'é- 
taient tirés  de  la  mêlée,  et  qui  parvin- 
rent, contre  toute  espérance,  a  se  ré- 
fugier dans  les  murs  de  Clypéa.  L'armée 
victorieuse  rentra  en  triomphe  dans 
Carthage,  traînant  enchaînes  le  pro- 
consul romain  et  les  cinq  cents  soldats 
qui  avaient  été  pris  avec  lui. 

L'ivresse  des  GarUiaginois ,  après 
cette  victoire ,  fut  d'autant  plus  grande, 
que  le  succès  était  inespéré.  Ils  céiér 
ârèrent  leur  triomphe  par  des  fêtes 
religieuses,  des  festins  publics  et  des 
réjouissances  de  toute  espèce.  Xan- 
thippe ,  qui  avait  sauvé  Carthage  d'une 
ruine  presque  certaine,  prit  le  sage 
parti  de  se  retirer  bientôt  après  dans 
sa  patrie.  Il  eut  la  prudence  de  s'éclip- 
ser, de  peur  que  sa  gloire ,  jusque-là 
pure  et  entité,  après  le  premier  éclat 
éblouissant  qu'elle  avait  jeté,  ne  s'a- 
mortît peu  à  peu  et  ne  soulevât  contre 
lui  l'envie  et  la  calomnie,  redoutables 
surtout  pour  un  étranger  qui,  loin  de 
son  pays ,  n'a  ni  parents ,  ni  amis ,  ni 
aucun  appui  pour  se  défendre.  Appien 
et  Zonare  rapportent  que  les  Cartnagi- 
nois,  bassement  jaloux  de  la  gloire  de 
Xanthippe,  et  humiliés  de  devoir  leur 
salut  à  un  étranger,  le  firent  périr  par 
trahison,  en  le  reconduisant  dans  la 
Grèce.  Mais  ce  fait  est  peu  probable; 
aucun  des  historiens  latins  ne  le  rap- 
porte; et  certes,  s'ils  l'avaient  connu, 
ils  n'auraient  pas  laissé  échapper  une 
aussi  belle  occasion  de  couvrir  d'un 
iS^jprolxe  éternel  ces  ennemis  du  nom 
romain ,  envers  lesquels  ils  montrent 


d'ailleurs  une  haine  si  violente,  et  pres- 
que toujours  si  injuste. 

Nouvelle  EXPÉJiiTiON  en  Afai- 
que;  bataille  natale  entbe  les 
Romains   et  les   Carthaginois; 

NAUFBAOE   et   destruction  de   hJL 

FLOTTE  BOMAiNE.  —  La  nouvcHe  de 
la  défaite  et  de  la  prise  de  Réçulus  ne 
découragea  point  les  Romains.  Us 
s'occupèrent  aussitôt  à  construire  une 
nouvelle  flotte  et  à  sauver  ceux  de  leurs 
concitoyens  qui  avaient  échappé  à  ce 
désastre.  Les  Carthaginois  soumirent 
d'abord  les  Numides ,  et  recouvrèrent 
sans  peine  la  plupart  des  villes  qui 
avaient  embrassé  le  parti  des  Romains. 
Mais  ils  attaquèrent  inutilement  Gy- 
péa,  dont  la  garnison  fit  une  opiniâ- 
tre résistance.  Après  avoir  vainement 
employé  tous  les  moyens  pour  la  ré- 
duire, ils  furent  contraints  de  lever  le 
siège.  Sur  l'avis  au'ils  reçurent  alors, 
que  les  Romains  équipaient  une  flotte, 
et  se  disposaient  à  passer  de  nouveau 
dans  l'Afrique,  ils  radoubèrent  leurs 
anciens  vaisseaux,  en  construisirent 
de  neufs,  et  se  mirent  en  mer  avec 
deux  cents  galères  complètement  équi- 
pées, pour  observer  l'arrivée  de  Ten- 
Bemi. 

Au  commencement  de  l'été,  les  Ro- 
mains partirent  avec  trois  cent  cin- 
quante vaisseaux ,  sous  le  commande- 
ment des  deux  consuls  Marcus  ^milius 
et  Servius  Fulvius ,  et  se  dirigèrent 
vers  l'Afrique.  Ils  rencontrèrent  près 
du  promontoire  Hermœum,  la  flotte 
^carthaginoise ,  l'attaquèrent  sur-le- 
champ,  et  l'ayant  mise  en  déroute, 
lui  prirent  quatorze  vaisseaux  avec 
tout  leur  é|Ç[uiqaffe.  Néanmoins ,  après 
cette  victoire,  ils  évacuèrent  Clypéa, 
emmenèrent  la  garnison  et  prirent  le 
chemin  de  la  Sicile.  On  a  lieu  de  s'é- 
tonner que  les  Romains,  avec  une 
flotte  si  nombreuse  et  après  une  vic- 
toire si  décisive,  n'aient  songé  qu'à 
évacuer  Clypéa  et  à  en  retirer  sa  garni- 
son, au  lieu  de  tenter  la  conquête  de  l'A- 
frique, que  Régulus,  avec  beaucoup 
moms  de  forces ,  avait  presque  achevée. 
Zonare  ajoute,  il  est' vrai,  que  les 
Romains  remportèrent ,  prés  de  Cly- 
péa, une  grande  victoire  sur  l'armée 


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48 


L'UNIVERS. 


de  terre  des  Carthaginois.  Mais  il  s'ac- 
corde avec  Polybe  sur  Pévacuation  de 
Clypéa  par  les  Romains.  Entrope  en 
donne  pour  motif  le  défaut  de  subsis- 
tances. 

Une  navigation  favorable  avait  ame- 
né la  flotte  romaine  Jusqu'en  Sicile. 
Les  pilotes  avaient  conseillé  de  retour- 
ner de  suite  en  Italie  pour  éviter  la 
saison  des  tempêtes  qui  approchait. 
Mais  les  consuls,  méprisant  leurs  avis, 
s'obstinèrent  à  vouloir  rejprendre  quel- 
ques villes  maritimes  qui  tenaient  en- 
core pour  les  Carthaginois.  Cette  im- 
prudence fut  la  cause  d'un  désastre 
épouvantable.  Us  furent  assaillis  tout 
à  coup  d'une  si  violente  tempête,  que 
sur  trois  cent  soixante-quatre  vais- 
seaux ,  ils  purent  à  peine  en  sauver 
quatre-vingts. 

L'activité  des  Carthaginois  sut  met- 
tre à  proGt  cette  faveur  de  la  fortune. 
Us  envoyèrent  une  armée  en  Sicile, 
formèrent  le  siéçe  d'Agrigente ,  pri- 
rent en  peu  de  jours  cette  ville ,  qui 
ne  reçut  point  de  secours ,  et  la  rui- 
nèrent entièrement.  Il  paraissait  pro- 
bable que  toutes  les  autres  places  des 
Romains  auraient  le  même  sort  et  se- 
raient obligées  de  se  rendre  aux  Cartha- 
ginois; mais  la  nouvelle  du  puissant 
arpiement  que  l'on  préparait  à  Rome 
donna  du  courage  aux  alliés,  et  les 
engagea  à  tenir  ferme  contre  les  enne- 
mis. £n  effet ,  dans  l'espace  de  trois 
mois ,  deux  cent  vingt  galères  furent 
mises  en  état  de  faire  voile. 

Onzième  année  de  la  guebbe; 
tentative  inutile  des  romains 
SUR  Dbépane;  pbise  de  Cepha- 

LGEDIUM  ET  DE  PALEBME*,  254  AYANT 

l'ebe  yulgaibe.  —  Les  deux  nou- 
veaux consuls ,  Cnéius  Cornélius  Scipio 
Asina  et  Aulus  Atilius  Calatinus ,  char- 
gés du  commandement  delà  flotte,  se 
rendirent  d'abord  à  Messine,  où  ils 
recueillirent  les  bâtiments  qui  avaient 
échappé  au  naufrage  de  Tannée  précé- 
dente. De  là ,  avec  trois  cents  vaisseaux 
de  guerre,  ils  abordèrent  à  Cephalœ- 
dium ,  qui  leur  fut  livrée  par  la  trahi- 
son de  quelques  habitants.  Ils  essayè- 
rent ensuite  de  s'emparer  de  Drépane; 
mais  les  secours  qu'y  introduisirent 


les  Carthaginois  les  forcèrent  de  re* 
noncer  au  siège  de  cette  ville.  Loin  de 
se  laisser  décourager  par  cette  tenta- 
tive infructueuse,  ils  allèrent  mettre 
le  siège  devant  Palerme  (*) ,  capitale  de 
toutes  les  possessions  carthaginoises  en 
Sicile.  Ils  s'emparèrent  du  port ,  et  les 
habitants  ayant  refusé  de  se  rendre, 
ils  travaillèrent  à  environner  la  ville  de 
fossés  et  de  retranchements.  Comme 
le  pays  était  couvert  d'arbres  jusqu'aux 
portes  de  la  ville,  les  palissades,  les 
agger  et  les  machines  avancèrent  rapi- 
dement. Ils  poussèrent  vigoureusement 
leurs  attaques,  et  renversèrent  avec  le 
bélier  une  tour  située  sur  le  bord  de 
la  mer.  Les  soldats  montèrent  à  l'as- 
saut par  la  brèche,  et  après  avoir  fait 
un  grand  carnage,  s'emparèrent  de 
cette  partie  de  la  place  qu^on  appelait 
la  Nouvelle  Ville.  Les  habitants  de 
la  Vieille  Ville,  manquant  de  vivres, 
offrirent  de  se  rendre,  à  condition 
qu'on  leur  laisserait  la  vie  et  la  liberté. 
Les  consuls  n'acceptèrent  point  cette 
proposition,  mais  fixèrent  leur  rançon 
a  deux  mines  par  tête  (**).  Il  y  en  eut 
dix  mille  qui  se  rachetèrent  à  ce  prix; 
tous  les  autres ,  au  nombre  de  treize 
mille,  furent  vendus  à  l'encan  avec  le 
reste  du  butin. 

La  prise  de  cette  ville  fut  suivie  de 
la  reddition  de  plusieurs  autres  pla- 
ces (***),  dont  les  habitants  chassèrent 
la  garnison  carthaginoise  et  embrassè- 
rent le  parti  des  Romains. 

Les  consuls  laissèrent  une  garnison 
dans  Palerme  et  retournèrent  a  Rome. 
Pendant  leur  traversée,  les  Cartha- 
ginois leur  dressèrent  une  embuscade 
et  leur  enlevèrent  quelques  vaisseaux 
chargés  d'argent  et  de  butin. 

Douzième  ,  tbeizième  et  quatob- 

ZIÈME  ANNÉES  DELA  PBEMIÈB£^UEB- 
B£  PUNIQUE ,  253  A  250  AYANT  l'EBE 

CHRÉTIENNE.  —  L'année  suivante,  les 
consuls  C.  Servilius  Cœpio  et  Caius 
Sempronius  Rlocsus  passèrent  en  Afri- 

(*)  Anciennement  Panonnus. 

(**)  x8a  fr.  95  c.  La  rançon  des  dix  mille 
fut  donc  de  i,8a9,5oo  fr. 

(***)  Jétine ,  Pétrinum ,  Solonte ,  Tjmdft- 
ris,  etc. 


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CARTHAGE. 


49 


que  avec  toute  leur  flotte.  Ils  se  bornè- 
rent à  longer  la  côte  et  à  faire  de  temçs 
à  autre  des  descentes ,  dont  le  seul  ré- 
sultat fut  le  pillage  de  quelques  cam- 
pagnes ,  tant  les  Carthaginois  avaient 
Bien  pourvu  alors  à  la  garde  et  à  la 
sûreté  de  leur  pays.  Ils  retournèrent 
à  Rome ,  en  côtoyant  les  côtes  de  la 
Sicile  et  celles  delltalie.  Mais  au  mo- 
ment où  ils  doublaient  le  cap  Palinure, 
il  s'éleva  une  furieuse  tempête  qui 
submergea  cent  cinquante  vaisseaux 
de  guerre  et  un  grana  nombre  de  bâ- 
timents de  charge.  Quelle  que  fût  la 
constance  des  Romams,  tant  de  dé- 
sastres consécutifs  abattirent  leur  cou- 
rage. Ils  renoncèrent  à  disputer  l'em- 
pire de  la  mer,  que  les  vents  et  les  flots 
semblaient  leur,  refuser.  Ils  mirent 
désormais  tout  leur  espoir  dans  leurs 
légions ,  et  se  bornèrent  à  équiper 
soixante  vaisseaux  pour  transporter  en 
Sicile  les  vivres  et  les  munitions  né- 
cessaires à  leurs  armées. 

Ce  découragement  des  Romains  re- 
leva la  confiance  des  Carthaginois.  Ja- 
mais ,  depuis  le  commencement  de  la 
guerre ,  l'état  de  leurs  affaires  n'avait 
été  plus  florissant.  Les  Romains  les 
avaient  laissés  maîtres  de  la  mer ,  et 
ils  commençaient  à  concevoir  une 
meilleure  opinion  de  leurs  troupes  de 
terre.  En  eifet ,  les  Romains  ,  depuis 
la  défaite  de  Régulus ,  gui  avait  été 
décidée  surtout  par  les  éléphants ,  s'é- 
taient fait  de  ces  animaux  belliqueux 
une  idée  si  terrible ,  que  pendant  les 
deux  années  suivantes,  où  ils  camî)èrent 
souvent  dans  les  campagnes  de  Lilybée 
et  de  Sélinunte,  à  cinq  ou  six  stades  de 
l'ennemi ,  ils  n'osèrent  ni  accepter  le 
combat ,  ni  descendre  dans  la  plaine. 
Privés  de  cette  confiance  qui  leur  fai- 
sait ordinairement  chercher  la  bataille 
avec  joie,  ils  se  retranchaient  soigneu- 
sement sur  des  montagnes  escarpées  et 
dans  des  positions  inaccessibles.  Aussi 
toutes  leurs  opérations,  pendant  ces 
deux  années  de  la  guerre ,  se  borné- 
rent-elles  aux  sièges  presque  insigni- 
fiants de  Thermes  et  cle  Lipari. 

Cependant  les  Carthaginois,  jugeant 
l'occasion   favorable  pour   reprendre 
l'offensive ,  résolurent  d'augmenter  les 
4*  Livraison.  (Cabthage.) 


forces  qu'ils  avaient  en  Sicile.  Mais 
comme  leur  trésor  était  épuisé  par  les 
dépenses  énormes  d'une  si  longue 
Çuerre  ,  ils  envoyèrent  une  ambassade 
a  Ptolémée  Philadelphe,  roi  d'Egypte, 
pour  le  prier  de  leur  prêter  deux  mille 
talents  (*).  Celui-ci,  qui  était  allié  des 
deux  peuples  ,  après  avoir  vainement 
interposé  sa  médiation  pour  les  récon- 
cilier ,  refusa  le  prêt  sollicité  par  les 
Carthaginois ,  en  disant  qu'il  ne  conve- 
nait pas  à  un  ami  de  fournir  des  se- 
cours contre  ses  amis. 

Alors  les  Carthaginois  épuisèrent 
toutes  leurs  ressources,  et  expédièrent 
en  Sicile  Asdrubal  avec  deux  cents 
vaisseaux,  cent  quarante  éléphants  et 
vingt  mille  hommes,  tant  d'mfanterie 
que  de  cavalerie.  Ce  général  employa 
toute  l'année  suivante  à  exercer  ses 
troupes  et  ses  éléphants,  et  les  armées 
romaines  ne  firent  dans  cette  campa- 
gne aucune  action  qui  mérite  d'être 
rapportée. 

Quinzième  année  de  la  premièbe 

GUEBBE  punique  ;  LES  CaBTHAGINOIS 

•  SONT  BATTUS  PAB  LES  ROMAINS  SOUS 

LES  MUBS  DE  PALEBME;  250  AVANT 

l'èbe  vulgaibe.  —  Le  sénat  romain, 
voyant  s'augmenter  de  jour  en  jour 
le  découragement  des  légions  qui  fai- 
saient la  guerre  en  Sicile  ,  revmt  sur 
sa  première  résolution  ,  et  se  décida 
à  tenter  de  nouveau  sur  mer  la  fortune 
des  armes.  Les  nouveaux  consuls 
Caius  Atilius  Régulus  et  Lucius  Man- 
lius  Vulso  furent  chareés  de  préparer 
et  d'équiper  avec  le  plus  grand  soin 
une  nouvelle  flotte.  Lucius  Cœcilius 
Metellus ,  l'un  des  consuls  de  l'année 
précédente ,  fut  continué  dans  le  com- 
mandement de  l'armée  de  Sicile  avec  le 
titre  de  proconsul. 

Asdruoal  avait  remarqué  que ,  pen- 
dant les  précédentes  campagnes,  les 
Romains  avaient  tacitement  fait  l'aveu 
de  leur  crainte  en  évitant  toujours  les 
occasions  de  combattre  en  bataille 
rangée.  Instruit  que  l'un  des  consuls 
était  retourné  en  Italie  avec  la  moitié 
des  troupes ,  que  Metellus  était  resté 
seul  en  Sicile  avec  l'autre  moitié;  pressé 

(*)  II  millions.     ^«» 


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60 


L'UNIVERS, 


d'ailleurs  par  les  instances  de  ses  sol- 
dats, qui  brûlaient  de  marcher  à  l'en- 
nemi ,  il  résolut  de  profiter  de  ces  cir- 
constances favorables  pour  engager 
une  action  décisive.  Il  partit  donc  de 
Lilybée  avec  toutes  ises  forces ,  et  vint 
camper  sur  la  frontière  du  territoire 
de  Palerme.  IMétellus  se  trouvait  alors 
dans  cette  ville  avec  son  année. 

Celui-ci,  ayant  appris  par  des  espions 
carthaginois  qu'il  avait  eu  Tadresse  de 
surprendre  qu'Asdrubal  s'avançait  dans 
le  dessein  de  lui  livrer  bataille ,  affecta 
de  montrer  de  la  crainte  pour  inspirer 
à  son  ennemi  une  plus  aveugle  confian- 
ce ,  et  se  tint  soigneusement  enfermé 
dans  ses  murailles.  Cette  terreur  simu- 
lée accrut  en  effet  la  témérité  d'Asdru- 
bal.  Il  franchit  les  défilés,  s'avance  dans 
la  plaine ,  mettant  tout  à  feu  et  à  sang , 
et  porte  le  ravage  jusqu'aux  portes 
mêmes  de  Palerme.  Métellus  ne  fit 
encore  aucun  inouvementdans  l'espoir 
d'engager  les  Carthaginois  à  franchir 
la  rivière  d'Orethus  ,  qui  coule  le  long 
de  la  ville,  et  ne  laissa  même  pa- 
raître sur  les  remparts  qu'un  petit 
nombre  de  soldats.  Asdrubal  donna 
dans  le  piège.  Il  fit  passer  la  rivière  à 
son  infanterie  et  à  ses  éléphants,  et, 

Slein  de  mépris  pour  les  Romains ,  il 
ressases  tentes  presque  sous  les  murs 
de  la  ville,  sans  daigner  même  les 
protéger  par  un  fossé  et  par  un  retran- 
chement. Métellus  aussitôt  fit  sortir 
quelques  troupes  légères  pour  harceler 
les  Carthaginois  et  les  engager  à  mettre 
toutes  leurs  forces  en  bataille.  Alors, 
voyant  que  son  stratagème  avait  com- 

Sletement  réussi ,  il  place  une  partie 
esesvélites,  armés  de 'javelots,  en 
avant  du  fossé  et  des  murs  de  la  ville, 
avec  ordre  de  lancer  tous  leurs  traits 
contre  les  éléphants  dès  qu'ils  seraient 
à  portée,  et,  s'ils  se  trouvaient  trop 
pressés,  de  se  jeter  dans  le  fossé  pour 
en  sortir  ensuite  et  revenir  à  la  charge. 
Il  fait  mettre  sous  leurs  mains,  au 
pied  des  murailles,  une  grande  pro-, 
vision  de  javelots ,  dispose  sur  les  rem- 
parts ses  archers  et  ses  frondeurs ,  et 
lui-même,  avec  ses  soldats  pesamment 
armés ,  se  tient  derrière  la  porte  op- 
posée à  l'aile  gauche  des  Carthaginois, 


envoyant  sans  cesse  de  nouveaux  se- 
cours à  ses  ventes  qui  étaient  engagés 
avec  l'ennemi.  Les  conducteurs  des 
éléphants,  piqués  d'une  noble  émula- 
tion et  voulant  avoir  l'honneur  de  la 
victoire ,  chargent  tous  à  la  fois  les 
premiers  rangs  des  Romains ,  les  ren- 
versent et  les  poursuivent  hardiment 
jusqu'au  bord  du  fossé.  Mais  alors,  les 
éléphants ,  accablés  d'une  grêle  de  flè- 
ches qu'on  faisait  pleuvoir  du  haut  des 
murs,  et  des  traits  que  leur  lançaient 
les  vélites  rangés  en  avant  du  fossé, 
entrent  en  foreur,  se  tournent  contre 
les  Carthaginois,  écrasent  tous  ceux 
qui  se  trouvent  sur  leur  passage  et 
portent  le  désordre  et  la  confusion 
dans  leurs  rangs.  Métellus,  qui  n'at- 
tendait que  ce  moment ,  sort  avec  ses 
légions  rangées  en  bon  ordre ,  et  tombe 
sur  le  flanc  des  ennemis ,  effrayés  et 
déjà  phis  d'à  moitié  vaincus.  Aussi 
n'eut-il  pas  de  peine  à  achever  leur  dé- 
faite. On  en  tua  un  grand  nombre  sur 
le  champ  de  bataille  ;  on  en  fit  un  grand 
^carnaçe  dans  la  fuite,  et,  pour  sur- 
croît de  malheur,  un  accident ,  qui  au- 
rait dû  leur  être  favorable ,  contribua 
encore  à  leur  désastre.  La  flotte  car- 
thaginoise ayant  paru  dans  ce  moment, 
tous  se  précipitèrent  au-devant  d'elle , 
dans  l'espoir  d'y  trouver  leur  salut. 
Mais ,  avant  de  pouvoir  atteindre  les 
galères,  ils  furent  ou  écrasés  pr  les 
éléphants,  ou  tués  par  les  Romains  qui 
les  poursuivaient,  ou  submergés  dans 
les  flots.  Les  Carthaginois  perdirent 
dans  cette  journée  vingt  mille  soldats, 
et  tous  leurs  éléphants  tombèrent  au 
pouvoir  de  l'ennemi. 

Métellus ,  outre  l'honneur  d'une  vic- 
toire si  mémorable,  eut  encore  la 
gloire  d'avoir  rendu  leur  ancienne 
confiance  aux  légions  romaines  qui, 
dès  ce  moment,  restèrent  maîtresses 
de  la  campagne.  Asdrubal,  après  sa 
défaite ,  se  réfugia  à  Lilybée.  Ce  seul 
malheur  fit  oublier  aux  Carthaginois 
tous  les  services  que  cet  habile  géné- 
ral leur  avait  rendus.  Il  fut  condamné 
pendant 'son  absence,  et,  lorsqu'il  re- 
vint à  Carthage ,  il  fut  arrêté  et  mis  à 
mort. 

Les  Carthaginois  inyoibnt  Râ- 


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CARTHAGE. 


Si 


GULus  À.  Rome  poibr  itégogieb  là 

PAIX  ;  SON  OPINION  DANS  LE  SÉNAT  ; 
SON  SUPPLICE  ET  SAMOBT.  —  Ce  nOU- 

veau  désastre,  joint  aux  pertes  consi- 
dérables que  les  Carthaginois  avaient 
éprouvées  sur  terre  et  sur  mer  dans 
les  dernières  campagnes ,  les  engagea  à 
ouvrir  des  négociations  de  paix.  Us 
pensèrent  que  par  l'entremise  deRégu- 
lus,  ils  pourraient  obtenir  des  condi- 
tions plus  favorables  ou  du  moins 
réchange  de  leurs  prisonniers,  dont 
quelques-uns  appartenaient  aux  pre- 
mières familles  de  Cartha^ e.  On  lui 
avait  fait  prêter  serment  de  revenii* 
s'il  ne  réussissait  pas  dans  sa  négocia- 
tion. Il  partit  donc  pour  Rome  avec  les 
ambassadeurs  des  Carthaginois  ;  mais 
lorsqu'il  fut  arrivé,  il  ne  voulut  jamais 
entrer  dans  la  ville,  quelques  instances 
que  lui  fît  le  sénat,  alléguant  pour  mo- 
tif de  son  refus  que,  suivant  les  cou- 
tumes de  leurs  ancêtres ,  un  député  de» 
ennemis  ne  pouvait  point  y  être  intro- 
duit, mais  qu'on  devait  lui  donner  au- 
dience hors  de  l'enceinte  de  Rome. 

Les  sénateurs  s'étant  donc  assem- 
blés hors  des  murs,  Régulus  leur  dit  : 
«  Les  Carthaginois ,  pères  conscrits , 
nous  ont  envoyés  vers  vous  (  car  moi 
aussi ,  par  le  droit  de  la  guerre ,  je  suis 
devenu  leur  esclave),  et  nous  ont 
chargés  de  demander  la  paix  à  des 
conditions  qui  puissent  être  agréées 
des  deux  peuples ,  sinon  d'insister  au 
moins  sur  l'échange  des  prisonniers.  » 
Après  avoir  prononcé  ces  mots ,  il  se 
retirait  en  silence  avec  les  ambassa- 
deurs. Les  consuls  le  pressaient  vive- 
ment d'assister  à  la  délibération;  mais 
il  n'y  consentit  qu'après  avoir  obtenu 
la  permission  des  Carthaginois,  qu'il 
regardait  comme  ses  maîtres. 

Les  propositions  de  paix  furent  écar- 
tées ;  fa  délibération  ne  roula  que  sur 
l'échange  des  prisonniers.  Invité  par 
les  consuls  à  donner  son  avis ,  il  répon- 
dit qu'il  n'était  plus  sénateur  ni  même 
citoyen  romain  depuis  qu'il  était  tombé 
entre  les  mains  ae  l'ennemi  ;  mais  il 
ne  refbsa  pas  d'émettre  son  opinion 
commô  simple  particulier.  Il  n'avait 
qu'un  mot  à  prononcer  pour  recouvrer, 
avec  sa  liberté,  ses  biens,  ses  dignités, 


sa  femme,  ses  enfants,  sa  patrie.  Mais 
cette  âme  ferme  et  constante  sacrifia 
toutes  ses  affections  à  l'intérêt  de  son 
pays ,  et  déclara  nettement  qu'on  ne 
devait  point  songer  à  faire  rechange 
des  prisonniers  ;  qu'un  tel  exemple  au- 
rait des  suites  funestes  pour  la  répu- 
blique ;  que  des  citoyens  qui  avaient  eu 
la  lâcheté  de  livrer  leurs  armes  à  l'en- 
nemi étaient  indignes  de  compassion 
et  incapables  de  servir  utilement  leur 
patrie;  que  pour  hii-méme,  en  le  per- 
dant, ils  ne  perdraient  que  les  débris 
d'un  corps  usé  par  la  vieillesse  et  par 
la  guerre,  tandis  que  les  généraux 
oarthagmois ,  qu'on  leur  proposait  d'é- 
changer, étaient  tous  dans  la  vigueur  de 
l'âge,  et  pouvaient  rendre  longtemps 
encore  de  grands  services  à  leur  pays. 
Les  sénateurs  admiraient ,  mais  n'^o- 
saient  accepter  ce  dévouement  sublime. 
Ils  ne  se  rendirent  enfin  que  sur  les  vives 
instances  de  Régulus  lui-même,  qui, 
par  une  générosité  sans  exemple ,  s'im- 
molait à  l'intérêt  de  sa  patrie. 

L'échange  fut  donc  refusé  ;  mais  la 
famille,  les  amis,  les  concitoyens  de 
Régulus  employèrent  presque  la  force 
pour  le  retenir.  Le  grand  pontife  lui- 
même  assurait  qu'il  pouvait  rester  à 
Rome  sans  être  panure  à  son  ser- 
ment. Rien  ne  put  ébranler  la  géné« 
reuse  obstination  de  cette  âme  inflexi- 
ble. Il  partit  de  Rome  pour  se  rendre 
à  Cartbage,  sans  se  laisser  attendrir 
ni  par  la  vive  douleur  de  ses  amis,  ni 
par  les  larmes  de  sa  femme  et  de  ses 
enfants.  Cependant  il  n'ignorait  pas 
quels  supplices  affreux  l'attendaient  à 
son  retour  ;  mais  il  redoutait  plus  le 
parjure  que  la  cruauté  de  ses  enne* 
mis. 

£n  effet,  lorsque  tes  Carthaginois 
apprirent  que  c'était  sur  l'avis  même 
de  Régulus  que  l'échange  des  prison* 
niers  avait  éié  refusé,  "ils  lui  firent 
souffrir  les  plus  affreux  tourments.  Us 
le  tenaient  longtemps  renfermé  dans 
un  noir  cachot ,  d'où ,  après  lui  avoiv 
coupé  les  paupières,  ils  le  faisait 
sortir  tout  à  coup  pour  l'exposer  au 
soleil  le  plus  vif  et  le  plus  ardent.  lis 
l'enfermèrent  ensuite  dans  ua  coffre 
hérissé  de  pointes  de  fer,  ou  il  expira, 


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53 


L'UNIVERS. 


miné  par  la  douleur  et  par  les  fatigues 
d'une  insomnie  perpétuelle. 

Siège  de  Lilybée  par  les  Ro- 
mains. —  Cependant  les  consuls  par- 
tirent de  Rome  avec  quatre  légions  et 
une  flotte  de  deux  cents  voiles ,  dans 
le  dessein  de  venger  la  mort  de  Régu- 
lu6 ,  et  de  profiter  de  la  victoire  de 
Palerme  pour  chasser  entièrement  les 
Carthaginois  de  la  Sicile.  Après  avoir, 
réuni  a  leur  armée  toutes  les  forces  - 
qui  étaient  dans  cette  province  ,  ils  ré- 
solurent défaire  le  siège  de  Lilybée,  es- 
pérant qu'après  la  prise  de  cette  ville , 
rien  ne  pourrait  plus  s'opposer  à  leur 
passage  en  Afrique.  Les  Carthaginois 
sentaient,  aussi  bien  que  les  Romains, 
de  quelle  importance  était  cette  place, 
soit  pour  la  défense  de  l'Afrique,  soit 
pour  la  conquête  de  la  Sicile.  Aussi 
les  deux  peuples  empîoyèrent-ils  tout 
ce  qu'ils  avaient  de  forces  pour  l'atta- 
quer et  pour  la  défendre. 

Lilybée  est  située  sur  le  promontoire 
du  même  nom  qui  est  tourné  du  côté 
de  TAfrique.  Cette  ville ,  que  les  Car- 
thaginois avaient  fortifiée  avec  le  plus 
grand  soin,  était  entourée  d'épaisses 
murailles ,  d'un  fossé  profond  et  de 
lagunes  salées  presque  mipraticables. 
C'est  à  travers  ces  lagunes  que  s'ou- 
vrait rentrée  du  port,  dont  l'accès  était 
très-difficile  pour  ceux  qui  ne  connais- 
saient pas  parfaitement  la  rade.  Les 
Romains  ayant  établi  leurs  camps  sur 
deux  points  opposés  de  la  ville  qui  se 
rapprochaient  de  la  mer,  les  joignirent 
entre  eux  par  des  lignes  fortifiées  d'un 
fossé,  d'un  mur  et  d'un  retranchement. 
Ils  dirigèrent  leurs  premières  attaques 
contre  la  tour  la  plus  proche  qui  regar- 
dait l'Afrique,  ajoutant  toujours  de 
nouveaux  ouvrages  aux  pretniers,  et 
s'avançant  de  plus  en  plus.  Enfin,  ils 
renversèrent  six  tours  contiguës  à  celle 
dont  nous  avons  parlé,  et  entreprirent 
d'abattre  les  autres  avec  le  bélier.  Dans 
ce  but,  ils  commencèrent  à  combler, 
«our  y  établir  leurs  machines,  le  fossé 
qui,  selon  Diodore,  avait  soixante 
coudées  de  large  et  quarante  de  pro- 
fondeur, et  ils  poussèrent  avec  une 
constance  inébranlable  ce  long  et  pé- 
nible travail.   Déjà   plusieurs  tours 


avaient  été  renversées  ;  d'autres  mena- 
çaient ruine,  et  les  assiégeants  s'avan- 
çaient de  plus  en  plus  vers  l'intérieur 
de  la  place.  Alors  la  terreur  et  la 
consternation  se  répandirent  dans  la 
ville,  quoique  la  garnison  filt  de  dix 
mille  soldats,  sans  compter  les  habi- 
tants, et  qu'Imilcon,  leur  comman- 
dant, déployât  dans  la  défense  de  la 
place  un  courage  et  une  habileté  re- 
marquables. En  effet,  l'infatiçable  ac- 
tivité de  ce  général  pourvoyait  à  tous 
les  besoins,  et  déjouait  tous*^  les  efforts 
des  ennemis.  S'ils  creusaient  une  mine, 
il  en  ouvrait  une  autre  pour  les  traver- 
ser ;  s'ils  parvenaient  a  faire  une  brè- 
che, «Ile  était  aussitôt  réparée;  si  une 
portion  du  mur  s'écroulait,  un  autre 
mur  s'élevait  en  arrière  pour  le  rem- 
placer. Toujours  vigilant  et  attentif, 
toujours  présent  au  milieu  du  danger, 
il  ne  laissait  ni  ses  soldats  en  repos , 
ni  ceux  des  assiégeants  en  sûreté,  op- 
posant ses  ouvrages,  ses  mines  et  ses 
armes ,  aux  ouvrages ,  aux  mines  et 
aux  armes  des  Romains.  Il  épiait  sans 
cesse  l'occasion  de  mettre  le  feu  aux 
machines  des  assiégeants,  et,  pour 
y  parvenir,  le  iour,  la  nuit ,  à  tous  les 
mstants  favoranles,  il  faisait  de  brus- 
ques sorties ,  et  livrait  des  combats 
acharnés,  :  plus  meurtriers  quelquefois 
que  des  batailles  rangées. 

Pendant  qu'Imilcon  se  défendait  si 
courageusement ,  quelques  officiers  des 
soldatsétrangersfornièrententreeuxle 
complot  de  livrer  la  ville  aux  Romains , 
espérant  entraîner  dans  leur  défection 
les  troupes  qu'ils  avaient  sous  leurs 
ordres.  Le  général,  dont  la  vigilance 
avait  pénétre  ce  projet  de  révolte,  ne 
perd  pas  un  instant.  Il  rassemble  sur 
le  forum  tous  les  mercenaires;  il  ré- 
veille dans  leurs  âmes  les  sentiments 
d'affection  et  de  fidélité  qu'ils  doivent 
à  Carthage  et  a  leur  général;  il  leur 
fait  payer  l'arriéré  de  leur  solde;  et 
enfin,  par  ses  promesses,  par  son  élo- 
quence, il  les  détermine  à  punir  les 
traîtres,  et  à  se  dévouer  entièrement 
avec  lui  à  une  cause  qu'ils  ont  défendue 
jusque-là  avec  tant  de  courage  et  de 
gloire. 

ANNIBÀL    passe    a    TfiAVEHS    LÀ 


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CARTHAGE 


53 


ÏLOTTE  ROMAINE  POUB  INTRODUIRR 

DU  SECOURS  DANS  LiLYBÉE.  —  Bien- 
tôt de  nouveaux  secours  que  reçurent 
les  assiégés  relevèrent  encore  leur  con- 
Cance.  Les  Carthaginois  qui ,  sans  avoir 
reçu  aucua  renseignement  certain  sur 
réiat  de  Lilybée,  prévoyaient  cepen- 
dant les  dangers  et  les  besoins  ae  la 
ville  assiégée,  équipèrent  une  flotte  de 
cinquante  vaisseaux,  v  embarquèrent 
dix  mille  soldats,  et  chargèrent  Anni- 
bal,  fils  d'Amilcar,  d'introduire  des 
trouves  à  Lilybée,  avec  de  l'argent  et 
des  vivres.  Il  reçut  ordre  de  partir  sans 
délai,  et  de  braver  tous  les  dangers 
pour  pénétrer  dans  la  place.  Annibal 
aborde  aux  îles  Éguses,  situées  près 
de  Lilybée,  et  y  attend  un  vent  favo- 
rable pour  y  exécuter  cette  difficile  en- 
treprise; car  les  Romains,  dès  le  com- 
mencement du  siège,  avaient  obstrué 
l'entrée  du  port  en  y  coulant  à  fond 
quinze  vaisseaux  chargés  de  pierres. 
Sitôt  qu'un  vent  fort  et  propice  à  ses 
desseins  s'éleva  du  côté  de  la  mer, 
Annibal  déploya  toutes  ses  voiles,  et 
se  dirigea  vers  Lilybée,  tenant  sur  le 
pont  de  ses  galères  ses  soldats  rangés 
en  bon  ordre  et  tout  prêts  à  combattre. 
La  flotte  romaine,  surprise  et  comme 
frappée  de  stupeur  par  l'imprévu  de 
cette  manœuvre  hardie,  craignant 
d'ailleurs  que  la  violence  du  vent  ne  la 
poussât  dans  le  port  ou  sur  les  bas- 
fonds  qui  bordaient  le  rivage,  ne  fit 
aucun  mouvement  pour  s'opposer  au 
passage  des  vaisseaux  ennemis.  Anni- 
bal, sans  ralentir  sa  course,  évitant 
avec  adresse  tous  les  obstacles,  entra 
fièrement  dans  le  port  et  débarqua  ses 
dix  mille  soldats,  aux  cris  de  joie  et 
aux  applaudissements  de  toute  la  ville. 
Sortie  d'Imilcon;  combat  san- 
glant AUTOUB  DES  MACHINES.  —  LcS 

Romains  n'ayant  pu  empêcher  l'intro- 
duction du  secours  dans  la  ville  assié- 
gée, présumèrent  qu'Imilcon,  après 
avoir  reçu  un  renfort  si  considérable , 
entreprendrait  bientôt  de  détruire 
leurs  machines.  Ils  ne  se  trompèrent 
point  dans  leurs  conjectures.  Imilcon, 
voulant  profiter  de-  l'ardeur  des  nou- 
velles troupes ,  et  du  courage  que  leur 
arrivée  avait  rendu  à  la  garnison  et 


aux  habitants,  les  réunit  tous  sur  la 
place  publique,  et  les  décida  à  une 
sortie  générale  par  l'espérance  d'une 
victoire  infaillible  et  des  récompenses 
dont  elle  serait  suivie. 

Assuré  de  leurs  bonnes  dispositions , 
il  assemble  les  principaux  officiers,  il 
leur  assigne  les  postes  qu'ils  doivent 
occuper,  leur  donne  le  mot  d'ordre, 
fixe  l'instant  de  la  sortie,  et,  au  point 
du  jour,  il  attaque  sur  plusieurs  points 
à  la  fois  les  ouvrages  des  Romains. 
Ceux-ci,  gui  avaient  pénétré  d'avance 
les  desseins  de  l'ennemi,  ne  furent 
point  surpris  par  cette  brusque  atta- 
que. Ils  se  portent  rapidement  sur  tous 
les  points  menacés  et  présentent  par- 
tout une  vigoureuse  résistance.  Les 
deux  partis  avaient  déployé  toutes  leurs 
forces.  Vingt  mille  hommes  étaient 
sortis  de  la  ville;  les  assiégeants  leur 
en  avaient  opposé  encore  un  plus  grand 
nombre.  La  mêlée  devint  générale  et 
le  combat  sanglant.  L'action  était  d'au- 
tant plus  vive  que,  de  part  et  d'autre, 
les  soldats ,  abandonnant  leur  ordre  de 
bataille,  se  battaient  pêle-mêle  et  ne 
suivaient  que  leur  impétuosité.  On  eût 
dit  que  dans  cette  multitude  immense 
homme  contre  homme,  rang  contre 
rang,  s'étaient  défiés  l'un  l'autre  en 
combat  singulier. 

Mais  c'était  surtout  autour  des  ma- 
chines que  les  efforts  étaient  plus  vio- 
lents et  la  lutte  plus  acharnée.  Les 
Carthaginois  dans  l'attaque,  les  Ro- 
mains dans  ta  défense,  rivalisaient 
d'audace  et  d'opiniâtreté.  Les  uns,  pour 
repousser  les  défenseurs  des  machi- 
nes ,  les  autres ,  pour  ne  pas  céder  le 
terrain ,  prodiguaient  leur  vie  et  tom- 
baient morts  sur  la  place  même  où  ils 
avaient  commencé  à  combattre.  Ce  qui 
mettait  le  comble  au  tumulte  et  à  l'hor- 
reur de  cette  affreuse  mêlée,  c'était 
les  soldats  qui,  armés  de  torches  et 
d'étoupes  enflammées  pour  aller  met- 
tre le  feu  aux  machines,  se  précipi- 
taient comme  des  forcenés  au  milieu 
des  périls  et  du  carnage.  Les  Romains, 
effrayés  de  tant  d'audace,  furent  plu- 
sieurs fois  sur  le  point  de  céder  et 
d'abandonner  leurs  ouvrages.  Mais 
enfin  Imilcon,  voyant  qu'il  avait  fait 


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u 


L'UNIVERS. 


de  grandes  pertes  sans  obtenir  aucun 
avantage  décisif,  fît  sonner  la  retraite. 
Les  Romains ,  satisfaits  d'avoir  pu  con- 
server leurs  machines,  ne  songèrent 
point  à  le  poursuivre.  Dès  la  nuit  sui- 
vante, Annibal ,  choisissant  le  moment 
où  les  Romains  fatigués  du  combat 
gardaient  le  port  avec  moins  de  vigi- 
lance, sortit  avec  ses  vaisseaux  et  re- 
joignit Adherbat  à  Drépane,  ville  ma- 
ritime située  à  cent  vingt  stades  (*)  de 
Lilybée.  Il  emmena  avec  lui  la  cavalerie 
qui ,  n'étant  d'aucun  usage  dans  la  ville 
.  assiégée,  pouvait  être  utilement  em- 
ployée ailleurs.  En  effet,  ces  cavaliers, 
par  leurs  incursions  continuelles,  ren- 
direntaux  assiégeants  les  chemins  dan- 
gereux et  le  transport  des  convois 
difficile,  exercèrent  toutes  sortes  de 
ravages  dans  les  campagnes  voisines,, 
et  donnèrent  beaucoup  d'embarras  et 
d'inquiétude  aux  consuls.  Adherbal  ne 
leur  en  causait  pas  moins,  du  côté  de 
la  mer,  par  de  fréquentes  et  subites 
incursions ,  tantôt  sur  les  côtes  de  S\f 
cile,  tantôt  sur  celles  de  l'Italie.  Cette 
tactique,  suivie  avec  persévérance, 
amena  dans  le  camp  des  Romains  une 
si  grande  disette,  que,  réduits  pour 
tout  aliment  à  la  chair  des  animaux, 
la  plupart  furent  emportés  par  la  fa- 
mine ou  par  les  maladies  qui  en  sont 
la  suite  ordinaire. 

Les  consuls,  ayant  perdu  près  de 
dix  mille  hommes,  décidèrent  que  l'un 
d'eux  retournerait  à  Rome  avec  la 
moitié  des  légions,  afin  que  celles  gui 
resteraient  pour  continuer  le  siège 
eussent  moins  de  difficulté  pour  se 
procurer  des  vivres.  Décidés  à  conver- 
tir le  siège  en  blocus,  ils  entreprirent 
de  fermer  par  une  digue  l'entrée  du 
port  de  Lilybée;  mais  la  profondeur 
des  eaux  et  la  violence  du  courant 
ayant  rendu  leurs  efforts  presque  en- 
tièrement inutiles,  ils  se  bornèrent  à 
en  garder  l'entrée  avec  plus  de  vigi- 
lance qu'auparavant. 

Audace  d'Antnibal  le  Rhodien; 
IL  pénètre  plusieurs  fois  dans  le 
PORT  DE  Lilybée;  il  est  pris  avec 

(*)  11,540  toises,  environ 4  lieues  de  ao 
au  degré. 


SON  VAISSEAU.  —  Cependant  à  Car- 
thage  on  ne  recevait  aucune  nouvelle 
de  ce  qui  se  passait  à  Lilybée,  et  per- 
sonne ne  s'offrait  pour  aller  s'en  ins- 
truire. Annibal,  surnommé  le  Rho- 
dien, homme  brave  et  entreprenant, 
se  fit  fort  de  pénétrer  dans  la  ville 
assiégée,  d'en  examiner  avec  soin 
la  situation ,  et  de  venir  rendre  un 
compte  fidèle  de  tout  ce  qu'il  aurait 
observé.  Les  Carthaginois  applaudirent 
à  son  zèle  et  à  son  dévouement,  et  ac- 
ceptèrent ses  offres,  bien  qu'ils  fussent 
persuadés  qu'il  aurait  beaucoup  de 
peine  à  accomplir  sa  promesse;  car  ils 
savaient  que  les  vaisseaux  romains 
étaient  à  l'ancre  devant  le  port  et  en 
fermaient  presque  entièrement  l'en- 
trée. Mais  Annibal,  ayant  équipé  un 
vaisseau  qui  lui  appartenait  en  propre, 
aborde  à  Tune  des  îles  qiii  sont  vis- 
à-vis  de  Lilybée,  et  le  lendemain,  pro- 
fitant d'un  vent  favorable,  il  met  a  la 
voile  vers  le  milieu  du  jour,  passe  à 
travers  la  flotte  romaine,  et  entre  dans 
le  port  à  la  vue  des  ennemis  étonnés 
de  son  audace.  Le  jour  suivant,  il  se 
disposait  à  retourner  à  Carthage.  Mais 
le  consul,  pendant  la  nuit,  avait  choisi 
dix  de  ses  vaisseaux  les  plus  légers,  et 
les  avait  placés  aux  deux  côtés  de  l'en- 
trée du  port,  étendant  leurs  rames 
comme  des  ailes,  pour  fondre  au  pre- 
mier signal  sur  le  navire  carthaginois. 
Annibal,  fort  de  son  audace  et  de  la 
légèreté  de  sa  galère,  part  en  plein  jour 
pour  braver  l'ennemi.  Il  passe,  avec  la 
rapidité  d'un  oiseau,  à  travers  les 
masses  presque  immobiles  des  vais- 
seaux romains,  et,  se  jouant  de  leurs 
pesantes  manœuvres,  if  revient  sur  ses 
pas,  voltige  sur  leurs  flancs,  quelque- 
fois s'arrête  pour  les  provoquer  au 
combat,  et  ne  s'éloigne  enfin  qu'après 
avoir  longtemps,  avec  un  seul  vais- 
seau, déjoué  les  efforts  de  toute  la 
flotte  romaine.  L'heureuse  issue  de 
cette  entreprise,  qu' Annibal  réitéra 
plusieurs  fois  avec  le  même  succès,  fit 
connaître  aux  Carthaginois  les  besoins 
de  Lilybée,  et  leur  donna  les  moyens 
d'y  pourvoir.  Elle  accrut  en  niêiiie 
temps  la  confiance  des  assiégés  et  abat- 
tit le  courage  des  Romains,  honteux 


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GARTHAGE. 


55 


de  voir  leurs  projets  traversés  par  la 
témérité  insultante  d'un  seul  homme. 

L'audace  présomptueuse  du  Cartha- 
ginois et  la  réussite  constante  de  ses 
tentatives  tenaient  principalement  à  la 
connaissance  approfondie  qu'il  possé- 
dait des  écueiis,  des  bas-fonds  et  des 
étroits  passages  de  cette  rade  dançe-, 
reuse.  Déjà  son  exemple  était  imité 
par  d'autres  navigateurs,  qui  allaient 
a  Lilybée  et  en  revenaient  impuné- 
ment ,  lorsque  le  hasard  lit  tomber  au 
pouvoir  des  Romains  une  quadrirème 
carthaginoise,  remarquable  par  l'élé- 
gance de  sa  coupe  et  la  légèreté  de  ses 
mouvements.  Les  Romains,  ayant 
choisi  pour  son  équipage  de  braves  sol- 
dats et  d'excellents  rameurs,  s'en  ser- 
virent pur  observer  ceux  qui  tente- 
raient de  pénétrer  dans  le  port,  et 
surtout  Annibal.  Celui-ci,  qui  était 
entré  de  nuit  dans  la  ville ,  en  repartait 
en  plein  jour.  Serré  de  près  par  la  qua- 
drirème qui  suivait  tous  ses  mouve- 
ments ,  il  la  reconnut  et  ne  put  se  dé- 
fendre d'un  sentiment  de  frayeur.  Il 
chercha  d'abord  à  lui  échapper  par  la 
rapidité  de  sa  course;  mais  gagné  de 
vitesse,  et  au  moment  d'être  atteint, 
il  fut  contraint  de  faire  volte-face  et 
d'accepter  le  combat.  Alors ,  trop  faible 
pour  résister  au  nombre  et  à  la  valeur 
des  soldats  romains,  il  fut  pris  avec 
son  vaisseau.  Les  Romains  équipèrent 
ce  navire  avec  le  plus  grand  soin,  et 
ils  employèrent  avec  tant  de  succès  ces 
deux  belles  galères  à  la  garde  du  port, 
que  personne  désormais  n'osa  plus  en- 
trer dans  Lilybée. 

Nouvelle  sobtie  d'Imilcon;  in- 
cendie DBS  MACHINES.  —  A  partir  de 
ce  moment,  les  assiégeants  redoublè- 
rent leurs  assauts  avec  une  nouvelle 
vigueur,  et  attaquèrent  les  fortifica- 
tions voisines  de  la  mer,  pour  attirer 
de  ce  côté  toute  l'attention  et  toutes 
les  forces  de  la  garnison.  Ils  espéraient 
que ,  à  la  faveur  de  cette  fausse  atta- 
que ,  leurs  troupes  campées  du  côté  de 
la  terre  pourraient  s'emparer  du  mur 
extérieur  de  la  ville.  Ce  projet  réussit 
d'abord;  mais  les  Romains  n'avaient 

Ï>as  encore  eu  le  temps  de  s'établir  dans 
eurs  positions  >  lorsqu'Imilcon  tomba 


sur  eux  à  Timproviste,  en  tua  dix 
mille  et  força  les  autres  à  prendre  la 
fuite. 

Quelques  temps  après,  une  circons-  . 
tance  imprévue  fournit  aux  assiégés 
l'occasion  de  détruire  les  ouvrages  des 
Romains.  Il  s'éleva -tout  à  coup  un  éu- 
rai^an  impétueux  qui  ébranla  leurs  ga- 
leries et  renversa  même  les  tours  des- 
tinées à  les  protéger.  Quelques  soldats 
mercenaires  jugèrent  le  moment  d'au- 
tant plus  favorable  pour  les  incendier, 
qiie  le  vent  les  favorisait  en  soufOaût 
du  côté  de  la  ville.  Ils  communiquèrent 
leur  idée  à  Imilcon  et  s'offrirent  pour 
exécuter  l'entreprise.  Imilcon  approuva 
ce  projet  et  fit  tous  les  préparatifs  né- 
cessaires. Ils  sortent  partagés  en  trois 
corps ,  et  mettent  à  la  fois  le  feu  aux 
machines  sur  trois  points  différents. 
Ces  machines ,  construites  depuis  long- 
temps et  formées  d'un  bois  desséché 
par  le  soleil  et  les  ardeurs  de  l'été, 
prirent  feu  aisément,  et  la  violence  de 
r ouragan,  portant  de  tous  côtés  les 
débris  des  mantelets  et  des  tours  en- 
flammées, propagea  l'incendie  avec 
une  rapidité  effrayante.  Les  Romains 
accoururent  pour  défendre  leurs  ou- 
vragés ;  mais  leurs  secours  étaient  di- 
riges au  hasard  et  leurs  efforts  impuis- 
sants ;  car  le  vent  qu'ils  avaient  en  face 
poussait  dans  leurs  yeux  et  dans  leurs 
visages  des  tourbillons  de  cendre,  de 
flamme  et  de  fumée ,  et  il  en  périt  un 
grand  nombre  avant  qu'ils  eussent  pu 
même  approcher  des  endroits  qu'il  fal- 
lait secourir.  Les  Carthaginois,  au 
contraire ,  favorisés  par  la  direction  du 
vent,  et  éclairés  par  le  feu  qui  consu- 
mait les  machines,  lançaient  leurs  traits 
avec  certitude',  et  manquaient  rare- 
ment le  but  qu'ils  voulaient  atteindre. 
Enfin,  les  mantelets,  les  tortues,  les 
béliers,  les  balistes,  toutes  les  machi- 
nes destinées  soit  à  creuser  des  mines , 
soit  à  battre  les  murs,  furent  entière- 
ment consumées. 

Dès  ce  moment,  les  Romains  per- 
dirent toute  espérance  de  se  rendre 
maîtres  de  Lilybée  par  la  force.  Ils  se 
bornèrent  à  entourer  la  ville  d'un  fossé 
et  d'un  retranchement.  Ils  fermèrent 
leur  camp  par  une  forte  muraille,  et 


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56 


UUNIVERS. 


changeant  le  siège  en  blocus ,  ils  atten- 
dirent que  la  famine  forçât  la  place  à 
se  rendre.  Les  assiégés,  de  leur  côté , 
relevèrent  les  fortifications  qui  avaient 
été  renversées ,  et  se  ménagèrent  tous 
les  moyens  d'une  vigoureuse  résistance. 
Seizième  année  de  la  guebbe  ; 

BATAILLE  NAVALE  DE  DbÉPANE  ; 
VICTOIRE  COMPLÈTE  DES  CABTHA- 
GINOIS  ;  249  AVANT  L'ÈRE  VULGAIRE. 

—  Quand  on  eut  appris  à  Rome  qu'une 
partie  des  troupes  avait  péri  à  Lilybée, 
soit  dans  Fincendie  des  machines ,  soit 
dans  les  autres  opérations  du  siège, 
.  cette  fâcheuse  nouvelle ,  loin  d'abattre 
les  esprits,  sembla  renouveler  l'ardeur 
et  le  courage  des  citoyens.  Chacun  se 
hâtait  de  porter  son  nom  pour  se  faire 
enrôler,  et  bientôt  dix  mille  hommes , 
et  un  renfoH  considérable  de  matelots 
passèrent  le  détroit,  et  allèrent  par 
terre  se  joindre  aïk  assiégeants. 

Le  département  de  la  Sicile  était 
échu  au  consul  Publius  Claudius  Pul- 
cher.  C'était  un  homme  d'un  carac- 
tère dur  et  violent,  entêté  de  sa  no- 
blesse et  de  son  propre  mérite ,  plein 
de  confiance  dans  ses  lumières,  de  mé- 
pris pour  celles  des  autres  ;  punissant 
tes  moindres  fautes  avec  une  extrême 
rigueur,  tandis  que  lui-même,  dans  les 
affaires  les  plus  importantes ,  ne  mon- 
trait pas  moins  (l'extravagance  que 
d'incapacité.  Ainsi,  quoiqu'il  eût  blâmé 
avec  une  aigreur  excessive  les  derniers 
généraux  d  avoir  tenté  de  fermer  l'en* 
trée  du  port  au  moyen  d'une  digue, 
il  s'obstina  à  poursuivre  l'exécution 
de  ce  projet  impraticable  et  échoua 
devant  les  mêmes  obstacles. 

Mais,  de  toutes  les  fautes  qu'il  com- 
mit, la  plus  funeste  fut  l'attaque  de 
Drépane,  où  il  perdit  par  son  impru- 
dence et  par  la  valeur  d'Adlierbal  la 
flotte  .a  plus  brillante  que  les  Romains 
eussent  mise  en  mer.  Il  s'était  per- 
suadé qu'il  serait  facile  de  surprendre 
Adherbal  à  Drépane  ;  que  ce  général , 
instruit  des  pertes  que  la  flotte  ro- 
maine avait  éprouvées  au  siège  de 
Lrlybée ,  et  ignorant  le  nouveau  ren- 
fort qu'elle  avait  reçu ,  ne  s'attendrait 
pas  a  ce  qu'elle  reprît  subitement  l'of- 
fensif ft  et  ne  serait  pas  en  garde  contre 


une  attaque  imprévue.  Il  choisit  dans 
toute  la  flotte  deux  cents  vaisseaux,  et 
y  embarqua  ses  meilleurs  rameurs  et 
les  [)lus  braves  soldats  des  légions.  Il 
sortit  du  |)ort  au  milieu  de  la  nuit , 
sans  être  aperçu  des  assiégés ,  et  la 
tête  de  sa  flotte  n'était  pas  loin  de 
Drépane,  quand  le  jour  parut  et  la 
découvrit  aux  yeux  d' Adherbal.  Cette 
apparition  inattendue  le  surprit  sans 
le  déconcerter.  Entre  les  deux  seuls 
partis  qu'il  avait  à  prendre ,  il  fallait 
se  déterminer  promptement.  Le  pre- 
mier était  d'aller  au-devant  des  Ro- 
mains et  de  les  combattre  sur  le  champ, 
l'autre  de  les  attendre  et  de  se  laisser 
assiéger.  Il  rejeta  ce  dernier  parti  qui 
lui  parut  à  la  fois  lâche  etdangereux.il 
rassemble  sur  le  rivage  lès  matelots  et 
les  soldats;  il  leur  fait  entendre  en 
peu  de  mots ,  mais  pleins  de  force  et 
d'énergie,  ce  qu'ils  ont  à  espérer  en 
sortant  du  port  pour  livrer  la  bataille 
aux  Romains ,  ce  qu'ils  ont  à  craindre 
en  se  laissant  investir. 

'  Tous  ayant  demandé  le  combat  avec 
de  grands  cris  de  joie,  il  leur  ordonne 
de  s'embarquer  sur-le-champ  et  de 
suivre  la  galère  amirale,  qu'il  allait 
monter  lui-même,  sans  la  perdre  de 
vue.  Il  gagne  le  premier  la  haute  mer 
et  fait  filer  sa  flotte  derrière  les  rochers 
^ui  bordaient  le  côté  du  port  opposé 
à  celui  par  lequel  entrait  l'ennemi. 
Claudius  voyant ,  contre  son  attente , 
que  les  Carthaginois  étaient  sortis, 
disposés  à  lui  livrer  bataille  en  pleine 
mer;  envoya  ordre  à  ceux  de  ses  vais- 
seaux qui  étaient  déjà  dans  le  port  ou 
au  moment  d'y  entrer,  de  revenir  sur 
leurs  pas  pour  se  joindre  au  gros  de 
la  flotte.  L'exécution  de  cette  manœu- 
vre fut  la  cause  d'un  désordre  extrême. 
Parmi  les  vaisseaux  romains ,  les  plus 
légers  avaient  déjà  pénétré  dans  le 
port,  d'autres  les  suivaient  de  près, 
quelques-uns  étaient  arrêtés  à  l'entrée 
même.  Il  en  résulta  que,  dans  cet  es- 
pace étroit,  tous  faisant  à  la  fois  de 
grands  efforts  pour  revirer  de  bord , 
ils  s'embarrassaient  mutuellement ,  se 
heurtaient  les  uns  les  autres  et  se  bri- 
saient réciproquement  leurs  rames. 
Enfin  s'étant  dégagés  avec  beaucoup 


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CARTHAGE. 


&7 


de  peine ,  ils  se  rangèrent  en  bataille 
le  long  de  la  côte^  la  proue  tournée  vers 
l'ennemi. 

Le  trouble  et  la  confusion  causés 
par  cette  manœuvre  avaient  commencé 
a  jeter  de  l'inquiétude  et  de  la  frayeur 
dans  l'armée.  Une  action  irréligieuse 
du  consul  acheva  de  la  déconcerter  et 
de  lui  faire  perdre  tout  courage  et 
toute  espérance.  Les  Romains ,  à  cette 
époque,  avaient  une  confiance  supersti- 
tieuse dans  les  présages  et  dans  les 
augures.  Au  moment  où  la  bataille 
était  près  de  s'engager ,  on  vint  dire 
à  Claudius  que  les  poulets  sacrés  ne 
voulaient  ni  sortir  de  leur  cage,  ni 
prendre  de  nourriture  :  «  Qu'us  boi- 
vent donc  y  puisqu'ils  ne  veulent  point 
manger  »  ,  dit  Claudius  avec  un  ton 
d'impiété  railleuse,  et  il  les  fît  jeter 
dans  la  mer. 

Cependant  le  consul,  qui,  aupara- 
vant, était  placé  à  l'arrière  -  garde , 
se  trouva ,  par  le  mouvement  qui  venait 
de  s'opérer,  à  la  tête  de  l'aile  gauche 
et  à  l'extrémité  de  la  ligne.  En  même 
temps,  Adherbal, avant  gagprié  la  haute 
mer  et  tourné  la  flotte  romaine,  rangea 
ses  galères  sur  une  même  ligne  vis-à- 
vis  de  celles  des  Romains  qui  s'éten- 
daient le  long  du  rivage.  Au  signal 
donné  par  les  amiraux,  le  combat  s'en- 
gagea, et  fut  d'abord  soutenu  de  part 
et  d'autre  av«c  la  même  ardeur  et  un 
succès  à  peu  près  égal.  Mais  bientôt 
la  balance  pencha  en  faveur  des  Cartha- 
ginois qui,  dans  cette  bataille,  avaient 
sur  les  Romains  plusieurs  avantages. 
Leurs  vaisseaux  étaient  beaucoup  plus 
légers,  leurs  rameurs  plus  habiles  et 
plus  expérimentés.  Ils  avaient  habile- 
ment choisi  leur  position  en  mettant 
la  pleine  mer  derrière  eux.  En  effet , 
s'ils  étaient  trop  pressés,  ils  pouvaient 
reculer  sans  aucun  risque  et  éluder 
l'attaque  de  l'ennemi  par  l'agilité  de 
leurs  vaisseaux.  Les  Romains  se  lais- 
saient-ils emporter  trop  loin  par  l'ar- 
deur de  la  poursuite,  ils  se  retour- 
naient tout  à  coup,  les  enveloppaient  de 
toutes  parts ,  brisaient  avec  l'éperon 
les  flancs  de  leurs  navires  et  les  cou- 
laient à  fond.  Claudius,  au  contraire, 
avait  toutes  les  difficultés  à  vaincre. 


La  pesanteur  de  ses  vaisseaux  et  Tin- 
expérience  de  ses  rameurs  rendaient 
toutes  ses  manœuvres  infructueu- 
ses. Rangés  trop  près  du  rivage ,  ses 
navires  n'avaient  ni  l'espace  néces- 
saire pour  leurs  évolutions,  ni  les 
moyens  de  faire  retraite  lorsqu'ils 
étaient  pressés  par  l'ennemi  :  aussi  la 
plupart  échouèrent  sur  les  bancs  de 
sable  ou  allèrent  se  briser  contre  les 
rochers  de  la  côte.  Il  ne  s'en  échappa 
que  trente  qui ,  étant  auprès  du  consul , 
prirent  la  fuite  avec  lui  en  glissant 
entre  le  rivage  et  la  flotte  victorieuse. 
Tout  le  reste  des  vaisseaux ,  au  nombre 
de  quatre-vingt-treize,  tomba  avec  l'é- 
quipage en  la  puissance  des  Carthagi- 
nois ,  dont  la  perte  dans  cette  bataille 
fut  peu  considérable.  Du  côté  des  Ro- 
mains, huit  mille  hommes  furent  tués 
ou  noyés ,  vingt  mille,  tant  soldats  que 
matelots,  furent  pris  et  conduits  à 
Carthage.  Claudius ,  pour  regagner  plus 
sûrement  Lilybée,  en  longeant  les 
côtes  qui  étaient  au  pouvoir  des  Car- 
thaginois ,  orna  ses  galères  de  palmes , 
de  lauriers,  de  tous  les  signes  de  la 
victoire,  et,  par  ce  stratagème,  il 
réussit,  même  en  fuyant,  à  inspirer  la 
terreur. 

Ce  brillant  succès,  qui  était  dû  tout 
entier  à  la  prévoyance  et  à  l'habileté 
d'Adherbal ,  lui  valut  de  grands  hon- 
neurs à  Carthage.  A  Rome,  au  con- 
traire, on  punit  par  une  forte  amende 
l'incapacité  et  l'impiété  arrogante  de 
Claudius,  qui  avaient  été  si  funestes  à 
la  république. 

Cependant  Adherbal  profita  de  sa 
victoire  pour  enlever  aux  Romains, 

Eres  de  Palerme,  un  grand  nombre  de 
arques  chargées  de  vivres  ;  il  parvint 
à  les  introduire  dans  Lilybée,  et  ra- 
mena ainsi  l'abondance  dans  la  ville 
assiégée. 

Cahthalon  amène  de  Carthage 
UN  renfort  de  soixante-dix  vais- 
seaux ;  il  surprend  la  flotte  ro- 
maine devant  Lilybée.  —  La  lin  de 
cette  année  amena  encore  aux  Romains 
de  nouveaux  désastres.  Ils  avaient 
chargé  Lucius  Junius,  l'un  des  con- 
suls ,  de  conduire  à  Lilybée  des  vivres 
et  des  munitions  pour  l'armée  qui  as- 


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M 


L'UNIVERS. 


siégeait  cette  ville*  Junius  vint  aborder 
à  Messine,  où  il  trouva  une  inOnité  de 
bâtiments  de  toute  espèce  qui  s'y  étaient 
rassemblés  de  toutes  les  parties  de  la 
Sicile.  Il  en  composa  une  flotte  de  cent 
vingt  vaisseaux  de  guerre  et  de  huit 
cents  navires  de  transport,  avec  la- 
quelle il  se  rendit  à  Syracuse.  Dès 
qu'il  y  fut  arrivé,  il  fît  partir  les  ques- 
teurs ,  avec  la  moitié  des  vaisseaux  de 
charge  et  quelques  galères,  pour  sub- 
venir aux  oesoms  pressants  des  trou- 
pes qui  bloquaient  Lilybée.  Il  attendit 
lui-même  a  Syracuse  les  bâtiments 
qui ,  partis  de  Messine  avec  lui ,  étaient 
restés  en  arrière,  et  l'arrivée  des  con- 
vois de  vivres  que  ses  alliés  lui  en- 
voyaient des  provinces  éloignées  de  la 
mer. 

Cependant  Adberbal ,  enhardi  par  ses 
premiers  succès  et  par  un  reniort  de 
soixante-dix  vaisseaux  que  Garthalon 
venait  de  lui  amener  de  Cartha^e,  ré- 
solut de  frapper  un  coup  décisif.  Il 
confie  cent  galères  à  Cartnalon,  il  lui 
ordonne  de  cingler  vers  Lilybée,  et, 

Ear  une  brusque  attaque,  d'enlever,  de 
rûler  ou  de  couler  à  tond  les  vaisseaux 
romains  qui  étaient  à  Tancre  devant  le 
port.  Garthalon  part  aussitôt  pour 
exécuter  cet  ordre.  Il  arrive  avant  le 
jour  à  Lilybée,  fond  avec  impétuosité 
sur  la  flotte  romaine,  enlève  quelques 
vaisseaux,  en  brûle  quelques  autres, 
et  répand  le  trouble  et  la  terreur  dans 
le  camp  des  assiégeants.  Ceux-ci  ac- 
courent à  la  hâte  pour  défendre  leurs 
Îjalères;  mais  Imilcon,  gouverneur  de 
a  ville  assiéeée,  averti  par  le  tumulte 
et  les  cris  des  combattants,  fait  une 
sortie  à  la  tête  de  ses  mercenaires  et 
tombe  sur  les  derrières  des  Romains, 
dont  le  désordre  s'accroît  par  cette 
double  attaque. 

Manoeuybes  de  Càrthalon  ds- 
vant  les  flottes  bomainss  ;  nau- 
frage et  destruction  entière  de 
CES  DEUX  FLOTTES.  —  L'approchc  de 
la  nouvelle  flotte  romaine  empêcha 
Càrthalon  de  pousser  plus  loin  ses 
avantages.  Il  alla  se  poster  à  Héraclée 
pour  observer  l'arrivée  des  questeurs 
et  leur  couper  la  communication  avec 
l'armée  de  siège.  Bientôt,  instruit  par 


ses  éclaireurs  qu'une  armée  naVale 
composée  de  bâtiments  de  toute  espèce 
se  dirigeait  vers  Lilybée,  il  saisit  l'oc- 
casion avec  joie ,  et ,  plein  de  mépris 
pour  les  Romains  qu'il  avait  déjà  vain- 
cus, il  s'avance  à  leur  rencontre  pour 
leur  livrer  bataille.  L'escadre  com- 
mandée par  les  questeurs ,  se  jugeant 
trop  faible  pour  soutenir  le  combat, 
alla  aborder  à  une  petite  ville  alliée, 
nommée  Phintias ,  qui  à  la  vérité  n'a 
pas  de  port,  mais  où  des  promontoires 
avancés  dans  la  mer  forment,  pour  les 
vaisseaux,  un  abri  commode  et  une 
rade  facile  à  défendre,  lis  y  débarquè- 
rent, et,  après  Y  avoir  disposé  tout  ce 
que  la  ville  put  leur  fournir  de  cata- 

f)ultes  et  de  balistes ,  ils  y  attendirent 
'attaque  des  Carthaginois.  Ceux-ci 
pensèrent  d'abord  que  les  Romains 
effrayés  se  retireraient  dans  la  ville  et 
leur  abandonneraient  leurs  vaisseaux. 
Mais  trouvant,  contre  leur  attente, 
une  vigoureuse  résistance ,  et  se  voyant 
exposés  dans  cette  position  difficile  à 
des  périls  multipliés,  ils  se  contentè- 
rent d'emmener  quelques  vaisseaux  de 
charge  qu'ils  avaient  pris,  et  se  reti- 
rèrent dans  le  fleuve  Halycus  pour  ob- 
server le  départ  de  la  flotte  romaine. 
Vers  le  même  temps  le  consul  Ju- 
nius,  après  avoir  terminé  les  aflfaires 
qui  le  retenaient  à  Syracuse,  doubla  le 
promontoire  Pachynum  et  cingla  vers 
Lilybée,  ignorant  encore  ce  qui  s'était 
passé  à  Pnintias.  Càrthalon,  à  cette 
nouvelle,  mit  sur-le-champ  à  la  voile, 
dans  le  dessein  de  livrer  bataille  au 
consul  avant  qu'il  eût  rejoint  la  divi- 
sion de  sa  flotte  commandée  par  les 
auesteurs.  Junius  reconnut  de  loin  la 
otte  nombreuse  des  Carthaginois; 
mais  trop  faible  pour  soutenir  un  com- 
bat, et  trop  proche  de  l'ennemi  pour 
échapper  à  sa  poursuite ,  il  prit  le  parti 
d'aller  jeter  l'ancre  près  de  Camarine, 
dans  une  rade  entourée  de  rochers  es- 
carpés et  presque  entièrement  inabor- 
dable, aimant  mieux  s'exposer  à  périr 
au  milieu  des  écueils  que  de  tomber 
avec  toute  sa  flotte  au  pouvoir  des  en- 
nemis. Càrthalon  se  garda  bien  de 
donner  bataille  aux  Romains  dans  des 
lieux  si  difficiles  ;  il  alla  mouiller  auprès 


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CARIHAGE. 


69 


d'un  promontoire ,  d*où  il  était  à  portée 
d'observer  en  même  temps  les  deux 
flottes  ennemies  et  de  prendre  sur  elles 
tous  ses  avantages. 

Bientôt  après,  les  vents  commencè- 
rent à  souffler  avec  violence,  et  les 
pilotes  carthaginois,  accoutumés  à  na- 
viguer sur  ces  mers,  conseillèrent  à 
Garthalon  de  quitter  sa  station  et  de 
doubler  sans  délai  le  promontoire  de 
Pachynum.  Garthalon  suivit  ce  conseil , 
et  parvint,  après  de  grands  efforts,  à 
mettre  sa  flotte  en  sûreté.  Mais  celles 
des  Romains ,  surprises  Tiine  et  l'autre 
par  la  tempête,  au  milieu  des  rochers 
et  des  bas-fonds ,  éprouvèrent  un  nau- 
frage si  affreux,  que  de  tant  de  vais- 
seaux il  ne  se  sauva  que  deux  galères, 
avec  lesquelles  le  consul  Junius  se  ren- 
dit à  Lilybée. 

Junius  s'empàbe  pab  tbàhison 

DE    LÀ    MONTAGNE   ET    DE  LÀ  VILLE 

B'ÉRYX.  —  Ce  dernier  désastre  acheva 
d'abattre  les  Romains  déjà  découragés 
et  affaiblis  par  les  pertes  précédentes. 
Ils  renoncèrent  de  nouveau  à  disputer 
l'empire  de  la  mer  aux  Carthaginois , 
et  tournèrent  leurs  efforts  du  côté  de 
la  terre,  résolus  d'employer  toutes 
leurs  ressources  pour  maintenir  la  su- 
périorité qu'ils  y  avaient  acquise. 
Ai||si ,  loin  de  renoncer  au  siège,  ils  en 
poussèrent  les  opérations  avec  une 
nouvelle  vigueur.  L'armée  ne  manquait 
ni  de  munitions  ni  de  vivres ,  qui  lui 
étaient  apportés  par  les  peuples  de  Si- 
cile, dont  la  plupart  s'étaient  soumis 
volontairement  aux  Romains  ou  leur 
étaient  unis  par  des  traités  d'alliance. 
Cependant  le  consul  Junius,  qui 
était  resté  à  Lilybée,  poursuivi  par  le 
souvenir  de  ses  fautes  et  de  son  nau- 
frage, cherchait  à  les  faire  oublier  par 
quelque  action  d'éclat.  Il  se  ménagea 
aes  mtelligences  secrètes  dans  Éryx, 
et  se  lit  livrer  la  ville  et  le  temple  de 
Vénus.  L'Éryx ,  la  plus  haute  montagne 
de  la  Sicile  après  l'Etna,  est  située 
près  de  la  mer,  entre  Drépane  et  Pa- 
lerme,  mais  bien  plus  rapprochée  de 
Drépane.  Au  sommet  de  la  montagne 
est  un  vaste  plateau  sur  lequel  on  avait 
bâti  le  temple  de  Vénus  Érycine,  le 
plus  beau  et  le  plus  riche  sans  compa- 


raison de  tous  les  temples  de  la  Sicile. 
Un  peu  au-dessous  du  sommet  s'éle-^ 
vait  la  ville  d'Éryx,  où  l'on  ne  montait 
que  j)ar  un  chemin  très-long  et  très- 
difûcile.  Junius  avait  placé  une  partie 
de  ses  troupes  sur  le  plateau ,  gardant 
avec  le  plus  grand  soin  les  points  de  la 
montagne  accessibles  du  coté  de  Dré- 
pane; il  fortifia  même  Égithalle,  place 
située  sur  la  mer  au  pied  du  mont 
Éryx,  et  y  laissa  huit  cents  hommes 
de  garnison.  Il  croyait,  par  ces  dispo- 
sitions, avoir  bien  assure  sa  conquête; 
mais  Carthalon,  ayant  débarque  pen- 
dant la  nuit  ses  troupes  près  d'Égi- 
thalle,  emporta  cette  place  d'assaut, 
tua  ou  prit  ceux  qui  la  défendaient,  à 
l'exception  de  quelques-uns  qui  se  ré- 
fugièrent dans  la  ville  d'Éryx. 

Dix-septième,  dix-huitibme,  dix- 
tteuvièmb  et  vingtième  année  de 
là  guebbe,  de  248  à  244  avant 
l'èbe  chbétienne  ;  Amilcàb  occupe 
LÀ  fobte  position  d'Ebctb. — C'est 
cette  année  que  commence  à  paraître 
sur  la  gcène  l  un  des  plus  grands  hom- 
mes ûo  guerre  que  Carthage  ait  pro- 
duits. Amilcar,  surnommé  Barcà ,  père 
du  fameux  Annibal,  reçoit  le  com- 
mandement général  des  armées  de  terre 
et  de  mer  en  Sicile.  Il  part  avec  toute 
sa  flotte,  va  porter  le  ravage  sur  les 
côtes  d'Italie,  et  revient,  chargé  de 
butin ,  aborder  près  de  Palerme.  Là , 
son  coup  d'oeil  habile  lui  fit  reconnaître 
dans  Ërcté  une  position  admirable 
pour  y  retrancher  son  armée  et  braver 
pendant  longtemps  les  efforts  de  l'en- 
nemi. Ërcté  est  une  montagne  d'une 
assez  grande  hauteur,  située  sur  le 
bord  de  la  mer,  entre  Éryx  et  Palerme , 
escarpée  de  tous  les  côtés  et  couronnée 
par  un  plateau  de  cent  stades  de  cir- 
conférence (*).  Ce  plateau  est  très-fer- 
tile et  produit  d'aoondantes  moissons 
de  toutes  sortes  de  grains.  Dû  côté  de 
la  terre  et  du  côté  de  la  mer,  les  flancs 
de  la  montagne  sont  presque  entière- 
ment revêtus  de  rochers  à  pic,  inter- 
rompus seulement  par  quelques  ravins 
faciles  à  fortifier.  Au  milieu  du  pla- 
teau ,  s'élève  une  éminence  oue  la  na- 

(*)  Environ  9,5oo  toises* 


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60 


L'UNIVERS. 


ture  semble  avoir  formée  à  la  fois  pour 
servir  de  citadelle  et  pour  observer 
tout  ce  qui  se  passe  dans  les  campagnes 
voisines.  Le  pied  de  cette  montagne, 
où  l'on  trouve  une  grande  abondance 
d'eau  douce,  s'étenaf  jusqu'à  un  port 
très-commode  pour  ceux  qui,  de  Dré- 
pane  ou  de  Lilybée,  font  voile  vers 
l'Italie.  On  n'arrive  au  sommet  du 
mont  que  par  trois  chemins,  deux  du 
côté  de  la  terre  et  un  du  côté  de  la 
mer,  mais  tous  également  pénibles  et 
difficiles.  C'est  dans  ce  poste  qu'Amil- 
car  eut  l'audace  de  s'établir.  Il  se  pla- 
çait au  milieu  d'un  pays  ennemi ,  en- 
vironné de  tous  côtés  par  les  armes 
romaines,  loin  de  ses  alliés,  loin  de 
toute  espèce  de  secours,  et  cependant, 
par  l'avantage  de  cette  ]M)sition,  par 
son  courage  et  son  expérience  dans  le 
métier  de  la  guerre,  il  sut  créer  aux 
Romains  obstacles  sur  obstacles,  et 
les  jeter  dans  des  périls  et  des  alarmes 
continuelles. 

Succès  d'Hannon  en  Afbique.  — 
Pendant  qu'Amilcar  rétablissait  en  Si- 
cile l'honneur  des  armes  puniques, 
Uannon,  son  rival  de  gloire,  étendait 
en  Afrique  la  domination  de  Carthage. 
Ce  général,  pour  exercer  ses  soldats 
et  les  nourrir  aux  dépens  de  Tennemi , 
avait  porté  la  guerre  dans  cette  partie 
de  la  Libye  qui  est  aux  environs  d'Hé- 
catompyle.  Il  s'était  emparé  de  cette 
grande  ville;  mais  jaloux  de  relever 
par  la  clémence  l'éclat  de  sa  victoire , 
il  se  laissa  attendrir  par  les  prières  des 
habitants,  se  conduisit  à  leur  égard  en 
vainqueur  généreux,  leur  laissa  leurs 
biens  et  leur  liberté,  et  se  contenta 
d'exiger  trois  mille  otages  pour  garants 
de  leur  fidélité. 

Siège  de  Dbépaiœ  pàb  le  consul 
Fabius.  —  Vers  le  même  temps  le  con- 
sul Fabius  faisait  le  siège  de  Drépane. 
Au  midi  de  cette  ville  et  tout  près  du 
rivage  est  une  île  ou  plutôt  un  rocher, 
que  les  Grecs  appelaient  l'île  des  Co- 
lombes. Le  consul  y  envoya  pendant  la 
nuit  quelques  soldats  qui  s'en  emparè- 
rent après  avoir  égorgé  la  garnison 
carthaginoise.  Amilcar,  ^ui  était  ac- 
couru a  la  défense  de  Drepane,  sortit 
au  point  du  jour  pour  reprendre  ce 


poste  important  à  la  sûreté  de  la  ville 
assiégée.  Le  consul  s'en  aperçut  trop 
tard,  et,  ne  pouvant  aller  au*secours 
des  siens ,  il  donna  l'assaut  à  Drépane 
avec  toutes  ses  forces,  espérant,  par 
cette  diversion ,  ou  prendre  la  ville  en 
l'absence  de  son  commandant,  ou  for- 
cer ce  dernier  à  revenir  sur  ses  pas. 
Il  obtint  l'un  de  ces  avantages.  Amil- 
car étant  retourné  dans  la  ville  pour 
repousser  les  assaillants,  Fabius  resta 
maître  de  l'île,  qu'il  joignit  au  conti- 
nent par  une  digue,  et  dont  il  se  servit 
utilement  dans  la  suite  pour  y  établir 
ses  machines  et  presser  plus  vivement 
les  assiégés. 

AMILCAB  SB  MAINTIENT  PENDANT 
TBOIS  ANS  A  EbCTÉ  CONTBE  TOUS  LES 

EFFOBTS  DES  RoMAiNS.  —  Cependant 
Amilcar  conservait  toujours  sa  forte 
position  d'Ercté.  Sans  cesse,  avec  sa 
flotte,  il  infestait  les  côtes  de  la  Sicile 
et  de  l'Italie,  et  même  lorsque  les  Ro- 
mains commandés  par  Métellus  se  fu- 
rent établis  en  avant  de  Palerme,  à 
cinq^  stades  de  ses  retranchements ,  il 
sut  encore  déjouer  leurs  manœuvres  et 
se  maintenir  pendant  trois  ans  dans 
cette  position  formidable. 

Pendant  ce  long  espace  de  temps  il 
ne  se  passa  presque  point  de  iour  qu'il 
n'en  vînt  aux  mains  avec  l'ennemi. 
C'étaient  des  deux  côtés  des  embûches , 
des  surprises  habilement  préparées, 
plus  habilement  déjouées,  des  attaques 
imprévues,  des  retraites  simulées,  en 
un  mot,  des  combats  de  détail  si  fré- 
quents, si  semblables  entre  eux,  que 
leur  description  a  rebuté  jnéme  la  mi- 
nutieuse exactitude  de  Polybe.  «  Une 
a  idée  générale  de  cette  lutte,  où  les 
«succès  furent  également  balancés, 
«  suffira,  dit-il,  nour  faire  juger  de 
«Thabileté  des  aeux  généraux.  En 
«  effet,  tous  les  stratagèmes  que  l'ex- 


toutes  les  manœuvres  qui  exigent  le 
«  secours  de  l'audace  et  de  la  témérité, 
«  furent  employés  de  part  et  d'autre 
«  sans  amener  de  résultat  important. 
«  Les  forces  des  deux  armées  étaient 
«  égales;  les  deux  camps  bien  fortifiés 


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CARTHAGE. 


61 


«  et  inaccessibles  ;  Tintervalle  qui  les 
«  séparait  fort  petit.  Toutes  ces  causes 
«  réunies  donnaient  lieu  chaque  jour  à 
«  des  combats  partiels ,  mais  empé- 
«  cbaient  que  l'action  devînt  jamais  dé- 
«cisive;  car,  toutes  les  fois  qu'on  eu; 
<"  venait  aux  mains,  ceux  qui  avaient, 
«  le  dessous  trouvaient  dans  la  proxi- 
«  mité  de  leurs  retranchements  un  asile 
«  assuré  contre  la  poursuite  des  enne- 
«  mis  et  le  moyen  de  les  combattre  avec 
«  avantage.  » 

Les  nouveaux  consuls  (*)  ne  furent . 
pas  ^lus  heureux  en  Sicile  que  leurs, 
prédécesseurs ,  ayant  toujours  à  lutter" 
contre  les  difficultés  des  lieux ,  contre- 
les  entreprises  hardies  et  les  ruses 
habilement  concertées  d'Amilcar.  Ce 
grand  général,  par  son  activité,  par 
son  courage ,  par  sa  présence  d'esprit,, 
par  son  habileté  à  saisir  l'occasion, 
savait,  avec  des  forces  inférieures,  con-' 
server  toutes  les  places  qu'il  avait  pri- 
ses, inquiéter  celles  des  ennemis,  et 
balancer  en  Sicile  la  fortune  et  la  puis- 
sance de  Rome.  11  résolut  de  secourir 
Lilybée,  qui,  bloquée  par  terre  et  par 
mer ,  était  en  proie  au  découragement 
et  à  la  famine,  et  il  y  réussit  par  cet 
adroit  stratagènie.  Il  ordonna  à  une 
partie  de  sa  flotte  de  se  tenir  en  pleine 
mer  et  de  manœuvrer  comme  si  elle 
avait  le  dessein  de  pénétrer  daiis  Lily-i 
bée.  Dès  que  les  Romains  l'eurent, 
aperçue,  ils  sortirent  pour  aller  au- 
devant  d'elle.  Aussitôt  Amilcar,'avec 
trente  de  ses  vaisseaux,  qu'il  avait 
tenus  soigneusement  cachés ,  se  saisit 
du  port,  y  fait  entrer  des;  vivres  et  des 
secours,  et  pourvoit  à  tous  les  besoins 
de  la  garnison,  dont  sa  présence  relève 
et  fortifie  encore  le  courage. 
Vingt-unième  année  de  la  guerre; 

PRISE  DE  LA  VILLE  d'ÉrYX  PAR  AMIL- 
CAR  ;  IL  s'y  maintient  pendant  DEUX 
ANS  ENTRE  DEUX  ARMEES  ROMAINES; 

244  AVANT  l'Ère  vulgaire.  —  L'an- 
née suivante,  Amilcar,  toujours  infa- 
tigable ,  conçut  une  entreprise  encore 
plus  hardie.  Les  Romains,  comme 
nous  l'avons  rapporté,  s'étaient  em- 

(*)  A.  Manlius  Torquatus  et  C.  Sempro- 
nius  Blaesus. 


parés  de  la  ville  et  du  mont  Éryx  . 
lis  avaient  établi  deux  camps  retran- 
chés ,  l'un  vers  le  Bas  de  la  mon- 
tagne ,  l'autre  sur  le  plateau  qui 
dominait  la  villç,  en  sorte  qu'ils  sem- 
bJaient  n'avoir  rien  à  craindre  pour 
cette  place  défendue  par  sa  situation 
naturelle  et  par  cette  double  garnison. 
Mais  ils  avaient  à.  faire  à  un  ennemi 
dont  la  vigilance  et  ractivité  auraient 
dii  les  tenir  toujours  en  haleine.  L'au- 
dace d'Ainiloar,  à  qui  rien  ne  parais- 
sait impossible,  se  fit  un  jeu  de  ces 
obstacles  presque  insurmontables.  II 
fait  avancer  ses  troupes  pendant  la 
nuit,  se  met  à  leur  tête,  gravit  la  mon- 
tagne dans  le  plus  profond  silence ,  et 
après  deux  heures  d'une  marche  aussi 
pénible  que  dangereuse ,  il  arrive  de- 
vant Éryx ,  l'emporte  d'assaut ,  égorge 
une  pariie  de  la  garnison  ,  et  fait  con- 
duire le  reste  à  Drëpane. 

A  partir  de  ce  moment,  cette  petite 
montagne  fut  l'étroite  arène  où  se  dé- 
battirent les  de-stins  des  deux  plus 
grandes  républiques  du  monde.  Amil- 
car, placé  entre  deux  corps  ennemis, 
était  assiégé  par  celui  qu'il  dominait, 
tandis  qu'il  assiégeait  lui-même  le 
camp  placé  au-dessus  de  sa  tête.  Les 
Romains,  retranchés  sur  le  plateau  de 
la  montagne  ,  bravaient  tous  les  périls 
et  supportaient  toutes  les  privations 
avec  une  persistance  opiniâtre.  Les 
Carthaginois,  par  une  constance  qui 
tient  du  prodige,  quoiqu'ils  fussent  de 
toutes  parts  entourés  par  les  ennemis, 
quoiqu'ils  ne  pussent  se  procurer  de 
vivres  que  par  un  seul  point  de  la  côte 
dont  ils  étaient  maîtres ,  restaient  iné- 
branlables dans  cette  position  sans 
exemple.  Les  deux  peuples,  par  la 
proximité  de  leurs  camps,  exposés  à 
des  travaux  et  à  des  périls  sans  cesse 
renaissants,  réduits  tous  les  jours  et 
presque  tous  les  instants  à  craindre  ou 
a  soutenir  le  combat ,  à  éviter  les  [ué- 
ges  ou  à  repousser  l'ennemi ,  s'étaient 
volontairement  condamnés  à  des  souf- 
frances au-dessus  des  forces  humaines. 
Le  manque  de  repos,  la  privation  d'a- 
liments épuisaient  leur  vigueur  sans 
abattre  leur  courage.  Toujours  égaux 
et  toujours  invincibles ,  ils  soutinrent 


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Gi 


L'UNIVERS. 


pendant  deux  ans  cette  lutte  acharnée, 
sans  qu'aucun  d'eux  se  rebutât  de  ses 
défaites  ou  pût  forcer  l'autre  à  lui  cé- 
der la  victoire. 
Vingt -DEUXIÈME  année  de  la 

GUEBBE  ;  DÉFECTION  DES  MEBCENAI- 
BES  GABTHAGINOIS  ;  BÉTABLISSEMENT 
DE  LA  MABINE  BOMAINE  ;  243  AVANT 

l'ébe  chbétienne.  —  L'arrivée  des 
nouveaux  consuls  (*)  ne  changea  point 
la  face  des  affaires.  La  guerre  se 
continuait  sur  le  même  terrain  avec 
la  même  opiniâtreté  et  la  même  alter- 
native de  revers  et  de  succès ,  lorsque 
les  Gaulois  et  quelques  autres  corps 
de  troupes  mercenaires  qui  étaient  au 
service  de  Carthage ,  mécontents  des 
retards  apportés  au  payement  de  leur 
solde ,  formèrent  le  complot  de  livrer 
aux  Romains  la  ville  d'Éryx ,  où  ils 
étaient  en  garnison.  Leur  projet  ayant 
échoué,  ils  passèrent  dans  le  camp  des 
consuls  et  turent  les  premiers  étraur 
gers  admis  à  porter  les  armes  au  ser^ 
vice  de  la  république  romaine.  Cette 
défection,  qui  diminuait  les  forces  d'A* 
milcar ,  sembla  redoubler  encore  son 
courage  et  son  énergie.  Ce  général  » 
qu'on  ne  pouvait  ni  surprendre  par  la 
ruse,  ni  dompter  parla  force,  sut  encore 
opposer  une  si  vigoureuse  résistance 
aux  Romains,  que  ceux-ci,  désespérant 
d'achever  la  conquête  de  la  Sicile  avec 
leurs  seules  forces  de  terre,  revinrent 
au  projet  de  rétablir  leur  marine. 

Mais  la  longueur  de  la  guerre  avait 
épuisé  le  trésor  public,  et  le  peu  d'ar- 
gent qui  restait  suffisait  à  peine  à 
rentretien  des  légions.  L'amour  de  la 
patrie  et  la  générosité  des  principaux 
citoyens  suppléèrent  aux  ressources 
qui  manquaient  à  l'État.  Grâce  aux 
contributions  volontaires  de  tous  les 
ordres  de  la  république,  Rome,  en 
peu  de  temps ,  arma  une  flotte  de  deux 
cents  galères  à  cinq  rangs  de  rames. 
Elles  mrent  construites  sur  le  modèle 
de  celle  qu'on  avait  prise  à  Annibal  le 
Rhodien,  et  l'on  apporta  les  soins  les 

Ï)lus  attentifs  à  leur  fabrication  et  à 
eur  équipement. 

(*)  C.  Fundanûis  Fundulus  et  C.  Sulpî- 
tius  Gatlus. 


Debnièbe  année  de  la  guerbe; 
bataille  navale  des  ILES  Égates  ; 

VICTOIBE  DES  ROMAINS  ;  242  AVANT 

l'ébe  CHBÉTIENNE.  —  Au  Commence- 
ment du  printemps,  le  consul  Lutatius, 
ayant  rassemblé  tous  les  vaisseaux  de 
la  république  et  ceux  des  particuliers , 
passa  en  Sicile  avec  trois  cents  galè- 
res et  sept  cents  bâtiments  de  trans- 
port. Il  s'empara,  sans  trouver  de 
résistance,  des  ports  deDrépane  et  de 
Lilybée ,  parce  que  les  Carthaginois , 
qui  étaient  loin  de  s'attendre  à  l'ar- 
rivée d'une  flotte  romaine ,  s'étaient 
retirés  en  Afrique  avec  tous  leurs  vais- 
seaux. Encouragé  par  cet  heureux  dé- 
but ,  le  consul  fit  les  approches  autour 
deDrépane,  et  disposa  tout  pour  le 
siège.  ;^ais ,  en  même  temps,  ce  gêné* 
rai ,  dont  l'activité  égalait  la  prudence, 
prévoyant  que  la  Botte  punique  ne 
tarderait  pas  à  paraître,  et  persuadé 
que  l'issue  de  cette  longue  guerre  dé- 
pendait d'une  bataille  navale,  employait 
tous  les  moyens  pour  préparer  la  vic- 
toire. Il  exerçait  sans  relâclie  les  mate- 
lots ,  les  rameurs  et  les  soldats  de  ses 
galères ,  les  formait  à  toutes  les  évo- 
lutions, les  accoutumait  à  toutes  lesr 
manœuvres,  et  enfin,  par  ces  leçons 
sans  cesse  répétées,  il  parvint,  en  peu 
de  temps ,  à  leur  donner  une  instruc- 
tion et  une  expérience  presque  égales  à 
eelles  de  leurs  ennemis. 

Cependant ,  les  Carthaginois,  surpris 
de -l'audace  des  Romains,  qui  venaient 
de  reprendre  la  supériorité  sur  mer, 
songèrent  sur-le-champ  à  ravitailler  le 
camp  d'Éryx.  Dans  ce  but ,  ils  firent 
passer  en  Sicile ,  sous  le  commandement 
d'Hannon ,  une  flotte  de  quatre  cents 
vaisseaux,  chargés  d'argent,  de  vivres 
et  de  munitions  de  toute  espèce.  Le 
dessein  d'Hannon  était  d'aborder  près 
d'Éryx  à  l'insu  des  ennemis,  d'y  dé» 
charger  ses  vaisseaux ,  de  renforcer  son 
armée  navale  par  les  vétéraas  aguerris 
qu'Amilcar  lui  fournirait,  et  d'aller 
ensuite,  avec  ce  général,  combattre  la 
flotte  romaine.  Ces  mesures  .étaient 
bien  prises,  si  la  vigilance  de  Lutatius 
ne  les  eût  déconcertées.  Le  consul, 
ayant  deviné  les  projets  de  fennemi , 
fit  embarquer  sur  sa  flotte  l'étite  de  sm 


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CARTHAGE . 


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CARTHAGE. 


légions,  et  fit  Toile  vers  É^se,  île  si- 
tuée entre  Drépane  et  Lilybée ,  d'où  il 
î^perçut  de  loin  la  flotte  ennemie.  Il 
avertit  les  pilotes  et  les  soldats  de  se 
préparer  pour  combattre  le  lende- 
main ,  et  les  exhorta  à  bien  faire  leur 
devoir. 

Mais,  au  point  du  jour,  vo)[ant  que 
le  vent  lui  était  aussi  contraire  qu'il 
était  favorable  aux  Carthaginois,  et 
que  la  mer  était  extrêmement  agitée, 
il  hésita  d'abord  sur  le  parti  qu'il  de- 
vait prendre.  Cependant,  il  calcula  que 
ai ,  malgré  ces  désavantages ,  il  enga- 
geait de  suite  la  bataille^  il  n'aurait  à 
lutter  que  contre  Hannon  lui  seul, 
contre  des  vaisseaux  incomplètement 
armés,  *et  embarrassés  d'un  charge- 
ment considérable  de  munitions  et  de 
vivres ,  tandis  que  s'il  attendait  le  cal- 
me et  laissait  Hannon  se  joindre  avec 
le  camp  d'Éryx,il  lui  faudrait  com- 
battre contre  des  vaisseaux  allégés  du 
Soids  de  leur  cargaison ,  contre  l'élite 
e  l'armée  de  terre ,  et,  ce  qui  était  en- 
core plus  formidable  que  tout  le  reste, 
contre  le  génie  et  l'intrépidité  d'Amil- 
car.  Ces  motifs  l'emportèrent  dans  son 
esprit,  et  le  détermnièrent  à  saisir  l'oc- 
casion présente. 

Comme  les  ennemis  approchaient 
à  pleines  voiles ,  il  lève  l'ancre  et  s'a- 
vance à  leur  rencontre.  L'adresse  et  la 
vigueur  de  l'équipage  se  jouent  de  la 
résistance  des  vagues.  La  flotte  se 
range  sur  une  seule  ligne,  la  proue 
tournée  vers  l'ennemi.  Les  Carthagi- 
nois, voyant  nue  les  Romains  leur 
fermaient  le  ;  cnenâih  d'Éryx ,  serrent 
leurs  voiles  et  se  préparent  au  com- 
bat. 

Mais  ce  n'étaient  plus,  de  part  et 
d'autre,  ces  mêmes  flottes  gui  avaient 
combattu  à  Drépane;  aussi  le  succès 
devait-il  être  difiérent.  Les  Romains 
avaient  fait  de  grands  progrès  dans 
l'art  de  construire  les  vaisseaux.  Leurs 
équipages  étaient  formés  d'excellents 
matelots,  de  rameurs  exercés  et  de 
soldats  choisis  parmi  les  |)lus  braves 
de  l'armée.  Les  Carthaginois ,  au  con- 
traire ,  trop  confiants  dans  leur  supé- 
riorité ,  avaient  depuis  longtemps  né- 
gligé leur  marine.  Au  premier  bruit  de 
I  armement  des  Romains ,  ils  avaient 


mis  en  mer  une  flotte  équipée  à  la  hâte, 
et  où  tout  accusait  l'incurie  et  la  pré- 
cipitation :  soldats  et  matelots,  tous 
mercenaires  nouvellement  levés ,  sans 
expérience,  sans  courage,  sans  zèle 
pour  la  patrie,  comme  sans  intérêt 
pour  la  cause  commune.  Aussi  la  vic- 
toire ne  fut  pas  longtemps  incertaine. 
Les  Carthaginois  plièrent  de  tous  côtés 
dès  la  première  attaque.  Ils  perdirent 
cent  vihgt  galères ,  dont  cinquante  fu- 
rent coulées  à  fond ,  et  soixante-dix 
furent  prises  avec  ceux  ^ui  les  mon- 
taient, au  nombre  de  dix  mille  hommes. 
Le  reste  s'échappa ,  secondé  par  le 
vent,  qui,  ayant  changé  tout  à  ooup, 
favorisa  leur  fuite.  Lutatius  conduisit 
à  Lilybée  les  vaisseaux  et  les  prison- 
niers dont  il  s'était  emparé. 

Traité  de  paix  entre  Rome  et 
Carthage.  —  Telle  fut  la  célèbre  ba- 
taille des  îles  Égates.Quand  la  nouvelle 
en  fut  portée  à  Carthage,  elle  y  causa 
d'autant  plus  de  surprise  qu'on  s'y  était 
moins  attendu.  Le  sénat  ne  manquait  ni 
de  Volonté  ni  de  constance  pour  soute-^ 
nir  la  guerre;  mais  il  n'entrevoyait 
aucun  moyen  de  la  continuer.  En  effet 
les  Romains,  étant  maîtres  dé  la  mer, 
on  ne  pouvait  envoyer  à  l'armée  d'É- 
ryx  ni  vivres  ni  secours  :  abandonner 
cette  armée  à  ses  propres  ressources» 
c'était  la  livrer  à  l'ennemi  ;  et  dès  lors 
il  ne  restait  plus  à  Carthage  ni  gêné* 
raux  ni  soldats.  Dans  cette  extrémité^ 
le  sénat  donna  à  Amilcar  plein  pouvoir 
d'agir  comme  il  le  jugerait  convenable 
pour  l'intérêtde  la  république.  Ce  grand 
homme,  tant  qu'il  avait  entrevu  quel- 
que lueur  d'espérance,  avait  fait  tout  ce 
qu'on  pouvait  attendre  du  courage  le 
plus  intrépide  et  de  Texpérience  la  plus 
consommée.  Il  avait  disputé  la  victoire 
avec  une  constance  et  une  opiniâtreté 
sans  exemple.  Mais  lorsqu'il  vit  que 
la  résistance  devenait  impossible,  que 
la  paix  était  le  seul  moyen  de  sauver  sa 
patrie  et  les  soldats  qui  avaient  partagé 
ses  travaux,  il  sut,  en  homme  sage, 
céder  à  l'impérieuse  nécessité,  et  dé- 
ploya autant  de  prudence  et  d'habileté 
dans  les  négociations,  qu'il  avait  mon- 
tré de  valeur  et  d'audace  dans  le  com- 
mandement des  armées.  11  envova  donc 
au  consul  Lutatius  des  députas  cbar- 


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64 


L'UNIVERS. 


gés  de  lui  faire  des  propositions  de  paix 
et  d'alliance. 

Le  consul ,  jaloux  d'enlever  à  son 
successeur  la  gloire  de  terminer  une 
guerre  si  importante,  accueillit  avec 
joie  ces  ouvertures.  Il  savait  d'ailleurs 
que  les  forces  et  les  finances  de  la  ré- 
publique étaient  épuisées  ;  que  le  peu- 
ple romain  était  las  d'une  lutte  si  lon- 
gue et  si  difficile.  11  n'avait  pas  oublié 
les  funestes  suites  de  la  hauteur  inexo- 
rable et  imprudente  de  Régulus.  Aussi, 
il  ne  se  montra  point  difficile,  et  con- 
sentit à  la  paix  aux  conditions  suivan- 
tes :  que  les  Carthaginois  évacueraient 
entièrement  la  Sicile  ;  qu'ils  ne  feraient 
la  guerre  ni  contre  Hiéron  et  les  Sy- 
racusains ,  ni  contre  leurs  alliés  ;  qu'ils 
rendraient  sans  rançon  aux  Romains 
tous  les  prisonniers  et  les  transfuges  ; 
qu'ils  leur  payeraient ,  dans  l'espace  de 
vingt  ans ,  deux  mille  deux  cents  talents 
euboïques  d'argent  (*). 

Lutatius  avait  d'abord  exigé  que  les 
troupes  qui  étaient  dans  Éryx  livras- 
sent leurs  armes.  Arailcar  déclara  qu'il 
ne  rendrait  jamais  aux  ennemis  de  son 
pays  des  armes  que  son  pays  lui  avait 
confiées  pour  le  défendre,  (|u'il  péri- 
rait lui-même,  qu'il  laisserait  périr  sa 
patrie  plutôt  que  d'y  retourner  cou- 
vert d'une  pareille  ignominie.  Cette 
généreuse  résistance  iforça  le  consul  à 
céder. 

Ce  traité,  expédié  à  Rome,  ne  fut 
pas  d'abord  accepté  par  le  peuple.  On 
envoya  dix  commissaires  sur  les  lieux 
pour  examiner  de  plus  près  l'état  des 
affaires.  Ceux-ci  ne  changèrent  rien  à 
Tensemble  du  traité.  Ils  ajoutèrent  seu- 
lement aux  premières  conditions,  que 
les  Carthagmois  payeraient  sur-le- 
champ  mille  talents  pour  les  frais  de 
guerre,  et  deux  mille  dans  les  dix  an- 
nées suivantes,  et  qu'ils  abandonne- 
raient toutes  les  îles  situées  entre  la 
Sicile  et  l'Italie  (**). 

Ainsi  fut  terminée  l'une  des  plus 
longues  guerres  dont  il  soit  parlé  dans 
l'histoire;  elle  dura  près  de  vingt-qua- 
tre ans  sans  interruption.   On  peut 

(*)  Environ  1 1  millions. 

(**)  Excepté  la  Sardaigne  et  la  Corse. 


juger  des  efforts  incroyables  que  firent 
les  deux  peuples,  lorsqu'on  les  voit ,  à 
la  fin  de  la  guerre ,  après  les  pertes 
immenses  éprouvées  de  part  et  d'au- 
tre (*),  réunir  dans  une  même  bataille 
navale  sept  cents  galères  à  cinq  ran^ 
de  rames.  Une  égale  passion  de  domi- 
ner animait  les  deux  républiques.  De 
là,  même  audace  dans  les  entreprises, 
même  activité  dans  l'exécution ,  même 
constance  dans  les  revers.  Les  Cartha- 
ginois l'emportaient  par  la  science  de 
la  marine,  par  l'habileté  dans  la  cons- 
truction des  vaisseaux,  par  la  préci- 
sion et  la  rapidité  des  manoeuvres ,  par 
l'expérience  des  pilotes ,  par  la  connais- 
sance des  côtes ,  des  plages ,  des  rades 
et  des  vents  ;  enfin  par  leurs  riches- 
ses qu'alimentait  un  commerce  floris- 
sant ,  et  qui  leur  donnaient  les  moyens 
de  subvenir  à  tous  les  frais  d'une  guerre 
longue  et  dispendieuse.  Les  Romains 
n'avaient  aucun  de  ces  avantages  ; 
mais  le  courage ,  le  zèle  pour  le  bien 
public,  l'amour  de  la  patrie,  une  noble 
émulation  pour  la  gloire,  un  vif  d^ir 
d'étendre  leur  domination,  leur  te- 
naient lieu  de  tout  ce  qui  leur  man- 
quait d'ailleurs. 

Quant  aux  soldats ,  l'armée  romaine 
était  bien  supérieure  à  celle  de  Car- 
thage  pour  le  courage  et  la  discipline. 
Quant  aux  généraux,  aucun  Romain  ne 
peut  être  comparé  à  cet  Amilcar,  qui , 
arrivé  en  Sicile  au  moment  où  les  af- 
faires étaient  presque  désespérées  ,  les 
rétablit  par  les  seules  ressources  de 
son  génie,  sut,  avec  des  forces  infé- 
rieures ,  déjouer  pendant  cinq  années 
entières  tous  les  etîorts  de  la  puissance 
romaine,  et  qui  même,  lorsque  Carthage 
succomba ,  eut  la  gloire  de  n'être  pas 
vaincu.  Dans  tout  le  cours  de  cette 
guerre,  il  n'a  paru  chez  les  Romains 
aucun  général  dont  les  talents  écla- 
tants aient  pu  être  regardés  comme  la 
cause  de  la  victoire,  en  sorte  que  c'est 
uniquement  par  la  force  de  sa  consti- 
tution et  par  ses  vertus  nationales  que 
Rome  a  triomphé  de  Carthage. 

(*)  Dans  le  cours  de  celte  guerre,  le» 
Romains  perdirent,  soit  parles  combats,  soit 
par  les  naufrages,  700  vaisseaux  de  guerre, 
el  les  Carthaginois  5oo. 


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CARTHAGE. 


66 


GuEBBE  DE  Libye   ou  gontbb 

LES     MERGENÂIBES    DE    240    À    237 

AVANT  J.  C.  —  A  la  guerre  que  les 
Carthaginois  venaient  de  terminer 
contre  les  Romains  en  succéda  ita- 
médiatement  une  autre,  moins  lon- 
gue, mais  non  moins  dangereuse, 
qui  attaqua  le  cœur  de  l'État ,  et  qui 
nit  souillée  par  des  actes  de  barbarie 
et  de  cruauté  saiis  exemple.  C'est  celle 
qu'ils  eurent  à  soutenir  contre  les 
soldats  mercenaires  qui  avaient  servi 
en  Sicile  et  contre  les  Numides  et  les 
Africains  qui  étaient  entrés  dans  leur 
révolte.  Cette  guerre  où  les  Carthagi- 
nois tremblèrent  plusieurs  fois ,  non- 
seulement  pour  la  possession  de  leur 
territoire,  mais  encore  pour  leur  pro- 
pre salut  et  celui  de  Carthage,  prouve 
œmbien  il  est  dangereux  pour  un 
État  de  s'appuyer  avec  trop  de  con- 
fiance sur  des  troupes  étrangères  et 
sur  des  soldats  soudoyés.  Voici  quelle 
en  fut  l'occasion. 

Causes  de  la  guerbe.  ■—  Aussitôt 
après  que  le  traité  avec  les  Romains 
eut  été  conclu  et  ratifié,  Amilcar 
conduisit  à  Lilybée  les  troupes  du 
camp  d'Éryx,  et,  s'étant  démis  du 
commandement ,  laissa  à  Giscon , 
gouverneur  de  la  place,  le  soin  de  les 
faire  passer  en  Afrique.  Celui-ci, 
par  une  sage  prévoyance,  fit  partir 
ces  troupes  par  corps  détachés  et  à 
des  intervalles  assez  éloignés  l'un  de 
Tautre,  pour  que  les  premiers  venus 
pussent  recevoir  l'arriéré  de  leur 
solde,  et  être  renvoyés  chez  eux  avant 
l'arrivée  des  autres.  Le  gouvernement 
de  Carthage  n'imita  pas  la  prudence 
de  Giscon.  Comme  le  trésor  public 
était  épuisé  par  les  dépenses  d'une 
longue  guerre,  on  ne  se  pressa  pas 
de  payer  les  troupes  à  mesure  qu'elles 
arrivaient,  au  contraire  on  attendit 

Qu'elles  fussent  toutes  réunies  à  Car- 
îage ,  dans  l'espoir  qu'elles  consenti- 
raient à  une  diminution  sur  le  montant 
de  leur  solde.  Mais  ces  vieux  soldats, 
nourris  dans  le  tumulte  de  la  guerre 
et  accoutumés  à  toute  la  licence  des 
camps,  troublaient  nuit  et  jour  la  paix 
de  la  cité,  par  leurs  dérèglements  et 
leurs  violences.   Le  sénat,  pour  y 

y  Livraison.  (Cabthagb.) 


mettre  un  terme,  entra  en  négocia- 
tion avec  leurs  officiers.  Il  fut  con- 
venu que  les  soldats,  après  avoir  reçu 
chacun  une  pièce  d'or  pour  les  besoins 
les  plus  pressants,  se  retireraient  à 
Sicca,  qu'ils  y  attendraient  l'arrivée 
du  reste  de  leurs  camarades ,  et  qu'a- 
lors on  leur  payerait  tous  les  arré- 
rages qui  leur  étaient  dus. 

A  cette  imprudence,  on  en  ajouta 
une  autre ,  ce  fut  de  les  forcer  d'em- 
mener avec  eux  leurs  bagages ,  leurs 
femmes  et  leurs  enfants  qu'ils  deman- 
daient à  laisser,  suivant  la  coutume, 
dans  les  murs  de  la  capitale,  et  qui 
auraient  été  des  gages  certains  de 
leur  fidélité. 

Lorsqu'ils  furent  réunis  à  Sicca, 
ces  hommes  qui  avaient  été  si  long- 
temps privés  des  doufçeurs  du  repos 
s'y  livrèrent  avec  délices ,  et  l'oisi- 
veté, mère  des  séditions,  si  dange- 
reuses surtout  parmi  les  troupes  étran- 
gères, relâcha  tous  les  liens  de  la 
discipline.  Ils  occupaient  leurs  loisirs  à 
calculer  les  sommes  que  la  république 
leur  devait.  Ils  grossissaient  leurs 
créances  de  toutes  les  promesses  qu'on 
leur  avait  faites  dans  les  occasions 
périlleuses ,  et  les  considérant  comme 
des  titres  d'une  validité  incontestable, 
ils  s'encourageaient  les  uns  les  autres 
à  en  exiger  le  pavement.  Enfin  leur 
avidité ,  se  livrant  à  toute  l'exagération 
de  ses  espérances,  jouissait  déjà  par 
avance  du  bonheur  et  des  avantages 
qui  devaient  en  être  le  fruit. 

Commencements  delà  bévolte; 
les  mebgenaibes  vont  gampeb  a 
Tunis  ;  240  ans  avant  l'èbe  chré- 
tienne. —  Quand  les  derniers  corps 
furent  arrivés  de  Sicile  et  que  l'armée 
tout  entière  fut  réunie  à  Sicca  , 
Hannon,  gouverneur  de  la  province, 
leur  fut  envo3^é  par  le  sénat  de  Car- 
thage. Celui-ci ,  foin  de  satisfaire  i'at- 
tente  et  les  prétentions  exorbitantes 
des  mercenaires ,  alléguant  l'épuise- 
ment des  finances  de  la  république ,  et 
l'énormité  des  tributs  imposés  par 
l'ennemi ,  les  supplia  de  consentir  à 
une  réduction  sur  le  montant  de  la 
solde  qui  leur  était  légitimement  due. 
A  peine  a-t-il  prononcé  ces  mots  que 


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L'UNXy£R6. 


la  8é(|itlon  éclate  dans  oette  ^Idatesque 
avide  et  indisciplinée.  Des  groupes , 
des  conciliabules  se  forment.  D'abord , 
les  soldats  de  chaque  nation  6*assem« 
blent  séparément;  bientôt  toutes  les 
nations  réunies  ne  forment  ^u'un 
attroupement  général.  La  différence 
de  peuples,  la  diversité  de  langages, 
l'impossibilité  de  s'entendre  Tun  rau- 
tre,  jettent  dans  cette  multitude  in- 
cohérente un  trouble  et  une  confusion 
inexprimables. 

Si  les  Carthaginois,  dit  Polybe, 
dans  la  composition  de  leurs  armées 
ont  eu  pour  but  de  prévenir  les  asso- 
ciations et  les  révoltes  générales  ^  et 
de  rendre  les  soldats  moins  redou- 
tables pour  leurs  chefs,  ils  ont  eu 
raison  de  les  former  constamment  de 
troupes  choisies  parmi  des  nations 
différentes.  Mais  lorsque  la  haine 
couve  au  fond  des  cœurs,  que  la 
colère  s'allume,  que  la  sédition  éclate  | 
lorsqu'il  faut  apaiser,  éclairer,  ra- 
mener au  devoir  les  esprits  égarés, 
c'est  alors  qu'on  sent  tout  le  vice 
d'une  institution  pareille.  De  sem« 
blablçs  armées,  lorsque  1^  rébellion 
les  soulève ,  ne  mettent  pomt  de  bor- 
nes à  leur  fureur,  Ce  ne  sont  plus  des 
hommes;  ce  sont  des  bétes  féroces, 
dont  la  rage  forcenée  se  livre  à  tous 
les  excès  d'une  barbarie  irnpitoyable^ 
Les  Carthaginois  en  firent  dans  cette 
occasion  une  triste  expérience,  il  y 
avait  dans  cette  multitude  des  Espa- 

§noIs,  des  Gaulois,  des  Liguriens, 
es  Baléares ,  des  Grecs  de  toutes  les 
nations ,  la  plupart  transfuges  ou  es- 
claves, et  surtout  un  grand  nombre 
d'Africains.  Les  assenioler  dans  un 
même  lieu ,  et  leur  parler  à  tous  en 
même  temps ,  était  chose  impossible  ) 
les  haranguer  séparément  et  par  na- 
tion ne  l'était  pas  mqins ,  aucun  gé- 
néral ne  possédant  tant  de  langues  di- 
verses. Il  ne  restait  à  Hannon  que  le 
moyen  d'employer  les  officiers  pour 
faire  entendre  ses  propositions  auK. 
soldats.  C'est  celui  qu'il  adopta.  Mais , 
parmi  ces  officiers ,  les  uns  ne  com- 
prenaient |)as  ce  qu'il  leur  disait  ;  les 
autres,  soit  par  igi\orance,  soit  par 
maliee,  rapportaient  aux  soldats  le 


contraire  de  ce  au'Hannon  avait  pro- 
posé. De  là,  l'inutilité  de  ses  tentatives 
partielles,  et  partout  l'incertitude,  le 
désordre  et  la  méfiance. 

Outre  leurs  autres  sujiets  de  plainte , 
les  mercenaires  reprochaient  encore 
aux  Carthaginois  d'avoir  écarté  à  des* 
ëein  les  généraux  qui  avaient;  {)artagé 
leurs  glorieux  travaux  en  Sicile,  et 
leur  avaient  fait  de  magnifiques  pro- 
messes, pour  leur  envoyer  un  homme 
qui  ne  s'était  trouvé  à  aucui]  des  corn* 
bats  où  ils  s'étaient  signalés.  Enfin, 
transportés  de  colère,  pleins  de  mé- 
pris pour  Hannon,  de  défiance  pour 
leurs  officiers,  ils  partent  sur-le-champ, 
marchent  sur  Carthage  au  nombre  aa 
plus  de  vingt  mille,  et  vont  camper 
près  de  Tunis,  à  120  stades  de  la  ca- 
pitale. 

CONSTKBNATION  DES  CARTHAGI- 
NOIS;    EXIGENCES     DES     BEVOLTÉS. 

—  Alors  les  Carthaginois  reconnurent 
leurs  fautes ,  lorsqu'il  était  trop  tard 
pour  les  réparer.  Dans  k  frayeur  oik 
les  jeta  le  voisinage  de  cette  armée,  ils 
se  résignèrent  à  tout  céder,  à  tout  souf- 
frir pour  apaiser  sa  fureur.  On  ert- 
voyait  en  abondance  aux  mercenaires 
des  vivres  dont  ils  taxaient  eux-mêmes 
le  prix  à  leur  gré.  Chaque  jour  le  sénat 
leur  députait  quelques-uns  de  ses  mem-* 
bres  pour  les  assurer  qu'ils  n'avaient 

?|u'à  demander;  qu'on  était  prêt  à 
ont  faire  poqr  eux,  pourvu  que  ce 
qu'ils  demanderaient  fût  possible.  Ce- 
pendant ils  ajoutaient  chaque  jour  à 
l'exigence  de  leurs  prétentions.  La 
terreur  et  la  consternation  qu'ils  li- 
saient sur  le  front  des  Carthaginois 
augmentaient  leur  audace  et  leur  in- 
solence. Ils  se  persuadaient  d'ailleurs 
qu'aucun  peuple  du  monde ,  à  plus  forte 
raison  les  Carthaginois ,  n'oserait  ris- 
quer le  combat  contre  des  vétérans 
qui ,  si  longtemps  en  Sicile ,  avaient 
rivalisé  de  gloire  et  de  succès  avec  les 
légions  romaines.  A  peine  fut-on  d'ac- 
cord sur  le  montant  de  la  solde  qu'ils 
demandèrent  le  prix  des  chevaux  qu'ils 
avaient  perdus.  Cette  proposition  ad- 
mise ,  ils  exigèrent  qu'on  leur  payât  en 
argent  le  blé  qui  leur  était  du  depuis 
longtemps,  au  plus  haut  prix  qu'il  s'é- 


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GARTHAGE. 


ey 


tait  vendu  pendant  la  guerre.  C'étaient 
touis  les  jours  de  nouvelles  exigences 
que  les  brouillons  et  les  séditieux  dont 
cette  soldatesque  était  remplie  met- 
taient en  avant  pour  traverser  les  né- 
gociations. Enfin,  le  sénat  se  mon- 
trant disposé  à  les  satisfaire  dans  tout 
ce  qui  n'était  pas  impossible,  obtint, 
par  cette  condescendance ,  qu'ils  accep- 
teraient pour  médiateur  l'un  des  gé- 
néraux qui  avaient  commandé  en  Si- 
cile. 

GiSCON  EST  CHOISI  POUB  ÀBBITBE  ; 

Mathos  et  Spendius  bompent  les 
négociations  ;  ils  sont  élus  chefs 
DES  MEBCENAiBES.  —  Amilcar  sem- 
blait désigné  pour  cette  fonction.  Mais 
il  leur  était  suspect,  parce  que,  s'étant 
démis  volontairement  du  commande- 
ment des  armées ,  et  n'ayant  pas  de- 
mandé à  être  chargé  de  négocier  avec 
eux ,  il  semblait  avoir  abandonné  leur 
cause.  Giscon ,  au  contraire,  qui  avait 
servi  en  Sicile ,  et  qui ,  dans  plusieurs 
circonstances ,  surtout  à  l'occasion  de 
leur  retour,  avait  pris  à  cœur  leurs  in- 
térêts ,  s'était  acquis  leur  confiance  et 
leur  affection.  Ils  le  choisirent  donc 

Ï)our  arbitre  de  leurs  différends  avec 
a  république.  On  fournit  à  Giscon  l'ar- 
fent  nécessaire.  Il  part  de  Carthage  et 
ébarque  à  Tunis.  11  s'adresse  d'abord 
aux  chefs,  et  fait  ensuite  rassembler 
les  soldats  par  nation.  Alors ,  em- 
ployant des  paroles  douces  et  insi- 
nuantes ,  il  leur  fait  de  légers  reproches 
sur  leur  conduite  passée ,  leur  fait  sen* 
tir  tout  le  danger  de  leur  situation  pré- 
sente, leur  aonne  de  sages  conseils 
pour  l'avenir,  et  les  exhorte  à  renouer 
les  liens  d'une  ancienne  affection  avec 
un  État  qu^ils  ont  servi  si  longtemps  ^ 
fet  dont  ils  ont  reçu  tant  de  bien- 
faits. 

Enfin ,  il  se  disposait  à  payer  toutes 
les  dettes  arriérées ,  lorsque  deux  sé- 
ditieux ,  rompant  l'accord  qui  commen- 
çait à  s'établir,  remplirent  tout  le 
camp  de  tumulte  et  de  désordre.  L'un 
était  un  certain  Spendius ,  Campanien 
de  nation ,  d'esclave  devenu  transfuge ^ 
homme  qui  s'était  distingué  dans  l'ar- 
mée par  sa  force  de  corps  extraordi- 
naire et  par  la  témérité  de  son  audace. 


La  crainte  de  tomber  entre  les  mains 
des  Romains  qui,  d'après  leurs  lois, 
auraient  puni  sa  désertion  des  plus 
cruels  supplices,  le  porta  à  tout  entre- 
prendre pour  rompre  l'accommode- 
ment. L'autre  était  un  Africain  nommé 
Mathos,  homme  de  condition  libre ,  et 
qui  avait  aussi  servi  dans  l'armée, 
mais  qui ,  ayant  été  l'un  des  principaux 
instigateurs  de  la  révolte ,  s'attendait 
à  servir  d'exemple ,  et  à  pa]^er  de  sa 
tête  le  crime  qu'il  avait  conseillé.  Cette 
communauté  de  craintes  unit  d'un  lien 
étroit  ces  deux  honimes  pervers.  Ma- 
thos, de  concert  avec  Spendius,  se 
présente  aux  Africains.  11  leur  per- 
suade que  sitôt  que  les  troupes  étran- 
gères auront  reçu  leur  solde  et  se  s»* 
ront  retirées  chacune  dans  leur  pays^ 
restés  seuls  et  sans  défense,  ils  devien- 
dront les  victimes  de  la  colère  des  Gar^ 
thaginois,  qui  se  vengeront  sur  eux  de 
Ja  révolte  commune.  A  ces  mots  le$ 
esprits  s'échauffent  et  s'irritent;  et 
comme  Giscon  n'acquittait  quel'arriéré 
de  la  solde ,  et  remettait  à  une  autre 
époque  le  payement  du  prix  des  che- 
vaux et  du  blé ,  ils  saisissent  avidement 
ce  léger  prétejcte ,  s'attroupent  en  tu* 
multe ,  et  s'élancent  vers  la  place  oh 
se  tenait  rassemblée. 

Là ,  lorsque  Spendius  et  Mathos  se 
répandaient  en  invectives  contre  Gis-* 
con  et  les  Carthaginois,  ils  accueillaient 
leurs  discours  avec  une  bienveillance 
attentive.  Mais  si  quelque  autre  se  pré^ 
sentait  à  la  tribune  pour  leur  donner 
des  conseils ,  ils  ne  prenaient  pas  seu- 
lement le  temps  de  s'instruire  s'il  étaii 
contraire  ou  favorable  à  leurs  chefs,  et 
l'accablaient  d'une  grêle  de  pierres 
avant  même  qu'il  eût  pu  se  faire  en- 
tendre. Plusieurs  particuliers  et  un 
grand  nombre  d'officiers  périrent  dans 
ce  tumultueux  conciliabule  où  le  mot 
frappe!  quoique  différent  dans  chaque 
langue^  était  le  seul  qui  fût  compris 
par  toutes  ces  nations  diverses ,  parée 
qu'il  était  sans  cesse  accompagné  de 
Faction  qui  en  expliquait  le  sens.  Malt 
c'est  surtout  lorsque  échauffés  par  l'i- 
vresse ,  ils  se  réunissaient  après  le  re- 
1)36 ,  que  la  fureur  des  factieux  était 
e  plus  redoutable.  A  peine  le  mot  fatal 

5. 


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68 


L'UNIVERS. 


était-it  prononcé ,  llmpradent  qui  avait 
osé  se  présenter,  frappé  de  mille  coups 
à  la  fois,  succombait  sans  avoir  pu  ni 
échapper,  ni  se  défendre.  Ces  vio- 
lences avant  écarté  tous  les  concur- 
rents, Mathos  et  Spendius  furent  choi- 
sis pour  commander  l'armée. 

Violation  du  droit  des  gens 
envers  gisgon  et  ses  compa- 
GNONS*, SIEGE  D'UtIQUE  et  d'HiP- 
PONE;  239  ANS  AVANT  L'ÈRE  VUL- 
GAIRE. —  Au  milieu  de  ce  tumulte 
affreux ,  Giscon  restait  inaccessible  à 
la  crainte.  Décidé  à  se  sacriRer  aux  in- 
térêts de  sa  patrie ,  et  prévoyant  même 
que  si  la  rage  de  ces  forcenés  se  dé- 
chaînait contre  Carthase,  l'existence 
même  de  la  république  était  menacée, 
il  accomplissait  sa  mission  avec  une 
constance  inébranlable.  S'exposant  à 
tous  les  périls ,  tantôt  il  s'adressait  aux 
chefs ,  tantôt  il  rassemblait  tour  à  tour 
les  soldats  de  chaque  nation ,  et  s'efifor- 

Sit  de  calmer  leurs  ressentiments, 
ais  les  Africains ,  qui  n'avaient  pas 
encore  reçu  l'arriére  de  leur  solde , 
vinrent  en  demander  le  pavement. 
Comme  ils  l'exigeaient  avec  "hauteur 
et  avec  insolence,  Giscon,  dans  un 
mouvement  de  colère,  leur  répondit 
qu'ils  n'avaient  qu'à  s'adresser  a  Ma- 
nios,  leur  général.  Cette  réponse  les 
transporta  d'une  telle  fureur,  qu'ils  se 
jetèrent  à  l'instant  sur  l'argent  préparé 
pour  le  pavement  de  leur  solde,  et 
qu'ils  arrachèrent  de  leur  tente  Giscon 
et  les  Carthaginois  qui  l'avaient  accom- 
pagné. Mathos  et  Spendius ,  persuadés 
qu  un  attentat  public  au  droit  des  gens 
était  un  moyen  sûr  d'allumer  la  guerre, 
irritaient  encore  Texaspération  de  cette 
multitude  turbulente.  Ils  livrent  au 
pillage  l'argent  et  les  bagages  des  Car* 
tbaginois ,  chargent  de  fers  Giscon  et 
ses  compagnons ,  et  les  jettent  dans  un 
cachot,  après  les  avoir  abreuvés  d'ou- 
trages et  d'ignominies.  Tels  furent  les 
causes  et  les  commencements  de  la 
guerre  contre  les  mercenaires  y  qu'on 
a  appelée  aussi  guerre  d^ Afrique. 

Mathos ,  après  cet  attentat ,  envojra 
des  députés  à  toutes  les  villes  d'Afri- 
flue  pour  les  exhorter  à  recouvrer  leur 
liberté  s  à  entrer  dans  son  alliance ,  et 


à  lui  envoyer  des  secours.  A  son  insti- 
gation presque  tous  les  peuples  afri- 
cains se  révoltèrent  contre  la  domina- 
tion des  Carthaginois ,  et  lui  fournirent 
des  vivres  et  des  renforts.  Alors ,  ayant 
partagé  leurs  troupes  en  deux  corps , 
Mathos  et  Spendius  allèrent  mettre  le 
siège  devant  Utique  et  Hippone ,  qui 
avaient  refusé  de  prendre  part  à  leur 
rébellion. 

Position  critique  des  Cartha- 
ginois. —  Jamais  Carthage  ne  s'était 
vue  dans  un  si  grand  danger.  Jusqu'a- 
lors les  revenus  des  propriétés  parti- 
culières avaient  fourni  à  1  existence  des 
familles;  les  tributs  que  payait  l'Afri- 
que avaient  alimenté  le  trésor  public , 
et  les  troupes  étrangères  avaient  tou- 
jours composé  l'élite  de  ses  armées. 
Toutes  ces  ressources  non-seulement 
lui  manquaient  à  la  fois ,  mais  se  tour- 
naient contre  elle  et  s'unissaient  pour 
l'accabler.  La  consternation  et  le  dés- 
espoir s'augmentaient  encore  par  l'im- 
prévu d'un  tel  événement.  Lorsque , 
épuisés  par  les  longs  efforts  que  leur 
avait  causés  la  guerre  de  Sicile,  ils 
avaient  enfin  obtenu  la  paix ,  ils  s'é- 
taient flattés  de  pouvoir  respirer  un 
moment,  et  d'employer  à  rétablir  leurs 
affaires  les  années  de  calme  et  de  tran- 
quillité dont  ils  se  cro3^aient  assurés  ; 
et  voilà  qu'il  surgissait  tout  à  coup 
une  nouvelle  guerre  plus  terrible  et 
plus  dangereuse  encore  que  la  pre- 
mière. Auparavant  ils  n'avaient  à  com- 
battre qu'une  nation  étrangère;  il  ne 
s'agissait  que  de  la  possession  de  la 
Sicile  :  maintenant  c'était  une  guerre 
civile  où  leur  patrimoine,  leur  salut, 
l'existence  même  de  Carthage  étaient 
en  péril.  Ils  se  trouvaient  sans  armes , 
sans  troupes  ni  de  terre,  ni  de  mer, 
sans  approvisionnements  pour  soute- 
nir un  siège,  sans  argent  dans  le  tré- 
sor public ,  et ,  ce  qui  mettait  le  comble 
à  leurs  malheurs ,  sans  aucune  espé- 
rance de  secours  étrangers  de  la  part 
de  leurs  amis  ou  de  leurs  alliés. 

Du  reste,  ils  ne  pouvaient  attribuer 
ces  malheurs  qu'à  leur  conduite  passée. 
Ils  avaient  traité  avec  une  extrême  du- 
reté les  peuples  africains  |>endant  le 
cours  de  la  guerre  précédente.  Prétes- 


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CARTHAGE. 


tant  les  dépenses  qu'elle  occasionnait, 
ils  avaient  exigé  des  propriétaires  ru- 
raux la  moitié  de  leurs  revenus,  et 
des  habitants  des  villcf  le  double  de 
rimpôt  qu'ils  supportaient  auparavant, 
sans  accorder  aucune  grâce  ni  aucune 
remise  aux  plus  pauvres  et  aux  plus 
misérables.  Entre  les  gouverneurs  des 

Ï>rovinces,  ce  n'étaient  point  ceux  qui 
es  administraient  avec  douceur  et  avec 
humanité  auxquels  ils  prodiguaient 
leur  estime,  mais  ceux  qui  faisaient 
entrer  de  plus  grosses  sommes  dans  le 
trésor  public,  et  auprès  desquels  les 
contribuables  trouvaient  le  moms  d'ac- 
cès et  d'indulgence.  Hannon  était  du 
nombre  de  ces  derniers.  Des  peuples 
ainsi  maltraités  n'avaient  pas  besoin 
d'instigations  pour  les  pousser  à  la  ré- 
volte ;  c'était  assez  qu'on  annonçât  un 
soulèvement  pour  gu'ils  fussent  prêts 
à  s'y  joindre.  Les  femmes  mêmes  qui 
avaient  eu  souvent  la  douleur  de  voir 
traîner  en  prison  par  les  collecteurs 
des  impôts  leurs  maris  et  leurs  pères , 
montrèrent  pour  leurs  vengeurs  un 
dévouement  unanime.  Elles  se  dépouil- 
lèrent avec  empressement  de  leurs  bi- 
joux et  de  leurs  parures,  et  en  consa- 
crèrent leprodurt  aux  frais  de  la  guerre; 
de  sorte  que  Mathos  et  Spendius, 
après  avoir  payé  aux  soldats  ce  qu'ils 
leur  avaient  promis  pour  les  engager 
à  la  révblte ,  se  trouvèrent  encore  en 
état  de  fournir  abondamment  à  toutes 
les  dépenses  de  l'armée. 
Hannon,  nommb  génébàl  des 

CABTHÂGINeiS  ,  ÉPBOUVB  ,  PAB  SA 
FAUTB,  UN  ÉCHEC   CONSIDEBABLE  A 

Utique.  —  Cependant  les  Carthagi- 
nois ,  au  milieu  de  la  détresse  qui  les 
accablait,  trouvèrent  encore  des  res- 
sources dans  leur  énergie.  Ils  nom- 
ment pour  général  Hannon ,  le  même 
qui,  quelques  années.auparavant,  avait 
soumis  Hécatompyle.  Ils  font  venir  de 
tous  côtés  des  soldats  mercenaires;  ils 
enrôlent  dans  l'infanterie  et  dans  la 
cavalerie  ;  ils  exercent  aux  manœuvres 
tous  les  citoyens  en  âge  de  porter  les 
armes  ;  enfin  ils  équipent ,  sans  perdre 
de  temps,  tout  ce  qui  leur  restait  de 
vaisseaux.  De  leur  côté,  Mathos  et 
Spendius,  dont  l'armée,  grossie  cha- 


que jour  )>ar  de  nouveaux  renforts, 
s'élevait  déjà  à  soixante-dix  mille  hom- 
mes, pressaient,  sans  être  inquiétés 
par  l'ennemi,  le  siège  d'Utique  et 
d'Hippone.  En  même  temps  ils  forti- 
fiaient avec  le  plus  grand  soin  leur 
camp  retranché  près  de  Tunis,  et  cou- 
paient ainsi  aux  Carthaginois  toute 
communication  avec  le  continent  de 
l'Afrique.  En  effet ,  Carthage  est  située 
sur  une  péninsule,  bordée  d'un  côté 
par  la  mer,  de  l'autre  par  le  lac  de 
Tunis.  L'isthme  qui  la  joint  à  l'Afrique 
est  large  d'environ  vingt-cinq  stades. 
Utique  et  Tunis  sont  oâties  l'une  à 
l'ouest ,  l'autre  à  Test  de  Carthage ,  et 
toutes  deux  à  une  petite  distance  de 
cette  ville.  De  ces  deux  points  les  mer- 
cenaires harcelaient  sans  cesse  les  Car- 
thaginois. Le  jour,  la  nuit,  à  chaque 
instant ,  ils  poussaient  leurs  excursions 
jusqu'au  pied  des  murailles ,  et  répan- 
daient le  trouble  et  la  consternation 
parmi  les  habitants. 

Hannon  était  habile  et  actif  dans 
l'organisation  et  dans  l'adnunistration 
d'une  armée;  mais,  en  présence  de 
l'ennemi ,  c'était  un  homme  tout  diffé- 
rent. Alors  il  ne  montrait  ni  sagacité 
pour  faire  naître  les  occasions ,  ni  éner- 
gie pour  en  profiter,  ni  vigilance  pour 
se  garantir  des  surprises.  Ce  général 
s'était  avancé  au  secours  d'Utique.  Il 
remporta  d'abord  un  avantage  qui  au- 
rait pu  devenir  décisif,  mais  dont  il 
profita  si  mal ,  au'il  aurait  pu  causer  la 
perte  de  ceux  mêmes  qu'il  était  venu  se- 
courir. Il  avait  amené  plus  de  cent 
éléphants,  et,  s'étant  aoondamment 
pourvu  de  catapultes ,  de  balistes ,  et  de 
toutes  sortes  de  traits  qu'il  trouva  dans 
Utique,  il  plaça  son  camp  en  avant  de 
la  ville ,  et  entreprit  d'attaquer  les  re- 
tranchements des  ennemis.  Les  élé- 
phants ,  poussés  avec  impétuosité ,  ren- 
versent tous  les  obstacles.  Les  mer- 
cenaires, ne  pouvant  soutenir  leur 
choc,  prennent  la  fuite  et  abandon- 
nent leurs  retranchements.  Un  grand 
nombre  périt  victime  de  la  fureur  de 
ces  animaux  redoutables.  Xleux  qui 
parvinrent  à  s'é-chapper  se  retirè- 
rent sur  une  colline  escarpée  et  cou- 
verte d'arbres,  qui  leur  parut  une  posi- 


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70 


L'UNIVERS. 


tion  avantageuse  et  facile  à  défendre. 

Hannon ,  accoutumé  à  faire  la  guerre 
contre  des  Numides  et  des  Africains, 
gui,  au  premier  échec,  prenaient  la 
tuite  et  se  dispersaient  à  deux  ou  trois 
journées  de  distance,  crut  que  la  vic- 
toire était  complète  et  qu'il  n  avait  plus 
d*ennemis  à  combattre.  Préoccupé  de 
cette  idée,  il  ne  songea  plus  à  veiller 
ni  sur  la  discipline  de  son  armée  ni  sur 
la  défense  de  son  camp.  Il  entra  dans 
la  ville  et  se  livra  en  pleine  sécurité 
au  repos  et  aux  plaisirs. 

Les  mercenaires  qui  s'étaient  retirés 
sur  la  colline  étaient  ces  mêmes  vété- 
rans auxquels,  dans  une  longue  confra- 
ternité d  armes,  Amilcar  avait  trans- 
mis son  audace.  Pendant  les  campagnes 
de  Sicile,  ils  s'étaient  instruits  par 
son  exemple  à  soutenir  avec  fermeté 
toutes  les  vicissitudes  de  la  guerre. 
Plusieurs  fois ,  dans  le  même  jour,  on 
les  avait  vus  faire  retraite  devant  Ten- 
nemi,  changer  de  front  brusquement 
pour  l'attaquer  à  leur  tour,  et  ces  pé- 
rilleuses manœuvres  leur  étaient  deve- 
nues familières.  Alors,  ayant  appris  que 
l'ivresse  de  la  victoire  avait  mtrociuit 
dans  l'armée  ennemie  la  négligence  et 
l'indiscipline,  que  le  général  s'était  re- 
tiré dans  la  ville,  que  les  soldats  s'écar- 
taient sans  précaution  de  leurs  retran- 
chements ,  ils  se  forment  en  ordre  de 
bataille,  viennent  fondre  sur  le  camp 
des  Carthaginois,  en  tuent  un  pana 
nombre,  et  forcent  les  autres  a  fuir 
honteusement  jusque  sous  les  murs  de 
la  ville.  Ils  s'emparèrent  de  tous  les  ba- 
gages, de  toutes  les  armes  et  de  toutes 
les  machines  de  siège  qu'Uannon  avait 
fait  sortir  d'Utique,  et  qui,  par  cette 
imprudence,  tombèrent  au  pouvoir  de 
ses  ennemis.  Ce  ne  fiit  pas  la  seule 
circonstance  où  ce  général  donna  des 
preuves  d'incapacité.  Quelques  jours 

S  lus  tard ,  comme  il  était  campé  près 
e  la  ville  de  Gorza,  en  face  des  enne- 
mis, l'occasion  se  présenta  de  les  dé- 
faire deux  fois  en  bataille  rangée  et 
deux  fois  par  surprise,  et  cependant, 
Quoiqu'il  fdt  à  portée  d'observer  les 
fautes  de  ses  adversaires  et  d'en  pro- 
fiter, il  laissa  toujours  édiapper  ces 
occasions  décisives. 


Amilcar  Bàrca,  hommb  au  com- 
mandement DE  L'ABMÉE  a  la  PLAGB 
D'HaNNON  ,  REMPORTE  SUR  LES  MER- 
CENAIRES UNE  VICTOIRE  SIGNALÉS, 
FAIT   LEVER  LE  SIEGE  D'UTIQUB  ET 

s'empare  de  plusieurs  villes, 
238.  AVANT  l'Ère  vulgaire.  -—  Les 
Cartha^nois,  ayant  enfin  reconnu  l'in- 
capacité d'Hannon ,  rendirent  à  Amil- 
car, surnommé  Barca ,  le  commande- 
ment de  l'armée.  Ils  le  chargèrent  de 
la  conduite  de  la  guerre;  ils  lui  don- 
nèrent soixante-dix  éléphants,  tous  les 
soldats  étrangers  qu'ils  avaient  pu  ras- 
sembler, tous  les  transfuges  et  les 
troupes  d'infanterie  et  de  cavalerie 
qu'ils  avaient  levées  dans  la  ville.  Cette 
petite  armée  s'élevait  à  peine  à  dix  mille 
hommes.  Dès  sa  première  action  il  se' 
montra  digne  de  son  ancienne  renom- 
mée, et  remplit  les  espérances  que  sa 
nomination  avait  fait  naître  parmi  ses 
concitoyens.  A  peine  sorti  de  Carthage, 
il  tombe  à  l'improviste  sur  ses  enne- 
mis, et  les  frappe  d'une  si  grande  ter- 
reur que,  perdant  toute  confiance,  ils 
abandonnent  le  si^e  d'Utique.  L'im- 
portance de  cet  événement  exige  ^lel- 
ques  détails. 

Le  col  étroit  de  l'isthme  qui  joint 
Carthage  à  l'Afrique  est  entouré  de 
collines  escarpées  et  d'un  accès  diffi- 
cile, sur  lesquelles  l'art  a  pratiqué  des 
chemins  qui  ouvrent  des  communica- 
tions avec  le  continent.  Matbos  avait 
fortifié  avec  soin  tous  les  passages  êê 
ces  collines  susceptibles  de  dâénse. 
Indépendamment  àe  ces  fortifications 
naturelles,  le  BaccaraH,  fleuve  pro- 
fond ,  qu'il  est  presque  impossible  de 
traverser  à  gué  dans  c^e  partie  de 
son  cours,  fermait  à  ceux  qui  venaieol 
de  Carthage  le  débouché  dans  l'hité- 
rieur  du  pays.  Ce  fleuve  n'avait  qu'ua 
seul  pont  dont  les  mercenaires  avaient 
fortiné  les  abords,  et  au-dessus  duquel 
ils  avaient  même  construit  une  vme, 
de  sorte  que  non-seulement  une  armée, 
mais  même  un  homme  seul  ne  pouvait 
sortir  de  l'isthme  sans  être  aperçu  des 
ennemis. 

Amilcar,  toujours  attentif  à  saisir 

(*)OaBa§nida. 


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CARTHAGE. 


n 


les  occasions  que  lui  présentaient  le 
temps  et  la  nature  des  lieux,  et  voyant 
l'impossibilité  de  débusquer  Tennemi 
par  la  force,  imagina  cet  expédient 

{our  ouvrir  un  passage  à  son  armée. 
I  avait  observe  que  lorsque  le  vent 
soufflait  d'un  certain  point  pendant 
quelques  joi|rs,  le  lit  du  fleuve  était 
obstrué  par  le  sable.et  qu'il  s'y  formait 
une  espèce  de  banc  qui  permettait  de 
le  traverser  à  gué  près  de  son  embou- 
chure. Il  tint  son  armée  prête  à  se 
mettre  en  marche,  et  sans  s'ouvrir  de 
6on  dessein  à  personne,  il  attendit 
patiemment  la  circonstance  favorable. 
tes  vents  soufflent;  le  gué  se  forme; 
il  part  la  nuit  avec  toutes  ses  troupes, 
et  se  trouve  au  point  du  jour  de  l'autre 
coté  du  fleuve,  sans  avoir  été  aperçu 
de  l'ennemi.  La  réussite  de  cette  au- 
dacieuse entreprise  frappa  d'étonne- 
ment  et  les  mercenaires  et  les  Cartha- 
ginois eux-mêmes  qui  la  croyaient 
impossible.  Amilcar  poursuit  sa  route 
à  travers  une  plaine  découverte,  et  se 
dirige  vers  le  pont  qui  était  occupé  par 
un  détachement  de  l'armée  de  Spen- 
dius. 

Celui-ci ,  instruit  de  l'approche  d*A- 
milcar,  fait  sortir  dix  mille  hommes 
de  la  ville  bâtie  au-dessus  du  pont,  et 
s'avance  en  rase  campagne  à  la  ren- 
contre du  général  carthaginois.  En 
même  temps  ceux  qui  assiégeaient  Uti- 
que,  au  nombre  de  plus  de  quinze 
mille,  se  hâtent  d'arriver  au  secours 
de  leurs  camarades.  Ces  deux  corps 
d'armée  réunis  s'exhortent,  s'encoura- 
gent à  saisir  Foccasion  favorable  et 
fondent  sur  les  Carthaginois. 

Jusque-là  Amilcar  avait  conservé 
son  ordre  de  marche,  les  éléphants  à 
la  tête;  derrière  eux  la  cavalerie  et  les 
.armés  à  la  légère;  l'infanterie,  pesam- 
ment armée,  formait  l'arrière-garde. 
Surpris  par  la  brusque  attaque  des 
mercenaires,  il  change  en  un  moment 
toute  la  disposition  de  son  armée.  Par 
un  mouvement  de  conversion  rapide, 
il  porte  à  la  fois  sa  cavalerie  sur  les 
derrières ,  et  ramène  son  infanterie  sur 
le  front  de  bataille  pour  l'opposer  à 
Fennemi.  Les  Africains,  attribuant  à  la 
crainte  la  marche  rétrograde  de  la  ca- 


valerie ^  rompent  leurs  rangs  et  la 

f>oursuivent  avec  impétuosité.  Mais 
orsque  les  cavaliers,  faisant  tout  à 
coup  volte-face,  se  déployèrent  sur  le» 
deux  ailes  de  l'infanterie  qui  s'avançait 
en  ordre  de  bataille ,  la  terreur  se  ré- 
pandit parmi  les  Africains.  L'ardeur 
inconsidérée  de  la  poursuite  avait  jeté 
le  désordre  dans  leurs  rangs;  aussi 
n'opposèrent-ils  presque  aucune  résis- 
tance; du' premier  choc  ils  furent  mis 
en  fuite,  culbutés  les  uns  sur  les  au- 
tres ,  foulés  aux  pieds  des  chevaux  et 
des  éléphants,  qui  les  pressaient  sans 
leur  donner  le  temps  de  se  rallier.  Six 
mille  hommes ,  tant  Africains  que  mer- 
cenaires, restèrent  sur  le  champ  de 
bataille.  On  fit  deux  mille  prisonniers  ; 
le  reste  se  sauva,  les  uns  dans  la  ville 
bâtie  au-dessus  du  pont,  les  autres 
dans  le  camp  d'Utique.  Amilcar,  pro« 
fitant  de  sa  victoire  ^  poursuit  les 
fuyards  sans  relâche,  et  s'ampare  de  la 
ville  qui  défendait  le  pont  du  Baocara 
et  que  les  meroe:  aires  avaient  aban- 
donnée pour  se  retirer  à  Tunis.  En- 
suite, s  avançant  dans  1.  pavs,  il  se 
rendit  maître  de  plusieurs  villes,  dont 
les  unes  se  rendirent  à  composition  et 
les  autres  furent  prises  de  vive  force. 
Par  ces  heureux  succès  il  releva  le  cou* 
race  et  la  confiance  des  Carthaginois, 
qui  naguère  désespéraient  entièrement 
du  salut  de  leur  patrie. 

AmILGAB  est   BESSl^BBÉ  PAR  LES 

mebcenaibe5  dans  une  positioll 
dangereuse;  il  en  sobt  pab  le  se- 
coues d'un  chef  de  ï^umides,  qui 
abandonne  la  cause  des  bévoltis 
poub  se  joindbe  aux  carthagi- 
NOIS. —  Cependant  Mathos  continuait 
toujours  le  siège  d'Hippone.  Il  donna 
à  Spendius  et  à  Autarite,  chdf  des 
Gaulois,  le  sage  conseil  d'observer  de 
près  l'ennemi,  d'éviter  les  plaines  où 
leurs  éléphants  et  leur  cavalerie  don- 
naient aux  Carthaginois  l'avantage,  de 
suivre  le  pied  des  montagnes,  de  régler 
leur  marche  sur  celle  d' Amilcar,  et  de 
ne  l'attaquer  que  lorsqu'ils  le  ver- 
raient engagé  dans  quelque  position 
difficile.  En  même  temj^  il  expédie 
des  messages  aux  ISumides  et  aux  Afri- 
eams  pour  les  engager  à  envoyer  des 


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73 


L'UNIVERS. 


renforts^  et  à  ne  pas  laisser  échapper 
Foccasion  de  recouvrer  leur  indépen- 
dance. Spendius  alors,  ayant  joint  aux 
deux  mille  Gaulois  d'Autarite  six  mille 
hommes  choisis  parmi  les  soldats  de 
toute  nation  qui  étaient  campés  à  Tu- 
nis, se  met  à  observer  la  marche  de^ 
Carthaginois  et  à  suivre  tous  leurs 
mouvements  en  côtoyant  toujours  le 
pied  des  montagnes.  Un  jour  qu'Amii- 
car  était  campe  dans  une  plaine,  en- 
vironnée de  tous  côtés  par  des  hauteurs 
escarpées,  les  renforts  que  Spendius 
attendait  des  Numides  et  des  Africains 
lui  arrivèrent  à  la  fois  par  deux  points 
différents.  Amilcar,  pressé  en  même 
temps  par  les  Africams  qui  s'étaient 
retranchés  en  face  de  son  cam[),  par  les 
Numides  qui  avaient  pris  position  sur 
les  derrières,  par  Spendius  qui  mena- 
çait les  flancs  de  son  armée ,  se  trouvait 
enveloppé  de  toutes  parts  et  n'entre- 
voyait que  des  périls  et  des  difQcultés 
insurmontables. 

Une  circonstance  imprévue  rétablit 
ses  affaires.  Les  Numides  avaient  pour 
chef  Naravâse,  un  des  citoyens  les  plus 
distingués  de  leur  nation  par  sa  nais- 
sance et  par  sa  bravoure.  Ce  jeune 
Guerrier,  nourri  dans  des  sentiments 
'affection  pour  les  Carthaçinois ,  avec 
lesquels  son  père  avait  été  uni  d'une 
étroite  alliance,  était  encore  entraîné 
par  un  vif  enthousiasme  pour  le  carac- 
tère et  les  exploits  d' Amilcar.  Jugeant 
donc  le  moment  favorable  pour  s'ac- 
quérir l'estime  et  l'amitié  de  ce  grand 
homme ,  il  prend  une  escorte  de  cent 
cavaliers  et  se  dfrige  vers  le  camp  des 
Carthaginois.  Arrivé  près  des  retran- 
diements,  il  s'arrête  avec  une  noble 
assurance,  et  fait  signe  avec  la  main 
qu'il  demande  à  être  introduit.  Amil- 
car, surpris  de  cette  démarche,  lui 
envoie  un  cavalier.  Naravâse  sollicite 
une  entrevue  avec  le  général.  Celui-ci , 
se  déGant  de  la  foi  des  Numides,  hési- 
tait à  l'accorder.  Alors  Naravâse  remet 
à  un  des  hommes  de  sa  suite  son  cheval 
et  sa  lance,  et,  plein  d'une  audacieuse 
confiance,  il  entre  seul  et  sans  armes 
au  milieu  des  retranchements  ennemis. 
Les  Carthaginois,  frappés  à  la  fois 
d'étonnement  et  d'admiration  pour  une 


telle  hardiesse,  l'accueillent  avec  bien« 
veillance  et  le  conduisent  à  leur  géné- 
ral. Naravâse  lui  dit  qu'il  portait  une 
affection  sincère  à  tous  les  Carthagi- 
nois, mais  qu'il  désirait  surtout  être 
l'ami  de  Barca,  qu'il  n'était  venu  que 
dans  le  dessein  de  s'attacher  à  lui ,  et 

2ue  désormais  il  serait  le  compagnon 
dèle  de  tous  ses  périls  et  de  tous  ses 
travaux.  Amilcar,* frappé  de  la  noble 
conGance  de  ce  jeune  homme  et  de  la 
franchise  ingénue  avec  laquelle  il  avait 
exprimé  ses  sentiments ,  non-seulement 
l'admit  dans  le  conseil  à  la  connais- 
sance de  tous  ses  projets,  mais  encore 
s'engagea  par  serment  à  lui  donner  sa 
fille  en  mariage,  pourvu  qu'il  restât 
fidèle  à  l'alliance  des  Carthaginois. 

Après  l'échange  de  ces  promesses, 
Naravâse  conduisit  au  camp  d'Amilcar 
deux  mille  Numides  qu'il  commandait. 
Renforcé  par  la  jonction  de  ses  nou- 
veaux allies,  Barca  présente  la  bataille 
aux  ennemis.  Spendius  se  réunit  aux 
Africains ,  descend  dans  la  plaine  avec 
toutes  ses  forces  et  en  vient  aux  mains 
avec  les  Carthaginois.  Le  combat  fut 
long  et  opiniâtre;  mais  la  victoire  de- 
meura à  Amilcar.  Les  éléphants  se  si- 
gnalèrent dans  cette  journée,  et  la 
brillante  valeur  de  Naravâse  contribua 
puissamment  au  succès.  Autarite  et 
Spendius  se  sauvèrent  par  la  fuite ,  lais- 
sant dix  mille  morts  sur  le  champ  de 
bataiile  et  quatre  mille  prisonniers  au 
pouvoir  de  l'ennemi.  Après  cette  vic- 
toire, Amilcar  admit  dans  ses  rangs 
ceux  des  prisonniers  qui  voulurent 
s'enrôler  au  service  de  Cartbage,  et 
leur  distribua  les  armes  qu'il  avait 
prises  sur  les  ennemis.  Quant  à  ceux 
qui  refusèrent  de  prendre  ce  parti,  il 
les  rassembla  tous  dans  un  même  lieu 
et  leur  dit  qu'il  leur  pardonnait  leur 
conduite  passée;  qu'il  leur  laissait  l'en- 
tière liberté  de  se  retirer  chacun  dans 
leur  patrie,  à  condition  qu'ils  ne  fe- 
raient plus  la  guerre  contre  Car- 
tbage; mais  que  ceux  qu'on  prendrait 
dans  la  suite  les  armes  à  la  main 
devaient  s'attendre  aux  plus  cruels 
supplices. 

Les  Carthaginois  pebdent  la 
Sabdaigne.  —  Vers  le  même  temps 


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CARTHAGE. 


78 


les  mercenaires  qui  étaient  préposés 
à  la  garde  de  la  Sardaigne,  entraînés 

Sar  l'exemple  de  Mathos  et  de  Spen- 
ius,  se  révoltèrent  contre  les  Cartha- 
ginois. Ils  enfermèrent  dans  la  cita- 
delle Bostar  leur  commandant,  et  le 
firent  périr  avec  tous  les  Carthaginois 
qui  étaient  avec  lui.  Hannon  y  fut  en- 
voyé avec  de  nouvelles  troupes  pour 
étouffer  la  sédition;- mais  ses  soldats 
ayant  passé  du  côté  des  rebelles,  ceux- 
ci  le  prirent  vivant,  l'attachèrent  à  une 
croix,  et  massacrèrent  tous  \es  Car- 
thaginois qui  se  trouvaient  dans  l'île, 
après  leur  avoir  fait  souffrir  les  plus 
cruels  supplices.  Ensuite,  ils  attaquè- 
rent toutes  les  places  l'une  après  1  au- 
tre, et  se  rendirent  en  peu  de  temps 
maîtres  de  tout  le  pays.  Mais  bientôt 
la  division  s'étant  mise  entre  eux  et  les 
habitants  de  Tîle,  les  mercenaires  en 
furent  entièrement  chassés  et  se  réfu- 
gièrent en  Italie.  C'est  ainsi  que  les 
Carthaginois  perdirent  la  Sardaigne, 
île  d'une  grande  importance  par  son 
étendue,  par  sa  fertilité  et  par  le  nom- 
bre de  ses  habitants. 

Cbuautés  des  mercenaires  ;  sup- 
plice DE  GiSCON  ET  DE  SES  COMPA- 
GNONS. —  Cependant  Mathos,  Spendius 
et  Autarite,  craignant  (jue  l'humanité 
d'Amilcar  envers  les  prisonniers  n'en- 
courageât leurs  soldats  à  la  défection , 
résolurent  de  les  rendre  complices  d'un 
nouvel  attentat  qui  pût  exa'spérer  la 
fiireur  des  Carthaginois  et  rendre  im- 
possible toute  réconciliation  avec  eux. 
Pour  effectuer  ce  projet,  ils  réunirent 
toute  l'armée,  et  introduisirent  dans 
l'assemblée  un  courrier  chargé  d'une 
lettre  supposée  de  la  part  des  révoltés 
de  Sardaigne.  Cette  lettre  portait  qu'il 
fallait  carder  avec  la  plus  grande  vigi- 
lance Giscon  et  ceux  de  ses  compagnons 
qui  avaient  été  pris  avec  lui  à  Tunis; 
qu'il  se  tramait  secrètement  dans  l'ar- 
mée un  complot  pour  les  faire  évader. 
Spendius,  profitant  de  l'impression 
produite  par  cette  fausse  nouvelle,  en- 
g£^e  d'abord  ses  soldats  à  ne  pas  se 
laisser  séduire  par  la  feinte  douceur 
d'Amilcar.  Il  leur  représente  que  ce 
n'est  point  par  humanité  que  ce  général 
a  épargné  la  vie  de  ses  prisonniers; 


qu'en  leur  rendant  la  liberté  il  a  eu 
seulement  pour  but  d'attirer  à  lui  par 
cet  appât  trompeur  ceux  qui  avaient 
encore  les  armes  à  la  main,  et  d'exer- 
cer sur  eux  tous  une  vengeance  écla- 
tante dès  qu'il  les  aurait  en  son  pou- 
voir. Il  ajoute  encore  qu'ils  devaient 
bien  se  garder  de  relâcher  Giscon ,  s'ils 
ne  v(rtilaient  devenir  l'objet  du  mépris 
et  de  la  risée  des  Carthaginois;  que  la 
ruine  totale  de  leurs  afiaires  suivrait 
infailliblement  l'évasion  de  ce  grand 
général,  qui  deviendrait  sans  aucun 
doute  leur  ennemi  le  plus  redoutable  et 
le  plus  acharné. 

Spendius  parlait  encore  lorsqu'un 
autre  messager,  qui  se  disait  envoyé 
de  l'armée  de  Tunis ,  apporta  dans  l'as- 
semblée une  lettre  conçue  dans  les 
mêmes  termes  que  la  première.  A  la 
lecture  de  cette  lettre,  Autarite  s'écria 
que  leur  cause  était  perdue  s'ils  se  lais- 
saient prendre  aux  pièges  que  leur 
tendaient  leurs  ennemis.  «  Jamais ,  dit' 
il ,  je  ne  regarderai  comme  un  compa- 
gnon fidèle  celui  qui  aurait  la  faiblesse 
d'attendre  son  salut  de  leur  humanité. 
N'écoutez,  ne  croyez,  ne  suivez  que 
ceux  qui  montrent  pour  les  Carthagi- 
nois la  haine  la  plus  franche  et  la  plus 
déclarée.  Ceux  qui  professent  d'autres 
sentiments  ,  regardez-les  comme  des 
ennemis'  et  des  traîtres.  Pour  moi, 
mon  avis  est  qu'il  n'y  a  point  de  sup- 
plice assez  cruel  pour  Giscon  et  pour 
ceux  qui  ont  été  pris  avec  lui;  qu'il 
faut  les  mettre  à  mort  sur-le-champ; 
et  que  désormais  on  ne  doit  plus  faire 
aucune  grâce  aux  prisonniers  qui  tonv 
berontdans  nos  mains.  »  Autarite  avait 
une  grande  influence  dans  les  assem- 
blées, parce  que,  ayant  appris  par  un 
long  usage  à  parler  la  langue  punique, 
la  plupart  de  ces  étrangers  compre- 
naient ses  discours.  Sa  harangue  obtint 
les  applaudissements  et  l'assentiment 
de  la  multitude. 

Cependant  plusieurs  soldats  de  tou- 
tes les  nations ,  mus  par  un  sentiment 
de  reconnaissance  pour  les  bienfaits 
qu'ils  avaient  reçus  de  Giscon,  de- 
mandèrent que,  si  sa  mort  était  réso- 
lue, on  lui  épargnât  du  moins  les  tortu- 
res. Comme  ils  parlaient  tous  ensemble, 


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74 


L'UNIVERS. 


et  diacun  dans  leur  langue,  on  ne  les 
entendit  pas  d'abord.  Mais  sitôt  que 
Ton  eut  compris  qu'ils  demandaient  un 
adoucissement  de  peine  pour  Giscon , 
et  que  <juelqu'un  des  assistants  eut 
prononce  le  mot  frappe!  ces  malheu- 
reux  furent  en  un  instant  assommés 
à  coups  de  pierres.  Spendius  alors  fait 
conduire  hors  des  retranchements  Gis- 
con et  les  autres  prisonniers  carthagi- 
nois ,  au  nombre  de  sept  cents  Là,  en 
face  du  camp,  ces  barbares  leur  cou- 
pent d'abord  les  mains  en  conunen- 
çant  par  Giscon ,  cet  hon^mç  que  na- 

fuère  ils  proclamaient  comme  leur 
ienfqiteur,  et  qu'ils  avaient  prière 
à  tous  les  Carthaginois  pour  être  l'ar- 
bitre de  leurs  diff^ends.  près  les  avoir 
ainsi  mutilés ,  ils  leur  brisent  les  bras 
et  les  jambes  et  les  jettent  encore  vi- 
vants dans  une  fosse. 

A  cette  nouvelle ,  les  Carthaginois  « 
pénétrés  de  douleur  et  voulant  donner 
a  Giscon  et  à  ses  compagnons  une 
lionorable  sépulture,  envoyèrent  des 
députés  aux  mercenaires  pour  rede- 
mander te  corps  de  leurs  malheureux 
concitoyeni^.  Mais  ces  barbares ,  ajou- 
tant l'impiété  à  leur  crime ,  refusèrent 
de  les  rendre,  et  déclarèrent  que  si 
désormais  on  léjur  adressait  encore  des 
députés  ou  des  hérauts,  ils  seraient 
traités  comme  l'avait  été  Giscon.  Sur- 
le-champ  il  fut  décrété ,  d'un  consen- 
tement unanime ,  que  tout  Carthagi- 
nois qu'on  prendrait  dans  la  suite 
perdrait  la  vie  dans  les  supplices  ;  que 
tout  allié  des  Carthaginois  leur  serait 
renvoyé,  les  mains  coupées;  et  cette 
loi  fut  toujours  observée  depuis  dans 
toute  sa  rigueur.  ^ 

DlVltlONS  BAN*  Ir'AftMBE  CABTHA- 
GINOISB  ;  PERÏB  1»'UN  CONVOI  CONSI- 
DÉBABLB  DB  YIVBB6  BT  I»B  HUK ITIONS; 
PBFECTiaN  D'UxiQtUB  Bl  b'I^IPFONB. 

—  Amilcar ,  jugeant  par  k  résolution 
désespérée  dès  mercenaires  combien 
là  guerre  serait  difôcilç  et  opiniâtre, 
réunit  à  son  armée  les  forces  quecom- 
nkandait,  sur  un  autre  point,  un  gé- 
nérsd  caytha^ittoâs  appelé  Haanon.  Il 
pensait  que  toutes  ces  troupes,  réunies 
en  un  seul  corps ,  ot>tiei^aient  des 
succès  plus  prompts  et  plus  décisifs. 


L'unique  moyen  d^en  finir  était  d'ex- 
terminer complètement  ces  barbares. 

Aussi  dès  ce  moment  ne  leur  fit-il 
plus  de  quartier.  Les  prisonniers  qui 
tombaient  entre  se&  mains  étaient  ou 
livrés  aux  bêles ,  ou  passés  au  (il  de 
répée. 

Déjà  les  Carthaginois  concevaient 
sur  leur  position  de  meilleures  espé* 
rauces,  lorsc|ue  plusieurs  événements 
inattendus  vinrent  changer  subitement 
la  face  des  affaires.  A  peine  les  deux 
généraux  furent-ils  réunis  que  la  di* 
vision  éclata  parmi  eux.  Cette  mésin- 
telligence non-seulement  leur  fit  perdra 
plusieurs  occasions  de  battre  l'ennemit 
mais  encore  les  exposa  souvent  à  def 
surprises  dont  leurs  adversaires  au- 
raient pu  tirer  un  grand  avantage* 
Dans  cette  conjoncture,  le  sénat  de 
Carthage  décida  qu'un  seul  généra! 
serait  chargé  de  la  direction  de  la 
guerre ,  et  que  l'armée  choisirait  elle- 
même  celui  des  deux  qu'elle  jugerait 
digne  de  la  commander.  Amilcar  fut 
élu  d'une  voix  unanime. 

£n  même  temps,  une  nombreuse 
flotte,  qui  leur  arrivait  de  la  Byzacène, 
chargée  de  vivres  et  de  munitions  pour 
l'armée,  périt  tout  entière  submergée 
par  une  horrible  tempête.  C'était  pres- 
que leur  unique  ressource  depuis  que 
la  Sardaigne,  dont  ils  tiraient  é» 
grands  secours,  s'était  soustraite  à 
leur  domination. 

Mais  ce  qui  mit  le  comble  à  leur 
malheur,  ce  fut  la  défection  d'Utique 
et  d'Hippone.  Ces  deu^  villes,  qui 
.  seules  entre  toutes  celles  de  l'Afri^e 
avaient  résisté  aux  armes  d'Agathocle 
et  de  Régulus,  qui,  dans  la  guerre 
présente,  avaient  repoussé  avec  une 
généreuse  constance  ita  attaques  des 
mercenaires,  qui,  en  un  mot,  avaient 
témoigné  dans  tous  les  temps  un  at- 
tachement inviolable  à  Cartlû^e ,  tout 
à  coup,  sans  le  moindre  prétexte, 
embrassèrent  la  cause  de  ses  ennemis. 
Et  ce  qui  est  presque  inexplicable,  c'est 
que,  dès  ce  moment,  elles  se  montrè- 
rent aussi  Adèles  et  aussi  dévouées 

leurs  nouveaux  alliés  qu'animée^ 


d'une  haine  implacable  contre  leurt 
anciens  amis.  Les  habitants  de  ces  deux 


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CARTHAGE. 


75 


cités  massacrèrent  et  précipitèrent  du 
haut  de  leurs  murailles  environ  cinq 
cents  hommes  mie  Carthage  avait  en- 
voyés pour  les  cléfendre.  Ils  ouvrirent 
leurs  portes  aux  Africains,  et  refusè- 
rent même  aux  Carthaginois,  malgré 
leurs  instances,  la  faveur  d'ensevelir 
les  corps  de  leurs  concitoyens. 
SiBGE  DE  Carthage  pables  mer- 

CENAIRES;  LES  CARTHAGINOIS  IM- 
PLORENT LE  SECOURS  DE  LEURS  AL- 
LIES. —  Ces  circonstances  favorables 
à  leur  cause  accrurent  tellement  la 
conOance  de  Mathos  et  de  Spendius , 
qu'ils  osèrent  mettre  le  siège  devant 
Carthage  elle-même.  Amilcar  alors 
prend  avec  lui  Naravase  et  Annibal, 
qui  avait  été  choisi  pour  remplacer 
Hannon.  Il  divise  ses  forces  en  plu- 
sieurs corps ,  ravage  le  pays ,  harcèle 
Mathos  et  Spendius  par  des  escarmou- 
ches continuelles,  et  intercepte  les  vi- 
vres et  les  convois  qu'on  envoyait  à  leur 
armée.  Dans  cette  occasion,  comme 
dans  beaucoup  d'autres,  le  Numide 
Naravase  lui  rendit  les  ptus  utiles  ser- 
vices. 

Cependant  les  Carthaginois,  blo- 
qués de  toutes  parts,  se  trouvèrent 
contraints  d'implorer  le  secours  de 
leurs  alliés.  Hiéron ,  qui  suivait  d'un 
œil  attentif  tous  les  événements  de 
cette  guerre ,  leur  avait  accordé  jus- 
qu'alors avec  bienveillance  tout  ce  qu'ils 
avaient  demandé.  Dans  cette  occasion 
critique,  il  redoubla  d'empressement 
et  de  zèle.  Ce  prince ,  dont  la  politique 
était  à  la  fois  habile  et  prudente,  jugea 
bien  qu'il  était  de  son  intérêt  d'enipê- 
cher  la  ruine  de  Carthage.  Il  sentait 
que,  f)Our  conserver  sa  domination 
en  Sicile,  et  maintenir  son  alliance 
avec  les  Romains,  il  lui  importait  que 
la  balance  fdt  égale  entre  ^  les  deux 
peuples  rivaux,  car,  si  l'équilibre  était 
une  fois  rompu,  il  se  trouverait  à 
la  merci  du  plus  fort. 

Les  RoiTiains  eux-mêmes,  fidèles 
observateurs  du  traité  qu'ils  avaient 
conclu  avec  les  Carthaginois,  les  avaient 
aidés  de  tout  leur  pouvoir,  quoique 
dans  le  commencement  de  la  guerre 
une  querelle  passagère  eût  altère  leurs 
relations  d'amitié.  Les  Carthaginois 


avaient  arrêté  et  conduit  dans  leur^ 
ports  des  vaisseaux  marchands  qui  ap* 
portaient  d'Italie  des  vivres  aux  rebelles 
d'Afrique.  Ils  avaient  jeté  en  prison 
ceux  qui  les  montaient ,  et  leur  nom- 
bre s'élevait  déjà  à  cinq  cents  lorsque 
Jes  Romains  commencèrent  à  mani- 
fester leur  mécontentement.  Mais  à 
la  première  réclamation ,  ceux-ci  ob- 
tinrent la  liberté  de  leurs  concitoyens, 
et,  pour  ne  pas  se  laisser  vaincre  en 
générosité,  ils  rendirent  sur-le-champ 
a  Carthage  tout  ce  qui  leur  restait  des 
prisonniers  qu'ils  avaient  faits  dans  la 
guerre  de  Sicile.  A  partir  de  cette 
époque,  ils  s'empressèrent  de  préve- 
nir toutes  les  demandes  des  Carthagi- 
nois. Ils  permirent  aux  vaisseaux  d'Ita- 
lie d'approvisionner  Carthage  de  vivres 
et  de  munitions,  et  leur  défendirent 
d'en  fournir  aux  rebelles.  Ils  résistè- 
rent aux  sollicitations  des  mercenai- 
res de  Sardaigne ,  qui  les  pressaient 
de  s'emparer  de  cette  île,  et  poussè- 
rent même  la  religieuse  observance 
des  traités  jusqu'à  refuser  de  recevoir 
pour  sujets  les  habitants  d'IJtique,  qui 
se  soumettaient  volontairement  à  leur 
domination. -Carthage  trouva  ainsi, 
dans  les  secours  fournis  par  ses  al- 
liés, des  ressources  pour  soutenir  le 
siège. 

Les  MERCENAIRES,  CONTRAINTS  DB 
LEVER  LE  SIEGE  DE  CartHAGE  ,  SK 
REMETTENT  EN  CAMPAGNE;  237  ANS 

AVANT  l'ère  chrétienne.  —  Cepen- 
dant Mathos  et  Spendius,  tout  en  as- 
siégeant Carthage,  étaient  eux-même» 
assiégés.  Amilcar  leur  coupait  les  vi- 
vres, et  les  réduisit  bientôt  à  une  si 
extrême  disette,  qu'ils  furent  contraints 
de  renoncer  à  leur  entreprise. 

Peu  de  temps  après ,  ^les  deux  chefs 
des  rebelles,  ayant  formé  avec  Tel i te  de 
leurs  troupes  une  armée  de  cinquante 
mille  hommes,  au  nombre  desquels 
étaient  l'Africain  Zarzas  et  les  auxiliai- 
res qu'il  corn  mandait,  reprirent  leur  an- 
cienne tactique  et  se  remirent  en  cam- 
pagne, serrant  de  près  Amilcar  et 
observant  tous  ses  mouvements.  La 
crainte  des  éléphants  et  de  la  cavale- 
rie de  Naravase  les  empêchait  de  se 
hasarder  dans  les  plaines  et  les  forçait 


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76 


L'UNIVERS. 


à  se  maintenir  sur  les  montagnes  et 
dans  les  défilés.  Dans  cette  campagne, 
les  mercenaires ,  quoiqu'ils  ne  tussent 
inférieurs  aux  Carthaginois  ni  pour 
l'activité  ni  pour  le  courage,  éprou- 
vèrent souvent  des  échecs  par  l'igno- 
rance et  l'incapacité  de  leurs  chefs. 
Amilgar    extebmine    l'abmée 

D'AUTARim  ET  DE  SPENDIUS.  —  On 

voit  par  le  détail  des  faits  combien  une 
tactique  habile,  fondée  sur  une  pro- 
fonde connaissance  du  grand  art  de 
la  guerre ,  l'emporte  sur  la  valeur  in- 
disciplinée et  sur  une  aveugle  routine. 
En  effet ,  lorsqu'ils  s'écartaient  par  pe- 
tits détachements ,  Amilcar  leur  cou- 
pait la  retraite,  les  enveloppait  de 
toutes  parts  et  les  détruisait  presque 
sans  combat.  Lorsqu'ils^  marchaient 
avec  toutes  leurs  forces,  Amilcar  at- 
tirait les  uns  dans  des  embûches  habi- 
lement préparées,  tombait  brusque- 
ment sur  les  autres ,  tantôt  le  jour , 
tantôt  la  nuit,  paraissait  toujours 
quand  il  était  le  moins  attendu ,  et 
les  tenait  ainsi  dans  des  transes  con- 
tinuelles. Enfin ,  il  eut  l'adresse  de  les 
engager  dans  une  position  entièrement 
désavantageuse  à  leurs  trqupes,  et  fa- 
vorable de  tous  points  aux  Carthagi- 
nois. Il  se  saisit  de  tous  les  passages,  de 
tous  les  défilés,  enveloppa  le  camp  des 
rebelles  de  fossés  et  de  retranchements, 
et  les  resserra  de  si  près,  que,  n'osant 
hasarder  la  chance  d'un  combat  et  ne 
pouvant  échapper  par  la  fuite,  ils 
éprouvèrent  en  peu  de  jours  toutes  les 
horreurs  de  la  disette.  Bientôt,  privés 
de  toute  espèce  d'aliments,  pour  apai- 
ser la  faim  qui  les  tourmentait,  ils 
furent  contraints  de  se  dévorer  entre 
eux.  Juste  punition,  dit  Polybe,  de 
leur  impiété  et  de  leur  barbarie. 

Cependant  ils  ne  faisaient  aucune 
proposition  de  paix.  La  conscience  de 
leurs  crimes  passés ,  et  la  certitude  des 
supplices  qui  les  attendaient  s'ils  tom- 
baient au  pouvoir  de  l'ennemi,  leur 
en  ôtaient  même  la  pensée.  Pleins 
d'unje  aveugle  confiance  dans  les  pro- 
messes de  leurs  généraux ,  et  bercés 
par  l'espoir  que  l'armée  de  Tunis  arri- 
verait pour  les  délivrer,  ils  suppor- 
taient avec  une  incroyable  constance 


ces  affreuses  extrémités.  Mais  lors- 
qu'ils eurent  mangé  tous  leurs  prison- 
niers et  même  leurs  esclaves,  aucun 
secours  ne  venant  de  Tunis,  l'armée, 
exaspérée  par  ses  souffrances,  éclata 
en  menaces  contre  ses  chefs.  Alors 
Autarite ,  Zarzas  et  Spendius  résolu- 
rent de  capituler  avec  Amilcar,  et, 
ayant  obtenu  un  sauf-conduit ,  se  ren- 
dirent au  camp  des  Carthaginois.  Amil- 
car leur  imposa  ces  conditions  :  Que 
dix  d'entre  les  rebelles,  au  .choix  des 
Carthaginiois ,  seraient  livrés  à  leur 
discrétion ,  et  que  les  autres  seraient 
renvoyés  sans  armes  et  sans  aucun 
autre  vêtement  qu'une  simple  tunique. 
Quand  le  traite  fut  signé,  Amilcar 
déclara  sur-le-champ  qu'ep  vertu  des 
conventions,  il  choisissait  ceux  qui 
étaient  présents.  C'est  ainsi  qu'Auta- 
rite,  Spendius  et  les  autres  chefs  les 
plus  distingués,  tombèrent  entre  les 
mains  des  Carthaginois. 

Lorsqu'ils  apprirent  qu'on  avait  re- 
tenu leurs  chefs ,  les  révoltés ,  igno- 
rant la  capitulation  qui  avait  été  con- 
clue et  se  croyant  trahis,  coururent 
aux  armes.  Mais  Amilcar  fit  avancer 
contre  eux  ses  éléphants  et  son  armée, 
les  enveloppa  de  toutes  parts ,  et  les 
extermina  tous  sans  accorder  ni  grâce 
ni  pardon.  Leur  nombre  dépassait 
quarante  mjlle. 

Siège  de  Tunis  pab  Amilgab; 
SUPPLICE  DE  Spendius;  Annibal 

EST  SUBPBIS  PAB  MaTHOS  ET  ATTA- 
CHÉ A  UNE  CBOix.—  Après  cette  san- 
glante exécution,  Amilcar  parcourut 
le  pays,  accompagné  de  Naravase  et 
d'Annibal.  Presque  toutes  les  villes 
d'Afrique ,  découragées  par  ce  dernier 
échec ,  lui  ouvrirent  volontairement 
leurs  portes,  et  rentrèrent  sous  l'o- 
béissance des  Carthaginois.  Sans  per- 
dre de  temps,  il  marche  contre  Tunis, 
où  commandait  Mathos,  et  qui,  de- 
puis le  commencement  de  la  guerre, 
servait  aux  révoltés  de  refuge  et  de 
place  d'armes.  Il  fait  camper  Annibal 
en  avant  de  la  ville,  du  côté  qui  re- 
garde Carthage;  lui-même  établit  son 
camp  sur  le  point  opposé.  Ensuite, 
ayant  fait  conduire  près  des  murailles 
Spendius  et  les  autres  chefs  des  rebelles 


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CARTHAXÎE. 


77 


(fui  avaient  été  pris  avec  lui,  il  les  fit 
attacher  à  des  croix ,  à  la  vue  de  toute 
la  ville.  Cependant  Mathos  s*aperçut 
qu*Annibal ,  par  Texcès  de  confiance 
que  donnent  les  succès ,  était  devenu 
moins  attentif,  et  se  gardait  avec  né- 
gligence. Il  fait  une  vigoureuse  sortie, 
attaque  les  retranchements  des  enne- 
mis ,  en  tue  un  grand  nombre,  chasse 
les  autres  de  leur  camp ,  s'empare  de 
tous  les  bagages  et  fait  prisonnier  An- 
nibal  lui-même.  Aussitôt  on  conduit 
ce  malheureux  général  au  pied  de  la 
croix  de  Spendius.  Là,  les  rebelles, 
après  lui  avoir  fait  souffrir  les  plus 
cruels  tourments ,  détachent  le  cada- 
vre de  leur  chef,  clouent  à  sa  place 
Annibal  encore  vivant,  et  immolent 
sur  le  corps  de  Spendius  trente  des 
plus  illustres  Carthaginois 

La  distance  qui  séparait  les  deux 
camps  était  si  considérable  que  Barca 
n'apprit  que  fort  tard  la  sortie  de 
Mathos  et  le  danger  que  courait  An- 
nibal. Même  lorsqu'il  en  fut  instruit, 
la  difficulté  des  chemins  l'empêcha  do 
se  porter  au  secours  de  son  collègue. 
Alors  il  leva  le  siège,  et,  côtoyant 
le  Baccara ,  il  alla  camper  sur  le  bord 
de  la  mer,  à  l'embouchure  de  ce 
fleuve.  Cet  échec  inattendu  répandit 
de  nouveau  l'alarme  et  la  consterna- 
tion dans  Carthage.  A  peine  commen- 
çait-elle à  se  relever  de  ses  malheurs 
lassés  et  à  entrevoir  un  avenir  plus 
eureux ,  qu'elle  voyait  s'évanouir  en- 
core toutes  ses  espérances ,  tant  le 
cours  de  cette  guerre  offrit  une  alter- 
native continuelle  de  succès  et  de  re- 
vers ,  de  confiance  et  de  désespoir. 

RÉCONCILIATION  d'AMILCAB  ET 
B'HaNNON  ;  ILS  TEBMINENT  ENFIN  LÀ 
GUEABE  PAB  LA  DEFAITE  DE  MATHOS 
ET  LA  SOUMISSION  DES  VILLES  RE- 
BELLES. —  Cependant  le  sénat  de  Car- 
thage résolut  de  tenter  un  detnier 
effort  pour  empêcher  la  ruine  de  la 
république.  Il  rassemble  tout  ce  qui 
restait  de  citoyens  capables  de  porter 
les  armes,  et  les  renvoie  à  Amilcar 
sous  les  ordres  d'Hannon,  le  même 
qui,  quelque  temps  auparavant,  avait 
été  dépouillé  du  commandement.  Il  y 
join;t  une  députation  de  trente  séna- 


teurs,  et  les  charge  expressément  d'em- 
ployer tous  les  moyens  possibles  pour 
réconcilier  les  deux  généraux.  Ces  dé- 

Sutés  leur  représentent  la  situation 
éplorable  de  la  république ,  les  con- 
jurent au  nom  des  malheurs  de  la  pa- 
trie d'oublier  leurs  querelles  passées, 
et  de  sacriOer  leurs  ressentiments  au 
bien  de  l'État.  Amilcar  et  Hannon,  ne 
pouvant  résister  à  leurs  longues  et 
vives  instances,  abjurèrent  avec  une 
noble  générosité  leur  haine  récipro- 
que, se  réconcilièrent  de  bonne  foi, 
et,  dès  ce  moment,  dirigèrent  les  opé- 
rations de  la  guerre  avec  un  ensemble 
et  un  accord  qui  en  assurèrent  le  suc- 
cès. Ils  engagèrent  Mathos  dans  une 
multitude  de  petits  combats ,  où  il  eut 
toujours  le  désavantage.  Ce  chef  de 
rebelles ,  voyant  que  ce  genre  de  guerre 
consumait  inutilement  ses  forces,  ré- 
solut d'en  venir  à  une  bataille  géné- 
rale que  les  Carthaginois,  de  leur  côté, 
ne  désiraient  pas  avec  moins  d'ar- 
deur. 

Les  deux  partis  se  préparèrent 
comme  pour  une  action  qui  devait  à 
jamais  aécider  de  leur  sort.  Ils  ré- 
unirent tous  leurs  alliés,  et  rappelè- 
rent à  leur  armée  les  soldats  de  toutes 
les  garnisons.  Enfin ,  lorsque  tout  fut 

Prêt  de  part  et  d'autre ,  au  jour  et  à 
heure  convenus,  les  deux  armées 
descendirent  dans  l'arène.  La  victoire 
se  déclara  en  faveur  des  Carthaginois' 
La  plupart  des  Africains  restèrent  sur 
le  champ  de  bataille,  le  reste  se  sauva 
dans  une  ville  qui  se  rendit  quelque 
temps  après.  Mathos  tomba  vivant  au 
pouvoir  des  vainqueurs.  Le  résultat 
de  cette  victoire  fut  la  soumission 
complète  de  toutes  les  villes  de  l'A- 
frique. Hippone  et  Utique  seules  per- 
sistèrent dans  leur  rébellion.  Les  for- 
faits dont  elles  s'étaient  souillées  dan& 
le  commencement  de  leur  révolte  leur 
interdisaient  tout  espoir  de  miséri- 
corde et  de  pardon.  Mais  Amilcar  et 
Hannon  mirent  le  siège  devant  ces 
deux  villes ,  et  les  forcèrent  bientôt  à 
subir  les  lois  que  Carthage  voulut  leur 
imposer. 

Ainsi  finit ,  après  trois  ans  et  quatre 
mois,  la  guerre  des  mercenaires  qui 


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78 


L'UNIVERS. 


avait  jeté  Garthage  dans  de  si  grands 
périls  et  dont  chaque  période  avait  été 
signalée  par  des  actes  d'impiété  et  de 
barbarie  sans  exemple.  On  punit,  dans 
les  villes  d'Afrique,  les  principaux 
chefs  de  la  révolte.  L'armée  victorieuse 
rentra  en  triomphe  dans  Carthage, 
traînant  enchaînés  Mathos  et  ses  com- 
pagnons ,  auxquels  on  flt  expier ,  par 
une  mort  cruelle*  et  ignominieuse, 
une  vie  souillée  par  tant  de  crimes  et 
de  si  noires  perfidies. 
Abandon  de  la  Sàedaigne  par 

LES  CABTHAGINOIS;  237  ANS  AVANT 

J.  C.  —  A  peine  les  Carthaginois 
commençaient- ils  à  respirer,  qu'ils 
furent  menacés  d'une  nouvelle  guerre. 
Les  mercenaires  de  Sardaigne ,  qui , 
comme  nous  l'avons  dit,  avaient 
d'abord  fait  d'inutiles  instances  au- 
près des  Romains,  pour  les  engager 
a  passer  dans  cette  île  et  à  s'en  rendre 
maîtres,  les  déterminèrent  enfin  à 
prendre  ce  parti.  Les  Carthaginois 
s'offensèrent  de  ce  manque  de  foi, 
prétendant,  non  sans  raison,  que  la 
domination  de  la  Sardaigne  leur  ap- 
partenait à  bien  plus  juste  titre  qu'aux 
Romains.  Déjà  ils  équipaient  unfc 
flotte  pour  passer  dans  cette  île  et 
punir  les  auteurs  de  la  révolte.  Les 
Romains  saisissent  cette  occasion  et 
décrètent  sur-le-champ  la  guerre  con- 
tre Carthage,  sous  le  frivole  prétexte 
que  ses  préparatifs  sont  dirigés  contre 
eux  et  non  contre  les  peuples  de  Sar- 
daigne. Les  Carthagmois,  affaiblis 
par  la  dernière  guerre  qui  avait  tant 
épuisé  leurs  ressources ,  et  hors  d'état , 
en  ce  moment ,  de  résister  à  la  puis- 
sance du  peuple  romain ,  cédèrent  à  la 
force  des  circonstances.  Non-seule- 
ment ils  abandonnèrent  la  Sardaigne , 
mais  encore ,  pour  prévenir  une  lutte 
inégale,  ils  consentirent  à  ajouter 
douze  cents  talents  au  tribut  imposé 
par  le  dernier  traité. 

Expéditions  des  Carthaginois 
KN  Espagne.  —  Lorsque  les  Cartha- 
ginois eurent  terminé  la  guerre  d'A- 
frique et  réglé  leurs  différends  avec  les 
Romains ,  ils  envovèrent  en  Espagne 
une  armée  sens  le  commandement 
d'Amilcar  (237  ans  avant  J.   C. }. 


L'histoire  ne  nous  a  pas  transmis  la 
date  précise  de  l'entrée  des  Carthagi- 
nois en  Espagne.  On  sait  seulement 
qu'ils  y  étaient  venus  au  secours  de 
Cadix ,  ville ,  ainsi  que  Carthage ,  d'o- 
rigine tyrienne  ,  dont  les  rapides 
accroissements  avaient  excité  la  ja- . 
lousie  des  peuples  voisins.  Cette  pre- 
mière expéaition  eut  un  heureux  ré- 
sultat. Les  Carthaginois  délivrèrent 
Cadix  de  ses  ennemis  et  s'emparèrent 
d'une  partie  de  la  nrovince,  sans  que 
l'on  connaisse  exaciement  la  limite  où 
s'arrêtèrent  leurs  conquêtes.  Pendant 
neuf  ans  qu'Amilcar  commanda  les 
armées  en  Espagne,  il  soumit  à  la 
domination  carthaginoise  un  grand, 
nombre  de  peuples,  les  uns  subjuguée 
par  la  force ,  les  autres  vaincus  par  la 
persuasion ,  et  il  trouva  enfin  sur  le 
champ  de  bataille  une  mort  honorable 
et  digne  de  toute  sa  vie.  Ce  fut  dans 
un  combat  sanglant  et  acharné  contre 
un  ennemi  puissant  et  belliqueux, 
qu'entraîné  par  son  audace  au  plus 
fort  de  la  mêlée ,  il  succomba  glorieu- 
sement les  armes  à  la  main. 

ASDBUBAL  succède  A  AmILCAR 
SON  BEAU  -  PÈBE  DANS  LE  COMMAN- 
DEMENT DES  ARMÉES  EN  ESPAGNE; 

227  AVANT  l'Ère  vulgaibe.  —  Les 
Carthaginois  élurent  à  la  place  d'A- 
milcar, Asdrubal  son  gendre.  Celui- 
ci,  plus  politique  que  guerrier,  s'at- 
tachant  les  petits  princes  de  la  contrée 
par  les  liens  d'une  hospitalité  géné- 
reuse ,  et  par  l'affection  des  chefs  se 
conciliant  celle  des  peuples ,  eut  l'art 
d'accroître  ainsi  la  puissance  de  Car- 
thage ,  non  moins  que  s'il  eût  employé 
la  guerre  et  les  armes.  Les  Romains 
reooutant  son  caractère  insinuant ,  et 
cet  art  merveilleux  qu'il  mettait  à 
gagner  les  peuples,  pour  les  réunir 
sous  sa  domination,  avaient  réglé 
avec  lui ,  par  un»  traité ,  que  l'Èbre 
serait  la  limite  des  deux  empires ,  et 
que  Sagonte  ,  qui  se  trouvait  enclavée 
au  milieu ,  conserverait  son  indépen- 
dance. Mais  le  plus  éminent  service 
gu'Asdrubal  rendit  à  sa  patrie,  fut  la 
rondation  de  Carthagène.  Cette  ville , 
par  l'avantage  de  sa  situation,  la 
commodité  de  ses  ports,  les  richesses 


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CARTHAGE. 


79 


de  son  commerce,  la  force  de  ses 
remparts ,  devint  le  plus  sçlîde  appui 
de  la  domination  carthaginojie  en 
Espagne.  Après  avoir  gouverne  cette 
province  pendant  huit  ans ,  Asdrubal 
lut  assassmé  en  pleine  paix  et  dans  sa 

f)ropre  maison,  par  un  esclave  gau- 
ois  qui  voulait  vengef  Ift  tûoH  deson 
maître. 
Annibal  est  envoyé  en  Espagne 

APBÈS  LA  MOBT  d'ASDBUBAL;  OA- 
BAGTÈBE  DE  CE  GENÉBAL  ,  220  ANS 

AVANt  J.  G*  —  Trois  ans  avant  sa 
mort»  Asdrubal  avait  écrit  à  Carthage 
pour  qu^on  lui  envoyât  Annibal  qui 
était  alors  dans  sa  vingt- troisième 
année.  Cette  demande  fut  mise  en 
délibération  dans  le  sénat  que  divi- 
saient alors  deux  factions  contraires. 
La  faction  Barcine  qui  voulait  qu' An- 
nibal commençât  à  se  montrer  aux 
armées ,  afin  de  pouvoir  succéder  à  la 
puissance  de  son  père,  appuyait  avec 
chaleur  la  proposition  d' Asdrubal.  La 
faction  contraire  dont  le  chef  était 
Hannon ,  préférant  aux  chances  d^une 
guerre  incertaine  et  dangereuse .  une 
paix  sûre  qui  conservât  à  la  république 
toutes  les  conquêtes  d'Espagne,  s  a- 
larmait  de  ce  nouvel  accroissement  de 
puissance  dans  la  famille  Barca ,  et 
redoutait  le  caractère  belliqueux  et 
entreprenant  du  jeune  Annibal.  Han- 
non rappela  aux  sénateurs  la  puissance 
excessive  et  la  domination  absolue 
d'Amilcar.  Il  leur  représenta  combien 
îl  était  imprudent  de  faire  du  com- 
mandement de  leurs  armées  le  i>atri- 
moine  d'une  seule  famille.  Il  ajouta 
qu'il  serait  plus  utile  pour  l'État  et 
pour  Annibal  lui-même  que  ce  jeune 
homme  restât  à  Carthage  afin  d'y 
apprendre  l'obéissance  aux  lois ,  l'o- 


béissance aux  magistrats,  afin  de 
s'accoutumer  à  courber  la  tête  sous 
le  joug  de  l'égalité.  Ses  remontrances 
furent  vaines  ;  la  faction  Barcine  rem- 
porta, et  Annibal  partit  pour  l'Es- 
pagne. 

Dès  qu'il  parut  à  l'armée ,  il  attira 
sur  lui  tous  les  regards.  Les  vieux 
soldats  s'imaginaient  revoir  leur  Amil- 
car,  rendu  a  sa  première  jeunesse. 
C'était  le  même  feu  dans  les  yeux ,  le 
même  caractère  de  vigueur  empreint 
sur  toute  sa  figure  :  c'était  tout  son 
air  et  touà  ses  traits.  Ils  ne  se  lassaient 
point  de  le  contempler.  Mais  bientôt, 
le  souvenit  du  père  fut  lé  moindre  des 
titres  du  fils  a  l'affection  publique. 
Jamais  homme  ne  réunit  au  même 
degré  deux  qualités  entièrement  oppo- 
sées ,  la  subordination  et  le  talent  de 
commander;  aussi  n'eut-il  pas  été 
facile  de  décider  qui  le  chérissait  le 
plus  ou  du  général  ou  de  l'armée. 
C'était  l'officier  qu'Asdrubal  choisis- 
sait de  préférence  pour  les  expéditions 
qui  demandaient  de  l'activité  et  de  la 
vigueur.  C'était  le  chef  sous  qui  le 
soldat  se  sentait  le  plus  de  confiance 
et  d'intrépidité.  Autant  il  avait  d'au- 
dace pour  aller  affronter  le  péril, 
Autant  il  avait  de  sang-froid  dans  le 
péril  même.  Nulle  épreuve  ne  pouvait 
dompter  ni  les  forces  de  son  corps , 
ni  la  fermeté  de  son  courage.  II  sup- 
portait également  le  froid  et  la  cha- 
leur, la  soif  et  la  faim.  les  fatigues 
et  l'insomnie.  Il  ne  cherchait  pas  à  se 
distinguer  des  autres  par  l'éclat  de  ses 
vêtements,  mais  par  la  bonté  de  ses 
chevaux,  de  ses  armes  :  il  était  sans 
contredit  le  meilleur  cavalier  et  le 
meilleur  fantassin  de  toute  l'armée. 


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GARTHAGE. 

DEVXIÊHE  PABTIE. 


Par   m.    JEAN    YANOSKI 

ANCIEN   ÉLÈV£   DE   l'ÉGOLE    HOEMALS  ,   AGEÉGB   DE   l'UITIVERSITÉ. 


Causes  de  là  deuxième  guebbe 
PUNIQUE.  —  Les  exploits  d'Amilcar, 
en  Sicile,  contre  les  Romains,  en  Afri- 
que ,  contre  les  mercenaires ,  la  con- 
quête récente  de  l'Espagne,  les  succès 
d' A sdrubal,  gendre d'Amilcar,  avaient 
donné  dans  Ta  république  une  grande 
influence  à  la  famille  Barca.  Un  parti 
peu  nombreux,  il  est  vrai,  mais  puis- 
sant, le  parti  aristocratique,  essayait 
de  contre- balancer  cette  influence. 
Quand  la  famille  Barca  entra  en  lutte 
ouverte  avec  l'aristocratie  qui  refusait 
de  l'aider  dans  ses  grandes  entrepri- 
ses, elle  tourna  ses  regards  vers  les 
classes  inférieures  qui,  jusqu'à  cette 
époque,  n'avaient  eu  qu'une  faible  part 
d  action  dans  les  affaires  de  l'Etat.  Le 
peuple  se  prononça  volontiers  pour 
ceuxqui,  au  momentdu  danger,  avaient 
sauve  la  république,  et  qui  s'étaient 
illustrés  par  de  brillantes  victoires. 
L'appui  du  peuple  donna  bientôt  la 
supériorité,  dans  le  sénat,  à  la  fac- 
tion Barcine.  C'est  là  un  événement 
grave  dans  l'histoire  de  la  constitu- 
tion de  Carthage;  car,  ce  qui  n'avait 
été,  dans  l'origine,    qu'un   dissen- 
timent entre  Hannon  et  Amilcar  et 
une  querelle  de  familles  ,  devint  une 
lutte  plus  sérieuse  et  plus   générale 
entre  l'aristocratie  qui  avait  eu  jus- 
qu'alors, dans  le  gouvernement  de 
1  Etat,  l'autorité  suprême,  et  la  dé- 
mocratie, qui  s'élevait  dans  la  républi- 
que et  acquérait  chaque  jour  de  nou- 
velles forces.  Plusieurs  écrivains  se 
sont  fondés  sur  cette  lutte  des  partis, 
pour  affirmer  que  la  nécessité  où  se 
trouvait  Annibal  de  séduire  la  multi- 
tude par  des  actions  d'éclat  avait  été 
la  seule  cause  de  la  deuxième  guerre 
punique.  En  cela,  nous  le  croyons, 


ces  écrivains  sont  tombés  dans  l'exagé- 
ration. Il  faut  refchercher  la  véritable 
cause  de  cette  guerre  dans  l'espoir 
conçu  par  les  Carthaginois  de  sortir 
de  l'état  d'abaissement  où  les  avait 
placés  le  traité  qui  avait  suivi  la  ba- 
taille  des  lies   Egates.    Ils   avaient 


perdu  leurs  établissements  de  la  Si- 
cile, et  Rome,  au  moment  même  où 
ils  avaient  à  se  défendre,  en  Afri- 
que ,  contre  les  mercenaires ,  leur 
avait  enlevé  ,  au  mépiris  de  la  foi  ju- 
rée, la  Corse  et  la  Sardaigne.  Car- 
thage voulut  d'abord  se  dédommager 
de  ces  pertes  par  la  conquête  de  l'Es- 
pagne. Bientôt  les  succès  d'Amilcar  et 
d'Asdrubal  lui  firent  concevoir  la  pen- 
sée de  se  rétablir  dans  ses  anciennes 
possessions  et  de  déchirer  Thumiliant 
traité  que  Rome  lui  avait  imposé.  Tou- 
tefois ,  elle  ne  voulait  point  s'engager 
témérairement  dans  cette  entreprise,  et 
elle  hésitait  encore  lorsque  Annibal,  par 
un  coup  hardi,  mit  fin  à  toutes  les  irré- 
solutions. Dès  lors  la  guerre  contre 
les  Romains  fut  votée  et  poursuivie 
avec  un  accord  presque  unanime.  Il 
existait,' il  est  vrai,  dans  Carthage, 
un  parti  qui  voulait  la  paix;  mais  ce 
parti,  qui  avait  pour  chef  Hannon  et 
qui  était  un  reste  jde  l'ancienne  aris- 
tocratie ,  était  dominé  par  le  peuple , 
et  même,  dans  le  sénat,  il  avait  contre 
lui  une  forte  majorité.  Pendant  la 
deuxième  guerre  punique,  Carthage  ne 
s'écarta  point  du  but  qu'elle  s'était 
proposé,  et  elle  s'épuisa  d'hommes  et 
d'argent,  non-seulement  pour  conser- 
ver l'Espagne,  mais  encore  pour  se 
rétablir  dans  la  Sicile  et  la  Sardaigne. 
C'était  une  faute,  assurément,  que  d'en- 
voyer des  flottes  et  des  armées  nom- 
breuses dans  ces  contrées.  Là  ne  de- 


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CARTHAGE. 


SI 


▼ait  point  se  porter  tout  l'effort  de  la 
guerre ,  et ,  comme  le  pensait  Anni- 
bal,  il  fallait  d^abord,  pour  posséder  la 
Sicile,  la  Sardaigne  et  l'Espagne,  vain- 
cre les  Romains  en  Italie.  Ce  fut  en 
Tain,  on  le  sait,  qu'Annibal  épuisa 
toutes  les  ressources  du  courage  et  du 
génie  pour  réparer  les  fautes  du  sénat 
de  Cartilage.  Certes,  on  ne  pourrait 
accuser  sans  injustice  la  famille  Barca 
de  n'avoir  agi  alors  que  par  des  motifs 
d'ambition,  et  seulement  pour  domi- 
ner dans  l'État  par  son  influence.  Les 
faits,  au  contraire,  semblent  attester 
qu'Annibal  et  ses  frères  n'eurent  en 
vue,  pendant  toute  la  durée  de  la  guer- 
re ,  que  le  salut  et  la  gloire  de  Car- 
tbage. 
Annibàl  succède  a  Asdbubàl 

DANS  LE  COMMANDEMENT  DE  l'AB- 
MÉE  ;  GUEBBE  EN  ESPAGNE  CONTBE 

LES  indigènes;  les  Oclades,  les 
Vaccéens  et  les  Cabpétans  sont 
VAINCUS  ;  221  -  219  avant  notbe 
ÈBE.  —  Après  la  mort  d'Asdrubal ,  les 
soldats  se  réunirent ,  et ,  d'une  voix 
unanime,  ils  décernèrent  à  Annibal  le 
titre  de  général.  L'élection  faite  par 
l'armée  fut  bientôt  ratifiée  par  le  peu- 
ple de  Carthage.  Annibal  songea  dès 
lors  à  renouveler  la  guerre  contre  les 
Romains ,  et  à  mettre  à  exécution , 
par  une  expédition  en  Italie,  les  vastes 
projets  de  son  père  :  mais  avant  de 
tenter  cette  périlleuse  entreprise,  il 
voulut  tout  à  la  fois  essayer  ses  forces 
et  affermir  en  Espagne  la  domination 
de  Carthage.  Il  fit  la  guerre  aux  indi- 
gènes, et  il  vainquit  successivement 
les  Oclades  et  les  Vaccéens.  Cependant 
ces  deux  peuples  ne  voulurent  point 
se  soumettre;  ils  soulevèrent  les  Car- 
Çétans  qui ,  jusqu'alors,  étaient  restés 
étrangers  à  la  lutte ,  et  tous  ensemble 
ils  levèrent  une  armée  dé  cent  mille 
hommes.  Le  général  carthaginois  n'hé- 
sita point  à  les  attaquer  ;  il  livra  ba- 
taille sur  les  bords  du  Tage ,  et  rem- 
porta sur  les  trois  peuples  réunis  une 
victoire  signalée. 
Ruine  de  Sagonte;  déclaba- 

TION  DE  GUEBBE  FAITE  PAB  LES  RO- 
MAIN S  DANS  LE  SÉNAT  DECABTHAGE  ; 
PBÉPABATIFS  d'ANNIBAL  POUB  SON 

6*  livraison,  (Cabthage.) 


EXPÉDITION  d'Italie;  219  et  218 
AVANT  NOTBE  ÈBE.  —  Quaod  An- 
nibal se  crut  maître  de  la  majorité  des 
votes,  dans  le  sénat  de  Carthage,  il 
frappa  un  coup  qui  devait  rendre  la 
guerre  inévitable.  Parmi  les  villes  si- 
tuées au  midi  de  l'Ebre ,  il  y  en  avait 
une  qui,  refusant  de  se  soumettre 
aux  Carthaginois,  avait  contracté  avec 
la  république  romaine  une  étroite  al- 
liance. Rome,  dans  le  traité  qu'elle 
fit  avec  Asdrubal,  avait  compris  les 
habitants  de  Sagonte  au  nombre  de 
ses  alliés.  Au  mépris  de  ce  traité,  An- 
nibal s'avance  contre  Sagonte;  il  l'as- 
siège, et,  après  des  combats  multipliés 
et  sanglants  où  les  Sagontins  périssent 
jusqu'au  dernier,  la  ville  est  détruite 
de  iond  en  comble.  Déjà ,  au  moment 
où  le  siège  avait  commencé,  des  am- 
bassadeurs romains  s'étaient  trans- 
portés à  Carthage  pour  demander  qu'on 
leur  livrât  le  général  qui  avait  violé 
les  traités.  Quand  on  sut ,  à  Rome ,  la 
nouvelle  de  la  ruine  de  Sagonte ,  toute 
la  ville  fut  plongée  dans  la  consterna- 
tion. Une  nouvelle  ambassade  se  diri- 
gea aussitôt  vers  l'Afrique;  et,  lorsque 
les  Romains  furent  arrivés  à  Carthage, 
ils  se  firent  introduire  dans  le  sénat. 
Là  se  passa  une  scène  qui  est  restée 
célèbre  dans  l'histoire:  un  des  en- 
voyés ,  Fabius ,  demanda  satisfaction 
au  nom  de  Rome,  et  une  déclaration 
qui  établît  que  le  gouvernement  de 
Carthage  était  resté  étranger  à  l'en- 
treprise d' Annibal.  Enhardis  par  les 
succès  de  leur  général ,  les  sénateurs 
carthaginois,  malgré  les  efforts  de 
quelques  ennemis  de  la  famille  Rarca,  re- 
tusèrent  d'accéder  à  la  demande  des  en- 
voyés romains.  Alors  Fabius  fit  un  pli 
à  sa  toge ,  et  dit  :  «  Je  porte  ici  la  paix 
ou  la  guerre,  choisissez.  »  On  s'écrie 
de  toutes  parts  :  «  Vous-même ,  choi- 
sissez. »  Fabius  laissa  retomber  sa 
toge,  et  répondit:  Je  vous  laisse  la 
guerre.  »  Tous  les  sénateurs  carthagi- 
nois répètent  alors  :  «  La  guerre!  nous 
l'acceptons,  et  nous  saurons  bien  la 
soutenir.  »  Dans  ce  jour  solennel ,  le 
sénat  de  Carthage ,  en  déclarant  la , 
guerre  avec  un  si  grand  enthousiasme  « 
prenait  une  sorte  d'engagement  avec 

6 


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M 


L'UNIVERS 


le  géaëral  qui  avait  rompu  les  traités. 
Dès  lors^  tous  les  vœux  d^Annibal 
étâiêot  comblés ,  et  il  pouvait  marcher 
librement  à  raccomplissement  de  se$ 
vastes  projets. 

Après  la  prise  de  Sagonte,  Ànnibal 
passe  rhiver  à  Cartliagène,où  il  fait  ses 
premiers  préparatifs.  Asdrubal  son 
frère  doit  rester  en  Esi)agne  avec 
quinze  mille  Carthaginois,  vingt-quatre 
àéphants  et  soixante  ealères  ;  il  gouver- 
ne les  provinces  qui  s'étendent  deTÈbre 
«u  détroitde  Gaaes.  Hannon,  avec  onze 
mille  Carthaginois ,  est  préposé  à  la  dé* 
^nse  du  pavs  qui  se  trouve  compris  en« 
treles  Pyrénées  et  TÈbre.  Les  troupes 
d'Hannon  et  d'Asdrubal  forment  aussi 
une  réserve  destinée  à  rejoindre,  au 

Fremier  appel ,  l'armée  qui  marche  sur 
Italie.  Annibal ,  pour  gagner  Taffec- 
tion  des  soldats  qu'il  a  choisis  pour 
«on  expédition ,  leur  fait  de  grandes 
largesses  ;  puis  il  leur  accorde,  pour  se 
reposer,  toute  la  saison  d'hiver.  C*est 
alors  qu'il  se  rend  à  Gades  au  temple 
d'Hercule.  Le  bruit  se  répand  en  Espa- 
gne que  les  dieux  ont  promis  de  le  pro- 
téger, et  qu'un  envoyé  céleste  est  venu 
lui  prédire  que  les  soldats  qu'il  com* 
mandait  feraient  la  conauête  de  l'Italie. 
Quand ,  au  retour  de  la  belle  saison , 
rarmée  carthaginoise  fut  rassemblée , 
Annibal ,  oui  avait  amassé  de  grandes 
sommes  crargent,  et  préparé,  pour 
son  expédition,  d'immenses  approvi- 
sionnements, se  mit  en  marche  avec 
âudtre-vingt  mille  hommes ,  et  bientôt 
.eut  franchi  l'Ebre  et  les  Pyrénées (*). 
ËNTBEE  d' Annibal  dans  les 
(jaules  ;  PASSAGE  DES  Alpbs;  218 
.  AVANT  NOTBE  BBE.  —  A  SOU  entrée 
dons  les  Gaules,  Annibal  rencontra 
quelques  peuples  qui  s'étaient  armés 
pour  le  combattre.  Il  ne  chercha  point 
a  les  vaincre  ;  il  leur  envoya  des  mes- 

(*)  Le  récit  qui  va  suivre  ne  présentera 
qu'un  résumé  succinct  des  expéditions  car- 
■  thaginoises  en  Italie,  en  Espagne,  en  Siciie 
et  en  Sardaigne,  On  trouvera  ailleurs,  dans 
les  volumes  de  V  Univers  consacrés  à  ees 
différents  pays ,  tous  les  détails  de  ces  expé- 
ditions. Nous  ne  devons  insister  ici  que  sur 
les  événements  qui  se  rattachent  directement 
à  rhistoiré  de  Ùrthtige. 


,  sages  de  paix,  et,  sans  plus  tarder,  il 
traversa  le  pays  Jusqu'au  Rhône,  puis 
il  franchit  le  fleuve.  Il  apprit  alors 

Su'un  généra]  romain  ,  Scipion ,  avait 
ébarqué  près  de  l'embouchure  avec 
une  armée.  Il  v  eut  une  escarmouciie 
entre  un  détachement  de  cavalerie  ro- 
maine et  une  troupe  de  Numides  ;  mais 
Annibal ,  pour  ne  point  user  ses  forces, 
évita  un  combat  général  et  continua  sa 
marche.  Il  entra  sur  le  territoire  des 
Allobroges ,  traversa  la  Durance ,  enfin 
il  atteignit  les  Alpes.  Annibal  touchait 
à  l'Italie ,  mais  il  lui  restait  encore  à 
franchir  des  montagnes  couvertes  de 
neige  et  de  glace ,  oili  il  fallait  lutter 
tout  à  la  fois  contre  les  hommefs  et 
contre  les  éléments.  On  sait  quels 
furent  les  fatigues  et  les  dangers  de  ce 
mértiorable  passage  qui  coâta  plus  de 
trente  mille  nommes  à  l'armée  cartha- 
ginoise. Après  avoir  surmonté  tous  les 
obstacles ,  Annibal  entra  en  Italie. 

Annibal  en  Italie  ;  combat  du 
tésin  ;  défaite  des  cabthagfnois 
A  Lïlybée;  habche  d'Annibal 
DANS  LA  Cisalpine;  bataille  db 
LA  Tbébie  ;  Annibal  passe  en  Étbu- 

BIE;  BATAILLE  DE  TbASIMENE  ;  218 
ET    217   AVANT    NOTBE    ÈRE.  -—  LeS 

Romains  avaient  essayé  de  faire  face 
à  tous  les  dangers.  Ils  avaient  envoyé 
des  armées  en  Éspaene ,  en  Sicile ,  pour 
combattre  les  Carthaginois ,  et  en  Ci- 
salpine pour  contenir  les  Gaulois  qui 
menaçaient  de  se  soulever.  Scipion , 
après  avoir  envoyé  son  frère  Cnéus  en 
Espngne,  attendait  Annibal  à  la  des- 
cente des  Alpes.  Annibal ,  de  son  côté, 
commençait  à  désespérer  du  succès  de 
son  entreprise  quand  il  vit  les  Gaulobs 
cisalpins  rester  neutres ,  contre  leurs 
promesses ,  et  refuser  de  venir  se  join* 
dre  à  l'armée  carthaginoise.  Toutefois, 
un  premier  et  brillant  succès  vint  ra- 
nimer ses  espérances.  Il  y  eut  un  com- 
bat de  cavalerie  sur  les  bords  du  Tésin , 
où  la  victoire  demeura  aux  Carthagi- 
nois. Le  consul  Scipion  fut  blessé  dans 
cette  rencontre.  Rome  se  hâta  de  rap- 
peler de  la  Sicile  Sempronius,  qui  avait 
déjà  fait  éprouver  aux  Carthaginois  des 
pertes  considérables.  Le  préteur  jEmî- 
lius  avait  détruit,  près  de  Lilybée, 


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CA&IBAGE. 


8S 


une  flotte  carthaginoise ,  et  Sempro- 
nius  lui-même  sNstait  emparé  de  Vîie 
de  Malte.  C'est  alors  que  Sempronius, 
pour  obéir  au  sénat ,  vint  dans  la  Ci* 
salpine  au  secours  de  son  collègue 
Scipion.  Annibal  ne  tarda  point  à  se 
trouver  en  présence  de  rarmée  romaine 
qui  campait  sur  les  bords  de  la  Trébie. 
Malgré  les  avis  de  Scipion,  Sempro- 
pius  attaqua  les  Carthaginois;  mais 
bientôt  il  eut  à  se  repentir  de  son  im- 

{)rudence.  Annibal  fut  vainqueur,  et 
es  Romains  perdirent  dans  la  bataille 
trente  mille  soldats,  qui  périrent  les 
armes  à  la  main  ou  devinrent  prison- 
niers. Cette  éclatante  victoire  des  Car- 
thaginois fut  le  signal  d*un  immense 
soulèvement  dans  la  Cisalpine.  Les 
Gaulois  n'hésitèrent  plus  à  se  ranger 
du  côté  des  ennemis  de  Rome.  Après 
la  Journée  de  la  Trébie ,  Annibal  compta 
dans  son  armée  quatre-vingt-dix  mille 
soldats.  11  songea  alors  à  pénétrer  au 
centre  de  ritalie.  Il  franchit  rApenniù 
et  gagna  TÉtrurie.  Ce  ne  fut  point  san$ 
s'exposer  à  de  grands  dangers  qu'il  tra- 
versa une  partie  de  cette  contrée.  Enfin 
il  rencontra  les  Romains.  Il  attira  le 
consul  Flaminius,  non  moins  pré- 
somptueux et  non  moins  imprudent 
Sue  son  prédécesseur  Sempronius, 
ans  une  position  défavorable.  Il  le 
força  à  combattre,  et  une  nouvelle  ar- 
mée romaine  fut  exterminée  sur  les 
bords  du  lac  Trasimène. 

Annibal  pénètre  au  gentbe  db 
l'Italie;  sa  mabghe;  bataille  de 
Cannes;  217  et  216  avant  notbb 
èBE.  —  Après  la  journée  de  Trasi- 
mène ,  Annibal  passe  enOmbrie  et  dans 
le  Picenum,  ou  il  ravage  les  terres 
des  alliés  de  Rome;  puis  il  s'avance 
dans  la  Sabine  et  le  Samnium ,  où  i| 
continue  ses  dévastations  pour  attirer 
encore  une  fois  les  Romams  au  com- 
bat. Mais  dans  cette  marche,  il  ren- 
contre un  général  plus  prudent  et  plus 
habile  que  Sempronius  et  Flaminius  j 
c'est  FaDius,  le  bouclier  de  Rome,  qu^ 
observe  Annibal ,  le  suit  pas  à  pas ,  et 
évite  néanmoins  tout  engagement  sé- 
rieux. En  temporisant,  Fabius  obtient 
un  important  résultat  j  il  use  les  forces 
de  l'armée  carthaginoise,  qui  ne  vit  4 


ne  se  recrute  qu'avec  peine  dans  les 
provinces  centrales  de  l'Italie,  où  les 
populations  sont  habituées  depuis  long- 
temps à  la  domination  romaine.  Mais 
enfin  Fabius  est  remplacé,  et  les  con- 
suls Paul  Emile  et  Varron,  qui  lui 
succèdent  dans  le  commandement  des 
légions,  en  cessant  de  temporiser,  of* 
frent  bientôt  à  Annibal  l'occasion  d'un 
nouveau  triomphe.  Il  y  eut  une  grande 
bataille  près  de  Cannes ,  en  Apuhe ,  sur 
les  bords  de  i'Aufide,  où  les  Romains 
perdirent  quatre-vingt  mille  hommes, 
deux  questeurs,  vingt  et  un  tribuns 
des  légions, quatre-vingts  sénateurs  et 
Paul  Emile ,  run  des  consuls.  Jamais , 
depuis  la  funeste  Journée  de  l'Allia ,  la 
puissance  de  Rome  n'avait  été  aussi 
fortement  ébranlée. 

résultats  de  la  bataille  dx 
Cannes  en  Italie;  l'Italie  cen- 
tbale  beste  fidèle  aux  romains  ; 
LA  Cisalpine  et  l'Italie  hébidio- 

NALE  SE  DONNENT  A  AnNIBAL;  AN- 
NIBAL POUBSUIT  LA  GUEBBE;  2t6  Et 
215  AVANT  NOTEE  ÈBE.  —  Lorsqu'oÛ 

reçut  à  Rome  la  nouvelle  de  la  bataillle 
de  Cannes,  il  y  eut  dans  la  ville  ua 
deuil  public  et  toutes  les  manifesta- 
tions d'une  grande  douleur.  On  se  hâta 
de  Mre  de  nouvelles  levées,  et  les  ci- 
toyens se  soumirent  volontairement 
aux  plus  grands  sacrifices.  La  Cisalpine 
se  déclarait  alors  ouvertement  pour  les 
Carthaginois,  et  les  peuples  de  l'Italie 
méridionale  offraient  leur  alliance  à 
Annibal  et  lui  promettaient  de  nom- 
breux auxiliaires.  Parmi  les  ennemi! 
des  Romains,  on  comptait  les  Apu- 
liens,  les  Messapiens,  les  Lucaniens, 
les  Bruttiens ,  une  partie  des  Samnites , 
et  même  quelques  peuples  de  la  Cam- 
panie.  C'est  Magon,  le  frère  d'Anni- 
bal,  qui  va  recevoir  la  soumission  de 
ces  nouveaux  alliés  de  Carthage.  Il  n'v 
avait  que  l'Italie  centrale  qui  restai 
fidèle  à  Rome.  Annibal,  après  avoir 
donné  une  partie  de  ses  troupes  à  ceut 
de  ses  lieutenants  qui  devaient  retenir 
les  peuples  de  l'Italie  méridionale  danf 
les  liens  de  la  fidélité,  s'avance  vers 
la  Campanie  avec  vingt-cinq  mille  hom- 
mes. Il  vient  d'abord  assiéger  NapleSi 
mais  U  échoue  dans  son  entreprise.  Dé 

6- 


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84 


L'UNIVERîS. 


Naples,  il  se  dirige  vers  Capoue,  qui 
lui  ouvre  ses  portes.  Cest  alors  qu'il 
envoie  Magon  à  Carthage  pour  de- 
mander de  l'argent  et  des  troupes. 

MàGON  VIENT  DEMANDER  DES  SE- 
COURS A  Carthage;  délibération 

DU    SÉNAT    CARTHAGINOIS.  —  Tite- 

Live  nous  donne  sur  la  mission  du 
frère  d'Annibal  les  détails  suivants  : 
«Magon,  fils  d'Amilcar,  était  venu 
porter  à  Carthage  la  nouvelle  de  la  vic- 
toire de  Cannes.  Son  frère  ne  l'avait 
pas  envoyé  du  champ  de  bataille  même , 
mais  il  l'avait  retenti  quelques  jours 
pour  recevoir  la  soumission  des  Brut- 
tiens  et  de  quelques  autres  peuples  qui 
s'étaient  séparés  des  Romains.  Intro- 
duit dans  le  sénat,  Magon  expose  tout 
ce  que  son  frère  a  fait  en  Italie.  «  Il 
avait  combattu  en  bataille  rangée  six 
généraux,  dont  quatre  consuls,  un  dic- 
tateur et  un  maître  de  la  cavalerie, 
défait  six  armées  consulaires,  tué  à 
l'ennemi  plus  de  deux  cent  mille  hom- 
mes et  fait  plus  de  -cinquante  mille 
prisonniers.  Des  quatre  consuls ,  deux 
avaient  péri,  le  troisième  était  blessé, 
le  dernier  avait  perdu  toute  son  armée 
et  s'était  enfui,  a  peine  avec  cinquante 
soldats.  Le  maître  de  la  cavalerie,  qui 
était  revêtu  à  l'armée  du  pouvoir  con- 
sulaire, avait  été  battu  et  mis  en  dé- 
route. Quant  au  dictateur,  il  était 
regardé  comme  le  modèle  des  généraux 
par  cela  seul  qu'il  n'avait  jamais  osé 
livrer  une  grande  bataille.  Les  Brut- 
tiens  et  les  Apuliens,  une  partie  des 
Samnites  et  des  Lucaniens,  avaient 
abandonné  le  parti  de  Rome  pour  se 
donner  aux  Carthaginois.  Capoue,  la 
capitale,  non  pas  seulement  de  la  Cam- 
panie,  mais  de  l'Italie  entière,  depuis 
que  la  journée  de  Cannes  avait  abattu 
la  puissance  romaine,  s'était  livrée  à 
Annibal.  Pour  des  triomphes  si  nom- 
breux et  si  grands,  il  était  juste  de 
rendre  aux  dieux  immortels  de  solen- 
nelles actions  de  grâces.  »  En  témoi- 
«nage  de  ces  heureuses  nouvelles, 
lagon  fit  verser  dans  le  vestibule  du 
sénat  une  quantité  d'anneaux  d'or  si 
prodigieuse,  que  certains  auteurs  pré- 
tendent qu'il  y  en  avait  bien  trois  bois- 
Seaux  et  demi;  mais  la  tradition  qui  a 


{)révalu ,  et  qui  se  rapproche  le  plus  de 
a  vérité,  est  qu'il  n'y  en  avait  pas  au 
delà  d'un  boisseau.  Magon  ajouta ,  pour 
faire  sentir  toute  la  grandeur  des  pertes 
éprouvées  par  les  Romains,  que  les 
chevaliers  et  seulement  les  plus  distin- 
gués pouvaient  porter  l'anneau  d'or.  Il 
dit,  en  terminant,  que  plus  on  avait 
l'espoir  prochain  de  terminer  glorieu- 
sement la  lutte ,  plus  il  fallait  prodiguer 
à  Annibal  toute  espèce  de  secours.  En 
effet,  la  guerre  se  faisait  loin  de  Car- 
thage, au  milieu  d'un  pays  ennemi; 
elle  absorbait  beaucoup  de  vivres  et 
d'argent.  Les  batailles  où  les  armées 
ennemies  avaient  été  détruites  avaient 
aussi  causé  des  pertes  au  vainqueur. 
Il  fallait  donc  envoyer  de  nouvelles 
troupes ,  de  l'argent  et  du  blé  pour  la 
solde  et  la  nourriture  des  soldats  qui 
avaient  si  bien  mérité  du  nom  cartha- 
ginois. Ces  paroles  de  Magon  causèrent 
une  grande  joie  dans  le  sénat.  Alors 
Himilcon ,  de  la  faction  Barcine ,  crut 
l'occasion  favorable  pour  humilier  Han- 
non.  ft  Eh  bien ,  dit-il ,  Hannon ,  re- 
«  grettez-vous  encore  q^ue  l'on  ait  fait 
«  la  guerre  aux  Romains?  Ordonnez 
<t  maintenant  de  livrer  Annibal  ;  empé- 
«  chez  qu'au  sein  de  la  prospérité  nous 
«  rendions  des  actions  de  grâces  aux 
R  dieux  immortels  !  Écoutons  ce  que 
«  va  dire  ce  sénateur  romain  dans  le 
«  sénat  de  Carthage.  >»  Alors  Hannon  : 
«  J'aurais  aujourd'hui  gardé  le  si- 
«  lence ,  pour  ne  pas  troubler  l'allé- 
«gresse  universelle  par  des  paroles 
«  qui  ne  respirent  point  Fenthousias- 
«  me.  Mais  puisqu'un  sénateur  m*a 
«  demandé  si  je  regrette  encore  que 
«  l'on  ait  entrepris  la  guerre  contre 
«Rome,  je  me  hâte  de  répondre, 
«  parce  que  mon  silence  serait  inter- 
«  prêté  diversement;  les  uns  pourraient 
«  l'attribuer  à  mon  orgueil,  les  autres 
«  à  la  honte  que  l'on  éprouve  quand  on 
«  a  commis  une  erreur.  Je  ne  suis  ni 
«  orgueilleux  ni  repentant.  Je  dirai 
«  donc  à  Himilcon  que  mes  regrets  sur 
«  la  guerre  sont  aussi  grands  que  par 
«  le  passé,  et  que  je  ne  cesserai  d'ac- 
«cuser  votre  invincible  générai  que 
«  quand  je  verrai  la  lutte  terminée  à 
«des  conditions  raisonnables,  et  Je 


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CARTHAGE. 


W 


«  n'excuserai  la  rupture  de  rancienne 
«  paix  qu'au  moment  où  l'on  aura  fait 
«  une  paix  nouvelle.  J'avoue  que  tous 
«  ces  brillants ^uccès  que  Magon  vient 
«  de  nous  raconter  avec  tant  de  corn- 
et plaisance,  et  qui,  dans  ce  moment, 
«  font  la  joie  d'Himilcon  et  des  autres 
«  partisans  d'Annibal ,  font  aussi  la 
«  mienne,  parce  que  ces  victoires,  si 
«  nous  voulons  user  sagement  de  la 
«fortune,  nous  procureront  une  paix 
«  plus  avantageuse;  mais  si  nous  lais- 
«  sons  échapper  cet  instant,  où  nous 
«  pouvons  paraître  donner  la  paix 
«  plutôt  que  la  recevoir,  je  crains  fort 
«  que  cet  éclat  éblouissant  ne  s'éva- 
«nouisse  promptement.  Aujourd'hui 
«  même  que  vient-on  nous  aire?  J'ai 
«détruit  les  armées  ennemies;  en- 
«  voyez-moi  des  soldats.  Que  deman- 
«  deriez-vous  si  vous  étiez  vaincu?  J'ai 
«  pris  les  deux  camps  ennemis  remplis 
«  sans  doute  de  butin  et  de  vivres  ; 
«  faites-moi  passer  du  blé  et  de  l'ar- 
«gent.  Parleriez-vous  autrement  si 
«l'ennemi  \ous  eût  enlevé  vos  res- 
«  sources,  eût  forcé  vos  retranche- 
«  ments?  Et  pour  que  je  ne  sois  pas 
«  seul  à  expliquer  ce  que  tout  cela  a 
«  d'inconcevable  (car,  puisque  j'ai  ré- 
«  pondu  à  Himilcon ,  j  ai  bien  le  droit 
«  de  l'interroger  à  mon  tour) ,  je  vou- 
«  drais  qu'Himilcon  lui-même,  ou  Ma- 
«  gon ,  me  donnât  quelque  éclaircisse- 
«  ment.  Puisque  la  nataille  de  Cannes 
«  entraîne  la  ruine  entière  de  l'empire 
«  romain ,  et  qu'il  est  certain  que  toute 
«  l'Italie  est  en  pleine  défection ,  qu'on 
«  me  nomme  d'abord  quelque  peuple 
«  de  la  confédération  du  Latium  qui 
«  ait  embrassé  notre  parti  ;  puis  quel- 
«  que  citoyen  des  tribus  de  Rome  qui 
«  soit  passé  dans  le  camp  d'Annibal.  — 
«  Je  ne  saurais  en  nommer,  répondit 
«  Magon.  —  Ainsi  donc,  reprit  Han- 
«  non ,  il  ne  nous  reste  encore  que  trop 
«  d'ennemis.  Mais  à  Rome,  quelle  est 
«la  disposition  des  esprits?  Conser- 
«  vent-ils  encore  de  l'espoir?  C'est  un 
«  point  que  je  voudrais  éclaircir.  —  Je 
«l'ignore,  dit  Magon.  —  Rien  pour- 
«  tant  n'est  plus  facile  à  savoir,  ajoute 
«  Hannon.  Les  Romains  ont-ils  envoyé 
«des  ambassadeurs  à  Annibal  poîir 


«  demander  la  p^ix?  A-t-il  été  un  seul 
«  moment  question  de  paix  à  Rome , 
«  d'après  lés  rapports  que  l'on  tous  a 
«  faits?  —  Non ,  dit  encore  Magon.  — 
«  Eh  bien ,  s'écrie  Hannon ,  nou»âvons 
«  donc  la  guerre  tout  aussi  entière  que 
«  le  jour  où  Annibal  a  mis  le  pied  en 
«  en  Italie...  Pour  moi,  si  l'on  met  en 
«  délibération ,  ou  de  proposer  la  paix 
«  à  l'ennemi  ou  de  la  recevoir,  je  sais 
«  queb  avis  j'ouvrirai.  Si  vous  vous  oc- 
«  cupez  seulement  des  demandes  de 
«  Magon ,  je  pense  que  si  nos  soldats 
«  sont  victorieux ,  il  ne  faut  rien  leur 
«  envoyer  ;  et  s*ils  nous  abusent  par 
«  de  faux  rapports  et  par  de  chiméri* 
«  ques  espérances,  il  faut  se  garder  en- 
«  core  davantage  de  leur  envoyer  quel- 
«  que  chose.  » 

«  Le  discours  d'Hannon  fit  peu  de 
sensation.  Son  animosité  contre  la  fa- 
mille Barca  le  rendait  suspect  de 
partialité,  et  les  esprits  étaient  trop 
préoccupés  des  heureuses  nouvelles  dti 
moment  pour  que  l'on  pût  rien  enten* 
dre  qui  tendît  à  diminuer  l'allégresse 
générale.  A  Carthage,  l'opinion  com- 
mune était  qu'avec  le  moindre  effort 
on  pouvait  mettre  fin  à  \û  guerre. 
Aussi  l'on  décréta  à  une  immense  ma- 
jorité I  dans  le  sénat ,  que  Ton  enver- 
rait à  Annibal  un  renfort  de  quatre 
mille  Numides,  quarante  éléphants  et 
un  grand  nombre  de  talents  d'argent* 
On  fit  partir  aussi  un  dictateur  avec 
Magon  pour  l'Espagne,  afin  d'y  lever 
vingt  mille  fantassins  et  quatre  mille 
chevaux  destinés  à  compléter  les  ar- 
mées d'Espagne  et  d'Italie.  » 

Les  nouveaux  préparatifs  des  Car- 
thaginois se  firent,  comme  le  remar- 
que Tite-Live ,  avec  négligence  et  une 
extrême  lenteur.  Au  reste ,  les  renforts 
votés  par  le  sénat  étaient  insuffisants 
pour  achever  la  guerre.  Annibal,  trom- 
pé dans  ses  espérances,  n'eut  plus  re- 
cours alors  qu'à  sa  prudence  et  à  son 
habileté  pour  se  maintenir  en  Italie. 

Suite  de  l'expéi^ition  d'Anni- 
bal; LUTTE  DES  CaBTHAGINOIS  ET 

DES  Romains  en  Italie  jusqu'au 
MOMENT  ou  Syracuse  et  une  par- 
tie DE  la  Sicile  abandonnent  l'al- 

LIANGS  DBS  ROMAINS  ;  215  AYANT 


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66 


l/tJNIVERS. 


NOTBE  ÈBB. —Maître  de  Capoue,  An- 
nibal  se  prépara  à  de  nouvelles  expé- 
ditions. MaislesRomainsIui  opposèrent 
un  général  qui,  par  son  activité,  l'ar- 
rêta dans  presque  toutes  ses  entrepri- 
ses ;  c'était  MàreeWus^répée  de  Rome, 
Toutefois,  Maroelius  ne  put  empêcher 
Annibal  de  mettre  le  siège  devant  Ca- 
lilin.  Ce  siège  traînait  en  longueur, 
lorsaue  le  chef  carthaginois  le  convertit 
en  blocus,  «t  revint  à  Capoue  pour  y 
prendre  ses  quartiers  d'hiver.  Ses  sol- 
dats ne  s'amoUirent  point  alors  ,comme 
on  l'a  prétendu,  dans  uQe  funeste  oi- 
siveté, ^r,  dans  les  premiers  jours  du 
printemps,  ils  se  reportèrent  avec  une 
iu>uvelle  ardeur  devant  Casilirf ,  qu'ils 
forcèrent  à  capituler  à  la  vue  de  deux 
armées  romaines.  Mais  Annibal,  qui 
ne  recevait  point  de  Carthage  des  se- 
cours suffisants,  voyait  ses  forces  dé- 
croître de  jour  en  jour.  Les  Romains, 
au  contraire  Y  faisaient  les  plus  grands 
sacrifices;  ils  ordonnaient  de  nouvelles 
levées  et  augmentaient  sans  cesse  le 
nombre  de  leurs  soldats.  Ils  prescri- 
vaient en  même  temps  à  Marcellus  et 
à  leurs  autres  généraux  de  n'agir 
qu'avec  une  extrême  prudence.  Anni- 
bal ne  pouvant  se  maintenir  dans  l'Ita- 
lie centrale ,  se  dirigea  vers  le  Brutium , 
où  il  devint  maître  de  Pétille ,  de  Co- 
sentia,  de  Crotone  et  de  Locres,  qui 
refusaient  de  s'allier  aux  Carthaginois. 
Alors  il  revint  dans  les  provinces  ^ui 
avoisinent  Rome,  et  il  mit  le  siège 
<tevant  Cumes.  Repoussé  avec  perte, 
il  s'éloigna  de  nouveau  et  entra  en 
Lucanie,  où  il  prit  ses  quartiers  d'hi- 
^rer.  Au  printenips,  il  s'empressa  d'ac- 
courir au  secours  de  Capoue,  mais  il 
éprouva  sur  tous  les  pomts  une  vive 
résistance;  et  bientôt  la  défaite  de  son 
lieutenant  Hannon ,  qui ,  dans  un  com- 
bat contre  l'armée  de  Gracchus ,  perdit 
seize  mille  hommes,  lui  enleva  pour 
toujours  l'espoir  de  se  maintenir  dans 
l'Italie  centrale. 

Annibal   fait  alliance   aysg 
Philippe  be  Macédoine;  traits 

BNTBB  le  GBNÉBAL  CABTHA6IN0I8 
BT  LE  SOI  DE  MAGÉDOINB;  215  AYANT 
KOTBB  EBB.  —  PHvé  deS  fiCQOUfg  qd'll 

attendait  de  Carthage  et  de  l'Espagne, 


Annibal  tourna  ses  regards  vers  la 
Grèce.  Il  s'adressa  à  Philippe,  roi  de 
Macédoine,  qui,  craignant  la  politique 
ambitieuse dçsRomams,  n'hésita  point 
à  faire  alliance  avec  le  général  cartha- 
ginois. Polybe  nous  a  conservé  le  traité 
qui  fut  conclu  alors  entre  Annibal  et  le 
roi  de  Macédoine. 

«  Voici  le  traité  qu'ont  juré  le  géné- 
«  rai  Annibal ,  Magon ,  Myrcal  et  Bar- 
«  mocal ,  tous  les  sénateurs  qui  sont 
«auprès  d'eux  et  tous  les  Carthagï- 
«  nois  «qui  sont  dans  l'armée ,  avec 
«  Xénopnane ,  fils  de  Cléomaque  d'A- 
«  thènes,  envoyé  comme  ambassadeur 
«  auprès  de  nous  par  Philippe,  fils  de 
«Demétrius,  pour  lui,  les  Macédo-. 
«  niens  et  leurs  alliés. 

«  Ce  traité  a  été  juré  en  présence  de 
«  Jupiter,  de  Junon  et  d'Apollon;  en 
«  présence  du  génie  de  Carthage,  d'Her- 
«cule  et  d'Iolaûs;  en  présence  de 
tt  Mars,  de  Triton ,  de  Neptune  et  des 
«  dieux  qui  combattent  avec  nous  ;  en 
«  présence  du  soleil ,  de  la  lune ,  de  la 
«  terre,  des  fleuves,  des  prairies  et  des 
«  eaux;  en  présence  de  tous  les  dieux 
«qui  protègent  Carthage;  enfin  de 
«  tous  ceux  qui  protègent  la  Macédoine 
«  et  le  reste  de  la  Grèce ,  et  devant 
«  tous  les  dieux  qui  président  à  la 
«  guerre ,  et  sont  témoins  de  ce  ser- 
«  ment. 

«  Le  général  Annibal ,  tous  les  sé- 
«  nateurs  de  Carthage  qui  sont  auprès 
«  de  lui ,  et  tous  les  Carthaginois  qui 
«  sont  dans  son  armée ,  avec  l'assenti- 
«  ment  des  nôtres  et  des  vôtres ,  nous 
«  nous  jurons  alliance  d'amitié  et  de 
a  paix ,  comme  amis ,  comme  compa- 
«  gnons  et  comme  frères  aux  condi- 
«  lions  suivantes  : 

«Le  roi  Philippe,  les  Macédoniens 
«  et  les  autres  Grecs  leurs  alliés ,  prê- 
«  teront  assistance  et  secours  au  peu- 
«ple  carthaginois,  au  général  Anni- 
«  bal,  à  tous  ceux  qui  l'accompagnent, 
«  aux  sujets  de  Carthage  qui  reconnais- 
«  sent  ses  lois,. aux  habitants  d'Utique, 
«aux  villes  et  peuples  soumis  aux 
«  Carthaginois ,  à  l'armée ,  aux  aUiés , 
.  «  à  toutes  les  villes  et  à  tous  les  ^u- 
«  pies  avec  lesquels  nous  sommes  b'és 
«  en  Italie,  en  Gaule  et  en  Ligurie,  et 


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CARTHAGE. 


B7 


«  avec  lesquels  nous  pourrions  encore 
«  contracter  dans  ces  pays  des  relations 
«  amicales  et  des  alliances. 

«  Assistance  et  paix  seront  aussi  ac- 
«  cordées  au  roi  Philippe  et  aux  autres 
«  Grecs  alliés,  par  les  Carthaginois, 
«  les  habitants  d*Utique ,  toutes  les 
«  villes  et  tous  les  peuples  soumis  à 
«  Carthage,  leurs  alliés  et  soldats, 
«  et  par  Tes  villes  et  peuples  qui,  en 
«  Italie ,  en  Gaule  et  en  Ligurie,  sont 
«  ou  pourraient  devenir  nos  alliés. 

«  Réciproquement  nous  ne  nous  ten- 
«  drons  pas  de  pièges  ou  d'embûches. 
«  Vous  serez  ennemis  des  ennemis  de 
«  Garthage  ;  nous  exceptons  de  ces  en- 
«  nemis  les  rois ,  villes  et  peuples  avec 
«  lesquels  vous  entretenez  des  alliances. 
«  De  même  nous  serons  ennemis  des 
«  ennemis  du  roi  Philippe,  en  excep- 
«  tant  toutefois  les  rois,  villes  et  peu- 
«  pies  avec  lesquels  nous  avons  con- 
«  tracté  des  alliances.  Vous  serez  aussi 
«  nos  alliés  dans  la  guerre  contre  les  . 
«  Romains ,  jusqu'à  ce  que  les  dieux 
«  nous  donnent  ainsi  qu'à  vous  la  paix. 
«  Vous  viendrez  à  notre  secours,  quand 
«  il  sera  nécessaire,  et  selon  que  nous 
«  en  conviendrons.  Si  les  dieux  vous 
«  favorisent ,  ainsi  que  nous ,  dans  la 
«  guerre  contre  les  Romains ,  et  que 
«  ceux-ci  viennent  à  demander  la  paix , 
«  nous  la  ferons  de  manière  que  vous 
«  y  soyez  aussi  compris.  Il  ne  leur 
A  sera  pas  permis  d'entreprendre  une 
«  guerre  contre  vous.  Les  habitants  de 
«Corcyre,  d'Apollonie,  d'Épidamne, 
«  dePharos,deDimalle,  lesParthiniens 
«  eties  Atintanes  ne  pourront  être  sous 
«  la  domination  romaine.  Ils  rendront 
«  aussi  à  Démétrius  de  Pharos  tous  les 
«  hommes  de  sa  nation  qui  sont  sur 
«  leur  territoire.  Mais  si  les  Romains 
«  venaient  à  nous  attaquer  l'un  ou  l'an- 
«  tre ,  nous  nous  assisterions  comme 
«  les  circonstances  l'exigeraient  ;  il  en 
«  serait  de  même  si  d'autres  nous  fai- 
«  saient  la  guerre ,  en  exceptant  tou- 
«  jours  du  nombre  de  nos  ennemis  les 
«  rois,  villes  et  peuples  avec  lesquels 
<  nous  vivons  en  alliance. 

R  En6n ,  si  nous  jugions  à  propos 
«  de  retrancher  ou  d'ajouter  ouelôue' 
c  ebos«  a  ce  traité,  il  nous  sera  kiaR>ke 


«  de  le  foire  d'un  commun  accord  (*).  » 
Continuation  de  la  guebbe  bu 
Italie  jusqu'à  la  bataille  i>a 
Métauke,  in  207  avant  notre 
ÈRE.  —  Rejeté  dans  l'Italie  méridio- 
nale ,  Annibal  se  vit  contraint  de  sou* 
tenir  sans  interruption ,  dans  l'Apulie , 
la  Lucanie  et  le  Brutium ,  une  lutte 
acharnée  contre  les  armées  romaines. 
La  révolte  de  plusieurs  villes  de  la  Si- 
cile, et  notamment  de  Syracuse,  qui 
s'étaient  déclarées  pour  Carthage,  le 
délivra  un  instant  de  Marcellus  qu'il 
comptait  parmi  ses  plus  redoutables 
adversaires.  Cependant  Rome  ne  ces* 
sait  point  de  lui  opposer  ses  meilieuret 
légions  et  ses  plus  habiles  généraux» 
En  213,  il  eut  à  soutenir  les  efforts 
de  deux  armées  consulaires.  Celle 
de  ces  armées  où  se  trouvait  en  qu»* 
lité  de  lieutenant  Fabius,  le  bouclier  dé 

(*)  Tite-Live  parle  aussi  du  traité  qui  fût 
lait  entre  Ajinibal  et  Philippe ,  roi  de  Ma* 
cédoine;  il  dit  :  «Le  traité  fût  conclu  aux 
«  conditions  suivantes  :  que  le  roi  Hùlippe^ 
«  avec  une  flotte  irè»Kx>nsidérri>le  (il  pôii» 
«vait  réunir  deux  cents  vaisseauji),  passe» 
«  nût  ea  Italie  et  ravagerait  les  côtes;  qu'il 
•i  ferait  la  guerre  de  son  côté  sur  terre  et  sur, 
K  mer  ;  qu'au  moment  où  elle  serait  term|- 
«  née ,  toute  l'iulie  et  la  ville  de  Rome  ap^ 
«  partiendraieat  à  Annibal  et  aux  Gartha- 
«  ginois  ainsi  que  la  totalité  du  butin.  Mais 
«  une  fois  la  conquête  de  Tltalie  achevée , 
«  les  Carthaginois  à  leur  tour  s'engageaient 
«  à  se  porter  sur  la  Grèce,  et  à  faire  Ui 
4c  guerre  aux  rois  ennemis  de  Philippe.  Les 
«  villes  de  la  Grèce  et  les  Iles  qui  avoisi* 
•(  nent  la  Macédoine  devaÎHit  être  rattachée! 
«  au  royaume  de  Philippe.  TeHes  furent  à 
m  peu  près ,  ajoute  Tiie-Iive ,  les  clauses  duk 
ft  traité  conclu  entre  le  générai  carthaginoia  . 

«  et  les  députés  macédoniens »  (  Tite« 

Live ,  XXIII ,  33).  La  version  de  Polybe  qui 
a  été  admise  jusqu'ici  comme  authentique 
diffère  en  plusieurs  points  de  celle  de  Tite-^ 
Live.  Pourquoi  Thislorien  latin  fait-il  inter- 
venir, dans  les  conditions  du  traité ,  ce  par- 
tage qui  doit  donner  un  jour  Rome  et  Vltàïm 
aux  Carthaginois  et  la  Grèce  entière  à  Phi* 
lippe  ?  Cest  qu'il  a  cru  peut-être  qu'e«  n* 
courant  à  Texagération  il  ferait  mieux  seattt 
à  ses  contemporains  la  grandeur  du  dtngiet 
qui  menaçait  Rome  et  lltalii  à  féêtmm  de 
r«xpéditf«a  d'ÀBoibal. 


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sa 


L'UNIVERS. 


Rome,  obtint  sur  Annibal  quelques 
avantages;  mais,  l'année  suivante,  le 
général  carthaginois  fit  d'importantes 
conquêtes ,  et  il  se  rendit  mattre  de 
Tarente ,  de  Sybaris  et  de  Métaponte. 
Il  profitait  des  moindres  fautes  de  ses 
çnnemis,  et  plusieurs  généraux  ro- 
mains expièrent  cruellement  leur  im- 
prudence. Dans  une  seule  rencontre 
il  tua  quinze  mille  soldats  aux  Ro- 
mains qui ,  sous  la  conduite  de  CentCr 
m'us  Penuia ,  s'étaient  engagés  témé- 
rairement dans  la  Lucanie.  En  211 , 
Annibal  accourut  avec  son  armée  au 
secours  de  Capoue.  Cette  ville,  qui 
était  restée  si  fidèle  à  Talliance  cartha- 
ginoise ,  était  alors  assiégée  par  deux 
armées  romaines.  Annibal,  désespé- 
rant de  faire  lever  le  siège ,  essaya ,  par 
une  audacieuse  diversion,  d'attirer 
sur  lui  tous  les  efforts  des  ennemis.  Il 
marcha  sur  Rome,  et  il  déploya  ses  en- 
seignes près  de  la  porte  ColUne.  Mais  il 
ne  tarda  pas  à  comprendre  qu'avec  des 
troupes  peu  nombreuses  et  épuisées  par 
de  longues  fatigues  et  des  combats  sans 
cesse  renouvelés,  sa  tentative  ne  devait 
point  avoir  de  résultats.  Alors  il  rétro- 
grada et  regagna  le  Brutium.  Cepen- 
dant les  Romains  pressent  le  siège  de  Ca- 
poue et  ils  entrent  enfin  dans  cette  ville 
où  ils  exercent  dé  terribles  vengeances. 
Pendant  les  années  210,  209  et  208,  la 
lutte  entre  les  Carthaginois  et  les  Ro- 
mains se  continue  dans  les  provinces 
de  l'Italie  méridionale.  Fabius  et  Mar- 
cellus  reparaissent  à  la  tête  des  légions. 
Fabius,  en  209,  enlève  Tarente  aux 
Carthaginois;  mais.  Tannée  suivante, 
Rome  éprouve  une  grande  perte.  Mar- 
cellus ,  qui  a  été  nommé  consul ,  est 
tué  dans  un  combat  oiï  succombent 
avec  lui  Crispinus ,  son  collègue ,  et  les 
principaux  officiers  de  l'armée  ro- 
maine. 
Événements  de    la   deuxième 

GUEBBE  PUNIQUE  EN  AfHTQUE  ,  EN 

Sicile  et  en  Sabdaigne;  219-207 
AVANT  NOTEE  ÈRE.  —  Au  Commence- 
ment de  la  deuxième  guerre  punique, 
Sempronius  s'était  emparé  de  l'île  de 
Malte  ;  mais  il  n'avait  point  essayé  d'at- 
laquer  les  Carthaginois  sur  leur  propre 
territoire.  Servilius,  qui  avait  tenté  une 


descente  en  Afrique ,  avait  été  rejpoussé 
avec  perte;  et  depuis  lors,  jusqu^à 
l'arrivée  de  Scipion  en  204 ,  Carthage 
n'eut  pas  besoin  de  rassembler  des  sol- 
dats pour  défendre  ses  murailles  contre 
les  attaques  des  armées  romaines.  Il 
est  vrai  qu'en  213 ,  S}»phax ,  roi  d'une 

f»artie  de  la  Numidie ,  se  déclara  pour 
es  Romains  ;  mais  il  en  coûta  peu  aux 
Carthaginois  pour  combattre  ce  nou- 
vel ennemi.  Ils  reçurent  dans  leur  al- 
liance G  ula,  chef  d'une  autre  partie 
de  la  ISumidie ,  qui  les  aida  puissam- 
ment à  refouler  Syphax  et  les  siens 
jusque  dans  la  Mauritanie  Tingitane. 
Ainsi,  pendant  quinze  ans,  Carthage 

f)ut  disposer  de  toutes  ses  forces  pour 
utter  contre  Rome ,  en  Espagne ,  en 
Sardaiçne ,  en  Sicile  et  en  Italie. 

Carthage ,  en  effet ,  ne  songeait  point 
seulement  à  combattre  les  armées  ro- 
maines qui  se  trouvaient  en  Espagne 
et  en  Italie ,  elle  voulait  encore  ressai- 
sir les  provinces  que  les  guerres  précé- 
dentes lui  avaient  enlevées ,  et  rolever 
en  Sardaigné  «et  en  Sicile  ses  anciens 
établissements.  Après  la  bataille  de 
Cannes,  au  commencement  de  l'année 
215,  elle  envova  en  Sardaigné  une  ar- 
mée considérable,  sous  le  commande- 
ment d'Asdrubal.  Mais  bientôt  ses 
espérances  s'évanouirent;  l'armée  de 
Sardaigné  fut  anéantie,  et  Asdrubal 
fut  conduit  à  Rome  à  la  suite  du  triom- 
phateur. 

Mais  c'était  principalement  sur  la 
Sicile  que  s'était  portée  l'attention  des 
Carthaginois.  Dans  les  premières  an- 
nées de  la  guerre ,  ils  avaient  équipé 
une  flotte  nombreuse  pour  faire  une 
descente  dans  l'île;  mais  cette  flotte, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
avait  été  détruite  près  de  Lilybée,  par 
le  préteur  ^Emilius.  Une  perte  aussi 
considérable  fut  loin  d'enlever  tout 
espoir  aux  Carthaginois;  ils  entretin- 
rent dans  la  Sicile  des  émissaires ,  qui 
excitaient  la  population  à  se  révolter 
contre  les  Romains.  Puis,  ils  équi- 
pèrent encore  de  nombreux  vaisseaux  ; 
et ,  peu  de  temps  après  la  bataille  de 
Cannes,  le  propréteur  T.  Otacilius  écri- 
vit au  sénat  :  «  Les  États  d'Hiéron  sont 
«  dévastés  par  une  flotte  carthaginoise. 


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CARTHAOEt 


«  Au  moment  oà,  sur  les  instances  de 
«  ce  roi ,  je  me  disposais  à  lui  porter 
«secours,  on  est  venu  m'apprendre 
«  qu*une  autre  flotte  ennemie  se  tenait 
«vers  les  îles  Egates,  toute  préie, 
«  dès  qu'on  me  saurait  parti  pour  pro- 
«  téger  la  côte  de  Syracuse ,  à  fondre 
«  sur  Lilybée  et  sur  les  autres  villes 
«de  la  province  romaine.  Envoyez 
«  donc  des  vaisseaux ,  ^i  vous  voulez 
«  défendre  Hiéron  votre  allié ,  et  vos 
«  possessions  de  la  Sicile.  »   Quand 
Hiéron,  oui  avait  été  pendant  cinquante 
ans  le  fidèle  allié  des  Romains ,  mou- 
rut et  laissa  sa  royauté  de  Syracuse  à 
son  petit-fils  Hiéronyme,  un  grand 
changement  se  fit  en  Sicile.  La  rébel- 
lion fomentée  par  les  Carthaginois 
éclata ,  et  près  de  soixante  et  dix  villes 
se  soulevèrent  contre  les  Romains. 
Marcellus  fut  alors  envoyé  pour  assié- 
ger Syracuse.  Les  Carthaginois,  de 
leur  côté,  firent  les  plus  grands  efforts 
pour  soutenir  les  Siciliens  qui  avaient 
embrassé  leur  parti.  Bomilcar,  Himil- 
con ,  Hannon  et  Mutine  luttèrent  sou- 
vent avec  succès  contre  les  armées  ro- 
maines. La  prise  de  Syracuse,  par 
Marcellus,  ne  termina  point  la  guerre; 
les  Carthaginois  se  maintinrent  sur 
tous  les  pomts  ;  et ,  pendant  plusieurs 
années,  ils  obtinrent  sur  leurs  enne- 
mis d'importants  avantages.  Une  trahi- 
son rendit  inutiles  ces  longs  efforts  de 
Carthage.  Mutine  livra  Agrigente  aux 
Romains,  qui  ne  tardèrent  point  à 
rentrer  en   maîtres  dans  les  autres 
villes.  C'était  en  Tannée  210;  dès  lors, 
les  Carthaginois  abandonnèrent  pour 
toujours  la  Sicile  qu'ils  disputaient 
aux  Romains  depuis  si  longtemps. 

Événements  de  là  deuxième 
gubbbe  punique  en  espagne  de- 
PUIS LE  DÉPABT  d'AnNIBÀL  JUS- 
QU'AU  MOMENT  OU   ASDBUBAL    PÉ- 

ifÈTBE  EN  Italie  ;  219-207  avant  no- 
tée ÈBE.  —  Dans  les  premiers  temps 
de  la  guerre,  Publius  Cornélius  Scipion 
avait  été  envoyé  en  Espagne  pour  pré- 
venir les  projets  d'Annibal.  Il  se  ren- 
dait auiposte  gui  lui  avait  été  assigné, 
lorsqu'il  apprit  que  le  général  cartha- 
ginois, après  avoir  franchi  les  Pyré- 
nées, traversait  la  Gaule  et  se  diri- 


geaitversrita1i6.Il  avait  essayé,  comme 
nous  Tavons  dit,  d'engager  un  combat 
sur  les  bords  du  Rhône  ;  mais  son  en- 
nemi lui  avait  échappé,  et  Scipion 
n'avait  revu  Annibal  que  sur  les  bords 
du  Tésin.  Toutefois,  Cnéus  Scipion, 
le  frère  du  consul,  avait  continué  sa 
route  vers  l'Espagne  avec  une  armée 
nombreuse.  Il  avait  à  peine  opéré  son 
débarquement  à  Emportes  qu'il  vain- 
quit pannon,  et  se  rendit  maître  de 
toutes  les  contrées  qui  se  trouvent 
comprises  entre  l'Èbre  et  les  Pyrénées. 
L'année  suivante  (217),  Asdrubal  lui- 
même  fut  vaincu  ,  et  Cnéus  Scipion , 
après  avoir  traversé  l'Èbre,  parcourut, 
avec  son  armée  victorieuse,  toute  la 
côte  jusqu'aux  colonnes  d'Hercule.  Les 
Carthagmois  éprouvèrent  alors  en  Es- 
pagne des  revers  multipliés.  Ils  avaient 
a  combattre  tout  à  la  fois  et  l'armée 
i\es  Scipions  (*) ,  et  les  indigènes  qui 
se  déclaraient  pour  les  Romains.  As- 
drubal avait  déjà  perdu  la  meilleure 
partie  de  ses  forces  lorsqu'il  reçut  ordre 
du  sénat  de  Carthage,  après  la  bataille 
de  Cannes ,  de  remettre  le  gouverne- 
ment de  l'Espagne  à  Himilcon ,  et  de 
partir  avec  son  armée  pour  rejoindre 
Annibal  en  Italie.  Il  se  mit  en  marche; 
arrivé  au  bord  de  l'Èbre,  il  rencontra 
l'armée  romaine  qui  s'opposait  à  son 
passage.  Asdrubal  livra  bataille,  fut 
vaincu  et  rejeté  en  Espagne.  Quand  la 
nouvelle  en  vint  à  Rome,  par  une 
lettre  des  Scipions,  la  joie  fut  univer- 
selle. On  sentait  toute  l'importance  de 
cette  victoire  qui  empêchait  Asdrubal 
de  passer' en  Italie.  Carthage  envoya 
des  renforts  à  ses  armées  d^spagne  ; 
mais  les  deux  Scipions,  Publius  et 
Cnéus ,  ne  cessèrent  point  de  vaincre. 
Ils  livrèrent  deux  grandes   batailles 
sous  les  murs  d'Illiturgi  et  d'Intibili, 
où  ils  firent  éprouver  aux  Carthagi- 
nois des  pertes  considérables.  Ces  der- 
niers succès  eurent  un  immense  ré- 
sultat ,  car ,  suivant  la  remarque  de 
Tite-Live,  presque  tous  les  peuples  de 
l'Espagne  se  déclarèrent  alors  pour  les 
Romains. 

(*)  Publius  était  venu  rejoindre  son  frère 
et  lui  avait  amené  trente  vaisseaux  et  huit 
mille  soldats. 


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90 


L'UNIVERS. 


Les  Carthaginois  ne  furent  point 
découragés  partant  de  revers,  et  ils 
firent  les  plus  grands  efforts  pour  sou* 
tenir  en  Espagne  les  armées  que  com* 
mandaient  alors  Gisoon,  Magon  et 
Asdrubal.  Cependant,  chaque  année 
amenait  pour  eux  de  nouveaux  désas- 
tres :  en  214 ,  ils  furent  vaincus  dans 
quatre  batailles,  à  Illiturgi,  à  Bigerra, 
a  Munda  et  à  Auringe.  «  Après  cette 
«brillante  campagne,  dit  Tite-Live, 
«  les  Romains  éprouvèrent  un  senti- 
«  ment  de  honte  en  songeant  que  Sa- 
«  gonte  était  depuis  huit  ans  au  pouvoir 
«  de  leurs  ennemis.  Ils  chassèrent  de 
«  la  ville  la  garnison  carthaginoise,  et 
«  y  rappelèrent  ceux  des  anciens  ha- 
«  bitants  qui  avaient  échappé  aux  mal- 
•  «  heurs  de  la  guerre.  »  Par  un  brusque 
changement,  la  fortune  devint  bien- 
tôt contraire  aux  Romains.  Les  deux 
Scipions  qui,  tant  de  fois,  avaient  été 
vainqueurs,  périrent  avec  une  partie 
de  leur  armée.  Rome  était  sur  le  point 
de  perdre  en  Espagne  le  fruit  de  ses 
nombreux  succès,  lorsqu'elle  envoya 
dans  cette  province  le  fils  de  Publius, 
pour  commander  les  légions.  Le  jeune 
Scipion  se  dirigea  vers  TEspagne  avec 
trente  galères  et  dix  mille  hommes.  Il 
joignit  ces  dix  mille  hommes  aux  trou- 
pes ç|ue  Néron  avait  amenées  Tannée 
précédente,  et  aux  débris  de  Tarmée  qui 
avait  combattu  si  gl<èrieusement  sous 
les  ordres  de  son  père  et  de  son  oncle, 
Scipion  illustra  bientôt  son  comman- 
dement par  une  action  d'éclat  :  il  se 
porta  sur  Carthagène  ^  qu'il  prit  d'as- 
saut après  un  combat  qui  n'avait  duré 
que  quelques  heures*  Dans  cette  ville 
réputée  inexpugnable,  les  Carthaginois 
avaient  déposé  l'argent  et  les  appro- 
visionnements qui  servaient  à  la  solde 
et  à  l'entretien  de  leurs  aroiées.  Au 
reste ,  pour  se  faire  une  idée  de  Tim- 
mensite  des  pertes  que  firent  alors  les 
Carthaginois,  il  suffit  de  lire  dans  Tite- 
Live  l'énumération  suivante  :  «  On 
•  «  s^empara  d'une  prodigieuse  quantité 
«  de  machines  de  guerre  :  c'étaient  cent 
«  vingt  catapultes  de  la  première  gran- 
«deur,  deux  cent  quatre-vingts  de 
«  grandeur  moyenne ,  vingt-trois  gran- 
n  des  balistes,  cinquante-deux  petites, 


«  un  nombre  considérable  de  scorpions 
«  grands  et  petits ,  d'armes  offensives 
«  et  défensives;  on  prit  aussi  soixanto- 
«  quatorze  drapeaux.  On  porta  au  gé- 
«  néral  une  grande  quantité  d'pr  et 
«d'argent,  deux  cent  soixante-seize 
«  coupes  d'or,  presque  toutes  du  poids 
«  d'une  livre,  aix-huit  mille  trois  cents 
«  livres  d'argent  monnayé  et  ciselé,  et 
«  beaucoup  de  vases  du  même  métal. 
«  Tous  ces  objets  furent  comptés  et 
«  pesés  devant  le  questeur  Caius  Fia- 
«  minius  ;  on  trouva  encore  quarante 
«  mille  boisseaux  de  froment  et  deux 
«  cent  soixante-dix  mille  boisseaux  d'or- 
«  ge.  Soixante-trois  vaisseaux  furent 
«  pris  dans  le  port;  parmi  ces  vaisseaux 
«  il  y  en  avait  plusieurs  qui  étaient 
«  chargés  de  blé,  d'armes,  de  cuivre, 
«de  fer,  de  voiles,  de  cordages,  et 
«  d'autres  agrès  nécessaires  à  l'èquipe- 
«  ment  d'une  flotte.  »  La  prise  de  Car- 
thagène et  la  politique  de  Scipion  qui , 
par  des  actes  de  clémence  et  de  mo- 
dération ,  savait  sagner  aux  Romains 
les  populations  indigènes,  portèrent  en 
Espagneun  coup  mortel  à  la  domination 
carthaginoise.  Toutefois,  au  moment 
même  oh  Carthage  venait  d'éprouver 
de  si  grandes  pertes ,  Asdrubal ,  par 
un  dernier  effort,  mit  à  exécution  le 
projet  qu'il  avait  conçu  depuis  long- 
temps. Il  passa  l'Èbre,  entra  dans  les 
Gaules  par  les  Pyrénées ,  et  après  avoir 
franchi  les  Alpes ,  il  pénétra  enfin  en 
Italie. 
Asdrubal  bn  Italie;  bataills 

SUR  LES  BORDS  DU  MÉTAURE;  L'AB- 
MÉB  D'ASDRUBAL  est  EXTERMINÉS; 
AWTflBAL  CONCENTRE  TOUTES  SES 
FORGES    DANS     LE    BRUTIUM;      307 

AYANT  NOTRE  ÈR?.  —  Asdrubal  com- 
mit une  grande  faute  en  s'arrétant  dans 
la  Cisalpine  et  en  mettant  le  siège  de- 
vant Plaisance.  Rome  eut  le  temps  de 
faire  de  nouvelles  levées  et  d'organiser 
deux  armées  pour  résister  aux  enne- 
mis gui  la  menaçaient  au  nord  c^ 
au  midi.  Asdrubal  s'aperçut  enfin  de 
sa  faute ,  et  il  essaya  de  la  réparer  en 
se  hâtant  de  traverser  l'Italie  pour  re- 
joindre Annibal.  Mais  arrivé  en  On»- 
brie,  il  rencontra  le  consul  Livius  sur 
les  bords  du  Métaure.  Néron ,  que  Rome 


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CARTHAGE. 


91 


avaU  opposé  à  Annibal,  connaissait 
depuis  longtemps,  par  des  lettres  in- 
terceptées, les  plans  d*Asdrubal.  Il 
avait  confié  son  armée  à  un  de  ses  lieu- 
tenants ,  et  il  était  venu  dans  le  camp 
de  son  collègue  Livius  avec  quelques 
troupes  d'élite.  Une  bataille  sanglante 
fut  livrée  sur  les  bords  du  Métaure. 
Asdrubal  y  perdit  la  vie,  et  son  armée 
tout  entière  fut  exterminée.  Alors  Né- 
ron revint  dans  son  camp;  il  portait 
avec  lui  la  tête  d'Asdrubal,  qu'il  fit 
jeter  dai^s  les  retranchements  d'Anni- 
bal.  On  dit  qu*à  là  vue  de  cette  tête, 
Annibal  s'écria  :  «  Je  reconnais  la  for- 
tune de  Carthage.  »  En  effet,  tout  es- 
fioir  de  triompher  des  Romains  en  Italie 
ui  était  désormais  enlevé.  C'est  pour- 
quoi il  partit  aussitôtdeCanouse,  et, 
rassemblant  les  troupes  qui  lui  res- 
taient, il  concentra  toutes  ses  forces 
dans  le  Brutium,  à  l'extrémité  de 
l'Italie. 

Fin  de  ll  deuxième  guebbb  pv- 
wiQUE  EN  Espagne,  depuis  le  dé- 
part d'Asdrubal  jusqu'à  la  pbise 
deGades;  209-205  avant  notre  ère. 
—  La  prise  de  Carthagène  et  le  départ 
d'Asdrubal  avaient  livré  aux  Romains 
toute  l'Espagne  citérieure  ou  Tarrago- 
naise.  Magon  et  Giscon,  avec  les  débris 
des  armées  carthaginoises,  se  mainte- 
naient, il  est  vrai,  dans  la  Bétique  ;  mais 
Scipîon  vint  encore  les  attadlier  dans  ce 
dernier  asile.  Ce  fut  en  vam  que  Car- 
thage envoya  alors  à  ses  généraux  de 
nouvelles  troupes  commandées  par 
Hannon  ;  elle  perdit  sa  dernière  armée 
dans  une  grande  bataille  livrée  sur  les 
confins  de  la  Bétique,  et  bientôt  elle 
ne  posséda  plus,  dans  la  Péninsule, 
que  la  ville  de  Gades.  Le  roi  Massi- 
nissa ,  qui  jusqu'alors  était  resté  fidèla 
aux  Carthaginois,  et  qui  le» avait  puis* 
samment  ardés  dans  les  guerres  a'Ës* 
pagne,  passa  aux  Romains  avec  ses 
Ii^umides.  Scipion,  de  son  côté,  se 
rendit  en  Afnque  auprès  de  Sypbax, 
qu'il  ga^a  à  ralli.7nce  de  Rome,  et  il 
réunit  ainsi  contre  Carthage  les  rois 
des  deux  Numidies.  Enfin  la  prise  de 
Gades,  qui  suivit  de  près  ces  événe* 
nients,  maça  PEspagne  tout  entière 
soQS  k  aouiiMition  rMneine. 


Fin  DE  LA  DEUXIÈME  6UEBBE  PUNI* 

QUE  EN  Italie,  DEPUIS  la  bataille 

DU  MÉTAURE  jusqu'au  DEPABT  D'AN- 

nibal;  207-203  avant  notre  ère. 
—  Depuis  l'instant  oii  la  mort  de  son 
frère  Asdrubal  avait  fait  évanouir  ses 
plus  belles  espérances ,  Annibal ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  avait  concentré  toutes 
ses  forces  dans  le  Brutium.  A  force 
d'expédients,  d'habileté  et  décourage, 
il  se  maintenait  dans  cette  position 
contre  tous  les  généraux  romains.  Ce* 
pendant  les  armées  que  Rome  lui  op- 
posait lui  enlevaient  chaque  ^ur 
quelques-unes  des  villes  qui  avaient 
embrassé  son  parti,  et  le  refoulaient 
peu  à  peu  à  l'extrémité  de  l'Italie.  Au 
montent  même  où  Carthage  venait  de 
perdre  l'Espagne,  il  put  espérer  un 
instant  de  reprendre  l'offensive  et  de 
reporter  la  guerre  sur  un  théâtre  plus 
digne  de  lui.  Il  apprit  que  Magon,  son 
frère,  avait  débarqué  en  Ligurie  avec 
une  armée,  et  qu'il  se  préparait  à  mar- 
cher sur  ses  traces  en  traversant  l'Ita- 
lie; mais  cette  fois  encore  Annibal  fui 
déçu  dans  ses  espérances.  Magon ,  après 
quelques  succès,  fut  vaincu  avec  les 
Gaulois  ses  alliés.  Ce  fut  alors  qat 
Carthage,  pressée  en  Afrique  par  les 
Romains,  appela  à  son  aide  Magon  et 
Annibal. 

Les  Romains  portent  la  guerre 
EN  Afrique;  expéditions  de  Va* 

LBRIUS  LiSYINUS  ET  DE  L^CLIUS  ;  SC  f • 

pion  débarque  en  Afrique  ayeg 
UNE  aruéb  romaine;  ses  premiers 

SUCCES  ;  207  -  204  AYANT  MOTRB 

ERE.  —  Après  la  bataille  du  Mé* 
taure,  les  Romains  avaient  essayé  de 
porter  la  guerre  sur  le  territoire  de 
Carthage.  Dès  l'année  207,  Valérius 
Laevinus  avait  débarqué  en  Afrique, 
et  il  avait  poussé  ses  ravages  juscpie 
sous  les  murs  d'Utique.  Là  se  termina 
son  expéditioR.  A  son  retour,  il  ren* 
contra  une  flotte  carthaginoise,  la 
battit  et  lui  fit  éprouver  de  grandes 
pertes*  Scipion ,  des  son  arrivée  en  Si* 
cile,  avait  envoyé  Laeirus  pour  recon* 
naître  et  pilier  les  côtes  de  l'Afrique. 
Lui-même,  ajurès  avoir  obtenu  l'adlié^ 
fiion  du  sénat,  ne  tarda  pas  à  vmm 
«m  lieutenant  Avdnt  son  ëépaH«  il 


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91 


L'UNIVERS. 


avait  fondé  de  g;rande8  espérances  sur 
ralliance  qui  unissait  Sypnax  aux  Ro- 
n)9ins;  mais  il  apprit  bientôt  qu*As- 
drubal ,  en  donnant  sa  fille  Sopiionisbe 
à  Sypbax,  avait  entraîné  ce  roi  des 
Numides  dans  le  parti  des  Carthagi- 
nois. D'autre  part,  Massinissa,  qui 
était  resté  fidèle  à  Rome,  avait  perdu 
ses  États.  Ces  fâcheuses  nouvelles  ne 
purent  arrêter  Scipion.  Il  débarqua 
avec  trente  mille  hommes,  et,  à  son 
arrivée,  il  rencontra  Massinissa  qui 
amenait  avec  lui  deux  cents  cavaliers. 
Quand  les  Romains  touchèrent  le  sol 
oe  l'Afrique ,  une  terreur  profonde  se 
répandit  à  Carthage  et  dans  toutes  les 
villes  voisines.  Les  Carthaginois,  dans 
leur  im|)révoyance,  n'avaient  point 
sonçé  à  rassembler  une  armée.  Ils  or- 

Sanisèrent  à  la  hâte  quelques  troupes 
e  cavaliers  qui  furent  battues  par 
les  Romains.  Ce  ne  fut  aue  lorsque 
les  premières  craintes  se  aissipèrent, 
et  au  moment  où  Scipion  s'arrêta  vers 
Utique,  (|iie  les  Carthaginois  firent  les 
préparatifs  nécessaires  pour  arrêter 
l'invasion. 
Scipion  assiège  Utique;  il  sue- 

FBENB  ASBBUBÀL  ET  SyPHÀX;  IL 
MET  LE  FEU  AUX  CAMPS  BES  CABTHA* 

ginois  et  bes  numibbs;  quabants 
mille  hommes  pbbissent  bans 
l'incenbie;  l'abméb  b'Asbbubal 
est  aneantie  bans  une  bataille; 
203  AVANT  NOTEE  BBE.  —  Lcs  Car- 
thaginois avaient  enfin  levé  une  armée, 
et  Syphax  avait  embrassé  sincèrement 
leur  alliance.  Asdrubal  s'avança  alors 
avec  des  forces  considérables  contre 
Scipion,  qui  avait  mis  le  siège  devant 
Utique.  L'armée  carthaginoise  s'arrêta 
non  loin  des  retranchements  romains , 
et  se  partagea  en  deux  camps.  Dans 
celui  a' Asdrubal ,  on  comptait  trente 
mille  hommes  de  pied  et  trois  mille 
chevaux,  et  dans  celui  des  Numides, 
que  commandait  Syphax,  dix  mille 
chevaux  et  cinquante  mille  hommes 
d'infanterie.  Les  deux  camps  étaient 
séparés  par  un  espace  de  dix  stades. 
Scipion,  qui  envoyait  fréquemment 
des  émissaires  à  Syphax  pour  le  ra- 
mener à  l'alliance  romaine,  apprit 
bientôt  que  dans  le  camp  des  Cartha- 


f;inois ,  comme  dans  celui  des  Numides , 
es  soldats  étaient  logés  dans  des  ca- 
banes faites  de  planches,  de  branches 
d'arbres  et  de  joncs.  II  conçut  alors  un 
hardi  projet.  Tant  que  dura  l'hiver,  il 
ne  cessa  point  d'envoyer  à  Syphax  des 
messagers  qui  semblaient  préparer,  par 
l'intermédiaire  du  roi  des  Numides, 
un  traité  de  paix  entre  les  Romains  et 
les  Carthaginois.  Ces  négociations  sans 
cesse  renouvelées  donnaient  à  Asdru- 
bal et  aux  autres  chefs  de  son  armée 
une  sécurité  trompeuse  et  endormaient 
leur  vigilance.  Au  retour  du  printemps, 
Scipion ,  par  une  attaque  simulée ,  sem- 
bla  porter  toutes  ses  forces  vers  Uti- 
que. Asdrubal  et  Syphax  étaient  loia 
alors  de  soupçonner  les  véritables  pro- 
jets du  général  romain.  Un  soir,  Sci- 
pion donna  ordre  à  ses  tribuns  de 
faire  prendre  les  armes  aux  soldats. 
Quand  ils  furent  prêts  à  marcher,  il  se 
mit  à  leur  tête,  et  s'avança  vers  le 
camp  des  Carthaginois,  qui*était  éloi- 
gné du  sien,  dit  Polybe,  de  soixante 
stades.  Il  arriva  aux  retranchements 
ennemis  vers  la  fin  de  la  troisième 
veille.  Il  avait  partagé  son  armée  en 
deux  corps.  Lœlius  et  Massinissa  se 
portèrent  sur  le  camp  des  Numides  et 
ils  mirent  le  feu  aux  premières  cabanes. 
L'incendie  se  propagea  avec  une  ef- 
frayante rapidité,  et  Bientôt  toutes  les 
cabanes  des  Numides  furent  la  proie 
des  flammes.  Massinissa  gardait  les 
issues,  et  presque  tous  ceux  qui  es- 
sayèrent d'échapper  au  feu  furent  mas- 
sacrés. Scipion,  de  son  côté,  porta 
l'incendie  et  le  massacre  dans  le  camp 
des  Carthaginois.  Asdrubal  et  Syphax 
parvinrent,  il  est  vrai,  à  s'échapper, 
mais,  dans  cette  nuit  désastreuse,  ils 
avaient  fait  des  pertes  considérables. 
Quarante  mille  hommes  avaient  perdu 
la  vie  et  cinq  mille  étaient  tombés  au 
pouvoir  des  Romains.  A  la  nouvelle 
de  l'incendie  des  deux  camps,  les  Car- 
thaginois furent  plongés  dans  la  cons- 
ternation. Les  sénateurs  s'assemblèrent 
pour  délibérer.  Après  de  vives  discus- 
sions, il  fut  décidé  qu'une  nouvelle 
armée  se  mettrait  en  campagne  sous  la 
conduite  d'Asdrubal.  On  fit  des  levées; 
on  soudoya  quatre  mille  Celtibériens* 


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CARTHAGE. 


91 


et  Sypbax  ne  tarda  point  à  donner  au 

général  carthaginois  le  secours  de  ses 
Fumides.  Asdrubal  avait  réuni  environ 
.  trente  mille  hommes,  lorsqu'il  fut  en- 
core atta(}ué  par  les  Romains.  Au 
moment  ou  Scipion  avait  appris  que  les 
Carthaginois  rassemblaient  de  nou- 
velles forces,  il  avait  abandonné  le 
siège  d*Utique  pour  aller  combattre 
Asdrubal.  Après  cinq  jours  de  marche, 
il  était  arrivé  dans  un  lieu  que  Polybe 
appelle  les  Grandes-Plaines,  C/est  là 
que  fut  livrée  une  bataille  qui  enleva  à 
Carthage  sa  dernière  armée  et  ses  der- 
nières ressources. 

DÉLIBÉBÀTION  DU  SENAT  GÀBTHA- 
GlIfOIS    ÂPBÈS     LÀ    BÀTAILLB     DES 

Gbandes-Plaines;  Scipion  s'em- 
PABE  DE  Tunis;  attaque  dibigéb 

CONTEE  LA  ÇLOTTE  BOMAINE  QUI 
ASSIÉGEAIT  UtIQUE*,  LES  CABTHAGI- 
IfOIS  ENVOIENT  DES  AMBASSADEUBS 

A  Rome;  ânnibal  débabque  a  Lep- 
Tis;  203  ET  202  avant  notbe  èbe. 
—  Le  résultat  de  la  bataille  des  Gran- 
des-Plaines porta  la  terreur  dans  Fâme 
des  Carthaginois  et  leur  fit  perdre  toute 
espérance.  Les  sénateurs  décidèrent 
alors  qu'on  fortifierait  la  ville,  qu'on 
ferait  les  préparatifs  nécessaires  pour 
soutenir  un  siège,  et  qu'on  rappellerait 
d'Italie  Magon  et  Annibal.  Le  danger 
était  pressant  en  effet;  Scipion,  met- 
tant à  profit  sa  victoire,  s'avançait  sur 
Carthage,  et  déjà  il  était  maître  de 
Tunis.  Les  Carthaginois  essayèrent 
alors  une  diversion  ;  ils  envoyèrent  des 
vaisseaux  pour  attaquer  la  flotte  ro- 
maine qui  assiégeait  Utique,  et  ils 
forcèrent  Scipion  à  quitter  Tunis  et  à 
voler  au  secours  d'une  partie  de  son 
armée.  Après  cette  entreprise  qui  ne 
leur  réussit  point,  les  Carthaginois, 
privés  des  secours  de  Sypbax  leur 
allié,  jqui  était  attac|ué  dans  ses  pro- 
pres États  par  Lœlius  et  Massinissa, 
demandèrent  une  trêve  à  Sci|)ion,  et 
envoyèrent  des  ambassadeurs  à  Rome 
pour  demander  la  paix.  Mais  en  cette 
circonstance,  comme  en  bien  d'autres, 
ils  se  montrèrent  peu  scrupuleux  pour 
remplir  les  engagements  qu'ils  avaient 
bris  ;  ils  s'emparèrent ,  à  la  faveur  de 
la  trêve,  d'un  convoi  de  deux  cents 


navires  qui  apportaient  de  la  Sicile  les 
provisions  destinées  à  l'armée  de  Sci- 
pion. Alors,  sans  doute,  les  Carthagi- 
nois fondaient  de  grandes  espérances 
sur  l'arrivée  d'Annibal  (*).  Ce  général, 
en  effet,  avait  obéi  aux  ordres  du 
sénat  de  Carthage,  et  il  était  parti 
pour  l'Afrique  avec  son  armée.  Mais 
ce  ne  fut  point  sans  une  profonde  dou- 
leur, et  les  historiens  anciens  l'ont 
attesté,  qu'il  abandonna  cette  Italie 
dont  il  n'avait  pas  cessé  de  rêver  la 
conquête,  et  où  il  avait  dépensé,  pen- 
dant quinze  années,  tant  de  courage 
et  de  ^énie.  Annibal  aborda  à  Le()- 
tis;  puis  il  vint  à  Adrumète,  où  il  nrit 
quelques  jours  de  repos,  et  de  là  il  se 
rendit  à  Zama. 

Annibal  et  Scipion  entbent  en 
confébence;  batailledeZama(**). 
202  ANS  avant  notbe  èbe.  —  C'é- 
tait sur  les  instances  du  sénat  car- 
thaginois qu'Annibal  était  venu  cam- 
per à  Zama.  Cependant  l'armée  ro- 
maine se  trouvait  encore  assez  éloignée 
de  cette  ville,  qui  est  à  cinq  journées  de 
Carthage  du  coté  du  couchant.  Bientôt 
Annibal  leva  son  camp ,  pour  se  rappro- 
cher encoredesRomams.Déjà  la  bataille 
entre  le  général  carthaginois  et  Scipion 
était  inévitable,  lorsque  ces  deux  illus- 
tres chefs  se  rendirent  à  une  entrevue. 
La  conférence,  comme  il  était  facile  de 
le  prévoir ,  n'eut  aucun  résultat ,  et  l'on 
se  prépara  au  combat.  Scipion  rangea 
ses  troupes  dans  l'ordre  suivant  :  il 
mit  les  hastaires  sur  la  première  ligne, 

(*)  Magon  de  son  côté  avait  qiiiué  la  Cisal- 
pine et  venait  au  secours  de  sa  patrie  lorsiqu'il 
moiiriiteu  mer,  à  la  hauteur  delà  Sardaigne. 

(*')  Les  écrivains  modernes  s'accordent 
généralement  pour  donner  à  celte  bataille 
le  nom  de  Zama:  Cependant  la  bataille  fut 
iivrée  loin  de  ceUe  ville,  entre  Killa  et  Na- 
ragara  (Y.  Tive-  Live  et  Appien).  Le  théâ- 
tre de  l'action  n'est  point  indiqué  d'une 
manière  précise  dans  Polybe,  mais  il  est  fa- 
cile de  voir,  par  le  récit  de  cet  historien , 
que  les  Carthaginois  et  les  Romains  n'en 
\inrent  aux  mains  qu'à  une  assez  grande 
distance  de  Zama.  Il  faut  ajouter  que,  sui- 
vant Appien,  il  y  eut  à  Zama,  quelquei 
jours  avant  la  grande  bataille,  un  combat 
entre  des  cavaliers  romains  et  carthaginois. 


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94 


L'UNIVERS. 


et  laissa  des  intervalles  entre  chaque 
cohorte  ;  à  la  seconde  ligne  il  plaça 
les  princes  :  les  cohortes  des  princes 
étaient  posées  non  vis-à-vis  des  inter- 
valles de  la  première  ligne,  comme  cela 
se  pratique  chez  les  Romains,  mais  les 
unes  derrière  les  autres  avec  des  in- 
tervalles entre  elles ,  à  cause  des  nom- 
breux éléphants  qui  se  trouvaient  dans 
l'armée  ennemie.  Les  triaires  for- 
maient la  réserve.  Sur  Taiie  gauche 
était  Lœlius  avec  la  cavalerie  dltalie, 
et,  sur  la  droite,  Massinissa  avec  ses 
Numides.  Scipion  jeta  des  vélites  dans 
les  intervalles  de  la  première  ligne ,  et 
leur  donna  ordre  de  commencer  le 
combat,  de  manière  pourtant  que  s'ils 
étaient  repoussés  ou  ne  pouvaient  sou- 
tenir le  dhoc  des  éléphants,  ils  se  reti- 
rassent,  parles  intervalles,  derrière 
l'armée.  Annibal,  de  son  côté,  plaça 
sur  le  front  de  son  armée  plus  de  qua- 
tre-vingts éléphants  ;  les  mercenaires , 
Liguriens,  Gaulois,  Baléares  et  Mau- 
res, occupaient  la  première  ligne;  der- 
rière eux,  sur  la  seconde  ligne,  se 
trouvaient  les  Africains  et  les  Cartha- 
ginois ;  enfin  à  la  troisième  ligne ,  qui 
était  éloignée  de  la  seconde  de  plus 
d'un  stade  (*)  ^  on  voyait  les  troupes 
qui  avaient  fait  les  guerres  d'Italie. 
Dans  les  deux  armées ,  les  Numides 
commencèrent  la  bataille  par  des  es- 
carmouches. Ensuite  Annibal  fit  avan- 
cer les  éléphants.  L'infanterie  romaine 
eut  beaucoup  à  souffrir  de  cette  atta- 
que ,  mais  les  éléphants  se  retirèrent 
j^r  les  intervalles  que  Sdpion  avait 
ménagés  sur  sa  triple  ligne,  et,  à  coups 
de  traits,  on  les  chassa  hors  du  champ 
de  bataille.  Alors  Lœlius  et  Massinissa 
se  précipitèrent  sur  les  corps  de  cava- 
lerie qui  leur  étaient  opposés,  et  les 

(*)  Tous  ces  détails  sont  empruntés  k 
Polybe.  La  narration  d'Appien  est  très-cir- 
constanciée ,  mais  elle  est  remplie  d'un  foule 
de  traditions  mensongères.  Nous  devons 
dire  aussi ,  qu'en  ce  qui  concerne  les  der- 
niers éfénements  de  la  deuxième  guerre 
punique,  Appien  est  souvent  en  contradic- 
tion avec  Polybe  et  Tite-Live.  Pour  le  récit 
«le  la  bataille  de  Zama  nous  avons  donc  pré- 
léré  Polybe  à  Tbiftorida  dexatidrin. 


mirent  en  déroute.  Cependant  l'in&u- 
terie  s'était  abordée.  Les  soldats  sou- 
doyés par  Carthage  se  battirent  d'abord 
avec  un  grand  courage  ;  mais  voyant 
que  la  secoode  ligne  restait  immobile  ' 
et  ne  venait  point  à  leur  secours ,  ils 
lâchèrent  pied  et  se  précipitèrent  sur 
les  Africains  et  les  Carthaginois.  La 
seconde  ligne  d' Annibal ,  attaquée  tout 
à  la  fois  par  les  mercenaires  et  les  Ro- 
mains ,  fut  taillée  en  pièces.  Le  géné- 
ral carthaginois  ne  voulut  pas  que  les 
fuyards  vinssent  se  mêler  aux  soldats 
qui  lui  restaient  :  il  ordonna  au  pre* 
mier  rang  de  la  troisième  ligne  de  leur 
présenter  la  pique,  ce  qui  les  obligea 
de  se  retirer  le  long  des  ailes  dans  la 
plaine.  Scipion  se  porta  alors  avec 
toute  soû  infenterie ,  hastaires ,  prin- 
ces et  triaires  réunis,  sur  la  troisième 
ligne  d'Annibal.  Le  combat  fut  long 
et  acharné,  et  la  victoire  était  encore 
indécise,  lors<|ue  Lœlius  et  Massinis- 
sa,  qui  revenaient  de  la  poursuite,  se 
jetèrent,  par  derrière ,  sur  l'infanterie 
carthaginoise  et  en  firent  un  grand 
carnage.  Ce  fut  ainsi  que  se  termina 
la  bataille.  Les  Romains  perdirent  dans 
cette  mémorable  journée  plus  de  quinze 
cents  hommes;  mais,  du  côté  des  Gai^ 
thaginois,  vingt  mille  soldats  restèrent 
sur  la  place  et  vingt  mille  furent  faits 
prisonniers.  Après  cette  terrible  dé<^ 
faite ,  Annibal  se  sauva  en  toute  hftte 
à  Adrumète  (*)^ 

(*)  Folard ,  dans  le  commentaire  qui  ac- 
compagne le  récit  de  Polybe  sur  la  baiaille 
de  Zama,  a  jugé  peut-être  Annibal  aveo 
trop  de  sévérité.  Après  avoir  essayé  de  dé» 
montrer,  par  une  longue  série  d'argument^ 
que  kl  oonduite  du  général  carthaginois^ 
avant  et  pendant  la  bataille,  ne  répondit 
point  à  sa  réputation  de  prudence  et  à%%* 
bileté,  il  ajoute  :  «  Polybe,  Tite-Iâve^  et  un 
«  grand  nombre  d^auteurs  fort  éclairés  parmi 
«  les  modernes ,  ne  peuvent  s'empêcher 
«  d'admirer  la  merveilleuse  disposition  d'An- 
ce  nibal  dans  cette  bataille  :  passe  pour  Tite- 
«  Live  et  pour  ces  derniers  ;  ils  n'ont  pas 
«  cru  devoir  se  morfondre  à  faire  l'analyse 
«  de  ces  deux  ordres  de  bataille.  Ils  ont 
«  suivi  le  sentiment  général ,  sans  pénétrer 
«  plus  loin  ;  mais  que  Polybe ,  qui  était  un 
«homme  judicieux  »  grand  hittericAi  e| 


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CARTHAGE. 


f» 


Avant  la  bataille,  dit  Polybe,  non- 
seulement  l'Italie  et  TAfrique,  mais 
encore  FEspagne ,  la  Sicile  et  la  Sar- 
daigne  étaient  en  suspens  et  suivaient 
les  événements  avec  une  vive  anxiété. 
La  victoire  de  Scipion  mit  lin  aux  in- 
certitudes et  rendit  les  Romains  maî- 
tres du  n)onde. 

\  Lbs  Cabthaginois  envoient  des 
AMBÀSSADEUBS  À  Scipion;  béponse 
DE  Scipion  ;  délibébation  du  sé- 
nat GABTHAGINOIS;  LE  SÉNAT  ET 
LE  PEUPLE  BOMÀIN  APPBOUVENT  LE 
7BAITÉ  DE  PAIX  CONCLU  PÂB  SCI- 
PION  ;  FIN  DE  LA  DEUXIÈME  GUBBBE 
PUNIQUE  ;  202  ET  201   AVANT  NOTBE 

ÈBE.  —  Annibal  s'était  enfui  d'abord 
à  Adrumète;  puis,  rappelé  à  Cartbage, 
il  était  venu  dans  cette  ville  qu'il  n'a- 
vait point  vue  depuis  trente-six  ans.  Il 
conseilla  alors  aux  Carthaginois  de  de- 

«  tout  ensemble  un  excellent  homme  de 
«  guerre  ;  que  Polybe ,  dis-je ,  soit  le  prê- 
te mier  qui  ait  été  de  ce  sentiment ,  et  qu'il 
u  ait  donné  le  branle  à  celui  de  tous  les 
«t  autres,  voilà  ce  qui  me  surprend.  Serail- 
«  ce  en  Yue  de  relever  la  gloire  de  Scipion 
«  qui  était  son  ami,  ou  prévenu  par  les 
«  grandes  actions  d'Annibal ,  ou  faute  ds 
«  réflexion  ?.....  Pour  peu  qu'on  ait  de 
m  connaissance  de  la  guerre ,  on  verra  qu'An- 
ge nibal  ne  se  surpass*  jamais  moins  que 

«dans  cette  bataille Quoiqu'il  soit 

o  toujours  dangereux  d'être  singimer  dans 
•I  son  opinion ,  et  d'attaquer,  comme  j'ai 
m  fait,  un  sentiment  généralement  reçu,  je 
«  ne  puis  que  je  ne  dise  que  cet  ordre  de 
M  bataille  est  très-peu  digue  d'envie  et  de 

K  l'éloge  de  Scipion J'avoue  qu'il  n'y 

«  a  qu  une  voix  sur  l'excellence  de  l'ordre 
a  de  bataille  adopté  à  Zama  par  Annibal  ; 
«  mais  ce  ne  doit  pas  être  une  raison  pour 
<c  me  soumettre  à  Vopiuiou  de  ces  gens-là. 
«  Ils  ont  profondément  examiné  celte  mo- 
ite thode ,  dira-t-on ,  fort  bien  ;  cela  ne  doit 
«  pas  m'empècber  d'examiner  à  mon  tour 
«  et  voir  s'ils  ne  se  sont  pas  trompés.  Il  est 
«  aisé  de  juger  si  la  chose  méritait  d'êire 
«  examinée.  Il  n*y  a  rien  qui  doive  empô- 
*  cher  de  reconnaître  des  fatites  dans  un 
«  homme  extraordinaire,  ainsi  que  dans  un 
«  autre.  Personne  n'est  exempt  de  fautes,  et 
«  le  plus  parfait  est  celui  qui  en  a  le  moins 
«  commis.  Annibai  peut  être  mis  de  ott 
«Qooilire.» 


mander  la  paix  aux  Romains.  On  en- 
voya donc  des  ambassadeurs  à  Scipion , 
qui  leur  ordonna  de  se  rendre  à  Tunis 
où  il  conduisait  son  armée.  Scipion 
songea  un  instant  à  faire  le  siège  de 
Cartilage ,  et  à  terminer  la  guerre  par 
la  ruine  de  cette  ville.  Mais  bientôt, 
craignant  que ,  pendant  les  longueurs 
du  siège  qu  il  méditait ,  un  successeur 
ne  vînt  lui  enlever  le  fruit  de  ses  nom- 
breux succès  et  toute  sa  gloire ,  il  ré- 
solut d'accorder  la  paix  aux  Carthagi- 
nois. Voici  à  quelles  conditions  il  voulut 
traiter  : 

a  D'une  part ,  les  Carthaginois  gar- 
deront en  Afrique  toutes  les  places 
qu'ils  avaient  avant  la  dernière  guerre., 
ainsi  que  les  terres ,  les  esclaves  et  les 
autres  biens  dont  ils  étaient  en  posses- 
sion; à  partir  de  la  conclusion  du 
traité ,  il  ne  sera  fait  contre  eux  aucun 
acte  d'hostilité;  ils  continueront  à 
vivre  suivant  leurs  lois  et  leurs  cou- 
tumes, et  on  ne  leur  imposera  point  de 
garnisons. 

«  D'autre  part ,  les  Carthaginois  res- 
titueront aux  Romains  tout  ce  qu'ils 
leur  ont  injustement  enlevé  pendant 
les  trêves;  ils  leur,  remettront  tous 
les  prisonniers  de  'guerre  et  trans- 
fuges qu'ils  ont  pris  ou  reçus;  ils 
abandonneront  tous  leurs  longs  vais- 
seaux, a  l'exception  de  dix  galè- 
res; ils  livreront  tous  leurs  élé- 
phants ;  ils  ne  feront  aucune  guerre  ni 
au  dehors ,  ni  au  dedans  de  rAfriqtie 
sans  l'adhésion  du  peuple  romain  ;  ils 
rendront  à  Massinissa  les  maisons, 
terres,  villes  et  autres  biens  qui  lui 
ont  appartenu  ainsi  qu'à  ses  ancêtres 
(les  Romains  se  rjéservaient  de  dést- 

gner  les  pays  où  se  trouvaient  ces 
iens  de  Massinissa)  ;  ils  fourniront  des 
vivres  à  l'armée  romaine  pendant  trois 
mois;  ils  payeront  la  solde  de  cette  ar- 
mée jusqu'au  moment  où  le  sénat  et  le 
peuple  romain  auront  statué  sur  les 
articles  du  traité;  ils  donneront  dix 
mille  talents  d'argent  en  cinquante  ans, 
en  payant  chaque  année  deux  cents  ta- 
lents euboiques  ;  enlin ,  comme  garan- 
tie du  traité,  le  consul  «choisira  cent 
otages  dans  la  jeunesse  carthaginoise.  « 
i^and  lai  «mbaisaddiirs  qui  inient 


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96 


L'UNIVERS. 


été  envoyés  à  Tunis  revinrent  à  Car- 
thage,  et  firent  connaître  le  résultat 
de  leur  négociation ,  il  y  eut  dans  le 
sénat  une  grande  hésitation.  Plusieurs 
sénateurs  étaient  d'avis  de  rejeter  les 
conditions  proposées;  et  parmi  eux, 
Giscon  essaya  par  un  discours  de  mo- 
tiver son  opinion.  Il  commençait  à 
parler  lorsqueAnnibal  s'élança  vers  lui 
et  l'arracha  de  son  siège.  Aussitôt  de 
violents  murmures  éclatèrent  dans 
l'assemblée.  «  Vous  me  pardonnerez , 
dit  Annibal ,  si  j'ai  commis  une  faute 
contre  les  usages.  Tous  savez  que 
sorti  de  ma  patrie  à  l'âge  de  neuf 
ans  ,  je  n'y  suis  revenu  qu'après 
trente-six  ans  d'absence.  Veuillez  donc 
me  pardonner  la  faute  que  j'ai  com- 
mise ,  et  ne  considérer  que  mes  inten- 
tions qui  sont  celles  d'un  bon  citoyen.  » 
Annibal  ajouta  que  rejeter,  dans  un 
danger  si  pressant,  la  paix  accordée 
par  Scipion ,  c*était  vouloir  la  ruine  de 
Carthage.  Il  termina  en  disant  :  «  Ne 
délibérez  point  sur  les  articles ,  mais 
recevez-les  avec  joie.  Offrez  des  sacri- 
fices aux  dieux ,  et  priez  -  les  de  faire 
en  sorte  que  le  peuple  romain  ratifie 
le  traité  que  l'on  nous  propose.  »  Le 
sénat  se  rendit  à  l'opinion  d'Annibal , 
et  fit  partir  des  ambassadeurs  pour 
conclure  la  paix.  Ces  ambassadeurs  se 
dirijjèrent  vers  Scipion  qui  campait  à 
Tunis ,  et  de  là  ils  allèrent  à  Rome. 
Introduits  dans  le  sénat,  Asdrubal 
Hsedusy  l'un  d'eux ,  prit  la  parole  et 
implora  la  pitié  des  Romains.  On  leur 
accorda  la  paix ,  et  le  traité  conclu  par 
Scipion  fut  ratifié  par  le  peuple  et  les 
sénateurs.  Alors,  les  ambassadeurs  re- 
vinrent en  Afrique. 

«Les  Carthaginois,  dit  Tite-Live, 
«  livrèrent  leurs  vaisseaux  de  guerre , 
«  leurs  éléphants ,  les  transfuges ,  les 
«  esclaves  fugitifs  et  quatre  mille  pri- 
«  sonniers ,  parmi  lesquels  se  trouva 
«  un  sénateur,  Q.  Terentius  CuUeo. 
«  Scipion  fit  conduire  les  vaisseaux  en 
«  pleine  mer  pour  y  être  brûlés  ;  ils 
«  formaient ,  suivant  quelques  histo- 
«  riens ,  un  total  de  cinq  cents  bâti- 
«  ments  à  rames.  L'aspect  de  cet  em- 
•  brasement ,  qui  tout  à  coup  vint 
«  frapper  les  regards  ^  causa  aux  Car- 


«  thaginois  une  douleur  aussi  profonde 
«  que  s'ils  avaient  vu  l'incenclie  même 
<c  de  Carthage.  »  Quand  il  fallut  faire* 
le  premier  payement  des  contributions, 
les  sénateurs  carthaginois  manifes- 
tèrent une  vive  affliction ,  et  plusieurs 
d'entre  eux  versèrent  des  larmes  amères. 
Alors  Annibal  se  prit  à  rire  :  sur  le 
reproche  que  lui  fit  Asdrubal  Hœdas 
d'insulter  par  sa  joie  à  la  douleur 
publique,  dont  il  était  la  première 
cause ,  il  répondit  :  «  Si  l'œil  qui 
distingue  les  mouvements  extérieurs 

Ïiouvait  lire  au  fond  de  l'âme ,  il  serait 
àcile  de  reconnaître  que  ce  rire  qui 
vous  choque  n'est  pas  l'expression  de 
la  joie ,  mais  plutôt  d'un  délire  causé 
par  l'excès  du  malheur.  Toutefois ,  ce 
rire  est  encore  moins  déplacé  que  votre 
douleur.  Quoi  !.  au  moment  où  Ton  ar- 
rachait les  dépouilles  de  Carthage, 
quand  on  la  désarmait,  vous  ne  pleu- 
riez point  ;  et ,  dans  ce  jour  où  chaque 
citoyen  doit  payer  sa  part  du  tribut , 
on  dirait  que  la  perte  de  votre  or  est 
une  véritable  calamité  publique.  Hélas  ! 
je  crains  qu'avant  peu  vous  ne  vous 
aperceviez  que  ce  qui  vous  coûte  au- 
jourd'hui des  larmes,  était  de  tous  vos 
maux  le  plus  léger  !  » 

Scipion,  avant  de  quitter  l'Afrique, 
ajouta  aux  États  gue  Massinissa  tenait 
de  ses  ancêtres  Cirta  et  les  autres  villes 
qui  avaient  appartenu  à  Syphax ."C'était 
pour  le  récompenser  de  sa  fidélité  et 
l'attacher  de  plus  en  plus  au  parti  des 
Romains.  Ainsi  Carthage,  épuisée  d'ar- 
gent par  d'onéreuses  contributions, 
sans  armées  de  terre  et  sans  flotte,  se 
vovait  livrée  à  la  discrétion  de  sa  ri- 
vale. Toutefois ,  Rome  craignit  encore 
qu'elle  ne  pût  se  relever  de  tant  de 
désastres;  et,  pour  la  tenir  toujours 
faible  et  toujours  humiliée,  elle  accrut 
la  puissance  de  Massinissa,  Vennemi 
étemel  du  peuple  carthaginois.  Au 
moment  où  Scipion  partit  pour  aller 
recevoir  le  triomphe ,  il  était  déjà  évi- 
dent que  le  traité  qui  avait  mis  fin  à  la 
deuxième  guerre  punique  ne  faisait 
qu'ajourner  la  ruine  de  Carthage. 

Càbthage  humiliée  pab  les  Ro- 
mains ÂPRES  LA  DEUXIÈME  GUBRBB 
rUKIQUE;   ÀM9ASSADEUBS  BNYOYBS 


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CARTHAGE. 


97 


AUX  Gàbthàginois  pab  les  Ro- 
mains; beponsebesGabthaginots 

A  CES  AMBASSADEUBS  ;  20  il  9â  AYANT 

NOTEE  ÈBE.  —  Après  avoir  succombé, 
Carlhage  ne  tarda  pas  à  sentir  com- 
bien étaient  rigoureuses  et  dures  les 
lois  que  Rome  victorieuse  imposait  à 
ses  ennemis.  Dès  lors,  en  effet,  elle 
fut  obligée  de  subir,  jusqu'au  moment 
de  sa  ruine,  une  longue  série  d'humi- 
liations et  d'injustices.  Ainsi,  les  Ro- 
mfiins  avaient  à  peine  ratifié  le  traité 
qui  termina  la  guerre,  que  les  Cartha- 
ginois s'empressèrent  de  remplir  leurs 
nouveaux  engagements  et  de  se  sou- 
mettre à  toutes  les  conditions  qu'ils 
avaient  acceptées.  Ils  croyaient  sans 
doute  avoir  satisfait  aux  exigences 
des  vainqueurs ,  lorsque  des  ambassa- 
deurs, se  présentèrent  à  eux  ,  et 
parlèrent  ainsi  au  nom  de  Rome  : 
o  Amilcar,  un  de  vos  concitoyens ,  est 
«resté  dans  la  Gaule;  il  a  levé  une 
«  armée  de  Gaulois  et  de  Liguriens ,  et 
«  il  fait  la  guerre  aux  Romains  contre 
«  la  foi  des  traités.  Si  vous  désirez 
«conserver  la  paix,  rappelez  Amilcar 
«  pour  le  livrer  au  peuple  romain.  » 
Ils  ajoutèrent  encore  :  «  Tous  les  trans- 
it fuges  n'ont  point  été  rendus;  il  en 
«est  resté  un  grand  nombre,  qui, 
«  dit-on ,  se  montrent  publiquement  à 
«  Carthage.  Vous  devez  en  faire  une 
«  recherche  exacte  et  les  arrêter,  afin 
«  de  les  remettre  aux  Romains  d'après 
«  les  termes  du  traité.  » 

Amilcar  avait  agi  sans  la  participation 
des  Carthaginois  ;  ceux-ci  ne  pouvaient 
donc  lui  ordonner  de  suspendre  une 
guerre  à  laquelle  ils  étaient  étrangers. 
Toutefois ,  a  la  voix  des  ambassadeurs 
romains,  ils  s'humilièrent,  etfirent  cette 
réponse  :  «  Tout  ce  qui  est  en  notre 
«  pouvoir,  c'est  d'exiler  Amilcar  et  de 
«  confisquer  ses  biens.  A  l'égard  des 
«  transfuges,  nous  avons  restitué  ceux 
«  que  des  recherches  exactes  nous  ont 
«  rait  découvrir.  Nous  nous  proposons , 
«  à  ce  sujet,  d'envoyer  des  députés  au 
«  sénat  romain  pour  lui  donner  des 
«  ex^ications  satisfaisantes.  »  Les  Car- 
thaginois ne  se  bornèrent  point  à  pro- 
tester ainsi ,  par  leurs  paroles ,  contre 
la  malveillance  de  leurs  ennemis,  ils 

7*  Livraison.  (Ca&thage.) 


se  hâtèrent  encore  d'envoyer  à  Rome 
deux  cent  mille  mesures  de  blé  et  au- 
tant à  l'armée  de  Macédoine.  Quant  h 
Amilcar,  il  perdit  la  vie  dans  une  ba- 
taille où  les  Gaulois  furent  vaincus  (*). 

Nous  devons  ajouter  ici  que  les  am- 
bassadeurs qui  étaient  venus  à  Car- 
thage avaient  mission  de  poursuivre 
leur  route  en  Afrique,  et  de  se  pré- 
senter à  Massinissa  pour  lui  offrir  de 
riches  présents,  et  le  féliciter,  non- 
seulement  d'avoir  reconquis  les  États 
de  ses  pères,  mais  encore  d'avoir  dé- 
pouillé de  son  royaume  Syphax,  l'allié 
des  Carthaginois. 

Conduite  d'Annibal  pendant  la 
paix;  les  béfobmes  qu'il  opèbe 

DANS    le    GOUVEJ^NEMENT    DE   CaB- 

thAge  soulèvent  contbe  lui  le 
PABTI  abistocbatique;  Annibal 
ÉCHAPPE    AUX    Romains    pab    la 

fuite;    195   AVANT    NOTBE    ÈBE.  — 

Quand  la  guerre  fut  terminée,  Anni- 
bal, chef  de  la  faction  Barcine,  fut 
porté  par  ses  concitoyens  aux  plus 
hautes  dignités  de  la  république.  Bien- 
tôt il  usa  de  son  pouvoir  et  de  son 
influence  pour  opérer  dans  le  gouver- 
nement de  Carthage  d'importantes  ré- 
formes; mais  il  ne  put  attaquer  cer- 
tains vices  de  la  constitution  sans  se 
faire,  dans  le  parti  aristocratique, 
d'implacables  ennemis.  A  cette  épo- 
que, l'ordre  des  juges  exerçait  dans  la 
ville  une  domination  d'autant  plus  ab- 
solue et  tyrannique,  que  les  charges 
de  cet  ordVe  étaient  inamovibles.  Les 
juçes  disposaient,  suivant  leurs  ca- 
prices, des  biens ,  de  l'honneur  et  de  la 
vie  même  des  citoyens.  Il  suffisait  d'a- 
voir déplu  à  l'un  d'eux  pour  être  ex- 
posé à  la  haine  de  tous  les  autres, 
Annibal  essaya  d'attaquer  les  juges  qui 
depuis  longtemps  étaient  devenus 
cdieuxau  peuple.  Un  jour  qu'il  siégeait 
à  son  tribunal,  il  s'éleva  fortement 
contre  eux,  et  les  accusa  d'avoir 
anéanti,  par  l'abus  qu'ils  avaient  fait 
de  leur  pouvoir  et  par  leur  arrogance , 

(*)  Tile-Live  nous  apprend  que,  suivant 
certains  historiens ,  Amilcar  fut  pris  pen- 
dant la  bataille  et  qu*on  le  vit  paraître  à 
Rome ,  dans  un  triomphe. 


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L'UNIVERS. 


l'autorité  des  lois  et  des  magistrats. 
Quand  Aonibal  s'aperçut  que  la  mul- 
titude écoutait  son  discours  avec  fa- 
veur, il  fît  passer  une  loi  qui  portait  : 
«  qu'à  l'avenir,  on  élirait  cnaque  année 
de  nouveaux  juges,  et  que  personne  ne 
pourrait  être  juge  deux  ans  de  suite.  » 
Cette  grande  mesure  fut  accueillie  avec 
joie  par  le  peuple,  mais  elle  ne  fit 
qu'irriter  de  plus  en  plus  la  faction 
aristocratique.  Bientôt  une  autre  loi , 
faite  dans  un  but  d'utilité  publique, 
acheva  d'exaspérer  tous  les  ennemis 
d'Annibal.  Depuis  longtemps,  les  re- 
venus de  l'État  étaient  dilapidés  par 
ceux-là  même  à  qui  la  république  les 
avait  confiés ,  ou  enlevés  par  les  grands, 
qui  se  les  partageaient  comme  une 
proie.  Les  sommes  destinées  à  paver 
le  tribut  annuel  imposé  par  les  Ro- 
mains se  trouvant  ainsi  détournées,  le 
peuple  était  soumis  à  d'onéreuses  con- 
tributions. Anuibal,  après  avoir  pris 
une  connaissance  exacte  de  l'étendue 
des  revenus  de  l'État,  força  à  une  res- 
titution les  détenteurs  des  deniers  pu- 
blics. Dès  lors,  il  fut  exposé  à  toute  la 
haine  de  l'aristocratie.  Ses  ennemis 
écrivirent  à  Rome  pour  l'accuser  d'en- 
tretenir avec  le  roi  de  Syrie,  Antio- 
chus,xie  coupables  intelligences. 

Les  Romains,  qui  craignaient  tou- 
jours Annibal,  prêtèrent  une  oreille 
favorable  à  ses  accusateurs ,  et  ils  ré- 
solurent, malgré  l'opposition  de  Sci- 
pion  l'Africain,  de  s'emparer  de  sa 
personne.  Ils  envoyèrent  à  Carthage 
C.  Servilius,  M.  Claudius  Marcellus  et 
Q.  Terentius  Culléo,  qui,  d'après  les 
conseils  des  ennemis  d'Annibal,  ca- 
chèrent le  but  de  leur  voyage.  Quand 
ils  furent  arrivés,  Annibal  ne  se  trompa 
point  sur  leurs  projets.  Il  fit  ses  pré- 
paratifs, et  le  jour  même  de  sa  fuite 
on  le  vit  se  promener  longtemps  sur 
la  place  publique.  Quand  le  soir  fut 
venu ,  il  se  rendit  à  une  des  portes  de 
la  ville ,  suivi  seulement  de  deux  hom- 
mes qui  ignoraient  son  dessein.  Des 
chevaux  l'attendaient,  et  il  partit  aus- 
sitôt. Le  lendemain ,  il  arriva  au  bord 
de  la  mer,  entre  Acholla  et  Thapsus, 
et  là  il  s'embarqua  sur  une  galère  que 
depuis  longtemps  il  tenait  prête  et 


équipée.  Cest  ainsi  qu'Ânnibal  qaH^ 
l'Afrique;  et  dans  sa  fuite,  dit  Tît«- 
Live,  il  pensait  plus  souvent  à  la  triste 
destinée  de  Carthage  qu'à  ses  propres 
malheurs. 

La  nouvelle  de  la  disparition  sou- 
daine d'Annibal  se  répandit  bientôt  à 
Carthage.  Les  bruits  les  plus  divers 
circulaient  parmi  la  foule  qui  s'était 
rassemblée  dans  la  place  publique.  Les 
uns  disaient  qu'il  avait  pris  la  fuite  ; 
les  autres ,  et  c  était  le  plus  grand  nom- 
bre, affirmaient  qu'il  avait  été  tué  par 
les  émissaires  des  Romains;  enfin,  on 
apprit  par  des  marchands  qu' Annibal 
s'était  montré  dans  l'île  de  Cercine. 
Les  ambassadeurs  romains,  trompés 
dans  leur  attente ,  se  présentèrent  au 
sénat  de  Carthage,  où  ils  dirent  :  «  qu'ils 
n'ignoraient  pas  qu' Annibal  entrete- 
nait des  relations  avec  Philippe  de  Ma- 
cédoine ,  Antrochus ,  les  Étoliens ,  et 
tous  les  ennemis  de  Rome;  qu'il  ne  se 
donnerait  point  de  repos  qu'il  n'eût  al- 
Itimé  la  guerte  dans  le  monde  entier  ; 
que  les  Carthaginois  ne  devaient  jkis 
laisser  ces  manœuvres  impunies,  s'ils 
voulaient  prouver  au  peuple  romain 
qu'ils  étaient  complètement  étrangers 
aux  projets  d'Annibal.  »  Les  Cartha- 
ginois répondirent  à  ces  arrogantes  pa- 
roles, qu'ils  étaient  disses  à  se  sou- 
mettre en  toutes  choses  aux  volontés 
du  peuple  romain.  Mais. déjà  il  était 
hors  de  leur  pouvoir  de  combler  les 
vœux  de  Rome,  car  Annibal  en  fuyant 
s'était  mis  à  l'abri  de  la  haine  et  de 
la  perfidie  de  tons  ses  ennemis. 

Annibal  chez  Antiochus;  ses 
tentatives  pour  ballumeb  la 
guerre  contbe  les  romains;  il 

ESSAIE,  PAB  UN  DE  SES  ÉMISSAIRES, 
DE    SOULEVEE    LES    CaBTHAGINOIS. 

195-193  AVANT  NOTEE  BBE.  —  An- 
nibal, après  une  heureuse  navigation, 
arriva  à  Tyr,  où  il  fut  reçu  comme 
dans  une  seconde  patrie.  Il  ne  fit  pas 
un  long  séjour  dans  cette  ville ,  et  il 
s'empressa  de  se  rendre  à  Antioche. 
Quand  il  apprit  que  le  roi  de  Syrie 
était  absent,  il  se  remit  en  mer  et  il 
se  dirigea  vers  Éphèse,  où  il  rencon- 
tra enfin  Antiochus.  Ce  prince  était 
alors  dans  de  grandes  iiieenitudds,  tft 


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CARTHAGfe. 


il  ne  savait  s'il  devait  entreprendre  la 
guerre  contre  les  Romains.  L'arrivée 
d'Annibal  mit  fin  à  toutes  ses  irréso- 
lutions. On  apprit  bientôt  à  Rome 
qu'Antiochus  taisait  de  grands  prépa- 
ratifs. Cette  fois  encore,  les  Cartha- 
ginois vinrent  dénoncer  Annibal  au 
sénat  romain ,  et  l'accuser  d'avoir  été 
l'instigateur  de  la  guerre  qui  allait  com- 
mencer. £n  effet,  Annibal,  qui  avait 
gagné  la  confiance  d'Antiochus,  lui 
avait  inspiré  une  partie  de  sa  naine 
contre  les  Romains.  Il  ne  cessait  de 
lui  dire  que  Rome  était  l'ennemie  de 
tous  les  peuples,  que,  pour  lui  résis- 
ter, il  fallait  la  prévenir  et  l'attaquer 
en  Italie.  Il  s'offrait  pour  conduire  une 
expédition  dans  cette  contrée,  qu'il 
avait  abandonnée  avec  tant  de  regret , 
et  il  disait  au  roi  de  Syrie ,  que  si  le 
théâtre  de  la  guerre  était  porté  encore 
une  fois  en  Italie ,  Carthage  elle-même 
ne  tarderait  point  à  reprendre  les  ar- 
mes. Après  avoir  fait  goûter  ses  pro- 
^*ets  à  Antiochus,  il  voulut  connaître 
es  intentions  de  ses  concitoyens.  Il 
envoya  à  Carthage  un  émissaire  adroit, 
le  Tyrien  Ariston ,  auquel  il  ne  confia 
point  de  lettres,  mais  seulement  des 
mstructions  verbales,  et  il  l'adressa  à 
ceux  qu'il  comptait  encore  au  nombre 
de  ses  amis. 

Dès  qu' Ariston  parut  à  Carthage, 
l'objet  de  sa  mission  fut  connu  de 
tous  :  alors  la  faction  aristocrati- 
que conçut  de  grandes  craintes.  Les 
sénateurs  étaient  d'avrs  de  faire  com- 
paraître Ariston  devant  les  magis- 
trats, de  l'envoyer  à  Rome  s'il  ne 
pouvait  donner  sur  son  voyage  des  ex- 
plications satisfaisantes,  et  ils  diisaient 
qu'on  devait  maintenir  la  république , 
non-seulement  à  l'abri  de  tout  repro- 
che, mais  encore  de  tout  soupçon. 
Appelé  devant  les  magistrats,  Ariston 
fit  valoir,  comme  moyen  de  défense, 
l'impossibilité  où  l'on  était  de  produire 
contre  lui  des  preuves  écrites.  Cepen- 
dant il  ne  put  trouver  pour  son  voyage 
un  prétexte  plausible,  et  il  montra  un 
extrême  embarras  lorsqu'on  lui  fit  ob- 
server qu'il  n'avait  eu  des  entretiens 
qu'avec  les  membres  de  la  faction  Bar- 
fine.  Après  avoir  entendu  Ariston,  les 


sénateurs  commencèrent  à  délibérée  ; 
mais  bientôt  des  débats  s'élevèrent  dans 
le  sénat,  les  avis  furent  partagés,  et 
on  se  sépara  ce  jour-là  sans  avoir  pris 
une  décision.  Quand  le  soir  fut  arri- 
vé, Ariston,  vraisemblablement  d'a- 
près les  conseils  des  amis  d'Annibal , 
vint  avec  des  placards  dans  un  des  en- 
droits les  plus  fréquentés  de  la  ville,  et 
il  les  suspendit  au-dessus  du  tribunal 
où  siégeaient  chaque  jour  les  magis- 
trats. Lui-même,  vers  la  troisième 
veille ,  s'embarqua  et  prit  la  fuite.  Le 
lendemain,  lorsaue  les  suffètes  se  ren- 
dirent à  leur  tribunal  pour  rendre  là 
justice ,  on  aperçut  les  placards  ;  on  les 
détacha  et  on  en  fit  lecture.  Ils  por- 
taient :  «  que  les  instructions  données 
à  Ariston,  n'étaient  point  secrètes  et 
qu'elles  ne  s'adressaient  à  aucun  ci- 
toyen en  particulier,  mais  à  tous  les 
sénateurs.  »  Cette  déclaration  qui  com- 
promettait les  familles  les  plus  illus- 
tres, fut  cause  qu'on  ralentit  toutes 
les  poursuites;  cependant  on  crut  né- 
cessaire d'envoyer  une  ambassade  à 
Rome,  pour  informer  les  consuls  et 
le  sénat  de  ce  qui  s'était  passé. 
Pkemièrfs  attaques  de  Massi- 

NISSA  CONTEE  LES  CAKTHAGINOIS 
QUI  IMPLOKENT  L'INTEKVENTIONDES 

Romains;  opinion  de  Polybe  et 

DE  TiTE-LiVE  SUR  LA  CONDUITE  DU 
SÉNAT  romain;   103    AVANT   NOTRE 

ÈRE.  —  Massinissa  ne  tarda  pas  à  voir 
que  le  stratagème  d' Ariston  avait  ins- 
piré aux  Romains  des  craintes  sérieuses; 
il  profita  de  cette  circonstance ,  et  aussi 
des  divisions  qui  existaient  au  sein  de 
Carthage  entre  le  sénat  et  le  peuple , 
pour  agrandir  ses  États.  Il  attaqua  les 
Carthaginois,  et  il  exerça  de  grands 
ravages  sur  les  terres  qui  leur  étaient 
soumises.  Polybe  a  parlé  en  peu  de 
mots  de  cette  tentative  de  Massinissa. 
Il  suffira,  nous  le  croyons,  de  lire  lé 
court  récit  de  cet  historien  pour  con- 
naître le  système  de  conduite  que  les 
Romains  avaient  adopté  alors  à  l'égard 
des  Carthaginois.  «  En  Afrique,  dit  Po- 
«  lybe,  Massiniss^a  avait  été  fortement 
«  tenté  de  s'emparer  du  territoire  qui 
«  se  trouve  aux  environs  de  la  petite 
«  Syrte,  et  qu'on  appelle  Emporia:  Il 


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100 


L'UNIVERS. 


«  y  avait  sur  ce  territoire  un  grand 
«  nombre  de  villes  (*)  ;  le  pays  était 
«  beau ,  et  on  en  tirait  des  revenus 
«  très -considérables.  11  prit  enfin  la 
«  résolution  d'envahir  cette  riche  con- . 
«  trée.  Il  se  rendit  maître  des  cam- 
«  pagnes;  mais,  lorsqu'il  voulut  at- 
tt  taquer  les  villes ,  il  rencontra  de 
«  grands  obstacles.  Les  Carthaginois 
«  les  défendirent  si  bien ,  qu'il  ne  put 
«  y  entrer.  Pendant  toutes  ces  hos- 
«  tilités ,  les  Carthaginois  envoyaient 
«  des  ambassadeurs  à  Rome  pour  se 
«  plaindre  du  roi  de  Numidie;  et  le  roi 
«  y  députait  aussi  de  sa  part,  pour  se 
«justiGer  contre  les  Carthaginois. 
«  L'équité  voulait  qu'on  se  prononçât 
«  pour  Carthage;  cependant  les  Rô- 
ti mains  favorisaient  Massinissa,  non 
«  que  le  bon  droit  fût  du  côté  de  ce 
»  prince  f  mais  parce  quHl  était  de 
tilHntérét  du  sénat  de  décider  en 
«  sa  faveur.  Voici  la  cause  des  hos- 
<t  tilités  :  le  roi  de  Numidie  ayant 
«  demandé  à  traverser  le  territoire 
«  voisin  de  la  petite  Syrte  pour  pour- 
«  suivre  un  rebelle  appelé  Aphtéra- 
«  te  (**),  les  Carthaginois  lui  avaient 
<(  refusé  le  passage.  Ce  refus  leur  coûta 
«  cher.  Ils  furent  tellement  pressés  par 
«  Massinissa,  qu'à  la  fin  ils  perdirent 
te  la  campagne  et  les  villes;  ils  furent 
«  même  obligés  de  payer  cinq  cents  ta- 
«  lents  pour  les  revenus  qu'ils  avaient 
«  perçus  depuis  le  commencement  de 
«  fa  contestation.  » 

Les  Carthaginois,  pendant  toute  la 
durée  de  la  lutte ,  n'avaient  cessé  d'in- 
voquer le  traité  par  leauel  Scipion, 
après  sa  victoire,  fixant  les  limites  de 
leurs  possessions,  avait  enclavé  dans 
ces  limites  la  contrée  qu'on  appelle 
Emporta,  Les  Romains  ne  pouvaient 
ouvertement  violer  le  traité,  et,  d'au- 
tre part ,  leur  intention  n'était  pas  de 
dépouiller  Massinissa  de  sa  nouvelle 
'  conquête.  Pour  mettre  de  leur  côté , 
au  moins,  les  apparences  de  la  justice, 
ils  eurent  recours  au  moyen  suivant. 

(*)  Tite-Live  prélend  au  contraire  que 
dans  tout  le  pays  il  n*y  avait  qu'une  seule 
ville.  C'était  Leptis. 

(*•)  Tite-Live  l'appelle  jiphir. 


Ils  envoyèrent  en  Afrique  des  com- 
missaires qui  devaient  terminer  la  con- 
testation. Voici  les  curieux  renseigne- 
ments (^ue  nous  donne  Tite  -  Live  sur 
la  manière  dont  ces  commissaires  s'ac- 
quittèrent de  leur  mission  :  «  Publius 
«  Scipion  l'Africain ,  C.  Cornélius  Cé- 
«  thé^us  et  M.  Minucius  Rufus,  après 
«  avoir  écouté  et  examiné  Taffaire,  ne 
«  se  prononcèrent  pour  aucune  des 
«  deux  parties,  et  ils  laissèrent  toutes 
«  choses  indécises.  Onne  sait  s'ils  agi- 
«  rent  ainsi  de  leur  propre  mouve- 
fument,  ou  s^ils  ne  firent  que  se 
«  conformer  aux  instructions  qu'ils 
«  avaient  reçues;  mais  il  est  certain 
«  qu£  les  circonstances  votdaient  qu  ^on 
«  laissât  les  Carthaginois  et  le  roi  de 
«  Numidie  dans  une  complète  mésin- 
«  telligence;  autrement  Scipion,  par 
«  la  connaissance  exacte  qu'il  avait 
tt  de  toute  Vaffaire ,  aurait  pu  tran- 
«  cher  la  dlfficvUé.  » 

Dernières  années  de  la  vie 
d'Annibal;  193-183  avant  notre 
ERE.  —  Annibai ,  dans  son  exil ,  vit 
bientôt  avec  douleur  qu'Antiochus  res- 
tait inactif  et  mettait  en  oubli  ses  utiles 
conseils.  Des  courtisans,  jaloux  de  la 
faveur  dont  il  jouissait ,  avaient  inspiré 
au  roi  de  Syrie  des  doutes  sur  sa  sin- 
cérité. Il  y  avait  déjà ,  dans  les  rapports 
d'Annibal  et  d'Antiochus,  quelque  re- 
froidissement lorstjue-  des  ambassa- 
deurs romains  arrivèrent  en  Asie.  L'un 
d'eux ,  Villiqs,  se  rendit  à  Éphèse ,  où 
il  se  ménagea,  dit-on,  de  fréquents 
entretiens  avec  le  chef  carthaginois. 
A  la  suite  de  ces  entretiens  diversement 
interprétés,  Antiochus  craignit  une 
trahison ,  et  il  cessa  de  confier  ses  pro- 
jets à  Annibai. 

Ici ,  la  tradition  place  une  anecdote 
célèbre  que  nous  allons  rapporter. 
P.  Scipion  l'Africain  était  au  nombre 
des  ambassadeurs  romains  qui  se  ren- 
dirent à  Éphèse.  Dans  une  entrevue 
qu'il  eut  avec  Annibai ,  il  lui  demanda 
quel  était  celui  de  tous  les  géné- 
raux qu'il  plaçait  au  premier  rang.  — 
Alexandre,  répondit  Annibai. —  Et  au 
second  rang?  —  Pyrrhus.  —  Et  au 
troisième?  — Moi-même.  —  A  quel 
rang  vous  placeriez-vous ,  dit  Scipion 


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CARTHAGE. 


101 


en  riant ,  si  vous  m'aviez  vaincu  ?  —  Je 
me  placerais  avant  Alexandre,  avant 
Pyrrnus ,  et  avant  tous  les  autres  gé- 
néraux, repartit  Annibai.  Scipion, 
ajoute  la  tradition ,  fut  topcbé  de  cette 
louange  imprévue,  qui  le  mettait  ainsi 
hors  de  toute  comparaison  (*). 

Annibai  souffrit  d'abord,  sans  profé- 
rer une  plainte,  les  injurieux  soupçons 
d'Antiochus.  Mais,  enfin,  il  ne  put 
résister  au  désir  de  se  justifîer  et  de 
combattre  les  perfides  insinuations  de 
ses  ennemis.  Il  se  rendit  un  jour  au- 
près d'Antiochus ,  et  lui  dit  :  «  O  roi , 
«  j'étais  bien  jeune  encore  lorsque  mon 
a  père  Amilcar  quitta  Carthage  pour 
a  aller  en  Espagne.  Avant  son  départ , 
«  il  me  conduisit  à  l'autel  où  il  sacri- 
«  fiait  aux  dieux  ;  et ,  là ,  il  me  fit  pro- 
«  mettre  de  vouer  une  haine  éternelle 
«  aux  Romains.  Ce  serment  prêté  à 
«  mon  père ,  devant  les  dieux ,  je  l'ai 
«  gardé  religieusement  jusqu'à  ce  jour, 
a  C'est  pour  ne  point  violeiMîe  solennel 
«  engagement  que  j'ai  abandonné  Car- 
«  thage  asservie,  et  que  je  suis  venu 
«  dans  vos  États.  Si  vous  trom- 
«  pez  mes  espérances ,  j'irai ,  fidèle  à 
«  mon  premier  serment,  j'irai  partout 
«  où  je  saurai  qu'il  y  a  des  soldats  et 
«  des  armes,  ann  de  susciter  des  en- 
«  nemis  aux  Romains.  Je  hais  les  Ro- 
«  mains ,  et  j'en  suis  haï  :  mon  père 
«  Amilcar  et  les  dieux  sont  témoins  de 
«  la  vérité  de  mes  paroles.  0  roi ,  si 
«  vous  songez  à  faire  la  paix  avec  les 
«  Romains ,  vous  pouvez  m'enlever 
«  votre  confiance  ;  mais  si  vous  vous 
«  préparez  à  leur  faire  la  guerre,  sa- 
«  chez  qu'Annibal  est  le  meilleur  et  le 
«  plus  dévoué  de  vos  conseillers  (**).  » 
Ces  paroles,  dit  Tite-Live,  produi- 
sirent Une  telle  impression  sur  l'esprit 
du  roi  qu'il  rendit  à  Annibai  toute  sa 
confiance,  et  qu'il  se  décida  enfin  à 
déclarer  la  guerre  aux  Romains. 

(*)  Voy,  Tiie-Live.  —  Plutarque,  dans  la 
tie  de  Pyrrhus,  raconte  aussi  cet  enlrelien.' 
Suivant  lui,  Annibai  mit  Pyrrhus  au  pre- 
mier rang,  Scipion  au  deuxième,  et  lui 
même  se  plaça  au  troisième.  La  tradition  sur 
laquelle  ilutarque  fondait  son  récit  ne  fai- 
sait point  mention  d'Alexandre. 

(**)  Voy.  Tite-Live  et  CoraélîiTi  Nepos. 


Antiochus  fit ,  il  est  vrai ,  des  pré- 
paratifs ;  mais  il  agit  avec  tant  de  len- 
teur et  tant  de  négligence ,  qu'Annibal 
vit  s'évanouir  alors  ses  dernières  espé- 
rances. Le  roi  de  Syrie  passa  en  Grèce, 
où,  par  sa  folle  conduite,  il  perdit  une 
bataille,  et  donna  atix  Romains  un 
prétexte  pour  entrer  en  Asie.  Au  mo- 
ment où  il  regagnait  en  fuyant  sa  ville 
d'Éphèse,  Antiochus,  dit -on,  recon- 
nut la  sagesse  des  plans  d' Annibai. 
Mais  le  repentir  venait  trop  tard  et  ne 
pouvait  le  sauver,  car  déjà  une  armée 
romaine  se  préparait  à  l'attaquer  dans 
ses  États.  Les  événements  justifièrent 
les  prédictions  d'Annibal.  Les  Ro- 
mains passèrent  en  Asie ,  et  Antiochus 
fut  vaincu.  Toutefois,  pendant  la 
jçuerre,  le  général  carthaginois  n'a- 
bandonna point  celui  qui  lui  avait  ac- 
cordé l'hospitalité.  Il  aida  le  roi  de 
Syrie  de  ses  conseils  et  de  sa  longue 
expérience,  jusqu'au  jour  où  ce  prince 
fit  la  paix  avec  les  Romains.  Alors 
Annibai ,  cédant  encore  une  fois  à  la 
mauvaise  fortune,  alla  chercher  un 
nouvel  asile.  Il  se  rendit  auprès  de 
Prusias ,  et  ce  fut  en  Rithynie  qu'il 
passa  les  dernières  années  de  sa  vie.  Il 
y  vivait  en  repos  lorsque  des  ambassa- 
deurs romains  arrivèrent  à  la  cour  de 
Prusias.  L'un  d'eux,  Flamininus,  re- 
procha au  roi  de  donner  asile  au  plus 
implacable  ennemi  des  Romains.  Pru- 
sias comprit  aisément  que  les  repro- 
ches de  Flamininus  étaient  des  me- 
naces, et  il  résolut  de  tuer  ou  de 
livrer  celui  qui  lui  était  uni  par  les 
liens  de  l'hospitalité.  Quand  Annibai 
vit  qu'il  ne  lui  restait  aucun  moyen  de 
fuir,  il  prit  du  poison  ;  et ,  avant  de 
mourir,  il  chargea  d'imprécations  Pru- 
sias et  les  Romains.  Telle  fut  la  fin  de 
cet  homme  que  son  génie,  ses  bril- 
lantes victoires,  ses  malheurs  sans 
nombre  et  sa  haine  contre  Rome  ont 
rendu  à  jamais  célèbre. 

Lutte  entbe  les  Cabthaginois 
ET  Massïnissa  ;  LES  Cabthaginois 

POBTENT  LEUBS  PLAINTES  A  ROME  ; 
PABTIALITÉ  DES  ABBITBES  BOMAINS  ; 
182-152    AVANT    NOTEE    ÈBE.  —   AU 

moment  même  où  Annibai  expirait 
dans  une  contrée  lointaine,  Carthage» 


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iOU 


L'UNIVERS. 


vaincue  et  humiliée,  s'était  vue  forcée 
de  céder  au  roi  de  Numidie  une  nou- 
velle portion  de  son  territoire.  Plein 
de  confiance  dans  Tamitié  des  Romains, 
et  rassuré  d'ailleurs  par  l'approbation 
tacite  qu'ils  avaient  donnée  a  ses  pre- 
mières usurpations,  Massinissa  avait 
renouvelé  les  hostilités ,  et  il  avait  en- 
core enlevé  une  province  aux  Cartha- 
ginois. Ceux-ci  envoyèrent  des  ambas- 
sadeurs à  Rome  pour  porter  plainte 
contre  Massinissa.  Les  Romains  nom- 
mèrent des  arbitres  qui  prirent  con- 
naissance de  l'affaire,  mais  qui  ne  se 
prononcèrent  point.  Toutefois,  ils  lais- 
sèrent provisoirement  à  Massinissa  les 
terres  qu'il  avait  conquises.  Les  Car- 
thaginois protestèrent  longtemps  con- 
tre cette  odieuse  partialité.  En  effet, 
nous  savons  par  Tite-Live  que  deux 
ans  après  renvoi  des  commissaires,  les 
Romains ,  pour  apaiser  les  plaintes  de 
Carthage,  lui  rendirent  cent  otages 
et  lui  garantirent  la  paix  non  -  seule- 
ment avec  eux-mêmes,  mais  encore 
avec  Massinissa.  Pendant  quelques  an- 
nées, le  roi  de  Numidie  resta  fidèle 
aux  engagements  que  les  Romains 
avaient  pris  pour  lui;  mais  enfin  il 
ne  put  résister  au  désir  de  renouveler 
contre  les  Carthaginois  une  gUèrre  qui 
lui  procurait  de  si  grands  avantages. 
Il  réclama,  comme  sa  propriété,  une 
portion  de  territoire  connue  sous  le 
nom  de  Grandes-Plaines ,  et  une  pro- 
vince appelée  Tysca,  oh  l'on  comptait 
un  grand  nombre  de  villes.  Tandis  que 
les  Carthaginois  protestaient ,  au  nom 
de  la  justice,  contre  cette  nouvelle  pré- 
tention ,  Massinissa  s'empara  des  villes 
et  du  territoire. 

Par  le  traité  qui  avait  mis  fin  à 
la  deuxième  guerre  punique,  les  Car- 
thaginois se  trouvaient  tellement  en- 
chaînés qu'ils  ne  pouvaient  repous- 
ser la  ^olence  par  la  violence ,  et  re- 
courir aux  armes  pour  se  défendre 
contre  le  roi  de  Numidie.  En  effet ,  il 
ne  leur  était  pas  permis  de  faire  la 
guerre  au  delà  de  leurs  frontières  ;  et 
quand  bien  même  Rome  les  eût  auto- 
risés à  user  de  représailles ,  ils  étaient 
encore  liés  par  un  article  du  traité  qui 
leur  ordonnait  formellement  de  vivre 


en  paix  avec  les  alliés  du  peuple  ro- 
main. Carthage  ne  savait  que  trop 
bien  que  Rome  plaçait  Massinissa  au 
nombre  de  ses  alliés  les  plus  fidèles  et 
les  plus  dévoués.  Un  seul  moyen  res- 
tait aux  Carthaginois  :  c'était  de  porter 
leurs  plaintes  au  sénat  romain.  Les 
ambassadeurs  qu'ils  envoyèrent  alors 
demandèrent  pour  leurs  compatriotes 
Une  de  ces  trois  choses  :  ou  de  les  au- 
toriser à  discuter  avec  Massinissa  sur 
leurs  droits  respectifs  au. tribunal  d'un 
peuple  allié;  ou  de  leur  permettre 
d'opposer  à  une  injuste  agression  une 
défense  légitime  ;  ou  bien ,  enfin ,  si  là 
faveur  l'emportait  sur  le  bon  droit , 
de  déclarer  une  fois  pour  toutes  ce 
qu'on  voulait  leur  enlever  pour  le  don- 
ner à  Massinissa.  «  Si  l'on  ne  veut  ac- 
«  corder  aux  Carthaginois ,  ajoutèrent 
«  les  ambassadeurs,  aucune  de  ces  trois 
«  choses  ;  et  si,  depuis  la  paix  accordée 
«  par  Scipion ,  on  a  quelque  tort  à  leur 
«  reprocher,  i|  faut  agir  iranchemeht  à 
«  leur  égard,  ils  aiment  mieux  une  ser- 
«  vitude  tranquille  sous  la  domination 
«  des  Romains  qu'une  liberté  exposée 
«  aux  violences  de  Massinissa.  »  Ce  dis- 
cours achevé,  ils  se  prosternèrent  en 
pleurant ,  et  les  sénateurs  romains  ne 
purent  se  défendre  d'un  mouvement 
de  compassion.  On  jugea  convenable 
d'interroger  le  fils  du  roi  de  Numidie, 
Gulussa ,  qui  se  trouvait  alors  à  Rome. 
Gulussa,  qui  n'avait  aucun  moyen  de 
Justifier  la  conduite  de  Son  père,  ré- 
pondit que  Massinissa  ne  lui  ayant 
transmis  aucune  instruction,  il  ne 
pouvait  donner  les  explications  qui  lui 
étaient  demandées.  Le  sénat,  après 
çivoir  délibéré ,  décida  gue  Gulussa  re- 
tournerait en  Numidie  pour,  avertir 
son  père  d'envoyer  des  ambassadeurs 
chargés  de  répondre  aux  plaintes  des 
Carthaginois,  a  On  a  déjà  fait  beaucoup, 
disait  le  sénat ,  et  l'on  fera  plus  encore 
pour  récompenser  Massinissa  de  son 
attachement  sincère  ;  mais  on  respec- 
tera la  justice  et  Ton  n'accordera  rien 
à  la  faveur.  Les  Romains  désirent  que 
le  territoire  contesté  reste  à  son  pos- 
sesseur légitime ,  et  que  les  anciennes 
limites  tracées  entre  les  deux  États 
soient  respectées.  Ils  n'ont  pas  rendu 


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CA»TBA»e. 


109 


AUX  Gailhagiftûig  vaincus  leurs  villes 
«t  leur  territoire ,  pou?  leur  arracher 
par  violence,  durant  la  paix,  ce  qu'ils 
n'ont  pas  voulu  leur  enlever  par  le 
droit  de  la  guerre.  » 

On  pourrait  s'étonner  de  cette  déci' 
siou  impartiale  des  Romains,  si  l'on 
ne  savait  qu'au  moment  même  où  ils 
paraissaient  disposés  à  écouter  les 
plaintes  des  Carthaginois ,  ils  couraient 
de  grands  dangers.  Le  roi  de  Macé- 
doine, Persée,  avait  envoyé  des  am- 
bassadeurs aux  Carthaginois ,  et  il  leur 
avait  proposé  de  se  liguer  avec  lui  pour 
combattre  leurs  ennemis  communf. 
Ce  fut  alors  que,  pour  prévenir  cette 
redoutable  coalition ,  le  sénat  se  mon- 
tra juste  et  blâma  avec  quelque  sé- 
vérité les  agressions  de  Massinissa. 
Mais  quand  Persée  fut  vaincu ,  les  Ro- 
mains changèrent  de  langage,  et  ils  ne 
montrèrent  plus  le  même  empresse- 
ment pour  donner  satisfaction  aux  Car- 
thaginois. Us  envoyèrent,  il  est  vrai,  des 
commissaires  en  Afrique  (*)  ;  mais  ces 
commissaires  n'avaient  point  mission 
de  forcer  le  roi  de  Numiaie  à  restituer 
le  territoire  qu'il  avait  injustement 
usuc]^;  ils  proposèrent  seulement  à 
Massinissa  et  aux  Carthaginois  de  s'en 
remettre  à  leur  arbitrage.  Massinissa 
accepta  volontiers ,  parce  qu'il  ne  pou- 
vait que  gagner  à  un  jugement  pro- 
noncé par  les  Romains;  mais  les  Car- 
thaginois refusèrent.  Ils  disaient,  pour 
raison ,  que  le  traité  qui  avait  été  donné 
par  Scipion  n'avait  pas  besoin  de  com- 
mentaire, qu'on  devait  seulement  s'en- 
quérir de  ce  qui  avait  été  fait  contre 
ce  traité.  Cette  fois  encore ,  les  com- 
missaires envoyés  par  Rome  (quittèrent 
l'Afrique  sans  prononcer  un  jugement. 
Mais  il  était  facile  de  voir  que  la  ques- 
tion avait  été  tranchée  en  faveur  de 
Massinissa.  Dès  lors ,  le  roi  de  Numidie 
ne  cessa  de  susciter  aux  Carthaginois 
de  nouveaux  embarras.  Enfin,  par  ses 
attaques  sans  cesse  renouvelées,  il  les 
entraîna  dans  une  guerre  qui  devait 
amener  leur  ruine. 

ÉTAT  INTÉBIEUa  DB   CAHTHÀGE; 

C)  Caton  était  au  nombre  de  ces  com- 
missaires. 


PARTIS  QUI  BIVISBNT  LA  REPUBLI- 
QUE ;  CaRTH AGE,  A?B£S  LA  DEUXIEME 
GUERRE  PUNIQUE,  COJSSEHVE  EN- 
CORE ASSEZ  DE  PUISSANCE  POUR  INS- 
PIRER DES  CRAINTES  SERIEUSES  AUX 

Romains.  —  Il  n'y  eut  longtemps  à 
Carthage  que  les  deux  partis  qui,  à 
l'époque  de  la  deuxième  guerre  puni- 
que, avaient  eu  pour  chefs  Hannon  et 
Annibal.  Le  parti  d'Hannon,  comme 
pous  l'avons  dit,  représentait  l'an- 
cienne aristocratie  carthaginoise ,  et  le 
parti  d'Annibal ,  connu  dans  l'histoire 
sous  le  nom  de  faction  Rarcine,  était 
le  parti  populaire,  et  si  nous  en  jugeons 
par  ses  actes,  le  parti  vraiment  na- 
tional. Après  la  bataille  de  Zama,  la 
faction  Rarcipe  ne  perdit  rien  de  soq 
influence,  Annibal  était  revenu  à  Car- 
thage ,  où  sa  grande  renommée  lui  avait 
acquis  la  considération  de  tous  et  l'avait 
porté  aux  premières  dignités  de  la  ré- 
publique. Toutefois,  l'aristocratie  ne 
subissait  point  sans  peipe  la  supériorité 
de  la  faction  Rarcine.  Quand  Annibal 
voulut  introduire  dans  la  république 
d'utiles  réformes,  quand  il  attaqua  les- 
juges  ^ui  usaient  tyranniquement  du 
pouvoir  qui  leur  avait  été  confié ,  quan4 
il  força  à  une  restitution  ceux  qui 
avaient  dilapidé  les  trésors  de  l'État, 
les  premières  familles  de  Carthage  ^ 
parmi  lesquelles  se  trouvaient  les  ma- 
gistrats prévaricateurs,  lui  vouèrent 
une  haine  implacable.  Comme  le  parti 
aristocratique  ne  pouvait  triompher, 
par  la  force ,  de  la  faction  Rarcine,  il 
eut  recours  à  un  (odieux  moyen.  Il  en- 
tretint à  Rome  des  émissaires  qui  dé- 
nonçaient comme  attentatoires  aux 
traités  conclus  chacune  des  actions 
d'Annibal.  Les  Romains  accueillirent, 
sans  y  croire  peut-être,  les  délations 
de  l'aristocratie  carthaginoise  contre 
celui  dont  le  nom  seul  était  pour  eux  un 
objet  de  terreur.  Annibal,  on  le  sait, 
s'expatria  pour  échapper  à  ses  enne- 
mis. Privée  de  son  chef  et  obligée  de 
céder  aux  circonstances,  la  faction 
Rarcine  abandonna  te  pouvoir  au  parti 
aristocratique,  que  les  historiens  de 
l'antiquité  ont  justement  flétri  en  le 
qualifiant  de  parti  romain.  Rientôt| 
par  suite  des  succès  de  Massinissa  ^ 


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104 


L'UNIVERS. 


des  relations  fréquentes  des  Numides 
avec  Carthage,  il  se  forma  dans  la  ré- 
publique une  troisième  faction  :  celle- 
ci  favorisait  ouvertement  les  préten- 
tions du  roi  def Numidie ,  et  se  montrait 
non  moins  hostile  gue  l'aristocratie  au 
parti  vraiment  national. 

Rassurés  par  la  lutte  des  factions  et 
par  les  dissensionsqui  éclataient  chaque 
jour  au  sein  de  la  ville,  se  6ant  d'ail- 
leurs sur  la  vigilance  de  Massinissa, 
leur  fidèle  allié,  les  Romains  faisaient 
la  guerre  en  Espagne ,  en  Illyrie  et  en 
Grèce,  et  ils  attendaient  patiemment 
l'occasion  de  porter  le  dernier  coup  à 
la  puissance  carthaginoise.  Par  son  lan- 
gage et  par  ses  actes ,  Carthage  sem- 
blait encore  ôter  aux  Romains  tout 
sujet  de  crainte.  Elle  remplissait  ses 
engagements,  payait  exactement  le 
tribut  qui  lui  avait  été  imposé ,  et  quand 
-les  Romains  entreprenaient  une  guerre, 
elle  leur  prêtait  une  loyale  assis- 
tance (*).  Il  arriva  un  jour  à  Rome  des 
ambassadeurs  qui  annoncèrent  que  les 
Carthaginois  avaient  amassé  au  bord 
*de  la  mer  un  million  de  boisseaux  de 
blé  et  cinq  cent  mille  boisseaux  d'orge, 
et  qu'ils  étaient  prêts  à  les  faire  trans- 
porter où  il  plairait  au  sénat.  Les 
ambassadeurs  ajoutèrent  :  «  Ce  présent 
«  et  ce  service  sont  loin,  sans  doute, 
«  de  répondre  à  notre  bonne  volonté  et 
«  aux  bienfaits  du  peuple  romain;  mais 
«  vous  savez  que  dans  d'autres  temps 
«  et  lorsque  la  fortune  des  deux  peu- 
«  pies  était  également  prospère,  nous 
«  avons  maintes  fois  rempli  les  devoirs 
«  de  bons  et  fidèles  alliés.  »  Ce  langage 
abject  et  une  si  entière  soumission  en- 
tretenaient les  Romains,  à  l'égard  de 
Carthage,  dans  une  complète  sécurité. 
Mais  bientôt  leurs  craintes  se  réveil- 
lèrerit,  et  ils  portèrent  toute  leur  at- 
tention sur  cette  ville,  qu'après  la  ba- 
taille de  Zama  ils  croyaient  abattue  et 
privée  de  ses  dernières  ressources. 

Nous  avons  déjà  dit,  en  parlant  de 
la  contestation  qui  s'était  élevée  entre 
les  Carthaginois  et  Massinissa  au  sujet 

(*)  Pendant  la  guerre  contre  Pensée ,  les 
Carthaginois  avaient  envoyé  des  vaisseaux 
aux  Romains. 


de  la  province  de  Tysca  et  dti  territoire 
des  Grandes-Plaines,  que  les  Romains 
avaient  envoyé  des  commissaires  en 
Afrique.  Pour  pénétrer  jusqu'au  terri- 
toire qui  faisait  l'objet  du  débat,  ces 
commissaires  traversèrent  une  contrée 
qui  appartenait  aux  Carthaginois.  Ils 
virent  alors  des  campagnes  fertiles, 
embellies  par  une  savante  agriculture, 
et  où  l'on  rencontrait  d'immenses  ap- 
provisionnements. Après  avoir  rempli 
leur  mission ,  ils  entrèrent  à  Carthage. 
Là  ils  furent  frappés  d'étonnement.  En 
effet,  peu  d'années  s'étaient  écoulées 
depuis  la  victoire  de  Scipion,  et  cepen- 
dant Carthage  semblait  avoir  réparé 
toutes  ses  pertes.  Elle  brillait  par  ses 
richesses,  et  dans  ses  rues  circulait 
une  innombrable  population.  Les  com- 
missaires revinrent* à  Rome,  où,  rap- 
pelant leurs  impressions,  ils  racon- 
tèrent ce  qu'ils  avaient  vu.  «  Carthage , 
disaient-ils,  s'est  relevée  de  ses  dé- 
faites et  elle  a  repris  toutes  ses  forces. 
Dès  à  présent,  les  richesses  et  la  puis- 
sance de  cette  ville  ennemie  doivent 
nous  inspirer  des  craintes  sérieuses.  » 
Ce  fut  alors  que  Caton  laissa  tomber 
dans  le  sénat  des  figues  qu'il  portait 
dans  sa  toge.  Les  sénateurs  admiraient 
la  beauté  et  la  grosseur  de  ces  figues, 
lorsqu'il  leur  dit  :  «  La  terre  (jui  les 
produit  n'est  qu'à  trois  journées  de 
Rome.  »  Caton  ne  se  bornait  pas  à  faire 
des  allusions,  il  exprimait  ouvertement 
sa  pensée,  et  l'on  sait  qu'à  cette  épo- 
que il  terminait  tous  ses  discours  par 
ces  mots  :  «  J'opine  pour  la  destruction 
de  Carthage.  »  Il  trouva,  il  est  vrai, 
quelques  contradicteurs  dans  le  sénat, 
mais  la  majorité  de  l'assemblée  parta- 
geait ses  opinions.  La  destruction  de 
Carthage  fut  donc  résolue,  et  le  sénat 
romain  n'attendit  plus  qu^une  occasion 
favorable  ponr  mettre  son  projet  à 
exécution.  Cette  occasion  ne  tarda  pas 
à  se  présenter. 

Les  partisans  de  Massinissa 

SONT  EXPULSÉS  DE  CaRTHAGE  PAB 
LE  PARTI  DÉMOCRATIQUE  *,  GUERRE 
ENTRE  LES  CARTHAGINOIS  ET  LE  B0[ 
DE  NUMIDIE;  152-149  AVANT  NOTRE 

ÈRE.  —  Au  moment  même  où  les  Ro- 
mains préparaient  la  destruction  de 


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CARTHAGE. 


105 


Carthage ,  cette  ville  était  en  proie  à 
de  violentes  dissensions.  Vers  l'année 
152  le  parti  démocratique  l'emporta, 
et  fit  condamner  à  l'exil  quarante  ci- 
toyens qui  appartenaient  à  la  faction 
du  roi  Massinissa.  Dans  cette  circons- 
tance ,  le  peuple  s'engagea  par  serment 
à  ne  jamais  rappeler  ceux  qu'il  venait 
d'expulser.  Les  citoyens  bannis  se  re- 
tirèrent alors  en  Numidie  :1à  ils  pres- 
sèrent vivement  Massinissa  de  déclarer 
la  guerre  à  leurs  concitoyens.  Le  roi , 
dit  un  historien  ancien ,  cédant  moins 
aux  conseils  qu'on  lui  donnait  qu'à  sa 
propre  inclination ,  n'hésita  point  à 
s'engager  dans  une  nouvelle  lutte  con- 
tre les  Carthaginois.  D'abord  il  réso- 
lut d'envoyer  à  Carthage  ses  deux  fils 
Gulussa  etMicipsa,  pour  exiger  qu'on 
rappelât  ceux  de  ses  partisans  que  le 
peuple  avajt  bannis.  Gulussa  et  IVlicipsa 
touchaient  déjà  aux  portes  de  Carthage 
lorsqu'ils  apprirent  que,  par  ordre  des 
magistrats,  il  leur  étaît  défendu  d'en- 
trer dans  la  ville.  On  raconte  qu'à  leur 
retour,  les  fils  du  roi  de  Numidie  fu- 
rent attaqués  par  les  Carthaginois ,  et 
qu'après  avoir  vu  périr  plusieurs  hom- 
mes de  leur  escorte  ils  n'échappèrent 
qu'avec  peine  à  ceux  qui  les  poursui- 
vaient. Massinissa  profita  de  ces  cir- 
constances pour  s'emparer  de  la  ville 
d'Oroscope ,  qu'il  avait  respectée  jus- 
qu'alors, pour  ne  point  violer  trop  ou- 
vertement les  traités.  Une  tentative 
aussi  audacieuse  mit  fin  à  toutes  les 
hésitations  des  Carthaginois.  Ils  levè- 
rent quarante-cinq  mille  fantassins  et 
quatre  cents  cavaliers ,  et  ils  placèrent 
Asdrubal  à  la  tête  de  cette  armée. 

Asdrubal  se  mit  en  marche,  et  il  vit 
bientôt  ses  forces  augmentées  de  six 
mille  cavaliers  numides  qui  avaient* 
abandonné  le  camp  de  Massinissa.  Dans 
les  premiers  combats  qui  furent  livrés, 
les  Carthaginois  obtinrent  l'avantage. 
Mais^  Massinissa  usait  de  ruse,  et  par 
une  fuite  simulée  il  attira  peu  à  peu 
Asdrubal  et  son  armée  sur  un  terrain 
inculte  et  parsemé  d'un  grand  nombre 
d'éminences.  Le  roi  de  Numidie  resta 
alors  dans  la  plaine,  et  les  Carthaginois 
s'emparèrent  des  lieux  élevés,  croyant 
se  ménager  ainsi  une  forte  position. 


Enfin ,  il  y  eut  entre  les  deux  armées 
une  grande  bataille.  Pendant  cette  san- 
glante mêlée  qui  dura  un  jour  entier, 
Massinissa,  âgé  alors  de  quatre-vingt- 
huit  ans,  courait  à  cheval  parmi  Tes 
siens ,  remplissant  tout  à  la  fois ,  dit 
Appien ,  les  devoirs  du  général  et  du 
soldat.  Vers  le  soir,  la  victoire  était 
encore  douteuse  lorsque  les  deux  ar- 
mées  se  séparèrent. 

Le  jeune  Scipion  se  trouvait  à  cette 
bataille,  mais  il  n'y  prit  aucune  part  : 
il  se  tenait  à  distance,  sur  une  colline, 
et  de  là  il  suivait  avec  attention  les 
mouvements  des  deux  armées.Plus  tard, 
il  répéta  souvent  qu'il  avait  assisté  à 
de  nombreuses  batailles,  mais  qu'il  n'a- 
vait jamais  éprouvé  un  plaisir  aussi  vif 
que  dans  cette  journée,  où  il  avait  vu  aux 
prises  plus  de  cent  mille  combattants. 

Il  est  vraisemblable  qu'après  cette 
bataille  Asdrubal  conçut  des  craintes 
sérieuses  sur  l'issue  de  la  guerre ,  car 
il  pria  Scipion  dç  s'employer  pour  ré- 
tablir la  paix  entre  les  Carthaginois 
et  Massinissa.  Il  disait  que  Carthage 
était  prête  à  céder  une  portion  de- 
son  territoire  (*);  il  promettait  en 
outre ,  au  nom  de  ses  concitoyens ,  de 
faire  payer  à  Massinissa  mille  talents  : 
deux  cents  immédiatement,  et  huit 
cents  à  une  certaine  époque  que  l'on 
fixerait  d'un  commun  accord.  Le  roi 
de  Numidie  accepta  ces  propositions , 
mais  il  voulut  aussi  qu'on  lui  renvoyât 
ses  transfuges.  Sur  le  refus  des  Car- 
thaginois, les  négociations  furent  rom- 
pues. 

Alors  Massinissa  environna  d'un 
fort  retranchement  la  colline  sur  la- 
quelle se  trouvait  l'armée  d'Asdrubal. 
Il  intercepta  l'arrivée  des  convois ,  et 
il  fit  si  bonne  garde  que  les  Carthagi- 
nois, ne  pouvant  sortir  de  leur  camp 
pour  se  procurer  des  vivres,  furent 
bientôt  en  proie  à  une  horrible  famine. 
Quelques  jours  encore  après  la  bataille , 
Asdrubal  et  les  siens  auraient  pu  tra- 
verser les  rangs  de  l'armée  ennemie 
et  revenir  à  Carthage  ;  mais  ils  avaient 
appris  que  des  ambassadeurs  romains 

(*)  Suivant  Appien ,  c'était  le  territoire 
qui  56  trouvait  aux  environi  des  Emportes, 


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to« 


I/UNIVERS. 


g*étaient  rendus  auprès  de  Massinissa , 
et  ils  comptaient  sur  leur  intervention. 
Ils  furent  trompés  dans  leurs  espéran- 
ces ;  car,  dit  Appien ,  les  ambassadeurs 
romains  avaient  reçu  pour  mission  de 
mettre  6n  à  la  lutte  si  Massinissa  était 
vaincu ,  mais  d'encourager  ce  prince 
à  poursuivre  ta  guerre  s  il  était  vain- 
queur. Ces  premiers  moments  d'hési- 
tation perdirent  les  Carthaginois. 

Massinissa  redoubla  de  vigilance ,  et 
Varmée  assiégée  fut  réduite  aux  der- 
nières extrémités.  Quand  les  Carthagi- 
nois eurent  épuisé  les  vivres  qui  leur 
restaient,  ils  tuèrent  les  chevaux  et  les 
bêtes  de  somme.  Puis  ils  employèrent 
les  cuirs  pour  apaiser  la  faim  qui  les 
dévorait.  Les  chaleurs  de  Tété  se  fai- 
saient sentir  alors  dans  toute  leur  vio- 
lence. Les  mauvais  aliments,  l'inac- 
tion, une  brûlante  atmosphère  ne 
tardèrent  point  à  amener  la  peste  dans 
l'armée  carthaginoise.  Les  soldats,  ren- 
fermé3  dans  un  étroit  espace,  mouraient 
par  milliers;  et  l'odeur  qu'exhalaient 
les  cadavres  entassés  développait  et 
accroissait  de  jour  en  jour  la  terrible 
maladie.  Delà  la  plus  grande  partie  de 
l'armée  carthaginoise  avait  succombé , 
lorsque  Asdrubal  tenta  encore  une  fois, 
pour  se  sauver,  la  voie  des  négocia- 
tions. Massinissa  consentit  à  faire  la 
paix  aux  conditions  suivantes  :  «  Que 
les  Carthaginois  lui  rendraient  ses 
transfuges;  qu'ils  lui  payeraient  en 
cinquante  an^  cinq  cents  talents  d'ar- 
gent ;  qu'ils  s'engageraient  par  serment 
a  rappeler  les  citoyens  qu'ils  avaient 
bannis ,  et  que  les  soldats  qui  se  trou- 
vaient encore  dans  le  camp  assiégé  sor- 
tiraient un  à  un,  sans  armes,  et  qu'ils 
traverseraient  ainsi  son  armée.  »  As- 
drubal accepta  ces  dures  conditions. 
On  dit  que  Gulussa  tomba  à  l'impro- 
viste,  avec  ses  cavaliers  numides,  sur 
les  soldats  désarmés  qui  avaient  repris 
le  chemin  de  Carthage,  et  qu'il  les 
massacra. 

Dans  cette  guerre,  les  Carthaginois 
perdirent  cinquante -huit  mille  nom- 
mes (*).  II  n'y  eut  qu' Asdrubal ,  le  chef 

(*)  Asdrubal  n'eut  d'abord  avec  lui  que 
qoarante-cinq  mUle  hommes ,  mab  pendant 


de  l'armée ,  et  un  petit  nonobre  de  sol- 
dats, qui  revinrent  à  Carthqge ,  et  qui 
survécurent  à  un  si  grand  désastre. 

Les  Carthaginois  envoient  des 
ambassadeubs  poub  pbevenir  la 
colèbe  des  romains  ;  béponse  du 

SÉNAT  BOMAIN;UtIQCB  ABANDONNE 

l'alliance  de  Cabthage  ;  149 
AVANT  WOTBE  ÈBE.  —  Les  Carthagi- 
nois virent  bientôt  toute  l'étendue  du 
danger  qui  les  menaçait.  C'était 
moins  le  roi  de  Numidie  et  son  armée 
victorieuse  qu'ils  craignaient  alors, 
qu'un  autre  ennemi  bien  plus  redou- 
table. Ils  savaient  que  les  Romains 
prendraient  occasion  de  la  guerre  qui 
avait  été  faite  à  Massinissa ,  leur  fidèle 
allié,  pour  fqire  éclater  contre  Car- 
thage leur  vieille  inimitié  et  toute  leur 
animosité.  «En  cela,  dit  Appien,  ils 
ne  furent  point  trompés.  En  effet,  aus- 
sitôt que  les  Romains  eurent  appris  la 
défaite  des  Carthaginois,  ils  firent  des 
levées  dans  toute  Pltalie  ;  et ,  sans  dé- 
voiler leurs  projets,  ils  ordonnèrent  à 
leurs  soldats  de  se  tenir  prêts  à  partir.  » 
Les  Carthaginois,  de  leur  coté,  eu- 
rent recours  à  un  dernier  moyen  pour 
prévenir,  s*il  en  était  temps  encore,  les 
attaques  des  Romains.  Ils  condamnè- 
rent à  mort  Asdrubal ,  Carthalon ,  et 
quelques  autres  qui  s'étaient  ouverte- 
ment prononcés  pour  la  guerre  contre 
Massinissa.  Puis  ils  envoyèrent  des 
ambassadeurs  à  Rome ,  pour  déclarer 
que  les  seuls  coupables  étaient  ceux 
que  l'on  venait  de  condamner.  Dans 
le  sénat  romain,  on  répondit  aux  am- 
bassadeurs :  «  Pourquoi  n'avez  -  vous 
«  point  fait  cette  déclaration  au  com- 
«  mencement  de  la  guerre  ?  Pourquoi 
«  n'a vez-vous  condamné  Asdrubal  et  ses 
«  comphces  qu'après  la  victoire  de  Mas- 
«  sinissaet  votre  propre  défaite  ?»Pleins 
de  trouble,  les  Carthaginois  s'écrièrent 
alors  :  «  Si  vous  nous  croyez  coupa- 
«bles,  dites -nous  au  moins  comment 
«  nous  pouvons  obtenir  notre  pardon.» 
Le  sénat  ne  leur  dit  que  ces  mots: 
«  En  donnant  satisfaction  au  peuple 
«  romain.  »  On  interpréta  diversement, 

la  guerre ,  $on  armée  reçut  de  nombreux 
renforts. 


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CARTHAGE. 


107 


à  Carthage,  la  réponse  du  sénat  ro- 
main/Il  s'agissait,  suivant  les  uns, 
d'ajouter  de  nouvelles  sommes  au  tri- 
but imposé  par  Scipion,  et,  suivant 
les  autres ,  de  céder  à  Massfnîssa  le 
territoire  qu'on  lui  disputait.  EniQn, 
pour  mettre  un  terme  à  toutes  les  in- 
certitudes, on  résolut  d'envoyer  une 
seconde  ambassade.  Arrivés  à  Rome , 
les  Carthaginois  furent  introduits  dans 
le  sénat,  a  Que  devons-nous  faire ,  de- 
mandèrent-ils, pour  donner  satisfac- 
tion aux  Romains  ?  — -  Vous  le  savez ,  » 
dirent  les  sénateurs;  et  ils  renvoyèrent 
les  ambassadeurs  avec  cette  vague  ré- 
ponse. 

Une  triste  nouvelle  vint  porter  au 
comble  la  frayeur  des  Carthaginois. 
Utique,  qui  depuis  tant  de  siècles  était 
la  fidèle  alliée  de  Carthage,  avait  en- 
voyé des  ambassadeurs  à  Rome  pour 
déclarer  qu'elle  était  prête  à  recevoir 
la  domination  roifnaine.  Le  sénat  ac- 
cueillit avec  joie  la  soumission  volon- 
taire de  cette  ville,  qui  avait  de  bons 
Ï^orts  et  de  fortes  murailles;  et,  dès 
ors,  il  ne  cacha  plus  ses  projets  de 
guerre.  Il  donna  ordre  aux  deux  con- 
suls Manilfus  et  Censorinus  de  se  diri- 
ger vers  lltîque.  Les  consuls  avaient 
en  outre  une  mission  secrète  ;  c'était 
de  ne  point  terminer  la  guerre  avant 
d'avoir  détruit  Carthage.  Manilius  et 
Censorinus  partirent  avec  une  flotte 
considérable ,  et  bientôt  ils  arrivèrent 
en  Sicile. 

Les  Carthaginois  livrent  aux 
Romains,  pour  obtenir  la  paix, 

TROIS  CENTS  OTAGES  :ET  TOUTES 
LEURS  armes;  LES  CONSULS  EN  AFRI- 
QUE ;  PERFIDIE  DES  ROMAiNS;   149 

AVANT  NOTRE  ÈRE.  —  Lcs  Carthagi- 
nois n'étaient  point  préparés  à  la 
guerre.  Ils  avaient  perdu  récemment 
une  armée,  et,  depuis  l«ur  dernière 
défaite,  ils  n'avaient  point  encore  levé 
de  nouvelles  troupes.  Quant  à  leur 
ville,  elle  manquait  d'approvisionne- 
ments et  n^était  point  en  état  de  sou- 
tenir un  long  siège.  Ils  furent  donc 
forcés  de  recourir  aux  négociations. 
Ils  choisirent  pour  ambassadeurs  Gis- 
con ,  Amilear,  Mides,  Giilica  et  Magon, 
et  ils  leur  confièrent  des  pleins  pou- 


voirs. Quand  les  envoyés  carthaginois 
entrèrent  à  Âome ,  ils  apprirent  le  dé- 

Îart  de  l'armée  et  des  deux  consuls. 
Is  ne  balancèrent  point  alors,  et  ils 
annoncèrent  au  sénat  que  leurs  conci- 
toyens se  mettaient ,  eux  et  leurs  biens, 
à  la  discrétion  du  peuple  romain.  On 
leur  répondit  :  «  Puisque  vous  avez 
«  pris  cette  sage  résolution ,  le  sénat 
a  vous  laisse  votre  liberté ,  vos  lois  et 
<c  votre  territoire.  Toutefois,  aucune  de 
«  ces  choses  ne  vous  sera  accordée , 
«  si  vous  n'envoyez  à  Lilybée ,  avant 
«  un  mois ,  trois  cents  otages  pris  dans 
«  les  premières  fami  lies  de  la  république, 
«  et  si  vous  refusez  de  vous  soumettre 
«  aux  ordres  des  consuls.»  On  congédia 
ainsi  les  ambassadeurs,  et  en  même 
temps  on  fit  avertir  secrètement  Mani- 
lius et  Censorinus  de  ne  point  s'écar- 
ter des  instructions  qu'ils  avaient  re- 
çues. 

La  réponse  du  sénat  romain  fut  loin 
de  dissiper  les  craintes  des  Carthagi- 
nois. Ils  ne  savaient  à  quoi  se  résoudre , 
et  ils  hésitèrent  longtemps  avant  d'en- 
voyer à  Lilybée  les  otages  qu'on  leur 
avait  demandés.  Au  moment  où  les 
îeunes  gens  choisis  parmi  les  plus  no- 
bles familles  montèrent  sur  lés  vais- 
seaux qui  devaient  les  transporter  en 
Sicile ,  toute  la  ville  fut  plongée  dans 
la  tristesse.  Ceux  qui  avaient  payé  une 
part  du  funeste  tribut  pleuraient  et 
poussaient  des  cris  comme  dans  urt 
jour  de  funérailles ,  et  ce  qui  redoublait 
la  conimune  affliction ,  c'est  qu'on  pré- 
voyait bien  que  des  sacrifices  si  grands 
et  si  douloureux  ne  pourraient  apaiser 
les  Romains.  Enfin  les  vaisseaux  levè- 
rent l'ancre  et  se  dirigèrent  vers  la  Si- 
cile. Quand  les  otages  furent  livrés, 
les  consuls  refusèrent  encore  de  dé- 
voiler aux  ambassadeurs  carthaginois 
les  véritables  projets  du  sénat  romain; 
seulement  ils  leur  dirent  :  «  Vous  sau- 
rez à  Utique  ce  que  vous  avez  à  faire 
pour  obtenir  la  paix.  » 

Manilius  et  Censorinus  ne  tardèrent 

Ï>oint  à  passer  en  Afrique.  Ils  laissèrent 
eurs  vaisseaux  dans  le  port  d  Utique, 
et  ils  conduisirent  leurs  soldats  non 
loin  de  cette  ville,  à  l'endroit  même 
où,  vers  la  fin  de  la  deuxième  guerre 


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108 


L'UNIVERS. 


punique,  Scipîon  avait  campé;  c'est  là 
qu'ils  reçurent  les  ambassadeurs  car- 
thaginois. Censorinus  leur  dit  alors  : 
«  Livrez-nous  vos  armes.  Dès  aujour- 
«  d'hui ,  elles  sont  devenues  inutiles, 
«  puisque  vous  désirez  sincèrement  la 
«  paix.  »  Les  Carthaginois  se  résignè- 
rent à  ce  dernier  sacrifice;  seulement  ils 
déclarèrent  aux  Romains  qu'Asdrubal 
avait  rassembfé  vingt  mille  hommes, 
et  qu'ils  ne  pouvaient  contraindre  les 
soldats  de  cette  armée  à  livrer  leurs 
armes.  «  Laissez-nous  ce  soin,  ajoutè- 
«  rent  les  consuls,  et  retournez  a  Car- 
«  thage.  »  On  vit  bientôt  arriver  au 
camp  romain  d'innombrables  chariots 
tout  chargés  d'armes  et  de  machines 
de  guerre.  Ils  étaient  suivis  des  am- 
bassadeurs carthaginois  et  d'une  foule 
de  citoyens  qui  tenaient  un  rang  dis- 
tingué dans  la  république.  «  En  ce 
io«r,  dit  Polybe,  on  put  apprécier  toute 
la  puissance  de  Carthage,  car  elle  livra 
plus  de  deux  cent  mille  armures  et 
deux  mille  catapultes.  »  Se  croyant 
maîtres  déjà  d'un  ennemi  pris  au  dé- 
pourvu et  désarmé,  les  deux  consuls 
n'hésitèrent  plus  à  faire  connaître  la 
volonté  du  peuple  romain.  Censorinus 
s'adressa  aux  Carthaginois,  et  leur  fit 
entendre  ces  terribles  paroles  :  «  Aban- 
«  donnez  Carthage,  et  choisissez,  sur  le 
«  territoire  que  Rome  vous  a  laissé,  un 
«  emplacement  pour  y  transporter  vos 
«  demeures.  Toutefois,^ue  la  ville  nou- 
«  velle  soit  éloignée  de  la  mer  au  moins 
«  de  trois  lieues.  Rome  nous  a  envoyés 
«  pour  détruire  Carthage.»  Quand  Cen- 
sorinus eut  achevé,  les  Carthaginois 
donnèrent  tous  les  signes  de  la  plus 
vive  afniction.  Ils  pleuraient,  déchi- 
raient leurs  vêtements,  se  jetaient  à 
genoux,  et  invoquaient  les  dieux, 
qu'ils  prenaient  à  témoin  de  la  per- 
ndie  des  Romains.  Les  consuls,  pour 
échapper  à  de  si  justes  plaintes ,  et  pour 
ne  pas  voir  plus  longtemps  cette  scène 
de  douleur,  dirent  aux'  Carthaginois  : 
«  Hâtez-vous  d'obéir  aux  ordres  du 
«  sénat.  Retournez  promptement  à  Car- 
«  thage. Vous  n'avez  rien  a  redouter,  car 
«  vous  n'avez  point  encore  perdu  à  nos 
«yeux  lie  caractère  sacré  qui  défend  et 
«  protège  les  ambassadeurs.  »  Puis  ils 


ordonnèrent  aux  licteurs  d'éloigner  les 
Carthaginois. 

Les  ambassadeurs  reviennent  a 
Carthage;  ils  font  connaître  au 
sénat  la  réponse  des  consuls; 
tumulte  dans  la  ville;  les  car- 
thaginois se  préparent  a  sou- 
TENIR UN  siège;   149  AVANT  NOTRE 

ÈRE.  —  Se  fondant  sur  le  récit  d'Ap- 
pien,  quelques  historiens  ont  pensé, 
avec  raison  peut-être,  qu'il  y  avait  des 
traîtres  parmi  les  ambassadeurs  car- 
thaginois. En  effet,  Appien  nous  ap- 
prend qu'après  avoir  connu  la  volonté 
du  peuple  romain,  les  ambassadeurs 
s'approchèrent  des  consuls  et  leur  di- 
rent :  «  Si  vous  nous  abandonnez ,  nous 
serons  massacrés  par  nos  concitoyens 
avant  d'avoir  achevé  le  récit  de  notre 
mission.  Nous  vous  prions  de  diriger 
votre  flotte  vers  Carthage,  afin  que  la 
vue  de  vos  vaisseaux  vienne  en  aide  à 
nos  paroles,  et  fasse  comprendre  au 
peuple  la  nécessité  où  il  se  trouve  au- 
jourd'hui d'obéir  à  vos  ordres.  »  Cen- 
sorinus partit  alors  avec  vingt  galères . 
à  cinq  rangs  de  rames,  et  il  vint  croi- 
ser sur  la  côte  de  Carthage.  Parmi  les 
ambassadeurs,  il  y  en  eut  plusieurs 
qui  ne  furent  point  encore  assez  ras- 
surés par  cette  démonstration  du  con- 
sul et  qui  s'enfuirent  par  différents 
chemins;  les  autres  ne  balancèrent 
point  à  se  diriger  vers  la  ville  pour 
apporter  la  fatale  nouvelle  à  leurs  con- 
citoyens. 

A  Carthage,  on  attendait  avec  im- 
patience le  retour  de  ceux  qu'on  avait 
envoyés  au  camp  des  Romains.  Une 
partie  des  habitants  s'était  portée  sur 
les  murailles,  l'autre  se  tenait  sur  la 
route  d'Utique ,  afin  d'épier  le  moment 
de  leur  arrivée.  Ils  parurent  enfin.  Du 

f)lus  loin  qu'on  les  vit,  on  courut  à 
eur  rencontre.  La  démarche  des  am- 
bassadeurs et  la  tristesse  qui  était 
peinte  sur  leurs  visages  jetèrent  bien- 
tôt la  foule  qui  les  environnait  dans 
une  inexprimable  angoisse.  On  les 
abordait,  on  les  pressait  de  questions, 
mais  ils  avançaient  toujours  et  gar- 
daient le  silence.  Quand  ils  arrivèrent 
à  la  porte  de  la  ville ,  tout  le  peuple 
se  précipita  vers  eux.  Comme  ils  res- 


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CARTttAGE. 


109 


taient  silencieux,  on  voulut  les  massa- 
crer. Kffrayés  par  les  cris  et  les  me- 
naces qui  les  accueillaient  de  toutes 
parts,  ils  dirent  alors,  pour  échapper 
au  danger,  qu'ils  allaient  communi- 
quer au  sénat  les  nouvelles  qu'ils  ap* 
portaient.  Aussitôt  le  calme  sembla 
renaître;  les  flots  pressés  de  la  multi- 
tude s'ouvrirent  et  laissèrent  aux  am- 
bassadeurs un  libre  passage. 

Le  lieu  où  le  sénat  s'était  réuni  fut 
bientôt  environné  par  une  foule  im- 
mense. Quand  les  ambassadeurs  intro- 
duits dans  l'assemblée  firent  connaître 
les  ordres  des  consuls,  les  sénateurs 
poussèrent  un  cri  auquel  répondit,  du 
dehors,  la  voix  du  peuple;  puis,  au 
moment  où  tes  ambassadeurs  racontè- 
rent ce  qu'ils  avaient  dit  pour  fléchir 
les  Romains,  il  y  eut  un  morne  silence; 
enfin ,  quand  on  apprit  que  les  consuls 
ne  permettaient  pas  même  aux  Car- 
thaginois d'envoyer  à  Rome  une  am- 
bassade, les  sénateurs  firent  entendre 
un  nouveau  cri.  Le  peuple  en  fureur 
força  alors  l'entrée  du  sénat  et  se  pré- 
cipita au  milieu  de  l'assemblée. 

En  un  moment,  il  y  eut  dans  la  ville 
un  horrible  tumulte.  On  massacra  les 
sénateurs  qui  avaient  conseillé  de  li- 
vrer aux  Romains  les  trois  cents  otages 
et  toutes  les  armes;  on  poursuivit  à 
coups  de  pierres  les  ambassadeurs ,  et 
on  se  jeta,  pour  user  de  représailles, 
sur  les  Italiens  qui  se  trouvaient  alors 
à  Carthage;  puis  il  y  eut  un  ç;rand 
nombre  de  citoyens  qui  coururent  aux 
portes  et  aux  murailles  pour  les  dé- 
fendre contre  l'ennemi  que  l'on  atten- 
dait à  chaque  instant.  «  Toute  la  ville, 
dit  Appien,  était  pleine  de  larmes,  de 
fureur,  de  crainte  et  de  menaces.  » 

Dans  un  danger  si  pressant,  le  sénat 
carthaginois  se  montra  ferme  et  résolu  ; 
il  ordonna  à  tous  les  citoyens  de  se 
tenir  prêts  à  combattre,  et  par  un  dé- 
cret, qu'un  héraut  était  chargé  de  lire 
publiquement,  il  affranchit  les  escla- 
ves. On  eut  bientôt  rassemblé  de  nom- 
breux soldats.  Asdrubal(*),  qui  avait 
déjà  sous  ses  ordres  vingt  mille  hom- 

(*)  C'était  le  même  qui  avait  été  condamné 
à  mort  pour  avoir  fait  la  guerre  à  Massinissa. 


mes  complètement  armés,  fut  choisi 
pour  commander,  hors  des  murs  de 
Carthage,  les  troupes  de  la  république, 
et  un  autre  Asarubal,  petit-fils  de 
Massinissa  par  sa  mère,  fut  chargé  de 
veiller  à  la  défense  de  la  ville,  Cette 
généreuse  résolution,  chez  un  peuple 
qui  depuis  un  demi-siècle  avait  montré 
à  l'égard  de  ses  plus  cruels  ennemis 
tant  de  faiblesse  et  une  si  lâche  con- 
descendance, ne  pourrait  s'expliquer, 
si  Ton  ne  savait  que  la  révolution  qui 
venait  d'éclater  dans  la  république 
avait  remis  le  pouvoir  aux  mains  de 
ceux  qui  aimaient  sincèrement  leur  na- 
trie.  Quand  les  projets  odieux  des 
traîtres  vendus  à  Rome  et  à  Massinissa 
furent  dévoilés,  Carthage,  comme  au 
temps  de  la  guerre  d'Annibal ,  n'hésita 
point  à  confier  ses  destinées  au  parti 
démocratique.  Dès  lors,  elle  sembla 
se  ranimer  avec  toutes  ses  forces  pour 
engager  contre  ses  ennemis  un  dernier 
et  glorieux  combat. 

Les  Carthaginois  avaient  envoyé  au 
camp  romain  demander  une  trêve  de 
trente  jours.  Cette  trêve  ne  leur  fut 

Î)oint  accordée.  Le  refus  des  consuls, 
oin  de  les  abattre,  ne  fit  que  leur  ins- 
pirer une  nouvelle  audace.  Hommes 
et  femmes  se  précipitèrent  alors  dans 
les  temples  et  les  édifices  spacieux  pour 
les  transformer  en  ateliers.  Là,  ils 
travaillèrent  nuit  et  jour,  sans  relâche, 
à  la  fcîbrication  des  armes,  et  bientôt 
ils  eurent  en  nombre  suffisant  des  pi- 
ques, des  épées  et  des  boucliers.  Il  y 
eut  un  moment  où  l'on  manqua  de 
cordages  pour  les  machines  de  guerre; 
«  alors,  ait  Appien,  les  femmes  n'hé- 
sitèrent point  à  faire ,  pour  la  défense 
commune,  le  sacrifice  de  leurs  che- 
veux. >» 
Commencement  de  la  troisième 

GUERRE  PUNIQUE  ;  MâNILIÛs  ET  CeN- 
SORINUS  s'approchent  DE  CARTHA- 
GE ;  PREMIERES  OPERATIONS  DU  SIE- 
GE;   149  AVANT  NOTRE   ERE.  —  DcS 

événements  imprévus  avaient  arrêté 
Manilius  et  Censorinus.  Le  vieux  roi 
de  Numidie,  Massinissa,  n'avait  point 
vu  sans  douleur  les  Romains  descendre 
en  Afrique  pour  lui  arracher  une  con- 
quête qu'il  poursuivait  depuis  un  demi- 


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iiô 


L'UNIVERS. 


siècle.  Une  chose  surtout  l'avait  irrité, 
c'est  que  les  Romains  l'avaient  laissé 
dans  une  ignorance  complète  de  leurs 
desseins.  Il  témoigna,  par  ses  messa- 
ges, son  mécontentement  à  Manilius 
et  à  Censorinus  :  ceux-ci  étaient  donc 

f)eu  rassurés  sur  les  dispositions  de 
eurplus  fidèle  allié,  lorsqu'ils  reçurent 
des  courriers  qui  annoncèrent  que 
Massinissa  enverrait  des  secours  aux 
Romains,  et  qu'il  leur  prêterait, 
comme  par  le  passé ,  une  loyale  assis- 
tance. Les  consuls  avaient  encore  un 
autre  sujet  de  crainte;  ils  ne  se  procu- 
raient des  vivres  qu'avec  une  extrême 
difficulté,  et  ils  ne  recevaient  des  con- 
vois que  d'un  petit  nombre  de  villes 
situées  au  bord  de  la  mer.  Asdrubal 
tenait  toute  la  campagne,  et  il  ne 
cessait  d'envoyer  à  Carthage  d'im- 
menses approvisionnements.  Cepen- 
dant, après  plusieurs  jours  passés  dans 
l'incertitude,  Manilius  et  Censorinus 
prirent  enfin  la  résolution  de  venir 
attaquer  Carthage,  et  ils  se  dirigè- 
rent vers  cette  ville  avec  toute  leur 
armée. 

Carthage  était  bâtie  sur  une  pres- 
qu'île, entre  Utique,  au  nord-ouest, 
et  Tunis ,  au  sud-ouest.  Vers  le  conti- 
nent, la  ville  était  défendue  par  une 
triple  défense  :  un  fossé  bordé  d'une 
palissade ,  un  mur  d'une  hauteur  mé- 
diocre, et  un  autre  mur  d^une  éléva- 
tion considérable.  Du  côté  de  la  mer, 
il  n'y  avait  qu'une  simple  muraille. 
Au  nord,  se  trouvait  un  faubourg 
qu'on  appelait  la  Ville  neuve  ou  Mé- 
gara.  Un  mur  particulier  séparait  ce 
faubourg  de  l'ancienne  ville.' Au  sud 
de  Carthage  se  trouvaient  deux  ports  ; 
l'un  était  destiné  aux  vaisseaux  mar- 
chands ,  l'autre  aux  vaisseaux  de  guerre. 
Les  deux  ports  communiquaient  à  la 
mer  par  une  entrée  commune.  Il  fallait 
traverser  le  port  marchand  pour  ar- 
river au  port  militaire  ou  Cothôn.  La 
place  où  se  tenaient  les  assemblées  du 
peuple  était  située  près  du  Cothôn  ;  et 
non  loin  de  cette  place,  en  se  dirigeant 
vers  le  nord ,  on  rencontrait  la  cita- 
delle connue  sous  le  nom  de  Byrsa. 
Nous  devons  ajouter  encore,  afin  de 
rendre  plus  clair  le  récit  qui  va  suivre. 


?' 


ju'il  y  avait  au  sud  de  Carthage  une 
langue  de  terre  étroite  et  allongée  qui 
séparait  le  lac  de  Tunis  de  la  mer. 
Cette  langjue  de  terre  s'appelait  Tœnia. 
Au  point  de  jonction  de  la  Taenia  et  de 
la  presqu'île  où  est  bâtie  Carthage, 
s'élevait  un  mur  qui  n'était  pas  tres- 
élevé  et  qui  n'avait  qu'une  médiocre 
épaisseur.  C'était  l'endroit  le  plus 
faible  des  fortifications  de  Carthage(*). 

Arrivés  sous  les  murs  de  la  ville, 
les  deux  consuls  combinèrent  les  opé- 
rations du  siège.  Manilius  se  plaça  sur 
le  continent,  au  nord  de  Carthage,  non 
loin  vraisemblablement  de  la  porte 
d'Utique.  Censorinus  avec  la  flotte  se 
porta  a  l'extrémité  de  la  Taenia ,  vers 
la  partie  faible  de  la  muraille.  Manilius 
et  Censorinus  s'étaient  promis  une 
victoire  ajsée  :  ils  croyaient  Carthage 
dépourvue  d'armes 'et  de  soldats,  et 
déjà  ils  se  préparaient  à  livrer  l'assaut, 
lorsqu'ils  virent  sur  les  murailles  des 
hommes  bien  armés  et  qui  faisaient 
bonne  contenance.  Tant  de  résolution 
et  d'audace  chez  les  assiégés  étonna  les 
consuls.  Ils  furent  contraints  alors , 
pour  ne  point  s'engager  témérairement 
dans  une  périlleuse  entreprise,  de  pren- 
dre de  nouvelles  dispositions.  Enfin , 
après  quelques  moments  d'hésitation , 
ils  vomurent  tenter  l'assaut  et  ils  es- 
sayèrent une  double  attaque ,  mais  ils 
furent  repoussés  par  les  Carthaginois. 
Ce  premier  succès  accrut  encore  le 
courage  et  l'ardeur  des  assiégés. 

On  vit  bientôt  paraître  sur  les  bords 
du  lac  de  Tunis  l'armée  d' Asdrubal. 
Craignant  à  leur  tour  d'être"  envelop- 
pés et  assiégés,  Manilius  et  Censorinus 
fortifièrent  leurs  camps  et  s'y  tinrent 
renfermés  ;  obligés  de  se  prémunir 
contre  une  double  attaque ,  ils  furent 
forcés  de  ralentir  les  opérations  du 
siège.  Asdrubal,  en  effet,  surveillait 
tous  les  mouvements  des  armées  con- 
sulaires. Un  jour ,  Censorinus  ayant 
traversé  le  lac  de  Tunis  pour  se  procu- 
rer le  bois  nécessaire  a  la  construc- 
tion des  machines  de  guerre,  il  se  vit 

(*)  Nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  la  par- 
tie oe  notre  travail  que  nous  avons  consa- 
crée à  la  topographie  de  Carthage. 


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CÀRTHAGE. 


m 


attaqué  à  Fhnprovîste  par  Hf mîlcon , 
surnommé  Phamaeas,  général  de  la 
cavalerie  carthaginoise.  Le  consul  per- 
dit cinq  cents  hommes  dans  cette  ren- 
contre. 

Les  Romains  s'approchèrent  alors 
des  murs  de  la  ville  et  tentèrent  un 
nouvel  assaut,  mais  cette  fois  encore 
ils  furent  repoussés  par  les  Carthagi- 
nois. Cet  échec  fit  croire  à  Manilius 
que  du  côté  où  il  avait  établi  son  camp 
Carthage  était  inexpugnable ,  et  il  ne 
renouvela  point  ses  attaques.  Censo- 
rinus  ne  perdait  point  couras^ ,  et  il 
conservait  toujours  l'espoir  d'empor- 
ter la  ville  en  donnant  l'assaut  par  la 
Taenia.  Pour  rendre  plus  faciles  ses 
manœuvres,  il  élargit,  en  comblant  une 
partie  du  lac,  l'étroit  espace  où  cam- 
paient ses  soldats  ;  puis  il  fit  construire 
deux  énormes  béliers  pour  battre  la 
partie  fctible  des  murailles.  Mises  en 
mouvement  par  d'innombrables  mains, 
les  deux  machines  ouvrirent  bientôt 
une  large  brèclie.  Les  Carthaginois  ne 
restaient  point  inactifs  et  ils  relevaient 
pendant  la  nuit  la  partie  des  murailles 
qui  s'était  écroulée.  Mais  ils  ne  tardè- 
rent point  à  voir  que  le  travail  des 
nuits  était  insufGsant  pour  réparer 
toutes  les  brèches  que  les  machines  fai- 
saient pendant  le  jour;  alors  ils  s'é- 
lancèrent hors  des  remparts  avec  des 
torches,  et  ils  incendièrent  les  deux 
béliers.  Les  Romains,  à  leur  tour,  es- 
sayèrent de  pénétrer  dans  la  ville  par 
les  brèches  qui  n'avaient  point  été  ré- 

f tarées.  Ils  apercevaient  ae  loin ,  par 
'ouverture  des  murailles,  les  Cartha- 
ginois rangés  en  bataille,  et  cette  vue 
les  irritait;  ils  se  précipitèrent  sur  l'en- 
nemi qui  les  attendait  de  pied  ferme , 
et  une  lutte  terrible  s'engagea.  Enfin 
les  Romains  furent  repoussés  avec 
perte,  et  ils  couraient  déjà  le  danger 
d'être  massacrés  jusqu'au  dernier,  lors- 
que le  jeune  Scipion ,  qui  servait  dans 
rarinée  en  qualité  de  tribun,  s'avança 
avec  des  troupes  de  réserve,  et  assura 
par  ses  prudentes  dispositions  le  salut 
et  la  retraite  des  soldats  qui  fuyaient. 
On  était  en  plein  été ,  et  la  canicule 
faisait  ressentir  toutes  ses  ardeurs. 
Des  exhalaisons  pestilentielles  s'éle- 


vaient du  lae  de  Tuniâ,  où  se  trouvait 
la  flotte  romaine.  Déjà  les  équipages 
étaient  soumis  aux  malignes  influences 
de  la  saison,  lorsque  Censori nus  or« 
donna  aux  commandants  des  vaisseaux 
de  quitter  le  lac  pour  entrer  dans  la 
mer.  Les  Carthaginois  profitèrent  de 
cette  circonstance  ;  ils  observèrent  le 
vent  et  lancèrent  un  jour  des  brûlots 
contre  les  vaisseaux  rOinains.  La  flamme 
se  communiqua  à  plusieurs  galères ,  et 
peu  s'en  fallut  alors  que  toute  la  flotte 
ne  fût  incendiée.  Peu  de  temf>s  après 
ce  dernier  événement ,  Censorinus  fut 
rappelé  à  Rome  pour  assister  aux  co- 
mices où  l'on  devait  élire  les  nouveaux 
consuls. 

APAÈS  le  &BPÀRT  DE  CENSORI- 
NUS LES  Carthaginois  redoublent 
d'activité;  imprudence  du  con* 
suL  Manilius;  l'armée  romaine 

EST  SAUVÉE  plusieurs  FOIS  PAR  LE 

JEUNE  Scipion  ;  expédition  de  Ma» 

NILIUS  CONTRE  LE  CAMP  DE  JSÉPSE- 

Ris  ;  149  AVANT  NOTRE  ERE. —Quand 
les  Carthaginois  eurent  appris  le  dé- 
part de  Censorinus ,  leur  audace  s'ac- 
crut ,  et  ils  conçurent  le  hardi  projet 
d'attaquer  Manilius  dans  ses  retranche- 
ments. Ils  sortirent  de  nuit ,  et  ils  se 
précipitèrent  sur  le  camp  romain.  En 

§eu  de  temps  le  désordre  fut  au  comble 
ans  l'armée  de  Manilius.  Déjà  les 
Carthaginois  avaient  arraché  une  par- 
tie des  palissades,  lorsque  Scipion  les 
repoussa  avec  une  troupe  de  cavaliers , 
et  les  força  à  rentrer  dans  la  ville.  Au 
milieu  dû  tumulte,  le  jeune  tribun 
s'était  élancé  hors  du  camp  ;  il  avait 
tourné  l'armée  ennemie,  et  l'avait  îrt- 
taquée  par  derrière.  Effrayés  alors  par 
l'arrivée  imprévue  d'une  troupe  de  ca- 
vahers,  les  Carthaginois  avaient  pris 
la  fuite,  et  s'étaient  retirés  dennère 
leurs  murailles.  C'était  la  seconde  fois 
que  Scipion  sauvait  une  armée  ro- 
maine. 

Depuis  C9tte  vive  alerte,  le  consul 
Manilius  se  montra  vigilant  et  se  tint 
sur  ses  gardes.  Puis^  au  lieu  d'une 
palissade,  il  construisit  un  mur  autour 
de  son  camp.  Malgré  ces  précautions , 
l'armée  romaine  courait  encore  de 
grands  dangars.  Les  vivres  M  man- 


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112 


L'UNIVERS. 


quaient.  Les  convois  que  Ton  eavoyaît , 
par  mer,  à  Manilius,  étaient  souvent 
interceptés  par  les  Carthaginois.  Pour 
protéger  les  débarquements,  le  consul 
avait  fait  élever  un  fort  sur  la  côte  ; 
mais,  depuis  longtemps,  les  provisions 
qu'il  recevait  ne  pouvaient  lui  suffire. 
Il  réunit  alors  dix  mille  fantassins  et 
deux  mille  cavaliers,  et  il  leur  ordonna 
de  se  répandre  dans  les  campagnes 
pour  enlever  les  blés  et  le  fourrage. 
Ce  corps  d*armée  eut  bientôt  à  redou- 
ter les  attaques  de  Phamœas.  Le  géné- 
ral de  la  cavalerie  carthaginoise  se 
cachait  dans  les  vallées,  et,  lorsqu'il 
voyait  les  fourrageurs  romains  épars 
çà  et  là  dans  la  campagne,  il  se  préci- 

Îlitait  sur  eux ,  et  les  massacrait.  Parmi 
es  tribuns  qui  commandaient  à  tour 
de  rôle  les  soldats  qui  sortaient  du 
camp,  Scipion  était  le  seul  que  Pha- 
maeas  n'osât  point  attaquer.  En  effet, 
le  jeune  tribun  maintenait  ses  soldats 
dans  une  discipline  sévère;  il  ne  leur 
permettait  point  de  s'écarter  des  rangs  ; 
et ,  lorsqu'il  envoyait  une  troupe  pour 
couper  l'herbe  et  enlever  le  blé ,  il  fai- 
sait garder  les  fourrageurs  par  de  forts 
détachements  de  cavaliers  et  de  fan- 
tassins. Scipion  ne  tarda  point  à  rendre 
de  nouveaux  services  à  l'armée  ;  d'abord 
il  repoussa  les  Carthaginois  qui  avaient 
essayé  d'enlever  le  fort  que  le  consul 
avait  bâti  au  bord  de  la  mer;  ensuite 
il  sauva  Manilius  et  les  soldats  romains 
qui  s'étaient  im[)rudemment  engagés 
aans  une  expédition  contre  Asdrubal. 
Le  général  carthaginois  avait  établi 
son   camp  à  Néphéris.  C'était  de  la 

Î[u'il  envoyait  Phamaeas  pour  harceler 
es  soldats  romains.  Le  consul,  mal- 
gré les  avis  de  Scipion,  prit  un  jour 
la  résolution  d'attaquer  Asdrubal  dans 
ses  retranchements.  Il  se  mit  en  mar- 
che et  il  se  dirigea ,  à  travers  un  pays 
qui  lui  était  inconnu ,  vers  l'armée 
ennemie.  Les  Romains  n'étaient  plus 
séparés  du  camp  d'Asdrubal  que  par 
un  espace  de  trois  stades  lorsqu'ils 
rencontrèrent  un  fleuve.  En  cet  ins^ 
tant,  Scipion  conseilla  à  Manilius  de 
rétrograder.  Alors  quelques  -  uns  des 
triburts,  qui  étaient  jaloux  de  la  gloire 
de  ScipioD ,  s'écrièrent  que  fuir  à  Ta  vue 


de  l'ennemi ,  c'était  montrer  plus  de 
lâcheté  que  de  prudence.  «  Au  moins, 
ajouta  Scipion ,  restons  de  ce  côté  du 
fleuve ,  et  attendons  qu'Asdrubal  vienne 
nous  présenter  la  bataille.  »  Les  tri- 
buns repoussèrent  encore  cet  avis.  «  Si 
nous  devons  ici ,  dit  l'un  d'eux ,  obéir 
à  Scipion ,  et  non  point  au  consul ,  je 
suis  prêtée  jeter  mon  épée.  »  Apres 
cette  vive  altercation,  Manilius  passa 
le  fleuve.  Il  y  eut  bientôt  entre  les  Car- 
thaginois et  les  Romains  une  sanglante 
mêlée  ;  mais  il  est  vraisemblable  que 
l'avantage  ne  resta  point  aux  Romains, 
car,  immédiatement  après  la  bataille , 
ils  se  disposèrent  à  la  retraite.  Parmi 
eux,  dit  Appien,  il  y  en  avait  déjà  un 
grand  nombre  qui  se  repentaient  d'avoir 
donné  à  Manilius  le  conseil  d'entre- 
prendre cette  périlleuse  expédition. 
Au  moment  où  l'armée ,  en  se  retirant , 
arriva  aux  bords  du  fleuve ,  l'embarras 
fut  extrême,  car  on  ne  trouvait  qu'un 
petit  nombre  de  bateaux  pour  trans- 
porter les  soldats  d'une  rive  à  l'autre. 
Les  Romains,  craignant  alors  d'être 
attaqués  pendant  les  lenteurs  du  pas- 
sage ,  rompirent  leurs  rangs ,  et  bien- 
tôt ,  parmi  eux ,  le  désordre  fut  à  son 
comble.  Asdrubal  épiait  tous  leurs 
mouvements.  Quand  il  crut  l'instant 
favorable ,  il  se  précipita  sur  eux  et  en 
fit  un  grand  massacre.  Trois  tribuns 
des  légions  restèrent  au  nombre  des 
morts  ;  c'étaient  les  mêmes  qui  naguère 
avaient  conseillée  Manilius  de  persis- 
ter dans  son  dessein,  et  de  livrer  ba- 
taille aux  Carthaginois.  L'armée  ro- 
maine .courait  grand  risque  d'être 
exterminée  tout  entière ,  lorsque  Sci- 
pion ,  prenant^avec  lui  un  corps  de  ca- 
valerie, arrêta  l'ennemi  par  ses  habiles 
manœuvres.  Il  attira  sur  lui  tout  l'ef- 
fort des  (Carthaginois,  et  donna  le 
temps  aux  Romains  de  passer  sur  l'au- 
tre rive.  Le  consul  et  son  armée  se 
trouvant  ainsi  hors  du  péril ,  Scipion , 
avec  ses  cavaliers,  se  jeta  dans  le  ffeuve, 
au  milieu  d'une  grêle  de  traits ,  et  il 
parvint ,  non  sans  peine ,  à  rejoindre 
ceux  qu'il  avait  sauvés. 

Au  moment  où  Asdrubal  avait  com- 
mencé le  combat  \  quatre  cohortes  ro- 
maines avaient  été  séparées  du  gros 


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CARTHAGE. 


IIS 


de  Tarmée.  Pour  être  en  mesure  de  se 
défendre,  elles  s*étaient  retranchées 
sur  une  émincnce.  Là  elles  ne  tar- 
dèrent point  à  être  assiégées  par  toute 
Tannée  carthaginoise.  Les  Romains  ne 
s'aperçurent  qu'après  le  passage  du 
fleuve,  de  Fabsence  de  ces  quatre 
cohortes.  Le  consul  et  ses  soldats  turent 
alors  en  proie  à  de  vives  inquiétudes. 
Ils  ne  savaient  à  quoi  se  résoudre  : 
les  uns  voulaient  marcher  encore  une 
fois  à  l'ennemi  pour  délivrer  leurs 
compagnons  assiégés  ;  les  autres ,  au 
contraire ,  prétendaient  qu'en  essayant 
d'arracher  a  la  mort  un  petit  nombre 
d'hommes,  on  risquait  de  compro- 
mettre le  salut  de  l'armée  tout  entière. 
Déjà  ce  dernier  avis  semblait  préva- 
loir, lorsque  Scipion  dit  au  consul  : 
<c  Nos  soldats  courent  le  plus  grand 
danger,  et  nous  ne  devons  point  les 
laisser  périr.  C'est  maintenant  qu'il 
faut  avoir  recours  à  l'audace.  Si  vous 
voulez  me  conQer  une  partie  de  votre 
cavalerie,  j'essayerai  de  les  délivrer, 
ou  je  mourrai  avec  eux.  »  Quand  Sci- 
pion se  mit  en  marche  avec  la  troupe 
qu'il  avait  choisie,  l'armée  le  suivit 
des  yeux  avec  tristesse,  car  on  crai- 
gnait que  lui-même  ne  revînt  pas. 
Mais,  contre  toute  espérance,  il  déli- 
vra les  cohortes  assiégées ,  et  les  ra- 
mena au  camp  de  Manilius.  Par  sa 
noble  conduite ,  le  jeune  Scipion  s'at- 
tira l'admiration  des  soldats.  Ses 
louanges  étaient  dans  toutes  les  bou- 
ches. On  le  proclamait  le  digne  héri- 
tier de  Paul  Emile  son  père ,  et  des 
Scipions  qui  Tavaient  adopté.  On  di- 
sait même ,  et  c'était  l'opinion  com- 
mune dans  l'armée ,  qu'il  avait  pour 
conseiller  et  pour  protecteur  le  dieu 
qui  jadis  avait  accompagné  le  vain- 
queur d'Annibal ,  et  lui  avait  dévoilé 
les  secrets  de  l'avenir. 

Cependant  l'armée  romaine  conti- 
nuait sa  retraite  au  milieu  des  plus 
grands  dangers-,  car  Phamxas  la  sui- 
vait de  près  avec  sa  cavalerie ,  et  ne 
cessait  de  la  harceler.  Elle  croyait 
enfin  toucher  au  terme  de  ses  longues 
fatigues,  et  déjà  elle  se  préparait  à 
rentrer  dans  son  camp ,  lorsqu'elle  fut 
attaquée  inopinément  par  la  garnison 

8*  Livraison.  (Carthage.) 


de  Carthage.  Elle  livra  alors  un  nou- 
veau combat  dans  lequel  elle  perdit 
encore  plusieurs  soldats. 

MoBT  DE  Massinissa;  Gulussa 
vient  au  secoubs  des  romains  ; 
Manilius  entbepbend  une  seconde 
expedition  gontbe  le  camp  de 
néphébis;   phamikas  tbahit  les 

CaBTHAGINOIS    ET    PASSE    DANS    LE 

CAMP  DES  Romains;  Scipion  et 
PHAMifiAS  vont  a  Rome  ;  149  ET  148 
AVANT  NOTEE  EEE.  —  Sur  CCS  entre- 
faites, on  vit  arriver  en  Afrique  des 
commissaires  envoyés  par  le  séiiat  ro- 
main ;  ils  devaient,  à  leur  retour,  faire 
lin  rapport  fidèle  sur  l'état  de  l'armée 
et  sur  les  événements  qui  s'étaient 
accomplis.  Les  commissaires  examinè- 
rent tout  avec  soin  dans  le  camp  db 
Manilius,  Là,  ils  remarquèrent  le  sen- 
timent d'admiration  qu'inspirait  non 
point  seulement  aux  soldats ,  mais  en- 
core aux  tribuns  et  au  consul ,  la  con- 
duite de  Scipion.  Ils  revinrent  à  Rome« 
où  ils  firent  part  au  sénat  de  toutes 
leurs  observations.  Il  est  vraisemblable 
qu'après  ce  rapport,  les  Romains  con- 
çurent des  craintes  sérieuses  au  sujet 
de  la  guerre  d'Afrique ,  et  qu'ils  dou- 
tèrent du  succès  de  leur  entreprise, 
car  ils  envoyèrent  alors  des  ambassa- 
deurs à  Massinissa  pour  lui  demander 
des  secours  contre  les  Carthaginois. 
Quand  les  ambassadeurs  arrivèrent  en 
Numidie,  Massinissa  avait  cessé  de 
vivre ,  et  ses  trois  fils ,  Gulussa ,  Mi- 
ci  psa  et  Manastabal ,  s'étaient  partagé 
ses  vastes  États. 

Peu  de  temps  avant  sa  mo>t,  le 
vieux  roi  avait  mandé  Scipion,  et  l'avait 
chargé  de  régler  les  affaires  de  sa  suc- 
cession. Celui-ci  s'était  empressé  d'ac- 
courir pour  rendre  ce  dernier  service 
au  compagnon  et  à  l'ami  de  son  illustre 
aïeul.  Se  conformant  eux  intentions  de 
Massinissa  mourant,  Scipion  avait 
réglé  les  partages  au  gré  de  tous  les 
héritiers ,  et  après  s'être  acquitté  avec 
sagesse  des  fonctions  délicates  qu'il 
avait  acceptées,  il  était  revenu  avec 
Gulussa  au  camp  de  Manilius.  Les  Ro- 
mains ne  tardèrent  point  à  voir  qu'ils 
avaient  dans  le  jeune  roi  de  Numidie 
un  précieux  auxiliaire ,  car,  avec  ses 

8 


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114 


L'UNIVERS. 


cavaliers  agiles  et  expérimentés,  il  pré- 
venait toutes  les  ruses  de  Phamaeas, 
et  réprimait  ses  audacieuses  tentatives. 

Il  arriva  un  jour ,  pendant  l'hiver , 
que  Phamaeas  et  Scipion  eurent  ensem- 
ble un  entretien.  Ils  suivaient  l'un  et 
l'autre,  avec  leurs  soldats,  les  bords 
d'un  torrent,  et  ils  n'étaient  séparés 
que  par  le  courant  profond  et  rapide, 
lorsque  Scipion,  qui  redoutait  les  ruses 
du  général  carthaginois,  s'avança  en 
tête  de  sa  troupe  pour  reconnaître  les 
chemins.  Phamœas  ,  de  son  côté ,  se 
sépara  de  ses  soldats ,  et  courut  en 
avant,  accompagné  d'un  seul  cavalier. 
Scipion ,  persuadé  que  le  Carthaginois 
ne  cherchait  que  l'occasion  de  lui  par- 
ler, prit  avec  lui  un  de  ses  amis  et 
marcha  jusqu'à  un  endroit  d'où  il  pou- 
vait se  faire  entendre  de  Phamaeas  ;  il 
lui  cria  alors  :  «  Puisque  vous  ne  pou- 
vez sauver  Garthage,  pourquoi  ne 
point  songer  à  votre  propre  sûreté? 
—  Et  que  dois-je  espérer  des  Romains, 
dit  Phamaeas,  moi,  qui  leur  ai  fait 
tant  de  mal?  —  Vous  pouvez  tout  es- 
pérer, répondit  Scipion,  et  dès  au- 
jourd'hui je  m'engage,  au  nom  de  mes 
concitoyens,  à  vous  accorder  la  vie 
sauve  et  une  récompense.  —  Je  me  fie 
à  vos  paroles ,  répliqua  Phamaeas, 
Toutefois,  je  ne  veux  me  décider 
qu'après  mûre  réflexion.  Je  vous  ferai 
connaître  plus  tard  la  détermination 
que  j'aurai  prise.  »  A  ces  mots ,  Pha- 
maeas et  Scipion  rejoignirent  leurs  sol- 
dats. 

Cependant  le  consul  Manilius  voulait 
effacer,  par  un  éclatant  succès,  la 
honte  de  sa  première  expédition  contre 
JHéphéris.  Il  fit  donc  ses  préparatifs, 
et  après  avoir  ordonné  aux  soldats  de 
se  pourvoir  de  vivres  pour  quinze 
jours,  il  se  mit  en  marche  et  se  dirigea 
vers  le  camp  d'Asdrubal.  Cette  fois , 
Manilius  se  montra  plus  circonspect 
que  dans  sa  première  expédition,  mais 
il  ne  fut  pas  plus  heureux.  Quand  il  se 
trouva  en  vue  des  Carthaginois ,  il  ne 
tarda  pas  à  comprendre  aue  son  entre- 
prise devait  échouer,  et  oientôt  il  son- 
gea à  la  retraite.  Mais  le  consul ,  mal- 
gré ses  précautions ,  ne  pouvait  rétro- 
grader sans  courir  les  plus  grands 


dangers ,  et  il  redoutait  déjà  pour  son 
armée  les  attaques  d'Asdrubal.  Le  gé- 
néral et  les  soldats  étaient  en  proie  à 
la  crainte  et  à  la  honte,  lorsqu  un  des 
cavaliers  numides  de  Gulussa  apporta 
une  lettre  à  Scipion.  On  l'ouvrit  en 
présence  de  Manilius ,  et  on  y  Hit  ces 
mots  :  «  Je  me  trouverai  tel  jour  à  tel 
endroit  ;  je  vous  attends.  Dites  à  vos 
soldats  de  se  tenir  prêts  à  recevoir 
celui  qui  se  présentera  à  eux  pendant 
la  nuit.  »  Quoi(]ue  la  lettre  ne  fut  point 
signée ,  Scipion  comprit  aisément 
qu'elle  lui  avait  été  adressée  par  Pha- 
maeas. Au  jour  convenu ,  il  se  dirigea, 
avec  l'assentiment  du  consul,  vers  ren- 
droit  qui  lui  avait  été  désigné.  Il  y 
trouva  Phamaeas  qui  l'aborda  et  lui 
dit  :  a  Je  suis  prêt  à  passer  dans  votre 
camp;  c'est  à  vous  que  je  me  confie  y 
et  je  remets  mon  sort  entre  vos 
mains.  »  Après  un  court  entretien,  le 
général  carthaginois  rejoignit  les  siens. 
Le  lendemain ,  Phamœas  mit  sa  ca- 
valerie en  bataille,  puis  il  ordonna  aux 
ofllciers  de  sortir  des  rangs.  Quand  ils 
furent  rassemblés,  il  leur  parla  en  ces 
termes  :  «  Si  nous  pouvions  encore 
sauver  Carthage,  vous  me  verriez  ten- 
ter avec  vous  les  plus  grands  efforts 
pour  écarter  de  notre  malheureuse  pa- 
trie le  danger  qui  la  menace.  Mais  au- 
jourd'hui que  tout  espoir  est  perdu, 
j'ai  dû  songer  à  me  sauver  moi-même. 
Je  m'empresse  d'ajouter  que  je  ne  vous 
ai  point  oubliés.  Les  Romains  se  sont 
engagés  à  vous  accueillir,  vous  comme 
moi,  si  toutefois  vous  consentez  à 
suivre  mon  exemple.  Réfléchissez  à 
mes  parbles ,  et  voyez  ce  qu'il  vous 
reste  a  faire.  »  En  achevant  ces  mots, 
il  se  dirigea  vers  les  Romains,  suivi  de 
deux  mille  cavaliers.  Alors  Rannon, 
rassemblant  les  débris  de  la  troupe  de 
Phamaeas,  ramena  au  camp  d'Asdrubal 
les  soldats  qui  ne  s'étaient  point  laissé 
séduire  par  de  honteuses  promesses, 
et  qui,  au  jour  du  danger,  n'avaient 
point  désespéré  du  salut  de  Carthage. 
Quand  l'armée  romaine  vit  arriver  Sci* 
pion  accompagné  de  Phamaeas  et  des 
autres  transfuges ,  elle  s'avança  à  sa 
rencontre  et  l'accueillit  comme  un 
triomphateur.  La  Joie  du  consul  était 


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CARTHAGE. 


lit 


«itréme,  car  il  sentait  qu'il  pouvait 
continuer  sa  retraite  sans  crainte  d'être 
inquiété  p^r  les  Carthaginois.  Il  se  mit 
donc  en  marche  et  hâta  son  retour. 

Peu  de  temps  après  cette  expédition 
qui  avait  duré  vingt  jours  «  Manilius 
apprit  que  Calpurnius  Pison  avait  été 
choisi  pour  le  remplacer  dans  le  com- 
mandement de  l'armée.  Ce  fut  alors 
que  Scipion  partit  pour  Rome  avec 
Phamseas.  Les  soldats  accompagnèrent 
le  jeune  tribun  jusqu'à  son  vaisseau: 
ils  priaient  les  dieux  de  le  ramener  en 
Afrique,  car  lui  seul,  disaient-ils,  pou- 
vait détruire  Carthage.  A  Rome,  Sci- 
pion reçut  les  éloges  du  sénat.  Quant  à 
Phamaeas,  on  le  combla  de  présents,  et 
on  lui  fit  entendre  au'on  lui  donnerait 
bien  plus  encore,  s^il  restait  fidèle  aux 
nouveaux  engagements  qu'il  avait  con- 
tractés. Phamœas  fit  les  plus  grandes 
promesses^  et  il  ne  tarda  pas  a  partir 
pour  l'Afrique,  où  il  rejoignit  le  camp 
des  Romains. 

Le  consul  Calpubnius  Pison  et 
L.  Mancinus   viennent  prendre 

LE     COMMANDEMENT     DE     L'ABMÉB 

d'Afrique  ;  succès  des  Carthagi- 
nois ;  LES  FRÈRES  DE  GULUSSA  HÉ- 
sitent a  envoyer  des  secours  aux 
Romains;  troubles  a  Carthage; 
148  AVANT  NOTRE  ÈRE.  —  Au  Com- 
mencement du  printemps ,  on  vit  arri- 
ver en  Afrique  le  consul  Calpurnius 
Pison  et  L.  Mancinus  qui  avait  été 
choisi  pour  commander  la  flotte  ro- 
maine. L'armée  que  leur  laissa  Mani- 
lius était  si  faible  et  si  découragée, 
qu'ils  n'osèrent  point  attaquer  Car- 
thage ,  et  qu'ils  se  bornèrent  à  porter 
la  guerre  dans  la  contrée  qui  avoisinait 
le  camp.  Ils  vinrent  d'abord  assiéger 
par  terre  et  par  mer  la  ville  de  Clypea; 
mais  cette  première  tentative  ne  fut 
point  heureuse,  et  ils  furent  repoussés. 
Peu  de  temps  après ,  Pison  entra  dans 
une  ville  quMl  pilla,  malgré  la  promesse 
formelle  qu'il  avait  faite  aux  habitants 
de  respecter  toutes  leurs  propriétés. 
Ce  succès  lui  fut  plus  funeste  qu'utile, 
car  les  autres  cités  de  l'Afrique,  se 
défiant  de  la  parole  de  Pison ,  refusè- 
rent d'écouter  ses  propositions,  et  elles 
aimèrent  mieux  se  défendre  jusqu'à 


la  dernière  extrémité  qne  de  se  rendre. 
Calpurnius  Pison  se  dirigea  alors  aved 
son  armée  vers  Hippone.  Cette  villd 
avait  une  forte  citadelle^  de  bonnes 
murailles  et  un  excellent  port.  Située 
non  loin  de  Carthage  et  d'Utique ,  elle 
avait  pris  part  à  la  guerre ,  et  elle  in- 
terceptait cliaque  jour  les  convois  des 
Romains.  Le  consul  voulait  se  venger 
avec  éclat  sur  les  habitants  d'Hippone, 
et  il  espérait  en  outre  recueillir,  après 
la  prise  de  la  ville,  un  riche  butin. 
Mais  ses  espérances  furent  déçues. 
Les  assiégés  furent  vainqueurs  dans 
deux  sorties ,  et  avec  l'aide  des  Car- 
thaginois, ils  incendièrent  les  machines 
des  Romains.  Le  siège  d'Hippone 
dura  tout  i^té.  Pison,  désespérant 
enfin  d'emporter  la  place ,  se  retira  à 
Utique,  oiiilprit  ses  quartiers  d*hiver« 
La  fortune  semblait  favoriser  Car- 
thage. L'armée  d'Asdrubal  n'avait  en- 
core éprouvé  aucune  perte.  Le  consul 
Pison  n'avait  pas  été  plus  heureux  que 
ses  prédécesseurs  Manilius  et  Censo- 
rinus ,  et  au  moment  même  où  les  Ro- 
mains levaient  le  siège  d'Hippone ,  huit 
cents  cavaliers  numides  abandonnaient 
Gulussa  pour  s'enfuir  dans  le  camp  des 
Carthaginois.  De  plus,  ceux  que  Rome 
comptait  au  nombre  de  ses  alliés,  en 
Afrique,  commençaient  à  manifester 
une  grande  irrésolution.  Micipsa  et 
Manastabal,  frères  de  Gulussa,  n'a- 
vaient point  cessé  de  dire  qu'ils  étaient 
disposes  à  envoyer  aux  Romains  des 
armes  et  de  l'argent,  mais  ils  ne  se 
hâtaient  point  de  remplir  leurs  pro- 
messes ,  et  ils  attendaient  l'issue  des 
événements.  Alors,  les  Carthaginois 
sentirent  leur  courajgè  s'accroître,  et 
ils  purent  espérer  un  instant  d'échapper 
au  danger  qui  les  menaçait.  D'abord , 
ils  mirent  des  troupes  dans  les  pro- 
vinces voisines  de  Carthage;  puis,  ils 
répandirent  dans  toutes  les  parties  de 
l'Afrique  des  émissaires  qui  avaient 
pour  mi^ion  d'exciter  les  po|)ulations 
a  faire  la  guerre  aux  Romains.  Ces 
émissaires ,  qui  se  rendirent  aussi  au- 
près des  rois  Micipsa  et  Manastabal, 
disaient  que  les  Romains  n'étaient 
point  invincibles;  que  deux  fois  ils 
avaient  échoué  contre  Asdrubal,   à 

8. 


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116 


L'UNIVERS- 


]Néphéris,  et  que  naguère  encore  ils 
avaient  été  forcés  de  lever  le  siège 
d'HIppone.  Ils  ajoutaient  :  «  Vous  êtfes 
menacés  comme  nous,  car  si  Carthage 
succombe,  les  Romains  ne  tarderont 
point  à  porter  leurs  armes  victorieuses 
Risque  sur  votre  jjropre  territoire.  » 
Les  Carthaginois  firent  plus  encore: 
ils  envoyèrent,  s'il  faut  en  croire  Ap- 
pien,  des  ambassadeurs  en  Macédoine 
a  celui  qui  se  disait  le  fils  du  roi  Per- 
sée.  Ils  l'exhortèrent  à  poursuivre  avec 
ardeur  la  guerre  contre  les  Romains  , 
et  ils  s'engagèrent  à  lui  fournir  de 
l'argent  et  des  vaisseaux. 

Au  moment  même  où  les  Carthagi- 
nois déployaient  une  si  grande  activité 
et  manifestaient  hautement  leurs  espé- 
rances, des  querelles  intestines  agitaient 
la  république.  Asdrubal,  qui  deux  fois, 
àNéphéris,  avait  vu  échouer  l'armée  de 
Manilius ,  voulait  alors  devenir  le  ma- 
gistrat suprême  de  l'État  et  commander 
dans  Carthage.  Pour  réussir,  il  accusa 
le  chef  de  la  république ,  qui ,  comme 
nous  l'avons  dit  plus  haut,  s'appelait 
aussi  Asdrubal^  et  se  trouvait  lié  par 
les  liens  de  la  parenté  à  la  famille  de 
Massinissa,  d'entretenir  avecGulussa 
de  coupables  intelligences.  Quoique 
cette  accusation  fût  calomnieuse ,  dit 
un  historien  ancien,  le  premier  magis- 
trat de  Carthage  subit  le  châtiment 
réservé  aux  traîtres ,  et  fut  mis  à 
mort  (*). 

ËLECTION  DES  CONSULS  A  ROME  ; 
SCIPION    EST    PORTÉ    AU    CONSULAT 

l'ab  les  suffrages  unanimes  du 
peuple;  Mancinus  se  présente 
devant  les  murs  de  carthage  et 

DONNE    UN     assaut  ;    SCIPION ,    EN 

Afrique  ,  sauve  d'une  perte  cer- 
taine Mancinus  ET  SES  troupes;  147 
AVANT  NOTRE  ERE.  — La  nouvelledcs 
échecs  reçus  par  le  consul  Calpurnius 
Pison  jeta  la  crainte  dans  l'âme  des  Ro- 
mains. Ils  commençaient  à  croire  que 
Carthage  ne  pouvait  être  détruite,  lors- 
q^ue  tout  à  coup  le  souvenir  des  actions 
glorieuses  accomplies  par  Scipion  vint 

(*)  Nous  dirons  plus  bas  ce  qu'il  faut 
penser  du  témoignage  d*Appien ,  lorsque  cet 
nistorien  nous  parle  d' Asdrubal. 


les  rassurer.  A  Rome ,  les  citoyens  se 
racontaient  a  Tenvi  chacun  des  exploits 
du  jeune  tribun,  et  tous  disaient  que 
pour  terminer  promptement  la  guerre, 
il  fallait  élever  Scipion  au  consulat,  et 
l'envoyer  en  Afrique.  Lorsque  le  jour 
des  comices  fut  arrivé,  Scipion  brigua 
l'édilité,  mais  le  peuple,  d'une  voix 
unanime,  le  nomma  consul.  Ce  choix 
du  peuple  était  une  infraction  aux  lois, 
car  le  nouvel  élu  n'avait  point  encore 
atteint  l'âge  où  l'on  pouvait  parvenir , 
dans  la  republique ,  à  la  première  des 
dignités.  Toutefois ,  après  quelque  hé- 
sitation, le  sénat  ratifia  ce  qui  avait  été 
fait  dans  les  comices.  Scipion  reçut  le 
commandement  de  l'armée  d'Afrique, 
et ,  avant  son  départ,  il  fut  autorisé  à 
lever  en  Italie  et  ailleurs  de  nombreux 
soldats. 

Cependant ,  le  chef  de  la  flotte  ro- 
maine ,  L.  Mancinus,  s'était  approché 
de  Carthage  et  il  avait  essayé  de  s'em- 
parer de  la  ville  par  surprise.  Il  s'était 
f>orté  sur  un  point  des  murailles  que 
es  Carthaginois  négligeaient  de  gar- 
der, parce  que  cette  partie  de  l'en- 
ceinte était  défendue  par  une  cliaîne 
de  rochers  très-escarpés  et  par  une  mer 
semée  d'écueils  et  de  bas-fonds.  A  la 
vue  de  quelques-uns  de  leurs  compa- 
gnons qui  pénétraient  dans  la  ville, 
tous  les  soldats  de  la  flotte  de  Manci- 
nus s'élancèrent  impétueusement,  la 
plu{)art  sans  armes ,  vers  l'endroit  des 
fortiflcations  qui  avait  été  forcé.  Là 
ils  se  crurent  dans  une  forte  position 
et  ils  y  passèrent  la  nuit;  mais  bientôt 
ils  s'aperçurent  qu'ils  couraient  de 
grands  dangers  :  ils  manquaient  de 
vivres ,  et  ils  pensaient  avec  effroi  que 
les  Carthaginois ,  supérieurs  en  nom- 
bre, pouvaient  facilement  les  repous- 
ser et  les  précipiter  dans  la  mer  du 
haut  des  rochers.  Mancinus  se  hâta 
d'envoyer  quelques  hommes  à  Utique, 
pour  demander  à  Pison  de  prompts  se- 
cours. Les  craintes  des  Romains  étaient 
fondées,  car  le  lendemain,  au  lever  de 
l'aurore ,  ils  furent  attaqués  de  tous 
côtés  par  les  Carthaginois.  Mancinus 
comptait  à  peine  cinq  cents  hommes 
armés  parmi  ceux  qui  s'étaient  élancés 
avec  lui  pour  surprendre  la  ville.  Il 


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CARTHAGE. 


117 


soutînt  longtemps  le  cboc  des  assail- 
lants; mais  enOn  il  céda  du  terrain,  et 
déjà  il  allait  succomber  avec  les  siens 
lorsqu'on  aperçut  au  loin  sur  la  mer 
de  nombreux  vaisseaux. C'était  Scipion 

Î[ui  arrivait.  Il  avait  reçu  à  U  tique 
es  lettres  de  Mancinus,  et  il  s'était 
hâté  de  mettre  à  la  voile  et  de  se  di- 
riger vers  Carthage.  Quand  les  Cartha- 
ginois virent  approcher  cette  nouvelle 
flotte  romaine,  ils  revinrent  se  placer 
derrière  leurs  murailles,  et  Scipion  put 
recueillir  sur  ses  vaisseaux  Mancinus 
et  les  soldats  qui  l'avaient  suivi.  Man- 
cinus fut  renvoyé  en  Italie,  et  Serranus 
lui  succéda  dans  le  commandement  de 
la  flotte  romaine.  Alors  Scipion  réu- 
nit ses  troupes ,  et  il  songea  à  conti- 
nuer d'une  manière  suivie  et  régulière 
Je  siège  de  Carthage,  Pour  mettre  à 
exécution  le  projet  qu'il  avait  conçu , 
il  vint  camper  non  loin  de  cette  ville 
avec  toute  son  armée.  Les  Carthagi- 
nois, de  leur  côté,  s'avancèrent  hors 
des  murs  pour  prendre  position  en  face 
du  camp  romain ,  et  ils  ne  tardèrent 
point  à  voir  arriver  dans  leurs  retran- 
chements Asdrubal,  le  premier  de  leurs 
§énéraux ,  et  Bithya ,  transfuge  numi- 
e,  qu'ils  avaient  mis  à  la  tête  de  leur 
cavalerie.  Asdrubal  et  Bithya  ame- 
naient avec  eux  six  mille  fantassins 
et  mille  cavaliers  d'élite. 
Scipion  rétablit  la  discipline 

DANS  L'ABMEEfiOMAINE;  147  AVANT 

NOTRE  ÈRE.— Scipion,  à  son  retour  en 
Afrique ,  avait  remarqué  dans  ladisci- 

Ï)line  de  l'armée  romaine  un  funeste  re- 
âchement.  Sous  le  commandement  de 
Pison ,  les  soldats  s'étaient  habitués  à 
vivre  dans  le  désordre  ;  chaque  jour 
ils  sortaient  du  camp ,  contre  les  lois 
militaires,  pour  se  livrer  au  pillage  et 
à  la  rapine ,  et  chaque  jour  aussi  une 
multitude  d'étrangers  s'introduisaient 
dans  les  retranchements  pour  vendre 
ou  pour  acheter.  Puis ,  il  y  avait  sans 
cesse  entre  les  soldats  des  querelles , 
des  rixes  et  de  sanglants  combats.  Sci- 
pion porta  remède  au  mal ,  en  décla- 
rant que  les  moindres  fautes  seraient 
punies  par  des  châtiments  sévères.  Il 
chassa  alors  du  camp  ceux  qui  n'étaient 
point  enrôlés,  et  il  enleva  aux  soldats 


tous  les  objets  qui  n'étaient  propres 
qu'à  les  corrompre  et  à  les  amollir. 
Après  avoir  rétabli  dans  son  armée 
l'ordre  et  la  discipline ,  Scipion  réso- 
lut enfin  de  diriger  une  attaque  contre 
les  murs  de  Carthage. 

Scipion  prend  le  faubourg  de 
Megara;  les  soldats  carthagi- 
nois SE  RÉFUGIENT  DANS  LE  QUAR- 
TIER DE  LA  citadelle;  147  AVANT 

NOTRE  ÈRE.  r—  «  Pendant  la  nuit,  dit 
Appien  (*),  et  quand  l'ennemi  ne  s'y  at- 
tendait pas,  Scipion  dirigea  une  double 
attaque  contre  la  partie  de  Carthage 
qu'on  appelaitMégara.C'estunquartier 
très-grand  qui  est  contiçu  aux  murs 
extérieurs.  Ayant  envoyé  des  troupes 
pour  attaquer  sur  un  pomt,  il  se  porta 
lui-même  à  vingt  stades  de  distance, 
avec  des  haches ,  des  échelles  et  des  le- 
viers ,  en  gardant  le  plus  profond  si- 
lence. Les  sentinelles  carthaginoises 
placées  sur  les  murs  de  Mégara ,  aver- 
ties de  son  approche ,  ayant  poussé  le 
cri  d'alarme,  son  corps  d'armée  et  ce- 
lui qui  faisait  la  fausse  attaque  y  ré- 
pondirent par  un  cri  terrible.  *  Les 
Carthaginois  furent  effrayés  de  voir, 
la  nuit,  tant  d'ennemis  les  assaillir  de 
deux  côtés  à  la  fois.  Cependant  il  ne  put 
s'emparer  des  murs ,  malgré  tous  ses 
efforts.  Heureu  sèment  u  ne  tour  déserte, 
située  hors  des  murs  qu'elle  égalait 
en  hauteur,  s'élevait  à  peu  de  distance 
de  leur  enceinte.  Scipion  y  fait  monter 
de  jeunes  soldats  intrépides  qui ,  avec 
des  solives  et  des  planches  appuyées 
sur  la  tour  et  le  mur,  forment  un 
pont,  renversent  l'ennemi  qui  défen- 
dait la  muraille,  s'en  emparent,  sau- 
tent dans  Mégara,  et  après  avoir  brisé 
une  des  portes  y  introduisent  Sci- 

(*)  Pour  certains  détails  du  siège  nous 
reproduii*ODs  fidèlement  le  récit  d'Appien. 
Comme  les  passages  de  ce  récit  qui  servent 
à  déterminer  la  position  des  différents  quar- 
tiers de  la  ville  assiégée  et  des  lieux  qui 
Tavoisineut,  ont  été  rendus  avec  une  scru- 
puleuse exactitude  par  M.  Dureau  de  fa 
Malle ,  nous  nous  proposons  de  citer  quel- 
quefois les  excellentes  traductions  aue  Ton 
rencontre  dans  les  Recherclœs  sur  ta  topo-^ 
grapïùê  de  Carthage, 


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tl8 


L'UNIVERS. 


pion.  II  y  entre  avee  quatre  mille  hom* 
mes ,  et ,  par  une  prompte  fuite ,  les 
Carthaginois,  comme  si  le  reste  de  la 
ville  était  pris,  se  sauvent  dans  Byrsa. 
Les  cris  des  prisonniers ,  le  tumulte 
qu'ils  entendaient  derrière  eux,  ef- 
irayèrent  tellement  les  Carthaginois  qui 
étaient  dans  le  camp  retranché ,  hors 
des  murs,  qu'ils  abandonnèrent  aussi 
cette  position  et  se  réfugièrent  avec 
les  autres  dans  la  citadelle.  Mais  comme 
le  faubourg  de  Mégara  était  rempli  de 
jardins  plantés  d'arbres  fruitiers ,  se* 
parés  par  des  clôtures  en  pierres  sè- 
ches, des  haies  vives  d'arbustes  épi- 
neux, et  coupés  par  de  nombreux  canaux 
profonds  et  tortueux ,  Scipion ,  crai- 
gnant de -s'engager  dans  ce  terrain 
difficile  dont  les  voies  étaient  incon- 
nues aux  Komains,  et  où  l'ennemi,  à 
la  faveur  de  la  nuit,  pouvait  lui  dres- 
ser une  embuscade ,  s'arrêta  et  lit 
sonner  la  retraite.  » 

ASDBUBAL  MÀSSÀGBE  LES  PBISON- 
mSBS  BOIAAINS;  MOYENS  EMPLOYÉS 
PAB  AÇBBUBiX  P0UBI>0MIN£B  DANS 
LA  VILLE  ;  SCIPION  ENLEVE  AUX  CaB- 
1EA6INOIS    TOUTE  COMMUNICATION 

ÀYEC  LE  continent;  famine  a  Cab- 

THAOE  ;  147  AVANT  NOTBE  ÈBE.  — 

X<e  lendemain,  quand  le  jour  ^rut, 
Asdrubal,  à  la  vue  des  ennemis  qui 
campaient  dans  Mégara ,  fut  en  proie 
à  la  douleur  et  à  la  colère,  il  rassembla 
alors  les  soldats  romains  qui  avaient 
été  pris  pendant  la  guerre»  et  après  les 
avoir  livrés  à  d'hoiribles  mutilations , 
il  les  fit  précipiter  du  haut  des  mu- 
railles. Il  croyait  sans  doute ,  dit  l'his- 
torien du  siège,  enlever  ainsi  à  ses 
concitoyens  tout  espoir  de  traiter  avec 
les  Romains  ;  mais  cette  horrible  exé- 
cution n'eut  point  le  résultat  qu'il  at- 
tendait. Asdrubal  s'aperçut  bientôt 
qu*il  avait  soulevé  contre  lui  de  vio- 
lentes haines.  On  lui  reprocha  même, 
en  plein  sénat,  d'avoir  montré,  en 
égorgeant  ses  prisonniers,  plus  àe 
cruauté  que  de  prudence.  Pour  étouf- 
fer les  plaintes  des  mécontents,  il  fit 
tuer  ceux  qui»  parmi  les  sénateurs,  se 
déclaraient  ses  adversaires  et  blâmaient 
sa  conduite.  Dès  lors»  il  régna  dans  la 
ville  par  la  terreur. 


<c  Cependant,  ajoute  Appien ,  après 
la  prise  de  Mégara,  Scipion  fit  brûler 
le  camp  retranché  que  les  Carthaginois 
avaient  abandonné  la  veille,  lorsqu'ils 
s'enfuirent  dans  la  ville,  et  maître  de 
tout  l'isthme  (*) ,  il  le  côupa  par  un 
fossé  prolongé  d'une  mer  à  l'autre,  qui 
ne  s'éloignait  pas  des  murs  ennemis 
de  plus  d'une  portée  de  trait.  Les  as- 
siégés l'inquiétaient  toujours  dans  cette 
opération  où  le  soldat,  sur  un  dévelop- 
pement de  vingt-cinq  stades,  devait 
tour  à  tour  travailler  et  conibattre.  Ce 
fossé  achevé  (qui  était  la  circonvalla- 
tion)y  il  en  fît  un  autre  de  même 
graadeur  à  une  faible  distance  {la  con- 
trevallation)^  qui  regardait  le  continent 
de  l'Afrique;  il  y  ajouta  deux  fossés 
transversaux  qui  donnèrent  à  l'ouvrage 
total  la  forme  d'un  parallélogramme,  et 
les  hérissa  tous  de  palissades.  Derrière 
les  palissades  s'élevait  Yagger.  Du  côté 
qui  regardait  Carthage ,  il  construisit 
un  mur  dans  toute  la  longueur  des 
vingt-cinq  stades,  de  douze  pieds  de 
haut,  sans  les  parapets  et  les  tours 
qui  flanquaient  la  courtine  par  inter- 
valle. La  largeur  du  mur  était  moitié 
de  la  hauteur.  Au  milieu ,  était  une 
tour  en  pierre  très-haute,  surmontée 
d'une  tour  de  bois  à  quatre  étages, 
d'où  la  vue  plongeait  dans  la  ville.  Il 
acheva  cet  ouvrage  en  vingt  jours  et 
vingt  nuits.  Toutes  les  troupes  y  fu- 
rent employées,  les  soldats  se  relayant 
tour  à  tour  pour  travailler  et  se  battre, 
pour  manger  et  pour  dormir.  » 

Dans  ces  lignes,  l'armée  romaine 
trouva  une  forte  position  contre  l'en- 
nemi. De  plus,  en  coupant  l'isthme 
dans  toute  sa  longueur,  Scipion  obtint 
un  important  résultat;  il  empêcha  l'ar- 
rivée des  convois  qui ,  par  la  route  du 
continent,  avaient  fourni  jusqu'alors 
d'abondantes  provisions  aux  Carthagi- 
nois assiégés.  Une  grande  famine  ne 
tarda  pas  a  se  faire  sentir  à  Carthage. 
Les  habitants,  qui  ne  pouvaient  percer 
les  lignes  de  Scipion  pour  rétablir  leurs 
conmiunications  avec  le  continent ,  ne 
se  procuraieiU  des  vivres  qu'avec  une 

("^  Voyci  plus  bas  la  Topographie  de 
Cartilage. 


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CARTHAGE. 


119 


extrême  difficulté.  Us  étaient  forcés  de 
sortir  avec  leurs  vaisseaux,  et  de  faire 
un  long  détour  pour  prendra  au  loin  , 
sur  le  rivage ,  les  provisions  aue  leur 
amenait  k  grand'peme  Bithya,  le  géné- 
ral de  leur  cavalerie.  Encore  ces  cour- 
ses ne  se  faisaient  point  sans  danger , 
car  il  fallait  que  les  vaisseaux ,  à  leur 
départ  et  à  leur  arrivée ,  évitassent  la 
flotte  romaine  qui  croisait  devant  la 
ville;  D'un  autre  côté,  Carthage  ne 
pouvait  tirer  aucun  secours  des  pays 
étrangers.  Depuis  le  commencement  de 
la  guerre,  son  commerce  avait  été 
anéanti,  et  les  marcliands  n'osaient 
plus  pénétrer  dans  ses  ports.  Les  con- 
vois qui  arrivaient  par  mer  ne  pou- 
vaient subvenir  à  tous  les  besoins,  et 
Asdrubal  se  vit  bientôt  forcé  de  ne 
distribuer  des  vivres  qu'aux  trente 
mille  soldats  qu'il  avait  choisis  pour 
combattre.  Alors  la  population  de 
Carthage  qui,  pendant  la  guerre,  s'était 
encore  accrue  des  habitants  de  la 
campagne ,  fut  en  proie  à  d'effroyables 
souffrances. 

ASDRUBAL     ESSAIE    DE    TBAITER 

AVEC  LES  Romains  ;  son  enteeyue 
AVEC  Gulussa;  béponse  de  S€I- 
piow;  147  avant  notes  èbe.  — 
Pressé  de  tous  côtés  par  l'ennemi ,  en- 
vironné d'une  foule  immense  dont  les 
maux  déjà  si  grands  et  si  profonds 
s'aggravaient  sans  cesse  <,  Asdrubal 
perdit  courage.  Ce  fut  alors  que,  sans 
espoir  de  réussir ,  il  eut  recours  aux 
négociations.  Il  s'adressa,  non  point 
directement  à  Scipion ,  mais  au  roi  de 
iVumidie,  Gulussa,  et  il  lui  demanda 
une  entrevuel  Appien  ne  parle  point 
de  ces  négociations  ;  mais  Polybe,  qui 
se  trouvait  dans  le  camp  romain  à 
l'époque  du  siège  de  Carthage ,  les  ra:^ 
conte  avec  assez  d'étendue.  Nous  don- 
nons ici  la  curieuse  narration  de  ce 
dernier  historien  (*)« 

«  Asdrubal,  le  chef  des  Carthaginois, 
était  on  homme  vain,  rempli  die  jac* 

(*)  Fragments  du  livre  xxxix.  —  Comme 
Ap|ri«n,  dans  ses  Punîqueif  n'a  fait  que  re« 
produire  le  récit  de  Polybe,  il  y  a  lieu  de 
bétonner  qu'il  n'ait  pas  même  mentiooDé 
ycaireviie  d'A&drubal  et  de  GolnsM. 


tance,  et  qui,  en  toutes  circonstances, 
se  montrait  dépourvu  des  qualités  que 
possèdent  ordinairement  ceux  qui 
veulent  commander  et  dominer  dans 
une  république.  Voici ,  entre  plusieurs 
autres,  un  exemple  de  sa  vanité.  Quand 
il  arriva  au  lieu  désigné  à  Gulussa 
pour  l'entrevue,  il  parut  armé  complè- 
tement et  couvert  d'un  riche  manteau 
de  pourpre.  Il  s'était  fait  accompagner 
par  dix  soldats.  Cependant  il  laissa  ses 
gardes  derrière  lui ,  à  vingt  pas  envi- 
ron ,  et  du  bord  du  fossé  qui  le  proté- 
geait y  par  un  signe  qu'il  devait  plutôt 
attendre  que  donner,  il  fit  comprendre 
au  roi  de  Numidie  qu'il  pouvait  appro- 
cher. Gulussa,  au  contraire,  vint  à 
l'entrevue  sans  escorte,  et  vôtu,  suivant 
l'usage  des  Pïumides ,  avec  la  plus 
grande  simplicité.  Lorsqu'il  fut  près 
a  Asdrubal,  il  lui  demanda  pourquoi  il 
s'était  couvert  d'une  cuirasse  et  muni 
de  toutes  ses  armes  :  «  Qui  donc  crai- 
gnez-vous? lui  dit-il.  —  je  crains  les 
Romains,  reprit  le  Carthaginois.  -^ 
Je  le  vois  bien ,  repartit  Gulussa,  car, 
s'il  en  était  autrement ,  vous  ne  reste- 
riez pas ,  sans  cause ,  enfermé  dans 
votre  ville.  Mais  enfin,  que  souhaitez^ 
vous  de  moi?  —  Je  vous  prie,  dit  As- 
drubal,  d'être  notre  intercesseur  aii- 
Î>rès  du  général  romain.  Vous  pouvez 
ui  promettre ,  au  nom  de  tous  mes 
concitoyens,  que  s'il  épargne  Carthage 
^t  la  laisse  subsister,  il  trouvera  en 
nous  une  entière  soumission.  »  Gu- 
lussa se  prit  à  rire,  et  s'adressant  au 
chef  cartnaginois  :  «  Vos  paroles  sont 
des  paroles  d'enfant.  Quoi!  dans  Tétat 
déplorable  oii  vous  êtes,  assiégés  par 
mer  et  par  terre ,  n'ayant  plus  de  res- 
sources et  ne  conservant  pas  même 
des  espérances,  vous  n'avez  pas  d'au- 
tres {HTopositions  à  faire  que  celles 
qu'on  a  rejetées  à  Vtique ,  avant  le 
si^e?  —  Nos  alfaires  ne  sont  point 
aussi  mauvaises  que  vous  le  pensez , 
répondit  Asdrubal.  !Nos  alliés  arment 
au  dehors  pour  notre  défense  (*) ,  et 

(*)  Polybe  ajoute  :  il  ne  savait  pas  ce  qui 
yéitùtpassé  tUmê  la  JUtturitam^,  ^oits  if  Do- 
rons aussi  les  événements  qiu  s'étaient  ae- 
complis  alprs  dans  cette  partie  de  l'Afriqttf • 


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110 


L'UNIVERS. 


les  troupes  que  nous  avons  placées  sur 
différents  points  de  notre  territoire , 
n*ont  point  encore  été  attaquées.  Mais 
c'est  surtout  dans  les  dieux  que  nous 
mettons  notre  confiance.  Ils  sont  trop 
justes  pour  ne  point  nous  venger  de  la 
perfidie  des  Romains.  Dites  au  consul, 
je  vous  prie,  que  même  après  ses  bril- 
lants succès,  les  dieux  et  la  fortune 
peuvent  faire  triompher  notre  cause. 
Enfin ,  dites-lui  que  les  Carthaginois 
ont  pris  la  résolution  de  se  faire  mas- 
sacrer jusqu'au  dernier  plutôt  que  de 
se  rendre.  »  Ici  finit  Tentrevue,  mais 
avant  de  se  séparer ,  Asdrubal  et  le  roi 
de  Numidie  s'engagèrent  à  revenir  au 
même  endroit  trois  jour»  après. 

«  Rentré  au  camp ,  Gulussa  rendit 
compte  à  Scipion  de  Tentretien  qu'il 
avait  eu  avec  Asdrubal.  Scipion  se  mit 
à  rire,  et  dit  :  «  En  vérité,  je  ne  con- 

Î;ois  pas  qu'après  avoir  massacré  cruel- 
ement  nos  captifs,  cet  homme  ose 
encore  nous  reprocher  d'avoir  violé  les 
lois  divines  et  humaines.  »  Mais  le  roi 
de  Numidie  fit  alors  remarquer  à  Sci- 
pion qu'il  était  de  son  intérêt  de  finir 
au  plus  tôt  la  guerre;  gue,  sans  parler 
des  cas  imprévus ,  le  jour  où  l'on  fe- 
rait à  Rome  de  nouveaux  consuls  ne 
tarderait  pas  à  arriver,  et  qu'il  était  à 
craindre,  si  l'hiver  se  passait  en  d'inu- 
tiles attaques ,  qu'un  autre  ne  vînt  lui 
ravir,  sans  l'avoir  mérité,  les  hon- 
neurs du  triomphe.  Scipion  sentit  ai- 
sément la  justesse  de*  ces  réflexions , 
et  il  chargea  Gulussa  d'annoncer  au 

Î;énéral  carthaginois ,  de  sa  part,  qu'il 
ui  accordait  à  lui,  à  sa  femme,  à  ses 
enfants  et  à  dix  familles  parentes  ou 
amies,  la  vie  et  la  liberté,  et  qu'il  lui 
permettait  en  outre  d'emporter  de 
Carthage  dix  talents  de  son  bien  ,  et 
d'emmener  avec  lui  ceux  qu'il  voudrait 
choisir  parmi  ses  esclaves.  Gulussa, 
avec  des  offres  qui  devaient ,  ce  sem- 
ble, être  agréables  à  Asdrubal,  se  ren- 
dit le  troisième  jour  à  l'endroit  fixé 
pour  l'entrevue. 
«  Asdrubal  y  vint  aussi.  Il  portait 

n  est  vraisemblable  que  Polybe  avait  raconté 
ces  événements,  mais  son  récit  n'est  point 
parvenu  jusqu'à  nous. 


encore  ses  armes  et  son  manteau  de 
pourpre.  A  sa  démarche  lente  et  grave 
on  eût  dit  qu'il  jouait,  dans  une  tra- 
gédie, le  rôle  du  tyran.  Le  général 
carthaginois  était  gras  de  sa  nature, 
mais  ce  jour-là  son  embonpoint  parut 
plus  grand  qu'à  l'ordinaire.  Par  sa 
grosseur  et  son  teint  enluminé,  cet 
homme  ressemblait  bien  plus  aux  bœufs 
que  l'on  engraisse  dans  les  marchés, 
qu'au  chef  d'une  ville  assiégée  qui  souf- 
frait des  maux  inexprimables.  Après 
avoir  connu ,  par  Gulussa ,  les  offres 
du  consul ,  il  s'écria ,  en  se  frappant 
la  cuisse  à  coups  redoublés  :  «  Je 
prends  les  dieux  et  la  fortune  à  témoin 

3ue  le  soleil  ne  verra  jamais  Carthage 
étruite  et  Asdrubal  vivant.  Un  hom- 
me de  cœur  n'est  nulle  part  plus  no- 
blement enseveli  que  sous  les  ruines  de 
sa  patrie,  quand  il  n'a  pu  la  sauver.  » 
Résolution  généreuse,  magnifiques  pa- 
roles qu'on  ne  peut  trop  admirer!  mais 
plus  tard,  au  jour  du  danger,  on  vit 
bien  qu'Asdrubal  n'était  qu'un  lâche 
et  un  fanfaron.  D'abord ,  on  peut  lui 
reprocher  d'avoir  fait,  au  milieu  de 
gens  affamés,  de  somptueux  repas  et 
d'avoir  insulté,  en  quelque  sorte,  par 
son  embonpoint  aux  souttrances  de  ses 
concitoyens.  Alors,  en  effet,  le  nombre 
de  ceux  qui  échappaient  à  la  famine 
par  la  mort  ou  la  fuite  était  immense. 
Asdrubal  se  montrait  impitoyable  ;  il 
raillait  les  uns,  accablait  les  autres 
d'outrages ,  et  souvent  même  il  tuait 
ceux  qui  lui  faisaient  ombrage.  A  force 
de  sang  répandu ,  il  intimida  tellement 
la  multitude ,  qu'il  conserva  jusqu'au 
bout ,  dans  Carthage  assiégée ,  une 
puissance  aussi  absolue  que  le  pour- 
rait être  celle  d'un  roi  juste  dans  une 
ville  heureuse.  » 

Examen  t>v  jugement  que  Pc- 
lybe  et  quelques  autres  histo- 
biens  ont  poete  sue  asdbubal.  — 
Il  ne  faudrait  peut-être  point  admettre 
sans  restriction  le  témoignage  de  Po- 
lybe  et  de  quelques  autres  écrivains 
amis  de  Rome,  lorsqu'ils  font  le  por- 
trait d'Asdrubal  et  qu'ils  essayent 
d'apprécier  son  caractère  et  ses  actes. 
Pendant  les  six  années  qui  précédèrent 
la  ruine  de  Carthage,  Asdrubal  ma** 


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CARTHAGE. 


m 


nifesta  contre  les  ennemis  de  son  pays 
une  haine  trop  vive  pour  que  les  Ro- 
mains et  tous  ceux  qui  s'étaient  atta- 
chés à  leur  fortune  aient  pu  Je  juger 
sans  prévention  et  avec  impartialité. 

Nous  avons  rapporté  fidèlement  l'o- 
pinion ^e  Polybe  et  celle  d'Appien  qui 
a  suivi  avec  tant  d'exactitude  le  récit 
de  l'illustre  Mégapolitain ,  et  on  a  vu 
que  cette  opinion  était  sévère.  11  est 
vraisemblable  encore  que  Tite-Live, 
dans  la  partie  de  son  histoire  qui  n'est 
point  arrivée  jusqu'à  nous,  n'avait  pas 
épargné  le  blâme  au  dernier  chef  des 
Carthaginois.  Voilà  sans  doute  de  gra- 
ves, d  imposantes  autorités.  Toute- 
fois ,  en  nous  servant  du  récit  même 
de  Polybe  et  d'Appien,  nous  pouvons, 
sinon  transformer  Asdrubal  en  un 
grand  capitaine  et  le  montrer  comme 
un  homme  exempt  de  fautes,  au  moins 
prouver  qu'il  aima  sincèrement  sa  |)a- 
trie ,  et  que  toutes  ses  actions  ne  fu- 
rent pas,  comme  l'ont  prétendu  des 
écrivains  ennemis,  contraires  à  la  pru- 
dence et  à  la  justice. 

Au  moment  même  où  pour  la  pre- 
mière fois,  l'histoire  fait  mention 
d' Asdrubal,  nous  le  voyons  figurer  à 
Carthagedans  le  parti  populaire,  c'est- 
à-dire  dans  les  rangs  des  ennemis  im- 
placables du  nom  romain.  Bientôt  il 
acquiert  assez  d'influence  parmi  ses 
concitoyens,  pour  accomplir  avec  eux 
et  par  eux  une  importante  révolution. 
Il  tait  bannir  de  la  ville  les  partisans  de 
Massinissa.  Puis ,  il  entreprend  une 
•  guerre  utile  et  juste  contre  le  roi  de 
Numidie ,  qui ,  fidèle  allié  de  Rome , 
n'avait  cessé  ,  depuis  un  demi-siècle  , 
d'attaquer  les  Carthaginois  et  de  leur 
porter  de  continuels  dommages.  As- 
drubal, nous  l'avons  dit,  échoua  dans 
son  expédition  contre  Massinissa. 
Alors,  mettant  à  profit  les  malheurs 
publics ,  les  amis  des  Romains  repri- 
rent assez  d'audace  à  Carthage  pour 
proscrire  le  chef  du  parti  populaire, 
rîon  contents  de  condamner  à  mort 
Asdrubal  et  ses  adhérents,  ils  vendirent 
leur  patrie  aux  Romains;  ils  envoyè- 
rent a  Libybée  trois  cents  otages  (les 
Carthaginois  n'en  avaient  remis  que 
cent  aux  vainqueurs  après  la  bataille. 


de  Zama) ,  et  ils  livrèrent  aux  consuls 
Manilius  et  Censorinus  toutes  leurs 
armes.  Au  moment  même  où  les  traî- 
tres, en  désarmant  Carthage,  prépa- 
raient le  triomphe  des  ennemis,  le 
chef  du  parti  populaire  rassemblait 
vingt  mille  soldats.  Il  prévoyait  sans 
doute  que  ses  concitoyens  désabusés 
ne  tarderaient  point  à  le  rappeler.  £n 
effet ,  au  retour  des  ambassadeurs  qui 
étaient  allés  recevoir  à  Utique  la  ré- 
ponse des  consuls,  il  y  eut  dans  la  ville 
une  sanglante  réaction.  Le  parti  vrai- 
ment national  se  releva  plein  de  force 
et  d'énergie ,  pour  engager  contre  les 
Romains  une  dernière  et  terrible  lutte. 
Au  jour  du  danger ,  Asdrubal  oublia 
les  vieilles  injures,  et  proclamé  général 
par  la  voix  du  peuple,  il  se  hâta  d'offrir 
a  ses  concitoyens  les  soldats  qu'avec 
tant  de  sagesse  il  avait  réserves  pour 
la  défense  de  la  patrie.  Tandis  que  les 
Carthaginois  assiégés  repoussaient  glo- 
rieusement les  premiers  assauts  de 
l'armée  romaine,  il  se  maintint  dans 
son  camp  de  Néphéris,  devant  lequel 
vinrent  échouer  deux  fois  les  légions 
de  Manilius.  Enfin,  lorsque  Scipion 
étant  consul ,  Carthage  eut  à  soutenir 
des  attaques  sérieuses  et  multipliées,  il 
se  jeta  dans  la  ville  et  la  défendit  jus- 
Qu'au  moment  où  il  ne  vit  plus  autour 
de  lui  qu'un  monceau  de  ruines. 

Les  historiens  de  l'antiquité  ont  ac- 
cusé Asdrubal  de  cruauté,  et  nous 
avons  rapporté  précédemment  les  faits 
qu'ils  ont  donnes  à  l'appui  de  leur  as- 
sertion. Mais  nous  devons  remarquer 
que  ceux-là  même  qui ,  après  l'arrivée 
des  Romains  en  Afrique;  furent  victi- 
mes de  la  réaction  populaire,  étaient 
soupçonnés ,  nous  pourrions  dire  con- 
vaincus de  s'être  vendus  à  l'ennemi  et 
de  trahir  leur  patrie.  Ainsi  le  magistat 
suprême  que  fit  mourir  Asdrubal,  était 
le  petit-fils  de  Massinissa,  l'ami  des 
Numides,  et,  de  l'aveu  d'Appien,  il  ne 
perdit  la  vie  que  pour  avoir  été  accusé 
d'avoir  entretenu  avec  Gulussa  de  cou- 
pables intelligences.  Ailleurs,  l'histo- 
rien alexandrin  nous  apprend  qu'après 
le  massacre  des  prisonniers  romains, 
quelques-uns  des  sénateurs  reprochè- 
rent a  Asdrubal  d'avoir  agi  avec  plus 


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13S 


L'UNIVERS. 


de  cruauté  que  de  prudence,  et  de 
leur  avoir  enlevé  tout  espoir  de  trai- 
ter avec  Vennemi;  il  ^joute  que  pour 
étouffer  Jeurs  plaintes,  Asdrubal  les 
Gt  tuer.  Certes ,  quand  on  a  suivi  avec 
attention  Thistoire  des  six  années  qui 
précèdent  la  ruine  de  Carthage,  on  est 
tenté  de  croire  que  ceux  qui ,  au  mo- 
ment même  où  l'ennemi  s'était  rendu 
maître  d'une  partie  de  la  ville ,  pro- 
clamaient hautement  que  Ton  pourrait 
encore  réussir  par  la  voie  des  négocia- 
tions ,  étaient  des  traîtres  et  les  amis 
des  Romains.  Nous  ne  voulons  point 
ici  excuser  les  crimes  ou  les  fautes 
qu'Asdrubal  a  commis  ;  nous  essayons 
seulement  de  montrer  (|u'il  a  pu  se 
faire  que  le  dernier  général  carthagi- 
nois ait  été  calomnié  par  les  ennemis 
de  Carthage. 

«  Asdrubal ,  disent  Polybe  et  Ap- 
pien,  régnait  sur  le  peuple  par  la 
terreur  y  et  il  comeiDa  jusqu'à  la  fin  ^ 
sur  la  multitude  y  une  autorité  sans 
bornes.  »  On  peut  croire  aussi  qu'As- 
drubal  régna  sur  la  multitude,  moins 
par  la  terreur  que  parce  qu'il  était 
relu  de  cette  multitude  et  le  chef  du 
parti  populaire. 

Enun,  i4  n'est  pas  vraisemblable 
qu'au  moment  où  les  Carthaginois  as- 
siégés subissaient  de  cruelles  priva- 
tions et  souffraient  de  la  famine ,  As- 
drubal se  soit  fait  un  jeu  de  la  misère 
publique,  et  qu'il  ait  insulté  à  ses 
concitoyens  malheureux,  en  donnant 
à  quelques-uns  de  se^  amis  de  somp- 
tueux banquets.  «  Scipion,  dit  Polybe, 
fit  anTwncer  au  général  cartliaginois 
qu'il  lui  accordait  à  lui,  à  sa  femme, 
à  ses  enfants,  et  à  dix  familles  pa- 
rentes ou  amies,  la  vie  et  la  liberté, 
et  qu'il  lui  permettait,  en  outre,  d'em- 
porter de  Carthage  dix  talents  de 
son  bien,  et  d'emmener  avec  fui  ceux 
qu'il  voudrait  choisir  parmi  ses  es- 
claves, »  Pourquoi  Asdrubal  repoussa- 
t-il  alors  les  propositions  de  Scipion? 
Pourquoi  preféra-t-il  à  une  retraite 
tranquille  où  il  aurait  trouvé  le  repos 
et  le  bien-être,  le  séjour  de  Carthage? 
Assurément,  pour  se  livrer  à  la  bonne 
chère  et  pour  donner  de  splendides  fes- 
tiiiB,  c'était  mal  choisir  sou  lieu  que  de 


l 


s'enfermer  dans  une  ville  assiégée  oui 
souffrait  toutes  les  horreurs  de  la  lar 
mine. 

On  peut  reprocher  à  Asdrubal  de 
s'être  écrié  un  jour  en  présence  de 
Gulussa  :  «  Le  soleil  qui  éclairera  la 
destruction  de  Carthage  ne  m^  verra 
point  vivant.  »  Comme  il  survécut  à  la 
ruine  de  sa  patrie ,  Polybe  a  pu  dire  : 
«  On  vit  bien  au  jour  du  danjger  que  ces 

frandes  et  belles  paroles  étaient  sorties 
e  la  bouche  d'un  fanfaron.  » 
Ajoutons  encore,  avant  de  terminer, 
qu'entre  tous  les  torts  d' Asdrubal ,  le 
plus  grand  peut-être  a  été  celui  d'avoir 
succombé  et  d'avoir  abandonné,  comme 
sa  malheureuse  patrie  ,  le  soin  de  sa 
gloire  à  des  historiens  étrangers. 

Suite  du  bégit;  Scipion  febmb 
l'entrée  des  pobts  par  une  jetée  ; 
LES  Carthaginois  s'ouvrent  unb 

NOUVELLE  issue  ET  METTENT  UNS 
FLOTTE  A  LA  MER;   COMBAT  NAVAL; 

147  AVANT  NOTRE  ÈRE.  —  Pour  priver 
les  Carthaginois  des  vivres  qu'ils  rece- 
vaient par  mer ,  et  leur  enlever  leurs 
dernières  ressources ,  Scipion  résolut 
de  fermer  l'entrée  du  port.  «  A  partir 
de  la  bande  de  terre  qui  était  entre  le 
lac  et  la  mer,  dit  Appien,  il  fit  jeter 
une  digue  qui  s'avançait  presque  en 
droite  ligne  vers  l'embouchure  du 
port,  peu  distante  du  rivage.  Cette 
jetée  avait  vingt-quatre  pieds  de  large 
au  sommet  et  quatre-vingt-seize  à  la 
base  (*).  Scipion  disposait  d'une  nom- 
breuse armée  qu'il  faisait  travailler 
jour  et  nuit,  et  les  Carthaginois,  qui. 
d'abord  avaient  ri  de  ce  projet  gigan- 
tesque, allaient  se  trouver  entièrement 
bloqués,  car,  ne  pouvant  recevoir  de 
vivres  par  terre,  et  la  raer  leur  étant 
fermée ,  la  faim  les  eût  contraints  de 
se  rendre  à  discrétion.  C'est  alors 
qu'ils  entreprirent  d'ouvrir  une  nou- 
velle issue  dans  une  autre  partie  de 

(*)  «Cette  jetée  fut  construite  comme 
cell^  des  rades  de  Cherbourg  et  de  Piymouth 
Tont  été  depuis,  en  lauçant  à  ilôt  perdu 
d'énormes  quartiers  de  roches  qai,  par 
leur  cohésion  et  Tinclinaison  de  leur  plan , 
pussent  résister  à  Taction  de  la  mer.  »  if.  Bu- 
reau de  la  Malle, 


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CARTHAGE. 


m 


leur  port  qui  regardait  la  pleine  mer. 
Ils  choisirent  ce  point  parce  que  la 
profondeur  de  i^eau  et  la  violence  des 
vagues  qui  s'y  brisent  rendaient  im- 
possible aux  Romains  de  Je  fermer 
avec  une  digue.  Hommes,  femmes  et 
enfants  y  travaillèrent  jour  et  nuit,  en 
commençant  par  la  partie  intérieure , 
et  avec  tant  de  secret  que  Scipion  ne 
put  rien  savoir  des  prisonniers  qu'il  fit 
alors ,  sinon  qu'on  entendait  un  grand 
bruit  dans  les  ports,  mais  qu'on  en 
ignorait  la  cause  et  l'objet.  En  même 
temps ,  les  assiégés  construisaient  avec 
d'anciens  matériaux  des  trirèmes  et 
des.quinquérèmes  avec  une  adresse  et 
une  activité  singulières.  Enfin,  lorsque 
tout  fut  prêt,  les  Carthaginois,  au 
pnointdu  jour,  ouvrirent  la  communica- 
tion avec  la  mer,  et  sortirent  avec  cin- 
quante trirèmes  et  un  çrand  nombre 
d'autres  navires  qui  avaient  été  appa- 
reillés avec  le  plus  grand  soin,  et  de 
manière  à  jeter  la  terreur  parmi  les 
Romains.  » 

Ceux-ci ,  en  effet ,  à  la  vue  de  la 
flotte  carthaginoise,  furent  frappés  de 
crainte.  Les  lourds  et  |)esants  vais- 
seaux de  la  station  romaine  n'avaient 
ni  rameurs  ni  soldats,  car  les  équipa- 
ges étaient  descendus  à  terre  pour  ai- 
der Scipion  dans  ses  travaux.  Si  les 
Carthaginois,  par  une  attaque  sou- 
daine, s'étaient  portés  sur  les  vaisseaux 
ainsi  désarmés,  ils  auraient  obtenu  une 
victoire  aisée,  et  ils  auraient  anéanti 
d'un  coup  toutes  les  forces  navales  de 
.  l'ennemi  ;  mais  ils  se  contentèrent  de 
se  montrer  et  d'insulter  les  Romains 
par  de  vaines  démonstrations.  Quand 
trois  jours  après  ils  vinrent  présenter 
le  combat,  1  occasion  favorable  était 
perdue  et  ils  nVai^nt  plus  les  mêmes 
chances  de  succès  :  leç  rameurs  et  les 
soldats  avaient  regagné  leurs  vais- 
seaux ,  et  les  Carthaginois  trouvèrent 
une  flotte  toute  préparée  à  recevoir 
leurs  attaques.  Ils  nliésitèrent  point 
cependant ,  et  une  lutte  terrible  s'en- 
gagea. On  se  battit  pendant  une  jour- 
uée  entière ,  et  ce  ne  fut  que  vers  le 
aoir  que  les  Carthaginois,  fatigués  et 
wm  vaincus,  se  dirigèrent  vers  la  nou- 
veUe  entrée  du  port.  Par  cette  entrée. 


qui  était  fort  étroite,  les  vaisseaux  ne 
pouvaient  pénétrer  qu'en  petit  nombre 
a  la  fois  et  qu'avec  une  extrême  diffi- 
culté. Alors,  pour  ne  point  être  atta- 
quées par  les  Romains,  pendant  les 
lenteurs  de  la  retraite,  les  trirèmes 
carthaginoises  remontèrent  le  long  de 
la  côte  et  jetèrent  l'ancre  vers  un  quai 
qui  avait  servi  autrefois  au  débarque- 
ment des  marchandises  (*).  Au  mo- 
ment même  où  les  bâtiments  légers 
venaient  de  se  mettre  à  l'abri  dans  le 
port  et  où  les  gros  navires  s'arrêtaient 
non  loin  des  murailles,  la  proue  tour- 
née vers  la  mer,  on  vit  arriver  la  flotte 
ennemie.  Il  fallut  encore  soutenir  une 
nouvelle  attaque.  Quoique  les  Romains 
eussent  à  se  défendre  et  contre  les 
équipages  des  vaisseaux  et  contre  les 
troupes  de  terre  qui  étaient  placées 
sur  le  quai ,  ils  firent  cependant  éprou- 
ver à  la  flotte  des  assiégés  des  pertes 
considérables.  La  nuit  mit  fin  au  com- 
bat. Alors  seulement  les  gros  navires 
des  Carthaginois  parvinrent  à  se  ré- 
fugier "dans  le  port. 

Les  CABTHAGINOI  s  ATTAQUENT  LES 

Romains  pendant  la  nuit  et  bou- 
lent LEUBS  MACHINES  DE  GUEBBE  ; 
DU  COTÉ  DE  LA  MEB,  SciPION  BESTE 
MAÎTBE  des  OUVBAGES  avancés  DES 

Cabthaginois  ;  147  avant  notbe 
ÈBE.  —  Le  lendemain  matin,  Scipion 
s'empara  du  quai  à  l'abri  duquel  s'é- 
tait placée  la  flotte  carthaginoise.  «  Cet 
ouvrage  ,  dit  Appien ,  devenait  un 
point  d'attaque  tres-avantageux  pour 
entamer  le  port  (  le  Cothdn  ).  Alors 
ayant  amené  beaucoup  de  machines  et 
battu  avec  des  béliers  la  fortification 
intermédiaire  (  le  rempart  élevé  dans 
la  longueur  du  quai  par  les  Carthagi- 
nois ) ,  il  en  renversa  une  partie.  Les 
assiégés  firent  une  sortie  la  nuit  et 
se  portèrent  contre  les  machines  deg 
Romains,  non  par  terre,  car  c'était 
impraticable,  ni  avec  des  vaisseaux, 
car  la  mer  sur  ce  point  est  pleine  de 

(^  Ce  quai  était  trèft-krge.  De  peur  qu'il^ 
ne  serytt  d'esplanade  à  rennemi  pour  Vktr 
taque  des  murailles^  les  Carthaginois  Favaient 
coupé  dans  sa  bngueuf  par  un  fossé  et  na 
rempart. 


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124 


L'UNIVERS. 


bas-fonds  :  ils  y  marchèrent  tout  nus , 
portant  des  torches  non  allumées  pour 
n'être  pas  aperçus  de  loin.  Ils  entrent - 
dans  la  mér  sans  être  vus ,  et  s'avan- 
cent les  uns  à  la  nage,  les  autres  ayant 
de  Teau  jusqu'à  la  poitrine.  Lorsqu'ils 
sont  arrivés  près  des  machines ,  ils 
allument  leurs  torches,  et  alors  le  feu 
les  ayant  découverts,  ils  recuisent  sur 
leurs  corps  nus  de  terribles  blessures. 
Mais  telle  fut  leur  audace  et  la  force 
de  leur  désespoir,  que,  malgré  ce  dé- 
savantage, lis  enfoncèrent  les  Ro- 
mains et  brûlèrent  leurs  machines.  La 
terreur  même  fut  si  grande,  que  Sci- 
pion  fut  contraint  de  faire  tuer  quel- 
ques-uns des  fuyards  pour  forcer  les 
autres  à  rentrer  dans  le  camp,  où  ils 
passèrent  tout  le  reste  de  la  nuit  sous 
les  armes.  Les  Carthaginois ,  après 
avoir  brûlé  les  machines,  retournèrent 
à  la  nage  dans  la  ville.  » 

Les  Carthaginois  se  hâtèrent  de  ré- 
parer la  partie  de  leurs  fortifications 
qui  était  tombée  sous  les  CQpps  du 
bélier,  et  ils  y  élevèrent  des  tours  en 
bois  de  distance  en  distance.  Mais  les 
Romains ,  après  avoir  construit  d'au- 
tres machines ,  renouvelèrent  bientôt 
leurs  attaques  :  ils  incendièrent  quel- 
ques-unes des  tours ,  en  lançant  contre 
elles  des  vases  remplis  de  poix  et  de 
soufre  enflammés.  Enfin  Scipion  se 
rendit  maître  des  ouvrages  avancés  des 
Carthaginois.  Il  éleva  alors  un  mur  en 
brique ,  égal  en  hauteur  aux  remparts 
de  la  ville  et  à  peu  de  distance  de  ces 
-  remparts  ;  puis  il  plaça  sur  ce  mur , 
qui  était  protégé  par  un  fossé,  quatre 
mille  hommes  de  trait.  Il  pensait  que 
%  ce  corps  d'armée ,  dans  une  position 
inexpugnable ,  suffisait  pour  contenir 
les  assiégés  pendant  toute  la  durée  de 
la  grande  expédition  qu'il  allait  entre- 
pr^dre. 

Expédition  de  Scipion  contbe 
l'armée  qui  se  tient  à  Néphérïs  ; 
le  gaup  des  carthaginois  est 
pris;  siège  de  Néphébis;  plusieurs 
villes  se  rendent  aux  romains  ; 

t47  AVANT  NOTRE  ERE.  —  Jusqu'aUX 

derniers  événements  que  nous  venons 
de  raconter,  une  chose  avait  entretenu 
le  courage  et  les  espérances  des  Car- 


thaginois :  c'était  la  présence  à  Néphé- 
ris  d'une  armée  nombreuse  fortement 
retranchée,  et  qui  paraissait  surveil- 
ler, malgré  l'éloignement ,  toutes  les 
opérations  des  Romains.  Scipion  avait 
toujours  à  redouter  une  double  atta- 
que; et  lorsque  parfois  il  songeait  aux 
expéditions  malneureuses  du  consul 
Manilius ,  il  n'était  point  sans  inquié- 
tude. Il  crut,  non  sans  raison,  que  la 
destruction  de  l'armée  de Néphéris  pou- 
vait seule  hâter  les  travaux  du  siège 
et  consommer  la  ruine  de  Carthage.  Il 
se  mit  donc  en  marche  avec  une  par- 
tie de  ses  troupes,  et  il  se  dirigea, 
avec  Lœlius  et  Gulussa,  vers  le  camp 
carthaginois.  Diogène  y  commandait 
depuis  le  jour  où  Asdrubal  s'était  jeté 
dans  la  ville  assiégée.  Scipion  prit  po- 
sition non  loin  de  ISéphéris.  Il  s'aper- 
çut bientôt  qu'en-  deux  endroits  les 
retranchements  carthaginois  s'étaient 
écroulés.  Il  prit  alors  la  résolution  de 
recourir  à  un  expédient  qui  lui  avait 
déjà  réussi  plusieurs  fois  :  il  se  porta 
avec  ses  troupes  vers  une  des  brèches, 
et  là ,  tandis  qu'il  occupait  Diogène  par 
une  attaque  simulée,  mille  nommes 
qu'il  avait  cachés  s'élancèrent  dans  le 
camp  par  l'autre  brèche.  Tandis  que 
les  soldats  romains  faisaient  dans  l'in- 
térieur des  retranchements  un  horri- 
ble massacre,  Gulussa  et  ses  cavaliers 
numides  poursuivaient  et  tuaient  dans 
la  campagne  tous  ceux  qui  avaient  pris 
la  fuite.  «  Dans  cette  journée,  dit  Ap- 
pien ,  soixante-dix  mille  hommes  per- 
dirent la  vie,  dix  mille  furent  pris,  et 
quatre  mille  seulement  parvinrent  à 
s'échapper.  » 

L'armée  carthaginoise  ayant  été 
anéantie  d'un  seul  coup,  les  Romains 
se  présentèrent  devant  les  murs  de  Né- 
phéris. Après  un  siège  de  vingt-deux 
jours,  Scipion  se  rendit  maître  de  la 
place.  Ce  rouveau  succès  eut  un  grand 
résultat.  Quand  Néphéris  eut  succom- 
bé, toutes  ks  villes  avoisinantes  se  sou- 
mirent aux  Romains.  Toutefois,  au  mo- 
ment même  où  s'évanouissaient  leurs 
dernières  espérances,  les  Carthaginois 
assiégés  n'en  persistèrent  pas  moins 
dans  l'héroïque  résolution  de  se  dé» 
fendre  jusque  la  dernière  extrémité. 


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CARTHAGE. 


135 


SCIPION    ATTAQUE    LE    POBT    DE 
CARTHAGE  ;  PRISE  DU  COTHÔN;  LES 

Romains  dans  Carthage;  combat 
acharné  dans  les  rues  qui  con- 
duisaient de  la  place  publique  a 
la  citadelle  ;  146  avant  notre 
ÈRE.  —  Scipion  avait  passé  une  année 
presque  entière  à  préparer  par  de  sû- 
res ofïérations  la  ruine  de  Carthage  (*). 
Après  avoir  détruit  pendant  l'hiver 
l'armée  de  Diogène,  pris  Néphéris, 
reçu  la  soumission  des  villes  d'Afrique 
qui  tenaient  encore  pour  les  Cartiia- 

finois ,  il  résolut ,  aux  approches  de  la 
elle  saison,  de  tenter  de  vigoureuses 
attaques  et  de  frapper  les  derniers 
coups.  Il  se  dirigea  d'abord  vers  le 

Eort  qui  était  appelé  Cothôn;  Asdru- 
al,  qui  croyait  avoir  découvert  les 
projets  du  général  romain,  fît  mettre 
le  f'eu ,  pendant  la  nuit ,  à  la  partie 
auadrangulaire  de  ce  port.  Tandis  qu'il 
nxait  sur  ce  point  toute  son  attention, 
Laelius  escalada  la  partie  ronfle  du 
Cothôn  qui  était  opposée  à  la  partie 
quadrangulaire,  et  il  ouvrit  ainsi  l'en- 
trée de  Carthage  à  l'armée  romaine. 
Bientôt  le  port  et  les  fortiûcations 
oui  l'entouraient  furent  au  pouvoir  de 

I  ennemi.  Stipion  alors  pénétra  dans 
)a  ville,  et  il  s'établit,  pour  la  nuit, 

(*)  «Si  Ton^examiDe  attentivement  Ten- 
semble  du  récit  d'Appien  et  Thisloire  du 
siège  de  Carthage  pendant  les  trois  ans  de 
sa  durée,  on  sera  convaincu  que,  malgré 
les  forces  immenses  en  troupes  de  terre  et 
de  mer  employées  par  les  Romains ,  il  était 
nécessaire  de  procéder  de  cette  manière 
lente  et  circonspecte  pour  obtenir  la  vic- 
toire. La  position  admirable  de  Carthage 
défendue  par  plusieurs  enceintes  séparées , 
indépendamment  du  Cothôn,  Tégalité  des 
forces  entre  l'assaillant  et  l'assiégé,  con- 
traignirent Scipion  à  exécuter  ses  travaux 
gigantesques  de  circonvallation.  Il  lui  fallut 
marcher  pas  à  pas  dans  celte  lutte  difficile. 

II  esl  même  probable  que ,  si  les  Romains, 
par  une  perfidie  plus  que  purique,  n'eussent 
enlevé  d'abord  aux  Carthaginois ,  déçus  par 
l'espoir  de  conserver  la  paix ,  leurs  armes , 
leurs  machines  et  leurs  vaisseaux ,  celte  troi- 
sième guerre  se  serait  encore  terminée  par 
lin  traité  et  n'aurait  pas  eu  pour  résultat  la 
ruine  et  la  destruction  de  Carthage.»  HL  Du- 
reau  de  la  Malle, 


avec  ses  soldats  sur  la  place  publique. 
Le  lendemain,  au  point  du  jour,  il 
appela  h  son  aide  quatre  mille  hommes 
de  troupes  fraîches.  Au  moment  où 
ceux-ci  entrèrent  à  Carthage,  ils  se 

f)récipitèrent  dans  le  temple  d'Apol- 
on ,  et ,  sans  tenir  compte  des  mena- 
ces de  leurs  officiers,  ils  enlevèrent 
les  lames  d^or  qui  couvraient  la  statue 
de  la  divinité.  Ils  n'obéirent  aux  ordres 
de  Scipion  que  lorsqu'ils  eurent  par- 
tagé entre  eux  ces  dépouilles  sacrilè- 
ges, qui  valaient  bien,  dit  un  historien 
de  l'antiquité,  une  somme  de  mille 
talents. 

Quand  Scipion  eut  fait  tous  ses  pré- 
paratifs pour  attaquer  Byrsa,  il  se  mit 
en  marche  avec  ses  troupes.  Mais  bien- 
tôt il  s'aperçut  qu'il  ne  parviendrait 
point  sans  peine  jusqu'au  pied  dé  la 
citadelle.  Trois  rues  étroites,  bordées 
de  chague  côté  de  maisons  à  six  étages, 
montaient  de  la  place  publique  à 
Bj^rsa.  Les  soldats  de  Scipion  étaient  à 

Eeine  entrés  dans  ces  rues  qu'une 
ataille  terrible  s'engagea.  Les  Ro- 
mains furent  alors  accablés  par  une 
grêle  de  traits  et  de  pierres.  Il  fallait 
pénétrer  et  se  battre  dans  chaque  mai- 
son ,  et  à  chaque  étage.  Les  Carthagi- 
nois étaient  partout,  dans  la  rue,  sur 
les  toits,  et  l'armée  romaine  ne  pouvait 
avancer  que  lentement  et  pas  à  pas. 
La  ville  présentait  en  ce  moment  un 
spectacle  horrible;  les  uns  périssaient 
par  l'épée,  les  autres  par  les  traits  qui 
étaient  lancés;  d'autres  enfin,  en  tom- 
bant du  haut  des  maisons ,  étaient 
reçus  sur  les  piques  des  soldats.  On 
entendait  aussi  le  bruit  des  armes  qui 
se  choquaient,  les  plaintes,  les  gémis- 
sements et  les  cris  de  douleur  des  bles- 
sés et  des  mourants.  Enfin ,  après  une 
lutte  prolongée  et  des  efforts  inouïs , 
Scipion  arriva  devant  Byrsa.  Ce  fut 
alors  que  voulant  se  ménager  un  vaste 
emplacement  pour  les  manœuvres  de 
ses  troupes,  il  fit  mettre  le  feu  au 
quartier  de  la  ville  qu'il  venait  de  tra- 
verser. 

Incendie  de  Carthage  ;  cin- 
quante MILLE  Carthaginois  de- 
mandent LA  vie  et  sortent  DE  LA 
CITADELLE  ;       ASDRUBAL      ET      LES 


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lae 


L'UNIVERS. 


TBàNSFUaBS  BOMÀIIf  S  SE  DEFENDENT 
ENCORE  DÀNSi^E  TEMPLE  D'ESGULAPE; 

146  AVANT  NOTEE  ÈBE.  —  Pour  avan- 
cer plus  rapidement  dans  leur  œuvre 
de  destruction,  les  Romains  ne  se 
contentèrent  pas  de  mettre  le  feu  aux 
édifices  et  de  les  démolir  par  portions, 
ils  lés  sapèrent  par  la  base  afin  de  faire 
écrouler  la  masse  entière.  On  vit  alors 
une  chose  hideuse  :  des  corps  humains 
tombaient  avec  les  décombres;  c'étaient 
les  vieillards,  les  femmes  et  les  enfants 
^ui  jusqu'à  ce  moment  étaient  parvenus 
à  se  dérober  aux  regards  des  vain- 
queurs, en  se  cachant  dans  les  réduits 
obscurs  et  dans  les  endroits  secrets  des 
maisons.  Ces  corps  étaient  broyés  sous 
les  pieds  des  chevaux  qui  passaient  et 
repassaient;  puis ,  arrivaient  avec  des 
haches,  des  crocs  et  des  fourches,  ceux 
qui  étaient  char|;és  de  déblayer  le  ter- 
rain. Ils  enlevaient  les  monceaux  de 
ruines  et  jetaient  dans  un  même  fossé, 
les  poutres,  les  pierres ,  les  cadavres  et 
les  corps  de  ceux  qui  respiraient  en- 
core. «  Ce  n'était  point  par  cruauté  ni 
à  dessein ,  dit  un  historien  de  l'anti- 
quité ,  que  les  Romains  agissaient 
ainsi.  D'abord,  ils  étaient  animés  par 
l'espoir  d'une  victoire  prochaine;  en- 
suite ,  le  mouvement  et  l'agitation ,  la 
voix  des  hérauts ,  les  sons  éclatants  de 
la  trompette ,  les  commandements  des 
tribuns  et  des  centurions  qui  dirigeaient 
le  travail  des  cohortes,  tous  ces  bruits 
enfin  d'une  ville  prise  et  saccagée  ins- 
piraient aux  soldats  une  sorte  d'enivre- 
ment et  de  fureur  qui  les  em|)échaient 
de  voir  ce  qu'il  y  avait  d'horrible  dans 
un  pareil  spectacle.  »  Dans  ces  dures 

Îmroles  d'Appien,  il  est  facile  de  saisir 
es  impressions  de  Polybe  qui  assista 
à  la  ruine  et  à  la  destruction  de  Gar- 
thage,  et  qui  ressentit,  dans  le  camp 
romain ,  à  cdté  de  Scipion,  son  élève  et 
son  ami,  tout  l'enthousiasme  de  la 
victoire. 

L'armée  romaine  passa  Sfx  jours  et 
six  nuits  à  déblayer  le  terrain  qui  était 
couvert  de  ruines.  Les  soldats  se  suc- 
cédaient dans  le  travail,  pour  ne  point 
succomber  aux  veilles  et  à  la  fatigue. 
Il  y  avait  un  homme  cependant  qui  ne 
prenait  ni  sommeil,  ni  repos,  qui  sur- 


veillait les  soldats ,  les  pressait  et  sç 
portait  sur  tous  les  points:  c'était  Sci- 
pion. Enfin  le  septième  jour ,  se  trou- 
vant accablé  de  lassitude,  il  monta  sur 
une  éminence  et  s 'assit  dans  un  lieu 
d'où  il  pouvait  encore  examiner  ce  qui 
se  faisait  dans  son  armée.  En  cet  ins- 
tant ,  on  lui  amena  plusieurs  Carthagi- 
nois. Ils  venaient  lui  dire  que  tous  ceux 
qui  s'étaient  enfermés  dans  l'enceinte 
de  la  citadelle  étaient  prêts  à  se  rendre, 
s'il  promettait  de  ne  pas  les  égorger. 
«  Je  vous  le  promets,  dit  Scipion;  les 
transfuges  seuls  n'obtiendront  point  do 
grâce.  »  Cinquante  mille  inaividus, 
hommes  et  femmes  (*) ,  sortirent  alors 
de  Byrsa  et  furent  mis  sous  bonne 
garde.  Il  ne  restait  plus  dans  la  cita- 
delle que  neuf  cents  transfuges  , 
Asdrubal ,  sa  femme  et  ses  deux  en- 
fants. . 
Asdrubal  et  les  tbanSfu&es  se 

JETTENT  DANS  LE   TEMPLE    d'EsCU- 

lape  ;  Asdbubal  se  bend  ;  incendie 

DU    temple;    MOBT    DE    LA     FEMMB 

d'Asdrubal  ;  conversation  de 
Scipion  ET  de  Polybe;  146  avant 
NOTEE  ÈBE.  —  Le  temple  d'Esculape 
était  bâti  sur  un  roc  élevé ,  au  sommet 
duquel  on  ne  pouvait  parvenir  qu'en 
montant  soixante  degrés.  C'est  dans  ce 
temple  que  se  jetèrent  Asdriibal  et  les 
transfuges.  De  ce  lieu,  ils  pouvaient 
facilement  repousser  les  assaillants  et 
soutenir  longtemps  encore  les  efforts 
de  l'armée  romaine.  Ils  se  défendirent 
d'abord  avec  tout  le  courage  qu'inspire 
le  désespoir;  mais  enfin,  épuisés  par  les 
veilles,  par  la  faim  et  par  des  combats 
sans  cesse  renouvelés,  ils  abandonnè- 
rent les  alentours  du  temple  et  se  ré- 
fugièrent dans  les  parties  élevées  de 
l'édifice.  Ce  fut  alors  qu'Asdrubal  sup- 
pliant vint  se  rendre  à  Scipion.  Le  gé- 
néral romain  le  fit  asseoir  à  ses  pieds , 
et  l'exposa  ainsi  prosterné  et  humilié , 
aux  regards  des  transfuges.  Ceux-ci  ac- 
cablèrent d'abord  leur  ancien  chef  des 
plus  cruelles  injures,  ensuite  ils  mirent 
le  feu  au  temple  et  tombèrent  ensevelis 

(*)  Quarante  mille  hommes,  suivant  Flo- 
rus  ;  u-ente  mille  hommes  et  vingl-cinq  mille 
femmes,  suivant  Orose. 


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CARTHAGE. 


127 


sous  ses  ruines.  Au  moment  où  Tin- 
cendie  commençait  à  dévorer  Tédifice, 
ia  femme  d'Asdrubal ,  revêtue  de  ses 
plus  beaux  vêtements,  se  présenta  avec 
ses  deux  enfants,  à  la  vue  de  Scipion; 
elle  lui  cria  avec  force  :  «  Romain,  les 
dieux  te  sont  favorables,  puisqu'ils 
t'accordent  la  victoire.  Souviens-toi  de 
punir  Asdrubal  qui  a  trahi  sa  patrie, 
ses  dieux ,  sa  femme  et  ses  enfants. 
Les  génies  qui  protégeaient  Carthage 
s'uniront  à  toi  pour  cette  œuvre  de 
vengeance.  »  Puis,  se  tournant  vers 
Asdrubal  :  «  O  le  plus  lâche  et  le  plus 
infâme  des  hommes!  tu  me  verras 
mourir  ici  avec  mes  deux  enfants  ;  mais 
bientôt  tu  sauras  que  mon  sort  est  en- 
core moins  à  plaindre  que  le  tien.  Il- 
lustre chef  de  la  puissante  Carthage, 
tu  orneras  le  triomphe  de  celui  dont  tu 
baise  les  pieds,  et  après  ce  triomphe, 
tu  recevras  le  châtiment  que  tu  mé- 
rites. »  En  achevant  ces  mots,  elle 
égorgea  ses  deux  enfants  et  se  précipita 
avec  eux  au  milieu  des  flammes.  «  Ce 
n'était  point  la  femme  d'Asdrubal,  dit 
Appien,  qui  devait  terminer  sa  vie  par 
cette  mort  héroïque ,  mais  Asdruoal 
lui-même.  » 

On  raconte  que  Scipion,  en  voyant 
autour  de  lui  tant  de  ruines  accumu- 
lées ,  versa  des  larmes.  Il  pensait  à  la 
triste  destinée  de  Carthage  qui  avait 
été  si  longtemps  riche  et  puissante.  Il 
lui  arriva,  au  milieu  de  ses  réflexions , 
de  s'écrier  avec  Homère  : 

«  Viendra  un  jour  où  périra  Troie , 
la  ville  sacrée,  et  où  périront  avec  elle 
Priam  et  le  peuple  de  Priam  (*).  » 

Polybe,  qui  se  trouvait  à  côté  de 
Scipion ,  lui  dit  alors  :  «  Quel  sens  at- 
tachez-vous à  ces  paroles?  —  C'est 
Rome  qui  occupe  ma  pensée,  répondit 
Scipion  ;  je  crains  pour  elle  l'instabi- 
lité des  choses  humaines.  Ne  pourrait- 
il  point  se  faire  qu'elle  éprouvât  un 
jour  les  malheurs  de  Carthage?  » 

Cabthage  buinée  ;  Scipion  pab- 
tage  le  butin  entee  ses  soldats  ; 
JOIE  A  Rome  a  la  nouvelle  de  la 
PBisE  DE  Cabthage;  le tebbitoibe 

CABTHAGINOIS  EST  BÉDUIT  EN  PBO- 
(*)  Iliade  iv,  v.  x64  et  i65. 


TINGB  BOMAINE;  146  AVANT  NOTEE 

ÈBE.  —  Scipion  permit  à  son  armée 
de  piller  les  ruines  de  Carthage;  tou- 
tefois, il  fit  mettre  en  réserve  l'or, 
l'argent  et  les  objets  qui  avaient  été 
consacrés  aux  dieux  dans  les  temples. 
Puis ,  il  donna  une  gratification  à  ses 
soldats.  Il  envoya  alors  à  Rome  un 
vaisseau  chargé  de  riches  dépouilles, 
pour  annoncer  sa  victoire.  En  même 
temps ,  il  fit  savoir  aux  peuples  de  la 
Sicile  qu'il  était  prêt  à  leur  restituer 
tout  ce  qui  leur  avait  été  pris  pendant 
leurs  suerres  avec  les  Carthaginois  (*), 
Ce  fut  un  soir  que  l'on  vit  arriver 
à  Rome  le  vaisseau  envoyé  par  Sci- 

f)ion  et  que  l'on  apprit  la  nouvelle  de 
a  ruine  de  Carthage.  La  joie  fut 
grande  dans  la  ville.  Pendant  la  nuit, 
les  citoyens  s'abordaient,  s'interro- 
geaient et  s'adressaient  de  mutuelles 
félicitations.  On  racontait  aussi  les 
guerres  passées,  et  lorsqu'on  rappe- 
lait les  divers  incidents  de  la  dernière 
lutte ,  on  trouvait  qu'aucune  victoire 
n'était  comparable  à  celle  que  venaient 
de  remporter  Scipion  et  son  armée. 
Le  succès  même  était  si  grand ,  <}ue 
parfois  on  était  tenté  de  n'y  pomt 
croire,  et  l'on  entendait  des  gens  qui 
disaient  :  «  Mais  est-il  bien  vrai  que 
Carthage  ait  été  détruite  ?  »  Toute  la 
nuit  se  passa  ainsi  en  joyeux  propos  et 
en  manifestations  de  la  plus  vive  allé- 
gresse. Le  lendemain ,  a  la  pointe  du 
jour ,  on  se  rendit  aux  temples  pour 
faire  des  prières  et  des  sacrifices.  Après 
avoir  rendu  aux  dieux  de  solennelles 
actions  de  grâces,  on  donna  des  jeux 
au  peuple,  et  les  fêtes  commencèrent. 

(*)  «  C'étaient, dit Diodore ,  des  portraîla 
peints  de  leurs  hommes  illustres ,  des  sta- 
tues exécutées  avec  un  talent  remarquable, 
et  des  offrandes  en  or  et  en  argent  qu'on 
avait  faites  à  leurs  dieux.  Himère  y  retrouva 
sa  slaïue  personnifiée  sous  les  traits  d'une 
femme  et  celle  du  noëteStésichore;  Segeste, 
sa  Diane  ;  Gela ,  plusieurs  objets  d'art;  Agri- 
gente ,  le  fameux  taureau  de  Phalarîs.  Plu- 
sieurs villes  d'Italie  et  d'Afrique  recouvrè- 
rent alors ,  par  la  libéralité  de  Scipion ,  les 
objets  précieux  dont  elles  avaient  été  dé-' 
pouillécs  par  les  Carthaginois.  »  M,  Dureau 
de  la  Malle, 


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128 


L'UNIVERS. 


Cependant,  le  sénat  envoya  en  Afri- 
que dix  commissaires  choisis  dans 
1  ordre  des  patriciens.  Ils  devaient  se 
concerter  avec  Scipion  pour  régler  le 
sort  de  la  province  carthaginoise.  A  leur 
arrivée,  ils  ordonnèrent  de  détruire 
ce  qui  restait  encore  de  Carthage.  Ils 
déclarèrent  que  nul,  à  l'avenir,  ne  se- 
rait autorisé  à  bâtir  sur  remplacement 
de  la  ville  ruinée ,  et  surtout  à  Ten- 
droit  où  s'élevaient  jadis  les  quartiers 
de  Byrsa  et  de  Mégara.  Puis,  comme 
s'ils  avaient  craint  de  voir  les  Cartha- 
ginois sortir  de  leurs  tombeaux ,  ils 
accompagnèrent  cette  défense  de  tout 
l'appareil  des  cérémonies  religieuses, 
et  ils  prononcèrent  au  nom  des  dieux, 
contre  celui  qui  viendrait  habiter  ces 
lieux  maudits,  de  terribles  impréca- 
tions. Après  avoir  récompensé  les  peu- 
ples et  les  villes  qui  avaient  prêté  aide 
et  appui  aux  Romains ,  dans  la  der- 
nière guerre,  et  après  avoir  puni  ceux 
qui  étaient  restés  fidèles  à  Carthage, 
les  commissaires  délégués  par  le  sé- 
nat revinrent  en  Italie.  Avant  leur  dé- 
part, ils  avaient  réduit  en  province 
romaine  toute  la  partie  de  l'Afrique 
qui  avait  appartenu  aux  Carthagi- 
nois. 

Dans  la  même  année  (  146  avant 
notre  ère  ),  on  vit  à  Rome  deux  triom- 
phes; Scipion  et  Mummius  montèrent 
au  Capitole,  en  étalant  aux  yeux  d'un 

f)euple  immense  les  dépouilles  des  vil- 
es qu'ils  avaient  vaincues.  Certes,  les 
deux  triomphateurs  étaient  loin  de 
prévoir  qu'un  siècle  à  peine  après  leur 
victoire,  Rome  elle-même  essaierait 
de  féparer  ses  propres  injustices,  et 
que  César,  en  léguant  aux  liéritiers 
de  sa  puissance  le  soin  de  relever  Co- 
rinthe  et  Carthage ,  croirait  faire  sa- 
tisfaction à  l'humanité  outragée. 

CONSTITUTION   POLITIQUE, 

COLONIES  ET  AUTRES  POSSESSIONS,  AORICUT.- 
TURE,  COMMERCE,  INDUSTRIE,  ARMÉtS, 
RELIGION  ET  LITTERATURE  DftS  CARTHA- 
GINOIS. 

L'histoire  du  jjeuple  carthaçinois 
n'est  pas  tout  entière  dans  la  série  des 
événements  que  nous  avons  racontés. 


Pour  connaître  à  fond  Carthage  et  son 
histoire ,  il  faut  aller  plus  avant  et  pé- 
nétrer, si  nous  pouvons  nous  exprimer 
ainsi ,  dans  les  secrets  de  son  organi- 
sation intérieure.  Dès  l'antiquité,  ceux 
qui  ont  écrit  sur  cette  puissante  répu- 
blique ne  se  sont  point  bornés  à  con- 
signer, dans  leurs  livres,  les  guerres  et 
les  traités  de  paix  ou  d'alliance;  ils 
ont  encore  étudié  sa  constitution  poli- 
tique; son  système  d'administration; 
l'étendue  de  ses  possessions ,  de  son 
commerce,  de  ses  richesses  et  de  ses 
forces  militaires;  sa  religion ,  etc.  Nous 
nous  proposons ,  à  notre  tour,  d'abor- 
der séparément  chacun  de  ces  points, 
et  d'exposer,  dans  un  court  sommaire , 
en  nous  appuyant  sur  l'autorité  des 
écrivains  de  l'antiquité ,  tous  les  ren- 
seignements qui  nous  ont  été  trans- 
mis sur  cet  important  sujet  (*). 

Constitution.  —  A  Carthage ,  le 
pouvoir  était  aux  mains  d'une  puis- 
sante aristocratie.  Toutefois ,  il  ne  fau- 
drait pas  croire  qu'entre  cette  aristo- 
cratie et  celle  que  l'on  rencontre  à 
Sparte  ou  à  Rome ,  il  existât  une  par- 
faite ressemblance.  En  effet ,  à  Car- 
thage, il  n'y  avait  point  de  noblesse 
fondée  sur  des  souvenirs  de  conquête 
ou  sur  une  gloire  héréditaire,  mais 
une  noblesse  qui  tirait  en  général  tout 
son  éclat  de  l'étendue  de  ses  richesses. 
Il  est  vrai  qu'à  certaines  époques ,  on 
vit  s'élever  dans  la  république  des 
hommes  qui  acquirent  une  grande  re- 
nommée, et  qui  transmirent  à  leurs 
familles,  pour  un  temps  plus  ou  moins 
long,  toute  leur  illustration.  Mais 
nous  devons  ajouter  que  ce  fait  ne  se 
produisit  que  rarement  dans  l'histoire 
de  Carthage  ;  et  si  les  Magon ,  les  Han- 
non  et  lesBarca  se  virent  en  possession, 
pendant  de  nombreuses  années,  des 
dignités  de  l'État  et  de  la  considéra- 
tion publique ,  c'est  que ,  dans  ces  fa- 
milles, les  richesses  se  perpétuaient 

(*)  Nous  nous  sommes  aidé  aussi  des 
travaux  de  la  critique  moderne ,  et  nous 
avons  consulté  fréquemment  les  chapitres 
que  Hecrcn  a  consacrés  à  Carthage,  dans 
sou  grand  ouvrage  sur  la  politique  et  le 
commerce  des  peuples  de  l' antiquité 


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CARTSAGE. 


IM 


aussi  bien  que  les  vertus.  Trois  siècles 
avant  notre  ère ,  Aristote  avait  saisi  la 
différence  qui  existait  entre  l'aristocra- 
tie carthaginoise  et  l'aristocratie  qui 
gouvernait  Sparte.  II  a  insisté  sur  cette 
distinction;  et  les  faits  qu'if  a  rassem- 
blés ,  à  de  sujet ,  dans  sa  Politique ^ 
nous  fournissent  sur  la  constitution 
de  Carthage  de  précieux  renseigne- 
ments. Aristote  nous  a  encore  appris 
que,  dans  la  république,  les  riches 
étaient  les  seuls  qui  parvinssent  aux 
magistratures.  Il  s'exprime  formelle- 
ment à  cet  égard  :  «  On  pense  à  Car- 
thage, dit-il ,  (]ue  celui  qui  veut  exer- 
cer une  fonction  publique  doit  avoir 
non-seulement  de  grandes  qualités, 
mais  encore  de  grandes  richesses.  » 
PouvoiBS   DK    l'État;    grands 

ASSEMBLÉE  (aup/AYlTOç);  CONSEIL  SU- 
PREME OU  DES  Cent  (^spouata)  ;  AS- 
SEMBLÉES DU  peuple;  su F fêtes; 
généraux;  censeur  des  mœurs; 
attributions  des  dïffbreints  pou- 
VOIRS DE  l'État.  —  La  grande  as- 
semblée (où-piviTc;)  était  un  corps  per- 
manent qui  se  composait  de  l'élite  des 
Carthaginois, c'est-a-dire,  des  hommes 
qui  avaient  acquis  par  leurs  richesses 
une, grande  influence.  Dans  un  État 
où  les  citoyens  les  plus  notables  sont 
les  citoyens  les  plus  riches ,  les  fonc- 
tions publiques  ne  sont  point  hérédi- 
taires. Comme  nous  Tarons  dit,  par 
suite  de  l'instabilité  des  grandes  for- 
tunes ,  l'aristocratie  carthaginoise  de- 
vait non  point  changer  dans  son  es- 
sence, mais  se  renouveler  sans  cesse. 
La  grande  assemblée  était  soumise  à 
cette  loi;  et  vraisemblablement  les 
places  vacantes  furent  souvent  rem- 
plies par  des  hommes  qui  n'avaient 
reçu  aucune  illustration  de  leurs  aïeax, 
mais  qui ,  à  force  de  travail  et  de  peine, 
par  le  commerce  ou  par  l'industrie, 
étaient  parvenus  à  acquérir  des  richesses 
considérables.  Les  écrivains  anciens 
ne  nous  ont  point  donné  de  renseigne- 
ments sur  l'organisatiop  intérieure  du 
sénat  carthaginois.  Toutefois,  d'après 
quelques  indications  empruntées  aux 
historiens,  il  nous  est  permis  de  croire 
que  les  membres  qui  le  composaient 
étaient  fort  nombreux.  La  grande  as- 

9*  Livraison,  (Carthagb.) 


semblée  (w-yxXvitoç)  parait  avoir  été  un 
corps  délibérant  ;  c'était  à  Carthage , 

Î>our  employer  une  expression  moderne, 
e  pouvoir  législatif  y  comme  la  petite 
assemblée  (-^ipouaîa)  qu' Aristote  appelle 
le  conseil  suprême,  était  le  pouvoir 
exécutif.  Le  conseil  suprême ,  qui  re- 
çut la  dénomination  particulière  de 
ftpouoia,  se  composait  de  cent  mem- 
bres. Dans  le  prmcipe ,  il  n'avait  été 
qu'un  démembrement  de  la  grande  as- 
semblée, un  comité  charge  spéciale- 
ment de  faire  la  police  de  IHÊtat ,  et  de 
ju^er  les  magistrats  et  les  généraux 
prévaricateurs.  Le  conseil  des  Cent  ne 
cessa  point  de  se  recruter  parmi  les 
notables  de  la  république  ;  mais  peu  à 
peu  il  se  fit  conférer  des  pouvoirs 
extraordinaires ,  et  il  finit  par  se  ré- 
server la  connaissance  des  affaires  les 
pitis  importantes,  et  par  s'arroger  le 
droit  de  décider  dans  les  grandes  cir- 
constances. Ajoutons  ici  que  plusieurs 
écrivains  de  l'antiquité  ont  compris 
les  deux  assemblées  sous  le  nom  com- 
mun de  synédrin  (<Tvv<apiov). 

«  La  sphère  du  sénat  à  Cartha- 
ge ce ,  dit  lieeren ,  en  y  réunissant 
«le  grand  conseil  ( aûifxXifjTcç )  et  le 
«conseil  des  Cent  (-^epowta),  paraît 
«  avoir  été  en  général  la  même  que 
«  celle  du  sénat  romain.  Toutes  les 
«  transactions  avec  l'étranger  lui  sont 
«  confiées.  Les  rois  ou  sunètes  qui  le 
«  présidaient  y  font  des  rapports  ;  il 
«reçoit  les  ambassadeurs,  il  délibère 
«  sur  toutes  les  affaires  d'État,  et  son 
«  autorité  était  si  grande  qu'il  décidait 
«  même  de  la  guerre  et  de  la  paix , 
«quoique,  pour  la  forme,  la  ratifica- 
«  tion  allât  quelquefois  au  peupie  (*).  » 
Nous  savons,  en  effet,  qu  il  existait  à 
Carthage  des  assemblées  du  peuple. 
Mais,  comme  l'a  remarqué  le  savant 
historien  que  nous  venons  de  citer,  ces 
assemblées  n'exerçaient  point  une  in- 
fluence réelle  sur  les  affaires  de  l'É- 
tat (**).II  arrivait  toutefois  qu'en  certai- 

(*)  Heeren ,  De  la  politique  et  du  corn' 
mei'ce  des  peuples  de  l'autiquité,  t.  [V^  oe 
la  traduction  française,  p.  1.^0. 

(**)  En  parlant  ici  de  la  constitution  car- 
thaginoise ,  nous  n'avons  en  vue  que  l'épo^ 

9 


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130 


L'UNIVERS* 


nés  circonstances  rîntervention  du  peu- 
ple 4tait  jugée  nécessaire.  Quand  les 
pouvoirs  supérieurs,  qui  se  composaient 
des  dei^  assemblées  et  des  ^uffètes , 
çf étaient  pornt  d'accord,  c'était  1^ 
peuple  qui  décidait.  Les  deux  suffete;s 
(^  rois  étaient  placés  à  la  tête  du  gbu- 
vernenjent  (*).  Cependant  leur  auto- 

que  où  la  répQbKque  par  ses  conquêtes ,  par 
la  grandeur  et  la  nature  de  ses  entreprises, 
par  le  nombre  des  peuples  tributaires ,  était 
florissante  et  se  trouvait  à  Tapogée  de  sa 
puissance  et  de  sa  splendeur.  A  cette  époque, 
k  gouvernement ,  à  Carthag^ ,  était  pure- 
ment aristocratique  et,  comme  nous  l'avons 
dit ,  le  peuple  n'avait  daps  les  affaires  d^ 
l'État  qu'une  faible  part  d'action.  C'est  le 
jeu  des  institutions  qui  étaient  en  vigueur , 
pendant  cette  période  que  nous  venons  d'ex- 
pjiquer.  Plus  tard  ,  au  moment  où  Carihage 
se  trouva  en  contact  avec  Rome,  et  après 
de  longues  guerres  et  des  désastres  multi- 
pliés, il  se  fit  dans  la  constitution  dcjg^ra- 
ves  changements.  Le  peuple  à  son  tour  voulut 
intervenir  dans  le  gouveruemeut  et  se  mé- 
nager dans  les  af?aires  de  l'État  une  grande 
influence.  L'aristocratie  soutint  une  lutte 
opiniâtre  contre  cette  prétention  nouvelle 
et  elle  acK^bla  de  toute  sa  haine  la  famille 
Barca  qui  appuyait  les  réclamations  de  la 
déinocratie.  C^endaut,  au  temps  des  guerrâs 
puniques,  les  circonstances  étaient  changées, 
et  des  événements  impréyus  nécessitaient, 
peut-être ,  dans  la  constitution  des  réfor- 
mes extraordinaires.  Si  l'aristocratie  s'était 
prêtée  de  son  plein  gré  aux  réfornies  demaij^- 
dées  par  le  peuple;  Carthage  eût  peut-être 
échappé  aux  humiliations  et  aux  malheurs 
sans  nombre  qui  vinrent  fondre  sur  elle  pen- 
dant un  demi  siècle  (ao2- 146  avant  notre  ère) ; 
peut-être  aussi  eût-elle  évité  une  entière  des- 
truction. Cest  Topinion  de  Montesquieu  ; 
«Carthêge,  dit-il,  périt  parce  que,  lorsqu'il 
fallut  retrancher  les  abus ,  elle  ne  put  souf- 
frir la  main  de  son  Annibal  méme..»{Grancfeur 
et  décadence  des  Romains,  ch.  viif.)  Anni- 
bal, on  le  sait,  fut,  après  Amilcar  son  père,  • 
le  chef  du  parti  démocratique.  Au  reste, 
nous  avons  raconté  plus  haut ,  avec  quelque 
étendue ,  les  changements  survenus  dans  la 
constitution  de  Carthage  et  la  lutte  de  la 
démocratie  contre  l'aristocratie.  Voyez  prin- 
cipalement p.  80,  97  et  suiv. ,  io3,  X08, 
109,  X2I  et  suiv. 

(*)  Suivant  les  traditions ,  le  gouverne- 
nent  monarchique  avai'  précédé,  à  Carthage, 


rite  était  loin  d'être  iffîmîtée,  et  ils  ne 
ppuvaîent ,  à  eux  seuls,  contre-balancer 
ta  puissance  du  conseil  des  Cent  et  de 
la  grande  assemblée.  Il  fallait,  il  est 
vrat,  que,  pour  Fadoption  des  me- 
sures jugées  indispensable^  par  les 
assemblées,  ils  donnassent  leur  ad- 
hésion. Quand  cette  adhésion  mari- 
quait ,  le  sénat  avait  encore  up  moyen 
de  l'emporter.  Il  s'adressait  au  peuple, 
qui  décidait.  Ce  qui  relevait  la  dignité 
des  suffètes  à  Carthage,  c'était  moins 
Fimportance  des  fonctions  que  les 
distmctions  honorifiques.  Ainsi,  11s 
avaient  la  préséance  dans  les  assem- 
blées. Ils  étaient  choisis  parmi  les 
membres  les  plus  influents  du  sé- 
nat, mais  leur  élection  était  ratiûée 
par  le  peuple.  Leur  pouvoir  était 
a  vie,  et  par  conséquent  soumis  à 
Télection.  Nous  voyons  quelquefois  les 
Suffètes  prendre  en  main  le  comman- 
dement des  armées  de  terre  et  des 
flottes ,  maïs  ce  commandement  n'était 
point  inhérent  à  leurs  fonctions.  Tout 
nous  porte  à  croire,  au  contraire ,  que 
l'on  abandonnait  plus  volontiers  aux 
stiffètes  ce  qui  concernait  l'adminis- 
tration civile.  La  république  apportait 
le  plus  grand  soin  dans  le  choix  de 
ses  généraux  :  on  prenait  pour  com- 
mander les  armées ,  ceux  qui ,  dans 
les  guerres,  s'étaient  distingués  par 
leur  courage  ou  leurs  talents.  D'abord 
c'était  le  conseil  supérieur  ou  des  Cent 
qui  nommait;  ensuite  la  grande  as- 
semblée et  le  peuple  sanctionnaient  la 
nomination.  En  plusieurs  circonstan- 
ces, le  choix  fut  laissé  à  l'année  elle- 
même;  ainsi,  pendant  la  guerre  des 
Mercenaires ,  au  moment  où  un  funeste 
dissentiment  éclata  entre  tlannon  et 
Amilcar,  les  soldats  reçurent  pouvoir 
d'élire  un  chef  unique  :  *ils  se  pronon- 
cèrent, on  le  sait ,  en  faveur  d' Amilcar. 
Enfin  ,  pour  terminer  cette  no- 
menclature, nous  dirons  que  Cor- 
nélius Nepos  parle  d'un  magistrat  qui , 

le  gouvernement  républicain.  Malchus,  qui 
commanda  en  Sicile  et  en  Sardaigne  (536-5  3o 
avant  notre,  ère) ,  est  le  premier  Carthagi- 
nois qui ,  dans  l'histoire ,  porte  le  titre  de 
suffète,  Voy.  plus  haut,  p.  3, 


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CARTHAGE. 


191 


h  Carthage,  aurait  été  revêtu  des  fonc- 
tions de  censeur  des  mœurs. 

JSous  ne  pouvons  nous  arrêter  sur 
les  institutions  judiciaires  des  Cartha- 
gipois,  car  nous  n'avons  sur  ces  insti- 
tutions que  des  données  incomplètes. 
^us  ^vons  cependant  qu'il  existait 
des  noâgistrats  spéciaux  pour  juger  les 
affaires  civiles  et  criminelles. 

Système  de  gouvebnement  a 
ju'égabd  des  peuples  tbibutaibes 
su»  le  continent  afbicain  et  des 
ÇQLONiES.  —  Carthage  tenait  dans  une 
étroite  dépendance  toutes  les  villes  qui 
\^l  étaient  soumises  sur  le  continent 
africain.  Loin  de  leur  conférer  des 
privilèges  étendus,  elle  les  traitait  en 
villes  conquises ,  et  elle  montra  parfois 
à  leur  égard  une  extrême  dureté.  £Ile 
leur  faisait  payer  de  lourds  impots, 
^,  lorsqu'il  s'agissait  de  percevoir,  le 
Çsc  de  la  république  procédait  avec  une 
ij)flexible  rigueur.  Les  gouverneurs 
délégués  pour  administrer  les  villes 
avaient  mission,  avant  tout,  de  faire 
^trer  de  grosses  sommes  dans  le  tré- 
sor public ,  et  les  percepteurs  em- 
ployaient souvent  d'énergiques  moyens 
pour  extorquer  l'argent  des  tributaires. 
Les  habitants  des  campagnes  n'étaient 
pas  traités  avec  plus  de  modération, 
et ,  en  plusieurs  circonstances ,  on  en- 
leva aux  cultivateurs  propriétaires  la 
moitié  de  leurs  revenus.  Les  habitants 
(Jes  villes  et  des  campagnes  qui  res- 
i^ient  soumis  par  la  force  gardaient  le 
souvenir  de  ces  odieuses  exactions,  et 
îprsqu'un  ennemi  mettait  le  pied  sur 
le  sol  de  Carthage,  ils  se  rangeaient  de 
son  côté  et  lui  prêtaient  aide  et  appui. 
Cette  haine  des  peuples  tributaires 
(Contre  la  république  se  manifesta  sur- 
tout avec  violence  à  l'époque  de  la 
guerre  des  Mercenaires  (*). 

Carthaçe  suivit  la  même  règle  de 
conduite  a  l'égard  de  ses  colonies.  Elle 
leur  lit  sentir  quelquefois  sa  préémi- 
nence d'une  manière  tyrannique.  Ainsi, 
«l}e  les  obligeait  à  fermer  leurs  ports 
aux  marchands  étrangers.  C'était  à 
Carthage  seulement  qiron  achetait  les 
produits  des  contrées  lointaines,  et 

(*)  Voyez  plus  haut,  p.  68  et  69, 


par  ce  monopole,  qui  était  loin  de 
cçntribuer à  la  prospérité  des  colonies, 
la  république  gagnait  d'incalculables 
richesses.  La  métropole  avait  soin  de 
transporter,  là  où  elle  établissait  des 
colons,  ses  dieux  et  son  culte.  La  con- 
formité des  croyances  religieuses  était 
assurément  un  lien  puissant  ;  mais  Car- 
thage eut  encore  recours  à  d'autres 
moyens  pour  retenir  les  colonies  sous 
sa  dépendance.  Elfe  plaçait  dans  cha- 
cune d'elles  des  magistrats  carthaginois 
chargés  de  l'administra  tion  ci  vile  ei  mili- 
taire, et  souvent  elle  adjoignait  à  ces  ma- 
gistrats une  garnison  de  liiercenaires. 

ÉTENDUE  DE  LA  PUISSANCE  CAR- 
THAGINOISE; PEUPLES  SOUMIS  A  Car- 
thage SUE  LE  CONTINENT  AFRICAIN  ; 

COLONIES.  —  Carthage,  après  sa  fon- 
dation, se  trouva  en  lutte  avec  les  peu- 
ples qui  l'avoisinaient.  Elle  triompha 
cependant,  et  elle  compta  enfin  au 
nombre  de  ses  tributaires  tous  les  enne- 
mis qui  l'avaient  attaquée.  Par  un  long 
contact,  les  hommes  qui  habitaient 
autour  de  Carthage  et  de  quelques  au- 
tres établissements  phéniciens  se  mê- 
lèrent peu  à  peu  aux  colons  venus  de  Tyr 
ou  de  Sidon,et,  par  suite  de  la  fusion 
qui  s'était  opérée,  ils  reçurent  le  nom 
ae  Liby-Phéniciens.  Dans  les  provinces 
voisines  de  Carthage  s'élevèrent  bien- 
tôt des  villes  nombreuses ,  et  le  sol  fut 
embelli  et  fertilisé  par  une  savante 
agriculture.  Indépendamment  des  peu- 
ples sédentaires  qui  s'étaient  presque 
assimilés  aux  Phéniciens,  il  y  avait 
encore  des  nomades  qui  s'étaient  sou- 
mis à  la  puissance  carthaginoise.  A 
l'ouest,  quelques-unes  des  peuplades 
de  la  INumidie  payaient  un  tribut.  Au 
inidi,  jusqu'au  lac  Triton,  «t  à  l'est, 
jusqu'à  la  grande  Syrte,  on  distinguait 
parmi  les  tributaires  de  Carthage  les 
Ausenses,  les  Maxyes,  les  Machlyes, 
les  Lotophages  et  les  Nasamons.  La 
soumission  ou  l'alliance  de  toutes  ces 
tribus  était  précieuse  à  la  république; 
les  unes  lui  servaient  de  barrière  contre 
les  invasions,  et  les  autres,  en  trans- 
portant ses  denrées  jusqu'aux  rives  du 
îîiger,  facilitaient  son  commerce  dans 
l'intérieur  de  l'Afrique. 
Colonies.  —  Il  ne  faut  pas  ranger 

9. 


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132 


UUNIVERS* 


au  nombre  des  colonies  carthaginoises 
certaines  villes  qui  peut-être,  bien 
avant  Carthage  elle-même,  avaient  été 
fondées  par  des  Phéniciens  sur  les  côtes 
de  l'Afilque.  Salluste  nous  apprend 
que  la  plupart  des  villes  du  littoral , 
aux  environs  de  Carthage ,  telles  qu'A* 
drumète  ,Hippo-Zarytes,la  petite  Lep- 
tis,  devaient  leur  origine  à  des  émigra- 
tions phéniciennes.  Il  en  était  de  même 
pour  Utique  et  la  grande  Leptis.  La 
ville  d'Utique  formait  un  Etat  indé- 
pendant et  n'était  point  soumise  à 
Carthage.  Dans  deux  traités  que  Po- 
lybe  nous  a  conservés  et  qui  furent 
laits  avec  les  Romains  (509  et  348 
avant  notre  ère),  et  encore  dans  un 
autre  traité  qui  fut  conclu  avec  Phi- 
lippe, roi  de  Macédoine,  à  Tépoque  de 
la  seconde  guerre  punique,  les  Cartha- 
ginois mentionnèrent  Utique  comme 
ville  alliée  et  non  point  comme  ville 
tributaire.  Il  semble  même ,  d'après  ces 
traités ,  qu'ils  la  placèrent  sur  le  même 
rang  que  Carthage. 

Wlpres  avoir  donné  une  nomencla- 
ture des  villes  et  des  ports  qui  se  trou- 
vent sur  la  côte  septentrionale  de 
l'Afrique  jusqu'aux  colonnes  d'Her- 
cule, Scylax  ajoute:  «Les  villes  et 
places  commerçantes ,  depuis  les  Hes- 
pérides  ^la  grande  Syrte)  jusqu'aux  co- 
lonnes d  Hercule ,  appartiennent  toutes 
aux  Carthaginois.  »  Carthage  en  effet, 
dans  un  but  commercial ,  avait  fondé 
des  établissements  nombreux  sur  le 
littoral  africain^  ou  bien  encore  elle 
avait  placé  des  comptoirs  dans  les  villes 
qui  ne  lui  devaient  point  leur  origine. 
Carthage,  par  sa  position  et  par  la 
nature  de  ses  entreprises ,  était  animée 
de  l'esprit  de  conquête.  Il  fallait  pour 
les  intérêts  de  son  commerce ,  qui  re- 
cevait chaque  jour  de  nouveaux  déve- 
loppements , qu'elle  accrût  et  multipliât 
ses  possessions  dans  Fintérieur  des 
terres  et  au  delà  des  mers.  Elle  com- 
battait sans  cesse  pour  ac({uérir,  dans 
les  provinces  qui  l'avoisinaient,  de 
nouveaux  territoires  et  de  nouveaux 
alliés,  et  pour  placer,  dans  les  contrées 
lointaines  explorées  par  ses  naviga- 
teurs ,  des  colonies  ou  des  comptoirs. 
Cette  nécessité  de  s'agrandir  la  jeta 


dans  mille  entreprises  diverses  qui 
toufes  eurent  un  plein  succès ,  jusqu'au 
moment  où  elle  se  trouva  en  contact 
avec  les  Romains. 

Saedaignb.  —  Justin  parle  d'une 
expédition  des  Carthaginois  contre  la 
Sardaigne.  Cette  expédition,  qui  eut 
Heu  vraisemblablement  entre  600  et 
£»50 ,  est  une  des  premières  que  Car- 
thage ait  dirigées  contre  cette  lie.  La 
Sardaigne  était,  sans  contredit,  une 
des  possessions  les  plus  importantes 
des  Carthaginois  dans  la  Méditerranée. 
Tous  les  peuples  de  l'île  furent  soumis , 
à  l'exception  de  quelques  indigènes  qui 
se  retirèrent  dans  les  montagnes.  Les 
Carthaginois ,  pour  assurer  leurs  éta- 
blissements dans  ce  pays  qui  leur 
offrait  de  précieuses  ressources,  fon- 
dèrent deux  villes,  Caralis  et  Sulchi. 
La  Sardaigne  est  mentionnée  expres- 
sément dans  les  deux  premiers  traités 
que  Carthage  fit  avec  Rome.  Par  l'un 
de  ces  traités,  les  Romains  peuvent 
entretenir  des  relations  commerciales 
avec  la  Libye,  c'est-à-dire,  avec  les 
habitants  du  territoire  carthaginois  en 
Afrique,  et  avec  la  Sardaigne;  par  l'au- 
tre ,  Carthage  leur  défend  de  naviguer 
vers  ces  deux  pays,  ta  Sardaigne,  nous 
le  répétons,  était  poiiir  les  Carthaginois 
une  précieuse  acquisition,  car  elle  leur 
fournissait  du  blé  en  abondance,  et, 
dans  les  temps  de  guerre ,  elle  fut  plus 
d'une  fois  le  grenier  de  Carthage. 

CoBSE.  —  La  possession  de  la  Corse 
n'offrait  pas  les  mêmes  avantages. 
Toutefois ,  les  Carthaginois ,  sans  trop 
se  soucier  d'une  contrée  qui  ne  devait 
pas  leur  rapporter  de  grands  profits , 
ne  se  montrèrent  point  indifférents 
lorsqu'il  s'agit  de  savoir  à  qui  appar- 
tiendraient les  côtes  de  la  Corse.  Ainsi , 
quand  les  Phocéens,  fuyant  la  domi- 
nation des  Perses,  vinrent  chercher 
dans  l'île  une  nouvelle  patrie  et  y  fon- 
dèrent Alalia ,  les  Carthaginois  s'uni- 
rent aux  Étrusques  pour  les  expulser. 
Les  Phocéens  cédèrent  à  une  coalition 
si  puissante ,  et  ils  se  dirigèrent  vers 
un  autre  pays  pour  trouver  enfin  un 
asile  et  un  durable  établissement.  La 
Sardaigne  et  la  Corse  appartenaient  à 
Carthage,  lorsç|ue  M  Romains  se  rea» 


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CARTHAGE. 


tn 


dirent  maîtres  de  ces  deux  Iles  en  237, 
au  moment  où  finissait  la  guerre  des 
Mercenaires. 

Sicile.  —  On  connaît  assez  la  po- 
sition et  rétat  florissant  de  la  Sicile 
dans  l'antiquité,  pour  savoir  combien 
sa  possession  devait  être  utile  à  Car- 
thage.  Mais  jamais  la  commerçante 
cité,  malgré  ses  efforts  réitérés,  ne 
parvint  à  Ta  posséder  dans  son  entier. 
Elle  rencontra  sans  cesse  des  obstacles , 
et  le  plus  grand  fut  assurément  la  ri* 
vaJité  des  Syracusains,  qui,  eux  aussi, 
voulaient  dominer  en  maîtres  absolus 
dans  toute  retendue  de  la  Sicile;  Ce  qui 
ouvrit  à  Carthage  l'entrée  de  Ule ,  ce 
fut  d'abord  sa  parenté  avec  Eryx,Panor- 
me ,  Motya,  Soloes,  Lilybée,  et  quelques 
autres  villes  qui  étaient  d'origine  phé- 
nicienne; ensuite  les  rivalités  qui  exis- 
taient entre  les  différentes  colonies  grec- 
ques. Après  avoir  fondé  leurs  premiers 
établissements  sur  la  côte  qui  avoisine 
Lilybée ,  les  Carthaginois  ne  tardèrent 
point  à  s'étendre,  et  à  pousser  leurs 
conquêtes  jusque  dans  la  partie  orien- 
tale de  la  contrée.  Nous  devons  remar- 
quer ici  que ,  par  suite  du  système  de 
gouvernement  adopté  par  la  métropole 
à  l'égard  de  ses  colonies,  les  villes 
carthaginoises  de  la  Sicile  ne  furent 
jamais  bien  florissantes.  Carthage  les 
maintenait  dans  un  rang  très-inférieur 
au  sien  f  et  ces  villes ,  gênées  dans  leur 
développement ,  ne  pouvaient  rivaliser 
avec  les  colonies  grecques  ni  par  leur 
splendeur  ni  par  leur  population.  Ce- 
pendant Carthage  connaissait  toute 
rimportance  d'une  bonne  position  en 
Sicile.  A  partir  du  jour  où  elle  eut  dans 
la  partie  occidentale  de  l'île  de  solides 
établissements,  elle  devint  conqué- 
rante, et,  comme  nous  l'avons  dit, 
elle  essaya  de  s'agrandir.  Ce  fut  alors 
qu'une  guerre  terrible  éclata  entre  elle 
et  les  Syracusains  ses  rivaux.  Dans 
cette  guerre  qui  dura  plusieurs  siècles 
(de  l'an  41 0  à  l'an  264  avant  notre  ère) , 
les  Carthaginois  prodiguèrent  leurs 
trésors  et  leurs  soldats  ;  ils  ne  se  lais- 
sèrent point  abattre  par  les  succès  de 
Gélon ,  de  Denys  l'Ancien  et  d' Agatho- 
cle,  et  l'on  ne  saurait  dire  quelle  au- 
rait été  l'issue  de  la  lutte,  si   les 


Romains  n'avaient  franchi  le  détroit  de 
Messine  pour  descendre  à  leur  tour 
dans  cette  sanglante  arène.  Il  résulta 
de  cette  guerre,  dont  les  succès  étaient 
partagés,  jue  l'étendue  du  territoir- 
carthaginois,  en  Sicile,  varia  sane 
cesse.  Tantôt  les  Svracusains  étaiens 
réduits  à  défendre  leurs  propres  mut 
railles,  tantôt  Carthage  ne  conservait 
en  Sicile  que  Motya  ou  Lilybée.  Ce* 
pendant,  depuis  l'année  883,  le  petit 
fleuve  HalyKus  était  regardé  comme 
une  ligne  de  démarcation  entre  les  deux 
parties  Mligérantes.  On  sait,  par  le 
récit  qui  précède,  comment,  après  une 
guerre  qui  avait  duré  plus  de  vingt 
ans,  les  Carthaginois,  vaincus  par  les 
Romains,  furent  obligés  de  renoncer 
à  la  conquête  de  la  Sicile. 

Iles  Baléares.  ~  S'il  faut  en  croire 
Diodore,  Carthage  eut  des  relations 
avec  les  îles  Baléares  deux  siècles  seu- 
lement après  sa  fondation.  Les  Cartha- 
ginois surent  apprécier  de  bonne  heure 
toute  l'importance  de  ces  îles.  «Ils  y 
fondèrent  une  ville,  Érésus,  qui  offrait 
aux  navigat^urs  un  excellent  port,  et 
qui  brillait  par  la  beauté  de  ses  édiiices. 
Les  îles  Baléares  servaient  d'entrepôt 
aux  marchands  qui  allaient  en  Espa- 
gne ,  et  elles  fournissaient  aux  ar- 
mées de  Carthage  des  soldats  renom- 
més pour  leur  habileté  à  lancer  au  loin 
des  projectiles ,  et  surtout  à  se  servir 
de  la  fronde. 

Petites  îles  de  la  Méditerra- 
née. —  Entre  l'Afrique  et  la  Sicile  on 
voyait  les  deux  îles  de  Gaulos  et  de 
Mélita ,  qui ,  à  une  époque  fort  recu- 
lée, avaient  appartenu  aux  Phéniciens. 
Carthage  s'en  empara ,  et  elles  liri  ser* 
virent  de  stations  pour  son  commerce. 
A  Mélita  (  Malte  )  se  trouvaient  de 
nombreuses  manufactures  pour  la  fa- 
brication des  tissus.  Dans  ces  îles,  com- 
me dans  toutes  les  autres  possessions 
de  la  république,  il  y  avait  une  garni- 
son de  mercenaires  à  laquelle  était 
préposé  un  officier  carthaginois. 

Espagne.  —  Il  serait  difficile  de  pré- 
ciser le  temps  où  Carthage  mit  le  nied 
pour  la  première  fois  sur  le  sol  de 
l'Espagne.  Toutefois,  il  est  avéré  que 
déjà,  a  une  époque  fort  ancienne,  les 


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134 


L'UNIVERS. 


Carthaginois  envoyèrent  des  colons  sur 
1^  tùtet  He  rtbéfie.  Nous  savons,  an 
reste,  que  les  Phéniciens  tes  avaient 
devancés  en  fondant  des  établissements 
oélèbi^,  Oadès  entre  autres,  sur  la 
côte  méridionale  de  TEspagne.  Les 
rapports  de  Carthage  florissante  avec 
lu  péninsule  ibérique  furent  tout  paci* 
flqaes.  Plus  tard  seulenient ,  quand  la 
république,  épuisée  par  de  longues  guer- 
res ,  se  vit  enierer  par  les  Romains  la 
Sicile ,  la  Corse  et  la  Sardaigne ,  elle 
changea  de  système  à  l'égard  de  l'Es- 
pagne :  elle  ne  se  contenta  plus  des 
étiabifssements  fondés  sur  les  côtes  par 
les  Phéniciens  ou  par  eite-mémfe;  elle 
eSsisaya  de  pénétrer  dans  l'intérieur  du 
pays,  de  conquérir  de  grandes  provin- 
ces ^  de  compenser  ainsi  les  pertes 
considérables  qu'elle  avait  faites.  Là, 
en  effet,  les  produits  de  la  terre  et  les 
mises  à  peine  explorées  étaient  encore 
pour  elle  une  source  abondante  de  ri- 
chesses. Nous  ne  rappellerons  point- 
ici  la  'lotte  qu'elle  soutint  dans  la  pé- 
ninsule ibérique  pour  consolider  ses 
établissertients  ^  assurer  «es  conquê- 
tes, car  nous  avons  résumé  plus  haut 
l'histoire  de  la  domination  carthagi- 
noise en  Espagne. 

Carthage  n'avait  point  de  colonies  en 
Gaule  et  en  Italie.  Dans  la  première 
de  oes  deui  contrées,  MassHia,  fon- 
dée par  les  Phocéens  ses  ennemis, 
dans  la  seconde,  Rome  et  tes  villes 
de  la  Campanie,  lui  faisaient  une  trop 
redoutable  concurrence,  tl  paraît  ce- 
pendant qu'elle  eut  de  fréquents  rap- 
ports avec  la  Gaule,  car  on  voit  des 
légions  entières  de  Gaulois  dans  ses 
armées  de  mercenaires. 

CÔtBS  OCGIDBNTALES  DE  L'AfBI- 
QtïE    SV    DB    I.*EtJBOPB  ;    PÉBIPLBS 

©'HAimoT»  ET  d'Himilcon.  —  Les 
Carthaginois  franchit^nt  le  détroit  de 
Gadès  et  ils  explorèrent  une  partie  des 
e^i^  occidentales  de  l'i^frique  et  de 
l'Europe.  Nous  savons  que  le  roi  Han- 
non  fut  chargé  ïde  passer  le  détroit  et 
de  fonder  d^  isolonies  sur  différents 
points  de  la  côte  africaine.  H  condui- 
sait avec  lui  trente  «wlle  Liby-Phéni- 
clens  qui  devaient  (teuphâr  lesnouveaux 
établissements.  A  la  méitie  époque. 


Himilcon  explorait  la  côte  occidentale 
de  l'Europe.  Les  fragments  de  F^tUs 
Avienus ,  qui  parle  de  ce  périple ,  Ht 
nous  apprennent  rien  de  certain  sur 
le  but  et  le  résultat  du  voyage  d'Hi* 
milcon. 

Tbbsob  public;  ses  bbvbncjs.  — 
Le  trésor  public,  à  Carthage,  se  rem* 
plissait  facilement,  soit  par  la  rentrée 
des  impôts  et  des  tributs ,  soit  par  la 
part  considérable  que  l'État  se  réser- 
vait dans  les  découvertes  importanties 
que  disaient  chaque  jour  ses  colons 
ou  ses  navigateurs.  En  ce  qui  concerne 
cette  dernière  branche  de  revenus, 
Carthage,  comme  nous  l'avons  dit  pré- 
cédemment, trouva  dans  l'exploitation 
des  mines  de  l'Espagne  d'inépuisables 
richesses.  Les  revenus  fixp5  et  régu- 
liers consistaient  dans  les  tributs  que 
payaient  les  peuples  soumis.  Les  villes, 
dans  tonte  l'étendue  des  possessions 
carthaginoises,  donnaient  de  l'argent  ; 
les  cultivateurs,  et  en  général  ceux  qui 
n'habitaient  point  la  côte,  s'acqint- 
taient  en  nature  envers  le  fisc  et  seS 
agents.  La  Sardaigne  et  la  Sicile  en- 
voyaient le  blé  qui  servait  aux  appro- 
visionnements publics.  Carthage  s'en- 
richissait aussi  par  les  droits  qu'elle 
percevait  à  l'entrée  des  ports  de  la  ca- 
pitale et  des  colonies.  Bien  souvent  eHc 
se  procura  de  l'argent  par  la  pirate- 
rie. Parfois  elle  confisqua  la  charge  des 
vaisseaux  qui  stationnaient  dans  soto 
port  ;  mais  elle  n'avait  recours  à  ces 
moyens  violents  que  dans  les  moments 
de  détresse  et  lorsque  de  grands  dan- 
gers la  menaçaient,  comme  à  Fépoque 
de  la  guerre  *des  Mercenaires.  Toute- 
fois, hâtons-nous  de  le  dire,  quand  le 
péril  s'était  éloigné,  quand  le  calme 
renaissait,  elle  s'empressait  de  resti- 
tuer, et  elle  indemnisait  les  marchands 
qui  avaient  eu  à  souffrir  de  ses  injus- 
tes saisies.  Ce  qui  contribua  principa- 
lement à  rendre  Carthage  riche  et  flo- 
rissante, ce  fut  la  prospérité  de  chacun 
àe^  individus  soumis  à  ses  lois.  En 
^et ,  par  l'agriculture ,  le  commerce 
et  nnaustrie,  presque  tous  étaient 
parvenu»  à  se  procurer  l'aisance  et  le 
bien-être. 

AoBTCULTtiBB.  —  Les  Carthaginois 


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CARTHAGE. 


135 


habituèrent  de  bonne  heure  à  la  vie 
rurale  les  populations  indigènes  qui  les 
avoisinaient.  Eux-mêmes  ne  se  portè- 
rent point  exclusivement  vers  le  com- 
merce ou  l'industrie  ;  ils  s'adonnèrent 
aussi  aux  travaux  de  la  campagne. 
L'agriculture,  dans  les  terres  de  la 
domination  carthaginoise,  était  parve- 
nue à  un  haut  degré  de  perfectionne- 
ment. Les  étrangers  qui  parcouraient 
les  environs  de  Carthage ,  traversaient, 
non  sans  admiration,  les  campagnes , 

S|ue  de  savants  procédés  avaient  tràhs- 
ormées  en  de  véritables  jardins.  «  La 
«  contrée  qu'Agathocle,  après  son  dé- 
«  barqnement  en  Afrique,  traversa  à 
«  la  tête  de  son  armée ,  était ,  suivant 
«  Diodore ,  'couverte  de  jardink ,  de 
«  plantations,  et  coupée  de  canaux  qui 
«  servaient  à  les  arroser.  De  superbes 
«  maisons  de  campagne  décelaient  les 
«  richesses  des  propriétaires.  Ces  de- 
«  meures  oflraîent  toutes  les  commo- 
«  dites  de  la  vie,  car,  dans  l'intervaHe 
«  d*une  longue  paix ,  les  habitants  y 
«  avaient  entassé  tout  ce  qui  peut  flai- 
«  ter  la  sensualité.  Le  sol  était  planté 
«  de  vignes ,  d'oliviers  et  d'autres  ar- 
«  bres  fruitiers.  D'un  côté  s'étendaient 
«  des  prairies  où  paissaient  des  trou- 
«  peaux  de  bœufs  et  de  brebis;  de  l'au- 
«  tre,  dans  les  contrées  basses,  se  trou- 
«  vaient  d'immenses  haras.  On  voyait 
«  partout  l'aisance,  car  les  Carthagi- 
«  nois  les  plus  distingués  y  avaient  des 
«  possessions  et  rivalisaient  de  luxe.  » 
Polyhe  nous  apprend  que  la  campagne 
de  Carthage  offrait  encore  le  même 
aspect  an  moment  où  l'armée  de  Re- 
gulus  descendit  en  Afrique,  c*est-à- 
dire  cinquante  ans  après  l'expédition 
d'Agathocle.  Entre  toutes  les  pro- 
vinces qne  les  Carthaginois  possédaient 
sur  le  sol  de  l'Afrique,  la  Byzacène 
tenait  le  premier  rang  par  son  extrême 
fécondité.  «  Cette  contrée  habitée  jpar 
«  des  Libyens ,  dit  Scylax ,  est  très-fer- 
«  tileetclle  offre  un  magnifique  aspect. 
<  Elle  abonde  en  troupeaux,  et  ie^ 
«  habitants  sont  très-riches.  » 

Heeren  h  Yait  une  remarque  impor- 
tante que  nous  devons  rappeler  ici , 
c'est  que ,  dans  les  provinces  de  l'Afri- 
qoe  soumises  à  'Cmthage ,  ragricalture 


n'était  pas  seulement  pratiquée  dans 
toutes  ses  branches ,  mais  encore  tirai- 
tée  dans  des  écrits  que  les  Romains 
ne  dédaignèrent  pas  de  faire  traduire 
dans  leur  langue  (voy.  l'alinéa  que  nous 
avons  consacré  à  la  littérature  des  Car- 
thaginois). Le  savant  historien  ajoute: 
«  A  Carthage ,  Taraour  de  l'agricul- 
«ture  semble  même  avoir  surpassé 
«  Pamour  pour  le  commerce.  Dans 
«  l'antiquité ,  l'état  de  commerçant 
«  n'était  pas  le  plus  estimé,  et  il  est 
«  Traisemblable  que  les  Carthaginois 
«  leurent  à  cet  égard  une  opinion  con- 
«  forme  à  celle  des  autres  peuples. 
«  ^ous  savons  que  les  grandes  familles 
«  delà  république  possédaient  des  biens- 
^  fonds  et  vivaient  de  leurs  revenus , 
«  mais  nous  ne  trouvons  aucun  fart 
«  qui  prouve  qu'elles  aient  ftiit  quelque 
«  négoce.  »  Ici ,  nous  le  croyons ,  Hee- 
ren s'est  exprimé  avec  quelque  exagé- 
ration ,  mais  il  n'en  reste  pas  moins 
démontré  jusqu'à  l'évidence,  par  le  té- 
moignage des  écrivains  de  l'antigoîté, 
que  les  Carthaginois,  tout  en  se  livrant 
au  commerce  et  à  l'industrie ,  donnè- 
rent les  plus  grands  soins  aux  travaux 
de  l'agriculture. 

Commerce  et  industrie.  —  Car- 
thage fut  pendant  plusieurs  siècles  l'en- 
trepôt de  toutes  les  richesses  du  monde 
ancien.  Ses  vaisseaux  lui  amenaient 
chaque  jour  les  produits  des  contrées 
les  plus  lointaines,  et  ses  caravanes , 
qui  traversaient  les  déserts,  appor- 
taient les  trésors  de  l'intérieur  de  l'A- 
frique et  même  de  l'Orient  (*). 

Commerce  par  mer.  —  On  peut 
juger  de  l'étendue  du  commerce  ifiari- 
time  ye  Carthage  par  le  nohfbre  de  ses 
colonies.  Tîous  avons  énuméré  précé- 
demment les  villes  et  les  provinces  (fm 
avaient  reçu  ses  colonfe  ou  qui  étaient 
souhiises  à  sa  domination.  De  tous  cë$ 
points  divers  arrivaient  dans  ses  port$ 
des  vaisseaux  chargés  de  précieuses 
marchand  rsèk.  Cffrthage,  nous  l'avons 
dit ,  recevait  de  la  Sicile  et  de  la  Sar- 
daigne  de  grandes  provisions  de  Mé , 

(*)  Voyez  sur  le  commerce  de  Cârflii 
\tifhelm  BôttiéWér  (Geschichte  der  ^''  * 
^er)y  p,  66  et  luîv.  Berlin,  1*17. 


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ite 


L'UNIVERS. 


mais  elle  prenait  encore  dans  ces  deux 
ties ,  ainsi  que  dans  la  Corse ,  du  miel 
et  de  la  cire.  Il  est  vraisemblable  que 
les  Carthaginois  exploitèrent  les  mines 
de  métaux  qui  sont  en  Sardaigne ,  et 
aue ,  pour  leur  commerce  de  pierres 
nnes,  ils  surent  tirer  profit  des  sar- 
doines  que  Ton  rencontre  fréquemment 
dans  ce  pays.  Ils  trouvaient  à  Lipara 
et  dans  les  petites  Iles  qui  Tentourent, 
du  bitume,  et  à  Ilva  (lUe  d'Elbe) 
du  minerai  de  fer.  Les  fies  Baléares, 
où  ils  achetaient  de  nombreux  escla- 
ves, leur  fournissaient  en  outre  du 
vin ,  de  Thuile  et  une  laine  très-fine  et 
très-recherchée.  Les  mulets  des  îles 
Baléares  étaient  aussi  fort  estimés. 
Les  produits  naturels  de  l'Espagne 
formaient  une  branche  très-importante 
du  commerce  de  Carthage.  Mais  ce 
oui  attira  principalement  Fattention 
de  la  république  vers  TEspagne ,  ce  fut 
Texploitation  des  mines,  qui  produi- 
saient alors  abondamment  et  qui 
étaient  pour  elle  la  source  d'immenses 
richesses.  Tout  nous  porte  à  croire 
que  les  Carthaginois  comme  les  Phé- 
niciens firent  un  grand  commerce  avec 
les  côtes  occidentales  de  l'Afrique  et 
de  l'Europe.  Les  vaisseaux  de  Car- 
thage, après  avoir  franchi  le  détroit 
de  Gadès,  montaient  au  nord  jusqu'aux 
iles  Cassitérides,  d'où  ils  revenaient 
chargés  d'étain;  on  prétend  même 
qu'ils  allaient  chercher  l'ambre  jusque 
sur  les  côtes  de  la  mer  Baltiç^ue.  Car* 
thage  entretint  aussi  des  relations  avec 
la  Gaule,  malgré  la  concurrence  de 
Massilia. 

Dans  la  partie  orientale  de  la  Mé- 
diterranée, le  commerce  des  Cartha- 
ginois était  beaucoup  moins  étendu 
gue  dans  la  partie  occidentale.  Toute- 
fois, ils  avaient  encore,  pour  les  pro- 
duits de  leur  industrie,  de  nombreux 
débouchés  en  Grèce  et  en  Italie.  C'é- 
tait là  principalement  que,  outre  les 
pierres  fines  et  les  esclaves  noirs ,  ils 
vendaient  les  objets  sortis  de  leurs  ma- 
nufactures. 

CoMMBBGB  PAB  TEBBE.  —  Le  Com- 
merce par  terre  était  très-actif  et  très- 
étendu.  Des  caravanes  arrivaient  du 
fond  de  l'Arabie ,  et ,  passant  par  les 


stations  du  désert ,  depuis  l'Egypte  jus- 
qu'à Ammonium,  et  depuis  Ammonium 
jusqu'à  la  grande  Leptis,  ou  jusqu'aux 
tentes  des  premières  tribus  nomades 
soumises  à  Carthage,  elles  transmet- 
taient les  trésors  de  l'Orient.  D'un 
autre  côté,  le  commerce  par  terre 
s'étendait  jusqu'au  Niger,  ou  les  Car- 
thaginois envoyaient  du  sel  et  d'autres 
produits ,  et  recevaient  des  grains  d'or 
en  échange.  Outre  les  grains  d'or,  les 
Carthaginois  tiraient  de  l'intérieur  de 
l'Afrique  des  esclaves  noirs,  des  dattes 
et  des  pierres  précieuses,  que  Pline 
appelle  CarbunctUi  carchedonii.  Les 
peuples  nomades  étaient,  si  nous  pou- 
vons nous  exprimer  ainsi*,  les  inter- 
médiaires de  œ  grand  commerce.  Ils 
se  chargeaient  de  porter  les  marchan- 
dises à  leur  destination.  Cependant 
les  Carthaginois  eux-mêmes  se  joi- 
gnaient quelquefois  aux  caravanes ,  et 
nous  savons  qu'un  certain  Magon, 
marchand  de  Carthage,  fit  ^rois  fois 
le  voyage  du  désert. 

Industrie.  —  A  Carthage ,  il  y  avait 
plus  de  commerce  que  d'industrie.  Les 
Carthaginois  échangeaient  souvent , 
sans  les  livrer  à  la  fabrication,  les 

Ï produits  qu'ils  allaient  recueillir  dans 
es  contrées  lointaines.  Toutefois ,  la 
magnificence  et  le  luxe  qui  éclataient 
à  Carthage  attestent  que,  dans  cette 
ville  florissante,  les  arts  manuels 
étaient  pratiqués  et  cultivés  avec  soin. 
Certaines  branches  de  l'industrie  re- 
çurent chez  les  Carthaginois  de  grands 
développements  ;  nous  citerons ,  entre 
autres ,  la  fabrication  des  tissus.  Dans 
l'antiquité,  les  étoffes  qui  sortaient 
des  fabriques  carthaginoises  étaient 
fort  recherchées.  Athénée  nous  ap- 
*prend  qu'un  Grec ,  nommé  Polémon , 
avait  fait  un  traité  spécial  sur  la  fa- 
brication de  ces  étones  (*).  Carthage 
Eossédait ,  dans  l'île  de  Malte,  de  nom- 
reuses  manufactures  qui  produisaient 
des  tissus  renommés  pour  leur  finesse 
et  leur  beauté. 

Monnaies.  —  Frapnait-on ,  à  Car- 
thage, des  monnaies  dor  et  d'argent? 

{*)  ^'ouvrage  de  Polémon  était  intitulé  : 
Ilcpi  Twv  iv  KapxY)^vi  ic^Xmv. 


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CARTHAGE. 


137 


Cest  là  nrie  question  que  les  numis- 
mates  n'ont  point  encore  résolue.  Il 
existe  des  monnaies  qui  ont  été  frap- 
pées par  les  Carthaginois  dans  les  villes 
le  la  Sicile ,  et  qui  portent  une  inscrip- 
tion punique.  Il  esi  vraisemblable  que 
la  métropole  n'attendit  point  l'exemple 
de  ses  colonies  pour  avoir  une  mon- 
naie. Toutefois,  il  est  à  peu  près  cer- 
tain que  les  Carthaginois  apprirent 
dans  les  villes  grecques  de  la  Sicile  les 
éléments  de  l'art  numismatique.  Si, 
dans  les  premiers  siècles  qui  suivirent 
sa  fondation ,  Carthage  n  eut  point  de 
monnaies ,  c'est  que  dans  les  pays  où 
elle  pénétrait  le  Commerce  se  faisait 
par  échange. 

FOBGES  MILITAIHES  DB  CàB- 
THÀGE  ;  ABMEES    NAVALES.  —  NoUS 

croyons  indispensable  de  donner  ici 
quelques  détails  sur  les  forces  militaires 
de  Carthage ,  sur  ses  armées  de  terre 
et  de  mer.  Au  rapport  des  historiens, 
il  y  avait  deux  ports  à  Carthage;  Tun 
était  destine  aux  vaissaux  du  com- 
merce, l'autre  aux  vaisseaux  de  guerre. 
Ce  dernier  contenait  ordinairement 
cent  cinquante  et  deux  cents  galères. 
Dans  les  premiers  temps  de  la  répu- 
blique, les  vaisseaux  étaient  tous  à 
trois  rangs  de  rames.  Mais  les  forces 
navales  de  Carthage  s'accrurent  consi- 
dérablement à  répoque  où  elle  entra 
en  lutte  avec  les  Romains.  Alors  aussi 
les  Carthaginois  firent  de  grands  pro- 
grès dans  Part  de  construire  les  vais- 
seaux. £n  effet,  nous  voyons  que, 
dans  un  combat  livré  à  Régulus,  la 
flotte  carthaginoise  se  composait  de 
trois  cent  cinquante  galères,  à  cinq 
rangs  de  rames.  Chaque  galère  portait 
cent  vingt  combattants  et  trois  cents 
hommes  pour  la  manœuvre. 

Abmees  de  tebbe.  ~  Les  armées 
de  terre  entretenues  par  la  république 
étaient  considérables.  Elles  se  com- 
posaient de  soldats  mercenaires  que 
Carthage  avait  levés  en  différents  pays. 
Cependant,  dans  chaque  corps  d'ar- 
mée, il  y  avait  une  troupe  où  les  Car- 
thaginois seuls  étaient  admis.  C'étaient 
les  fifs  des  grandes  familles  qui  ve- 
naient s'exercer  au  métier  des  armes , 
et  se  préparer,  dans  les  combats,  aux 


divers  commandements  des  armées. 
La  légion  composée  de  Carthaginois 
était  ^u  nombreuse.  Si  Ton  en  croit 
Diodore ,  il  arriva  une  fois  que ,  dans 
une  armée  de  soixante  et  dix  mille 
hommes,  on  ne  compta  que  deux 
mille  cinq  cents  Carthaginois.  «  Le 
«  nombre  des  citoyens  carthaginois 
«  qui  servaient  dans  les  armées ,  dit 
«  Heeren ,  n'était  jamais  considérable. 
«  Les  peuples  tributaires  de  l'Afrique , 
«  que  Polybe  appelle  toujours  Libyens^ 
«formaient  l'élite  des  troupes.  Ils 
a  combattaient  à  cheval  ou  à  pied ,  et 
«  ils  étaient  le  noyau  de  la  grosse  ca- 
.«  Valérie  et  de  la  grosse  infanterie.  Ils 
«  portaient  de  longues  piques  qu  An- 
«  nibal  changea,  après  la  bataille  de 
«  Trasimène ,  contre  des  armes  ro- 
«  maiiies.  A  côté  de  ces  troupes  se 
a  rangeaient  les  Espagnols  et  les  Gau- 
«  lois.  Les  soldats  espagnols  étaient 
«  les  plus  disciplinés  des  armées  de  laré- 
<c  publique  ;  ils  faisaient  ordinairement 
«  le  service  de  la  grosse  infanterie.  Ils 
«  portaient  des  habits  blancs  de  lin 
«  avec  des  ornements  rouges  ;  une 
«  grande  épée,  qui  pouvait  tout  à  la  fois 
«  frapper  et  percer ,  était  la  principale 
«  de  leurs  armes.  liCS  Gaulois  com- 
«  battirent  de  bonne  heure  dans  les 
«  ranp  carthaginois.  Dans  la  bataille 
'<  ils  étaient  nus  jusqu'à  la  ceinture ,  et 
«  n'avaient  qu'un  sabre  pour  frapper 
«  l'ennemi.  L'Italie  grossissait  le  nom- 
«  bre  des  mercenaires  de  Carthage. 
«  Les  Liguriens  paraissent  dans  ses 
«  armées  au  commencement  de  la  lutte 
«  contre  Rome ,  et  les  Campaniens 
«  déjà  à  l'époque  des  guerres  contre 
«  Syracuse.  La  république  avait  aussi 
«  des  Grecs  à  son  service.  Les  îles  Ba- 
«  léares  fournissaient  à  Carthage  jus- 
«'qu'à  mille  soldats.  Ils  portaient  une 
«ironde  qui  avait  presque  l'effet  de 
«  nos  petites  armes  à  feu ,  car  les 
«  pierres  qu'elles  lançaient  brisaient 
«  les  bouchers  et  les  cuirasses.  Dans 
«  une  bataille  contre  les  habitants  de 
«  Syracuse ,  ils  assurèrent ,  par  leur 
«  aaresse,  la  victoire  aux  Carthaginois. 
«  Mais  la  force  principale  des  armées 
"  de  Carthage  consistait  en  cavalerie 
«  légère,  que  la  république  tirait  des 


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188 


fUNIVERS- 


«  tribus  noçdades  placées  sur  les  deqc 
«côtés  de  Sun  férmdîrè^  TOiités  ces 
«tribus,  depuis  lès  Massylîèns* liitii- 
«trophes  jusqu'aux  Waurusfertfe  Idte- 
«  meurant  tfarts  le  Fe«  et  \e  "M^oé 
«  modernes ,  avaient  Thabitude  de  se 
«  battre  dans  les  armées  dés  Carthàgi- 
«  nois ,  et  d'être  â  la  solde  de  cette  rih- 
«  tion.  La  levée  des  troupes  était  faîte , 
«  dans  les.  provinces  de  rAfrique  ausfsi 
«  bien  qu'en  Europe ,  par  des  séna- 
«  leurs  députés  qui  pénétraient  jus- 
«  qu'aux  contrées  les  plus  lointaiifrcs. 
«  Les  cavaliers  numides  couraient  ^r 
«de  petits  chevauk  noti  sellés,  qui 
«  étaient  dressés  à  des  évolutions  ra- 
«  pides,  et  qu'ils  dirigeaient  sans  frein. 
«  La  peau  d'un  Kon  ou  d'un  tigre  leur' 
a  fournissait  à  la  fois  un  vêtement  et 
«  une  couche  pendant  la  nuit;  et,  lors- 
«  qu'ils  combattaient  à  pied ,  un  mor- 
«  ceau  de  peau  d'éléphant  leur  servait 
«  de  bouclier.  Leur  attague  était  ter- 
«  rible  à  causé  de  l'agilité  de  leurs 
«  chevaux  ;  et  la  ftîite  n'avait  rien  de 
«  honteux  pour  eux,  puisqu'ils  fuyaient 
«  seulement  pour  faire  une  nouvelle  ât- 
«  taque.  La,  grosse  cavalerie  se  compo- 
«  sait ,  suivant  Polybe ,  de  Carthagi- 
«  nois,  de  Libyens,  d'Espagnols  et  de 
«  Gaulois.  »  Dans  les  armées  de  Car- 
thage ,  on  voyait  aussi  des  éléphants 
qui  étaient  guidés  par  des  Éthiopiens. 
Heeren  suppose  que  ce  ne  fut  qu  après 
les  guerres  de  Pyrrhuis,  en  Sicile,  que 
les  Carttjaginois  employèrent  ces  ani- 
maux dans  les  batailles. 

Pour  une  partie  de  l'armée  soudoyée 
par  Carthage ,  le  service  militaire  était 
permanent.  Ainsi ,  comme  nous  l'avons 
déjà  remarqué,  il  y  avait  des  garni- 
sons de  mercenaires  fixées  dans  les  îles 
et  les  provinces  soumises  à  \a  républi- 
que. Les  flottes  et  les  armées  de  terre 
avaient  des  chefs  distincts.  Toutefois, 
les  commandants  des  flottes  étaient 
subordonnés  aux  généraux  des  armées 
de  terre  lorsqu'ils  agissaient  cbnjoin- 
tement.  Dans  les  autres  circonstances, 
le  commandant  de  la  flotte  recevait  di- 
rectement les  ordres  du  sénat.  Ehfin , 
nous  savons  qu'il  existait  des  drsernès 
à  Carthage.  Imns  les  muts  de  la  cita- 
delle, on  avait  pratiqué  dèfs  ftnirifes 


pour  trois  cents  éléphants  et  quatre 
ftiille  chevaux. "ïl  y  avait  de»  Ibgcmêftts 
pour  vingt  mille  fantassins,  et  des  nrra- 
gasîns  remplis  de  ce  qui  était  néces- 
saire à  la  ^bsi^ance  des  hommes  et 
des  anihiaux  employés  à  la  guerre  (voy. 
plus  bas  la  Topographie  de  Carthage). 

Le  técit  de  la  lutte  terrible  et  dan- 
gereuse que  les  Carthaginois  eurent  à 
Soutenir  contre  leurs  propres  soldats 
après  la  première  guerre  punique  (*) , 
nous  dispense  d'entrer  ici  dans  de  lon- 
gues considérations  sur  les  avantages 
ou  les  périls  réservés  aux  États  qui  en- 
tretiennent des  armées  composées 
tout  entières  de  mercenaires.  En  ter- 
minant ce  que  nous  avions  à  dire  du 
i#système  militaire  des  Carthaginois, 
nous  devons  encore  faire  une  remar- 
que ,  c'est  que  les  Romains  essayèrent 
constamment ,  depuis  le  jour  où  pour 
la  première  fois  ils  franchirent  le  dé- 
troit de  Messine ,  de  détacher  de  Chir- 
thage  toutes  les  provinces  où  elle  en- 
rôlait des  mercenaires.  Ils  lui  enlevèrent 
la  Sicile,  la  Corse  et  la  Sardaigne;  ils 
s'allièrent  aux  Phocéens  de  Marseille 
et  à  quelques-unes  des  nations  qui  ha- 
bitaient le  midi  de  la  Gaule;  en  Es- 
pagne ,  par  des  actes  de  clémence  et  de 
générosité ,  ils  se  concilièrent  un  grand 
nombre  de  peuples  ;  enfin ,  en*  Mauri- 
tanie et  en  Numidie ,  à  force  d'adresse, 
ils  se  firent  des  amis  nombreux  et  dé- 
voués. Cette  politique  réussît  aux  Ro- 
mains, qui  anéantirent  ainsi  peu  à  peu, 
mieux  qu'ils  ne  l'auraient  raît  par  de 
grandes  batailles,  toutes  les  forces  des 
Carthaginois. 

Religion  des  Carthaginois.  — 
Les  émigrés  qui  fondèrent  Carthage 
-apportèrent  avec  eux ,  sur  la  côte  d'A- 
frique ,  la  religion  de  la  Phënicie.  Ce- 
pendant, nous  devons  ajouter  que,  dans 
cette  religion,  par  suite  du  tong  con- 
tact des  Carthaginois  avec  les  Libyens 
et  les  Grecs  de  la  Sicile ,  il  s'introdui- 
sit un  grand  nombre  d'éléhicnts  étran- 
gers. Nous  donnerons  ici  les  noms  des 
principales  divinités  adorées  à  Car- 
thage. Le  premier  de  tous  les  dieux 
était  Baal  ou  Moloch,  h  seigneur,  te 

(•)  Voyez  plus  haut  p.  65  et  suiv. 


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CARTHAGE. 


139 


roi  du  ciel.  C'était  le  dieu  suprême 
ikiBs  iemtel  les  Grecs  crurent  voir  Kro- 
nos,  et  les  Romains  Saturne.  A  ce  dicU 
£aal,  les  Carthaginois  associèrent  la 
puissant;^  déesse  Jstarté.  La  déesse 
Jstarté  ou  Astaroth  (ce  mot  répond 
à  ridée  de  souveraine  du  ciel  et  des 
astres)  fut  appelée  par  les  Grecs  Uror 
«ie,  et  par  les  Romains  la  Déesse  cé- 
leste ou  Junon.  Après  Baalet  Jstarté^ 
nous  devons  mentionner  le  dieu  Méf- 
carth.  Chaque  année,  Carthage,  par 
un  pieux  r^pect  et  en  souvenir  de  m 
parenté,  envoyait  dans  sa  vieille  mé- 
tropole un  vaisseau  chargé  de  riches 
offrandes  pour  !e  dieu  Metoarth,  qui 
était  le  génie  tutélaire  de  la  ville  de 
Tyr.  Les  Carthaginois  transportèrent 
dans  toutes  leurs  colonies  te  culte  de 
Melcarth  (Hercule  tyrien),  aussi  bien 
que  celui  de  Baal  et  d' Jstarté.  Plu- 
sieurs écrivains  de  Fantiquité  ont  rangé 
aussi  au  nombre  des  dieux  puniques 
Esmun^Escidape y  oui  avait  son  tem- 
ple sur  la  colline  de  Byrsa.  Comme 
ntous  Tavons  dit,  les  Carthaginois  ado]^- 
tèrent  quelques-unes  des  divinités 
étrangères.  Ils  empruntèrent  aujc  Grecs 
le  culte  de  Cérès  et  de  Proserpine 
peut-être  même  celui  d'Apollon  ;  et 
s'il  faut  en  croire  Diodore  de  Sicile 
ils  envoyèrent  une  fois  des  ambassa 
deurs  au  temple  de  Delphes.  Les  fonc- 
tions du  sacerdoce  étaient  recherchées 
par  les  familles  les  plus  illustres  de  la  ré- 
publique ;  cependant  il  n'y  avait  point 
a  Carthage  de  caste  sacerdotale  (*). 

«  Le  caractère  de  la  relif;ron  cartha- 
«  ginoise  fut  comme  celui  de  la  nation 
«  qui  la  professa ,  mélmicolique  jus- 
«  qu'à  la  cruauté.  La  terreur  était  \t 
«  mobile  de  cette  religion,  qui  avait 
«  soif  de  sang  et  s'environnait  des  plus 
t  noires  images.  A  voir  les  abstineh- 
«  ces,  les  tortures  volontaires,  et  sur- 
«  tout  fés  horribles  sacrifices  dont  elle 
«  faisait  un  devoir  aux  vivants,  on  s'é- 
«  tonne  peu  que  les  morts  aient  dû  leur 
«  sembler  dignes  d'envie.  Elle  impo- 

(*)  Voyez  sur  la  religon  des  Carthaginois 
le  savant  ouvnige  de  MtiBter  {ReUgion  der 
C€irth€^^)%  voy«z  aussi  Witiiekn  Boiticfaer 
(fieschiohte  der  Oartha^er),  p.  77  et  siùv. 


t  sait  silence  aux  sentiments  les  plus 
t  sacrés  de  ta  nature,  elle  diégrada^t 
»  les  âmes  par  des  superstitions  tour 
t  à  tour  atroces  et  dissolues ,  et  l'cm 
K  est  réduit  à  se  demander  quelle  in- 
t  fluenoe  vraiment  morale  «lie  put  etet- 
X  cer  sur  les  moeufs  du  peuple.  Aussi 
t  le  portrait  que  l'antiquité  nous  a 
(laissé  des  Carthaginois  est -il  loin 
i  d'être  flatteur  :  à  la  fois  duts  et  ser- 
«  viles ,  tristes  et  cruets ,  égoïstes  ^ 
X cupides,  inexorables  et  sans  foi,  '^l 
t  semble  que  l'esprit  de  leuv  culte  a?t 
t  feonspiré  avec  la  jalouse  aristocratie 
•i  qui  pesait  sur  eux,  avec  leur  existen)(*te 
t  toute  commerciale  et  industrielle,  è 
X  fermer  leurs  cœurs  auk  émotîottfe 
X  généreuses ,  aux  besoins  d'un  ordre 
«élevé.  Ils  pouvaient  avoir  qirplquéS 
tt  nobles  croyances ,  tnais  dont  la  pra- 
K  tique  se  ressentait  pm.  Une  âéesf^ 
s  présidait  à  leurs  conseils  publics , 
X  mais  ces  conseils,  ces  as^nlblées ^s^e 
X  tenaient  la  nuit ,  et  l'histoire  dépose 
«des  terribles  mesures  qui  s'y  agi- 
K  talent.  Le  dieu  de  la  clarté  solaire, 
«  Hercule ,  fut  le  patron  de  Carthage 
t  comme  celui  de  Tyr  ;  il  y  donna 
X  l'exemple  des  grandes  entreprises  €ft 
X  des  hardis  travaux  ;  mais  le  sang  y 
t  souillait  sa  lumière,  et -tous  les 
cans,  des  victimes  hunàaines  tom- 
(  baient  ati  pied  de  6es  autels  aus^ 
ibien  qu'aux  fêtes  de  l'impitoyrfble 
t  Baal.  Partout  où  les  Phénicien^ , 
«  où  les  Carthaginois  après  eux  pbrtè- 
t  rent  leur  commerce  et  leurs  armes, 
i  non-seulement  à  certaines  époques , 
c  mais  dans  toutes  lés  conjonctures 
t  critiques,  leur  fanatismie  exalté  re- 
i  Douvela  ces  immolations  sanguinai- 
i  res.  En  vaiu  Gélon  de  Syracuse,  avec 
«  l'autorité  de  la  victoire  ;  en  vain,  par 
«  une  pacifique  influence,  les  Grecs  eux- 
(  mêmes  fixés  à  Cartbage  tentèrent 
t  d'y  mettre  un  terme*,  l'antique  bèir- 
»  barie  reparut  sans  cesâe  et  se  maf  n- 
c  tint  dans  la  Carthage  romaine.  Ali 
(commenoem^t  do  troisiènie  siêtfle 
c  de  notre  ère,  dh  découvre  encore  del^ 
i  vestiges  de  ce  culte  affretix ,  tout  au 
<  moins  alors  pratiqué  en  secret.  Dès 
i  l'aa  665  de  Rx>ifne,  totrs  les  sàc^ifîttes 
X  ()^n}ailte  «valent  été  prohibés;  mais 


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140 


L'UNIVERS. 


«  plus  d'une  fois  les  empereurs  se  trou- 
«  vèrent  dans  la  nécessité  de  répéter 
«  cette  défense,  et  nous  devons  ajouter 
«que,  pendant  longtemps,  la  sévérité 
«  des  lois  romaines  ne  put  mettre  un 
«  terme  à  ces  hideuses  immolations  (*).  » 

LlTTÉBATUBE  DES  GABTHAeiNOIS. 

—  Y  avait -il  une  littérature  à  Car- 
thage  ?  Des  documents  assez  nombreux 
et  assez  authentiques  nous  permettent 
de  résoudre  affirmativement  cette  queS' 
tion.  Cependant  dix  vers  en  lanjs^ue  pu- 
nique qui  se  trouvent  dans  ïePœnulus 
de  Plante ,  dix  vers  que  personne  jus- 
qu'ici n'a  pu  traduire  même  approxi- 
mativement, (juoiqu'en  remontant  aux 
sources  primitives,  c'est-à-dire,  à  la 
langue  hébraïque ,  qui  ne  devait  pas 
différer  beaucoup  de  la  langue  phéni- 
cienne, sont  les  seuls  vestiges  de  la 
littérature  carthaginoise  qui  soient 
parvenus  jusqu'à  nous.  Mais  nous  avons 
en  revanche  le  témoignage  des  écri- 
vains grecs  et  romains  qui  attestent 
que  les  lettres  furent  cultivées  à  Car- 
tilage. Pline  l'ancien  rapporte  qu'après 
la  prise  et  la  destruction  de  la  ville , 
les  Romains  donnèrent  les  bibliothè- 
ques publiques  aux  princes  d'Afrique, 
leurs  alliés.  Salluste ,  de  son  coté , 
quand  il  parle  des  premiers  peuples 
qui  ont  habité  l'Afrique,  invoque,  à 
1  appui  de  ses  assertions ,  les  livres  pu- 
niques {libri  jmnid)  qui  avaient  ap- 
partenu au  roi  iliempsal.  Les  livres 
puniques,  livres  d'histoire  vraisembla- 
blement, étaient  ceux  qu'après  la 
destruction  de  Carthage  les  Romains 
avaient  donnés  à  leurs  alliés  d'Afrique 
Au  reste ,  Polybe  nous  apprend  aussi 
que  Carthage  avait  eu  des  historiens 
Entre  les  ouvrages  de  la  littérature  car 
thaginoise ,  le  plus  estimé  par  les  étran- 
gers  fut  un  traité  de  Magon  sur  Fagri 
culture.  D.  Silanus  le  traduisit  en  latin 
Nous  savons  qu'il  était  divisé  en  vingt- 
huit  livres.  Tous  les  auteurs  qui  ont 
écrit  sur  l'économie  rurale,  Caton, 
Pline,  et  Columelle,  entre  autres ,  ont 
fait  de  cet  ouvrage  le  plus  grand  éloge, 

(*)  Religions  de  l'antiquité,  ouvrage  de 
Creiizer,  refondu,  complété  et  développé 
par  M.  Guigniaut. 


et  ils  en  ont  extrait  de  nombreuses  ci- 
tations. Heeren  dit ,  à  propos  du  livre 
de  Magon  :  «  On  ne  saurait  douter 
qu'il  n'y  eût  une  littérature  carthagi- 
noise  Un  ouvrage  aussi  étendu  que 

celui  de  Magon  ne  pouvait  être,  à  Car- 
thage, ni  la  première  ni  la  dernière 
production  littéraire.  »  Les  Carthagi- 
nois durent  se  perfectionner  dans  la 
littérature  par  l'étude  des  chefs-d'œu- 
vre que  le  génie  grec  avait  enfantés  ; 
et  cette  étude  leur  fut  rendue  facile  par 
les  voyages  qu'ils  faisaient  dans  la 
Grèce  elle-même,  et  parleurs  relations 
suivies  avec  les  peuples  de  la  Sicile. 
Enfin  nous  savons  qu'il  y  eut  dans 
l'école  grecque  un  philosophe  cartha- 
ginois. Clitomaque  était  le  nom  qu'il 
f)ortait  à  l'étranger  ;  dans  sa  patrie  on 
'appelait  Asdrubal  (*). 

(*)  «  Winkelmaun  (  Kunst  gesckichte), 
nie  que  les  beaux-arts  aient  fleuri  à  Car- 
thage ;  mais  Tarcbitecture  de  son  Cothôa  et 
dé  ses  doubles  portiques ,  le  temple  et  la 
châsse  d'Apollon,,  décrits  par  Appien,  la 
mention  faite  par  Polybe  des  monuments 
élevés  à  Carthage  et  dans  toutes  ses  colonies , 
en  l'honneur  d'Amilcar,  fils  d'Hannon;  le 
bouclier  d'argent  cité  par  Tite-Live  (  xxv , 
39) ,  qui  était  décoré  du  portrait  d' Asdrubal 
et  pesait  i3S  livres;  les  statues  érigées  dans 
Carthage,  à  Gérés  et  à  Proserpine;  enfin 
le  goût  des  Carthaginois  pour  les  chefs- 
d'œuvre  de  la  Grèce,  semblent  prouver  que 
cette  assertion  tranchée  d'un  aussi  habile 
antiquaire  doit  être  modifiée.  Le  style  d'ar- 
chitecture des  stèles  votives  chargées  d'in- 
scriptions puniques  ,  des  médailles  phéni- 
ciennes ,  surtout  du  médaillon  maxime  d'ar- 
gent de  la  Bibliothèque  royale ,  est  tout  à 
fait  grec,  et  nous  iuduit  à  penser  que  le 
voisinage  de  la  Sicile,  que  les  relations  fré- 
quentes entre  celte  île  et  Carlbcige  ont  dû 
porter  le  goût  et  la  culture  des  arts  dans  celte 
république  riche  et  commerçante;  qu'enfin, 
s'ils  n'ont  pas  eu  de  bons  artistes  nationaux, 
ce  qui  n'est  pas  prouvé ,  ils  se  sont  servis 
des  artistes  grecs ,  comme  l'ont  fait  depuis 
les  Romains,  pour  la  décoration  de  leurs 
maisons  privés,  de  leurs  édifices  publics  et 
Tembellissement  de  leur  capitale.  Il  existe 
à  Leyde  un  graud  nombre  de  monuments 
funéraires  enterre  cuite,  couverts  d'inscrip- 
tions phéniciennes,  et  décorés  de  bustes 
d'individus  des  deux  sexes ,  remarquables 


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CARTfiAGE. 


141 


Nous  avons  essayé  de  réunir  ici  les 
principaux  renseignements  que  les 
écrivains  de  l'antiquité  nous  ont  lais- 
sés sur  la  constitution  intérieure  de 
Garthage  ;  sur  son  système  de  gouver- 
nement à  regard  des  peuples  qui  lui 
étaient  soumis ,  et  de  ses  colonies  ;  sur 
rétendue  de  ses  possessions ,  de  son 
commerce,  de  ses  ricchesses,  de  ses 
forces  militaires  ;  enfin  sur  sa  religion 
et  sa  littérature.  Si  nous  avons  parlé 
de  toutes  ces  dioses  avec  quelque  éten- 
due ,  c'est  qu'elles  se  rajfiportaient  in- 
timement à  l'histoire  d'une  ville  qui  a 
joué ,  comme  on  l'a  vu ,  un  grand  rôle 
dans  l'histoire  du  monde ,  et  qui ,  par 
ses  relations  commerciales  et  ses  loin- 
tains voyages ,  a  exercé  sur  la  civilisa- 
tion de  presque  tous  les  peuples  de 
l'antiquité  une  notable  influence. 

TOPOGRAPHIE  DE   GARTHAGE. 

Position  db  Garthage.  -—  Au 
fond  du  golfe  de  Tunis ,  entre  le  lac  à 
l'extrémité  duquel  est  située  cette 
ville ,  et  les  marais  saumâtres  formés 
par  l'ancienne  embouchure  et  les  allu- 
vions  du  fleuve  Medjerdah,  s'avance 
une  haute  péninsule,  presque  entière- 
ment couverte  de  grandes  masses  de 
décombres.  G'est  là  que  tous  les  sa- 
vants qui ,  jusqu'ici ,  se  sont  occupés 
de  Garthage ,  s'accordent  à  placer  les 
ruines  de  cette  antique  cité.  Cependant 
les  uns  mettaient  la  ville  et  le  port  au 
nord-ouest  de  la  presqu'île,  près  du 
cap  Qamart,  vis-à-vis  l'ancienne  Uti- 
que;  les  autres,  au  sud-est,  sur  le 
lac  de  Tunis,  et  en  regard  de  cette 
ville.  De  nouvelles  observations,  et 
surtout  les  savantes  recherches  de 
M.  Bureau  de  la  Malle ,  semblent  avoir 
démontré  maintenant  que  ces  deux 
opinions  sont  également  erronées ,  et 
qu'il  faut  chercher  désormais  l'empla- 
cement de  Garthage  entre  ces  deux 
positions  extrêmes ,  c'est-à-dire,  à  l'ex- 
trémité de  la  péninsule ,  à  l'endroit  oii 

par  leurs  traits  africains  et  leurs  cheveux 
nattés  comme  ceux  des  portraits  monétaires 
de  Juba.  »  Bureau  de  la  Malle,  Recherches 
Jùr  la  topographie  de  Carthage. 


se  trouvent  le  bourg  moderne  de  Mersa 
et  les  hameaux  de  Malqa  et  de  Douar- 
el-Schat.  Gette  position  s'accorde  d'ail- 
leurs exactement  avec  les  indications 
que  l'on  trouve  dans  Polybe.  «  Gar- 
«  thage ,  dit  cet  historien ,  est  située 
«dans  un  golfe,  sur  une  esp^e  de 
a  chersonèse,  et  elle  est  entourée  dans 
«  la  plus  jurande  partie  de  son  enceinte, 
«  d'un  coté  par  la  mer,  de  l'autre,  par 
«  le  lac.  L'isthme  qui  l'attache  à  la 
«  Libye  a  de  largeur  environ  vingt- 
«  cinq  stades  (*).  Du  côté  où  cet  isthine 
«  se  tourne  vers  la  mer  est  placée  la 
«  ville  d'Utique  ;  l'autre  côte ,  bordé 
«  par  le  lac ,  regarde  la  ville  de  Tunis.  » 
Tite-Live  évalue  à  douze  milles  (**)  la 
distance  qui  séparait  cette  dernière  ville 
de  Garthage  ;  et  aujourd'hui  cette  dis- 
tance est  encore  la  même  entre  Tunis 
et  l'extrémité  méridionale  du  lac ,  où 
se  trouvent  les  premières  traces  de 
l'enceinte  de  la  ville  ruinée. 

Après  avoir  fixé  la  position  de  Gar- 
thage ,  nous  allons  essayer  de  décrire 
chacune  des  parties  de  la  ville ,  et  d'énu- 
mérer  les  principaux  édifices  que  l'on 
y  rencontrait  (***). 

Situation  des  ports.  —  Le  lac 
de  Tunis  est  séparé  de  la  mer  par  une 
langue  de  terre,  au  milieu  de  laquelle 
se  trouve  le  fort  moderne  de  la  Gou- 
lette,  Gette  langue  de  terre  est  désignée 
par  les  auteurs  anciens  sous  les  noms 
de  Taenia  et  de  Ligiila,  Au  point  de 
jonction  de  la  pénmsule  sur  laquelle 

(*)  Le  stade  valait  i8o  mètres. 

(**)  Le  mille  romain  valait  1472  meires. 

(***)  Pour  cette  partie  de  notre  travail , 
nous  avons  constamment  suivi,  comme  gui- 
de ,  M.  Dureau  de  la  Malle,  dans  ses  savantes 
Recherches  sur  la  topographie  de  Carthage. 
M.  Dureau  de  la  Malte,  qui  a  rassemblé 
avec  tant  d'érudition  et  discuté  avec  tant 
de  sagacité  tous  les  témoignages  des  auteurs 
anciens  et  modernes,  est  arrivé  à  des  résul- 
tats que  la  science,  aujourd'hui ,  tient  pour 
incontestables.  Nous  nous  sommes  bornes  à 
ne  présenter  que  les  résultats ,  parce  que , 
renfermés  dans  d'étroites  limites,  nous  ne 
pouvions  énumérer  ici  tous  les  arguments 
et  toutes  les  preuves  que  M.  Dureau  de  la 
Malle  a  donnes  à  Tappui  de  chacune  de  ses 
assertions. 


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142 


L*UNIVERS. 


est  bâtie  Carthage,  et  de  la  Tsenioty 
on  rencontre  une  petitjB  aose  foroaéç , 
d'un  côté ,  par  I^  Twnia  eJïe-noècne , 
de  l'autre ,  p^r  un  môlç  construit  ae 
main  d'bomme.  C'est  là  que  se  troM- 
Tâjt  l'entrée  du  port  marchand.  A  l'épo- 

?|ue  du  siège  de  Carthage,  Scipiun 
erma  cette  anse  par  une  jetée  dont  on 
distingue  encore  les  débris. 

Pqbt  M^RCçiÀND.  —  Lç  port  mar- 
çhaop  çorpmunîquait  à  la  mer  par  une 
entrée  ou  çbuiet  de  soixante-dix  pieds 
romains  de  largeur  (*) ,  que  l'on  fer- 
Qi.ait  àù  moyen  de  chaînes  de  fer  :  il 
formait  une  ellipse  allongée  de  cinq 
cents  pieds  sur  trois  cents.  Dans  toute 
l'étendue  de  sa  circonférence  étaient 
disposés  de  nombreux  points  d'attache 
pour  amarrer  les  navires. 

Port  i^iLiTÀifiB  ou  Coxhôn.  — 
Le  port  militaire,  connu  sous  le  qocQ 
de  Cothôn  (**),  n'avait  pas  d'autre  en* 
trée  que  cellç  du  port  mârcHand  :  il 
communiquait  avec  lui  par  un  canal 
voûté,  semblable  à  celui  qui  unissait 
l'un  à  l'autre  les  deux  ports  d'Alexan- 
drie. Le  Cothôn  était  moins  étendu  quQ 
le  port  marchand  :  il  n'avait  que  qua* 
tre  cents  mètres  de  longueur  sur  trois 
cents  de  largeur,  et  une  île  de  cent 
c'^nquante  i;nètres  de  diatpètre  en  rétré- 
cissait encore  la  surface.  Voici,  au 
reste,  la  descri][)tion  qu'en  a  donnée 
Appien  :  «  Au  milieu  du  port  intérieur 
«s'élève  une  île;  1,'île  et  le  port  sont 
«  bordés  de  vastes  quais ,  sur  lesquels 
«  sont  bâties  des  loges  ou  cales  qui 
a  contiennentdeux  cent  vingt  vaisseaux 
«  et  des  niagasins  de  bois  et  d'agrès. 
«En  ayant  de  chaque  loge  $'étèvent 
«  deux  colonnes  ioniques;  ainsi  le  port 
«  et  l'île  présentent  l'apparence  de  deux 
«i  portiques.  C'est  dans  cette  île  qu'é- 
«  tait  placé  le  palais  de  l'amiral ,  qui , 
<ide  ce  point,  pouvait  tout  voir  dans 
«  l'arsenal.  C'est  de  là  qu'il  faisait  don- 
«  ner  le  signal  par  la  trompette ,  ou 
«  ses  ordres  par  la  voix  du  héraut.  £n 

(*)  20  mètres  6  décimètres.  Le  pied  ro- 
main valait  o'",3945. 

(**)  Sei'vius ,  qui  donne  Tétymologie  de 
ce  mot ,  dit  qu'il  signifie  un  port  cr^sé  de 
main  d'homme. 


«efiet,  o^te  tte  était  situés  ptèi  4e 
«  l'entréç  qui  communiquait  avee  le 
n  port  exjl^iear,  et  assez  élevés  pour 
«  que  l'amiral  pût  voir  tout  ce  qui  ar- 
f  rivait  par  la  mer,  sans  ^ut  les  uavi- 
«  gateura  vissent  ce  qui  était  dans  le 
«i  Cothôn.  Les  marchands ,  même  en 
«  entraot  dans  leur  port^  ne  pouvaient 
«  apercevoir  l'intérieur  de  l'arsenal^ 
«  car  il  était  entouré  d')in  double  mur, 
«  et  il  y  avait  des  portes  qui  iutrodui- 
«^saient  les  commerçants  du  premier 
«  port  dans  la  ville  ^  sans  passer  par 
a  le  Cothôn.»  Le  même  historien  nous 
apprend  que  le  second  port  n'était  pas 
comme  le  premier ,  de  forme  ellipti- 
que ,  mais  ^u'il  avait  une  partie  cir* 
culaire  du  coté  de  la  ville  et  une  partie 
rectangulaire  du  côté  de  la  mer.  C'est 
par  ce  dernier  côté  que  les  Carthagi- 
nois ouvrirent  une  nouvelle  entrée, 
lorsque  Scipion  eut  fermé  celle  du  port 
marchand.  Ils  clioisirent  cet  endroit, 
dit  Appien ,  parce  que  la  profondeur 
dç  l'eau  et  la  violence  des  vagues  qui 
s'y  brisent  n'auraient  pas  permis  aux 
Romains  d'y  construire  une  seconde 
digue.  Cette  nouvelle  entrée  subsista 
après  la  destruction  de  Carthage ,  et 
lorsque  cette  ville  se  releva  de  ses  rui- 
nes et  devint  une  colonie  romaine, 
elle  n'eut  plus  d'autre  port  que  le  Co- 
thôn ,  qui  reçut  plus  tard  le  nom  de 
iifianidrdciuin^ 

FoBUM.—  La  place  où  se  tenaient  les 
s^semblées  du  peuple  était  située  près 
di^  Cothôn  :  elle  était  de  forme  rectangu- 
laire et  entourée  de  maisons  très-hau- 
tes* C'est  Diodore  qui  nous  a  fourni  ce 
détail,  en  racontant  la  conjuration  de 
Bomiicar.  Sur  l'une  des  faces  du  Fo- 
rum s'élevait  le  temple  d'Apollon. 

Curie.  —  Le  lieu  ordinaire  des  as- 
semblées du  sénat  était  voisin  du  Fo- 
rum; et  peut-être  était-ce  une  de§ 
salles  du  temple  d'Apollon.  Dans  les 
circonstances  importantes,  le  sénat  se 
réunissait  à  Byrsa,  dans  le  temple 
d'Esculape. 

Principales  bues  de  Cabthagb; 

NOMS  DE  QUAXBE  DE  CES  BUES.  —  LQ 

Foi:ugo  communiquait  à  la  citadelle 
par  trois  rues  de  quatre  ou  cina  centa 
mètres  de  longueur.  Ces  rues  étaient 


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CARTHAGE. 


143 


bordées  de  maisons  à  six  étagea;  cjies 
étaient  assez  étroites  pour  qqe,  iot^ 
de  la  prise  de  ce  quartier^  Içs  soldats 
romains  pussient  comniuniquer  d'ua 
e^te  à  Tautre ,  en  plaç^nit  des  planche^, 
et  des  solives  sur  les  titrasses  des  mai- 
sons. 

XiOrsqqe  Scipîon  fut  maître  de  ces 
troî^  rues,  il  y  fît  mettre  le  feu;  puis, 
afîn  de  se  çiénager  une  esplanade  pour 
al^taquer  la  citadelle,  i]  entrep^rit  de 
faire  enlever  tous  les  débris  qui  cou- 
vraient le  terrain.  L'armée  ron)aipe  , 
composée  de  cent  vinçt  mille  ho^imes, 
y  travailla  jour  et  nuit  ;  et  le  septième 
jour,  lorsque  les  Carthaginois  retran- 
chés dans  Byrsa  demandèrent  à  capitu- 
ler, elle  n'avait  encore  enlevé  qu'une 
partie  des  décombres.  Ce  fait ,  rap- 
porté par.Appien,  suffît  pour  don- 
ner un^  idée  du  nombre  et  de  la  gran- 
djBur  cji^s  édifices  qui  se  trouvaient  dans 
cq  quartier.  Les  rues  de  Carthage 
étaient  dallées.  Servius,  dans  son  com- 
îBentairç,  à  propos  de  ce  vers  de 
V Enéide  y 

«c  Miralur  portas,  strepitamqne  et  straia  viurum^  » 

()rétend  que  les  Carthaginois  furent 
es  premiers  qui  imaginèrent  de  paver 
les  rues. 

On  connaît  les  noms  et  la  direction 
de  quatre  rues  ;  mais  comme  elles  ap- 
partiennent à  Carthage  colonie  ro- 
maine, et  que  rien  ne  prouve  qu'elles 
aient  existe  avant  la  destruction  de 
l'ancienne  Carthage,  nous  nous  con- 
tenterons de  les  nommer.  Ce  sont  les 
rues  A'Esmun  ou  Salus  {via  salutaria)', 
à*Adarté  ou  Cœlestis  (  via  cœlestis)  ; 
des  Mappales  (  via  mappaliensis  )  ;  et 
enfin ,  la  voie  des  tombeaux. 

Position  de  là  citadelle,  ou 
Byksa.  —  La  citadelle,  connue  sous 
le  nom  de  Çyrsa ,  était  située  au  nord 
du  Fornm  et  des  ports ,  sur  une  col- 
line de  deux  cents  pieds  *  de  hauteur. 
Elle  avait  vingt-deux  stades  de  tour  (*) , 
suivant  Servius,  et  seulement  deux 
milles  romains  (**) ,  s'il  faut  s'en  rap- 
porter au  témoignage  de  Paul  Orose. 
Un  double  mur  la  séparait  de  la  ville 

.    (*)  3960  mèlre^. 
(**)  >^5  mètres. 


basse  et  de  Mégara ;  son  enceinte,  du 
côté  de  l'ouest,  se  confondait  avec 
l'çnceinte  générale  de  la  ville.  Le  poin^ 
^.pius  élevé  de  la  colline  était  occupe 
par  le  temple  d'Ësmun-Esculape,  le 
plus  célèbre  et  le  plus  riche  de  Car- 
thage. A  ^té  se  trouvait  le  palais  dont 
la  tradition  attribuait  la  construction 
à  Didon ,  et  d'où ,  suivant  Servius ,  on 
découvrait  la  mer  et  toute  la  ville. 
C'est  dans  l'enceinte  de  la  citadelle 
qu'étaient  situés  le  temple  d'Astarté  et 
celui  de  Baal-Moloch,  où  Ton  offrait 
des  sacrifices  humains. 

l\l£GAfiA.  —  La  nouvelle  ville ,  ou 
Mégara  (*) ,  s'étendait  au  nord  de  la 
citadelle,  jusqu'à  la  mer  et  aux  pre- 
mières pentes  du  cap  Qamart.  Ce  quar- 
tier, le  plus  étendu  de  Carthage ,  était 
cependant  le  moins  populeux.  Il  était 
rempli  de  jardins  plantés  d'arbres  frui- 
tiers, et  séparés  par  des  clôtures  en 
pierres  sèches  et  par  des  haies  vives.. 
Un  grand  nombre  de  canaux  profonds 
le  coupaient  dans  tous  les  sens.  Ils  n'a- 
vaient sans  doute  été  creusés  que  pour 
servir  à  l'irrigation  des  jardins  et  à  la 
défense  de  la  ville;  car  les  eaux  qui 
coulent  sur  le  territoire  de  Carthage 
et  dans  toute  cette  jpartie  du  littoral 
de  TAfrique  sont  généralement  sau- 
mêt):es  et  ne  peuvent  servir  aux  usages 
alimentaires.  Le  faubourg  de  Mégara 
était  protégé,  du  côté  de  risthme,  par 
l'enceinte  générale  de  la  ville,  qui, 
comme  nous  le  dirons,  se  prolongeait 
jusqu'à  la  mer.  Il  était  entouré  d'une 
simple  muraille  du  côté  de  la  mer  ^i 
du  cap  Qamart  ;  un  mur  particulier  le 
séparait  de  Eyrsà  §t  de  l'ancienne 
ville. 

j^ECROPOLlîS  DE  Çarthage.  —  Le 
nord  et  l'est  du  fai^bourg  de  Mégara 
étaient  consacrés  à  la  sépulture  des 
morts.  On  trouve  encore ,  en  cet  en- 
droit, de  nombreux  vestiges  de  tom- 
beaux. Les  Carthaginois  ne  brûlaient 
point  leurs  morts;. ils  les  enterraient, 
suivant  l'usage  de  tous  les  peuples  de 
race  $émitique. 

(*)  Ctt  nom ,  suivant  Isidore  de  SéWUe, 
vient  du  mot  punique  Ma^gar  ,  qui  signifie 
nouvelle  ville. 


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144 


L*UNIVERS. 


Cirgonfébbnce;  population  de 

Carthage.  —  Les  murs  de  Carthage, 
suivant  Strabon ,  présentaient  un  dé- 
veloppement de  trois  cent  soixante 
stades  (*)  dans  toute  leur  étendue ,  et 
de  soixante  stades  (**)  dans  la  partie 
qui  traverse  Tisthme,  du  côté  du  con- 
tinent. Les  auteurs  anciens  sont  loin 
d'être  d'accord  avec  Strabon.  Appien 
ne  donne  à  Tisthme  que  vingt- cinq 
stades  (***)  de  largeur ,  et  Tite-Live ,  a 
la  ville  entière,  seulement  vingt- cinq 
milles  romains  (****)  de  circonféience. 
Elle  n'en  avait  que  vingt  (*****)  suivant 
Paul  Orose.  On  a  cherché,  à  expliquer 
ces  contradictions  en  supposant  que 
Strabon  avait  mesuré  le  développe- 
ment des  murailles ,  en  ayant  égard  à 
toutes  leurs  "sinuosités.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  en  supposant  même  que  telle  ait 
été  l'idée  de  Strabon ,  la  mesure  qu'il 
nous  donne  de  la  circonférence  de  Car- 
thage est  évidemment   exagérée,  et 
l'état  des  lieux  démontre  qu'il  faut  s'en 
tenir  à  celles  que  nous  trouvons  dans 
Tite-Live  et  Appien.  Strabon  n'exagère 
pas  moins  la  population  de  Carthage. 
Elle  était,  suivant  lui,  de  sept  cent 
mille  âmes  au  commencement  de  la 
troisième  guerre  punique.  Cependant 
Appien  nous  apprend  qu'après  la  prise 
de  Mégara  et  du  Cothôn ,  par  Scipion 
Ëmitien,  tous  les  habitants  se  retirè- 
rent à  Byrsa ,  et  que ,  lors  de  la  capi- 
tulation de  la  citadelle ,  il  n'en  sortit 
que  cinquante  mille  individus,  hommes 
et  femmes.  Ce  nombre  toutefois  nous 
paraît  beaucoup  trop  faible,  et  il  ne 
faut  peut-être  pas  prendre  à  la  lettre 
l'assertion  d'Appien ,  quand  il  nous  dit 
que  tous  les  hahifants  s'étaient  réfu- 
giés dans  la  citadelle.  Un  autre  passage 
de  cet  auteur  a  fourni  à  M.  Dureau  de 
la  Malle  un  moyen  de  calculer  plus 
exactement  la  population  de  Carthage. 
Lorsque  Scipion ,  par  ses  lignes  de  cir- 
convallation ,  eut  mtercepté  toutes  les 
communications  des  assiégés  avec  le 

(*)  64800  mètres. 
(**)  10800  mèlres. 
(***)  45oo  mètres. 
(****)  368 1 a  mèU^. 
(*****)  a945o  mètres. 


continent ,  la  famine  commença  à  se 
faire  sentir  parmi  eux,  et  Asdrubal 
ne  distribua  plus  de  vivres  qu'aux  seuls 
combattants,  qui  étaient  au  nombre  de 
trente  mille.  En  évaluant  à  vingt  mille 
le  nombre  de  ceux  qui  avaient  péri  de- 
puis le  commencement  de  la  guerre, 
et  en  supposant  que  les  hommes  eo 
état  de  porter  les  armes  formassent  le 
cinquième  de  la  population,  on  voit 
que  celle  de  Carthage  devait  s'élever 
environ  à  deux  cent  cinquante  mille 
âmes. 

On  peut  supposer  encore,  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  que,  dès  le 
commencement  de  la  guerre ,  et  lors- 
que la  ville  se  vit  menacée  d'un  siège , 
un  grand  nombre  d'habitants  la  quit- 
tèrent pour  aller  chercher  de  nouvelles 
demeures. 

Triple  défense. — Carthage,  mat- 
tresse  de  la  Méditerranée  par  ses  flottes, 
protégée  d'ailleurs  du  côté  de  la  mer 
par  la  violence  des  vagues  qui  se  bri- 
sent avec  fureur  contre  les  rochers,  et 
rendent  impossible  toute  tentative  d'a- 
bordage ,  n'avait  à  craindre  une  attaque 
sérieuse  que  du  côté  de  la  terre.  C'est 
aussi*  de  ce  côté  qu'elle  avait  élevé  ses 
meilleures  fortifications.  De  l'extré- 
mité septentrionale  du  lac  de  Tunis 
jusqu'au  bord  de- la  Sebka{*),  s'éten- 
dait une  triple  défense.  On  voyait  d'a- 
bord un  fossé  bordé  d'une  palissade, 
puis  un  premier  mur  en  pierres,  d'une 
élévation  médiocre,  et  enfin  un  mur 
d'une  hauteur  considérable,  protégé 
par  un  grand  nombre  de  tours.  Tous 
ces  ouvrages  suivaient  les  sinuosités 
des  collines  sur  lesquelles  la  ville  ^it 
assise ,  et  faisaient  de  nombreux  an- 
gles rentrants.  Appien  nous  a  laissé 
une  description  des  hautes  murailles 
qui  formaient  la  partie  principale  de 
l'enceinte  de  Carthage.  Voici  cette 
description  :  «  A  partir  du  midi ,  vers 
«  le  continent ,  du  côté  de  l'isthme , 
«  où  était  placée  Byrsa ,  régnait  une 

(*)  La  Seèka  formait  autrefois  un  golfe 
qui  s'étendait  jusqu'aux  dernières  pentes  du 
cap  Qamart.  Comblée  peu  à  peu  par  les  al- 
luvions  de  la  Medjerdah ,  elle  ne  présente 
plus  aujourd'hui  qu'une  suite  de  laguuet 
d'eau  salée. 


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CARTHAGE. 


145 


«  triçle  défense.  La  hauteur  des  murs 
«  était  de  trente  coudées  (*) ,  sans  les 
<'  créneaux  et  les  tours,  qui  étaient  dis- 
«  tantes  entre  elles  de  deux  plèthre8(**), 
«  et  avaient  chacune  quatre  étages,  et 
«  trente  pieds  (***) ,  depuis  le  sol  jus- 
«  qu'au  fond  du  fossé.  Les  murs  avaient 
«  aussi  deux  étages  ;  et ,  comme  ils 
«  étaient  creux  et  couverts,  le  rez-de- 
«  chaussée  servait  d'écurie  pour  trois 
«  cents  éléphants ,  et  de  magasin  pour 
«  tout  ce  qui  était  destiné  à  leur  nour- 
«  riture.  Le  premier  étage  contenait 
«  quatre  mille  chevaux ,  avec  le  four- 
«  rage  et  l'orge  suffisants  pour  les 
«nourrir;  et,  de  plus,  des  casernes 
«  pour  vingt-quatre  mille  soldats.  Telles 
«  étaient  les  ressources  pour  la  guerre , 
«  que  les  murs  seuls  contenaient  dans 
«  leur  intérieur.  »  Toutes  ces  cons- 
tructions ,  suivant  Paul  Orose,  étaient 
formées  de  pierres  détaille.  Les  ruines 
n'ont  pas  tellement  disparu ,  qu'on  ne 
puisse  encore  suivre  la  trace  des  murs 
dans  la  plus  grande  partie  de  leur 
étendue. 

Quais.  —  Le  rivage  de  la  mer,  près 
du  Cothôn,  était  bordé  de  larges  quais 
où  les  marchands  déposaient  leurs  den- 
rées. Ces  quais  étaient  en  dehors  de 
Fenceinte  de  la  ville.  Les  Carthagi- 
nois, pendant  le  siège,  y  construi- 
sirent un  ouvrage  avancé ,  à  égale  dis- 
tance du  rempart  et  de  la  mer,  afin 
que,  si  l'ennemi  venait  à  s'emparer  de 
ce  quai,  il  ne  pût  lui  servir  d'esplanade 
ou  de  place  d'arme*  pour  attaquer  la 
ville.  Cette  précaution  fut  inutile;  on 
sait ,  en  effet ,  que  c'est  précisément 
de  ce  côté  que  Scipion  dirigea  sa  der- 
nière attaque,  dont  le  résultat  fut  la 
prise  du  Cothôn  et  de  toute  la  ville 
basse. 

Les  autres  parties  de  la  presqu'île 
n'étaient  point  garnies  de  quais.  Elles 
étaient  inahordahles  à  cause  des.écueils 
et  des  bas-fonds  qui  en  défendaient 
l'approche. 

{*)  1 3  mètres  5  décimètres,  la  coudée 
valant  o™,45. 

(**)  6o  mèlres.  Le  plèthre  valait  xoo  pied» 
grecs. 

(*•*)  9  mètres.  Le  pied  grec  valait  o",3o. 

W  Livraison.  (Càbthagb.) 


PoBTES.  —  Parmi  les  partes  de  Car- 
thage,  nous  en  connaissons  cinq,  dont 
la  position  nous  est  indiquée  par  des 
textes  formels;  ce  sont  celle  de  Mé' 
aara ,  dont  s'empara  Scipion ,  lors  de 
fa  prise  de  ce  faubourg;  celle  qui  est 
désignée  par  Appien  sous  le  nom  de 
portfe  d'Utique;  celle  de  Thevesf^ , 
qu'une  inscription  nous  fait  con- 
naître; celle  de  Furnos,  dont  parle 
Victor  de  Vite  ;  et  enfin  celle  qui  con- 
duisait à  ThapsuSy  et  par  laquelle 
Annibal  s'enfuit,  lorsque  des  envoyés 
romains  vinrent  à  Carthage  pour  de- 
mander qu'il  leur  idX  livré.  Cette  der- 
nière porte  devait  se  trouver  près  de 
la  Taenia  et  de  la  partie  faible  des  murs. 

Places  publiques.— Nous  avons 
parlé  du  Forum  et  de  son  emplace- 
ment entre  les  ports  et  la  citadelle. 
Dans  le  récit  de  l'attaque  dirigée  par 
le  consul  Censorinus  contre  la  partie 
faible  des  murailles,  Appien  nous  ap- 
prend que ,  près  de  là ,  au  point  de 
jonction  de  la  Tœnia  et  de  la  presqu'île , 
se  trouvait  une  seconde  place.  Elle 
était,  comme  le  Forum,  environnée 
de  hautes  maisons.  Victor  de  Vite  nous 
fait  connaître  une  troisième  place ,  à 
laquelle  il  donne  le  nom  de  place  neuve , 
Platea  nova;  celle-ci  était  ornée  de 
gradins,  et  située  au  centre  de  la 
ville. 

Temple  d'Astabté. —Nous  avons 
dit  que  le  temple  d'Astarté  était  coni« 
pris  dans  l'enceinte  de  la  citadelle.  Cet 
édifice  était  situé  sur  une  colline ,  au 
nord  de  celle  où  s'élevait  le  temple 
d'Esmun-Esculape.  Un  immense  hié- 
ron  lui  servait  d'avenue.  Cette  cour, 
qui  n'avait  pas  moins  de  deux  milles 
romains  (*)  de  longueur,  était  revêtue 
de  larges  dalles  en  pierre,  ornée  de  mo- 
saïques, de  belles  colonnes,  et  environ- 
née de  tous  les  temples  des  divinités 
inférieures.  Parmi  ces  temples,  secon- 
daires, on  distinguait  celui  d'Elisa  ou 
Didon.  Le  temple  d'Astarté,  relevé 
par  les  Romains  avec  une  grande  ma- 
gnificence, reçut  sous  les  premiers 
empereurs  de  nombreuses  et  riches 
offrandes.  Son  principal  ornement  était 


(*)  4945  mètresr 


10 


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tm 


LUIflVERS. 


m  voHe  oo  pépios  d'une  grande 
beaaté. 

TeHPUS  DB  BAAXi-MOI^GH  OU  Sa- 

TiTRNK.  —  Ce  temple  était  situé  entre 
ceux  d'Astarté  et  d'Esmun  -Esculape , 
et  donnait  son  nom  à  un  quartier  de 
hi  ville  (victts  serns).  Saint  Augustin 
noas  apprend  que  le  dieu  Baal-Moioeh 
inspirait  aux  Carthaginois  une  terreur 
religieuse  si  profonde ,  mi'osant  à 
peine  prononcer  son  nom ,  ils  se  coa* 
tentaient  de  le  désigner  par  Tépithète 
d'ancien  {senex).  «La  statue  de  ce 
«  dieu ,  suivant  Diodore ,  était  d'airain  ; 
«  efte  avait  tes  bras  pndants  ;  ses 
«  mains,  dont  la  paume  était  en  dessus, 
«  étaient  îndrnées  vers  la  terre,  afin 
«que  les  enfants  qu'on  y  pla^it 
«  tond>assent  immédiatement  dans  un 
c  gouffVe  plein  de  feu.  » 

Le  temple  de  Baal-Moloch  contenait 
les  archives  de  la  république.  Le  roi 
Hannon  y  avait  déposé  la  relation  de 
son  voyage. 

TSITPLB  »' APOLIOW  ;  STATUE  GO- 
LOSSÀLE  DE   CE  BTEU.  —  NOUS  aVOnS 

déjà  dit  que  sur  l'une  des  faces  du 
Forum  s'élevait  le  temple  d'Apoilon. 
Cet  édifice ,  qui ,  selon  M.  Dureau 
de  ia  Malle,  échappa  à  la  ruine  de 
Carthage,  et,  plus  tard,  fut  consa- 
cré au  culte  chrétien ,  sous  le  nom  de 
BasUica  perpétua  restUutay  était  or- 
né, lors  cfe  la  prise  de  la  ville  par  Sci- 
pion  Émirlien ,  d'une  statue  colossale 
revêtue  de  lames  d'or-  Le  lendemain 
de  la  prise  du  Cothon ,  des  soldats  pé- 
nétraient dans  le  temple,  s'emparèrent 
de  ces  lames  d'or,  et  se  les  partagè- 
rent. La  statue  ftkt  emportée  à  Rome, 
où  elle  fut  placée  près  du  grand  cir- 
que, à  côté  de  la  statue  en  bronze  de 
Titus  Qutnctins  Flaminmus.  Elle  por- 
tait le  •nom  de  çrand  ApolUm  de  Car- 
thaçe,  et  subsistait  encore  au  temps 
de  Phitarqne. 

Temples  de  Melcabth-Héea- 
ciis ,  DE  CÉBÈs  et  de  Pbosebpinb. 
— Conmre  nous  l'avons  dit  plus  haut^ 
les  ^«rthaginois  transportèrent  dans 
leutrcoïoi?'^  *®  ^**®  ^®  Melcarth,  qui 
était  le  génie  ftjtélaire  de  tont^^  les 
villes  dVigine  phénicienne.  Nous 
nous  croyons  fondés  ^  penser  qu'il  y 


avait  à  Carthage  tm  tenpie  élevé  en 
l'honneur  de  Mekarth,  quoique  les 
auteurs  anciens  n'aient  jamais  men- 
tionné  cet  édifice. 

Les  Carthaginois  enipruntèreirt  aux 
Grecs  le  culte  de  Cérès  et  de  Proser- 
pine.  Diodore  de  Sicile ,  qui  parle  lon- 
guement des  statues  et  des  prêtres  de 
ces  deux  déesses ,  ne  nous  donne  aucun 
renseignement  sur  l'emplacement  des 
teniples  qui  furent  consacrés  à  ces  di- 
vinités étrangères. 

Il  nous  est  impossible  aussi  de  dé- 
terminer l'endroit  où  se  trouvaient  les 
deux  temples  que,  suivant  le  même 
historien ,  les  Carthaginois  s'obligèrent 
à  élever  la  première  année  de  la  quatre- 
vingt-cinquième  olympiade,  pour  y  dé- 
poser le  traité  qu'ils  avaient  conclu  avec 
Gélon. 

Citebnes  publiques;  gymnase; 
THÉÂTRE.  —  Outre  les  citernes  parti- 
culières ,  dont  chaque  maison  devait 
étrepourvue,  dans  un  pays  où  les  puits 
ne  fournissent  que  de  l'eau  saumatre, 
Carthage  possédait  encore  plusieurs 
citernes  publiques,  dont  les  ruines, 
grâce  à  leur  situation  souterraine  et  à 
la  solidité  des  constructions,  sont  à 
peu  près  tout  ce  qui  a  survécu  de  la 
ville  phémcienne.  La  plus  considéra- 
ble de  ces  citernes  était  située  au 
nord-ouest  de  Byrsa ,  à  l'extrémité  et 
dans  l'enceinte  même  de  la  citadelle. 
Le  village  moderne  de  Malqa  est  cons- 
truit sur  ses  ruines.  «  On  y  voit  en- 
core, dit  le  voyageur  Shaw,  un  en- 
semble de  vingt  réservoirs  contigus, 
dont  chacun  avait  cent  pieds  de  long 
sur  trente  de  large.  »  Le  P.  Caroni , 
ÇUi  a  fait  à  Tunis  un  long  séjour,  donne 
à  ces  réservoirs  les  mêmes  dimensions. 
Au  treizième  siècle,  ce  monument 
était  encore  presque  intact;  voici  la 
description  qu'en  a  faite  Édrisi ,  géo- 
graphe arabe  de  cette  époque ,  qui  étoit 
né  en  Afrique,  et  dont  on  s'accorde  à 
reconnaître  la  véracité  et  rexactitude. 
«  Parmi  les  curiosités  de  Carthage , 
«  dit  -  il  i  sont  les  citernes ,  dont  le 
«  nombre  s'élève  à  vingt-quatre ,  sur 
«  une  seule  ligne.  La  longueur  de  cha- 
«  cune  d'elles  est  de  cent  trente  pas , 
«  et  la  largeur  de  vingt-six.  Elles  sont 


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CAETHAGE. 


147 


«  âormentées  de  oonpotes  ;  et ,  dans  ks 
«  hitervanes  qoi  les  séparent  les  unes 
«  des  autres ,  sont  des  outertnres  et 
«  des  conduits  pratiqués  pour  le  pas- 
iisagfi  des  eaux.  Le  tout  est  dis- 
«  posé  géométriquement  avec  beaucoup 
«  d'înrt.  t>  Lm^sque  l'empereur  Adrien 
Yonlot  conduire  dans  l'Intérieur  de 
Carthage  les  eaux  de  la  source  deSchou- 
kar,  pour  mettre  cette  ville  à  Tabri 
des  longues  sécheresses,  la  citerne  de 
Malqa  cliangea  de  destination;  elle 
devint  îe  réservoir  du  grand  aqueduc 
dont  noiis  allons  parler.  Sa  position 
au  centre  de  la  ville  la  rendait  propre 
à  cet  usage. 

Les  autres  grandes  citernes  publi- 
iiues  étaient  situées  près  de  la  mer ,  à 
rest  de  Byrsa.  Leurs  ruines  sont  par- 
faitement conservées.  Elles  ont,  suivant 
le  père  Caroni,  plus  de  cent  quarante 
pieds  de  longueur,  sur  cinquante  de 
largeur  et  trente  de  hauteur.  Les  murs 
oni  cinq  pieds  d'épaisseur  et  sont  flan- 
qués de  six  tours  )  aux  angles  et  an 
milieu.  Nous  empruntons  à  un  écrivain 
du  onzième  siècle,  Abou-Obaid-Bekri , 
im  passage,  où  Ton  trouve,  avec  la 
description  de  ces  citernes,  celle  de  deut 
«Btres  édifices  qui  méritent  aussi  de 
fixer  l'attention  ;  nous  voûtons  parlei^ 
du  gymnase  et  du  théâtre.  «  On  voit 
«  à  Carthage,  dit  l'auteur  arabe,  un 
K  palais  appelé  Moallakah^  qui  se  dis- 
*«  ttngife  par  une  étendue  et  une  élé- 
«  vation  prodigieuses.  Il  est  composé 
«  de  galeries  voûtées  qui  forment  plu- 

*  sieurs  étages,  et  il  domine  la  mer. 

*  Du  côté  de  l'occident  s'élève  un  autre 
«  nkMiument  appelé  le  Théâtre,  Il  est 
w  percé  d'un  grand  nombre  de  portes 
«  et  de  fenêtres ,  et  s'élève  également 
«  par  étages  ;  sur  chacune  des  portes 
«  s'élèvent  des  figures  d'animaux  et 

*  des  représentâtiofis  de  toute  espèce 
«  de  professions.  L'édifice  appelé /Toî^- 
K  mas  (lisez  Djoumnas  )  se  compose 
«  également  de  plusieurs  étages;  il  est 
«  orné  de  piliers  de  marbre  de  fornw 
«  carrée,  aont  la  grosseuf  et  la  hau- 
«  teur  présentent  des  dimensions  pro^ 
«  digieuses.  Sur  le  chapiteau  d'une  de 
«  ces  colonnes  on  voit  douze  hommes 
«  assit  autour  d'une  table.  Près  de  là 


«  commeacenfl  de  vastes  réservoirs  ap- 
«  pelés  cUemes  des  diables^  encore 
«  remplis  d'une  eau  fort  ancienne,  qui 
«  existe  là  depuis  une  époque  incdn- 
«  nue.  »  M.  Dureau  de  la  Malle  pense 
oue  les  citernes  des  diables  et  l'édi- 
nce  ap^lé  MoaUakah  par  Bekri  sont 
le  même  monument,  et  qu'ils  ne  dif- 
férent pas  de  celui  dont  les  ruines  ont 
été  mesurées  par  le  père  Caroni, 

Les  deux  grandes  citernes  dont  nous 
venons  de  parler  sont  évidemment  de 
constructiob  fmnique;  tout  le  prouve  : 
la  nature  ctes  matériaux  qui  y  sont  em- 
ployés, les  détails  de  leur  architec- 
ture, et  l'usage  généralement  répandu 
chez  les  peuples  de  race  sémttigue,  de 
n'employer  que  l'eau  des  pluies  aux 
usages  alimentaires.  En  effet,  il  exis- 
tait de  grandes  citernes  à  Utique,  qui 
était,  comme  Carthage,  une  colonie 

Î phénicienne.  Tyr  et  Jérusalem  qui,  par 
eur  position  au  pied  des  montasoes , 
pouvaient  se  procurer  avec  tant  de  fa- 
cilité des  eaux  de  source ,  n'employè- 
rent cependant  pour  leurs  usages  que 
des  eaux  de  pluie.  Au  moins  pouvons- 
nous  dire  qu'il  en  fut  ainsi  jusqu'à 
l'époque  où  pénétrèrent  en  Syrie  les 
mœurs  grecques  et  romaines, 

Virgile  attribue  à  Didon  la  cons- 
truction du  théâtre  de  Carthage.  Tou- 
tefois, nous  ne  pensons  pas  que  la 
fondation  de  cet  édifice  remonte  à  une 
époque  aussi  ancienne  (*).  Tout  nous 
porte  à  croire  que  le  théâtre,  comme 
4e  gymnase,  n'appartinrent  pas  à  la 
ville  punique,  mais  bien  à  la  colonie 
romaine.  Suivant  la  conjecture  de 
M.  Dureau  de  la  Malle,  Carthage,  re- 
construite et  embellie  par  Auguste, 
devait  ces  deux  édifices  à  la  munifi- 
cence de  cet  «mpereur. 

Amî^htthéâtbe.  —  Nous  ne  pou- 
vons nous  dispenser  de  faire  id  men^ 

(*)  Nons  citom  id  les  vers  de  Virgile. 
"Ces  vers  ne  prou^nt  pas  assurément  l'ori- 
gine phénicienne  du  théâtre ,  mais  ils  doii- 
nent  du  moins  une  haute  idée  de  la  gran- 
dear  de  ce  monument 

Hie  alta  Theatri 
Fundamenta  locant  alii  »    iminanesque  eolumnaa 
Rupibui  exaidunt»  «aanit  dMotv  alta  faturit. 

JBMii.  1, 4'i« 

10- 


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14S 


L'UNIVEdS. 


l 


tion  de  cet  édifice,  qui,  selon  toute 
apparence,  appartient,  comme  les  deux 

Srécédents ,  a  répoque  romaine,  mais 
ont  les  ruines  sont  au  nombre  des 
plus  importantes  de  Carthage.  Voici  la 
description  qu'en  a  donnée  le  géogra- 
phe arabe  dont  nous  avons  déjà  invo- 
ué le  témoignage  à  propos  des  citernes 
le  Malqa  :  «  Cet  édifice* est  de  forme 
«  circulaire  et  se  compose  d'environ 
«  cinquante  arcades  subsistantes.  Cha- 
«  eu  ne  d'elles  embrasse  un  espace  d'en- 
«  viron  vingt-trois  pieds,  ce  qui  fait 
a  onze  cent  cinquante  pieds  pour  la 
«  circonférence  totale.  Au-dessus  de 
«ces  arcades,  s'élèvent  cinq  autres 
«  rangs  d'arcades  de  même  forme  et  de 
t  même  dimension.  Au  sommet  de 
«  chaque  arcade  est  un  cintre  où  se 
<'  voient  diverses  figures  et  représen- 
«  tations  curieuses  d'hommes ,  d'ani- 
«  maux  et  de  navires  sculptés  avec  un 
«  art  infini.  En  général,  on  peut  dire 
V  aue  les  autres  et  les  plus  beaux  édi- 
«  fices  en  ce  genre  ne  sont  rien  en 
«  comparaison  de  celui-ci.  »  Tel  était 
encore,  au  treizième  siècle  de  notre 
ère,  l'état  de  conservation  de  l'amphi- 
théâtre de  Carthage.  «  Il  ne  se  rccon- 
«  naît  maintenant,  dit  M.  Falbe,  que 
«  par  l'excavation  intérieure,  qui  a  en- 
«  viron  deux  cent  quarante  pieds  dans 
a  la  plus  grande  longueur  de  l'el- 
«  lipse.  La  profondeur,  qui  n'est  pas 
«  moindre  de  quinze  pieds,  au-dessous 
«  du  chemin ,  montre  jusqu'à  quel  point 
«  sont  accumulées  les  ruines  de  Car- 
»  thage.  » 

Cirque.  —  M.  Falbe  a  reconnu  au 
sud-ouest  de  la  colline  de  Byrsa,  à  peu 
de  distance  de  la  triple  défense,  les 
ruines  d'un  cirque,  avec  sa  spina  et 
ses  carceres.  Nous  savons,  en  effet, 

Î)ar  saint  Augustin ,  que ,  de  son  temps , 
es  Carthaginois  étaient  passionnés 
pour  les  jeux  du  cirque.  En  outre, 
nous  lisons  dans  Procope,  que  sous  le 
règne  de  Justinien ,  il  y  eut  une  révolte 
de  soldats  dans  le  cirque  de  Carthage. 
Thbbmes.  —  Nous  savons  par  Va- 
lère  Maxime  qu'il  existait  à  Carthage 
des  bains  réservés  aux  sénateurs,  et 
où  les  hommes  du  peuple  n'étaient 
point  admis.  C'est  là  l'unique  rensei- 


gnement  que  nous  possédions  sur  les 
bains  de  la  ville  punique.  En  ce  qui 
concerne  Carthage  romaine ,  les  docu- 
ments abondent.  Sous  les  empereurs, 
il  y  eut  dans  cette  ville  un  grand 
nombre  de  thermes.  Nous  citerons, 
parmi  les  principaux  établissements  de 
ce  genre,  les  thermes  de  Maximien 
(Maximianœ) ,  ceux  de  Gargilius  (Car- 
gUianse) ,  où  se  tint ,  en  41 1 ,  le  synode 
qui  condamna  le  schisme  des  donatis- 
tes  ;  enfin  ceux  de  Théodora  {Theodo- 
ria7vse)y  que  les  habitants  de  Carthage 
durent  à  la  munificence  de  Justinien. 
Aqueduc  d'Adbien.  —  En  parlant 
des  citernes  publiques,  nous  avons  dit 
aue  celle  de  Malqa  devint,  sous  la 
domination  romaine,  le  réservoir  ou  le 
château  d'eau  d'un  immense  aqueduc. 
Ce  monument,  bien  que  d'une  énoque 
postérieure  à  la  prise  de  Cartnage, 
doit  cependant  obtenir  ici  une  courte 
mention ,  parce  que  d'abord  il  explique 
la  conservation  d  un  fmportant ouvrage 
punique,  qui  ne  fit  que  changer  de 
destination,  et  aussi  parce  que  ses 
ruines  sont  les  plus  belles  et  les  plus 
imposantes  que  l'on  voie  à  Carthage. 
On  en  jugera  par  cette  description 
qui  est  empruntée  à  l'ouvrage  de 
Shaw  :  «  On  voit  jusqu'à  Zow-Wann 
«  etZung-Gar,  à  cinquante  milles  pour 
«  le  moins  dans  les  terres ,  des  vesti- 
«  ges  du  grand  aqueduc  qui  fournissait 
«  l'eau  à  Carthage.  Cet  ouvrage  avait 
«  coûté  beaucoup  de  peine  et  d'argent, 
«et  la  partie  qui  allait  le  long  de  la 
«  péninsule  était  fort  belle  et  revêtue 
«  de  pierres  de  taille.  On  voit  encore  à 
«Ariana,  petit  village  à  deux  lieues 
«  au  nord  de  Tunis,  plusieurs  arches 
«  qui  sont  entières,  et  que  j'ai  trou- 
«  vées ,  en  les  mesurant ,  avoir  soixante 
«  et  dix  pieds  de  haut.  Les  pilastres 
«  qui  les  soutenaient  avaient  seize  pieds 
«  en  carré.  Au-dessus  de  ces  arcades , 
«  est  le  canal  par  lecjuel  les  eaux  pas- 
«  saient.  Il  est  voûté  par-dessus  et  re- 
«  vêtu  d'un  bon  ciment.  Une  personne 
«  de  taille  médiocre  pourrait  y  marcher 
«  sans  se  courber.  L'eau  v  montait,  à 
«ce  qu'il  paraît,  par  les  marques 
«qu'elle  a  laissées,  à  près  de  trois 
«  pieds.  Il  y  avait  des  temples  à  Zow- 


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CARTHAGE. 


149 


«  Wann  et  à  Zung-Gar,  au-dessus  des 

«  sources  qui  fournissaient  d*eau  Fa- 

«  queduc.  » 

Pbisons;  palais  proconsulaibe. 
—  Lorsque  Carthage  romaine  fut  de- 
venue la  capitale  de  la  province  d'Afri- 
2ue,  les  proconsuls  établirent  leur 
emeure  sur  la  colline  de  Byrsa.  Les 
rois  vandales,  maîtres  de  Carthage, 
choisirent  pour  habitation  le  palais  pro- 
consulaire. L'historien  Procope  nous 
apprend  que  les  prisons  étaient  situées 
au-dessous  de  ce  palais,  et  que,  de 
leurs  soupiraux,  on  pouvait  apercevoir 
la  mer  et  les  vaisseaux  qui  s'avançaient 
vers  le  port.  M.  Falbe  a  reconnu ,  sur 
la  colline  où  était  située  Byrsa,  à  une 
hauteur  de  cent  quatre-vingt-huit  pieds 
au-dessus  de  la  mer,  des  voûtes  de 
vingt  à  trente  pieds  de  largeur,  dont  la 
construction  lui  a  paru  plus  ancienne 
que  celle  des  édifices  dont  les  débris 
se  voient  encore  au-dessus.  Ces  voûtes 
sont,  à  n'en  pas  douter,  de  construc- 
tion punique.  A  l'époque  de  la  domi- 
nation romaine,  elles  devinrent  les 
prisons  que  l'on  remarquait  au-dessous 
du  palais  proconsulaire. 

Nous  avons  essayé  de  donner  ici, 
d'après  les  auteurs  anciens  et  moder- 
nes, la  description  de  l'ancienne  Car- 
thage. Cette  description  demandait 
peut-être  déplus  longs  développements. 
Toutefois,  nous  croyons  avoir  pré- 
senté, dans  le  court  résumé  qui  pré- 
cède, les  principaux  renseignements 
qui  ont  été  rassemblés  jusqu'à  ce  jour 
sur  la  topographie  et  les  édifices  de 
cette  ville  célèbre. 

CONCLUSION. 

CARTHAGE  SOUS  LA  DOMINATION  ROMAINE. 

CAÏUS  GbACCHUS  CONDUIT  UNE 
COLONIB  BOMAINE  SUB  L'EMPLACE- 
MENT DE  Cabthage  punique.  —  Au 
moment  où  l'armée  de  Sciçion  quitta 
l'Afrique,  Carthage  n'offrait  plus  aux 
reprds  qu'un  amas  de  ruines.  Toute- 
fois ,  le  temps  manqua  aux  Romains 
pour  tout  détruire,  et,  comme  l'a  dé- 
montré de  nos  jours  un  savant  criti- 
que, il  restait  encore,  au  milieu  des 
décombres,  quelques  édifices  intacts  ou 


à  moitié  ruinés,  qui  pouvaient  donner 
asile  aux  derniers  et  faibles  débris  du 
peuple  carthaginois.  Les  commissaires 
envoyés  par  le  sénat  romain  pour  as- 
sister à  la  destruction  de  Carthage 
avaient  expressémeiit  indiqué  les  quar- 
tiers de  Byrsa  et  de  Mépra,  dar'is  la 
défense  qu'ils^  avaient  taite  d'habiter 
dorénavant  l'emplacement  de  la  ville 
vaincue.  On  peut  induire  de  cette  men- 
tion toute  spéciale ,  que  Rome,  dans 
les  premières  années  qui  suivirent  la 
victoire  de  Scipion,  tolérait  au  moins, 
si  elle  n'autorisait  pas ,  les  nouveaux 
établissements  fondés  en  dehors  des 
quartiers  de  Byrsa  et  de  Mégara.  Il  pa- 
raît même  que  le  Cothôn ,  ancien  port 
militaire  des  Carthaginois ,  fut  trans- 
formé par  les  Romains  eux-mêmes  en 
port  marchand  (*).  On  comprend  ai- 
sément que  les  vainqueurs  n'aient  point 
voulu  perdre  tous  les  avantages  que 
l'admirable  position  de  ce  port  pou- 
vait procurer,  par  le  commerce,  à  la 
provmce  qu'ils  venaient  de  conquérir. 
Les   historiens  racontent  que  les 
Romains  prononcèrent,  au  nom  des 
dieux,  de  terribles  imprécations  con- 
tre ceux  qui  essayeraient  de  relever  et 
d'habiter  Carthage.  Mais  on  ne  saurait 
établir,  à  l'aide  de  ce  fait,  que  la  ville 
resta  pendant  quelques  années  entiè- 
rement déserte;  car,  il  est  trop  évi- 
dent que  lesCarthaginois,  qui  avaient 
échappé  à  la  mort  ou  à  l'esclavage,  ne 
devaient  avoir  aucune  crainte  de  vio- 
ler les  prescriptions   d'une  religion 
étrangère  et  de  braver  les  menaces  des 
dieux  romains  qui  n'étaient  point  leurs 
dieux.  D'ailleurs,  les  Romains  eux- 
mêmes  ne  se  montrèrent  point  scrupu- 
leux ,  et ,  comme  le  remarque  Appien , 
Caïus  Gracchus,   sans  tenir  compte 
des  imprécations  prononcées  par  les 
vainqueurs  sur  les  débris  encore  fu- 
mants de  la  ville  prise  et  saccagée, 
vint  établir  une  colonie  à  l'endroit 
même  où  s'élevait,  vingt  années  aupa- 
ravant, la  cité  punique.  Voici  comment 
Plutarque   raconte   cet    événement  : 
R  Rubrius,  un  des  tribuns  du  peuple, 

(*)  Voyez  M.  Diireaii  de  la  Malle ,  Re* 
cherches  sur  la  topographie  de  Carthage. 


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150 


L'UNIVERS. 


ayant  proposé  par  une  loi  le  rétabHs- 
sement  de  Cartbage  ruinée  par  Sci- 
pion ,  et  cette  commission  étant  échue 
lar  le  sort  à  Caïus  Gracchus,  il  s'em- 
larqua  pour  conduire  cette  nouvelle 
coloiiie  en  Afri£[ue....  Caïus  était  oc- 
cupé du  rétablissement  de  Carthage 
qu  il  avait  nommée  Junonia,  lorsque 
les  dieux  lui  envoyèrent  plusieurs  si- 
gnes funestes  pour  le  détourner  de  cette 
entreprise.  La  pique  de  la  première 
enseigne  fut  brisée  par  Teffort  d'un 
vent  impétueux,  et  par  la  résistance 
même  que  fit  celui  qui  la  portait  pour 
la  retenir.  Cet  ouragan  dispersa  les 
entrailles  des  victimes  qu'on  avait  déjà 
posées  sur  Tautel,  et  les  transporta 
hors  des  palissades  qui  formaient  l'en- 
ceinte de  la  nouvelle  ville.  Des  loups 
vinrent  arracher  ces  palissades  et  les 
emportèrent  fort  loin.  Malgré  ces  pré- 
sages V  Caïus  eut  ordonné  et  réglé  en 
soixante-dix  jours  tout  ce  qui  con- 
cernait l'établissement  de  cette  colo- 
nie ;  après  quoi  il  s'embarqi^a  pour' 
revenir  à  Rome  (*).  » 
Histoire  de  Carthage  romain^ 

DEPUIS  l'établissement  DES  CO- 
LONS AMENES  EN  AFRIQUE  PAR  CAÏUS 

Gracchus,  jusqu'à  Tibère.  —  Ma- 
rins proscrit  par  Sylla ,  se  sauva  en 
Afrique  et  descendit  à  Carthage.  A 
peine  avait-il  pris  terre,  qu'un  licteur 
vint  à  sa  rencontre,  et  lui  dit  :  <c  Le 


(*)  Les  patriciens  n'avaient  qu'un  moyen 
d'accréditer  ce  récijt  fabuleux  auprès  de  la 
multitude ,  c'était  de  montrer  que  les  sinis- 
tres présages  qui  avaient  accompagné  l'éta- 
blissement de  la  nouvelle  colonie  étaient  un 
effet  de  la  colère  des  dieux  contre  celui  qui 
s'était  fait  un  jeu  des  imprécations  pronon- 
cées «ur  les  ruines  de  Carthage.  Ne  pour- 
rait-on point  dire  que  le  passage  de  Plutarque 
prouve  d'une  maniée  iudireete  que  Caïus 
Gracchus  établit  ses  colons  sar  l'emplace- 
ment même  de  la  ville  déCs«ite?Mais,  nQ.\is 
ne  sommes  point  réduits,  comme  l'a  dé- 
.  montré  M.  Dureau  de  la  Malle ,  dans  une 
savante  discussion ,  à  ce  gepre  de  preuves^ 
Pline  et  Paul  Qrose  nous  apprennent  d'une 
manière  positive  que  Carthage  romaine  était 
placée  là  ou  s'élevait  jadis  Carthage  puni- 
aue.  Nous  pourrions  citer  enc(^re  VÉpitomc 
au  livre  60  de  Tite-live. 


Sréteur  Çextilius  te  défend,  d  Marius, 
'entrer  en  AfHgue.  Si  tu  n'obéis  point 
à  ses  ordres ,  il  mettra  à  exécution , 
contre  toi ,  le  décret  do  sénat  qui  te 
condamne  comme  ennemi  du  peuple 
romain.  —  pis  au  préteur,  répond  TH* 
lustre  proscrit ,  que  tu  as  vu  Marin» 
assis  sur  les  ruines  de  Carthage.  » 

Ce  répit  prouve  évidemment  ^ue  te 
préteur  Sextilius  avait  sa  résidence 
dans  la  colonie  romaine,  puisque,  au 
moment  même  où  Marins  descendait 
en  Afrique,  il  fut  informé  de  son  arri- 
vée et  lui  envoya  un  licteur.  Marius 
s'était  probablement  réfugié  dans  une 
des  parties  de  la  ville  punique  qui 
n'avaient  point  été  relevées.  Depuis 
l'arrivée  de  Caïus  Gracchus ,  la  colo- 
nie n'avait  pas  encore  pris  des  accrois* 
sements  assez  considérables  pour  cou- 
vrir tout  remplacement  de  t'aDcienne 
Carthage. 

A  son  retour  d'Egypte,  César  pour- 
suivit dans  l'Afrique  carthaginoise  les 
partisans  de  Pompée.  Suivant  une  an- 
cienne tradition,  il  campait  non  loin 
de  Carthage,  lorsqu'une  nuit,  pendant 
un  sommeil  agité,  il  vit  en  songe  une 
grande  armée  qui  l'appelait  en  gémis- 
sant et  en  pleurant.  Le  lendemain,  à 
son  réveil ,  César  écrivit  sur  ses  ta- 
blettes le  nom  de  Carthage.  Lorsqu'il 
revint  à  Rome,  les  citoyens  pauvres 
lui  demandèrent  des  terres  :  ce  fut 
alors  qu'il  envoya  des  colons  à  Corin- 
the  et  à  Carthage.  Dion  Cassius ,  en 
parlant  de  César,  s'écrie  avec  une 
sorte  d'enthousiasme  :  «  Relever  deux 
villes  illustres,  sans  tenir  compte  de 
leur  ancienne  inimitié  contre  Rome, 
et  cela  seulement  en  souvenir  de  leur 
p^ssance  et  de  Içur  splendeur  pas- 
sées, c'est  une  gloire  qui  n'appartient 
qu'à  César.  »  Dion  ajoute  :  «  Ce  fiit 
ainsi  que  ces  detix  cités  e^bres ,  q^JÀ 
jadis  avaient  été  détruites  à  la  même 
époque^  conamencèfent  à  reprendre 
simultanément  une  nouvelle  vie  et  re- 
devinrent une  seconde  lois  Ir^'floris- 
santes.  »  On  pourrait  croire,  d'après 
ces  paroles  d'un  çrave  historien ,  que 
César  fbt  le  véritable  fondateur  de 
Carthage  romaine.  Il  n'en  est  rien  tour 
tefois.  César  n'envoya  en  Afrique  ^ue 


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GARTHA^B. 


m 


trois  oùllecejoiis*  Un  passage  de  Solin 
nous  expli(]ue  les  appîarentes  contra- 
dictions qui  existent  pour  cette  époque 
entre  plusieurs  historiens.  Suivant  cet 
auteur,  la  colonie  de  Caïus  Gracchu3 
eut  des  commencements  faibles  et  san3 
gloire.  Elle  n'avait  point  encore  pris 
de  grands  développements  lorsque , 
sous  le  consulat  de  Dolabella  et  de 
Marc -Antoine ,  elle  brilla  d'un  vif 
éclat,  et  fut  vraiment  en  Afrique  u^ 
seconde  Carthage, 

Dion  Cassius  nous  apprend  qu'Au- 
guste envoya  de  nouveaux  colons  en 
Afrique,  parce  que  Lépidus,  non  coor 
tent  de  priver  Carthage  de  ses  privi- 
lèges de  colonie  romaine,  lui  avait 
encore  enlevé  une  partie  de  ses  habi- 
tants. Quelle  était  la  cause  des  sévéri- 
tés de  Lépidus  ?  On  l'ignore.  L'ancien 
triumvir  avait  vraisemblablement  en- 
rôlé les  colons  romains  dans  ses  lé- 
gions ,  et  lorsqu'il  avait  privé  de  ses 
privilèges  une  ville  fondée  par  Caïu» 
Gracchus  et  restaurée  par  Jules  César, 
il  avait  cru  peut-être,  lui  qui  était  un 
des  chefs  de  l'aristocratie ,  porter  un 
coup  à  la  démocratie,  qui  était  sur  le 
point  de  triompher  dans  la  personne 
des  empereurs. 

HisTOiBE  DE  Carthage  romaine 
DEPUIS  Tibère  jusqu'à  l'arrivée 
DES  Vandales  en  Afrique.  —  Pom- 
ponius  Mêla ,  qui  fut  le  contemporain 
de  Tibère  ,  de  Caligula  et  de  Claude, 
disait  en  parlant  de  Carthage  :  «  Cette 
colonie  du  peuple  romain  est  déjà  bril- 
lante et  riche  pour  la  seconde  fois.  » 
En  effet ,  Carthage  prenait  chaque 
jour  de  nouveaux  accroissements  et 
s'embellissait  par  les  somptueux  édi- 
fices qui  s'élevaient  dans  son  enceinte. 
Elle  s'enrichissait  par  le  commerce, 
et,  comme  autref&is,  les  vaisseaux 
qui  sortaient  de  son  port  allaient  tra- 
fiquer dans  presque  toutes  les  parties 
du  monde  ancien.  Une  chose  encore 
servait  àsa  prospéri^  et  lui  donnait 
une  grande  importance,  c'est  qu'elle 
était  devenue  te  véritable  grenier  de 
l'Italie ,  et  qu'elle  pouvait  en  quelque 
sorte  remplacer,  pour  le  peuple  de  Ro- 
me, l'Egypte  et  Alexandrie.  Elle  vivait 
dans  une  heureuse  paix  sans  éprouver 


les  coinmotions  violentes  qui  agitaient 
plusieurs  provinces  de  l'einpire,  lors* 
qu'un  événement  subit  vint  lui  enle- 
ver pour  ^elques  instants  le  repos  et 
la  sécurité.  ISous  reproduirons  ici  dans 
son  entier  le  récit  de  Tacite. 

«  Rome  était  en  alarnjies.  L'Afri- 
que, disait-on,  était  soulevée;  la  ré- 
volte avait  pour  chef  Pison,  proconsul 
et  gouverneur  de  la  provmce.  Ces 
bruits  étaient  faux  ;  mais  comme  des 
vents  contraires  jretardaient  l'arrivéç 
de  la  flotte  d'Afrique  qui  portait  des 
blés  à  Rome,  on  croyait  que  Pison 
avait  fermé  le  port  de  Carthage  et  vou- 
lait affamer  la  capitale.  D'ailleurs,  la 
province  et  les  troupes  regrettaient 
Vitelhus  et  n'aimaient  nullement  Ves- 
pasien.  Tous  deux  avaient  été  procon- 
suls d'Afrique,  et,  chose  étonnante, 
Vitellius  avait  emporté  l'estime  et  Ves- 
pasien  la  haine  de  cette  province.  Mu- 
cien  suscite  contre  Pison  deux  agents 
provocateurs,  Sagitta,  préfet  d'un  corps 
de  cavalerie,  et  un  centurion.  Lé  lieu- 
tenant de  la  4*  légion,  Valérius  Fes- 
tus,  se  joint  à  eux  pour  Tentraînçr  à 
la  révolte.  Pison  repousse  les  sollici- 
tations du  lieutenant  et  du  préfet.  Le 
centurion  de  Mucien  arrive  :  à  peine 
entré  au  port  de  Carthage,  il  proclame 
Pison  empereur;  le  peuple  se  précipite 
au  Forum ,  et  demande  que  Pison  y 
paraisse.  Celui-ci  refuse,  fait  punir  le 
centurion,  réprimande  les  Carthagi- 
nois par  un  édit  sévère,  et  se  tient 
renfermé  dans  son  palais ,  sans  même 
exercer  les  fonctions  publiques  de  sa 
charge.  Festus,  sitôt  qu'il  apprend  l'a- 
gitation du  peuple  et  le  supplice  du 
centurion ,  pense  à  gagner  par  un  crime 
la  faveur  de  Mucien  et  envoie  des  ca- 
valiers pour  tuer  Pison.  Ceux-ci  font, 
pendant  la  nuit,  une  marche  forcée, 
arrivent  au  point  du  jour,  se  précipi- 
tent, l'épée  nue,  dans  le  palais  du 
proconsul,  et  l'égorgent  (*).  » 

La  sédition  populaire  fut  bientôt 
apajsée  à  Carthage ,  et  pendant  un 
siècle,  sous  le  gouvernement  (tes  Fl»> 
viens  et  des  Antonins ,  cette  ville  ne 
cessa  de  jouir  du  calme  heureux  qui 

(*)  Tacite ,  liv,  vi  de»  Histoirei. 


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isd 


L'UNIVERS. 


jusqu'alors  avait  tant  contribué  à  la 
rendre  riche  et  florissante  (*). 

Sous  Commode,  qui  voulait  que  Car- 
thage  portât  son  nom  et  s'appelât 
Alexandria  Commoda  TogatOy  -il  y 
eut  quelques  mouvements  en  Afrique. 
Nous  savons  que  Pertinax,  qui  était 
alors  proconsul  dans  cette  province, 
réprima  plusieurs  séditions.  Le  peu- 
ple était  agité  par  les  prophéties  qui 
émanaient,  à  Gartbage,  du  temple  de 
/uno  Coelestis.  Mais  ces  troubles  ne 
furent  pas  de  longue  durée ,  et  pendant 
un  demi-siècle  encore  la  ville  vécut 
dans  une  paix  profonde  (**). 

En  235 ,  Maxirain  devint  le  chef  de 
l'empire.  Cet  ancien  pâtre  de  la  Thra- 
ce,  qui  était  Goth 'd'origine,  se  rendit 
bientôt  odieux  par  son  avarice  et  sa 
cruauté.  L'Afrique  carthaginoise  fut  la 
première  province  qui  se  révolta  con- 
tre lui.  Quelques  ennemis  de  Maximin 
forcèrent  le  proconsul  Gordien  à  re- 
cevoir le  titr«  d'empereur.  Ce  fut  à 
Carthage  que  ce  vieillard,  qui  était 
alors  âgé  de  quatre-vingts  ans,  prit 
les  marques  de  la  dignité  impériale.  Il 
associa  a  son  nouveau  pouvoir  son  fils, 

3ui  portait  comme  lui  le  nom  de  Gor- 
ien.  L'élection  des  nouveaux  empe- 
reurs fut  approuvée  à  Rome,  en  haine 
de  Maximin.  Mais  Capellien,  qui  com- 
mandait en  Numidie,  rassembla  des 
troupes  et  marcha  contre  Gordien.  Les 
habitants  de  Carthage  prirent  les  ar- 
mes pour  défendre  celui  qui  avait  été 
élu  et  proclamé  empereur  au  milieu 
d'eux.  Les  Carthaginois  furent  vain- 
cus. Le  jeune  Gordien  fut  tué  dans  la 
bataille ,  et  son  père ,  qui  ne  conser- 

(*)  Les  événements  les  plus  importants 
qui  signalent,  à  Carthage,  le  commencement 
et  le  milieu  du  deuxième  siècle  de  notre  ère, 
sont  la  construction  du  grand  aqueduc  par 
Adrien  et  l'incendie  du  Forum  sous  le  règne 
d'Antonin  le  Pieux. 

(**)  Septime  Sévère,  s'il  faut  en  croire 
Tzeizès,  tit  élever  un  tombeau  de  marbre 
blanc  au  plus  illustre  des  Carthaginois,  à 
Annibal ,  qui  était  Africain  comme  lui.  Si 
Tzetzès  dit  vrai,  ce  tombeau  de  marbre 
blanc  fut  vraisemblablement  placé  à  Car- 
thage, qui  était  la  patrie  d'Ajinibal. 


vait  {)lus  d'espoir ,  mit  fin  à  ses  jours 
en  s'étranglant  avec  sa  ceinture.  Peu 
de  temps  après,  on  vit  à  Rome  un 
jeune  enfant  de  la  famille  des  Gordien 
revêtu  de  la  pourpre  des  Césars  :  il 
était  âgé  de  douze  ans  à  peine.  Après 
un  règne  qui  fut  bien  court,  il  périt, 
comme  son  père  et  son  aïeul,  par  une 
mort  violente. 

Après  la  révolte  que  nous  venons 
de  raconter,  l'histoire  ne  nous  dit  pas 
que  Carthage  ait  été  le  théâtre  de 
quelque  grand  événement  politique. 
Nous  savons  seulement  que  l'empereur 
Probus,  dans  ses  courses  rapides,  vi- 
sita cette  ville  et  qu'il  y  comprima 
des  séditions  (*).  Un  auteur  chrétien , 
saint  Prosper,  nous  apprend  encore 
qu'en  l'année  424,  Carthage  fut  en- 
close de  murailles  :  jusqu  alors .  elle 
était  restée  ouverte  et  non  fortifiée. 
Quel  danger,  en  effet,  menaçait  la 
province  carthaginoise  et  sa  capitale  ? 
Pendant  longtemps  les  intérêts  de  Ro- 
me et  de  l'Afrique  avaient  été  si  bien 
liés,  qu'une  seule  légion  avait  suffi 
pour  garder  tout  le  pays  depuis  Tan- 
ger jusqu'à  Cyrène.  Dès  l'établisse- 
ment de  l'empire,  la  province  cartha- 
ginoise n'inspirait  aucune  crainte  aux 
Romains;  Auguste  l'avait  abandonnée 
à  l'administration  du  sénat,  et  l'on 
sait  que  le  prévoyant  empereur  avait 
eu  soin  de  se  réserver  les  provinces  des 
frontières  qui  étaient  sans  cesse  me- 
nacées et  oii  campaient  de  nombreuses 
légions  (**).  Pourquoi  donc ,  en  424 , 
Théodose  le  jeune  fit-il  entourer  Car- 
thage de  fortes  murailles.^  On  ne  le 
sait.  C'était  peut-être  par  un  vague 
pressentiment  des  maux  qui  allaient 
fondre  sur  l'Afrique.  Mais,  certes,  on 
était  loin  de  prévoir  que  les  ennemis 
qui  devaient  envahir  cette  province  du 
vieil  empire  romain  étaient  des  barba- 
res venus  des  bords  de  la  Baltique. 

Pebsistange  dÈ  la  rage  punique 

(*)  Sous  le  sixième  consulat  de  Dioclélien 
et  le  cinquième  de  Maximien ,  on  éleva  des 
thermes  à  Carthage.  On  les  appela  Thermes 
de  Maximien, 

(**)  Tillemonl,  Histoire  des  empereurs, 
t.  I,p.8  de  l'édition  in-12  ;  Bruxelles,  1707, 


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CARTHAGE. 


t&Z 


DANS  Cabthàge  rohàinb.  —  II  n'est 
point  inutile  de  constater  ici  la  per- 
sistance de  la  race  punique  au  sein 
même  de  Carthage  devenue  colonie 
romaine. 

La  victoire  de  Scipion  Émilien  n'a- 
vait pu  anéantir  d'un  seul  coup  tous 
les  descendants  des  Phéniciens.  D'a- 
bord ,  au  commencement  du  siège  que 
nous  avons  [précédemment  raconté, 
plusieurs  familles  avaient  dû  quitter 
Carthage  pour  se  réfugier  dans  les  vil- 
les voisines.  Ensuite,  on  peut  croire 
qu'après  le  siège,  au  moment  même 
de  la  destruction  de  la  cité  punique , 

{)lusieurs  de  ceux  oui  avaient  défendu 
eurs  foyers  jusqu'à  la  dernière  extré- 
mité échappèrent  à  la  mort  et  à  l'es- 
clavage. 

«  Un  fait  très-curieux  pour  l'histoire 
de  Carthage  romaine,  ait  M.  Bureau 
de  la  Malle ,  se  trouve  égaré  dans  le 
vaste  recueil  d'Athénée  où  personne 
ne  s'est  avisé  d'aller  le  chercher.  Cet 
auteur  rapporte  un  discours  du  péripa- 
téticien  Athénien,  devant  l'assemblée 
du  peuple  d'Athènes ,  dans  lequel  ce 

f)hiIosophe  affirme  que  non-seulement 
es  peu[)les  italiques,  mais  que  les  Car- 
thaginois même  ont  envoyé  des  ambas- 
sadeurs à  >]ithridate,  pour  conclure 
avec  lui  une  alliance  ofrensive  dans  le 
but  de  détruire  la  puissance  de  Ro- 
me. Ce  document  curieux  prouve  qu'à 
cette  époque  beaucoup  de  Carthaginois 
étaient  encore  mêlés  à  la  colonie  ro- 
maine, qui,  formée  d'Italiens,  parta- 
geait la  naine  des  vaincus  contre  le 
sénat  obstiné  à  lui  refuser  le  droit  de 
cité.  » 

Mais  il  est  une  chose  qui  prouve 
mieux  encore  la  persistance  de  la  race 
punique  au  milieu  de  la  colonie  ro- 
maine ,  c'est  la  transmission  non  in- 
terrompue des  idées  religieuses  venues 
de  l'Orient.  La  religion  des  Carthagi- 
nois se  releva  pour  ainsi  dire  avec  leur 
ville.  Parmi  les  anciens  temples  que  les 
Romains  consacrèrent  à  leuj^  dieux, 
il  y  en  eut  un  qui  acquit  bientôt  un 
grand  renom  :  ce  fut  le  temple  de  Juno 
CœlesUs,  La  déesse  Céleste,  comme 
on  l'appelait  alors ,  fut  honorée  par 
des  cérémonies  qui  n'avaient  rien  d'a- 


nalogue dans  les  rits  italiques ,  maïs 
^ui  se  rapprochaient  beaucoup  des  pra- 
tiques en  usage  dans  l'Orient.  L'em- 
pereur Héliogabale  com[)rit  aisément  la 
transformation  qui  s'était  opérée;  sous 
le  nom  romain  il  distingua  l'Astarté 
phénicienne ,  et  lorsque ,  par  un  ca- 
pricç  bizarre,  il  voulut  unir  par  ma- 
riage le  dieuBaal  et  la  Juno  CœlestiSy 
il  n  ignorait  pas  qu'il  rapprochait  ainsi 
deux  divinités  asiatiques  qui  apparte- 
naient à  une  seule  et  même  religion. 

Ce  n'était  point  seulement  par  le 
penre  des  hommages  qu'ils  rendaient 
a  Junon  Céleste  que  plusieurs  habi- 
tants de  Carthage  décelaient  leur  ori- 
gine phénicienne,  mais  encore  par  les 
sacrifices  humains  qu'ils  faisaient  à 
leurs  anciens  dieux.  Dans  la  colonie 
romaine,  le  sang  des  hommes  coula 
plus  d'une  fois  en  l'honneur  de  Baal 
et  de  Melcarth,  et  nous  avons  dit  pré- 
cédemment c|ue,  sous  les  empereurs , 
on  fut  oblige  de  faire  des  lois  sévères 
pour  arrêter  ces  terribles  et  sanglantes 
immolations. 

A  Carthage  et  dans  le  pays  qui  a  voi- 
sinait cette  ville,  la  langue  punique 
ne  cessa  point  d'être  en  usage,  même 
à  l'époque  de  la  domination  romaine. 
Nous  pourrions  peut-être  donner  ce 
fait  comme  une  preuve  de  la  persis- 
tance de  la  race  vaincue.  Apulée  nous 
apprend  que,  sous  le  règne  d'Anto- 
nin ,  on  parlait  également  a  Carthage 
le  punique  et  le  latin  ;  et  longtemps 
encore  après  le  siècle  où  vécurent  An - 
tonin  et  Apulée,  on  se  servait,  en 
Afrique,  de  la  vieille  langue  des  Phé- 
niciens,  si  l'on  en  juge  par  le  passage 
suivant  que  nous  empruntons  à  l'un 
de  nos  plus  savants  et  de  nos  plus  il- 
lustres historiens*  «  Le  premier  ou- 
vrage de  saint  Augustin  contre  les 
donatistes  fut  un  cantique  en  rimes 
acrostiches,  suivant  rordre  de  l'alpha- 
bet, pour  aider  la  mémoire.  Saint  Au- 
gustin le  fit  d'un  style  très-simple,  et 
n'y  observa  point  la'  mesure  des  La- 
tins ,  de  peur  d'être  obligé  d'y  mettre 
quelque  mot  hors  de  l'usage  vulgaire, 
car  il  composa  ce  cantique  pour  l'ins- 
truction au  bas  peuple  ;  ce  qui  fait 
voir  qu'encore  que  la  langue  ptmique 


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154 


L'UNIVERS. 


fût  encore  en  usage  dans  cette  partie 
de  V Afrique  y  il  y  avait  peu  de  gen^ 
qui  n'entendissent  le  latin  (*).  » 

Carthage  chrétibnne.  —  On  ne 
saurait  fixer  d'une  manière  précise  le 
temps  où  le  christianismepénétra  pouç 
la  première  fois  dans  l'Afrique  cartha- 
ginoise. Nous  savons  seulement  qu'à 
la  fin  du  deuxième  siècle  de  notre  ère 
on  comptait  déjà  dans  cette  province 
un  grand  nombre  de  chrétiens.  C'était 
l'époque  où  vivait  à  Carthagç  un  des 
plus  illustres  écrivains  de  l'Église,  Ter- 
tuilien.  Cet  homme  qui ,  suivant  Tex- 
pression  de  Fleury,  avait  un  qénie  dur, 
sévère  et  violent,  une  grande  chaleur 
d imagination ,  composait  dans  cette 
ville ,  pour  l'instruction  ou  la  défense 
de  ses  irères  en  religion,  les  éloquents 
traités  qui  l'ont  rendu  à  jamais  cé- 
lèbre. 

Les  édits  de  persécution  atteigni- 
rent bientôt  en  Afrique  les  sectateurs 
des  idées  nouvelles.  L'an  200  de  notre 
ère,  sous  le  règne  de  Septime  Sévère, 
on  amena  douze  chrétiens  à  Saturnin, 
proconsul  de  la  province  carthaginoi- 
se. Nous  citerons  ici  les  noms  glorieux 
de  ces  douze  premiers  confesseurs  de 
l'Église  d'Afrique.  Sept  hommes  :  Spe- 
ratus,  Narzal,  Cittin,  Veturius,  Fé- 
lix, Àcyllin,  Letantius;  cinq  femmes: 
Januaria,  Generosa,  Vestina,  Donata 
et  Secunda,  aimèrent  mieux ,  par  un 
sublime  dévouement,  perdre  la  vie  que 
renoncer  à  leurs  croyances.  Ce  fut 
vraisemblablement  à  l'occasion  de  ce 
martyre  que  Tertullien  écrivit  le  plus 
célèbre  de  ses  ouvrages,  V Apologéti- 
que. Mais  le  hardi  défenseur  des  chré- 
tiens ne  put  se  faire  entendre ,  et ,  au 
moment  où  circulait  dans  toutes  les 
mains  son  éloquent  plaidoyer ,  il  vit , 
à  Carthage,  le  supplice  de  Perpétuée  et 
de  Félicité  (**). 

Au  milieu  du  troisième  siècle,  Cy- 
prien  illustra  l'Église  de  Carthage.  Cé- 

(*)  Voyw  Fleiuy,  Histoire  ecdésia^ique^ 
liy.  XIX. 

(**)  Nulle  légende  <^étienne  n'ég^e.  en 
beauté  le  récit  des  longues  souffrances  4e 
Perpétue  et  4«  féUcitS.  Xoj^  \^  4^ 
martjrrum  sincera. 


tait  un  hoQime  nourri  dans  l«s  lettrM^ 
et  la  philosophie,  et  qui  lisait  assidû- 
ment les  ouvrages  de  Tertullien.  l\ 
consuma  sa  vie  à  ranimer  par  ses  écrits 
le  zèle  de  ceux  qui  partageaient  ses 
croyances,  et  à  combattre  les  ennemis 
de  la  religion  chrétienne.  Il  avait 
échappé  bien  des  fois  aux  ruses  des 
persécuteurs  et  à  la  fureur  du  peuple 
qui  ne  cessait  de  crier  :  Cyprien  aux 
lions  !  lorsqu'il  souffrit  le  martyre  sous 
l'empereur  Valérien. 

Après  les  sanglantes  persécutions  d6 
Dioctétien  et  de  Galérius ,  la  religion 
chrétienne  triompha  enfin  dans  toutes 
les  parties  de  l'empire.  Mais  la  hitte 
contre  le  polythéisme  était  à  peine 
terminée ,  que  l'Église  fut  agitée  par 
des  disseusions  intestines  et.  de  gran- 
des discordes.  A  Carthage,  l'élection 
contestée  de  l'évéque  Ceci  lien  devint 
la  cause  d'un  schisme.  Les  dissidents 
donatistes  se  multiplièrent  bientôt  dans 
toutes  les  parties  de  l'Afrique.  Ce  fut 
à  l'occasion  de  ce  schiânie  qu'on  vit  à 
alors  à  Carthage  de  nombreux  conci- 
les, et  qu'un  des  Pères  les  plus  illustres 
de  l'Église,  Augustin,  évêque  d'Hip- 
pone ,  soutint  dans  ses  écrits  de  lon- 
gues et  célèbres  controverses  (*).  La 
querelle  entre  les  orthodoxes  et  les 
donatistes  n'était  point  encore  apai- 
sée lorsque  les  Vandales  passèrent  en 
Afrique. 

État  flobissant  et  splendeub 
BE  Carthage  sous  la  domination 
romaine;  arrivée  des  Vandales 
EN  Afrique.  —Au  commencement  d* 
l'empire,  Strabon  disait  déjà  de  Car- 
thage :  «  Maintenant  il  n'existe  point 
de  ville  en  Libye  qui  soit  plus  peuplée;  » 
et  Pomponius  Mêla,  peu  de  temps 
après,  la  représentait  compie  une  cité 
riche  et  florissante.  Sous  le  règne  d'Aa- 
tonin,  Apulée,  en  faisant  une  pom- 
peuse description  de  Carthage ,  nous 
{)arle  de  sa  nombreuse  population ,  de  ' 
a  beauté  de  &^&  édifices,  du  luxe  qui 
# 

(*)  En  ce  qui  concerne  l'Églbe  de  Carthage 
et  le  schisme  des  donatistes,  nous  reni^oyous, 
poiir  de  plus  ampl^  détails,  à  la  partie  de 
cet  ouvjra|;ç  ^i4  est'  cqnsacrée  à  VJfriqMië 
chrétienne. 


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CARTHAGE. 


155 


éclatait  de  toutes  parts  dans  son  en- 
ceinte, et  de  la  richesse  de  ses  habi- 
tants. Hérodien  prétend  qu'à  l'époque 
de  Gordien  elle  ne  cédait  qu'à  Rome 
seule,  et  qu'elle  disputait  le  second 
rang  à  Alexandrie.  Solin,  qui  écrivit , 
comme  l'a  démontré  Saumaise,  avant 
la  translation  de  l'empire  à  Constanti-^ 
nople,  nous  dit  :  n  Carthag^  est  main- 
tenant après  Rome  la  seconde  ville  du 
monde.  »  Un  géographe  qui  vécut  sous 
Tempereur  Constance  vante  la  beauté 
de  ses  rues  et  de  ses  places ,  la  sûreté 
de  son  port,  et  la  magnûcence  du 
Forum  décoré  par  le  superoe  portique 
des  banquiers  (*).  A  l'époque  de  Valen- 
tinien  et  de  Gratien ,  Ausone  ne  met 
au-dessus  d'elle  que  Rome  et  Cons- 
tantinople. 

Les  nombreux  témoignages  que  nous 
venons  de  citer ,  peuvent  nous  don- 
ner une  haute  idée  de  la  splendeur 
de  Carthage  romaine.  Cette  ville ,  en 
effet,  voyait  circuler  dans  son  enceinte 
une  innombrable  population.  Elle  était 
ornée  de  superbes  édifices.  Elle  avait 
un  cirque,  un  théâtre,  un  amphithéâ- 
tre, un  gymnase,  un  prétoire,  ae  beaux 
temples  (**),  des  rues  et  des  places 
bien  alignées  et  un  immense  aqueduc. 
Elle  s'enrichissait  par  lé  commerce  et 
rindustrie.  Elle  possédait  des  sculp- 
teurs et  des  fondeurs  habiles ,  et  ses 
œuvres  d'art  étaient  recherchées.  Elle 
brillait  aussi  dans  les  sciences  et  dans 
les  lettres  ;  Apulée,  sous  le  règne  d'An- 
tonin,  se  faisait  gloire  d'être  sorti  des 
écoles  de  Carthage;  et  ce  fut  dans 

(*)  Voyez  M.  Dureau  de  la  Malle,  Re- 
cherches sur  la  topograpîiie  de  Carthage. 

(**)  A  partir  de  rétablissement  du  chris- 
tianisme dans  l'empire ,  on  vit  s'élever  à 
Carthage  plus  de  vingt  églises  ou  monastères. 


cette  ville  qu'écrivirent  et  parlèrent 
Tertullien  et  Cyprien,  et  que  saint 
Augustin  enseigna  la  rhétorique. 

Pour  compléter  ce  tableau,  il  nous 
sufGra  de  donneij  ici  une  description 
de  Carthage  faite  par  Salvien ,  au  mo- 
ment même  où  l'empire  était  envahi 
de  tous  côtés  par  les  nations  barbares. 
«Je  prendrai,  dit-il,  pour  exemple  Car- 
thage ,  la  première  et  presque  la  mère 
de  toutes  les  villes  d'Afrique,  toujours 
la  rivale  de  Rome ,  autrefois  par  ses 
armes  et  son  courage ,  depuis ,  par  sa 
grandeur  et  par  sa  magnincence  ;  Car- 
thage, la  plus  cruelle  ennemie  de 
Rome,  et  qui  est  pour  ainsi  dire  la 
Rome  de  l'Afrique.  Là  se  trouvent  des 
établissements  pour  toutes  les  fonc- 
tions publiques,  des  écoles  pour  les 
arts  libéraux^  des  académies  pour  les 
philosophes,  enfin  des  gymnases  de 
toute  espèce  pour  l'éducation  physique 
et  intellectuelle;  là  se  trouvent  aussi 
les  forces  militaires  et  les  chefs  qui  diri- 
gent ces  forces  ;  là  s'honore  de  résider 
le  proconsul  qui ,  tous  les  jours,  rend 
la  justice  et  dirige  l'administration , 
proconsul  quant  ah  nom  seulement , 
mais  consul  quant  à  la  puissance;  là 
résident  enfin  des  administrateurs  de 
toute  espèce,  dont  les  emplois  diffèrent 
autant  que  les  noms,  qui  surveillent, 
en  quelque  sorte,  toutes  les  places  et 
tous  les  carrefours ,  qui  tiennent  sous 
leurs  mains  presque  toutes  les  parties 
de  la  ville  et  tous  les  membres  de  la 
population.  » 

Quand  Salvien  écrivait  ces  mots , 
dans  un  ouvrage  célèbre,  l'instant  n'é- 
tait pas  éloigné  où ,  franchissant  le 
détroit  de  Gadès,  les  Vandales  allaient 
se  répandre  ei^  Afrique  et  faire  de 
Carthage  la  capitale  de  leur  empire. 


FIN. 


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TABLE  BES  MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  CARTHAGE. 


A. 

Adherbal  inquiète  par  ses  incursions  les 
Romains  qui  assiègent  Lilybée,  54  a  ;  rem- 
porte une  victoire  signalée  sur  la  flotte  du 
consul  Ciaudius,  et  introduit  des  vivres  dans 
Lilybée,  56  a,  57  b;  confie  cent  galères  à 
Carllialon  ei  lui  ordonne  d'attaquer  la  flotte 
romaine,  58  a. 

Adrumèle  prise  par  Agatbocle,  24  a,  b. 
Africains ,  obtiennent  par  les  armes  le 
paiement  du  tribu  imposé  à  Carthage  pour 
prix  de  son  territoire,  5  b  ;  sont  forcés  plus 
tard  de  renoncer  au  payement  de  ce  tribut, 
6  b  ;  un  grand  nombre  d'entre  eux  servent 
comme  mercenaires  sous  Annibal ,  fils  de 
Giscon-,  7  b;  abandonnés  par  Imilcon  de- 
vant Syracuse,  ils  se  révoltent,  forment  en 
Afrique  une  armée  nombreuse,  menacent 
Caribage  et  se  retirent  sans  aucun  autre 
avantage,  i3  a,  b;  se  révoltent  de  nouveau 
sans  succès,  14  b;  cinq  mille  Africains  ser- 
vent la  cruauié  d'Againocle,  18  b;  les  Afri- 
cains tributaires  de  Cartbage  passent  dans 
son  parti,  23  b;  cinq  mille  Africains  vou- 
lant quitter  Agalhocle,  répandent,  par  leur 
apparition ,  la  terreur  |)armi  les  Carlliagi- 
nois,  et  par  leur  rentrée  dans  le  camp  d'A- 
gatbocle  y  causent  une  égale  frayeur,  29  b, 
3o  a;  se  joignent  aux  mercenaires  dans 
leur  révolte  conire  Caribage,  65  a. 

Afrique.  Quels  peuples,  d'après  les  livres 
des  Hébreux ,  en  ont  occupé  la  région  sep- 
tentrionale, 2  a. 

Agatbocle,  sa  naissance;  simple  soldat 
dans  les  troupes  syracusaines,  se  distingue 
par  sa  valeur;  se  fait  chef  de  pirates,  est 
deux  fois  exilé  de  Syracuse  :  il  en  fait  le- 
siége;  par  Tappui  d'Amilcar  il  ^  est  nomnié 
préteur;  sous  quel  prétexte  il  déclare  la 
gueiTe  aux  Carthaginois;  vaincu  deux  fois, 
il  rentre  dans  Syracuse,  18  a,  19  a;  assiégé, 
il  échappe  aux  Carthaginois  et  débarque  en 
Afrique,  brûle  sa  flotte,  défait  Hannon  et 
Bomilcar,  reçoit  des  vivres  et  de  l'argent 
des  Africains  et  de  plusieurs  cités  puissan- 
tes, 19  a,  23  b  ;  assiège  et  prend  Adrumète; 
bat  les  Carthaginois  devant  Tunis  ;  reçoit 
des  Syracusains  la  tète  d'Amilcar;  apaÎM 


une  sédition  dans  son  armée;  augmente  ses 
forces  d'une  partie  de  Tarmèe  d'Ophellas 
qu'il  fait  mourir  par  trahison;  s'empare 
d'Utique  et  d'Hijipozaritus  ;  soumet  à  sou 
pouvoir  plusieurs  villes  maritimes  et  peu- 
ples de  l'Afrique;  laisse  le  commandement 
a  Archagathe,  l'un  de  ses  fils,  et  retourne 
en  Sicile,  24  a,  29  a;  repasse  en  Afrique,  y 
essuie  plusieurs  revers;  s'embarque  seul 
pour  la  Sicile,  laissant  ses  deux  fils,  qui  sont 
égorgés  par  leurs  soldats;  l'année  suivante 
fait  un  traité  avec  les  Carthaginois  ;  sa  mort 
vingt-cinq  ans  après  ce  traité  ;  pendant  ce 
temps  aucun  événement  remarquable,  29  a, 
3o  b;  avait  donné  sa  fille  en  mariage  à 
Pyrrhus,  3i  a. 

Agrigente,  assiégée  par  Annibal,  fils  de 
Giscon,  et  Imilcon,  fils  d'Hannon,  est  aban- 
donnée par  ses  habitants;  les  Syracusains 
leur  assignent  une  ville  pour  asile,  8  b,  9  a; 
elle  est  rasée  par  Imilcon,  9  b;  prise  par 
les  Romains,  36  b  ;  assiégée  et  minée  en- 
tièrement par  les  Carthaginois,  48  a. 

Alalia,  fondée  dans  la  Corse  par  les  Pho- 
céens, i32  b. 

Aléria,  en  Corse,  prise  parles  Romains, 
40  a. 

Amilcar  Barca,  Carthaginois,  général  des 
armées  de  terre  et  de  mer  en  Sicile,  se  re- 
tranche sur  la  montagne  d'Ercté,  s'y  main- 
tient trois  ans,  59  b,  61  a  ;  fait  entrer  des 
vivres  et  des  secours  dans  Lilybée,  61  a; 
s'empare  de  la  ville  d'Eryx  et  s'y  maintient 
deux  ans,,  61  a,  b;  après  la  conclusion  du 
traité  de  paix,  se  démet  du  commandement, 
65  a  ;  était  suspect  aux  mercenaires  révol- 
tés, 67  a;  est  chargé  de  mettre  fin  à  la 
guerre  de  Libyen  et  remporte  plusieurs  vic- 
toires, 70  b,  72  b;  il  réunit  à  son  armée  lès 
troupes  d'Hannon;  la  division  éclate  entre 
les  deux  généraux ,  Amilcar  reste  seul  à  la 
tête  de  l'armée,  74  a,  b;  il  marche  contre 
les  rebelles  qui  assiégeaient  Caribage  ;  il  se 
joint  de  nouveau  à  Hannon ,  et  remporte 
avec  lui  une  victoire  qui  met  fin  à  cette 
guerre,  74  b,  77  b;  il  passe  en  Espagne, 
délivre  Cadix  de  ses  ennemis  et  s*empare 
d'une  partie  de  la  province;  il  j  commande 


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u$ 


TABLE  DBS  SUTURES 


tes  années  avec  succès  pendant  neuf  ans,  et 
meurt  sur  le  champ  de  bataille  7^  a,i), 

Amilcar  remplace  en  Sidle  le  Vieil  Han- 
non,  37  a;  fond  sur  les  auxiliaires  des  Ro- 
mains., et  bat  aussi  l'autre  partie  de  leur 
armée,  3*9  b. 

Amilcar,  général  carthaginois,  est  de- 
mandé par  des  ambassadeurs  romains  après 
la  fm  de  la  deuxième  guerre  puntffne, 
comme  continuant  la  guerre  dans  la  Gaule; 
il  perd  la  vie  dans  une  bataille,  97  a«  b. 

Amilcar,  fils  de  Magon ,  aborde  à  Paleime 
avec  nn  armement  considérable,  fait  le  siège 
dTîvmère,  périt  dans  cette  expédition  ;  deux 
traditions  sur  sa  mort,  6  a,  b. 

Amilcar  II,  fils  de  Giscon,  aborde  à  Lî- 
lybée,  est  entièrement  défait  par  Timoléon, 
16  a,  17  a;  remporte  une  victoire  sur  Aga- 
tocle,  19  a;  assiège  Syracuse,  19  b  ;  repoussé 
avec  perte,  il  lève  le  siège,  24  a;  l'attaque  de 
nouveau ,  et  tombe  au  pouvoir  des  Syracu- 
sains  qui  le  font  mourir,  aS  a  ,  b. 

Annibaî,  joint  à  Amilcar,  fait  le  siège 
de  Tunis  dans  la  guerre  de  Libye  ;  Mathos, 
dans  une  sortie,  le  fait  prisonnier  et  le  cloue 
encore  vivant  sur  la  croix  de  Spendius, 
76  b,  77  a. 

Anuibal ,  fils  d'Asdrubal. 

Annibal  suffète ,  fils  de  Giscon ,  engage 
les  Carthaginois  à  secourir  Ségeste  contre 
Syracuse  ;  il  prend  d'assaut  Sélinonte  et 
Hymère ,  7  b ,  8  a  ;  dans  une  seconde  exi)é- 
diiion,  il  fait  le  siège  d'Agrigente  et  meurt 
de  la  peste  devant  cette  place,  8  b. 

Annibal  II ,  joint  à  Amilcar  II ,  aborde  à 
Lilybèe ,  est  entièrement  défait  par  Timo- 
léon, 16  a,  17  a. 

Annibal ,  fils  de  Giscon ,  enferme  dans 
Agrigente  par  les  Romains ,  demande  vive- 
ment des  secours  à  Carthage ,  35  b  ;  après 
la  défaite  d'Hannon  s'échappe  de  la  ville 
avec  toutes  ses  troupes,  36  b;  par  une  ruse 
ourdie  avec  les  habitants  de  Lipari ,  il  fait 
tomber  Cornélius,  avec  une  partie  de  la 
flotte  romaine ,  au  pouvoir  de  Boodàs,  son 
lieutenant;  vaincu  parDuilius,  il  envoie  à 
Carthage  un  ami  qui,  par  une  demande 
^adroite  dans  le  sénat,  prévient  la  punition 
probable  de  sa  défaite ,  37  b  ,  39  a;  est 
mis  à  la  tète  d'une  expédition  contre  la 
Sardaigne  ;  bloqué  dans  un  des  ports  par  la 
dotte  romaine ,  il  est  mis  en  croix  par  ses 
propres  soldats ,  39  b ,  40  a. 

Annibal,  fils  d'Amilcar  Barca.  Son  père 
le  demande  auprès  de  lui  en  Espagne,  âgé 
de  vingt-trois  ans  ;  son  caractère ,  79  a ,  b  ; 
Jl  succède  à  AsdrUbal  dans  le  commande- 


ment de  Varmee,  soumet  plusieurs  peuple* 
en  Espagne,  81  e,  ruine  Sagonte  ,  allume 
ainsi  lu  guerre  entne  CarAiage  et  Rome 
^voyez  deuxième  guerre  punique);  la  guerre 
elant  terminée ,  il  fait  d'importantes  réfor- 
qies  dans  radmimstration  de  la  justice  et 
des  revenus  de  Carthage,  97  b,  98  a  ;  pour- 
suivi par  les  Romains ,  il  se  rend  auprès 
ë'Antiochus,  roi  de  Syrie;  Antiochus  se 
décide  à  faire  la  guerre  aux  Romains,  il  est 
vaincu  ;  Annibal  se  rend  auprès  de  Prusias, 
roi  de  Bithynie  ;  celui-ci  ayant  résolu  de 
le  livrer  aux  llomains  ,  Annibal  met'fiu  à 
ses  jours  par  le  poison ,  98  a ,  loi  b. 

Annibal  (le  Rhodien),  parti  de  Carthage , 
entre  dans  le  port  de  Lilybèe  et  en  sort  en 
présence  de  la  flotte  romaine  ;  il  réussit 
ainsi  plusieurs  fois  à  faire  cotmaftre  aux 
Carthaginois  les  besoins  de  cette  rrtace  ;  il 
est  pris  avec  son  vaisseau ,  54  a ,  55  a. 

Apollon ,  son  temple ,  à  quel  culte,  il  fut 
depuis  consacré;  à  quelle  époque  subsistait 
encore  sa  statue  colossale,  146  a. 

Appien ,  cité  sur  les  fondateurs  présumés 
de  Carthage,  i  b;  sur  la  partie  de  Car- 
thage que  Scipion  fit  écrouler  par  la  sape , 
ia6  a. 

Appius  Claudlus ,  surnommé  Caudex  ;  se 
rend  à  Rhége,  perd  quelques  vaisseaux  dans 
sa  première  tentative  de  faire  lever  le  siège 
de  Messine ,  réussit  ensuite  à  y  aborder  ; 
défait  d'abord  Hiéron ,  puis  les  Carthagi- 
nois; met  le  siège  devant  Syracuse,  repasse 
en  Italie,  33  a,  34  b. 

Apulée  ,  fait  une  pompeuse  description 
de  Carthage,  i54  a. 

Archagathe,  un  des  fils  d'Agathode , 
reçoit  le  commandement  des  forces  syracu- 
saines  en  Afrique,  de  son  père  qui  retourne 
en  isicile  ;  il  essuie  plusieurs  revers  ;  Aga- 
thocle  revient  en  Afrique  ;  mais  bientôt 
après,  s'étant  embarqué  de  nouveau ,  seul , 
pour  la  Sicile ,  ses  soldats  dans  leur  déses- 
poir tuent  Archagathe  et  son  frère,  a8  a , 
3o  a. 

Ardéates ,  nommés  dans  le  premier  traité 
entre  les  Romains  et  les  Carthaginois, 
5  a. 

Ariston ,  Tyrien ,  est  envoyé  à  Calihage 
par  Annibal  réfugié  chez  Antiochus,  dans 
quelles  vues ,  99  a ,  b. 

Aristote  donne  une  époque  remarquable 
à  la  victoire  de  Gélon  sur  les  Carthaginois 
en  Sicile,  6  b. 

Asdrubal ,  fils  de  Magon ,  onze  fois  suf- 
fète; après  avoir  eu  quatre  fois  les  hon- 
neurs du  triomphe ,  il  meurt  en  Sardaigne 


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œNTEartJES  DAN»  CARTHAGE. 


169 


ém  fiiiM%  de  sei  blesnires,  5  b;  noms  de 
tes  Irois  fils,  6  b. 

Asdnibal  débarqué  en  Sicile,  alUqae 
MétcHns  près  des  mors  de  Païenne;  est 
▼aÎBcn  et  se  réfo^  à  iJl3rbée;  il  retoome 
i  Carthage ,  y  est  mis  à  moi^t ,  49  b,  5o  b. 

Asdrobal,  gendre  d'Amikar  Barca,  est 
élu  pourkii  succéder  en  Espagne;  il  accroil, 
en  te  conciliant  Taffection  àei  peuples ,  la 
puissance  de  Carthage  ;  il  fonde  Cartfaa- 
gène  et  gouverne  cette  province  pendant 
huit  ans  ;  il  est  assassiné  dans  sa  prc^re 
maison  par  un  Ganlois,  78  b,  79  a. 

Asdrubal  Haedus,  un  des  députés  cartha- 
gineis  f  "dans  la  deuxième  guerre  punique , 
prend  la  parole  dans  le  sénat  et  implore  la 
pitié  des  Romains ,  96  a. 

Asdrdbal ,  générai  carthaginois ,  est  en- 
voyé en  Sardaigne  pendant  la  deuxième 
gnerre  punique ,  son  armée  y  est  détruite , 
iljest  conduit  à  Rome  prisonnier,  88  b. 

Athétiée  nomme  le  Grec  Palémon  comme 
ayant  écrit  un  traité  sur  la  fabrication  des 
értof  fes  tissues  par  les  Carthaginois,  1 36  b  ; 
rapporte  un  discours  prononcé  à  Athènes 
par  Athénion ,  qui  y  affirme  que  les  Car- 
thaginois ont  sollicité  Talliance  de  Mithri- 
date  contre  les  Romains,  i53  a. 

Atilius  Calalinus,  consul,  s'empare  dlTip- 
pane  ;  est  délivré  d'un  danger  imminent  par 
le  tribun  Calpurnius  Flamma  ;  prend  Ca- 
marine  ;  reçoit  d'Amilcar  un  échec  près  de 
lipari,  40  b,  41  b. 

Aulns  Atilius  Calatinus,  consul  dans  la 
première  gnerre  punique,  avee  Cn.  Corn. 
Scinio,  s'empare  de  Palerme,  48  a ,  b. 

Autarite,  chef  des  Ganlois  dans  la  guerre 
de  Libye,  71a. 

B. 

Baal-Moloch.  Voyez  Saturne. 

Baccara,  fleuve  profond  dans  Tisthme 
qui  sépare  Carthage  de  Fintérienr  du  pays, 
70  b. 

Baléar^  (î\ts)^  ce  qu'elles  fournissaient 
aux  Carthaginois,  i36  a. 

Battus,  fondateur  de  Cyrène,  2  b. 

Bomilcar,  envoyé  avec  Hannon  contre 
Âgatbocle,  se  retire  sur  une  hauteur  voi- 
sine après  la  déroute  et  la  mort  dllannon, 
par  quds  motifs,  22  a,  23  a;  il  tente  de 
l'emparer  à  force  ouverte  de  la  souveraine 
puissance;  il  périt  dans  les  tortures,  27 
a,  b. 

Boodès,  lieutenant  d'Annibal,  prend,  par 
Itti  sttatagènie,  dans  le  port  de  Lipari,  une 
(nitie  de  la  flotte  romaine,  et  Cornélius 


ont  la  commandait;  il  le  conduit  à  Car- 
àage,  37  b. 

Bostar^  commandant  des  mercenaires  a 
la  solde  de  Carthage  en  Sardaigne,  est  tué 
.par  eux  dans  leur  révolte,  73  a. 

Byrsa,  citadelle  de  Carthage,  i  b.  Sa  po< 
^ition,  143  a,  b. 

Byzacène  (la),  une  des  provinces  cartha- 
ginoises  en  Afrique,  d'une  extrême  fécon- 
dité, i35  a. 

€. 

Cabala,  ville  près  de  laquelle  Denys  le 
Tyran  remporte  sur  les  Carthaginois  une 
victoire  éclatante,  14  a. 

Caius  Atilius  Régulas,  un  des  consuls 
'SOUS  lesquels  les  Romains  remportent  une 
victoire  navale  près  du  mont  Ecnome, 
aborde  en  Afrique,  y  remporte  de  grands 
avantages;  fait  prisonnier,  il  est  envoyé  à 
Rome  pour  des  négociations;  à  son  retour 
à  Carthage,  il  y  est  mis  à  mort,  42  a,  5i  b. 

C.  Fundanius  Fundulus. 

C.  Gracchus,  conduit  une  colonie  romaine 
sur  remplacement  de  Tancienne.  Carthage; 
signes  funeMes  qui  y  apparurent,  149  b, 
i5o  a. 

C.  Sempronius  Blœsus  et  C.  Servilius 
Cœpio,  consuls,  passent  en  Afrique  avec 
une  flotte  ;  à  leur  retour  en  Italie  ils  per- 
dent dans  une  violente  tempête  un  gi*and 
nombre  de  vaisseaux  et  d'autres  bâtiments, 
48  b,  49  a- 

Camarine,  en  Sicile;  ses  habitants,  après 
l'entrée  d'Imilcon  dans  Gela,  reçoivent  de 
Denys  le  Tyran  un  asile  sur  le  territoire  de 
Syracuse,  9  b;  un  traité,  qui  les  rend  tri- 
butaires de  Carthage,  leur  permet  de  ren- 
trer dans  leur  ville,  iùid,;  elle  ouvre  ses 
portes  à  Amilcar,  40  1>;  est  prise  par  les 
Romains,  41  a. 

Camicum ,  en  Sicile,  prise  par  les  Ro- 
mains, 4x  a. 

Carthage  :  soli  origine,  date  de  sa  fonda- 
lion,  discussion  sur  ses  fondateurs,  i,  2; 
ses  accroissements  jusqu'à  l'an  543  avant 
J.-C.  ;  ses  guerres  contre  Cyrène,  cou  ire 
les  Phocéens,  2b,  3b;  détails  sur  ses  porls, 
ses  places  et  ses  fortifications  lors  de  la 
troisième  guerre  punique,  iio  a,  b;  su 
constitution  au  temps  de  sa  splendeur,  les 
deux  suffètes,  les  généraux,  128  a,  i3i  a; 
sa  rigueur  envers  les  peuples  tributaires, 
étendue  de  sa  puissance  en  Afrique,  ses 
colonies,  i3c  a,  i32  b;  ses  revenus,  i34  b; 
état  florissant  de  son  agriculture,  i34  b, 
i35  b;  industrie,  commerce  par  mer  «tpar 


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160 


TABLE  DES  MATIÈRES 


terre,  i35  b,  i36  b;  monnaies,  i36  b,  i37 
a  ;  forces  militaires,  armées  navales,  armées 
de  terre,  i37  a,  i38b;  religion,  divinités, 
sacrifices,  i38  b,  140  a,  i53  a,  b  (voyez 
Tictimes  humaines);  littérature,  140  a,  b; 
position  de  Cartbage,  situation  des  ports, 
141  a,  142  b;  forum,  curie,  rues  princi- 
pales, 142  b,  143  a;  Mégara  ou  la  nouvelle 
ville-,  143  b;  nécropoles,  ibid.;  circonfé- 
rence, oopulation  présumée,  i44  a»  b;  tri- 
ple défense,  quais,  144  b,  i4-^  a;  portes, 
places  publiques,  temples,  i45  b,  146  b; 
citernes  publiques,  gymnase,  théâtre,  am- 
phithéâtre, cirque,  146  b,  148  a;  cirque, 
thermes,  aipieduc  d'Adrien,  prisons,  palais 
proconsulaire,  148  a,  149  a.  —  Carthags 
sous  r.A  DOMiNATioir  ROM  AXHK.  Une  colonie 
romaine  y  est  établie  malgré  les  impréca- 
tions antérieures  et  quelques  signes  lunes* 
tes,  149  a,  i5o  a;  César  y  envoie  des  co- 
lons, mais  elle  ne  prospère  que  sous  le 
consulat  de  Dolabella  et  de  Marc-Anioine, 
i5o  b;  Auguste  y  envoie  de  nouveaux  co- 
lons, i5i  a;  est  déjà  florissante  sous  Tibère; 
quelques  troubles  s'y  élèvent  du  temps  de 
Vespasien  et  de  Commode  ;  elle  se  révolte 
contre  Maximin;  le  proconsul  Gordien 
prend  â  Carthage  les  marques  de  la  dignité 
impériale;  mort  de  son  fils  et  de  son  petit- 
fils,  i5i  a,  i52  b;  la  ville  est  entourée  de 
murailles,  i52  b;  faits  divers  attestant  la 
persistance  de  la  race  punicjue  dans  cette 
colonie,  i52  b,  i54  a;  la  religion  chrétienne 
y  compte  des  défenseurs  et  des  martyrs, 
i54  a,  b;  quels  auteurs  ont  décrit  Car- 
thage comme  riche  et  florissante,  jusqu'au 
temps  où  les  Vandales  en  ont  fait  la  capi- 
tale de  leur  empire,  i54  b,  i35  b. 

Carihagène,  fondée  par  Asdrubal,  gendre 
d'Amilcar,  78  b,  79  a. 

Carthaginois  :  leur  entreprise  sur  la  Si- 
cile, 3  b;  leur  premier,  deuxième,  troisième 
traité  avec  les  Romains,  4  b,  i5  a,  3o  b; 
font  alliance  avec  Xercès,  5  b;  sont  repous- 
sés en  Sicile  par  Géion,  6  a  ;  forcés  d'abord 
de  payer  un  tribut  aux  Africains  pour  prix 
du  ten'itoire  de  Carthage,  5  b,  ils  s'en  af- 
franchissent, 6  b;  leurs  expéditions  souvent 
renouvelées  contre  la  Sicile,  3  b,  3a  a;  Pyr- 
rhus s'empare  de  toutes  leurs  possessions 
en  Sicile,  à  Texception  de  Lilybee;  ils  en- 
voient en  Sicile  une  nouvelle  armée  et  les 
recouvrent,  3i  b  ;  perdent  leur  allié  Massi- 
nissa,  qui  devient  Tallié  des  Romains;  dis- 
sensions non  apaisées  par  les  Romains; 
guerre  funeste  aux  Carthaginois  (voyez  Mas- 
finissa)  ;  sacrifices  continueb  des  Carthagi- 


nois pour  obtenir  la  paix  des  Komaini, 
106  b,  107  a;  les  consuls  se  font  cemettre 
toutes  les  armes;  les  Carthaginois  se  prépa- 
rent à  soutenir  un  siège,  se  fabriquent  des 
armes,  ronportent  de  fréquents  avantages; 
les  Romains  s'emparent  d'une  partie  de  la 
ville  ;  les  habitants  sont  en  proie  à  la  famine; 
après  diverses  attaques  et  un  affreux  boule- 
versement, Carthage  est  anéantie,  et  tout  le 
territoire  qui  lui  a  appartenu  est  réduit  en 
province  romaine,  108  a,  128  a. 

Carthalon,  fils  du  général  carthaginois 
Malchus,  est  mis  en  croix  par  son  père^ 
4  a,  b. 

Carthalon  amène  de  Carthage  un  renfort 
pour  Lilybée  ;  il  surprend  la  flotte  romaine; 
garantit  sa  flotte  d'une  tempête  qui  détruit 
les  deux  flottes  des  Romains,  57  b,  59  b. 

Casilin.  Annibal,  en  présence  de  àeiw 
armées  romaines,  force  cette  ville  à  capitu- 
ler, 86  a. 

Catane,  prise  par  les  Romains,  34  b. 

Catapultes.  Voyez  la  note  page  10. 

Centcnius  Péuula,  général  romain,  s'en- 
gage témérairement  dans  la  Lucanie  ;  Anni- 
bal lui  fait  essuyer  une  perte  de  quinze 
mille  hommes,  88  a. 

Centumvirat  :  but  de  son  institution,  7  a. 

Cephalœdium,  port  de  Sicile,  est  livré 
aux  Romains,  48  a. 

César  envoie  des  colons  à  Corinthe  et  à 
Carthage,  i5o  b,  i5i  a. 

Clypéa,  ville  d'Afrique,  la  première  qui 
y  fut  prise  par  les  Romains,  43  b  ;  ils  l'éva- 
cuent  et  en  ramènent  la  garnison  en  Sicile, 

47  b. 

Cneius  Cornélius  Scipion  Asina,  consul 
dans  la  première  guerre  punique  avec  Aul. 
Attil.    Calatinus,    s'empare    de    Palerme, 

48  a,  b. 

Cneus  Scipio ,  frère  de  Publius  Corné- 
lius. 

Colonne  rostrale.  Voyez  Duilius. 

Corbeau,  machine  destinée  à  faciliter 
l'abordage  dans  les  combats  sur  mer,  38  a. 

Corinthiens,  fondateurs  de  Syracuse;  ils 
y  envoient  Timoléon  pour  repousser  l'atta- 
oue  des  Carthaginois  et  rétablir  le  calme 
dans  la  ville,  i5  b. 

Cornélius,  commandant  de  la  flotte  ro- 
maine dans  la  première  guerre  punique, 
est  pris  avec  une  partie  de  sa  flotte  dans  le 
port  de  Lipari  par  Boodès,  et  conduit  à 
Carthage,  37  b. 

Cornélius  Scipio,  consul,  commande  la 
flotte  dans  l'expédition  contre  la  Sardaigne 
et  la  Corse,  est  vainqueui*  d'Annibal  et 


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CONTENUES  DANS  CARTHAGE. 


161 


d'Hannon,  et  soumet  toutes  les  villes  de 
Sardaigne,  39  a,  40  a. 

Corse.  Voyez  Cyrne. 

Coudée,  son  évaluation,  i45  a. 

Cyrne,  aujourd'hui  k  Corse,  conquise 
par  les  Carthaginois,  3  b;  iU  s'unissent  aux 
Étrusques  pour  en  expulser  les  Phocéens  ; 
les  Romains  s'en  rendent  maîtres  vers  la  fin 
de  la  guerre  de  Libye,  i32  b,  i33  a. 


Denys  l'Ancien  ou  le  Tyran ,  marche  au 
secours  de  Gela  assiégée  par  Imilcon.  Il  y 
essuie  un  échec  considérable  ;  mais,  favorisé 
par  la  peste,  il  obtient  des  Carthaginois  un 
traité  de  paix  qui  confirme  sa  domination 
dans  Syracuse,  9  b,  xo  a;  fait  de  grands 
préparatifs  de  guerre  ;  livre  à  la  fureur  du 
peuple  de  Syracuse  les  biens  et  les  personnes 
des  Carthaginois  ;  assiège  Motya  et  s'en  em- 
pare, 10  b,  II  a.  La  peste  ravageant  l'ar- 
mée des  Carthaginois  qui  assiégeait  Syra- 
cuse,  Denys  les  accable  de  toutes  parts, 
mais  facilite  à  Imilcon  sa  retraite  avec  les 
Carthaginois  seulement,  la  a,  b;  perd  les 
possessions  carthaginoises,  dont  il  s'était 
emparé,  et  conclut  un  nouveau  traité  de 
paix  avec  Magon ,  i3  b  ;  excite  par  de  nou- 
velles hostilités  les  Carthaginois,  qu'il  défait 
auprès  de  Cabala  ^  14 1  a  ;  fait  la  paix  après 
avoir  été  vaincu  par  Magon  II  ;  recommence 
la  guerre,  et  meurt  peu  de  temps  après  avoir 
fait  un  nouvean  traité  de  paix,  14  a,  i5  a. 

Deuys  le  Jeune ,  succède  à  Denys  le  Ty- 
ran ,  son  père  ;  chassé  de  Syracuse ,  puis 
de  Locres,  rentre  par  trahison  dans  Syra- 
cuse ,  où  il  ne  possède  plus  que  la  citadelle; 
il  !a  remet  à  Timoléon  ;  se  réfugie  à  Co- 
rinthe,  i5  a,  16  a. 

Didon  ou  Elysa ,  fondatrice  de  Carthage 
suivant  la  tradition  poétique,  i,  a  a  ;  selon 
Tirgile  a  fait  construire  le  théâtre  de  Car- 
thage ,  147  b. 

Diodore»  cité  sur  la  population  d'Àgri- 
gente  ,9a;  sur  la  peste  qui  désola  l'armée 
d'Imilcon  devant  Syracuse ,  la  a;  nomm.e 
Leuco-Tunès  une  ville  située  non  loin  de 
Carthage,  aa  a;  sur  la  grandeur  du  fossé 
qui  défendait  Lilybée,  5a  a;  cité  sur  Ophel- 
las  et  sur  Bomilcar,  27  b;  sur  l'époque  à 
laquelle  Carthage  commença  à  avoir  des 
relations  avec  les  îles  Baléares,  i33  b;  sur 
l'état  de  l'agriculture  chez  les  Carthaginois, 
i35  a;  sur  la  statue  de  Saturne,  146  a. 

Diogèue ,  général  carthaginois ,  est  vain- 
cu par  Scipion  qui  l'attaque  dans  son  camp 
de  Néphéris,  ia4  a,  b. 

tV  Livraison.  (Cakthagb.). 


Dion  Gassius ,  sur  les  colons  envoyés  par 
César  à  Corinthe  et  à  Carthage,  x5o  b. 

Duilius ,  commande  l'armée  romaine  en 
Sicile,  dans  la  première  guerre  punique; 
se  met  à  la  léte  de  la  flotte;  invente  la  ma- 
chine appelée  corbeau;  défait  la  flotte  car- 
thaginoise, puis  reprenant  le  commande- 
ment de  ses  légions ,  fait  lever  le  siège  de 
Ségeste  et  s'empare  de  Macella;  obtient  le 
premier  le  triomphe  naval ,  37  b,  39  a  ; 
colonne  rostrale  érigée  en  sOn  honneur, 
39,  a. 

E. 

Èbre ,  devait  être  pour  les  Romains  et 
les  Carthaginois  la  limite  des  deux  em- 
pires, 78  b. 

Éclipse  de  soleil ,  favorise  le  débarque- 
ment a'Agathocle  en  Afrique,  ao  a. 

Ecnome  ;  les  Carthaginois  sont  vaincus 
par  les  Romains  près  de  ce  mont ,  et  per- 
dent la  plus  grande  partie  de  leur  flotte, 
41  b,  43  a. 

Égates  (les  îles).  Près  de  ces  îles ,  le  con- 
sul Lutatius  remporte  sur  la  flotte  cartha- 
ginoise une  victoire  qui  met  fin  à  la  pre- 
mière guerre  punique,  63  a,  b. 

Égithalle ,  «»n  Sicile ,  prise  d'abord  par  le 
consul  Junius,  est  reprise  par  le  général 
carthaginois  Carthalon,  5g  b. 

Église  d'Afrique,  quels  hommes  et 
quelles  femmes  l'ont  illustrée,  i54  a,  b. 

Éléphants;  soixante  sont  amenés  en 
Sicile  par  Hannon,  presque  tous  pris  par 
les  Romains,  35  a,  36  b;  employés  par 
les  Carthaginois  devant  Adis,  44  b;  par 
Xanihippe,  46  b;  par  A<idrubal,  49  b, 
5o  a,  b;  par  Hannon  dans  la  guerre  de 
Libye ,  69  a  ;  par  Amilcar  dans  la  même 
guerre,  71  a,  b,  73  b;  par  Aunibal  à 
Zama,  94  a. 

Elyma,  cbef  africain,  fait  alliance  avec 
Agathocle,  34  a,  b. 

Éphore.  Son  évaluation  de  l'armée  dé- 
barquée en  Sicile  par  Annibal,  fils  de 
Giscon  ,7b;  it.  pour  le  siège  d'Agrigente 
par  Annibal  et  Imilcon,  fils  d'Hannon, 
8  b. 

Erésus,  ville  fondée  dans  une  des  îles 
Baléares  par  les  Carthaginois;  utilité  de 
ces  îles  pour  Carthage,  i33  b. 

Eryx,  ville  située  sur  la  montagne  de  ce 
nom,  d'origine  phénicienne,  i33  a;  prise 
par  Amilcar,  40  b;  le  consul  Junius  s'y 
ménage  des  intelligences  et  s'en  rend  ainsi 
maître,  59  b;  Amilcar  Barca  l'emporte 
d'assaut  ;  celte  montagne  est,  pendant  deux 
ans,  le  théâtre  de  la  guerre  ;  qnelques  corps 

11 


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162 

de  rannée  d*Amncar  tentent  de  la  livrer 
aux  Romains,  6i  a,  62'  a;  tombe  au  pou- 
voir des  Romains  après  la  victoire  rem^ 
portée  par  Lutatius,  64  b. 

Eschrion,  un  des  lieutenants  d*Archa- 
gatbe,  est  chargé  par  lui  de  défendre  les 
provinces  de  Tintérieur  de  l'Afrique;  il 
périt  dans  une  embuscade  dressée  par  Han- 
non,  28  a,b. 

Espagne.  Les  Phéniciens  y  fondèrent  les 
premiers  des  établissements,  entre  autres 
Gadès;  Carthage  ne  pénètre  clans  ^intérieur 
qu*après  qu'elle  a  perdu  la  Sicile ,  la  Corse 
et  la  Sardaigne;  quels  avantages  elle  en 
retire,  i33  b,  i34  a;  Amilcar  y  délivre 
Cadix  de  ses  ennemis,  et  y  commande  les 
armées  carthaginoises  pendant  neuf  ans , 
78  a,  b.  (Voyez  Amilcar  Barca;  Annibal, 
son  fils;  deuxième  guerre  punique.) 

Espagnols,  servent  comme  mercenaires 
sous  Annibal  fils  de  Giscon ,  7  b  ;  de  même 
dans  les  rangs  des  Carthaginois  pour  la 
défense  d*Agrigente  assiégée  par  les  Ro- 
mains ,  35  b. 

Étrusques  joints  aux  Carthaginois,  rem- 
portent une  victoire  navale  sur  les  Pho- 
céens, et  les  expulsent  de  Hle  de  Cyme  (la 
Corse),  3  b. 

Eumachus,  un  des  lieutoiants  d*Archa- 
gathe,  est  vaincu  par  Imilcon,  28  b. 

Eusèbe,  cité  sur  les  fondateurs  présumés 
de  Carthage,  i  b. 

Eutrope,  cité  sur  le  motif  de  Tévacua- 
tton  de  Clypéa  par  les  Romains,  48  a. 


Fabius,  consul,  s'empare  d'une  ile  dans 
laquelle  il  établit  ses  macnines  pour  le  siège 
de  Drépane,  60  a,  b. 

Femmes,  travaillent  dans  les/temples,  à 
Carthage,  ponr  la  fabrication  des  amnes,  sa- 
crifient leurs  cheveux  pour  iaire  des  cor- 
dages, 109  b;  fin  désespérée  de  la  femme 
d'Asdrubal,  127  a. 

Festus  Aviénus.  On  a  de  lui  des  frag- 
ments où  il  parle  du  périple  d'Imilcon  sur 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  i34  a,  b. 

Florus,  consul  romain,  s'oppose  en  Sicile 
aux  progrès  d'Amilcar. 

6. 

Gaulois,  servent  comme  mercenaires  dans 
les  rangs  des  Carthaginois,  35  a. 

Gaulos,  petite  9e  de  la  Méditerranée,  ser- 
vait aux  Carthaginois  de  station  pour  leur 
commerce,  i33  b. 

Gela,  prise  par  Imiloon  ;  les  habitants  en 


TABLE  DES  MATIÈRES 


sont  établis  par  Denys  le  l^an  snr  le  ter-  ' 
ritoire  de  Syracuse,  9  b. 

Gélon,  maître  de  Syracuse,  remporte  une 
victoire  signalée  sur  Amilcar  qui  assiégeait 
Hym^,  6  a,  b  ;  tente  en  vain  de  mettre  un 
terme  à  l'immolation  des  victimes  humaines, 
139  b;  te  traité  qu'il  fit  avec  Carthage  de- 
vait y  être  déposé  dans  un  temple,  146  b. 

Giscon,  fils  d'Amilcar,  est  banni  de  Car- 
thage, et  périt  de  misère  à  Sélinonte,  6  b. 

Giscon ,  gouverneur  de  Lilybée',  la  pre- 
mière guerre  punique  étant  terminée,  fait 
partir  séparément  pour  l'Afrique  les  divers' 
corps  de  l'armée  de  Sicile,  65  a. 

Gordien,  proconsul  à  Carthage,  r'  ^oit 
le  titre  d'empereur  ;  il  est  vaincu  ipdr'  Capel- 
lien  et  met  fin  à  ses  jours,  i:  1,  b;  son 
fils  est  tué  dans  le  combat;  son  petit-fils, 
après  un  règne  bien  court,  piérit  d'une  mort 
violente,  ibul, 

Gracdius,  défait  Hannon,  lieutenant 
d'Annibal,  86  a. 

Grecs,  fournissent  des  mercenaires  aux 
Carthaginois,  45  b  ;  tentent  en  vain  de  met- 
tre un  terme  à  Fimmolation  des  victimes 
humaines,  139  b. 

Guerre  de  Libye  ou  contre  les  merce- 
naires. Causes  de  celte  guerre,  65  a,  b  ;  ils 
marchent  sur  Carthage  et  campent  k  Tu- 
nis, 65  b ,  66  b;  excités  par  deux  séditieux, 
Spendius  et  Mathos,  ils  chargent  de  fers 
Giscon  et  ses  compagnons,  et  mettent  le 
siège  devant  Utique  et  Hippone,  67  a,  68  b  ; 
sont  vaincus  par  Hannon,  profitent  de  sa 
négligence  et  le  battent  à  leur  tour,  69  b, 
70  a;  sont  défaits  par  Amilcar,  70  a,  71  b; 
il  les  bat  de  nouveau  et  tente  de  terminer 
la  guerre,  71  b,  72  b;  Spendius  et  Mathos 
la  rallument  en  faisant  mourir  Giscon  et  les 
prisonniers  carthaginois,  73  a,  74  b  ;  ils  as-r 
siègent  Carthage,  éprouvent  toutes  les  hor- 
reurs de  la  famine;  leurs  chefs,  d'après  un 
traité,  sont  retenus  par  Amilcar,  les  révol- 
tés courent  aux  armes,  Amilcar  les  exter- 
mine, 75  a,  76  b;  il  fait  le  siège  de  Tunis; 
Annibal  son  lieutenant  y  est  pris  et  mis  en 
croix  par  les  rebelles,  76  b,  77  a  ;  Hannon 
est  adjoint  à  Amilcar  ;  ils  oublient  leurs  que- 
relles et  remportent  une  victoire  décisive , 
assiègent  et  soumettent  Utique  et  Hippone, 

77  a,  b. 

Guerres  puniques.  Causes  de  la  première, 
32  b,  33  a;  défaite  des  Carthaginois  et 
prise  de  Messine  ;  Syracuse  est  assiégée  par 
les  Romains,  33  a,  34  a;  rapidité  de  leurs 
progrès,  font  un  traité  d'alliance  avec  Hié- 
ron,  34  b,  35  a;  assiègent  Agrigente,  rem* 


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CONTENUES  DANS  CARTHAGE. 


16S 


portent  la  victoire  si^r  Annibal  qui  était 
dans  la  place,  et  sur  Hannon  qui  venait  la 
secourir;  ils  s'emparent  de  la  ville,  35,  a, 
37  a;  les  Carthaginois  recouvrent  un  grand 
nombre  de  villes  maritimes;  les  Romains 
construisent  une  flotte  ;  Cornélius  est  fait 
prisonnier  et  conduit  à  Carthage,  37  a,  b; 
victoire  navale  de  Duilius ,  ses  succès  en 
Sicile,  37  b,  89  a  ;  suites  fâcheuses  de  la  dis- 
sension entre  les  légions  et  les  auxiliaires , 
39  a,  b;  Annibal,  à  la  tête  d'une  nouvelle 
f  otte ,  passe  dans  la  Sardaigne  ;  Cornélius 
Scipio  s'empare  d'abord  de  la  Corse,  puis 
déti  ^  dans  un  d^  ports  de  la  Sardaigne  la 
plus  ^.  d.  -le  partie  de  la  flotte  d'Annibal  ;  il 
défait  ensu^^'^Hannon  et  soumet  toutes  les 
villes  de  céiîe  île;  le  consul  Florus  arrête 
les  progrès  d'Amilcar,  39  b,  40  b;  les  Ro- 
mains marchent  sur  Camarine,  s'engagent 
témérairement  dans  des  défilés,  sont  sauvés 
par  le  dévouement  de  quatre  cents  hommes 
d'élite  et  du  tribun  M.  Calpurnius  Flamma; 
ib  s'emparent  de  Camarine  et  de  plusieurs 
autres  villes,  essuient  un  échec  sous  les  murs 
de  Lipari,  40  b,  41  b;  remportent  une 
grande  victoire  navale  près  du  mont  Ec- 
nome,  41  b,  43  b;  abordent  en  Afrique  et 
y  assiègent  Clypéa,  s'en  emparent  et  la  for- 
tifient, 43  b;  assiègent  Adis,  et  défont  les 
Carthaginois  devant  cette  place,  prennent 
Tunis  et  y  établissent  un  camp,  44  b,  45  a; 
négociations  infructueuses,  ibid.;  Xanthippo 
de  Lacédémone.  reçoit  le  commandement 
de  l'armée  des  Carthaginois,  et  remporte 
sur  les  Romains  une  victoire  signalée;  Ré- 
gulus  est  fait  prisonnier,  45  b,  47  a;  la 
flotte  romaine  est  détruite ,  en  grande  par- 
tie, par  une  tempête,, 4 8  a;  les  Carthaginois 
s'emparent  d'Agrigente  et  la  ruinent  entiè- 
rement, ibid.  ;  prise  de  Palerme  par  les  Ro- 
mains, 48  b  ;  ils  perdent  dans  une  tempête, 
prés  de  Palinure,  un  grand  nombre  de  vais- 
seaux ,49  a  ;  les  Carthaginois  envoient  de 
nouvelles  forces  en  Sicile,  49  b;  essuient 
une  sanglante  défaite  devant  Palerme,  5o  a, 
b;  ils  envoient  Régulus  à  Rome  pour  né- 
gocier la  paix  ;  son  opinion  prononcée  dans 
le  sénat,  son  retour  a  Carthage,  on  il  subit 
une  mort  cruelle,  5o  b,  5a  a;  les  Romains 
assiègent  Lilybée,  longue  résistance  de  celte 

S  lace,  52  a,  59  a;  les  Romains  perdent  leurs 
eux  flottes  par  la  tempête,  59  a  ;  le  consul 
Junius  s'empare  de  la  ville  d'Eryx ,  ibid.  ; 
Amilcar  Barca  s'empare  d'Ercté  et  s^y  main- 
tient trois  ans,  59  b,  61  a  ;  il  fait  entrer  des 
secours  dans  Lilybée,  s'empare  d'Eryx,  n'est 
point  décourage  par  la  défection  de  plu- 


sieurs corps  de  mercenaires,  61  a,  6a  a;  les 
Romains  équipent  une  nouvelle  flotte,  sont 
vainqueurs  près  des  lies  Égates  ;  un  traité 
de  paix  termine  la  guerre,  62  a,  64  b. 

Deuxième  guerre  punique.  Causes  de  cette 
guerre,  9o  a,  b,  81  a  ;  ruine  de  Sagonte  par 
Annibal;  Fabius,  dans  le  sénat  de  Carthage, 
offre  la  paix  Ou  la  guerre,  8 1  a,  b  ;  Annibal 
entre  dans  les  Gaules,  franchit  les  Alpes, 
entre  en  Italie,  8a  a,  b  ;  remporte  un  avan- 
tage sur  les  bords  du  Tésin;  le  consul  Sci- 
pion  y  est  blessé  ;  Sempronius ,  qui  s'était 
emparé  de  Malte ,  vient  au  secours  de  son 
collègue,  il  essuie  une  défaite  sur  les  bords 
de  la  Trébie  ;  les  Gaulois  dans  la  Cisalpine 
prennent  narti  pour  Annibal  ;  il  gagne  l'É- 
trnrie  et  uat  le  consul  Flaminius  sur  les 
bords  du  lac  Trasimène;  le  consul  Fabius 
l'arrête  ;  mais  bientôt  les  consuls  Paul  Emile 
et  Varron  essuient  près  de  Cannes  une 
cruelle  défaite,  8a  b,  83  b  ;  cependant  An- 
nibal échoue  devant  Naples ,  mais  Capoue 
lui  ouvre  ses  portes;  Magon  sou  frère,  se 
rend  à  Carthage  et  demande  des  secours, 
on  kii  en  accorde  d'insuffisants,  84  a,  85  b; 
Rome  lui  oppose  le  consul  Marcellus;  il  se 
rend  maître  de  plusieurs  villes;  mais  sou 
lieutenant  Hannon  ayant  perdu  seize  miUe 
hommes,  il  n'espère  plus  se  maintenir  dans 
l'Italie  centrale,  86  a;  fait  alliance  avec 
Philippe,  roi  de  Macédoine,  86  a,  87  b;  va 
jusque  sous  une  des  portes  de  Rome,  ré- 
trograde ,  mais  ne  peut  empêcher  la  prise 
de  Capoue  par  les  Romains,  87  b,  88  a  ;  les 
Carthaginois  font  de  nouveaux  efforts  pour 
recouvrer  la  Sicile,  la  perdent  sans  retour, 
88  b,  89  a;  ils  éprouvent  en  Espagne  des 
revers  continuels;  ils  perdent  Carthagène, 
leur  trésor  et  leur  arsenal;  cependant  As- 
drubal  pénètre  en  Italie,  89  a,  90  b;  son 
armée  y  est  exterminée,  il  périt  dans  le  com- 
bat ;  l'Espagne  entière ,  après  la  prise  de 
Gadès,  est  sous  la  domination  romaine, 
90  b,  91  a;  Annibal  et  Magon  sont  rappe- 
lés en  Afrique;  Scipion  assiège  Utique,  il 
surprend  Asdrubal  et  Syphax,  détruit  la 
dernière  armée  de  Cartilage,  91  b,  9a  b; 
Annibal  est  vaincu  à  Zama,  conseille  à  ses 
concitoyens  de  demander  la  paix ,  Scipion 
en  dicte  les  conditions,  accroît  la  puissance 
de  Massini%sa,  93  b,  96  b. 

Troisième  guerre  punique.  Les  consuls 
Manilius  et  Censorinus  assiègent  Carthage  ; 
Manilius  est  attaqué  dans  ses  retranche- 
ments et  sauvé  par  le  jeune  Scipion ,  fils  de 
Paul  Emile,  109  b,  m  b;  il  attaque  le 
camp  d' Asdrubal  à  Néphéris,  est  encor« 

11. 


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164 


TABLE  DES  MATIÈRES 


sauvé  par  Scipion,  iia  a,  ii3  a;  après  la 
mort  de  Massiiiissa,  Giilussa,  un  de  ses  fils, 
se  joint  aux  Romains  ;  Phamaeas,  général  de 
la  cavalerie  carthaginoise,  passe  aussi  de  leur 
côté,  lia  a,  ii5,  a;  Calpurnius  Pison  et 
L.  Mancinus  prennent  le  commandement  en 
Afrique  ;  au  siège  d'Uippone  par  Pison,  les 
Carihaginois  incendient  les  machines  des 
Romains  ;  Carthage  est  agitée  par  des  divi- 
sions intestines  ii5,  a,  ii6  a;  Scipion 
nommé  consul,  sauve  les  soldats  de  Manci- 
nus, prend  le  faubourg  de  Mégara,  117b, 
118  a;  Âsdrubal  massacre  les  prisonniers 
romains,  exerce  des  cruautés  dans  Carthage 
qui  est  en  proie  à  la  famine,  essaye  de  trai- 
ter avec  les  Romains,  ses  deux  entrevues 
avec  Gulussa,  réponse  de  Scipon,  118  a, 
lao  b;  Scipion  ayant  presque  fermé  l'en- 
trée des  ports,  les  assiégés  ouvrent  une  nou- 
velle issue,  et  engagent  un  combat  naval; 
ils  brûlent  les  machines  de  guerre  des  Ro- 
mains ;  Scipion  reste  maître  de  leurs  ouvra- 
ges avancés,  123  b,  124  a;  défait  entière- 
ment l'armée  campée  devant  Néphéris  et 
prend  cette  ville,  124  a,  b;  prise  et  incen- 
die de  Carthage  ;  toute  la  partie  de  l'Afrique 
soumise  aux  Carthaginois  est  réduite  en 
province  romaine,  laS  a,  128  a. 

Gula,  chef  numide,  se  joint  aux  Cartha- 
ginois dans  la  deuxième  guerre  punique, 
88  b. 

Gulussa,  fils  de  Massinissa,  est  interrogé 
à  Rome  sur  la  conduite  de  son  père  contre 
les  Carthaginois,  102  b  ;  est  envoyé  par  son 
père  à  Carthage  avec  une  mission ,  il  n'est 
point  admis  dans  la  ville,  104  a;  après  la 
mort  de  son  père,  il  est  amené  par  Scipion 
dans  le  camp  des  Romains,  x  1 3  b. 


Halycus ,  fleuve  qui  fut  longtemps  la 
limite  entre  les  possessions  des  Carthagi- 
nois et  celles  des  Syracusains  en  Sicile , 
i33  b. 

Hannon  (le  vieil)  est  envoyé  en  Sicile  avec 
un  renfort  pour  Agrigente,  35  a;  il  est 
vaincu  par  le  consul  Poslumius  36  b;  des- 
titué et  condamné  à  une  forte  amende,  3  7  a. 

Hannon  succède  à  Annibal  dans  le  com- 
mandement  de  la  flotte  qui  défendait  la 
Sardaigne ,  est  vaincu  et  perd  la  vie  dans 
un  combat,  40  a. 

Hannon  s'empare  d'Hécatompyle  en  Li- 
bye, traite  les  vaincus  avec  humanité,  60  a; 
passe  en  Sicile  pour  se  joindre  à  Amilcar, 
est  prévenu  par  le  consul  Lutatius  qui  l'at- 
taque et  reinporle  la  victoire ,  62  b,  63  b  ; 


ne  peut  apaiser  la  révolte  des  mercenaires 
contre  Carthage,  65  b,  66  b. 

Hannon ,  envoyé  contre  Agathocle  en 
Afrique ,  est  vaincu  et  tué  dans  la  première 
bataille  qu'il  lui  livre  ;  Bomilcar  son  col- 
lègue ,  par  inimitié  contre  lui  et  voulant 
usurper  le  pouvoir ,  abandonne  le  champ 
de  bataille,  2^  a,  23  a. 

Hannon,  riche  citoyen  de  Carthage,  veut 
par  la  force  s'emparer  du  pouvoir;  il  péril 
avec  ses  flis  et  tous  ses  parents  au  milieu 
des  supplices,  17  a,  b. 

Hécaiompyle ,  dans  la  Libye  ,  est  prise 
par  Hannon ,  60  a. 

Héliogabale  veut  unir  le  dieu  Baal  et  la 
Juno  Cœlestis,  i53  b. 

Héraclide,  un  des  deux  fils  d' Agathocle, 
20  a.  V.  Agathocle. 

Hercule  Tyrien,  ou  Melcarlh-Héraclès , 
protecteur  de  Tyr  et  de  Carthage  ;  Carlha- 
lon,  fils  de  Malchus,  lui  porte  le  dixième 
du  butin  fait  en  Sicile,  4  a  ;  dans  un  temps 
de  revers  les  Carthaginois  lui  envoient  de 
riches  présents,  23  a,  b;  ils  transportèrent 
son  culte  dans  leurs  colonies ,  146  a. 

Hermaeum,  promontoire  en  Afrique,  ov 
abordèrent  les  premiers  navires  romains 
dirigés  sur  cette  côte,  43  b. 

Hérodote  :  à  quel  jour  il  fixe  la  victoire 
de  Gélon  sur  les  Carthaginois  qui  assié- 
geaient Hymère  ,6b;  quelle  fut ,  selon 
lui,  la  mort  d' Amilcar,  fils  de  Magon, 
ibîd. 

Hiéron,  roi  de  Syracuse,  fait  d'abord 
avec  succès  la  guerre  aux  Carthaginois , 
s'unit  ensuite  à  eux  contre  les  Romains 
pour  recouvrer  Messine,  32  a,  33  b  ;  vaincu 
par  les  Romains  il  retourne  à  Syracuse ,  y 
est  assiégé  par  eux  ;  il  se  sépare  des  Car- 
thaginois et  fait  alliance  avec  les  Romains, 
34  a,  b  ;  leur  fait  parvenir  des  vivres  pen- 
dant qu'ils  assiègent  Agrigente,  36  a  ;  leur 
fournit  des  machines  pour  le  siège  de  Ca- 
marine,  41  a  ;  d'après  le  traité  fait  par  les 
Romains  avec  les  Carthaginois ,  ceux-ci  ne 
feront  la  guerre  ni  contre  Hiéron  ni  contre 
les  Syracusains  ,64  a  ;  il  est  bienveillant 
envers  les  Carthaginois ,  surtout  dans  la 
guerre  de  Libye,  75  a  ;  ses  États  sont  dévas- 
tés par  une  flotte  carthaginoise,  88  b;  meurt 
allié  des  Romains,  89  a. 

Hiéronyme ,  petit-fils  du  roi  Hiéron ,  lui 
succède  à  Syracuse,  89  a. 

Himilcon  ,  général  carthaginois ,  lutte 
souvent  avec  succès  contre  les  Romains  en 
Sicile ,  89  a  ;  succède  à  iLsdrubal  dans  1« 
gouvernement  de  l'Espagne,  89  b. 


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CONTENUES  DANS  CARTHAGE. 


165 


Hippane,  en  Sicile,  prise  par  les  Romains, 
40  b. 

Hippone ,  assiégée  par  les  mercenaires 
dans  la  guen*e  de  Libye,  686  ;  prend  tout 
à  coup  parli  pour  eux,  74  b  ;  soumise  enfin 
par  Amilcar  et  Hannon,  77  b;  résiste  aux 
Romains,  ii5  a;  saint  Augustin  en  fut 
évéque,  i54  b. 

Hippo/.arilus ,  prise  par  Agathocle,  27  b; 
avail  été  fondée  par  les  Pbénieiens ,  i32  a. 

Hymère  ,  assiégée  par  Amilcar  et  secou- 
rue par  Géion  ,6a;  prise  d'assaut  et  trai- 
tée cruellement  par  Annibal ,  petit-ûls  d'A- 
milcar,  8  b. 

I. 

Icétas ,  tyran  de  Léonlium ,  s'empare  de 
Syracuse ,  mais  non  de  la  citadelle  ;  est 
vaincu  deux  fois  et  repoussé  par  Timoléon, 
i5  b,  16  a. 

Imilcon  ,  général  carthaginois  ,  défend 
courageusement  Lilybée ,  5a  b  ;  attaque 
vivement  les  machines  des  Romains  ;  leur 
fait  perdre  beaucoup  de  monde  par  une 
sortie  ;  favorisé  par  un  ouragan ,  il  détruit 
leurs  machines  par  le  feu,  55  a,  b. 

Imilcon,  fils  d'Amilcar;  après  plusieurs 

.  victoires  en  Sicile ,  son  armée  y  est  désolée 

.  par  nne  maladie  contagieuse,  il  en  ramène 

les  débris  à  Carlhage  et  s*y  donne  la  mort , 

7  a,  b. 

Imilcon,  fils  d'Hannon,  est  donné  pour 
lieutenant  à  Annibal  ;  il  assiège  Agrigente 
et  s'en  rend  maître  par  la  famine ,  8  b,  9  ; 
ne  peut  empêcher  la  prise  de  Motya  par. 
Denys  le  Tyran,  10  b;  étant  nommé  suf- 
fète,  il  envoie  secrètement  à  la  tète  de  dix 
vaisseaux  légers  un  commandant  qui  coule 
à  fond  tous  les  vaisseaux  qui  se  trouvaient 
dans  ie  port  de  Syracuse;  son  retour  en  Si-, 
ciie  où  il  reprend  Motya  et  plusieurs  autres 
villes ,  forme  le  siège  de  Syracuse ,  commet 
des  actes  d'impiété,  11  a ,  b  ;  une  maladie 
contagieuse  accable  son  armée  ;  il  est  vaincu 
par  Denys  sur  terre  et  sur  mer ,  12  a,  b; 
à  quel  prix  il  se  retire  avec  les  seuls  Car- 
thaginois ;  finit  misérablement  à  Garthage , 
la  b,  i3  a. 

J. 

Jérôme  (saint) ,  cité  sur  les  fondateurs 
présumés  de  Carthage ,  i  b. 

Junius.  y.  Lucius  Junius. 

Junonia  ,  nom  donné  à  la  ville  qui  fut 
fondée  par  la  colonie  romaine  établie  sur 
le  sol  de  Carlhage,  x5o  a. 

Justin ,  cité  sur  les  victimes  humaines 
immolées  à  Carthage  ,4a;  sur  les  ravages 


d'un  mal  contagieux  dans  l'armée  d'Imilcou 
en  Sicile,  7  a ,  b  ;  est  le  seUl  qui  fasse  men- 
tion d'un  arrêt  du  sénat  de  Carthage  qui 
aurait  interdit  aux  Carthaginois  l'élude  et 
l'usage  de  la  langue  grecque,  14  b.  Lui  seul 
aussi  a  transmis  le  récit  de  la  conspiration 
d'Hannon,  17  a,  b;  cité  sur  le  supplice  de 
Bomilcar ,  27  b;  sur  nue  expédition  des 
Carthaginois  contre  la  Sardaigne,  i32  b. 

K. 

Karchedon,  un  des  fondateurs  de  Car- 
thage, I  b. 

L. 

Langue  grecque ,  interdite ,  selon  Justin , 
aux  Carthaginois ,  14  b. 

Léonidas ,  roi  de  Lacédémone,  refuse  sou 
secours  à  Amilcar  en  Sicile,  6  a. 

Lepiine ,  un  des  généraux  de  Denys  le 
Tyran ,  est  tué  dans  une  bataille  gagnée 
par  Magon  ,11,  14  a. 

Leuco-Tunès,  ville  prise  par  Agathocle, 
non  loin  de  Carthage,  22  a. 

Lilybée,  d'origine  phénicienne;  les  Car- 
thaginois fondèrent  sur  cette  côte  leurs 
premiers  établissements  en  Sicile,  i33  a. 
Asdrubal  en  pari  pour  attaquer  Métellus; 
vaincu,  il  s'y  réfggie,  49  b,  5o  b  ;  est  assié- 
gée par  les  Romains;  courageusement  dé- 
fendue par  Imilcon,  reçoit  un  renfort  amené 
par  Annibal,  des  vivres  par  Adherbal,  des 
secours  et  des  vivres  par  Amilcar,  52  a,  61 
a;  Lutatius  s'empare  du  port;  il  y  amène 
ses  prisonniers  et  les  vaissbaux  qu  il  a  pris 
près  des  îles  Égates,  62  b,  63  b. 

Lucius  Junius,  consul  dans  la  première 
guerre  punique,  est  chargé  d'amener  des  vi- 
vres et  des  munitions  à  l'armée  qui  assiège 
Lilybée;  jette  l'ancre  près  de  Camarinc, 
plage  dangereuse  ;  les  deux  flottes  romaines 
y  sont  presque  entièrement  détmiles  par  la 
tempête,  57  b,  59  a;  il  s'empare  de  la  mon- 
tagne et  de  la  ville  d'Éryx;  la  place  d'Kgi- 
thalle  lui  est  enlevée  par  Carthalon,  Ô9  a,  b. 

Lucius  Manlius  Vulso,  consul,  chargé 
avec  C.  Atilius  Régulus  de  préparer  une 
nouvelle  flotte,  49  b. 

Lutatius,  consul,  passe  en  Sicile  à  la  tète' 
d'une  flotte  nombreuse  ;  remporte,  près  des 
lies  Égates,  une  victoire  qui  met  fin  à  la 
première  guerre  punique,  62  b,  64  a. 

Lyciscus,  un  des  lieutenants  d' Agathocle, 
est  tué  par  Archagathe  au  milieu  d'un  re- 
pas, 26  a. 

M. 

Macella,  ville  de  Sicile,  emportée  d'a»- 
!«aut  par  Duilius,  39  a. 


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If6 


TABLE  DES  MATIÈRES 


MagOQ,  sufiëte  et  général  carthaginois, 
vient  avec  une  flotte  au  secours  des  Romains, 
après  leurs  défaites  par  Pyrrhus,  3i  a  ;  dans 
quel  but  il  a  une  entrevue  avec  lui,  ibid. 

Magon,  suflëte  et  général  carthaginois, 
établit  le  premier  la  discipline  militaire, 
augmente  la  puissance  de  sa  pairie  et  laisse 
deux  fils  illustres,  5  b;  pouvoir  de  cette 
famille ,  institution  d*un  tribunal  destiné  à 
lé  tempérer  ;  6  b,  7  a. 

Magon,  à  la  tête  de  la  flotte  jointe  à  Tar- 
née  dlmilcon,  remporte  une  victoire  signa- 
lée snr  la  flotte  syracusaine,  1 1  b. 

Magon,  suffete  et  général  carthaginois, 
est  envoyé  contre  Denis  le  Tyran;  reprend 
les  anciennes  possessions  carmaginoises,  et 
conclut  un  nouveau  traité  de  paix  avec  De- 
nys,  i3  b;  est  de  nouveau  envoyé  contre 
Denys;  bataiUe  décisive  auprès  de  Cabala; 
Magon  vaincu  y  perd  la  vie,  14  a. 

Magon  II,  fils  du  précédent,  remporte 
sur  Denys  de  grands  avantages,  14  a,  b;  en- 
voyé à  la  tète  d'une  forte  armée  et  d'une 
flotte  nombreuse  pour  s'emparer  de  Syra- 
cuse assiégée  par  Timoléon,  il^  croit  trahi 
par  ies  troupes  et  les  ramène  à  Carthage; 
il  prévient  par  une  mort  volontaire  le  sup- 
phce  auquel  il  est  condamné,  i5  b,  16  a. 

Malchus  s'empare  de  la  plus  grande  par- 
tie de  la  Sicile,  3  b;  banni  de  Carthage, 
comme  l'auteur  des  revers  essuyés  en  Sar- 
daiçoe,  il  y  rentre  par  la  force  des  armes 
après  avoir  lait  mourir  son  fils  ;  fait  mettre 
à  mort  dix  des  sénateurs  ;  bientôt  après  il 
périt  lui-même  accusé  d'aspirer  au  trône, 
4a,b. 

Malga,  village  moderne;  sur  quelles  rui- 
nes il  est  bâti,  146  b. 

Malte  ou  Mélita,  avait  appartenu  aux 
Phéniciens,  Carthage  s'en  était  emparée; 
était  renommée  pour  ses  tissus,  i33  b; 
Sempronius  s'en  rend  maître,  88  a. 
^  Mamertins  (les)  se  rendent  maîtres  de  Mes- 
sine, s'unissent  à  une  légion  romaine,  qui, 
avec  leur  secours,  s'empare  de  Rbége,  3a  b, 
33  a;  bientôt  après,  les  uns  livrent  la  cita- 
delle de  Messine  aux  Carthaginois  ;  les  au- 
tres offrent  cette  ville  aux  Romains  qui 
leur  promettent  de  les  secourir,  33  a. 

Manlins,  consul,  remporte  avec  Régulus 
une  victoire  navale  sur  les  Carthaginois, 

Frès  du  mont  Ecnome,  4a  a,  43  a;  reçoit 
ordre  de  retourner  à  Rome  avec  les  pri- 
sonniers romains  retrouvés  en  Afrique,  et 
une  partie  de  la  flotte,  44  a. 

Marcellus,  consul,  arrête  Annibal  dans 
presque  toutes  ses  entreprises,  86  a;  est  tué 


dans  un  combat,  88  a  ;  Syracuse  s*étaiit  dé- 
clarée pour  les  Ciarthaginois,  il  en  avait  £ût 
le  siège  et  s'en  était  emparé,  89  a. 

Marcus  ^milius  Paiifus,  consul  pendant 
la  première  guerre  punique,  44  a. 

Massinissa,  roi  d'une  partie  de  la  Numi* 
die,  allié  de  Carthage,  passe  du  coté  des 
Romains,  91  a;  agit  avec  eux  lors  de  l'in- 
cendie du  camp  des  Carthaginois  par  Sci- 
pion,  9a  b  ;  combat  avec  les  Romains  à  la 
journée  de  Zama,  94  a;  reçoit  de  riches 
présents  des  ambassadeurs  romains,  97  b; 
attaque  les  Carthaginois,  99  b,  100  b;  ses 
envahissements  ne  sont  point  franchement 
réprimés  par  les  Romains,  loi  b,  io3  a; 
quarante  citoyens  de  Carthage,  partisans  de 
Massinissa,  sont  bannis  de  cette  ville,  ils 
excitent  à  la  guerre  Massinissa,  qui  s'empare 
d*Oro8cope,  xo5  a;  une  première  bataille 
livrée  par  Asdrubal  laisse  la  victoire  dou- 
teuse ;  la  peste  ravage  l'armée  des  Cartha- 
ginois; Massinissa  accorde  la  paix  à  de  dures 
conditions,  io5  a,  106  a;  promet  aux  Ro- 
mains une  loyale  assistance  dans  leurs  nou- 
velles entreprises  contre  Carthage,  no  a; 
charge  Scipion  de  régler  les  affaires  de  sa 
succession,  ii3  b. 

Mathos,  chef  des  mercenaires  dans  la 
guerre  de  Libve.  Voyez  Guerre  de  Libye. 

Mauritanie  Tingitane.  Syphax  et  les  siens 
sont  repoussés  jusque  dans  cette  contrée  par 
les  Carthaginois  dans  la  deuxième  guerre 
punique,  88  b. 

Megalopolis,  onportée  d'assaut  par  Aga- 
thocle,  a  a  a. 

Mégara,  ou  la  nouvelle  ville,  partie  la 
bioins  peuplée  dans  Carthage,  143  b. 

Mercenaires,  tirés  de  l'Afrique  et  de  l'Es- 
pagne  par  Annibal,  fils  de  Giscon,  7  b; 
Étrusques,  Celtes  et  Samnites  sous  Agatho- 
cle,  a9  a;  le%'és  par  les  Cartliaginois,  dans  la 
première  guerre  punique,  dans  laLigurie, 
la  Gaule  et  surtout  dans  l'Espagne,  35  a; 
chez  les  Grecs  pour  résister  aux  Romains, 
45  b;  quatre  mille  d'entre  eux  soutiennent 
Bomilcar  qui  aspirait  à  la  tyrannie,  37  a; 
les  Carthaginois,  dans  un  avantage  qu'ils  ont 
sur  Agathocle,  accablent  les  mercenaires  et 
en  tuent  environ  trois  mille,  a8  a,  b;  les 
mercenaires  des  Carthaginois,  revenus  de 
Sicile  en  Afrique  après  la  première  guerre 
punique,  se  révoltent  contre  Cartilage :voy. 
Guerre  de  Libye  ;  se  révoltent  aussi  en  Sar- 
daigne;  les  soldats  d'Hannon  se  joignent  à 
eux,  massacrent  Hannon  et  tous  les  Cartha- 
ginois qui  étaient  dans  l'île  ;  ils  sont  ensuite 
expulsés  par  les  habitants  de  la  Sardaigne, 


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CONTENUES  DANS  CARTHAGE. 


W 


qui  est  ainsi  perdue -pour  les  Carthaginois, 
7a  b,  73  a. 

Messine  est  occupée  par  les  Mamertins, 
Sa  b  ;  devient  le  sujet  de  la  première  guerre 
pimique;  les  habitants,  excités  par  les  pro- 
messes du  consul  romain  oui  s*est  introduit 
dans  la  place,  chassent  de  la  citadelle  le 
commandant  qui  la  tenait  pour  les  Cartha- 
ginois :  ceux-ci  assiègent  la  ville;  elle  tombe 
au  pouvoir  des  Romains,  3a  b,  34  b. 

Métaure,  fleuve  de  FOmbric,  sur  les 
bords  duquel  Asdrubal  est  vaincu  par  les 
Romains,  90  b,  91  a. 

Micipsa,  fils  de  Massinissa. 

Mille  romain  :  son  évaluation,  141  b. 

Motya,  en  Sicile,  ville  d'origine  phéni- 
cienne, i83  a;  prise  par  Denys  le  Tyran, 
10  b,  II  a;  reprise  par  Imilcon,  lia. 

Mutine,  général  carthaginois,  livre  Agri- 
gente  aux  Romains,  89  a. 

Mylae,  en  Sicile.  Près  de  cette  ville ,  Dui- 
lius  remporte  une  victoire  navale  sur  les 
Carthaginois^  38  a. 

Mytistrate.  Les  Romains  sont  obligés 
d'en  lever  le  siège ,  39  b  ;  elle  capitule ,  est 
néanmoins  livrée  aux  flammes ,  40  b. 


Naravase,  un  des  chefs  des  Numides, 
dans  la  guerre  de  Libye ,  passe  du  côté  d'A- 
milcar ,  et  contribue  puissamment  à  ses  vie* 
toires,  7a  a,  b,  75  a,  b. 

Neptune.  Les  Cartha^nois  lui  sacrifient 
plusieurs  victimes  humaines ,  8  b. 

Numides,  se  joignent  aux  mercenaires 
dans  leur  révolte  contre  Carthage,  65  a. 


Olbia ,  en  Sardaigne ,  est  prise  par  les 
Romains,  40  a. 

Olcades ,  peuples  d'Espagne  vaincus  par 
Annibal,  81  a. 

Ophellas,  roi  de  la  Cjrrènaïque,  périt  vic- 
time de  la  perfidie  d'Agathocle,  a  6  b ,  37  a. 

Orethus ,  rivière  qui  coule  près  de  Pa- 
ferme ,  5o  a. 

Orose ,  donne  la  date  d'un  second  traité 
entre  les  Romipns  et  les  Garthaginob,  i5  a. 


Palerme  ou  Panorme.  Amilcar  y  aborde 
avec  une  flotte  redoutable,  6  a;  prise  par 
les  Romains,  48  b;  était  d'origine  phéni- 
cienne, i33  a. 

Palinure ,  cap  sur  la  c6te  d'Italie  ;  en  le 
doublant,  une-  flotte  romaine  a  beaucoup 
à  souffrir  d'une   violente  tempête,  49  a. 


Peste  :  désole  Carthage  après  sa  conquête 
d'une  grande  partie  de  la  Sicile,  3  b;  ra- 
vage en  Sicile  l'armée  dTmilcon,  7  a;  dé- 
sole l'armée  carthaginoise  ,  et  fait  mourir 
Annibal ,  fils  de  Giscon ,  au  siège  d'Agri- 
genle,  8  b;  Imilcon,  maître  de  Gela,  mais 
forcé  par  une  maladie  contagieuse  de  faire 
la  paix  avec  Denys  le  Tyran ,  ramène  la 
peste  à  Carthage ,  10  b  ;  au  siège  de  Syra- 
cuse ,  il  voit  de  nouveau  son  armée  en  proie 
à  ce  fléau,  la  a;  il  affaiblit  de  nouveau 
Carthage,  14  b;  ravage  l'armée  carthagi- 
noise dans  la  guerre  contre  Massinissa, 
106  a. 

Phamîeas ,  général  de  la  cavalerie  cartha- 
ginoise, combat  souvent  contre  les  Ro- 
mains avec  avantage,  puis  passe  de  leur 
côté,  lia  a,  ii5  b. 

Philènes  (les  frères)  :  leur  dévouement 
pour  Carthage  leur  patrie ,  a6 ,  3  b. 

Philippe,  roi  de  Macédoine,  fait  un 
traité  avec  Annibal,  86  a,- 87  b. 

Philistus,  cité  sur  les  fondateurs  pré- 
sumés de  Carthage,  i  b. 

Phocéens ,  sont  vaincus  sur  mer  par  les 
Étrusques  et  les  Carthaginois  réunis ,  3  b. 

Pied  grec,  son  évaluation,  i45  a. 

Plèthre,  son  évaluation,  i45  a. 

Plutarque,  rapporte  l'exclamation  de 
Pyrrhus  s'éloignant  de  la  Sicile,  3i.b. 

Polybe.  Texte  donné  par  lui  du  premier 
traité  entre  les  Romains  et  les  Carthagi- 
nois, 4  b,  5  a;  cité  sur  la  longue  lutte  entre 
Amilcar  Barca  et  les  généraux  romains, 
60  b;  sur  la  guerre  contre  les  mexcenaires, 
66  a;  reudus  furie\ix  par  la  faim,  dit-il, 
les  mercenaires  se  dévorent  entre  eux, 
66  a;  rapporte  le  traité  fait  entre  Philippe, 
roi  de  Macédoine,  et  Annibal,  86  a,  87  b; 
raconte  deux  entrevues  d' Asdrubal  et  de 
Gulussa,  119  a,  lao  b;  son  jugement  sur 
Asdrubal ,  examen  de  ce  jugement ,  1  ao  b, 
I  aa  b  ;  cité  sur  l'aspect  florissant  de  la  cam- 
pagne de  Carthage  lors  de  la  première 
guerre  punique ,  1 35  a. 

Procope,  cité  sur  l'origine  des  Maures  et 
rétablissement  des  colonies  phéniciennes 
en  Afrique,  a  a. 

Proserpine,  dut  avoir  un  temple  et  des 
prêtres  à  Carthage,  146  a,  b. 

Ptolémèe  Philadelphe ,  refuse  aux  Car- 
thaginois de  leur  prêter  une  somme  dont 
ils  lui  faisaient  la  demande,  49  b. 

Publius  Claudius  Pulcher,  consul  dans 
la  première  guerre  punique;  son  impru- 
dence cause  la  perte  de  la  flotte  romaine; 
ses  paroles  et  son  action  irréligieuses  an 


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16S 


moment  où  l'action  allait  s'engager;  il  est 
puni  par  une  forte  amende,  56  a,  5;  b. 
Pyrrfius,  remporte  en  Italie  plusieurs 
victoires  sur  les  Romains;  gendre  d'Aga- 
thocle ,  il  pouvait  se  faire  de  cette  alliance 
un  titre  pour  posséder  la  Sicile;  il  y  aborde, 
enlève  aux  Carthaginois  tout  ce  qu'ils  y 
possédaient,  exceplé  Lilybée;  il  en  fait  le 
siège  sans  succès;  excite  le  mécontente- 
ment des  Siciliens  par  sa  dureté;  perd 
toutes  ses  conquêtes  et  retourne  à  Tarente, 
3o  b,  3ib. 

R. 

Régulus,  un  des  consuls  sous  lesquels 
la  flotte  romaine  fut  vaincue  près  du  mont 
Ecnome'en  Sicile,  42  a,  43  a. 

Régulus,  prisonnier  à  Carthage.  Voyez 
Caius  Atilius  Régulus. 

Rhé^.  Une  légion  romaine  s'empare  de 
cette  ville  et  s'allie  aux  Mamerlins,  maîtres 
de  Messine;  les  Romains  rendent  la  ville 
à  ses  anciens  habitants,  32  b,  33  a. 

Romains.  Premier  traité  entre  eux  et  les 
Carthaginois,  46;  second  traité,  i5  a;  troi- 
sième traité,  d'après  quels  motifs,  3o  b,  3i 
a;  n'acceptent  point  les  secours  que  leur 
envoient  les  Carthaginois  d'après  ce  traité, 
3i  a;  un  traité  de  paix  termine  la  première 
guerre  punique,  63  b,  64  a;  les  traités  sont 
fidèlement  observés  par  les  Romains  pen- 
dant la  guerre  de  Libye,  75  a,  b;  ils  éta- 
blissent en  Espagne,  par  un  traité  avec  As- 
druBal,  que  Tlibre  sera  la  limite  des  deux 
empires,  78  b;  par  quels  moyens  ils  ren- 
dirent de  plus  en  plus  difficiles  aux  Car-* 
tliaginois  les  levées  de  mercenaires,  128  b. 

S. 

Sagonte,  enclavée  entre  les  liniiles  des 
Romains  et  celles  d^  Carthaginois  en  Es- 
pagne, devait  conserver  son  indépendance, 
78  b;  est  ruinée  par  Annibal;  devient 
ainsi  la  cause  de  la  deuxième  guerre  puni- 
que, 81  a;  rétablie  huit  ans  après  par  les 
Romains,  90  a. 

Saint  Augustin.  Sur  la  teiTeur  inspirée 
par  le  dieu  Baal-Moloch,  146  a  ;  quel  fut 
son  premier  ouvrage  contre  les  donatistes , 
i53  b;  ses  longues  controverses,  i54  b.  ' 

Sallusle  :  son  récit  sur  la  guerre  entre 
Carthage  et  Cyrène ,  et  sur  le  dévouement 
des  fières  Philènes,  2  b,  3  b. 

Sardaigne ,  envahie  par  les  Carthaginois, 
2  b;  dans  quels  cas,  à  quelles  conditions 
ils  permettent  aux  Romams  d'y  aborder, 
d'y  faire  le  commerce, 4  b,  5  a;  nature  du 


TABLE  DES  MATIÈRES 


terroir  et  caractère  des  habitants ,  89  b  ; 
soumise  par  les  Romains,  40  a  ;  retombe  au 
pouvoir  des  habitants  dans  la  guerre  de 
Libye,  72  b,  73  a;  les  Carthaginois  équi- 
pent une  flotte  pour  la  reconquérir;  les 
Romains  leur  déclarent  la  guerre  ;  les  Car- 
thaginois abandonnent  la  Sardaigne,  78  a; 
ils  y  avaient  fondé  deux  villes ,  mais  n'a- 
vaient pu  en  soumettre  tous  les  habitants; 
importance  de  cette  ile  pour  Carthage, 
i32  b. 

Saturne.  Un  enfant  lui  est  immolé  dans 
la  peste  qui  ravage  Tarmée  des  Carthagi- 
nois au  siège  d'Agrigente  ,8b;  était  aussi 
nommé  Baal  Moloch  ;  ce  que  contenait  son 
temple ,  146  a  ;  à  quel  affreux  usage  ser- 
vait sa  statue,  ibid. 

Scylax,  cité  sur  l'étendue  du  territoire 
carthaginois,  en  Afrique,  i32a;  sur  la 
fécondité  de  la  Byzacène,  i35,  a. 

Ségeste.  Ses  habitants  implorent  l'appui 
de  Carthage  et  se  mettent  à  sa  discrétion^ 
7  b  ;  assiégée  et  réduite  à  la  dernière  ex- 
trémité par  les  Carthaginois;  Duilius  en 
fait  lever  le  siège,  39  a. 

Sélinonte  devait  envoyer  à  Amilcar,  en 
Sicile,  un  renfort  de  cavaliers,  6  a. 

Sempronius  s'empare  de  l'île  de  Malte, 
88  a. 

.  Serranus  remplace  Mancinus  dans  son 
commandement  en  Afrique,  117  a. 

Servilius  tente  une  descente  en  Afrique; 
est  repoussé  avec  perte,  88  a,  b. 

Servius  Fulvius ,  consul  avec  Marcus 
^milius,  met  en  déroute  la  flotte  carthagi- 
noise près  du  promontoire  Uermaeum,  47  b. 

Servius  Pœtinus  Nobilio,  consul  pendant 
ia  première  guerre  punique,  44  a. 

Sicca,  ville  de  Numidie  :  la  révolte  des 
mercenaires  contre  Carthage  y  éclate,  65  b. 

Sicile,  est  presque  en  entier  conquise  par 
les  Carthaginois,  commandés  par  Malchns, 
3  a;  renfermait  plusieurs  villes  d'origine 
phénicienne  ;  établis  d'abord  sur  la  côte  de 
Lilybée,  les  Carthaginois,  en  y  étendant 
leurs  conquêtes ,  y  soutiennent  des  guerres 
fréquentes  jusqu'au  temps  de  leur  expulsion 
par  les  Romains,  i33  a  (voyez  Agathôcle, 
Denvs  l'Ancien,  Denys  le  Jeune,  Gélon,  Ti- 
moleon,  Pyrrhus,  première  guerre  punique); 
est  abandonnée  pour  jamais  par  les  Cartha- 
ginois, 89  a. 

Silanus,  a  traduit  en  latin  un  traité  de 
Magon  sur  l'agriculture,  140  a. 

Soloès,  en  Sicile,  ville  d'origine  phéni- 
cienne, i33  a. 

Stade;  son  évaluation,  x4i  b,  i44a> 


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CONTENUES  DANS  CARTHAGE. 


160 


Spendius ,  chef  des  mercenaires  dans  la 
guen-e. 

Suffètes.  Malchus  est  le  premier  nommé 
par  riiistoire,  3  b,  i3o;  Asdrubal  revêtu 
onze  fois  de  celte  dignité,  5  b. 

Syphax,  roi  d'une  partie  de  la  Numidie, 
se  déclaré  pour  les  Romains  ;  les  Carlhagi- 
Jiois  le  repoussent,  88  b. 

Syracusains ,  secourent  d'abord  avec  suc- 
cès Âgrigente  assiégé,  mais  ne  peuvent  en 
empêcher  la  prise  par  la  famine,  8  b,  9  a  ; 
donnent  à  ses  habitants  la  ville  des  Léontins 
pour  asile,  9  a;  d'après  un  traité  conclu 
avec  les  Carthaginois  demeurent  soumis  à 
Donys  le  Tyran,  10  a;  suite  de  leurs  guer- 
res contre  les  Carthaginois,  10  a,  3o  b.Yoy. 
Denys  le  Tyran. 

Syracuse  donne  irae  idée  de  sa  puissance 
par  la  défaite  des  Athéniens  sous  Nicias, 
7  h;  devient,  sous  Denys  le  Tyran,  un 
vaste  atelier  de  vaisseaux ,  d'armes  et  de 
machines  contre  Carthage,  10  a;  troubles 
après  la  mort  de  Denys  le  Tyran  ;  Cartha- 
ge, Icétas  et  Timoléon,  envoyés  par  les  Co- 
rinthiens, se  disputent  cette  ville;  Denys  le 
Jeune  en  sort  et  se  réfugie  à  Corinthe;  Ti- 
moléon s'en  rend  maître ,  i5  a,  16  a;  sous 
Agathocle  reste  la  seule  ville  en  Sicile  non 
soumise  aux  barbares,  19  b;~est  assiégée 
par  les  Carthaginois;  Agathocle  en  sort 
our  lés  attaquer  dans  l'Afrique  même,  19 
1^  20  a;  Amilcar  en  lève  le  siège,  21  b;  il 
l'attaque  de  nouveau,  est  défait  et  y  est  mis 
à  mort,  25  a,  b;  après  la  mort  d' Agatho- 
cle, la  démocratie  ramène  les  dissensions 
dans  Syracuse  ;  les  Carthaginois  l'assiègent 
)ar  terre  et  par  mer,  3o  b;  les  Syracusains 
éputent  vers  Pyrrhus  pour  implorer  son 
secours  ;  ce  roi  est  bientôt  forcé  d'abandon- 
ner la  Sicile ,  3 1  a ,  b  ;  Hiéron  est  nommé 
roi  par  les  Syracusains,  32  a;  dans  la  deuxiè- 
me guerre  punique^  embrasse  le  parti  des 
Carthaginois;  est  prise  par  Marcellus,  89  a. 

T. 

Tage  :  près  de  ce  fleuve ,  Annibal  défait 
les  OlcadeSy  les  Vaccéens  et  les  Carpétans 
réunis,  81  a. 

Talent.  Son  estimation. 

Taureau  de  Phalaris,  transporté  à  Car- 
thage, est  rendu  aux  Agrigeutins  par  Scipion 
Émilien,  9  b. 

Tauromenium,  prise  par  les  Romains, 
34  b. 

Terraciniens ,  nommés  dans  le  premier 
traité  entre  les  Romains  et  les  Carthaginois, 
6  «« 


î 


5; 


Tertullien,  nature  de  son  génie,  1 54  a. 

Thermes,  fondée  par  les  Carthaginois, 
8  a. 

Timéc.  Son  évaluation  de  l'armée  débar- 
quée en  Sicile  par  Anuibal,  fils  de  Giscon, 
7  b  ;  it.  pour  le  siège  d'Agrigenle  par  An- 
nibal et  Imilcon,  fils  d'Hannon,  8  b. 

Timoléon,  envoyé  par  les  Corinthiens  au 
secours  de  Syracuse,  défait  Icétas,  entre 
dans  Syracuse,  reçoit  de  Denys  le  Jeune  la 
citadelle  et  toutes  les  troupes  qui  s'y  trou- 
vaient ;  Magon  II,  effrayé,  retourne  à  Car- 
thage qui  envoie  de  nouveau  une  armée 
nombreuse;  Timoléon,  favorisé  par  un 
orage,  la  défait  entièrement;  il  accorde  la 
paix  aux  Carthaginois,  i5  b,  17  b. 

Tite-Live  rapporte  la  mission  à  Carthage 
de  Magon,  frère  d'Annibal,  84  a,  85  b; 
énonce  les  conditions  du  traité  fait  entre 
Annibal  et  Philippe,  roi  de  Macédoine,  87 
b  (voy.  la  note)  ;  rapporte,  d'après  certains 
historiens,  qu' Amilcar,  vaincu  dans  la  Gau- 
le ,  fut  pris  et  mené  à  Rome ,  où  il  parut 
dans  un  triomphe,  97  b  (voy.  la  note). 
;  Tyr.  Carthage  en  est  une  colonie,  i  a  ; 
chaque  année  elle  y  envoyait  la  dîme  de 
tous  ses  revenus,  23  a. 

U. 

Utique,  sa  position,  i  a;  fondée  avant 
Carthage,  2  a  ;  mentionnée  comme  alliée  de 
Carthage  dans  le  second  traité  entre  les 
Carthaginois  et  les  Remains,  i5  a,  i32  a; 
est  prise  par  Agathocle,  27  b;  est  assiégée 
par  les  mercenaires  dans  la  guerre  de  Libye, 
68  b;  prend  tout  à  coup  parti  pour  eux, 
74  b;  soumise  enfin  par  Hamilcar  et  Han 
non,  77  b. 

V. 

Yaccéens,  peuples  d'Espagne,  vaincus  par 
Annibal ,  8 1  a. 

Vénus  Érycine  avait,  sur  le  mont  Éryx, 
le  plus  beau  de  tous  les  temples  de  la  Si- 
cile, 59  a;  il  tombe  au  pouvoir  du  consul 
Junius,  ibid. 

Victimes  humaines  immolées  à  Carthage 
dans  un  temps  de  peste,  4  a;  immolées, 
suivant  Hérodote,  par  Amilcar  sur  un  bû- 
cher dans  lequel  il  se  précipite  lui-même, 
6  b;  immolées  à  Saturne  et  à  Neptune  pour 
obtenir  la  fin  dé  la  peste  lors  du  siège  d'A- 
grigente,  8  b  ;  immolées  en  très-grand  nom- 
bre à  Saturne  par  les  Carthaginois,  après 
leurs  revers  dans  la  guerre  contre  Agatho- 
cle, 23  b  ;  immolent  aussi  aux  dieux  l'éhte 
de  leurs  prisonniers,  29  a;  combien  de 
siècles  durèrent  ces'  immolations,  139  b. 


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170 

1 40  a ;^  dans  quel  lieu  dles  se  faisaient, 
i43  b. 

Virgile.  Quelques  critiques  ont  cru  pou- 
voir justifier  son  anachronisme,  a  a  ;  attri- 
bue à  Didon  la  construction  du  théâtre  de 
Carthage,  147  b. 

X. 

Xanthippe,  de  Lacédémone,  un  des  offi- 
ciers amenés  dé  la  Grèce  avec  une  levée  de 
mercenaires,  par  les  Carthaginois;  ils  le 
mettent  à  la  tête  de  leur  armée;  il  remporte 
sur  Régulus  une  victoire  complète  et  se 
retire  dans  sa  patrie  :  discussion  sur  ce 
qu'Af^ien  et  Zonare  rapportent  sur  sa 
mort,  45  b,  47  b. 


TABLE  DES  MATIÈRES,  etc 


Xénophon.  Son  évaluation  de  Tannée 
débarquée  en  Sicile  par  Annibal,  fils  de 
Giscon^  7  b. 

Xercès  fait  alliance  avec  les  Carthagi- 
nois, dans  quelles  vues,  5  b,  6  a. 

Z. 

Zarzas,  Africain,  un  des  chefs  des  merce? 
naires  dans  la  guerre  d%  Libye,  75  b,  76  b. 

Zbuare.  Son  opinion  sur  la  mort  de  Xan* 
thippe,  47  a;  est  cité  sur  la  victoire  rem- 
portée par  les  Romains  près  de  Clypéa , 
que  cependant  ils  évacuèrent,  47  b,  4^  a. 

Zorus,  un  des  fondateurs  de  Carlhage, 
d*après  plusieurs  auteurs  anciens,  i  b. 


AVIS  POUB  LE  PLACEMENT  DES  6BAVUBE8. 


Numéros.  Pages. 

>  K.  Plan   de  Carthage  et  de  la  Péninsule 

(«lo) «4«-i49 

'  a.  Csrtbage  punique  et  romaine ibid. 

"  3.  Pays  compris  entre  Carthageel  Zungliar.ibid. 

•    4*  Ruines  de  Carthage ibid. 

.    5.  Alphabet.  Lettres  hébraïque»,  puniques, 

françaises , i4o 

'    6.  Tombeaux  puniques. ................   i43 

»  7.  Médailles z36-i37 

.    I.  MédaUles ;..ibid. 


MumétM.  P*g«. 

•  9.  Colonne    rostrale  âerée  4  Rome   en 

l'honneur  de  Duilius *. .  • .  39  e. 

*  10.  Annibal » 79 

*  II.  Scipîou I  rt  ^ 

'  is.  Médailles  représaotant  des  Taisseaux  an- 
ciens   &4-d5,  i37 

•  z3.  Temple  d'Ugga US 

'    z4.  Ruines  d'un  aqueduc  antique i48 

'    tS^  Thermes  de  Kawan. ibid. 


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CARTHAGE 

PUNIQUE   ET  ROMAINE. 


3O0  4-^  $•* 


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L'UNIVERS, 

00 

HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 

DE  TOUS  LES  PEUPLES, 

DE  LEURS  RELIGIONS,  MŒURS,  INDUSTRIE,  œUTUMES,  etc. 

L'AFRIQUE  CHRÉTIENNE, 

Par  m.  JEAN  YANOSRI,  * 

XGKéai  DE  l'université  ,  PROFESSEUR  D*HI8T0IRB  AB  COLtéCE  STANISLAS ,  etC. 


AVANT-  propos;  PBBMIEBS SUCCES 
DU  CHRISTIANISME  EN  AFRIQUE  ;  ÉTA- 
BLISSEMENT DBS  ÉVBCHÉS  ;  PBEMIEBS 
conciles;  AGRIPPINUS  ET  OPTAT, 
BVÊQUBS  DE  CABTHAGE.  —  En    nulle 

contrée  de  l'ancien  monde  le  christia- 
nisme n'a  été  plus  florissant  qu'en  Afri- 
que. Sur  la  vaste  étendue  de  côtes  que 
baigne  la  Méditerranée,  depuis  les  li- 
mites les  plus  orientales  de  la  régence 
de  Tripoli  jusqu*à  Tanser,  s'élevaient 
jadis  dans  les  villes,  à  la  place  occu- 
pée aujourdliui  par  les  mosquées ,  et 
là  même  où  Ton  ne  rencontre  plus  que 
le  désert ,  d'innombrables  églises.  Sur 
cette  terre  où ,  pendant  mille  ans  et 
plus ,  Mahomet  a  régné  sans  partage , 
on  ne  trouvait,  du  quatrième  siècle  au 
sixième ,  que  des  chrétiens. 

L'islamisme,  il  est  vrai,  a  changé  l'as- 
pect de  l'Afrique.  Il  a  fait  disparaître  de 
ta  Tripolitaine,  de  la  Byzacène ,  de  la 
province  carthajB;iooise,  de  la  Numidie 
et  des  trois Mauritanies jusqu'au  dernier 
vestige  de  la  civilisation  romaine  et  du 
christianisme.  Cependant  il  n'a  pu  effa- 
cer tous  les  souvenirs  qui  se  rattachent 
à  l'ancien  état  social  et  religieux  de 
ces  contrées.  L'Église  d'Afrique  avait 
J^é  avant  l'invasion  arabe,  à  l'Asie  et 
à  rEorope,  des  documents  sans  nombre 

AFB.   CHBKT. 


qui  attestaient  l'héroïsme  de  ses  martyrs, 
la  multitude  de  ses  membres ,  la  vio- 
lence de  ses  schismes,  et  la  science  de 
ses  docteurs. 

Cest  l'histoire  de  cette  illustre  Église 
que  nous  voulons  raconter  Pour  arri- 
ver à  notre  but  il  suffira  donc  de  consul- 
ter tous  les  titres,  anciens  et  vénérables, 
qu'elle  nous  a  transmis;  de  mettre  en 
œuvre,  en  un  mot,  les  matériaux  qu'elle- 
même ,  au  temps  de  sa  puissance  et 
de  sa  grandeur,  avait  pris  soin  de  ras- 
sembler (1). 

(  I  )  Nous  avoDs  donc  beaaconp  emprunté  aux 
anci<*nnps  légendes,  aux  canons  des  conciles  et 
aux  livres  de^  Pères.  Toutefois ,  nous  devon«$ 
dire  que  souvent  aussi  nous  avons  eu  recours 
aux  ouvrages  modernes  et  que  nous  y  avons 
pris  (  comme  le  témoignent  nos  citations  )  des 
opinions ,  des  vues  et  de  savantes  explications. 
Parmi  ces  ouvrages ,  il  en  est  un  dont  nou» 
parlerons  ici  en  quelques  mots. 

V Afrique  chrétienne  de  Morcelli  (  SUphnni 
AnÉanii  Morcellh  e  S.  J.,  f>rapositi  ecclcsiœ 
clarensis^  Africa  CtirisUana ,  in  tret  partes  tri- 
bufa.  Brixi<ty  18 1«;  io-4*}  est  ua  chef-d'œuvre 
d'érudition.  L'auteur  dans  ses  trois  volumes 
n'a  omis  aucun  des  faits  qui  se  rapportent  à 
l'histoire  du  clu'isUanisme  en  Afrique.  Mais 
d'un  autre  côté,  il  n'y  a  pas  une  idée  générale 
dans  cette  prodigieuse  compilation.  Morcelli 
semble  se  défier  de  sa  raison.  En  général ,  it 
s'abstient  d'apprécier  et  de  Juger  les  hommes 
et  les  événements.  Il  laisse  à  d'autres  le  soin  de 
tirer  la  coaclosion  des  faits  qu'il  a  si  soigneu- 
sement enregistrés.  SI  MorcelU  a  voulu  prou- 

1 


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i.mivî^Rst 


A  quelle  époque  et  par  quels  mi> 
sîonnaires  le  christianisme  fut-il  in- 
troduit en  Afrique?  On  Ti^çuore.  Sans 
doute,  dès  la  tiu  du  premier  siècle, 
quelques  disciples  dçs  apôtres  vinrent 
a'Asieou  d'Europe,  sur  (|bs  vaisseaux 
marchands,  pour  apporter  l'Évangile 
dans  les  populeuses  et  riches  cités  du 
littoral  africain.  Carthage  dut  éti*e  le 
point  de  départ  de  la  prédication,  il 
est  vraisemblable  que  cç  fut  aussi  dans 
la  capitale  de  ^Afrique  que  fut  élevé  le 
premier  siège  épiscopal.  La  doctrine 
nouAKelle  sa  répandit  aveo  sa(>idité  daiift* 
l'intérieur  des  terres.  Là ,  comme  ail- 
leurs, elle  gagna  ^  ainsi  que  l'attestent 
d*anciens  documents,  tes  actes  des 
martyrs  par  exemple ,  des  hommes  de^ 
toutes  les  classes,  depuis  les  esclaves 
jusqu'à  ceux  qui  occupaient  le  premier 
rang  dans  la  société  romaine. 

Saint  Cyprien  nous  apprend  que  dès 
la  fin  du  second  siècle  il  y  avait  dans 
la  Proconsulaire  et  dans  la  Nuinidie 
un  grand  nombre  d'évèchés  (1).  Agrip- 
pinus,  le  premier  évéque  connu  èe 
Cartilage,  convoqua  à  cett€  époque  un 
concile  où  il  lit  statuer-  que  les  héréti- 
ques qui  voudraient  rentrer  dans  le 
sein  de  l'Église,  siéraient  soumis  à  un 
second  baptême.  L'opinion  qui  fut 
émise  dans  ce  concile,  et  qu'approuva 
plus  tard  saint  Cyprien,  a  été  con- 
damnée par  r Église. 

Optât,  après  la  mort  d'Agrippinus , 
occupa  le  siège  épisco|^l  de  Carthage. 

PROPAGATION  D£S  IDÉES  CHRS^ 
TIENWFS;  LA  PERSÉCUTION  EN  AFRI- 
QUE; LES  BIARTVRS   SCILLITAINS.   — 

Les  idées  chrétiennes  §e  répandirent 
avec  rapidité  dans  toute  l'Afrique.  La 
doctrine  nouvelle  obtint  danâ  cette 
province  un  tçl  succès  que  bientôt  1q 
gouvernement  impérial  en  conçut  de 
vives  alarmes.  Septime  Sévère  ordonna 
au  prqconsul  Vigellius  Saturnin  de 
faire  d'activés  recheri-hes  et  de  punir 
par  le  dernier  supplice  ceux  qui  refu^ 

ver,  non  qu'il  savait  penser,  mais  seulement 
qu*il  savait  lire  et  compiler,  il  a  complètement 
réussi.  Il  a  montré  flaii.s  son  travail  (et  c^est 
là  hans  doute  la  seule  louirige  qu'il  ait  recher- 
chée )  une  patience aiiniiraltle.  Kn  résumé,  pour 
les  dates  el  IVxaetilude  drs  faits,  Morcelli  est 
un  gtiide  três-bùr  que  nous  n*avons  Jamais 
abandonné. 

(ï)  Cypriani  epist.  71  nd  Quint.  ^Y.  aussi 
Morcelli  (  A/rica  cUnstiana  /,  1. 1 ,  p.  30, 


seraient  de  jur^  jar  le  génie  des  em- 
pereurs et  de  sacrifier  aux  dieux. 
Bientôt  douze  chrétiens  de  la  ville  de 
Scilla  (1)  furent  saisis  et  amenés  à 
Cartilage ,-  Rêvant  le  tribunal  ^  rofon- 
sulaise.  Saturnin  leur  promit  1(|  pardon 
des  empereurs  slls  voulaient  renoncer 
aux  croyances  qu'ils  avaient  embras- 
sées. IH^is  tou$'4'ui^^  ^^^^  unanime 
s'écrièrent  :  Nous  sommes  chrétiens  et 
nous  voulons  restçf  chrétiens,  ^rat 
était  le  plus  ardent  des  accusés;  fl  sti- 
mulait le  courage  des  autres  par  sa 
ferraatéetki  véhemeneedeses  répormof. 
Enfin  le  proconsul  cessa  de  promettre 
et  menaça.  L^  chrétiens  restèrent  in- 
ébeanlables.  Alors  Saturnin  prononça 
contre  Spérat,  Narzal,  Ottin,  Vetu- 
rius ,  FeUx ,  Acyllin ,  Letantius,  et  cinq 
femmes,  Januâria,  Generosa,  Vestina, 
Donata  et  Seconda,  une  sentence  de 
condamnation.  Ces  premiers  martyrs 
de  rf:glise  d'Afrique  se  rendirent  au 
lieu  du  supplice  sans  proférer  une  plainte 
et  sans  rien  perdre  de  leur  résolution. 
Ils  eurent  la  tête  Granchée.  Cette  san- 
glante exécution,  loin  de  ralentir  le  zèle 
des  chrétiens,  ne  fit  gue  l'enflammer. 
Le  nom  des  douze  victimes  était  répété, 
dans  leurs  réunions  secrètes,  avec  vé- 
nération ;  plusieurs,  parmi  les  païens, 
se  laissèrent  gagner  aux  doctrines  qui 
inspiraient  tant  de  dévouçtpent  et  d'hé- 
roïsme, et  ceux-là  mêmes  qui  ne  re- 
noncèrent point  aux^croyances  et  à  la 
pratique  de  Fancîenne  religion  ne  pur 
rent  s'empêcher  d'admirer  les  martyrs 
si  fameux  dans  l'Église  squs  le  noii| 
de  martyrs  scUlitairis, 

ENTHOUSIASME     DES     CHBÉTÎENS , 
L'A.P0L0GÉT1QUE  de    TEBTULLIEN.  — 

La  mort  de  Sperat  et  de  ses  compagnons 
,et  toutes  les  rigueurs  de  la  persécution 
n'avaient  donc  point  abattu  leschrétiens. 
Loin  de  là ,  elles  avaient  excité  parmi 
eux  un  redoublement  d'énergie  et  d'ar- 
deur qui  allait  jusqu'à  renthousiasme. 
«  Tel  fut  le  progrès  de  cet  enthousiasme 

3ue  là ,  comme  ailleurs ,  la  cruauté 
es  gouverneurs  romains  fut  vaincue 
par  la  foule  des  victimes.  Toute  la  pro- 
vince d'Afrique  se  remplit  d'églises  , 
d'évêchés.  Le  nombre,  ta  richesse  des^ 
chrétiens  s'accroissaient  dans  les  épo-^ 

(I)  Cette  villf  éUits|[tuéf  d^iui  U Pipi^mb. 
liUrt. 


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APRTÛÏÏE  CHBltTIENNE. 


M 


s'eialtai^nt  ém^  l^$  joiira  de  persét- 
«ution,  ftt  (^tjB  a)r3rnatir»  £Ei)rari«9il 

veau  (1).  ■'» 

ï^  BHf^uUm  «lîvft  son  iwjurs. 

Tdu«  l^  «br^ier^i  qiM  furent  «iHAr 
nés  d^mn  Ittfi  n^ftr^  imitér^^i 
y^mm\9  d^  SpilUkùna,  leurs  iUufr 
\feii  d«vj^#r#î  ils  n^ndaii^  aviNi 

résignés.  GepÇiKJdf?!;*  i  la  vine/^iajig 
?^rsé,  il  f  «ttl  des  vm  %m  ^'kW^ifiJ^ 
p^ur  demaodi»r  e^mialUt  mf^  }mnTfmk% 
i^  leurs  iniitiliy^  bxnnn,  «  ûu«  &r«Ni^ 
Yii^us,  4i$aU  up  «biP^tûsi»  d'Afrique, 
4^  £66  rnilljiers  d'^onam^ ,  A»  C^mfn«• 
d«  tput  ége,  da  l^ut  rang,  ^i  «résenv 
t^^t  l^urs  lM*as  à  vos  (tiialoasP  if^  m\y^ 
bien  4^  feu»,  d<e  «pmbi^  d«  glaivM 
D^aurezrvous  pas  b^soiji?  Péiiiinar^g? 
yjous  (Garth»g^?  ;?  I^  plus  éiKM[u«at  ia? 
tftrprètje  d^  TÉgM^  f^ersécutii  fui 
alprs  \m  bomnm  fmf^^m%  de  Caitv 
tbage,  TertulU^fi,  iqui,  après  uii^  vin 
agitée,  ayait  adopté  lies  uroyan^e^s  d^ 
chrisdanisina  al  était  enicé«  suiyani 
d'ao^iaostém^igniogies,  dans  lies  ordraa 
sacrés.  Il  écrivji ,  pour  la  défense  da 
sas  frères ,  uo  liyra  oélèbre ,  ïjépologée 
tique.  Dans  les  ^g^  véhéinantes  da 
ae  plaidoyer  ïï  n'iiiiplora  point  hum* 
bteinent  pour  les  lèréliena  la  pitié  das 
bourreaux.  t<  La  vraie xloctrin« ,  dit-il, 
06  demanda  point  de  grâse,  par^d 
qu'elle  n'est  ppint  étonnée  da  ^n  sort. 
tM  sait  qu^eile  est  i^^ivelie  et  étrangère 
en  &t  monde  et  o^%  parmi  das  étran- 
gers on  trouve  aisément  des  enpeaus. 
Son  origine,  sa  demeure,  son  espérance, 
sa  puissance ,  sa  gloire ,  tout  ^l  dans* 
le  4nei.  Pour  le  présent  elle  ne  veut 

aucune  chose,  c'est  qu'on  ne  la  eon? 
anuie  pas  avant  de  la  connaître.  Lm 
lois  humaines,  seront-elles  affaiblies  d 
vous  l'écoutez?  j>  il  y  a  au  contraire^ 
dan$  las  paroles  de  TertulUen,  eetis  au* 
daee  et  nous  dirions  peesqu^  cet  or? 
eieil  que  ressentent  les  partirons  d'une 
doctrine  qui  fait  diaque  jour  de  Hou» 
veaux  progrès  e|  qui  prévoient,  pour 

(l)M.  VfllemiJQ;  de  réloqu,enpe  chrétiefinc 
dan*  le  quatrième  siècle;  vpy.  L^  ISouvegux 
itéiangff^  p.  454. 


Ijeyrs  idées ,  un  prodiatn  trioniplie.  VJ* 
fiiologétigue  disculpe,  il  est  vrai,  les 
lîhrétiens  ;  elle  montre  la  fausseté  des 
accusations  portées  ^^ontre  eux;  eUe 
réduit  è  néant  les  ealomnies  que  les 
partisans  habiles  du  polythéisme  répaa- 
deient  à  dessein  parmi  le  peuple  ;  mais 
la  but  de  Fauteur  est  moins  de  proi|. 
ver  rinn4M{enee  des  chrétiens  que  d'inf- 
pmm  eaux  auxquels  il  s'adresse;  en  un 
mot,  ïdpolQçéiiqm  9siinmH&  urni  jus- 
tification qu'une prédieatiiMi.  C'est  aussi, 
^contre  l'ancienne  religion,  une  violent 
satire.  En  expliquant  \ê  ehristianisnae 
Tertullien  Foppose  néioessairement  mx 
p(^ythéisme,  qu'il  attaque  avec  m^  Xt^- 
Qm  pressante  et  en  s'aidant  plus  d'une. 
î^%  dans  la  discussion  de  mordant^ 
at  anières  railleries.  Çà  et  là  on  reqconr 
tre ,  dans  son  oçuvre ,  è  c^té  de  ïe^t^r 
gération  et  de  Temphase  africaines ,  di^ 
Iraits  d'une  hante  éloquence.  Â  c^ux  q^é 
s'étonnaient  des  réclamations  des  chrér 
tians  et  q^i  disaiei^  :  ûie  quoi  voue 
plaignez'vous ,  puisque  vous   voulas 
souffrir?  il  répond  :  4  Vous  aimons 
les  souffrapces  £on^iie  on  ai^e  la 
guerre  ;  on  ne  s'y  engage  pas  vo1oim> 
tiers  à  cause  àe^  alarmes  et  à^  périla$ 
mais  on  y  combat  de  toutes  ses  forces 
et  on  sa  réjouit  de  la  victoire.  Motre 
combat  consiste  À  être  traînés  devant 
les  tribunaux  pour  y  déf^ndre  la  vé» 
rite  aux  dépens  de  notre  vie.  Voue 
avez  beau  nous  montrer,  comma  chose 
infamante,  {^&  pieux  auxquels  i^oua 
nous  attachez ,  le  ^anneol;  sur  lequd 
vous  nous  brûlez.  Ce  sont  là  nos  rot 
bes  de  liêtee ,  nos  diars  de  triomphe , 
les  éclatant^   téipoignagas  de  notre 
victoire,  lous  sommes,  dites-jrous, 
das  ûirieux  at  des  foue  à  pause  de 
ce  mépris  xie  la  mort  qui  a  pourtant 
rendu  a  jamais  illustres  Scévola ,  Ré- 
culus,  £mpéd9cle,  Anaxarqua  et  tant 
d'autres  ;  ah  quoi  !  faut-il  donc  souffrir 
toutes  sortes  de  maux  pour  la  patrie, 
pour  l'empire,  pour  l'ainitié,  et  riea 
pour  Dieu?  ^   Ailleurs  on  trouve  le 
passage  tant  de  lois  cité  :  «  B^isqua  » 
iifm!^^  BOUS  Fevoas  dk,  M  nous  esl 
ordonné  d'ainer   nos  ^nemis,  qui 
pourrions-nous  haïr?  De  méum^  k'û 
nous  est  défendu  de  nous  venger  die 
ceux  qui  nous  offensent  pour  ne  pas  leur 
ressembler,  qui  pourrions-nous  offenaacf 

U 


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>4 


L'UNIVERS- 


Vous-mêmes,  Je  voas  en  fais  juges, 
combien  de  fois  vous  êtes- vous  déchaînés 
contre  les  chrétiens,  autant  pour  sa- 
tisfaire à  vos  préventions  que  pour 
obéir  à  vos  lois!  Combien  de  fois,  sans 
même  attendre  vos  ordres ,  la  populace, 
de  son  seul  mouvement,  ne  nous  a-t-elle 
pas  poursuivis ,  les  pierres  ou  les  tor- 
ches à  la  main!  Dans  les  fureurs  des 
bacdianales ,  on  n'épargne  pas  même 
les  chrétiens  morts ,  détigui^s ,  demi- 
consumés;  on  les  arrache,  pour  dis- 
perser leurs  restes,  de  fasile  de  la  mort, 
ou  repos  des  sépulcres  Cependant  nous 
a^t-on  jamais  vus  chercher  à  nous  ven- 
Çer ,  nous  que  Ton  pousse  avec  tant  dV 
cbarnement,  nous  que  Ton  n*épargne 
pas  même  dans  la  mort  ?  Pourtant ,  * 
il  nous  suffirait  d'une  seule  nuit  et 
de  quelques  torches,  s'il  nous  était 
permis  de  repousser  le  mal  par  le 
mal,  pour  tirer  des  maux  dont  on 
^ous  accable ,  une  terrible  vengeance. 
Mais  loin  de  nous  Tidée  qu'on  puisse 
venger  une  société  divine  par  le  feu 
humain,  ou  que  cette  société  puisse 
s'affliger  des  épreuves  qui  la  font 
connaître  !  Que  si ,  au  lieu  d'agir  sour- 
dement »  nous  en  venions  à  dés  repré- 
sailles ouvertes,  manquerions-nous  de 
forces  et  de  troupes?  Les  Maures,  les 
Marcomans ,  les  Partlies  même ,  quel- 
que nation  que  ce  soit  renfermée  dans 
ses  frontières,  est-elle  plus  nombreuse 
que  nous ,  c'e^t-à-dire  qu'une  nation 
qui  n'a  d*autres  limites  une  Tunivers  ? 
Nous  ne  sommes  que  d'hier,  et  nous 
remplissons  tout  ce  qui  est  à  vous, 
vos  villes,  vos  places  fortifiées,  vos 
colonies,  vos  bourgades,  vos  assem- 
blées, vos  camps,  vos  tribus,  vos 
décuries ,  ie  palais ,  le  sénat ,  le  forum  ; 
nous  ne  vous  laissons  que  vos  tem- 
ples !  »  Ce  livre,  si  plein  de  raison ,  de 
chaleur  et  d'éloquence ,  dut  avoir  un 
immense  retentissement.  Il  gagna,  on 
peut  le  croire,  bien  des  âmes  à  la 
nouvelle  religion  et,  d'autre  part,  il 
rafiermit  ceux  que  la  persécution  avait 
ébranlés.  Plus  d'un  chrétien,  sans 
doute,  en  lisant  l'œuvre  de  Tertullien, 
dut  répéter,  dans  un  élan  d'irrésistible 
enthousiasme,  quelques-uns  des  mots 
qui  terminent  Vyipologétique  :  «  Cou- 
rage, magistrats!  puisque  le  peuple 
yous  trouve  meilleurs  quand  vous  lui 


immolez  des  chrétiens,  CAndamnèa?» 
nous,  tourmentez-nous ,  déchirez-nous 
écrasez- nous  I  Notre  san^  est  une  se- 
meuse féconde.  Nous  multiplions  quand 
vous  nous  moissonnez.  » 

TEBTULLIEN    BT  SES   ŒUTBES.    — 

Tertullien  avait  déjà  parlé  en  faveur 
des  chrétiens,  mais  avec  moins  d'é- 
loquence, dans  son  ouvrage  adressé 
aux  Nations.  Dans  ce  dernier  ouvrage, 
comme  dans  V/4pologéti^ue,  ses  dé- 
monstrations sont  nécessairement,  à 
cause  du  cadre  étroit  où  il  se  renferme , 
succinctes  et  tronquées.  Il  les  com- 
pléta par  son  traité  du  Témoignage  de 
Tûme,  Sa  polémique  contre  le  poly- 
théisme ne  l'absorba  pas  tout  entier; 
il  fit  encore  une  rude  guerre  aux  juifs 
et  principalement  aux  chrétiens  qui 
s'étaient  écartés  de  la  tradition  et  de 
la  vraie  doctrine.  C'est  là  <}u'ii  excelle 
par  la  logique.  Les  marcionites  sont 
rudement  attaqués  par  Tertullien  Mar- 
cion  reconnaissait  deux  essences  divines 
supérieures  à  toutes  les  autres:  Tune 
active,  l'autre  inactive;  un  dieu  qui  se 
manifestait  par  des  actes,  un  autre 
qui  restait  immobile.  Ces  deux  d:eux 
étaient  égaux  en  puissance  et  coéter- 
nels.  Il  y  avait  dans  le  système  de  Mar- 
cion  une  vague  tendance  vers  la  doc- 
trine orientale  des  deux  principes  du 
bien  et  du  mal ,  en  ce  sens  que ,  pour 
lui ,  le  dieu  qui  agit  est  Tauteur  du 
mal ,  tandis  que  le  dieu  inactif  est  es- 
sentiellement bon.  Tertullien  ne  discuta 
point  seulement  contre  Marcion ,  mais 
aussi  contre  Hermogène,  qui  ne  recon- 
naissait, il  est  vrai,  qu'une  seule  essence 
divine,  laquelle  est  le  principe  du  bien , 
mais  qui  faisait  la  matière  coéternelle 
à  Dieu  et  cause  première  du  mal.  Puis, 
il  attaqua  Praxéas  qui,  par  une  vive 
réaction  contre  la  doctrine  du  dualisme 
divin,  alla  iusqu  à  nier  la  Tnnité  pour 
mieux  établir  Tunité  de  son  dieu.  Ter- 
tullien, on  le  conçoit ,  défendit  la  Tri- 
nité et  conséquemment  le  dogme  de 
l'incarnation.  Il  combattit  encore  à  plu- 
sieurs reprises  les  hérésiarques  dans 
divers  ouvrages  et  notamment  dans  son 
traité  de  la  Chair  du  Christ  (  de  Came 
CAri«/i),  dans  \t  Scorpiaque  ^  et  dans 
la  discussion  générale  qui  est  connue 
sous  le  nom  de  Prescriptions. 
Tertullien  s'élève  avec  une  grande 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


violence  contre  Tancienne  philosophie. 
Il  abhorre  les  gnostiques  et  tous  ces 
savants ,  parmi  les  chrétiens ,  qui ,  de 
son  temps  déjà,  enfantaient  sur  Dieu 
et  la  création ,  des  svstèmes  empreints 
de  Fesprit  grec  et  de  Pesprit  oriental. 
Cest  (fans  cette  "haine  contre  la  tradi» 
tion  philosophique  y  si  nous  pouvons 
nous  exprimer  ainsi ,  que  se  trouve  une 
grande  part  de  son  originalité.  A 
défaut  de  la  science  qu*il  repousse  et 
à  laquelle,  cependant,  i!  n'est  pas  étran- 
ger, Tertullien  s'appuie  sur  le  bon 
sens,  et  plus  souvent  encore  il  appelle  à 
son  aide  un  auxiliaire  plus  puissant,  à 
savoir,  la  vivacité  de  sa  foi. 

Dans  les  œuvres  consacrées  exclu- 
sivement à  la  polémique ,  comme  dans 
les  traités  sur  le  baptême,  la  péni- 
tence, la  prière,  Tidolâtrie,  les  spec- 
tacles ,  le  pallium ,  la  chasteté ,  la  pa- 
tience, etc.,  on  trouve  les  qualités  et 
les  défauts  de  V Apologétique  :  une  lo- 
gique puissante,  une  chaleur  qui  se 
manifeste  souvent  par  des  traits  d'une 
sublime  éloquence.  Ajoutez  à  cela  une 
fine  raillerie,  une  grande  vivacité  et 
parfois  aussi  de  la  grâce.  On  rencon- 
tre, il  est  vrai^  dans  tous  ces  livres, 
les  vices  de  Fesprit  africain ,  un  goût 

frononcé  pour  les  images  hardies ,  de 
exagération  et  de  Femphase,  et  çà  et 
là,  de  la  gène,  des  obscurités  et  de 
la  confusion.  iVfais  les  beautés  plus 
nombreuses  et  plus  saillantes  que  les 
défauts  ont  acquis  à  Tertuilien  une 
gloire  que  le  temps  n'a  point  encore 
affaiblie. 

Tertuilien ,  suivant  d*anciens  récits, 
vécut  séparé  de  FÉglise  catholique, 
dans  la  seconde  moitié  de  sa  vie,  et 
partagea  l'erreur  des  montanistes.  Ce 
changement  s*explique  par  la  nature 
même  de  son  esprit.  Montan,  le  chef 
de  la  doctrine  qu'il  avait  embrassée, 
prétendait  déjà  de  son  temps  que 
les  chrétiens  vivaient  dans  un  funeste 
relâchement;  il  voulait  donc  changer 
leurs  mœurs,  les  régénérer.- D'autre 
part,  ilxroyait  au  don  de  prophétie. 
Tertuilien  se  laissa  entraîner  volon- 
tiers, par  sa  foi  vive,  dans  l'erreur 
de  Montan.  Il  crut  en  deux  femmes 
exaltées,  Maximille  et  Priscille,  qui  se 
disaient  animées  de  Fesprit  de  Dieu. 
Puis,  comme  son  rigorisme  avait  tou- 


jours été  croissant,  depuis  le  jour  où 
il  avait  engagé  le  combat  contre  le  po* 
lythéisme,  et  qu'à  la  vue  des  périls 
qui,  de  toutes  parts ^  menaçaient  FÉ- 
glise ,  son  indulgence  pour  les  faibles 
et  les  hérésiarques  s'était  progressive- 
ment affaiblie,  il  approuva  sans  hésiter 
une  morale  qui  n'avait  point  de  par- 
don pour  les  fautes  les  plus  légères. 
Ce  changement  dans  ses  convictions 
lui  dicta  sur  le  jeûne,  la  pénitence, 
le  martyre ,  des  pages  remplies  de  so- 
phismes,  et  tout  empreintes  du  rigorisme 
le  plus  exagéré.  Plus  tard,  son  esprit 
indépendant  le  détacha  des  montanistes. 
Il  se  fit  le  chef  d'une  nouvelle  secte 
dont  les  membres  s'appelaient,  de  son 
.  nom ,  TertuUianistes,  Ils  étaient  nom- 
breux en  Afrique.  Ce  fut  saint  Augustin 
qui  les  ramena  dans  le  sein  de  l'Église 
catholique.  Nous  serions  porté  à  croire 
que  ces  chrétiens  austères  jusqu'à  l'ex- 
cès favorisèrent  au  moins,  s'ils  ne  le 
provoquèrent  pas  en  partie,  le  schisme 
des  donatistes. 

Toutefois,  malgré  les  écarts  qu'ils 
reprochent  à  Fauteur  de  V  Apologéti- 
que ,  les  docteurs  les  plus  illustres  du 
christianisme  lui  ont  tenu  compte  des 
efforts  qu'il  avait  faits  pour  préciser  et 
coordonner  leurs  dogmes  aux  yeux  des 
païens;  ils  n  ont  pas  oublié,  nonobstant 
sa  chute,  gue  sa  controverse  avait  été , 
pour  ainsi  dire ,  le  point  de  départ  de 
tous  leurs  écrits  ;  à  toutes  les  époques, 
ils  ont  prodigué  à  cet  héroïque  lutteur 
les  louanges  et  les  témoignages  de  la 
plus  vive  admiration;  et  parmi  eux,  il 
s'est  trouvé  un  saint,  qui,  faisant  allusion 
non  point  seulementau  temps  où  Tertui- 
lien avait  vécu,  mais  encore  à  son  mé- 
rite, n'a  pas  craint  de  l'appeler  le  pre- 
mier des  Pères  de  l'Église  (1). 

(I)  Voy.  sur  Tfrîallien  et  sfs  écrits  :  August 
Nf ande  r;antigu  ostik  us  Geist  des  Ter  tu  ftia  n  us 
vnd  Ei  il  If  il  vu  g  in  dessen  Srhrijten  :  Berlin, 
1825.—  M.  J." P.  Charpentier;  Efitde  histo- 
rique et  litlènnre  sur  TerluHien;  FarLs,  1ïÎ39. 

—  Henri  Riller;  Histoire  de  la  philosophie 
chrétienne,  traduite  de  l'allemand  par  Trul- 
lard;  t.  I»  p.  325  —  37fi;  Paris,  1843.  Ritler 
g'est  servi  plus  d'une  fois  du  livre  de  Neander. 

—  Fleury;  Histoire  ecclésiastique,  t.  H,  p.  5  et 
sulv.;  ln-4».  —  Berault-Bercaslel  ;  Histoire  de  VÉ^ 
glise;  1. 1, p.  368  et  suiv.  —  Rohrbaclier;  His^ 
toire  universelle  de  l'Église  catholique  ,  t.  V, 

E.  243  et  suiv.;  Paris,  1842.  —  Voy.  aussi  : 
udw.  Gieseler;  Lehrbuchder  Kîrchengeschi- 
chte;  t  I ,  p.  232  et  suiv.  ;  Bonn  ,  1831. 


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L^inilYER». 


Téndllién  étail  né  dan»  la  dernière 
môîlié  d(i  second  siècle;  H  parvint ^ 
suivant  d'anciens  témoigdagesy  à  wa9 
extrérfie  vieillesse. 

SUITE  BB  LA  PBBsicilTlOIl  ;  VàË» 
TYBB  DE  rEBPÉTUl!^  BB  FBllCltB; 
DE  fiévOOAlU»^  D*  liATiiHlffJl,  BB 
SÉCtlNBÛLtJS   B1  BB  SATUB.  a*   M»^ 

gré  V^pala§iétl^^e  de  TertïïWim  et  M 
nombreuses  réclamations  <  en  fdveiff 
des  eh^étiens^  qui  arrivaient  sans  doute 
de  toutes  lés  provinces,  Septime  Sévère 
et  ses  juri8ooi1sti)t«s  ne  eherehèrenl 
peint  à  sé  rëndfe  cdinpie  des  dogmes 
et  des  enseignements  âe  )a  religion  per« 
eécutée.  Ce  mi'fls  royaieht  surtout  dani 
le  christiduisHie,  e'était  une  doétrinë 

^ul  conduisait  â  ridfraction  des  lois^ 
.es  chrétiens  refusaient  avec  une  obs- 
tination invincible  de  jarer  par  lé  gé- 
ilie  des  empereurs.  C'était,  aux  fëui 
de  Sévère  et  de  ses  légistes  ^  an  acte  de 
l'ébellion^  un  erinie  de  lèèe^majestét 
Aussi,  ils  se  montrèrent  impitoyables^ 
et  ils  prescrivirent  des  rigueurs  que  de^ 
tait  encore  aggi*aver  le  zèle  l'eti||ieux 
des  Juges  qbi  étaient  restés  paftisang 
sincères  du  polythéisme;  Mèis^  nous 
l'avons  dit^  les  dirétienè  ne  se  laissé* 
fent  point  effraver  )  inébranlables  daH», 
leur  foi,  animés  en  outre  du  plus  vif 
enthousiasme^  ils  se  présentaient  avee 
résolution  devant,  les  tribunaux  <  répon- 
daient avec  assurance,  et  he  perdaient 
rien  de  leur  fermeté  au  milieu  des  plue 
horribles  tortures.  Ils  se  réjouissaieni 
en  vue  do  ce  qu'ils  appelaient  leur  tridni« 

Îhe  prochain;  parfois ^  ils  Se  plaisaient 
raconter  eux-mêmes^  par  écrite  Ift 
longue  série  de  leurs  souffrances  ^  et» 
quand  le  fer  du  bourreau  arrêtait  leur 
main,  ils  confiaient  il  iln  de  leurs  frèree 
le  soin  de  dire  aux  Églises  comment  ils 
étaient  morts,  et  de  terminer  ainsi  le 
îécit  qu'ils  avalent  commencé.  Nous 
avons  déjà  t)arlé  des  Sdillimns.  î^oui 
flevons  raconter  mâîhtëhaht  ùtt  autfô 
martyre,  qui  Commença  dans  les  pri- 
éons  et  àe  termina  dans  l'amphithéâtre 
de  Cartha.iïP.  A'ous  reproduirons  léi 
textuellement  ^  dans  ses  parties  les 
plus  importantes,  tm  ancien  document 
qui,  si  l'on  considère  les  faits  gil'il 
eontient,  les  circonstances  au  milieu 
desquelles  il  a  été  écrit,  et  l'admira- 
Ble  simplicité  4^  s^  forme,  doit  être 


mi^  assurément^  ao  nmnbre  des  phif 
belles  légendes  du  ehristianisme  (l). 

«  On  arrêta  j.à  Cartha|[e  (202  ou  203}  4 
Hévocaius  et  Félicité^  esclaves  du  même 
maitre  ,•  Saturnin  et  Secundulus ,  et  avee 
eux  Vivîa  Perpétuai  issue  d'une /ami  lie 
riche  et  puissante.  Elle  avait  été  élevée 
avee  soin  et  bien  mariée.  Elle  avait 
son  père  el  sa  mère^  deux  frères  ^  l'un 
desquels  était  catéchumène,  et  un  enfant 
à  la  mamelle  qu'elle  nourrissait  de  soii 
lait.  Son  âge  était  d'environ  vingt-deu}& 
ansi  Elle-même  a  écrit  ae  sa  main  et 
raconté  1  ainsi  qu^il  suit  f  l'histoire  dé 
son  martyre: 

«  Comme  noUs  étions  eneore  avee 
les  perséeuteur^  4  et  que  mon  péré  con- 
tinuait a  vouloir  me  faire  tomber  par 
l'^lffeetion  qu'il  me  portait  «  Je  lui  çlis  s 
Mon  père ,  v^yeié^^vous  ce  vase  qui  est 
par  terre?  Qui  4  dit-il.  J'ajoutai:  Peut- 
op  lui  donner  un.  autre  nom  que  lof 
sien  ?  Ifon  ^  répendit-it.  ie  ne  puis  poit 
non  plusf  moi,  me  dire  autre  chos» 
que  je  ne  suis  «  c'est-à-dire  chrétienrie» 
Mou  pèrcf  touehé  de  ce  motf  se  jeta 
sur  moi  pour  m'arraohei?  les  ^  yeux  | 
mais  il  ne  fit  que  me  maltraiter  et 
s'en  alla  vaineu  avee  les  inventions  dit 
démoni  Ayant  été,  quelque;;  jours  sanè 
voir  mon  ipèrcf  j'en  rendis» grâces  au 
l^eigneur  ^  et  son  absence  me  soulagea. 
Ge  fût  dans  l'intervalle  de  ce  peu  ds 
jours  que  nous  fûmes  baptisés;  of» 
je  né  songeai,  au  sortir  de  Teau,  qu'a 
demander  la  patience  dans  les  peines 
corporel ieSi  Pep  de  jours  après  ^  en 
nous  mit  en  prison;  j'en  fus  enrayée^ 
car  je  n'avais  jamais  vu  de  telles  ténè- 
bres. Ôh!  que  ce  jour  me  durai  quelle 
chaleur!  on  étouffait  à  cause  de  la 
feule  (  puis  des  soldats  nous  poussaient 
avec  brutalité}  enfin  je  séenais  d'in** 
quiétude  pour  moâ  enfant.  Alors  les 
bénis  diacres  Tertius  et  Pompone,  qui 
nous  assistaient,  obtinrent*  |i  prix 
d'argent ,  que  pour  nous  rafraîchir  nous 
pussions  i^asser  en  un  lieu  plus,  com- 
mode de  ta  prison»  Kous  sortîmes  ;  cha-« 
cun  pensait  à  soi  :  je  donnais  à  téter 
à  mon  entant  qui  mourait  te  faim« 

(I)  Vejr.  le  f^cuH!  de  Buinart  î  Atta  pf^ 
mwrum  marlyrum  tincera  et  telecta  (  Paris  ^ 
1689,  in-4o),  p  g5,  fijQug  empniutons  la  tra^s 
(hiction de  Fteurv,  revùeel modifiée qurt«(w»telé 
par  Tabbé  Rohrbacher.  Nous  avoD$  essayé,  4 
neUe  lour«  de  eorriier  eelte  dernière  traduction» 


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AFRHitlÈ  CHRÉTIENNE. 


je  fortifiait  moa  n^  et  iui  i*ecoïnmart- 
ëa\^  m^n  fils,  tt  ^bai^  de  doulèut, 
fàfèè  dtte  }%  lèë  Vî^is  eux-mêmes  sé- 
^àtit  m  ém\eui  pour  l'àrtiour  de  ttioi  ; 
je  passai  |)[i>sfeiui*s  Jèurs  datis  (*es  iù- 
quiéttide».  M'étàmt  ^(iCàuVaiùée  à  gartièr 
*non  feftfaïit  dâihs  te  pi-ison ,  je  me  trou- 
vai àtissitét  fettîtiéé,  et  là  prisoil  me  dé- 
tint irti  j&alaîs-,  en  Sorte  que  faîmals 
ftHèiix  y  étte  ^U'a^iretirè.  Mon  frère  rtie 
dît  atdrt  t  Madame  et  s(teuîr,  déjà  voiA 
êtes  en  graltfie  faveur  aupi^s  de  IXeu  ; 
^màndét-hil  ébhc  qnll  vous  fasse  tôfl- 
Mîtrô  p^  quelque  vision  si  Vods 
devez  finir  par  le  martyre  ou  par  étft 
ïëfidùéàlàliMttfr.  i 

Perpétue,  en  efifel,  éul  Mè  VIsîôh 
^ndant  isôïi  sômftieil.  Elle  (*omprii 
qu'elle  était  dèStiAéfe  au  ttiat^yrè.  Elle 
re  dit  à  son  firêf^;et  tmii  deux ,  suivant 
Texpi'essièil  de  là  !saintè,  èotnméncê- 
rènt  à  n'àvôit  JIttS  aiiènriè  éspéiranc* 
dans  le  sîèèîe.  Pei-pétlie  frept'end  le  té- 
cit  en  ces  teftttés  1 1<  Peu  de  jours  après , 
le  bruit  fee  fépandît  ^ué  nouS  devioft* 
être  interrogés.  Moft  pèfe  vint  de  là 
ville,  cdnsmné  de  tristesse;  il  nfiontà 
vers  moi  (1)  poui*  me  faire  tomber  dan^ 
Fapostasîe,  disant  :  Ma  fille,  àvTZ  |)itiê 
de  meè  cheveux  blancs!  ayei  pitié  de 
vôtre  pèfê,  si  du  moins  je  suis  digne 
que  vous  m^ôppeliez Votre  père!  Si  moU 
même,  de  mes  mains  que  voilà,  je  voufe 
ai  élevée  jusqu'à  cette  fleur  de  Tâgè  ;  st 
je  vous  ai  préfetée  à  tôufe  vos  frèrel, 
ne  me  rehdei^  pas  Topprobre  des  honU 
mes.  Regarde^  vos  frères,  Ireg&rdei  votre 
mère  et  votre  tâhtè^,  regardez  votre  fila 
qui  ne  pourra  Vivre  après  vous.  Quittez 
celte  fierté,  de  peur  de  nous  perdre 
tous',  car  àu'cuft  dé  &ôU$  n^osera  plu6 
parler,  s'il  vous  arrive  quelque  malheur. 
Ainsi  me  parlait  mon  père  dans  sa  ten- 
dresse, me  baisant  les  mâtns,  se  jetant 
h  mes  pieds  et  m'appelant  avec  larmes 
Aon  plué  sa  fille,  mais  ta  dame.  Et 
moi ,  je  pleurais  sur  les  cheveux  blanéà 
de  mon  père,  iè  gémissais  de  èe  que,  seul 
de  toute  ma  ifainille,  U  he  se  réjouissait 
pas  de  mon  martyre;  et  jVsSayais  de  le 


(1)  ka  temps  de  la  domination  romaine,  les 

1>risons  de  CfarUiage  étaient  situées  sous  le  pa- 
aift  proconsulaire,  é(  le  palais  lui-même  se 


trouvait  sur  la  ooHine  où  s'élevait  Jadis  la  ci- 
Udelle  de  Byrsa  Voy  dans  ce  volume  la  to/Mh- 
yrapJtie  de  larlhage. 


fortifier,  en  disant  :  Sur  PéchàfaUd ,  U 
arrivera  ce  qu'il  plaira  à  Dieu;  carsJH 
fehe'z  bien  que  nous  sommes  en  la  puià- 
sairce  de  bièu ,  hôn  pas  en  la  nôtre.  Et 
îl  s'en  alla  tout  triste.  Le  lendemain, 
eômme  nous  dhiions, on  vint  tout  d'un 
coup  nous  enlever  pour  être  interrogés , 
et  nous  arrivâmes  à  la  place.  Le  bruit 
fe'eû  répandit  aussitôt  dans  les  quartiers 
Voisins,  et  Ton  vit  accoUriï'  une  foulé 
immense*.  Nous  montâmes  Sur  Técha- 
faud.  M'es èômpagnons furent  interrogés 
et  confessèrent.  Quand  mon  tour  vint, 
Wiott  père  ke  présenta  tout  à  coup  avec 
ïnôn  fils  ;  il  me  fit  descendre  les  degrés^ 
iet  mè  dît  d'une  voix  sUpphante  :  Ayei 
pitié  dé  Vott*e  ehfantî  Le  procurateut 
HilàriêU ,  qui  remplaçait  alorè  M inuciuh 
llminien ,  qui  Venait  de  mourir,  mè 
disait  de  )5ôn  côté  :  Epargnez  les  che- 
veuJc  blancs  dfe  Votre  père!  Épargnez 
l*ehfàhce  de  Votre  fils  !  Sacrifiez  pour 
la  prospérité  des  empereurs!  Je  n'en 
fèt*âl  ri^n,  répondi's-je.  Êtes- Vous  chré- 
tienne ?  me  dit-îi.  Et  Je  lui  répondis  : 
3è  Suis  chrétienne.  Cependant,  mon 
père  sfe  tenait  toujours  la  pour  me  faire 
tomber.  Hilarien  commanda  de  le  clias- 
sèr  ;  et  il  fût  frappé  d'un  coup  de  bâ- 
ton. Je  ressentis  le  coup  de  Uion  père 
comme  S' j*eusse  été  frappée  moi-même, 
tant  je  compaliSsais  à  son  infortunée 
vieillesse!  liilàrien  prononça  la  sentence, 
et  nous  Condamna  tous  auX  bétes.  Et 
bous  descendîmes  joyeux  à  la  prison. 
Comme  mon  enfant  était  accoutumé  à 
tecevoîr  de  moi  le  sein  et  à  demeuret 
liVèé  moi  dans  là  prison ,  j'envoyai  aus- 
isitôt  lé  Jiacre  Pompone  pour  le  deman- 
der à  mon  père;  mais  mon  père  ne 
voulut  pas  le  donner.  Et  il  plut  à  Dieu 
mie  l'enfant  ne  demanda  plus  à  téter, 
et  que  je  ne  fusse  pas  incommodée  de 
mon  lait;  de  sorte  que  je  restai  sanft 
inquiétude  et  sans  souftrànce.  » 

La  sainte ,  après  avoir  faConté  une 
Seconde  vision,  ajoute  :  «  L'inspecteur 
Tudens,  qui  était  gardien  de  la  prison, 
Conçut  une  grande  estime  pour  nous, 
parce  qu'il  Voyait  sans  doute  que  notre 
Courage  venait  de  Dieu.  Il  laissait  donc 
entrer  beaucoup  de  frères ,  afin  que  nous 
pussions  nous  consoler  et  nous  encou- 
rager mutuellement.  Quand  le  jour  du 
spectacle  approcha  ,  mon  père  vint  me 
trouver.  Il  était  accablé  de  tristesse; 


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L*UMVERS. 


ii  commença  à  8*arracher  la  barbe; 
puis  il  se  jeta  à  terre,  et  la  face  tournée 
vers  le  sol,  il  se  mit  à  maudire  ses  an- 
nées et  à  se  plaindre  en  des  termes  qui 
eussent  ému  la  créature  la  plus  insensi- 
ble. Et  moi,  je  gémissais  sur  sa  malheu- 
reuse vieillesse. 

«  La  veille  de  notre  combat,  j*eus  cette 
vision  :  le  diacre  Pompone  était  venu 
à  la  porte  de  la  prison ,  et  frappait  bien 
fort;  je  sortis  et  lui  ouvris.  Il 'était  vêtu 
d'une  robe  blanche,  bordée  d'une  infinité 
de  petites  grenades  d'or.  Il  me  dit  :  Per- 
pétue, nous  vous  attendons  ;  venez.  11  me 
prit  par  la  main,  et  nous  commençâmes 
a  marcher  par  des  lieux  rudes  et  tor- 
tueux. Enfin  nous  arrivâmes  à  Tamphi- 
théâtre  à  grand'peine  et  tout  hors 
d'haleine.  Il  me  conduisit  au  milieu  de 
l'arèno  et  me  dit  :  Ne  craignez  point , 
je  suis  ici  avec  vous  et  je  prends  part  à 
vos  travaux.  Il  se  retira,  et  j'aperçus 
un  grand  peuple  qui  regardait  ébahi. 
Comme  je  savais  que  j  étais  destinée 
aux  bêtes ,  je  m'étonnais ,  car  ou  ne 
les  lâchait  point.  Il  sortit  alors  contre 
moi  un  Égyptien  fort  laid  gui  vint  me 
combattre  avec  ses  auxiliaires.  Mais  il 
vint  aussi  vers  moi  des  jeunes  hommes 
bien  faits,  pour  me  secourir.  Je  fus 
dépouillée  de  mes  vêtements,  et  me 
trouvai  changée  en  homme  ;  on  me  frotta 
d'huile  pour  le  combat,  et  je  vis  de  Tau- 
tre  côté  l'Égyptien  se  rouler  dans  la 
poussière.  Alors  parut  un  homme  mer- 
veilleusement grand ,  en  sorte  au^il  était 
plus  haut  que  l'amphithéâtre .  vêtu  d'une 
tunique  sans  ceinture  avec  deux  bandes 
de  pourpre  par  devant  et  semée  de  petits 
ronds  d  or  et  d'argent.  11  tenait  une  ba- 
guette ,  comme  les  maîtres  des  gladia- 
teurs ,  et  un  rameau  vert  où  se  trou- 
vaient suspendues  des  pommes  d'or. 
Ayant  commandé  le  silence,  il  dit:  Si 
l'Egyptien  remporte  la  victoire  sur  la 
femme,  il  la  tuera  par  le  glaive;  mais 
si  elle  vient  à  le  vamcre ,  elle  aura  ce 
rameau;  et  il  se  retira.  Nous  nous  ap- 
prochâmes, et  nous  commençâmes  à 
nous  donner  des  coups  de  poing.  Il 
voulait  me  prendre  par  les  pieds,  mais 
je  lui  en  donnais  des  coups  dans  le  vi- 
sage. Je  fus  élevée  en  l'air  et  commençai 
aie  battre  comme  si  j'eusse  frappé  la 
terre.  Voyant  que  cela  durait  trop, 
je  joignis  me3  deux  maius,  passant 


mes  doigts  les  uns  dans  les  autres,  et , 
le  pressant,  je  le  fis  choir,  et  avec  mes 
pieds  je  foulai  sa  tête  Le  peuple  se 
mit  à  crier,  et  mes  auxiliaires  a  clianter. 
Je  m'approchaidu  maître,  qui  me  donna 
le  rameau  avec  un  baiser,  en  disant  : 
La  paix  soit  avec  vous,  ma  fille.  Je 
commençai  à  marcher  avec  gloire  vers 
la  porte  l^na-Vi varia  de  l'amphithéâtre. 
Je  m'éveillai  ;  et  je  compris  que  je  ne 
combattrais  pas  contre  les  bêtes,  mais 
contre  le  démon;  et  je  me  tins  assurée 
de  la  victoire.  Voilà  ce  que  j'ai  fait  et 
vu  jusqu'à  la  veille  du  spectacle;  qu'un 
autre  écrive ,  s'il  veut ,  ce  qui  s'y  pas- 
sera. » 

Ici ,  en  effet,  la  narration  de  la  sainte 
est  interrompue  ;  mais ,  comme  Perpé- 
tue l'avait  désiré ,  il  se  trouva  un  chré- 
tien qui  raconta  les  derniers  instants 
des  martyrs.  Il  les  visita  dans  la  prison 
et  ne  les  quitta ,  comme  on  le  voit  par 
le  document  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  qu'au  moment  où  ils  cessèrent 
de  vivre.  Ce  fut  lui  sans  doute  qui 
plaça ,  entre  les  derniers  mots  tracés  par 
Perpétue  et  son  propre  récit,  une  vision 
écrite  par  un  chrétien  condamné  au 
dernier  supplice.  Ce  chrétien  s^appelait 
Satur.  Il  était  venu  se  livrer  aux  magis- 
trats ,  et  on  l'avait  joint,  dans  l'arrêt  de 
mort,  aux  martyrs  que  nous  avons 
déjà  nommés.  Après  avoir  transcrit  la 
vision  de  Satur ,  le  nouveau  narrateur 
s'exprime  en  ces  termes  ;  «  Secundulus 
mourut  dans  la  prison.  Félicité  était 
enceinte  de  huit  mois,  et,  voyant  le 
jour  du  spectacle  si  proche,  elle  était 
fort  afQîgée,  craignant  que  son  martyre 
ne  fût  différé,  parce  qu*il  n'était  pas 
permis  d'exécuter  les  lemmes  encein*- 
tes.  Elle  craignait  de  répandre  ensuite 
son  sang  innocent  avec  quelques  scélé- 
rats. Les  compagnons  die  son  martyre 
étaient  sensiblement  affligés,  de  leur 
côté,  de  la  laisser  seule,  elle,  une  si  bonne 
compagne,  dans  le  chemin  de  leur  com- 
mune espérance.  Ils  se  mirent  donc  tous 
ensemble  à  gémir  et  à  prier.  Cela  se 
passait  trois  jours  avant  le  spectacle. 
Aussitôt  après  leur  prière,  les  douleurs 
prirent  Félicité,  et  comme,  l'accouche- 
ment étant  naturellement  plus  difficile 
dans  le  huitième  mois,  elle  se  plaignait, 
un  des  guichetiers  lui  dit  :  Tu  te  plains 
maintenant!  Eh!  que  feras-tu  donc  quand 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


tu  seras  exposée  à  ces  bétes  que  tu  as 
méprisées ,  lorsaue  tu  refusas  de  sacri- 
fier? Elle  répondit  :  Cest  moi  qui  souf- 
fre maintenant  ce  que  je  souffre;  mais 
là,  il  y  en  aura  un  autre  en  moi  qui 
souffrira  pour  moi ,  parce  que  je  souf- 
frirai pour  lui.  Elle  accoucha  d*une 
petite  (ilie,  qu'une  sœur  éleva  comme 
son  enfant 

«  Comme  le  tribun  traitait  les  mar- 
tyrs très -rudement,  parce  oue,  sur 
lavis  de  gens  sottement  crédules,  il 
craignait  qu'ils  ne  se  tirassent  de  la  pri- 
son par  quelque  sortilège.  Perpétue  lui 
dit  en  face  :  Pourquoi  ne  nous  donnes- 
tu  pas  du  soulagement ,  puisque  nous 
sommes  les  condamnés  du  très- noble 
César,  et  que  nous  devons  combattre  à 
sa  fête?  N'est-il  pas  de  ton  honneur  que 
nous  y  paraissions  en  bon  état?  Le  tri- 
bun eut  peur  et  rougit  :  il  commanda 
donc  qu'on  les  traitât  plus  humaine- 
ment; qu'on  accordât  aux  frères  et  aux 
autres  la  liberté  d'entrer  dans  la  prison, 
afin  que  des  deux  parts  on  pût  s'apporter 
des  soulagements.  Le  surveillant  de  la 
prison  était  déjà  croyant.  La  veille  des 
jeux ,  on  leur  donna ,  suivant  la  cou- 
tume ,  le  dernier  repas ,  que  Ton  appe- 
lait le  repas  librp,  et  qui  se  faisait  en 
public  ;  mais  les  martyrs  le  convertirent 
en  une  agape  modeste,  autant  qu'il 
était  en  eux.  Us  parlaient  au  peuple 
avec  leur  fermeté  ordinaire,  le  menaçant 
du  jugement  de  Dieu,  attestant  les  dé- 
lices qui  se  trouvaient  dans  leurs  souf- 
frances, et  raillant  la  maligne  curiosité 
de  ceux  qui  accouraient  auprès  d'eux, 
Satur  leur  disait  :  Le  jour  de  demain  ne 
vous  suffit  pas  pour  voir  à  votre  aise 
ceux  que  vous  haïssez.  Aujourd'hui 
amis,  demain  ennemis.  Après  tout,  re- 
marquez bien  nos  visages,  afin  de  nous 
reconnaître  au  jour  solennel.  En  sorte 
que  tous  se  retirèrent  interdits.  Plu- 
sieurs ,  dans  cette  foule ,  adoptèrent  les 
nouvelles  croyances. 

it  Enfin  parut  le  jour  de  leur  victoire. 
Ils  sortirent  de  la  prison  pour  l'amphi- 
théâtre, comme  pour  le  ciel  :  leurs  vi- 
sages était  rayonnants;  ils  étaient  émus, 
non  de  crainte,  mais  de  joie.  Perpétue 
suivait ,  calme  dans  ses  traits  et  dans 
sa  démarche,  comme  l'épouse  chérie 
du  Christ;  elle  tenait  les  yeux  baissés, 
pour  en  dérober  la  vivacité.  Félicité  se 
réjouissait  de  s'être  assez  bien  relevée 


de  sa  couche  pour  combattre  les  bétes 
et  se  purifier  ainsi ,  comme  par  un  se- 
cond baptême,  dans  son  propre  sang. 
Lorsqu'ils  furent  arrivés  a  la  porte  de 
l'amphithéâtre,  on  voulut  forcer  les 
hommes  à  revêtir  le  costume  des  prê- 
tres de'  Saturne ,  et  les  femmes  celui 
des  prêtresses  de  Cérès .  Ils  s'y  refusèrent 
avec  une  fermeté  invincible,  disant  : 
Nous  ne  sommes  venus  ici  volontaire- 
ment que  pour  conserver  notre  liberté  ; 
nous  avons  sacrifié  notre  vie  pour  ne 
rien  faire  de  semblable  ;  cela  a  été  ar- 
rêté entre  vous  et  nous.  L'injustice  re- 
connut la  ju^ice;'le  tribun  consentit  à 
ce  qu'ils  entrassent  avec  les  vêtements 

Î|u'ils  portaient.  Perpétue  chantait, 
oulant  déjà  aux  pieds  la  tête  de  l'Égyp- 
tien. Révocatus,  Saturnin  et  Satur  sem- 
blaient dédaigner  le  peuple  oui  rç^ar- 
dait.  Étant  arrivés  à  la  vue  d  Hilarien, 
ils  lui  disaient  par  signe  de  la  main  et 
de  la  tête  :  Tu  nous  juges ,  mais  Dieu 
te  jugera.  Le  peuple  eu  fut  irrité,  et  de- 
manda ou'ils  fussent  fouettés  en  passant 
devant  les  veneurs.  Les  martyrs  se  ré- 
jouirent de  participer  en  quelque  chose 
a  la  passion  du  Seigneur  Celui  qui  a 
dit  :  Demandez  et  vous  recevrez,  leur 
accorda  la  mort  que  chacun  d'eux  avait 
souhaitée;  car  lorsqu'ils  s'entretenaient 
ensemble  du  martyre.  Saturnin  avait 
manifesté  le  désir  d'être  exposé  à  toutes 
sortes  de  bêtes,  afin  de  remporter  une 
couronne  plus  glorieuse.  Ainsi ,  dans  le 
spectacle ,  lui  et  Révocatus,  après  avoir 
été  attaaués  par  un  léopard ,  furent  en- 
core maltraités  par  un  ours.  Satur  ne 
craignait  rien  tant  que  l'ours,  et  souhai- 
tait qu'un  léopard  le  tuât  d'un  seul  coup 
de  dent.  11  fut  d'abord  exposé  à  un  san- 
glier; mais  le  veneur  qui  avait  lâché  la 
bête,  en  reçut  un  coup  dont  il  mourut 
après  les  fêtes.  Satur  fut  seulement 
traîné.  Puis  on  lâcha  un  ours;  mais 
l'ours  ne  sortit  point  de  sa  loge.  Ainsi 
Satur,  étant  sain  et  entier,  fut  rappelé 
pour  la  seconde  fois.  Les  jeunes  lem- 
mes  furent  dépouillées  et  mises  dans  des 
filets  pour  être  exposées  à  une  vache 
furieuse.  Le  peuple  en  eut  horreur, 
voyant  l'une  si  délicate  et  l'autre  en- 
core malade  de  sa  couche  avec  des  ma- 
melles dégouttantes.de  lait.  On  les  retira 
donc  et  on  les  couvrit  d'habits  flottants. 
Exposée  la  première,  Perpétue  fut  jetée 
en  l'air  et  retomba  sur  les  reins.  EUe  se 


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(40 


L'innvER8« 


mit  sur  ion  sééhit^  et  rovant  sa  robe  éê' 
ehirée  sur  le  cdté^  elle  la  rejoi<i;nit  pour 
cacher  ses  cuisses  ^  plus  occupée  de  la 
pudeur  que  de  la  douleur.  On  la  reprit^ 
et  elle  renoua  ses  cheveux  qui  s'étaient 
détachés^  car  il  ne  convenait  point  qu'un 
martyr  souffrit  les  cheveux  épars,  de 
peur  de  paraître  affligé  de  sa  gloire.  Ëll« 
se  leva ,  et  Voyaàt  Félicité  toute  frois- 
sée par  terre ,  elle  lui  donna  k  main  et 
Taicui  à  se  relever^  Elles  se  tenaient  4^* 
bout  toutes  les  deux(  mais  le  peuple^ 
dont  la  dureté  avaitété  vaimhie,  ne  vou*" 
lut  pas  qu'on  les  exposât  de  nouveau , 
et  on  les  reconduisit  à  la  porte  xSana^ 
rivaria.  Perpétue  y  fut  reçue  par  uii 
catéchumène  notniHé  Rustique ,  qui  l« 
était  attaché.  Alors  elle  s'éveilla  condmè 
d'un  profond  sommeil^  taut  elle  avait  été 
ravie  en  esprit  et  en  extase^  etcOmmen<^ 
à  regarder  autour  d'elle,  en  disant ^ 
au  grand  étoilnement  de  tout  le  monde  t 
Quand  donc  nous  exposera-t-on  à  oettft 
vache?  On  lui  dit  ce  qui  s'était  passé  ; 
elle  ne  le  crut  que  lorsqu'elle  vit  sur 
son  corps  et  sur  son  vêtement  les  mar» 
ques  de  ce  qu'elle  avait  souffert  >  et 
qu'elle  reconnut  le  catéchumène.  Puis 
elle  lit  appeler  son  frère ,  et  lui  dit ,  ainM 
qu'à  Rustique  :  Demeurez  fermes  dam 
la  foi  ;  aimez-vous  les  uns  les  autres  % 
et  ne  soyez  pas  scandalisés  de  nos 
souffrances.  Satur^  à  une  autre  j)Orte, 
suivait  le  soldat  Pudens ,  et  lui  disait  i 
Me  voici  enûii  comme  je  vous  l'avais  pré* 
dit  ;  aucune  béte  ne  m'a  encore  touché* 
Croyez  donc  de  tout  votre  coeur;  ni 
m'en  vais  là  s  et  je  unirai  par  une  seule 
morsure  d'un  léopard.  Aussitôt  (on  était 
à  la  lin  du  spectacle)  il  fut  présenté  à 
un  léopard,  qui^  d'un  seul  coup  deut« 
le  couvrit  de  sang.  Le  peuplé  s'écria  s 
Le  voilà  bien  lavé,  le  voila  sauvé  1 
faisant  une  allusion  ironiqueâu  baptême. 
Mais  hii,  se  tournant  vers  Pudens  : 
Adieu ,  lui  dit-il  «  souvenez-vous  de  ma 
foi!  Que  ceci  ne  vous  trouble  point, 
mais,  au  contraire,  vous  conûrme^ 
Puis,  il  lui  demanda  l'anneau  qu'il 
avait  au  doigt,  le  mit  sur  sa  blessure, 
et  le  lui  rendit  comme  un  gage  de  son 
amitié .  et  un  souvenir  de  son  sang» 
A|>rès  quoi  on  l'exécuta  au  lieu  où  l'on 
avait  coutume  d'égorger  ceux  que  les 
bêtes  n'avaient  pas  achevés.  Ou  nommait 
•e  lieu  Spoliarium, 
•  JLe  peuple  demanda  alors  qu'on  ra- 


menât lei  cbi^tiMis  au  infflMi  dft  V^n^ 
phithéâtre,  pour  les  toir  A*appef  %l 
s'associer  ainsi ^  pàt  les  routards,  à  I1id^ 
micide.  Les  martyrs  se  lèvèt^nt,  y  altè- 
rent d'eux -méniM,  après  s'être  donné 
le  baiser,  afin  de  consommer  le  martyre 
par  un  acte  soleimel  de  paix.  Ils  recu^ 
rentledemier  eoHp,  immobiles  et  en  sf^ 
lence;  quant  à  Perpétue,  elle  tomba 
entre  les  nlains  d'un  gladiateurinexpéri- 
menté,  qui  la  Jpiqua  eutre  les  os  et  là 
it  erier;  elle  nit  obligée  de  conduire 
elle-même  k  main  ti«mblante  de  son 
bourreau.  » 

8i  ces  pages ^  après  tant  de  siècles, 
nous  paraissent  eneoresi  belles  et  nous 
émeuvent  foAement ,  <|u'on  jugéde  t'ef- 
ht  (tu'ellea  ont  produit  au  temps  des 
persécutione.  Oh  en  fit  sans  doute  de 
nombreuses  copies,  qne  de  pieux  tpeil» 
sagers  transportaient,  suivant  un  vieil 
U5a|^(i)>  d'Emise  en  Eglise  «  non  point 
seulement  en  Afrique  s  mais  encore 
en  Europe  et  en  Asie ,  dans  les  pays  les 
prlus  lointains.  C'eet  ainsi  que  m  thté* 
tiens  de  contrées  diverses  se  transmet'» 
taient«  pour  ainsi  dire,  le  courage  et  H 
dévouement,  et  s'ardaient,  malgré  les 
distances,  à  Taide  d'un  simple  récit, 
à  ne  rien  perdre,  au  milieu  des  toN 
tureS)  de  leur  enthousiasme  et  de  leur 
foi. 

LA.  PERSiCUttOU  Sft  tktt  SfeNtin 
^A1«S  TOUTES  LBa  ^ABTIBS  Dt  L'Atât* 
QtIB;ELLfi  SE  BALBNTlt;  TROeBLl» 
UlTÉaiBUAS  DU  L'B&LmB  FEdDÀNt  th 

F41X.  -^  Ce  ne  fut  ooint  seulement  à 
Carthage  que  Tédit  de  Septinie  Sévère 
fut  nn's  à  exécution.  Nous  savons  pat 
Tertullien  (S)qttela  persécution  s'étendit 
sur  toutes  les  villes  de  l'Afrique.  Parmi 
les  ma^stran  impériaux^  il  y  en  eut  qui  se 
montrèrent,  à  l'égard  des  chrétiens,  dôus 
et  modérés  et  qui  essayèrent  d'atténuer 
les  rigueurs  de  la  loi  ;  mais  d'autres,  an 
contraire,  soitdaHs  des  vues  d'ambRIon^ 
soit  par  un  sincère  i  attachement  auK 
doctrines  dupolythéisn^e,  usèrent  sans 
pitié)  pour  anéantir  eauK  qu'ils  appê* 


(1)  Voy.  ooraoa^oiMnple,  la  lettre  de  Téf^liM 
de  Smvrne  au\  aulre»  églises  concernant  le 
martyre  de  saint  Polycarpe  (ap.  Ruinrtrt,  p. 
2S).  Le  mHieii  de  Ruinart  (  yécia  pHtnofuM 
tnftrlyrum  sùtcera  Hselecta  )  oouUeot  plua  d'un 
docunieni  de  ce  genre. 

(2)  Voy.  la  lettre  adfes^  pAt  TèrtuHktt 
au  proouùâul  Scapala. 


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AFRIOUË  CflRÉtlENNE. 


H 


tâJéiit  les  efinëMis  de  Vempltê,  dëà  tôN 
ttares  et  des  plus  âffîreUt  supplices.  Att 
nombre  de  des  deftiiefs  è^  trouVâieflt 
le  protimisul  Scapula  et  le  gduverneuf 
de  la  Mauritanie.  ^    ^ 

La  ï»?rsécution  se  fëletttlt  èûflii.  Tou- 
tefois ,  il  faut  croii'ë  qu'il  n'y  eut  d6 
tà\%  véritable  pour  les  cbrétiëds  (jue  âôuâ 
fè  règhe  d'Alexandre  Sévèfe.  L*Église 
d*Affi(}ué  avait  à  peine  joui  de  quel- 
mes  instants  de  fepos  qu'elle  fut  agi- 
Ué  par  des  querelles..  Elle  était  déjà 
tourmentée  et  déchirée  par  les  schfs^ 
nies  et  les  hérésies.  Ce  fut  Probablement 
dU  temps  d' Alexandre  Sévère  qu^ukt 
éoncile  se  rassembla,  en  Numidié,  dans 
là  colonie  de  Lambèse,  pour  eôndarti- 
nér  rhérétique  ï^rivat.  Suivant  le  té- 
moignage de  saint  Cypriért  (t),  quatre- 
vinçt-dlx  évéques  (et  ce  seul  fait  prouve 
lès  immenses  progrès  du  (Christianisme 
en  Afrique)  prirent  place  dans  6e  concile. 

Après  la  persécution  et  là  mort  d'A- 
grîppinus  et  d'Optat,  on  vit  paraître 
successivement,  sur  le  siégé  épiscopal  de 
Carthage,  Cvrus,  Donat  et  Cyprien  (2). 
Ce  dernier  s'éleva  au  moment  où  TeN 
tullien  achevait  sa  longue  Carrière. 

CONVBESÏON  DÉ  S.UNÏ  CVtllfÊîî; 
SES  PBEMIBRS  OTJVBAGBS;  IL  ÏIETtEIlVT 

BVÉQUE  DE  CA.RTHA6B.  —  Cyprien  âo- 

()artenait  à  une  des  familles  les  plus  il- 
ustres  et  les  plus  riches  de  l'Afrique 
]^ômaine.  Il  avait  été  élevé,  dans  sa 
jeunesse ,  avec  beaucoup  de  soin.  Dirigé 
par  des  maîtres  savants  et  habiles,  il 
avait  pris  le  goût  des  lettres  et  les  avait 
étudiées  avec  fruit,  tl  parut  bientât  avêâ 
éclat  dans  les  écoles  justement  renom- 
mées de  Carthage.  C'est  là  qu'il  don- 
nait avec  grand  succès  des  leçons  pu- 
bliques d'éloquence ,  lorsque ,  'dans  Un 
âge  déjà  assez  avancé ,  il  se  Ûi  chrétien. 
les  écrivains  ecclésiastiques  nous  ap- 
prennent que  cette  conversion  fut  l'cfeU- 
vfd  d'uft    prêtre    nommé  Cécillus. 

(t)  %à\ûi  CyptIéD.  Ml  nAo^ftht  Cm  fitUssMit  U 

rr^écuiion  ordohnée  {mr  rétopef^ur  t)«ciaBet 
propos  d*UD  ooiieile  quHI  avait  oODvoqué  à 
Carthage,  écrivait  ops  mots  À  saint  (>>rneille  i 
Per  Pelicianum  autem  signiflcavi  tibi,ft^trr, 
iftniêift  Carthnyfinem  Privalum  veterem  ha're* 
ticum  in  Lambesitana  colonie. ,  antemulton/ere, 
annoSf  ohmulta  et  ^ravla  delictn^  nonaginta 
tpiscoporum  scntentia  condemnatutn,  Cyprianl 
ai  Cornet,  Qpbt.  45- 

(2)  MorœlU  {AJriea  ehHUimna)\  U  1%  ^ 
ftlft62. 


Cyprien  mit  bientôt  Sâ  science  et  don 
iéle  au  service  de  la  croyance  qU'il 
avait  embrassée.  îl  se  livra  aveô  ardeur 
à  l'étude  des  saintes  Ecritures  et  des 
ouvrages  de  Tertullien ,  pour  lequel  il 
avait  une  admiration  sans  bornes;  puis, 
lorsqu'il  se  sentit  sUfOsàmment  fortifie 
par  ses  nouvelles  lectures  «  il  essaya,  à 
sort  tour,  par  de  nombreux  écrits,  de 
défendre  le  christianisme.  Ses  premiers 
essais,  on  le  con^prend .  sont  empreints 
de  la  vive  réaction  oui  s  est  opérée  dans 
son  esprit.  D^ahora ,  il  adresse  à  un  de 
fies  amis,  Donat,  une  lettre  sur  le  mé- 
pris du  monde;  ensuite,  comme  dt  Ar- 
nobe  plus  tard ,  pour  donner  en  quel- 
que sorte  à  ses  nouveaux  frères  un  ^agô 
de  sa  foi,  et  peut  être  pour  se  raffer- 
mir lui-même,  U  attaque  violemment 
le  polythéisme  dans  son  traité  de  la  /^a- 
nité  des  idoles.  Dans  ce  dernier  ou- 
vrage, Cyprien  procède  avec  une  excès» 
give  réserve;  il  n'a  point  encore  assea 
de  confiance  dans  ses  propres  forCéS 
pour  s'écarter  des  opinions  déjà  émises 
par  les  docteurs  de  l'Église,  ses  pré- 
décesseurs, et  il  suit,  pour  ainsi  dire,pa^ 
à  pas,  Tertullien  qu'il  avait  choisi  pouf 
modèle.  Sa  manière  est  plus  Originale , 
Ses  allures  sont  plus  libres  dan»  Ses 
trois  livres  des  Témoignages,  Le  pre- 
mier livre  contient  une  discussion  con- 
tre les  Juifs;  Cyprien  y  établit  que  la 
loi  ancienne  a  tait  son  temps,  et  qu'il 
faut  nécessairement  adopter  et  suivre 
la  loi  du  Christ,  la  loi  nouvelle.  Le 
second  est  consacré  à  ^exposition  du 
dogme  de  Tincarnàtion.  Le  troisième 
est,  suivant  l'expreësiôh  d'un  écrivain 
ecclésiastique,  un  traité  de  théologie 
morale.  Dans  ces  trois  livres,  ort  voit  que 
Cyprien  a  déjà  étudié  d'une  manière 
approfondie  lès  saintes  ftcriturès.  Il  fît 
suivre  ses  Témoignages  d'un  traité 
sur  la  Conduite  des  oierges,  11  est  évi- 
dent que,  dans  ce  dernier  ouvrage,  l'au- 
teur s'est  encore  inspiré  de  Tertullien. 

Il  y  avait  un  an  à  peine  que  Cy- 
prien était  prêtre,  lorsque  mourut  Dô- 
nat,  l'évéque  de  Cartlmge.  Plusieurs  se 
présentèrent  alors  pour  occuper  le  siège 
vacant.  Mais  le  clergé  et  le  peu;>Ie  appe- 
lèrent Cvprien,  qui  se  tenait  à  l'écart,  et 
tous,  d  im  commun  accord,  le  procla- 
mèrent évéque  en  l'an  248  (i). 

(1)  Cest  la  date  adoptée  par  MorcelU.  tt  Ht' 


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tl 


L'UIflVERS. 


NOUVELLE  PEESECUTIOIf  ;  ESTBÀITS 
DE     SAINT     CYPBIEN;    NOMBREUSES 

apostasies;  troubles  et  divisions 
dans  l'église  de  cabthage.  —  cy- 
prien  était  à  peine  monté  sur  son  siège 
^ue  Tenipereur  Decius  promulgua  un 
edit  de  persécution  (249).  Les  païens, 
qui  étaient  encore  nombreux  à  Car- 
tilage, se  mirent  à  poursuivre  les  chré- 
tiens avec  un  acharnement  qui  tenait 
de  la  fureur.  C'était  J'évéque  surtout 
oui  était  Tobjet  de  leur  haine  ;  ils  pro- 
feraient hautement  contre  lui  des  me- 
naces de  mort;  et  quand  ils  étaient 
réunis  dans  Tamphithéâtre  ils  criaient  : 
Cyprien  aui  lions!  Il  fallait  se  cacher  ou 
périr.  Cy prien  crut  sans  doute  que  sa 
vie  serait  plus  utile  un  jour  à  ses  frères 
que  Texemple  de  son  martyre,  et  il  se 
déroba,  par  une  prompte  retraite,  au 
fer  des  persécuteurs.  On  le  frappa, 
quoique  absent,  par  une  sentence  de 
proscription  et  par  la  confiscation  de 
ses  biens. 

Depuis  Septîme  Sévère,  un  funeste 
relâchements  était  opérédans  les  mœurs 
des  chrétiens.  On  le  vit  bien  au  jour 
de  la  persécution.  Si  Mappalicus,  Paul, 
Fortunion ,  Bassus  et  quelques  autres 
qui  périrent  soit  au  milieu  des  tortures, 
soitde  la  faim,  dans  les  prisons  de  Car- 
thage,  s'illustrèrent  par  leur  courage  et 
leur  dévouement,  l'ancienne  gloire  de 
l'Église  d'Afrique,  comme  on  l'ap- 
prend de  Cyprien  lui-même,  fut  ternie 
par  des  apostasies  sans  nombre.  L'évé- 
que,  de  sa  retraite,  encourageait  en 
vain  ses  frères  à  la  constance;  quel- 
ques-uns, comme  Rogatien,  suivaient 
ses  conseils;  mais  les  autres  cédaient 
lâchement  et  sacrifiaient  en  foule  aux 
idoles. 

L'esprit  de  Cyprien  n'était  point  seu- 
lement préoccupé  de  ces  actes  d'une  dé- 
plorable apostasie;  il  voyait  encore  avec 
douleur  que,  dans  ces  moments  de 
péril,  un  schisme  menaçait  son  Église. 
Parmi  les  chrétiens  qui  avaient  renié 
leur  foi  et  leur  Dieu,  plusieurs  se  re- 
pentirent, et  ils  eurent  bâte  de  rentrer 
en  grâce  auprès  de  rÉ^lise.  Pour  arri- 
ver plus  promptement  a  leurs  fins,  ils 
s'adressèrent,  suivant  un  vieil  usage,  à 
ceux  qui  étaient  restés  fermes  pendant  la 

croit  pas  qu*on  puisse  reporter  en  deçà  de  248 
o^  ai;  delà  de  W  )'éiecUoo  de  saint  Cyprien. 


persécution,  et  qui  avaient  conftssë 
sans  crainte  le  nom  du  Christ  au 
milieu  des  plus  horribles  tourments. 
Les  évéques  et  les  prêtres  avaient  égard 
aux  recommandations  des  martyrs,  et, 
en  leur  considération,  ils  se  montraient 
volontiers  indulgents  et  abrégeaient, 
pour  les  faibles  et  les  lâches ,  le  temps 
de  la  pénitence.  £n  Afrique  donc,  et 
surtout  à  Cartilage,  les  apostats  s'adres- 
sèrent aux  martyrs  qui  étaient  en  pri- 
son ou  qui  avaient  échappé  tout  à  fait  au 
fer  des  bourreaux ,  et  leur  demandèrent 
des  billets  d'indulgence.  Parmi  ce^  mar- 
tyrs ,  il  y  en  eut  qui  n'en  donnèrent 
qu'avec  une  extrême  réserve;  mais  d'au- 
tres, trop  tiers  du  courage  qu'ils  avaient 
montré  et  de  leur  victoire ,  s'imaginè- 
rent que,  par  leurs  seuls  mérites,  ils 
avaient  le  droit  de  réconcilier  avec  l'É- 
glise tous  ceux  qui  étaient  tombés.  Un 
certain  Lucien  fut  de  ce  nombre,  et  il  dis- 
tribua indistinctement  des  billets  d'in- 
dulgence a  tous  ceux  qui  lui  en  deman- 
dèrent. Il  en  vint  à  ce  point  d'arrogance, 
qu'il  adressa  à  Cyprien,  daiis  saretraîte, 
la  lettre  suivante  :  «  Tous  les  confesseurs 
àl'évêque  Cyprien,  salut.  Sachez  que 
nous  avons  âonné  la  paix  à  tous  ceux 
qui  se  sont  bien  conduits  depuis  leur 
péché,  et  nous  voulons  que  vous  le  fas- 
siez savoir  aux  autres  évéques.  Mous 
souhaitons  que  vous  ayez  la  paix  avec 
les  saints  martyrs.  En  présence  d'un 
exorciste  et  d'un  lecteur  :  écrit  par 
Lucien.  »  L'évêquene  tint  compte  d'une 
semblable  réclamation.  II  recommanda, 
par  lettres,  à  son  clergé,  de  ne  point  ad- 
mettre les  apostats  a  la  communioa, 
avant  le  jour  où  il  serait  permis  de  dis- 
cuter librement  sur  les  affaires  de  TÉ- 
glise.  D'autre  part,  comme  il  sentait  que 
depuis  sa  retraite  l'autorité  de  sa  parole 
pouvait  être  diminuée,  il  s'adressa  à 
l'Eglise  de  Rome,  qui  s'était  illustrée 
par  sa  fermetédans  la  persécution.  Celle- 
ci  approuva  et  loua  la  conduite  de-  Cy- 
prien ,  blâma  l'insistance  des  apostats, 
et  condamna  les  abus  qu'avait  entraî- 
nés une  trop  large  concession  des  billets 
d'indulgence.  L'opinion  de  l'Église  ro- 
maine donna  une  grande  force  aux  re- 
montrances de  Cyprien. 

Enfin,  la  persécution  avait  cessé,  et 
déjà  l'évêque  se  préparait  à  sortir  de  sa 
retraite  pour  célébrer  les  fêtes  de  Pâques 


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AFRîOTÎE  CËRÉtiENNE. 


dans  $où  église  (  i^l  ) ,  lorsqu'il  apprit 
^u'uii  schisme  violent  venait  d'éclater 
à  Cartilage. 
schismeàcâ.rthàgb;les  ennemis 

DE  S\[NT  CYPBIEN;  DEUX  CONCILES; 

BAPPOBTS  DE  l'Église  de  cabthagb 

AVEC  l'église  de  ROME;  CELLE-CI 
CONDAMNE  LES  SCHISMATIQUES  AFBI- 
CAINS;   DEUX  TBAITBS  DE  SAINT  CY- 

PBiEN.  —  Il  y  avait  alors  dans  la  ville 
un  homme  puissant  qui  s'appelait  Félir 
cissime.  Par  ses  richesses  et  surtout  par 
ses  intrigues  il  avait  réussi  à  se  faire 
un  parti.  Les  apostats,  qui  réclamaient 
pour  leur  faute  un  prompt  et  entier  par- 
don ,  l'avaient  choisi  pour  chef,  et  ils 
l'excitèrent ,  sans  doute ,  à  lutter  ouver- 
tement contre  Cyprien.  L'évéque  avait 
envoyé ,  de  sa  retraite  deux  évéques  et 
deux  prêtres  pour  faire  une  enquête  sur 
la  conduite  de  tous  ceux  qui  apparte- 
naient à  son  Église.  Féiicissime  ne 
voulut  point  qu'ils  remplissent  leur 
mission  et  les  repoussa  avec  menace.  A 
cette  nouvelle,  Cyprien  prononça  une 
sentence  d'excommunication.  Cette  sen- 
tence atteignait  Félicissime  et  un  cer- 
tain Augendus,  qui  lui  avait  prêté  aide 
et  appui.  Parmi  ceux  qui  provoquèrent 
le  schisme  on  comptait  aussi  cinq  prê- 
tres, qui  avaient  ambitionné  le  sié^e 
épiscopal  et  qui  avaient  vu  avec  chagrin 
l'élection  de  Cyprien.  Le  plus  célèbre 
de  ces  cinq  prêtres  est  Nova  t. 

Cétait  à  Rome,  surtout,  que  ce  der- 
nier devait  se  signaler.  11  se  rendit  en 
Italie  au  moment  où  l'Église  romaine 
se  disposait  à  élire  un  nouvel  évêque. 
Novat  se  lança,  comme  à  Carth<ige, 
dans  les  intrigues.  Il  s'opposa ,  autant 
qu'il  le  put ,  à  ceux  qui  voulaient  porter 
leur  choix  sur  Corneille,  et  il  favorisa 
les  prétentions  de  Novatien.  Celui-ci, 
qui  était  admirateur  de  la  philosophie 
oes  stoïciens,  aftlchait  des  principes 
d'une  extrême  rigidité.  En  ce  qui  con- 
cernait les  apostats,  par  exemple,  il 
soutenait  que  l'Église  ne  pouvait  ac- 
corder le  pardon,  quelque  pénitence 
âu'ils  fissent,  à  ceux  qui  étaient  tombés 
ans  la  persécution.  Il  devint  le  chef 
d'une  secte  qui  se  répandit  hors  de 
l'Italie.  Les  membres  de  cette  secte 
s'appelaient  eux-mêmes,  d'un  motgrec, 
eaihares,  c^est-à-dire  les  purs,  et  ils 
portaient  des  vêtements  blancs.  Nova* 


tien  voulait  donc  se  faire  élire  évêque 
de  Rome;  mais  ses  espérances  furent 
trompées.  Corneille  fut  choisi  par  une 
forte  majorité.  Novatien ,  dans  son  dé- 
pit, n'hésita  pas  à  exciter  un  schisme  ; 
il  se  fit,  à  son  tour,  nommer  et  sacrer 
par  ses  partisans.  Il  écrivit  alors  à 
toutes  les  Églises  pour  leur  apprendre 
son  élection;  mais  de  toutes  parts  on 
reconnut  Corneille,  et  l'évéque  de  Car- 
thage  ne  fut  pas  le  dernier  à  condamner 
Novatien. 

Cyprien  était  rentré  à  Carthage.  C'est 
là  qu'en  251  se  tint  un  concile  où  se 
rassemblèrent  soixante-dix  évêques.  On 
y  délibéra  longtemps  sur  les  affaires  de 
l'Église,  et  on  y  traita  surtout  les  ques- 
tions qui  se  rattachaient  au  fait  de 
l'apostasie  et  du  schisme.  Les  schisma- 
tiques  furent  excommuniés,  et  quant 
aux  apostats  qui  se  repentaient  sincè- 
rement de  leur  chute ,  on  décida  qu'ils 
seraient  admis  à  la  communion  après 
trois  ans.  Au  reste,  les  évêques  pro- 
portionnèrent à  la  .gravite  des  délits 
les  rigueurs  de  la  pénitence.  L'Église 
d'Africfue,  pour  donner  plus  de  poids  à 
ses  décisions,  envoya  les  règlements  du 
concile  a  Corneille,  évêque  de  Rome. 
Celui-ci  les  approuva  dans  une  assemblée 
qui,  sans  compter  les  prêtres  et  les  dia- 
cres, se  composait  de  soixante  évêques. 

L'année  suivante ,  252,  Cyprien  con- 
voqua un  autre  concile  à  Carthage.  Cette 
fois,  et  à  cause  de  l'approche  d'une 
nouvelle  persécution,  les  quarante- 
deux  évêques  qui  s'étaient  réunis ,  usè- 
rent d'indulssence  à  l'égard  des  apostats 
et  les  admirent  sans  plus  tarder  à  la 
communion.  Muis  ce  concile  fut  l'oc- 
casion d'un  nouveau  schisme.  Privât 
de  Lambèse,  qui ,  comme  nous  l'avons 
vu,  avait  été  condamné  par  les  évéuues 
de  la  Numidie,  se  présenta  pour  siéger 
dans  l'assemblée  que  présidait  Cyprien. 
Il  fut  rejeté.  Dans  sa  colère,  il  s'envi- 
ronna de  quelques  excommuniés,  et  choi- 
sit un  certain  Fortuuat,  qu'il  consacra 
et  proclama  évêque  de  Carthage.  Les 
schismatiques,  pour  assurer  le  succès  de 
leur  entreprise,  écrivirent  à  Corneille 
une  lettre  remplie  des  plus  odieuses  ca- 
lomnies. Ce  fut  Félicissime  qui  porta 
cette  lettre  à  Rome.  Mais  Corneille, 
qui  connaissait  Cyprien ,  repoussa  ses 
accusateurs. 


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a 


Jt/UWVERS, 


La  vie  4e  Hvé^e  dp  Carthage ,  depuis 
la  On  de  la  persécution ,  était  singuliè- 
rement asitée  et  laborieuse.  I|  écriv^jl; 
lettre  sur  lettre ,  m\h  r^lisçde^ome^ 
m%  h  eeux  qui  en  Afriuue,  cpmme  An- 
toniep  de  Nuroidiei  m  deina^idaleiij 
de?  conseils.  Puis,  il  9v<9iitp  se  défendjrç 
contre  jesscbismatiques  qui  trpMblaienf 
Carthage.  Malgré  ses  pcpupationjs  noi?)- 
bregse>6  et  diverses ,  et  le  bruit  des  que- 
relles qui  reteptissj»it  h  s^s  preilles,  i\ 
écrivit  encore  son  Traité  des  Lgps  ^ 
celui  de  Vf/nité  dç  PÉgUsç,  C'est  d^ns 
pe  dernier  qu'il  disait  :  «  Cegi  qui  doj» 
vent  surtout  tenir  fermepienl  à  ceUe 
upiî^et  là  dpfepdre,  p'est  jipus^v^qi^^ 
qui  présidons  dans  T^gtisp ,  ^fiQ  ^ 
proMver  que  l'épispopat  ijui-ménie  e§t 
un  et  indivis.  Oui,  r^pjscopat  est  un, 
et  çhaaye  éyéque,  ^ar).s  tputefpis  pou- 
voir le  diviser,  en  possède  upe  portion. 
yÉgiijse  demê{nce;5t  une  et  se  répand^ 
par  sa  fécondité ,  en  une  multitude  tou- 
jours croissante.  C'e&t  un  soleil  dont  le§ 
rayons  sont  ij^noipbrpblcs,  mais  qui  n'a 

3u'un  s<eul  fp^er.  P'es.t  u,p  arbre  couveit 
e  rameaux ,  i^m^  tous  ces  rameaujs 
tiennent  à  gp  s.eul  et  même  tronc.  vCes 
deux  traités, de  Cyprien  sont f  œuvre  des 
çireonst^ces.  Pans  fui? ,  il  donne  de  sa- 
lutaires conseils  agx  apostats-,  d^ng 
rautr«,  il  s'élève  coljtreleschisme. 

BEI,AT;0N8F^^CJ]^^T)gSpE  CYPWBW 
AVPÇ  piYEBSES  BGLISESi  QUELQUES- 
JJNS  PE  SES  ÉjCBlTS;  ^^  POLpMIÇUÇ 
COMT^EÏ.'ÉGHSÇRpB(JAINE  f.Xyj^Vk.n 

SAINT  étiï:nne.  r^  t^  ^52.  i^  pcrsé^ 
cution  recpnjipença ;  toutefois,  il  ne 
paraît  pas  qu'elle  ait  étepdu  ses  ravages 
en  Afrique,  Ce  jfutRow  surtout au'elfe 
frappa.  Là  •  elle  atteignit  l'évêque  Cor- 
beille, qui  fut  une  de  ses  premières 
victimes.  A  cette  occasioç ,  Cyprien  écri- 
vit au  clergé  romain  et  au  çouve^papp 
Lucius,  pour  les  féliciter  de  la  gioii^ 
que  venait  d*acquérir  leur  Église  çf 
pour  les  encourager  à  la  constance. 
Mait  à  défaut  &  la  persécution^  une 


la  durée  du  fléap ,  les  chrétiens ,  animés 
par  leur  évêque,  niontrèrept  une  cha- 
rité et  MU  dévouement  sans  bornes  Tou- 
tefois, parmi  eux,  il  s'en  rencontra  qui 
fe  laissèrent  gagner  par  la  crainte.  aBq 


de  leur  fendfô  courage ,  Cyprien  écri- 
vit un  traité  où  il  envisageait  les  peines 
terrestres  suivant  les  croyances  chrï- 
^ieMPes;  il  y  montrait  que  ces  peines 
ne  çont  que  passagères  et  qu'elles  doi- 
vent être  supportées  patiemment  en  vue 
de  pièii  et  de  l'éternité.  Ce  fut  le  trait|i!^ 
die  ta  Mortailté.  A  la  même  époque,  il 
adressa  à  Démétrîen ,  magistrat  impé* 
rj^l  oui  résidjait  à  Carthage ,  une  lettre 
si|r  up  sujet  qui  fut  longtemps  débattu 
avec  plufs  pu  moins  d'éjoauen^e ,  entre 
les  païens  et  les  chrétiens,  jusau'au 
temps  ou  vécurent  Symmaque,  saint  Am- 
brpise,  LibanluSf  saint  Augustin  et  Sai- 
v^q.  L'antagoniste  de  révei^ue  dfs  Car? 
tha^e  attribuait  aux  chrétiens  tpus  li« 
piaux  qu}  désolaient  l'empire.  C'est  a 
cette  accgsatiop  que  répondit  Cyprlea . 
dans  là  lettre  dont  nous  parions, 

Déjà  la  réputation  de  révêque  de  C&r^ 
tliage  s^étendaif  au  loin.  On  le  consultait 
de  tputes  le^  parties  de  l'Afrique.  Les 
Églises ,  parce  qu'il  Jouissait  d'un  im- 
mense crédit,  imploraient  spn  assistance 
dans  Leurs  besoins  Une  fois,  huit  évé^ 
ques  de  Kumidie  iqi  annoncèrent  que 
les  trîbMS  du  désert  s'étaient  jetées  âpr 
leurs  terres,  et  avaient  enlevé  un  granél 
nombre  de  dirétiens  de  Tun  et  de  T^^re 
sexe,  fis  demandaient  un  secours  en  ar- 
gent pour  radieter  les  captifs.  lie  saint. 
a  eette  nouvelle,  versa  des  larmes.  I| 
sf empressa  de  ^'adresser  à  son  Église 
qui,  dans  un  élan  de  généreuse  «iompasH 
sion ,  donna  cent  mille  sesterces.  Cy-> 
prieh  envoya  cette  somme  aux  évéïju^ 
de  N|jmidiè  avec  une  lettre  où  on  lisait 
ces  mpts  :  «  Si  pour  éprouver  notre  cha- 
rité il  arrivait  encore  un  pareil  mal!» 
heur ,  ne  craignez  point  de  neus  l'éenre^ 
et  bien  que  notre  Église  demandje  qu'il 
n'arrive  pius  rien  de  semblable,  soy^B 
assurés  qu'au  jour  du  besoin ,  elle  vous 
donnera,  s*il  le  faut,  de  pronipts  et  abon- 
dants secours,.  Et  afin  que  vous  fassi€« 
des  prières  à  f  intention  de  nos  frères  et 
de  nos  sœurs  qui  ont  ec^ribué  de  bonae 
gréce  à  cette  œuvre ,  j'ai  mis  ici  les 
noms  de  chaouii  é'euic.  »  L'évoque  49 
Carthage  ne  se  eontenta  pas€ledoDnerf 
il  voulut  encore ,  par  ses  écrits ,  déve- 
lopper dans  les  âmes  ctiréiiennes  le 
sentiment  de  laehanlé,  et  il  fit  son  \Um 
des  Bonnes  œuvres  et  de  ^Aumône, 

Ce  fut  vers  ce  temps  que  Cyprisa^ 


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AFRIQUE  rtîRÊTIEiVNÊ. 


pom*  répondre  à  6éiiX(t^i  Tinter rogenient 
île  toutes  parts,  écrivit  un  grand  nombre 
de  lettres  sur  des  sujets  de  discipline. 
Ce  n'étaient  point  seulement ,  comme 
BOUS  le  voyons  dans  ses  œuvres,  les  évo- 
ques de  la  Proconsulaire,  de  la  Numidie 
et  de  la  Mauritanie  qui  s'adressaient  à 
lui ,  mais  encore  ceux  de  ^Espagne  el 
de  la  Gaule.  Quand  il  n'osait ,  en  cer* 
tains  cas,  s'en  rapportera  son  propre 
jusement ,  il  appelait  autour  de  lui  les 
éveques  des  provinces  voisines,  et  leur 
soumettait  les  questions  qui  Savaient 
embarrassé. 

Au  reste,  Cyprîen,  pendant  soa  épîs- 
copat,  convoqua  souvent  des  conciles» 
Les  deux  derniers  fiirent  remarciuaMes 
par  la  lutte  qu'il  soutint  contre  rÉgitse 
de  Rome.  Certaines  Églises  d^Asie 
avaient  pour  coutume  de  rebaptiser  le» 
hérétiques  qui  abjuraient  leurs  erreurs. 
L'Église  de  Rome  et  Etienne,  son  évê* 
que,  condamnaient  cette  coutume  ;  Cy* 
pVien  Papprouvait.  L'opinion  de  l'évô* 
quedeCarthageétaitcelled'Agrippinus^ 
son  plus  ancien  prédécesseur.  Cyprien 
eombattitdonc  Etienne.  11  mit  beaucoup 
d'ardeur  dans  la  discussion ,  et  quelque* 
fois  de  l'amertume.  Puis,  pourdonnep 
plus  de  poids  à  ses  paroles  et  à  se» 
écrits,  iJ  fît  approuver  son  opinion 
par  deux  conciles.  Dans  le  premier,  il 
réunit,  à  Carthage,  soixante  et  onze 
évoques  ;  dans  le  second,  quatre-vingt^ 
cinq ,  qui  étaient  venus  de  la  Procon»- 
sulaire  ,  de  la  Numidie  et  de  la  Ms^irite- 
nie.  Ce  dernier  concile  s'ouvrit  au  mois 
de  septembre  de  l'année  256.  Ce  fut  au 
temps  de  cette  vive  polémique  que  Cy- 
prien  écrivit  deux  traités,  l'un  sur  VU^ 
tilité  de  la  patience,  l'autre  sur  Y  Envie 
et  la  Jalousiç. ^ous  devons  dire,  en  finis* 
sant ,  que  l'Église  condamne  saint  Cy- 
prien  et  approuve  l'opinion  du  pap5 
saint  Etienne  (I). 

PEBSÉCUTION  ORDONNBEPAB  L'EM** 

(1)  Sciks^tigeLU,  (Bccîesia,  airieana,;  diaaeré^ 
iH,c.  2,  p.  120 ,  Paris,  1680)  Liàme  S.  CyprieD 
et  Mue  rapidement  sur  se»  déa^lé&  avec 
S»  ÊUeone.  Leydeoker>  aucoulrake  (Historith 
eceletia  africanœ  iUuaUmta;  Utreotil,  I690  -<« 
dissert,  de  statu  eccl.  aj^,  $ecU  9  et  IT:  hiU» 
cifric.  etdùiiatistioa.^  p.  IMj),  approuvevréké^ 
mie  de  Carlha^eel  revient  plus  A^uoe  foisaveo- 
élendue  sur  cette  célèbre  cooirmerae.  On  I* 
conçoit  aisément  ^  Scbelstraic  était  bibUotbé» 
«aire  du  Vatican,  et  L^decktr  proiesUatv 
txalté. 


PERBUV     YAL^BltN;    lÎAlttYâE     DB 

SAINT  GYPBiBff .  «^  Dans  les  premiers 
temps  de  son  règne,  l'empereur  Valériea 
s'était  montré  favorable  aux  ehrétiens. 
En  257^  ii  ebangea  brusquement  et  il 
ordonna  de  les  poursuivre.  La  persécut 
tioB  s'étendit  bientôt  dans  tout  l'em* 
pire.  Ce  futalors  que  Cyphen*  sous  forme 
d'une  lettre  qu'il  adressait  à  un  eertaiii 
Fortunat,  composa  pour  les  fidèiesune 
exhortation  au  martyre.  11  devait  bientôt 
lui-même  eneourager  pardon  exemple ^ 
ceux  qu'il  avait  tant  oe  fois  anioiés  par 
seséeriu.  Au  mois  d^aoâl  iil7,  il  fut 
traduit  devant  Paternus,  proeonsul  d'At> 
frique.  Il  répondit  avec  fermeté  aux 
Questions  qui  lui  furent  adressées  i  il 
déclara  qu'il  était  çhréli#n  et  évéque,  et 
refusa  ,  avee  une  généreuse  indignation, 
de  dénoneer  les  prêtres  de  son  Église. 
Patemus  se  contenta  de  l'exil».  Il  aa 
resta  point  oisif  dans  son  exil  De  là,  il 
écrivait  à  Carthage,  aux  martyrs  des 
diverses  Églises  de  FAfrtqiie,  et  notam* 
ment ,  à  neufévéqoes  qui  avaient  éléeonr 
damnés  avec  un  grand  nombradechré* 
tiens  à  travailler  aux  mines  de  cuivra  da 
la  Numidie  et  de  la  Mauritanie. 

En  2&8 ,  il  obtint  de  Tempereur  l'au* 
tarisation  de  revenir  a  Carthage.  Mais 
il  ne  devait  pas  y  demeurer  longtemps 
en  paix.  La  persécution  n'avait  point 
eessé.  On  conseillait  à  l'évéque,  dans 
l'intérêt  de  l'Église,  de  fuir  et  da  seea- 
cher.  Il  résista  aux  pressantes  sollicita^- 
tions  de  ses  amis.  Enfin ,  il  fut  arrêté 
par  ordre  de  Galérius  Maxime,  qui 
^vait  succédé  à  Patemus.  Quand  on 
«ut  dans  la  ville  que  Cyprien  devait 
farattre  devant  le  proeonsul,  il  y  eut 
4ine  immense  émotion.  La  fouie  sa 
luréeipita  autour  de  la  maison  où  l'on 
^rdâit  révéque,  et  sur  tous  les  visages 
<on  voyait  l'empreinte  de  la  tristesses. 
Cyprien  avait  compris  que  le  temps  du 
«iartyre  était  proche.  Cependant  quand 
il  comparut  devant  le  proconsul ,  il  ne 
ferdit  rien  de  sa  fermeté.  Voiei  l'in^ 
^lerrogatoire  tel  qu'il  nous  a  été  con« 
«ervé  dans  un  ancien  document  (1)  : 
<«  La  proconsul  Galérius  Maxime  dit  à 
ifévêque  Cyprien  :  N'es*tu  pasThaseius 
<^nen?  L'évéque  Cyprien  répondit  % 

(I)  Voy.  4cta  proconsuîaria  S,  Cyprianï 
e^isc^jii  etmariyris;  ap.  Buioart,  p.  SI 7  et 


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16 


L'UNIVERS. 


Oui,  c'est  moi.  Le  proconsul  Galérius 
Maxime  dit  :  Ifes-tu  pas  le  pape  d'une 
secte  sacriiéçe?  L'éveque  Çyprien  ré- 
pondit :  Oui.  Le  proconsul  Galérius 
Maxime  dit  :  Les  très-sacrés  empereurs 
t'ordonnent  de  sacrifier.  L'évé^ue  Çy- 
prien répondit  :  Je  ne  le  ferai  point. 
Galérius  Maxime  dit  :  Réfléchis.  L'é- 
véqueCyprien  répondit:  Fais  ce  qui  t'est 
commandé.  En  une  chose  évidemment 
juste  la  réflexion  est  inutile.  —  Galé- 
rius Maxime  (ici,  nous  reproduisons  en- 
core le  document  dont  nous  parlons,) 
après  avoir  pris  Pavisde  ses  assesseurs, 
s'adressa  à  Cyprien ,  en  ces  termes  : 
«  Tu  as  vécu  longtemps  avec  un  esprit 
sacrilège;  tu  as  rassemblé  un  grand 
nombre  d'hommes  pour  les  associer  à 
ton  abominable  conspiration;  tu  t'es 
déclaré  l'ennemi  des  dieux  romains  et 
de  la  sainteté  des  lois;  les  pieux  et 
très-sacrés  princes  Valérien  etGallien, 
augustes,  et  Valérien ,  le  très-noble  cé- 
sar, n'ont  pu  te  ramener  au  culte  de 
l'empire:  cest  pourquoi,  toi,  l'auteur 
des  crimes  les  plus  odieux ,  tu  serviras 
d'exemple  à  ceux  que  tu  as  choisis  pour 
tes  complices  et  tu  sanctionneras  la  loi 
par  ton  sang.  »  Après  cette  allocution 
le  proconsul  lut  sur  une  tablette  un  ar- 
rêt ainsi  conçu  :  «  Je  condamne  au 
glaive  Thascius  Cyprien.»  A  quoi  l'évé- 
que  Cyprien  répondit  :  «  Grâces  soient 
rendues  à  Dieu.  »  Dès  que  les  chré- 
tiens eurent  entendu  la  sentence,  ils  se 
dirent  les  uns  aux  autres  :  Allons  et 
qu'on  nous  fasse  mourir  avec  lui.  Il  s'é- 
leva donc  parmi  eux  une  espèce  de  tu- 
multe et  ils  se  précipitèrent  enfouie, 
en  suivant  l'évéque,  vers  le  lieu  de  l'exé- 
cation.  Cyprien  en  arrivant  se  dépouilla 
de  son  manteau,  se  mita  genoux  et 
pria.  Puis,  il  ôta  encore  sa  dalmatique, 
qu'il  donna'aux  diacres,  ne  conservant 
sur  lui  qu'une  tunique  de  lin.  Quand 
le  bourreau  arriva,  l'évéque  ordonna  aux 
siens  de  lui  compter  vingt-cinq  pièces 
d'or.  Cependant  les  frères  jetaient  des 
linges  autour  du  martyr  afin  de  recueil- 
lir son  sang.  Deux  d'entre  eux,  sur  ses 
ordres,  Julien  prêtre  et  Julien  sous- 
diacre  ,  lui  attachèrent  les  mains.  Ce 
fut  alors  que  le  bienheureux  Cyprien 
eut  la  tête  tranchée.  Les  chrétiens 
s'emparèrent  de  son  corps,  qu'ils  trans- 
portèrent en  grande  pompe,  avec  des 


torches  et  des  cierges ,  dans  une  pro- 
priété  du  procurateur  Macrobe  Can- 
dide, située  dans  la  rue  des  Mappales 
non  loin  des  Piscines.  Peu  de  jours 
après  mourut  le  proconsul  Galérius 
Maxime.  » 

Telle  fut  la  fin  du  plus  illustre  évêque 
de  Carthage.  Quand  il  souffrit  Iç  mar- 
tyre (14  septembre  258),  il  y  avait  dix 
ans  que,  par  le  choix  de  ses  frères,  il 
avait  été  appelé  aux  fonctions  épiscopa- 
les.  Ce  fut  dans  le  court  intervalle  qui 
sépare  son  «exaltation  de  sa  mort  que 
Cvprlen,  génie/acile,  abondant,  agréa- 
ble» comme  dit  Tillemont,  mais  non 
sans  vigueur,  composa,  a  l'exception  de 
trois ,  dans  un  style  qui  rappelle  trop 
souvent  peut-être  les  exercices  de  l'école, 
les  nombreux  écrits  que  nous  avons  si- 
gnalés (1). 

SUITE  DES  PERSECUTIONS  EN  AFBI- 
QUS;  NOMBREUX  MARTYRS;  NOMS 
DES  ÉVÉQUES  DE  CARTHAGE  QUI  SUC- 
CEDENT A  CYPRIEN.  —  La  persécution 
qui  avait  frappé  saint  Cyprien  fit,  en 
Afrique,  de  grands  ravages.  L'évéque 
d'Uippone,  Théogène,  fut  mis  à  mort. 
A  Utique,  on  jeta  dans  un  four  à  chaux 
cent  cinquante,  d'autres  disent  trois 
cents  chrétiens.  Les  fidèles  rassemblè- 
rent avec  respect  les  ossements  consu- 
més ,  et  comme  ils  adhéraient  les  unsr 
aux  autres ,  ils  appelèrent  ces  reliques , 
à  cause  delà  couleur,  la  niasse  blanche. 
A  Carthage, les  martyrs  Lucius,Moii- 
tanuSy  Flavien,  Julien,  Victoricus, 
Primolus,  Renus  et  Donatien,  suivireut 
de  près  saint  Cyprien.  En  Numidie,  à 
Cirta  et  à  Lambèse,  le  glaive  des  per- 
sécuteurs immola  de  nombreuses  vic- 
times, parmi  lesquelles  il  faut  compter 
Émilien,  Agapius,  Secundinus,  Ma- 
rien,  Jacques,  Antoniaet  Tertulia.  La 
persécution  ne  cessa  qu'au  moment  où 
l'empereur  Valérien  tomba  aux  mains 
des  Perses.  Mais  elle  devait  encore  se 
rallumer  deux  fois  avant  le  sanglant 
édit  de  Nicomédie;  d'abord  sous  Aure- 

(l)Voy.  tar  saint  Cyprien,  indépendamment 
de  ses  œavres  :  Tillemont  :  Mémotres  pour  ser- 
vir à  Vhiiùfire  ecclétiastique  des  aix  preini*T9 
siècles;  t.  IV,  p.  46  et  saiv.  (Paris.  1704. > 
Fleory;  Histoire  ecclésiastique;  t.  II,  p.   153 

—  314.  —  L'abt)é  Robrbacher;  Hisi.  univers, 
de  C Église  catholique;  t  V,  p.  389—  «8«. 

—  Aog.  Neander;  allgemeine  GescMcfUe  der 
chrisUichen  Religion  und  JKtrcAf  (Hambourg, 
I84&);  t.  I,p.  ssuetsuiv. 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


lien,  etiâuite  sons  Bioçlétien,  en  296. 
Ce  fut  vers  ces  temps  que  la  secte  des 
manichéens  se  répandit  en  Afrique. 

Cyprien  eut  pour  successeurs ,  sur  le 
siège  épiscopal  de  Carlhage,  Carpo- 
phôre  (1),  Lucien  et  Mensurius. 

ÉDIT  DE  NICOMÉDIE;  SES  SUITES; 
SANGLANTE       PEBSÉCUTION.     —    AU 

commencement  du  quatrième  siècle,  le 
christianisme  avait  envahi  tout  l'em- 
pire. Les  partisans  du  polythéisme  firent 
alors  les  derniers  efforts  pour  anéantir 
cette  vaste  communauté  chrétienne  qui 
contenait  dans  son  sein  toutes  les  classes 
de  la  vieille  société  et  qui  les  resserrait 
eux-mêmes  dans  un  cercle  qui  chaque  ' 
jour  devenait  plus  étroit.  Ils  avaient 
reconnu  l'impuissance  des  édits  impé- 
riaux promulgués  à  diverses  époques 
contre  les  chrétiens;  ils  voyaient  ap- 
procher le  temps  oij  ces  édits  cesseraient 
d'être  applicables  ;  ils  se  hâtèrent  donc 
de  s'armer  en  quelque  sorte  de  la  lé- 
galité qui  leur  échappait  et  qui  allait 
passer  en  d'autres  mains.  Ils  organisè- 
rent, dans  leurs  conseils,  le  plan  d'une 
vaste  extermination.  Galérius,  esprit 
violent  et  résolu,  se  fit  l'instrument  do- 
cile des  philosophes ,  derniers  sectateurs 
du  polytnéisme.  Il  mit  à  leur  disposition 
•  ce  qu'il  possédait  déjà  d'autorité  et  son 
immense  crédit  auprès  de  Dioclétien. 
Celui-ci ,  politique  habile ,  qui  avait  ré- 
généré l'empire  par  une  savante  et  sage 
administration,  vit  d'abord  tout  le  dan- 
ger d'une  persécution ,  et  il  opposa  les 
raisons  qu'il  trouvait  dans  sa  vieille 
expérience  à  la  fougue  de  Galérius.  Il 
montra  au  César  que  poursuivre  les 

(  I)  Fleary  {Hist.  ecclés.  t.  II ,  p.  314  ),  l'abbé 
Rohrbacher  (  t.  V ,  p.  485  )  et  les  autres  écri- 
vains ecclésiastiques  ne  font  pas  mention  de 
Carpophore.  Suivant  eux,  ce  fut  Lucien  qui 
siicceoa  immédiatement  a  saint  Cyprien,  C'est 
Morcelli,  dans  son  AMca  christianUf  gui  nous 
a  fourni  le  nom  de  Carpophore  ;  les  raisons  sur 
lesquelles  il  s'appuie  pour  ajouter  ce  nom  à  la 
liste  connue  des  évéques  de  Cartha^e  nous  ont 
paru  décisives.  II  dit  :  Nomen  hujus  servavit 
nobis  Optati  codex  sangermanensis.  In  eo 
enimy  ubi  Optatus  agit  de  schismate  Majorini 
adversus  Cœcilianum  legitimum  episcopum , 
piena  erat,  inqnit,  cathedra  episcopalis,  erat 
al  tare  loco  suo,  in  quo  pacitici  episcopi  rétro 
temporis  obtulerant,  Cyprianus,  Carpophorus, 
Lucianus  et  ceteri  (  de  Schism.  Don.  i ,  I»  ). 
Congruum  guoqueestf  binos  saXUm  episcopos 
inter  Cyprianum  et  Mensurium  fuisse  ;  nam 
inter  utrumquefluxere  anni  plus  minus  gua- 
draginta,  Voy.  t,  I,  p.  52. 

A.FB.  GHRÉT. 


ir 

chrétiens  par  le  fer  et  la  flamme,  c'é- 
tait porter,  par  une  tentative  vaine, 
au  sein  des  populations  entièrement 
envahies  par  le  christianisme,  la  plus 
grave  perturbation,  et  anéantir  d'un 
coup  le  bon  ordre  que  pendant  vingt 
années  il  avait  maintenu  avec  tant  de 
peine  dans  le  monde  romain.  Dioclé* 
tien ,  tolérant  moins  par  nature  peut* 
être  que  par  habileté,  résista  long- 
temps à  Galérius.  Il  discuta  avec  lui 
pendant  tout  un  hiver;  mais  enfin, 
soit  que  l'âge  eût  affaibli  son  esprit 
jusqu'alors  si  ferme ,  soit  qu'il  voulût 
donner  un  contentement  à  l'ambition 
de  son  César  qui  laissait  percer  son 
dépit  de  n'occuper  qu'un  rang  secondaire 
dans  la  tétrarchie^  il  c^da,  et  de  son 
palais  de  Nicomédie  (303)  il  promul- 
gua l'édit  de  persécution  (1). 

En  vertu  de  cet  édit,  les  églises  de- 
vaient être  détruites  et  les  livres  de  la 
religion  [proscrite  consumés  par  les 
flammes.  Les  chrétiens  étaient  mis 
hors  la  loi  ;  les  juges  impériaux  pou- 
vaient, suivant  des  cas  déterminés ,  les 
exproprier,  les  priver  de  la  liberté,  les 
tuer.  Le  zèle  excessif,  comme  dit 
Fleury,  de  certains  chrétiens  vint 
encore  aggraver  les  maux  de  l'Église. 
Les  persécuteurs  s'organisèrent  et  ils 
se  mirent  à  l'œuvre  avec  une  violence 
sans  égale  dans  les  provinces  admi- 
nistrées par  Dioclétien,  Galérius  et 
par  Maximien,  Vauguste  d'Oecident; 
Il  n'y  eut  que  le  césar  Constance 
Chlore ,  qui ,  dans  l'Espagne ,  la  Gaule 
et  la  Bretagne,  pays  dont  le  gouvet^ 
nement  et  la  défense  lui  avaient  été 
confiés ,  tempéra ,  par  sa  tolérance  et 
sa  noble  modération,  les  rigueurs.de 
l'ordonnance  de  Nicomédie. 

LA.      PERSÉCUTION     EN     AFRIQUE; 

NOMBREUX  MARTYRS.  —  Quand  l'é- 
dit de  persécution  fut  apporté  en  Afri- 
que et  notifié  aux  magistrats  impé- 
riaux, les  hommes  avides  de  faveurs  et 
les  partisans  du  polythéisme  se  mon- 
trèrent impitoyables  pour  les  chré- 
tiens. A  Cirta,  l'une  des  villes  les  plus 
considérables   de  la  Numidie,  ce  fut 

(I)  Tillemont;  Mémoires  pour  servir  à  Vhist, 
eccles,  des  six  premiers  siècles  ;  t.  V,  p.  20  et  suiv. 
—  Fleury;  Hist.  ecclésiasL;  t.  H,  p.  4J 5  et 
suiv.  —  Dumont;  Histoire  romaine  ;  t.  lil,  p. 
497etsuiv.;io-i2. 

2 


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tn 


L'UNIVERS 


un  prêtre  de  là  vieille  religioift  Mu- 
natius  Félix ,  flamine  perpétuel ,  qui  se 
chargea  de  mettre  à  exécution  Tordon- 
nance  des  empereurs.  Il  fît  démolir  les 
églises  et  procéda  avec  un  zèle  infati- 
gable à  la  redierche  des  livres  sacrés. 
Il  s'empara  non-seulement  des  vases , 
chandeliers ,  lampes  et  de  tous  les  orne- 
ments qui  servaient  au  culte  proscrit , 
mais  encore  de  certains  objets  que  la 
charité  des  chrétiens  destinait  au  sou- 
lagement des  pauvres.  Ce  fut  ainsi  que 
sur  rinventaire  de  la  saisie ,  on  inscri- 
vit quatre-vingt-deux  tuniques  de  fem- 
mes, trente-nuit  voiles,  seize  tuni- 
ques d'hommes  et  soixante  paires  de 
chausses.  L'Église  de  Cirta  se  montra 
faible  en  ces  jours  de  persécution; 
ses  prêtres  et  ses  lecteurs  se  soumirent 
sans  opposition  aux  ordres  du  flamine 
Fehx  et  lui  livrèrent  les  ornements  du 
culte  et  tous  leurs  livres. 

L'évêque  de  Tibiure  (t),  Félix, 
n'imita  point  la  conduite  des  prêtres 
de  Cirta.  Quand  le  magistrat  de  la 
ville,  Magnilien,  lui  dit  :  Evêque  Félix, 
donnez-nous  les  livres  et  les  parche- 
mins de  votre  Église,  il  répondit  :  Je 
les  ai,  mais  je  ne  les  doimerai  pas. 
Pour  ébranler  sa  résolution  et  l'ef- 
frayer, on  le  conduisit,  chargé  de 
chaînes,  au  tribunal  du  proconsul. 
Là,  il  ne  se  démentit  point  et  resta 
inébranlable.  Le  [proconsul  envoya 
Félix  au  préfet  du  prétoire  et  le  lit 
passer  en  Italie.  L'évêque  devait  com- 
paraître devant  les  empereurs.  Mais 
la  ville  de  Venusia,  en  Apulie,  fut  le 
terme  de  son  voyage.  Il  y  fut  déca- 
pité. Jusqu'au  dernier  moment  il  ré- 
pondit aux  juges  et  aux  bourreaux  qui 
lui  demandaient  les  livres  de  son  Éghse  : 
«  Je  les  ai,  mais  je  ne  les  donnerai  pas.  » 
L'évêque  d'Abitine  (2),  Fundanus, 
pour  se  soustraire  au  dernier  supplice , 
se  hâta ,  sur  les  injonctions  des  magis- 
trats ,  de  livrer  les  Écritures.  Cet  acte 
de  faiblesse  attrista  sans  doute  les 
chrétiens  de  la  ville,  mais  il  ne  les  dé- 
couragea pas.  Quand  ils  eurent  perdu 
leurs  églises,  ils  se  rassemblèrent  dans 
des  maisons  particulières  pour  célé- 

(I)  Tibiure,  en  latin  Tihiura,  civitas  TibiU' 
rensium,  Tibursicensium  Burensium,  était  une 
petite  ville  de  la  Proconsuiaire. 

('I)  C'était  encore  une  ville  de  la  Procoasolaire. 


bref  les  saints  mystères.  Les  magis- 
trats les  y  surprirent  une  fois  et  les 
firent  arrêter  par  leurs  soldats.  On  les 
conduisit  à  Carthage  au  nombre  de 
quarante-neuf. 

Le  danger  qui  les  menaçait  ne  les 
effraya  point  et,  saisis  d'enthousiasme , 
ils  ne  cessèrent  pendant  toute  la  durée 
du  voyage,  de  répéter  des  hymnes  et 
des  cantiques.  A  Carthage ,  ils  ne  se 
laissèrent  gagner  ni  par  les  menaces , 
ni  par  les  promesses  du  proconsul.  Ils 
confessèrent  hardiment  le  nom  du 
Christ  et,  sans  crainte  des  châtiments 
infligés  à  ceux  qui  violaient  les  édits 
impériaux,  ils  avouèrent  sans  hésiter 
qu'ils  s'étaient  réunis  librement  pour 
célébrer  les  saints  mystères.  Ils  furent 
condamnés  à  souffrir  et  à  périr.  Parmi 
ces  chrétiens  que  l'Église  d'Afrique  a 
mis  au  nombre  de  ses  plus  illustres 
martyrs ,  on  comptait  le  prêtre  Satur- 
nin et  ses  fils,  Dativus,  Thelica, 
Emeritus ,  Félix ,  et  la  vierge  Victoria. 
l'évêque  de  carthage  mensu- 
Rius  ;  SA  MOHT.  —  A  Carthage ,  s'il 
faut  en  croire  les  documents  contem- 
porains ,  la  persécution  ne  sévit  point 
avec  autant  de  violence  que  dans  les 
autres  villes  de  l'Afrique.  Soit  par 
crainte  d'une  sédition  dans  cette  popu- 
leuse cité,  soit  que  ces  ménagements 
lui  fussent  imposés  par  la  conduite 
pleine  de  mesure  et  de  sagesse  de  l'évê- 
que Mensurius,  le  proconsul  atténua 
la  rigueur  des  édits  impériaux.  Mensu- 
rius avait  caché  les  livres  de  son  Éghse; 
on  pressait  le  proconsul  d'ordonner  à 
ses  officiers  de  faire  une  perquisition 
dans  la  maison  de  l'évêque;  il  s'y  refusa. 
Mensurius,  de  son  côté,  était  un  homme 
plein  de  modération  ;  il  usa  de  l'auto- 
rité morale  que  lui  donnait  sa  haute 
position  dans  l'Église  d'Afrique  pour 
conseiller,  par  lettres,  aux  évêques 
ses  frères ,  aux  prêtres ,  à  tous  les 
chrétiens ,  de  ne  point  irriter  par  un 
zèle  inconsidéré  les  magistrats  des 
villes  et  des  provinces.  Il  blâmait^ 
avec  raison,  ceux  qui  n'étant  point  re- 
cherchés venaient  d'eux-mêmes  s'offrir 
aux  juges  et  aux  bourreaux.  Mensurius 
cependant  n'était  pas  un  homme  ti- 
mide, et  il  se  dévouait  volontiers  pour 
ses  frères.  C'est  ainsi  qu'il  sauva  Félix , 
un  des  diacres  de  son  Église.  Celui-ci 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


était  poursuivi  pour  avoir  écrit  un  libellé 
contre  l'empereur.  L'évéaae,  au  péril 
de  ses  jours ,  raccueiilit  dans  sa  mai*' 
son,  et  le  cacha.  Puis,  quand  on  vint 
auprès  de  lui  réclamer  le  coupable,  il 
refusa  de  découvrir  le  lieu  où  il  était 
oacbé.  Mensurius ,  à  cause  de  la  gravité 
du  cas ,  et  pour  sa  résistance  obstinée , 
fut  mandé  a  la  cour  impériale.  Il  s'y 
rendit  après  avoir  réglé  les  affaire^  de 
son  Église  ;  là ,  il  plaida  si  bien  sa  cause 
qu'il  fut  absous  et  renvoyé.  Mais" ce 
sa^e  et  courageux  évêque  ne  devait 
pomt  revoir  Carthage;  il  mourut  avant 
d'y  arriver. 

ARNOBE.  —  Ce  fut  au  temps  de  la 
persécution  qu'un  auteur  célèbre,  Ar- 
nobe,  qui  avait  enseigné  la  rhétorique 
dans  la  ville  de  Sicca,  écrivit  un  ouvrage 
pour  défendre  les  chrétiens.  C'était, 
dans  ces  jours  de  péril ,  un  acte  de 
courage.  Arnobe  avait  été  païen,  et 
l'on  voit  que,  dans  son  ouvrage,  il  a 
voulu  prouver  à  ses  nouveaux  frères  que 
sa  conversion  avait  été  sincère.  Il  se  fit 
dans  ses  idées  une  vive  réaction.  Après 
avoir  longtemps  expliqué  et  commenté 
avec  amour  les  chefs-  d'œuvre  littérai- 
res de  la  vieille  civilisation,  il  se  laissa 
emporter  par  son  ardeur  de  néophyte  ; 
•  il  demanda  la  destruction  deS  théâtres, 
et  voua  aux  flammes  les  œuvres  des 
poètes  jadis  l'objet  de  son  admiration  (1). 
LES  TRÀDiTÊUBS.  —  Les  spoliationiS 
injustes,  les  tortures,  les  supplices  né 
furent  point  les  plus  grands  des  maux 
qu'entraîna  à  sa  suite,  pour  l'Église 
d'Afrique,  Fédit  deNicomédie.  Parmi 
les  chrétiens  persécutés ,  il  y  en  avait 
plusieurs  qui ,  comme  nous  l'avons  dit, 
s'étaient  signalés  par  leur  héroïsme. 
Mais  d'autres  s'étaient  laissé  entrai^ 
ner,  par  surprise  peut-être,  à  des  actes 
d'une  déplorable  faiblesse.  On  avait  vu 
des  évêques  et  des  prêtres  se  soumettre 
sans  résistance  à  la  loi  de  César,  et 
livrer  à  ses  exécuteurs  les  biens  de  leurs 
Églises  et  leurs  livres  sacrés.  Quand  la 
persécution  se  ralentit,  ceux  qui  s'étaient 
montrés  forts  dans  le  danger  s'exaltè- 
rent et  poursuivirent  de  leur  mépris  et 
de  leur  haine  les  hommes  qui  par  crainte 
s'étaient  dessaisis ,  dans  les  mains  des 

(I)  Voy.  sur  Arnobe,  V Histoire  universelle  de 
VEglise  catholique ,  par  l'abbé  Rohrbacher,  t. 
Yl,p.  B5  ctsuiv. 


19 

bourreaux ,  du  dépôt  sacré  qui  leur  avait 
été  confié.  Ils  leur  appliquèrent,  comme 
une  note  d'infamie ,  le  nom  de  tradi* 
ieurs.  Cette  qualiOcation  injurieuse» 
employée  par  des  hommes  violents  et 
passionnés ,  ne  Rêvait  pas  tarder  à  sou« 
lever  dans  les  Églises  chrétiennes  de 
nombreux  orages.  Elle  servit,  pour 
ainsi  dire,  de  mot  de  ralliement  à  ceux 
qui  opérèrent ,  au  moment  même  où 
cessait  la  persécution ,  un  schisme  qui 
devait  être  pour  l'Afrique  la  cause  et 
l'ori^ne  des  plus  grandes  calamités.       ) 

CECILIEN  SUGGBBB  ▲  XENSUBIUS; 
DONÂT  DES  GASSS-IVOIBES;  TROUBLES 

DAiss  l'éolisb  db  carthage;  obi* 

GINE  DU  SCaiSME  DES  DONATISTES.  — 

Après  la  mort  de  Mensurius  (311) ,  les 
chrétiens  de  Carthage  procédèrent  à 
l'élection  d'un  nouvel  évêque.  Ils  se 
réunirent,  prêtres  et  peuple,  et  tous, 
d'un  commun  accord,  ils  proclamè- 
rent le  diacre  Cécilien.  Ce  tut  Félix» 
évêque  d'Aptonge,  qui  lui  imposa  les 
mains.  Mais  bientôt  une  vive  opposi* 
tion  se  manifesta  contre  cette  élec- 
tion. Mensurius,  avant  son  départ ,  avait 
remis,  par  prudence,  aux  anciens  de 
Carthage ,  les  vases  d'or  et  d'argent  de 
son  Église,  Cécilien,  à  peine  assis  sur 
le  siège  épiscopal,  s'adressa  aux  dépo- 
(Sttaires  êWisis  par  son  prédécesseur  et 
réclama  les  richesses  qui  leur  avaient 
été  confiées.  Ils  s'irritèrent  de  cette  de- 
mande et  se  refusèrent  à  une  restitu- 
tion. Ils  se  joignirent,  dans  leur  dépit, 
à  Botrus  et  a  Celeusius,  qui  se  piair 
gnaient  vivement  de  ne  l'avoir  point 
emporté  sur  Cécilien.  Puis,  se  liguant 
encore  avec  Lucilla,  femme  riche  et 
puissante,  ennemie  de  Tévêque  qui, 
simple  diaere ,  l'avait  jadis  offensée  par 
de  justes  et  sévères  remontrances ,  ils 
formèrent  un  parti  qui  s'enhardit  enfin 
jusqu'à  protester  hautement  contre  la 
récente  élection.  L'âme  et  le  chef  de  ce 
parti  était  Donat  des  Cases-Noires. 

Pour  arriver  à  leurs  fins ,  ils  s'adres- 
sèrent aux  évêques  de  la  Numidie,  qui, 
vivement  blessés  de  n'avoir  point  été 
appelés  à  l'ordination  de  Cécilien ,  se 
rendirent  en  toute  hâte  à  Carthiga 
pour  prêter  aide  et  appui  aux  ennemse 
du  nouvel  élu.  A  leut  tête  se  trouvait 
Secundus  de  Tigisi,  le  premier  évêque 
de  la  Numidie.  lU  étaient  au  nombre 

2. 


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50 


L'UNIVERS* 


de  soixanie-dîx.  Parmi  eux  on  voyait 
les  douze  évêques  qui ,  réunis  à  Cirta , 
eu  305 ,  s'étaient  avoués  traditeurs ,  à 
la  suite  de  vives  et  mutuelles  récrimina- 
tions. Les  ennemis  de  Ceci  lien  n'osèrent 
point ,  à  cause  des  manifestations  du 
peuple,  se  rendre  dans  la  basilique  qu'a- 
vait illustrée  Cyprien  et  où  se  trouvait 
la  chaire  épiscopale.  Ils  se  réunirent 
probablement  dans  une  autre  basilique 
et  s'organisèrent  en  concile.  Ils  citèrent 
d'abord  Cécilien  à  comparaître  devant 
eux.  Mais  il  fit  bonne  contenance  et  ré- 
pondit :  J'attends  mon  accusateur.  Ce 
n'est  point  par  les  fautes  de  Cécilien, 
dirent  ensuite  les  évêques  rassemblés  , 
que  l'élection  est  nulle,  mais  par  celles 
des  évêques  qui  Pont  sacré.  Félix  d'Ap- 
tonge  est  un  traditeur.  —  Que  ceux-là 
doncL,  repartit  Cécilien ,  qui  n'ont  rien 
à  se  reprocher,  viennent  de  nouveau 
m'imposer  les  mains.  Cette  fermeté 
irrita  les  évêques ,  et  l'un  d'eux ,  Martien , 
proposa  de  recourir  à  l'excommunica- 
tion. Un  autre,  Purpurius,  de  Limate, 
s'écria  dans  sa  fureur  homicide  :  «  Qu'il 
vienne  recevoir  l'imposition  des  mains, 
et  on  lui  cassera  la  tête  pour  péni- 
tence. »  C'était  le  même  évêquc  qui , 
dans  la  réunion  de  Cirta,  avait  ré- 
pondu à  ceux  qui  l'accusaient  d'avoir 
fait  périr  ses  neveux  :  «  J'ai  tué  et  je 
tue  ceux  qui  sont  contre  moi.  » 

Enfin  les  évêques  prononcèrent  une 
sentence  de  condamnation  en  se  fon- 
dant sur  les  trois  chefs  suivants  ;  Céci- 
lien n'avait  point  voulu  se  rendre  dans 
leur  réunion;  il  avait  été  sacré  par 
des  traditeurs  ;  enfin  (  ce  qui  ne  fut 
jamais  prouvé),  il  avait  empêché  les 
fidèles ,  au  temps  de  la  persécution , 
de  porter  secours  aux  martyrs  qui 
avaient  été  jetés  dans  les  prisons. 
Ayant  donc  déclaré  que  le  siège  épis- 
copal  de  Carthage  était  vacant,  les 
membres  du  concile  procédèrent  à  une 
nouvelle  élection.  II  choisirent  pour 
évéque  Majorin ,  attaché  à  la  maison 
deLucilla,  et  qui  n'avait  Jamais  rempli 
dans  l'Église  que  les  fonctions  de  lecteur. 
Pour  favoriser  cette  élection,  Lucilla 
distribua  de  grosses  sommes  d'argent, 
qui  ne  furent  point  données  aux  pau- 
vres, commeon  le  prétendit  alors,  mais 
à  tous  les  ennemis  de  Cécilien.  A  par- 
tir de  cet  instant,  il  y  eut  donc  aeux 


Églises  à  Carthage.  «  Telle  fut,  disent 
les  historiens  ecclésiastiques ,  l'origine 
du  schisme  des  Donatistes;  car  on 
leur  donna  ce  nom,  à  cause  de  Donat 
des  Cases-Noires,  et  d'un  autre  Donat, 
plus  fameux,  qui  succéda  à  Majorin 
dans  le  titre  d'évêque  de  Carthage.  » 
Cette  dissidence  devait  bientôt  avoir, 
non  point  seulement  dans  la  capitale 
de  l'Afrique,  mais  encore  dans  toutes 
les  provinces ,  de  graves  résultats.  Elle 
engendra  des  désordres  sans; nombre, 
qui  ne  tardèrent  point  à  attirer  l'atten- 
tion de  l'empereur. 

BEQUÊTE  DES  DONATISTES  A  L'EM- 

PEBEUR  ;  CONCILE  DE  BOME.  —  «  Cons- 
tantin, dit  Fleury,  avait  donné  ordre 
à  Anulin,  proconsul  d'Afrique,  et  à  Pa- 
trice ,  vicaire  du  préfet  du  prétoire ,  de 
s'informer  de  ceux  qui  troublaient  ta 
paix  de  l'Église  catholique ,  et  qui  s'ef- 
forçaient de  corrompre  le  peuple  par 
leurs  erreurs  :  c'étaient  les  donatistes  ; 
et  écrivant  à  Cécilien ,  évêque  de  Car- 
thage ,  il  lui  marquait  de  s'adresser  aux 
magistrats  impériaux  pour  avoir  justice 
de  ces  insensés.  En  exécution  de  cet  or- 
dre ,  Anulin  exhorta  les  dissidents  à  la 
paix  :  mais  peu  de  jours  après ,  quel- 
ques-uns du  parti  contraire  à  Cécilien , 
ayant  assemblé  du  peuple  avec  eux ,  vin- 
rent présenter  au  proconsul  un  pac^uet 
«acheté  et  un  mémoire  ouvert,  le  priant 
instamment  de  les  envoyer  à  la  cour. 
Le  paquet  portait  pour  titre  :  Mémoire 
de  l'Église  catholique  touchant  les  cri- 
mes de  Cécilien ,  présenté  par  le  parti 
de  Majorin.  Le  mémoire  ouvert  et  atta- 
ché à  ce  paquet  contenait  ces  mots  : 
«  Nous  vous  prions,  Constantin ,  très- 
«  puissant  empereur,  vous  qui  êtes 
«  u'une  rac«  juste ,  dont  le  père  a  été  le 
«  seul  entre  les  empereurs  qui  n'ait 
«  point  exercé  la  persécution  ,  que  , 
«i  puisque  la  Gaule  est  exempte  de  ce 
c  crime,  vous  nous  fassiez  donner  des 
«  juges  de  Gaule,  pour  les  différends 
«  que  nous  avons  en  Afrique  avec  les 
«autres  évêques.  Donné  par  Lucien, 
«  Digne,  Nassutius,  Capiton,  Fiden- 
«  tins  et  les  autres  évêques  du  parti  Ma- 
«  jorin.  »  L'empereur  ayant  reçu  ces  mé- 
moires avec  la  relation  d' Anulin,  lui 
écrivît  d'envoyer  Cécilien  et  ses  adver- 
saires, chacun  avec  dix  clercs  de  soa 
parti ,  pour  se  trouver  à  Rome  dans  le 


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AFRIQUE  CHRETIENNEé 


second  jour  d'octobre,  et  y  être  jugés  par 
des  évéques.  Auulin  exécuta  cet  ordre, 
et  en  rendit  compte  à  Fempereur,  qui 
écrivit  aussi  au  pape  Miltiade  et  aux 
évéques  de  Gaule  et  d'Italie,  pour 
s'assembler  à  Rome  le  même  jour,  et 
leur  envoya  tous  les  mémoires  et  les 
papiers  (]u'Anulin  lui  avait  envoyés 
sur  ce  sujet.  La  lettre  au  pape  est  aussi 
adressée  à  Marc ,  que  Ton  croit  être  ce- 
lui qui  fut  pape  après  saint  Silvestre. 
L'empereur  y  dit  :  Taijugéà  propos  que 
Céciilien  aille  à  Rome  avec  dix  évéques 
de  ceux  qui  l'accusent,  et  dix  autres 
qu'il  croira  nécessaires  pour  sa  cause; 
afin  qu'en  présence  de  vous,  de  Réti- 
cius ,  de  Materne  et  de  Marin ,  vos  col- 
lègues, à  qui  j'ai  donné  ordre  de  se 
rendre  en  diligence  à  Rome  pour  ce 
sujet,  il  puisse  être  entendu  comme 
vous  savez  qu'il  convient  à  la  très- 
sainte  loi.  Reticius  et  les  deux  autres 
étaient  les  évéques  de  Gaule. 

«  Céciiien  avec  les  dix  évéques  ca- 
tholiques ,  et  les  dix  de  l'autre  parti,  qui 
avaient  à  leur  tête  Donat  des  Cases- 
Noires  ,  se  trouvèrent  à  Rome  au  jour 
nommé;  et  le  concile  s'assembla  dans 
le  palais  de  l'impératrice  Fausta, 
nommé  la  maison  de  Latran ,  ce  même 
jour,  second  d'octobre  313,  qui  était 
un  vendredi.  Le  pape  Miltiade  prési- 
dait; ensuite  étaient  assis  les  trois 
évéques  gaulois  :  Reticius  d'Autun, 
Materne  de  Cologne,  Marin  d'Arles; 
.  puis  quinze  évéques  italiens  :  Mérocles 
de  Milan,  Stemnius  de  Rimîni,  Félix 
de  Florence,  Gaudence  de  Pise,  Pro- 
terius  de  Capoue ,  Théophile  de  Béné- 
vent,  Savin  de  Terraeine,  Second  de 
Preneste ,  Maxime  d'Ostie,  et  quelques 
autres,  faisant  en  tout  dix-neuf  évé- 
ques ,  le  pape  compris.  L'ordre  de  cette 
séance  est  remarquable,  particulière- 
ment en  ce  que  les  trois  évéques  gau- 
lois y  tiennent  le  premier  rang,  et 
que,  entre  les  Italiens,  les  évéques 
d'Ostie  et  de  Preneste ,  quoique  suf- 
fragants  du  pape ,  n'ont  point  de  rang 
particulier.  On  travailla  trois  jours  du- 
rant avec  des  notaires  qui  rédigeaient 
en  même  temps  les  actes ,  c'est-à-dire  le 
procès-verbal.  Le  premier  jour,  les  ju- 
ges informèrent  qui  étaient  les  accusa- 
teurs et  les  témoins  contre  Céciiien. 
Les  évéques  du  parti  de  Majorin  pré- 


21 

sentèrent  un  mémoire  d'accusations 
donné  contre  lui  par  ceux  de  son  parti  ; 
sous  ce  prétexte ,  ils  prétendaient  que 
tout  le  peuple  de  Carthage  l'avait  ac- 
cusé. Mais  les  juges  n'eurent  point  d'é- 
gard à  ce  mémoire ,  parce  qu'il  ne  con- 
tenait que  des  cris  confus  d'une  multi- 
tude, sans  accusateur  certain.  Ils  de- 
mandaient des  témoins  et  des  personnes 
qui  voulussent  soutenir  l'accusation  en 
leurs  noms  ;  mais  ceux  que  Donat  et  les 
autres  évéques  du  parti  de  Majorin 
produisirent  comme  accusateurs  et 
comme  témoins ,  déclarèrent  qu'ils  n'a- 
vaient rien  à  dire  contre  Céciiien. 

«  Ensuite  Céciiien  accusa  Donat  d'a- 
voir commencé  le  schisme  à  Carthage 
du  vivant  de  Mensurius ,  d'avoir  rebap- 
tisé, d'avoir  imposé  de  nouveau  les 
mains  à  des  évéques  tombés  dans  la  per- 
sécution. Enfin,  dit-il,  Donat  et  ses 
coUègueîT  ont  soustrait  les  accusateurs 
et  les  témoins,  qu'eux-mêmes  avaient 
amenés  d'Afrique  contre  moi,  tant  leur 
calomnie  était  évidente.  Donat  confessa 
qu'il  avait  rebaptisé  et  imposé  les  mains 
aux  évéques  tombés,  et  promit  de  re- 
présenter les  personnes  nécessaires  à 
cette  cause,  qu'on  l'accusait  d'avoir 
soustraites.  Mais  après  l'avoir  promis 
deux  fois ,  il  se  retira ,  et  n'osa  plus 
lui-même  se  présenter  au  concile,  crai- 
gnant que  les  crimes  qu'il  avait  confes- 
sés ne  le  fissent  condamner  présent ,  lui 
qui  était  venu  de  si  loin  pour  faire  con- 
damner Céciiien.  Le  second  jour,  quel- 
ques-uns donnèrent  un  libelle  de  dénon- 
ciation contre  Céciiien.  On  examina' 
les  personnes  qui  l'avaient  donné,  et  les 
chefs  d'accusation  qu'il  contenait  ;  mais 
il  ne  se  trouva  rien  de  prouvé.  Le  troi- 
sième jour,  oh  examina  le  concile  tenu 
à  Carthage  par  soixante-dix  évéques 
qui  avaient  condamné  Céciiien  et  ses 
ordinateurs.  C'était  le  grand  fort  de  ses 
adversaires  :  ils  faisaient  sonner  bien 
haut  ce  grand  nombre  d'évêques;  et 
qu'étant  tous  du  pays ,  ils  avaient  jugé 
avec  grande  connaissance  de  cause. 
Mais  Miltiade  et  les  autres  évéques. du 
concile  de  Rome  n'eurent  aucun  égard 
au  concile  de  Carthage,  parce  que  Céci- 
iien y  avait  été  condamné  absent  et  sans 
être  entendu.  Or,  il  rendait  de  bonnes 
raisons  pour  ne  s'y  être  pas  présenté.  Il 
savait  que  ces  évéques  avaient  été  appe- 


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33 


L^UNIVERS. 


lés  à  Carthage  par  ses  adversaires,  qo*ils 
logeaient  chez  eux ,  et  concertaient  tout 
avec  eux.  Il  savait  les  menaces  de  Pur- 

{)urius ,  évêque  de  Limate,  dont  la  vio- 
ence  était  connue.  Les  évoques  du  con- 
cile de  Rome  jugèrent  donc  que  tout  ©e 
qui  avait  été  traité  en  ce  concile  de 
Carthage  était  encore  en  son  entier  : 
savoir,  si  Félix  d'Aptonge  était  tradi- 
teur,  ou  quelque  autre  de  ceux  qui 
avaient  ordonné  Cécilien.  Mais  ils  trou- 
vèrent cette  question  difficile  et  inutile. 
Elle  était  dimcile,  parce  qu'il  y  avait 
des  témoins  à  interroger,  des  actes  à 
examiner,  et  que  Cécilien  accusait  ses 
accusateurs  du  même  crime,  d'avoir 
livré  les  saintes  Écritures ,  à  cause  du 
concile  de  Cirta  où  ils  l'avaient  con- 
fessé. D'ailleurs,  il  était  inutile  d'exa- 
miner si  Félix  était  tràditeur,  puisque, 
quand  il  l'eât  été,  il  ne  s'ensuivait  pas 
que  l'ordination  de  Cécilien  fOt  nulle  : 
car  la  maxime  était  constante,  qu'un 
évéque,  tant  quï\  était  en  place  sans 
être  condamné  ni  déposé  par  un  juge- 
ment ecclésiastique ,  pouvait  légitime- 
ment faire  des  ordinations  et  toutes  les 
autres  fonctions  épiscopales.  Les  évo- 
ques du  concile  de  Rome  crurent  donc 
ne  devoir  point  toucher  à  cette  ques- 
tion, de  peur  d'exciter  de  nouveaux 
troubles  dans  l'Eglise  d'Afrique,  au  lieu 
de  la  pacifier.  Ils  déclarèrent  Cécilien 
innocent  et  approuvèrent  son  ordina- 
tion; mais  ils  ne  séparèrent  pas  de  leur 
communion  les  évêques  qui  avaient 
.  condamné  Cécilien ,  m  ceux  qui  avaient 
été  envoyés  pour  l'accuser.  Donat  des 
Cases-Noires  fut  le  seul  qu'ils  condam- 
nèrent, comme  auteur  de  tout  le  mal, 
convaincu  de  grands  crimes,  par  sa 
^propre  confession.  On  laissa  le  choix 
aux  autres  de  demeurer  dans  leurs  siè- 
ges, quoique  ordonnés  par  Majorin  hors 
de  l'Église,  à  la  charge  de  renoncer  au 
schisme.  En  sorte  que  dans  tous  les 
lieux  où  il  se  trouverait  deux  évêques  , 
l'un  ordonné  par  Cécilien ,  l'autre  par  . 
Majorin ,  on  conserverait  celui  qui  se- 
rait ordonné  le  premier,  et  on  pourvoi- 
rait l'autre  d'une  autre  Église.  Voilà  le 
jugement  du  concile  de  Rome,  où  Ton 
voit  une  discrétion  singulière  et  un 
exemple  remarquablede dispense  contre 
la  rigueur  des  rèjiles  pour  le  bien  de  la 
paix.  En  ce  concile,  chaque  évcquedit 


son  avis ,  selon  la  coutunae,  et  le  pape 
Miltiade  conclut  l'action,  disant  le  sien 
en  ces  termes  :  Puisqu'il  est  constant 
que  Cécilien  n'a  point  été  accusé  par 
ceux  qui  étaient  venus  avec  Donat, 
comme  ils  l'avaient  promis,  et  qu'il  n'a 
été  convaincu  par  Donat  sur  aucun 
dief ,  je  suis  d'avis  qu'il  soit  conservé 
en  tous  ses  droits,  dans  la  communion 
ecclésiastique.  Nous  n'avons  pas  le 
reste  de  la  sentence  sur  les  autres  chefs. 
Le  pape  et  les  autres  évêques  rendirent 
compte  à  l'empereur  Constantin  de  ce 
jugement,  lui  envoyant  les  actes  du 
concile,  et  lui  mandèrent  que  les  accu- 
sateurs de  Cécilien  étaient  aussitôt  re- 
tournés en  Afrique.  Le  pape  Miltiade 
ou  Melchiade  mourut  trois  mois  après, 
le  dixième  de  janvier,  l'an  314(1).  » 

BETOUR  DE  DONAT  ET  DE  CÉCILIKN 
EN  AFRIQUE;  sVlTE  DES  TROUBLES; 
LES  DONATISTES  DEMANDENT  LA  RÉ- 
VISION DU  JUGEMENT  QUI  LES  A  CON- 
DAMNÉS A  ROME;  DÉCISION  DE  CONS- 
TANTIN; CONCILE  d'arles.  —  Aprcs 
sa  condamnation,  Donat  des  Cases-Nei- 
res  demanda  l'autorisation  de  retourner 
en  Afrique;  il  s'engageait  à  ne  point 
rentrer  dans  Carthage.  D'autre  part, 
en  vue  de  la  paix,  Cécilien  reçut  ordre 
de  ne  point  quitter  l'Italie  et  de  séjour- 
ner à  Brescia.  Deux  évêques'  furent  en- 
voyés alors  comme  commissaires  à 
Carthage,  pour  notifier  au  clergé  et  au 
peuple  la  sentence  que  le  concile  de 
Rome  avait  promulguée.  Ils  étaient 
chargés  en  outre  de  faire  une  enquête 
et  de  transmettre  à  l'empereur  le  résul- 
tat de  leurs  observations.  Optât,  évêque 
catholique ,  qui  écrivit  plus  tard  l'his- 
toire du  schisme  des  donatistes,  assure 
qu'après  un  long  et  mûr  examen  les 
commissaires  Eunomius  et  Olympius 
dpnnèren  tencore  une  fois  gain  de  cause 
à  Cécilien.  Ce  fut  sur  ces  entrefaites 
que  Donat,  malgré  ses  promesses,  re- 
vint à  Carthage;  Cécilien,  de  son  côté, 
se  hâta  de  quitter  Brescia,  où  on  l'avait 

(I)  Fteury;  Hut.  ecelésiasL  Uv.  x,  t.  III,  p. 
26.  —  Tillemont;  mémoires  pour  servir  a  Vhist. 
ecclés.,  etc.,  t.  VI,  d.  31  et  suiv.  —  BérauU- 
Bercastel;  Hist.  deFEglise;  t.  II,.p-  13  et  suiv. 
—  Voy.  aussi  M.  de  Potter;  HtsL  du  chris- 
tianisme, etc.,  époq.  I,  Hv-.VI,  ch  3;  t.  II, 
p  i:iu  et  suiv.  —  Morcelli  (.-ifrica  chris^ 
Uana)\-ddixu.  313;  t.  II,  p.  20». 


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AFRIQUE  CïïRÊTIëNNE. 


i% 


réiëguë  et  de  reprendre  possession  de 
soD  siège  épiscopal. 

L'assemblée  des  évéques  réunis  à 
Rome  n'avait  rien  terminé,  et,  à  l'arri- 
vée ,  en  Afrique ,  des  deux  chefs  de  par»- 
ti ,  les  querelles  recommencèrent.  Les 
donatistes  disaient  qu^on  tes  avait  eon* 
damnés  à  Rome ,  sans  avoir  pris  con- 
naissance de  tous  les  faits  qu'ils  avaient 
allégués ,  et  avec  une  extrême  précipi- 
tation. Ils  rappelaient,  pour  exemple, 
que  Félix,  l'évêque  d'Aptonge,  tradi- 
teur  suivant  eux ,  n'avait  point  été  mis 
en  cause.  Constantin,  pour  les  satis- 
faire ,  ordonna  aux  magistrats  de  l'A- 
frique de  juger  Félix.  Ce  fut  Élien ,  le 
proconsul,  qui  présida  à  l'interroga- 
toire. Après  de  longues  et  minutieuses 
recherches,  qui  établirent  dans  tout  son 
jour,  au  témoignage  des  écrivans  catho- 
liques, l'innocence  de  l'accusé,  le  juge 
impérial  déclara  que  Félix  n'était  point 
un  traditeur. 

Les  donatistes  ne  se  laissèrent  pas 
abattre  par  cette  nouvelle  sentence.  Ils 
s'adressèrent  encore  à  l'empereur,  qui , 
pour  pacifier  une  de  ses  plus  belles  pro- 
vinces, usa  de  patience  et  soumit  de  nou- 
veau l'affaire  à  un  concile.  Les  lettres  de 
convocation  fixaient  à  Arles  le  lieu  de 
l'assemblée.  Cécilien  et  ses  accusateurs 
n'étaient  pas  les  seuls  membres  du 
clergé  d'Afrique  qui  fussent  appelés 
dans  les  Gaules.  Ils  devaient  être  assis- 
tés ,  aux  termes  des  lettres  impériales , 
d'un  certain  nombre  d'évêques  appelés 
de  la  Tripolitaine,  de  la  Byzacène,  de 
la  Proconsulaire,  de  la  Nurnidîe  et  des 
Mauritanies.  Nous  savons  que  Chres- 
tus ,  évêque  de  Syracuse ,  les  accompa- 
gna. 

Le  concile  s'ouvrit  le  premier  du  mois 
d'aoûtde l'année  314.  On comptaitdans 
rassemblée  seize  évêques  gaulois ,  deux 
Bretons  (  ceux  d'York  et  de  Londres) , 
et  plusieurs  qui  étaient  venus  de  Tltalie 
et  de  l'Espagne.  L'évêque  de  Rome , 
saintSylvestre,étaitrepré3enté  par  deux 
prêtres,  Claudien  et  Vitus ,  et  tfeux  dia- 
cres, Eugène  et  Cyriac^ue.  On  examina 
d'abord  raffairc  de  Cécilien.  Les  deux 
faits  qu'on  ne  cessait  de  lui  reprocher, 
à  savoir,  de  s'être  opposé  par  violence, 
à  l'époque  de  la  persécution,  aux  chré- 
tiens qui  portaient  de  la  nourriture  aux 
martyrs  emprisonnés,  et  d'avoir  été 


consacré  par  des  évêques  traditeurs , 
ne  furent  point  établis  sur  des  preuves. 
Les  Pères  du  concile  d'Arles  prononcè- 
rent donc  en  faveur  de  Cécilieq  une 
sentence  d'absolution.  Avant  de  se  sé- 
parer, ils  adressèrent  à  l'évêque  de 
Rome  une  lettre  où  on  lisait  ces  mots  : 
«  Au  bien^aimé  pape  Sylvestre,  tous  les 
évêques,  salut  étemel  dans  le  Seigneur. 
Unis  ensemble  par  le  lien  de  la  charité 
et  par  l'unité  ae  notre  mère  l'Église 
catholique ,  après  avoir  été  amenés  en 
la  ville  d'Arles  par  la  volonté  du  très- 
pieux  empereur,  nous  vous  saluons  de 
là,  très-glorieux  Père,  avec  la  vénération 
qui  vous  est  due.  Nous  y  avons  eu  à 
supporter  des  hommes  emportés  et  per- 
nicieux à  notre  loi  et  à  la  tradition; 
mais  l'autorité  présente  de  notre  Dieu, 
la  tradition  et  la  règle  de  la  vérité  les 
ont  repoussés  de  telle  sorte,  qu'il  n'y 
avait  de  consistance  et  d'accord ,  ni  dans 
leurs  discours,  ni  dans  leurs  accusa- 
tions, ni  dans  leurs  preuves.  C'est  pour- 
quoi, par  le  jugement  de  Dieu  et  de 
rÉglise,  notre  mère,  laquelle  connaît 
les  siens  et  les  approuve,  ils  ont  été 
ou  condamnés  ou  repoussés.  Et  plût  à 
Dieu,  bien-aimé  frère,  que  vous  eussiez 
assisté  à  ee  grand  spectacle  :  vous-même 
jugeant  avec  nous ,  leur  condamnation 
en  eût  été  plus  sévère,  et  notre  joie  plus 
grande  (1).  »  Les  membres  du  concile 
ne  s'étaient  point  seulement  occupés  de 
Cécilien  et  de  ses  accusateurs,  ils  avaient 
encore  fait  divers  règlements  relatifs  à 
la  discipline  générale  de  rÉglise.Néan- 
moins,  parmi  ces  règlements,  il  en  est 
plusieurs  qui  montrent  que  les  évêques 
étaient  vivement  émus  par  le  grand  dé- 
bat auquel  ils  avaient  assisté  et  qui  font 
une  allusion  directe  aux  querelles  qui 
agitaient  l'Afrique  :  «  Ceux,  dit  le  con- 
cile, qui  sont  coupables  d'avoir  livré  les 
Écritures  ou  les  vases  sacrés ,  ou  dé- 
noncé leurs  frères,  seront  déposés  de 
l'ordre  du  clergé ,  pourvu  qu'ils  soient 
convaincus  par  des  actes  publics,  non 

Ï\dr  de  simples  paroles.  S'ils  ont  conféré 
es  ordres  a  un  homme  digne  d'ailleurs, 
l'ordination  sera  valable.  »  Et  plus 
loin  :  a  Parce  que  plusieurs  résistent 
à  la  règle  de  l'Église,  et  prétendent  être 

(I)  Rohrbacheï;  Hist*  universi,  de  VÉgU  ca- 
thol.;i.yi,  p.  226 


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u 


L'UNIVERS 


admis  à  accuser  avec  des  témoins  cor- 
rompus par  argent,  qu'ils  ne  soient 
point  reçus  en  leurs  demandes.  Ils  de- 
vront prouver,  au  préalable,  par  des  ac- 
tes çuDlics,  ce  qu'ils  ont  avancé.  »  Enfin 
on  lit  dans  les  actes  du  concile  :  «  Ceux 
qui  accuseront  faussement  leurs  frères 
ne  recevront  la  communion  qu'à  la 
mort  (l).  »  i 

Le  concile  d'Arles  n'éteignit  point, 
en  Afrique,  les  passions  et  les  haines.  Le 
schisme  continua.  Les  donatistes,  per- 
sévérant à  se  croire  mal  jugés,  interje- 
tèrent appel  des  deux  sentences  qui  ïes 
avaient  condamnés  ;  ils  s'adressèrent  di- 
rectement à  l'empereur,  le  priant  d'exa- 
miner lui-même  et  de  prononcer  dans 
leur  cause.  Vivement  irrité  de  cette  de- 
mande, qui  tendait  à  prolonger  la  dis- 
cussion et  les  querelles,  Constantin 
s'emporta  contre  les  donatistes,  et  leur 
reprocha  leur  opiniâtreté  et  leur  audace. 
Néanmoins ,  il  résolut  de  tenter  encore 
une  fois  la  voie  des  conciliations.  Il 
évoqua  à  son  tribunal  la  cause  qui  lui 
était  soumise,. et  par  un  jugement  pro- 
noncé à  Milan,  en  315,  il  confirma  l'ar- 
rêt porté  contre  les  donatistes  dans  les 
conciles  de  Rome  et  d'Arles  (2). 

MESUBBS  BieOUBEUSES  P]^ISBS  PAB 
CONSTANTIN  CONTBE  LES  DONATIS- 
TES; LUTTES  ET  BÉVOLTES;  LES  GIB- 

GONGELLiONS.  —Constantin,  comme 
BOUS  l'avons  dit,  même  en  promettant 
aux  donatistes  d'écouter  leur  plainte 
et  de  les  juger,  avait  donné  un  libre 
cours  à  sa  colère.  Son  emportement 
avait*  dû  faire  prévoir  aux  ennemis  de 
Cécilien  une  nouvelle  condamnation. 
Néanmoins,  quand  l'empereur  eut  pro- 

(I)  Labbe;  Concil.i.  I,  col.  1727 et  1728.  Oq 
trouve  dans  ce  recueil  non-seulement  les  canons 
du  concile  d'Arles,  mais  encore  les  lettres  de 
Constantin. 

(2)Voy.  sur  le  concile  d'Arles  et  sur  les  évé- 
nements qui  le  précédèrent  et  le  suivirent  jus- 
qu'en l'année  4I6 ,  indépendamment  des  conci- 
les et  des  auteurs  anciens ,  saint  Optât ,  saint 
Augustin  et  Eusébe  (Optât,  milev.  de  schism. 
Don.  I,  25  et  sqq.  —  S.  Aug.  epist.  60  ad 
Bon.;  eplst.  162  ad  Glor.  Eleus.;  epist.  I6&  ad 
Gêner.;  epist.  l«6ad  Do;w/.;etc.,  etc.  —  Euseb. 
HisU  ecctes.y  X,  6);  Tillemont;  Mémoires  pour 
servira  Phist.  ecclésiast.,  etc. ,  t.  VI,  p.  BO  «il  suiv. 
—  Fleury;  Hist.  eccles.,  t.  III,  p.  32  et  suiv.  —  Bé- 
rault-Bercastel;  Hist.  de  l'Église;  t.  II,  p.  I» 
et  suiv.  —  Rohpbacber;  1.  c.  —  Potter;  t.  Il, 
p.  135;  —  et  surtout  Morcelli,  ad  an.  3I3,  3i4j 
316  et  316.  C'est  Morcelli  que  nous  avons  suivi 
pour  la  date  du  jugement  rendu  à  Milan; 
voy.  Jfr.  christ.,  t.  Il ,  p.  216  et  217. 


nonce,  ils  protestèrent  contre  sa  sen* 
tence.  Constantin  répondit  cette  fois  à 
leurs  protestations  par  la  menace  des 
peines  les  plus  sévères.  Déjà,  il  avait 
recommanda  à  Celsus,  son  vicaire, 
dans  une  lettre  que  saint  Optât  nous 
a  conservée ,  de  procéder  à  l'yard  des 
donatistes  avec  une  extrême  sévérité.  Il 
avait  annoncé,  en  même  temps ,  que 
lui-même  se  disposait  à  passer  en  Arri- 
que  pour  trancher  toutes  les  difficultés 
et  opérer,  s'il  en  était  besoin,  par  la 
force,  la  çaciGcation  d'une  des  portions 
les  plus  importantes  de  son  empire. 
Celsus  se  conforma  aux  ordres  qu'il 
avait  reçus.  Il  poursuivit  les  donatistes 
et  bannit  d'Afrique  les  hommes  les  plus 
marquants  du  parti  (I). 
^Les  dispositions  de  l'empereur  inci- 
tèrent sans  doute  'les  catholi({ues  à  la 
persécution ,  et,  plus  d'une  fois ,  ils  eu- 
rent recours  pour  combattre  leurs  ad- 
versaires, non  plus  à  la  discussion,  mais 
à  la  violence.  Les  magistrats,  de  leur 
côté,  essa)rèrent ,  en  usant  de  rigueur, 
de  complaire  à  Constantin.  Cette  con- 
duite ,  loin  d'étouffer  le  schisme ,  ne  fit 
que  raviver  les  haines.  Les  donatistes 
se  laissèrent  emporter  par  le  désir  delà 
vengeance  ;  sous  des  chefs  énergiques , 
sous  Menalius  et  Silvanus,  par  exemple, 
ils  opposèrent  la  force  à  la  force;  ils 
s'emparèrent,  comme  àConstantine  (2), 
des  églises  et  résistèrent  ouvertement 
aux  catholiques  et  à  l'empereur.  La  sé- 
vérité des  édits  portés  contre  eux  ne 
les  arrêta  point;  leur  zèle  ne  fît  que 
s'accroître,  et  bientôt  dans  les  classes 
inférieures  qui  embrassèrent,  en  géné- 
ral ,  la  cause  du  schisme,  ce  zèle  prit  le 
caractère  d'un  violent  et  sombre  en- 
housiasme. 

Ce  fut  alors  que  se  montrèrent  les 
premières  bandes  de  circoncellions  (3). 

(1)  En  321,  sur  la  reguéte  des  donatistes,  ceaz 

3ui  avaient  été  bannis  à  cause  du  schisme  et 
es  troubles  qui  l'avaient  suivi,  furent  autorisés 
à  rentrer  en  Afrique.  ConstanUn  promit  même, 
sur  la  demande  qui  lui  en  avait  été  faite ,  de  ne 
point  contraindre  les  dissidents  à  communi- 
quer avec  Cécilien.  Vov.  Eléury;  Hist.  êcclés,, 
t.  III,  p.  76,  et  Morcelli  ad  an.  321. 

(2)  Cétait  Cirta.  Elle  quitta  alors  son  anciea 
nom  pour  celui  de  Coneslantine . 

(3)  Morcelli  (^/ric.  christ.,  t.  II,  p.  21») 
dit ,  à  propos  des  événements  qui  s'accompli- 
rent en  317  :  ortum  habuere  circnmcelliones, 
furiosi  illi  donatisiarum  satellites ,  perditis- 
sima  fexpopuli  et  agrestium  latronum  mul" 
iitudo  ad  omne  /actnus  congregata,  —  £a 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


La  querelle  entre  Cécilien  et  ses  enne* 
mis  avait  eu,  dans  toute  TAfrique,  un 
grand  retentissement.  Les  populations 
s'étaient  divisées.  Les  classes  inférieu- 
res, excitées  par  d'ardentes  prédications, 
se  rangèrent  volontiers  du  côté  de  ceux 
qui  se  vantaient  d'avoir  seuls  traversé, 
avec  courage ,  les  temps  de  la  persécu- 
tion et  d'être  sortis  de  la  lutte  sans 
souillure;  et  par  une  conséqueuce  né- 
cessaire ,  elles  déclarèrent  une  guerre  à 
mort  aux  catholiques  qu'on  leur  dési- 
gnait comme  impurs,  comme  tradîteurs. 
Les  chefs  donatistes  réglèrent  sans  doute 
les  premiers  mouvements  des  hommes 

?|u'ils  avaient  soulevés.  Mais  bientôt  ils 
ùrent  dépassés  :  les  esclaves,  les  colons, 
les  petits  propriétaires  ruinés  par  le 
fisc  que,  pour  leur  vagabondage  autour 
des  lieux  habités ,  on  appela  circoncel^ 
lions,  formèrent  des  bandes  semblables 
à  celles  qui. parcoururent, au  moyen  âge, 
sous  des  noms  divers,  l'Allemagne,  la 
France,  l'Angleterre,  l'Espagne  et  l'I- 
talie, Ces  circoncellions  ne  s  inquiétè- 
rent point  seulement,  il  faut  le  dire, de 
la  querelle  qui  séparait  Donat  de  Céci- 
lien; comme  ils  appartenaient  presque 
tous  à  la  classe  opprimée  et  souffrante, 
ils  voulurent  une  réorganisation  sociale 
et  tentèrent  d'établir ,  en  ce  monde ,  ce 
que,  sous  le  fouet  du  maître  et  au  mi- 
lieu des  plus  rudes  travaux,  ils  avaient 
appelé  si  souvent  de  leurs  vœux ,  à  sa- 
voir, le  règne  d'une  parfaite  égalité.  Ce- 
pendant ,  c'est  le  côté  religieux  qui  do- 
mine dans  celte  grande  insurrection.  Les 
circoncellions,  qui  se  donnaient  le  nom 
de  saints,  se  crurent  chargés  d'une  mis- 
sion divine.  S'opposer  à  eux,c'était,  dans 
leurs  idées,  résister  à  Dieu  même;  donc, 
périr  dans  la  lutte,  c'était  acquérir  des 
droits  à  la  félicité  éternelle.  Dans  leur 
farouche  enthousiasme ,  ils  recherchè- 
rent avidement  le  martyre.  Ils  s'of- 
fraient, par  troupes ,  au  fer  de  leurs  en- 
nemis, et  quand  on  refusait  de  les 
frapper,  ils  se  tuaient  eux-mêmes-  La 
rigidité  de  leur  doctrine  ne  les  empêcha 
point ,  sous  Maxida  et  Fasir ,  les  plus 

effet ,  IMnsurrecUon  dut  s'organiser  au  moment 
même  où,  pour  obéir  aux  ordres  de  Constantin, 
les  magistrats  de  l'Afrique  commencèrent  à 
sévir  contre  les  donalistes.  Fieury  (  t.  III ,  p. 
217  )  et  quelques  autres  iïistoriens  ont  reporté 
à  l'année  32»  et  même  plus  tard,  à  tort  sui- 
vant nous,  l'apparilioa  des  drcoDcellions. 


2S 


célèbres  de  leurs  chefs ,  de  se  livrer  à 
de  graves  désordres.  Ils  s'abandonnaient 
(  et  cela  est  inévitable  dans  les  grandes 
réunions  où  l'on  ne  trouve  ni  frein ,  ni 
règle  )  à  la  débauche  et  à  tous  les  excès. 
Ils  pillaient,  brûlaient,  massacraient. 
Les  choses  en  vinrent  à  ce  point  que 
les  donatistes  eux-mêmes  qui  les  avaient 
suscités  implorèrent,  pour  les  réprimer, 
l'assistance  des  officiers  impériaux.  On 
envoya  des  troupes  contre  les  circon- 
cellions ;  mais  il  s'écoula  bien  des  an- 
nées avant  le  retour  de  Tordre  et  la  sou- 
mission complète,  en  Afrique,  des  po- 
pulations insurgées  (1). 

GABAGTÈRB  DU  SCHISME  JHES  DO- 
NATISTES ET  DU  SOULÈTEMENT  DES 

GiBGONGELLiONS.>— «  Lcdonatismc,  dit 
M.  Saint-Marc  Girardin  (2),  n'est  point 
une  hérésie ,  c'est  un  schisme  ;  car  les 
donatistes  croient  ce  que  croit  l'Église 
catholique;  seulement,  selon  eux,  les 
traditeurs  ont  souillé  la  pureté  du  ca- 
ractère épiscopal;  ils  ont  interrompu  la 
descendance  spirituelle  des  apôtres.  Ne 
cherchez  ici  aucune  des  subtilités  fami- 
lières aux  hérésies  de  la  Grèce  ou  de 
l'Orient.  L'esprit  africain  est  à  la  fois 
simple  et  violent,  et  il  ne  va  pas  jusqu'à 
l'hérésie  :  il  s'arrête  au  schisme;  mais 
il  met  dans  le  schisme  un  acharnement 
singulier.  Il  y  a  peu  d'hérésies  qui  soient 
nées  en  Afrique.  L'arianisme  n'y  vint 
qu'avec  les  Vandales ,  et  encore  l'aria- 
nisme, tel  que  le  professaient  les  Goths 
et  les  Vanclales,  n'était  pas  l'arianisme 
subtil ,  tel  que  l'Orient  l'avait  connu  , 
disputant  sur  la  consubstantialité  du 

(1)  Les  circoncellions  se  dissipèrent,  il  est 
vrai;  mais  les  croyances  qui  avaient  soulevé 
les  populations  devaient  survivre  à  l'insurrec- 
tion armée.  Pendant  longtemps  on  vit  en 
Afrique  des  hommes  errer  çà  et  là ,  dans  les 
campagnes,  pour  perpétuer,  au  sein  des  classes 
opprimées,  la  doctrine  sociale  et  religieuse  qui 
les  avaitsi  vivement  agitées.  Ces  hommes,  pour 
la  plupart,  étaient  engagés  dans  les  ordres, 
et  tous ,  ils  appartenaient  au  parti  donatiste. 
C'est  à  ces  prédicateurs  errants ,  appelés  aussi 
circoncellions,  que  s'applique  la  noie  insérée  à 
la  page  34  de  notre  Histoire  de  la  domination^ 
des  Vandales  en  Afrique. 

Nous  renvoyons  encore  ici,  pour  ce  qui  con- 
cerne les  donalistes  et  les  circoncellions,  aux 
renseignements  bibliographiques  rassemblés 
par  J  C.  Ludw.  Gieseler.  Voy.  Lehrottch  des 
Kirchengeschkhte;  t.  I ,  p.  323,324  et 325; 
4i7etsuiv.  .      ^.      „  ^^  . 

(2)  M.  Saint-Marc  Girardm  ;  V Afrique  sou» 
saint  Jufjnslin.  Voy.  la  Revue  des  Deux  Moih 
des;  15 septembre  1842;  p.  987. 


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^6 


L'UNIVERS. 


Père  et  du  FHs  ;  c^étai  t  un  arianimie  plas 
simple  et  plus  à  la  portée  de  Tesprit  des 
baroares,  qui  faisait  du  Père  et  du  FDs 
deia  dieux ,  dont  Tun  était  plus  grand 
et  plus  puissant  que  Tautre.  Les  héré- 
sies africaines,  et  elles  sont  en  petit 
nombre ,  n'ont  jamais  rien  de  subtil  et 
de  rafûné.  Leseélieoles,  dont  saint  Au- 
gustin parle  quelque  part,  ne  sont  qu'une 
secte  qui  penche  vers  le  déisme  primi- 
tif des  Juifs ,  et  semblent  être  en  Afri- 
que les  précurseurs  lointains  du  ma- 
bométisme. 

«  Les  donatistes  africains  n'ont  ni 
avec  le  judaïsme,  ni  avec  le  mahomé- 
tisme  aucune  analogie  de  dogmes ,  car 
ils  ne  contestent  aucune  des  croyances 
chrétiennes  ;  mais  ils  ont  avec  ces  deux 
religions  une  grande  ressemblance  exté- 
rieure. C'est  la  même  allure  de  fana- 
tisme, c'est  le  même  goât  pour  la  forée 
matérielle.  Les  donatistes  ont,  comme 
tous  les  partis,  leurs  modérés  et  leurs 
zélés;  les  modérés,  qui  s'appellent  sur- 
tout les  donatistes;  les  zélés,  qui  sont 

.  les  circoncellions.  Les  donatistes  sont 
les  docteurs  et  les  diplomates  du  parti  ; 
ils  désavouent  l'usage  de  la  violence; 
ils  font  des  requêtes  aux  empereurs; 
ils  inventent  d'habiles  chicanes  pour 
échapper  aux  arrêts  rendus  contre  leur 
schisme  ;  ils  écrivent  contre  les  doc- 
teurs catholiques;  ils  les  calomnient  et 
les  insultent.  Ils  ne  sont  du  reste  ni 
moins  obstinés,  ni  moins  ardents  que 
les  circoncellions.  Ils  se  déclarent  les 
seuls  saints,  les  seuls  purs,  les  seuls 
catholiques.  Les  circoncellions  sont 
l'armée  et  le  peuple  du  parti ,  et  ils  re- 
présentent, dans  te  donatisme,  l'Afrique 
barbare,  comme  les  donatistes  repré- 
sentent l'Afrique  civilisée.  Les  circon- 
cellions sont  des  bandes  nomades  qui 
se  mettent  sous  un  chef  et  parcourent  le 
pays.  Ils  font  profession  de  continence; 
mais  le  vagabondage  amène  la  débauche 
dans  leurs  bandes.  Le  but  de  leurs 
courses  est  de  faire  reconnaître  la  sain- 

'teté  de  leur  Église;  aussi  leur  cri  de 
guerre  est  :  Louanges  à  Dieu  (  Lavtdes 
Deo  ) ,  cri  redouté ,  car,  partout  ou  il 
retentit,  il  annonce  le  pillage  et  la  mort. 
Comme  les  circx)ncellions  sont  la  plu- 
part des  esclaves  fugitifs  ou  des  labou- 
reurs qui  ont  renoncé  au  travail  pour 
s'enfuir  au  désert,  ils  ont  les  haines 


qui  sont  natiirelles  à  ottte  sorte  d'hom- 
mes. Ils  haïssent  les  maîtres  et  les 
riches,  et  ^uand  ils  rencontrent  un 
maître  monte  sur  son  chariot  et  entouré 
de  ses  esclaves,  ils  le  font  d^cendre,  • 
font  monter  les  esclaves  dass  le  char 
et  forcent  le  maître  à  courir  à  pied  ;  car 
ils  se  vantent  d'être  venus  pour  rétablir 
l'égalité  sur  la  terre,  et  \\s  appellent 
les  esclaves  à  la  liberté  :  tout  cela ,  au 
nom,  disent-ils,  des  principes  du  chris- 
tianisme, qu'ils  dénaturent  en  l'exagé- 
rant ,  et  dont  surtout  ils  n'ont  pas  tes* 
mœurs.  Dtez -leur  le  fanatisme ,  ce  sont 
les  Bagaudes  de  la  Gaule ,  oe  sont  les 
ancêtres  de  la  Jacquerie  ;  c^est  la  vieille 
guerre  entre  l'esclave  et  le  maître,  en- 
tre le  riche  et  le  pauvre;  seulement 
cette  guerre  a  pris  la  marque  de  l'Afri- 
que :  ce  sont  des  nomades  ;  —  et  la 
marque  du  temps  :  ce  sont  des  bandes 
fanatiques.  C'est  le  fanatisme,  en  efTet, 
qui  leur  donne  un  caractère  à  part.  Ils 
sont  cruels  contre  eux-niêmes  et  contre 
les  autres  ;  ils  se  tuent  avec  une  facilité 
incroyable ,  aGn ,  disent-ils, d'être  mar- 
tyrs et  de  monter  au  ciel.  Ils  tuent  les 
autres  sans  plus  de  scrupule,  en  combi- 
nant d'affreuses  tortures ,  pleines  des 
raffinements  de  la  cruauté  africaine. 
Parfois  cependant,  ils  s'inquiètent  de 
savoir  s'ils  ont  le  droit  de  se  tuer,  et 
alors  ils  forcent  le  premier  venu  à  les 
frapper,  afin  de  ne  pas  compromettre 
le  mérite  du  martyre  par  le  péché  du 
suicide.  Malheur,  du  reste,  au  voyageur 
qui  refuserait  de  leur  prêter  sa  mam  pour 
les  tuer!  Il'  périrait  lui-même  sous  les 
coups  de  leurs  longs  bâtons,  qu'ils  ap- 
pellent des  isra^Htes,  à  moins  qu'il  n'ait 
la  présence  d'esprit  d'un  jeune  homme 
de  la  ville  de  Madaure ,  qui  rencontra 
un  jour  une  de  leurs  bandes.  Ces  fana- 
tiques avaient  résolu  depuis  plusieurs 
jours  d'être  martyrs,  et,  selon  leur 
usage,  imité  des  gladiateurs,  ils  s'é- 
taient, avant  leur  mort,  livrés  à  tous 
les  plaisirs  de  la  vie,  et  surtout  aux 
plaisirs  de  la  table.  Ils  cherchaient  donc 
avec  impatience  quelqu'un  qui  les  vou- 
lût tuer.  A  l'aspect  de  ce  jeune  homme, 
ils  coururent  à  lui  avec  dé  grands  cris, 
et  lui  présentèrent  une  épée  nue,  le  me- 
naçant de  l'en  percer  s*il  ne  voulait  pas 
les  en  percer  eux-mêmes.  «  Mais ,  dit  le 
jeune  homme,  qui  me  répond,  quanid 


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AFRIQUE  CHEfinENNE. 


27 


j'aurai  tué  daux  ou  trois  d'^qtre  vous , 
que  les  autres  ne  changeront  pas  d'i- 
.  dée,  et  ne  me  tueront  pas?  Il  faut 
doofî  que  vous  vous  laissiez  lier,  v  II3  y 
consentirent,  et,  une  fois  bien  liés,  il 
les  laisse  sur  le  chenoin  et  s*enfuit. 

«  Les  circoncellions  représentent, 
dans  I0  donatisme,  les  mœurs  deTA- 
fri^ue  barbare  ;  mais  il  y  a  dans  le  do- 
natisme quelque  chose  qui  caractérise 
l'Afrique  en  général  :  c'est  l'esprit  d'in- 
dépendance à  l'égard  des  empereurs; 
c'est  la  haine  de  l'unité ,  soit  de  l'unité 
temporelle  de  l'empire,  soit  de  l'unité 

religieuse  de  l'Église » 

Plus  loin,  M.  Saint-Marc  Girardin  dit 
encore  (1)  :  «  Quand  on  écarte  de  la  dis- 
cussion entre  les  donatistes  et  les  ortho- 
doxes tout  ce  qui  est  déclamation  et  in- 
jure, on  voit  que  le  principal  grief  contre 
le  donatisme,  c'est  qu'il  a  rompu  l'unité 
catholique.  De  ce  côté,  le  refrain  du 
chant  rimé  de  saint  Augustin  résume 
fort  bien  les  reproches  qu'il  fait  aux 
donatistes  : 

Omoes  qui  gaudeUs  de  pace. 
Modo  verum  judicate. 

La  paix,  c'est-à-dire  l'unité,  voilà  le 
sentiment  et  le  principe  que  saint  Au- 
gustin atteste  contre  les  donatistes.  C'est 
là  en  effet  le  sentiment  qui  leur  répu- 
gne, c'est  par  là  qu'ils  sont  rebelles;  ils 
n'ont  avec  les  orthodoxes  aucun  dissen- 
timent dogmatique;  seulement  ils  veu- 
lent faire  une  Église  à  part.  11  n'y  a  point 
avec  eux  de  controverse  théologique , 
car  ils  disputent  sur  des  faits  plutôt  que 
sur  des  opinions.  Dans  le  donatisme , 
ce  n'est  point  comme  dans  la  plupart 
des  hérésies ,  l'indépendance  de  l'esprit 
humain  qui  en  est  cause,  c'est  l'indé- 
pendance de  l'Afrique  ;  et,  ce  qui  achève 
de  le  prouver,  c'est  que  les  tentatives  de 
révolte  que  font  quelques  gouverneurs 
d'Afrique,  entre  autres  le  comte  Gel- 
don  en  397 ,  sont  appuvées  par  les  do- 
natistes. Ils  sont  les  alliés  naturels  de 
quiconque  veut  rompre  Tunité  de  l'em- 
pire dans  l'ordre  politique,  comme  ils 
veulent  la  rompre  dans  l'ordre  reli- 
gieux  » 

Enfin  il  ajoute  (2)  :  •  Le  donatisme  est, 
au  quatrième  et  au  cinquième  siècle,  un 
témoignage  expressif  de  Toriginalité  que 

(I)M.  Saint-Marc  Girardia;  Ibid.  p.  990. 
(2)  Id.  Ibid.  p.  992. 


l'Afrique  a  gardée  sous  toutes  les  do- 
'  minations.  Dans  le  donatisme,  cette 
orij^inalité  a  été  jusqu'au  schisme  en 
relij^ion  ;  et  elle  se  ralliait  volontiers  à 
la  révolte  en  politique  (1),  » 

SUITK  OES  XBOTIB}.S$;  VAINBS  TBII- 
TÀTIVBS  DB  CONCIUATXON;  CONCILE 
DB    CABTHAGE,  '—    DaUS    CCtte    luttC 

acharnée  des  donatistes  contre  les  ca- 
tholiques ou,  comme  disaient  les  dissi- 
deats,  contre  les  iradUeurs,  il  y  eut, 
par  un  accord  tacite,  des  instants  de  ré- 
pit et  des  trêves.  Le  rappel  des  exilés 
donatistes,  en  321,  semble  indiquer  un 
ralentissement  dans  la  lutte  et  un  affai- 
blissement daus  les  haines.  Cet  état 
de  choses  dura  d'abord  jusqu'en  326, 
année  où,  suivant  Morcelli  (2),  unit 
l'épiscopat  de  Cécilien.  On  put  croire 
un  instant  que  la  guerre  allait  recom- 
mencer ;  mais  le  repos  de  l'Afrique  ne 
fut  pas  troublé.  Les  catholiques  choi- 
sirent Rufus  pour  évêque  ;  ce  fut  pro- 
bablement à  la  même  époque  que  les 
,  dissidents  procédèrent  à  l'élection  de 
Donat  (3).  On  serait  tenté  de  croire  que 

(4)  Cette  appréciation  du  schisme  des  do- 
naUstes  et  du  soulèvement  des  circoncoUions 
Doos  semble  profondément  vraie.  Cependant 
nous  devons  dire  que  nous  n'acceptons  point 
sans  réserve  toutes  les  opinions  de  M.  Siaint- 
Marc  Girardin.  Nous  croyons,  par  exemple, 
que  cette  ptirase  :  L'tspril  a/ncain  est  a  la 
fois  simple  et  vudent ,  et  il  ne  va  pas  jusqu'à 
l'hérésie  ;  il  s'arrête  au  schisme ,  contient  un 
jugement  trop  absolu.  Nous  pensons,  —  et 
ici  nous  invoquoiw  l*aulorite  de  tous  les 
historiens  ecclésiasUques,  —  que  les  héré- 
sies ont  eu  sur  l'Afrique,  si  l'on  peut  s'ex- 
primer ainsi,  plus  de  prise  que  ne  Je  croit 
M.  Saint-Marc  Girardin.  D'autre  part,  VesM 
a/iicain,  suivant  nous,  se  prêtait  volontiers 
aux  profondes  oiéditaUons  et  à  la  controverse; 
et  dans  la  discussion  il  se  disUnguait  tour  à 
tour  par  la  force  de  la  dialecUque  et  par  la 
subtilité.  C'est  un  fait  que  l'on  cent  constater 
dans  les  ouvrages  de  tous  les  Africains,  qui 
écrivirent  depuis  Tertullien  jusqu'à  saint 
AugusUn.  Seulement ,  dans  ces  ouvrasefi,  ce 
qu'il  y  a  de  logique,  dUngéuieux.  de  défié,  de 
subtil.,  disparait  sous  l'exagération  de  la  for- 
me, sous  l'enflure  des  mots*  H  semble  méuie 
3ue  l'Afrique  aU  communiqué  l'esprit  des 
iscussions  habiles  aux  étrangers,  aux  barbares, 
par  exemple ,  qui  fréquentèrent  ses  écoles  et 
qui  étudièrent  ses  ceuvres  littéraires,  his- 
toriques et  philosophiques.  Nous  rappellerons 
ici ,  comme  preuve,  le  nom  de  Thrasamuud , 
de  ce  roi  vandale  qui  était  théologien,  non 
point  à  la  manière  du  fameux  roi  des  Franks, 
uilpéric,  mais  à  la  manière  des  Byzantins. 

(2)  yJJrica  chrisliuna  ;  ad  an.  326  et   327. 
Vov.  I.  II,  p.  230  et  231. 

(3)  i^e  fut  cet  évoque  et  Donat  des  Cases^ 


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2S 


L'UNIVERS. 


les  deux  nouveaux  élus  songèrent  d'a- 
bord à  remédier  aux  maux  de  l'Église 
et  que  leurs  premiers  soins  eurent  pour 
but  d'opérer  entre  les  deux  partis  un 
sincère  rapprochement.  Cest,  à  notre 
sens ,  Texplication  du  concile  que,  sui- 
vant le  témoignage  de  saint  Augustin , 
les  donatistes  ouvrirent  à  Carthage^ 
en  Tannée  328  (1).  Ce  qui  prouvela  force 
du  schisme,  c'est  que  Von  vit  accourir, 
de  divers  lieux,  dans  ce  concile,  deux 
cent  soixante-dix  évéques. 

Les  membres  de  cette  grande  réunion 
tentèrent  les  voies  de  la  conciliation. 
Ils  se  relâchèrent  de  leur  rigorisme  et 
déclarèrent  qu'à  l'avenir  ils  communi- 
queraient volontiers  avec  les  traditeurs, 
sans  les  soumettre  à  un  second  baptê- 
me. On  en  vit  plusieurs  qui ,  comme  l'é- 
vêque  Deuterius ,  de  la  Mauritanie  si- 
tifîenne,  observèrent  fidèlement  ce  qui 
avait  été  décrété;  et  ce  fut  à  ces  hommes 
que  l'Afrique  dut  la  paix  dont  elle  jouit 
encore  pendant  quelques  années. 

LA  LUTTE  BECOMMENGE;  PERSÉCU- 
TION MAC  ARIENNE.  —  Vers  Tannée 
348,  la  lutte  recommença.  Quelle  fut 
la  cause  de  cette  guerre  nouvelle  ?  on 
Tignore.  Les  écrivains  catholiques  pré- 
tendent que  Tobstination  et  les  violences 
de  Donat,  évéque  schismatique  de  Car- 
thage,  et  d'un  autre  Donat,  évéque  de 
Bagaïa,  ranimèrent  les  anciennes  dis- 
cordes (2).  L'empereur  Constant  avait 
envoyé  en  Afrique  deux  officiers,  Paul 
et  Macaire,  qui  avaient  pour  mission 
d'apaiser  dans  cette  contrée  les  querel- 
les religieuses.  Les  dissidents  connais- 
saient sans  doute  à  l'avance  les  disposi- 
tions des  deux  délégués  impériaux  et 
leurs  rapports  avec  Gratus,  évéque  ca- 
tholique de  Carthage.  Paul  et  Macaire 
avaient  à  peine  touché  les  côtes  de  l'A- 
frique que  les  donatistes  se  soulevèrent 
contre  eux  de  toutes  parts.  Donat  de 
Carthage ,  suivant  saint  Optât ,  se  laissa 

Noires   qui,   comme  nous  Pavons  vu  plus 
haut ,  donnèrent  leur  nom  aux  dissidents. 

(1)  MorcellK  J/ric,  christ.  );  ad  an.  328. 
Voy.  t.  II, p.  232. 

(2)  Il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  ne  nous  reste 
sur  les  querelles  religieuses  de  l'Afrique  que  les 
écrits  des  catholiques.  Le  devoir  d'un  historien 
impartial  estde  n'admettre  qu'avec  une  extrême 
réserve  les  accusations  portées  contre  les  dissi- 
dents ,  même  par  saint  Optât  et  saint  AugusUn. 
Les  donatistes  ont  t)eaucoup  écrit  dans  le  cours 
du  tV  siècle  ;  mais  leurs  livres  ne  sont  pas  ar- 
rivés jusqu'à  nous. 


entraîner  par  la  colère  jusqu'à  proférer 
des  injures  contre  l'empereur  devant  ses 
deux  représentants.  Donat  de  Bagaïa 
fit  plus  encore  :  il  appela  à  son  aide  les 
bandes  non  encore  anéanties  des  cii> 
concellions ,  souleva  la  population  des 
villes  et  des  campagnes,  et  s'apprêta 
à  résister  par  la  torce  aux  ordres  de 
Constant.  Paul  et  Macaire  n'hésitèrent 

f»oint  :  ils  s'adressèrent,  en  vertu  de 
eurs  instructions ,  au  comte  Sylvestre , 
qui  mit  des  soldats  à  leur  disposition. 
Des  scènes  de  violence  ne  tardèrent  pas 
à  éclater  de  toutes  parts,  et  la  guerre 
commença  ;  mais  elle  ne  tut  pas  de  lon- 
gue durée.  La  victoire  resta  bientôt 
aux  délégués  impériaux.  Ceux-ci  ne 
trouvant  plus  de  résistance  poursuivi- 
rent les  dissidents  avec  une  grande  ri- 
gueur. Les  évéques  donatistes  furent 
chassés  de  leurs  sièges ,  exilés  ou  tués. 
Les  persécuteurs,  que  du  nom  du  plus 
violent  de  leurs  chefs  on  appela  Maca- 
riens ,  ne  s'arrêtèrent  que  sous  le  règne 
de  Tempereur  Julien. 

Au  moment  même  (349)  où  Paul  et 
Macaire  venaient  de  vaincre  les  schisma- 
tiques  par  la  force  des  armes ,  Gratus 
assembla  à  Carthage  un  concile ,  où  sié- 
gèrent les  évéques  catholiques  de  toutes 
les  provinces  de  l'Afrique.  Le  but  des 
Pères  qui  vinrent  à  ce  concile  était  prin- 
cipalement de  condamner  les  donatis- 
tes (1).  * 

l'empebeub  julien;  BÉACTiorr.  — 
Julien  voyait  avec  joie  les  schismes  et 
les  hérésies  qui  déchiraient  l'Église.  Il 
ne  cherchait  point  à  terminer  les  diffé- 
rends ,  à  étouffer  les  haines.  Il  laissait 
pleine  et  entière  liberté  à  tous  les  agi- 
tateurs, persuadé  qu'en  définitive  les 
querelles  entre  chrétiens  nuiraient  plus 
au  christianisme  que  la  plus  rigoureuse 
et  la  plus  sanglante  des  persécutions. 
En  Afrique,  Julien  devait  donc  re- 
constituer contre  l'orthodoxie  le  parti 
puissant  que  les  macariens avaient  pres- 
que anéanti.  Il  rendit  la  paix  aux  do- 
natistes persécutés  depuis  quatorze  ans , 

(I)  Cest  le  premier  concile  de  Carthage  dont 
nous  ayons  les  canons.  —  Morcelli  a  rassem- 
.blé  avec  un  grand  soin ,  sur  cette  période  de 
l'tiistoire  du  schisme,  tous  les  renseignements 
contenus  dans  les  anciens  documents,  et  princi- 

Salement  dans  les  ouvrages  de  saint  Optât  et 
e  saint  AugusUn.  Voy.  Afric.  christ,  (ad  an. 
348  et  sqq.);  t.  II,  p.  24?  et  suiv. 


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AFRIQUE  CHREÏIENNE. 


et,  par  ôette  mesui^  seule,  il  les  releva. 
Les  schismatiques  obtinrent  de  rappe- 
ler leurs  évéques  qui  avaient  été  bannis 
et  de  rentrer  en  possession  de  leurs 
églises.  On  peut  à  peine  se  faire  une 
idée  de  la  réaction  qui  se  6t  alors.  Les 
évéques  et  les  prêtres  donatistes ,  accom- 
pagnés de  nonnbreux  soldats,  se  jetèrent 
sur  les  églises  ^  s'en  emparèrent  de  vive 
force  et  massacrèrent  ceux  qui  voulaient 
les  défendre.  Ils  se  portèrent  aux  plus 
odieux  excès,  pillant  et  tuant,  etn'éiar- 
gnant  pas  même  les  vieillards,  les  fem- 
mes et  les  enfants  qui  tenaient  au  parti 
de  leurs  persécuteurs.  Tout  ce  qui  avait 
servi  au  culte  des  catholiques,  ils  le 
repoussèrent  et,  dans  leur  fureur, 
ils  n'hésitèrent  point  à  jeter  l'Eucharis- 
tie aux  chiens.  Le  désordre  fut  porté 
au  comble ,  non  point  seulement  dans 
le  pays  qui  avoisinait  Carthage,  mais 
encore  dans  la  Numidie  et  dans  les  Mau- 
ritanies. 

A  la  nouvelle  de  tant  de  violences, 
Julien  et  ceux  qui  dans  les  diverses  par- 
ties de  l'empire  n'avaient  point  aban- 
donné les  doctrines  du  polythéisme, 
durent  éprouver  une  grande  joie  ;  mais 
le  triomphe  des  donatistes  fut  court. 
Les  édits'de  Valentinien  ramenèrent 
bientôt  pour  les  schismatiques  de  l'A- 
frique le  temps  de  l'exil  et  de  la  persé- 
ci^tion  (1). 

SAINT  OPTAT  ,  ÉVÉQUE  DE  MILEVE  ; 
POLÉMIQUE  ENTRE  LES  ÉCRIVAINS 
CATHOLIQUES  ET  LES  ÉCRIVAINS  DO- 
NATISTES ;    LOI  DE    VALENTINIEN.   — 

Depuis  l'origine  du  schisme ,  une  polé- 
mique vive,  ardente,  s'était  engagée 
entre  les  écrivains  des  deux  Égli- 
ses. Elle  dura  pendant  près  d'un  siècle 
sans  interruption.  Presque  tous  les  ou- 
vrages qui  furent  composés  alors  et  qui 
se  rapportent  aux  querelles  religieuses 
de  l'Afrique  sont  perdus  aujourd'hui. 
r^Tous  n'avons  rien  des  donatistes. 
Pïous  ne  connaissons  les  opinions  des 
schismatiques  africains  et  les  arguments 
qu'ils  employaient  dans  la  discussion 
que  par  les  ouvrages  de  leurs  adversaires. 
Parmi  les  plus  vigoureux  et  les  plus 

(I)  Indépendamment  des  ouvrages  de  saint 
dplat  ( de  Schism.  Donat,  II ,  19 ;  VI,  2 et sqq) et 
de  saint  Augustin  (nous  faisons  surtout  allu- 
sion ici  à  la  lettre  166,  al.  I05,  ad  Donatisi.) , 
voy.  sur  cette  réaction  :  Fleury,  t.  IV ,  p.  67  et 
«aiy;Potter,t.  II,  p.  142. 


n 


illustres  de  ces  adversah^es,  il  faut  coinç« 
ter  assurément  Optât,  évéque  deMi- 
lève.  «  Parménien,  évéque  donatiste  de 
Carthage  et  successeur  de  Donat ,  dit 
Fleury ,  ayant  écrit  contre  l'Église , 
plusieurs  catholiques  avaient  désiré  une 
conférence  des  deux  partis  :  mais  les 
donatistes  l'avaient  refusée ,  ne  voulant 
pas  même  parler  aux  catholiques  ni  ap^ 
procher  d'eux ,  sous  prétexte  de  ne  pas 
communiquer  avec  les  pécheurs.  Optât 
répondit  donc  par  écrit  à  Parménien ,  ne 
le  pouvant  faire  autrement.  »  Dans  les 
sept  livres  de  son  ouvrage  (1),  l'évêque 
de  Milève  se  propose  de  défendre  con- 
tre les  schismatiques  l'unité  de  l'É- 
glise et  de  repousser  toutes  les  accusa- 
tions portées  par  les  donatistes  contre 
les  catholiques,  qu'à  la  On  du  IV®  siècle 
ils  appelaient  encore  traditeurs.  Optât 
ne  se  borne  pas  à  discuter  :  comme  le 
schisme  des  donatistes  reposait  tout  en^ 
tier ,  en  quelque  sorte ,  sur  cette  ques- 
tion de  fait  :  Gécilien  et  les  évéques  ca- 
tholiques, ses  partisans ,  ont-ils  livré  les 
Écritures ,  au  temps  des  persécutions  ? 
sont-ils  traditeurs?  il  remonte  à  l'ori- 
gine des  dissensions  et  raconte.  Il  op- 
pose des  faits  aux  faits  allégués  par  ses 
adversaires.  C'est  ainsi  qu  en  combat-* 
tant  Parménien ,  il  mêle  la  narration  à 
la  discussion  et  suit ,  jusqu'à  son  temps, 
l'histoire  des  luttes  religieuses  de  l'A- 
frique. Suivant  Fleury  (2),  Optât  écrivit 
son  ouvrage  sous  Valentinien  (364-375). 
Comme  nous  l'avons  dit ,  la  violente 
réaction  des  donatistes  contre  les  ca- 
tholiques cessa  avec  le  règne  de  Julien. 
Les  schismatiques  ne  pouvaient  dé- 
sormais espérer  l'impunité  pour  leurs 
excès.  Les  empereurs  qui  succédèrent  à 
Julien  n'auraient  pas  tardé  à  réprimer 
en  Afrique  les  désordres  que ,  par  un 
sentiment  de  haine  contre  toutes  les 
communions  chrétiennes ,  le  restaura- 
teur du  paganisme  pouvait  seul  tolérer. 
Mais  les  donatistes  avaient  à  peine  mis 
un  terme  à  leurs  vengeances ,  que  les 
catholiques,  à  leur  tour,  se  relevèrent  et 
réclamèrent  l'assistance  du  pouvoir 
impérial  pour  vaincre  leurs  adversaires^ 

(1)  Quelques  auteurs  ont  pensé  que  le  sep- 
tième livre  n'avait  pas  été  écrit  par  Optât. 

(2)  Fleury,  Flist.  ecclés.  t.  IV,  p.  226  et  suiv.  — 
Voy.  aussi  sur  saint  Optât  :  Rohrbacher;  Hist 
univers,  de  l'Église  catholique,  t.  VII,  p.  102  et 
suiv. 


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961 


L'UNIVERS. 


ValentiûteQ  lenr  ttot  en  aide;  eepea^ 
daot  ee  ne  fUt  (ju'au  mois  de  février  de 
Tannée  373  qu'il  promulgua,  à  Trères^ 
une  loi  par  laquelle  quiconque ,  parmi 
les  évéqUes  eu  les  prêtres ,  rebaptisait , 
était  condamné  et  déclaré  indigne  du 
sacerdoce  :  cette  loi ,  qui  atteignait  les 
donatistes  s  fut  adressée  au-  proconsul 
d'Afrique  ^  Julien.  Il  est  vraisemblable 
toutefois  que,  dans  les  intentions  de 
l'empereur ,  elle  était  applicable  aussi 
aux  partisans  que  les  sohismatiques 
africains  avaient  rencontrés  à  Home 
et  en  Espagne.  Les  donatîstes  ne  se 
laissèrent  point  abattre  parle  décret  dé 
Valentinien  ;  la  sévérité  des  lois  impé- 
riales ne  fit  sans  doute  (jue  raviver  leur 
haine  contre  les  catholiques  et  les  af- 
fermir dans  ]e  schisme. 

SAINT  AUGUSTIN  ;  SES  COMMENCE- 
MENTS ;  IL  QUITTE  L'APBIQUB  ;8fiJ0UH 
A    B9MB    ET  A   MILAN;    SA   CONYER- 

SION  (l).  •—  Au  moment  môme  où  l'évô^ 
que  de  Milève,  Optât ,  achevait  son  ou- 
vrage ,  saint  Augustin ,  qui  devait  être 
l'adversaire  le  plus  redoutable  des  do- 
natistes,  commençait  à  paraître  aveo 
éclat  dans  les  écoles  de  l'Afrique.  11 
naquit  en  8.54,  à  Tagaste,  petite  ville 
"de  la  Numidie.  Patrice ,  son  père  ^  était 
un  des  hommes  notables  de  la  cité  ;  il 
faisait  partie  du  corps  des  décurions. 
Sa  mère,  qui  exerça  une  si  grande  in- 
fluence sur  sa  vie  ^  et  qui  tint  une  si 
grande  place  dans  ses  affections  ,  s'ap^ 
pelait  Monique.  Il  étudia  d'abord  à 
Madaure  ;  puis ,  il  revint  à  Tagaste  î 
de  là  il  se^rendit  à  Garthage,  où  il  acheva 
ses  études.  Ce  fut  dans  les  écoles  jus- 
tement renommées  de  la  capitale  de 
l'Afrique,  qu'en  lisant  les  traités  de 
Cieéron ,  il  se  prit  d'un  vif  amour  pour 
la  philosophie.  Il  se  mit  dès  lors  avec 
une  ardeur  sans  égale  à  la  fecherche 
de  la  vérité.  Il  voulut  connaître  les 
ouvrages  où  sont  exposés  les  dogmes 
fondamentaux  du  christianisme;  mais 
le  style  des  saintes  Écritures  devait 
rebuter  un  homme  qui  étudiait  assidû- 
ment Cieéron  et  les  auteurs  qui  avaient 
vécu  à  la  belle  époque  de  la  latinité.  Il 
laissa  donc  de  côté  les  livres  chrétiens. 

(I)  Pour  toute  cette  'partie  biographique  de 
notre  travail  nous  avons  toujours  eu  sous  les 
yeux  les  Confessions  et  la  Fie  de  saint  ^Augus<- 
tin  écrite  par  Possidius. 


Ce  fut  aussi  vers  ce  temps  qu'il  se  bissa 
séduire  par  la  doctrine  des  manichéens* 

Augustin,  après  avoir  achevé  ses 
études  t  revint  encore  à  Tagaste ,  où  il 
enseigna  successivement  la  grammaire 
et  la  rhétorique.  Mais  la  petite  ville  où 
il  avait  pris  naissance  n'était  pas  à  ses 
yeux  un  théâtre  où  il  pût  se  produire 
avec  éclat  et  acquérir,  comme  maître, 
la  gloire  que  sans  doute  il  avait  rêvée. 
Il  quitta  donc  Tagaste  et  reprit  le 
chemin  de  Carthage.  Il  reparut  comme 
professeur  dans  les  écoles  de  cette  ville  ; 
mais  il  n'y  fit  pas  un  long  séjour.  Il  se 
décida  à  passer  la  mer,  et,  trompant 
la  vigilante  tendresse  de  sa  mère,  il 
s'embarqua  pour  ITtalie  etvintà  Rome. 
Là,  il  continuait  à  étudier  les  philosophes, 
lorsque  la  ville  de  Milan  demanda  au 
préfet  Symmaque  un  professeur  de 
rhétorique.  Sur  la  puissante  recomman- 
dation des  manichéens  ,  et  après  avoir, 
au  préalable  ,  prouvé  sa  capacité  par 
un  discours ,  Augustin  fut  désigné  aux 
citoyens  de  Milan.  Nous  devons  remar- 
quer ici  que  ,  déjà  à  cette  époque,  Au- 
gustin n'avait  plus  confiance  en  la  doc- 
trine des  manichéens  ;  ses  rapports  et 
ses  discussions  avec  les  hommes  les 
plus  înfluents'de  la  secte  ,  avec  l'évéque 
Fauste  surtout ,  avaient  jeté  le  doute 
dans  son  esprit;  toutefois  il  ne  s'était 
pas  encore  séparé  ouvertement  de  ceux 
dont  il  avait  été  pendant  plusieurs  an- 
nées le  sincère  partisan. 

En  384,  il  se  rendit  à  Milan,  où  arri* 
vèrent  bientôt  Monique  sa  mère  et  deux 
hommes,  comme  lui  originaires  de  l'A- 
frique, et  qu'il  chérissait  entre  tous« 
Alypius  etNebridius.  C'était  dans  cette 
ville  que  devait  commencer  pour  Au- 
gustin une  vie  nouvelle. 

Son  esprit,  en  proie  depuis  si  long- 
temps à  l'incertitude,  et  qui  avait  cher- 
ché en  vain  la  vérité,  soit  dans  les  livres 
de  Cieéron  et  des  académiciens,  soit 
dans  le  système  des  manichéens,  se  fixa. 
Les  vœux  ardents  de  Monique ,  les  ser- 
mons de  saint  Ambroise,  et  plus  encore 
les  ouvrages  de  Platon,  qu'il  lut  dans 
une  traduction  latine  ,  mirent  fin  à  tou- 
tes ses  irrésolutions. 'Platon,  comme  il 
l'avoue,  lui  fit  entrevoir  la  vérité  tant 
désirée.  Puis,  les  saintes  Écritures,  qu'il 
étudia  alors  avec  attention  et  avec  ar- 
deur, achevèrent  de  lui  dévoiler  ce  qui 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


n'apparaissait  encore  que  d'une  ma- 
nière vague  et  confuse,  même  dans  la 
plus  sublime  des  doctrines  de  la  piiilo- 
sophie  grecque.  Il  voulut  être  sincère- 
ment chrétien. 

Pour  se  préparer  avec  plus  de  re- 
cueillement au  baptême,  Augustin  cessa 
d'enseigner  et  se  retira  dans  une  mai- 
son de  campagne  avec  sa  mère  et  Adéo- 
dat,  fils  de  l  une  des  femmes  nombreuses 
qu'il  avait  aimées.  Il  fut  suivi  dans  sa 
retraite  par  ses  amis  les  plus  chers.  Ce 
fut  là  qu'à  la  suite  de  doux  et  graves 
entretiens,  il  composa  plusieurs  ouvra- 
ges qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous.  Il 
écrivit  d'abord  contre  les  académiciens; 
puis  il  fit  les  deux  traités  de  la  Fie  heu- 
reuse et  de  P Ordre.  Il  commença  aussi 
les  Soliloques ^  qu'il  compléta  plus  tard 
par  le  traité  de  i  Immortalité  de  tâme. 
Peu  de  temps  après,  il  composa  encore 
deux  traités  :  celui  de  la  GrammairCy  qui 
n'est  point  arrivé  jusqu'à  nous ,  et  celui 
de  la  Musique ,  qui  ne  fut  achevé  qu'en 
Afrique.  Au  printemps  de  l'année  387, 
il  revint  à  Milan ,  où  il  fut  baptisé  avec 
Àdéodat,  son  fils,  et  Alypius,  son  ami, 
par  saint  Ambroise. 

AUGUSTIN  QUITTE  MILAN  ;  IL  PEBD 
SA  MÈRE;  SÉJOUR  AROME;  IL  REVIENT 
EN  AFRIQUE;  LUTTES  CONTRE  LES 
MANICHÉENS  ET  LES  DONATISTES;  SA 
RETRAITE;  IL  EST  NOMMÉ  SUCCESSI- 
VEMENT PRETRE   ET  ÉVÊQUE   DE  l'É- 

GLISE  d'hïppone.  —  Augustiu  ,  après 
son  baptême ,  prit  la  résolution  de  re- 
tourner en  Afrique.  Il  quitta  Milan ,  et 
accompagné  de  sa  mère  et  de  soniils,  il 
se  dirigea  vers  le  port  d'Ostie-  Il  atten- 
dait le  moment  oe  s'embarquer,  lors- 
que Monique  fut  prise  d'une  fièvre  qui 
1  emporta  en  neuf  jours.  Augustin  res- 
sentit à  la  mort  de  sa  mère  une  violente 
douleur  qui  bouleversa  pour  un  ins- 
tant tous  ses  projets.  Il  ne  songea 
plus  à  l'Afrique  et,  d'Ôstie,  il  vint  à  Rome, 
où  il  séjourna  pendant  plus  d'une  an- 
née. Il  ne  cherchait  plus  alors  à  brillei: 
dans  les  écoles;  il  voulait,  avant  tout,, 
mettre  au  service  de  la  doctrine  qu'il 
venait  d'embrasser  les  connaissances 
qu'il  avait  acquises  et  son  éloquence.  Il 
attaqua  l'hérésie  avec  force,  et  «par  une 
réaction  naturelle  chez  un  nouveau  con- 
verti ,  il  combattit  d'abord  ceux  dont  il 
avait  partagé  les  erreurs.  Il  composa 


31 


deux  livres  :  l'un  sur  la  Morale  et  les 
mœurs  de  l'Église  catholique ,  l'autre 
sur  la  Morale  et  les  mœurs  des  mani' 
chéens.  Le  résultat  de  cette  comparai- 
son, on  le  cqnçoit  aisément,  est  tout 
entier  à  l'avantage  de  l'Église  catholique. 
Augustin  ne  se  contenta  pas  de  montrer 
au  grand  jour  la  corruption  des  mani- 
chéens ;  il  les  attaqua  dans  un  des 
points  fondamentaux  de  leur  système  ; 
et  en  examinant  cette  question  ;  D'où 
vient  le  mal  ?  il  combattit  la  doctrine 
des  deux  principes,  l'un  bon,  l'autre 
mauvais ,  qu'ils  admettaient.  Ce  fut 
sans  doute  cette  controverse  qui  le 
conduisit  à  écrire  son  traité  du  Libre 
arbitre.  En  faisant  au  libre  arbitre,  dans 
tous  les  actes,  une  large  part  (beaucoup 
plus  large  quecellequ'il  lui  accorda  plus 
tard ,  dans  la  lutte  contre  Pelage  et 
Célestius),  il  réfutait  encore  la  doctrine 
des  deux  principes.  Il  n'acheva  ce  dernier 
traité  qu'en  Afrique,  où  il  arriva  enfin 
dans  les  derniers  mois  de  l'année  388. 

Il  demeura  quelque  temps  à  Carthage; 
puis,  il  revintà  Tagaste,  où  il  vécut,  pen- 
dant trois  ans  environ,  dans  une  pro- 
fonde retraite.  Il  y  acheva  son  ouvrage 
de  la  Musique,  il  composa  à  la  même 
époque  les  deux  livres  de  la  Genèse,  des- 
tinés à  réfuter  l'opinion  des  manichéens 
sur  l'Ancien  Testament,  le  livre  duMaî- 
tre,  qui  est  un  dialogue  entre  lui  et  son 
fils  Adéodat, et  le  traité  delà  Fraie  re- 
ligion. Il  sortit  enfin  de  la  retraite,  et 
sur  la  demande  d'un  de  ses  amis  qui 
voulait  quitter  le  siècle  et  désirait  ar- 
demment le  voir  et  l'entendre  ,  il  vint  à 
Hippone.  Il  y  fut  retenu  malgré  lui ,  en 
quelque  sorte,  par  les  vœux  du  peuple  ; 
et  pour  l'attacher  à  son  église,  l'éveque 
Valère  l'ordonna  prêtre,  en  391.  Le 
dernier  lien  qui  unissait  Augustin  au 
monde  avait  été  rompu  par  la  mort 
prématurée  d' Adéodat.  Aussi ,  dès  qu'il 
fut  entré  dans  les  ordres  sacrés ,  il  re- 
doubla d'austérités,  et  sa  vie  fut  encore 
plus  retirée  qu'à  Tagaste.  Il  fonda  un 
monastère  ou  il  rassembla  autour  de 
lui  ses  amis  les  plus  chers,  Alypius,  Evo- 
dius  et  Possidius.  Il  ne  sortait  de  sa  re- 
traite que  sur  les  ordres  de  Valère ,  son 
évêque  ,  pour  instruire  le  peuple  tou- 
jours avide  de  l'entendre. 

La  réputation  d'Augustin  était  déjà 
grande  à  cette  époque.  Les  évéques  s*a- 


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t^ 


L»UNlVEllâ. 


dressaient  volontîefs  à  lui  pour  lui 
demander  des  prières  et  des  conseils. 
D'autre  part,  il  exerçait  sur  le  peuple 
qu'il  instruisait  une  autorité  sans  i)or- 
nes.  Ainsi,  jusqu'à  son  temps,  les  évêaues 
s'étaient  en  vain  opposés  dans  la  ville  à 
certaine  fête  qui  entraînait  à  sa  suite 
la  débauche  et  de  graves  désordres. 
Un  concile  même,  tenu  àHippone  en 
393,  n'avait  pu  abolir  les  vieux  usages. 
En  394,  la  parole  seule  d'Augustin  fut 
plus  puissante  que  les  décrets  du  con- 
cile et  que  les  exhortations  des  évêques  ; 
elle  fit  cesser  la  fête  populaire. 

Au  milieu  des  occupations  nombreu- 
ses que  lui  imposait  sa  qualité  de  prê- 
tre, Augustin  trouvait  encore  le  temps 
de  servir  TÉglisepar  ses  ouvrages.  Il 
écrivait  son  traité  de  P Utilité  de  croire , 
pour  ramener  à  la  foi  un  de  ses  amis 
appelé  Honorât,  et  son  livre  des  Deux 
âmes,  pour  réfuter  les  manichéens.  Il 
attaqua  encore  ces  derniers,  en  394  ,  en 
soutenant  contre  l'un  d'eux,  Adimante, 
que  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament 
n'étaient  pas  opposés  l'un  à  l'autre ,  et 
que  la  même  ou  ils  semblaient  se  con- 
tredire ,  il  était  facile  de  les  concilier. 
Il  entrait  aussi  volontiers  en  conférence 
publique  avec  les  ennemis  de  sa  doc- 
trine ;  c'est  ainsi  qu'en  392  il  discuta 
pendant  deux  jours  contre  le  prêtre 
iTianichéen  Fortunat,  qui  s'avoua  vaincu. 
Mais  en  Afrique  ce  n'était  point  le  mani- 
chéisme qui  avait  porté  les  plus  rudes 
coups  à  l'unité  de  l'Église  ;  le  catholi- 
cisme avait  dans  cette  contrée  des  ad- 
versaires plus  puissants  et  plus  nom- 
breux, les  donatistes.  Les  partisans  du 
schisme  dominaient  dans  un  grand 
nombre  de  provinces.  Dans  une  de  leurs 
réunions  à  Bagaïa  ,  on  compta  plus  de 
quatre  cents  évêques  dissidents.  Augus- 
tm  tourna  bientôt  tous  ses  efforts  con- 
tre ces  redoutables  ennemis.  Il  essaya 
d'abord  de  ramener,  par  la  persuasion, 
les  donatistes  nombreux  qui  se  trou- 
vaient à  Hippone;  puis  il  composa  une 
sorte  de  chanson  populaire  où  il  racon- 
tait l'histoire  du  donatisme.  Il  mêla  au 
récit  une  réfutation  du  schisme.  La 
formequ'il  avait  adoptée  dut  contribuer 
'^ngulierement  à  propager  son  œuvre. 
Ses  idées  étaient  mises  ainsi  à  la  portée 
de  tous,  et  pouvaient  aisément  pénétrer 
dans  les  villes  et  les  campagnes,  au  sein 


de  la  classe  opprimée  qui  avait  été  ga- 
gnée presque  tout  entière  à  la  cause  du 
schisme. 

Ce  fut  vers  cette  époque  que  Valère , 
accabléd'ans  et  d'infirmités,  choisit  Au- 
gustin pour  coadjuteur  et  le  Ot  nom- 
mer évéque  d'Hippone. 

TKAVAUX  d'àUGUSTIN  DANS  L'ÉPIS- 

copat;il  combat  les  hérésies;  sa 

BÉPUTATIOX  s'étend  AU  LOIN.  —  L'é- 

piscopat  ne  changea  en  rien  la  vie  d'Au- 
gustin. Il  sortit,  il  est  vrai ,  du  monas' 
tère  qu'il  avait  choisi  pour  asile  ;  mais, 
au  milieu  du  monde  auquel  il  devait  dès 
lors  se  mêler ,  il  conserva  les  habitudes 
austères  que  depuis  sa  conversion  il 
s'était  imposées.  Seulement  son  activité 
devint  plus  grande  et  le  cercle  de  ses 
travaux  s'agrandit.  Il  faisait  au  peuple 
de  fréquentes  instructions,  visitait  ou 
accueillait  tous  les  citoyens  d'Hippone 
qui  réclamaient  son  assistance,  et  in- 
tervenait comme  juge  et  comme  média- 
teur dans  les  différends  qui  s'élevaient 
entre  les  membres  de  son  Église. 

On  conçoit  à  peine  qu'au  milieu  d'oa* 
cupations  *si  diverses  et  si  nombreuses , 
Augustin  ait  trouvé  pour  écrire  quelq  ues 
instants  de  loisir.  Cependant  dans  les 
premiers  temps  de  son  épiscopat,  il 
composa  le  Combat  chrétien  et  le  livre 
de  la  Croyance  aux  choses  qu'on  ne  voit 
pas.  Un  peu  plus  tard ,  vers  397 ,  il 
reprit  la  lutte  contre  les  manichéens,  et 
réfuta  d'abord  la  lettre  de  Manès ,  ap- 
pelée VÉpitre  du  fondement;  puis,  il 
fit  ses  Trente-trois  livres  contre  Fattste, 
Les  ariens  fixèrent  aussi  son  attention , 
et  il  commença,  pour  les  combattre, 
ses  quinze  livres  de  la  Trinité.  Il  écri- 
vait aussi  à  la  même  époque  le  plus 
connu  de  tous  ses  ouvrages ,  les  Con- 
fessions, 

Tant  d'activité  et  de  science  portèrent 
au  loin  la  réputation  d'Augustin.  On 
le  consultait  de  toutes  parts.  Pour  lui , 
il  répondait  avec  un  zèle  infatigable 
aux  demandes  qu'on  lui  adressait.  Ce 
fut  ainsi  qu'au  milieu  des  grands  tra- 
vaux que  nous  venons  d'énumérer ,  il 
composa  pour  Deogratias,  diacre  de 
l'Église  de  Carthage ,  un  traité  sur  la 
manière  d'instruire  les  ignorants  ,  et 
qu'il  fit  (  vers  397  )  deux  livres  pour  ré- 
soudre certaines  questions  qui  lui 
avaient  été  soumises  par  Simplicien, 


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AFRIQUE  CflftÉTîENNË. 


évéoue  de  Mitait  et  Successeur  de  saint 
Amoroise.  Le  dernier  de  ces  deux  li- 
Tres  mérite  une  sérieuse  attention.  Il 
y  expose  déjà  clairement ,  à  propos  de 
ces  paroles  de  l'Apôtre ,  «  Qu^avez-vous 
eue  vous  n'ayez  reçu?  »  cette  doctrine 
de  la  grâce  qui  annihilait  complètement 
le  libre  arbitre,  et  qu'il  devait  pousser 
jusqu'à  ses  dernières  conséquences, 
dans  sa  lutte  contre  Pelage. 

LES  DONATISTES  *,  LEURS  DIVISIONS; 
LIYBES  DE  SAINT  AUGUSTIN  ;  CONCI- 
LES. —  Mais  alors  Augustin  était  sur- 
tout occupé  par  ses  discussions  contre 
les  donatistes.  L'occasion  était  bien 
choisie  pour  combattre  le  schisme.  De* 
puis  plusieurs  années  déjà ,  l'église  do- 
natiste  était  en  proie  à  de  grandes  di- 
visions. Vers  la  6n  du  siècle ,  les  opi- 
nions de  Ticonius,  qui  fut  parmi  les 
dissidents ,  suivant  saint  Augustin  lui- 
même,  un  éloquent  et  savant  docteur, 
fournirent  un  nouvel  aliment  aux  que- 
relles et  aux  dissensions.  La  mort  de 
Parménien ,  évéque  donatiste  de  Car- 
thage,  acheva  de  désorganiser  le  schis- 
me. Primien ,  qui  fut  élu ,  vers  l'an  392 , 
avait  excommunié  un  de  .ses  diacres , 
Maximîen.  Ce  dernier,  pour  se  venger, 
se  lit  un  parti,  et  occupa  par  la  force  le 
siège  de  celui  qui  l'avait  condamné. 
Deux  conciles  se  prononcèrent  contre 
Primien  ;  mais  un  troisième,  qui  se  tint 
à  Bagaïa,  prit  sa  défense  et  déclara  cou- 
pable Maximien  et  ses  adhérents.  Ce  fut 
là  l'occasion  d'une  guerre  où  prîm/a;t/5- 
tes  et  maximianistes  montrèrent  une 
extrême  violence. 

Il  faut  encore  ajouter  à  ces  deux  par- 
tis ,  dont  le  premier  dominait  à  Cartha- 
ge ,  dans  la  Proconsulaire  et  la  Numidie, 
et  le  second ,  dans  la  Byzacène ,  celui 
des  rogatistes,  qui  l'emportaient  par 
le  nombre  sur  tous  les  autres  dissi- 
dents, dans  la  Mauritanie  césarienne. 

Augustin  voyait  avec  joie  toutes  ces 
divisions.  Elles  lui  fournissaient,  dans 
ses  conférences  avec  les  évêques  dona- 
tistes ^  avec  Glorius  et  Fortunius ,  par 
exemple ,  aussi  bren  que  dans  ses  écrits 
contre  le  schisme,  des  arguments  sans 
réplique.  Ce  fut  vers  l'an  400  qu'il  com- 
posa trois  livres  pour  réfuter  une  lettre  de 
Parménien  adressée  à  Ticonius;  sept 
livres  sur  la  question  tant  controversée 
du  baptême ,  et  trois  livres  enfin  contre 

AFR.   CHBÉT. 


ss 

les  lettres  de  Pétilién ,  évéque  donatiste 
de  Cirta  ou  Constantine. 

L'Église  catholique  d'Afrique,  aussi 
bien  qu'Augustin,  avait  repris  courage 
et  force.  Elle  multiplia  alors  les  con- 
ciles. Les  Pères  se  réunirent  une  fois  à 
Hippone  ;  mais  en  général  Carthage  était 
le  lieu  fixé  pour  les  assemblées.  En  398, 
on  compta  dans  la  capitale  de  l'Afri- 
que, sous  la  présidence  d'Aurélius,  deux 
cent  quatorze  évêques.  La  question 
du  schisme  était  toujours  agitée  dans 
ces  grandes  réunions,  et  les  Pères  ne  se 
séparaient  jamais  sans  avoir  promulgué 
quelques  canons  contre  les  donatistes. 

derniers  vestiges  du  polythéis- 
me en  afrique  ;  le  temple  de  ju- 
non-céleste;  polémique  de  saint 
augustin  contre  les  païens.  —  le 
schisme  et  l'hérésie  n'étaient  pas  les 
seuls  ennemis  que  l'Église  catholique  et 
saint  Augustin  eussent  à  combattre  en 
Afrique.  Le  paganisme  avait  laissé  dans 
cette  contrée  une  profonde  empreinte. 
Dans  les  Mauritanies ,  la  Numidie ,  la 
Proconsulaire ,  la  Byzacène ,  à  Carthage 
même,  on  trouvait  encore,  au  commen- 
cement du  V®  siècle ,  de  nombreux  ado- 
rateurs des  anciens  dieux.  Les  temples 
avaient  été  fermés ,  il  est  vrai ,  par  ordre 
de  Théodose;  mais  la  sévérité  des  lois 
impériales  n'empêchait  pas  les  païens  de 
se  livrer,  comme  par  le  passé ,  aux  pra- 
tiques de  leur  religion,  et  ils  ne  cessèrent 
point  dans  les  jours  solennels  de  se  ras- 
sembler pour  faire  des  sacrifices.  T^  plus 
célèbre  et  la  plus  vénérée  de  toutes  les 
divinités  de  l'Afrique  était  l'Astarté 
des  Phéniciens.  La  race  punique  n'avait 
point  été  anéantie  tout  entière  au  mo- 
ment où  Scipion  avait  renversé  l'an- 
cienne Carthage.  Parmi  les  hommes  de 
cette  race,  beaucoup  échappèrent  alors 
au  fer  des  Romains  ou  à  1  esclavage,  et 
continuèrent  à  vivre  sur  la  terre  d'Afri- 
que. Les  descendants  des  Phéniciens  se 
soumirent,  il  est  vrai,  aux  lois  des  vain- 
queurs; mais  ils  ne  perdirent  pour  cela 
ni  leur  caractère  national  ni  les  tradi- 
tions de  leurs  ancêtres.  Ils  conservè- 
rent leurs  dieux  et  leur  culte,  et  les  rap- 
portèrent dans  la  colonie  de  Caîus 
Gracchus ,  où  ils  relevèrent  le  temple 
d'Astarté.  Il  était  dans  la  politique  des 
Romains,  non  de  combattre  les  croyan- 
ces religieuses  des  vaincus ,  mais  de  les 


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34 


L'UNIVEHS. 


adopter;  on  plutôt  dé  les  combiner  âvee 
leurs  propres  oroyanoes.  Ainsi ,  ils  e«* 
sayèrent  de  eoeoilier  le  culte  d*Astarté 
avec  celui  de  leurs  divinités ,  et  sous  lé 
nom  de  Junon«CéleSte  ils  adorèreni  la 
déesse  phénicienne.  Le  temple  de  Ju^ 
non-Céleste  fut^  au  temps  de  Tempirei, 
le  plus  riche  et  le  plus  révéré  de  Car-* 
thage  :  Théodose  le  fit  fermer  en  891. 
Un  peu  plus  tard,  Tévéque  Aurélius  en 
prit  possession  et  le  dédia  au  Christ, 
Mais  après  cette  consécration ,  les  païens 
(c'étaient  sans  doute  des  hommes  de 
race  punique  et  les  derniers  descendants 
des  Carthaginois)  ayant  osé  périétrer 
dans  son  enceinte  pour  y  renouveler  en 
l'honneur  d'Astarté  leurs  sacrifices  e| 
leurs  cérémonies,  il  fut  renversé  de  fond 
en  comble  (1). 

L'empereur  Honorius,  dans  son  zèle, 
ne  se  borna  pas  à  persécuter  en  Afri- 
que le  |)olytheisme  oriental,  grec  ou  ro« 
maiii;  il  envoya  aussi  dans  les  diverses 
provinces  des  officiers  qui  avaient  pour 
mission  de  détruire,  comme  cela  se  fit 
avec  éclat  dans  la  Mauritanie,  les 
images  des  dieux  adorés  par  les  po- 
pulations indigènes.  Mais  les  païens 
étaient  encore  nombreux  et  puissants 
sous  le  fils  de  Théodose,  et  plus  d'une 
fois  ils  opposèrent  une  vive  résistance 
aux  édits  impériaux.  A  Suffète,  par 
exemple,  dans  la  Byzacène,  ils  massa- 
crèrent soixante  chrétiens  qui  avaient 
brisé  une  statue  d'Hercule. 

lis  écrivirent  aussi  pour  défendre 
leurs  croyances;  et  parmi  eux  ii  se 
trouva  des  hommes  instruits  et  éloquents 
qui  firent  une  rude  guerre  au  ehris^ 
tianisme.  Ce  fut  l'infatigable  Augustin 
qui,  oubliant  alors  pour  un  instant 
le  schisme  et  l'bérésie,  se  chargea  de  ré- 
futer les  doctrines  du  polythéisme.  De- 
puis longtemps  les  païens  faisaient 
valoir  contre  la  relij^ion  chrétienne  un 
argument  nui  pouvait  ébranler  les  igno- 
rants. Ils  disaient  :  Quand  nos  dieux 
étaient  adorés,  il  y  avait  sur  cette  terre, 
pour  les  hommes ,  bonheur  et  sécurité, 
Cest  avec  l'assistance  de  ces  dieux 
que  Rome  a  conquis  le  monde,  qu'elle 
1  a  soumis  à  ses  lois  et  qu'elle  a  rassem- 

-  (1)  Vov.  sur  la  religton  des  Carth^inois ,  le 
temple  d'Asiarté  et  la  persistance  de  .la  race  pa- 
ilkfue  CD  Afrique,  notre  Hi»toire  de  Carthage, 
p.  130,  145  et  153. 


blé^  pour  ainsi  dire,  pour  te  pre 
et  le  défendre,  tout  le  g^re  huRMuA 
dans  son  vaste  empire.  Tant  moê  notrt 
religion  a  régné  sans  partage,  Teoipira 
romain  n'a  pas  rétrogradé  et  nul  oar« 
bare  n'a  franchi  impunément  ses  froB« 
tières.  Qu'est-il  arrivéaprès  le  triomphe 
du  christianisme?  l'empire  a  été  ea 
proie  à  d'effroyables  Garnîtes  ;  il  a  été 
sans  cesse  harcelé,  envahi,  ravagé  « 
amoindri  par  les  populations  barbares. 
l4os  dieux  se  sont  vengés,  et  il  semble 
même  qu'ils  aient  fait  éclater  particu- 
lièrement leur  colère  à  l'égard  des  eoH 
pereurs  partisans  et  protecteurs  du 
christianisme.  Y  eut-il  jamais  une  fa- 
mille plus  malheureuse  que  celle  de 
Constantin?  Il  faut  donc  attribuer  à  no- 
tre religion  les  anciennes  prospérités 
de  l'empire,  et  au  christianime  tous  les 
maux  qui  nous  accablent.  Voilà  lé 
grand  argument  que  firent  valoir  sou- 
vent avec  une  haute  éloquenoe^  eomme 
Libanius  et  Symmaque,  les  défenseurs 
du  polythéisme.  La  prise  de  Rorne^ 
par  AlariC)  en  410 ,  sembla  justifia 
les  raisons  des  païens.  Le  coup  qui  avait 
frappé  la  ville  éternelle  eut  dans  toutes 
les  provinces  un  long  retentissements 
U  y  eut  alors  bien  des  hommes  qui ,  dans 
des  instants  de  doute  et  de  décourage- 
ment, furent  tentés  d'attribuer  au  chris- 
tianisme les  calamités  de  l'empire. 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  grandes  ca- 
tastrophes que  se  mirent  à  l'œuvre  Paul 
Orose  et  Augustin  :  l'un  composa  sou 
Histoire,  l'autre  sa  Cité  de  Dieu.  Tous 
•deux  par  des  voies  diverses  tendaient 
au  même  but.  Ils  voulaient  raffermir 
leurs  frères  qui  chancelaient,  amener  à 
la  foi  ceux  qui  ne  croyaient  pas  en- 
core, et  pour  cela  ils  s  efforeèreiit  de 
montrer  a  tous  les  yeux  combien  étaient 
vaines  les  accusations  que  le  polythéisme, 
aigri  par  sa  récente  défaite  et  le  senti- 
ment de  son  impuissance,  avait  portées 
contre  le  christianisme  victorieux.  ' 

LES  DONÀTISTES  SONT  POUBSUIVIS 
AVEC    ÀGHàBNEMBNT;  CONCILES    1>^ 

gabthage;  conféaences  ixb  l'aji 
4t  1  ;  condamnation  des  ih>n atistes; 

LE  TBIBUN  MABGELLIN  ;  LOI  D'HONO* 

Bius.  —  Quels  que  fussent  les  travaux 
d'Augustin,  ses  yeux  et  son  attention 
ne  se  détournaient  jamais  des  donatis- 
tes.  L'extinction  du  schisme  était  sa 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE 


$5 


grande  affaire  et ,  en  cela ,  if  se  confor- 
mait à  la  pensée  d^  tons  les  catholiques 
de  l'Afrique.  Il  àhriva  un  moment  oà 
eeux-ci,  poussés  par  le  v\i  désir  d'opé- 
rer la  réunion  des  deux  Églises,  reeoo- 
irot'ent  au  moren  extrême  d'invoquer 
l'intervention  do  pouvoir  temporel.  Efi 
4Cf4,  les  Pères  d'un  eonctie  rassemblé 
à  Garthage  s'adressèrent  à  l'émpermnr 
pour  obtenir  de  lui  aide  et  appui  dans 
feur  lutte  eonti'e  le  donatisme.  Dès  Ion 
ils  ne  Cessèrent  dus  dlmplore^  son  a<^ 
sistanee.  Honorius  accueillit  Imi^s  de- 
mandes, et  pour  obéir  aux  instrtictior» 
f  s'ils  avaient  re^es  de  llavenue,  les  of- 
ciers  qui  gouvernaient  l'Afrique  trai- 
tèrent les  partisans  du  schisme  av^ 
nue  excessive  rigueur.  Mais  ta  fut  sur- 
tout vers  410  que  l'empereur  donna 
aux  catholiques  des  preuves  éclatantes 
de  sa  bienveillance. 

Il  7  avait  longtemps  qu'on  voulait 
«mener  lés  évéques  dès  deux  Églises  à 
discuter  4  dans  uneconféreuce  publique, 
lesmotifsde  la  séparation.  DepulsThéd- 
dose,  leé  cathotlùties  dédiraient  ardem- 
ment cette  conwreuoé.  Ils  l'offrirent 
plusieurs  fdis  aut  donatistes.»  Ceux-ci, 
péveyant  \ed  résultats  qu'entratn^ait 
laévitableu^nt  à  sa  suite  ^e  «oudam- 
mrtfon  Èom  des  empereurs  qui  kHf 
étaient  ouvertement  hostiles  «  réfiott^sè^ 
retttjusqu'enl'auiiée  4t0  le»  propos!^ 
^ns  des  eatboHques.  Aldrs  qucfiqueê- 
lins  d'entre  eut  et  laissant  entraluef 
acceptèrent  la  d)sci»siern  publique.  Les 
catholiques  et  Tempereuf  Honorles  et, 
bâtèrent  de  profiter  de  eel  dispc^itiofi^i 
et  un  tescrit  émané  de  Iff  ehaueelleHe 
impériale  enjoignit  au^i  étéqueèdes  deut 
Églises  de  se  rendre  à  Carthâge.  <f  Ce 
rescrit,  dit  Fleurv ,  fut  adressé  à  Flâh 
▼fus  Marcellin,  Iribun  etuotafrey  di- 
«nité  alors  eousidérable.  C'était  ud 
lK>nnn6  pieux  et  ami  de  saint  Jérdme  et 
de  saint  Augustin,  eomfme  il  paraît  pst 
leurs  lettres.  Le  rescrit  ordonne  qué 
les  évéques  donatistes  s'àSsembleronf 
à  Cartbage  dans  miatre  mois,  afin  qUe 
les  évéques  choisis  de  part  et  d'autre 
fftiissent  conférer  ensemble.  Que  si  lesf 
^Nmatistes  ne  s'y  trouvent  pas ,  après 
avoir  été trdis  lofs  aptuetés,  ils^ronrt  dé- 

Sssédés  de  lotfTs  églises.  MarcélliUeSt 
riHi  juge  de  la  couférence ,  pour  exé- 
CMièr  cet  mtèm  et  les  auti^es  lois  dou- 


nées  pour  la  Religion  catboliube,  et 
l'empereur  lui  donne  pouvoir  ue  pren- 
ért  entré  les  officiers  du  proconsul,  du 
vicai^e^  dû  m^éfel  éâ  prétoire  tt  de  tous 
les  autres  juM%^  les  fièrsoiiUea  néces- 
tftiréspour  1  esEécutiott  de  sa  commis- 
sion. Le  rescril  est  daté  de  Revenue, 
la  veille  des  ides  d'octobre  |  sous  le 
wnsulaf  de  Yarane  4  c'sst-à-^ire  le  qua- 
lorslème  d'octobre  410...;.;..  Le  tribun 
MarceUin  étant  vedu  à  GarfUa^  donna 
son  ordoftrtaitee^  pit  laquelle  il  avertk 
lotis  les  évéques  d' Aft'iqii^  tant  catholl- 
Ques  que  donatistes^  de  s'y  trouver  dans 
matre  niois^  c'est^i^dirë  le  premier  Jour 
de  juih,  pour  y  ienii'  un  ebncile.  Il  charge 
tous  les  offlefe#s  desvilles  de  le  faire  sa^ 
voir  aux  évéques  et  de  leur  signifier  lé 
rescHtde  l'empereur  et  cette  drdonnan- 
ee.  Il  déclare,  quu^'iln'bn  tût  pas  d*or<- 
dre  de  l'empereur,  que  t'en  rendra  aux 
évéques  donatistes  qui  promettront  de 
^y  trouver,  les  églises  qui  leur  avaient 
été  dtées  selon  les  lois,  et  leur  permet 
de  choisir  un  autre  juge,  pour  être  avee 
lui  l'arbitre  de  eets^  dispute.  Enfin  il 
leur  proteste  avec  serment  qu'il  ne  leur 
fera  aucune  injustice,  qu'ils  ne  souffri- 
ront aucun  mauvais  traitement,  et  re* 
tourneront  ehe«  eux  en  pleine  liberté. 
il  déftïrid  ée^endadi  ^oeVon  fasse  au- 
ditne  poursuite,  en  vertu  de»  lois  pré^ 
oédentesi  Cet  édit  était  du  quatorzième 
éen  Calendes  de  mars  i  e^'est-à^dire  du 
seizième  de  février  411  ^  en  Sorte  que 
les  quatre  mois,  à  la  rigueur,  échéàieni 
le  seisiètnede  mai  \  mais  par  Indugence 
H  donnait  hisqu^âu  preniief  de  juin. 
Les  évéques  éonatiâtes  se  rendirent  à 
Oarthage  au  plus  grand  nombi^e  qu'ils 
fMfent,  pour  montrer  que  les  catholi^* 
fues  avatent  tort  de  leur  reprdcher  leur 
petit  itonfbre.  La  lettre  que  ehacun  de 
feurs  pHmateenvovai  selon  la  coETtume, 
à  mni  de  Se  pràiinet ,'  ei  que  l'on  nom- 
mait Tlramna,  «ottam  que,  tbutes  af- 
faires cessant,  ils  se  i^éHëisSent  à  Car-^ 
Ihage  en  diligence,  pOuf  né  ws  perdre 
le  plus  gr^  avantage  de  ledr  cause; 
1^  effet,  tms  y  vinrent,  excepté  cétfis^ 
^ue  la  maladie*  fiftf  l'extrélfte  vieillesse 
retint  ehéi»  euje,  ou  arrêta  éti  ehémîii^ 
él  Ils  Se  tf ou^èrént  environ  deux  cent 
soixante  et  dix.  Il^  enti^èreht  à  Carthage? 
le  dix-huitième  de  mai,  eu  corps  et  en 
procession ,  en  sorte  qu'ils  attirèrent  \tê 

3. 


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86 


L'UNIVERS. 


yeux  de  toute  la  ville  :  les  évéques  ca- 
tholiques entrèrent  sans  pompe  et  sans 
écbt,  mais  au  nombre  de  deux  cent 
quatre-vingt-six.  Quand  ils  furent  tous 
arrivés,  Marcellin  publia  une  seconde 
ordonnance,  où  il  avertit  les  évéques 
d*en  choisir  sept  de  chaque  côté  pour 
conférer,  et  sept  autres  pour  leur  servir 
de  consël  en  cas  de  besoin,  à  la  charge 
de  garder  le  silence ,  tandis  que  les  pre- 
miers parleraient.  Le  lieu  de  la  con- 
férence, ajoute-t-il,  sera  les  thermes 
Gargiliennes.  Aucun  du  peuple,  ni  même 
aucun  autre  évéquen'y  viendra,  pour 
éviter  le  tumulte.  Mais  avant  le  jour  de 
la  conférence  tous  les  évéques  de  l'un 
et  de  Tautre  parti  promettront  par  leurs 
lettres,  avec  leurs  souscriptions,  de  ra- 
tifier tout  ce  qui  aura  été  fait  par  leurs 
sept  députés.  Les  évéques  avertiront  le 
peuple,  dans  leurs  sermons,  de  se  tenir 
en  repos  et  en  silence.  Je  publierai  ma 
sentence,  et  l'exposerai  au  jugement  de 
-tout  le  peuple  de  Carthage  :  je  publierai 
même  tous  les  actes  de  la  conférence , 
et,  pour  plus  grande  sûreté,  je  souscri- 
rai le  premier  à  toutes  mes  paroles,  et 
tous  les  commissaires  souscriront  de 
même  aux  leurs,  afin  que  personne  ne 
puisse  nier  ce  qu'il  aura  dit  (1).  » 

Pour  plus  de  sûreté  encore,  Marcellin 
choisit,  dans  chaque  parti ,  quatre  évé- 

3ues  chargés  de  surveiller  la  rédaction 
es  actes  ae  la  conférence.  Puis,  il  s'oc- 
cupa de  maintenir  à  Carthage  la  tran- 
quillité publique.  L'afQuence  des  étran- 
gers devait  être  grande  alors  dans  cette 
ville  déjà  si  populeuse;  toutefois  rien 
n'indique  que  des  désordres  y  aient 
éclaté.  Les  évéques  exhortèrent  le  peu- 
ple à  la  modération  et  à  la  paix,  mais 
nul,  il  faut  le  croire,  n'exerça  plus 
d'autorité  sur  la  foule  que  saint  Augus- 
tin. Dans  ces  circonstances  solennelles 
l'évêque  d'Hippone  était  accouru  pour 
donner  à  l'Église  dont  il  était  déjà  de- 
puis longtemps  un  des  plus  fermes  sou- 
tiens, l'appui  de  son  érudition ,  de  son 
éloquence  et  de  son  nom.  Quand  on. eut 
réglé  l'ordre  de  la  conférence,  les  catho- 
liques le  mirent  au  nombre  de  leurs  sept 
commissaires,  lui  adjoignant  ses  amis  les 
plus  chers  :  Alypius  deTagaste,  Possidius 
de  Calame  et  Aurelius  de  Carthage. 
(1)  Fleury  ;  Hiat.  ecclés. ,  t.  V ,  p.  317 ,  320  et 


Enfin,  le  moment  de  coihparaltre  et 
de  discuter  arriva.  Alors  les  donatistes, 
qui  se  défiaient  de  Marcellin  et  de  ses 
vingt  assesseurs  laïques,  et  qui  se 
croyaient  sans  doute  condamnés  à  l'a- 
vance, élevèrent;difficultéssur  difficulté 
pour  arrêter  la  conférence.  D'abord  Pe- 
tilien  de  Cirta  contesta  au  délégué  im- 
périal le  droit  de  siéger  dans  une  réu- 
nion d'évêques  et  de  décider  dans  une 
question  purement  religieuse.  Puis, 
les  prélats  donatistes  demandèrent  à 
assister  à  la  discussion,  non  plus  au 
nombre  fixé  par  Marcellin,  mais  en  corps. 
Ces  débats  préliminaires  durèrent  long- 
temps^ il  est  vrai,  mais  ils  ne  firent 
Eas  perdre  de  vue  aux  catholiques  le 
ut  qu'ils  s'étaient  proposé.  Ils  enta- 
mèrent la  discussion  ;  ils  parlèrent  du 
schisme  en  général;  ensuite  ils  abordè- 
rent la  question  de  fait  depuis  un  siècle 
controversée  qui  concernait  Cécilien  et 
son  élection.  On  lit  dans  les  documents 
contemporains  que  les  donatistes  ne  pu- 
rent répondre  aux  arguments  de  leurs 
adversaires.  «  Enfin  le  tribun  Marcellin 
dit  :  Si  vous  n'avez  rien  à  dire  au  con- 
traire ,  trouvez  bon  de  sortir,  afin  que 
l'on  puisse  écrire  la  sentence  qui  pro- 
nonce sur  tous  les  chefs.  Ils  se  retirè- 
rent de  part  et  d'autre  ;;Marcellin  dressa 
la  sentence ,  et  ayant  fait  rentrer  les 
parties ,  il  leur  en  fit  la  lecture.  Il  était 
déjà  nuit,  et  cette  action  finit  aux  fiam- 
beaux  quoiqu'elle  eût  commencé  dès  le 
point  du  jour,  et  que  ce  fut  le  huitième 
de  juin.  Aussi  les  actes  en  étaient  très- 
longs,  et  contenaient  cinq  cent  quatre- 
vingt-sept  articles.  Il  nous  en  reste  deux 
cent  quatre-vingt-un ,  c'est-à-dire  jus- 
ques  à  l'endroit  où  saint  Augustin  com- 
meni^ait  à  traiter  la  cause  générale  de 
l'Église.  On  a  perdu  le  reste ,  qui  con- 
tenait plusieurs  actes  importants  et  cu- 
rieux ;  mais  saint  Augustin  nous  en  a 
conservé  la  substance  et  nous  avons  la 
table  entière  des  articles ,  dressée  par 
un  officier  nommé  Marcel ,  à  la  prière 
de  Severien  et  de  .Tulien.  La  sentence 
du  tribun  Marcellin  ne  fut  proposée  eo 
public  que  le  vingt-sixième  de  juin.  11 
y  déclare  que  comme  personne  ne  doit 
être  condamné  pour  la  faute  d'autnii , 
les  crimes  de  Cécilien ,  quand  même  ils 
auraient  ét^  prouvés ,  n  auraient  porté 
aucun  préjudice  à  l'Église  universelle; 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


qu^l  était  prouvé  que  Dona  était  l'au- 
teur du  schisme  ;  queCécilien  et  son  or- 
dinateur Félix  d*Aptonge  avaient  été 
pleinement  justifiés.  Après  cet  exposé , 
il  ordonne  aux  magistrats,  aux  proprié- 
taires et  locataires  des  terres  d'empêcher 
les  assemblées  des  donatistes  dans  les 
villes  et  en  tous  lieux  ;'et  à  ceux-ci  de 
délivrer  aux  catholiques  les  églises  qu'il 
leur  avait  accordées  pendant  sa  commis- . 
sion;  que  tous  les  donatistes  qui  ne 
voudront  pas  se  réunira  TÉçlise,  demeu- 
reront sujets  à  toutes  les  peines  des  lois , 
et  que  pour  cet  effet  tous  leurs  évéques 
se  retireront  incessamment  chez  eux; 
enfin,  que  les  terres  où  Ton  retire  des 
troupes  de  circoncellions  seront  confis- 
quées. Ces  actes  de  la  conférence  furent 
rendus  publics,  et  on  les  lisait  tous  les 
ans  tout  entiers  dans  l'Église  àCarthage, 
à  Tagaste  »  à  Constantine ,  à  Hippone  et 
dans  plusieurs  autres  lieux  ;  et  cela  pen- 
dant le  carême,  lorsque  le  jeûne  donnait 
au  peuple  plus  de  loisir  d'entendre  cette 
lecture.  Toutefois,  il  y  avait  peu  de  gens 
qui  eussent  la  patience  de  les  lire  en 
particulier ,  à  cause  de  leur  longueur  et 
des  chicanes  dont  les  donatistes  avaient 
affecté  de  les  charger.  C'est  ce  qui  obli- 
gea saint  Augustin  d'en  faire  un  abrégé, 
qui  en  comprend  toute  la  substance; 
et  il  y  avait  ajouté  des  nombres,  pour 
avoir  facilement  recours  aux  actes  mê- 
mes. Les  donatistes  se  déclarèrent  ap- 
pelants de  la  sentence  de  MarcelUn, 
sous  prétexte  qu'elle  avait  été  rendue 
de  nuit  et  que  les  catholiques  l'avaient 
corrompu  nar  argent  :  ce  qu'ils  avan- 
çaient au  nasard  sans  aucune  preuve. 
Ils  disaient  aussi  que  Marcellin  ne  leur 
avait  pas  permis  de  dire  tout  ce  qu'ils 
voulaient,  et  qu'il  les  avait  tenus  enfer- 
més dans  le  lieu  de  la  conférence,  comme 
dans  une  prison.  Mais  saint  Augustin 
réfuta  ces  calomnies  par  un  traité  qu'il 
fit. ensuite,  adressé  aux  donatistes  laï- 
ques» où  il  releva  tous  les  avantages 
que  l'Église  catholique  avait  tirés  de  la 
conférence,  les  efforts  que  les  donatis* 
tes  avaient  faits-  pour  éviter  qu'elle  ne 
se  tint;  les  chicanes  dont  ils  avaient 
usé  pour  ne  point  entrer  en  matière  ; 
les  plaintes  qu'ils  avaient  répétées  deux 
fois ,  qu'on  les  y  faisait  entrer  malgré 
eux  ;  enfin  ce  mot  important  qui  leur 
était  échappé,  qu'une  affaire,  ni  une 


87 

personne  ne  fait  point  de  préjugé  con- 
tre una  autre.  Cependant  le  tribun  Mar- 
cellin ayant  fait  son  rapport  à  l'empe- 
reur Honorius  de  ce  qui  s'était  passé 
dans  la  conférence,  et  les  donatistes 
ayant  appelé  devant  lui,  il^  eut  une 
loi  donnée  à  Ravenne,  le  troi^sième  des 
calendes  de  février,  sous  le'neuvième 
consulat  d'Honorius  et  le  cinquième  de 
Théodose,  c'est-à-dire  le  troisième  de 
janvier  412,  qui,  cassant  tous  lesres- 
crits  que  les  donatistes  pouvaient  avoir 
obtenus ,  et  confirmant  toutes  les  an- 
ciennes lois  faites  contre  eux ,  les  con- 
damne à  de  grosses*  amendes ,  suivant 
leur  condition,  depuis  les  personnes  il- 
lustres jusqu'au  simple  peuple,  et  les 
esclaves  à  punition  corporelle';  ordonne 
que  leurs  clercs  seront- bannis  d'Afrique 
et  de  toutes  les  églises  rendues  aux  ca- 
tholiques. La  conférence  fut  le  coup 
mortel  du  schisme  des  donatistes  ;  et 
depuis  ce  temps  ils  vinrent  en  foule  se 
réunir  à  l'Égiise,  c'est-à-dire  les  évéques 
avec  les  peuples  entiers  (1).  » 

En  effet ,  la  masse  des  scliismatiques, 
suivant  la  remarque  de  Fleury  et  de  quel- 
ques autres  historiens,  revint  à  l'Église 
catholique.  Mais  cette  conversion ,  œu- 
vre de  la  force ,  n'était  point  sincère. 
Les  donatistes  voulaient,  avant  tout, 
échapper  aux  amendes,  à  l'expropria- 
tion ,  à  l'exil,  à  tous  les  châtiments  en- 
fin prononcés  par  l'édit  d'Honorius 
contre  ceux  qui  persévéraient  dans  le 
schisme.  Ils  conservaient  sous  les  dehors 
d'une  apparente  soumission  un  vif  res- 
sentiment de  leur  défaite.  Ils  le  montrè- 
rent bientôt.  Deux  ans  à  peine  s'étaient 
écoulésdepuis  la  conférence  de Carthage, 
qu'ils  profitèrent  de  la  rébellion  du 
comte  Héraclien  et  des  désordres  qui 
la  suivirent  pour  se  venger.  Us  s'atta- 
chèrent surtout  à  perdre  le  tribun  Mar- 
cellin, le  plus  implacable  de  leurs  enne- 
mis. Ils  lefirent  décapiter  avec  son  frère. 
Quand  le  pouvoir  impérial  se  fut  raf- 
fermi en  Afrique,  Ils  cédèrent  et  se  sou- 
mirent de  nouveau.  Us  vécurent  ainsi , 
cachant  leur  haine,  jusqu'en rannée429, 
où  l'invasion  des  barbares  leur  offrit  l'oc- 
casion d'exercer  sur  les  catholiques  de 
nouvelles  vengeances. 

OPINIONS  DE   S/UNT  AUGUSTIN   SUR 
(I)  Fleury;  Hist,  ecdés,,  t  V,  p,  345  et  soiv. 


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18 


L'UHiVERS. 


L^INTBBVBNTION  DO  POUVOIR  TBMPO- 
BBL  DANS  LES  AFFÀlBfiS  BU  SCfilSlIB. 

—  Saint  Augustin  montra  à  tou$  les  ins^ 
tants  de  la  lotte  qu'il  eut  à  soutenir  eon- 
tre  Tes  donatistes,  de  la  modération ,  4ê 
la  douceup  et  de  la  oharité;  plus  d'Une 
fois,  cependant,  il  se  laissa  entraîner  par 
les  passions  de  son  parti  et  de  son  temps. 
Sa  polémique  ait  alors  dure  et  violente; 
tl  demander  et  en  même  temps  déclara  lé- 
gitime l'interventien  du  pouvoir  tempcir 
rel  dans  tes  affaires  religieuses,  et  il  in^ 
voqua  l«  pefséeution.  M^is,  nous  le  ré- 
pétons, resprit  de  eharité  domina 
toujours  dans  saint  Augustin.  Au  mo- 
ment même  où  il  se  réjouissait  de  la  sen^ 
tence  portée  par  le  tribun  Maroellîn  et 
de  i'édit  d'Honorius,  oà  les  ofPieiers  im- 
péviaux  séVissaieBt  avec  rigueur  oontye 
ies donatistes ,  son  âme  s'attendrit,  la 
douceur  Remporta  sur  la  passion,  et 
comme  le  prouve  le  feiit  que  nous  allons, 
raconter,  il  devint  le  protecteur  des 
persécutés.  A  Hippone,  le«  donatistes 
étaient  nombreux.  Après  |a  oon^rence 
de  Carihage  ils  se  soulevèrent  et  se  por- 
tèrent à  de  graves  excès;  ils  tuèrent  un 
prêtre  eatboHque  appelé  Aestitut  et  en 
blessèrent  un  autre.  Les  coupables  furent 
jetés  en  prison^  battus  de  verges,  con- 
duits enfin  devant  les  magistrats  im- 
périaux, de  fut  alors  que  saint  Augustin 
ecrivi  taux  juges  MarceUi  net  Apnngius 
deux  lettres  oà  Ton  trouve  les  passages 
suivants  : 

«  J*ai  appris,  dit-il  à  Maroellin ,  que 
«  ces  circonceiiionsetces  clercs  du  parti 
«  donatiste,  que  rautorité  publique  avait 
«  transférés  qe la  juridiction  d'Hippone 
«  à  votre  tribunal ,  avaient  été  enteii- 
«  dus  par  votre  exceileiiee,  et  qm  la  plu^ 
<i  part  d'entre  eux  avaient  avoué  Hiomi- 
•  cide  qu'ils  avaient  commis  sur  k  pré- 
«tre  catholique  Restitut  et  les  blessures 
«L  qu'ils  ont  faites  à  Innocent,  prêtre 
«  eatl>olique,  en  lui  crevant  un  œil  et  en 
»  lui  coupant  im  doigt.  Gela  m'a  jeté 
«  dans  um  grande  inqui^ude  que  votre 
«  excelienee  ne  veuitfe  tes  punir  avec 
«  toutç  la  rigueiir  des  lois ,  en  leur  fai- 
«  saut  souffrir  ce  qu'ils  ont  fait.  Aussi , 
«j'invoque  par  eette  lettre  la  foi  que 
«  vous  avez  en  Jésus-Chrtst  ;  et,  au  nom 
«de  sa  divine  miséricorde,  je  vous 
«  conjure  de  ne  point  faire  cela  ,  et  de 
«  me  point  permettre  c[u'on  le  fasse.  Quoi- 


«  que  nous  puissions  en  effet  paraître 
«  étrangers  à  la  mort  de  ces  hommes  qu! 
«  sont  soumis  à  votve  jugement,  non  sur 
«  notre  accusation ,  mais  sur  Ta  vis  de 
ft  ceux  auxquels  est  ^nfié  le  soin  de  la 
«  paix  publique,  nous  ne  voulons  pat 
«  que  les  souffrances  des  serviteurs  dé 
«  Dieu  soient  vengées,  d'après  la  loi  d^ 
«  talion,  par  des  suppliées  semblables. 
«  Non  que  nous  voulions  empêcher  qu^piî 
«  ôte  pux  hommes  coupables  le  moyen 
«  de  mal  faire  ;  mais  nous  souhaitions 
«  que  ces  hommes,  sans  perdre  la  vie,  et 
«  sans  être  mutilés  en  aucune  partie  de 
tt  leur  corps,  soient,  par  la  surveillance 
K  des  lois,  ramenés,  d^un  égarement  fri- 
«  rieux ,  au  calme  du  bon  sens ,  ou  dé* 
«  tournés  d^une  énergie  malfaisante , 
«  pour  être  employés  a  quelque  travail 
«  utile.  Gela  même  est  encore  une  cob* 
«  damnation;  mais  peut^on  ne  pas  y 
a  trouver  un  bienfait  plutôt  qu^ui)  sup- 
«  pliee,  puisau'en  ne  laissant  plus  de 
«  place  à  t'aucface  du  crime,  çlle  permet 
«  le  remède  du  repentira  Juge  chrétien* 
«  remplis  le  devoir  d^un  père  tendre  ; 
«  dans  ta  colère  contre  le  crime,  sou* 
«  viens-toi  cependant  d^re  favorable 
«  à  rhumanite;  et  en  punissant  les  al*- 
a  tentats  des  pécheurs,  n'exeree  pas 
«  toi-même  la  passion  de  ta  vengeance.  » 
Augustin  termhiait  eette  lettre  tou* 
diante  par  des  raisons  prises  dans  Tin* 
térêt  du  ehristianisme,  et  qui  lui  com» 
mandaient  la  douceur  i  «  J^itteste,  dU 
«  sait-il,  que  eela  seul  est  utile,  est 
«  salutai]N)à  Ptglise  catholique;  ou,  pour 
a  ne  point  paraître  sovtir  de  ma  juridie*^ 
«  tioft ,  je  mteste  du  moins,  de  l'Oise 
«  d'Hippone.  Si  tu  n[e  veux  pas  écouter 
(i  la  prière  d'un  ami ,  écoute  le  conseil 
a  d'un  évêque.  »  Là  lettre  qu'il  adres- 
sait au  proconsul  Apringius  était  non 
moins  expressive  i  a  Epargne,  lui  disait- 
«  rt,  ces  coupablesoonvaincus;  laisse^teur 
«  la  vie  et  le  temps  du  vepentir  (I).  • 
Rapprochons  encore  de  ces  paroles 
les  opinions  pleines  de  tolérance  et  de 
douceur  que  saint  Augustin  professa , 
à  diverses  époques ,  soit  èâneres  livres^ 
soit  dans  les  discours  quil  edressa  aux 
fidèles  de  son  Église  :  a  L^omme  n'allas 
^é  doué  de  la  faoultéde  prévoir  fnftilJ- 

{\)  M.  VHIeii\i|^;  de  PÉlaqmfmqhréUmnf 
dans  l^  qmiriwie  siècle.  Yoy,  Jifçmaes  Ufjl^ 
nurçfff  p.  471  el  suiv. 


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AFRIQUE  CHRETIENNE. 


39 


blftnent  ce  <fue  penseront ,  dans  (a  suite 
des  temps,  eeox  de  ses  semblables  qu'il 
juge  être  actuellement  dans  l'erreur;  il 
ne  sait  pas  jusqu*à  quel  pointles  fautes 
des  mécbants  oontribuent  au  perfeetion- 
nement  des  bons.  H  faut  donc  bien  s# 
garder  d*dter  la  vie  à  eeui-là  ;  car  vou* 
lanttuer  des  méehants,  on  ne  ferait  sou- 
vent que  tuer  eeux  qui  sont  destinés  à 
rentrer  dans  la  bonne  voie,  ou  bien  on 
nuirait  aux  bons ,  auxquels ,  quoique 
malgré  eux ,  les  méchants  sont  utiles. 
On  ne  peut  porter  de  jugement  fondé  et 
équitable  sur  les  hommes  qu'à  la  fin  de 
leur  vie,  lorsqu'il  n*ya  plus  possibilité, 
ni  de  changer  de  conduite,  ni  de  servir 
Ia  cause  de  la  vérité  par  la  comparaison 
de  Terreur.  Mais  ee  jugement,  il  n'est 
donné  qu'aux  anges  de  le  porter  «  et 

non  aux   hommes Reste  bon  et 

souffre  les  méchants.  Il  vaut  mieux  « 
demeurant  dans  le  sein  de  l'Église,  sup^ 
porter  les  méchants  à  cause  des  bons, 

Sue  de  s'exposer  à  s'en  séparer ,  aban- 
onnant  et  les  bons  et  les  méchants.  S'il 
y  a  avec  toi  des  bétes  féreeesi,  c'est-à-dire 
s'il  y  a  avec  toi  dans  l'Église  des  apôtres 
de  doctrines  erronées,  de  faux  croyants, 
héréti^es  ou  sehismatiques,  ou  mau^ 
vais  câftboliques ,  dierehant,  comme  les 
bétes  féroces,  à  dévorer  les  âmes,  qu'el- 
les soient  tolérées  jusqu'à  la  fin  des  siè- 
cles   Tolère;  tu  es  né  pour  cela  : 

tolère,  car  tu  as  probablement  aussi 
besoin  d'indulgence.  Si  tu  as  toujours 
été  bon,  montre-toi  misérieordieux  ;  si 
tu  as  eommis  des  fautes ,  n'en  perds  p^^ 
la  mémoire.  Il  faut  souffrir  l'ivraie  dans 
le  bon  grain,  les  boucs  entre  les  clie- 
vreaux,  les  béliers  entre  les  moutons. 
Ce  mélange  aura  un  terme ,  et  le  temps 
de  la  moisson  viendra,...,.  Sois  bon, 
et  [urends  le  mal  en  pMienca.  Sois  bon 
mtérieurement;  car  si  tu  ne  Tes  pas 
de  cette  manière ,  tu  ne  peux  pas  te  van- 
ter de  l'être.  Quand  tu  seras  bon  inté- 
rieurement, tu  supporteras  eelui  qui 
est  méchant  intérieureeAen^  et  extérieu- 
rement. Tolère  Théïétique  déclaré,  to- 
lère le  païen, tolère  le  Juif,  tolère  enfin 
le  mauvais  ehrétien  caché.  »  Ce  sont  là 
de  grands  et  généreux  sentiments  que 
de  nos  jours  les  ennemis  les  plus  9^rdents 
fie  TÉglise  catholique  ont  loués  et  ad  in»- 
ipés  i\).  En  lisant  les  lignes  que  nous 
(I)  Voy.  M.  de  Polt»';  BUioire  pfUlQfai^ 


venons  de  transcrire,  on  oublie  volon- 
tiers que  parfois,  dans  l'ardeur  de  la 
lutte,  saint  Augustin  se  laissa  emporter 
jusqu'à  prêcher  Tiutolérance. 

LE  PELAGIANISMF,    EN  APBIQUE.  — 

L'Église  catholique  en  Afrique  venait  à 
peine  de  triompher  du  schisme  qu'elle 
fut  exposée  à  un  nouveau  danser.  C'é- 
tait Thérésie,  cette  fois,  qui  devait  la 
diviser. 

Au  commencement  du  cinquième 
siècle ,  deux  hommes  originaires  de  la 
Grande-Bretagne,  Pelage  et  Célestius 
se  mirent  à  sonder,  soit  dans  la  médita- 
tion, soit  dans  leurs  entretiens,  les 
questions  les  plus  graves  et  les  plus  dif< 
Qciles  qui  aient  jamais  agité  Tesprit 
humain.  Ce  fut ,  dit-oii ,  un  certain  Ru- 
fin,  venu  de  Syrie,  qui  leur  donna  l'im- 
pulsion et  leur  fournit  quelques-unes  de 
leurs  solutions.  Ils  vivaient  alors  à 
Rome,  où  ils  arrêtèrent  leur  doctrine. 
Ils  s'étaient  demandé  :  Dieu  intervient- 
il  dans  nos  actes?  Sommes-nous  libres 
d'accomplir,  à  notre  gré,  le  bien  et  le 
mal.'  Est-ce  Dieu  qui  veut  pour  nous,  et 
ne  sommes-nous  que  des  instruments 
dont  les  mouvements  sont  prévus  et 
réglés  à  Tavance.^  Si,  disaient-ils,  nous 
ne  pouvons  nous  déterminer  par  nous- 
mêmes,  nous  ne  sommes  point  respon- 
sables du  bien  et  du  mal  que  nous  fai<^ 
sons;  nous  ne  méritons  ni  ne  déméri- 
tons. —  Ces  raisonnements  les  conduisi- 
rent peu  à  peu  à  rejeter  la  grâce  divine, 
sans  laquelle,  suivant  T Église,  Thomme 
ne  peut  rien,  et  à  rapporter  e)(clusive- 
ment,  dans  cliacun  de  nos  actes,  le 
hiea  et  le  mal  à  la  faculté  que  nous 
avons  de  nous  déterminer  par  nous- 
mêmes  ,  à  notre  libre  arbitre. 

Pelage  et  Célestius  quittèrent  Rome 
vers  409,  pour  aller  en  Sicile  :  de  là  ils 
passèrent  en  Afrique.  Us  s'arrêtèrent 
d'abord  à Hippone  (410);  puis,  ils  se 


Sue,  ete. ,  du  Christianisme  y  t.  11^  p.  150.  — 
fous  devons  fouler  ici  que  parmi  les  écrivains 
ecclésiastiques,  plusieurs ,  aujourcThui  même, 

semblent  approuver  les  paj^es  ou  saint  Augus- 
tin, parlant  de  Tinlervention  du  pouv  oir  tempo- 
rel dans  le  schisme  des  donatistes,  admet  la 
psrsécufioii  comme  moyen  légitime  de  répres- 
sion. Les  doctrines  de  ces  écrivains  ne  sont 
point  de  notre  siècle,  et  ne  portent  pas  l'em- 
preinte du  véritable  esprit  chrétien.  D'ailleurs, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  elles  sont  con- 
damnées par  saint  Augustin  lui-méme. 


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40 


L'UIrtVERS. 


rendirent  à  Carthage.  Cest  de  là  que 
partit  Pelage  pour  aller  dans  la  Pales- 
tine. Célestius  était  resté  dans  la  capi- 
tale de  TAfrique  pour  y  propager  la 
nouvelle  doctrine.  C'était,  s'il  faut  en 
croire  ses  contemporains ,  un  homme 
plus  audacieux  encore  que  Pelage.  Il  ne 
reculait  devant  aucune  des  conséquences 
de  son  système;  et  bientôt  on  le  vit 
repousser,  comme  contraire  à  la  théorie 
du  libre  arbitre,  la  croyance  au  péché 
originel  et  nier  la  nécessité  du  baptême 
et  de  la  rédemption. 

L'Église  d'Afrique  s'alarma  des  pro- 
grès de  l'hérésie,  et  un  concile  con vogué 
a  Carthage  (412)  condamna  Célestius. 
Le  pélagianisme,  comme  on  l'apprend 
par  l'acte  d'accusation  qui  fut  dressé 
alors ,  attaqua ,  dès  son  début ,  les  doc- 
trines del'Eglisecatholique  avec  une  sm- 
gulière  hardiesse.  On  reprochait  à 
Célestius  d'avoirdit  :  «  1<»  qu^Adam  avait 
été  créé  sujet  à  la  mort  ;  2°  que  son 
péché  n'avait  nui  qu'à  lui  et  ne  s'était 
pas  communiqué  à  sa  race ,  ce  qui  dé- 
truisait la  croyance  du  péché  originel; 
3°  que  les  enfants  en  naissant  sont  dans 
le  même  état  où  était  Adam  avant  son 
péché  ;  4'  que  le  péché  d'Adam  n'est 
pas  la  cause  de  la  mort  de  tout  le  genre 
humain,  non  plus  que  la  résurrection  de 
Jésus-Christ  la  cause  de  la  résurrection 
de  tous  les  hommes  ;  5»  que  la  loi  natu- 
relle conduit  au  royaume  des  cieux 
comme  TEvangile  ;  6*  que  même  avant 
la  venue  de  Jésus-Christ,  il  y  avait  des 
hommes  impeccables ,  c'est-a-dire  sans 
péché  ;  7®  que  les  morts  sans  baptême 
ont  la  vie  éternelle.  »  Après  sa  condam- 
nation Célestius  se  retira  en  Asie  (t). 

SAINT  AUGUSTIN   COMBAT    LES  PÉ- 

LAGiENs;  concile;  rapports  des 
ÉGLISES  d'Afrique  avec  l'église  de 
ROME.  —  Le  concile  de  Carthagç  n'avait 
pomt  arrêté  les  progrès  de  Thérésie  :  le 
pélagianisme  pénétrait  en  tous  lieux. 
Alors,pour  conjurer  ce  pressant  danger, 
tes  docteurs  les  plus  illustres  de  l'Église 
catholique  se  mirent  à  l'œuvre.  Pour 

^  0)  Noos  ne  pouvons,  dans  ce  résumé  rapide, 
traiter  avec  quelque  étendue  la  question  du 

Sélagianisme.  Nous  renvoyons  sur  ce  point  aux 
iverses  histoires  de  l'Église.  Il  est  inutile,  sul> 
vaot  nous  ,  de  signaler  ici ,  parce  qu'elles  sont 
connues  de  tous,  les  pages  qui  ont  été  écrites 
de  nos  jours  sur  ce  grave  sujet  par  MM.  Gui- 
jwtetJ.J.  Ampère. 


eux  la  théorie  du  libre  arbitre ,  telle  que 
la  formulaient  Pelage  et  ses  disciples , 
était  un  excès  de  l'orgueil  humain. 
Prétendre  que  l'homme  avait  la  faculté 
de  vouloir,  de  se  déterminer,  indépen- 
damment de  toute  influence  supérieure , 
et  conclure,  de  là,  que  sans  l'assistance 
de  Dieu ,  il  pouvait,  suivant  qu'il  faisait 
un  bon  ou  mauvais  usage  de  son  libre 
arbitre,  mériter  ou  démériter,  n'était-ce 
point  enlever  à  Dieu  une  partie  de  sa 
toute-puissance,  égaler  en  quelque  sorte 
l'homme  à  Dieu?  n'était-ce  point 
comme  le  disait  saint  Jérôme,  renouve- 
ler la  tentative  des  anges  rebelles  ?  Aux 
yeux  des  défenseurs  de  la  foi  catholi- 
que ,  pour  employer  Ténergique  expres- 
sion (Tun  écrivain  moderne,  Satan  aussi 
avait  étépélagien  (1). 

Après  avoir  hésité  quelque  temps, 
saint  Augustin  se  lança  avec  ardeur 
dans  la  discussion.  Il  n'essaya  point  de 
transiger ,  de  concilier  la  libîerté  avec  la 
grâce;  il  s'avança  aussi  loin  dans  la 
théorie  de  la  grâce  que  Pelage  dans 
celle  de  la  liberté. 

«  De  toutes  les  doctrines  psychologî- 

3ues  de  saint  Augustin,  la  plus  digne 
'attention  est  celle  qu'il  a  émise  sur 
la  nature  du  libre  arbitre.  Les  rapports 
étroits  qui  existent  entre  cette  question 
et  celle  de  la  grâce,  et  l'autorité  dont 
jouit  l'évêque  d'Hippone  dans  l'Église, 
principalement  à  cause  de  la  manière 
dont  il  a  combattu  les  pétagiens ,  don- 
nent une  importance  particulière  à  ce 
qu'il  a  écrit  sur  cet  objet.  Le  traité  du 
Libre  Arbitre ,  divisé  en  trois  livres ,  fut 
achevé  par  saint  Augustin  en  395,  vingt- 
deux  ans,  par  conséquent,  avant  la 
condamnation  de  Pelage  par  le  pape 
Innocent  I«^  en  417.  Il  était  dirigé  con- 
tre les  manichéens,  qui  affaiblissaient  la 
liberté  en  soumettant  l'homme  à  l'action 
d'un  principe  du  mal ,  égal  en  puissance 
au  principe  du  bien.  Il  était  naturel  que, 
pour  combattre  avec  succès  de  pareils 
adversaires,  saint  Augustin  accordât  le 
plus  possible  au  libre  arbitre.  Aussi 
vQit-on,  par  une  lettre  adressée  à  Mar- 
cellin,  en  412,  qu'il  n'est  pas  sans  crainte 
que  les  pélagiens  ne  s'autorisent  de  ses 
livres  composés  longtemps  avant  qu'il 
fût  question  de  leur  erreur.  La  philoso- 

(I)  Rohrbacher;  Hist,  univers,  de  V Église  ca- 
tholique,t  VII,  p.  5(»4. 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


phîe  ne  peut  donc  rester  indifférente 
au  désir  d'étudier  de  quelle  manière 
Tauteur  du  traité  du  Libre  Arbitre  a  pu 
se  retrouver  plus  tard  le  défenseur  ex- 
clusif de  la  grâce,  et  concilier  les  prin- 
cipes philosophiques  avec  les  données 
de  la  révélation.  Nous  ne  pouvons  toute- 
fois ,  sur  ce  point ,  présenter  que  de 
courtes  explications.  Dans  ses  livres  sur 
le  Libre  Arbitre,  saint  Augustin  recon- 
naît que  le  fondement  de  la  liberté  est 
dans  le  princif)e  même  de  nos  détermi- 
nations volontaires.  Le  point  de  départ 
de  tout  acte  moral  humain  est  Thomme 
lui  seul,  considéré  dans  la  faculté  qu*il 
a  de  se  déterminer  sans  l'intervention 
d'aucun  élément  étranger  (deLib.  Arb., 
lib.  m ,  c.  2  ).  Dans  sa  manière  de  dé- 
finir le  libre  arbitre,  le  mérite  de  la 
bonne  action  appartient  à  l'homme  ;  rien 
n'a  agi  sur  sa  volonté  en  un  sens  ou  en 
un  autre;  sa  détermination  est  parfai- 
tement libre.  Saint  Augustin  a-t-ii  main* 
tenu  ces  principes  dans  sa  controverse 
contre  Pelage?  Une  étude  plus  attentive 
des  saintes  Écritures,  et  principalement 
de  saint  Paul,  ne  lui  a-t-elle  pas  fait  mo- 
difier sa  manière  de  voir?  L'examen  phi- 
losophique de  ses  écrits  ne  nous  sem- 
ble laisser  au  critique  impartial  aucun 
doute  à  cet  égard  (1).  »  Au  moment  où 
parut  le  péladanisme ,  saint  Augustin 
avait  déjà  modifié  ses  premières  opinions 
sur  le  libre  arbitre.  Dès  l'année  398, 
comme  nous  t'avons  dit ,  dans  une  lettre 
adressée  à  Simplicien ,  et  à  propos  de 
ce  texte  de  Saint  Paul  :  Qu* avez- vous 
que  vous  n'ayez  reçu?  il  avait  amoindri, 
si  nous  pouvons  nous  servir  de  cette  ex- 

f>ression ,  le  libre  arbitre  pour  exalter 
a  grâce.  Sa  lutte  contre  Pelage  et  Cé- 
lestius  ne  fit  que  rendre  ses  opinions 
plus  absolues.  Dès  lors  dans  ses  con- 
versations, ses  sermons,  ses  ouvrages 
{du  Mérite  et  de  la  rémission  des  pé- 
chés; de  la  Grâce  du  Nouveau  Testa- 
nient;  de  l'Esprit  et  de  la  lettre;  Traité 
de  la  nature  et  de  la  grâce;  de  la  Per- 
fection de  la  justice  ae  l'homme;  Ut- 
tre à  Hilaire  en  Sicile)^  il  affirme  que 
l'homme  ne  veut  et  ne  peut  que  par 
Dieu ,  et  si  parfois  il  parle  encore  du 

(I)  Yoy.  Dictionnaire  des  Sciences  phitoso- 
phiques  par  une  société  de  professeurs  de  phi- 
losophie; art.  Sdint  Augustin  A- 1?  P*  257  ;  Pa^ 
ris,  1814. 


41 

libre  arbitre ,  il  déclare  que  ce  libre  ar- 
bitre est  dans  la  dépendance  d'un  pou- 
voir supérieur,  qu'il  est  complètement 
subordonné  à  la  grâce. 

L'opinion  de  saint  Augustin  fut  adop- 
tée par  l'Église  d'Afrique.  En  416^  les 
évéques  de  cette  Église  tinrent  deux 
conciles,  l'un  à  Carthage,  l'autre  à 
Mllève,  où  ils  condamnèrent  Pelage 
et  Gélestius.  Puis ,  ils  s'adressèrent  au 
pape  Innocent  qui,  en  417,  donna  son 
adhésion  à  la  sentence  qu'ils  avaient 
prononcée.  Mais  on  put  craindre  un 
instant  (418)  que  Zozime,  successeur 
d'Innocent ,  n'approuvât ,  comme  l'a- 
vaient déjà  fait  avant  lui  les  évéques 
d'Orient,  rassemblés  à  Diospolis ,  quel- 
ques-unes des  opinions  du  péla^ianisme. 
Sa  conduite  pleine  de  modération  à 
l'égard  de  Pelage  et  de  Gélestius  excita 
en  Afrique  de  vives  appréhensions. 
Les  évéques  se  rassemblèrent  de  nou- 
veau à  Carthage,  en  418,  et  là  ils  con- 
firmèrent en  quelque  sorte ,  par  une 
nouvelle  condamnation  de  l'hérésie, 
leurs  premières  décisions.  La  sentence 
qu'ils  prononcèrent  nous  fait  connaître 
les  hardies  conséquences  que  les  péla- 
giens  avaient  tirées  de  leur  théorie 
du  libre  arbitre.  «  Quiconque  dira  qu'A- 
dam a  été  fait  mortel ,  en  sorte  que , 
soit  qu'il  péchât  ou  qu'il  ne  péchât 
point ,  il  dut  mourir,  c'est-à-dire  sortir 
du  corps,  non  par  le  mérite  de  son  pé- 
ché, mais  par  la  nécessité  de  sa  nature  ; 
qu'il  soit  anathème  !  Quiconque  dit  qu'il 
ne  faut  pas  baptiser  les  enfants  nou- 
veau-nés; ou  que,  bien  qu'on  les  bap- 
tise pour  la  rémission  des  péchés  ,  \\$ 
ne  tirent  d'Adam  aucun  péctié  originel 

Sui  doive  être  expié  par  la  régénéra- 
on,  d'où  s'ensuit  que  la  forme  du  bap- 
tême pour  la  rémission  des  péchés  est 
fausse  à  leur  égard  ;  qu'il  soit  anathè- 
me! Quiconque  dira  que  la  grâce  de 
Dieu  qui  nous  justifie  par  Jésus-Christ, 
ne  sert  ^ue  pour  la  rémission  des  pé- 
chés déjà  commis,  et  non  pour  nous 
aider  encore  à  n'en  plus  commettre; 
qu'il  soit  anathème  !  Si  quelqu'un  dit 
que  la  même  grâce  nous  aide  à  ne  point 
pécher  seulement  en  ce  qu'elle  nous 
ouvre  l'intelligence  des  commande- 
ments ,  afin  que  nous  sachions  ce  que 
nous  devons  chercher  et  ce  que  nous 
devons  éviter;  mais  qu'elle  ne  nous 


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M 


L*UHIV£R5, 


donne  pas  d^ainMr  taeore  «1  ée  pou- 
voir 06  que  nous  devons  foire;  qu'il 
eoit  anathèmel  Quiconque  dira  que 
la  grâce  de  la  justiicaition  nous  esl  doa- 
oée»  afin  que  nous  puissions  aoeomplir 
plus  facilement  par  la  griee  ce  quMI 
nous  est  ordonné  de  faire  par  le  libre 
arbitre,  comme  si,  sans  recevoir  la 
grâce,  nous  pouvions  accomplir  les 
oommandenMnts  de  Dieu,  quoique  di& 
fioilement;  qu*il  soit  anatnème!  »  4 
Rome,  Zozime  agitait  ea&o  prononeé,  ^ 
il  avait  condamné  les  pélagiens.  On 
ne  se  contenta  plus  alors,  pour  rame* 
ner  les  hérésiarques ,  des  censures  ecr 
eléslastiquea;  on  eut  recours  au  poijk 
voir  temporel,  à  la  rigueur  des  lois, 
liul,  suivant  saint  Augustin,  ne  fut 

Elus  ardent  dans  cette  persécution  aue 
)  prêtre  Sixte,  qui  ooqupa  plus  tard  la 
ehaire  de  Saint-Pierre.  Ùonorius  fit  un 
édit  qui  banniftsait  de  Rome  Pél^e  at 
Célestius,  qui  organisait  contre  leurs 
adhérents  un  système  de  délation,  qui 
puniaftiit  e<i6n ,  dans  toute  retendue  de 
rempire  d'Ooeideat,  de  Texil  et  de 
Texpropriation,  oeux  qui  étaient  coft- 
vaincus  de  pélagianiame.  Toutefois,  au 
tempe  même  de  la  persécution ,  Tbér^ 
sie  trouva  des  défenseurs.  Le  plus  célè- 
bre de  tous  est  Julien,  éréque  d'Éclane. 
Il  attaqua  saint  Augustin  à  propos  du 
livre  intitulé  du  ^rloge  €t  df  Icn  ço^r 
efipùcenee.  l)ès  lors  8*f«gdgea  entre 
eux,  par  éorit,  une  bitte  qui  ne  dev^t 
avoir  poux  \»9Vfm  que  l«  mort  de  Tillua- 
tM  évoque  d'Uippontu 

h  y  avait  tu  sur  Is^  question  4^  néia- 
f  iamsme  dissentiment  e^tr^  le^  évé^ues 
africains  et  lepapeZo^lue  (i).  Maisee 
dissentiment ,  comme  noua  l'avons  dit , 
n'avait  pe4  été  de  loMue  durée,  plus 
tard,  rinler¥iiition  deThgtise  de  Home 
dans  les  affaires  d«  i'Alrique  devait 
amener  un  nouveau  désaecord.  )l  éclata 
au  temps  dosant  Bemiface  et  de  saint 
Célestin,  Jjm,  évlquee  d'Afrique  refu- 
sèrent, en  deux  eirconstaaees  ^  d'accep- 
ter les  instruetionB  qui  leuv  venaient 
d'Italie.  Lo  pidtre  Apîarius,  et  plus 
tard,  l'évéque  AJfttoine  avaient  été  con- 
damnés, pour,  leupscîwd^use  conduite, 
paf  lea  évéquee  afiH^aM^<>  V^  ne  yo^»- 

(I)  Indépendi^mment  des  éerlvalns  eathoU- 
lif^n,  voyez  sur  ce  diasenUoieot  :  Leydeoker; 


kirenl  point  se  soumeHre  a  éette  oon« 
damnation.  Us  s'adressèrent  à  l'Égliso 
de  Rome  qui,  prêtant  l'oreille  à  leurs 
pjrières,  essaya  de  les  imposera  ceux 

Î|ui  les  avaient  rejetés.  Les  évéques  d'Ar 
rique  protestèrent  contre  cette  inter* 
vention  qui  tendait  à  infirmer  leurs 
décisions  et  à  amoindrir  leur  autorité. 
Ils  l'emportèrent;  et  le  jugement  qui 
avait  condamné  Apiarius  et  Antoine 
fut  maintenu  (i). 

SB||1-PBI<A.UIS9I8;     DSniVinBS    TB4- 

V4IJX  DB  SAiifT  AqousTiiv.  —  Comme 
nous  l'avons  dit,  l'opinion  de  sai  ut  Augus- 
tin sur  la  grâce  était  celle  derÉglise  ca- 
tholique. Toutefois,  il  y  fivait  dans  cette 
opinion  quelque  chose  de  si  aiisoUi ,  il 
fallait  tellement,  p^ur  Tembr^sser,  sn- 
eriûer  la  raison  à  la  foi,  que  des  hommes 
jusqu'^sferm^^ent  attachés  aux  dog- 
mes de  l'Église  se  sentirent  ébranlés.  Il 
se  fit  chej  eux  une  réaction  :  ils  se  do^ 
mandèrent  si  s^'nt  Augustin  n'était 
point  tombé  dans  |'erreur  eq  immolant 
d'une  m^ière  absolue  le  libre  arbitre  à 
(a  grâoe^  en  l'annihil^ti  et  conséquem- 
U^t  en  détrui&ar^t  la  responsabilité  hu- 
maine» Us  cherchèrent  alors  un  système 
4e  conciliation* 

L.e  mouvement  se  fit  d'abord  sentir 
en  Afriq^e.  Quelques  moines  d'Adrumet 
s'élevèrent  contre  un  écrit  où  saint 
Augustin  anéantissait,  suivant  eux ,  le 
libre  arbitre.  L'évê(}ue  d'Hippone  se  hâta 
de  leur  répondre  par  deux  ouvrages  (  de 
la  Gr^^  et  du  Iwrearbitre ;  de  la  Cor- 
reciio»  et  de  la  gràoé).  Cette  fois,  il  sem- 
bla transiger,  et  fit,  si  oous  pouvons  nous 
servir  de  cette  expression,  quelques 
concessions  au  libre  abitre. 

Il  y  avait  aussi  en  Gaule  des  hommes 
éminents  qui  n^admettaient  pas  dans 
toutes  ses  parties  le  système  de  saint 
Augustin.  Parmi  eux  se  trouvaient  saint 
Biiaired'Arleset  Cassien.  Celui-ci  ,dans 
des  eonférences  spirituelles  qu'il  écrivit, 
vers  426,  poMr  ses  moines  de  Marseille, 
essaya  de  concilier  le  libre  arbitre  avec 
la  grâce.  Il  ne  porta  pas  atteinte,  comme 
les  pélagiens,  aux  dogmes  de  l'Église  ca- 
tholique \  seulement  i|  prétendit  que  le 

(DVosr.  aorlMrâppoffU  éeTË^lae  d*Airi- 
que  avec  celle  de  Rome  et  sar  les  dâaccords  qae 
pou»  venons^  dlncUquer:  Fleury;  HisLeccté- 
dast.  t.  V,  p.  494,  515,  s??,!?».  680et  bS»; et 
EQhrbacher;  HiiL  univers,  de  CJSatfse  ctUh^L^ 


t.  VIT,  p.  548,  552  et  sttiv.;  508 


JSffmecai 
i  877  et  I 


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AFRIQUE  CHRETIENNE. 


u 


Whte  arbitre  était  nécessaire  p^eur  l*aô- 
eomplissement  du  bien,  nécessaire 
comme  la  grâce.  Il  alla  plus  loin  encore  : 
il  déclara  que  la  grâce  était  donnée  par 
Dieu  à  ceux  qui  Pavaient  méritée,  à  ceux 
qui  d*abord  avaient  voulu  le  bien  par 
eux-mêmes  en  vertu  de  leurs  propres  dé- 
terminations. Ainsi,  suivant  Cassien,  le 
libre  arbitre  était  le  principe  de  la  grâce. 

Ge  nouveau  système  agita  vivement 
les  esprits.  Les  uns  rembrassèrent  har- 
iiment(  ce  Airenties  semi-pélagiens); 
d'autres,  assaillis  par  le  doute  et  plus  ti- 
mides. Youlurent,  avant  tout ,  prendre 
eonseil  de  eelpi  qui,  dans  la  grande  que- 
relle suscitée  par  fîéiage,  avait  été  Vin- 
terprète  de  ^Église  catholique.  Ils  s'a- 
dressèrent donc  à  saint  Augustin.  L*é- 
véqued^Hippone  ne  refusa  point  d'entrer 
dans  une  nouvelle  discussion. 

Il  poussa  alors  iusqu'à  ses  dernières 
conséquences  la  doctrine  de  la  grâce. 
Dans  ses  deaxlivresdleto  FrédestîMathn 
des  Saints  (t)  qu'il  adressa  à  Prosper  et  à 
Hilaire,  il  admet  sans  réserve  et  dans  le 
sens  le  plus  illimité,  en  vertu  de  son  prin- 
cipe de  la  grâce  qu'il  s'efforçait  d'éta- 
blir, la  prescience  divine  et  la  prédesti* 
nation.  Aux  semi*pélagiens,  qui  lui  ob- 
jectaient que,  dans  un  pareil  système , 
on  devait  rejeter  néoeasairem^nt  oomme 
Inutiles  la  prédication,  les  exhortations, 
toute  pénalité,  il  répondait  :  «  Il  est  vrai 
qu'il  faut  user  de  discrétion  en  précliant 
au  peuple  cette  doctrine;  et  ne  pas  dire  : 
La  prédestination  de  Dieu  est  absolu- 
ment certaine,  en  sorte  que  vous  êtes 
venus  à  la  foi ,  vous  qui  avex  reçu  la  vo- 
lonté d'obéir,  et  vous  autres  demeurez 
attachés  au  péché,  parce  que  vous  n'avez 
pas  encore  reçu  la  grâce  pour  vous  en 
relever.  Mais  si  vous  êtes  pvédestinés , 
vous  recevrez  la  même  gduie,  et  vous 
autres,  si  voas  êtes  réprouvés,  vous  ces- 
serez d'obéir.  Quoique  tout  eela  soit  vrai 
dans  le  fond  et  à  le  bien  prendre,  la  ma- 
nière de  le  ëife  avee  dureté  et  sans 
ménagement,  le  rend  insupportable, 
tl  faut  plutât  dire  t  La  prédestination  oer- 
taine  vous  a  amenés  de  l'infidélité  à  la 
foi ,  et  vous  y  fisra  pefsévérer.  Si  vous 
êtes  encore  attachés  a  vos  péchés  ,  rece- 
vez les  instruetio^  salutaires,  sans 
^(uitefqis  vous  ^  élever  \  car  ç*est  Dieu 

(I)  Le  second  Hvre  a  an  titre  particulier  : 
du  Don  de  la  Persévérance. 


qui  opère  en  vous  de  voulair  et  de  faire, 
et  si  quelques-uns  ne  sont  pas  encore 
appelés ,  prions  Dieu  quUI  les  appelle , 
par  peut-être  ils  sont  jprédestinés.  Quant 
aux  réprouvés,  il  ne  tant  jamais  en  par^ 
let  qu'en  tierce  personne,  en  disant,  par 
exemple  :  «  Si  quelques-uns  obéissent 
naaintenant,et  ne  sont  pas  prédestiné^}, 
ils  ne  sont  que  pour  un  temps,  et  ne  de*- 
meurerontpas  dans  Tobéissance  jusques 
à  la  fin.  SurtOHtil  faut  exhorter  les  moins 
pénétranU  à  laisser  les  disputes  au)^ 
eavanU  (1).  »  Pour  avoir  trop  accordé 
à  la  grâce,  ^int  Augrustin ,  on  ne  saM- 
raitle  dissimuler,  arrivait  au  fatalisme. 
Il  semble  que  saint  Augustin  ait  été 
absorbé  tout  entier,  ds^ns  les  dernières 
années  de  sa  vie  par  sa  lutte  contre  le 
pélagianisme.  Il  n'en  est  rien  pouvr 
tant.  Pendant  ks  discussions  les  plus 
vives,  il  trouvait  encore  du  temps  pour 
écrire  sur  mille  sujets  divers.  Il  répon- 
dait souvent,  par  de  longues  lettres,  à 
tous  o^x  qui  lui  proposaient  des  dif- 
ficultés à  résoudre  ou  lui  demandaient 
des  conseils.  Il  composait  son  Enchiri- 
dion;  un  petit  livre  adressé  à  saint  Pau- 
lin de  Noie,  sur  la  pWé  mmrs  les  morts 
çt  son  tcç^ité  contre  le  mensonge.  Il  re- 
(uroduisait  aussi  par  écrit  sa  conférence 
avec  révé«(ue  arien  Maxime  et  rédigeait 
?es  Rétraclations,  Sur  la  fin  de  sa  vie , 
cédantaux  prières  de  Quodvultdeus,  qui 
fiit  plus  tard  évêque  de  Garthage ,  il 

firomit  d'écrire  une  histoire  des  hérésies. 
1  ne  recula  point  devant  les  difficultés 
que  présentait  un  semblable  travail. 
9.  Il  exécuta  sa  promesse,  dit  Fleury, 
et  envoya  quelque  temps  après  à  Quod- 
¥u1tdeus  un  traité  des  hérésies  où  il  en 
eo(¥i()te  quatre- vin^t- huit  commençant 
auxsimoniens  et  finissant  aux  pélagiens. 
Il  ne  prétend  pas  toutefois  avoir  connu 
toutes  le^  hérésies,  puisqu'il  y  en  a  de  si 
obscures  qu'elles  échappent  aux  plus 
ourieux;  m  avoir  expliqué  tous  les  dog- 
mes des  hérétiques  qu'il  a  nommés, 
puisqu'il  y  en  a  que  plusieurs  d'entre 
eux  ignorent.  A  ce  premier  livre,  il  pré- 
tendait en  Joindre  un  second,  oà  il  cfon- 
perait  des  règles  pour  cooftattre  ce  qui 
fait  l'hérétique  et  se  garantir  de  toutes 
les  hérésies  coi^nues  et  inconnues^  mais 
la  oiort  qui  le  préviat  w  (u|  permit  pas 

(f )  TfAdnclloii  de  fVvasf, 


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Ï4 


LTNIVERS. 


cTexécuter  cette  seconde  partie  (1).  » 

L'iIfTASION  DES  YAIf  DALES  ;  MOBT 
DE  SAINT  AUGUSTIN;  SOUFFBANCBS 
DE  L'AFRIQUE  CHRETIENNE  — En  426, 

saint  Augustin  avait  désigné,  avec  l'as- 
sentiment du  peuple  d'Hippone,  le  prêtre 
Héraclius  pour  son  successeur.  Il  lui 
avait  confie,  en  partie,  l'administration 
de  son  Église  et  s'était  ménagé  ainsi 
quelaues  instants  de  silence  et  de  re- 
cueillement. Mais  il  ne  jouit  pas  long- 
temps du  calme  qu'il  avait  clierché.  L*in- 
vasion  des  Vandales  en  Afrique  nedevait 
pas  tarder  à  troubler  sa  retraite  et  à  ren^ 
plir  d'amertume  ses  derniers  jours. 
Nous  avons  dit  ailleurs,  avec  quelque 

(I)  Nous  croyons  devoir  signaler  ici  à  nos 
lecteurs  l*article  Saint  Augustin  publié  dans 
an  recueil  nouveau  que  nous  avons  déjà 
cité  et  qui  a  pour  titre  :  Dictionnaire  des 
Sciences  philosophiques.  On  y  trouve  d*al)ord 
la  classification  suivante  :  «  Parmi  les  nom- 
lureux  ouvrages  de  saint  Augustin  plusieurs 
appartiennent  plutôt  à  la  philosophie  qu*à  la 
théologie;  d*au très  appartienoent  à  Tune  et  à 
Tautre;  d*aulres,  enfin,  sont  purement  théologi- 
ques ;  nous  iodiguerons  ceux  des  deux  premte- 
res  classes.  Les  ecriti  de  saint  AugusUn  à  peu 

f^rès  exclusivement  philosophiques  sont  :  l*  les 
rois  livres  cantre  les  Académiciens  ;  5«»  le  livre 
de  la  fie  l^eureuse ,  3®  les  deux  livres  de  l'Or- 
dre ;  4®  le  livre  de  V Immortalité  de  Came  ; 
6»  de  la  Qualité  de  l'Ame;  6»  ses  quatorze  pre- 
mières Lettres.  —  Ses  écrits  mêlés  de  philoso- 
f>hie  et  de  théologie  sont  :  l«  les  Soliloques  ;  2*  le 
ivre (2t<Afar/«v;3^1es  trois  livres <fu  Libre  arbi- 
tre; 4*  des  Mœurs  de  V Église  ;  5»  de  la  Fraie 
Religion  ;  6*  Réponses  à  quatre-vingt'trois  ques- 
tions; 7"  Conférence  contre  Fortunàt;  8*  Trente- 
trois  Disputes  contre  Pauste  et  les  manichéens; 
9"  traité  de  la  Créance  des  choses  que  Von  ne 
conçoit  pas;  \(fi  les  deux  livres  Contre  le  Men- 
songe; I  !•  Discours  sur  la  Patience;  12®  de  la 
Cité  de  Dieu;  la»  les  Confessions;  14»  Traité  de 
la  Nature  contre  les  manichéens  ;  15»  de  la 
Trinité,  m  L'auteur  de  l'article  résume  ensuite 
les  doctrines  philosophiques  contenues  dans 
ces  divers  ouvrages.  11  divise  son  résumé  en 
deux  parties  :  d>*une  part,  les  idées  sur  Dieu: 
de  Tautre,  les  idées  sur  Thomme.  En  un  mot,  il 
expose,  pour  employer  ses  expressions,  la 
Théodicée  et  la  Psychologie  de  saint  Augustin. 
Nous  renvoyons  sur  ces  points,  étrangers  à  la 

auestion  qui  nous  occupe ,  au  recueil  que  nous 
gnalons.  Toutefois,  nous  devons  dire  ici  que 
l'auteur  do  l'article  aurait  pu  trouver  encore, 
en  ce  qui  concerne  les  doctrines  philosophiques 
de  saint  Augustin ,  des  renseignements  précieux 
dans  plusieurs  ouvrages  que  nous  avons  cités, 
et  qu*à  tort,  suivant  nous,  il  exclut  de  sa  liste. 
Nous  lO^outerons ,  en  finissant ,  que  nous  adop- 
tons sans  réserve  son  opinion  sur  la  Cité  de 
Dieti ,  vantée  au  delà  de  ce  qu'elle  conUent , 
comme  11  le  dit,  par  des  écrivains  qui  n'en  con- 
naissent que  le  titre  ou  qui  n'en  ont  lu  que  de 
courts  fragments.  Voy.  Dictionnaire  des  Scien- 
ces philosophiques,  par  une  société  de  profes- 
seurs de,  philosopaie;  art.  Saint  Angustin, 


étendae,  comment  et  par  quelles  cau- 
ses les  Vandales  se  précipitèrent  sur  l'A- 
frique (1).  Genséric,  appelé  par  le  comte 
Boniface,  quitta  l'Espagne  et,  passant  la 
mer,  aborda ,  au  mois  de  mai  de  l'an- 
née 429,  sur  les  côtes  de  la  Mauritanie. 
D'abord  il  conquit  et  ravagea  tout  le 
pays  compris  entre  l'Océan  et  T  Ampsaga. 
Puis,  quand  Boniface,  réconcilié  avec 
Placidie,  rejeta  l'alliance  des  barbares 
pour  redevenir  le  défenseur  de  l'empire, 
le  chef  vandale  poussa  vers  l'est  et  se 
jeta  sur  la  Nunudie. 

Ala  nouvelle  des  désastres  qui  étaient 
venus  fondre  sur  l'Afrique ,  saint  Au- 
gustin dut  se  repentir  amèrement  d'a- 
voir quelquefois,  au  moment  des  dis- 
cordes religieuses,  appelé  sur  les  en- 
nemis de  sa  doctrine  la  rigueur  des 
lois  et  la  persécution.  Lesdonatistes, 
en  effet,  poussés  au  désespoir  par  les  éd  i ts 
d'Honorius,  n'avaient  pas  hésité  à  se  le- 
ver en  masse  pour  prêter  aide  et  appui, 
en  haine  des  catholiques ,  à  la  horde 
barbare  qui  venait  attaquer  l'empire. 
Les  manichéens,  les  pélagiens,  les 
ariens ,  qui  eux  aussi  étaient  proscrits 
par  les  lois ,  avaient  suivi  l'exemple  des 
donatistes.  A  ces  sectaires  s'étaient  joints 
sans  doute  les  hommes,  derniers  restes 
de  la  race  punique,  qui,  en  dépit  du  temps, 
du  christianisme  et  de  la  législation 
impériale,  n'avaient  pas  cessé  d'observer, 
au  sein  même  de  Gartbage,  les  pratiques 
de  la  religion  apportée  jadis  sur  les  cô- 
tés de  l'Afrique  par  les  colons  phéni- 
ciens. Voilà  les  puissants  auxiliaires ^ue 
la  persécution  avait  donnés  à  l'invasion 
barbare;  et  ils  ne  furent  pas  les  seuls 
que  rencontra  l'armée  vandale.  Elle  se 
recruta  encore  au  sein  des  populations 
voisines  du  désert  qui  n'étaient  qu'à 
moitié  chrétiennes,  parmi  les  tribus 
maures,  et  même  dans  les  campagnes 
et  les  villes  romaines.  Les  uns ,  guidés 
par  l'appât  du  gain,  accouraient  dans  le 
campde  Genséric  pour  piller  et  ravager; 
les  autres,  propriétairesjruinés,  voulaient 
se  dérober  à  la  déplorable  condition  où 
les  avait  précipités,  à  force  d*exigence^ 
et  de  rigueur,  la  fiscalité  romaine. 

(I)  Voyez  dans  ce  volume  notre  Histoire  de  la 
domination  des  Vandales  en  Afrique ,  p.  8  et 
suiv.  >C'est  le  complément  indispensable,  à  par- 
tir de  l'année  429,  ae  notre  Histoire  de  VAfrtque 
chrétienne. 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


Rien  désormais  ne  pouvait  résister, 
en  Afrique  aux  soldats  de  Genséric.  Bo- 
niface  essaya  en  vain  de  les  arrêter.  Il 
fut  battu  et  rejeté  dans  Hippone.  Là  se 
trouvait  saint  Augustin,  qui  entendit 
bientôt  retentir  à  ses  oreilles  les  cris  de 
Farmée  barbare.  Les  maux  que  souf- 
fraient alors  Tempire  et  TÉglise  lui  cau- 
sèrent une  immense  douleur,  qui  sans 
doute  hâta  sa  mort.  Au  moment  où  il 
ferma  les  yeux,  il  ne  restait  plus,  dit 
un  contemporain,  des  innombrables 
églises  qui  couvraient  autrefois  le  pays 
que  celles  de  Garthage,  d'Hippone  et  de 
Cirla. 

ORGANISATION  DE  l'ÉGLÎSE  D'A- 
FRIQUE  DEPUIS  LA  FIN  DU  DEUXIÈME 
SIÈCLE  jusqu'au  COMMENCEMENT  DU 

CINQUIÈME.  -;  L' Afrique  chrétienne 
et  civilisée,  suivant  Texpression  d'un 
écrivain  ecclésiastic|ue ,  sembla  mourir 
avec  saint  Augustin.  En  effet ,  depuis 
les  rapides  conquêtes  de  Genséric,  elle 
ne  ùt  que  languir  et  décliner.  Mais  avant 
d'entrer  dans  cette  période  de  décadence, 
portons  encore  une  fois  nos  regards 
vers  le  passé,  pour  étudier  l'organisation 
de  l'Église  d'Afrique  au  temps  de  sa 
force  et  de  sa  grandeur. 

Garthage,  nous  l'avons  dit ,  fut  pour 
l'Afrique  le  point  de  départ  des  pré- 
dications chrétiennes.  De  Garthage  le 
christianisme  se  répandit  de  proche  en 
proche  jusqu'aux  extrémités  de  la  Pro- 
consulaire.  Puis,  il  entreprit  la  con- 
quête de  la  Numîdie.  Dans  les  premiers 
temps  de  l'épiscopat  de  saint  Cyprien, 
rÉglise  d'Airique  ne  possédait  que  les 
deux  provinces  que  nous  venons  d'in- 
diquer. Elle  en  eut  bientôt  une  troi« 
sième,  qui  fut  la  Mauritanie.  Les  idées 
chrétiennes  ne  s'étaient  pas  seulement 
répandues  à  l'occident  de  la  Proconsu- 
laire,  mais  encore  à  l'orient.  Elles 
avaient  pénétré  dans  la  Byzacéne  et  la 
Tripolitaine^  qui  formèrent,  dès  le  com- 
mencement du  quatrième  siècle,  deux 
nouvelles  provinces  ecclésiastiques. 
Aux  cinq  que  nous  avons  nommées,  il 
faut  joindre  une  sixième  qui  fut  formée 
plus  tard  d'un  démembrement  de  la 
Mauritanie.  Réduire  en  une  seule  pro- 
vince la  vaste  c^ontrée  qui  s'étend  de 
rOcéan  à  l'Ampsaga ,  à  une  époque  où 
le  christianisme  l'avait  couverte  d'é- 
véchés  et  d'églises,  c'eût  été  rendre  bien 


46 


difûciles  l'administration  et  la  surveiN 
lance  ecclésiastiques.  On  la  divisa  donc, 
comme  nous  l'avons  dit,  en  deux  parties^ 
et  ce  fut  vers  la  fin  du  quatrième  siè- 
cle aue  l'on  vit  paraître  comme  provin- 
ces distinctes,  la  Mauritanie  césarienne 
et  la  Mauritanie  sitifienne.  Peut-être 
y  eut-il ,  vers  cette  époque,  un  autre 
démembrement,  à  la  suite  duquel  on 
forma  une  septième  province  de  la 
Mauritanie  tingitane.  Un  métropoli- 
tain était  préposé  à  chacune  des  cir- 
conscriptions territoriales  que  nous 
avons  indiquées  ;  le  premier  dé  ces  mé- 
tropolitains était  l'évéque  de  Garthage. 
Avant  l'arrivée  des  Vandales  on  voyait 
dans  les  villes  et  les  campagnes  de 
l'Afrique  des  églises  et  des  «couvents 
sans  nombre.  Garthage  seule  possédait 
près  de  vingt  édifices  de  ce  genre  (1). 

LISTE    DES     EYECHÉS     DE    L'AFRI- 
QUE,  AUXÏV*ET  V*  SIÈCLES.  —  MaîS 

rien  ne  saurait  nous  représent  r  avec 
plus  de  vérité  et  d'une  manière  plus 
frappante  l'état  florissant  de  l'Église 
d'Afrique,  dans  le  quatrième  siècle  et 
au  commencement  du  cinquième,  que 
la  simple  nomenclature  des  évéchés 
qui  étaient  constitués ,  à  cette  époque, 
dans  les  diverses  provinces  que  nous 
avons  énumérées.  Nous  donnerons  ici 
cette  nomenclature  d'après  le  savant 
ouvrage  de  Morcelli  (2).  La  liste  sèche 

(I)  Voici  y  d'après  Morcelli,  rénumération  des 
basiliques  de  Carthage  :  Basilica  Perpétua - 
Restituta  (  c'était  la  cathédrale  \  ;  FausU  basi- 
lica ;  Sancii  Agilei  basilica  ;  basilica  Major  aut 
Majorum;  basilica  marfijrum  Scillitanoritm  ; 
basilica  Celerinœmariy ris;  basilica  Novarum; 
basilica  Gruiiani  ;  basilica  Theodosiana;  ba- 
silica Honoriana;  basilica  Theoprepria;  ba- 
silica Triccllarum  ;  basilica  Pétri  y  basilica 
Pauli;  basilica  martyrisjuliani.  En  outre,  deux 
église-s  avaient  été  bâties,  dans  les  faubourgs, 
en  Phonneur  de  saint  Cyprien;  l'une  sur  le  Heu 
de  son  supplice;  Tautre  dans  la  rue  des  Mappa- 
les,  à  l'endroit  où  il  avait  été  enseveli.  Apres  la 
chute  de  la  domination  vandale,  Juslioien  litéle- 
ver  à  Carthage  deux  nouvelles  églises ,  l'une  à  la 
Vierge,  l'autre  àsainte Prime.  Uajouta  aussi  uu 
cou  vent  à  ceux  qui  se  trouvaient  déjà  dans  la  vil  le 
il  le  fit  bâtir  près  du  Mandracium.  Voy.  Mor- 
celli {  Jfric.  christ-  );  t.  I.  p.  49.  —  M.  Dureau 
de  la  Malle,  dans  ses  Recherches  sur  la  topo- 
graphie de  Carthage  (  p.  214  et  suiv.  ),  ajoute 
un  nom  à  ceux  qui  nous  ont  été  fournis  par 
Morcelli.  Il  appelle  basilique  de  Teriullien  celic 
où  se  réunissaient  les  lertuUianistes  .au  leraps 
de  saint  Augustin. 

(  2)  y^fric.  christ.;  t.  I ,  p.  34  sqq.  Morcelli  a 
retranché  de  sa  liste  soixante  évéchés  environ  , 
parce  qu'il  ne  pouvait,  comme  il  le  dit  (ibid.j  ' 
p.  4?  ),  en  assigner  la  véritable  posilion. 


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46 


lAJNIVERS- 


et  aride  qui  ?a  suirre  ne  aéra  point 
sans  Intérêt,  nous  le  croyons,  pour 
tous  ceux  qui  applaudissent  aux  efforts 
que  nous  faisons  depuis  treize  anS  pour 
reporter  eur  la  e4te  septentrionale  de 
l'Afrique  le  ehristianisme  et  la  eirili*» 
sation,  et  qui  se  plaisent  à  ehercher^  si 
nous  pouvons  nous  exprimer  ainsi, 
des  espéranees  et  comme  un  gage 
pour  l'avenir,  dans  tous  les  faits  qui 
attestent  l'ancienne  splendeur  de  œtte 
belle  contrée* 

Nous  avons  fait  subir  à  la  liste  de  Morcelli 
quelques  changements.  Tous  les  noms  mar- 
qués d'un  astérisque  ont  été  modiliés,  déplacés 
ou  ajoutés.  Ces  coiTections  ne  nous  appartien- 
nent point.  Elles  avaient  élé  faites,  par  un  sa- 
vant membre  de  l'Académie  des  Inscriptions, 
sur  Pexem plaire  de  VJfrica  ehristiana  que 
nous  avons  eu  entre  les  mains. 

ECCLES(1£  PROYlNCliE  PROCONSUL AR<è. 

Abaritana. 

Abbenzensis. 

Abbir  majoris.  «4,».*^ 

Abbir  GermaniciaHse",  quae  et  AoDtrniTO. 

Abitinensis. 

Aborensis. 

Absasaileiisis.  ^**  «^^  ^ 

Abtugnensis ,  qax  et  AdttfttMKàea  et  AffloA^ 
giensis. 

Abziritensis ,  qu»  et  Abderliana. 

Advocatensis. 

Agensis. 

Altiburiensis ,  quœ  et  *  AltUNHiàMift 

Amaderensis ,  qux  et  Ammedereoftis. 

Aptucensis. 

Aradilana. 

Arensis. 

Assuritana. 

Ausafensis. 

Ausanensis.  .     .  «  t        .     ^^     ,^,..,^ 

Auzuafjensis.çïdae  et  AUsQâ^iw i^na. 

*  Basandidacensîs. 

Belalitensis. 

Beocennensis. 
-  Benevenlensis. 
.  *  Betagbarensis.      T 

Bilteusis. 

Binensis.  : 

BolUlana. 

Bonustensis. 

Bosetensis. 

Bullamensis. 

Builensis/VuUensis. 

BuIIeriensiS. 

Buinensis 

Buritana.      '  ,  .     ,   . 

Buslacena.  "  '  *      * 

Buzencîs, 

Cîeciritana.  ^^ 

Calibiensis.  '    /. 

Canapitanorum. 

Carpitana. 

Carthagkilensis.  .    . 

Cftfalensis. 
.  Ceierinensis,  '  .^ 

Cellensîs.  '    ' 

Cerbalitana. 


Cibaliaoensifl. 

Ciçsiiana. 

CJlibiensià. 

CliicàrltanA. 

Ctamtaturbi* 

Clypiensis. 

Cùbdënsis; 

CtticitantnftM,  qtt»c*  Gififitftfia  il 

CorbUana,  quae  ei  CurubMana. 

Drusiiianen^is. 

Duassenétns&liUiëftï 

Egagengi». 

Fdrnitana.  . 

Giggensis,  que  et  Ziê&edsiâf. 

Girbensrs,  quœ  él  Qerberiéis  A  0«rfHén& 

Gisipensis,  qu»  et  Gislpeosiara  mi^nM. 

Giutra  mbacarieBsis. 

Gorensis. 

Gùnelensiè  qtuë  et  GoMliitëiiMs; 

Uiltensis. 

Hipponis  Diarrhvti,   quœ  et  Hippooeosium 

Zaritoruin  et  Hf{>zajftteosià. 
HonoridpolilaiMl. 
Horreensia< 

Labdensis ,  quffi  et  Lapdeasis. 
J^acubazensis. 
Lârensis  sive  Larliinf . 
Libertioensis. 

*  Luperciaoeiisis. 
Mattianensis. 
MàxulHanâ. 
Mralapolitana.     . 
MeizitaDa,  qu»  et  MeUilana* 
Merablosifana. 
Meinbresitana ,  qâi^èt  MéMiM>âiÉfté<la  et  1 

brositana. 
Mkirpenûs. 
Missaeosis. 
Mizigitana. 
Maliitaaa. 
Musertitasa. 
'  MuslIUna. 
Mozuensis. 

Ilaragearttansi  ^^a  et  HagargariUmi. 
Neapoiitan». 
Nigrensîum  mî^oi'iim 
NnmnulitaifA. 
Ofitana. 
Pappianensi»,  qas  et  Pupianens». 

*  Pariensiâ. 
Pertusrehâii^. 
Pisiteoâis. 

*  PoeofélteasiSr 
Papitana ,  quife  éi  Pùppitarfa. 
Rucumeodfs  y  qutb  et  Tiëdomitiafe  el  1 
finsacensto. 
Sajenais. 
Scilitana. 
SebargeosH. 
Sedeienffia. 
Seminensia. 
Seuempsaleiigis. 
^^Serrenais. 
Sicceneasis. 

Stocensis.  ^    .       ,      >...**--^ 

âicilibbeosis ,  qoé  et  Sfctlt^paéret  SMlfife. 
Stmidicensis. 

Slmineosis,  qae  et  Simminiensls. 
Simingitana.  , 

Simittensis»  quae  et  Semitensts. 
$innareD^s  ,qtne  et  âio^aritensiffr 
Succubensig. 
Suensis. 
Taborensis. 
Tabooeosis. 


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AFRIQUE  CHRÉTïETmE. 


Tad»  M ODtaiMMis  »  gii0  et  l^tln  Mont*  et  Ta- 

canensis. 
Taddaensis. 
Tagaratensis. 
Tagorensis. 
Taiboreosis. 
TauraciDS. 
Telensis. 
'k'headaleDsis,  que  et  Theodalenslt  il  Eodé* 

lensis. 
Ihiniss,  qus  et  Tinnisensis. 
Thaccaboris ,  qas  et  TuccabortMif. 
l 'ibursioensis  Burœ. 
7igimmensis. 

Timedeosig ,  qas  et  Tiroid»  RtgliB. 
'1  isilitensis ,  quse  et  Tisilensia. 
laullUna.  ^ 

Tonnonensis,  qus  et  Tennonensis. 
TrisipelHs. 
Irislpensis. 

*  Taburbitanoram  majoram. 
Tybarbitanoniin  miuorum. 
Tuburnicensis. 
Tuccff ,  qu»  et  TogiflB. 
Tulaoensis. 

Tunejensis,  qas  et  Taniensis. 
Turuzitensis. 
Tyzicensis. 
Tailitana. 

Yaziensis ,  quse  et  Vazuensis 
Vercnsis. 
Tiooturrensis. 
Tilla  magnensis. 
Visicensis. 
Ucitana. 
Ucalensis. 

Urcitana,  qu»  et  Uracitana  et  Uricitiao, 
Utioensls. 
Utimmirensis. 

Ulinensis,  quae  et  *  (Jtînioensis. 
Utzipparitana,  qu»  et  Dzipparitana. 
Uzaiensls,  qu&  et  Uxialeasas. 
Zarnensis. 

Zem(e08is>  qom  et  Zênteo^. 
Zurensis. 

EGCLESLE  PaOVIEfCLfi  NUMlDlA. 

A}iiTai8l8y  que  et  Âzarensis. 

Amporeusis. 

Angtiiensis. 

AppissRoensis. 

Aqu»  Nobensis. 

Aquarum  TibiUti 

Aquensis. 

Arsicaritana. 

Assabensis. 

Augurensis. 

AusucupfeBiii. 

Babreosis. 

Badiensis. 

Bagj^ensls. 

Bajanensis  qus  et  Tajanensis. 

Bajesitaoa. 

Bamacoorensia^  qmet  YamaecoNnai» 

Bazaritana,  qus  et  yazaritaoa. 

Belesasensis. 

Berceritaoa ,  qus  et  BecerrilaMt. 

Bofetana. 

Baoc»nieDsis ,  qus  et  ' 

BufTadensis. 

BulleDsium  Regiorum. 

Bnrcensis,  qu»  et  Burgensis. 

Cslianensis. 

Cssariensis. 

Calamensis. 


Casarum  Nigrenrion. 

Casarum  sUvau». 

Casasmediaoensis. 

Casensis  Bastalensis. 

Caseosis  *  Calanensis. 

Castellana. 

Castelli  Sioiteutis* 

Castelli  Titulitani. 

Castrorum  Galb». 

Cataquensig. 

Cemerioiana. 

Centenarlentif. 

Centuriensis. 

Ceoturionensis,  qu»  et  CenturiaMMto* 

Geramussensis. 

Circensis. 

Cirtensjs,  qu»  et  Constantiniensis. 

Cuiculitaoa. 

Cullitana. 

Dianensis. 

Edistiaoensis 

Enerensis. 

Fateosis. 

Fesseitaoa. 

Fissanensis. 

Formensisad  Idicrta. 

Formensis  Missoris. 

FossalensU ,  qus*  et  Fussaleosli. 

Garbensis. 

Gaudiabensii. 

Gaurianensis. 

Gazaufal». 

Gemellensis. 

Germaniensis. 

Gibt>ensis. 

Gilbensis. 

Gireusis. 

GirumareeHI. 

Girularasi. 

HipponeregieiisU,  qu»  et  Uipt^oaeMlttfti  âé* 

gioruin. 
Hizirzadensis^qus  et  Izirianensis* 
Hospitensis. 

Jacterensis ,  qu»  et  ZaKareoti^ 
Idassensis. 
Idicreosis. 
JucundianensU. 

Lamasuensts ,  qu»  et  Lamasbœ. 
Lambesensis. 
Lambiritana. 

LamfueosiB ,  qu»  et  Lêmpiieiitls  et  JamfwMlil 
Lamiggigensig  gemina. 
Lamsortensis. 
Lainzellensis. 
Laritanus. 
Legensis. 
Legiensis. 

Legisvolnminiensis. 
Liberalleosis. 
Limatensis. 
Lugurensis^. 

Macomadiensifl,  q«»et  Uàcomtoitmàk 
Madaureosis. 
Madensis. 
Magarmelitana. 
Manazenensium  Regiorum. 
Masculitana. 
Matharensis. 
.  Maximianensis ,  qu»  et  Maximinensia. 
Mazacensis. 
Megarmitana. 
Mesarfeltensis. 
Metensis. 
Midilensis. 
Milei,  qu»  et  Milevitana. 


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48 


L'UNIVERS. 


Montensis,  quse  et  Montena. 

Moxoritana. 

Malieosis. 

MuDicipensis. 

Masiitana. 

Mutugensis. 

Naralcalensis ,  quse  et  Naraccateûsis. 

Nibensis. 

Nicibensis. 

Nobabarbareosis,  qu«  et  Novabarbareusis. 

Nobagermaniensis. 

Nobasparsensis  y  quœ  et  Nobaspartensis. 

NobasincDsis ,  quœ  et  Movasinensis. 

Novapetrensis. 

Octabensis. 

Pudentianensis. 

Putiensis. 

*  Regiariensis. 
Respectensis. 
Ressianeosis. 
Rolarieosis. 
Rusiccadiensis. 
Rusticianensis. 

Selemselitaoa,  qaœ  et  Silemsilensis. 
Seleuciaiiensis. 

Siguitensis,  quse  et  Suggitana. 

Silensis. 

Sillitanus. 

Sistroniaoensis. 

Suavensis. 

Summenbis.  quœ  et  Zammeosis 

SusicazieDSis. 

Tabracensis. 

Tabudensis. 

Tacaratensis. 

Tagastensis. 

Tagorensis. 

Tamogadensis,  qas  et  Tamogaziensis. 

Tarasensis ,  qux  et  Tharasensis. 

Tebestiaa .  qus'  et  Tevestina  et  Thebestis. 

Teglateosis,  quœ  et  TegulatensL^. 

*  Thiabensis. 
Thibilitana. 

Tibarsicensis ,  qu»  et  Tabusicensis. 

Tididitana,  quœ  et  Tiseditana. 

Tigillabensis. 

Tigisitana. 

Tignicensis. 

Tipasensis. 

Tabunlensis. 

Taccffi,  qa»  et  Tuggs  et  Tancensis. 

Tunudensis. 

Turrensis. 

Turiisrotundœ. 

Turrium  Âmmeniarum. 

Turrium  Concordûe. 

Tazudrumes. 

Tadensis. 

Vageatensis. 

Yagensis. 

*  Vagrautensis. 

Yegeselitana,  quseet  Veselitana. 
Yeiesitana. 

Yensanensis. 

Yicopacatensis,  qaœ  et  Yicopacensis. 

Ylllama^nensis. 

Yillaregiensis. 

Yillavictorianensis. 

Umtana. 

Urugitana. 

Utmensis. 

Zabensis. 

Zamensis. 

Zaradtensis,  qaœ  et  Zaraitensis. 

Zerteosis. 


ECCLESIJ;  PllOVlNCL£    htiKCXM/E, 
Abar<idircnsis. 
Abiddensis. 
Abissensis. 
Acolitana. 
Ad  rumetina. 
Afufeniensis. 
Aggaritana. 
Aggeritana. 
Amudarsensis. 
Ancusensis. 
Aquœ  Albensb. 
Aloensis. 
.  Aquensis. 

Aquensium  Regionim. 
Aquiabensis. 
Arensis. 
Arsuritana. 

Autentensis,  quœ  et  Auteniensis. 
Auzagerensis ,  quœ  et  Auzegereiisis 
Banensis. 
Bennefensis. 
Bîadiensi^. 

Burelialensis,  quœ  et Bubellalensis. 
Byzaciensis. 
Cabarsussitaoa. 
Capsensis ,  quœ  et  Capsitana. 
Carcabianensis. 

Carianensis  sive  Casularum  Carianensium. 
Gellensis. 
Cenculianensis. 
CeneDsis 

Cilitana,quœ  et  CUlitana. 
Gircitana. 
Crepedulensis. 
Cufrutensis. 
Cululitana. 

Detorianensis,  quœ  et  Decorianensis. 
Dicensis. 
Dionysianensis. 
Durensis. 
Eliensis. 
Febianensis. 

Feradimajensis ,  quœ  et  Feraditana  major. 
Feraditana  minor. 
Filacensis. 

Forontonianensis,  quœ  et  Ferontooianensis. 
Fortianensis ,  quœ  et  Forianensis  et  Foratia- 

nensis. 
Frontonianensis,  quœ  et  Frotonianensis. 
Gaguaritana ,  quœ  et  Gauvarilana. 
Garriaoensis.  ^, 

Galtlanensis ,  quœ  et  Gatianeosis. 
GermaniciaDensis. 
Gummitana. 

Gurgaitensis,  quœ  et  a  Gurgitibus. 
Hermianensis. 

Hierpinianensis,  quœ  et  HirplDianeDsis. 
Hireoensis ,  quœ  et  Hirinensis  et  Irensis. 
Horreœ  Aninicensis. 
Horreœ  Cœliensis. 
Jubaltianensis. 
Juncensis. 

Leptiroinensiâ ,  quœ  et  Leptitana. 
Limmicensis. 

Maoomadiensis  RusUciana. 
Macriaoensis  major. 
Mactaritana. 

Mandasumitana,  quœ  et  Madassumitana. 
Maraguieosis. 
Marazaneusis. 
Masclianensls. 
Mataritana. 
Marterianensis. 
Maximiensis,  quœ  et  Massimanensis. 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


40 


Medefessitana,  qase  et  Menefessltana. 

Meàianensis. 

Mlbiarcensis. 

Midicensis. 

Midilana,  qaœ  et  Mididliaoa. 

Mimianensu. 

Mozotcoritana. 

Munatianensis. 

Muzacensis,  qaœ  et  Muzolensis. 

Narensis. 

Nationensis. 

Neptitana ,  quee  et  Neptensis. 

Octabensis. 

Octabiensis. 

Oppennensis  «  qa»  et  Opemiensis. 

Pederodiadensis. 

Peradamiensis. 

Pnecausensis. 

Prxstdiensis. 

Putiensis. 
,  QuaestoriaDeDsis. 
'  KulîDianensis. 

Ruspensis,  quie  et  Rusfensis  et  RuftMtisis. 

Ruspitensis. 

Sasuritana. 

Scebatianensis. 

Seberianensis. 

Segermltana. 

Septimunicensis. 

Sublectina. 

Sufetana ,  qum  et  Safium. 

Sufetulensis ,  qu»  et  Saflculensis. 

Suliaoensis. 

Tabaltensis,  quœ  et  Tasbaltensis. 

Tagamutensis ,  quœ  et  Thagamutensis. 

Tagarbalensis  «  qiiue  et  Targabolensis. 

Tagariatana. 

TagaseDsis. 

Talaptensis ,  gus  et  Talaptalensis. 

Tamallensis. 

Tamallamensis. 

Tamateni. 

Tambs^eDsis ,  qus  et  Tambeitaoa. 

Taprurensis. 

Tapsitana. 

Taraquensis,  qas  et  Tarazensls. 

Teleptensis. 

Temonianensis,  quae  et  Temoniarensis. 

Tëtcitana. 

Theoitana,  quœ  et  Theaisioram. 

Tbeuzitana. 

Tbibaris ,  qaœ  et  Tibarltana. 

Ticensis. 

Ticualteosis. 

Tigualensis* 

llziensis. 

Trolinianeosis. 

Tobulbacensifl. 

Tarditana,  qua)  et  Tosdritana. 

Tarreblandma. 

Turrensis. 

Turretamallameosis,  quaeetTarriamTamalus. 

Tuzuritana,  qus  et  Tuziritana. 

TadentiDianeosis,  quse  et  Yalentinianensis. 

Vagensis. 

Yararitana. 
i         Vassinassensls. 
f        VegeselitaDa ,  quœ  et  Vegeiselitana. 

Vicensis. 
I         Vicoateriensis. 
I         Ytctorianensis. 

Yiteosis. 

UniricopoUtana,  qus  et  Unorecopolitaoa. 

Unizibireiisis ,  qu»  et  Uniziverensis. 

Usulensis ,  quœ  et  Usilabensis. 

AFR.  CHRÉT. 


Zellensis. 

ECCLESIiE    PROVINCIJS     MAURCTAmA      CJCSA- 
RIENSIS  ET  TlNGlTANiB. 

Adqaesireosis. 

AdsimiadeDsis. 

Agrensis. 

AiamiliareDsifl. 

Albalensis. 

Altabensis. 

Amaareosls. 

Ambiensis. 

Aquensis. 

AquisireDsis. 

Arenensis. 

Arsinaaritana. 

Bacanariensis. 

Balianensis. 

•Baparensis. 

Benepotensis. 

Bidensis. 

Bitensis. 

Boncariensis,  qoœ  et  Yoncarlensis. 

Bulturiensis. 

Buronilaoa. 

Burac 

Casariensis. 

Caltadriensis. 

CapreDsis. 

Capatcillensis. 

Cartennitana. 

Casteliana. 

Castelli  labaritanl. 

Castelli  Mediani. 

Castelli  Minoritani. 

Castelli  Ripensis. 

Castelli  Tatroportensis. 

Castrorum  Nobenslum. 

Castrorum  SeberiaaeDsiam. 

Catabitana. 

CatreDsis. 

Catulensis. 

Cessitana ,  qaœ  et  Cissitana. 

*  Columpnatensis. 

Corniculanensis. 

Elfantariensis,  qaœ  et  Elephantariensls. 

Fallabensis. 

Fenacletensis. 

Fidolomensis. 

Florianensis. 

Flomenzeritana. 

Frontensis. 

Girumoateosis. 

GratiaDopolitaaa,  qaœ  et  Graliaopolitana. 

GoDugitana. 

Gypsariensis. 

Icositana. 

Idensis. 

Itensis 

JommiteDsis. 

JuDcensis. 

Lapidiensis. 

Msnaoensis. 

Malianenfiis ,  qaœ  et  Milianensls. 

Ifammilleosis. 

Mao  accenseritaaa. 

Masaccabeosis. 

Matarbensis. 

Maarensis. 

Maurianensis. 

Maxltensifl. 

Mediensis. 

MinensiSf  qaœ  etMInneosis  et  Minaensis. 

Murconensls  vel  Noroooeosis. 

Murostagensis. 

4 


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^0  L'UNIVERS. 

Matecitana. 

Kabalensis.  ^^  ^w.^^^ 

HasWocertsis,  «a»  et  Narbtacensii. 

NobsB,  quœ  et  Paveûsis  gemloa. 

Noblcensis. 

I^umidiensis. 

Obbensis. 

Oboritana  gemina. 

Oppidonebensis. 

Oppinensis. 

Pamariensis. 

Panatoriensis.  .  ^  .  ,        .,« 

Priscianensis,  qaœet  Pnslanensïs. 

guidiensis. 
egiensis. 
Reperitana. 
Rubicariensis. 

Rusaditanus.  ,  .  ^  .  ^.^ 

Rusgoniensls ,  quœ  et  Rusguniensis. 
Rusubiccariensis. 

Rusubiritana.  ^^         ..^^    . 

Rusuccurrensis ,  quœ  et  Rusuccuritana. , 

Satafensis. 

Sereddelitaua. 

Sertensis. 

Sestensis. 

Sfasferiensis. 

Siccesitana. 

Sinnipsensis. 

Sitensis.  v««i*««« 

Subbaritana,  quœ  et  Subarltana. 

Sucardensis.  ^  „  ,  _i»^« 

Sufasaritana,  quœ  et  Suforflana» 

SuluUtana. 

Summulensis.  ^  ^  v-.-..rf,»««d!fl 

Tabadcareosis ,  quœ  et  TabarciïenôiS.. 

Tablensis. 

Taborenlensis. 

Tabuniensis.  ^^  _  _^^„t„ 

Tadamatensis,  quœ  cl  Tadapensis. 

Tamadensis.qu»  et  Tanudajensis. 

Tamazucensb,  quœ  et  Tamazensis. 

TeJnamuSis;  quœ  etTernamusenste. 

Tiflllensis. 

Tigabitana. 


Tigisitanav 

Tiinidanensis,  quœ  et  Tlmidianenste. 

Tingartensls. 

TipasUana. 

Tubunensis. 

"^Tuscamiengis. 

Vagalilana. 

Vannidensis. 

Yardimissensis. 

Ubabensis. 

Viilanobensis. 

Yissalsensis. 

YoFDcarianeDsis. 

Usinadensis.  ^  ^  „      _ , ,.  ^^  . 

Zucabiaritana ,  quœ^etZugabbaritaDa. 

ECCLESIiB   PROVINGI*  MàURETANI^  SlUPENStg, 

Acutidensis. 

AquœjAibensis. 

Assàfensls. 

Assuoremixtensis. 

Castellana. 

Cedamusensis. 

Celleusis. 

Coviensifl. 

Emlnenlianensis.        _    .    ^ 

CqoizoieDfiis ,  quœ  et  Equizetana* 


Ficensis. 

Flumenplscensu. 

Gedtaaa. 

Horrensis. 

leratitana.  ^  ^  „„^ 

Igilgllana,  quœ  et  Iglllitana. 

Lemelefensis.  ^^      ,    .     -^ 

Lemfoctensis ,  quœ  et  Lamfocten^ 

Lesvitana. 

Macrensis. 

Macrianensig.  ^ ,,  . 

Maronanensis ,  qu»  et  Maroneasi». 

Maxitensls. 

Medianorum  Zabunioram.  , 

Molicunzensis ,  quœ  et  MolicuiUeMift. 

Moptensis ,  quœ  et  Moctensis  et  Mozoteurfi. 

lYoDaliciaDensis. 

Olivensis. 

Partheniensis. 

Perdicensis. 

PriTatensis. 

Salditana. 
.  Satafensis. 

Serteilaoa. 

Sitifensis. 

Sociensis. 

SuristcDsis. 

Tamagristensls. 

Tamafluniensis. 

Tamascaniensis. 

Thuccensis. 

Tubiensis.  ,       ,  ,,. 

Tugusubditana,  quœ  et  Tubusubdilana. 

Yamallensis. 

Yesceritaaa. 

Zabensis.  —  Zallateitôis. 

ECCLESLS  PROVINClfiTRlPOLITAN*. 

Glrbensis ,  quœ  et  Girbitana  et  Gerbitana, 

Gittensis. 

Leptimagnensis. 

Neapoiitaaa. 

Oensis. 

Sabratensis. 

Tacapitana. 

Telle  était  l'étendue  ei  la  forée  de 
l'Église  d'Afrique  lorsque  les  Vandales 
parurent,  en  429,  sur  les  côtes  de  la 
Mauritanie.  ^i.^«* 

l'arianisme  en  Afrique;  bbgii* 
DE  GENSÉHic.  —  La  marche  de  Gen- 
séric  en  Afrique  ,  comme  nous  i  av^ 
dit,  fut  marquée  par  d'effroyables  dé- 
vastatidns.  La  soif  du  buUn  ou  de  ta 
vengeance,  les  passions  religieuses  qw 
animaient  les  Vandales  et  leurs  alhés, 
couvrirent  de  sang  et  de  ruines,  eu 
moins  d'un  an,  les  trois  Mauntames  et 
une  grande  partie  de  la  Numidie.  Les 
églises  tombèrent;  les  évêques  et  ks 
Mètres  furent  massacrés  ou  obliges  de 
chercher  un  asile  sur  les  terres  encore 
soumises  à  lâ  domination  romaine  (1). 

La  furie  de  l'invasion  qui  atteignit 

/n  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire,  que 

PT  le  rédt  qui  va  suivre,  nous  n'avooft 
iis^ssé  d'avoir  sous  les  yeuî^  ce  qœ  Roi- 
nart  a  écrit  sut  ia  persécution  vandate. 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


surtout  la  poj^lation  oatholique  ne  ait 
point  de  courte  durée.  EHe  ne  perdit 
rien  de  sa  force  pendant  dix  ans.  Ea 
439,  le  premier  soin  de  Genséric,  Bial- 
|re  de  Carthage ,  fut  de  persécuter  les 
catholiques  et  de  dé|M)uiller  1%$  égKseft 
de  la  ville  de  leurs  vases  sacrés  et  de 
leurs  riches  ornements.  Toutefob,  ca 
fut  au  montent  même  où  Carthage 
tomba  au  pouvoir  des  Vandales  que 
cessèrent ,  au  moins  en  partie ,  les  vio- 
lences et  les  immenses  désordres  qui 
avaient  désolé,  depuis  429,  F  Afrique 
chrétienne  et  civilisée.  Dès  lors,  en  eftet, 
Genséric  contint  ses  soldats  pour  ne 
point  épuiser  le  pays  où,  après  avoir 
anéanti  toute  résistance ,  il  avait  résohi 
de  se  fixer. 

L'intérêt  donc  et  le  ehanseinent  qui 
se  fit,  de  439  à  442,  dans  rétat  social 
des  Vandales  empêdièrent  le  pillage, 
le  meurtre  et  la  dévastation  ;  mais  ils  ne 
mirent  point  un  terme  à  la  persécution 
contre  les  catholiques.  Deux  choses 
principalement  devaient  »  en  quelque 
sorte,  perpétuer  en  Afrique  cette  per- 
sécution. C'était,  d'une  part,  l'esprit 

.  de  secte  qui  animait  les  conquérants 
barbares;  de  l'autre,  l'état  de  guerre 
dans  lequel  la  nation  vandale,  sous 
Genséric,  fut  obligée  de  se  maintenir 
pour  résister  aux  attaques  de  l'empire. 
Les  Vandales,  suivant  certains  his- 
toriens, avaient  adopté  Tarianisme 
pendant  leur  séjour  en  Espagne;  sui- 
vant d'autres  (et  nous  partageons  To- 
pinion  de  ces  derniers),  ils  avaient  été 
gagnés  à  l'hérésie^  avant  la  grande  in- 
vasion de  406,  à  l'époque  ou  ils  cam- 
S aient  sur  les  frontières  de  l'empire 
'Orient,  dans  les  provinces  qui  avoi- 
sment  le  Danube.  Dès  l'instant  où  il^ 
parurent  en  Afrique,  ils  ne  se  déclarè- 
rent point  seulement  ennemis  de  l'em- 
pire ,  mais  encore  ennemis  des  catboli- 

^gues  et,  par  là,  ils  doublèrent  leurs 
rorces  et  assurèrent  le  succès  de  leui* 
audacieuse  entreprise.  Ils  virent  ac- 
courir dans  leurs  ran^s,  nous  l'avons 
dit  aussi ,  tous  ceux  qui  avaient  souffert 
pour  leurs  croyances  sous  le  règne 
d'Honorius  ;  les  donatistes  surtout,  qui, 
pour  se  venger  de  leurs  persécuteurs, 
n'hésitèrent  ipoint  sans  doute  à  passer 
en  grand  nombre  du  schisme  à  rhéré- 
sie.  Cette  alliance  donna  une  nouvelle 


6J 

force  aux  haines  rdlgi^ses  qui  ani- 
maient les  Vandales  et  attira  sur  lea 
Mauritanies  et  la  Numidie  les  affreux 
ravages  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

Ce  ne  fut  pas  seulement  au  moment 
des  expéditions,  dans  les  instants  de  péril 
et  de  guerre,  mais  encore  pendant  la  paix, 
que  l^sprit  de  secte  poussa  à  la  persécu- 
tion et  a  la  cruauté  les  conquérants  bar- 
bares. Ainsi,  dans  les  années  qui  séparent 
la  prise  d'Uippone  de  celle  de  Carthage , 
en  487 ,  à  une  époque  où  il  y  avait  trêve 
entre  l'empire  et  les  Vandales,  Genséric 
traita  les  catholiques,  dans  les  provinces 
soumises  à  sa  domination,  avec  une 
excessive  rigueur.  Il  ne  se  borna  pas  à 
chasser  de  leurs  églises  les  évéques  et 
les  prêtres;  il  sévit  même  contre  les 
laïques,  et  il  en  fit  mourir  plusieurs  qui 
n'avaient  pas  voulu  embrasser  l'aria- 
nisme.  Plus  tard  (  il  était  déjà  maître  de 
Carthage), on  saisit  par  son  ordre  l'évê- 

3ue  Quodvultdeus  et  un  grand  nombre 
e  clercs  ;  on  les  dépouilla  d'abord  de 
leurs  vêtements ,  puis  on  les  plaça  sur 
des  vaisseaux  à  moitié  brisés  qui  turent 
lancés  à  la  mer  et  abandonnés  à  la  fu- 
reur des  vents  (1). 

Une  chose  encore,  dès  les  premiers 
temps  de  la  conquête,  aggrava  les  souf- 
frances des  catholiques ,  ce  fut  la  crainte 
qu'ils  inspirèrent  a  Genséric.  Le  rot 
barbare  n'ignorait  pas  qu'ils  désiraient 
ardemment  le  rétablissement  de  l'au- 
torité impériale;  que  leurs  regards 
étaient  sans  cesse  tournés  vers  Tltalit 
ou  vers  Byzance;  qu'ils  le  haïssaiene 
comme  arien  et  comme  barbare,  et  qu'ils 
étaient  prêts  à  soutenir  toute  armée  qui 
viendrait  sur  les  côtes  de  l'Afrique 
pour  les  rattacher  à  Tun  des  deux  em- 
pires. Il  les  persécuta  donc  aussi  pour 
des  raisons  politiques ,  parce  qu'ils  se 
défiaient  d'eux;  et  sa  sévérité  a  leur 
égard,  il  faut  le  croire,  augmenta  toutes 
tes  fois  qu'une  expédition  fut  dirigée 
par  les  Romains  vers  les  (Nrovinces  qu'il 
avait  conquises. 

(I)  L*évéqae  de  Carthage  Quodvultdeus  et  ses 
coiDopagnons  échappèrent  h  la  mort.  Ils  furent 
pouâsés  par  le  vent  sur  la  côte  de  Naples.  Gen- 
sericuSf  Quodvultdeum  et  maximam  turbam 
clericorum,  navibus  /ractis  im^Msitos ,  nudos 
atque  expoliatos  expelli  pracepii  :  quos  Deus^ 
mtseratione  bonitatis suât  prospéra  navigation^ 
Neapolim  Campaniœ  perducere  dignatw  est 
civUatem,  Victor  de  Vita  ;  1 , 5. 

4. 


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55t 


L'ÛN1VER& 


Toutefois,  il  semble  que,  vers  la  fin 
de  sa  vie,  Geoséric  se  soit  relâché  de  sa 
rigueur.  Cest  qu'alors  nul  ennemi  ne 
luL  faisait  ombrage.  11  avait  conduit  à 
sa  chute  l'empire  d'Occident,  ruiné  la 
marinedes  Byzantins,  et  il  dominait^  par 
ses  flottes,  sur  toute  la  Méditerranée. 
Rien  ne  lui  résistait  en  Afrique.  £n  476, 
sur  la  prière  de  l'empereur  Zenon,  il 
permit  aux  catholiques  de  rouvrir  leurs 
églises  et  il  {rappela  les  évêques  qu'il 
avait  exilés.  On  pourrait  induire  de  ce 
fait,  qu'en  général,  illes  persécuta,  non 
comme  dissidents  religieux,  en  haine 
de  leurs  croyances ,  mais  comme  enne- 
mis de' sa  domination  (1). 

ÉDIT  DE  484  CONTRE  LES  CATHOLI- 
QUES ;  ÉTAT  DE  l'Église  d'afbique 

sous  LES  BOIS  HUNÉRIC,  GUNTHAMUND 

ET  THRASAHUND.  -  Hunéric,filset  suc- 
cesseur  de  Genséric ,  ne  persécuta  point 
les  catholiques  dans  les  premières  années 
de  son  règne.  11  ne  fut  cruel  alors  que 
pour  les  membres  de  sa  propre  famille 
et  pour  les  hommes  les  plus  illustres  de 
la  nation  vandale.  Ce  fut  seulement  en 
483 ,  qu'entraîné  par  l'esprit  de  seqte^  il 
tourna  ses  fureurs  contre  les  catholiques. 
Il  voulut  les  contraindre  à  embrasser 
l'arianisme.  Ceux  qui  résistèrent  furent 
dépouillés  de  leurs  biens  et  exilés.  Les 
prêtres  surtout  eurent  à  souffrir  du  zèle 
intolérant  de  Hunéric;  ils  furent  dépor- 
tés par  milliers ,  sans  défense  et  sans 
ressources,  dans  les  déserts  de  l' Afri- 
que. 

Pour  se  donner  sans  doute  un  pré- 
texte de  sévir,  le  roi  convoqua  un  grand 
concile  à  Cartbage.  Ariens  et  catholi- 
ques se  réunirent  dans  cette  ville  en  484  ; 
mais  à  la  suite  de  désordres  provoqués 
peut-être  par  Hunéric  lui-même  et  par 
les  évêques  qui  l'environnaient,  les  con- 
férences furent  interrompues.  La  sen- 
tence de  condamnation  avait  été  prépa- 
rée à  l'avance.  Le  roi,  accusant  les 
catholiques  d'avoir  mis  obstacle  à  Ja 
discussion,  publia  un  édit  qui  tes  pri- 
vait de  leurs  églises  et  prononçait,  con- 
tre eux  les  châtiments  les  plus  sévères, 
à  savoir  :  les  amendes,  les  confiscations , 
les  peines  corporelles,  l'exil,  et  même  la 

'  (I)  Voy.  sur  l'état  de  TÉçIise  d'Afrique,  au 
temps  de  Genséric ,  notre  Histoire  de  la  domi' 
nation  des  Fandales  eih  Afrique ,  p.  lO  et  suiv.; 
26  et  suiv. 


mort.  Cet  édit  reproduisait,  dans  leurs 
principales  dispositions,  toutes  les  lois 
promulguées  jadis  par  Honorius  contre 
le  schisme  ou  l'hérésie. 

L'édit  de  Hunéric  ne  contenait  point 
de  vaines  menaces  ;  il  fut  bientôt  exé-* 
cuté  avec  rigueur  dans  toutes  les  par- 
ties de  l'empire  vandale ,  et  alors  com- 
mença une  persécution  qui  fut  marquée 
par  aes  supplices  et  de  sanglantes  exé- 
cutions. Ce  fut  d'abord  sur  les  évêques 
2ui  s'étaient  rendus  à  la  conférence  de 
larthageque  tomba  la  colère  dû  roi.  Il 
ne  se  borna  noint  à  les  dépouiller  de 
leurs  églises;  il  les  fit  tous  arrêter  :  puis, 
il  condamna  les  uns  à  cultiver  la  terre , 
comme  esclaves,  les  autres  à  couper 
et  à  préparer ,  dans  l'île  de  Corse ,  les 
bois  qui  devaient  servir  à  la  construc- 
tion de  ses  vaisseaux  (1). 

Sous  le  règne  de  Gunthamund ,  les 
catholiques  jouirent  de  quel(|ues  ins, 
tants  de  repos.  Alors  les  évêques  exilé- 
revinrent  de  toutes  parts  et,  parmi  euxs 
Eugène,  qui,  en487,  reprit  possession  du 
siège  épiscopal  de  Cartbage  (2).  Mais  ce 
repos  ne  devait  pas  être  de  longue  dorée. 
Tnrasamund,  qui  devint  roi  en  496, 
persécuta  de  nouveau  les  catholiques. 
C'était  un  homme  lettré,  d'un  esprit  sub- 
til ,  qui  aimait  la  controverse  et  se  plai- 
sait aux  discussions  théologiques.  Il 
traita  les  ennemis  de  sa  croyance  à  la 
manière  de  Julien.  Il  les  attaqua  par  les 
railleries,  le  mépris  et  l'outrage.  Cepen- 
dant, il  ne  put  toujours  soutenir  son 
rôle;  plus  d'une  fois,  renonçant  à  feindre 
la  modération  et  la  tolérance ,  il  laissa 
librement  éclater  sa  haine  contre  ceux 
qui  ne  partageaient  point  ses  opinions 
religieuses.  Ce  fut  ainsi  qu'il  força  Eu- 
gène à  quitter  encore  son  siège  épisco- 
§al  et  à  s'exiler  de  Cartbage ,  et  que , 
ans  l'année  507,  il  fit  déporter  en 
Sardaigne  les  évêques  de  la  Byzacène. 
L'Église  d'Afrique  ne  souffrait  pas. 
seulement  alors  de  l'intolérance  des  rois 
vandales ,  elle  était  encore  attaquée  et 
affaiblie  parles  tribus  du  désert.  Celles- 
ci  ,  profitant  de  la  faiblesse  des  succes- 
seurs de  Censéric ,  avaient  recommencé 

(1)  Nous  avons  déjà  donné,  dans  ce  volnme, 
redit  de  484,  et  raconté,  avec  quelque  éten- 
due, la  persécution  qui  le  suivit.  Yoy.  notre 
Histoire  de  la  domination  des  Fandales  en 
J/rique^  p.  33  et  suiv. 

(2)  Morcelli  (  Âfric,  christ,  )  ;  1. 1 ,  p.  56. 


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AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


iâ  guerre  contre  la  civilisation.  Elles  8*é- 
taient  jetées  surl'empire  vandale  et  elles 
avaient  rapporté  le  paganisme  dans  les 
contrées  qu  elles  avaient  envahies. 

LA  TOLÉBANGE  DU  BOI  BILDBRIG 
AMBNB  UNE   BBYOLUTION;  OELIMEB; 

l'éolisb  catholique  TBIOMPHE  PAB 
BÉLisAiBE.  —  Thrasamund  mourut  en 
523.  Il  laissait  le  trône  à  Hildéric ,  qui 
avait  longtemps  vécu  à  Gonstantinople 
et  qui  était  peut-être  catholique.  A  Ta- 
vénement  de  ce  prince,  la  persécution 
cessa.  Tous  les  exilés  pour  cause  de 
religion  furent  rappelés.  Les  supplices 
ou  rexil  avaientfaitdegrands  videsdans 
Fépiscopat,  Hildéric  ne  s'opposa  point , 
comme  son  prédécesseur ,  à  ce  qu'ils 
fussent  remplis.  Dans  toutes  les  provin- 
ces, les  catholiques  furent  remis  en  pos- 
session des  églises  qui  leur  avaient  été 
enlevées.  Ils  jouirent  dès  lors  d'une  telle 
liberté  que  leurs  évéques  n'hésitèrent 
point  à  se  rassembler,  à  Carthage  même , 
pour  délibérer  publiquement  sur  les  be- 
soins de  l'Église.  Ce  fut  là,  en  effet, 
sous  les  yeux  du  roi,  qu'ils  tinrent,  en 
524  ou  525,  un  concile  présidé  par  le 
primat  de  l'Afrique,  Bomface  (1). 

Mais  les  hommes  de  race  vandale  et 
même  les  Romains  qui  avaient  embrassé 
l'arianisme  blâmaient  la  tolérance  et  la 
modération  de  Hildéric.  Ils  n'avaient 
point  cessé ,  avec  raison ,  de  considérer 
les  catholiques  comme  dé  mortels  en- 
nemis. Us  les  accusaient  de  chercher, 
par  leurs  relations  secrètes  avec  l'em- 
pire ,  le  renversement  de  la  domination 
vandale.  A  la  fin,  Hildéric  lui-même, 
qui  entretenait  avec  la  cour  de  Gonstanti- 
nople de  fréquents  rapports,  et  qui  avait 
eu  l'imprudence  de  placer  sur  ses  mon- 
naies 1  effigie  de  Justinien,  fut  soup- 
çonné de  partager,  contre  sa  nation  et  sa 
propre  famille,  les  haines  des  catholi- 
ques. Une  révolte  éclata;  Hildéric  fut 
renversé  du  trône  et  Gélîmer  le  rem- 
plaça. 

Cette  réaction  de  l'arianisme  ne  fut 
pas  de  longue  durée.  Justinien  leva  une 
armée  pour  soutenir  le  roi  déchu.  Ce 
fut  en  533  que  Bélisaire  mit  fin  à  la  do- 
mination des  Vandales  et  que ,  Hildéric 
étant  mort,  il  prit  possession  de  l'A- 


(  I  )  On  comjpla  59  évéqaes  dans  ce  concile.  Voy . 
Hardouin;  (Jonc.  t.  II,  p,  1154* 


53 

frique  au  nom  de  l'empereur.  Les  ra- 
pides et  brillants  succès  du  général 
byzantin  donnèrent  enfin  la  victoire  et 
la  paix  à  l'Église  catholique. 

NOUVELLE      BB  action;     ÉDIT     DE 

justinien;  bappobts  avec  l'église 
DE  bomb;  concile;  état  de  l'église 

d'afBIQUE     sous      LA     DOMINATION 

BYZANTINE.  —Une ancienne  tradition 
racontée  par  Procope  (1)  nous  montre 
que  les  catholiaues,  depuis  le  règne  de 
Genséric  jusqu  aux  victoires  des  soldats 
de  Justinien,  n'avaient  point  cessé  de 
conspirer ,  au  moins  en  pensée ,  contre 
les  conquérants  barbares.  En  533 ,  ils 
accueillirent  Bélisaire  comme  un  libéra- 
teur. Il  est  vraisemblable  que  dès  l'ins- 
tant où  le  représentant  de  Justinien 
Sarut  sur  les  cotes  de  l'Afriaue,  ils  l'ai- 
èrent  de  leurs  conseils  et  de  leurs  se- 
crets avis.  D'ailleurs ,  en  ne  résistant 
point  à  l'armée  impériale ,  en  lui  lais- 
sant libre  passage  dans  toutes  les  villes, 
depuis  Syllectum  jusqu'à  Carthage ,  ils 
contribuèrent,  autant  qu'ils  le  pouvaient 
alors,  à  la  chute  de  la  domination  van- 
dale. 

Une  nouvelle  réaction  reli^euse  sui- 
vit de  près  la  victoire  de  Bélisaire.  Les 
catholiques  s'empressèrent  de  profiter 
de  la  défiance  que  les  hérésiarques  et 
les  schismatiques  inspiraient  à  la  cour 
de  Byzance  pour  se  venger  de  tous  les 
maux  qu'ils  avaient  soufferts.  Ils  s'a- 
dressèrent à  Justinien.  C'était  princi- 
palement l'hérésie  gui  avait  donné  force 
et  durée  à  l'empire  vandale.  C'était 
elle  aussi  qui ,  peu  d'années  aupara- 
vant, avait  précipité  du  trône  Hildéric, 
le  protecteur  des  orthodoxes  etl'ami  des 
Byzantins.  Justinien  ne  l'ignorait  pas , 
et ,  par  politique  autant  que  par  zèle  reli- 
gieux, il  prit,  contre  les  ariens ,  les  do- 
natistes  et  les  autres  dissidents,  de  sé- 
vères mesures.  Par  un  édit  de  435 ,  il 
les  écarta  des  fonctions  publiques ,  les 
dépouilla  de  leurs  biens,  leur  enleva 
leurs  églises,  et  leur  défendit  d'élire  des 
évéques ,  de  conférer  les  ordres  et  de 
baptiser  (2).  Les  juifs  aussi  furent  enve- 
loppés dans  l'arrêt  de  proscription. 

C'était  donc  la  peur  qui  avait  dicté 
cette  loi  violente.  Plus  d  une  fois  alors 

(I)  Voy.  notre  Hist.  de  ladomination  des  Fan» 
dates  en  Jfrique^  p.  58. 
"(2)  Baronius ,  ad.  an,  635 


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•-54 


L'UNiVERS. 


on  accusa  les  dissidents  de  œnspirel^^ 
non  sur  des  preuves,  mais  seulement 
parce  qu'on  les  craignait.  Toutefois,  It 
ïaut  dire  crue  les  Vandales,  dépossédés 
etinon  exiles ,  que  les  hérésiarques  et  les 
schismatîques  qui  s'étaient  attacha  à 
la  fortune  des  conquérants  barbares,  éé- 
siraient  ardemment  ta  chute  de  la  do- 
mination byzantine.  Ils  prirent  pai^t,  H 
n'en  faut  pas  douter ,  à  tous  les  troubreâ 
qui  bouleversèrent  i^Afriquiô  deptiis  l^ 
départ  de  Bélisaire  jusqu'à  rinvâsioh 
arabe.  Par  la  force  des  choses,  ils  de- 
vaient conspirer  contre  Justinien  et  ses 
successeurs,  comme  les  catholi^àues, 
depuis  Gedséric  jusqu'à  Gélîmerj 
avaient  conspiré  contre  les  Vandales. 

Les  Byzantins  achevaient  à  peihe  de 
soumettre  les  provinces  qui  avaient 
appartenu  aux  Vandales  que  l'Églisié 
catholique  d'Afrique  songea  à  se  reor*^ 
ganiser.  D'abord ,  pour  traiter  les  nottl- 
breuses  affaires  que  lui  donnait  sa  isi- 
tuation  nouvelle,  elle  tint  un  concile. 
Ce  fut  à  cette  un  que  deux  cent  dît- 
sept  évéques  se  réunirent  à  Carthâgè, 
en  534 ,  sous  la  présidence  du  ()rimat 
ïléparatus  (1).  Ensuite  elle  se  remit  dans 
des  rapports  assidus  avec  Rome  et  \eà 
autres  Églises  du  monde  chrétien  (2), 

Elle  forma ,  peut-être  dès  la  même 
époque ,  les  quatre  provinces  ecclésiasti- 
ques qui  suDsistaient  eïicore,  suivant 
d'anciens  documents ,  en  l'année  64d, 
Ces  quatre  provinces  étaient  :  i°  la 
Proconsulaire;  2°  la  Numidie;  S**  là 
Mauritanie;  4°  la  Byzacêne.  Sous 
le  nom  général  de  Mauritanie  se  trou- 
vaient comprises  la  Césarienne.,  la  Slti- 
fienne  et  la  Tineitané.  La  ïripolitaine 
avait  été  rattachée  à  la  Byzacêne. 

Depuis  la  conquête  accomplie  pair 
Bélisaire  jusqu'à  l'invasion  des  Arabes , 
l'Église  d  Afrique  eut  sans  doute  beau- 
coup à  souffrir  des  révoltes  et  dés  trou- 
bles qui  à  diverses  époques  éclatèrent  à 
Carthage  et  dans  toutes  les  provinces 
soumises  à  la  domination  byzantine. 
Mais  ce  qui  contribua  surtout  à  l'affai- 
blir ,  et ,  si  nous  pouvons  nous  servir  de 
cette  expression,  à  amoinarir  son  do- 

(l)Hardouin;  Concil.  t.  II,  p.  1154  et  1177. 
-^  Reparatus  venait  de  8ucce(Jter  sur  le  siège 
épiscopal  de  Carthage  à  Boniface. 

(2)  Voy.  MorceUi  {J/r.chist.)\  ad  an,  535; 
t.  III ,  p.  282  et  sqq. 


-maine ,  ce  fat  la  guerre  «ontlndélte  âne 
firent  à  l'empire  ^  à  la  civilisatioé 
^es  populations  indigènes.  Salomon> 
Jean  Troglita,  Génnadius,  eux-méài^', 
lès  plus  illustres  de  Ions  lia  glénéraux 
qui  vinrent  deCo^tantfnople,  ne  purent 
toujours  refouler  et  contenir  les  tribus 
du  déisert.  Gurdéeis,  pendant  uii  siède  ^ 
pat  des  cheft  qui ,  comme  Yabdas,  Att- 
talas ,  Càrcas&n  et  Gasmtri,  avaient  ravi 
sans  doute  à  là  tactique  ronoaiiie  qtiel- 
flueS-uns  de  ses  secrets ,  «lies  ne  ces- 
sèrent de  foire  des  progr^,  gagnant 
chaque  jour  une  nouvelle  part  de  terrî- 
toîre  sur  la  civilisation,  et  ramenant  jus- 

2 D'à  la  côte  le  paganisme  et  la  l»ar* 
arie. 

Les  Arabes,  de  647  à  69t,  adieVèUftHt 
l'œuvre  des  tribus  indigènes  et  fartè- 
rent à  la  domination  romaine  le  dernier 
coup.  En  moins  d'un  demi-ëiècle ,  <gll 
effet,  Us  établirent  l'islamisme,  par  la 
force  du  sabre ,  sur  toute  la  côte  6eo- 
tentrionale  de  l'Afrique.  Alors  les  év€- 

Îues  et  les  prêtres  s'enfuirent  et  se  dis* 
ersèrent;  les  uns  se  retirèrent  sur  lefei 
terres  encore  soumises  aux  empereul^ 
de  Constantinople;  les  autres  en  Itatîet 
d'autres,  enfin,  comme  Potentîmis» 
évêque  d'TJtîque,  chercherez  nh  a^§ 
en  Espagne  (1). 

CONCLUSION.  —  Ap^  cette  terrible 
invasion  il  ré^ta  pourtant  des  ehrétienâ 
en  Afrique.  Nul,  atgourdlmî,  W&  batt- 
rait dire  précisément  à  quelles  condi- 
tions les  conquéraiQts  arabes  laissèrent 
au  milieu  d'eux,  pendant  phisieurs  siè- 
cles ,  cette  part  de  la  population  rom  aine 
qui  n'avait  abandonné  ni  son  culte ,  nf 
sa  foi.  Un  seul  fait  nous  semble  bots  ^ 
doute,  c'est  que  Texistence  de  cette 
population,  vouée  par  l'islamisme  as 
topris  et  aux  outrages,  exposée  sans 
cesse  à  une  comnliète  extermination,  ne 
fot  qu'une  longue  suite  de  sou^rances* 

Nous  savons,  en  effet,  par  d'anciens 
documents ,  combien  fut  triste  et  mifiéi- 
rable  l'état  de  l'Église  d'Afrique ,  pen- 
dant le  moyen  âge.  Elle  souffrit  alors, 
non- seulement  de  la  persécution ,  naais 
encore  de  ses  discordes.  Elle  ne  cessa 
pas  d'être  en  proie  à  ces  querelles  et  à 
ces  divisions  qui,  dans  le  cours  éa  qo»» 


(I)  MorcelU  (  4frica  christiana  )  ;  a(f  a». 
669;  t.  Kl,  p.  392. 


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À^MQUE  cbreheniii:. 


tirlèmé  siècle,  iAyaiêttt  tant  feit  pour  sa 
mine.  En  l'amiëe  899  \  des  députés  de 
l'Afrique  Vinrent  à  Rome  et  s^adressè- 
rent  au  pape ,  lui  demandant  ses  eon- 
seils  et  sa  médiation  pour  arrêter  un 
schisme  qui  avait  éclaté  entre  les  évé- 
ques  (1). 

Plus  tard ,  vers  1054,  une  lettre  venue 
de  Carthage  à  la  cour  du  souverain  pon- 
tife atteste  une  nouvelle  discorde.  Le 
métropolitain  Thomas  écrit  à  Léon  IX 
pour  se  plaindre  de  Tévéque  de  Gum- 
mase,  en  Byzacène ,  qui  se  croyait  et 
se  disait  son  égal.  Le  pape  reconnaît, 
dans  sa  réponse,  les  droits  de  Thomas. 
«  Après  le  souverain  pontife,  lui  dit-il, 
nul  n'est  plqs  élevé,  en  Afrique,  que 
TarchevêquedeCarthage.  »  Ildéclare  que 
les  autres  évéques  ne  peuvent  ni  sacrer, 
ni  déposer,  m  assemoler  des  conciles 
sans  l'assentiment  du  métropolitain. 
Léon  IX  vovait  avec  tristesse  rétat  de 
l'Église  d'Afrique,  et  ce  n'était  pas  sans 
une  profonde  douleur,  comme  il  le  di- 
sait lui-même,  qu'il  ne  comptait  que 
cinq  évéques  dans  une  contrée  qui  jadis 
en  réunissait  plus  de  deux  cents  pour 
ses  conciles  (2). 

Ces  cinq  évéques  étaient  réduits  à  deux 
vers  1076.  Ce  fut  alors  que  Grégoire 
VU  écrivit,  à  Carthage,  au  métropo- 
litain Cyriaque ,  pour  lui  recommander, 
lorsqu'il  n'v  aurait  que  deux  évéques  en 
Afrique ,  de  procéder  à  l'élection  d'un 
troisième ,  qui  se  rendrait  à  Rome  et  s'y 
ferait  sacrer.  C'est  afin,  dit  le  pape, 
que  {>lus  tard  les  consécrations  puissent 
se  faire,  en  Afrique  même ,  par  les  évé- 
ques réunis  au  nombre  prescrit  par 
les  canons;  et  il  sacra  lui-même^  pour 
commencer,  Servandus ,  qui  devait  être 


ne  savait  en  quelle  province  était  le 
siège  épiscopal  illustré  par  saint  Au- 
gustin. Dans  la  lettre  qu'il  écrivit  à 
propos  de  l'élection  de  Servandus,  il 
place  Hippone  dans  la  Mauritanie  Siti- 
fienne.   Quant  au  métropolitain  Cyria- 

(I)Frodoard;rv»2. 

(2)  Decus  ccclesiarnm  afrtcanarum  ila 
conculcatum  a  qeîUibits  mmium  dolemus, 
ut  modo  vix  qutnque  inveniantur  episcopi , 
ubi  olim  ducenii  quinque  solebani  per  conçu 
lia  ptenaria  computan,  Hardouin  ;  ÇonciL  t. 
YI,p.060, 


55 

cme,  il  fdt  victhne  des  interminables 
discordes  de  ses  frères  les  chrétiens.  Ac- 
cusé par  ^ux  auprès  des  Sarrasins,  il 
eut  à  supporter  les  plus  odieux  traite- 
ments et  les  plus  cruels  outrages(l}. 

Ce  sont  là  les  derniers  et  tristes  sou- 
venirs laissés  par  l'Église  dont  nous 
voulions  écrire  l'histoire.  Vers  1146, 
la  secte  des  Almohades,  qui  vainquit  et 
extermina  celle  des  Almoravides ,  porta 
en  Afrique  le  dernier  coup  au  christia- 
nisme (2). 

Les  chrétiens  d'Europe  savaient  en- 
core vaguement  au  moyen  âse  que  par 
delà  la  Méditerranée ,  non  loin  de  l'I- 
talie, de  la  France  et  de  l'Espagne  se 
trouvait  une  côte  belle  et  fertile  où 
avaient  existé  jadis  des  églises  sans 
nombre  et  de  populeuses  cites,  et  ils  s'é- 
murent aux  lamentables  récits  que  leur 
firent,  sans  doute,  ceux  qui  avaient 
échappé  par  la  fuite  au  fer  des  Al- 
mohades. Alors,  dans  ce  temps  d'hé- 
roïque ignorance  où  rien  ne  paraissait 
impossible  à  quiconque  croyait  et  vou- 
lait fermement,  plusieurs  songèrent  à 
reconquérir,  au  profit  du  christianisme , 
cette  terre  désolée.  En  l'année  1226 , 
de  pauvres  religieux,  n'ayant  pour  res- 
sources et  pour  appui  que  leur  foi  et  que 
leur  zèle,  s'embarquèrent  pour  l'Afrique, 
où  ils  essayèrent  en  vain  de  prêcher 
l'Évangile.  En  1270,  un  roi  de  France 
campa  avec  son  armée  sur  les  ruines  de 
Carthage.  Mais  alors  et  depuis,  pendant 
sept  siècles ,  les  efforts  de  ceux  qui  sou- 
mettent les  peuples  par  l'épée  ou  par  la 
parole  demeurèrent  impuissants.  Toutes 
leurs  entreprises  échouèrent,  et  quand 
ils  parvinrent  à  prendre  possession  de 

(1)  Hardoaiu;  Cowc.,  t  VI ,  p.  I34I.  — Greg. 
vu  EpisL,  Ub.  1,  22. 

(2)  Il  resta  pourtant  quelques  chrétiens  sur 
la  côte  d* Afrique.  Placés  au  milieu  d'une  po- 
polaUon  fanatique  et  barbare,  ils  étaient  dans 
une  sltuaUon  déplorable.  .Guillaume  de  Nan- 
ffis  nous  apprena  qu'au  temps  de  TexpédiUon 
de  saint  Louis ,  il  y  avait  encore  a  Tunis 
des  prêtres  et  des  égUses.  Les  musulmans  je- 
tèrent en  prison  tous  les  chrétiens  quand  ils 
apprirent  que  Tarmée  française  avait  touché 
les  côtes  de  TA-frique.  Erai  in  urbe  Tunarum 
multiiudochristianorumjugo  tamen  servitutis 
Sarracenorum  oppressa^  et fratrum Prœdica- 
torum  eonoregatto ,  ac  ecclesiœ  consiructœ  in 
quibusjideîes  quotidie  confiuebant  :  quos  omnes, 
ex  sui  régi»  prœcept/o^^  Sarmceni  capios  incar- 
ceraverant  cumflnestuos  intravisseFrancorum 
exercitum  cognoviss&nt.  Gesta  Philippi  III  ; 
voy.  les  Hiitoriens  de  France,  t.  XX ,  p.  478. 


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L'UNIVERS.  AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


56 


quelques  points  de  la  côte,  leurs  établis* 
semepts  durèrent  peu.  L'Europe  pour- 
tant ne  s'est  jamais  lassée  et  ses  espé- 
rances n'ont  pas  été  vaines.  La  race  de 
guerriers  qu  un  écrivain  ecclésiastique 
appelait  de  tous  ses  vœux ,  au  commen- 
cement de  notre  siècle,  pour  une  dernière 


croisade ,  s'est  enfin  montrée;  elle  est 
sortie  de  la  France,  pays  privilégié  au- 
quel la  Providence  avait  réservé  la  gloire 
de  rattacher  l'Afrique  au  système  poli- 
tique des  nations  européennes  et  de  la 
faire  participer  de  nouveau  à  la  vie  du 
monde  chrétien  et  civilisé. 


FIN  DE  L'AFRIQUE  CHRETIENNE. 


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APPENDICE. 

LISTES  D'ÉVÉQUES. 


Nous  avons  dû  faire  un  choix  parmi 
les  nombreuses  cités  qui  couvraient  le 
sol  de  l'Afrique  ancienne.  D'abord 
nous  avons  pris  Carthage ,  la  grande 
métropole  chrétienne, ensuite  quelques- 
unes  des  villes  qui  sont  soumises  aujour- 
d'hui à  la  domination  française. 

Cabthage. 

4grippintis;  c'est  le  premier  évéque 
connu.  Son  épiscopat  peut  être  reporté 
aux  dernières  années  du  second  siècle. 

Optatus  fut  évéque  au  commence- 
ment du  troisième  siècle.  Il  succéda 
peut-être  à  Agrippînus. 

Cyrus  doit  être  placé  après  Optatus, 
suivant  Morcelli. 

Donatus  mourut  en  248. 

Cyprianus  (S.  Cyprien  )  lui  succéda. 
11  fut  décapité  en  258. 

Carpophorus  lui  succéda,  suivant 
Morcelli. 

Lucianus  fut  évéque  vers  la  fin  du 
troisième  siècle. 

Mensurius  occupait  déjà  le  siège 
épiscopal  à  l'époque  où  fut  promulgué 
l'édit  de  Nicomédie.  11  mourut  en  3 1 1 . 

Cœcilîanus,  Ce  fut  à  propos  de  son 
élection  que  commença  le  schisme  des 
donatistes.  On  sait  positivement  qu'il 
vivait  encore  en  321 .  Il  assista  peut-être 
au  concile  de  Nicée  en  325. 

Rufm  est  nommé  dans  un  concile  de 
337. 

Gralm  présida  un  concile  à  Carthage 
en  349. 

Restitutus  était  évéque  de  Carthage 
en  359. 

Geneclius  mZS\, 

uéurelius  monta  sur  le  siège  épiscopal 
de  Carthage  en  391.  Il  mourut  vers  426. 
.  Capreolus  était  évéque  vers  435. 

Çuodvulideus  prit  possession  du  siège 
épiscopal  vers  437. 

Deogratias  fut  évéque  de  454  à  457. 


Eugenius  fut  sacré  en  479. 11  fut 
chassé  d'Afrique  par  le  roi  Thrasamund 
et  mourut  dans  les  Gaules  à  la  fin  du 
cinquième  siècle. 

Fabius  Furius  Fulgentius  Planciada? 
Morcelli  le  rejette  de  sa  liste. 

Bonifacius  monta  sur  le  siège  épisco- 
pal vers  523.  Il  mourut  en  535  après  la 
chute  de  la  domination  vandale. 

Reparatus  lui  succéda.  On  sait  qu'il 
se  rendit  à  Constantinople  en  551 . 

Primasius.  Morcelli  pense  qu'il  ne 
mourut  pas  avant  l'année  565. 

Publianus  était  encore  évéque  en  581 . 

Dominicus  occupait  déjà  le  siège 
épiscopal  en  591.  Il  vivait  encore  en 
601. 

Fortunius  était  évéque  en  640. 

Fictor  occupait  encore  le  siège  épis- 
copal en  649. 

Après  l'invasion  des  Arabes  il  faut 
franchir  quatre  siècles  pour  retrouver 
un  évéque  de  Carthage. 

Thomas  occupait  Te  siège  épiscopal 
en  1054.  Il  fut  en  relation  avec  le  pape 
Léon  IX. 

Cyriacus^  évéque  de  Carthage  en  1076, 
futen  relation  avec  le  pape  Grégoire  VU. 

De  1461  à  1804 ,  douze  prélats  euro- 
péens, suivant  Morcelli  ont  porté  te 
titre  d'évêquesde  Carthage. 

CiKTA  (CONSTANTINE). 

Crescens  est  le  premier  évéque  connu. 
En  255 ,  il  vint  à  Carthage  pour  assis- 
ter au  concile  présidé  par  saint  Cyprien 
et  où  devait  être  débattue  la  question 
du  baptême  des  hérétiques. 

Paulus  était  évéque  lorsque  fut  pro- 
mulgué l'édit  de  Nicomédie  (303).  U 
inourut  vers  305. 

Sylvanus  succéda  à  Paulus. 

Zeuzius  occupait  le  siège  épiscopal 
en  330; 

Generosus ,  vers  400. 


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5S 


APPENDICE, 


Profuturus  succéda  à  Generosus  ;  on 
ne  saurait  porter  au  delà  de  410  la  durée 
de  son  épiscopat. 

Fortunatus  assista  à  la  conférence  de 
Carthage ,  en  41 1 .  Il  fut  un  des  sept  corn- 
missaires  choisis  par  le  parti  catholi- 
que. 

ffanoratus  Antaiiinus  était  évêque 
sous  le  règne  de  Genséric. 

P'îctor  est  le  dernier  évêque  de  Cirta 
ou  Constantîne  dont  Tbistoire  nous  ait 
conservé  le  souvenir.  Il  vint,  en  484,  au 
concile  convoqué  à  Carnage  par  Htm- 
rie ,  roi  des  Vandales. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que 
nous  n'avons  pas  nommé  ici  l^s  évéques 
donatistes.  11  en  est  un  pourtant  <}ni  mé' 
rite  d'être  mentionné  è  causé  de  sa 
grande  réputation  ;  c'est  PêtUien. 

HiPPO-REèlUS  tÔONÉ  *), 

Théogène  est  le  preimer  évêque 
connu.  Il  assista  an  concile  convoqué  en 
255  par  saint  Gyprien. 

Fidentita  occupt  le  «fége  épleeopal 
vers  304  (?). 

LeonUus.  On  ne  sauréÂt  prédser  Té- 
pogue  où  il  occupa  le  siège  épisc(M)àl. 
Il  fut  peut-être  le  eucceeseur  «e  Fiden- 
tius. 

Faustinus  était  donatiste.  Suivant 
Morcelli ,  il  fut  contemporain  des  empe- 
reurs Constance  et  Jnlien. 

Falerius  était  déjà  évêque  d'Hippone 
lorsque  saint  Au^stin  revint  d'Italie. 

Angustiims  (  samt  Augustin  ),  de  ^%^ 
à  430. 

Heraclius  avait  été  désigné  an  choix 
du  clergé  et  du  peuple  par  saint  Au-^ 
gustin  lui-même.  Il  devait  lui  succéder; 
mais  il.est  vraisemblable ,  qu'il  ne  teft^- 
plit  pas  ses  fonctions,  puisque  la  ville 
d'Hippone  fut  3accagée  et  orûlée  par 
les  Vandales.  Elle  ne  se  releva  que  plus 
tard. 

Servandus  fut  sacré  évêque  d'HIppoiie 
par  le  pape  Grégoire  VII,  vers  1076. 

De  tous  les  évêques  aui  ont  r^itfé 
àHippone ,  Servandus  est  iederhier  dont 
le  nom  soit  arrivé  jusqu'à  nous.  Nous 
devons  dire  qu'à  partir  du  quatorzième 
siècle  un  grand  nombre  de  ^lats  eii« 

(*)  La  vUle  modertie  de  Bone,  cojpime Jlpas 
l'avons  dit  dans  notre  histoire  des  Fandam* 
est  située  à  quelque  distance  de  rempla(!èment 
^HippO'Regius, 


ropéens  ont  porté  le  titre  qu'avait  il 
lustré  saint  Augustin.  Morcelli  en 
éonipte  qitarÀnte-trois  (de  1375  à  1795). 

SfTlFI   (SÉTIP). 

Severus^  vers  400. 

Novaïus  assista  à  Carthage ,  à  la  con- 
férence de  41 1  et  au  concile  de  419. 

Donatus  vint  au  concile  convoqué  en 
484,  par  Hunéric ,  roi  des  Vandales. 
.  Optatus  vint  au  concile  convoaué  en 
525  par  Boniface,  évêque  de  Cartnage. 

!0{.*GiBSÂ&E4  (  CHBRGHEL  ) 

Quatre  noms  &eulement  ont  échappé 
à  l'oubli. 

Fortunatus  était  évêque  de  Iol-C«sa- 
rea,  en  314.  Il  assista  au  concile  d'Ar- 
les où  furent  condamnés  les  donatis- 
tes. 

Clemens  occupait  le  siège  épiscopal 
au  temps  de  la  révolte  de  Firmus,  vers 
372. 

Deutetius  assista  à  la  grande  confé- 
rence qui  eut  lieu  à  Carthage ,  en  41 1  « 
entre  les  catholiques  et  les  donatistes. 

Apocorîus^  enfin,  vint  au  concile  ^ uî 
fut  convoqué,  en  484,  par  iBLunéric, 
roi  des  Vandales. 

CUICULUM  t  JlMMifiÂH). 

Fudentianus  assista ,  en  255 ,  au  cott- 
cile  de  Carthage  où  fut  discutée  la  ques 
tion  du  baptême  des  hérétiques. 

Elpîdepkorus  assista,  en  348,  au  con- 
cile de  Carthage  présidé  par  le  métro- 
politain Gratus. 

Cresconius  assista  à  la  conférence 
qui  eut  lieu  à  Carthage ,  entre  les  ca- 
tnoliques  et  les  donatistes,  en  41 1 . 

Fictor  vint  au  concile  convoqué ,  en 
484 ,  par  Hunéric ,.  roi  des  Vandales. 

Crescens  se  rendit  à  Conslantinople 
et  assista,  en  553 ,  au  cinquième  concile 
cecuniénique. 

ICOSIUH  (AliGBB).  ' 

Crescens  assista ,  en  411 ,  à  la  confé* 
rence  de  Carthage.  Il  était  du  parti  des 
donatistes. 

LcntrenUus  assista ,  en  419 ,  au  conene 
convoqué  à  Carthage  par  l'évêque  Au- 
rdius. 

Fictor  vint  au  concile  convoqué,  en 
484 .  par  Hunéric^  roi  des  Vamdale»* 


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APPENDICE.  59 

IGILGILI  (JlGEL).  SALBiE  (BOUGIS). 

re£?dKtTaL?'*°^"'^'"  ""''^"  Pascluxsiuse^thson]  évêque  de  cette 

Domitianus  Vint  au  concUe  convo-  7,'"?  ?""*  '«  T  "'*  ««''«PP^  M'""''"- 

que,  en  484,  par  Hunéric,  roi  des  «  vint  an  concile  convoau^,  en 484,  par 

Vandales.                ""»«'*'»  »"'  "»  Hunénc,  roi  des  Vandales. 


.  Digitized  by 


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TABLE 

DE  L'AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


A. 

ihWne^  ville  de  laProooiisalaire;coarageu8e 

conduite    des  clirétiens  de  cette  ville  sous 

Dioclétien  ;  ses  martyrs;  p.  18.  a. 
Adeéodat,  lifsdesaiut  Augustin; p.  31.  a  et  b. 
Agrippintu,  premier  évéque  connu  de  Carthage  ; 

son  opinion  sur  le  baptême  ;  il  tient  un  con- 
cile :  p.  2.  a. 
Jlmohades  (les  )  font  disparaître  de  TAfrique 

Jusqu'au  dernier  vestige  du  christianisme  : 

p.  65.  b. 
Alypius^  ami  de  saint  Augustin;  p.  30.  b  :  31. 

b  ;  36.  a. 
Ambroùe  ( saint  )  baptise  saint  Augustin;  p. 

31.  a. 
Anialas,  chef  des  tribus  maures;  p.  54.  a. 
Antoine  { Tévéque  )  condamné  par  les  évéques 

africains  est  soutenu  en  vain  par  TégUse  de 

Rome  ;  p.  42.  a. 
Antohien,  évéque  de  Numldie  ;  p.  14.  a. 
Jpiariut  (  le  prêtre  )  condamné  par  les  évéques 

africains  est  soutenu  en  vain  par  Téglise  de 

Rome  :  p.  42.  a. 
^0o%e/igu«(lMdeTertnllien;  p.  3  etsuiv. 
Apringius,  Juge  impérial  en  Afrique  ;  p.  38.  a 

et  b. 
Arabes:  leur  conquête;  ils  anéantissent  le 

christianisme  en  Afrique;  p.  54.  b. 
Arianisme  (  r  )  triomphe  en  Afrique  par  les 

Vandales  ;  p.  5o  et  suiv. 
Ariens  ;  leur  conduite  à  l'arrivée  des  Vandales  ; 

p.  44.  b. 
Arles,  Voy.  Conciles, 
Amobe:  sa  conversion;  il  écrit  un  ouvrage 

pour  la  défense  du  christianisme;  p.  19.  a. 
Astarié  Voy.  Junon- Céleste, 
Augustin  (saint).  Sa  vie  et  ses  ouvrages;  p. 

30-46. 

AuréUen  (Pempéreur  \  persécute  les  chrétiens 

d'Afrique:  pag.  16.  b. 
Aurélius;  évéque  cathoUqne  de  Carthage;  p. 

83.  b;  84.  a;  36.  a. 

B. 

Bélisaire;  son  expédition  en  Afrique:  il  met 
fin  h  la  domination  vandale  et  rena  la  paix 
à  l'église  catholique  ;  p.  53.  a  et  b. 

Bon\face  (le  comte);  p.  44.  a  et  b. 

Bon\face^  évéque  de  Carthage;  p.  53.  a. 

Botrus,  prêtre  de  Carthage,  ennemi  de  CécL- 
lien  ;  p.  19.  b. 


_que  de  Carthage  primat  de  l'Afdque;  46.  b. 

Cassien  ;  fia  doctrine  ;  p.  42.  b. 

CicUien,  évéque  de  Carthage;  U  succède  à 


Mensurius  ;  sa  lutte  contre  le  paKl  de  Donat 
des  Cases-Noires  ;  accusations  portées  con- 
tre lui  ;  il  est  reconnu  comme  évéque  légitime 
par  les  conciles  de  Rome  et  d'Arles  ;  p.  19  et 
suiv.;  sa  mort;  p.  27.  b. 

CéciliuSf  maître  de  saint  Cyprien;  p.  II.  a. 

Célestius,  ami  de  i'élage;  il  propage  en  Afrique 
le  pélagianiame  ;  p.  39  et  suiv. 

Celeusius,  prêtre  de  Carthage,  ennemi  de  Céci- 
lien  ;  p.  19.  b. 

CelsuSf  vicaire  impérial  en  Afrique,  sa  conduite 
à  l'égard  des  donatittes  ;  p.  24.  a  et  b. 

Christianisme,  A  quelle  époque  le  christia- 
nisme fut-il  introduit  en  Afrique  ?  p.  2.  a; 

^  à  quelle  époque  y  fut41  anéanti?  p.  55.  b. 

Circoncellions  (apparition  des );  p.  24.  b,  25.  a 
et  b  ;  leurs  excès  ;  ibid.  et  p.  28.  a  ;  caractère 
du  soulèvement  des  chrconcellions  ;  leurs  doc- 
trines; p.  25  etsuiv. 

Ctrto;  persécution  àCirta;  p.  16.  b. 

Conclus  africains,  p.  2.  a;  il.  a;  13.  b;  15. 

,  a;  19.  b;  20.  a;  28.  a;  28.  b;  32.  a.  33.  a  et 

b;  36,  et  suiv.;  40.  a;  41.  b;  52.  a:  53.  a  ;  54.  a. 

Concile  de  Rome  présidé  par  Miltiade  ;  les  do- 
natistes  y  sont  condamnés;  p.  20  et  suiv. 

Concile  d'Arles;  les  donatistes  y  sont  condam- 
nés; p.  23.  a  et  b;  24.  a. 

Conférence  entre  les  évéques  catholiques  et  les 
évéques  donatisteâ  à  Carthage,  p.  35  et  suiv. 

Constant  (  l*empereur  )  persécute  les  donatis- 
tes; p.  28.  a. 

Constantin  (  l'empereur  );  sa  conduite  à  Végard 
des  donatistes;  p.  20.  b;  23.  a;  24.  a  et  d. 

Cyprien  (  saint  )  ;  sa  vie  et  ses  ouvrages  ;  p. 
II—  16. 

Cyriaque,  évéque  de  Carthage  au  moyen  âge  ; 
p.  55.  a. 

Cyrus,  évéque  de  Carthage;  p.  II.  a. 

D. 

Deeiuê  (Pemperenr  )  promulgue  un  édit  de 
persécution;  p.  12.  a. 

Deuterius,  évéque  donatistede  la  Mauritanie; 
p  .  28  .  a. 

Dioclétien  (  l'eiqpereur);  ses  édits  de  persécu- 
tion; p.  16.  b;17.  J). 

Donat  prédécesseur  de  saint  Cyprien  sur  le 
siège  épiscopal  de  Carthage  ;  p.  il.. a. 

Donatt  des  Cases-Noires  ;  se  fait  à  Carnage  \b 
chef  du  parti  opposé  àCécilien;  p.  19.  b;il 
donne  son  nom  au  schisme,  p.  20  b;  lise 
porte  comme  accusateur  de  Cécilien ,  dans  le 
concile  de  Rcme  ;  p.  21.  b;  il  est  condamné 
comme  calomniateur;  p.  22.  a  et  b  ;  son  re- 
tour en  Afrique;  p.  22.  b. 

Donat,  évéque  donatiste  de  Carthage,  succède 
h  Malorin;  p.  27.  b;  son  opposition  aux  vo- 
lontés de  l'empereur  Constant  ;  p.  28.  a. 

Donatf  évéque  donatiste  de  Bagala  ;  sa  lutte 
contre  l'empereur  Constant;  p.  28.  a. 

Donatistes;  origine  du  scliisme  des  donatistes { 


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Ci 


TABLE 


p.  19  et  soiv;  lear  requête  à  Constantin;  p. 
20.  b  ;  ils  sont.coadamnés  dans  le  ooncUe  oe 
Rome  ;  p.  32.  a  et  b  ;  dans  le  concile  d'Arles  i 
p.  23.  a  et  b;  24  a;  par  Temperear,  à  Milan  ; 
p.  24.  a:  lear  obstination;  t^icf.;  ils  sont 
persécutes  ;  p.  24.  b  ;  Us  se  soulèvent  ;  ihid.  ; 
appréciation  du  schisme  des  donatistes;  p. 
25  et  suiT.;  conduite  des  donatistes  sous 
le  règne  de  Julien  ;  p.  29.  a;  leurs  divisions 
au  temps  de  saint  Augustin  ;  p.  33.  a;  sont 
poursuivis  avec  acharnement  ;  p.  34  et  suiv.; 
kor  conduite  k  Tarrivée  des  Vandales;  p* 

ÉgHses  (nombre  des  >  à  Carlhaga  ei  en  AM* 

^que;  p.  46.  b. 

iitt«nft«  (  le  pape  saint  >  ne  partagB  point  SOI  le 

baptême  des  hérétiques  l'optaioa  dt  saint 

Cyprien;  p.  16.  a. 
Eugène^  évegue  de  Carthage,  persécaii  par  tes 
.  rois  vandales;  p.  62.  b. 
Évéchés  (liste  des)  de  FAfrkfMt  p.  iê  et s«iv. 
^véoties(  listes  d*)  yoy.  F  appendice  p.  l^et 

siilv. 
fJ7«odNts,a]idde8aintAagiiitiA)p  ftl.k 

Fasiff  chef  des  circonceUioBt)  p.  25.  a. 
Péiichsime  excite  an  schisiae  i  Oartbaf»;  aft 

lutte  contre  saint  Cyprien;  p.  id.  a. 
BUKiié  (sainte  )  ;  son  martyre;  p.  6  et  soir. 
Klix,  évèqae  de  Tibiure  ;  son  oouraae  aa  tAraps 

de  la  persécution  de  Dioclétie»;  sa  mert^ 

p.  18.  a. 
Félix,  évéque  d'Aptonge,  impose  les  mains  à 

Cécilien  et  le  fait  évéque;  p.  19.  b;  sa  Justi- 

fication;  p.  22.  a;23.  a. 
Fortunat,  évéque  schismatiqae  dedartha^  p. 

18.  b. 
FoHunaty  prêtre  manichéen,  dispste  avic  saint 

AugU8ttn;p.  32.  a. 
Foriunius,  évêqoe  doaattstei  p.  S8«  a. 
FWitcfaitt»,  éTêque  d'AbitIne;    sa  Ucheié  «0 

temps  de  la  persécution;  p.  18.  a. 

G. 

Galerius  Maxime  (le  proconsul  d*Afrlqae) 
Juge  et  condamne  À  mort  saint  Cyprien;  p. 

.    16.  b. 

Cka«riiff  (le  César)  poosae  Biwléyea  à  lA  pei^ 
sécution;  p.  17.  a  et  b. 

ÇorgilierMes  (les  Thermes);  les  donatisiea  et 

^  les  catholiques  s*y  rassemblent  pour  lear  con- 
férence; p  36.  a. 

Gatmul,  chef  des  tribus  maares  ;  p.  M.  a* 

Gélimer  remplace  Hildéric  ;  réactk»  de  l'avisr 
nisme  sous  son  règne  ;  p.  63.  a. 

Gennadiut,  général  byzantin,  oombaten  i^fincfOÉ 
les  tribus  maares;  p.  M.  a. 

etfuérk,  roi  des  Vandales,  persécute  les  eetho- 
liques;  son  règne;  p.  AO  et  suiv. 

Glonug,  évéque  donaoste  ;  p.  83.  a. 

Gratut,  évéque  cathoUque  de  Cartbage  ;  p.  28. 
a  et  b. 

Gfégoêre  VII  (te  pape);  let  rapporte  ayee  1^ 
gfise  d'Afrique;  p.  66.  a  et  b. 

H. 

Méfoelien  (te comte);  sa  léToUe  en  Afrinae; 
BfracHu$\\e  prêtre)  est  choisi  poor  sacoéder 


à  saint  Augustin  sor  te  siège  épisoopal 
d'Hfppone;  p.  44.  a. 

SUaire  d'Arles ,  ses  rapports  avec  saint  An- 
ffustin;  p.  42.  b;  43.  a 

Buarien,  procurateur  en  Afrique,  sous  Septime 
Sévère;  il  Jage  et  condamne  Perpétue,  Féli- 
cité et  leurs  compagnons  ;  p.  7.  b. 

BildériCj  roi  vandale  ;  sa  tolérance  à  l'égard  des 
catholiques  ;  p.  52.  b,  et  53.  a. 

Bonorius  (l'empereur  );  favorable  à^  catboli- 
liques  :  p.  35  et  suiv.  ;  sévérité  de  ses  édits 
contre  les  donatistes;  p.  37.  b;  il  sévit  contre 
les  pélagiens  ;  p.  42.  a. 

l^unérk,  roi  des  Vandales  ;  son  inloléranoe  ;  il 
persécute  tes  catholiques;  p.  62.  a  et  b. 

1. 

Mnmoceni  1»  (te  pape)  condamna  Pelage  et 
Gélestias,  et  approuve  Fopînion  des  év^aes 
africains  dans  la  question  du  pélagianisme; 
1>.  41.  b. 

J. 

Julien  (  rémperear  )  fend  la  paix  à  T^gUse  do- 
.natiste;  ses  vues;  p.  28.  b  ;  28.  a*' 

Julien  (evêque  d'EcIane)  ;  ses  discuissions  avec 
saint  Augustin;  p.  42.  a. 

lunon-Céleste,  l'Aslarté  des  phéniciens;'  aoD 
culte;  son  temple;  p.  83.  b;  34.  à. 

Justinien  (  Fempereur  ),  après  les  victoirea  de 
Bélisaire,  prot^  tes  catholiques  et  persécute 
les  ariens  et  tes  autres  dissideots  ;  céactipa 
vteleote  ei^  Afrique;  p.  53.  a  et  b. 


Btunbèêe;  persécution  h  LairiMse;  p.  l«.  Ik 
Léon  IX  (  le  pape  )  intervient  dans  les  qoèréttes 

de  Fégfise  dTÂfrique;  sa  teltrè  à  Pdvèqiie 

Thomas  ;  p.  54.  b,  et  65.  a. 
iucien  (  te  martyr  )  ;  son  orgueil  ;  il  Httte  eqn- 

tre  saint  Cyprien  :  p.  12.  b. 
Lucien,  évéque  de  Garthage;  p.  le.  1}. 
Lucilla,  femme  riche  et  puissante,  sachent  per 

son  crédit  et  ses  richesses  les  ennemis  (|e  C^ 

ei1ien;p.  19.  b. 

IL 


p.  20-  a. 
Manichéens  ;  leur  conduite  à  l'arrivée  des  'VfOh 

dales  en  Afrique;  p,  44.  b. 
Marcellin  (le  tribun  )  préside  la  conférence  des 

évêques  donatistes  etcatholiques  à  Carthage^ 

U  est  favorable  aox  cathenqnes  ^  9.  se  4k 

suiT.,  samort;  p.87.  b. 
Masse-blanche;  c'est  te  nom  doBBéaax  seiiqee^ 

des  martyrs  d'Utiqoe»  p.  i^.  b. 
Maxida,  chef  des  circonOélNons  ;  p.  se.  e. 
Maxtme  {  i'évêque  arien)  dteciiM  avec  selat 

Augustin;  p.  43.  b.  ^ 

Maximianistes;  p.2'i.  A.  ^  ' 

Maximien,  évéque  donattete  de  Cartbage  ;  p. 

88   a. 
MensuHus^  évéque  de  Cartbags*  p*  16.  bk  $e 

prudence;  son  courage;  se  mort;  p.  ie»b} 

19.  a. 
Milan  (arrêt  de)  qui  oonarme  tes  sentences 

prononcées  contre  les  donatistes  par  tes  eoiH 

dles  de  Rome  et  d'Ailes  »  P  •  «♦•  5-   ^^ 
MiltiadeiXt  pape)  condamne  tes  doùatistes; 

p.  21  et  22. 


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DE  L'AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


63 


Morcelli  ;  son  oavrage  inlitalé  Africa  chns' 
Uana;  appréciation  de  cet  ouvrage;  note  de 

^'  ''  '  N. 

Néhridius,  ami  de  saint  Aasnstin;  p.  30.  b. 
mcomédie  { édit  de  );  p.  17.  a  et  b. 
Novat,  prêtre  carthaginois;  ses  intrigues  à  Car* 
thage  et  à  Rome;  p.  13.  a  et  b. 

0. 

optai,  second  évéque  de  Carthage;  p.  2.  a. 
Optai  (saint),  évéque  de  Miléve;  son  ouvrage 
sur  le  schisme  des  donatistes;  p.  29.  a  et  b. 
OroM( Paul);  p.  34.  b. 

P. 

Païens,  encore  nombreux  en  Afrique  au  com- 
mencement du  Y"  siècle;  saint  Augustin  les 
coml>at;  p.  33.  b;  34.  a  et  b. 

Parménien,  évéque  donatiste  de  Carthage  ;  p. 
83.  a. 

Paul  persécute  les  donatistes  ;  p.  28.  a  et  b. 

Paulin  de  Nôle  ;  saint  Augustin  lui  adresse  un 
de  ses  traités;  p.  43.  b. 

Pelage  et  sa  doctrine;  i).  39  etsuiv. 

Pélagianisme;  son  histoire  ;  p.  39  et  suiv. 

Pélagiens;  leur  conduite  à  l'arrivée  des  Van- 
dales; p.  44.  b. 

Perpétue  (sainte  )  ;  son  martyre  ;  p.  6  et  suiv. 

Pétilien,  évéque  donatiste  de  Cirta;  p.  33.  a; 
36.  b. 

Possidius,  ami  de  saint  Augustin;  p.  31.  b;  36.  a. 

Potentinusy  évéque  d'Utique;  p.  64  .  b. 

Primianistes;  p.  33.  a. 

Primien,  évéque  donatiste  de  Carthage;  p.  38.  a. 

Privât  est  condamné  pour  hérésie  dans  un 
concile  tenu  à  Lambèse,  en  Numidie  ;  p.  II , 
a;  il  est  de  nouveau  condamné  à  Carthage  où 
il  excite  un  schisme  ;  p.  13.  b. 

Prosper,  ses  rapports  avec  saint  Augustin  ;  p. 
43.  a. 

Provinces  ecclésiastiques  en  Afrique  ;  p.  45.  a 
«t  b  ;  54.  a. 

Purpurius,  évéque  de  Limate;  ses  fureurs;  p. 

Q. 

Quodvultdens,  évéque  de  Carthage,  persécuté 
par  Genséric;  p.  51.  b. 

R. 

Beparatus,  évéque  de  Carthage  ;  p.  54.  a. 

Restitut,  prêtre  catholique,  lue  par  les  donatis- 
tes à  Hippone;  p.  38.  a. 

Révocatus  ;  son  martyre  ;  p.  6  et  suiv. 

Rome  (  réglise  de  )  ;  ses  rapports  avec  Téglise 
d'Afrique  ;  p.  12.  b  ;  13.  b  ;  14.  a;  15.  a;  20  et 
suiv.;  41.  b;42.  aetb;54.  a  et  b;  55.  a  et  b. 

Rvjus,  évéque  de  Carthage  ;  p.  27.  b. 

S. 

Salomon,  général  byzantin,  combat  en  Afrique 
les  tribus  du  désert  ;  p.  54.  a. 


Saiur;  son  martyre;  p.  6 et  suiv. 

Saturnin  (Yigellius)»  proconsul  d'Afrique,  juge 
et  condamne  les  martyrs  scillitains  ;  p.  2.  b. 

Saturnin  ;  son  martyre  ;  p.  6  et  suiv. 

Scillitains  (martyrs);  leur  condamnation  et 
leur  supplice;  p.  2.  b. 

Secundulus;  son  martyre  ;  p.  6  et  suiv. 

SecunduluSf  évéque  de  Tigisi  ;  il  se  met  à  la 
tête  des  évégues  qui  veulent  annuler  l'élec- 
tion deCécilien;  p.  19.  b. 

Semi-pélagianisme  (le ) ;  p.  42  et  suiv. 

ScrvanduSf  évéque  d'Hippone,  est  sacré  par  le 
pape  Grégoire  Vil  ;  p.  55.  b. 

Sévère  (  Septime  )  persécute  les  clirétiens  d'Afri- 
que, p.  2.  a;  10. b. 

SimpltcieUf  évéque  de  Milan; ses  rapports  avec 
saint  Augustin  ;  p.  32.  b. 

Sixte  (le  prêtre)  poursuit  les  Pélagiens  avec 
ardeur:  p.  42.  a. 

Suffète,  vills  de  la  Byzacène;  soixante  chrétiens 
y  sont  massacrés  ;  p.  34.  a. 

T. 

Tertullien  et  ses  œuvres;  p.  4.  b. 

Théogène,  évéque  d'Hippone  ;  p.  16.  b. 

Thomas,  évéque  de  Carthage  au  moyen  âge  ; 
p.  54.  b. 

Thrasamund,  roi  vandale; son  intolérance;  il 
persécute  les  catholiques :p-  52. b. 

TtconiuSf  savant  docteur  donatiste;  p.  33.  a. 

Traditeurs.  Ce  nom  fut  donné  à  ceux  qui  livrè- 
rent les  ornements  et  les  livres  des  églises 
au  temps  de  la  persécution  dioclétienne  ;  la 

aualitication  de  traditeur  devient  la  cause 
'un  schisme  ;  p.  19.  a  et  b. 
Troglita  (Jean),  général  byzantin,  combat 
en  Afrique  les  tru)U8  maures;  p.  54.  a. 


Falentinien  (  l'empereur  )  poursuit  les  dona- 
tistes ;  son  édit;  p.  29.  b. 

Falère,  évéque  d^Hippone;  il  attache  saint 
Augustin  à  son  église  ;  p.  3i.  b;  32.  a. 

Falérien  (  l'empereur  )  persécute  les  chrétiens 
d'Afrique;  p.  15.  a;  16.  b. 

Fandales  (  les  );  leur  arrivée  en  Afrique;  leurs 
ravages  ;  p.  44  et  suiv.:  ils  persécutent  les 
catholiques;  p.  50  et  suiv. 

Y. 

Yàbdas,  chef  des  tribus  maures  ;  p.  64.  a. 

Z. 

Zenon  (  l'empereur  )  intercède,  pour  les  catho- 
liques de  l'Afrique,  auprès  de  Genseric;  p. 

Zoztmè  (le  pape)  montre  de  la  modération  à 
l'teard  de  Pelage  et  de  Célestius  ;  son  irré- 
solution ;  ses  rapports  avec  les  évéques  de 
l'Afrique;  p.  41,  b  ;  42.  a. 


FIN  DE  LA  TABLE  DE  L' AFRIQUE  CHRÉTIENNE. 


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HISTOIRE  DE  hk  DOMINATION  DES  VANDALES 
EN   AFRIQUE, 

PAR  M.   JEAN   YANOSKI, 

AGâici  Dt  L*I7iriVER8XTi  ,  TKOWUttVK  d'hISTOIRI  AU  COUiol  VtJJXlSLkS,  XTC 


AvANT-MOPOS.  Parmi  les  peuples 
barbares  qui,  à  partir  des  dernières  an- 
néj»«^u  quatrième  siècle  de  notre  ère, 
se  jetèrent,  cour  des  causes  que  nous 
ne  .devons  point  rechercher  ici ,  sur  les 
provinces  de  l'empire  romain ,  il  n'en 
est  pas  un  qui  ait  eu  des  destinées,  nous 
ne  dirons  pas  plus  brillantes  et  plus 
heureuses ,  mais  plus  variées  et  plus 
extraordinaires  que  les  Vandales.  Il  y 
a ,  en  effet,  çfuelque  chose  de  singulier 
dans  l'histoire  de  cette  nation  qui, 
partie  des  bords  de  la  Baltique,  erre, 
pendant  plusieurs  centaines  d'années, 
a  l'orient  et  au  centre  de  la  Germa- 
nie; se  précipite  tout  à  coup  sur  la 
Gaule,  la  traverse,  pénètre  en  Es- 
pagiie ,  où  elle  n'échappe  qu'avec  peine 
a* une  complète  extermination;  fran- 
chit la  mer,  et  fonde  enfin ,  sur  la  côte 
septentrionale  de  T Afrique ,  une  domi- 
nation vaste  et  forte  comme  celle  de 
Rome  et  de  l'ancienne  Carlhage.  Aussi, 
depuis  longtemps,  les  courses  et  les 
guerres  des  Vandales  ont  fixé  l'atten- 
tion des  historiens.  Elles  occupent  une 
large  place  dans  les  récits  de  ceux  qui , 
comme  Lebeau  et  Gibbon ,  ont  voulu 
montrer  la  décadence  et  la  chute  de 
l'empire  romain  ;  et  de  plus,  elles  ont 
frappé  si  vivement  certains  hommes , 
qu'en  lesu^acontant  dans  des  ouvrages 
spéciaux,  ils  ont  cru,  avec  raison, 
faire  une  œuvre  tout  à  la  fois  utile  à 
la  science  et  pleine  d'intérêt. 

A  la  fin  du  siècle  dernier,  en  1785, 
le  savant  Conrad  Mannert  publia,  dans 
sa  jeunesse  et  pour  son  début,  une 
Histoire  des  Fandales  (*).  Il  n'était 

{*)  Leipzig,  1785,  in-8%  en  allemaud. 
!'•  Livraison,  fHiST.  des  Vai 


point  alors  suffisamment  préparé  pour 
un  sujetsi  grave  et  si  difficile.  M.  Louis 
Marcus  a  wit ,  plus  tard ,  sur  l'ouvrage 
de  Mannert,  des  observations  critiques 
très-fondées.  Il  a  reproché,  par  exem- 
ple ,  à  l'auteur  de  n'avoir  pas  connu 
tous  les  documents  anciens  qui  se  rap- 
portaient à  son  sujet ,  et  d'avoir  mal 
uiterprélé  souvent  les  auteurs  grecs 
et  latins  qu'il  a  consultés.  Mais  on  doit 
tenir  compte  à  Mannert  d'avoir  ou- 
vert ,  par  son  livre ,  la  série  des  tra- 
vaux spécialement  consacrés  à  l'his- 
toire des  Vandales.  Ce  premier  essai 
était  assurément  bien  imparfait;  ce- 
pendant ,  malgré  ses  inexactitudes,  ses 
omissions  et  tous  ses  défauts ,  il  a 
rendu  des  services  incontestables  aux 
érudits  de  notre  temps,  et  notamment 
à  M.  Marcus. 

La  conquête  récente  de  l'Algérie  a 
reporté  l'attention  des  savants  sur 
l'ancienne  histoire  de  l'Afrique.  L'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres 
a  dirigé ,  à  plusieurs  reprises ,  ses  re- 
cherches vers  ce  point  important  ;  et , 
pour  faire  participer  en  auelque  sorte 
a  ses  propres  travaux  les  nommes  ins- 
truits qu'elle  ne  comptait  point  au 
nombre  de  ses  membres,  elle  a  mis  au 
concours,  pour  l'année  1836,  la  ques- 
tion suivante:  «Tracer  l'histoire  de 
l'établissement  des  Vandales  en  Afri- 
que ,  et  de  leur  administration  depuis 
Genséric  jusqu'à  la  destruction  de  leur 
empire  par  Bélisaire;  s'efforcer  de 
montrer  quel  fut  l'état  de  l'Afrique  ro- 
maine sous  leur  domination ,  et  lus- 
qu'oîi  s'étendaient  leur  pouvoir  et  leur 
influence  dans  l'intérieur  de  ce  conti- 
nent ;  rechercher  quel  fut  Tidiome  dont 


!'•  Livraison.  (Hist.  des  Vandales.) 


1 


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L'UNIVERS. 


ils  faisaient  haoïtuellement  usage ,  et 
quels  rapports  s'établirent  entre  ce 
peuple  conquérant  et  les  indigènes; 
enfin  essayer  de  déterminer  quels  ves- 
tiges de  leur  langue  et  de  ieurs  aou- 
tûmes  les  Vandales  ont  laissés  en 
Afrique  jusqu'à  l'inv^i^n  des  Arabâe.  » 
La  savante  compâgtife  si  aécemé  le 
prix  à  un  professeur  allemaiu)  ?  M.  Pa- 
pencordt. 

Ici,  avant  de  signaler  le  mémoire 
couronné ,  je  dois  parler  en  deux  mots 
de  l'ouvrage  de  M.  Louis  Marcus, 
Déjà,  en  1820,  M.  Marcus  (c'est  hii 
qui  nous  l'apprend  )  avait  amassé  de 
nombreux  matériaux  relatifs  à  l'his- 
toire des  Vandales.  Mais  il  avait  vrai- 
semblablement interrompu  ses  recher- 
ches, car  il  ne  put  achever  son  travail 
assez  tôt  pour  le  soumettre,  dans  le 
dt^lai  prescrit,  au  jugement  ae  l'Aca- 
démie, Il  publia  néanmoins ,  dès  l'an- 
née 1836,  le  résultat  de  ses  études 
sous  ce  titre  :  Histoire  des  Faiidalesy 
depuis  leur  première  apparition  sur 
la  scène  historique  jusqu'à  la  des- 
truction de  leur  empire  en  Afrique. 
Cette  histoire  est  très-estimable  ;  elle 
^  distingue  par  une  connaissance  suf- 
fisante des  sources,  souvent  par  la  par- 
faite intelligence  des  textes  anciens, 
§1;  «i^ussi  par  pne  critique  fine  et  quel- 
quefois profonde.  Ce  sont  là  des  qua- 
lités incontestables  que  M.  Papencordt, 
avant  nous,  a  signalées  et  louées.  Mais 
on  doit  ajouter  que  M.  Marcus  n'a 
point  donné  à  toutes  les  parties  de  son, 
ouvrage  de  jnstes  proportions;  qu'il 
a  sacrifié ,  par  exemple ,  Thistoire  de 
^  domination  des  Vandales  en  Afrique 
à  la  discussion  des  origines  de  cette 
grande  tribu ,  et  à  l'exposition  trop 
prolongée  de  ses  éta'blissements  et  de 
ses  courses  en  Germanie ,  en  Gaule  et 
en  Ë^gne,  On  peut  lui  reprocher 
au^si  de  ne  s'être  jamais  écarté  de 
^tte  vicieuse  méthode,  qui ,  scindant, 
à  chaque  page,  le  récit  par  des  disser- 
tations, enlève  à  une  œuvre  historique 
la  meilleure  part  de  son  intérêt  et  de 
sa  clarté  (*). 

{*)  Nos  appréeiations  ne  portent  ici  que 
99r  te  fond,  de  rouvra|;e.  C*est  rérudition, 


M.  Papencordt  a  publié,  en  1837*; 
le  naénioire  couronné  par  l'Institut.  Il 
Fa  intitulé  :  Histoire  de  la  domination 
des  f^andales  en  Afrique  (*).  Son  ou- 
vrage est  «upérieur,  en  tous  points,  à 
celui  de  M.  Marcus.  Il  a  lu  et  consulté 
to^  les  livres  qui  se  rapportent  à  son 
Sujet.  lyailleiirs,  il  l'emporte  encore , 
par  la  méthode ,  sur  ses  devanciers. 
Là  première  partie  de  son  ouvrage 
est  consacrée  tout  entière  au  récit  ;  la 
Seeonâè,aux  dissertations.  Ainsi,  d'une 
part ,  l'histoire  des  mouvements  et  des 
guerres  des  Vandales,  depuis  leur  pre- 
mière apparition  jusqu'à  la  chute  du 
troue  de  Gélimer;  et,  de  l'autre,  le 
tableau  des  mœurs  et  des  institutions. 
Ce  qui  dépare  le  livre  de  M.  Papen- 
cordt ,  ce  sont  certaines  idées  trop  sys- 
tématiques qui  se  manifestent  surtout 
dans  la  seconde  partie.  L'auteur,  en 
vertu  d'une  opinion  commune  ^  tous 
les  Allemands  qui  ont  écrit  sur  les  in- 
vasions barbares,  est  toujours  porté  à 
découvrir,  dans  les  raoindfres  accidents 
de  l'existence  politique  des  Vandales , 
dans  ceux-là  même  qui  ont  été  unique- 
ment le  résultat  des  circonstances  for- 
tuites et  extraordinaires  au  milieu  des- 
quelles ce  peuple  a  vécu ,  ce  que  l'on 
a  appelé ,  ne  nos  jours,  d'un  nom  très- 
compréheBS\îetuc^'\agiie,V  influence 
germanique.  M..'Papencordt  déclare , 
en  un  endroit  (p.  428  ) ,  qu'une  partie 
de  son  manuscrit  était  déjà  livrée  à 
l'impression   lorsqu'il    prit   connais- 
sance du  livre  de  M.  Louis  Marcus. 
ÏJ  se  borne  à  éqpncer  ce  fait ,  sans  in- 
diquer les  services  importants  que, 
pour  sa  seconde  partie  au  moins,  lui  a 
rendus  son  devancier.  C'est  un  tort  : 
un  aveu  plus  complet  n'eût  rien  ôté , 
assurément,  au  mérite  très-réel  de 
l'ouvrage  de  M.  Papencordt. 

Telle  est  la  nomenclature  des  ou- 
vrages que  nous  devions ,  avant  tout , 
lire  et  étudier  (**).  Mais  nous  ne  nous 

et  non  le  style,  de  M.  Marcus  ^e  nous 
louons. 

(*)  Geschichte  der  ^andalischen  Herr* 
ichaft  in  Africa^  Berlin,  1837. 

(**)  ?Ipus  avons  consulté  avec  firuit  les 
Recherches  sur  fhistoirf  de  la  partie  de 


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AFRIQUE. 


sommes  point  bornés ,  dans  nos  re- 
cherches, aux  travaux  de  la  critique 
moderae.  Nous  avons  toujours  eu 
sous  les  yeux  les  auteurs  anciens  ;  et^ 
£râce  à  eux ,  nous*  avons  pu  quelque- 
fois corriger  des  erreurs,  et  réparer 
des  omissions  dans  les  livres  qmè  nous 
avons  précédemment  signales.  Nous 
dirons  enfin  que  nous  avons  beau*- 
coup  emprunte  aux  récits  de  Victor 
de  Vita  et  de  Procope ,  et  que ,  plus 
d'une  fois ,  nous  avons  essayé  de  re- 
produire ,  par  une  simple  traduction, 
ce  qu'il  y  avait  de  vit  et  de  drama- 
tique dans  les  pages  que  ce  dernier 
historien  a  consacrées  aux  victoires  de 
Bélisaire  en  Afrique ,  à  la  chute  de  1^ 

Euissance  des  Vandales,  et  aux  mal- 
eurs  de  Géiimer. 

ORIGINES  DES  VANDALES;  LEUB8 
DIVERS  ETABLISSEMENTS  EN  GER- 
MANIE ;     LEUR    PASSAGE     ET    LEUR 

SEJOUR  DANS  LA  GAULE.  —  On  a  dis- 
cuté longuement  et  savamment  sur  les 
origines  des  Vandales  ;  on  a  recherché 
avec  soin,  et  signalé  avec  plus  ou 
moins  de  vérité  les  premiers  signes  de 
vie  de  cette  grande  tribu  au  sein  4^ 
la  Germanie.  Pour  nous,  nous  ne  vou- 
lons point  nous  arrêter  sur  cette  né- 
riode  historique  que  tout  le  savoir  des 
audits  n'a  pu  encore  dégager  des 
épaisses  ténèbres  qui  Tenvironnaient. 
Taons  abrégerons  également  le  récit 
des  courtes  et  des  guerres  en  Gaule  et 
en  Espagne.  Nous  avons  hâte  d'arriver 
à  la  conquête  de  rAfrioue  par  les  Van- 
dales, et  de  présenter  les  résultats  de 
ce  grand  événement. 

A  quelle  race  appartenaient  les  Van- 
dales ?  A  l'aide  des  auteurs  anciens,  on 
pourrait  tout  aussi  bien  établir  leur 

V Afrique  septentrionale  connue  sous  le  nom 
de  Régence  d^ Alger,  et  sur  t administra  f ton 
et  h  colonisation  de  ce  pars  à  l'époque  éh 
la  domination  romaine ,  publiées  par  une 
commission  de  rAcadémie  des  inscriptioDs 
ti  beUes^ettres ,  iii-8<*. 

I)'autre  part ,  nous  avons  dû  accepter  et 
suivre ,  en  plusieurs  endroits ,  Tordre  par- 
fois systématique  mais  très-clair  que  M.  Fau- 
riel  a  introduit  dans  son  récit  des  invasions 
barbares.  Voyez  le  premier  volume  de  V His- 
toire de  la  Gaule  méridionale. 


parenté  avec  les  Slaves  au'avec  leiEf 
Germains.  Nous  adoptons  1  explicatioa 
d'un  savant  moderne,  qui  concilie  les 
deux  opim'ons.  Les  Vandales,  suivant 
lui ,  étaient  probablement  mêlés  de 
Germains  et  de  Slaves  (*),  Le  plus 
ancien  document  que  l'on  possède  sur 
les  Vandales  atteste  qu'au  premier 
siècle  de  notre  ère,  leur  population 
flottait,  si  Ton  peut  se  servir  de  cette 
expression,  dans  le  pays  compris  entre 
l'embouchure  de  rElbe  et  celle  de  la 
Vistule.  Ce  fut  là,  sans  doute,  que 
s'opéra  le  mélange  des  Slaves  et  des 
Germains,  Plus  tard ,  à  une  époque 
que  nous  ne  saurions  préciser,  une  in- 
vasion de  Scandinaves  dans  la  partie 
la  plus  septentrionale  de  la  Germanie 
refoula  les  Vandales,  au  sud,  jusqu'aux 
montagnes  du  Géant.  Ils  habitaient 
encore  dans  ces  montagnes,  et  aux  en- 
virons, lorsque  éclata  la  guerre  des 
Marcomans.  Cette  guerre,  que  les  peu- 
ples barbares  engagèrent,  vers  167, 
contre  l'Empire,  et  dont  nous  ne  rap- 
porterons ici  ni  les  causes,  ni  les  inci- 
dents, fut  longue  et  terrible.  Elle  eut 
son  retentissement  sur  toutes  les  fron- 
tières de  la  Germanie,  sur  le  Rhin 
comme  sur  le  Danube  ;  et  elle  coûta  à 
Marc-Aurèle  bien  du  sang  et  d'im- 
menses efforts.  Un  des  résultats  de  la 
lutte  fut  le  déplacement  de  la  popula- 
tion vandale,  qui,  au  moment  où  Rome 
fit  la  paix  avec  les  barbares  confédérés, 
se  porta  plus  à  Test,  vers  la  Dacie, 

Malgré  les  tentatives  de  Caracalla, 
en  215,  pour  jeter  la  discorde  entre 
les  peuplades  germaniques  qui  s'é- 
taient engagées  dans  la  guerre  des 
Marcomans,  les  Vandales  vécurent  en 
paix  dans  leurs  nouvelles  demeures,  et 
ils  ne  reprirent  les  armes  qu'en  270 , 
sous  le  règne  d'Aurélien,  Il  y  eut  alors 
un  mouvement  général  parmi  les  na- 
tions barbares  qui  habitaient  la  rive 
gauche  du  Danube.  Aurélien  arrêta  ce 
mouvement  et  battit  les  Vandales,  qui 
lui  livrèrent  des  otages  et  lui  four- 

(*)  M.  Amédée  Thierry;  Hist.  de  la  Gaule 
sous  l'administration  romaine,  I.  II,  p,  4^ 
5a  et  53.  Voyez  le  texte  et  priucipidemeiU 

les  notes. 

h 


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L'UNIVERS. 


nîrent,  comme  troupes  auxiliaires,  un 
certain  nombre  de  cavaliers.  La  paix 
ne  fut  pas  de  longue  durée.  En  277, 
Probus  fut  obligé  d'opposer  une  arméo 
aux  Vandales  qui  s'étaient  unis  aux 
Burgondes.  L'empereur  se  porta  à  la 
rencontre  des  alliés,  sur  les  bords  du 
Danube,  et  leur  fit  subir  deux  san- 

{ plantes  défaites.  Mais ,  à  cette  époque , 
es  Vandales  n'avaient  pas  seulement 
I  combattre  les  Romains ,  ils  avaient 
aussi  à  se  défendre  contre  les  attaques 
des  peuples,  barbares  comme  eux,  qui 
les  avoisinaient.  Ce  fut  ainsi  que  vers 
290,  à  la  suite  d'une  lutte  contre  la 
puissante  nation  des  Goths,  ils  furent 
obligés  de  quitter  encore  une  fois  leurs 
demeures  pour  aller  s'établir,  entre  la 
Tbeiss  et  le  Marosch ,  dans  le  pays  qui 
forme  aujourd'hui  une  partie  de  la 
Hon|;rie  et  de  la  Transylvanie.  Ils  ne 
devaient  pas  jouir  longtemps  en  paix 
de  ce  nouvel  établissement.  Avant  la 
mort  de  Constantin,  peut-être  en  335, 
les  Goths  se  précipitèrent  de  nouveau 
sxir  les  Vandales,  et  les  forcèrent,  après 
une  grande  bataille ,  à  se  rapprocher 
du  Danube.  Les  vaincus,  après  tant  de 
revers,  implorèrent  la  protection  de 
l'Empire ,  et  demandèrent  des  terres 
aux  Romains.  On  leur  permit  alors  de 
se  fixer  en  Pannonie. 

Ils  vivaient  en  repos,  dans  cette  pro- 
vince, depuis  près  d'un  siècle,  lorsque 
la  marche  de  la  nation  des  Huns ,  de 
l'est  à  l'ouest,  détermina  un  grand 
mouvement  parmi  les  populations  ger- 
maniques. Tous  les  historiens  ont  ra- 
conté la  grande  invasion  de  l'année 
406.  Pressés  et  refoulés  par  les  Goths 
et  les  Alains,  et ,  peut-être  aussi^  frap- 
pés d'épouvante  à  rapproche  des  Huns, 
ils  abandonnèrent  leur  établissement 
de  la  Pannonie ,  et  marchèrent  vers 
l'Occident.  Les  Vandales  n'étaient  pas 
les  seuls  que  les  hordes  asiatiques  eus- 
sent déplacés.  Au  moment  même  oii 
ils  se  préparaient  à  passer  en  Gaule , 
d'autres  nations  barbares  se  précipi- 
taient ,  par  grandes  masses ,  sur  l'Ita- 
lie. Pour  eux ,  ils  s'acheminèrent  en 
même  temps  que  les  Alains,  mais  par 
des  routes  diverses,  vers  le  Rhin.  Près 
de  ce  fleuve,  dans  le  pays  compris 


entre  le  Mein  et  la  Lippe,  ils  rencon- 
trèrent les  Francs.  Ceux-ci  furent  les 
seuls  qui ,  en  l'absence  des  légions  que 
Stilicon  avait  appelées  en  Italie ,  es- 
sayèrent de  défencire  les  terres  de  l'Em- 
pire. Ilslivrèrent bataille  aux  Vandales  ; 
et,  s'il  faut  en  croire  Grégoire  de 
Tours,  ils  leur  tuèrent  vmgt  mille 
hommes.  La  foule  entière  des  envahis- 
seurs eût  été  anéantie  sans  l'arrivée 
des  Alains.  Les  Francs  furent  écrasés 
à  leur  tour.  Alors  les  Vandales ,  les 
Alains,  et  les  Suèves  qui  les  suivaient 
de  près,  ne  trouvant  plus  de  résistance, 
passèrent  le  Rhin  en  406.  L'arrivée  de 
ces  trois  peuples  causa  à  la  Gaule  des 
maux  effroyables.  Les  barbares  livrè- 
rent à  la  ruine  ou  à  la  dévastation 
Mayence ,  "Worms,  Strasbourg,  Spire, 
Reims,  Tournai,  Arras  et  Amiens. 
Puis ,  ils  étendirent  leurs  ravages  au 
centre  et  au  midi  de  la  contrée;  ils 
passèrent  de  la  Belgique  dans  la  Lyon- 
naise première;  de  celle-ci  dans  l'Aqui- 
taine, d'où,  en  traversant  la  Novera- 
populanie,  ils  atteignirent  enfin  les 
ÎPyrénées (407).  Les  Vandales,  les  Alains 
et  les  Suèves  réunis  se  disposaient  à 
passer  en  Espagne ,  lorsqu'ils  rencon- 
trèrent ,  à  l'entrée  des  montagnes ,  des 
soldats  intrépides  qui  les  repoussèrent 
sur  tous  les  points.  Ces  défenseurs  de 
l'Empire ,  Espagnols  pour  la  plupart , 
étaient  commandés  par  deux  membres 
de  la  famille  de  Theodose ,  Didyme  et 
Véranien. 

PASSAGE  DES  PYBÉNÉES  ;  PBE- 
lilIEBS  ÉTABLISSEMENTS  DES  VAN- 
DALES EN  ESPAGNE.  —  Lcs  barbares 
repoussés  se  rejetèrent  sur  la  Gaule , 
et  allèrent  porter  leurs  ravages  dans 
la  Septimanie. JDes  circonstances  inat- 
tendues ne  devaient  pas  tarder  à  leur 
ouvrir  les  chemins  de  cette  Espagne 
qu'ils  convoitaient. 

Pendant  que  l'indigne  fils  de  Théo- 
dose, Honorius,  se  tenait  renfermé 
dans  son  palais  pour  se  dérober  aux 
dangers  qui  menaçaient  son  empire, 
les  légions  de  la  Grande-Rretagne  re- 
vêtirent de  la  pourpre  un  simple  sol- 
dat, appelé  Constantin.  Celui-ci  passa 
dans  la  Gaule ,  qui ,  presque  tout  en- 
tière, grâce  aux  barbares,  reconnut 


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AFRIQUE. 


soil  autorité.  Quand  l'usurpateur  eut 
autour  de  lui  des  forces  assez  considé- 
rables, il  voulut  joindre  l'Espagne  à  ce 
qu'il  possédait  déjà ,  et  il  envoya  dans 
la  Péninsule  son  fils  Constant  et  Gé- 
rontius.  Ces  deux  chefs  entraînèrent 
à  leur  suite  quelques-unes  des  bandes 
de  barbares  que  l'Empire  avait  enrôlés, 
et  qu'on  appelait  les  Honoriens.  Ils  en- 
trèrent en  Espagne  ;  et ,  malgré  l'hé- 
roïsme de  quatre  frères,  liés  par  le 
sang  à  la  famille  de  Théodose,  et 
parmi  lesquels  on  distinguait  encore 
Didyme  et  Véranien ,  ils  forcèrent  les 
habitants  de  la  province  à  reconnaître 
Constantin.  Après  cette  expédition,  le 
vainqueur,  comptant  sur  la  fidélité  des 
Honoriens,  les  chargea  de  défendre  les 
gorges  des  Pyrénées.  Mais  bientôt  Gé- 
rontius  abandonna  l'empereur  que, 
jusqu'alors,  il  avait  servi  avec  dévx)ue- 
ment,  et  il  prit  les  armes  pour  le  ren- 
verser. Au  moment  où  Constantin  se 
défendait  avec  peine,  au  midi  de  la 
Gaule ,  contrç  son  lieutenant  révolté , 
les  Vandales ,  les  Aiains  et  les  Suèves 
se  dirigèrent  de  nouveau  vers  les  Py- 
rénées. Mais ,  cette  fois ,  ils  ne  trou- 
vèrent plus  aux  défilés  de  la  montagne 
ces  braves  spldats  qui ,  sous  la  con- 
duite de  Didyme  et  de  Véranien ,  les 
avaient  si  vigoureusement  repoussés. 
Ils  ne  rencontrèrent  que  les  Hono- 
riens, riches  déjà  des  dépouilles  qu'ils 
avaient  amassées  à  la  suite  de  Géron- 
tins,  et  qui ,  avides  de  piller  encore , 
livrèrent  tous  les  passages  dans  l'es- 
pérance, sans  doute,  de  se  mêler 'aux 
envahisseurs.  Après  avoir  franchi  les 
Pyrénées  (409) ,  les  barbares  se  répan- 
dirent comme  un  torrent  dans  toutes 
les  parties  de  l'Espagne.  Un  grand  his- 
torien ,  Mariana ,  a  tracé  en  quelques 
lignes  le  tableau  de  cette  terrible  inva- 
sion :  ft  L'irruption  de  ces  peuples  fut 
suivie  des  plus  affreuses  calamités.  Les 
barbares  pillaient  et  massacraient  in- 
différemment les  Romains  et  les  Es- 
pagnols ,  et  ravageaient  avec  la  même 
fureur  les  villes  et  les  campagnes.  La 
famine  réduisit  les  malheureux  habi- 
tants à  se  nourrir  de  chair  humaine  ; 
et  les  animaux  sauvages,  qui  se  multi- 
pliaient sans  obstacle,  rendus  plus  fu- 


rieux par  l'habitude  du  sang  et  par  la 
faim ,  poursuivirent  les  hommes  pour 
les  dévorer.  La  peste  ;  suite  inévitable 
de  la  famine ,  vint  bientôt  mettre  le 
comble  à  la  désolation;  la  plus  grande 
partie  des  habitants  en  fut  la  victime, 
et  la  vue  des  mourants  n'excitait  que 
l'envie  de  ceux  qui  leur  survivaient. 
Enfin  les  barbares,  rassasiés  de  meur- 
tres et  de  brigandages,  et  atteints  eux- 
mêmes  de  la  maladie  contagieuse  dont 
ils  étaient  les  funestes  auteurs,  se  ren- 
fermèrent dans  le  pays  qu'ils  avaient 
dépeuplé.  Les  Suèves  et  les  Vandales 
se  partagèrent  l'ancienne  Gallécie ,  où 
le  royaume  de  la  Vieille-Castille  se 
trouvait  enclavé.  Les  Aiains  se  répan- 
dirent dans  les  provinces  de  Cartha- 
gène  et  de  Lusitanie ,  depuis  la  Médi- 
terranée jusqu'à  l'océan  Atlantique. 
Les  Silinges,  branche  de  la  nation  des 
Vandales ,  s'emparèrent  du  territoire 
fertile  de  la  Bétique  (*).  » 

(*)  Voici  un  passage  que  nous  emprun- 
tons à  M.  Marcus,  sur  le  partage  de  l'Es- 
pagne par  les  barbares  :  «Les  Vandales,  les 
Aiains  et  les  Suèves ,  voulant  éviter  tout 
sujet  de  discorde  entre  eux ,  se  partagèrent 
au  sort  les  provinces  de  l'Espagne.  Des  cinq 
provinces  formant  la  division  établie  par 
Constantin  le  Grand ,  les  Vandales  et  les 
Suèves  obtinrent  la  Gallécie ,  c'est-à-dire  la 
Galicie  actuelle,  Tras-os-Montes ,  Entre- 
Duero-e-Minho ,  les  parties  septentrionales 
des  royaumes  de  Léon  et  de  la  Vieille-Cas- 
tille ,  les  Asturies  et  la  Biscaye,  en  d'autres 
termes ,  tout  le  pays  compris  entre  le  cou- 
rant du  Duero ,  la  mer  et  la  Sierra  d'Oca  ; 
les  Aiains ,  la  Lusitanie  et  la  Carthaginoise, 
c'est-à-dire  la  partie  du  Portugal  qui  est  con- 
tenue entre  le  Duero  au  nord  et  le  Gua- 
diana  au  midi ,  l'Estramadure  et  le  district 
de  la  Nouvelle-Castille,  qui  est  situé  entre 
la  Guadiana  et  le  Tage,  à  l'ouest  de  Tolède, 
puis  Murcie  et  Valence  ;  les  Silingi ,  un  des 
deux  peuples  vandales ,  la  Bétique ,  c'est- 
à-dire  le  pays  arrosé  au  sud  par  la  mer,  et 
au  nord  et  à  l'ouest  par  la  Guadiana.  Le 
reste  de  l'Espagne ,  c'est-à-dire  la  province 
tarraconaise ,  fut  laissé  aux  Romains  ou 
plutôt  à  Géronce,  l'ancien  allié  des  barba- 
res, et  qui  les  avait  favorisés  dans  leurs 
conquêtes.»  Hist,  des  Vandales f  etc.,  p.  84. 
Après  avoir  cité  ce  passage,  nous  devons 
ajeuter  que  les  auteurs  anciens,  dans  cette 


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L*UNIVERS. 


On  a  prétendu  que  les  peuples  bar- 
"  bares  qui  avaient  envahi  TEspagne  ré- 
glèrent, par  le  sort,  le  partage  du 
pays  conquis.  Mais  il  est  plus  vraisem- 
blable ,  suivant  la  remarque  d'un  his- 
torien moderne,  que  les  lots  furent 
plus  ou  moins  exactement  proportion- 
nés à  la  force  relative  des  parta- 
geants. 

Les  paroles  de  Mariana  nous  ont 
fait  connaître  les  premiers  résultats  de 
Tin  va  s  ion.  Il  faut  ajouter,  toutefois, 
que  le  pillage,  la  dévastation,  les  meur- 
tres, les  désordres  de  toute  espèce 
cessèrent  au  moment  où  les  barbares 
purent  croire  qu'ils  avaient  trouvé 
enfin,  après  leurs  longues  courses,  des 
établissements  assurés.  Des  rapports, 
que  le  besoin  de  la  paix  devait  rendre 
de  plus  en  plus  faciles,  s'étoblirerit 
bientôt  entre  les  vainqueurs  et  les  vain- 
cus. Forcés  de  vivre  avec  les  Romains 
dans  un  perpétuel  contact ,  les  Van- 
dales, les  Alains  et  les  Suèves  cher- 
chèrent, par  nécessité,  à  se  concilier 
les  populations  au  milieu  desquelles 
le  hjiisard,  autant  que  leur  volonté,  les 
avait  jetés  et  disséminés.  Ils  laissèrent 
aux  Éspagnpls  uae  portion  de  leurs 
terres ,  les  biens  meubles  qui  avaient 
ébhappé  aux  premiers  désordres  de  la 
conquête,  et  ils  s'efforcwrent  moins 
d^anéantir  la  civilisation  romaine,  que 
de  s'y  conformer  et  de  se  modifier. 
Les  barbares,  suivant  l'expression  d'un 
ancien  historien,  quittèrent  alors  l'épée 
pour  la  charrue  ;  et  il  semblait  qu^ils 
voulussent ,  par  les  travaux  de  l'agri- 
culture, faire  disparaître  du  sol  de 
l'Espagne  les  vestiges  de  leur  invasion. 
Quand  on  se  reporte,  par  la  pensée, 
aux  cinq  premiers  siècles  de  notre 
ère;  quand  on  son^e  à  ce  qu'il  y  avait 
alors  de  dur ,  de  violent ,  d'oppressif 
dans  radministration  romaine  ;  quand 
on  ^numère  les  désastreux  résultats 
de  cette  fiscalité  aussi  pr^udieiable 
aux  campagnes  qu'aux 'Villes,  qui  anéan- 
tissait la  petite  propriété ,  arrêtait  lés 
développements  du  commerce  et  de 
l'industrie,  diminuait  incessamment  la 

question  du  partage ,  sont  loin  d*étre  aussi 
rigoureux  et  aussi  précis  que  M.  Marcus. 


classe  des  travailleurs  libres  ;  quand  on 
connaît  enfra  les  innombrables  vexa^ 
tions  auxquelles  étaient  soumis  tous 
ceux  qui  vivaient  sous  la  loi  de  Rome, 
on  ne  regarde  plus  comme  vaines  eii 
exagérées  les  paroles  de  Salvien  et 
d'Orose ,  qui  attestent  que  les  provin- 
ciaux regardèrent  plus  d'une  fois  les 
barbares  comme  des  libérateurs.  L'Es- 
pagne, il  n'en  faut  pas  douter,  se 
trouva  plus  heureuse  après  l'établisse- 
ment des  Vandales ,  des  Alains  et  des 
Suèvés ,  qu'au  temps  où  elle  obéissait 
à  Honorius.  Mais  le  repos  et  cette  sorte 
debien-être  qui  suivirent  la  première  in- 
vasion ne  furent  pas  de  longue  durée. 
Les  Goths  s'approchaient,  qui  devaient 
encore  apporter,  dans  la  Péninsule ,  la 
guerre,  les  désordres  et  la  dévasta- 
tion. 

SECONDE  CONQUÊTE  DE  l'ESPAGNE 

PAE  LES  VANDALES.  —  Chassés  de  la 
Gaule  par  Constance,  l'un  des  plus 
habiles  généraux  de  TEmpire,  les 
Goths,  commandés  par  Ataiïlfe,  fran- 
chirent les  Pyrénées ,  et  envahirent  la 
portion  de  FEspagne  qui  était  restée 
au  pouvoir  des  Romains.  Peu  de  temps 
après ,  Âtaulfe  fut  assassiné  dans  son 
palais  de  Barcelone.  Mais  celui  qui 
profita  du  crime  fut  tué ,  à  son  tour, 
après  un  règne  de  sept  jours  (415).  La 
nation  reconnut  alors,  pour  roi,  Wal- 
lia,  frère  d'Ataulfe.  Sous  ce  nouveau 
chef,  les  Goths  se  firent,  en  Espagne, 
les  auxiliaires  des  Romains  et  ils  com- 
mencèrent ,  contre  les  barbares  qui  les 
avaient  devancés  dans  la  Péninsule, 
une  guerre  qui  dura  deux  ans  (416- 
418).  Ils  exterminèrent  d'abord  les 
Vandales  -  Silingi  qui  s'étaient  établis 
dans  la  Bétique ,  puis  ils  battirent  les 
Alains.  Ceux  qui  purent  échapper  au 
fer  des  vainqueurs  se  réfugièrent  en 
Galice,  auprès  de  Gundéric,  chef  de 
l'autre  portion  de  la  nation  vandale. 
Les  historiens  anciens  nous  ont  appris 
que  Wallia  ne  songea  pas  toujours  à 
faire  la  guerre  au  profit  des  Romains. 
Ainsi ,  il  voulut,  comme  autrefois  Ala- 
ric,  conduire  les  Goths  en  Afrique. 
Mais  une  tempête  ayant  englouti,  dans 
le  détroit  de  Gadès,  une  partie  de  la 
flotte  qui  portait  ses  trésors  et  son 


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AFRiÊUB- 


mmi^,  i\  reoonC9i  à  son  eatpéditioa^ 
•Trop faible,  dès  fora,  pour  songer  aua^ 
Tastes  entreprises,  il  accepta  la  pro« 
position  qœ  lui  fit  l'Empire,  de  s  éta« 
falir,  avec  sa  nation ,  au  midi  de  U 
ûaule,  où  on  lui  céda  la  seconde  Aq^- 
taine  et  la  NoYempopulanie(4l9). 

Quand  les  barbares  Vandales,  Alains 
et  SaèTes,  que  Wallia  avait  refoulés 
dans  les  montagnes  du  nord-ouest  de 
l'Espagne ,  apprirent  que  les  Gotbs 
avaient  abandonné  la  Pémusule,  ils 
reprirent  les  armes  pour  conquérir  dé 
nouveau  les  riches  provinces  du  Midi, 
d'on  la  force  les  avait  expulsés.  Alors 
recommencèrent  les  désordres  de  la 
première  invasion. 

La  mésintelligence  éclata  bientôt 
entre  les  Suèves  et  les  Vandales.  Les 
>  Romains  crurent  sans  doute  gue,  grâce 
à  cette  désunion ,  ils  pourraient  enfin 
arracher  FËspagne  aux  barbares.  Mais 
ils  furent  ttompés  dans  leur  attente; 
et,  au  moment  même  où  Astérius  ve- 
nait prêter  aux  Suèves  les  secours  de 
l'Empire,  les  Vandales,  par  un  brusque 
mouvement,  se  jetèrent  sur  la  Béti* 
que  qu'avaient  occupée  autrefois  leurs 
irères  les  Silingi  (420).  lis  achevèrent 
en  peu  de  temps  la  conquête  de  toute 
la  partie  méridionale  de  la  Péninsule. 
C'est  depuis  cette  double  occupation 
par  les  Vandales  que  la  Bétique  prit  le 
nom  d'Andalousie  (^an«fa/o»5ia)  que 
nous  lui  donnons  encore  aujourd'hui. 
Cependant  les  Romains  ne  pouvaient 
se  résigner  à  laisser  au  pouvoir  des 
bari)ares  la  plus  belle  et  la  plus  riche 
des  provinces  de  l'Espagne.  Ils  ras- 
semblèrent donc  une  armée  considé- 
rable ,  à  la  tête  de  laquelle  on  plaça 
un  général  plus  présomptueux  qu'ha- 
bile ,  Castinus.  L'armée  romaine ,  qui 
comptait  dans  ses  rangs  un  grand  nom- 
bre d'auxiliaires  goths  comm£tl)dés  par 
Théodéric,  entra  dans  l'Andalousie, 
où  elle  ne  tarda  pas  à  rencontrer  les 
Vandales.  «  Attaqués  par  une  armée 
très-supérieure  à  la  leur,  les  Vandales 
semblaient  devoir  être  exterminés;  ils 
furent  en  effet  très -vivement  poussés 
et  réduits  à  une  position  désespérée , 
dans  laquelle  il  leur  fallut  accepter  une 
bataille  décisive.  Des  écrivains  dignes 


de  foi  disent  d9&  choses  siagnlièffes  d^ 
kur  conduite  en  ce  moment  oe  jd^ 
tresse.  Ils  se  ^urésentèrent  suf  le  chajyqp 
de  bataille,  faisant  porter  en  çér^i^Or 
Skie ,  devant  ^x ,  je  ne  sais  lequel  de^ 
livres, sacrés  des  chrétiens,  la  Ril^e 
ou  l'Evangile.  Sans  prçu()r^  çarde  |i 
fi^  acte  de  piété  des  Vandales,  T'arM^  ' 
romaine  fondit  sur  eux ,  coqune  $ûl^f 
de  la  victoire.  Ce  ûit.elle  qui  fut  plei- 
nement défaite ,  mise  en  fuite ,  et  m 
s'arrêta  ^u'à  T^rracooe,  après  avoir 
perdu  près  de  vingt  mille  hommej; 
(422)  (*).  »  Un  pffîcier,  renonimé  déjà 
dans  rEmf)ire  pour  ses  actions  d'éclal 
et  son  habileté  dans  la  guerre ,  Bomr 
faice ,  avait  accompagné  Ca$tii\us  dan^ 
son  expédition.  M^is  voyant  ayec  p^ine 
l'inexperienjoe  dç  celui  qui  dirigeai! 
les  opérations,  blessé  par  ses  haui* 
teurs,  et  prévoyant  d'ailleurs  le  mau^ 
vais  résultat  de  l'entreprise ,  il  quitta 
l'armée  avant  la  bataille.  On  raconte 
aussi  que  les  Goths  abandonnèrent ,  au 
moment  décisif,  ^e  général  romaine 
Après  cette  trahison,  tous  ne  revinreift 
point  en  Gaule ,  et  Théodéric  vit  sanil 
doute  un  grand  nonobre  des  siens  sê 
mêler  aux  futurs  Conquérants  de  l'A* 
frique. 

Après  la  défaite  de  l'armée  impé? 
riale ,  les  Vandales  se  trouvèrent  les 
seuls  maîtres  du  pays.  Ils  parcou^ 
rurent  alors,  enravs^eant  et  en  pillant^ 
l'Espagne  dans  tous  les  sens,  et  rui- 
nèrent Sévilie  et  Cartbagène.  Les  maui 
de  la  Péninsule  furent  portés  au  com** 
ble,  quand  les  barbares,  joignant  1« 
fanatisme  et  l'intolérance  à  leurs  pas<* 
sions  ordinaires,  exercèrent  contre  les 
catholiques,  par  esprit  de  secte,  de 
violentes  persécutions.  L'Espagne  fut 
ainsi  soumise ,  pendant  six  aps,  à  la 

(*)  M.Faurid  ;  Histoire  de  la  Caule  mé- 
ridionale, 1. 1 ,  p.  i53.  Nous  ne  partageon* 
F  as  Topinion  de  M.  F^iiriel,  qui  croit  qu'en 
année  42a  les  Vandales  étaient  encore 
Saïens.  Nous  pensons ,  comme  nous  Pavons 
il  précédemment,  qu'en  Pannonie ,  déjà  , 
le  cnrislianisme  avait  fait*  de  grands  pro- 
grès parmi  eux.  Nous  ajouterons  même  que 
ce  fut,  suivant  nous,  dans  les  contrées 
voisines  du  Danube  qu'une  partie  de  la  Da* 
tion  adopta  l'arianisme, 


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L'UNIVERS. 


plus  intolérable  des  dominations.  Puis, 
quand  les  Vandales  eurent  enlevé  au 
pays  ses  dernières  ressources,  ils  firent 
des  courses  au  dehors;  montés  sur  les 
Taisseaux  qu'ils  avaient  trouvés  à  Car- 
thagène,  ils  se  livrèrent  à  la  piraterie, 
et ,  s'il  fout  en  croire  d'anciens  récits, 
ils  visitèrent  plus  d'une  fois ,  pour  les 

Ï)iller,  les  Iles  Baléares  et  les  côtes  de 
a  Mauritanie  (425-428).  Les  barbares 
étaient  à  peine  entrés  dans  les  provin- 
ces méridionales  de  l'Espagne ,  gu'ils 
portèrent  leurs  regards  vers  l'Afrique; 
et  dès  lors,  comme  les  Goths,  au  temps 
d'Alaric  et  de  Wallia ,  ils  aspirèrent  à 
la  possession  de  cette  chaude  et  riche 
contrée.  Toutefois ,  ils  hésitaient  en- 
core à  franchir  la  mer  étroite  qui  les 
séparait  de  la  Mauritanie ,  lorsque  le 
comte  Boniface  mit  fin  à  leurs  irréso- 
lutions, et  leur  fournit  l'occasion  et 
les  moyens  d'accomplir  la  conquête 
qu'ils  avaient  rêvée. 

LB   COMTE   BONIFACE.  —  TOUS    leS 

écrivains  du  cinquième  siècle  s'accor- 
dent à  voir,  dans  Boniface,  un  grand 
homme  de  guerre  et  un  habile  admi- 
nistrateur. Cependant ,  il  est  vraisem- 
blable  qu'ils  ne  nous  ont  transmis  que 
la  moindre  partie  des. actions  glorieu- 
ses dé  celui  qu'ils  ont  tant  loué.  On 
sait  que  déj|i,  en  l'année  413,  Boniface 
s'illustra  en  défendant  Marseille  contre 
les  Goths.  Nous  avons  dit  que  plus 
tard ,  en  422 ,  il  avait  pris  part  à  l'ex- 
pédition de  Castinus,  mais  qu'il  s'était 
retiré  assez  tôt  pour  qu'on  ne  pût  lui 
reprocher  d'avoir  contribué  au  mau- 
vais succès  de  l'entreprise.  Honorius 
aurait  pu,  sans  doute,  accuser  Boni- 
face  d'avoir  abandonné  l'armée  ro- 
maine au  moment  du  danger;  mais  il 
préféra ,  dans  ces  temps  désastreux , 
ménager  un  homme  qui  pouvait  servir 
utilement  l'Empire ,  et  il  le  fit  partir 
pour  l'Afrique ,  dont  il  lui  avait  con- 
fié le  gouvernement.  Boniface,  dans 
sa  province,  mit  tous  ses  soins  à  com- 
primer les  soulèvements  des  Maures 
ou  des  Romains  séditieux  ;  il  adminis- 
tra sagement ,  et  se  montra  juge  sé- 
vère, mais  équitable  et  éclaire. 

lia  mort  d'Honorius  n'ébranla  point 
sa  fidélité*  U  ne  voulut  pas  recon- 


naître  un  officier  du  palais,  dpgtié 
Jean ,  qui  s'était  fait  proclamer  empe- 
reur en  Italie;  et  il  aida  de  ses  armes 
et  de  ses  conseils  Placidie ,  et  son  jeune 
fils  Valentinien.  Les  efforts  du  gou- 
verneur de  l'Afrique,  dans  ces  moments 
de  troubles ,  furent  plus  efficaces  que 
tous  les  secours  venus  de  l'Orient 
pour  renverser  l'usurpateur.  Placidie 
était  donc  redevable  à  Boniface  du 
pouvoir  qu'elle  allait  exercer  au  nom 
de  son  fils  Valentinien.  Aussi ,  dans 
les  premiers  moments  de  sa  joie  et  de 
son  triomphe ,  elle  se  montra  recon- 
naissante pour  celui  qu'elle  regardait 
comme  le  plus  habile  et  le  plus  loyal 
défenseur  de  l'Empire.  Mais  bientôt 
les  vues  coupables  d'un  ambitieux  en- 
levèrent à  Valentinien  son  meilleur 
général  et  sa  plus  riche  province.  Aétius 
voulait  faire  oublier,  par  des  excès  de 
zèle,  son  ancien  attachement  pour 
l'usurpateur  et  ses  rapports  avec  les 
barbares.  D'autre  part ,  il  songeait  à 
perdre  Boniface,  dont  la  gloire  et  la 
fovauté  l'importunaient.  Il  fit  croire  à 
Placidie  que  le  gouverneur  de  l'Afrique 
trahissait  l'Empire.  Il  ajoutait ,  pour 
donner  plus  de  poids  à  ses  paroles, 

gu'assurément  Boniface  refuserait  d'o- 
éir,  si  on  le  rappelait  en  Italie.  Pla- 
cidie recourut  a  l'expédient  qu'on 
lui  indiquait.  Elle  rappela  Boniface  ; 
mais  celui-ci,  averti  par  Aétius  que 
de  grands  dangers  le  menaçaient 
s'il  venait  pour  se  justifier,  ne  tint 
compte  des  lettres  impériales,  et  il  re- 
fusa de  quitter  l'Afrique.  L'intrigue 
avait  donc  réussi  :  on  croyait ,  dans  le 
palais,  à  la  trahison  de  Boniface  ;  et 
Boniface,  de  son  côté,  accusait  l'em- 
pereur et  sa  mère  d'ingratitude.  Placi- 
die résolut  alors  d'envoyer  des  troupes 
contre  le  rebelle.  Elle  les  confia  à  trois 
chefs ,  Mavors ,  Galbion  et  Sinox ,  que 
Boniface  défit  successivement.  Les 
conseillers  de  Placidie  et  de  rem])ereur 
ne  perdirent  point  courage  après  cet 
échec;  ils  rassemblèrent  une  armée 
considérable,  qu'ils  placèrent  sous  les 
ordres  de  Sigiswulde.  Dans  ce  pres- 
sant danger,  et  parce  qu'il  sentait  qu'il 
ne  pouvait  lutter  seul  avec  succès  con- 
tre toutes  les  forces  de  l'Empire,  B<h 


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AFRIQUE- 


nîface  s'adressa  aux  Vandales.  Il  fit 
savoir  au  chef  de  la  nation  qu'il  était 
prêt  à  partager  l'Afrique  avec  lui ,  s'il 
prenait  l'engagement  de  l'aider  et  de 
le  défendre  contre  leurs  communs  en- 
nemis. Les  Vandales  acceptèrent  avec 
joie  cette  alliance  qui  leur  ouvrait  le 
chemin  d'un  pays  qu'ils  convoitaient 
depuis  longtemps,  et  qui  leur  donnait, 
pour  auxiliaire ,  le  plus  redoutable  des 
Romains. 

CAUSES  DE  l'invasion  DES  VAN- 
DALES EN  AFRIQUE.  —  Par  quels  mo- 
tifs les  barbares,  qui  se  trouvaient  en 
possession  de  l'Andalousie,  ont -ils 
quitté ,  pour  une  lointaine  expédition, 
pour  un  établissement  incertain  sur 
une  terre  qu'ils  ne  connaissaient  pas, 
cette  riche  et  belle  contrée  qui  les  in- 
vitait à  un  long  séjour?  Plus  d'un 
historien  a  essayé  de  résoudre  cette 
question.  On  a  dit  que  l'Espagne  of- 
irait  aux  Vandales  une  position  trop 
défavorable.  Là ,  en  effet ,  ils  avaient 
à  redouter  non  point  seulement  les  Ro- 
mains, mais  encore  les  Goths,  ces  an- 
ciens et  terribles  ennemis  qui  avaient 
déjà  visité  plus  d'une  fois  la  Péninsule. 
Le  souvenir  des  victoires  de  Wallia 
était  présent  à  tous  les  esprits.  Puis, 
pour  ces  hordes  qui  voulaient  encore 
piller  et  s'enrichir,  l'Espagne  était  un 
pays  épuisé.  D'autre  part,  pour  les 
courses  au  dehors  et  la  piraterie ,  la 
contrée  était  mal  choisie;  il  fallait  une 

Position  plus  centrale,  sur  les  côtes 
'Afrique,  par  exemple,  et  sur  ces 
côtes,  une  ville  comme  Carthage ,  qui 
eût  également  à  sa  portée  l'Orient  et 
l'Occident.  D'ailleurs,  occuper  l'Afri- 
que, c'était  enlever  à  l'Empire  la  meil- 
leure partie  de  ses  forces;  c'était  tarir, 
pour  lui ,  les  sources  de  la  vie ,  que  de 
lui  prendre  cette  province  qui  était , 
depuis  plusieurs  siècles ,  le  grenier  du 
monde.  On  a  dit  aussi  que  Genséric , 
en  conduisant  les  Vandales  en  Afri- 
que ,  n'avait  d'autre  but  que  de  légiti- 
mer, à  leurs  yeux ,  son  élévation  nou- 
velle. Il  voulait  faire  oublier,  par  une 
expédition  glorieuse ,  que  lui ,  fils  illé- 
gitime ,  avait  tué  son  frère  Gundéric, 
le  vrai  roi,  et  qu'il  retenait  ses  dix  ne- 
veux, avec  leur  mère,  dans  une  dure 


captivité.  Enfin,  on  a  énuméré,  parmi 
les  motifs  qui  ont  pu  déterminer  les 
Vandales  à  passer  en  Afrique ,  l'espé- 
rance bien  fondée  qu'ils  avaient  de 
voir  accourir  auprès  d'eux ,  pour  les 
aider,  les  Maures,  tous  les  sectaires 
persécutés ,  les  Romains  mécontents , 
et  le  comte  Boniface. 

Nous  croyons  qu'on  ne  peut  faire 
un  choix  parmi  ces  causes  diverses,  et 
que,  pour  être  vrai,  on  doit  les  accep- 
ter toutes.  Cependant,  à  tant  de  rai- 
sons alléguées  jusqu'ici  par  les  histo- 
riens, il  faut  ajouter,  suivant  nous,  le 
vague  instinct  qui  poussait  chaque  jour 
les  barbares  à  se  mouvoir  et  à  se  dé- 
placer. Quand  ils  s'engageaient  dans 
des  voies  inconnues,  ils  marchaient 
hardiment ,  car  ils  croyaient  obéir  à 
une  mystérieuse  et  fatale  impulsion. 
«  La  main  de  Dieu ,  dit  Salvien ,  qui  ^^^^ 
avait  jeté  les  Vandales  au  delà  des  Py- 
rénées pour  châtier  l'Espagne ,  les  con- 
duisait à  la  dévastation  de  l'Afrique. 
Ils  n'agissaient  point  en  vertu  de  leurs 

})ropres  déterminations;  c'était,  de 
eur  aveu ,  une  force  irrésistible ,  di- 
vine, qui  les  entraînait.  » 

entbée  des  vandales  en  afbi- 
que;  fobgbs  et  bessoubges  des 
envahisseubs;  conquête  des  tbois 
maubitanies.  —  Au  moment  où  les 
Vandales,  à  l'appel  de  Boniface ,  fai- 
saient leurs  préparatifs  pour  passer  en 
Afrique ,  le  roi  Gundéric  fut  assassiné. 
Les  récits  opposés  des  contemporains 
n'ont  pu  jeter  un  voile  sur  cet  événe- 
ment. Tous  les  historiens  modernes 
s'accordent  à  dire  que  Genséric ,  fils 
illégitime  de  Godigiscle,  et  frère  de 
Gundéric ,  fut  l'auteur  du  crime.  Nous 
devons  ajouter  que  les  Vandales  ne  pa- 
raissent point  avoir  hésité  à  prendre 
pour  chef  le  meurtrier  qui ,  plus  d'une 
fois,  sans  doute,  leur  avait  donné  lieu 
d'admirer  son  habileté  et  ses  auda- 
cieuses résolutions. 

La  mort  de  Gundéric  n'ajourna  pas 
la  conquête  de  l'Afrique.  D'un  côté,  les 
Espagnols ,  qui  désiraient  ardemment 
débarrasser  la  Péninsule  de  ses  barba- 
res envahisseurs,  et,  de  l'autre,  les  émis- 
saires de  Boniface  envoyaient  de  toutes 
parts,  au  détroit  de  Gadès,  les  vais- 


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io 


L'UWIVERS. 


ffCAui  qai  devaient  transporter  en  Mau* 
ritanie,  Genséric  et  sa  nation.  J^ 
loule  s'apprêtait  au  départ ,  lorsqu'on 
apprit  que  les  Suèves  ravageaient  les 
terres  que  les  émigrants  avaient  aban- 
donnée. Pour  préserver,  sans  doute , 
de  futures  incursions  ceux  des  siens 
qui,  pour  des  causes  diverses,  res- 
taient en  Andalousie,  Genséric  ras- 
sembla son  sirifiée ,  et  se  mit  à  la  pour- 
suite des  Suèves.  Il  les  atteignit  près 
de  Mérida ,  et  les  précipita ,  avec  leur 
chef  Hermigar ,  dans  la  Guadiana^ 
Après  cette  victoire,  il  rejoignit  sa 
flotte ,  et  s'embarqua  pour  l'Afrique 
au  mois  de  mai  de  l'année  439.  «  Notre 
imagination ,  accoutumée  à  exagérer  et 
à  multiplier  les  essaims  de  barbares 
qui  semblaient  tous  sortir  du  Nord , 
sera  étonnée  sans  doute  du  petit  nom- 
bre de  combattants  que  Genséric  dé- 
barqua sur  les  côtes  de  la  Mauritanie. 
Les  Vandales,  qui ,  dans  le  cours  de 
vingt  ans,  avaient  pénétré  depuis  l'Elbe 
jusqu'au  mont  Atlas,  se  trouvaieiït 
réunis  sous  le  commandement  de  leur 
roi.  Son  autorité  s'étendait  sur  les 
Alains,  dont  la  génération  existante 
était  passée  des  régions  glacées  de  la 
fi(^bie  sous  le  climat  brûlant  de  l'A- 
frique. Des  aventuriers  goths ,  attirés 
par  l'espoir  du  pillage,  accouraient 
«oBs  ses  drapeaux  ;  et  des  provinciaux, 
juinés  et  poussés  au  désespoir,  s'enrô^ 
iaient,  dans  l'intention  de  réparer  leur 
fortune  par  les  mêmes  moyens  qui  la 
leur  avaient  enlevée.  Cependant  l'arr 
mée  de  Genséric  ne  noontait  qu'à  cin^ 
quante  mUIe  bommes  effectifs;  et, 
quoiqu'il  tâchât  d'en  augmenter  l'ap- 
parenoe,  en  nommant  quatre-vingts 
chiliarques  ou  commandants  de  mille 
soldats ,  le  supplément  illusoire  des 
vieillards ,  des  enfants  et  des  esclaves 
n'aurait  pas  êviû  pour  porter  la  tota- 
lité à  quatre>-vingt  mille  nommes.  Mais 
l'adresse  du  général  et  les  troubles  de 
l'Afrique  lui  procurèrent  bientôt  une 
multitude  d'alliés.  Les  cantons  de  là 
Mauritanie  qui  bordent  le  grand  dé- 
sert et  l'océan  Atlantique,  fourmil- 
laient d'une  race  d'hommes  hardis, 
dont  le  caractère  sauvage  avait  été 
l^lus  al^i  qjà»  «oivigé  pair  la  terreur 


des  armes  romaines.  Les  Maures  er^  ^ 
rants  hasardèrent  peu  à  peu  de  s'ap^ 
procber  du  camp  des  Vandales;  ils 
considéraient  avec  surprise  les  armes^ 
les  vétemfents,  l'air  martial  et  la  disci^ 
pline  de  ces  étrangers.  La  fignre  blan- 
che et  les  yeux  bleus  des  guerriers 
germains  devaient,  à  la  vérité,  former 
un  contraste  bien  frappant  avec  la 
couleur  olivâtre  et  les  yeux  noirs  èes 
voisins  de  la  zone  torride.  Lorsque  les 
Vandales  eurent  vaincu  les  premières 
difficultés  qui  naissent  de  l'ignorance 
mutuelle  à\m  langage  inconnu ,  \(£ 
Maures  embrassèrent  sans  hésiter  l'al- 
liance  des  ennemis  de  Rome;  une 
foule  de  sauvages  nus  sortirent  de 
leurs  forêts  et  des  vallées  du  mont 
Atlas,  pour  rassasier  leur  Tcngeance 
sur  les  t3a'ans  civilisés  qui  les  avaient 
chassés  de  leur  pays  natal  {*).  » 
i:  Mais  ces  Maures ,  ennemis  de  la  ci- 
vilisation et  des  Romains ,  ne  furent 
pas  les  seuls  auxiliaires  que  rencon- 
trèrent les  Vandales  en  débarquant  sur 
les  côtes  de  l'Afrique*  Les  Romains 
eux-mêm^,  suivant  la  remarque  de 
Gibbon,  devaient  leur  prêter  aide  et 
appui.  Nous  avons  dit,  en  parlant  du 
séjour  des  Vandales  en  Espagne,  com- 
ment il  se  pouvait  faire  que  les  hom- 
mes vivant  sous  la  loi  de  Rome  préfé- 
rassent parfois  les  troubles  et  les 
violences  de  la  domination  barbare 
aux  rigueurs  de  l'administration  im- 
périale. En  Afrique ,  cpmme  en  Eu- 
rope, on  trouvait  cette  odieuse  et  im- 
pitoyable fiscalité  qui  ruinait  les  villes 
et  les  campagnes  (**).  Il  est  donc  vrai* 
semblable  que  la  masse  des  proprié» 
taires  urbains  ou  ruraux  que  le  isc 
avait  dépouillés,  jetés  dans  la  plus  dé- 
plorable des  conditions,  et  qu'il  po^nr- 
suivait  encore ,  se  rangea  ou  coté  de 
Genséric.  Mais,  de  tous  ceux  oui  don- 
nèrent assistance  aux  Vandales ,  les 

(*)  Gibbon;  Bistoire  de  la  décadence  et 
de  la  chute  de  V empire  romain ,  di.  ^. 

(**)  Je  renvoie  ici  au  chapitre  inléressanf 
où  M.  Papencordt  parle  de  l'état  de  FAfriqjde 
avant  Tarrivée  des  Vandales;  Geschicthtedm 
vandaliscken  Hemchaft  in  Jfrica,  Voy.  B*. 
i,ch.  a,  p.ax  et  luiv. 


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AFRIQUE. 


tt 


phis  empressés,  les  plus  ardents  furent 
les  sectaires  connus ,  dans  Thistoire , 
sous  le  nom  de  donatistes.  Ils  avaient 
hâte  de  se  venger,  sur  les  catholiques, 
de  toutes  les  persécutions  que  Fmto- 
lérance  des  empereurs  leur  avait  fait 
subir.  On  les  avait  traités  jusqu'alors 
avec  une  excessive  rigueur.  Ils  étaient 
assimilés  aux  criminels  d'État.  Leurs 
évéques,  leurs  prêtres  étaient  privés  dé 
teurs  biens,  soumis  à  une  rigoureuse 
surveillance ,  et  souvent  envoyés  dans 
un  lointain  exil.  Ils  ne  pouvaient  invo- 
quer leurs  droits  de  citoyen.  Les  lois 
n'étaient  pas  moins  sévères  contre  le^ 
laïques.  Nul  ne  se  montra  plus  intolé- 
rant et  plus  impitoyable,  contre  les 
partisans  de  l'hérésie ,  que  l'empereur 
Honorius.  La  crainte  des  châtiments 
arrêta  seule  les  plaintes  et  les  protes- 
tations des  donatistes.  Seulement ,  ils 
cherchèrent  à  se  rapprocher  des  ariens , 
et  à  confondre  les  intérêts  des  deux 
hérésies.  Ainsi ,  quand  on  envoya  une 
armée  contre  Boniface  révolté ,  ils  es- 
sayèreht  de  mettre  dans  leur  parti  les 
Goths ,  que  l'empereur  avait  engagés 
pour  l'expédition  d'Afrique.  Ce  fait  a 
i%é  signalé  dans  ces  lignes  de  saint  Au- 
gustin :  «  Plusieurs  donatistes  voulant 
se  concilier  les  Goths,  parce  qu'ils  les 
croient  puissants,  prétendent  qu'ils 
sont  ariens  comme  eux.  Mais ,  en  cela , 
ils  sont  condamnés  psur  l'autorité  des 
traditions  qu'ils  invoquent,  car  il  est 
avéré  que  Donat,  qu'ils  reconnaissent 
et  qu'ils  honorent  comme  leur  chef, 
n'a  jamais  partagé  les  croyances  d'A- 
rius  [ep,  185 ,  àfi  Bonifac).  »  Enfin , 

Sour  compléter  cette  nomenclature 
es  ennçmis  naturels  de  la  puissance 
iromaine,  ajoutons  que  Genséric  devait 
.encore  trouver  des  auxiliaires,  moins, 
il  est  vrai ,  en  Mauritanie  qu'aux  en- 
virons de  Carthage ,  dans  les  restes  de 
la  race  punique.  Cette  race ,  qui  avait 
éurvéou  à  tant  de  catastrophes,  n'avait 
perdu  alors ,  malgré  son  long  céntadt 
avec  les  étrangers,  ni  son  caractère 
propre,  ni  sa  langue,  ni  sa  vieille 
naine  conti^  les  Rodiains  (*}. 

(*)  Voyez,  dans  ce  volume,  sur  la  persis- 
tance de  la  race  punique  en  Afrique^  VHis- 


Dès  leur  entrée  en  Afrique,  les  Vatt- 

Éales  portèrent,  dans  tous  les  lieux  ba- 
ttes qu'ils  rencontrèrent  sur  leiiv 
passage ,  le  fer  et  la  flamme.  Les  r ichefii 
et  populeux  établissements  fondés  sut 
la  côte  par  les  Carthaginois  eu  les 
Romains  furent  anéantis.  Pour  expli- 
quer les  effroyables  extiès  auxquels  se 
livrèrent  alors  les  barbares,  on  est 
obligé  de  supposer  qu'ils  furent  ani- 
més, dans  leut  œuvre  de  destruction , 
par  la  rage  aveugle  des  Maures  et  l'es- 
prit de  vengeance  des  donatistes  per- 
sécutés. Ce  fut  ainsi  que  les  Vandales 
parcoururent,  massacrant  et  rava- 
geant ,  les  trois  Mauritaniés ,  et  qu'ils 
arrivèrent  au  fleuve  Ampsaga,  qui  de- 
vait être ,  aux  termes  du  traité  conclu 
avec  Boniface ,  la  limite  de  leur  em- 
pire (*). 

BEPËNTIB  DE  BOWIFACE  ;  IL  BEIf- 
TBE  AVEC  LES  SIENS  SOUS  L'OBÉIS- 
SAIVCE  DE  VALENTINIEN;  IL  PERD 
UNE    BATAILLE    CONTBE    OENSÉBIC*, 

SIEGE  d'hippone.  —  A  la  première 
nouvelle  de  la  marche  rapide  des  Van- 
dales et  (Je  leurs  dévastations,  Boniface 
dut  regretter  amèrement ,  sans  doute , 
d'avoir  tiré  de  l'Espagne  ces  terribles 
auxiliaires.  Il  est  vraisemblable  que 
déjà  il  avait  songé ,  dans  son  intérêt 
propre,  à  s'opposer  en  armes  à  Gen- 
séric ,  qui ,  chaque  jour ,  se  rappro- 
chait davantage  de  la  INumidie ,  lors^ 

toire  de  Carthage,  deuxième  partie,  p.  i53. 
Nous  renvoyons ,  en  outre ,  pour  ce  point 
historique  très-important ,  à  quelques  pas- 
sages curieux  que  l'on  trouve  dans  les  ou- 
vrages suivaîBts  de  saint  Augustin  :  Sermo 
XXT,  de  Verba  apostoL — '  Traetatus  xi,  in 
epîstoL  Johannis,  •—  Expositio  epistol,  ad 
Roman. —  Ep'ut  cvw,  §  14. 

(*)  Au  témpfi  de  Constantin ,  dans  la  di- 
tîaion  administrative  des  provinces ,  la  Mau- 
ritaiûe  Tingitane ,  la  plus  occidentale  des 
trois  Mauritaniés,  avait  été  placée  dans  la 
préfecture  des  Gaules,  et  dans  le  diocèse 
dlËspagne.  Les  deux  autres  Mauritaniés  re- 
levaient de  la  préfecture  d'Italie,  et  du  dio- 
cèse d^A&ique.  La  Mauritanie  T'mgîtane 
s'étendait  de  TAllautiquc  au  Mal  va;  la  Mau- 
ritanie Césarienne ,  du  Malva  au  Serbèle  ;  la 
Mauritanie  Sitîfienne,  du  Serbèle  à  T Amp- 
saga ,  qui  la  séparait  de  la  H tunidie. 


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u 


L'UNIVERS. 


qu'il  se  réconcilia  avec  Placidie  et 
Yalentiuien.  On  s'étonnait,  et  non  sans 
cause,  dans  l'Empire,  que  Tofficier  loyal 
qui  avait  .servi  avec  tant  de  zèle  l'em- 
pereur et  sa  mère ,  au  temps  de  leurs 
mfortunes,  eût  attendu,  pour  les  aban- 
donner et  les  trahir,  qu'ils  fussent  heu- 
reux et  tout-i)uissants.  Placidie,  de 
son  côté,  avait  cherché  en  vain  les 
causes  de  cette  brusque  rébellion.  Ce- 
pendant, soit  que  les  accusations  d'Aé- 
tius,  après  mûre  réflexion,  inspirassent 
de  la  défiance,  soit  que  les  plaintes  ou 
les  confidences  de  Boniface  eussent 
seules  éveillé  les  soupçons,  la  cour  de 
Ravenne  se  décida  h  pénétrer  ce  mys- 
tère. Un  officier  du  palais,  Darius,  se 
rendit  en  Afrique  ;  et  là ,  dans  ses  en- 
tretiens ,  il  chercha  à  saisir  le  motif 
secret  d'une  rébellion  qui  avait  déjà 
causé  de  si  grands  dommages  à  l'Em- 
pire. Les  entretiens  qu'il  eut  alors  avec 
Boniface  ne  lui  laissèrent  bientôt  au- 
cun doute  sur  la  double  trahison  d'Aé- 
tius.  Il  fit  connaître  à  Placidie  les  ré- 
sultats de  sa  mission.  La  mère  de 
Yalentinien  n'osa  punir  le  coupable 
qui  aurait  pu  tourner  contre  l'Empire 
les  troupes  qu'elle  lui  avait  conûees  ; 
mais  elle  fît  part  à  Boniface  de  ses 
vifs  regrets,  et  lui  rendit ,  avec  ses  an- 
ciens titres,  toute  sa  confiance.  Cepen- 
dant la  réconciliation  venait  trop  tard. 
Déjà  les  Vandales,  qui  ne  comptaient 
plus  sur  l'alliance  et  la  coopération  de 
Boniface ,  étaient  entrés  en  Numidie. 
Le  général  romain  voulut  d'abord  né- 
gocier avec  ses  anciens  alliés,  et  il  es- 
saya, mais  en  vain,  à  l'aide  de  grandes 
promesses,  de  les  renvoyer  en  Es- 
pagne. Dès  lors,  il  n'y  avait  plus  à  hé- 
siter. Boniface  rassembla  à  la  hâte 
toutes  les  troupes  dont  il  pouvait  dis- 
poser, et  il  vint  pour  arrêter  par  la 
force ,  la  marche  et  les  progrès  des 
envahisseurs.  Il  rencontra  les  Vandales 
non  loin  de  l'Ampsaga ,  et  leur  livra 
bataille.  Mais  il  fut  vaincu ,  et  il  per- 
dit dans  l'action  ses  meilleurs  soldats. 
Après  cette  défaite ,  il  courut  se  jeter 
dans  la  ville  d'Hippone  (*) ,  que  les 


(*)  Hippo-Regius,  La  ville  connue  aujour- 
d'hui SQU3  le  nom  de  Bone,  est  bâtie  à  deux 


le 


vainqueurs  ne  tardèrent  point  à  as- 
siéger. 

La  place  où  Boniface  avait  cherché 
refuge  était  forte,  et ,  sans  doute,  bien 

{)ourvue  d'armes  et  de  vivres.  D'ail- 
eurs,  elle  communiquait  librement, 
par  la  mer,  avec  le  dehors  ;  et  elle  pou- 
vait espérer  ainsi ,  en  cas  de  siège,  de 
ne  manquer  jamais  de  soldats  et  de 
munitions.  Les  Vandales  arrivèrent 
sous  les  murs  d'Hippone,  en  430,  dans 
l'été.  Les  historiens  modernes  hési- 
tent à  croire  que,  pour  réduire  la  place 
aœiégée,  ils  aient  employé  l'affreux 
moyen  qui  nous  a  été  signalé  par  les 
auteurs  contemporains  (*).  Ils  rasserti- 
blaient ,  suivant  Victor  de  Vita ,  leurs 
prisonniers  autour  des  villes,  et  les 
égorgeaient.  Puis,  ils  laissaient  lesca* 
davres  à  l'air ,  dans  l'espoir  que  leur 
décomposition  prochaine  porterait  au 
milieu  des  assiégés  les  maladies  et  la 
mort.  Les  Vandales,  comme  les  autres 
peuples  de  race  germanique ,  se  sont 
montrés,  dans  le  cours  de  leurs  inva- 
sions ,  assez  violents  et  assez  féroces 
pour  qu'on  puisse  adopter,  sans  crainte 
d'erreur ,  le  témoignage  de  Victor  de 
Vita.  Au  reste,  quels  qu'aient  été  les 
moyens  employés  alors  pour  obtenir 

milles  de  distance  environ  de  remplacement 
d'Hippone. 

(^  M.  Marcus,  Papologiste  passionné  de 
toutes  les  actions  des  Vandales  et  de  Gen- 
séric ,  essaye ,  sur  ce  point ,  d'infirmer  l'au- 
torité de  Victor  de  Vita.  On  verra ,  par  le 
passage  suivant,  que  M.  Marcus  n'a  pas 
toujours  autant  d'habile^  que  de  bonne 
volonté  :  «  Pour  ma  pari,  dit'il  avec  une 
sorte  d'indignation,  je  pense  que  Victor  de 
Vita  calomnie  les  Vandales  dans  ce  cas , 
comme  dans  beaucoup  d'autres,  ou  qu'il 
exagère  du  moins  les  faits  qui  se  sont  passés. 
Que  les  Vandales  aient  ramassé,  dans  les 
plaines,  les  cadavres  des  hommes  et  des 
animaux  morts  dans  les  combats,  ou  de 
toute  autre  manière ,  qu'ils  les  aient  jetés 
dans  les  fossés  des  forteresses  et  devant  les 
murs  et  les  portes,  pour  empester  Pair;  c*est 

très'probaile mais  qu'ils  aient  égorgé 

les  prisonniers  pour  augmenter  le  nombrt 

des  cadavres cest  Victor  seul  qui  U 

prétend,  »  Histoire  des  Vandales ,  etc. ,  p. 
r4(). 


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APRÏQUÊ. 


tl 


la  reddition  d*Hippone,  il  est  avéré 
que  les  assiégeants  ne  furent  pas  heu- 
reux dans  leurs  premières  opérations. 

Saint  Augustin  se  trouvait  dans  la 
ville  assiégée.  Les  Vandales  avaient  à 
peine  franchi  le  détroit  de  Gadès,  que, 
déjà ,  il  avait  prévu  les  désastreux  ré- 
sultats de  rinvasion.  Plus  tard,  quand 
il  apprit  les  souffrances  de  la  Maurita- 
nie, et  aussi ,  peut-être,  quand  il  con- 
nut l'alliance  des  donatistes,  ses  enne- 
mis, avec  les  envahisseurs ,  sa  frayeur 
fut  telle,  qu'il  songea,  dit-on,  à  oren- 
dre  la  fuite.  Mais  cette  frayeur  rut  de 
courte  durée,  et  elle  Ot  place,  dans  son 
âTme,  à  de  généreuses  résolutions.  Il 
voulut  rester  et  mourir  au  sein  de 
cette  Église  catholique  d'Afrique,  dont 
il  était  le  plus  ferme  et  le  plus  illustre 
défenseur.  Il  ne  sortit  point  d'Hip- 
pone  à  l'approche  des  barbares;  et, 
quand  la  ville  fut  assiégée,  il  prodi- 
gua ,  comme  évéque  et  comme  citoyen , 
aux  habitants  et  à  Boniface,  les  encou- 
ragements et  les  consolations.  Saint 
Augustin  mourut  pendant  le  siège ,  le 
28  du  mois  d'août  de  l'année  430.  Mais, 
avant  d'expirer,  il  eut  la  douleur  d'ap- 
prendre que  les  Vandales,  se  livrant  à 
des  expéditions  partielles ,  avaient 
étendu  leurs  ravages  dans  les  provinces 
avoisinantes.  «  Il  voyait,  dit  l'agiogra- 
phe  Possidius,  que,  parmi  les  innom- 
brables églises  qui  couvraient  autre- 
fois le  pays ,  trois  seulement ,  celle  de 
Carthage ,  celle  d'Hippone  et  celle  de 
€irta ,  avaient  échappe  à  la  destruc- 
tion. » 

Le  siège  dura  quatorze  mois.  Les 
Vandales  seraient  restés  plus  long- 
temps encore  devant  les  murs  d'Hip- 
pone ,  sans  l'événement  que  nous  al- 
lons raconter.  A  la  nouvelle  des  dangers 
qui  menaçaient  l'Afrique,  l'empereur 
d'Orient,  Théodose,  envoya  5  Placidie 
des  secours  et  Aspar,  l'un  de  ses  meil- 
leurs généraux.  Placidie,  à  son  tour, 
fit  partir  pour  Hippone  les  troupes 
qu'elle  avait  reçues.  L'arrivée  de  ces 
renforts  donna  à  Boniface  assez  de 
confiance  et 'd'audace  pour  qu'il  voulût 
hasarder  contre  les  Vandales  une  se- 
conde bataille.  Mais,  cette  fois  encore, 
il  fut  trompé  dans  ses  espérances.  Les 


barbares  triomphèrent.  Aspar  aban* 
donna  bientôt  ses  alliés  et  l'Afrique; 
remontant  sur  ses  vaisseaux,  avec  les 
débris  de  ses  troupes,  il  reprit  le  che- 
min de  Gonstantmople.  Ce  fut  après 
la  victoire  des  Vandales  que  la  ville 
d'Hippone  capitula  (août  431). 

Vaincu  et  ne  pouvant  désormais  ré- 
sister à  Genséric ,  Boniface  revint  en 
Italie.  Il  se  présenta  hardiment ,  dans 
le  palais  de  Ravenne ,  à  l'empereur  et 
à  sa  mère,  qui,  malgré  sa  trahison 
passée  et  ses  défaites,  l'accueillirent 
avec  distinction ,  et  lui  donnèrent  le 
titre  de  patrice.  Placidie  et  boniface 
ne  cessaient  de  déplorer  leur  fatale  er- 
reur, et  ils  songeaient  sans  doute  aux 
moyens  de  punir  le  premier  auteur  des 
maux  qui  pesaient  alors  sur  l'Afrique, 
lorsqu'ils  apprirent  qu'Aétius,  par  un 
excès  d'audace ,  avait  franchi  les  Alpes 
avec  une  armée  de  barbares.  Il  venait 

I)our  se  débarrasser  de  son  rival  par 
a  force.  Boniface,  de  son  côté,  ras- 
sembla des  troupes  ;  et,  pour  ne  point 
s'éloigner  de  l'empereur  et  de  Placi- 
die ,  c'est  à  Ravenne  même  qu'il  atten- 
dit Aétius.  Enfin  arriva  la  bataille  qui 
pouvait  seule  terminer  la  querelle  des 
deux  plus  illustres  généraux  de  l'Em- 
pire. Boniface  triompha  ;  mais  il  ne  de- 
vait point  recueillir  les  fruits  de  sa 
victoire;  il  avait  été  mortellement 
blessé ,  dans  l'action ,  par  le  fer  d'Aé- 
tius. 

PBEMIEBS  TBA.ITÉS  DB   GENSÉBIG 

AVEC  l'empibe;  le  boi  des  VAW- 

BALES  SEMBLE  HÉSITEB ,  PEKDANT 
HUIT  ANS,  A  POUBSUIVBE  SES  CON- 
QUETES. —  Après  la  défaite  de  Boni- 
face  et  la  reddition  d'Hippone,  il  y  eut 
sans  doute,  entre  les  vainqueurs  et 
l'Empire,  un  premier  traité  (431  ou 
432).  La  cour  de  Ravenne,  alarmée 
des  progrès  de  .Genséric ,  essaya  de 
l'arrêter,  dans  ses  conquêtes,  en  parais- 
sant accorder  de  son  plein  gré  les  por- 
tions de  territoire  qui  lui  avaient  été 
arrachées  par  la  force  des  armes.  Il 
est  probable  qu'aux  termes  de  ce  traité, 
les  Vandales  se  trouvèrent  non-seule- 
ment en  possession  des  trois  Maurita- 
nies,  qu'ils  avaient  épuisées  et  ruinées 
dans  leurs  courses,  et  où  ils  ne  désl* 


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14 


L^UISIVERS. 


ftieiit  poÎBt.se  fiser,  mais  enœre  de  la 
ptrtte  la  plus  oceidentale  de  la  Nurni* 
dite.  Procejpe  ndtts  apprend  qiie  GeQf- 
«érict  afHpès  sa  douàe  vietoire  et  la 
pri^e  d'Hippona,  montra  une  ^and^ 
fnodération  daDs  ses  négociations  avee 
l'Empire;  qu'il  s'engagea  à  payer  ^ 
ValentinieB  un  tribut  annuel  pour  les 
terres  qu'il  avait  acquises  »  et  qu'il  ti* 
vra  mime  en  otage  son  fils  Hunérie, 
en  témoignage  de  ses  intentions  paci* 
fiques  et  de  sa  bonne  foi.  L'historien 
byzantin  ajoute  que  l'empereur ,  ras- 
ifupé  par  ees  protestations,  renvoya 
fiunérie  à  son  père. 
Cependant ,  on  est  tenté  de  croire 

3ue  les  Vandales,  se  trouvant  à  rétraij; 
ans  le  pays  où  ils  avaient  concentré 
leurs  forces,  firent  plus  d'une  fois  des 
tiH^iirsions  dans  la  province  qui  les 
avoisinait  à  l'est ,  et  qui  les  attirait  par 
fies  richesses  et  sa  fertilité.  La  paix  qui 
fut  conclue  entre  les  Vandales  et  les 
Romains,  à  Hippone,  le  11  février 
436 ,  doit  avoir  eu  pour  but  de  mettre 
fin  aux  entreprises  des  barbares.  Va- 
lentinien  et  Genséricoonfîrraèrent  alors^ 
les  clauses  du  premier  traité.  Nous 
connaissons  la  cause  de  l'empresse- 
ment que  l'empereur  d'Occident  met* 
tait ,  à  cette  époque,  à  li^  son  ennemi 
par  des  engagements  de  toute  espèce 
et  par  des  serments  (  «  il  craignait ,  dit 
Isidore  de  Béville,  que  Genséric  np 
poussât  plus  loin  ses  conquêtes  {*).  » 

(*)  M.  Papencordt  ne  parle,  dans  son 
Histoire,  que  d«  traité  de  435.  Nous  par- 
Hgiedns  Topimon  de  M.  Marcus  qui  établit , 
par  de  bonnes  preuves ,  que  FEmpire  négo- 
cia deux  fois  avec  les  Vandales.  M.  Papen- 
cordt  faisant  allusion  au  passage  de  Procope 
que  nous  avons  cité,  et  quUl  rapporte  & 
1  année  435,  se  refuse  à  croirfe  que  Genséric 
ail  livré  comme  otage  à  Yalentinien,  soh 
fils  Hunéric.  Suivant  lui,  le  fait  rapporté 
par  l'historien  byzantin  ne  peut  s'accorder 
avec  les  succès  des  Vandales.  Ce  n*est  pas , 
dit-il ,  le  vainqueur  qui  donne  des  otages. 
Ou  peut  cependant  expliquer  ce  fait  d'une 
manière  plausible,  en  disant  que  Geosértc 
livra  son  fils  nonr  les  raisons  qui,  de  43x  à 
499 ,  Tempèuièrent  de  poursuivre  ses  con- 
^étés  en  Afrique.  Yoy.  Geschichte  der  ' 
vantUiUschw  Uerrtchaft  in  Jfrica,  P-  71 
•t  «ivi 


Genséria ,  en  effet ,  s'arrêta  au  mi* 
lieu  de  ses  succès;  et  son  inaction 
apparente,  pendant  huit  années,  frappa 
m  hommes  de  son  temps,  comme,  de 
nos  jours  encore,  elle  étonne  les  histo- 
riens. Conunent  exj)liq^er  cette  mo« 
dératioo  ?  t^ourauoi  ces  longs  ména- 
gements avec  l'Empire.^  C'est  que 
Ëensérie  n'avait  point  oublié  que,  poiur 
prendre  une  seule  ville,  Hippone,  fl 
avait  fallu  quatorze  mois  et  dfeux  ba- 
tailles. Il  avait  parcouru,  il  est  vrai, 
dans  une  course  rapide ,  les  côtes  de 
là  Mauritanie;  mais,  là,  les  villes  n'ap- 
paraissaient que  de  loin  en  loin ,  et 
alors  la  coopération  de  Boniface  faisait 
disparaître  a  l'avance  toutes  les  résis- 
tances. Quand  il  eut  franchi  l'Ampsaga, 
quand  l'auxiliaire  sur  lequel  il  comp- 
tait devint  son  ennemi ,  tout  changea 
de  face.  La  contrée  sur  laquelle  il  por- 
tait ses  regards  était  couverte  d'une 
population  nombreuse  et  dévouée  à 
l'Empire;  et,  d'ailleurs,  elle  était  pro- 
tégée par  des  villes  bien  approvision- 
nées et  environnées  de  fortes  mu- 
railles. Entreprendre  le  siège  de  chacune 
de  ces  villes,  c'était  commencer  une 
lutte  qui  aurait  eu  pour  unique  résul- 
tat l'épuisement  de  ses  forces  et  sa 
ruine.  Puis,  il  avait  encore  à  redout» 
que  rodent  et  l'Occident,  qui  dé|i 
s'étaient  alliés  pour  sa  perte ,  ne  vou- 
lussent frapper  sur  lui  de  nouveaux 
coups.  Il  ne  craignait  pas  d'être  vaincu; 
mais  il  comprenait  que ,  dans  la  posi* 
tion  où  son  audace  l'avait  jeté .  des  vio- 
toires  multipliées,  en  le  privant  d^ 
l'élite  de  ses  guerriers,  eussent  été 
pour  lui ,  à  la  un ,  aussi  nuisibles  que 
des  défaites.  Il*  ajourna  donc  sa  con» 
quête  après  le  siège  d'Hippone ,  et  il 
traita  avec  Valentinien. 

Ajoutons  qu'à  cette  époque ,  Gensé- 
ric avait  aussi  à  lutter  contre  des  en- 
nemis bien  plus  terribles  pour  lui  que 
les  derniers  défenseurs  de  l'Empire. 
Bans  son  camp,  auprès  de  sa  personne, 
parmi  ses  compagnons  d'armes ,  il  y 
avait  des  hommes  qui  n'avaient  point 
encore  oublié  la  mort  de  Gundéric.  Us 
haïssaient  le  meurtrier;  et  les  histo- 
riens anciens  nous  apprennent  que, 
plus  d'une  fois,  ils  conspirèrent  contra 


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AFRlOtJÊ. 


a 


hif.  Genséfic  étouffa  dans  le  sans 
toutes  les  révoltes.  Il  avait  entraîné  a 
sa  suite ,  depuis  la  sortie  d'Espagne , 
la  veuve  de  Gundéric  et  ses  fils.  La 
présence  de  ces  infortunés ,  au  milieu 
des  Vandales,  était  en  quelque  sorte 
une  perpétuelfe  protestation  contre 
son  attentat  et  son  usurpation.  Poiit 
ç'affranchir  de  cette  présence  qui  lui 
était  odieuse  »  et ,  aussi ,  pour  enlever 
aux  siens  tout  prétexte  de  rébellion , 
il  compléta  Son  crime ,  et  fit  périr  la 
mère  avec  ses  dix  enfants. 

La  paix  était  peut-être  plus  néces- 
saire a  Genséric  qu'à  l'Empire.  Il  la 
mit  à  profit  pour  préparer,  par  des 
moyens  lents,  mais  sûrs,  la  conquête 
qu'il  rêvait^  mais  qu'il  ne  pouvait  alors 
accomplir  par  la  seule  force  de  ses  ùt* 
mes.  Il  étudia,  à  loisir,  l'état  des  pro- 
vinces qu'A  voulait  envahir.  Il  vit 
qu'elles  renfermaient  bien  des  bommes 
qui  souhaitaient  ardemment  son  arri- 
vée. C'étaient  les  donatistes  et  les  au- 
tres hérésiarques  qui  étaient  soumis , 
en  vertu  des  édits  impériaux ,  à  d'in- 
justes persécutions.  Genséric  se  fit 
l'ami  de  tous  les  ennemis  de  l'Empire. 
Pour  leur  donner  en  quelque  sorte 
des  gages  de  sa  sympathie,  il  persécuta 
les  catholiques  qui  vivaient  sur  les 
terres  que  valeniinien  lui  avait  aban- 
données (437)  ;  il  chassa  les  évéques  de 
leurs  sièges ,  et  même  il  condamna  à 
mort  les  fonctionnaires  publics  qui 
n'avaient  pas  voulu  embrasser  l'aria- 
njsme  (*).  Enfin,  quand  il  compta  un 
liombre  suffisant  d'alliés  dans  le  pays 
qui  avoisinait  Carthage ,  et  à  Cartnage 
même;  d'autre  part,  quand  il  eut  af- 
fermi son  autorité  sur  ses  propres  sol- 
dats par  des  actes  rigoureux  et  des 
supplices,  il  se  tint  prêt  à  frapper  sur 
l'Empire  un  coup  décisif.  Les  événe- 
ments qui  s'accomplissaient  alors  en 
Europe  devaient  bientôt  lui  offrir  l'oc- 
easion  d'exécuter  ses  projets. 

(*)  Parmi  les  évéques  persécutés,  oa 
compte  celui  de  Si^fi.  De  là ,  ou  peut  tirer 
cette  eonclusioD,  que,  par  ses  traités.  Va-- 
lentinien  avait  laissé  aux  Vandales  les  Mau- 
ritaaiesy  ou  au  moins  la  Mauritanie  siii- 
fiemie, 


PRISE  B£  GÀKTHÀeB.  —  En  489 , 

fEmpire  était  attaqué,  envahi  de  toutei 
parts.  La  présence  d'Aétius  dans  let 
Gaules  ne  pouvait  contenir  les  barba* 
1res.  Les  nisigoths  avaient  été  plus 
d'une  fois  victorieuir  dans  leurs  luttes 
avec  les  Romaine.  En  Espagne,  les 
Suèves  faisaient  chaque  jour ,  et  sans 
rencontre^  d'obâtacleé ,  de  nouvelles 
conquêtes.  L'empire  dWient  h'était 
pas  moins  expose  que  celui  d'Occident 
au  danger  des  invasions.  Les  Huns 
étaient  campés  à  ses  frontières ,  et  la 
cour  de  Constantinople  tremblait  au 
moindre  mouvement  d'Attila.  Gensé^ 
rie  profita  de  l'instant  où  les  d«ux  em- 
pires se  trouvaient  jetés  dans  de  si 
graves  embarras  ;  il  marcha  en  avant, 
et  se  dirigea  vers  Carthage. 

Sur  les  ruines  de  la  ville  détruite  par 
Scipion ,  une  ville  nouvelle  s'était  éle- 
vée; la  faible  colonie  de  Caïus  Grac- 
chus  n'avait  pas  tardé  à  devenir  une 
grande  cité.  César  et  Auguste  avaient 
favorisé  son  développement.  Sous  Ti- 
bère ,  déjà ,  elle  n'avait  pas  d'égale  en 
Afrique.  Dès  lors  elle  ne  cessa  plus  de 
s'accroître  et  de  s'embellir.  Strabon , 
Pomponius  Mêla ,  Apulée ,  Hérodien . 
Solin,  Ausone  et  Salvien  ont  vanté 
tour  à  tour  cette  ville  ri.che  par  son 
commerce  et  son  industrie,  somptueuse 
par  ses  édifices,  renommée  par  ses 
écoles,  qui  avait  effacé  Alexandrie ,  et 
qui ,  dans  les  premières  années  du  cin- 
quième siècle ,  n'avait  plus  au-dessus 
d'elle  que  Rome  et  Constantinople  (*). 
Les  invasions  des  barbares  avaient 
même  augmenté  sa  prospérité  et  s4 
population  ;  tous  ceux  qui ,  craignant 
pour  leur  vie  et  pour  leurs  biens, 
avaient  quitté  l'Italie  à  l'approche  d'A- 
laric,  s'étaient  précipités  clans  son  en- 
ceinte, comme  dans  le  plus  assuré  et 
le  plus  inviolable  des  asiles.  Telle  était 
la  grande  cité  que  Genséric  convoitait 
moins  pout  ses  richesses  que  pour  sa 

f)Osition ,  et  où  il  avait  résolu  d'établir 
e  centre  de  sa  domination. 

(*)  Nous  avons  cité  ailleurs  les  passage! 
de  ces  divers  auteurs.  Voyez ,  dans  ce  vo- 
lume, pour  les  détails,  V Histoire  de  Car» 
thage,  deuxième  partie,  p.  149  et  suiv». 
et  principalement  les  pages  x54  et  ib!^ 


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le 


L'UNIVERS. 


«  Au  moment  où  Aétius ,  dit  Pros- 
per,  était  liyré  tout  entier  aux  affaires 
de  la  Gaule,  Genséric,  sur  ralliance 
duauel  on  comptait,  et  qui  n'inspirait 
nune  défiance ,  se  jeta  a  Timproviste 
sur  Garthage,  en  temps  4e  paix, 
et  s'en  empara  (19  octobre  439).  » 
Le  roi  des  Vandales ,  au  témoignage 
de  Victor  de  Cartenne,  traita  avec 
rigueur  la  ville  qu'il  avait  surprise. 
«  Les  vases  sacrés  de  l'église  de  Gar- 
thage, dit-il,  et  les  objets  précieux 
nui  se  trouvaient  dans  les  autres  édi- 
fices publics  furent  portés  oar  les  Van- 
dales, lorsqu'ils  entrèrent  dans  la  ville, 
au  palais  du  roi.  Gelui-ci  fit  déclarer 
aux  habitants  de  la  capitale  de  l'Afri- 
que romaine  qu'ils  eussent  à  lui  li- 
vrer leur  or,  leurs  argent,  leur  bijoux, 
leurs  vêtements  de  prix  et  leurs  ar- 
mes. On  rendit  une  partie  de  ces  cho- 
ses à  ceux  qui  se  dépouillèrent  sans 
hésitation  et  avec  bonne  foi.  Geux 
qui  furent  soupçonnés  d'avoir  con- 
servé une  partie  de  leurs  richesses 
furent  battus  de  verges  et  mis  à  la 
torture.  On  voulait ,  par  ces  moyens, 
leur  arracher  un  aveu  et  l'indication 
des  lieux  où  ils  avaient  caché  ce  qu'ils 
avaient  de  précieux.  A  ces  derniers  on 
ne  fit  point  de  restitution.  Les  riches- 
ses ainsi  amassées  servirent  à  prendre 
les  mesures  nécessaires  pour  repous- 
ser les  Romains  des  provinces  où  les 
Vandales  avaient  fixé  leurs  demeures.» 

PBEMIEBS  BÉSULTÂTS  DE  LA  PRISE 

DE  gabthàge;  projets  de  GENSÉ- 
big;  il  se  pbépabe  a  attaqueb 
l'empibb.  —  Après  la  prise  de  Gar- 
thage ,  Genséric  pouvait,  sans  crainte, 
poursuivre  et  achever  la  conquête  des 
plus  riches  provinces  de  r Afrique. 
Aussi ,  il  ne  tarda  pas  à  s'emparer  de 
toute  la  Proconsulaire  et  de  la  Byza- 
cène.  Bientôt ,  sur  cette  vaste  côte  qui 
s'étend  du  détroit  de  Gadès  à  la  Cyré- 
naïque ,  il  ne  resta  plus  à  Valentinien 
que  la  Tripolitaine. 

Quand  Genséric  se  mit  en  posses* 
sion  d'un  établissement  définitif,  quand 
il  eut  pris  avant  tout  les  mesures  qui 
pouvaient  le  protéger  contre  les  atta- 
ques soudaines  des  deux  empires,  il 
songea ,  si  Ton  peut  se  servir  de  cette 


expression^  à  organiser  sa  conquête. 
Il  partagea  avec  ses  compagnons  d'ar- 
mes, Vandales ,  Alains  et  autres  bar- 
bares qui  l'avaient  suivi,  les  terres 
conquises,  et  il  régularisa  ses  raj^ports 
avec  la  population ,  mêlée  d'Africains 
et  de  Romains,  que  la  force  et  sa  bonne 
fortune  avaient  placée  sous  sa  domina- 
tion. Ce  furent  là ,  on  peut  le  suppo- 
ser, ses  premiers  soins.  Nous  parlerons 
ailleurs,  et  d'une  manière  spéciale,  de 
l'organisation  politique  dés  Vandales 
établis  en  Afrique.  Nous  ne  voulons 
ici  que  signaler  en  passant  les  graves 
préoccupations  qui  durent  empêcher 
Genséric,  de  439  à  441 ,  de  se  porter 
au  dehors ,  et  qui ,  pendant  ces  deux 
années ,  le  maintinrent  dans  un  repos 
complet  à  l'égard  de  l'Empire. 

Il  a  été  dans  la  destinée  de  tous  les 
États  indépendants  qui  ont  existé  en 
Afrique ,  sur  la  côte  de  la  Méditerra- 
née, dé  se  tourner  vers  la  mer,  et 
d'agir,  par  le  commerce  ou  par  la 
guerre ,  sur  la  partiç  méridionale  de 
l'Europe.  Les  Carthaginois ,  les  Van- 
dales, les  maîtres  de  Tunis,  au  moyen 
âge,  les  fondateurs  de  la  puissance 
d  Alger,  au  seizième  siècle ,  et  leurs 
successeurs,  ont  tous  obéi  à  la  même 
impulsion ,  ou ,  plutôt,  à  la  même  né- 
cessité. C'est  par  force,  en  quelque 
sorte,  qu'ils  ont  construit  des  vais- 
seaux, et  qu'ils  ont  été  pirates.  Comme 
il  n'y  avait  pour  eux  ni  occasions  ni 
motifs  de  déployer  leur  activité  dans 
l'intérieur  des  terres,  ils  se  sont  livres 
tout  entiers  aux  courses  maritimes. 
L'activité  sur  mer  et  la  piraterie  n'ont 
cessé  d'exister,  sur  les  côtes  septentrio- 
nales de  l'Afrique ,  qu'à  deux  reprises  : 
au  temps  des  Romains,  et,  de  nos 
jours,  quand  les  peuples  et  les  villes 
de  ces  côtes  ont  été  rattachés  violem- 
ment, à  la  suite  d'une  conquête,  au 
système  politique  de  l'Europe  méri- 
dionale. La  prise  de  Garthage,  en 
439,  eut  précisément  pour  résultat 
d'opérer  une  séparation  entre  l'Afri- 
que et  l'Europe,  qui ,  pendant  six  cents 
ans,  environ ,  avaient  eu  même  gou- 
vernement et  mêmes  intérêts.  Le  rôle 
de  Genséric  était  donc  marqué  à  l'a- 
vance; il  devait  nécessairement |K)rter, 


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vers  la  Méditerranée  ses  regards  et 
son  activité. 

£d  effet ,  il  avait  à  peine  affermi , 
dans  les  terres  conquises ,  la  domina- 
tion de  son  peuple  et  sa  propre  auto« 
rite ,  qu'il  songea  à  se  mettre  en  mer. 
En  apprenant  alors  les  projets  du 
maître  de  TAfrique ,  les  deux  empires 
ne  s'abusèrent  point  sur  la  grandeur 
du  danger  qui  les  menaçait.  A.  Cons- 
tantinople  comme  à  Rome ,  la  frayeur 
fut  extrême.  Tandis  que  Valentinien 
ra|)pelait  Aétius  de  la  Gaule,  Tbéodose, 
qui  comprenait  sans  doute  que  les 
coups  portés  à  l'empereur  d'Occident 
ne  tarderaient  pas  à  l'atteindre,  se 
hâta  d'envoyer  Cyrus,  un  de  ses  meil- 
leurs généraux,  pour  défendre  l'Italie. 
Les  armements  de  Genséric  avaient 
jeté  le  trouble  parmi  les  populations. 
£n  Italie  et  en  Sicile,  les  habitants  des 
côtes  se  levèrent  en  armes  sans  atten- 
dre les  ordres  et  les  secours  de  l'Em- 
pire. Valentinien  profita  de  l'effroi 
général  ;  dans  ses  édits,  qui  se  succé- 
daient avec  rapidité,  il  encouragea  les 
efforts  des  villes;  il  demanda  des  im- 
pôts extraordinaires,  et  pressa  la  levée 
de  nombreux  soldats. 

PBBMIÈBES  COURSES  DES  VAN- 
DALES ;  GENSÉRIC  ATTAQUE  L'ITALIE 

ET  LA  SICILE.  —  Tant  de  préparatifs 
ne  furent  point  faits  en  vain.  En  441 , 
une  flotte  considérable  sortit  du  port 
de  Carthage,  et  se  dirigea  vers  la  Si- 
cile et  le  midi  de  l'Italie.  Genséric  es* 
pérait  faire  un  riche  butin  dans  ces 
deux  contrées  qui  renfermaient  la  meil- 
leure part  des  domaines  impériaux,  et 
3ui ,  jusqu'alors,  avaient  échappé  aux 
ésordres  et  aux  ravages  des  invasions. 
Mais  il  ne  fut  pas  heureux  dans  cette 
première  entreprise.  Gassiodore,  aïeul 
de  Ihistorien  du  même  nom,  le  chassa 
de  l'ancien  Bruttium.  En  Sicile,  il  s'em- 
para, il  est  vrai,  de  Lilybée;  mais  il 
échoua  devant  Panorme.  Ces  résistan- 
ces imprévues  l'arrêtèrent,  et  il  revint 
à  Carthage.  Genséric  n'avait  cependant 
négligé  aucun  des  moyens  qui  pou- 
vaient assurer  le  5uccès  de  son  entre- 
prise. Si  l'on  en  croit  des  documents 
[  contemporains,  il  avait  déjà  gagné  à  sa 
cause,  avant  de  se  mettre  en  mer,  un 


AKEIQUE  17 

général  de  Valentinien ,  nui  s*appelait 
Jean ,  et  qui  était  Vandale  d'origine  ; 
d'autre  part ,  en  se  déclarant  le  défen- 
seur des  ariens  contre  les  catholiques, 
il  s'était  ménagé,  dans  les  provmces 
au'il  voulait  envahir,  en  Sicile  surtout, 
de  nombreux  auxiliaires. 

L'empereur  d'Orient  qui  se  croyait, 
et  non  sans  cause ,  intéressé  à  repous- 
ser les  attaques  de  Genséric,  avait  en- 
voyé contre  lui  une  flotte  considérable. 
Onze  cents  vaisseaux,  commandés  par 
Aréobind ,  Innobind ,  Asyla,  Arinthée 
et  Germain ,  se  dirigèrent  vers  la  Si- 
cile. A  la  nouvelle  de  ce  formidable 
armement,  le  roi  des  Vandales  réso- 
lut d'employer  non  la  force,  mais  la 
ruse  pour  écarter  le  danger  qui  le  me- 
naçait. Il  feignit  de  désirer  sincère- 
ment la  paix;  et,  pour  prévenir  une 
attaque ,  il  annonça  aux  commandants 
delà  flotte  impériale  qu'il  avait  envoyé 
des  ambassadeurs  à  Constantinople.'ll 
négocia ,  il  est  vrai ,  mais  seulement 
pour  arrêter  l'ennemi ,  et  pour  donner 
le  temps  aux  émissaires  secrets  qu'il 
avait  envoyés  au  camp  des  Huns  de 
pousser  Attila  sur  l'empire  d'Orient. 

PAIX  AVEC  LES  DEUX  EMPIRES; 
TRAITÉ  DK  GENSERIC  AVEC  VALEN- 
TINIEN. —  Au  premier  mouvement 
d'Attila,  Théodose,  effrayé,  rassembla 
autour  de  luiHoutes  ses  forces,  et  rap- 
pela la  flotte  qu'il  avait  envoyée  dans  la 
mer  de  Sicile.  Il  se  hâta  alors  de  faire 
la  paix  avec  Genséric.  Abandonné  par 
l'Orient ,  Valentinien  ne  pouvait ,  seul 
et  sans  vaisseaux ,  porter  tout  le  poids 
de  la  guerre.  Il  fut  donc  forcé  de  suivre 
l'exemple  de  Théodose ,  et  il  fit  un 
traité  avec  le  roi  des  Vandales  (  442  ). 
Ce  traité  eut  cela  de  singulier,  qu'il 
mit  Genséric  en  possession  des  pro- 
vinces qui,  jusqu'en  439,  n'avaient 
point  cessé  d'appartenir  aux  Romains, 
et  qu'il  donna  à  Valentinien,  par  une 
espèce  de  compensation ,  la  portion  de 
l'Afrique  d'abord  occupée  par  les  Van- 
dales. Ainsi ,  en  vertu  des  conditions 
acceptées  des  deux  côtés ,  Genséric  eut 
pour  lui  la  Byzacène ,  la  Zeugitane  ou 
Proconsulaire,  et  une  faible  partie  de 
la  JSumidie;  et  Valentinien,  l'autre 
partie  de  la  Numidie  et  les  trois  Mau- 


2*  Livraison.  (Hist.  des  Vandales.) 


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18 


Htanies.  Il  faut  encore  âlouter  que  te  q«.s  année»,  ^f  «^^^.«^^^^^^^ 

petite  Syrte  bornaît ,  à  f  est ,  les  pr o-  conquérants  ,f  «^j^XT^idionar^^^ 

vincesdeGenséricetgueValentinien  sesseurs  de  la  ?aule  mérimonaie.  « 

restait  maître  de  la  Tripolitalne  (*). 

BAPPOBTS  ET  ALLIANCES  DES  VAN- 


PALES,  SOUS  GEN8ÉBIC,  AVEC  LES 
AUTRES  PEUPLES  BABBARBS.  —  Ce 

qui  fit  la  force  de  Genséric  pendant 
son  long  règne ,  c'est  qu*il  ne  s*isola 
point  dans  son  Afrique ,  et  qu'il  en- 
tretint ,  en  Europe ,  des  rapports  sui- 
vis et  constants  avec  les  peuples  bar- 
bares qui,  de  son  temps,  attaquèrent 
Fempire  romain.  Ses  relations  avec 
Attila  sont  attestées  par  Priscus  et 
Jornandès;  et  nous  avons  déjà  dit  com- 
ment ,  en  442 ,  il  se  servit  des  Huns 
pour  effrayer  Théodose,  et  pour  écar- 
ter les  dangers  qui  menaçaient  sa  nou- 
velle conquête.  Il  s'allia  même  aux 
Gotbs ,  jusqu'à  lui  ennemis  irréconci- 
liables des  Vandales ,  qu'ils  avaient 
frappés  et  déplacés  tant  de  fois  dans 
la  Germanie ,  battus  et  dépossédés  en- 
core en  Espagne,  et  qu'ils  avaient 
poursuivis  même  en  Afrique,  en  se 
mettant  au  service  du  comte  Boni- 
face  (*♦).  Le  traitement  ignominieux  et 
barbare  que  subit,  par  ordre  de  Gfen- 
sérlo,  la  fille  de  Théodéric,  roi  tléS 
Wisigoths (**•), rompit,  pendant  quél^ 
(*)  VoyézV  8ur  ce  traité  de  44^  »  ii^dé- 
pendamment  âes  auteurs  anciens  Prosper  et 
Victor  de  Vltà,  Vouvrage  de  Papencord^, 
Ceschickte  der  ifandalischen  Herrschaft  in 
•Jfrica ,  p.  76  et  suiv. ,  et  celui  de  M.  Mar- 
eus,  Histoire  des  randaUs,  etc.,  p.  i^  -^^ 
tmv.  Il  y  a  au  moins  l*tpparence  d'u 
grande  prédsion  dans  les  délimitations  géo- 
graphiques données  par  M.  Marcus,  à  propol 
<le  ce  traité  de  44*.  M.  Papencordt  est  plu* 
iràgue  ;  il  se  borne  à  dire  :  «  Les  deun  Mau- 


arriva  même,  à  la  suite  de  cette  i^ip- 
ture,un  momentoù  les  Vandales  eurent 
contre  eux,  à  la  fois,  les  Romains,  les 
Goths  et  les  Suèves.  Pour  se  débarras- 
ser, d'un  coup,  de  tous  ces  ennemis 
coalisés,  Genséric  poussa  Attila  sur  la 
Gaule.  Les  Huns,  M  est  vrai ,  furent 
vaincus  à  Châlons  ;  mais  Théodénc 
perdit  la  vie  dans  la  bataille;  et  les  al- 
liés, épuisés  par  leur  victoire  même, 
ne  songèrent  plus  dès  lors  à  tourner 
leurs  armes  contre  l'Afrique.  Puis, 
Genséric  ne  tarda  pas  à  voir  la  mé- 
sintelligence   éclater   entre    ceux-là 
même  qui  s'étaient  réunis  autrefois 
pour  l'attaquer.  Enfin,  il  se  rapprocha 
des  Wisigoths;  et  ce  fut  lui,  dit-on, 
qui   conseilla  à  Euric,    devenu  son 
allié,  de  s'agrandir  dans  la  Gaule,  et 
de  prendre  Marseille  et  Arles  aux  Ro- 
mains. Après  la  mort  d'ftula,  il  re- 
chercha l'amitié  des  principales  tribus 
qui  s'étaient  séparées  des  Huns.  Ccst 
ainsi  qu'il  se  lia  avec  les  Gépides  et  les 
Ostrogoths.  Quand  le  chef  de  ces  der- 
niers, Théodéric,  devint,  en  vertu  d  un 
traité  auxiliaire  de  l'Empire  d  Orient , 
a  stipula  que  ses  soldats  serviraient 
contre  tous  les  ennemis  de  cet  empire, 
excepté  contre  les  Vandales.  Tels  f^ 
rent  les  rapports  de  Genserie  avec  les 
peuples  barbares  qui,  fixés  en  Europe, 
menaçaient  Rome  ou  Constantmopie. 


Mar-     menaçaieni  rvumc  vu  v^y"—-. -r 

56  et     Grâce  aux  puissantes  diversions  qu  u 
tmv.  Il  y  a  au  moins  iVpparence  d'un»     opérait  à  Taidede  sesaUiances,  il  par- 

^ ^'^  '  ■'      "A.-     vînt ,  comme  nous  le  verrons ,  à  re- 

pousser  avec  succès  les  attaques  de 
rOrient  et  de  l'Occident,  et  a  aîier- 
yàgue  ;  il  se  borne  â  oire  :  «  lios  aeu»  iw*u-  ^^j.  ^^  domination  sur  le  ▼astc  ter- 
yitanies,  avec  la  partie  occideaiale  de  la  rj^oire  qu'il  avait  conquis  en  Afri<jae. 
Numidie ,  dont  Cirta  est  la  capitale .  demeu^  bBVOLUTIONS  DANS  l'EMPIKE  D  OO- 
rèrent  au  pouvoir  des  Romains.  Les  Van-  jt^jj^j^-j.  mobT  DE  VALENTINIBN  ',  lit 
dales  prirent  Vautre  parlie  de  la  Numidie,      g^j^^^EUR  PÉTKONIUS  MAXIMUS.  ^ 

Pendant  les  années  qui  s'écoulèrent  dé 
442  à  455,  Genséric  vécut  en  paix  avec 


qui  a  pour  capitale  Hippone,  la  Byzacène 
et  la  Proconsulaire.  Nous  ne  savons  pa» 

rîcisément  ce  qui  fut  statué  à  Tégard  de 
Tripolitaine.  » 

(**)  Les  meilleurs  soldats  de  l'armée  de 

Boniface ,  avant  et  pendant  le  siège  d'Hip- 

pane,  furent  des  Goths  qui  étaient  venus 

en  Afrique  eonime  auxiliaires  de  l'Empire. 

(•**)  La  fiUie  de  Théodéric  avait  épou8# 


le  fib  aîné  de  Genséric  Le  roi  des  "^n- 
dales,  qui  Faccusait  d'avoir  voulu  Fempoi- 
sonner,  lui  fil  couper  le  nez  et  les  oreUles, 
et  la  renvoya  à  son  père  après  celte  mali- 
lâtioa. 


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AFRIQUE. 


W 


tes  dma  empires.  It  ell  vraisemblable, 
toutefois,  qm  les  Vandales,  dont  Tac- 
tivité  s'était  portée  tout  entière  vers 
les^entfeprises  maritimes,  firent  plus 
d'une  course  aveo  leurs  vaisseaux  aans 
la  Méditerranée  et  même  dans  l'O- 
céan (*).  Genséric  employa  ee  long  re- 
pos à  négocier  avec  les  barbares  de 
l'Europe ,  ennemis  de  Valentinien  ou 
de  Théodose  ;  à  contenir  les  Maures , 
Ses  voisins ,  qui  étaient  devenus  pou^ 
lui  d'incommodes  alliés ,  et  à  établir, 
dans  les  terres  c[u'il  avait  acquises  en 
vertu  des  traités,  un  gouvernement 
fort  et  régulier.  Vers  454 ,  il  fut  dis- 
trait de  ces  soins  importants  par  les  ré- 
volutions qui  éclatèrent  au  sein  même 
du  palais  cfes  empereurs  d'Occident. 

Aétius  était,  à  cette  époque,  l'homme 
le  plus  ilktstre  de  l'Empire.  Sans  cesse 
occupé  à  repousser  les  barbares,  il  avait 
expie,  par  d'éclatants  services,  la  trahi- 
son dont  il  s'était  rendu  coupable  an 
temps  de  Boniface.  C'était  lui  enfin  qui 
avait  vaincu  Attila  dans  les  plaines  de 
Châlons.  Valentinien,  jaloux,  dit-on,  de 
ia  gloire  det;elui  qui  avait  tant  fait  pour 
lui  et  pour  son  empireje  livra  au  fer  d*un 
assassin.  Les  barbares  seuls  devaient 
Se  réjouir  de  cette  mort.  On  connaît  la 
réponse  que  fit  à  l'empereur  un  de 
ceux  dont  il  sollicitait  l'approbation  : 
«  J'icnore ,  lui  dit-il ,  quels  ont  été  vos 
griets  ;  mais  je  sais  que  vous  avez  agi 
comme  utd  homme  qui  se  sert  de  sa 
main  gauche  pour  couper  sa  main 
droite.  »  Valentinien  ne  survécut  pas 
longtemps  à  Aétius.  Se  livrant ,  sans 
mesure  et  sans  prudence ,  à  tous  les 
excès,  il  essaya  de  déshonorer,  en  em- 
ployant  de  honteux  moyens  et  la  force, 
la  temme  du  sénateur  Pétronius  Maxi- 
mus.  Cet  odieux  attentat  ne  resta  pas 
.  impuni.  Pétronius Maximus  le  fit  assas- 
siner. Pour  compléter  sa  vengeance,  il 
força  la  veuve  de  Valentinien,  Eu- 
doxie ,  à  l'épouser  et  à  prendre  la  place 
de  sa  femme  qu'il  avait  perdue. 

ELÉYÂTION  DE  MAXIMUS  À  L'EM- 

(*)  Les  historiens  contemporains  parlent 
d'une  course  que  les  Vandales  auraient  faite 
sur  les  côtes  occidentales  de  l'Espagne ,  vers 
445. 


PîhM;  L^tMPliHÀTfilGB  fiODOXtfi  kP* 
t»BLLB  GENSÉBIG  EN  ITALIE  *,  PBISS 
ET  PILL4GE  DE  BOME  PAB  LES  VAN- 
DALES ET  PAB   LES   MAUBES.  —  Pé- 

tronius  Maximus,  qui  appartenait  à  Vil- 
lustre  famille  Anicienne,  fut  proclamé 
empereur;  mais  il  ne  devait  pas  Jouir 
longtemps  du  haut  rang  où  la  volfonté 
d'un  peuple  et  d'un  sénat  avilis  l'avait 
placé.  Eudoxie  ne  voyait  qu'avec  hor* 
reur  le  meurtrier  de  son  ancien  époux« 
Pour  se  soustraire  à  une  insupportable 
tyrannie,  et  pour  briser  les  liens  d'un 
mariage  qu'elle  n'avait  contracté  que 
par  la  force,  elle  appela  secrètement  à 
son  aide  le  roi  des  Vandales. 

Genséric  saisit  avidement  Toccasion 
qui  lui  était  offerte  de  grossir  ses  tré- 
sors ,  et  en  même  temps  de  frapper 
mortellement ,  par  Rome  et  l'Italie , 
l'empire  d'Occident.  Il  équipa  de  nom- 
breux vaisseaux  qu'il  remplit  de  sol- 
dats vandales  et  maures,  et  il  se  mit 
eti  mer.  «  Lorsaue  Genséric  débarqua 
sur  les  bords  du  Tibre ,  dit  Gibbon , 
auquel  nous  empruntons  le  beau  récit 
qui  va  suivre ,  les  dameurs  d'un  peu- 
ple épouvanté  et  furimix  tirèrent  Maxi- 
mus de  sa  honteuse  léthargie.  La  seule 
ressource  qui  se  présenta  à  Son  esprit 
abattu  fut  une  fuite  précipitée ,  et  il 
engagea  les  sénateurs  à  imiter  l'exem- 
ple de  leur  souverain.  Mais  Maximus 
n'eut  pas  plutôt  paru  dans  la  rue,  qu'il 
fut  assailli  d'une  grêle  de  pierres.  Un 
soldat  romain  ou  bourguignon  préten- 
dit à  l'honneur  de  le  frapper  le  pre- 
mier. Son  corps  déchiré  fut  jeté 
dans  le  Tibre.  Le  peuple  romain  se 
félicita  d'avoir  puni  l'auteur  des  cala- 
mités publiques;  et  les  serviteurs 
d'Eudoxie  signalèrent  leur  zèle  à  la 
venger.  Trois  jours  après  ce  tumulte, 
Genséric ,  suivi  de  ses  Vandales  , 
s'avança  d'Ostie  aux  portes  de  Rome  ; 
et ,  au  lieu  d'une  foule  de  jeunes  Ro- 
mains armés  pour  la  défendre ,  on  en 
vit  sortir  processionnellement  le  véné- 
rable Léon,  à  la  tête  de  son  clergé.  La 
fermeté  du  prélat ,  son  éloquence  et 
son  autorité  adoucirent ,  pour  la  se- 
conde fois,  la  férocité  d'un  conquérant 
barbare.  Le  roi  des  Vandales  promit 
cl'épargner  les  citoyens  désarmés,  d'in- 

2. 


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iO 


L'UNIVÇRS. 


terdire  les  incendies,  et  d'exempter  les 
captifs  de  la  torture  ;  et,  quoique  ces 
ordres  n'aient  été  ni  sévèrement  don- 
nés, ni  strictement  exécutés,  la  média- 
tion de  Léon  fut  glorieuse  pour  lui  et 
utile  à  son  pays.  Mais  Rome ,  avec  ses 
habitants,  n*en  fut  pas  moins  la  proie 
des  Maures  et  des  Vandales  ;  et  les 
nouveaux  habitants  de  Garthage  ven- 
gèrent les  anciennes  injures  de  la  race 
punique  qu'ils  avaient  remplacée.  Le 
pillage  continua  durant  quatorze  jours 
et  quatorze  nuits  ;  et  Genséric  fît  soi- 
gneusement transporter  sur  ses  vais- 
seaux les  richesses  publiques,  celles  des 
particuliers,  et  tous  les  trésors  sacrés. 
Parmi  les  dépouilles,  les  ornements 
précieux  de  deux  temples^  ou  plutôt 
de  deux  religions,  offrirent  un  exem- 
ple mémorable  de  la  vicissitude  des 
choses  humaines  et  divines.  Depuis 
Tabolition  du  paganisme,  on  avait 
abandonné  le  Capitole  ;  mais  on  res- 

Sectait  encore  les  statues  des  dieux  et 
es  héros;  et  la  magnifique  voûte  de 
bronze  doré  était  comme  réservée  aux 
mains  avides  de  Genséric.  Les  objets 
sacrés  du  culte  des  Juifs,  la  table  d'or, 
le  chandelier  à  sept  branches ,  origi- 
nairement construit  d'après  les  ins- 
tructions de  Dieu  lui-même,  qui  étaient 
placés  dans  le  sanctuaire  de  Jérusa- 
lem, avaient  été  offerts  avec  ostenta- 
tion en  spectacle  aux  Romains  dans  le 
triomphe  de  Titus ,  et  déposés  ensuite 
dans  le  temple  de  la  Paix.  Après  quatre 
siècles,  ces  dépouilles  furent  transpor- 
tées de  fi ome  à  Garthage  par  un  bar- 
bare qui  tirait  son  origine  ues  côtes  de 
la  Baltique.  Les  églises  chrétiennes, 
ornées  et  enrichies  par  la  dévotion  de 
ces  temps ,  offrirent  une  proie  abon- 
dante aux  mains  sacrilèges  ;  et  la  pieuse 
libéralité  du  pape  Léon,  qui  fondit  six 
vases  d'argent  donnés  par  le  grand 
Constantin,  chacun  du  poids  de  cent 
livres,  est  une  preuve  de  la  perte  qu'il 
tâchait  de  réparer.  Dans  les  cfuarante- 
cinq  ans  qui  s'étaient  écoulés  depuis 
l'invasion  des  Goths,  Rome  avait  pres- 

2ue  repris  sa  première  magnificence.  Il 
tait  difficile  de  tromper  ou  de  rassa- 
sier l'avarice  d'un  conquérant  qui  avait 
le  loisir  d'élever  les  richesses  de  la 


capitale,  et  des  yaisseaux  pour  les 
transf>orter.  Les  ornements  au  palais 
impérial ,  les  meubles,  les  vêtements, 
la  vaisselle,  tout  fut  entassé  sans  dis- 
tinction. L'or  et  l'argent  s'élevèrent  à 
plusieurs  milliers  de  talents,  et  les 
barbares  ne  négligèrent  cependant  ni 
le  cuivre,  ni  l'airain.  Eudoxie  elle- 
même  paya  chèrement  son  imprudence. 
On  la  dépouilla  de  ses  bijoux  au  mo- 
ment où  elle  venait  au-devant  de  son 
libérateur  et  de  son  allié.  L'impéra- 
trice et  ses  deux  filles,  seuls  restes  de 
la  famille  du  grand  Théodose ,  furent 
forcées  de  suivre  comme  captives  le 
sauvage  Vandale ,  qui  mit  aussitôt  è 
la  voile ,  et  rentra  dans  le  port  de  Gar- 
thage après  une  heureuse  navigation. 
Les  barbares  entraînèrent  sur  leurs 
vaisseaux  des  milliers  de  Romains  des 
deux  sexes ,  dont  la  figure  ou  les  ta- 
lents pouvaient  contribuer  aux  plai- 
sirs de  leurs  maîtres  ;  et ,  dans  le  par- 
tage des  captifs ,  les  maris  furent 
impitoyablement  séparés  de  leurs  fem- 
mes, et  les  pères  de  leiirs  enfants.  Us 
ne  trouvèrent  de  secours  et  de  cx)nso- 
lation  que  dans  la  charité  de  Déogra- 
tias,  évêque  de  Garthage.  Il  vendit  gé- 
néreusement les  vases  d'or  et  d'argent 
de  son  église  ;  racheta  les  uns,  adoucit 
l'esclavage  des  autres,  soigna  les  ma- 
lades, et  fournit  aux  différents  besoins 
d'une  multitude  dont  la  santé  avait 
beaucoup  souffert  dans  le  passage 
d'Italie  en  Afrique.  Le  digne  prélat 
convertit  deux  vastes  églises  en  hôpi- 
taux, y  plaça  commodément  tous  les 
malades,  et  se  chargea  de  leur  procu- 
rer tous  les  médicaments  nécessaires 
à  leur  état.  Deogratias ,  quoique  d'un 
âge  très-avancé,  les  visitait  exactement 
le  jour  et  la  nuit.  Son  courage  lui  prê- 
tait des  forces,  et  sa  tendre  compas-, 
sion  ajoutait  un  prix  inestimable  à  ses 
services.  Gomparons  cette  scène  avec 
celle  qui  suivit  la  bataille  de  Gannes, 
et  jugeons  entre  Annibal  et  le  succes- 
seur de  saint  Gyprien  (*).  » 

PABTAGE  DES   DÉPOUILLES*,  NOU- 
TELLES  CODBSES  DES  VANDALES  ;  RI- 

(*)  Gibbon  ;  Histoire  de  la  décadence  et 
de  ta  chute  de  temoire  romain,  ch.  36. 


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AFRIQUE 


91 


CiMEB.  —  A  son  retour  à  Cartbage, 
le  roi  Genséric,  qui  n'avait  perdu, 
dit-on ,  dans  la  traversée  qu'un  seul 
vaisseau,  celui  qui  portait  les  orne- 
ments et  les  statues  du  Gapitole,  s'em- 
pressa de  distribuer  les  dépouilles  de 
Rome  aux  gu^riecs  de  sa  nation  et 
aux  Maures  qui  lui  avaient  servi  d'auxi- 
liaires. Or,  argent,  meubles  et  vête- 
ments précieux,  objets  d'art  et  pri- 
sonniers, tout  fut  partagé.  Suivant 
d'anciens  récits ,  le  roi  se  réserva , 
comme  part  du  butin,  les  ornements 
du  temple  de  Jérusalem,  que  Titus 
avait  transportés  à  Rome  ;  et ,  parmi 
les  prisonniers,  Gaudentius,  fils  d'Aé- 
tius,  et  Eudoxie  avec  ses  deux  filles. 
Plus  tard,  en  457,  Genséric  renvoya  à 
Constantinople  la  veuve  de  Valenti- 
m'en  et  de  Maximus ,  avec  Placidie , 
qui  épousa  Olybrius,  aestiné  à  devenir 
un  jour  empereur  d'Occident.  Quant  à 
l'autre  fille  d'Eudoxie  (*) ,  elle  demeura 
à  Cartbage,  où  elle  devint,  de  gré  ou 
de  force,  la  femme  de  Hunéric,  fils 
aîné  du  roi  des  Vandales. 

La  révolution  qui  avait  livré  Rome 
à  Genséric  lui  avait  do^né  en  même 
temps  les  provinces  d'Afrique  qui ,  en 
vertu  du  traité  de  442 ,  étaient  restées 
au  pouvoir  de  Valentinien.  En  455,  les 
Vandales  joignirent  au  territoire  qu'ils 
possédaient  déjà  la  Tripolitaine  et  les 
'trois  Mauritanies;  et  ils  étendirent 
ainsi  \mr  domination  sur  toute  la  côte 
de  la  Méditerranée ,  depuis  Gadès  jus- 
qu'à la  Cyrénaïque.  Mais  cette  vaste 
étendue  de  pays  ne  leur  suffit  point  en- 
core; ils  remontèrent  sur  leurs  vais- 
seaux ,  et  parcoururent  la  mer  comme 
autrefois,  pour  attaquer  et  piller  les 
provinces  d'Europe  qui  étaient  sou- 
mises à  l'Empire.  Ils  voulaient  aussi 
•s'établir  dans  toutes  les  îles  de  la  Mé- 
diterranée. Ils  avaient  bien  compris 
que  la  possession  de  ces  îles  leur  eilt 
donné  sur  mer,  et  pour  longtemps,  une 

(*)  Nous  suivrons,  à  cause  de  l'usage, 
l'exemple  de  Gii)bon  et  de  quelques  autres 
historiens  modernes  qui  ytiUpeMeai  Eudoxie 
comme  sa  mère.  Cependant  Procope  donne 
des  noms  différenls  à  la  veuve  de  Valenti- 
nien et  à  sa  fille,  l'épouse  de  Hunéric.  Il 
appelle  la  première  £06oÇ(a ,  et  la  seconde 
EOÔoxCot. 


domination  sans  rivale ,  et  qu'elle  leur 
eOt  préparé  d'ailleurs,  contre  les  dan- 
gers de  toute  espèce  dont  ils  étaient 
assaillis  dans  leurs  courses,  des  points 
de  relâche  et  de  sûrs  abris.  Ils  firent 
de  longs  efforts  pour  compléter  ainsi 
leurs  conquêtes.  De  455  à  459,  ils 
s'emparèrent  de  Malte,  et  de  toutes 
les  petites  îles  qui  se  trouvent  placées 
non  loin  des  cotes  de  TAfriaue.  Mais 
ils  ne  furent  pas  si  heureux  dans  leurs 
tentatives  sur  la  Sicile,  la  Corse  et  la 
Sardaigne.  L'empire  d'Occident  avait 
alors  un  général  qui ,  par  son  activité 
et  ses  succès,  les  arrêta  dans  leurs  en- 
treprises. Ricimer  détruisit  une  de 
leurs  flottes  en  vue  de  la  Sicile ,  près 
d'Agrigente  ;  et ,  la  même  année  456 , 
il  les  expulsa  de  la  Corse,  où  ils  avaient 
essayé  de  s'établir. 

Ricimer  était  barbare  d'origine.  Il 
avait  eu  pour  père  un  Suève .  et  pour 
mère  la  fille  de  Wallia,  roi  des  Wisi- 
goths.  Il-  avait  servi  avec  distinction 
sous  Aétius,  et  j^était  élevé  rapide- 
ment dans  l'armée  romaine,  par  sa 
bravoure  et  par  ses  talents.  Après  la 
double  révolution  qui  priva  du  trône 
et  de  la  vie  Valentinien  et  Maximus,  il 
devint  l'homme  le  plus  puissant  de 
l'Empire.  Il  hérita  en  Quelque  sorte, 
par  la  mort  d'Aétius,  de  l'influence  que 
cet  illustre  chef  avait  exercée  pendant 
tant  d'années  sur  les  soldats  barbares. 
Ses  victoires  sur  les  Vandales  accru- 
rent encore  ^  puissance.  Ricimer, 
comme  barbare,  n'osait  aspirer  au 
rang  suprême;  mais  il  voulait  au 
moins ,  a  défaut  du  titre ,  se  réserver 
le  pouvoir  absolu  des  empereurs.  Il 
exerça  ce  pouvoir,  et  le  fit  sentir  sur- 
tout'à  ceux  <]ui  étaient  revêtus  de  la 
pourpre,  «t  qui  semblaient  placés  au- 
dessus  de  lui.  Ce  fut ,  en  456 ,  au  re- 
tour de  la  Corse,  qu'en  déposant  Avi- 
tus,  Ricimer  fit  le  premier  essai  de  ses 
forces.  L'empereur  déchu  n'essaya 
point  de  reprendre  le  titre  qu'on  lui 
avait  enlevé;  il  comprit  sans  doute 
que,  même  avec  l'appui  du  roi  des 
Wisigoths,  son  protecteur,  toute  ré- 
sistance serait  vaine.  Il  quitta  l'Italie, 
et  revint  dans  la  Gaule ,  sa  patrie ,  où 
il  mourut  (456).  Après  la  déposition 
d'Avitus  et  un  interrègne  de  plusieurs 


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39 


L'UNIVERS. 


mois,  Ricîmer  donna  son  assentiment 
à  l'élévation  de  Majorien,  que  les  vœux 
des  Romains  avaient  appelé  au  trône 
impérial  (avril  457). 

l'empereur  majorien  ;  ses  pré- 
paratifs POUR  ATTAQUER  LES  VAN- 
DALES EN  AFRIQUE;  DESTRUCTION 
DE  LA  FLOTTE  ROMAINE  A  GABXHA- 
GÈNE  ;     MORT    DE     MAJORIEN.  —  LC 

caractère  du  nouvel  empereur  était, 
suivant  Texpression  de  Gibbon ,  grand 
et  héroïque.  Dans  sa  jeunesse ,  il  s'é- 
tait illustré  a  la  guerre  par  des  actions 
d'éclat.  Il  arriva  même,  à  la  fin,  que 
sa  gloire  fit  ombrage  à  Aétius.  Il  avait 
trop  de  prudence  pour  engager  la  lutte 
contre  celui  dont  la  puissance,  en  Oc- 
cident, n'avait  point  de  bornes.  Il 
abandonna  donc  les  armées,  et  rentra 
dans  la  vie  privée.  Après  la  mort  d' Aé- 
tius, il  reparut  à  la  tête  des  troupes 
impériales.  Au  moment  même  où  l  es- 
time de  tous  lui  décernait  le  pouvoir 
souverain ,  il  venait  d'arrêter,  au  pied 
des  Alpes ,  une  nouvelle  invasion  des 
peuples  germanîqueU.  Maître  de  l'Em- 
pire ,  Majorien  n'avait  plus  rien  à  dé- 
sirer; et,  comme  tant  d'autres,  il  au- 
rait pu ,  en  se  cachant  dans  son  palais, 
se  livrer  tout  entier  à  de  faciles  plai- 
sirs, et  se  dérober  désormais  aux  tra- 
vaux et  aux  dangers.  Son  élévation 
cependant  n'amollit  point  son  âme ,  et 
il  porta  en  temps  de  paix ,  dans  l'ad- 
ministration ,  la  vigilance  et  l'énergie 
qui  l'avaient  illustré  au  milieu  des 
camps.  Vivement  préoccupé  par  les 
maux  de  l'Empire,  il  déploya  une  acti- 
vité extraordinaire  pour  le  guérir  au 
dedans,  et  pour  écarter  les  dangers 
qui ,  du  dehors,  le  menaçaient  de  toutes 
parts.  C'était  surtout  vers  l'Afrique 
que  Majorien  portait  ses  regards  et  sa 
pensée. 

Les  Vandales,  en  effet,  poursuivaient 
le  cours  de  leurs  pirateries  et  de  leurs 
dévastations.  Leur  puissance  maritime 
et  leurs  entreprises  audacieuses  met- 
taient Rome  et  l'Italie  dans  un  conti- 
nuel danger.  Majorien  ranima  le  cou- 
rage des  Romains,  rassembla  des  vais- 
seaux; et  les  mesures  qu'il  prit  alors 
furent  si  sages  et  si  promptes,  qu9 
déjà,  en  l'année  458,  une  flotte  van- 
dale, commandée  par  un  parent  du 


roi ,  fut  battue  sur  la  côte  de  Sinuessa» 
non  loin  de  l'embouchure  du  Liris^ 
Genséric ,  après  cet  échec ,  se  crut  en 
péril;  et,  suivant  son  usage,  il  alla 
chercher,  parmi  ses  alliés  naturels,  les 
peuples  germaniques,  des  ennemis  aux 
Romains.  Il  s'empressa  de  renouer 
avec  les  Wisigoths;  et ,  pour  accroître 
le  nombre  de  ses  auxiliaires,  il  s'offrit 
comme  médiateur  dans  la  guerre  que 
ce  peuple  soutenait  alors  contre  les 
Suèves.  Mais  Majorien ,  sans  s'inquié- 
ter des  ennemis  que  lui  suscitait  le  roi 
des  Vandales,  faisait,  pour  attaquer 
l'Afrique,  d'immenses  préparatifs.  Il 
ne  les  ralentit  point  quand  le  roi  des 
Wisigoths  manifesta  des  dispositions 
hostiles  ;  seulement  il  entra  en  Gaule, 
le  prévint  et  le  battit.  Par  son  ordre , 
on  avait  préparé  ou  rétabli  les  arse- 
naux de  1  Empire.  On  construisait  une 
grande  flotte  sur  les  côtes  de  la  lii^u- 
rie.  Cette  flotte  nouvelle  devait  se  join- 
dre aux  anciens  vaisseaux  qui  station- 
naient dans  l'Adriatique,  et  se  rendre, 
avec  eux,  à  Carthagène,  où  l'empereur 
se  proposait  d'embarquer  son  armée. 

Vers  ce  temps ,  suivant  une  vieille 
tradition  byzantine,  Majorien,  voulant 
connaître  les  ressources  de  son  en- 
nemi ,  se  rendit  à  Carthage,  Il  se  pré- 
senta à  Genséric  sous  un  faux  nom , 
et  comme  ambassadeur.  Il  avait  noirci 
sa  chevelure ,  qui  naturellement  était 
blonde,  et  ressemblait  à  l'or.  Gensérie 
l'accueillit  avec  distinction  ;  et ,-  pour 
lui  donner  une  haute  idée  de  ses  forces 
et.de  sa  puissance,  il  le  conduisit  à 
son  arsenal.  On  dit  qu'à  l'approche  de 
ces  deux  illustres  guerriers  ^  les  ar- 
mes entassées  s'agitèrent  et  rendirent 
un  son.  Le  roi  des  Vandales  chercha 
alors,  mais  en  vain ,  l'explication  de  ce 
prodige.  Il  n'apprit  que  plus  tard  qu'il 
avait  accueilli  dans  sa  capitale  ,  et  au 
sein  même  de  son  palais ,  le  plus  re- 
doutable de  ses  ennemis.  «  La  tradi- 
tion, dit  un  grand  historien,  du  voyage 
de  Majorien  à  Carthage ,  doit  être  re- 
jetée comme  improbable  ;  mais  c'est 
une  tradition  qui  n'a  pu  être  imaginée 
que  pour  un  héros.  » 

Quand  Majorien  eut  achevé  ses  pré>- 
paratifs ,  il  partit  aveo  ses  troupeç 
pour  rejoindre  la  flotte  qu'il  avait  ras* 


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AfWQUE, 


M 


•emblée  à  Gartbag^te.  Jadis,  les  Car- 
tbagibois  avaient  traversé  TEspagoe 
tt  la  Gaule  pour  attaquer  Rorae  ;  en 
460 ,  un  empereur  romain  ,  par  une 
marche  inverse,  passa  par  la  Gaule  et 
l'Espagne  pour  attaquer  Garthage.  La 
frayeur  du  roi  des  Vandales,  à  rappro- 
che de  Majorien,  fut  égale  à  celle  qu'a- 
vait éprouvée  autrefois  le  sénat  de 
Rome^  au  temps  d'Annibal.  Genséric 
demanda  la  paix  ;  mais  Tempereur  re- 
jeta ses  propositions.  Majorien  était 
arrivé  à  Garthagène  ,  et  là  il  prenait 
ses  dernières  mesures  pour  opérer  sa 
descente  en  Afrique.  làe  roi  des  Van? 
dales,  pour  ralentir  au  moins  la  course 
de  son  ennemi,  et  pour  compromettre 
sa  marche  dans  le  cas  où  il  pénétrerait 
dans  ses  États,  livra  les  Maurita- 
nies  Tingitane  et  Césarienne  à  une 
complète  dévastation.  Il  fit  combler 
les  sources  et  les  fontaines  ou  les 
empoisonna.  Mais  bientôt  ses  craintes 
s'évanouirent,  fi  avait  des  émissaires 
dans  le  camp  de  Majorien  qui  fomeh-» 
talent  les  haines  et  les  divisions  et 
poussaient  les  troupes  à  la  trahison. 
Des  Goths,  auxiliaires  de  FEmpire,  li- 
vrèrent aux  Vandales  la  flotte  romaine, 
qui  fut  anéantie. 

Majorien  accepta  alors  la  paix  que 
lui  proposait  Genséric.  En  proie  à  une 
vive  douleur ,  mais  non  découragé ,  il 
vevinten  Italie.  Là,  il  rêvait  sans  doute 
une  nouvelle  expédition ,  lorsque  Ri- 
cimer  excita  dans  le  camp  dé  Tortone, 
au  pied  des  Alpes ,  an  soulèvement  à 
la  suite  duquel  l'empereur  fut  déposé. 
Le  barbare  avait  compris  que  sous  ce 
règne  il  resterait  toujours  au  second 
rang  ,  et  que  Majorien ,  revêtu  de  la 
pourpre,  n^aurait  jamais  un  maître,  ni 
même  un  égal.  Cinq  jours  après  sa 
déposition,  l'empereur  déchu  périt  de 
mort  violente.  Telle  fut  la  fin  de  Ma- 
jorien, «  le  plus  illustre,  dit  Procope^ 
de  tous  ceux  qui  ont  régné  sur  les  Ro- 
mains. » 

IBS  VANDALES  P0UR8U1TENT  BK 
OCCIDENT  LE  GOUBS  DE  LEURS  Bé- 
tASTATIONS  ;  GENSÉBIC  VEUT  PAIBE 
UN  EMPEBEUB  *,  BUPTUBE  AVEC  L'O- 

RiENT.— Dès  lors  ^  les  pirates  de  l' A- 
fHque  ne  devaient  plus  rencontrer 


d'obstacles  dans  la  partie  de  la  Médi- 
terranée qui  s'étend  de  l'Espagne  à 
l'Italie  et  à  la  Sicile.  Chaque  année,  ai| 
retour  de  la  belle  saison ,  Vandales  et 
Maures  montaient  sur  des  vaisseau]^ 
et  allaient,  d^ns  les  îles  et  sur  le  coa<i 
tinent ,  pour  piller  et  brûler,  et  aussi 
pour  amener  comme  esclaves ,  à  Gar- 
thage ,  les  habitants  de  la  côte  qui  no 
s'étaient  pas  enfuis  à  leur  approche. 
Le  roi  prenait  part  à  ces  expéditions. 
Lorsqu'il  se  mettait  en  mer,  et  que  le 
pilote,  s'adressant  à  lui ,  demandait  : 
«Où  irai-je?  — Le  vent,  répondait-il, 
a  te  conduira  oii  nous  appelle  la  co- 
«lère  de  Dieu.  »  Genséric  disait  aux 
ambassadeurs  romains  qui  venaient  le 
prier  de  mettre  un  terme  aux  pirate- 
ries, (|tte  les  empereur?  d'Occident 
pouvaient  facilement  obtenir  la  paix 
en  lui  restituant  le  patrimoine  d'Eu- 
doxie,  épouse  de  son  fils  Hunéric ,  et 
celui  de  Gaudentius  ^  son  prisonnier 
de  guerre. 

Ce  fut  vers  463  que  les  Vandales  se 
rendirent  maîtres  de  la  Corse  et  de  la 
Sardaigne.  Ils  firent  aussi,  ppur  s'em- 
parer de  la  Sicile ,  des  efforts  multi- 
pliés ;  mais,  sur  ce  point ,  ils  échouè- 
rent dans  toutes  leurs  tentatives.  En 
458  ,  Majorien  avait  ^lacé  dans  l'île, 
avec  des  troupes  choisies ,  un  de  ses 
meilleurs  officiers.  C'était  Marcellia- 
nus,  qui  défendit  pendant  six  ans,  avec 
bravoure  et  succès,  la  province  que  les 
chefs  de  l'empire  lui  avaient  confiée* 
Il  n'abandonna  son  poste  qu'en  463  ; 
il  voulait  alors  se  soustraire,  non  point 
aux  attaques  des  Vandales  ,  mais  à  la 
perfidie  et  aux  mauvais  desseins  d6 
Ricimer.  Trois  ans  plus  tard,  en  466, 
la  mort  de  Livius  Sévérus ,  qui  avait 
porté,  en  Occident ,  le  titre  d'enfpe- 
reur  ,  vint  rompre  le  bon  accord  qui 
«dstait  entre  Genséric  et  la  cour  de 
Byzance.  Ricimer  voulait  alors  laisser 
vacant  le  trône  impérial.  Mais  cette 
nouveauté  et  l'audace  du  barbare  ext 
citèrent,  dans  tous  les  esprits,  une 
vive  indignation.  Ricimer  céda  devant 
les  protestations  énergiques  des  Ro 
maibs.  Il  donna  même  son  assenti- 
ment aux  volontés  du  sénat,  qui  avait 
choisi,  pour  succéder  à  Sévérus  ^  An- 


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u 


rUNIVERS 


thémîus,  l'un  des  plus  illastres  géné- 
raux de  l'Orient.  L'empereur  de  Cons- 
tantinople,  Léon,  accueillit  favorable- 
ment la  demande  qui  lui  était  adressée 
de  Rome.  Il  savait  bien  qu'en  permet- 
tant à  un  de  ses  ofQciers,de  revêtir  la 
pourpre,  il  se  réservait  une  espèce  de 
suprématie  sur  l'Occident.  Tout  s'ar- 
rangeait donc  au  gré  de  Rome  et  de 
Constantinople,  lorsque  Genséric  in- 
tervint et  demanda  qu'à  la  placed'An- 
thémius  on  prît  pour  empereur  Oly- 
brius.  Le  mérite  de  l'un  lui  inspirait 
des  craintes,  tandis  que,  en  raison  de 
la  parenté,  il  pouvait  espérer  de  trou- 
ver cirez  l'autre  un  entier  dévoue- 
ment (*).  Léon  et  les  Romains  ne  tin- 
rent compte  ni  des  demandes,  ni  des 
menaces  de  Genséric.  I^e  roi  des  Van- 
dales, pour  se  venger,  dirigea  alors  ses 
vaisseaux  vers  l'Orient ,  et  les  pirates 
de  Carthage  allèrent  porter  sur  les  cô- 
tes de  la  Dalmatie,  de  l'Illyrie,  de  l'É- 
pire,  de  toute  la  Grèce ,  des  îles  de  la 
mer  Egée,  et  même  de  l'Asie,  les  ra- 
vages qui  n'avaient  atteint  jusqu'alors 
que  les  provinces  de  l'Occident.  La 
cour  de  Byzance  négocia  d'abord  pour 
arrêter  ce  fléau  ;  mais  voyant  que  ses 
démarches  n'amenaient  aucun  résul- 
tat ,  elle  résolut  d'opposer  la  force  à 
la  force,  et  de  soutenir  vigoureusement 
la  guerre. 

GUERBE  ENTRE  l'EMPIBE  d'OBIENT 

ET    LES    vandales;    bastlisgus ; 

COMBAT  NAVAL  ;  BUSES  ET  VICTOIRE 
DE  GEKSÉRIG  ;  LES  FORGES  DE  l'EM- 
PIRE  d'orient  sont  ANÉANTIES.  — 

Parmi  les  guerriers  qui  suivirent  An- 
thémius  en  Italie,  se  trouvait  Marcel- 
lianus.  Après  son  départ  de  la  Sicile, 
il  s'était  retiré  en  Dalmatie ,  et  !à ,  à 
l'aide  des  soldats  qui  s'étaient  dévoua 
à  sa  fortune,  il  se  maintint  à  l'égard 
de  Rome  et  de  Constantinople  dans 
une  complète  indépendance.  Cepen- 
dant ,  à  I  avènement  d'Anthémius,  il 
s'imagina  peut-être  que  l'influence  de 
Ricimer ,  son  ennemi ,  était  à  jamais 
détruite,  et  il  s'offrit  pour  servir  en- 

(*)  Placidie,  femme  d'Olybrius,  était 
sœur  d'Eudoxie ,  qui  avait  épousé  Hunéric, 
fils  aine  du  roi  des  Vandales. 


core  cet  empire  d'Occident,  qu'autre- 
fois il  avait  si  glorieusement  défenda. 
On  accueillit  sans  doute  avec  joie  les 
propositions  de  Marcellianus.  On  lui 
confia  des  troupes ,  et ,  à  leur  tête ,  il 
partit  pour  la  Sardaigne ,  d'où  il  ex- 
pulsa les  Vandales  (469). 

A  la  même  époque,  les  fçénéraux  de 
l'empire  d'Orient  obtenaient  sur  terre 
et  sur  mer  de  brillants  succès.  L'un 
d'eux  ,  Héraclius ,  s>mpara  ,  avec  les 
trou f tes  de  l'Itgypte,  de  toute  la  Tri- 
politaine,  et  se  prépara  à  marcher  sur 
Carthage.  L'empereur  Léon  cependant 
ne  voulait  point  se  borner  à  oes  atta- 
ques partielles;  il  avait  résolu  de  frap- 
per sur  les  Vandales  un  coup  décisif,  et 
il  faisait  alors  d'immenses  préparatifs. 
Avec  les  sommes  qu'il  tirait  de  Cons- 
tantinople et  des  provinces ,  il  équipa 
une  flotte  de  onze  cent  trente  vais- 
seaux ,  et  leva  plus  de  cent  mille  sol- 
dats ou  matelots.  Quand  il  eut  ras- 
semblé toutes  ces  forces,  il  les  confia 
à  Basiliscus,  frère  de  sa  femme ,  l'im- 
pératrice Vérine,  et  lui  ordonna  de  se 
diriger  vers  la  capitale  du  royaume  de 
Genséric  (470).  a  La  flotte  formidable 
de  Basiliscus  atteignit  sans  accident  la 
côte  d'Afrique.  Il  débarqua  ses  trou- 
pes au  cap  Bon,  ou  sur  le  promontoire 
de  Mercure,  à  environ  quarante  milles 
de  Carthage.  L'année  d'Héraclius  et 
la  flotte  de  Marcellianus  joignirent  ou 
secondèrent  le  général  de  l'empereur^ 
et  les  Vandales  furent  vaincus  par  terre 
et  par  mer ,  partout  où  ils  voulurent 
s'opposer  à  eux.  Si  Basiliscus  eût  saisi 
le  moment  de  la  consternation  pour 
marcher  sur  la  capitale  ,  Carthage  se 
serait  nécessairement  rendue  ,  et  le 
royaume  des  Vandales  était  anéanti. 
Genséric  considéra  le  danger  en  homme 
décourage,  et  l'éluda  avec  sa  vieille 
habileté.  Il  offrit  respect ueusemjent  de 
soumettre  sa  personne  et  ses  États  à 
la  discrétion  de  l'empereur;  mais  il 
demanda  une  trêve  de  cinq  jours  pour 
stipuler  les  articles  de  sa  soumission  ; 
et  sa  libéralité  ,  si  l'on  peut  €n  croire 
l'opinion  universelle  de  ce  siècle ,  iui 
fit  aisément  obtenir  le  succès  de  cette 
demande  insidieuse.  Au  lieu  de  se  re- 
fuser avec  fermeté  aux  sollicitations  de 


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son  ennemi ,  le  coupable  ou  crédule 
Basiliseus  consentit  à  cette  trêve  fu- 
neste ,  et  se  conduisit  avec  aussi  peu 
de  précaution  que  s'il  eût  été  déjà  le 
maître  de  l'Afriqtie.  Dans  ce  court  in- 
tervalle, les  vents  devinrent  favorables 
aux  desseins  de  Genséric.  II  fit  monter 
sur  ses  plus  grands  vaisseaux  de  guerre 
les  plus  déterminés  de  ses  soldats  ;  ils 
traînèrent  après  eux  de  grandes  bar- 
ques remplies  de  matières  combusti- 
oles,  et ,  après  y  avoir  mis  le  feu  ,  ils 
les  diri<i;èrent  pendant  la  nuit  au  milieu 
de  la  flotte  ennemie,  sur  laquelle  le  vent 
les  portait.  Les  Romains  furent  éveillés 
parla  vue  des  flammes  qui  consumaient 
leurs  vaisseaux.  L'obscurité,  le  bruit 
des  vents»  le  craquement  des  bois ,  les 
cris  des  matelots  et  des  soldats  qui  ne 
savaient  ni  obéir,  ni  commander,  aug- 
mentaient le  désordre  et  la  terreur  des 
Romains.  Tandis  qu'ils  tâchaient  de 
s'éloigner  des  brûlots  et  de  sauver  une 
partie  de  la  flotte,  les  galères  de  Gen- 
séric les  assaillirent  de  tous  côtés,  et 
une  partie  des  vaisseaux  sauvés  dès 
flammes  devinrent  la  proie  des  Van- 
dales. Au  milieu  des  événements  de 
cette  nuit  désastreuse ,  Jean  ,  un  des 
principaux  officiers  de  Basiliseus,  a  su 
par  son  courage  héroïque  ,  ou  plutôt 
désespéré ,  arracher  son  nom  à  l'ou- 
bli. Lorsque  le  vaisseau  qu'il  avait 
bravement  défendu  fut  presque  con- 
sumé par  les  flammes ,  il  refusa  la  pi- 
tié et  l'estnne  de  Genzon,  fils  de  Gen- 
séric ;  et,  se  précipitant  tout  armé  dans 
la  mer,  il  s'écria,  en  disparaissant  sous 
les  vagues  ,  «  qu'il  ne  voulait  point 
«  tomber  vivant  au  pouvoir  des  chiens.» 
Mais  le  méprisable  Basiliseus,  étranger 
à  ce  noble  courage  et  placé  au  poste  le 
plus  éloigné  de  tout  danger,  prit  hon- 
teusement la  fuite  dès  le  commence- 
ment du  combat ,  retourna  précipi- 
tamment à  Constantinople,  après  avoir 
perdu  moitié  de  sa  flotte  et  ae  son  ar- 
mée, et  se  réfugia  dans  le  sanctuaire 
de  Sainte- Sophie,  où  il  attendit  que  sa 
sœur  eût  arraché  par  ses  prières  et  ses 
larmes  un  pardon  à  l'empereur  indi- 
gné. Héraclius  fit  sa  retraite  à  travers 
le  désert;  Marcellianus  se  retira  en 
Sicile ,  où  il  fût  assassiné  par  Tua  de 


AFRIQUE.  W 

ses  propres  officiers,  à  Thostigation 
sans  doute  de  Ricimer  ,  et  le  roi  des 
Vandales  apprit  avec  surprise  et  sa- 
tisfaction que  les  Romains  s*empres- 
saient  eux-niémes  de  le  débarrasser  de 
ses  plus  formidables  adversaires.  Après 
le  mauvais  succès  de  cette  grande  ex- 
pédition, Genséric  reprit  l'empire  des 
mers ,  et  les  côtes  de  l'Italie,  de  la 
Grèce  et  de  l'Asie,  éprouvèrent  tour 
à  tour  les  fureurs  de  sa  vengeance  et 
de  son  avidité.  La  Sardai^ne  et  Tripoli 
rentrèrent  sous  son  obéissance ,  et  il 
joignit  enfin  la  Sicile  aux  provinces 
déjà  soutnises  à  sa  domination  {*).  » 

GBNSBRIG  COfCTINUB  LA  GUERRE  ; 
SES  RAPPORTS  AVEC  LES  OSTRO- 
GOTHS  ;  SES  DERNIÈRES  ENTREPRI- 
SES ;  IL    TRAITE   AVEC   L'BMPEREUH 

ZENON  ;  SA  MORT.  —  Les  historiens 
anciens  ont  pensé  que  l'empereur  Léon 
perdit  sa  flotte  par  trahison.  Ils  ont 
accusé  tout  à  la  fois  Basiliseus  le 
commandant ,  et  Aspar ,  Goth  d'ori- 
gine ,  qui  cherchait,  avec  son  fils  Ar- 
daburius,  à  se  créer  à  Constantinople 
une  puissance  égale  à  celle  que  Rici- 
mer exerçait  en  Italie.  En  ce  qui  con- 
cerne Aspar,  l'opinion  des  contempo- 
rains ne  parait  pas  dénuée  de  vraisem- 
blance ;  mais  il  est  difficile  d'admettre 
la  complicité  de  Basiliseus.  Si  I^on 
eût  soupçonné  seulement  ce  dernier 
d'aspirer ,  comme  on  l'a  prétendu ,  au 
trône  impérial,  il  ne  lui  eût  certes  pas 
accordé  un  entier  pardon.  Basiliseus, 
suivant  un  ancien  historien ,  était  un 
brave  soldat  ;  mais  son  esprit  était 
borné  et  on  le  trompait  aisément. 
Léon  était  bien  loin  sans  tioute  de  lui 
attribuer  le  désastre  gui  l'avait  frappé, 
puisqu'il  lui  rendit  sa  confiance  et  le 
replaça  à  la  tête  de  ses  troupes.  Ce  fut 
avec  les  débris  de  la  flotte  d'Orient 
que  Basiliseus  battit,  en  471,  les  Van- 

(*)  Ce  récit  est  emprunté  à  Procope.  Gib- 
bon {Hist,  de  la  dacadence,  etc.,.  ch.  36)  a 
seulement  cherché ,  à  Tatde  des  documents 
contemporains ,  à  rendre  plus  clair  et  plus 
précis  l'historien  byzantin ,  en  ce  qui  con- 
cerne la  mort  de  Marcellianus.  Voy.  Procop. 
de  Bello  VandaL,  I,  6;  éd.  Dindorf.  Cor^ 
pus  script,  hist,  ùjrzant. ,  etc.  ;  Bonnœ  , 
iS33. 


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» 


LUNIYERS. 


date sar  tes  cdtçs  de  l'Italie,  et  les 
cepoussa  jasque  dans  )e  port  de  Car- 
ihage. 

Aspar,  il  faut  le  croire,  était  le  traî- 
cre  qui ,  par  ses  intrigues  et  ses  mau- 
fais  oonseils ,  arait  livré  vaisseaux  et 
soldats  au  roî  des  Vandales.  Léon  lui 
fit  expier,  en-  le  tuant ,  sa  trahison  et 
les  craintes  que,  depuis  si  longtemps, 
il  avait  inspirées  aux  maîtres  de  VOt 
rient  par  ses  hauteurs  et  son  inomençe 
crédit.  La  mort  d* Aspar  fut  encore 
pour  Genséric  un  événement  heureux, 
car  elle  fit  naître  une  guerre  et  amena, 
jusque  sous  les  murs  de  Constant! no- 
pie ,  de  redoutables  ennemis  (472). 
Parmi  eux  se  trouvait  le  puissant  roi 
des  Ostrogoths ,  Théodéric.  La  eapi-r 
taie  fut  sauvée  ;  mais  jes  barbares  ne 
voulurent  point  encore  poser  les  ar- 
mes. Tandis  que  le  roi  des  Vandales, 
qui  avait  contracté  alliance  avee  les 
Oîtrogotbs ,  pressait  Théodéric  de 
renverser  Léon ,  il  faisait  ses  courses 
accoutumées,  et  dévastait  au  midi  les 
provinces  de  J'empfre.  Il  essaya  même 
d'attaquer  rÉgypte  et  de  prendre 
Alexandrie.  Cette  fois,  il  échoua  dans 
son  entreprise  (478).  La  rhort  de  Léon, 
en  474,  suspendit,  pour  un  instant, 
les  hostillté8(*).  Genséric  vit  enfin  ton4« 
ber  l'empire  d'Occident.  Il  l'avait  coin> 
battu ,  épuisé ,  amoindri ,  sans  relâche, 
pendant  un  demi  -  siècle  ;  et ,  en  476 , 
il  put  se  glorifier  de  ce  que  nul ,  parmi 
les  chefs  barbares,  sans  excepter  Ala* 
rie  et  Attila ,  n'avait  fait  autant  que 
lui  pour  efl^cer  du  monde  le  nom  et 
la  puissance  de  Rome.  Restait  l'empire 
d'Orient ,  contre  lequel  il  se  tourna. 
L'année  même  où  )a  royauté  d'Odoac're 
succédait,  en  Italie,  à  l'ancien  gouver- 
nement romain ,  Genséric  dirigea  ses 
pirates  vers  les  côtes  de  l'Épire.  L'em- 
pereur de  Constantinople ,  Zenon ,  lui 
envoya  alors  un  de  ses  officiers,  Sévé- 
rus ,  pour  demander  la  paix.  Le  vieux 
roi  ne  rejeta  point  les  propositions  de 

(*)  Nous  ayons  déjà  dit  plus  haut  qu^au 
moment  où  Théodéric ,  roi  des  Ostrogoths^ 
traita  avec  les  empereurs  de  Constantiao- 
fdè ,  fl  Rengagea  à  eombaitre  tous  tes  en- 
nemis de  l'empire,  les  Fandales  excepiés. 


l'ambassadeur»  Il  se  fit  recomiaStrB  i^ 
Zenon  comme  légitime  possesseur  de 
toute  la  côte  septentrionale  de  l'Afri- 
que ,  depuis  la  Cyrénaïque  jusqu'à  la 
mer  Atlantique ,  des  îles  Baléares ,  d# 
la  Corse,  de  la  Sardaigne  et  de  la  Sir 
cile.  £n  retour,  il  promit  de  traiter  à 
l'amiable  pour  la  dot  si  longtemps  ré- 
clamée de  l'épouse  de  son  fils  Huné- 
ric,  et  aussi  pour  des  contestations 
qui  s'étaient  récemment  élevées  entre 
les  marchands  grecs  et  ceux  de  Car- 
thag^.  Il  fit  plus:  par  estime  pour  Ze- 
non et  pour  Sévérus,  l'am^ssadeur,  i| 
cessa  de  persécuter  les  catholiques,  et 
leur  permit  d'ouvrir  leurs  églises  et 
de  rappeler  leurs  évoques  exilés.  Enfin, 
il  rendit  la  liberté  à  tous  les  sujets  d^ 
Zenon,  qui,  par  la  piraterie  ou  la 
guerre ,  étaient  tombés  aux  mains  dos 
Vandales,  et  qiii^  hii  étant  échus  en 
partage,  vivaient  comme  esclaves  dans 
ses  domaines.  Après  ce  traité ,  qui  lé^ 
gitimait  ses  anciennes  et  ces  nouvdle« 
conquêtes  aii9  y0Ux  du  seul  monarque 
qui  eût  le  droit  de  les  lui  contester^  il 
n'avait  plus  rien  à  désiror.  Ce  fut  le 
dernier  succès  d'un  règne  qui ,  depuis 
cinquante  ans,  n'avait  pas  cessé  d'être 
heureux.  Au  mois  de  janvier  de  Tannée 
477,  Genséric  atteignit  le  t^me  de  a» 
glorieuse  vie. 

OOUTBKNEMBHT  BB  GBN8BBIC. — 

Pendant  la  longue  période  de  l'histoire 
des  Vandales  que  nous  venons  de  par* 
courir,  les  pirateries  et  les  guerres 
n'avaient  point  absorbé  toute  l'activité 
de  Genséric*  Ce  chef,  qui  eut  toujours 
les  armes  à  la  main ,  porta  souvent , 
néanmoins,  son 'attention  et  ses  soias 
vers  les  provinces  qui  étaient  tombées 
en  sa  possessiout  II  s'appliqua  cons- 
tamment ,  en  régularisant ,  si  je  puis 
me  servir  de  cette  expression ,  sa  con- 
quête, à  rendre  forte  ^  permanente 
sa  domination ,  qui ,  dans  le  principe, 
avait  été  uniquement  l'oeuvre  de  la 
force.  Il  réussit.  ïfous  ne  connaissons 
pas  tous  les  moyens  qu'il  emplojra 
pour  arriver  à  son  but  ;  mais,  au  moins, 
les  résultats  de  son  long  règne  attestent 
son  extrême  vigilance  et  sa  grande  sa- 
gesse. Nous  parlerons  ailleurs  et  lon- 
guement de  la  forme  du  gouverne* 


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AIRIQin!. 


meatefaes  les  Vandales,  des  institutions 
politiques,  des  rapports  des  vainqueurs 
aveo  tes  vaincus,  des  alliances  avee 
les  Maures,  ete.  ;  ici ,  nous  nous  bor- 
nerons à  rappeler,  en  peu  de  mots,  les 
faits  qui  concernent  Thistoire  inté« 
rieure  de  l'Afrique,  au  temps  de  Geo- 
série. 

Depuis  la  sortie  de  l'Espagne  jus* 
qu'à  la  prise  de  Carthage,  la  nation 
vandale  n'est  qu'une  horde  Inquiète, 
errante ,  qui  n'a  point  d'autre  patrie 
^ue  la  terre  enclose  par  des  fossés  où 
elle  place  son  camp;  d'autres  mœurs 
^e  celles  que  font  la  guerre  et  des 
combats  sans  cesse  renouvelés;  d'au- 
tre gouvernement  que  la  discipline  des 
armées.  Il  suffisait  alors ,  à  celui  qui 
drriseait  les  mouvements  de  cette 
horde,  d'avoir  assez  de  bravoure  et 
d'énergie  pour  la  sauver  des  attaoues 
de  l'ennemi,  et  pour  maintenir,  dans 
dette  foule  coniposée,  comme  nous 
l'avons  dit,  de  tant  d'éléments  divers, 
Fobéissanee  et  l'apparence  de  l'unité. 
Après  la  prise  de  Carthage ,  les  Van- 
dales, les  Alains  et  les  autres  barbares 
nui  s'étaient  associés  à  leur  fortune, 
nirent  mis  en  possession  de  terres  et 
de  demeures  qu'ils  ne  devaient  plus 
quitter.  La  vie  du  camp  et  des  aveni^ 
tores  cessa  pour  eux.  Ils  se  dissémi- 
nèrent dans  une  vaste  et  fertile  pro- 
vince, la  Proconsulaire,  qu'ils  ne 
pillèrent  point  comme  les  lieux  où  ils 
ne  faisaient  que  passer,  mais  qu'ils  ex- 

Floitèrent  dans  oes  vues  d'avenir,  sans 
épuiser.  Leurs  mœurs  changèrent. 
La  nation ,  ainsi  transformée ,  ne  pou- 
vait plus  être  régie  seulement  à  l'aide 
de  ces  tnesures  simples  et  énergiques 
oui  assurent  l'ordre  dans  les  armées; 
il  lui  fallait  un  gouvernement  plus  sa- 
vant et  plus  compliqué ,  et  un  chef  qui 
ne  fût  pas  exclusivement  un  homme 
de  guerre.  Tous  les  faits  que  nous 
avons  déjà  signalés  semblent  attester 
que  les  vues  et  les  talents  de  Gensérie 
6'étendirent  avec  ses  succès.  II  se 
montra  aussi  habile  à  gouverner  un 
peuple  sédentaire  qu-à  diriger  les  mou- 
vements irréguliers  d'une  tribu  no* 
made. 
D'abord^  fl  partagea,  il  faut  le  croire, 


au  gré  de  ses  compagnons  d'armes, 
la  terre  conquise.  Puis,  chtse  bien 
plus  difficile  encore ,  il  mit  les  vain- 
queurs et  les  anciens  possesseurs  d^ 
sol  de  la  Proconsulaire ,  qui ,  pour  la 

{)lupart,  comme  nous  le  dirons  ail- 
eurs,  étaient  devenus  de  simples  fer- 
miers, dans  des  relations  telles,  que  las 
Vandales  eurent  intérêt  à  effacer  peu 
à  peu  tous  les  souvenirs  de  leur  con- 
quête ,  ht  à  faire  oublier  aux  Komains, 
f>ar  des  ménagements  de  toute  espèce, 
es  rigueurs  de  l'expropriation.  Gensé- 
rie n'étendit  point  seulement  ses  soins 
à  la  province  qu'il  avait  divisée  entre 
ses  guerriers,  mais  encore  aux  autr^ 
parties  de  l'Airique  où  la  terre  n'avait 
point  cessé  d'appartenir  aux  Romains. 
En  dehors  de  la  Proconsulaire  ou  Zeur 
gitane ,  jusqu'à  l'extrême  frontière  de 
sonempure,  desgarnisons  maintenaient 
les  habitants  dans  l'obéissance ,  et  as- 
suraient la  rentrée  des  impôts.  Pour 
s'étendre  si  loin ,  la  surveillance  de 
Gensérie  ne  fut  pas  moins  active  que 

gar  le  passé.  Ce  mt  ainsi  qu'il  contint 
arbares  et  Komains,  d'une  main  ferme 
et  sâre,  et  qu'il  conserva  jusqu'à  la 
fin,  sur  ses  anciens  et  nouveaux  sujets, 
un  pouvoir  absolu.  Des  récits  contem- 
porains nous  apprennent  que  plus 
d'une  fois ,  avant  et  après  la  prise  de 
Carthage,  les  soldats  barbares  conspi- 
rèrent contre  l'autorité  et  la  vie  de 
leur  chef;  mais  nous  savons  aussi  qu'il 
arrêta  toutes  les  conspirations  par  de 
sanglantes  exécutions.  !Nul  en  Afrique, 
pendant  son  règne  d'uq  demi  -  siècle , 
ne  se  révolta  impunément. 

Gensérie,  on  le  voit,  eut  à  surmon- 
ter de  graves  et  d'innombrables  diffi- 
cultés. Toutefois,  il  faut  dire  qu'il  fut 
secondé  dans  son  gouvernement  par 
deux  choses  :  d'une  part ,  par  les  hé- 
résies qui  avaient  pns  racine  en  Afri- 
que ,  et ,  d'autre  part ,  par  les  odieux 
souvenirs  qu'avaient  laissés  dans  tous 
les  esprits  les  excès  de  l'administration 
impériale.  D'abord  les  donatistes  et  les 
ariens,  jadis  persécutés,  devinrent  pour 
lui,  en  haine  des  empereurs,  teuts 
ennemis,  de  fidèles  et  puissants  auxi- 
liaires; ensuite  il  rencontra ,  même  au 
sein  de  la  population  catholique,  des 


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28 


LtTNlVÈRS. 


hommes  qù\  facceptèrent  avec  joie, 
préférant,  comme  on  Tavait  déjà  vu 
tant  de  fois,  dans  ce  siècle  de  calami- 
tés, la  domination  des  bar})ares  à  Tad- 
mintstration  oppressive  des  Romains. 
Le  fisc  impérial  avait  exercé  sur  l'A- 
frique sa  désastreuse  influence.  Il  Pavait 
ruinée,  épuisée.  Les  habitants,  en  proie 
depuis  SI  longtemps  à  d'intolérables 
souffrances ,  virent  dans  les  Vandales 
des  libérateurs  ;  et,  en  réalité/ils  trou- 
vèrent, sous  le  gouvernement  de  Gen- 
sérlc,  un  soulagement  à  leurs  maux. 
Enfin ,  le  roi  des  Vandales  se  mon- 
tra fort  et  habile  dans  ses  relations 
avec  les  Maures.  Pour  tourner  à  son 
profit  et  à  l'avantage  de  ses  États  l'ar- 
deur de  cette  nation  avide  et  remuante, 
il  l'associa  à  toutes  ses  entreprises.  Il 
plaça  des  Maures  dans  les  rangs  de 
ses  soldats,  sur  ses  vaisseaux  et  dans 
ses  garnisons.  Il  payait  leurs  services, 
et,  de  plus,  il  les  excitait  aux  pirate- 
ries ,  en  leur  faisant ,  au  retour  de 
chacfue  expédition,  une  part  dans  le 
butin.  Ce  fut  ainsi  qu'il  préserva  la 
partie  méridionale  de  son  royaume  de 
continuelles  invasions ,  et  qu'il  s'aida 
pour  l'accomplissement  de  ses  des- 
seins et  pour  ses  agrandissements, 
même  de  ceux  que  des  circonstances 
fortuites  et  une  haine  commune  contre 
les  Romains  avaient  rendus  momen- 
tanément ses  alliés,  mais  qui ,  par  leur 
position,  leurs  moeurs  et  leurs  besoins, 
devaient  être  ses  plus  implacables  en- 
nemis. 

ÉTENDUE    DES    POSSESSIONS    DES 
VANDALES   SOUS  LE  BÈGNE  DE  GEN- 

sÉKic  —  Le  territoire  sur  lequel  Gen- 
séric  régnait,  et  qu'il  maintint  pendant 
tant  d'années  dans  une  complète  dé- 
pendance, occupait  presque  toute  la 
côte  septentrionale  de  l'Afrique.  Nous 
avons  dit  qu'en  l'année  442,  après  son 
établissement  définitif,  le  roi  des  Van- 
dales avait  consenti  à  ne  garder  de  ses 
conquêtes  que  la  Proconsulaire  ou 
Zeugitane,  la  Byzacène,  et  une  faible 
portion  de  la  Numidie.  Après  la  mort 
de  Valentinien  et  la  prise  de  Rome 
(455),  il  occupa,  pour  ne  plus  s'en 
dessaisir,  les  trois  Mauritanies ,  toute 
la  Numidie,  et,  a  l'orient,  la  Tripoli- 


taine.  Zenon  sanctionna,  par  son  traité 
avec  le  roi  des  Vandales  (476),  ces 
usurpations  successives  des  provinces 
qui  avaient  appartenu  autrefois  aux 
empereurs  romaine.  Il  reconnut  en 
outre  Genséric  comme  légitime  pos- 
sesseur des  Baléares ,  de  la  Corse ,  de 
la  Sardai^ne,  de  Malte  et  des  petites 
Iles  avoisinantes ,  et,  enfin,  de  la 
Sicile. 

Quand  Genséric  mourut,  son  auto- 
rité était  reconnue  en  Afrique ,  depuis 
l'Atlantique -et  Ceuta  jusqu'à  Fembou- 
chure  du  Cinyps,  et  peut-être  même, 
à  l'est  de  ce  fleuve,  jusqu'à  la  fron- 
tière de  l'ancien  empire  carthaginois  y 
c'est-à-dire,  jusqu'aux  autels  des  Phi- 
lènes.  Sans  doute,  en  certains  lieux, 
dans  les  trois  Mauritanies,  par  exem- 
ple, et  dans  la  Tripolitaine,  la  domi- 
nation des  Vandales  ne  s'étendit  pas 
au  loin  dans  les  terres;  souvent  même 
elle  ne  se  fit  sentir  qu'aux  villes  de  la 
côte.  Toutefois,  il  faut  dire  que,  par 
la  nature  de  ses  relations  avec  les 
Maures,  Genséric  mit  ses  frontières 
du  sud  à  l'abri  des  attaques  et  des  in- 
vasions ;  et ,  sous  ce  rapport ,  sa  puis- 
sance en  Afrique  fut  plus  forte  et  plus 
étendue  que  celle  des  empereurs  ro- 
mains qu  il  avait  remplacés  (*). 

PORTRAIT    t)E    GENSÉRIC.  —  L'cn- 

semble  des  événemepts  que  nous  avons 
racontés  jette  une  vive  lumière  sur  le 
caractère  et  les  grandes  qualités  du  roi 
Genséric.  Toutefois,  nous  n'aurions 
encore  de  ce  chef,  l'un  des  plus  il- 
lustres parmi  les  barbares  (**) ,  qu*tine 
idée  bien  incomplète ,  si  nous  ne  ra{>- 
prochions  de  nos  jugements  le  témoi- 
gnage et  les  impressions  des  siècles 
passés. 

Suivant  Orose,  les  Vandales  étaient 
de  leur  nature  «  avides  de  gain,  sans 
foi ,  et  amis  de  la  ruse  (***).  »  On  a  vu , 
dans  les  pages  qui  précèdent,  que 
Genséric  ne  démentait  point  son  ori- 
gine. Il  avait  aussi  la  bravoure  com- 
mune à  tous  les  barbares  ;  et,  de  plus, 

(*)  Voyez  Papencordl,  L  iit,  chap;  x, 
p.  174  et  suiv.  ;  et  Marcus,  p.  si85  et  suit. 
(**)  Procop.  ;  de  Bello  goth.,  m,  1. 
(***)  Gros.,  VII,  38. 


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il  se  distinguait  par  la  promptitude 
avec  laquelle  il   prenait  et  exécutait 
ses  résolutions.  Les  Byzantins,  tant  de 
fois  trompés  et  vaincus ,  disaient  de 
lui  a  que  ses  ennemis  n*avaieYit  pas  en- 
core eu  le  temps  de  réfléchir  et  de 
prendre  leurs  mesures,  que  déjà  il  les 
avait  frappés  (*).  »  Il  s'affranchit ,  et 
c^est  là  sans  doute  une  chose  singu< 
lière  chez  un  barbare  victorieux,  de 
toutes  les  passions  qui  auraient  pu 
gêner  ses  desseins  et  arrêter  ses  en* 
treprises.  Il  ne  s'amollit  point  au  sein 
du  luxe  et  des  plaisirs  qu'offrait,  à 
Carthage,  la  vieille  civilisation  ro- 
maine. Il  subordonna,  ce  qui  était 
bien  rare  de  son  temps,  ses  crovances 
religieuses  à  ce  que  nous  appellerions 
aujourd'hui  ses  vues  et  ses  intérêts  po- 
litiques. Genséric ,  s'il  faut  en  croire 
d'anciennes  traditions,  avait  été  ca- 
tholique dans  sa  jeunesse  {**).  Plus 
tard ,  par  ambition  et  pour  régner  plus 
sûrement  sur  une  nation  qui  avait 
adopté  presaue  tout  entière l'arianisme, 
il  changea  de  croyances.  On  sait  qu'en 
Afrique ,  il  se  fit  le  persécuteur  de 
ceux  qui  avaient  été  autrefois  ses  co- 
religionnnires.    Mais  il  cessa  de  se 
montrer  sévère  à  leur  égard ,  le  jour 
où  il  ne  vit  plus  en  eux  des  ennemis 
politiques.  Après  la  chute  de  l'empire 
d'Occident  et  la  ruine  de  la  puissance 
maritime  des  Byzantins,  les  catholi- 
ques ayant  perdu  tout  espoir  de  se- 
cours, et  ne  lui  inspirant  dès  lors  au- 
cune crainte,  il  leur  permit  d'ouvrir 
leurs  églises ,  et  les  toléra.  Jornandès 
a  tracé  en  quelques  mots  le  portrait 
de  Genséric.  «  Il  était ,  dit  -  il ,  d'une 
taille  moyenne,  et,  par  suite  d'une 
chute  de  cheval ,  il  boitait.  Il  méditait 
beaucoup ,  parlait  peu ,  et  ne  s'aban- 
donnait point  aux  plaisirs.  Il   était 
irascible  et  avide  de  richesses.  Il  se 
montra  prévoyant  dans  ses  alliances, 
et  toujours  habile  à  exciter  entre  les 
dffférents  peuples  la  discorde  et  les 
haines  (***).  » 
Celui-là  seul  qui  possédait  tant  de 

(*)  Malcïâ HîsCor,^  p.  95,  éd.  Paris.. 
(••)  Idatii  Chron.y^.  aa. 
(***)  Jornand.;  De  reb,  get,  53. 


AFRIQUE.  29. 

qualités  pouvait  accomplir  et  affermir^ 
avec  cinquante  mille  soldats  au  plus , 
appartenant  à  plusieurs  races  et  a  plu- 
sieurs nations,  la  conquête  de  toute ^ 
l'Afrique  septentrionale.  La  grandeur 
des  Vandales  fut  donc  exclusivement 
l'œuvre  de  Genséric.  Elle  avait  com- 
mencé avec  lui  ;  mais  aussi  elle  ne  de- 
vait point  lui  survivre.  Dès  les  pre- 
miers jours  d'un  nouveau  règne  devait 
se  manifester  la  décadence  de  la  nation. 

AVENEMENT  DE  HUNBBIG  ;  SES 
BAPPOBTS  AVEC  L'eMPIBE  d'OBIENT; 
PBEMIEBS  SYMPTÔMES  DE  DÉCA- 
DENCE CHEZ  LES  VANDA.I4ES  (*).  — 

Après  la  mort  de  Genséric  (477),  Hu- 
néric  ^  son  fils  atné ,  lui  succéda.^  Il 
était  a  peine  en  possession  du"  trône 
que  de  graves  dissentiments  éclatèrent 
entre  lui  et  l'empereur  d'Orient.  Des 
réclamations  relatives  à  des  actes  de 
piraterie  avaient  fait  naître  des  diffi- 
cultés que  rendait  plus  grandes  en- 
core l'ancienne  obstination  de  la  cour 
de  Byzance  à  ne  point  payer  la  dot  de 
la  reine  Ëudoxie.  L'empereur,  en  effet, 
retenait  toujours  les  biens  de  l'épouse 
de  Hunéric.  Le  roi  Genséric  n'avait 
pu  les  obtenir  malgré  ses  vives  ins- 
tances ,  et  son  successeur  n'avait  pas 
été  plus  heureux  que  lui  dans  ses  pre- 
mières demandes.  Cependant ,  Zénoa 
consentit  enfin  à  négocier.  Il  envoya 
pour  terminer  cette  affaire ,  et  peut- 
être  par  esprit  de  conciliation,  un 
homme  dont  le  choix  devait  plaire  au  , 
roi  des  Vandales  (478).  C'était^Alexan- 
dre,  principal  officier  de  la  maison  de 
Placidie ,  sœur  d'Eudoxie.  Le  négocia- 
teur se  conduisit  sans  doute  avec  une 
grande  habileté,  car  Hunéric  le  fit 
suivre  à  Gonstantinople  par  des  am- 
bassadeurs chargés  de  porter  à  Zenon 
des  paroles  de  paix  et  d'amitié  (479). 
Le  roi  des  Vandales  leva  lui  -  même 

(*)  Pour  toute  la  période  de  Thistoire  des 
Vandales  qui  s^étend  de  la  mort  de  Gensé- 
ric à  la  déposition  de  Hildéric,  nous  avons 
fait  souvent  usage  de  l'ouvrage  de  M.  Papen* 
COi*dl  (GeschiclUe  der  'vandalisclien  Herrs- 
ckafl  in  Africa^  p.  X09  et  suiv.)  et  aussi 
d'un  excellent  travail  qui  nous  a  été  com-. 
m  unique  par  un  jeune  savant ,  M.  Maiimi- 
lien  Veydt. 


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M 


i;uïttVBAs. 


UmB  les  oiKtaeles  qut  s^ôp]^osaient  à 
une  sincère  réconciliation  :  il  renonça 
à  la  dot  d'Eudoxie;  il  cessa  de  récla- 
mer un«  indemnité  pour  les  marchands 
ée  Carthage,  oui  avaient  été  pillés  ;  il 
abandonna  ennn  toutes  les  prétentions 
qoe  Genséric ,  son  père ,  avait  fait  va- 
loir sur  l'Empire.  Les  Grecs  pénétrè- 
rent aisément  dans  les  motifs  de  ces 
largeâ  concessions;  ils  surent  que  Ha* 
néric  n'était  pas  moins  avide  qu'éux- 
mlmesd'éviteruneruptureetla  guerre. 
Voici  quelles  furent  alors  leurs  im* 
pressions  : 

«Les  ambassadeurs  qui  revinrent 
avec  Alexandre,  dit  le  Byzantin  Mal- 
chus ,  déclarèrent  que  leur  roi  Hunéric 
désirait,  sans  feinte,  devenir  l'ami  de 
l'empereur  Zenon;  qu'il  aimait  les 
Romains,  et  qu'il  renonçait  à  ses  ré- 
clamations de  rentes  et  des  autres  biens 
que  Léon  avait  retenus  à  sa  femme  ; 
qu'il  ne  sei*àit  même  plus  question  des 
biens  qu'on  avait  enlevés,  dans  la  der- 
nière guerre,  à  des  marchands  de  Car- 
thage ,  ni  de  tout  ce  qui  avait  fait  é|e* 
▼er  à  son  père  des  plaintes  contre  les 
Romains;  que  Hunéric  voulait  conclure 
une  paix  durable  avec  eux ,  et  ne  pas 
môme  laisser  subsister  dans  leur  esprit 
le  soupçon  qu'il  pourrait  un  jour  ne 
f^  obse'rver  fidèlement  les  traités  à 
Wfrtervenir  et  les  arrangements  déjà 
faits;  qu'il  avait  de  grandes  obliga- 
^ons  à  l'empereur  de  ce  qu'il  témoi- 
gnait tant  de  respect  à  Placidie,  femme 
d'Olybrius;  qu'aussi  était-il  prêt  à  con- 
sentir à  tout  ce  que  Zenon  lui  deman- 
derait. Ce  n'était  pourtant  que  l'exorde 
d'une  harangue  décente,  que  tout  cela; 
la  vérité  est  que  les  Vandales  furent 
alors  fortement  soupçonnés  d'avoir 
▼oulu  faire  la  guerre  à  l'Empire  ;  mais 
ils  s'étaient  tellement  amolliâ  depuis 
ta  mort  de  Genséric,  qu'ils  ne  por- 
taient plus  la  même  vigueur  que  jadis 
aux  afiaires.  Ils  n'entretenaient  même 
plus  ces -armées  et  ces  ûottes  que  Gen- 
séric avait  toujours  prêtes  dans  les 
ports  de  mer,  et  avec  lesquelles  il  dé- 
jouait les  projets  de  ses  ennemis, 
avant  même  qu'ils  fussent  définitive- 
ment arrêtés.  * 

En  effet ,  à  partir  de  cettcbépoque , 


les  Vandales,  [idur  jouir  plus  complè- 
tement de  la  paix ,  renoncèrent  à  leurs 
courses  maritimes.  Ils  se  jetèrent,  avec 
une  espèce  d'ivresse,  dans  tous  les 
plaisirs  et  dans  toutes  les  débauches 
qui  avaient  tant  affaibli  ces  Romains 
qu'ils  méprisaient  et  qu^ils  avaient  dé- 
possédés. L'esprit  militaire  s'éteignit 
chez  eux ,  et  les  forces  de  la  nation  dé- 
clinèrent rapidement.  Mais  ce  change- 
ment dans  les  habitudes  et  les  moeurs 
devait  avoir  de  prompts  résultats.  Les 
Maures,  que  la  main  puissante  de  Gen- 
séric avait  à  peine  contenus,  se  levèrent 
en  armes  sous  Hunéric,  et  ils  com- 
mencèrent dès  l^s  une  guerre  sans 
fin  contre  les  Vandales  dégénérés. 

GUEKBES     ENTRE    LES    VANDALES 
ET  LES  MAURES  ;  CARACTÈRE  DE  CES 

GUERRES.  —  Nous  n'essayefons  point 
ici  de  raconter,  dans  les  moindres  dé- 
tails, tous  les  incidents  de  ces  longues 
guerres.  Nous  nous  bornerons  à  repro- 
duire une  page  oii,  suivant  nous, 
M.  Marcus  a  parfaitement  saisi  et  rendu 
le  caractère  général  de  la  lutte  que 
les  Vandales  eurent  à  soutenir  contre 
les  Maures,  leurs  agresseurs.  «Les 
événements  auxquels  ce  combat  des 
deux  nations  donna  lieu,  dit-il,  ne 
nous  sont  guère  connus  ;  il  est  néan- 
moins facile  d'en  déterminer  le  carac- 
tère ,  et  de  dire  quel  en  fut  le  résul- 
tat. C'était  une  suite  continuelle  de 
petites  guerres  de  partisans  dont  les 
côtes  de  la  Tripolitaine,  les  parties 
basses  de  la  Byzacène ,  les  montagnes 
d'Aurès,  et  le  haut  plateau  bordé ,  au 
sud,  par  ces  dernières;  au  nord,  par 
le  petit  Atlas;  à  l'est,  par  le  Bagradas 
ou  Megerda ,  et ,  à  l'ouest ,  par  le  lac 
Chott  et  par  le  cours  supérieur  de  TA- 
jebbi ,  furent  le  principal  théâtre.  Les 
Maures  étaient  d'ordinaire  les  agres- 
seurs dans  ces  guerres;  et  ils  les  en- 
treprirent dans  les  premiers  temps 
pour  devenir  maîtres  absolus  des 
chaînes  de  montagnes  et  des  plateaux 
ou  vallées  qu'elles  renferment  ;  et,  plus 
tard,  pour  s'enrichir  par  le  pillage  aux 
frais  des  habitants  romains  de  la  e^te 
et  des  parties  peu  élevées  de  l^n- 
térieur  du  pays.  Les  Vandales  devaient 
s'opposer  aux  projets  des  Maures* 


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AFRIQUE. 


m 


st^ôB,  îiâ  usinaient  de  voir  bientôt 
leva  empire  réduit  aux  limites  de  la 
Proconsulaire,  où  ils  demeuraient 
presque  tous.  Mais,  dans  leur  lutte 
contre  les  Maures,  tous  les  avantages 
étaient  du  côté  de  ces  derniers.  Agres- 
seurs, ils  purent  faire  porter  leurs  at- 
taques sur  plusieurs  points  de  Tem* 
pire  vandale  à  la  fois,  ou  sur  ceux  qui 
leur  offraient  pour  le  moment  le  plus 
de  chances  de  succès.  Les  Vandalel 
avaient  peu  de  troupes  statîonnaires 
dans  les  provinces  du  prince;  mais 
c'est  là  précisément  que  se  vidait  la 
querelle  des  deux  nations  ;  et  les  con- 
quérants germains  de  TAfirique  n'au- 
raient pas  voulu  gue  les  habitants  ro- 
mains de  ces  provinces  se  chargeassent 
de  leur  défense.  Si  les  Vandales  appro^ 
chaient  avee  des  forces  trop  grandes, 
les  Maures  se  retiraient  dans  des  lieux 
déserts  ou  défendus  par  de  hautes 
montagnes,  sauf  à  revenir  dès  que 
l'ennemi  serait  parti ,  ou  à  envahir  le 
territoire  vandale  à  une  longue  dis- 
tance de  Pendroit  où  le  parti  adverse 
avait  momentanément  pour  lui  la  su* 
périorité  da  nombre.  Mais  les  Maureà 
étaient  d'ordinaire  plus  nombreux  que 
les  Vandales,  et  la  tactique  militaire 
de  ceux  de  l'Est  les  fit  sortir  victorieux 
de  tous  les  combats  qu'ih  livrèrent  aux 
guerriers  tudesques.  Quant  aux  Maurejs 
de  l'Ouest,  ils  se  battaient  aussi  bien  à 
dieval  que  les  Vandales,  et  leurs  fan- 
tassins valaient  probablement  mieux 
3ue  l'infanterie  de  ces  derniers.  La 
èche  et  le  dard  des  Numides  et  des 
Mauritains  les  mettaient  à  niéme  de 
faire  çlus  de  mal  aux  Vandales,  que 
oeux-ci  ne  purent  leur  en  faire  avec 
leurs  larges  épées  et  leurs  longues  lan- 
ees,  les  Maures  odeidentaux  ayant 
l'habitude  de  disparaître  comme  l'é- 
elair  da  champ  de  bataille  quand  ife 
voyaient  de  loin  l'ennemi  fondre  suie 
eux,  et  de  se  jeter  sur  lui  à  leur  touir 
au  moment  où  il  s'y  attendait  le  moins. 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  dans 
les  parties  occidentales  de  l'empire 
vandale,  les  Maures  soient  parvenus 
peu  à  peu,  non-seulement  à  se  rendre 
mattres  de  toute  la  Mauritanie  césa- 
rienne et  deoellede  Sitifis,  à  l'exception 


de  Gésarée  et  de  quelques  autres  tiifek 
maritimes,  mais  à  expulser  en  outfè 
les  Vandales  de  toute  la  partie  de  ta 
Numidie  qui  est  située  au  sud  du  petit 
Atlas.  Plus  à  Test,  les  Maures  ae  Ifc 
Tripolitaine  et  de  la  Byzacène  étendis 
rent  leurs  ravages,  déjà  sous  le  règne 
de  Trasamund,  jusqu'à  Ruspe  et  au 
delà.  Du  temps  de  Hunérie,  les  Maures 
ne  purent  détacher  de  l'empire  vandale 
que  les  montagnes  d'Aurès  et  quelques 
districts  situés  sur  la  route  de  Land^ 
bèse  à  Sitifis.  Mais  sous  les  rois  pos- 
térieurs, leurs  conquêtes  s'agrandirent 
d'autant  plus  rapidement  que  les  Van^ 
dates  s'amollirent  davantage;  et,  dans 
les  dernières  années  de  la  domination 
de  ce  peuple  sermain  en  Afrique,  les 
habitants  d'Adrumète,  ville  située  non 
loin  de  la  Proconsulaire,  se  virent  obli- 
gés de  fermer  les  ouvertures  jui  étaient 
à  leurs  maisons,  et  de  les  joindre  les 
unes  aux  autres,  pour  se  défendre  tant 
bien  que  mal  contre  les  irruptioùs  su- 
bites des  Maures  (*).  » 
Tentatives   bi  HunISbic  poùH 

G&ANGER  l'OBB&II  1$%  SUGGBSSIOIV 
AU  TRÔNE  ;  SES  PERSÉCUTIONS  CON- 
TRE SA  PROPÀE  FAMILLE  BT  CONTRE 
LES  GRANDS  DU  ROYAUME.  —  H  Sem- 
ble que  pendant  la  durée  de  son  règne, 
Hunérie  n'ait  voulu  manifester  son 
autorité  et  sa  puissance  que  contre  ses 
parents  et  contre  ses  propres  sujets. 
Sans  tenir  compte  des  nombreux  dan- 
gers qui  du  dehors  menaçaient  les 
Vandales,  il  se  plut  à  porter  le  désordre 
dans  l'intérieur  de  son  royaume,  et  à 
diminuer  ses  propres  forces  par  un 
gouvernement  tyrannique  et  par  de 
sanglantes  persécutions.  Une  cnose  le 
préoccupa  avant  tout,  ce  fut  de  chan- 
ger l'ordre  que  Genséric  avait  établi 
pour  la  succession  au  trône.  Le  con- 
quérant de  l'Afrique  avait  voulu  que 
la  royauté  appartînt,  en  cas  de  mort, 
non  point  suivant  les  lois  ordinaires 
au  fils  du  roi  défunt,  mais  au  membre 
le  plus  âgé  de  la  famille  royale.  Il  faut 
ajouter,  toutefois,  que  les  fils  du  roi 
défunt  étaient  appelés  aussi  à  succéder, 

(*)  M.  Marcus;  Histoire  des  Fandates^^ 
etc.  9  p.  3ii  et  suiv. 


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Google 


«91 


UUNIVERS. 


pourvu  qu'ils  remi^issent  cette  condi- 
tion d'âge  que  Gen série,  par  crainte 
des  minorités  et  aussi  peut-être  pour 
légitimer  sa  propre  élévation,  avait 
posée  dans  son  testament.  Hunéric, 
pour  favoriser  ses  enfants»  voulut 
violer  Tordre  établi.  Pour  parvenir  à 
son  but,  il  se  fit  le  persécuteur  des 
autres  membres  de  sa  famille.  Parmi 
ceux-ci ,  il  craignait  surtout  la  femme 
rusée  et  habile  qu'avait  épousée  son 
frère  Théodéric.  Il  Taccusa  d'un  crime 
imaginaire  et  la  fit  décapiter.  Le  fils 
aine  de  Théodéric,  jeune  prince  versé 
dans  les  belles-lettres,  partagea  le  sort 
de  sa  mère;  puis  un  autre  fils  encore 
en  bas  âge  et  deux  filles  furent  aban- 
donnés à  la  fureur  des  animaux  sau- 
vages; enfin  Théodéric  et  Genzon, 
frères  du  roi,  et  Godagis,  un  de  ses 
neveux,  furent  condamnés  à  Fexil.  On 
ne  laissa  auprès  d'eux  aucun  de  ceux 
qui  auraient  pu  les  aider  ou  les  con- 
soler; on  leur  enleva  même  leurs  ser- 
viteurs et  leurs  esclaves.  Les  comtes 
et  les  autres  nobles  soupçonnés  d'être 
les  partisans  des  opprimes  furent  étran- 
glés. 

Hunéric,  qui  frappait  avec  tant  de 
rigueur  ses  irères  et  ses  neveux,  ne 
devait  point,  sans  doute,  se  montrer 
scrupuleux  et  modéré  à  l'égard  de  ceux 
[ui  ne  lui  étaient  pas  unis  par  les  liens 
lu  sang.  Sans  mémoire  pour  les  ser- 
vices passés,  sans  respect  pour  les 
choses  les  plus  saintes,  il  enveloppa 
également  dans  ses  sanglantes  persé- 
cutions et  les  vieux  compagnons  de 
son  père ,  et  les  ministres  de  sa  reli- 
gion. D'abord  il  fit  trancher  la  tête  à 
Heldic,  que  Genséric  avait  nommé 
chancelier  du  royaume.  Il  fit  saisir 
aussi  la  femme  de  Heldic ,  Teucarie , 
et  la  condamna  au  feu.  Après  l'exécu- 
tion ,  les  restes  des  deux  époux  furent 
traînés,  durant  un  jour  entier,  sur 
toutes  les  places  et  dans  les  rues  de 
Carthage.  Le  frère  de  ces  infortunés , 
Camut ,  parvint  à  se  soustraire  au  der- 
nier supplice  en  se  réfugiant  dans  un 
temple.  Il  fut  arrêté  néanmoins,  et  il 
ne  put  échapper  à  la  torture;  on  le 
jeta  d'abord  dans  une  fosse  immonde, 
d'oii  il  ne  fut  tiré  que  pour  travailler 


l 


à  la  terre  comme  esclave;  La  colère 
du  roi  ne  fut  pas  encore  apaisée  par 
tant  de  rigoureux  châtiments  :  chaque 
mois ,  Camut  était  frappé  de  verges  ; 
on  mesurait  l'eau  qu'il  buvait,  et  le 
pain  qu'on  lui  donnait  était  à  peine 
suffisant  pour  prolonger  son  exis- 
tence. 

Dès  les  premières  exécutions,  l'é- 
vêque  arien  de  Carthage ,  Jocundus , 
avait  essayé  de  porter  au  roi  des  pa- 
roles de  pitié  et  de  clémence.  La  pa- 
cifique et  généreuse  intervention  du 
prélat  fut  mal  récompensée  :  Hunéric 
irrité  fit  brûler  Jocundus  en  présence 
de  tout  le  peuple  assemblé.  Les  catho- 
liques virent  peut-être  avec  joie  cette 
fin  tragique  d'un  évêque  arien ,  mais 
le  temps  n'était  pas  éloigné  où  devait 
fondre  sur  eux  une  terrible  persécu- 
tion. 

INTERVENTION  DE  HUNERIC  DANS 
LES  AFFAIRES  RELIGIEUSES;  LES  MA- 
NICHÉENS ET   LES  CATHOLIQUES.  — 

Dans  les  premiers  temps  qui  suivirent 
son  avènement,  Hunéric  se  montra 
plus  tolérant  que  son  père  envers  les 
catholiques  de  son  royaume.  Il  acca- 
bla d'abord  de  ses  rigueurs  les  mani- 
chéens. Il  ménageait  alors  les  catho- 
liques pour  les  lier  en  quelque  sorte 
à  ses  projets.  Il  espérait  sans  doute 
qu'à  l'aide  de  cette  modération  affec- 
tée ,  il  les  gagnerait  à  sa  cause  et  à 
celle  du  fils  qu'au  mépris  des  lois  il 
voulait  placer  sur  le  trône.  Quand  il 
s'aperçut  qu'il  ne  pouvait  réussir  par 
la  douceur,  il  eut  recours  à  la  sévé- 
rité et  aux  violences  :  il  priva  tous  les 
catholiques  de  leurs  emplois  ;  il  pour- 
suivit même  les  officiers  de  sa  cour 
qui  refusèrent  d'embrasser  l'arianisme; 
et,  après  les  avoir  dépouillés  de  leurs 
biens ,  il  les  fit  déporter  en  Sardaigoe. 
Il  était  naturel  que  la  persécution 
frappât  surtout  les  prêtres  et  les  évé- 
aues.  Hunéric  ne  se  contenta  point 
ae  leur  ôter  leurs  biens  ;  dans  la  pre- 
mière moitié  de  l'année  483 ,  il  en  jeta 
près  de  cinq  mille  dans  les  déserts  de 
l'Afrique ,  et  les  livra  ainsi ,  sans  dé- 
fense, aux  attaques  et  aux  mauvais 
traitements  des  Maures.  Néanmoins , 
malgré  sa  toute-puissance ,  le  roi  sen- 


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AFRIQUE. 


31 


tit  le  besoin  de  donner  à  ces  actes, 
d'une  odieuse  tyrannie,  les  apparences 
de  la  légalité.  A  cet  effet ,  le  19  mai 
483  ,  il  publia  un  édit  qu'il  fit  lire ,  le 
jour  de  TAscension ,  dans  toutes  les 
églises  de  son  royaume.  Par  cet  édit , 
il  ordonnait  aux  évéques  ariens  et  ca- 
tholiques de  se  réunir  à  Carthage  le 
premier  jour  de  février  de  Tannée  sui- 
vante 484,  pour  discuter  librement, 
disait-il,  sur  les  points  qui  séparaient 
les  deux  églises. 

CONCILE  DB  Ci.BTHAGB;  ÉDIT  DU 
BOI  HUI9ÉBIG  CONTBE  LES  Gi.TH0LI- 

QUES.  —  Tous  les  évéques  de  l'Afri- 
que s'étant  rendus  à  Carthage,  au 
temps  indiqué ,  les  conférences  com- 
mencèrent; mais  la  discussion  fut 
loin  d'amener  entre  les  deux  partis  un 
rapprochement  et  des  concessions  ;  les 
catholiques  demeurèrent  inébranlables 
dans  leur  foi.  Les  ariens  qui  avaient 
prévu,  sans  doute,  ce  résultat,  sai- 
sirent avidement  l'occasion  qui  leur 
était  offerte  de  frapper  leurs  ennemis, 
et  Hunéric  publia  1  édit  survant  (*)  : 

«  Nous ,  Hunéric,  roi  des  Vandales 
et  des  Alains,  mandons  les  choses 
gui  suivent  à  tous  les  peuples  soumis 
à  notre  domination. 

«  C'est  un  des  attributs  de  la  ma- 

(*)  Nous  ne  devons  point  faire  un  récit 
détaillé  des  persécutions  auxquelles  furent 
exposés  les  catholiques  sous  ta  domination 
des  Yandales.  Tout  ce  qui  tient  à  Torigine, 
aux  progrès  et  aux  luttes  du  christianisme 
en  Afrique ,  trouvera  place  dans  une  autre 
partie  de  ce  volume.  Toutefois ,  nous  som- 
mes forcés  de  donner  ici ,  dans  son  entier, 
redit  promulgué  par  le  roi  Hunéric,  en 
raiinée  484.  D'abord,  cet  édit  contient  plu- 
'  sieurs  faits  importants  que  nous  ne  pouvions 
passer  sous  silence,  le  concile  de  Carthage  « 
par  exemple;  ensuite,  il  offre,  quoiqu'en 
abrégé ,  un  tableau  complet  des  triomphes 
et  des  revers  qui  ont  marqué  les  diverses 
périodes  de  la  guerre  que  le  catholicisme 
eut  à  soutenir  en  Afrique  contre  les  héré- 
sies. Nous  nous  dispensons ,  en  outre ,  par 
la  simple  traduction  de  ce  document ,  d'en» 
trer  dans  de  longs  développements.  Il  suffira 
de  lire  l'édit  de  484  poiu*  connaître  la  cause 
et  la  nature  de  la  grande  persécution  qui  a 
signalé  le  règne  de  Hunéric. 


jesté  royale  de  faire  retomber  le  mal 
sur  ceux  qui  ont  voulu  le  mal.  Le 
niéchant  ne  doit  s'en  prendre  qu'à  lui- 
même  si  le  châtiment  est  le  résultat 
de  ses  mauvaises  intentions.  En  cela, 
notre  clémence  suit  la  marche  de  la 
justice  divine,  qui  répand,  par  une 
équitable  compensation ,  le  bien  et  le 
mal  sur  chaque  homme,  suivant  qu'il 
a  mérité  ou  démérité.  Cesl  pourquoi 
nous  prenons  aujourd'hui  des  mesures 
sévères  contre  les  provocateurs  qui 
ont  cru  pouvoir  enfreindre  les  édits 
de  notre  père  de  glorieuse  mémoire  et 
nos  propres  édits.  Nous  avons  déjà 
fait  savoir  par  nos  ordonnances,  à  tous 
les  peuples  qui  nous  obéissent,  que 
nous  nous  opposions  aux  assemblées 
convoquées  par  les  prêtres  catholiques 
dans  les  terres  échues  en  partage  aux 
Vandales,  et  à  la  célébration  de  leurs 
mystères  impies.  Voyant  que  les  ca- 
tholiques ne  tenaient  point  compte  de 
nos  injonctions,  et  ayant  été  informés 
d'ailleurs  que  plusieurs  se  vantaient 
d'être  seuls  en  possession  de  la  vraie 
doctrine,  nous  leur  avons  mandé,  en 
leur  fixant  un  délai  de  neuf  mois ,  de 
venir  sans  crainte  à  Carthage  pour  une 
assemblée  qui  devait  avoir  lieu  aux 
calendes  de  février  de  la  huitième 
année  de  notre  règne.  Notre  intention 
était  d'examiner,  dans  cette  nouvelle 
conférence,  si  l'on  pouvait  se  rappro- 
cher de  leurs  doctrines.  Lorsqu'ils  se 
furent  rendus  de  toutes  parts  à  Car- 
thage pour  l'époque  désignée,  nous 
leur  accordâmes  encore  un  délai  de 
quelques  jours.  Au  moment  oîi  les  ca- 
tholiques se  montrèrent  disposés  à 
conférer,  nos  vénérables  évéques  les 
invitèrent  à  prouver  nettement,  à  l'aide 
des  divines  Ecritures,  ainsi  que  cela 
avait  été  réglé  à  l'avance,  leur  dog- 
me de  la  consubstantialité  du  Père, 
du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  ou  bien  à 
rejeter  ce  que  les  innombrables  prélats, 
rassemblés  de  toutes  les  parties  du 
monde,  dans  les  deux  conciles  de  Ri- 
mini  et  de  Séleucie,  avaient  précé- 
demment condamné.  Mais  loin  de  se 
prêter  à  ce  qu'on  leur  demandait,  ils 
poussèrent  le  peuple  à  la  ^édition.  Ils 
firent  plus  :  lorsque  nous  leur  enjoi* 


8*  Livraison.  (HiST.  DES  Vandales.) 


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34 


L'UNIVERS. 


gnîmes,  le  second  jour,  de  nous  éclai- 
rer, suivant  rengagement  pris,  sur 
leurs  croyances,  ils  eurent  recours, 
avec  leur  audace  accoutumée,  à  une 
nouvelle  sédition  et  aux  clameurs,  et 
les  débats  ne  purent  commencer.  Sur 
leurs  provocations,  nous  ordonnâmes 
que  leurs  églises  restassent  fermées 
tant  qu'ils  ne  voudraient  pas  se  pré- 
senter à  la  conférence  indiquée.  Avec 
une  mauvaise  volonté  bien  arrêtée,  il^ 
persistèrent  dans  leur  résolution.  Nous 
avons  donc  cru  nécessaire  et  juste  de 
tourner  contre  eux  les  mesures  pres- 
crites dans  les  lois  qu'ils  ont  fait  pro- 
mulguer à  différentes  époques  par  les 
empereurs  qui  partageaient  leurs  er- 
reurs. Voici  quelques  dispositions  de 
ces  lois  :  «  Il  n'y  aura  point  d'autres 
églises  que  celles  qui  sont  desservie? 
par  des  prêtres  catholiques  ;  il  ne  sera 
pas  permis  aux  dissidents  de  se  réunir 
pour  vivre  sous  une  règle  commune, 
de  convoquer  des  assemblées ,  de  se 
faire  donner  ou  d'élever  des  églises 
dans  les  villes  ou  dans  tout  autre  lieu , 
quelque  i)etit  qu'il  soit.  Toutes  les 
choses  qui  auront  servi  au  eulte  non 
autorisé  seront  la  propriété  du  fisc. 
Les  biens  de  l'église  condamnée  re- 
viendront aux  prêtres  catholiques.  Les 
dissidents  ne  pourront  se  déplacer; 
s'ils  essayent  de  changer  de  pays ,  ils 
seront  livrés  par  les  villes  et  localités 
où  ils  auront  cherché  refuse;  ils  ne 
pourront  ni  baptiser,  ni  se  livrer  à  la 
controverse  sur  des  matières  reli- 
gieuses ;  déifense  leur  est  faite  de  sa* 
crer  les  évéques,  de  conférer  les  ordres 
aux  prêtres  et  aux  membres  du  clergé. 
Les  ëéliùauantS)  à  savoir,  celui  qui 
conférera  tes  ordres  et  celui  qui  les 
recevra,  seront  condamnés,  chacun 
séparément ,  à  une  amende  de  dix  li- 
vres d'or;  en  sus,  ils  ne  pourront  ap- 
peler de  la  sentence.  On  ne  tiendra 
aucun  compte  aux  condamnés  des  ti- 
tries  particuliers  qu'ils  pourraient  faire 
valoir.  Enfin ,  dans  le  cas  où  il  y  aurait 
récidive,  les  coupables  seront  enlevés 
de  leurs  demeures,  conduits  en  exil  et 
soumis  à  la  surveillance.  »  Les  mêmes 
empereurs  pnt  également  sévi  contre 
les  dissidents  laïques,  en  les  privant 


du  droit  de  donner,  de  tester,  et  aussi 
dé  recueillir  \ine  donation  ou  uùe  6ue- 
cession ,  soit  à  titre  de  fidéi-commis, 
de  legs  ou  de  donation ,  et  cela  quand 
bien  même  ils  eussent  été  héritiers  lé- 
gitimes, ou  simplement  héritiers  dé- 
signés par  codicille  et  autres  actes  de  ce 
genre.  La  persécution  en  était  venue  à 
ce  point  que  les  officiers  même  du  palaîs 
étaient  soumis,  pour  le  seul  fait  de 
dissidence,  aux  peines  les  plus  sévères. 
Ainsi  privés  de  leurs  dignités  et  des 
privilèges  de  leurs  charges,  ils  se 
voyaient  assimilés  aux  criniiinels  d'É- 
tat. Les  employés  subalternes  des 
diters  fonctionnaires  civils  étaient  pas- 
sibles, pour  le  même  fait,  d'une  amende 
de  trente  livres  pesant  d'argent.  S'ils 
encouraient  une  sixième  fois  la  con- 
damnation ,  on  ajoutait  au  châtiment 
f)rescrit  les  verges  et  l'exil.  En  otitre, 
es  empereurs  avaient  ordonné  de 
brtîlertous  les  livres  des  prêtres  qu'ils 
poursuivaient  pour  hérésie.  Sembla- 
blement,  nous  ordonnons  de  brûler 
les  livres  qui  contiennent  les  doctrines 
impies  des  catholiques.  Voici,  en 
outre,  quelles  étaient  les  mesures  pri- 
ses, au  temps  des  empereurs  catholi- 
ques, contré  les  fndividus  de  chacune 
des  classes  dont  se  compose  la  popu- 
tion  de  Tempire  :  les  illustres  payaient 

f)Our  le  fait  de  dissidence,  cinquante 
ivres  pesant  d'or;  les  spedctbiteSy 
quarante;  les  sénateurs  y  trente;  les 
aécurîonSy  cinq  ;  les  marchands,  cinq  ; 
chaque  homme  du  peuple^  cinq;  enfin 
les  cîrcumceUîoneSy  c'est-a-dire  les  in- 
dividus n'ayant  point  de  domicile 
fixe(*),  payaient  dix  livres  pesant  d'ar- 

(*)  Dans  Topinion  de  M.  Louis  Marciis , 
les  circumceltiones  étaient  les  habitants  de 
la  campagne  et  des  places  oh  il  n'y  avait 
point  de  curie  ou  sénat.  Suivant  nous,  c'est 
une  grave  erreur.  Les  circumcelltones  dési- 
gnés dans  redit  que  nous  reproduisons  ici , 
elaient  des  individus.âui  tenaient  en  quelque 
sorte  le  milieu  entre  les  membres  du  clergé 
et  les  laïques ,  et  qui,  sous  un  costume  par- 
ticulier et  comme  moines,  erraient  çà  et  là, 
sans  avoir  un  domicile  fixe.  Les  nombreux 
exemples  empruntés  par  du  Cange  à  saint 
Augustin ,  a  Isidore ,  au  Moine  de  S&înt- 
Gall  et  a  bien  d'autres  encore,  ne  nous  lais** 


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AFRIQPJÇ. 


gent;  çt  de  plus,  ceux  qui  persévé- 
îaiènt  <lanâ  ce  ()u*on  appelait  leurs 
erreurs,  perdaient  leurs  biens  et  étaient 
condamnés  à  re^tU.  Si  lés  habitants  de 
tout  rang,  dans  les  villes,  si  les  régis- 
seurs et  fermiers  des  biens  d'autrul 
essayaient  de  cacher  un  délinguant, 
ne  le  dénonçaient  pas,  ou  tentaient  de 
soustraire  un  prévenu  au  jugement, 
ils  encouraient  les  mêmes  peines  que 
les  coupables.  Les  fermiers  des  do- 
maines royaux  donnaient  au  fisc,  à 
titre  d'amende,  une  somme  égale  à 
celle  qu'ils  payaient  pour  la  ferme. 
C'était  la  mesure  qui  était  générale- 
ment adoptée  à  l'égard  des  regi<îseurs 
de  biens  particuh'ers,  ou  des  posses- 
seurs d'immeubles,  quand  ils  refusaient 
d'abandonner  leurs  croyances.  Les 
gouverneurs  civils  des  provinces  qui 
ne  tenaient  pas  la  main  à  l'exécution 
de  ces  lois  encouraient  la  peine  de 
mort;  il  en  était  de  même  des  trois 
employés  supérieurs  des  bureaux  du 
gouverneur  civil;  quant  aux  employés 
inférieurs,  ils  étaient  passibles  chacun 
d'une  amende  de  vingt  livres  d'or. 
C'est  pourquoi  nous  croyons  néces- 
saire (rappliquer  à  notre  tour  toutes 
les  mesures  précédemment  indiquées 
à  ceux  qui  sont  convaincus  d*avoir  été 
et  d'être  encore  catholiques.  Nous 
leur  ordonnons  de  renoncer  à  leurs 
anciennes  erreurs.  S*îls  résistent,  ori 
les  poursuivra  devant  les  tribunaux  de 
toutes  les  villes,  et  on  poursuivra  aussi 
les  juges  qui,  sans  tenir  compte  dé 
nos  volontés,  auront  négligé  d'infliger 
aux  coupables  de  rigoureux  châti- 
ments. Nous  voulons  donc  que  les 
partisans  delà  doctrine  delà  consubs- 
tantialrté  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit,  doctrine  déclarée  fausse  dans 
une  assemblée  où  ont  figuré  tant  et  de 
si   grands  prélats,   s'abstiennent  de 

sent  aucun  doute  à  cet  égard.  En  général,  ils 
appartenaient  à  la  secte  des  donatistes.  U 
HoUs  âemble  que  le  dernier  et  très-savant 
édrteur  du  Glossarîum  aurait  pu  rappro- 
cher ces  circumcelliones  des  presbyteri  va- 
gantes ,  dont  il  est  fait  mention  dans  tes 
Capituhîres,  Voy.  du  Gange,  s.  v.  C/r- 
çumcilUones^ 


toutes  les  choses  condamnées  ci-des- 
sus. Qu'ils  sachent  bien  quil  sera  pro- 
cédé à  leur  égard  sans  nulle  tolérance. 
Les  châtiments  atteindront  indistinc- 
tement tous  ceux  qui ,  aux  calendes  de 
juin  de  la  huitièmeannéedenotre  règne, 
tï%  se  seront  point  convertis  à  la  vraie 
religion,  celle  que  nous  pratiquons  et 
vénérons.  Notre  piété  a  fixé  ce  délai 
pour  ouvrir  la  voie  de  l'indulgence  à 
ceux  qui  se  rétracteront,  et,  d'autre 
part,  pour  enlever  tout  prétexte  de 
plaintes  à  ceux  qui  ne  se  rétracteront 
point.  Les  individus  qui  persévéreront 
dans  leur  erreur,  qu'ils  soient  officiers 
du  palais  ou  fonctionnaires  publics. 
Seront  passibles  d'une  amende,  cha- 
cun en  raison  de  son  rang,  et  d'après 
le  tableau  qui  a  été  dressé  précédem- 
ment. Nous  voulons  en  outre,  par  cet 
édit,  que  pour  la  punition  des  délits, 
on  consulte  avec  soin  le  texte  des  lois 
que  nous  avons  citées,  afin  qu'on  ne 
puisse  commettre  d'erreurs  dans  l'ap- 
plication des  peines.  Quant  aux  gou- 
verneurs des  provinces,  nous  ordon- 
nons qu'on  leur  inflige  les  châtiments 
prononcés  contre  eux  quand  ils  né- 
gligeront d'obéif  à  nos  commande- 
ments. Que  les  vénérables  serviteurs  de 
la  Majesté  divine ,  à  savoir  nos  prêtres^ 
soient  mis  en  possession  de  toutes  les 
églises  des  catholiques  et  de  leurs 
dépendances ,  en  quelques  lieux  et  con- 
trées de  notre  rovaume  que  ces  églises 
se  trouvent  situées.  C'est  là  notre  vo- 
lonté. Les  pauvres  profiteront,  nous 
n'en  doutons  pas ,  de  ce  que  nous  don- 
nons si  légitimement  aux  ministres 
sacrés  de  notre  religion.  Nous  ordon- 
nons que  cette  loi ,  fondée  sur  l'équité 
naturelle,  soit  portée  à  la  connais- 
sance de  tous,  alin  que  nul  désormais 
ne  puisse  se  prévaloir  d'avoir  ignoré 
ses  dispositions. 

«  A  tous  les  peuples  soumis  à  notre 
domination,  salut. 

«  Donné  à  Carthage,  le  sixième  jour 
des  calendes  de  mars(*).  » 

CÀBAGTÈRE  I>B  LA  PERSÉCUTION; 

i^)  Cet  édit  du  roi  Hunéric  nous  a  été 
transmis  par  Victor  de  Vita.  De  persécuta 
VandaL,  lib,  3. 


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M 


L'UNIVERS* 


fNTSRYBNTION  BK  L^BMPSRSUR  d'O- 

ribnt;  mobt  du  roi  hunbrig. — 
La  persécution  suivit  de  près  cet  édit, 

{)romulgué  au  mois  de  février  de 
'année  484.  On  prit  contre  les  catho- 
liques des  mesures  sévères,  et  bientôt 
même  on  eut  recours  aux  supplices. 
L'empereur  d'Orient,  IZénon,  sollicité 
par  le  pape  Félix,  essaya  alors,  mais 
en  vain,  de  faire  sentir  son  interven- 
tioti.  S'il  faut  en  croine  d'anciens  ré- 
cits, le  roi  des  Vandales,  pour  mon- 
trer qu'on  ne  devait  trouver  en  lui  ni 
miséricorde,  ni  pitié,  fit  parcourir  à 
l'ambassadeur,  venu  de  Constantinople 
à  Carthage,  des  rues  remplies  par  les 
mstruments  qui  servaient  aux  sup- 
plices des  catholiques. 

Hunéric  était  encore  animé  par  les  con- 
seils des  évéques  qui  l'environnaient, 
et  qui  étaient  les  chefs  des  hérésiar- 
ques. C'étaient  ces  évéques,  et  non  les 
catholiques ,  comme  disait  l'édit,  qui 
s'étaient  opposés  à  une  conférence  pa- 
cifique et  à  la  libre  discussion.  Avant 
la  reunion,  ceux  qui  suivaient  les  doc- 
trines de  l'orthodoxie  avaient  bien 
prévu  ce  résultat.  Ils  redoutaient  ce 
concile,  oil,  comme  ils  le  savaient,  on 
devait  les  condamner  sans  les  enten- 
dre. Aussi  ils  avaient  essayé,  pour 
détourner  le  coup  qui  les  menaçait  et 
pour  se  créer  des  auxiliaires,  de  changer 
fa  nature  de  l'assemblée  où  on  les 
appelait.  L'un  d'eux,  le  métropolitain 
Eugène,  avait  dit  au  roi  qu'il  ne  lui 
semblait  pas  juste  de  faire  discuter  et 
résoudre  par  les  évéques  d'une  seule 
province  les  questions  qui  intéressaient 
toute  la  chrétienté.  Hunéric  lui  avait 
répondu  avec  dérision  :  <c  Eugène,  sou- 
mets l'univers  à  ma  puissance ,  et  je 
réunirai  en  concile,  comme  tu  le  veux, 
les  évéques  du  monde  entier.  »  Cepen- 
dant les  catholiques,  pour  tenter  sans 
doute  la  voie  des  conciliations,  vinrent 
à  Carthage;  mais,  nous  le  répétons, 
ils  étaient  condamnés  à  l'avance,  et 
leurs  ennemis  avaient  déjà  tout  dis- 
posé pour  la  persécution. 

Nous  ne  voulons  point  énumérer 
ici  les  odieux  moyens,  exils  et  sup- 

R lices ,  que  l'on  employa  pour  vaincre 
)S  catholiques  et  leur  arracher  une 


abjuration.  Dans  l'histoire  de  cette 
persécution,  racontée  par  Victor  de 
Vita  avec  trop  de  passion  peut-être, 
nous  choisirons  seulement  Un  fait  qui 
montrera ,  tout  ensemble ,  les  violences 
et  la  mauvaise  foi  du  roi  Hunéric  et 
des  hérésiarques  ses  conseillers. 

Après  avoir  promulgué  son  édit,  le 
roi  fît  chasser  de  Carthage  les  évéques 
catholiques  (jui,  obéissant  aux  lettres 
de  convocation,  s'étaient  réunis  pour 
le  concile.  Il  avait  eu  soin ,  au  préala- 
ble, de  les  dépouiller  de  tous  leurs 
biens;  puis,  il  nt  savoir  une  celui  qui, 
par  pitié  ou  autrement,  donnerait  aux 

Eroscrits  un  asile  ou  du  pain ,  serait 
rûlé  avec  sa  maison.  Les  évéques 
ainsi  chassés  prirent  la  sage  résolution 
de  rester  aux  environs  de  la  ville.  Ils 
n'ignoraient  pas  que  s'ils  tentaient  de 
s'éloigner,  on  les  forcerait  à  revenir, 
et  qu  usant  du  mensonge,  leurs  enne- 
mis les  accuseraient  de  s'être  dérobés 
aux  conférences  et  aux  luttes  de  la 
discussion.  D'ailleurs,  qu'eussent-ils 
gagné  à  revoir  leurs  maisons  et  leurs 
églises  déjà  envahies  par  les  persécu- 
teurs ?  Ils  restèrent  donc  auprès  des 
murs  de  la  ville.  Là,  ils  gémissaient 
sur  leur  malheureux  sort ,  lorsque ,  par 
hasard,  ils  rencontrèrent  le  roi  qui 
était  sorti  avec  une  escorte.  Ils  se  je- 
tèrent sur  son  passage,  et  lui  dirent  : 
«  Que  t'avons-nous  tait?  quelles  sont 
.  nos  fautes  ou  nos  crimes?  Nous  som- 
mes venus,  à  ton  appel ,  pour  discuter 
et  soutenir  nos  doctrines;  pourquoi 
donc  nous  dépouiller  de  nos  biens, 
nous  chasser  de  Carthage,  et  nous  li- 
vrer en  proie  à  la  faim  et  à  toutes  les 
misères?  »  Hunéric  les  regardait  avec 
colère,  et  ils  n'avaient  point  encore 
achevé,  qu'il  ordonna  à  ses  cavaliers 
de  les  disperser.  On  lui  obéit  avec  tant 
de  promptitude ,  que  plusieurs  parmi 
les  évéques  ne  purent  échapper  à  ceux 
qu'on  avait  lancés  à  leur  poursuite. 
Les  vieillards  et  les  malades  furent 
renversés  et  broyés  sous  les  pieds  des 
chevaux. 

Peu  de  temps  après,  Hunéric  indi- 
qua aux  évéques  un  lieu  où  ils  devaient 
se  rassembler.  Ils  étaient  à  peine  ar* 
rivés,  qu'ils  furent  abordés  par  des 


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AFRIQUE. 


S7 


officiers  du  roi.  Ceux-ci  leur  montrè- 
rent une  feuille  roulée,  et  leur  dirent  : 
«  Hunéric,  notre  seigneur,  malgré  vo- 
tre obstination  et  quoique  tous  refu- 
siez d'embrasser  ses  croyances ,  veut 
encore  vous  offrir  un  moyen  de  ren- 
trer en  grâce.  Si  vous  jurez  d'observer 
ce  qui  est  écrit  sur  cette  feuille,  il 
vous  rendra  vos  maisons  et  vos  égli- 
ses. »  Tous  s'écrièrent  alors  :  «  Nous 
sommes  chrétiens  ;  nous  sommes  évé- 
ques;  notre  doctrine  est  celle  des  apô- 
tres; c'est  la  vraie  doctrine,  et  nous 
ne  voulons  point  y  renoncer.  »  Comme 
les  officiers  du  roi  les  pressaient  de 
jurer,  Hortulanus  et  Florentianus  ré- 
pondirent :  «  Sommes-nous  donc  des 
êtres  assez  dépourvus  de  raison  pour 
promettre  d'exécuter  les  clauses  d'un 
écrit  que  nous  ne  connaissons  point?  » 
On  apprit  alors  aux  évéques  quel  était 
le  serment  qu'on  leur  demandait.  Il 
s'agissait  de  reconnattre,  après  la  mort 
du  roi,  son  fîls  Hildéric  comme  son 
légitime  successeur.  Après  cette  décla- 
ration, les  avis  des  évéques  furent 
partagés  ;  les  uns  se  montrèrent  prêts 
à  obéir,  mais  les  autres  restèrent  iné- 
branlables, voulant  observer  dans  toute 
sa  rigueur  cette  parole  de  l'Évangile  : 
«  Vous  ne  jurerez  point.  »  Après  avoir 
constaté  cette  scission,  les  ofGciers 
royaux  dirent  :  «  Que  ceux  qui  consen- 
tent à  prêter  le  serment  exigé  se  sé- 
})arent  de  ceux  qui  persévèrent  dans 
eur  obstination.  »  Quand  ils  furent 
séparés,  des  greffiers  recueilli  cent  leurs 
paroles ,  et  le  nom  de  la  cité  à  laquelle 
chacun  d'eux  appartenait.  On  procéda 
de  même  à  l'égard  de  ceux  qui  n'avaient 
point  voulu  jurer.  Mais  les  uns  et  les 
autres  ne  devaient  pas  tarder  à  s'aper- 
cevoir de  la  perfidie  du  roi  Hunéric. 

Tous  indistinctement  furent  arrêtés 
et  soumis  à  une  dure  surveillance; 

Euis  on  prononça  contre  eux  une  dou- 
le  sentence.  On  s'adressa  d'abord  à 
ceux  qui  avaient  prêté  le  serment  : 
«  Puisque  vous  avez  violé  les  préceptes 
de  l'Évangile  en  consentant  à  jurer,  le 
roi  vous  enlève  pour  toujours  à  vos 
cités  et  à  vos  églises;  on  vous  relé- 
guera dans  des  terres  que  vous  culti- 
verez comme  colons.  Défense  vous  est 


faite  de  chanter,  de  prier,  de  lire,  de 
baptiser,  de  conférer  les  ordres  sacrés 
et  de  remettra  les  péchés.  »  Ensuite, 
on  dit  aux  autres  :  «  Vous  avez  refusé 
de  jurer,  parce  que  vous  ne  voulez 
point  avoir  pour  roi  le  fils  de  Hunéric, 
notre  seigneur  :  c'est  pourquoi  vous 
serez  transportés  en  Corse.  Là ,  vous 
couperez  le  bois  qui  doit  servir  aux 
constructions  de  la  flotte  royale.  » 

A  la  fin  de  l'année  484,  le  roi  Hu- 
néric ,  s'il  faut  en  croire  les  écrivains 
catholiques,  mourut  rongé  par  les  vers. 
Dix  mois  environ  s'étaient  écoulés  de- 
puis la  promulgation  de  l'édit  de  per- 
sécution. 

GUNTHÀMUND    SUCCÈDE    À  HUNÉ- 

Bic;  SA  tolébange;  ses  guebres 

CONTBE  LES  MÀUBES  ;  SES  BELÀTIONS 
AVEC  LES  OSTBOGOTHS;  SA  MOBT.  — 

Suivant  la  loi  établie  par  Genséric, 
Gunthamund,  fils  de  Genzon,  succéda, 
comme  le  plus  âgé  des  princes  van- 
dales, à  son  oncle  Hunéric.  Le  nou- 
veau roi  se  montra  favorable  aux  ca- 
tholiques. La  persécution ,  il  est  vrai , 
continua  au  commencement  de  son 
règne,  mais  les  violences  cessèrent  peu 
à  peu,  et,  en  487,  Eugène,  rappelé  de 
l'exil ,  put  reprendre  possession  de  son 
siège  de  Carthage.  Les  autres  évéques 
catholiques,  qui  avaient  été  forcés  de 
fuir  ou  de  se  cacher,  ne  tardèrent 
point  à  reparaître,  et,  comme  leur 
métropolitain,  ils  rouvrirent  leurs 
églises ,  que  la  persécution  avait  fer- 
mées. 

Gunthamund  ne  fut  pas  toujours 
heureux  dans  la  lutte  qu'il  eut  à  sou- 
tenir contre  les  Maures.  Ils  avaient 
envahi,  sous  son  règne,  toute  la  partie 
orientale  de  la  Byzacène,  et  leurs  at- 
taques devenaient  chaque  jour  plus 
fréquentes  et  plus  hardies.  Ce  fut  sans 
doute  pour  ne  point  être  distrait  de 
cette  guerre  d'Afrique,  et  par  crainte 
d'une  diversion,  que  Gunthamund  fit 
un  traité  avec  Théodéric,  le  nouveau 
maître  de  l'Italie.  Il  s'engageait  à  ne 
plus  piller  les  côtes  de  Ta  Sicile;  il  ' 
abandonnait,  en  outre,  la  portion  de 
l'île  qui  était  restée  aux  Vandales ,  en 
vertu  des  traités  conclus  avec  Odoacre , 
et,  de  plus,  il  se  soumettait  volontaire- 


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88  L'UNIVERS 

inent  ^  payer  m  roi  des  Ostrogoths 
UQ  tribut  annuel.  Guuthamund  mourut 
au  mois  de  septembre  de  Tannée  496. 

BSGNB  PS  TBBÂ3AMUND;  SON 
AMOUA  POU|l  LA  GONTROVEaSB;  SB^ 
ALLIAIHCBS;  SES  QUBBR^S;  SA  IfûBT. 

V—  Tbrasamund  était  frère  du  dernier 
roi.  Il  était  beau,  doué  d'un  esprit 
pénétrante  mais  subtil,  et  il  avait  cul- 
liyé  les  lettres.  Il  comprit  q^e  c'était 
m^l  servir  l'arianisme  que  de  persé^ 
cuter  ouvertement  les  catholiques.  Il 
imita  l'empereur  Julien.  Il  combat'? 
tit  les  ennemis  de  sa  croyance,  non 
plus  comme  Hunéric,  par  des  sup* 
plices,  mais  en  les  privant,  à  sa  cour 
çt  dans  son  royaume,  de  biens,  d'hon- 
peurs  et  de  considération,  et  en  les 
accablant  en  tous  lieux  de  mépris  et 
d'outrages.  Il  voulait  paraître  doux  et 
tolérant.  Il  discutait  volontiers  avec 
ks  catholiques.  Avant  tout,  disalt-il, 
a  cherchait  à  s'éclairer.  Mais,  en  vé- 
wté,  il  ne  provoquait  les  discussions 

Î|ue  pour  montrer  son  savoir,  et  pour 
^^.  Sentir  à  ses  adversaires  sdes  rail- 
kries  et  ses  dédains.  Cependant  il  ne 
put  toujours  se  contenir,  et  il  eut  re- 
cours parfois  à  la  force  et  aux  violen- 
ces. Ainsi ,  en  507,  les  évéques  de  la 
Byzacène  ayant  voulu  remplir  les  vides 
que  la  persécution  et  la  mort  avaient 
laissés  dans  leurs  rangs,  le  roi  fit  saish» 
tes  nouveaux  élus  et  ceux  qui  les 
avaient  sacrés,  et  les  exila  tous  en  Sar- 
daigne. 

Le  mariage  de  Tbrasamund  avec 
Amalafrid ,  sœur  de  Théodéric ,  ren- 
dit plus  forte  gue  par  le  passé  l'alliance 
3ui  existait  déjà  entre  les  conquérants 
e  l'Afrique  et  ceux  de  l'Italie.  La 
nouvelle  reine  apf)ortait  en  dot  à  son 
époux  le  promontoire  de  Lilybée,  c'es^ 
à-dire,  la  partie  la  plus  occidentale  de 
la  Sicile.  Toutefois,  Théodéric  et  Tbra- 
samund ne  furent  pas  toujours  unis  ; 
et  l'on  sait  qu'en  l'année  610,  le  roi 
des  Vandales,  en  soutenant  Gésalic, 
prêta  aide  et  appui  aux  ennemis  des 
Ostrogoths. 

SI  les  maîtres  de  l'Afrique  étaient 
alors  en  paix  avec  l'empereur  d'Orient, 
Anastase,  ils  avaient  toujours  à  soutes 
nir  sur  leur  propre  territoire  une  rude 


guerre  contre  les  Maures.  Cabaon , 
chef  des  tribus  de  la  Tripolitaine^fïit 
le  plus  redoutable  ennemi  des  Van- 
dales. II  m  se  borna  point  à  faire  siir 
leur  territoire  de  passagères  incur- 
sions. Il  s'y  établit,  et  osa  attendre, 
contre  les  tiabitudes  de  sa  nation ,  les 
lorcè^  considérables  au'on  lui  oppo- 
sait. A  la  fin  du  règne  de  tbrasamund, 
il  fît  subir  aux  Vandales  un  grand  dé- 
sastre. On  avait  envoyé  contre  lui  une 
puissante  armée  ;  il  l'anéantit.  Tbrasa- 
mund mourut  en  523.  A  ses  derniers 
instants,  il  avait  fait  appeje.r  Hildéuc, 
que  la  loi  lui  donnait  pour  successeur. 
Il  lui  recommanda  de  ne  point  suivre 
son  exemple ,  d'user  de  tolérance  à  l'é- 
gard des  catholiques ,  et  de  réparer , 
autant  qu'il  le  pourrait,  les  maux  de 
la  persécution. 

BILPBBIG  ;  IL  FAIT  PEBIB  AMALA- 
tBlB  Bt  BOlCPt  AVBG  UiS  OSTBO- 
GOTHS  ;  SA  DOUGBUB  POtlB  lÊà  Ùl* 
THOLIQUBS  BT  SBS  BAPPOBTS  AVEC 
I.'EMPIBB  D'OBIBNT  UJI  ALIENENT 
L^AFFECTIGW  DES  VAHÙALB»*  —  Hil- 

déric,  à  son  avènement,  s'empréSSà 
de  suivre  k»  conseils  et  d'exécuter  les 
dernières  volontés  du  roi  Thrasaoïuod. 
Il  cessa  de  persécuter  les  catholique», 
les  rappela  de  l'exil ,  leur  rendit  leurs 
églises ,  et  leur  permit  de  faire  de  nou- 
veaux évéques.  Des  synodes  furent  te- 
nus alors  dans  chaque  province;  et 
bientôt  même  ceux  que  Hunérie  et 
Tbrasamund  avaient  proscrits  purent 
se  rassembler  dans  un  concile  général 
à  Carthage  (5!24),  pour  discuter,  libife- 
ment  et  sans  crainte,  sur  les  points  qtii 
intéressaient  leurs  croyances  et  leur 
Culte.  Le  roi  agissait  ainsi  dans  des 
vues  de  conciliation  ;  il  voulait  chanser 
les  rapports  qui  avaient  existé  jus- 
cm'alors  entre  les  ariens  et  les  catlio- 
liques,  rapprocher  les  églises  rivales , 
et  mettre  un  terme  à  leur  longue  désu- 
nion. Mais  il  ne  réussit  pas  dans  son 
entreprise.  Si  la  lutte  cessa  pendant  un 
instant,  les  haines  ne  s  éteignirent 
point. 

Dès  les  premiers  jours  de  son  règne«^ 
Hildéric  avait  eu  à  se  défendHB  contre* 
Antâlafrid,   veuve   de  Tfaorasamuod. 
Elle  avait  excité  une  révolte  qui  fut 


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^mpiement  étouffée.  Àptès  avoir 
échoué,  Amaiafrîd  se  sauva  chez  les 
Maures,  avec  tes  Goths  qui  l'avaient 
accompagnée  à  l'époque  de  son  ma- 
riage; mais  elle  fut  arrêtée  dans  sa 
fuite. On  massacra  ceux  qui  la  suivaient; 
et,  pour  elle,  on  la  jeta  dans  une  dure 
prison.  Après  la  mort  de  Théodéric, 
son  frère ,  elle  fut  mise  à  mort.  Par  là 
rallianceqUi  existait  entre  les  Vandales 
et  les  Ostrogothsf  fut  rompue,  fiildérie 
ne  s^inqiiiétâ  (ioint  des  protestations 
et  des  menaces  qui  lui  venaient  d'Ita- 
lie. Il  savait  trop  bien  que,  depuis  la 
mort  de  Théodéric,  le  plus  illustre  de 
leurs  rois,  les  Ostrogoths  se  trouvaient 
dans  des  embarras  tels,  quMls  ne  pou* 
vaient  se  venger.  D'ailleurs,  il  était  li- 
Vfé  tout  entier  à  ses  relations  avec  l'O*- 
rient*  Il  entretenait  m  commerce 
assidu  d'ambassades  et  de  lettres  avec 
jaçourdeConstantinople,  où  il  avait 
longtemps  vécu.  11  regardait  Justinien 
comme  son  {)rotecteur,  et  comptait  sur 
son  appui  ;  et,  pour  lui  témoigner  son 
affection  et  son  respect,  il  voulut  que 
ses  proprés  monnaies  portassent  Tef- 
fjgie  de  Vemperéur  de  Byzance.  C'était 
placer  en  quélduesorte  les  conquérants 
de  ^Afrique  dans  la  dépendance  de 
deux  qu'autrefois  ils  avaient  vaincus , 
et  reconnaître  que  les  Vandales  avaient 
un  autre  souverain  que  l'héritier  légi- 
time de  Genséric. 

Le  mécontentemetlt  de  la  tiatioli 
croissait  de  jour  en  jour.  Elle  repro- 
chait à  Hilderic  ses  liaisons  avec  Cons- 
tantinople,  sa  rupture  avec  les  Ostro- 
goths, et  aussi  les  ménagements  qu'il 
gardait  avec  les  catholiques.  Le  mau- 
vais succès  de  la  guerre  contre  les 
Maures  aigrissait  encore  les  esprits. 
Oàhier,  qu'on  appelait  l'Achille  des 
Vandales,  avait  éprouvé  une  défaite  qui 
avait  livré  aux  tribus  victorieuses  toute 
la  Byzacène,  et  ce  désastre  avait  beau- 
coup ajouté  à  la  haine  que  l'on  portait 
au  roi. 

HILBEBIG  EST  DÉPOSÉ  ;  GELIMÉR 
LE   BEMPLi.CE;  lEtTBES   DE  JUSTI- 

NiEN.  -T  Ce  fut  alors  que  Gélimer  fut 
^lécé  à  la  tête  de  l'armée,  Il  battit  les 
Matirei  ;  et  ses  soldats ,  dans  un  md- 
ment  d'enthousiasme,  proclamèrent 


AtRÎQtiÊ-  ^  f& 

tout  à  la  fois  fà  déchéance  SeÉMériê, 
et  l'avènement  à  la  royauté  de  leur 
chef  victorieux.  Gélimer,  parGenzon, 
descendait  de  Genséric.  Il  est  vraisem- 
blable qu'avant  la  brusque  révolution 
qui  le  porta  au  trône ,  il  s'était  déjà 
fait  un  nombreux  parti.  Il  n'hésita 
point  à  accepter  le  titre  que  lui  avaient 
décerné  les  soldats.  Il  marcha  sur  Car- 
thage ,  et  s'en  empara.  Là ,  il  fît  jeter 
en  prison  l'ancien  roi  avec  Damer  et 
Euagis,  ses  deux  neveux  (531). 

Quand  Justinien  apprit  ces  événe* 
ments,  il  envoya  des  ambassadeurs  a 
Gélimer»  pour  l'engager  à  rendre  à  Hil- 
deric la  liberté  et  le  trône.  Mais  le  nou- 
veau roi  ne  tint  compte  des  lettres  de 
l'empereur  d'Orient.  Il  fit  même  cre- 
y«r  les  yeux  à  Oamer,  et  rendit  plus 
dure  la  captivité  de  celui  qu'il  avait  dé- 
trôné. Justinien  lui  envoya  alors  une 
nouvelle  lettre.  Elle  était  ainsi  conçues 
«Nous  t'avons  déjà  écrit,  parce  que 
nous  pensions  que  tu  suivrais  volon- 
tiers nos  conseils.  Maintenant,  nous  ne 
t'exhortons  plus  à  céder  ta  royauté  \ 
garde  ce  que  la  fortune  t'a  donné.  Seu- 
lement, laisse  venir  vers  nous  Hilde- 
ric, Gamer  et  son  frère  Euagis,  afin 
que  nous  puissions  leur  prodiguer  les 
consolations  qui  conviennent  à  ceux 
qui  ont  perdu  une  couronne  ou  la  lu- 
mière des  yeux.  Dans  le  cas  où  tu  re- 
jetterais notre  demande, nous  avons 
gris  la  résolution  de  recourir  à  la  force, 
n  cela ,  nous  ne  violerons  point  la 
paix  faite  avec  Genséric.  Te  poursuivre 
par  les  armes,  ce  n'est  point  attaquer 
Son  successeur  légitimé  ;  c'est  le  ven- 
ger. »  Après  avoir  pris  connaissance 
de  cette  lettre  hautaine ,  Gélimer  ré- 
pondit :  «  Je  ne  dois  point  ma  royauté 
à  la  violence.  Je  n'ai  point  été  injuste 
envers  ceux  de  ma  race.  Hildéric  com- 

{)lotait  contre  sa  propre  famille,  contre 
a  famille  de  Genséric;  c'est  la  haine 
de  tous  les  Vandales  qui  l'a  renversé. 
Le  trône  étant  vacant ,  je  nf^  siijs  as- 
Sis  en  vertu  de  mon  âge  et  de  la  loi  de 
Succession.  Celui-là  agit  sagennient, 
comme  prince ,  qui ,  livré  tout  entier 
à  l'administration  de  son  toysfume,  ne 
porte  point  ses  regards  au  dehors ,  ël 
ne  cherche  point  à  s*immiscer  dçms  les 


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40 


L'UNIVERS. 


afifaires  des  autres  États.  Si  tu  romps 
les  traités  qui  nous  unissent,  j'oppose- 
rai la  force  à  la  force ,  et  je  ne  cesserai 
d'invoquer,  à  Tappui  de  mon  bon  droit, 
les  serments  de  l'empereur  Zenon, 
dont  tu  tiens  aujourd  hui  la  place.  » 
Cette  réponse ,  dit  Procope ,  excita  la 
colère  de  Justinien,  et  redoubla  sa 
haine  pour  Géliit^er;  elle  ne  fit  que 
l'exciter  davantage  à  porter  la  guerre 
en  Afrique ,  et  à  se  venger. 

CAUSES  DE  l'expédition  d'AFRI- 

QUE  sous  JUSTINIEN.  ~  «  Lorsquc 
Justinien,  dit  Gibbon,  monta  sur  le 
trône,  environ  cinquante  années  après 
la  chute  de  l'empire  d'Occident  (*) ,  les 
royaumes  des  Goths  et  des  Vandales 
semblaient  s'être  établis  en  Europe  et 
en  Afrique  d'une  manière  solide ,  et , 
pour  ainsi  dire ,  légale.  Les  titres  con* 
lérés  aux  Romains  par  leurs  victoires 
se  trouvaient  effacés,  à  leur  tour,  avec 
la  même  justice  par  l'épée  des  bar- 
bares; et  le  temps,  les  traités  et  des 
serments  de  fidélité ,  c[u'une  seconde 
et  une  troisième  génération  avaient 
déjà  renouvelés,  consacraient  les  heu- 
reuses usurpations  des  derniers  con- 
quérants. L'expérience  et  le  christia- 
nisme réfutaient  assez  la  superstitieuse 
espérance  que  les  dieux  avaient  des- 
tiné Rome  à  régner  sur  toutes  les  na- 
tions de  la  terre  ;  mais,  si  des  soldats 
ne  [pouvaient  plus  maintenir  cette  or- 
gueilleuse prétention  d'une  domination 
éternelle  et  inattaquable,  les  hommes 
d'État  et  les  hommes  de  loi ,  dont  les 
opinions  se  sont  quelquefois  propagées 
dans  les  modernes  écoles  de  jurispru- 
dence ,  cherchaient  à  faire  valoir  à  leur 
tour,  par  l'intelligence,  ce  que  la  force 
avait  abandonné.  Du  moment  où  Rome 
fut  dépouillée  de  la  pourpre  impériale, 
les  princes  de  Constantinople  prirent 
seuls  le  sceptre  de  la  monarcnie;  ils 
demandèrent,  comme  un  héritage  qui 
leur  appartenait ,  ces  provinces  subju- 
guées par  les  consuls  ou  possédées  par 
Tes  césars.  Cependant,  ils  n'agirent 
(fue  faiblement  pour  garantir  leurs  su- 
jets de  l'Occident  contre  les  héréiques 

(*)  Justinien  succéda  en  527  à  l'empe- 
reur Justin  ;  il  mourut  en  565, 


et  les  barbares.  Justinien  sembla  ré- 
servé à  faire  valoir,  avec  plus  de  force 
et  sur  un  plus  vaste  plan  que  ses  pré- 
décesseurs, les  prétentions  des  empe- 
reurs d'Orient.  Les  cinq  premières 
années  de  son  règne ,  il  soutint ,  mal- 
gré lui,  une  guerre  dispendieuse  et 
inutile  contre  les  Perses;  à  la  fin,  son 
ambition  triompha  de  son  orgueil ,  et 
il  paya  près  de  onze  millions  une  trêve 
passagère  que  les  deux  nations  quali- 
fièrent du  nom  de  paix  éternelle.  La 
sûreté  de  l'Orient  lui  permit  d'em- 
ployer ses  forces  contre  les  Vandales , 
et  l'état  intérieur  de  l'Afrique  offrait 
un  prétexte  honorable,  et  promettait 
de  puissants  secours  aux  armes  ro- 
maines (*).  » 

On  peut  saisir,  dans  ces  paroles,  la 
véritable  cause  de  l'expédition  que  fit 
en  Afrique  l'armée  de  Justinien.  Les 
maîtres  de  Byzance  se  regardaient  com- 
me les  héritiers  légitimes  des  anciens 
empereurs  d'Occident;  ils  se  croyaient 
encore  par  le  droit,  sinon  par  le  fait, 
les  souverains  de  la  Gaule,  de  l'Italie, 
de  l'Espagne  et  de  l'Afrique.  Il  y  avait 
longtemps,  il  est  vrai,  que  l'orgueil 
des  Césars  ne  dissimulait  plus  leur  im- 
puissance. Cependant  les  barbares,  pift 
un  vague  sentiment  de  respect  pour 
cet  empire  romain  qui  avait  inspiré 
jadis  tant  de  frayeur  a  leurs  ancêtres, 
semblèrent  plus  d'une  fois  avouer  eux- 
mêmes  la  suprématie  de  ceux  qu'ils 
avaient  si  souvent  vaincus  et  dépouil- 
lés. 

On  a  vu,  dans  le  récit  qui  précède, 
que  le  roi  des  Vandales  Hildéric  s'était 
mis  volontairement  dans  une  sorte  de 
dépendance  à  l'égard  de  l'empire  d'O- 
rient. Il  avait  restitué,  autant  qu'il 
l'avait  pu ,  à  ceux  qui  se  disaient  les 
successeurs  des  Romains ,  cette  Afiri- 

Î[ue  qui  avait  coûté  tant  de  ruses,  de 
atigues  et  de  sang  à  Genséric,  le  plus 
illustre  de  ses  aïeux.  Il  avait  rendu  les 
Vandales,  sauf  le  tribut,  sujets  du 
monarque  qui  régnait  à  Byzanc«.  Or 
déposer  Hilaéric,  si  dévoué  à  l'empire, 
c'était  attaquer  Justinien  lui-même; 

(*)  Gibbon;  Histoire  de  la  décadence 
et  de  la  chute  de  r empire  romain  $  ch.  41. 


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aussi ,  à  la  nouvelle  de  la  révolte  qui 
avait  donné  aux  Vandales  un  nouveau 
roi,  la  cour  de  Constantinople  s'émut 
comme  si  on  lui  eût  arraché  une  de 
ses  provinces.  On  conçoit  donc  que 
Justmien  n'ait  point  hésité  à  embras- 
ser la  cause  de  celui  qu'il  regardait 
comme  son  représentant  en  Afrique , 
et  qu'il  ait  poursuivi  Gélimer  de  sa 
haine  et  de  ses  menaces.  En  défendant 
Hildéric ,  il  croyait  défendre  les  inté- 
rêts de  Tempire. 
PROJETS  deguebre;  discours  de 

JEAN  DE  CAPPADOCE;  ÉVÉNEMEI^TS 
QUI  METTENT  FIN  AUX  IRRÉSOLU- 
TIONS DE  JUSTiNiEN.  -—  Les  projcts 
de  Justinien  causèrent  à  Constantinople 
et  dans  tout  l'empire  de  grandes  émo- 
tions ;  mais ,  en  général ,  les  esprits 
étaient  agités  plutôt  par  la  crainte  que 
par  les  espérances.  Procope  nous  a 
conservé  dans  un  récit  animé  les  im- 
pressions de  ses  contemporains.  Voici 
comment  Gibbon  ,  à  son  tour ,  a  re- 

Î produit  les  passages  les  plus  vifs  et 
es  plus  saillants  de  l'historien  byzan- 
tin (*)  :  «  Le  bruit  d'une  guerre  d'A- 
frique ne  satisfit  que  l'oisive  populace 
de  Constantinople,  si  pauvre  qu'elle 
se  trouvait  affranchie  des  tributs ,  si 
lâche  qu'on  l'employait  peu  au  service 
militaire.  Mais  les  citoyens  sages,  qui 
jugeaient  de  l'avenir  par  le  passé ,  se 
souvenaient  de  l'immense  perte  d'hom- 
mes et  d'argent  qu'avait  supportée 
l'empire  dans  l'expédition  de  Basil is- 
cus.  Les  troupes ,  rappelées  des  fron- 
tières de  Perse,  après  cinq  campagnes 
laborieuses ,  craignaient  la  mer ,  le 
climat  et  les  armes  d'un  pays  inconnu. 
Les  ministres  des  finances  calculaient, 
autant  qu'ils  pouvaient  calculer,  les 
frais  d'une  guerre  d* Afrique,  les  taxes 
C|u'il  faudrait  imaginer  et  percevoir,  et 
ils  redoutaient  de  perdre  la  vie,  ou  du 
moins  leur  emploi ,  si  l'on  manauait 
de  quelque  chose.  Jean  de  Cappadoce, 
inspiré  par  ces  motifs  personnels,  car 
on  ne  peut  lui  supposer  du  zèle  pour 
le  bien  public  (**),  osa  s'opposer,  en 

(*)  Procop.  De  bello  VandaL,  l,  lo. 
Gibbon  (ch.  41)  n'a  fait  qu'améliorer,  en 
l'abrégeant ,  le  récit  de  Procope. 

(**)  Gibbon  a  parlé  ailleurs  de  Jean  de 


AFRIQUE.  41 

plein  conseil ,  aux  désirs  de  son  maî- 
tre. Il  avoua  qu'on  ne  pouvait  trop 
payer  une  victoire  si  importante;  mais 
il  montra  des  difficultés  certaines  et 
une  issue  incertaine.  «  Voulez-vous 
assiéger  Carthage  ?  dit  le  préfet  ;  par 
terre ,  ce  royaume  est  éloigné  de  cent 
quarante  jours  de  voyage  :  par  mer , 
une  année  entière  doit  s'écouler  avant 
de  recevoir  des  nouvelles  de  votre  flot- 
te. Quand  l'Afrique  serait  vaincue , 
pour  la  garder  il  faudrait  conquérir  la 
Sicile  et  l'Italie.  Le  succès  vous  impo- 
serait de  nouveaux  travaux,  et  un  seul 
revers  attirerait  les  barbares  au  sein 
de  votre  empire  épuisé.  »  Le  prince 
sentit  la  justesse  de  oet  avis.  La  har- 
diesse d'un,  sujet  qui  s'était  toujours 
montré  soumis  Tétonna  d'ailleurs  ;  et 
il  aurait  peut-être  renoncé  à  la  guerre 
d'Afrique ,  si  une  voix  qui  fit  taire  les 
doutes  de  la  profane  raison  n'eût  ra- 
nimé son  courage.  Un  évéque  venu  de 
l'Orient  s'introduisit  dans  le  palais, 
et  quand  il  fut  en  présence  de  Justi- 
nien ,  il  s'écria  avec  une  certaine 
exaltation  :  «  Empereur,  le  ciel  veut 
que  tu  n'abandonnes  pas  ta  sainte 
entreprise  pour  la  délivrance  de  l'É- 
glise. Le  Seigneur  m'a  dit  :  Je  marche- 
rai à  ses  côtes  s'il  fait  la  guerre,  et  je 
soumettrai  l'Afrique  à  sa  domination.  » 
Justinien  put  croire  une  révélation  qui 
arrivait  si  à  propos ,  et  la  raison  de 
ses  ministres  se  trouva  réduite  au  si- 
lence ;  d'ailleurs ,  les  événements  qui 
s'accomplissaient  alors  dans  les  pays 
soumis  aux  Vandales  ranimèrent  tous 
les  courages.  L'Africain  Pudentius 
avait  secrètement  instruit  la  cour  de 
Constantinople  de  ses  intentions  loya- 
les, et  quelques  troupes  qu'on  lui  envoya 
suffirent  pour  remettre  la  Tripolitaine 
sous  la  domination  des  Romains.  Go- 
des ,  barbare  valeureux  qui  comman- 
dait en  Sardaigne,suspendit  le  payement 
du  tribut  qu'il  devait  aux  Vandales, 
après  avoir  déclaré  qu'il  n'obéirait  plus 
à  l'usurpateur.  Il  donna  audience  aux 
émissaires  de  Justinien,  gui  le  trou- 
vèrent maître  de  cette  île  fertile ,  en- 

Cappadoce ,  voy.  Histoire  de  la  décadence  ^ 
etc.,  ch.  40. 


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4È  .  .   ^ 

tironné  d'tme  gardé  nooibreuâe,  «I 
tèftêttt  des  of Aenoeiits  de  la  foyauté^  La 
discotde  et  là  défiance  dimiouaieiit  les 
lënrcies  des  Vandales,  tandis  que  le 
ëdiifdge  de  Ëélisaife,  nbm  héroïque 
devetiu  familier  chez  toutes  jesnations^ 
abîmait  les  armées  de  Tempire^  »  t^o- 
èope  âjoiite ,  à  propos  de  la  Sardai* 
|hé  i  Un  fait  im^rtafit.  Il  prétend  que 
ïustinieh  enVoya  à  Godas  nh  certain 
Ëuloge,  pour  lui  promettre  dés  s<^ 
dats  et  un  général  «  Le  chef  barbare 
répondit  :  J'accepterai  Tolontiers  les 
Soldats ,  mais  je  n  ai  pas  besoin  du  gé- 
néral. Sans  doute  Godas  fit  cette  ré^ 
[ionse,  moins  par  arrogance  ^ue  par 
crainte  de  trouver  un  jour  dans  Toffi* 
der  byzantin  chargé  du  commande- 
ffient  des  troupes,  un  rival  ou  un 
maître. 

BéLisi.iBB.  —  Le  général  qui  devait 
êommandet,  en  Afrique,  les  troupes 
impériales ,  était  Bélisaire.  Justinieii , 
après  avoir  terminé  la  guerre  contre 
lesf  Perses ,  par  un  traité  de  paix ,  s'é^ 
tait  hâté  de  le  raprpeler  à  Constanti* 
Dople.  Bélisfihre  était  né,  suivant  Pro- 
cOpe,  à  Germania,  sur  les  confins  de 
la  Thrace  et  de  Tlllyrie.  Dans  sa  jeu- 
nesse, il  quitta  ses  foyers  et  virtt,  sans 
doute,  eonùne  tant  d'autres  paysans, 
comme  Justin,  par  exemple  ,  auquel 
la  fortune  avait  réservé  la  pourpre 
impériale,  t)ôur  chercher  fortune  à 
Gonsfantinople.  Il  s'éleva  aux  grades 
militaires  par  son  courage  et  son  ta- 
lent. Justinien,  à  son  avènement,  le 
remarqua  parmi  ses  gardes  e^  renvoya 
commander  en  Arménie.  Puis  Béli- 
saire  partit  pour  surveiller  et  défendre 
l'importante  station  de  Dara  :  c'est  là 
qu^i)  défit  une  armée  de  quarante  mille 
PerseS;  Ce  succès  l'enhardit,  et,  l'an- 
née suivante,  il  se  mit  en  marche  poUr 
protéger  les  frontières  de  la  S]^rie.  Il 
fut  obligé  de  terminer  cette  expédition 
pBt  une  prompte  retraite  ;  cependant 
éon  courage  et  son  habileté  tirèrent 
ses  soldats  de  tous  les  périls ,  et  il  fit 
eiicore  éprouver  aux  Perses  des  pertes 
considérables.  Après  le  traité  de  paix, 
41  retint  a  €onstaotinople,  où  il  xer^ 
dit  à  l'empereur  de  grands.serYÎcés  mi 
moment  où  éclata  la  terrible  sédition 


L'UNIVERS. 

eonnuedans  l'histoire  sous  Je  hèm  Sa 
Nika»  On  conçoit  aisément  (lu'aptM 
tant  de  belles  actions  Justiniep  Fau 
choisi  pour  commander  les  troupes 
qu.^ii  envoyait  en  Alrique.  IVailleurs 
BéUsaire,  sans  sa  gloire,  l'eût  peut- 
être  encore  emporté  sur  les  autres  gé- 
néraux^ à  l'aide  seulement  de  sa  femme 
Antonina,  qui  jouissait  d'un  grand 
crédit  auprès  derimpérati^iCe  "théodo- 
ra;  Antonina,  malgré  le  scandai^  de  sa 
vie  privée  et  ses  honteuses  débaucnë^^ 
portait  à  son  epoiix  un  attachement 
sincère  :  elle  le  soutenait  à  la  cour 
contre  les  envieux ,  et  lorsqu'il  mohùi 
sur  le  vaisseau  qui  devait  le  conduire 
en  Afrique,  elle  voulut  partir  avec  luî^ 
et  le  suivit  en  effet  au  milieu  de  tous 
les  dangers  de  Texpédition*  Au  reste , 
l'armée  applaudit  au  choix  de  Justi- 
i)ten  ;  les  vétérans  qui  avaient  fait  leS 
dernières  et  glorieuses  campagnes  de 
Perse  reprirent  volontiers  les  armes , 
pour  servir  encore  sous  un  général  qui 
maintenait  sévèrement  la  discipline, 
mais  qui  s'était  toujours  montré  affa- 
ble dans  son  commandement  \  et  au 
nom  seul  de  Béiisaire  on  vit  les  barb»> 
res  accourir  pour  oflrir  leurs  services 
à  l'empereur.  Justinien,  les  soldats  et 
le  peuple  avaient  même  confiance  dans 
le  chef  de  l'expédition.  Ils  déclaraient 
d'une  commune  voix  que ,  dans  tout 
l'empire,  Béiisaire  seul ,  par  sa  bravoure 
et  son  habileté,  pouvait  mener  ^  bonne 
fin  cette  guerre  d'Afrique,  qui,  à  cause 
de  l'éloignement  des  lieux  et  des  forces 
présumées  des  Vandales ,  paraissait  a 
t'avance  pleine  d'obstacles  et  de  dan- 
gers. 

L'ABMÉED'EXP£DITI0N,SBS  CHEFS. 

—  Les  soldats  avaient  reçu  l'ordre  de 
se  réunir  |i  Constantinopfe*  Là  on  vit 
accourir  des  Égyptiens,  des  Ciliciens, 
les  habitants  de  toutes  les  parties  de 
l'Asie  Mineure  et  de  la  Grèce,  mais 
principalement,  il  faut  le  suppaser,  les 
enfants  belliqueux  de  la  Tnrace.  Lcâ 
barbares  vinrent  aussi.  On  comptait 
parmi  eux  un  corps  de  quatre  cents 
Hérules,  aussi  cruels  que  braves ,  et  six 
cents  cavaliers  huns,  reUommés  pour 
l^ur  habileté  à  lancer  4^  flèches. 
L'armée,  dans  son  ensemble,  s'élevait 


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à  miînze  mille  hommes  :  elle  se  com>* 
posait  de  dix  mille  fantassiiis  et  de 
einq  mille  cavaliers.  On  distinguait 
parmi  les  chefe  des  différents  coirps , 
Dorothée,  Salomon,  Çyprien,  Valé- 
rien,  Martin,  Althias,  Jean,  Marcel- 
lus ,  Cyrille,  Rufin,  Aigan,  Barbatus, 
Pappus,  Théodore,  surnommé  Ctena^ 
tus,  Térentiust,  Zaidus,  Marcien  et 
Sarapis.  Jean  était  né  à  Dyrrachium , 
Salomon  à  Dara,  sur  la  frontière  orien» 
taie  de  Tempire,  et  Aigan* appartenait 
à  la  race  des  Huns.  Presque  tous  les 
autres  généraux  étaient  originaires  dé 
la  Thrace.  Sinnion  et  fiaïa ,  brûves 
guerriers ,  commandaient  la  troupe  des 
Huns\  et  Fara  celle  des  Hérules.  Le 
patrlce  Archelaûs,  qui  avait  été  suc* 
cessivement  préfet  à  Constantinoplé 
et  en  Ulyrie,  devait  accompagner 
I  armée  en  qualité  de  questeur  ou 
de  trésorier.  Cinq  cents  vaisseaux, 
grands  et  petits ,  avaient  été  rassem- 
blés pour  conduire  les  troupes  en 
Afrique  (*).  Ils  portaient  vingt  mille 
niatelots  recrutés  en  Egypte ,  en  Cili- 
cîe  ou  en  lonie.  Les  mouvements  et 
toutes  les  manœuvres  de  cette  flotte 
çtaient  airîgés  par  Calonyme  d'Alexan- 
drie. On  voyait  aussi ,  à  côté  des 
vaisseaux  de  transport,  quatre-vingt- 
douze  bâtiments  d'une  forme  allon- 
gée, à  un  seul  rang  de  rames,  qui 
devaient  servir,  en  cas  de  besoin ,  à 
soutenir  un  combat  sur  mer.  Les  bancs 
des  rameurs  étaient  couverts  et  à  l'a- 
bri des  traits  de  Tennemi.  Deux  mille 
fiyzantîns  montaient  ces  bâtiments 
qu'on  appelait  coureurs^  à  cause  de 
leur  grande  légèreté.  Enfin  Bélisaire , 
le  vainqueur  des  Perses,  le  chef  il- 
lustre entre  tous ,  avait  été  investi  par 
Justinien  du  commandement  suprême. 
L'empereur,  dans  ses  lettres,  l'avait 
reconnu  comme  son  Représentant,  et 
dans  sa  confiance  il  lui  avait  laissé 
une  autorité  sans  bornes  sur  la  flotte 
et  sur  farmée. 

•  (*)  Le  plas  petit  è%  ces  bâtimento  ^.  sui- 
vant Gibbon V  éUiit  de  trente  tonneaupç  *  €t 
le  phiscoFu^déf^le  de  cinq  ceuts.  Suivant 
Marcsu»,  JjBS  plos  grands  vaisseaux  étaient 
de  sept  cent  cinquante  tonneaux;  les  plus 
petits  de  cent  vin^t-s'w  tonneaux. 


AFRIQUE,  Xi 

18  BBPAIT  (*).  >-^  Ce  f tft  en  638  « 
Ters  le  solstice  d'été,  que  les  troupes 
fassemblées  à  Constantinoplé  reçureal 
Tordre  de  s'embarquer*  Au  jour  du 
départ,  Justinien  fit  approcher  de  là 
partie  du  rivage  où  se  trouvait  béti 
le  palais  impérial ,  lé  vais  seau  qui  de* 
▼ait  porter  le  chef  de  la  flotte  et  de 
Tarmée»  L^archevéque  Épiphanius  s'a* 
vança  alors  au  bord  de  la  mer.  Là,  à 
la  vue  d'un  peuple  immense  «  il  Se 
mit  en  prière  et  bénit  le  générm  et  les 
soldats»  Quand  Épiphanius  eut  ache* 
Té,  on  entendit  les  sons  éclatants  de  la 
trompette  qui  réglait  les  manœuvres, 
et  le  vaisseau  de  Béllsafre  se  mit  à 
voguer.  La  flotte  entière  s'ébranla  pour 
le  suivre,  et  bientôt  elle  disparut  aut 
yeux  de  la  foule  qui  était  Venue  saluer 
son  débart.  Bélisaire  avait  à  ses  côtés 
Antonina,  sa  femme,  et  Procppe  qui, 
au  retour  de  l'Afrique ,  devait  écrire 
dans  ses  moments  de  loisir,  l'histoire 
de  l'expédition. 

LE  voyagb;  hébaglbe;  abydos; 

SÉYERTTB  DE  BÉLIS/lIBE;  SK^BË;  MA- 
LÉE  ET  TÉNABE;   l'A^MÉE  S'ABRÉTB 

A  MÉTHONE.  —  Après  une  courte  na* 
vigation ,  la  flotte  jeta  l'ancre  devant 
l'ancienne  ville  de  Périnthe ,  qui ,  au 
temps  de  Justinien,  s'appelait  Héra- 
clée.  Là,  le  général  attendit,  pendant 
cinq  jours,  les  chevaux  de  prix  qtie 
Pempereur  lui  envoyait  de  ses  haras 
de  la  Thrace  ;  puis  il  se  remit  en  mer, 
sortit  de  la  Propontide  et  s'engagea 

(*)  on  peut  comparer  ici  le  réck  de  i»ro* 
cope  avec  les  adnurables  pages  où  'thucy- 
dide  décrit,  en  nous  initiant  en  quelque 
sorte  à  toutes  les  émotions  de  ses  contem- 
porains ,  le  départ  de  la  flotte  athénienne 
pôurPexpéditioude^cile  (V^.Tbucjrdide^ 
liv.  VI ,  ch.  3o  et  suiv.).  Il  suffit  d'une  com^ 
paraison  de  ce  genre  pour  comprendre  ce 
que  k  génie  greo  a  perdu  dans  les  siècle» 
cfA  se  soot  écoulés  de  Périclès  à  Juslinieii^ 
Cependant  il  faut  rendre  justice  à  Proeopiw 
Son  Histoire  dé  la  ffuerre  contre  les  ran- 
dales  est  une  des  produotions  les  plus  re** 
marquables  du  sixième  siècle,  âon  r^cit  est, 
vif,  animé  et  ne  juapque  point  d'art^Gibbon 
a  dit  :  «  ProQope  a  ràcoutç  âvé(;  ordra  «t 
d'une  manière  élégante  toùle  lâi  gfuérré  d^ 
Vandales.  » 


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44 


LUNIVERS 


dans  l*HelIespont.  Il  s^arréta  quatre 
jours  à  Abydos.  Ce  fut  devant  cette 
ville  que  Bélisaire  donna  une  preuve 
de  sa  sévérité  et  de  sa  fermeté.  Deux 
soldats  qui  appartenaient  au  corps  des 
Huns  avaient  tué  un  de  leurs  compa- 
gnons,'dans  un  moment  d*ivresse.  Bé- 
lisaire fit  saisir  les  coupables  ^  et  il 
ordonna  qu'on  les  pendit  sur  la  col- 
line qui  domine  Abydos.  Il  y  eut  alors 
une  grande  rumeur  dans  le  camp.  Les 
Huns  se  plaignaient  vivement  :  «  Nous 
nous  sommes  mis,  disaient-ils,  au 
service  de  Tempire,  mais  nous  ne  nous 
sommes  point  engagés  à  suivre  les 
lois  qui  régissent  les  Romains.  D'après- 
nos  coutumes ,  on  ne  tue  point  celui 
qui  a  tué.  »  Les  sold'ats  romains  eux- 
mêmes,  qui  désiraient  le  relâchement 
dans  la  discipline  et  l'impunité  pour 
leurs  désordres,  prenaient  parti  pour 
les  Huns.  Bélisaire  ne  s'efTraya  point 
de  ces  clameurs,  il  réunit  les  troupes, 
et  leur  dit  ;  «  La  justice  veut  que 
l'assassin  soit  puni  du  dernier  suppli- 
ce. Je  n'admets  point  l'excuse  de  l'i- 
vresse. C'est  un  crime ,  dans  une  ar- 
mée ,  de  se  livrer ,  en  buvant ,  à  de 
tels  excès  que  l'on  puisse  perdre  la 
raison  ,  et  tuer ,  sans  hésitation  ,  ses 
meilleurs  amis.  Vos  protestations  et 
vos  plaintes  ne  peuvent  m'éraouvoir, 
et  vous  connaissez  maintenant  le  châ- 
timent que  je  réserve  aux  coupables. 
Je  ne  reconnaîtrai  jamais  comme  mon 
compagnon  d'armes,  quelque  brave 

Î|u'il  soit,  un  soldat  assassin.  J'estime 
e  courage;  mais,  à  mon  sens,  il  ne 
profitera  jamais  à  l'homme  injuste  et 
pervers.  »  Après  ce  discours  prononcé 
en  vue  de  la  colline  où  l'on  avait 
dressé  les  potences  qui  portaient  en- 
core les  cadavres  des  soldats  huns,  les 
murmures  cessèrent  et  l'armée  ren- 
tra dans  le  devoir. 

Avant  de  s'éloigner  d' Abydos ,  Béli- 
saire essaya  de  prévenir ,  par  de  sages 
mesures,  les  dangers  qui  menacent", 
pendant  une  longue  traversée ,  et  sur- 
tout dans  les  mauvais  temps,  une 
flotte  de  six  cents  vaisseaux.  Pour  di- 
riger tes  pilotes,  et  pour  que  nul  d'en- 
tre eux  ne  pût  s'écarter  ou  se  perdre,  il 
fit  teindre  en  rouge  les  voiles  des  trois 


bâtiments  qui  portaient  les  officiers  at- 
tachés à  sa  personne,  et  il  ordonna  que 
pendant  la  nuit  on  remplaçât  ces  voiles 
par  des  fanaux  mis  aux  grands  mâts. 
Après  une  fausse  manœuvre  ou  une 
tempête,  le  vaisseau  qui  s'était  éloigné 
avait  ainsi  un  signe  de  ralliement,  et  ii 
pouvait  facilement,  le  jour  ou  la  nuit, 
rejoindre  la  flotte  et  reprendre  son 
rang.  Dans  le  trajet  d' Abydos  au  pro- 
montoire de  Sigée,  il  s'éleva  un  grand 
vent  qui  tomba  au  moment  où  le  cap 
fut  doublé.  Xa  flotte  traversa  heureu- 
sement toute  la  mer  Egée.  Quand  elle 
arriva  en  vue  de  Malée  et  qirelle  s'en- 
gagea dans  l'étroit  canal  qui  sépare , 
en  cet  endroit ,  le  Péloponèse  de  l'île 
de  Cythère ,  le  désordre  se  mit  dans 
les  rangs.  Les  vaisseaux  se  touchaient, 
se  heurtaient,  et  ce  ne  fut  que  par  des 
prodiges  de  force  et  d'habileté  que  ra- 
meurs et  pilotes  sortirent  de  ce  dan- 
gereux passage.  Au  moment  du  désor- 
dre, le  moindre  -coup  de  vent  eût 
anéanti  l'armée  entière.  La  flotte  tou- 
cha ensuite  à  l'ancienne  ville  de  Té- 
nare ,  qu'on  appelait  alors  Cœnopolis  ; 
de  là  elle  se  rendit  à  Méthone ,  dans  la 
Messénie ,  où  elle  s'arrêta. 

LES    FOITBNISSEURS   DES   VIVRES; 
LEURS  FRAUDES  ;    MALADIES.  —  Le 

vent  avait  cessé  de  souffler,  et  l'armée 
ne  pouvait  continuer  son  voyage.  Bé- 
lisaire fit  mettre  ses  troupes  à  terre. 
Là,  sur  le  rivage,  officiers  et  soldats 
attendaient  un  temps  favorable ,  lors- 
qu'ils furent  atteints  d'une  maladie  qui 
enleva  en  peu  de  jours  cinq  cents  hom- 
mes. On  connut  bientôt  la  cause  de 
cette  maladie.  Le  préfet  du  prétoire, 
Jean  ,  employait  souvent  des  moyens 
odieux  pour  faire  entrer  de  l'argent 
dans  les  coffres  de  l'empereur  et  aussi 
dans  les  siens.  G*était  lui  qui  s'était 
chargé  de  fournir  les  vivres  à  l'armée 
qui  partait  pour  l'Afrique.  On  avait 
coutume  de  mettre  deux  fois  au  four 
le  pain  que  l'on  donnait  aux  soldats  en 
campagne,  et  on  le  cuisait  de  telle 
sorte  que  de  longtemps  il  ne  pouvait 
se  gâter.  Ce  pain  était  très-l^er ,  et 
l'État  eût  fait  une  perte  considérable 
sur  le  poids ,  si  les  soldats  n'eussent 
consenti,  au  moment  des  distribua 


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AFRIQUE. 


4B 


tions,  à  faire  remise  aux  fournisseurs 
du  quart  de  la  portion  gui  leur  était 
acKïordée.  Jean ,  le  préfet ,  crut  réali- 
ser de  grands  bénéfices  sur  les  vivres 
de  l'armée  d'Afrique,  en  recourant 
aux  moyens  suivants  :  il  fît  à  peine 
cuire  la  pâte ,  et  la  retira  lorsqu'elle 
eut  pris  seulement  l'apparence  du  pain. 
Cela  formait  une  masse  molle,  hu» 
mide  ;  mais  rien  ne  manquait  au  poids. 
Jean  avait  ainsi  gagné  tout  à  la  fois ,  . 
sur  le  t)ois,  la  farine  et  le  salaire  des 
boulangers  ;  puis  on  porta  les  pains  à 
demi  cuits  sur  la  flotte.  Ce  fut  à  Mé- 
tbone  que  l'on  ouvrit  pour  la  première 
fois  les  sacs  qui  les  contenaient.  On  ne 
trouva  qu'une  pâte  mal  battue  et  qui 
tombait  par  morceaux.  C'était  une  fa- 
rine mouillée  gui  ne  paraissait  point 
avoir  été  soumise  à  l'action  du  feu,  et 
qui ,  pendant  la  traversée ,  s'était  en- 
tièrement corrompue.  On  fit  néan- 
moins la  distribution;  mais  cette  mau- 
vaise nourriture  ne  tarda  pas  à  faire 
naître  et  à  développer  au  sein  de  l'ar- 
mée les  germes  d'une  violente  épidé- 
mie. Le  mal  eût  été  pins  grand  encore 
si  on  ne  se  fût  hâté  de  faire  cuire  à 
Méthone  de  nouveaux  pains.  Alors  Bé- 
lisaire  écrivit  à  l'empereur,  et  se  plai- 
gnit vivement  du  préfet  du  prétoire. 
Justinien  lui  répondit ,  et  donna  de 
grands  éloges  à  son  zèle;  mais  il  ne 

Î>unit  point  Jean,  qui  probablement 
ui  avait  fait  une  large  part  dans  ses 
gains. 

SUITE  DU  VOYAGE  ;  ZACYNTHE  ;  LÀ 
SICILE  ;  TEBREUB  DES  SOLDATS  ;  MIS- 
SION DE  PROCOPE.  —  Enfin,  l'armée 
remonta  sur  les  vaisseaux  ^  et  la  flotte 
se  porta  de  Méthone  à  Zacynthe.  Après 
avoir  refait  dans  celte  île  ses  provi- 
sions d'eau ,  elle  remit  à  la  voile  pour 
traverser  l'Adriatique.  Sa  marche  fut 
lente,  parce  que  le  vent  se  faisait  à 
peine  sentir.  L'armée  eut  alors  beau- 
coup à  souffrir.  On  était  dans  les  plus 
fortes  chaleurs  de  l'été ,  et  l'eau  que 
buvaient  les  soldats  s'était  corrompue. 
Antonina,  par  ses  soins  et  un  procédé 
ingénieux ,  préserva  du  mal  commun 
Bélisaire  et  ceux  qui  mangeaient  à  sa 
table.  Elle  mit  l'eau  dans  des  bou- 
teilles de  verre  ;  puis  on  porta  ces  bou- 


teilles dans  une  partie  du  vaisseau  où 
ne  pouvaient  pénétrer  les  rayons  du 
soleil,  et  on  les  couvrit  de  sable.  Apre» 
une  traversée  de  seize  jours ,  la  flotte 
toucha  la  Sicile  sur  un  point  désert 
qui  n'était  pas  éloigné  du  mont  Etna. 
Bélisaire  commença  dès  lors  à  être 
en  proie  à  de  vives  inquiétudes.  Ha  dé- 
faite de  Basiliscus  qui  avait  perdu  la 
flotte  de  l'empereur  Léon ,  et  les  an- 
ciens succès  des  Vandales ,  lui  reve- 
naient sa«s  doute  en  mémoire,  et  il  se 
demanda  plus  d'une  fois ,  s'il  faut  en 
croire  Procopequi  fut  souvent  le  confi- 
dent de  ses  plus  secrètes  pensées  :  Quels 
sont  donc  ces  Vandales  que  je  vais  com- 
battre ?  Sont-ils,  comme  on  le  dit,  forts 
et  braves  ?  Sur  quel  point  dois-je  por- 
ter mes  attaques  ?  La  résolution  ne  lui 
manquait  pas  ;  mais  il  s'effrayait  de 
l'esprit  qui  régnait  dans  son  armée. 
Les  soldats  disaient  hautement  que 
s'ils  rencontraient  l'ennemi  sur  terre , 
ils  l'attaqueraient  vaillamment  ;  mais  ^ 
que  s'il  fallait  soutenir  un  combat  sur 
mer,  ils  étaient  décidés  à  prendre  la 
fuite ,  parce  qu'ils  n'avaient  point  cou- 
tume de  lutter  tout  à  la  fois  contre  les 
hommes  et  contre  les  flots.  Bélisaire, 
au  milieu  des  craintes  qui  l'agitaient, 
prit  la  résolution  d'envoyer  Procope  à 
Syracuse.  Il  le  chargea  de  s'informer, 
par  d'adroites  questions ,  des  projets 
de  l'ennemi.  Les  Vandales  avaient-ils 
fait,  en  Sicile  ou  sur  le  continent ,  de 
secrets  préparatifs  pour  repousser  l'in- 
vasion ?  Sur  quel  point  de  la  côte  d'A- 
fri(]ue  les  troupes  impériales  pou- 
vaient-elles opérer  sans  danger  leur 
descente  ?  Après  avoir  recueilli  les 
renseignements  qu'on  lui  deman- 
dait, Procope  devait  revenir  à  Can- 
cane ,  ville  située  à  deux  cents  stades 
de  Syracuse  (*).  C'était  vers  cette  ville 
que  Bélisaire  se  proposait  de  diriger 
ses  vaisseaux.  Procope  avait  aussi  à 
remplir  une  autre  mission;  mais  alors, 
pour  le  général,  celle-ci  n'était  que  se- 
condaire. En  vertu  du  traité  fait  entre 
Justinien  et  Amalasuntha,  qui  régnait 

(*)  Suivant  Clavier  (Sicilia  antiqua) ,  la 
distance  entre  Syracuse  et  Gaucane  était  de 
trois  centB  stades. 


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46 


L*tJNIVERS. 


en  Italie  et  en  Sicile ,  au  nom  de  son 
ils  Atalaric,  les  OsttogotHs  devaient 
Vendre,  en  cas  de  besoin,  des  vivres 
aox  troupes  impériales.  L'envoyé  de 
Bélisaire  venait  donc  passer  un  mar- 
ché pour  les  approvisionnements  de  la 
flotte.  Sur  ee  point  comme  sur  Tautre 
fl  obtint  un  entier  succès. 

Procope  marchait  un  jour  dans  les 
rues  de  Syracuse  lorsqu'il  se  trouva 
face  à  faôe ,  par  le  plus  singulier  des 
hasards,  avec  un  cie  ses  amis  d'en- 
fance. C'était  un  homme  qui,  pour  des 
affaires  de  commerce,  avait  quitté 
Constantihople  et  s'était  fixé  en  Sicile. 
Le  marchand  fournit  à  l'envoyé  dé  Bé- 
lisaire de  précieux  renseignements.  Il 
fit  appeler  un  de  ses  serviteurs  qui , 
depuis  trois  jours  seulement,  était  re- 
venu de  Carthage,  et  lui  ordonna  de 
j)arler.  Celui-ci  dit  alors  :  «  La  flotte 
impériale  n'a  point  à  redouter  les  atta* 
ques  des  Vandales.  Ils  ne  savent  pas 
qu'une  armée  s'avance  contre  eux.  De 
plus ,  ils  ont  dirigé  toutes  leurs  forces 
sur  la  Sardaigne  pour  soumettre  Go- 
das. Gélîmer  se  croit  tellement  à  l'abri 
du  danger  du  côté  de  l'Orient,  que, 
sans  prendre  soin  de  surveiller  Car 
thage  et  les  autres  places  maritimes, 
il  s'est  retiré  dans  la  Byzacène,  à 
Hermione,  ville  située  à  quatre  jours  djB 
marche  de  la  côte.  La  flotte  ne  ren- 
contrera donc  point  l'ennemi  dans  la 
traversée,  et  rarmée  pourra  débar- 
quer, sans  crainte  d'être  attaquée ,  Sur 
le  point  de  la  terre  d'Afrique  où  le 
vent  l'aura  poussée.  »  Ces  paroles ,  il 
faut  le  croire ,  causèrent  à  Procope 
une  grande  joie.  Il  entraîna  vers  le 
port  d'Aréthuse,  où  l'attendait  son 
vaisseau,  le  marchand  et  spp  servi- 
teur. Il  tenait  celui-ci  par  la  main  et  le 
pressait  de  questions  ;  puis ,  il  le  fit 
monter  sur  son  navire.  Quand  ils  fu- 
rent à  bord,  on  mit  les  voiles  au 
vent,  et  le  pilote  reçut  l'ordre  de  na- 
viguer en  toute  hâte  vers  la  ville  de 
Caucane.  Le  marchand  était  resté  sur 
le  rivage  ;  là ,  il  se  tenait  ébahi  et  sui- 
vait avec  étonnement  tous  les  mouve- 
(nents  de  celui  qui  lui  avait  enlevé  son 
Serviteur  avec  tant  de  promptitude  et 
^'audace.  Au  moment  où  le  vaisseau 


s'éloignait,  Procope  se  tourna  vers 
son  anji  et  lui  cria  :  «  Point  de  colère 
et  de  chagrin,  je  t'en  prie.  Il  faut  que 
\è  général  iiiterroge  ton  serviteur.  J« 
le  renverrai  à  Syracuse  avec  une  bonne 
récompense,  quand  l'armée  aura  tou- 
ché les  côtes  de  l'Afrique.  i» 

pél^AllT  BB  lA  SICILK;  tES  ÎLES 
BB  GÀULOS  Bt  BE  MBLtTA;  LA 
FLOTTE     EN     VUE     BB     L'AFBIQUB; 

GONSBïL  BE  GUËBBB.  —  Quand  Pro* 
cope  arriva  à  Caucane,  il  trouva  l'ar- 
mée plongée  dans  le  deuil.  Dorothée, 
le  duc  de  l'Arménie,  était  mort,  diefs 
et  soldats  le  regrettaient  8incère<* 
ment.  La  présence  de  Procope  rendit 
la  joie  à  Bélisaire.  II  interrogea  son 
envoyé,  le  félicita  sur  les  résultats 
de  sa  mission,  et  sans  perdre  de  temps 
il  fit  sonner  la  trompette  pour  annon- 
cer le  départ.  La  flotte  mit  à  la  voile, 
et  elle  ne  tarda  point  à  ghgner  les  îles 
de  Gaulos  et  de  Melita  (*).  A  Irt  hau- 
teur de  ces  îles  ri  s'éleva  un  vent  qui 
poussa  rapidement  les  vaisseaux  vers 
un  endroit  de  la  côte  d'Afrique  que 
les  Romains  appelaient  Ca/?w^yarfa(**). 
De  cet  endroit  à  Carthage,  il  n'v  avait, 
par  terre,  que  cinq  journées  ae  mai^- 
che. 

Alors  Bélisaire  ordonna  à  chaque 
navire  de  plier  ses  voiles  et  de  iet» 
l'ancre.  Puis,  il  fit  appeler  à  son  nord 
les  principaux  chefs  de  l'armée,  et  U 
leur  demanda  s'ils  jugeaient  convena- 
ble de  mettre  un  terme  à  leur  navi- 
fation  et  d'opérer  enfin  la  descente. 
Fne  longue  discussion  s'engagea.  Dans 
ce  conseil  de  guerre,  Archélaùs,  le 
questeur,  prit  la  parole  et  dit  :  «  Vous 
voulez  descendre  à  terre  ;  mais  avez- 
vous  un  port  où  votre  flotte  puisse 
trouver  un  abri  contre  les  attaques  de 
l'ennemi  ou  contre  lès  tempêtes.»*  Avez- 
vous  une  vîfte  ehvironnée  de  fortes 

(*)  Gozzo  et  Malte. 

(**)  Le  Caputvada  de  Procope,  dit  Gibbon, 
où  Justinien  fonda  ensuite  une  ville  (de 
^dif.  yi,  6) ,  est  le  promontoire  ^Ammon 
de  Strabon,  le  Drachodcs  de  Ptolémée,  le 
Capodia  des  modernes,  et  il  forme  une 
bande  longue  et  étroite  qui  se  prolonge  dans 
la  mer  {Shaw's  traveti,  p.  1 1 1). — Voy.  aussi 
Marcus;  HisU  des  randales,  etc.,  |k  366, 


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AFÊJftUE. 


it 


murailles,  çt  disposée  à  recevoir  et  à 
défendre,  en  cas  de  besoin,  vous  et 
vos  soldats  ?  On  vous  a  dit  que  la  côte 
où  nous  sommes  était  exposée  à  tou- 
tes les  violences  du  vent,  qu'elle  n'of- 
frait au  navigateur  ni  port,  ni  lieu  de 
ïelâche  ;  on  vous  a  dit  ^ussi  qu'il  n'y 
avait,  en  Afrique,  qu'un  point  fortifie, 
fCarthage,  et  que  Gensérfc  avait  fait 
renverser  les  murailles  des  autres 
villes  :  ne  tiendrez-vous  point  compte 
de  ces  renseignements?  J'ajoute  que 
vous  manquerez  d'eau  dans  cette  con- 
trée. Voyons  maintenant  les  dangers 
qui  nous  menacent.  Je  suppose  qu'a- 
près le  débarauement  il  s'élèvç  une 
tempête,  que  deviendra  la  flotte  ?  Les 
vaisseaux  seront  dispersés  au  loin, 
ou  bien  jls  se  briseront  sur  la  côte. 
Où  prendrons-nous  alors  des  muni- 
tions? Il  ne  faudrait  pas,  après  uq 
pareil  désastre,  s'adresser  au  ques- 
teur Archélaûs.  Celui-là  seul  est  ques- 
teur qui  pQSsède  les  moyens  d'exercer 
sa  charge,  qui  tient  à  sa  disposition, 
de  l'argent,  des  vivres  et  des  armes. 
Voici  mon  avis  en  deux  mots  :  il  faut 
mettre  à  la  voile  et  nous  porter  direc- 
tement sur  Carthage.  Près  de  la  ville, 
à  quarante  stades  environ,  nous  trou- 
yeropsun  port  qu'on  appelle  l'Étang  (*), 
ei  qui  contiendra  facilement  la  flotte 
tout  entière.  Il  peut  se  faire  qu'à  une 
première  attaqué  nous  nous  rendions 
maîtres  de  Carthage;  nous  devons 
même  l'espérer,  puisque  l'ennemi  à 
porté  sur  un  autre  point  la  meilleure 
partie  de  ses  forces.  Quand  la  capitale 
de  l'Afrique  sera  prise,  la  guerre  sera 
achevée.  Tel  est  mon  avis,  que,  sui- 
vant votre  bon  plaisir,  vous  pouvez 
suivre  ou  rejeter.  »  Bélisaire  ne  pensait 
point  comme  Archélaiis;  il  repondit 
en  ces  termes  a  ceux  qui  s'opposaient 
à  une  prompte  descente  :  «  Ne  croyez 
pas  qu'ici  je  veuille,  comme  général, 
I  vous  imposer  mes  volontés.  Je  cher- 
'  che  à  m'éclairer.  J'ai  écouté  avec*  at- 
tention et  pesé,  dans  mon  esprit,  les 
raisons  que  chacun  dé  vous  a  fait  va- 
loir. Je  vais,  à  mon  tour,  vous  dire 
toute  ma  pensée.  Ensuite,  parmi  tant 

P  Le  lac  de  Tunis. 


d'avis  divers,  nous  choisirons  le  meil- 
leur et  nous  agirons.  Et  d'abord,  ne 
vous  souvient-il  plus  des  récentes  dis- 
positions de  l'armée  ?  N'avez-vous  pas 
entendu  les  soldats  déclarer  hautement 
qu'ils  redoutaient  les  combats  de  mer, 
et  que  s'il  arrivait,  par  hasard,  qu'une 
flotte  ennemie  vînt  les  attaquer,  ils  ne 
se  défendraient  point  et  prendraient 
la  fuite?  Vous  tous,  mes  collègues, 
vous  vous  unissiez  alors  à  Bélisaire 
pour  prier  Dieu  de  nous  mener  promp- 
tement  et  sans  mauvaise  rencontre  sur 
la  côte  d'Afrique.  Aujourd'hui  Dieu 
nous  a  exaucés,  et  vous  voyez  l'Afri- 
que; ne  serait-ce  point  une  folie  de 
renoncer  ici  à  une  descente  facile  que 
nous  avons  si  vivement  désirée?  Si 
nous  nous  portons  directement  sur 
Carthage,  et  que  dans  notre  trajet 
nous  rencontrions  la  flotte  des  Van- 
dales, on  nous  accusera  avec  raison  de 
la  perte  de  nos  vaisseaux  et  de  la  dé- 
faite de  Tarmée.  On  nous  reprochera 
d'avoirnégligéles  avertissements,  que, 
dans  leur  ignorance  et  leurs  craintes 
exagérées,  nos  soldats  nous  ont  si 
souvent  donnés.  On  a  dit,  pour  nous 
effrayer,  que  si  Tarmée  quittait  la 
flotte  et  descendait  à  terre,  elle  serait 
exposée  à  d'innombrables  dangers; 
qu'une  tempête,  en  dispersant  ou  en 
brisant  les  vaisseaux,  pouvait  lui  en- 
lever ses  communications  avec  l'em- 
pire, et  lui  ôter  jusqu'à  l'espérance  du 
retour.  Quoi  !  vaut-il  donc  mieux  que 
cette  tempête,  dont  on  nous  menace, 
engloutisse  non  point  seulement  les 
vaisseaux,  mais  encore,  avec  eux,  l'ar- 
mée tout  entière  ?  Pour  moi,  je  pense 
qu'il  faut  descendre  à  terre  sans  plus 
tarder  et  attaquer  brusquement  l'en- 
nemi. Les  promptes  résolutions  et  la 
hardiesse  sont  pour  beaucoup  dans  les 
succès  de  la  guerre.  La  moindre  hési- 
tation peut  donner  aux  Vandales  le 
temps  de  se  mettre  en  défense,  et 
alors  nous  perdons  nos  avantages.  Si 
nous  nous  dirigeons  vers  un  autre 
point  de  la  côte,  peut-être  serons- 
nous  obligés  d'avoir  recours  aux  ar- 
mes pour  opérer  une  descente;  tandis 
que  nous  pouvons  débarquer  ici  sans 
rencontrer  d'obstacles  et  sans  combat. 


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4ft 


L'UNIVERS- 


Oui,  ie  crois  qu'il  faut  redouter  avant 
tout  la  flotte  ennemie  et  les  tempêtes. 
(Test  pourquoi  hâtons-nous  de  mettre 
à  terre  nos  soldats,  et  avec  eux  nos 
chevaux,  nos  armes  et  nos  provisions. 
Nous  choisirons  alors  un  camp  qui 
sera  entouré  par  un  fossé  profond  et 
défendu  par  de  fortes  palissades.  Ce 
camp  sera  pour  nous  une  ville  où 
nous  serons  à  l'abri  contre  les  atta- 
ques imprévues  de  l'ennemi.  Ne  crai- 
gnons point  que  les  vivres  ou  les 
munitions  nous  manquent.  Si  nous 
triomphons,  nous  aurons  tout  en 
abondance.  Une  armée  victorieuse 
n'est  jamais  en  proie  à  la  disette  ou 
aux  privations  (*).  » 

Ces  paroles  de  Bélisaire  entraînè- 
rent tous  les  chefs.  Chacun  d'eux, 
après  le  conseil,  regagna  son  bord,  et 
ordonna  à  ses  soldats  de  se  tenir  prêts 
à  descendre  dans  le  pays  ennemi. 

IMPHÉVOYÀNCE  DE  GÉLIMEB;  GO- 
DAS ;  EXPÉDITION  DES  YÀNDÀLES  EN 

SARDÀiGNE.  — r  Lcs  renseignements 
que  Procope  avait  recueillis  en  Si- 
cile étaient  exacts,  et  Gélimer,  comme 
l'avait  dit  le  serviteur  du  marchand 
de  Syracuse,  était  loin  de  se  croire 
menacé  par  les  troupes  de  Justinien. 
Le  roi  des  Vandales  portait  alors  toute 
son  attention  vers  la  Sardaigne.  Cette 
île  et  la  Tripolitaine,  comme  on  l'a  vu 
précédemment ,  avaient  échappi^ ,  par 
une  révolte,  à  sa  domination.  Gélimer 
n'essaya  point  de  reconquérir  la  Tri- 
politaine, où  l'empereur  avait  envoyé 
des  troupes.  Il  avait  hâte  de  soumet- 
tre la  Sardaigne.  Les  pirates  et  les 
marchands  d'Afrique  ressentaient  vi- 
vement la  perte  de  cette  île ,  qui  leur 
offrait  pour  leurs  courses  ou  leurs  af- 
faires de  commerce  les  mêmes  avanta- 

(*)  Nous  avons  cru  devoir  insérer ,  dans 
ceUe  histoire,  plusieurs  des  discours  que 
Procope  met  dans  la  bouche  de  Bélisaire 
et  des  autres  chefs  de  Tannée.  Ces  discours, 
suivant  nous,  ont  été  réellement  prononcés. 
L'historien  byzantin  a  pu  changer  la  forme, 
mais  il  n*a  pas  altéré  le  sens.  Procope  fut 
témoin  oculaire  de  la  plupart  des  événe- 
ments qu'il  raconte,  et  il  est  vraisemblable 
C[u*il  assista  au  conseil  ou  l'on  agita  la  ques- 
tion du  débarquement 


ges  qu'aux  anciens  Carthaginois.  Ce 
fut  peut-être  sur  leurs  réclamations , 
et  pour  ne  point  mécontenter  la  par- 
tie la  plus  active  de  la  population  qui 
l'avait  accepté  pour  roi  y  que  Gélinner 
fit  les  préparatifs  d'une  grande  expé- 
dition. D'ailleurs,  il  était  encore  animé 
par  la  haine  personnelle  qu'il  portait 
à  celui  qui  avait  soustrait  l'île  à  son 
obéissance.  Jadis  il  avait  compté  Go- 
das parmi  ses  serviteurs  les  plus  dé- 
voués. C'était  même  pour  le  récom- 
f penser  de  son  zèle  qu'il  lui  avait  confié 
e  gouvernement  de  la  Sardaigne.  Il 
n'avait  point  limité  le  pouvoir  qu'il  lui 
avait  délégué  ;  seulement  il  avait  voulu 
que  chaque  année  il  lui  payât  un  léger 
tribut.  Godas ,  que  le  roi  des  Vanda- 
les avait  ainsi  choisi  pour  son  lieute- 
nant, était  Goth  d'origine.  C'était  un 
homme,  s'il  faut  en  croire  Procope, 
d'une  force  prodigieuse  et  d'une  bra- 
voure sans  égale.  Il  resta  fidèle  à  son 
maître  jusqu'au  moment  où  Justinien 
se  déclara  ouvertement  le  défenseur 
de  Hildéric,  et  se  disposa  à  porter  la 
guerre  en  Afrique.  Ce  fut  alors  qu'il 
écrivit  à  l'empereur  la  lettre  suivante  : 
«  Je  me  suis  séparé  de  celui  qui  était 
mon  souverain,  non  pour  des  motifs 
personnels,  mais  parce  qu'il  s'est  mon- 
tré cruel  envers  sa  propre  famille.  Je 
n'ai  pas  voulu ,  en  lui  restant  soumis, 
devenir  le  complice  de  sa  cruauté. 
J'aime  mieux  obéir  à  un  empereur  re- 
nommé pour  sa  justice  qu'à  un  tyran 
qui  viole  toutes  les  lois.  Viens  à  'mon 
aide,  et  envoie-moi  des  troupes  avec 
lesquelles  je  puisse  repousser  les  atta- 
ques de  celui  que  j'ai  cessé  de  reconnaî- 
tre pour  mon  roi.»  Ce  fut  alors,  comme 
nous  l'avons  dit,  que  Justinien  en- 
voya Euloge,  un  de  ses  officiers,  pour 
annoncer  a  Godas  qu'il  était  prêt  à 
l'aider  dans  sa  rébellion. 

Pour  prévenir  l'arrivée  des  secours 
promis  par  l'empire,  Gélimer  se  hâta 
de  rassembler  une  flotte  et  de  lever 
une  armée.  Il  réunit  cent  vingt  vais- 
seaux sur  lesquels  il  plaça  cinq  mille 
soldats.  Il  donna  le  commandement  de 
la  flotte  et  de  l'armée  à  ïzazon^  un  de 
ses  frères,  et  lui  ordonna  de  faire  voi 
le,  sans  retard,  pour  la  Sardaigne. 


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Ce  M  ainsi  que ,  par  une  fatale  im- 
prévoyance, Gélimer  se  sépara  de  la 
meilleure  partie  de  ses  forces  au  mo- 
ment même  où  l'empire  faisait  pour 
l'attaquer  un  formidable  armement. 
Quand  Bélisaire  toucha  l'Afrique,  le 
roi  des  Vandales  n'avait  à  sa  dispo- 
sition ni  vaisseaux,  ni  soldats  pour  re- 
pousser les  envahisseurs. 

l'abm££  impériale  en  afbique; 
pbbmier  campement  ;  pillage  ; 
proclamation  de  bélisaire.  — 
Après  trois  mois  de  navigation ,  l'ar- 
mée partie  de  Constantinople  était  en- 
fin arrivée  sur  les  côtes  de  PAfrique. 
A  l'ordre  de  ses  chefs,  elle  descendit 
à  terre  avec  armes  et  provisions.  Quand 
elle  fut  sur  le  rivage,  elle  se  mit  en 
mesure  de  s'assurer  un  bon  campe- 
ment. Les  matelots  se  mêlèrent  alors 
aux  soldats,  et,  tous  ensemble,  ils 
creusèrent  un  fossé  large  et  profond , 
et  élevèrent  une  forte  palissade.  L'é- 
mulation, la  crainte  d'une  surprise,  et 
aussi  lés  paroles  de  Bélisaire^  ani- 
maient les  travailleurs.  Tout  fut  ache- 
vé dans  une  journée.  Pendant  le  tra- 
vail,  une  chose  excita  Tétonnement 
et  la  joie  de  l'armée  ;  une  source  abon- 
dante jaillit  du  sol  que  l'on  creusait. 
Ce  phénomène ,  si  commun  en  Afri- 
que, parut  d'autant  plus  merveilleux 
aux  soldats  que  le  lieu  où  ils  se  pro- 
posaient de  camper  était  sec  et  aride. 
Procope  partagea  l'étonnement  géné- 
ral ,  et  il  crut  que  la  découverte  de 
cette  source  tenait  du  prodige.  II  s'ap- 
procha de  Bélisaire  pour  le  féliciter. 
«  C'est  un  heureux  présage,  lui  dit-il  ; 
Dieu  a  voulu  montrer  par  là  que  vous 
obtiendriez,  sur  vos  ennemis,  une  fa- 
cile victoire.  »  Quand  le  travail  fut 
achevé ,  Tarmée  se  renferma  dans  le 
camp.  Elle  y  passa  la  nuit.  Les  senti- 
nelles furent  disposées ,  suivant  l'u- 
sage, de  distance-en  distance,  et  l'on 
fit  bonne  garde  sur  tous  les  points. 
Par  ordre  de  Bélisajre,  cinq  archers 
devaient  veiller  sur  chacun  des  bâti- 
ments de  transport.  Quant  aux  vais- 
seaux plus  légers  qui  étaient  destinés 
aux  combats  de  mer,  ils  étaient  ran- 
gés en  demi-cercle,  devant  les  autres, 
se  tenant  prêts  à  repousser,  s'il  y 


AFRIQUE.  49 

avait  lieu ,  les  attaques  de  l'ennemi. 
Le  lendemain^  quelques  soldats  sor- 
tirent des  retranchements  et  se  disper- 
sèrent dans  la  campagne  pour  enlever 
des  fruits.  A  leur  retour,  Bélisaire  les 
fit  châtier  sévèrement.  Puis  il  ras- 
sembla les  troupes,  et  leur  adressa 
la  proclamation  suivante  :  «  Soldats, 
le  vol  à  main  armée,  même  en  temps 
de  guerre,  est  un  crime.  Ce  crime  ac- 
quiert aujourd'hui  une  nouvelle  gra- 
vité, parce  qu'il  compromet  le  salut 
de  l'armée  entière.  J'espérais,  au  mo- 
ment où  vous  touchiez  cette  terre,  que 
nous  allions  trouver  parmi  les  Afri- 
cains ,  soumis  autrefois  à  la  domina- 
tion de  Rome ,  d'utiles  et  puissants 
auxiliaires.  Je  me  disais  que  les  vivres 
ne  vous  manqueraient  point ,  que  nos 
convois  seraient  assurés,  et  que  nous 
n'aurions  point  d'autres  ennemis  à 
craindre  que  les  Vandales.  Vos  désor- 
dres ont  dféjà  changé  la  face  des  cho- 
ses. Les  Africains  qui  ont  eu  à  souffrir 
de  vos  violences  se  rattacheront  aux 
Vandales  et  nous  poursuivront  de  leur 
haine.  Pour  conserver  quelqaes  pièces 
d'argent,  vous  avez  sacrifié  la  sécurité 
de  nos  opérations  et  la  facilité  de  nos 
approvisionnements.  Il  eût  été  plus 
sage  assurément  de  faire  un  marché 
avec  ceux  que  vous  avez  dépouillés , 
de  traiter  de  gré  à  gré  avec  eux,  et  de 
donner  votre  argent  en  échange  des  vi- 
vres. Vous  ne  vous  seriez  point  rendus 
coupables  d'une  odieuse  violence,  et 
vous  auriez  gagné  par  là  l'affection 
des  peuples  que  vous  voulez  arracher 
au  joug  et  à  l'oppression  d'une  race 
étrangère.  Dorénavant ,  vous  aurez  à 
combattre,  tout  à  la  fois,  les  Vanda- 
les et  les  Africains.  Que  dis-je  1  vous 
aurez  pour  ennemi  Dieu  lui-même, 
qui  retire  son  appui  à  quiconque  em- 
ploie, à  l'égard  d'autrui,  l'iniustice  et 
la  violence.  Soldats,  il  est  encore  temps 
peut-être  de  réparer  le  mal  quç  vous 
avez  fait.  Montrez  aux  populations  que 
vous  allez  rencontrer,  que  vous  êtes 
justes  et  modérés.  Quand  vous  aurez 
mérité  de  nouveau  que  Dieu  vous  pro- 
tège et  que  les  Africains  vous  aident, 
vous  aurez  accompli  votre  œuvre ,  et 
les  Vandales  seront  vaincus.  »  Après 


4*  Livraison.  (Hist.  des  Vandales.) 


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50  L*tJtilfERS. 

cette  proclamation^  Bélisaire  ordonna 
aux  soldats  de  rompre  les  rangs. 

l'abméê  se  met  en  mabche;  pro- 
jets DE  bélisaibe;  manifeste  de 
l'empebeub    justinien  ;    passage 

DES  TBÔUPES  GBECQUES  A   SYLLEC- 

TUM.— On  avait  appris  au  général  qu'à 
une  journée  de  marche  environ  de  son 
camp,  sur  la  route  gui  conduit  à  Car- 
thage,  et  au  bord  de  la  mer,  se  trou- 
vait une  ville  appelée  Syllectum  (*). 
Cette  ville  avait  perdu  ses  anciens 
remparts  ;  mais  comme  les  habitants, 
pour  se  défendre  contre  les  irruptions 
subites  des  Maures,  avaient  joint  leurs 
maisons  entre  elles  par  d'épaisses  mu- 
railles, elle  présentait  encore  l'aspect 
d'une  place  fortiCée.  Bélisaire  résolut 
de  s'en  emparer.  Il  confia  un  détache- 
ment à  Morâïde,  l'un  des  officiers  de 
&a  garde,  et  lui  donna  ordre  de  mar- 
cher en  avant,  a  II  faut  essayer,  dit-il, 
en  s'adressant  aux  soldats  qui  par- 
taient, d'entrer  dans  fa  ville  par  sur- 
prise. Si  vous  obtenez  un  plein  suc- 
cès, gai;flez  -  vous  de  piller.  Que  lés 
habitants  n'aient  point  à  se  plaindre 
de  vos  désordres.  Déclarez  hautement 
et  montrez  que  vous  êtes  les  libérsf- 
teurs  dé  PAfrique.  Enfin,  préparez  les 
habitants  à  recevoir  l'armée.»  Le  dé- 
tachement arriva  vers  le  soir  dans  un 
vallon  qui  n'est  pas  éloigné  delà  ville. 
Il  fit  halte  en  cet  endroit  pour  y  pas- 
ser la  nuit.  Le  lendemain,  au  moment 
où  l'aurore  commençait  à  poindre ,  il 
se  remit  en  marche,  et  il  suivit  dans 
le  plus  grand  ordre,  et  en  silence,  les 
paysans  des  campagnes  avoisinantes 
qui  se  rendaient  à  Syllectum  avec  leurs . 

(*)  Syllectum  est  peut-être  la  Turris  jén- 
mbttiis.  Il  reste  de  cette  ville  nu  vieil  édifice 
qui  est  encore  aujourdlmi  aussi  grand  que 
la  tour  de  Londres.  La  campa;^  de  César 
(^trtius;  de  BeUo  africano),  avec  Tanalyse 
de  Guichard  et  les  voyages  de  Shaw  dans 
le  même  pays  (p.  log-iio,  etc.),  jettent  du 
jour  sur  la  inarche  de  Bélisaire  vers  LeptU 
minor,  jédrumetum,  etc.  (Note  de  Gibbon.) 
—  L* Académie  des  inscriptions  adopte 
sans  hésiter  pour  Sylleclum  (Snlleclo)  la 
conjecture  de  Gibbon.  Voy.  Recherches  sur 
t histoire  de  V Afrique  septentrionale  ,  etc, , 
1. 1>  j^  98. 


chariots.  Il  y  entra  avec  émt.  Ce  fîot 
ainsi  que  la  place  fut  occupée  sans 
combat.  Quand  il  fit  grand  jour,  Rlo- 
raïde  fit  appeler,  sans  bruit .  l'évéque 
et  les  citoyens  les  plus  notantes ,  et  il 
leur  exposa  les  projets  de  Bélisaire. 
Nul  ne  songea  à  lui  résister,  et  on  lui 
remit,  pour  son  général,  les  clefs  qui 
ouvraient  les  diverses  issues  de  la  villes. 
Le  même  jour,  le  directeur  des  pos- 
tes livra  aux  Grecs  tous  les  chevaux 
qui  appartenaient  à  l'État.  On  arrêta 
aussi  un  de  ces  compriers  appelés  f^e- 
redarii^  qui  portait  les  ordres  et  les 
lettres  du  roi ,  et  on  le  conduisit  à  Bé- 
lisaire. Le  général  lui  fit  bon  accueil , 
et  lui  compta  une  grosse  somme  d'ar- 
gent. Il  lui  fit  jurer  de  remettre  aux 
chefs  et  aux  hommes  les  plus  illustres 
de  la  nation  vandale  plusieurs  exem- 
plaires des  lettres  que  l'empereur  Jus- 
tinien leur  avait  adressées.  Ces  lettres 
contenaient  un  manifeste  qui  était 
ainsi  conçu  :  «  Je  ne  déclare  point  la 
guerre  aux  Vandales.  Je  ne  viole  point 
les  serments  de  paix  qui  ont  été  pré- 
tés  par  mon  prédécesseur  Zenon.  J'at- 
taque le  tyran  qui ,  au  mépris  du  tes- 
tament de  Gen série,  a  jeté  votre  roi 
légitime  dans  les  fers ,  a  tué  ses  pro- 
ches ou  leur  a  fait  arracher  les  yeux. 
Venez  à  mon  aide,  et  unissons  nos  ef- 
forts pour  renverser  l'odieuse  tyran- 
nie qui  pèse  sur  vous.  C'est  bu  nooi 
de  Dieu  que  je  Vous  promets  la  paix 
et  la  liberté.  »  Celui  à  qui  on  avait 
confié  ces  lettres  n'osa  point  lés  ré- 
pandre. Il  les  fit  lire  seulement  à  un 
petit  nombre  d'anîfs,  ce  qui  ne  pro- 
duisit aucun  effet  sur  Fesprit  public, 
et  n'amena  point  les  résultats  sur  les- 
quels avaient  compté  Justinien  et  le 
chef  de  Texpédition.  Enfin,  Bélisaire 
se  porta  avec  son  armée  sur  Syllectum. 
Quand  il  ûit  entré  dans  la  Ville,  il 
maintint  parmi  ses  soldats  une  disci- 
pline  sévère,  et  il  n'eut  à  réprimer  ni 
excès,  ni  violences.  La  douceur  du  gé- 
néral ,  ta  modération  des  troupes  ga- 
gnèrent tous  les  cœurs.  Dès  lors  ^a^^ 
mée  marcha  en  Afrique  comme  si  elM 
eût  été  au  sein  de  l'empire.  Nul  ne 
prenait  la  fuite  à  son  approche.  Tous, 
au  contraire ,  venaient  à  sia  rencontre 


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AFRIQUE. 


a 


e%  s'empressaient  de  lui  donner  des 
renseignements  ou  de  renouveler  ses 
provisions. 

MARCHE  BE  SYLLEGTUM  À  GBAS- 
se;    PRUDENCE   DE    BÉUS4IBE;    SES 

pisPosiTiONS.  —  En  sortant  de  Syl- 
iQCtuin,  i*drmée  grecque  se  mit  en  ba- 
taille, et  prit  la  route  de  Carthage. 
Jélisaire  forma  deux  avant- gardes. 
Bans  la  première ,  qui  était  comman- 
dée par  un  ofûcier  renommé  pour  son 
habileté  et  sa  bravoure ,  Jean  l'Armé- 
nien ,  on  comptait  trois  cents  soldats 
d'élite.  La  seconde  se  composait  des 
cavaliers  huns,  qui  s'étaient  mis 
au  service  de  l'empire.  Celle-ci  mar- 
chait sur  la  gauche.  L'une  et  l'autre 
avaient  ordre  de  garder,  entre  elles  et 
l'armée ,  une  distance  de  vingt  stades 
environ.  Bélisaire  s'avançait  avec  le 
corps  principal.  Il  surveillait  ses  der- 
rières avec  soin,. parce  qu'il  supposait 
auQ  Gélimer  l'attaquerait  en  revenant 
q'Herinione.  La  droite  de  l'armée  s'ap- 
puyait à  la  mer,  et,  de  ce  côté,  il  n  y 
avait  pas  même  l'apparence  du  danger. 
XiR  général  ordonna  aux  commandants 
de  sa  flotte  de  suivre  tous  les  mouve- 
ments des  troupes,  et  de  ne  jamais 
perdre  de  vue  le  rivage.  Quand  le 
vent  soufflait  avec  force,  ils  devaient 
plier  les  grandes  voiles  et  ne  se  servir 
que  des  petites,  et,  dans  les  temps  de 
calme,  employer  les  bras  des  rameurs. 
C'est  ainsi  que  l'armée  s'avançait  en 
bel  ordre ,  parcourant  chaque  jour, 
dans  sa  marche,  quatre-vingts  sta<^l€s. 
A  l'approche  de  la  nuit,  elle  s'arrêtait. 
Alors,  suivant  la  disposition  des  lieux, 
elle  se  livrait  au  repos,  soit  dans  les 
villes,  soit  dans  un  camp  retranché. 

Apres  avoir  traversé  Leptis- la-Pe- 
tite et  Adrumetum,  l'armée  impériale 
arriva  enfin  à  Grasse,  ville  qui  n'était 
Soignée  de  Carthage  que  de  trois  cent 
cinquante  stades.  Là  se  trouvait  un 
palais  qui  appartenait  au  roi  des  Van- 
dales. Il  était  environné  par  des  jardins 
les  plus  beaux  et  los  plus  agréables  que 
les  soldats  grecs  eussent  jamais  vus  (*). 

,  .(*)  Gibbon  en  rappelant  les.  impressions 
de  JProcope,  accuse  rhistorieo  byzantin 
d'exagéraUon.  Il  a  tort.  Certaines  provinces 


On  y  rencontrait  de  claires  fontaine^ 
et  une  foule  d'arbres  qui  portaient  des 
fruits  exquis.  Les  soldats  dressèrent 
leurs  tentes  dans  ces  jardins;  ils  cueil- 
lirent'les  fruits  mûrs  et  s'en  rassa*^ 
sièrent.  Cependant,  au  départ  de  l'ar- 
mée, les  arbres  étaient  encore  tellement 
chargés,  dit  Procope,  que  Ton  eût  été 
loin  de  s'imaginer  que  d' innombrables 
mains  les  avaient  diépouillés. 

GELIHER  APPREND  L'ARRIYÉE  i)ES 

TBOtJPRs  impériales;  ses  mesu- 
res;   IL    FAIT    TUER    HILDERld   ET 

SES  partisans;  l'armée  grecque 
CONTINUE  SA  MARCHE.  —  Quand 
Gélimer  apprit,  dans  sa  résidence 
d'Hermione ,  l'arrivée  des  troupes 
impériales,  i)  essaya  de  détourner, 
par  de  promptes  et  vigoureuses  me- 
sures, le  danger  qui  le  menaçait.  Il 
écrivit  à  son  frère  Ammatas,  qui  se 
trouvait  à  Carthage,  une  lettre  dans 
laquelle  il  lui  ordonnait  dé  faire  périr, 
sans  retard,  Hildéric  et  ses  partisans, 
et  de  rassembler  tous  les  Vandales  qui 
.étaient  en  âge  de  porter  les  armes. 
Ammatas  obéit  à  Gélimer.  Il  fit  tuer 
Hildéric,  Euagis  et  tous  leurs  amis. 
Oamer  était  déjà  mort.  Puis  il  se  dis- 
posa, avec  les  troupes  qu'il  avait  Ras- 
semblées, à  se  porter  à  la  rencontre  de 
l'armée  grecque.  Il  devait  l'attendre,  à 
soixante  et  dix  stades  de  Carthage, 
dans  les  gorges  de  Décimum  (*).  Géli- 

de  VAfriqne  ont  toujours  cidté  Fadmira- 
tion  des  voyageur»  par  leur  merveilleuse 
fécondité..  Jadis  à  la  vue  des  riants  et  fer- 
tiles jardins  q^ii  avoisinaient  Carthage ,  les 
impressions  des  mercenaires  d'Agaibocle 
avaieut  été  aussi  vives  que  celles  des  soldats 
de  Jusiinien.  Nous  avons  cilé,  à  ce  propos, 
dans  une  autre  partie  de  ce  volume  (Ifts^ 
toire  de  Carthage ,  p.  1 35) ,  un  passage  dé 
Diodore  que  Ton  peut  rapprocher  des 
phrases  que  nous  avons  empruntées  à  Pro- 
cope. (Voy.  deBeL  FandaL,  l,  17.) 

(*)  «  Décimum  était  situé  à  soixante-dix 
stades  de  Carthage  au  milieu  des  collines 
d'Arriana ,  hautes  de  cinq  cents  pieds  et 
éloiguées  de  quarante  stades  des  plaines 
salées  de  la  Sebka  de  Soukara.  m  M.  Marcus 
a  reproduit,  dans  cette  phrase,  Popinion 
de  rÂçadémiedes  inscriptions;  voy.  Recher» 
cnes,  etc, ,  1. 1,  p.  xoi. 

4. 


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« 


L'UNIVERS. 


mer  s'avançait  de  son  côté,  à  Tinsu  de 
Bélisaire.  Seulement,  Varmée  impériale 
fut  avertie  à  Grasse,  pendant  la  nuit, 
de  l'approche  des  Vandales.  Ses  éclai- 
reurs  avaient  rencontré  ceux  de  l'en- 
nemi ,  et  il  y  avait  eu  entre  eux  un  en- 
gagement. Bélisaire  ne  se  troubla  point 
à  cette  nouvelle;  il  redoubla  de  sur- 
veillance, et  le  lendemain  il  se  remit 
en  marche.  A  partir  de  Grasse,  la 
flotte  fut  obligée  de  s'éloigner  de  la 
côte,  et  dès  lors  on  la  perdit  de  vue. 
Elle  tint  la  pleine  mer  à  cause  des  ré- 
cifs,'>et  d'ailleurs  elle  se  trouva  dans  la 
nécessité  d'accélérer  sa  marche  pour 
doubler  le  cap  de  Mercure.  Archelaiis 
la  dirigeait.  Avant  de  s'éloigner,  le 
questeur  prit  les  ordres  de  Bélisaire, 
qui  lui  recommanda  de  ne  pofnt  se 
porter  directement  sur  Carthage,  mais 
de  s'arrêter  à  vingt  stades  de  la  ville , 
et  d'attendre,  pour  agir,  de  nouvelles 
instructions.  L'armée  mit  quatre  jours 
pour  aller  de  Grasse  à  Bécimum. 

PLAN  DE  GÉLIMER;  IMPRUDENCE 

d'ammàtas;  les  vandales  épbou- 

VENT  UN  PBEMIEB  ÉCHEC.  —  Le  plan. 

de  Gélimer  était  sagement  conçu. 
Ammatas,  qui  venait  ae  Carthage,  de- 
vait marcher  à  la  rencontre  de  l^rmée 
grecque  et  la  prendre  en  tête;  Gélimer, 
de  son  côté,  se  proposait  de  se  jeter 
sur  elle  au  moment  de  l'engagement  et 
de  l'attaquer  par  derrière;  enfin  Giba- 
mund,  neveu  du  roi ,  avait  été  détaché, 
avec  deux  mille  Vandales,  pour  se  pré- 
cipiter en  temps  opportun  sur  l'aile 
gauche.  Procope,  qui  se  fait  ici  l'inter- 
prète des  pensées  de  Bélisaire,  déclare 
que  si  les  ordres  de  Gélimer  avaient 
été  parfaitement  exécutés,  et  les  mou- 
vements de  ses  troupes  bien  concertés, 
l'armée  grecq[ue  eût  éprouvé  un  grand 
désastre.  Mais  l'imprudence  du  frère 
du  roi ,  et  pussi ,  il  faut  le  dire ,  des 
circonstances  imprévues,  amenèrent 
la  ruine  des  Vandales. 

Ammatas  s'était  porté,  vers  midi, 
à  Décimum  ;  il  avait  ainsi  devancé  de 
beaucoup  l'arrivée  de  l'armée  impé- 
riale. Il  avait  agi  avec  tant  de  précipi- 
tation, que,  lorsqu'il  se  rendit  à  son 
poste,  il  ne  put  emmener  avec  lui 
qu'un  petit  nombre  de  mauvais  soldats. 


II  avait  laissé  à  Carthage  la  meilleure 
partie  de  ses  forces,  se  bornant  à  don- 
ner ordre  aux  troupes  qui  restaient  de 
le  rejoindre  dans  un  bref  délai.  Quand 
il  arriva  à  Décimum,  il  rencontra  l'a- 
yant-garde commandée  par  Jean  l'Ar- 
ménien. Alors  les  Grecs  et  les  Vandales 
se  chargèrent  Ammatas  déploya  dans 
le  combat  un  courage  héroïque,  et  tua 
douze  hommes  de  sa  main  ;  mais  enfin 
il  tomba  percé  d^un  coup  mortel.  Après 
avoir  perdu  leur  chef,  les  Vandales  se 
sauvèrent,  et  Jean  se  mit  à  leur  pour- 
suite. Les  Grecs  rencontrèrent  dans 
leur  course  les  soldats  qui ,  obéissant 
aux  ordres  d' Ammatas,  se  rendaient 
de  Carthage  à  Décimum.  Ils  ne  savaient 
point  qu'un  combat  eût  été  livré,  et  ils 
marchaient  en  désordre,  par  troupes 
de  vingt  ou  trente  hommes  seulement. 
Les  vaincus,  en  se  sauvant,  jetèrent  le 
trouble  parmi  eux  et  les  entraînèrent 
dans  leur  fuite.  Ils  ne  songèrent  point 
à  compter  le  petit  nombre  de  leurs 
vainqueurs.  Aussi  Jean  les  poursuivit 
jusqu'aux  portes  de  Carthage,  et,  dans 
un  espace  de  soixante  et  dix  stades. 
Il  tua  tant  d'ennemis,  dit  Procope  avec 
une  certaine  exagération ,  qu'à  voir  le 
champ  du  carnage,  on  eût  dit  que 
vingt  mille  combattants  l'avaient  par- 
couru. 

SECONDE  DEFAITE  DES  VANDALES  ; 
GIBAMUND  ET   LE   CHEF   DBS  HUNS. 

—  Dans  le  même  temps,  Gibamund  et 
les  deux  mille  hommes  qu'il  comman- 
dait arrivèrent  à  des  sahnes  situées  à 
quarante  stades  de  Décimum  (*).  Là  se 
trouvait  une  plaine  immense,  déserte 
et  sans  végétation.  Les  Vandales  ren- 
contrèrent en  cet  endroit  le  détache- 
ment des  Huns  que  Bélisaire,  pour 
assurer  les  opérations  de  sa  gauche , 
avait  envoyé  à  la  découverte.  Il  fallut 
dès  lors  se  préparer  au  combat. 

Il  y  avait  dans  la  troupe  des  Huns 
un  chef  qui  se  distinguait  entre  tous 
par  sa  force  et  sa  bravoure.  Il  tenait 
de  sa  famille  le  glorieux  privilège  de 
frapper  sur  l'ennemi  le  premier  coup, 
r^ul,  parmi  les  Huns,  n  avait  le  droit 

{*)  Les  plaines  salées  de  la  Sebka  de  Soa- 
kara  (voy.  Falbé), 


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AFRIQUE. 


S3 


de  commencer  l'attaque  avant  lui. 
Quand  les  deux  troupes  furent  en  pré- 
sence ,  ce  chef  s*élança  à  cheval ,  sans 
être  accompagné,  et,  parcourant  le 
front  de  la  cavalerie  des  Vandales,  il 
provoqua  l'ennemi  au  combat.  Une  si 
grande  audace  étonna  les  soldats  de 
Gibamund,  et,  craignant  d'ailleurs  de 
tomber  dans  une  embuscade,  ils  ne 
firent  aucun  mouvement  et  ne  lancè- 
rent pas  même  un  trait  ;  peut-être  aussi 
furent-ils  saisis  de  crainte  à  la  vue  des 
armes  et  surtout  des  visages  de  ces 
Huns,  qui  depuis  un  siècle  avaient  fait 
tant  de  bruit  dans  le  monde.  Les  Van- 
dales ayant  refusé  d'engager  la  mêlée, 
le  chef  qui  les  avait  provoqués  revint 
auprès  des  guerriers  ae  sa  race,  et  leur 
dit  :  «  Dieu  a  fait  les  apprêts  du  fes- 
tin ;  nous  n'avons  qu'à  tendre  la  main. 
Marchons  !  »  Tous  s'élancèrent  alors. 
Les  Vandales  ne  purent  soutenir  le 
choc  des  cavaliers  huns;  ils  rompirent 
leurs  rangs,  et,  sans  opposer  de  résis- 
tance, ils  se  laissèrent  égorger  jusqu'au 
dernier. 

SITUATION  DE  l'ABMÉE  GBEGQUE; 
DISCOURS  DE  BÉLISAIBE.  —  L'amiéc 

grecque  ignorait  les  événements,  si 
heureux  pour  elle,  qui  venaient  de 
s'accomplir,  et  continuait  sa  marche 
sur  Décimum.  Cependant,  à  trente- 
cinq  stades  de  là,  Bélisaire  ayant  ren- 
contré une  excellente  position,  fit  faire 
halte,  et  ordonna  de  préparer  un  camp. 
Quand  les  retranchements  furent  éle- 
vés, le  général  fit  rassembler  les  trou- 
pes, et,  s'étant  placé  au  milieu  d'elles, 
il  leur  tint  ce  discours  :  «  Soldats , 
l'ennemi  approche  et  l'heure  du  combat 
est  arrivée.  La  flotte,  vous  le  savez, 
est  éloignée  de  vous,  et  vous  ne  devez 
point  compter  aujourd'hui  sur  sa  coopé- 
ration. Vous  n'avez  point  de  ville 
amie  qui  puisse,  au  besoin,  vous  ou- 
vrir ses  portes  et  vous  offrir  un  abri 
derrière  ses  murailles.  Notre  salut 
commun  est  tout  entier  dans  votre 
courage.  Si  vous  vous  comportez  avec 
bravoure,  l'ennemi,  n'en  doutez  pas, 
sera  vaincu  ;  si  vous  vous  battez  mol- 
lement, les  Vandales  l'emporteront,  et 
vous  n'échapperez  point  à  la  mort. 
Soldats   nous  avons  pour  nous  deux 


sûrs  garants  de  la  victoire  :  notre  bon 
droit  et  la  haine  que  les  Vandales  por- 
tent à  leur  tyran.  Vous  avez,  en  outre, 
sur  votre  ennemi  un  immense  avan- 
tage :  jusqu'ici ,  vous  n'avez  point  lan- 
gui dans  le  repos;  vous  maniez  les 
armes  depuis  longtemps,  et  vous  avez 
été  éprouvés  par  de  nombreuses  ba- 
tailles. Vous  avez  soutenu  contre  les 
Scythes  et  les  Perses  de  rudes  guerres, 
tandis  que  les  Vandales  n'ont  jamais 
eu  à  combattre  dans  les  Maures  que 
des  ennemis  sans  discipline  et  à  demi 
nus.  Si  vous  m'en  croyez,  nous  ferons 
une  place  forte  du  camp  où  nous  som- 
mes. Nous  y  laisserons,  sous  bonne 
garde,  nos  bagages  et  tout  ce  qui  pour- 
rait gêner  nos  mouvements;  puis  nous 
marcherons  à  l'ennemi.  Si  nous  som- 
mes victorieux,  nous  trouverons  ici,  à 
notre  retour,  des  vivres  en  abondance. 
Soldats,  en  allant  au  combat,  songez 
à  vos  anciens  exploits,  et  vous  serez 
braves,  et,  je  vous  le  jure,  vous  vain- 
crez. » 

INGEBTITUDES  DE  BÉLISAIBE  ;  LES 
CAVALIEBS  qu'il  ENVOIE  A  LA  DÉ- 
COUVEBTE  SONT  MIS  EN  FUITE  PAR 
LES  VANDALE»;  FAUTE  DE  GÉLIMEB; 

IL  EST  VAINCU.  —  Après  avoir  encou- 
ragé ses^oldats  et  donné  ses  derniers 
ordres,  Bélisaire  sortit  des  retranche- 
ments. Il  ne  cherchait  point  l'occasion 
de  livrer  bataille,  mais,  avec  son  ex- 
trême prudence,  il  voulait  étudier  le 
terrain,  et  reconnaître  par  lui-même 
les  forces  et  la  position  de  l'ennemi  : 
c'est  pourquoi  il  n'emmena  avec  lui 
que  sa  cavalerie,  et  il  laissa  à  la  garde 
du  camp,  où  se  trouvait  Antonina,  sa. 
femme,  toute  son  infanterie.  Il  marcha 
avec  lenteur;  seulement  il  eut  soin 
d'envoyer  à  la  découverte  les  cavaliers 
auxiliaires.  Ceux-ci  poussèrent  jusqu'à 
Décimum.  Là,  ils  virent  couchés  sur 
la  terre  des  cadavres  de  soldats  grecs 
et  vandales,  parmi  lesquels  se  trouvait 
celui  d'Ammatas.  Les  habitants  du 
lieu  apprirent  à  la  troupe  gui  arrivait 
la  victoire  deJean  l'Arménien.  A  cette 
nouvelle,  les  auxiliaires  furent  jetés 
dans  un  grand  trouble.  Ils  ne  savaient 
oii  se  diriger,  et  ils  parcouraient  toutes 
les  émineuces  pour  découvrir  au  loin 


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54  ;.'iJ|ayERS. 

leurs  compagnons  vjctorieux.  Tout  à 
coup,  ilë  voléîit  s'élever  du  cdté  du 
midi  un  nua^e  de  poussière,  et  peu  de 
temps  après  la  cavalerie  des  Vandales 
se  déploya  devant  eux.  11^  font  savoir 
aussitôt  à  Béiisaire  que  Tennemi  ap- 
proche, et  lui  demandent  un  renfort. 
Les  avis  des  chefs  étaient  partagés;  les 
uns  Toufaient  que  Ton  attaquât  sans 
hésiter;  les  autres  prétendaient  que 
leurs  forces  n'étant  point  égales  à  cel- 
les de  l'ennemi ,  il  valait  mieux  faire 
retraite.  Pendant  la  discussion,  les 
Vandales,  conduits  par  Gélimer,  avan- 
çaient toujours.  Dans  leur  marche,  ils 
s'étaient  placés,  à  leur  insu,  entre  le 
^rps  des  Huns  qui  «ivaient  défait  la 
troupe  de  Gibamund,  et  le  camp  de  Bé- 
tfsaire.  Quand  ils  furent  arrivés  auprès 
de  Décimum,  ils  s'élancèrent  au  galop 
pour  occuper  une  colline.  Alors  la  ca- 
valerie impériale  s'ébranla  à  son  tour 
pour  leur  disputer^  cette  position.  Mais 
les  Vandales  l'avaient  devancée,  et,' 
quand  elle  vint  pour  les  attaquer,  ils 
la  repoussèrent  avec  perte  et  la  ihirent 
en  fuite.  Elle  courait  encore,  lors- 
qu'elle rencontra,  à  sept  stades  de  Dé- 
dmum,  Uliaris,  officier  des  gardes, 
qui  s'avançait  pour  la  soutenir  avec  un 
corps  de  huit  cents  hommes.  Ledevoiif 
d'Ulinris  était  de  rallier  la  trohpe  dé- 
faite et  de  tenter  une  nouvelle  attaque  ; 
mais  il  se  laissa  entraîner  par  le^ 
fuyards,  et  il  revint  avec  eux,  au  galop, 
auprès  de  Béiisaire. 

Gélimer  commit  alors  une  grande 
faute  :  il  resta  dans  l'inaction  après  sa 
victoire,  et  par  là  il  se  perdit.  Si ,  d'une 
part ,  et  ce  sont  là  les  réflexions  d'un 
compagnon  de  Béiisaire,  il  eût  pour- 
suivi vivement  les  cavaliers  qu'ail  avait 
mis  en  déroute,  Parmée  impériale  eût 
éprouvé  certainement  un  échec  irrépa- 
rable, tant  les  Vandales  étaient  nom- 
breux et  animés,  et  tant  la  frayeur  des 
Grecs  était  grande.  D'autre  part,  si 
Gélimer  se  ftit  porté  sur  Cartnage,  il 
eût  facilement  anéanti  le  corps  placé 
sous  les  ordres  de  Jean  l'Arménien. 
Les  vainqueurs  d'Ammatas  s'étaient 
dispersés  çà  et  là  dans  la  campagne 
pour  dépouiller  ceux  qu'ils  avaient 
tués.  Puis,  dans  sa  capitale  bien  dé- 


fendue ,  ayant  à  sa  disposition  d'abon- 
dantes ressources,  le  roi  aurait  pu 
repousser  toutes  les  attaques,  et  même 
se  rendre  maître  de  la  flotte  qui  arri- 
vait. Il  eût  ainsi  enlevé,  d'un  coup,  à 
l'armée  impériale  les  moyens  de  faire 
retraite  et  de  vaincre  (*).  Mais  Gélimer 
perdit  à  Décimum  un  temps  précieux  : 
il  ne  quitta  la  position  que  la  valeur 
de  ses  troupes  lui  avait  assurée  que 
pour  descendre  lentement  dans  la 
plaine  où  Ammatas  avait  été  tué.  A  la 
vue  du  cadavre  de  son  frère,  le  roi 

(*)  C'était  là  probablement  Topinioa 
de  Béiisaire.  M.  Marcus  fait  suivre  les  pa- 
roles de  Procopé  de  quelques  observalions 
qui  nous  ont  paru  plausibles.  «  Un  général, 
dit-il,  plus  habile  que  Gélimer,  aurait  pour* 
suivi  la  pointe  de  sa  vicloire ,  sauf  à  changer 
son  premier  plau  de  campagne  ;  mais  il 
n^est  pas  dit  pour  ceid  qu'il  eût  battu  com- 
plètement Béiisaire.  Celui-ci  aurait  pu  être* 
obligé  de  se  replier  sur  son  camp  avec  «a 
cavalerie,  mais  il  n'y  serait  entré  que  pour 
en  sortir  de  nouveau  avec  elle  et  avec  Pin- 
lahterie ,  et  engager  la  bataille  avec  toutes 
ses  forces.  Gélimer  ne  se  sentit  pas  assez  de 
<k£ur  pour  hasarrler  un  combat  en  due  forme 
avant  qu'il  eût  appris  les  causes  du  retardf 
qu'Ammatas  et  Gibamund  mettaient  à  ve- 
nir. Voilà  la  raison  ponr  laquelle  il  descen- 
dit dans  la  plaine.  Peut -éftre  aussi  eut-il 
peur  que  les  partisans  de  l'ancienne  famille 
royale  ne  se  fussent  révoltés  à  Carthage 
contre  Ammatàs.  Quand  il  eut  une  fois 
trouvé  le  corps  de  ce  dernier,  il  ne  pouvait 
se  porter  sur  Carthage  avant  de  connaître 
les  forces  de  Jean  :  autrement  il  se  serait 
exposé  à  élre  attaqué  par  l'ennemi  p^r  devant 
et  sur  ses  derrières.  Tout  ce  qui  lui  restait 
à  faire,  c'était  donc  de  ne  pas  perdre  de 
temps  à  l'inhumation  de  son  frère ,  mais  <le 
se  retirer  en  bon  ordre  avec  Ses  troupes  en 
arrière  de   Décimum,  et  d'y  attendre  ou 

Sue  l'ennemi  vînt  à  lui ,  ou  qu'il  eût  reço 
es  renseignements  exacts  sur  l'état  de  ses 
propres  affaires  et  sur  celles  des  Grecs.  Sf  aïs 
la  principale  cause  de  la  perte  des  Vanda- 
les, fut  que  l'ordre  magnifique  et  rassurance 
avec  lesquels  les  troupes  de  Béiisaire  raar^ 
chèrent  sur  Carthage  les  déroutèrent  toat 
à  fait,  eux  qui  depuis  un  siècle  n'avaient 
combattu  que  contre  les  Maures,  et  avaient 
perdu  leur  aucieune  énergie  au  sein  des 
plaisirs  et  de  Tinaction.»  (Marcus  ;  Histoire 
des  FandaUs,  etCf  p.  ^7^) 


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fondit  en  larmes,  et  se  montra  en  proie 
à  la  plus  vive  douleur,  tl  voulut  alori 
qu'on  donnât  à  Ammatas  la  sépulture, 
et  qu^on  lui  reirdît  les  derniers  hon* 
neurs.  Il  était  livré  tout  entier  à  ces 
soins  pieux,  lorsque  les  Vandales  vi^ 
rent  arriver  à  toute  bride  les  cavaliers 
de  Bélisaire. 

Le  général  avait  rallié  les  fuyards, 
et  leur  avait  reproché  en  termes  sé- 
vères et  durs  leur  lâcheté;  puis,  après 
s'être  informé  de  Tétat  des  lieux,  après 
avoir  appris  la  victoire  de  Jean  et  la 
mort  d'Ammatas,  il  s'ébranla  avec 
toute  sa  cavalerie  pour  attaquer  Géli- 
mer  et  les  Vandales.  Ceux*ci,  surpris 
par  cette  charge  imprévue,  ne  purent 
soutenir  le  choc  des  Grecs,  et,  après 
avoir  laissé  sur  la  place  un  grand  nombre 
de  morts,  ils  furent  mis  en  fuite.  Ils 
ûe  se  dirigèrent  point  vers  Carthage , 
ûi  vers  la  Byzacène,  d'où  ils  venaient, 
mais  vers  la  plaine  de  Bulla,  par  la 
i^te  qui  conduit  en  Numidie.  Sur  le 
soir,  à  l'heure  où  l'on  allume  les  fl'arp- 
beaux ,  Jean  TArménien  et  les  Huns 
rejoignirent  Bélisaire,  et  lui  firent 
connaître  leur  double  victoire.  Toute 
la  cavalerie  campa  cette  nuit  à  Dé- 
cimum. 

l'abhée    gbegque    campe    aux 

POETES   DE    carthage;    INTÉBIEUH 

DE  LA  Ville;  les  pbisons  du  boi. 
—  Le  lendemain,  l'infanterie  que  Bé- 
lisaire avait  laissée  au  camp  avec 
Antonina,  sa  femme,  arriva  a  Déci- 
mum.  Quand  toute  l'armée  fut  réunie, 
Bélisaire  n'hésita  plus  à  marcher  droit 
à  Carthage.  Il  arriva  vers  le  soir  sous 
les  murs  de  la  ville.  Nul  ennemi  ne 
paraissait  pour  lui  résister;  les  portes 
étaient  ouvertes,  et  les  Carthaginois 
avaient  placé  dans  toutes  les  rues  des 
tonshes  qui  répandirent  pendant  la  nuit 
une  vive  clarté.  Les  Vandales,  qui  n'a- 
vaient pas  pris  la  fuite  à  l'approche  de 
l'armée  grecque,  effrayés  par  les  dis- 
positions de  la  population  d'origine 
romaine,  avaient  cherché  un  asile  dans 
les  églises.  Cependant  la  tranquillité 
apparente  de  la  ville  inquiétait  Béli- 
saire ,  et  il  résolut  de  camper  en  de- 
hors des  murs.  Il  craignait  deux  cho- 
ses :  une  ruse  de  l'ennemi,  et  les 


désordres  auxqiiels  se  livreraient  dan^i 
les  ténèbres  ses  s6ldats  victorieux. 


Le  jour  même  où  l'armée  se  portait 
de  Decimum  sùi"  Carthage,  la  flotte, 
poussée  par  un  vent  favorable,  dou- 
blait le  cap  de  Mercure.  Quand  iek 
habitants  aperçurent  au  loin  les  vais- 
seaux grecs,  ils'se  hâtèrent  de  lever  les 
chaînes  qui  fermaient  l'entrée  du  port 
qu'ils  appelaient  Mandracium  (*).  Dè^ 
ce  moment,  ceux  qui  haïssaient  la  do- 
mination des  Vandales  s'enhardirent, 
et  ils  s'efforcèrent  de  mériter  les  égards 
des  vainqueurs  par  de  grandes  démons- 
trations de  zèle ,  et  par  des  actes  qu'ils 
se  proposaient  de  rappeler  en  témoi-* 

fnage  de  leurs  bonnes  dispositions. 
I  y  avait  dans  le  palais  même  une 
obscure  prison  où  Gélimer  faisait  jeteç 
tous  les  individus,  Vandales  ou  Ro- 
mains, qui  lui  portaient  ombrage* 
Cette  prison  regorgeait  alors  de  mar- 
chands venus  de  TOifient,  que  le  roi 
accusait  d'avoir  appelé  en  Afrique  les 
troupes  de  Justinien.  Les  malheureux, 
ainsi  rerifermés  sur  de  faux  soupçons, 
craignaient  à  chaque  instant  qu  on  nQ 
les  ut  périr.  Ils  coururent,  en  effet,  uft 
grand  danger.  Le  jour  même  où  Am- 
matas sortit  de  Carthage,  Gélimer 
ordonna  qu'on  les  mît  à  mort;  mais  le 
coup  imprévu  qui  frappa  le  frère  du 
roi  et  les  événements  qui  suivirent 
suspendirent  l'exécution.  Quand  le 
geôlier  connut  le  résultat  des  diffé- 
rents combats  livrés  près  de  Décimum, 
et ,  plus  tard ,  ^âand  il  vit  paraître  au 
loin  la  flotte  impériale,  il  fut  saisi 
d'une  vive  frayeur;  il  entra  dans  la 
prison.  Enchaînés  et  plongés  dans 
d'épaisses  ténèbres,  ceux  qui  s'y  trou- 
vaient ignoraient  l'arrivée  et  la  vic- 
toire de  Bélisaire,  et  ils  purent  croire 
un  instant  que  leur  dernière  heure 
était"  venue.  Alors  le  geôlier,  élevant 
la  voix,  leur  dit  :  «  Que  me  donnerez- 
vous  si  je  vous  sauve?  »  Tous  s'em- 
pressèrent de  lui  faire  de  magnifiques 

{*)  C'était  le  Cothôn  ou  port  militaire  deft 
anciens  Carthaginois.  Voy.  dans  ce  volume  : 
Histoire  de  Carthage;  topographie,  p.  i4a. 
Nous  renvoyons ,  au  reste ,  à  celte  topo- 
graphie pouf  tout  ce  qui  concerne  la  ville 
de  Carthage  dans  le  présent  récit. 


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56 


LUNIVERS. 


promesses  et  de  lui  prot)oser  de  grosses 
sommes.  «Gardez  votre  argent,  ré- 
pondît-il; je  ne  vous  demande  au'une 
chose.  Jurez-moi,  si  je  vous  délivre, 
de  m'accorder,  auprès  du  général  de 
Justinien,  assistance  et  protection,  m 
Quand  ils  eurent  juré,  il  leur  raconta 
les  événements  qui  venaient  de  s'ac- 
complir, et,  ouvrant  un  soupirail,  il 
leur  montra  la  flotte  grecque  dans  les 
eaux  de  Carthage;  puis  il  rendit  la  li- 
berté aux  prisonniers,  et  se  sauva  avec 
eux. 

ABBIVÉE  DE  LA  FLOTTE  ;  ELLE  S'AR- 

béte  dans  le  lac  de  tunis;  calo- 
nyme;  entbée  de  bélisatbe  a 
gabthage;  modébation  du  génb- 
bal;  bonne  discipline  des  tbou- 
pes.  —  Quand  la  flotte  eut  doublé  le 
cap  de  Mercure,  elle  ralentit  son  mou- 
vement. Officiers,  soldats  et  matelots 
étaient  dans  une  grande  anxiété;  ils 
n'avaient  point  de  nouvelles  de  l'ar- 
mée, et  ils  ne  savaient  où  s'arrêter. 
Enfin,  ils  résolurent  d'envoyer  un  vais- 
seau à  la  ville  la  plus  voisine  pour 
recueillir  des  renseignements.  Ils  ap- 
prirent, par  ce. moyen,  tout  ce  qui 
s'était  passé.  Alors,  pleins  de  confiance 
et  de  joie,  ils  n'hésitèrent  plus  à  avan- 
cer. Ils  étaient  encore  éloignés  de. 
Carthage  de  cent  cinquante  stades  en- 
viron, lorsque  le  questeur  Archelaûs 
et  les  soldats  qui  étaient  restés  sur  les 
vaisseaux,  voulant  observer  rigoureu- 
sement les  ordres  de  Bélisaîre,  deman- 
dèrent que  la  flotte  gagnât  le  rivage 
le  plus  rapproché  et  s'y  arrêtât.  Les 
matelots  s'y  opposaient.  Ils  voyaient 
dans  l'air,  disaient-ils,  les  signes  pré- 
curseurs d'une  grande  tempête,  et  ils 
avaient  appris  que  la  cote  indiquée 
n'offrait  ni  ports  ni  points  de  relâche. 
Ils  déclarèrent  donc  que  si  l'on  suivait 
l'avis  d'Archelaiis  et  des  soldats,  la 
flotte  entière  serait  anéantie.  On  sut 
plus  tard  que  les  matelots  ne  s'étaient 

Ï)as  trompés.  Le  questeur  se  rendit,  et 
a  flotte  continua  sa  marche;  seule- 
ment il  fut  décidé  qu'on  ne  tenterait 
pas  d'entrer  dans  le  Mandracium.  On 
supposait  que  le  port  de  Carthage  était 
fermé,  et,  d'ailleurs,  on  ne  croyait 
pas  qu'il  pût  contenir  tous  les  vais- 


seaux. On  fit  voile  vers  le  lae  gui 
avoisine  la  ville.  La  flotte  entière  y 
entra  aux  approches  de  la  nuit,  et 
après  avoir  allumé  ses  fanaux.  Un  seul 
vaisseau  s'était  écarté;  c'était  celui 
qui  portait  Calonyme.  Ce  chef,  bra- 
vant les  ordres  de  Bélisaire,  et  ne  te- 
nant aucun  compte  des  intérêts  de 
l'armée,  était  entré  furtivement  dans 
leMandracium.  Comme  il  ne  rencontra 
point  de  résistance,  il  s'élança  à  terre 
avec  les  hommes  de  son  équipage,  et 
enleva  de  force  l'argent  des  marchands, 
étrangers  ou  carthaginois^  qui  habi- 
taient aux  environs  du  port. 

Le  lendemain,  Bélisaire,  averti  de 
l'arrivée  de  la  flotte,  ordonna  aux  sol- 
dats, qui  jusqu'alors  étaient  restés  à 
bord ,  de  se  rendre  au  camp.  Quand 
toutes  les  troupes  furent  réunies,  le 
général  les  disposa  comme  pour  une 
bataille,  et  il  se  prépara  à  faire  son 
entrée  dans  Carthage.  L'ennemi  ne  lui 
avait  pas  .dressé  d'embûches ,  comme 
il  le  craignait;  tous,  au  contraire,  de- 
vaient accourir  auprès  de  lui  et  l'ac- 
cueillir avec  joie.  Bélisaire  comprit 
alors  que  sa  modération,  bien  plus  que 
la  valeur  des  soldats,  avait  contribué 
à  ses  rapides  succès.  Avant  de  péné- 
trer dans  la  ville ,  il  s'adressa  encore 
une  fois  à  son  armée  pour  lui  recom- 
mander de  se  maintenir  jusqu'au  bout 
dans  sa  bonne  discipline.  «  Les  Afri- 
cains, dit-il,  soumis  autrefois  à  la  do- 
mination des  Romains,  et  Romains 
eux-mêmes,  n'ont  obéi  que  par  force 
aux  Vandales  qui  les  opprimaient. 
C'est  pour  les  aider  à  secouer  un  joug 
odieux  que  notre  empereur  fait  la 
suerre.  Point  de  désordres  et  point 
d'excès.  Montrons  ici  que  nous  ne 
sommes  point  venus  en  Afrique  comme 
des  conquérants,  mais  comme  des  li- 
bérateurs. » 

L'armée  entra  donc  à  Carthage  (*). 
Bélisaire  monta  au  palais  des  rois.  Il 
était  bâti  sur  la  colline  de  Byrsa,  là 
où  s'élevait  jadis  la  citadelle  des  an- 
ciens Carthaginois  et  la  demeure  des 
proconsuls  romains.  Comme  représen- 
tant de  Justinien ,  Bélisaire  s'assit  sur 

(*)  Vers  le  i5  septembre. 


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le  trône  de  Gélimer.  C'est  làquMl  reçut 
les  plaintes  des  marchands  du  port  qui 
avaient  été  pillés  la  veille  par  Féqui- 
page  d'un  vaisseau  grec.  Le  général 
ut  droit  à  leurs  réclamations.  Il  ap* 
pela  Calonyme,  et  lui  ordonna  de 
rendre  tout  ce  qu'il  avait  enlevé. 
«Jurez,  lui  dit-il,  que  vous  n'avez 
rien  ^ardé.  »  Calonyme  jura,  et  cepen- 
dant il  avait  mis  en  réserve  de  grosses 
sommes  d'argent.  Mais  il  ne  devait  pas 
jouir  du  fruit  de  ses  violences  et  de 
çon  mensonge;  peu  de  temps  après 
son  retout  à  Constantinople,  une  af- 
freuse maladie  l'emporta. 

bepàs  donné  aux  offigiebs  pab 
bélisaibe;  adhibable  discipline 
DE  l'abmée:  clémence  du  vain- 
QUEUB  ;  les  if ubs  de  cabthage.  -^ 
A  l'heure  du  repas,  Bélisaire  se  rendit 
avec  ses  officiers  dans  la  salle  où  Gé- 
limer recevait  à  sa  table  les  person- 
nages les  plus  illustres  de  sa  nation. 
Les  mets  que  l'on  servit  alors  au  gé- 
néral de  Justinien  et  à  ses  compagnons 
d'armes  avaient  été  préparés  la  veille 

f)our  le  roi  des  Vandales.  Ce  furent 
es  serviteurs  de  Gélimer  qui  appor- 
tèrent à  ces  hôtes  inattendus  le  pain 
et  les  viandes,  et  qui  versèrent  le  vin 
dans  les  coupes.  Ce  spectacle  frappa 
vivement  les  convives,  et  tous,  comme 
Procope,  durent  songer  plus  d'une 
fois,  pendant  le  repas,  à  l'instabilité 
des  choses  humaines. 

Bans  ce  jour,  au  milieu  même  de 
l'enivrement  du  triomphe,  nulle  vio- 
lence ne  ternit  la  gloire  du  vainqueur. 
Un  ordre  parfait  régna  parmi  les  trou- 
pes. Quand  les  soldats  romains  se 
rendaient  maîtres  d'une  ville,  ils  avaient 
coutume,  suivant  leur  propre  témoi- 
gnage, de  piller  et  de  se  livrer  à  de 
grands  excès.  Cette  fois,  ils  se  contin- 
rent. Le  général,  par  son  caractère, 
avait  pris  sur  ses  troupes  un  tel  ascen- 
dant, que  nul  n'osa  enfreindre  ses 
ordres.  Il  n'y  eut  pas  à  Carthage  une 
seule  violence;  on  n'entendit  pas  même 
proférer  une  menace.  Les  affaires  du 
commerce  ne  furent  pas  interrompues, 
et  les  boutiques  restèrent  ouvertes. 
Tous  les  vivres  fournis  aux  troupes 
furent  payés.  Puis,  quand  les  officiers 


AFRIQUE.  57 

chargés  de  préparer  les  logements  de 
l'armée  eurent  dressé  leurs  listes,  cha- 
que soldat  se  retira,. sans  tumulte, 
pour  se  reposer,  dans  la  maison  qui 
lui  av^it  été  désignée. 

Un  des  premiers  soins  de  Bélisaire 
fut  de  rassurer  les  Vandales  qui  s'é- 
taient réfugiés  dans  les  églises;  il  jura 
qu'il  ne  leur  serait  fait  aucun  mal. 
Ensuite,  il  songea  à  réparer  les  forti- 
fications de  Carthage.  Le  mur  d'en- 
ceinte, mal  entretenu,  s'était  écroulé 
en  plusieurs  endroits,  et,  par  ses  brè- 
ches, il  offrait  à  l'ennemi  un  facile 
passage.  Suivant  les  Carthaginois,  c'é- 
tait à  cause  du  mauvais  état  des  for- 
tifications que  Gélimer  ne  s'était  pas 
jeté  dans  leur  ville.  Il  savait  bien,  di- 
saient-ils, que  derrière  nos  faibles  mu- 
railles il  ne  pourrait  repousser  long- 
temps les  attaques  de  ses  ennemis. 
Bélisaire  voulut  se  montrer  plus  pré- 
voyant que  Gélimer,  et  il  se  hâta  de 
mettre  la  ville  en  état  der  soutenir  un 
long  siège. 

LEGENDES  EJYIEILLBSTBADITIONS 
BAPPOBTÉES  PAB  PBOCOPE.  — -  L'ap- 

parition  subite,  sur  les  côtes  d'Afri- 
que, de  l'armée  impériale,  la  marche 
heureuse  et  rapide  de  Bélisaire,  cette 
révolution  enfin  qui  avait  enlevé,  en 
quelques  jours ,  un  trône  à  GéUmer, 
et  aux  Vandales  une  conquête  achetée 
par  un  demi-siècle  de  fatigues  et  de 
combats,  firent  sur  les  masses  une 
vive  et  profonde  impression.  L'imagi- 
nation était  frappée  de  ces  caprices 
inattendus  et  mystérieux  de  la  fortune, 
et,  par  un  penchant  naturel,  vain- 
queurs et  vaincus  cherchèrent  à  re- 
trouver, dans  le  passé ,  les  signes  qui 
avaient  annoncé  les  événements  qui 
venaient  de  s'accomplir. 

Depuis  longtemps,  à  Carthage,  les 
enfants  avaient  coutume  de  répéter 
dans  leurs  jeux  :  «  Le  G  chassera  le  B, 
et,  à  son  tour,  le  B  chassera  le  G.  » 
Ces  mots,  qui  n'avaient  aucun  sens  en 
apparence,  dirent  les  Grecs  après  leur 
victoire,  renfermaient  pourtant  une 
prophétie;  car  ils  indiquaient  claire- 
ment que  Genséric  avait  chassé  Boni- 
face,  et  que,  plus  tard,  Bé^sairede- 
vait  chasser  Gélimer. 


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« 


Les  catholiques,  à  leur  tour,  trou- 
vèrent, ddhs  le  Irfomphe  des  troupes 
de  Justinien ,  Pexplicatidn  d^une  mer-^ 
veilleuse  vision  qui  les  [préoccupait 
depuis  longtemps.  Jadis,  ils  avaient 
élevé,  sur  le  rivage,  une  magnifiaud 
église  à  Cyprien,  le  plus  illustre  des 
évé<|ue8  de  Garthage.  Là,  ils  célé- 
braient, chaque  année,  en  grande 
pompe,  une  fête  que,  du  nom  du  saint, 
on  appelait  Cyprienne.  Au  temps  du 
roi  Ëiméric,  cette  église  fut  enlevée 
aux  vrais  croyants  et  donnée  aux 
ariens.  La  tristesse  des  catholiques 
fut  grande.  Cependant  une  vision  cé- 
leste vint  les  consoler.  Cyprien  apparut 
en  6onge  à  plusieurs  fidèles,  et  leur 
dit  :  «  Prenez  courage;  viendra  un  jour 
où  je  me  vengerai.  »  Les  parolesdu  saint 
se  répandirent  rapidement  en  Afrique. 
Les  catholiques,  pendant  un  demi- 
siècle,  ne  cessèrent  d'espérer;  seule- 
ment ils  se  demandaient  :  «  Quand 
verrons-nous  donc  luire  ce  jour  de  la 
vengeance?»*  Enfin  Bélisaire  narut. 
On  était  arrivé  à  la  veille  de  la  léte  de 
saint  Cyprifen ,  lorsque  les  Vandales  et 
Ammatis  se  rendirent  à  Décimuml 
Lés  prêtres  ariens  faisaient  alors  pour 
h  solennité  annuelle  de  grands  apprêts. 
Ils  avaient  suspendu  aux  murs  de  l'é- 
glise festons  et  guirlandes,  placé  leurs 
filus  beaux  lustres,  et  tiré  enfin  de 
eur  trésor  leurs  plus  riches  ornements. 
Tout  à  coup,  on  vint  leur  apprendre 
que  le  frère  du  roi  était  tuÂ,  et  que  les 
Grecs  étaient  vainqueurs.  ïls  se  sau- 
vèrent à  cette  nouvelle,  et  les  catholi- 
ques se  mirent  en  possession  de  l'église 
de  Saint-Cyprien.  Ce  furent  eux,  cette 
année,  qui,  allumant  daus  le  sanc- 
tuaire d'innombrables  lumières,  célé- 
brèrent, suivant  leur  rite,  la  fête  de 
celui  qui  depuis  si  longtemps  avait 
promis  de  les  secourir  et  dfe  les  venger. 

Les  Vandales,  enfin ,  se  souvinrent, 
au  moment  de  leurs  désastres,  des  pa* 
rôles  qui  avaient  été  prononcées,  dans 
une  circonstance  solennelle,  par  un 
vieillard  de  leur  nation.  Il  y  avait  un 
siècle  et  plus,  qu'au  temps  de  leur 
émigration,  ils  avaient  laisse  une  partie 
des  leurs  dans  la  Germanie.  Ceux  qui 
if  avaient  point  voulu  s'associer  au  roi 


L'UN|[yERS. 

Godigiscle .  trouvèrent  aisément,  après 
te  départ  de  leurs  fVéres,  de  quof  si 
nourrir  sur  leurs  propres  terres  et  sur 
celles  qui  avaient  été  abandonnées. 
Plus  tard,  Genséric  fit  la  conquête  de 
l'Afrique.  Les  Vandales  de  la  Germanie 
éprouvèrent  alors  une  grande  joie. 
(cependant  il  leur  vint  eif  pensée  que 
les  victoires  des  compagnons  de  Gen- 
séric pourraient  être  suivies  de  revers, 
et  que  peut-être  un  jour  les  émigrants 
reviendraient  dans  leurs  anciens  éta- 
blissements. Or,  ils  savaient  bien  que 
les  cantons  qu'ils  occupaient  n'étaient 
pas  assez  vastes  ni  assez  fertiles  pour 
nourrir  ce  surcroît  de  population,  et 
qu'ils  auraient  à  souffrir,  comme  au- 
trefois, les  horreurs  de  la  famine.  Pour 
se  mettre  en  mesure,  en  quelque  sorte, 
contre  l'avenir,  ils  envoyèrent  des  dé- 
putés à  Genséric.  Ils  ne  s'étaient 
considérés  jusque-là  que  comme  les 
fermiers  des  terres  abandonnées  par 
les  conquérants  de  l'Afrique,  et  ils 
voulaient  dorénavant  les  posséder  à 
titre  définitif.  Arrivés  à  Carthage  et 
admis  en  présence  du  roi,  les  députés 
félicitèrent  Genséric  sur  ses  glorieux 
succès;  puis  ils  lui  dirent  :  «  Puisque 
tu  possèdes  en  Afrique  une  grande  et 
fertile  contrée,  les  terres  que  tu  as  lais- 
sées en  Europe  te  sont  inutiles.  Donne- 
les  en  toute  propriété  aux  hommes  de 
ta  race  qui  vivent  en  Germanie.  Si  tu 
accueilles  notre  demande,  nous  se- 
rons, plus  qu'autrefois,  intéressés  à 
défendre  jusqu'à  la  mort  notre  pays, 
ton  ancienne  patrie.  »  Genséric  et  les 
chefs  vandales  qui  l'entouraient  écou» 
tèrent  lek  députés  a^ec  faveur.  Déjà  le 
roi  allait  prendre  un  solennel  engage- 
ment, lorsqu'un  vieillard  illustre  dans 
la  nation ,  par  la  noblesse  de  sa  raM 
et  par  sa  prudence,  se  leva,  et  dit  : 
«  Les  choses  humaines  sont  de  leur 
nature  incertaines  et  périssables;  ce 
qui  nous -paraît  improbable  peut  ar- 
river un  jour.  Qui  oserait  nous  assurai» 
que  nous  serons  toujours  maîtres  de 
1  Afrique,  et  que  nous  ne  serons  point 
forcés,  dans  un  avenir  que  nul  ne  peut 
déterminer,  d'abandonner  notre  con- 
quête et  de  retourner  dans  nos  an- 
ciennes demeures  de  la  Germanie?  » 


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AFRIQUE. 

Frappé  car  ces  paroles,  Genséric  chan- 
gea #avis,  et  ri*accùeillît  point  la  de- 
mande des  députés.  On  se  moqua  Sors 
du  roi  et  de  celui  qui  l'avait  conseillé. 
Mais,  plus  tard,  au  temps  de  Bâi- 
saire,  là  nouvelle  génération  des  Van- 
dales se  souvint,  au  moment  de  ses 
revers,  des  paroles  du  vieillard,  et  les 
trouva  pleines  de  sagesse. 

GÉLTMER    StlRYEllLB    À   DISTANCE 

l'armée  grecque;  action  glo- 
rieuse DE  DIOGÈNE  ET  DE  VÏKGT- 
DBUX  CAVALIERS.  —  Gélimer  se  te- 
nait à  une  assez  grande  distance  de 
Carthage  ;  cependant  il  surveillait  avec 
soin  son  ennemi.  Il  avait  envoyé  dans 
toutes  les  campagnes  des  émissaires 
qui  devaient  exciter  la  population  afri- 
caine, par  Tappât  du  gain,  à  se  lever 
en  arntes,  et  à  défendre,  contre  les 
trounes  impériales,  la  domination  des 
Vandales.  Il  fit  promettre  une  somme 
d'argent  à  quiconque  apporterait  à  son 
damp  la  tête  d'un  soldat  grec.  Les 
Africains  n'hésitèrent  point  :  ils  se  mi- 
rent en  embuscade ,  et  s'emparèrent  de 
tous  ceux  qui  sortaient  de  Carthase 
pour  piller  dans  les  campagnes  avm- 
sinantes.  Parmi  les  prisonniers,  lés 
esclaves  et  les  valets  étaient  plus  nom- 
breux que  les  soldats.  Les  paysans  ne 
mettaient  pas  entre  eux  de  différence; 
ils  les  tuaient  indistinctement,  et  se 
hâtaient  de  porter  les  têtes  à  Gélimer. 
Le  roi  les  payait  largement ,  et  se  ré- 
jouissait de  se  défaire  ainsi ,  sans  daB- 
ger  pour  lui  et  pour  les  Vandales  qui 
raccompagnaient,  des  soldats  de  Bé- 
lisaire.  • 

Ces  meurtres  répétés  et  les  dispo» 
sitions  hostiles  des  Africains  durent 
frapper  et  inquiéter  le  chef  de  l'armée 
impériale.  Il  envoya  un  jour  à  la  dé- 
couverte Diogène,  ofGcier  de  sa  garde, 
avec  vingt-deux  cavaliers^  La  petite 
troupe  s'avança  dans  le  pays,  et  ne 
s'arrêta  que  dans  un  village  qui  était 
situé  à  deux  journées  de  marche  de 
Carthage.  Les  habitants  auraient  bien 
voulu  tuer  les  Grecs;  mais  ils  n'osaient 
attaquer  vingt -deux  soldats  armés  de 
toutes,  pièces,  qui  auraient  fait,  sans 
doute^  bonne  résistance,  et  les  auraient 
peut-être  exterminés  eux-mêmes.  Ils 


59 


pensèrent  qu'i]  était  plus  sage  «l'avertir 
Géfimer.  Le  roi  se 'réjouit  fort  de  î'oc- 


n  qui  lui  était  offerte  de  prendre 
,  ci'u         "  *~  .      . 


casion  ( 

ainsi,  d'un  seul  coup,  un  ofBcier  des 
gardes  et  vingt-deux  soldats  d'élite.  Il 
fit  partir  au  galop  trois  cents  cavalierisj 
vandales,  leur  recommandant,  avant 
tout,  de  nui  amener  vivants  Dipgène 
et  ses  compagnons.  Ceux-ci  étaient 
loin  de  soupçonner  rapproche  de  l'en- 
nemi. Ils  avaient  fait  choix,  pour 
passer  la  nuit,  d'une  vaitte  maison. 
Après  ai^ir  laissé  leurs  chevaux  dans 
la  cour,  ils  étaient  montés  à  l'étage 
supérieur  pour  se  livrer  au  repos.  Les 
Vandales  arrivèrent  enfin.  La  nuit  était 
profonde,  et  tojjt  semblait  les  favori- 
ser; mais  au  moment  décisif  la  réso- 
lution leur  manqua.  Ils  né  voulurent 
point  briser  les  portes  et  pénétrer  dans 
la  maison  avant  le  jour;  ils  craignaient 
de  s'entre-tuer  dans  un  engagement 
nocturne ,  ou  au  moins  de  fournir  aux 
Grecs  les  moyens  de  s'é<îhapper.  C'é- 
tait la  peur,  (lit  Procope ,  qui  leur  dip- 
tait  ces  pensé^-s;  car  rien  n'eût  été 
simple  et  facile  comme  de  se  rendre 
maître  de  Diogène  et  de  ses  compa- 
gnons, en  pénétrant  dans  la  maison 
avec  des  flambeaux,  et  même  san^ 
flambeaux,  puisque  ceux  que  l'on  vou- 
lait surprendre  s'étaient  couchés  après 
avoir  quitté  leurs  armes  et  leurs  vê- 
tements. Les  Vandales  ne  montrèrent 
pas  tant  de  hardiesse;  ils  se  bornè- 
rent, en  attendant  le  jour,  à  placer  des 
sentinelles  autour  de  la  maison,  et  un 
gros  de  cavaliers  devant  chaque  porte. 
Il  arriva,  par  hasard,  qu'un  soldat  grec 
se  réveilla  pendant  la  nuit.  Le  mouve- 
ment qui  se  faisait  au  dehors  le 
frappa;  il  se  leva  et  prêta  une  oreilte 
attentive.  Des  armes  quî  se  choquèrent 
et  des  mots  prononcés  à  voix  basse  ne 
lui  laissèrent  bientôt  aucun  doute  sur 
les  projets  des  Vandales.  Alors  il  rê- 
veille  prudemment  et  sans  bruit  ses 
compagnons*,  et  leur  fait  connaître  le 
danger  qui  les  menace.  De  l'avis  de 
Diogène,  tous  s'empressèrent  de  se 
couvrir  de  leurs  vêtements  et  de  leurs 
armures,  et  d'abandonner  la  partie  de 
la  maison  qu'ils  occupaient.  Quand  ils 
furent  dans  la  cour,  ils  s'élancèrent  ^iir 


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60 


L'UNIVERS. 


leurs  chevaux.  Jusqu'alors,  nul  ne  s'é- 
tait présenté  pour  les  combattre.  Ils 
restèrent  quelque  temps  immobile^  ; 
puis,  tout  à  coup,  ils  ouvrirent  la  porte 
et  se  précipitèrent  au  dehors.  Les 
Vandales,  qui  se  tenaient  sur  leurs 
gardes,  voulurent  les  repoUSser;  mais 
les  Grecs,  protégés  par  leurs  boucliers 
et  frappant  à  coups  de  lance  tous  ceux 
qu'ils  rencontraient,  traversèrent  les 
rangs  ennemis,  et  coururent  vers  Car- 
thage  de  toute  la  vitesse  de  leurs  che- 
vaux. Ce  fut  ainsi  que  Diogène  sauva 
d*une  perte  certaine,  à  Texception  de 
deux,  les  soldats  qui  lui  avaient  été 
confiés.  Cependant  il  faillit  payer  de 
sa  vie  son  audace  et  sa  généreuse  ré- 
solution. Il  avait  eu  un  doigt  coupé 
dans  Faction,  et,  de  plus,  il  avait  reçu 
au  cou  et  au  visage  trois  graves  bles- 
sures. 

BSLISAIBE  BÉPABE  LES  FOBTTFI- 
GATIONS  DE  GABTHAGE.  —  LcS  dis- 
positions chancelantes  ou  hostiles  des 
habitants  de  la  campasse,  et  la  der- 
nière tentative  des  Vandales  pour  s'em- 
parer de  Diogène  et  de  ses  cavaliers, 
inspirèrent  à  Bélisaire  des  craintes  sé- 
rieuses. Il  pensa  que  l'inaction  de 
Gélimer  n'était  qu'apparente,  et  il  se 
hâta  de  prendre,  a  Carthage,  toutes  les 
mesures  qui  pouvaient  le  garantir  d'un 
coup  de  main.  Il  rassembla  de  nom- 
breux ouvriers  auxquels  il  promit  une 
bonne  paye ,  flt  creuser  autour  de  la 
ville  des  fossés  larges  et  profonds,  re- 
leva la  partie  des  murailles  c[ui  était 
tombée,  et  raffermit  celle  qui  mena- 
çait ruine.  Les  travaux  furent  conduits 
et  achevés  avec  une  merveilleuse  rapi- 
dité, et,  en  peu  de  jours,  Bélisaire  se 
trouva  à  l'abri  de  toutes  les  attaques. 

LES  VANDALES  EN  SABDAIGNE  ;  BÉ- 
SULTAT  DE  LEUB  EXPÉDITION. —Au 

moment  même  où  Gélimer  ,  abandon- 
nant aux  Grecs  sa  capitale,  fuyait  dans 
le  désert ,  Tzazon  triomphait  en  Sar- 
daigne  ;  il  était  parti,  comme  on  l'a  vu, 
avec  cinq  mille  soldats ,  Félite  de  l'ar- 
mée vandale.  Après  une  heureuse  tra- 
versée ,  la  flotte  envoyée  par  Gélimer 
arriva  en  vue  de  Caralis,  la  place  la 
plus  importante  de  rîle.  Tzazon  l'at- 
taqua brusquement  et  s'en  empara. 


Godas  ne  put  résister  et  fut  tué.  Oa 
viirt  alors  apprendre  au  vamqueur, 
mais  sans  rien  ajouter  à  cette  nouvelle, 
qu'une  flotte  impériale  avait  touché 
les  côtes  de  l'Afrique.  Tzazon  ne  s'in- 
quiéta point  ;  il  croyait  que  Gélimer 
repousserait  facilement  les  agresseurs 
et ,  dans  cette  pensée ,  il  lui  écrivit  la 
lettre  suivante  :  «  Roi  des  Vandales 
et  des  Alains ,  j'ai  pris  Godas  et  je  Tai 
tué  ;  j'ai  replacé  la  Sardaigne  sous  ton 
obéissance;  célèbre  ma  victoire  par 
des  fêtes.  On  m'a  dit  que  les  Grecs , 
nos  ennemis,  avaient  osé  mettre  le 
pied  sur  notre  territoire.  Crois-moi , 
ils  éprouveront  le  même  sort  que  ceux 
qui  jadis  ont  attaqué  nos  pères.  »  Les 
messagers  qui  devaient  remettre  au 
roi  la  lettre  de  Tzazon  s'embarquè- 
rent et  vinrent ,  sans  défiance ,  abor- 
der au  port  de  Carthage.  Ils  furent 
saisis,  a  leur  arrivée,  et  conduits  à 
Bélisaire  :  ils  livrèrent  la  lettre  qu'ils 
portaient  et  donnèrent  tous  les  rensei- 
gnements qu'on  leur  demanda.  Quand 
on  les  arrêta  leur  frayeur  fut  extrême. 
A  la  vue  des  Grecs ,  ils  demeurèrent 
frappés  d'étonnement  et  ils  cherchè- 
rent ,  en  vain ,  à  se  rendre  compte  de 
la  brusque  révolution  qui  venait  de 
s'accomplir.  Le  général ,  par  ses  pa- 
roles et  ses  bons  traitements,  ne  tarda 
pas  à  les  rassurer. 

LES  AMBASSADEUBS  DE  OBLIMSH 
EN  ESPAGNE  ;  LEUB  ENTBEYUE  AYKG 
LE  BOI  THEUDIS  ;  LEUB  MÉPBISE  ;  ILS 
TOMBENT  AU  POUVOIB  DE  BÉLISAIBS; 
COUBBIEB  ENVOYÉr  A  JUSTINIEN. 

Une  circonstance  imprévue  vint  en- 
core fournir  à  Bélisaire ,  sur  la  situa- 
tion des  Vandales ,  de  nouveaux  ren- 
seignements. Gélimer  avait  bien  com- 
pris ,  après  la  déposition  de  Hildéric  , 
que  son  pouvoir  n'était  point  solide- 
ment assis ,  et  que  pendant  longtemps 
il  aurait  à  défendre  sa  couronne  con- 
tre de  nombreux  ennemis.  Il  voulut 
alors  se  ménager  des  auxiliaires  pour 
l'avenir  et ,  dans  ce  but ,  comme  il  ne 
pouvait  se  tourner  ni  vers  l'Orient ,  ni 
vers  l'Italie ,  il  rechercha  l'alliance  des 
maîtres  de  l'Espagne.  Il  s'adressa  donc 
à  Theudis,  roi  des  Wisigoths.  Les  ano-  ' 
bassadeurs  envoyés  par  Gélimer  se 


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mirent  en  marche,  traversèrent  le 
détroit  de  Gadès,  et  touchèrent  les 
côtes  de  l'Espagne  sans  avoir  appris 
l'arrivée  de  Bélisaire  en  Afrique  et  les 
succès  de  Tarmée  de  Justinien.  Ils  s'a- 
vancèrent ,  à  petites  journées ,  dans 
rintérieur  des  terres ,  pour  voir  Theu- 
dis  et  pour  s'acquitter,  auprès  de  lui, 
de  leur  mission.  Le  roi  des  Wisigoths 
savait  déjà ,  quand  ils  se  présentèrent, 

3ue  Cartilage  n'était  plus  au  pouvoir 
e  Gélimer.  Le  Jour  même  où  la  ville 
avait  été  occupée  par  les  Grecs,  un 
vaisseau  chargé  de  marchandises  avait 
quitté  lé  Mandracium  et ,  favorisé  par 
le  vent ,  était  arrivé  en  peu  de  temp3 
en  Espagne.  Ce  furent  les  passagers 
qui  apportèrent  la  nouvelle  des  succès 
obtenus  par  les  troupes  impériales. 
Theudis  recommanda  aux  gens  de  l'é- 
quipage ,  et  à  tous  les  marchands,  de 
garder  le  silence  sur  les  événements 
qui  s'étaient  accomplis  en  Afrique; 

Euis  ,  il  se  disposa  à  recevoir  les  am- 
assadeurs  de  Gélimer.  Quand  ils  fu- 
rent en  sa  présence,  il  leur  fit  bon 
accueil  et  les  invita  même  à  un  grand 
ban(|uet.  Pendant  le  ref)as ,  au  miKeu 
des  joyeux  propos,  le  roi  s'adressa  aux 
ambassadeurs ,  et  leur  dit  :  «  Que  font 
maintenant  Gélimer  et  les  Vandales  ? 
Votre  royaume  est-il  toujours  floris- 
sant? —  Tout  va  pour  le  mieux,  ré- 
pondit alors  Gotthée ,  l'un  des  ambas- 
sadeurs. —  Mais  enfin ,  reprit  Theu- 
dis, que  venez-vous  me  proposer?  — 
Gélimer ,  repartirent  les  Vandales , 
t'offre  son  amitié  ^  et  il  désire  con- 
tracter avec  toi  une  sincère  alliance.  » 
Le  foi  se  prit  à  rire  :  «  Retournez  à 
la  côte,  dit-il  aux  ambassadeurs ,  et  là 
vous  apprendrez  ce  qui  se  fait  en  Afri- 

2  ne.  »  Les  Vandales  se  levèrent  de  ta- 
ie sans  trop  se  soucier  des  paroles 
Su'ils  avaient  entendues.  Tbeudis,  sans 
oute,  avait  beaucoup  bu  pendant  le 
repas ,  et  ils  pensèrent  qu'il  était  ivre. 
Ils  revinrent  donc  le  lendemain  au- 
près du  roi  ;  mais ,  comme  la  veille , 
il  répondit  à  leurs  propositions  par 
des  railleries.  Dès  lors  l'inquiétude  se 
glissa  dans  leur  esprit  et  ils  commen- 
cèrent à  croire  qu'une  révolution  avait 
éclaté  en  Afrique  après  leur  départ. 


AFRIQUE.  61 

Cependant  ils  étaient  loin  de  supposer 
que  Carthage  eût  cessé  d'appartenir 
aux  Vandales.  Ils  suivirent  le  conseil 
qu'on  leur  avait  donné ,  et  ils  se  diri- 
gèrent vers  la  côte.  Là,  ils  s'embar- 
quèrent pour  rapporter  à  Gélimer  les 
paroles  au  roi  des  Wisigoths.  Au  mo- 
ment où  ils  mettaient  le  pied  sur  le 
rivage  de  l'Afrique ,  ils  furent  envi- 
ronnés par  des  soldats  grecs  qui  les 
conduisirent  à  Bélisaire.  Le  général 
se  plut  à  leur  faire  raconter  au  long 
leur  voyage  et  leur  entrevue  avec  Theu- 
dis, et,  lorsqu'ils  eurent  achevé,  il  or- 
donna qu'on  les  mît  en  liberté. 

Vers  ce  temps  on  vit  entrer  dans  le 
port  de  Carthage  Cyrille  et  les  soldats 
qu'il  commandait.  Il  avait  été  envoyé 
par  Justinien  au  secours  de  Godas  ; 
mais ,  au  moment  où  il  approchait  de 
la  Sardaigne,  il  apprit  la  victoire  de 
Tzazon  :  dès  lors  il  renonça  à  se  diri- 

§er  sur  l'île  et  il  se  mit  à  la  recherche 
e  Bélisaire.  Ce  fut  dans  les  murs  de 
Carthage  qu'il  le  rencontra.  Le  géné- 
ral, après  tant  d'événements  heureux, 
résolut  d'envoyer  un  de  ses  officiers  à 
Constantinople,  et  il  choisit  Salomon 
pour  porter  à  Justinien  la  nouvelle  de 
ses  premiers  succès. 

LESMAUBES;  LEUBSDISPOSITlOlfS. 

—  La  plaine  de  BuUa  où  se  tenait 
Gélimer  était  située  à  quatre  journées 
de  marche  de  Carthage  ,  non  loin  des 
frontières  de  la  !Numidie.  Là  étaient 
accourus  auprès  du  roi  et  de  ses  guer- 
riers un  certain  nombre  de  Maures 
attirés  par  l'appât  du  gain  et  des  aven- 
tures. C'étaient  des  hommes  qui  ap- 
partenaient à  plusieurs  tribus ,  et  qui 
s'étaient  rendus  de  différents  lieux  et 
sans  chefs  au  camp  des  Vandales.  En 
effet,  la  masse  de  la  nation  restait  in- 
décise et  flottante;  cependant,  comme 
elle  prévoyait  la  ruine  de  GéHmer,  elle 
pencnait  déjà  du  côté  des  Grecs.  Les 
chefs  des  tribus  qui  habitaient  la  Mau- 
ritanie, la  Numidie  et  la  Byzacène, 
s'étaient  même  avancés  jusqu'à  faire 
des  promesses  à  Bélisaire  ;  ils  lui  avaient 
envoyé  des  ambassadeurs  pour  lui  dire 
qu'ils  étaient  prêts  à  reconnaître  la 
suprématie  de  l'empereur,  et  plusieurs, 
s'il  faut  en  croire  Prooope,  avaient 


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63 


L'UNIVERS. 


livré,  en  témoignage  de  leur  sincérité, 
leurs  enfants  comme  otages.  Seulement 
ils  demandaient  qu'à  son  tour  le  re- 
l^résentent  de  Justinien  voulût  bien 
reconnaître  leurs  titres  et  leur  donner 
Tinvestiture  suivant  la  forme  accou- 
tumée. Au  temps  de  la  domination  ro- 
maine ,  nul  ne  se  déclarait  chef  de  tribu 
qu'il  n'eût  reçu  de  l'empereur  les  in- 
signes du  commandement.  Les  rois 
Tandàles  s'étaient  conformés  à  l'ancien 
usagé;  mais  les  Maures  ne  regardaient 
,  Boint  comme  légitime  l'investiture  con- 
férée par  les  usurpateurs  de  la  puis- 
sance impériale.  Bélisaire  s'empressa 
d'accueillir  la  demande  qui  lui  était 
adressée.  Il  envoya  à  chacun  des  chefs 
des  tribus  maures  une  baguette  d'ar- 
sent  doré ,  un  bonnet  d'argent  fait  en 
torme  de  couronne ,  un  manteau  blanc 
qu'une  agrafe  d'or  attachait  sur  l'é- 

Ïiaule  droite ,  une  tunique  qui,  sur  un 
ond  blanc,  offrait  des  dessins  taries, 
enfin  des  chaussures  travaillées  avec 
un  tissu  d'or.  Il  joignit  à  ces  orne* 
ments  qui  étaient  le  signe  matériel  du 
l^uvoir  suprême ,  de  grosses  sommes 
d'argent.  Cependant  les  tribus  ne  se 
déclarèrent  point  encore.  Elles  n'en- 
voyèrent point  aux  Grecs  des  troupes 
auxiliaires  ;  mais  d'un  autre  côté,  elles 
n'aidèrent  pas  les  Vandales.  Elles  at- 
tendaient,  au  repos  et  en  observant , 
qu'entre  Justinien  et  Gélimer  la  tbr- 
ttine  se  fù|  prononcée  d'une  manière 
irrévocable. 

tbistesse  et  découbaoelf  ent  ds 
géliheb;  sa.  lsttbe  a  tzazon.  — 
Gelimer  ne  se  faisait  point  illusion 
sur  les  dangers  de  sa  position.  L'es- 
pérance même  du  succès  semblait  l'a- 
voir abandonné.  Il  fit  porter  en  Sar- 
daigne,  à  son  frère  Tzazon,  une  lettre 
qui  trahissait  ses  impressions  :  «  Ce 
n'est  point  Godas ,  disait-il ,  mais  une 
maligne  influence  qui  nOus  a  arraché 
la  Sardaigne.  L'inspiration  qui  t'a  en- 
levé à  l'Afrique  avec  Télite  de  nos 
guerriers  venait  d'une  puissance  cé- 
leste, mais  qui  nous  est  ennemie, 
puisque,  en  nous  privant  ainsi  de 
toutes,  nos  ressources ,  elle  a  presque 
anéanti  la  maison  de  Genaértc. /Bi 
n'es  point  parti  pour  soumettre  la 


Sardaigne,  mais  pour  donner  à  Justi- 
nien le  temps  de  conquérir  l'Afrique. 
Les  événements  qui  viennent  de  s'ac- 
complir ont  dévoilé  à  tous  les  yeux  les 
desseins  de  la  forUme.  Bélisafre  n'est 
arrivé  sur  nos  terres  qu'avec  des  trou- 
pes peu  nombreuses,  et  cependant  il 
nous  a  vaincus.  Les  Vandales  ont 
perdu  tout  courage,  et  désornoais  ils 
ne  peuvent  compter  sur  le  succès. 
AmmatasetGibamund  sont  morts  par 
la  lâcheté  de  leurs  soldats.  L'ennemi 
est  maître  de  nos  ports,  de  nos  arse- 
naux, de  nos  agrès ,  de  nos  chevaux , 
de  Cartbage,  enfin  de  l'Afrique  en- 
tière. Rien  ne  peut  tirer  les  Vandales 
de  l'engourdissement  et  de  la  stupeur 
où  ils  sont  plongés  ;  ils  semblent  igno- 
rer outils  compromettent  ainsi,  par 
leur  nonteuse  conduite ,  leurs  biens  et 
la  liberté  de  leurs  femm^  et  de  leurs 
enfants,  Nous  n'avons  plus  rien  en 
notre  puissance  que  la  plaine  de 
BuUa.  C'est  là  que  nous  nous  mainte- 
nons ,  dans  l'espérance  que  toi  et  ies 
tiens  vous  ne  tarderez  pas  à  venir  à 
notre  secours.  Hâte-toi  ;  vole  sur  les 
eaux  avec  toute  ta  flotte;  ne  songq 
plus  désormais  à  renverser  le  tyran  et 
a  replacer  la  Sardaigne  sous  nos  lois. 
Ce  n'est  plus  contre  cette  île,  mais 
contre  Bélisaire,  qu'il  faut  diriger  nos 
coups.  Unissons  nos  forces  et  mar- 
chons à  l'ennemi  :  désormais  nous  de- 
vons vaincre  ou  supporter,  en  cooi- 
mun ,  le  poids  de  nos  désastres.  » 

TZAZON  QUITTE  LA  SABDAIGNE  ;  II. 
ABBIVE  AU  CAMP  DE  BULLA  ;  SON 
BNTBEYUE  AVEC  GELIMEB.  —  Après 

avoir  reçu,  au  port  de  Caraiis,  la 
lettre  de  Gélimer,  Tzazon  réunit  les 
Vandales  et  leur  apprit  les  nouvelles 
gu'on  lui  avait  apportées.  Toute  l'ar- 
mée fut  alors  en  proie  à  une  vive  dou- 
leur. Les  soldats  n'osaient  montrer 
en  public  leur  tristesse  et  leurs  larmes. 
Ils  cherchaient  à  dérober  leurs  impres- 
sions aux  habitants  de  l'Ile ,  et  ce  n'é- 
tait qu'entre  eux,  et  à  Técart,  qu'ils 
s'interrogeaient  sur  le  coup  terrible 
qui  les  avait  frappés  et  qu'ils  gémis- 
saient sur  leurs  infortunes.  Après 
avoir  pris  à  la  hâte  quelques  mesures  , 
qui  pouvaient  assurer  la  tranquillité 


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AFBIQUE. 


éè 


é;t  îa  soumisâoD  de  Ttlé ,  Tzazon  or- 
donna aux  troupes  de  monter  sur  la 
flotte  et  il  fit  voile  pour  rAfrique.  II 
arriva ,  le  troisième  jour,  sur  le  point 
de  la  côte  où  l'on  rencontre  les  fron- 
tières de  la  Numidie  et  de  la  Maurita- 
nie. C'est  de  là  qu'il  s'avança  à  mar- 
che forcée  vers  la  plaine  de  Bulla. 
Quand  le  roi  et  son  frère  furent  en 

{)résence,  ifs  se  précipitèrent  l'un  vers 
'autre,  s'embrassèrent  et  confondi- 
rent sans  prononcer  une  seule  parole, 
leurs  larmes  et  leurs  sanglots.  Les  sol- 
dats qui  revenaient  de  la  Sardaigne  et 
ceux  qui  étaient  restés  en  Afrique  se 
mêlèrent  et ,  eux  aussi ,  en  se  retrou^ 
vant,  donnèrent  les  marques  de  là 
plus  violente'  affliction.  Oo  ne  parlait 
dans  le  jcainp  »  ni*  de  Godas ,  ni ,  de 
Béifsaîre.  On  ne  chercliait  point  à  Vé- 
élairer  par  de  mutuelles  questions,  ca^ 
fcjiacjue  soldat  craignait  qcie  ses  mal- 
heurs ne  fussent  encore  plus  grands 
?[u'il  ne  Tarait  ima^in^.  Cette  scène 
ut  déchrt-aiùfi^èt'elle  fit  éprouver 
penqant  longtemps  à  ceux  qui  la  vi- 
rent ,  et  rtriéme  aux  ennemis  des  Van- 
dales qui  l'entendirent  raconter,  une 
vive  et  profonde  émotion. 

GÉLTMEB   ET  TZAZON   SE   PÛBTENt 

suB  gabthage;  on  gonspibe  dans 

LA  YILLE  CONTfiE  LES  GBECS  *,  UAU- 
TAISES   DISPOSITIONS  DES    SOLDATS 

HUNS.  —  Quand  Gélimer  se  vit  entou- 
ré de  Tzazon  et  de  tous  les  guerriers 
de  jsa  nation  ,  il  quitta  la  plaine  de 
Bulla  et  marcha  sur  Carthage.  Il  plaça 
son  camp  non  loin  de  la  ville ,  pour 
attirer  Bélisaire  au  combat.  Il  avait 
aussi  coupé  l'immense  et  bel  aqueduc 
qui  de  l'intérieur  des  terres  condui-r 
sait  à  Carthage  Teau  qui  servait  ani 
besoins  de  la  population  (*);  mais  Bé- 
lisaire resta  dans  l'inaction  et  n'es- 
saya point  de  repousser  Gélimer.  Alors 
ie  roi  des  Vandales  leva  son  camp 
et  divisa  son  armée  :  il  envoya  une 
troupe  sur  chacune  des  routes  qui  con- 
duisaieht  à  Carthage,  et  il  crut  dès 
lors  qu'il  avait  assez  fait  pour  privéi* 
son  ennemi  assiégé  de  toute  commu- 

(*)  Voy.  danâ  ce  volume  :  Histoire  de  Càr^ 
thage;  topographie;  p.  z4S. 


nication  et  de  tontes  ressources.  Soit 
pour  ménager  et  gagner  à  sa  cause  les 
Habitants  de  la  campagne ,  soit  q^u'ii 
persistât  à  regarder  le  territoire  ou  il 
s'était  arrêté  comme  son  bien  et  celui 
de  sa  nation ,  il  le  préserva  avec  grand 
^oin  du  pillage  et  de  la  dévastation. 
D'ailleurs,  l'espérance  commençait  à 
renaître  en  lui  ;  il  entretenait  des  in- 
telligences à  Carthage,  et  il  supposait 
que  non-seulement  les  Carthaginois; 
mais  encore  les  soldats  ariens  qui  ser- 
vaient dânsT l^rmée  grecque,  lui  livTe- 
raient  la  place  j)ar^  trahison.  Puis  il 
Vivait  étudié,'  par  ses  émissaires,  les 
dispositions  de  la  troupe  des  Huns,  et 
Il  avait  excité  les  barbares,  par  des 
bromesses  et  sans  doute  aussi  par  de 
fargent,  à  s'unir  avec  lui  et  à  venir 
dans  son  camp.  Les  Huns,  en  effet,  ne 
servaient  l'empereur  qu'à  regret,  et* 
ils  se  plaignaient  hautement  d'un  offi«> 
cier  nommé  Pierre ,  qui  avait  employé 
un  honteux  mensonge  pour  les  tirer  de 
Constantinople  et  pour  les  amener  en 
Afrique.  Ils  écoutèrent  donc  les  pro- 
positions de  Gélimer,  et  ils  allèrent 
jusqu'à  promettre  qu'au  jour  de  la  ba- 
taille ils  passeraient  d.ins  les  rangs  des 
Vandales.  Ce  furent  des  transfuges  oui 
dévoilèrent  à  Bélisaire  les  projets  des 
Huns.Dès  lors  il  résolut  de  ne  pomt  mar- 
cher à  la  rencontre  de  l'ennemi  avant 
d'avoir  pris  toutes  les  mesures  qui 
pouvaient  lui  conserver,  même  pendant 
une  longue  expédition,  la  possession 
de  Carthage.  D'autre  part,  quelques 
citoyens  s'étaient  aussi  mis  en  rapport 
avec  Gélimer.  L'un  d'entre  eux,  Lau- 
rus,  fut  dénoncé  par  son  secrétaire.  Sa 
trahison  était  manifeste,  et  Bélisaire 
le  fit  pendre  au  sommet  d'une  colline 
qui  avoisinait  la  ville.  Cette  exécution 
effraya  tous  les  autres ,  et  nul  désor- 
mais* ne  songea  à  conspirer. 

Mais  il  importait  surtout  au  géné- 
ral de  ramener  les  Huns.  Il  les  accabla 
de  présents ,  les  admit  à  sa  table,  et, 
à  force  de  prévenances,  il  parvint  à 
tirer  d'eux-mêmes  le  secret  de  toutes 
leurs  relations  avec  Gélimer.  «  Mous 
ne  te  cacherons  point,  lui  dirent  les 
barbares ,  que  nous  sommes  mal  dis- 
posés au  combat.  I^ous  craignons  que 


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64 


L'UNIVERS. 


les  Romains,  après  leur  victoire,  re- 
fusent de  nous  ramener  à  Constanti- 
nopie,  et  qu'ils  nous  laissent  vieillir  et 
mourir  sur  la  terre  d'Afrique.  Qui, 
d'ailleurs,  nous  garantit  que  Ton  ne 
nous  enlèvera  pas  le  butin  que  nous 
avons  fait?  —  Moi ,  répondit  Bélisaire, 
et  je  vous  jure  que  si  vous  nous  aidez 
a  vaincre  les  Vandales ,  je  vous  ren- 
verrai à  vos  demeures  avec  une  large 
part  des  dépouilles  de  l'ennemi.  »  Les 
Huns  s'engagèrent  une  seconde  fois  à 
servir  dans  1  armée  avec  zèle  et  cou- 
rage. 

bélisàibe  se  dispose  à  quittefi 
gabthage;  il  adresse  aux  tbou- 
PES  une  pboclamation.  —  Au  mo- 
ment où  Bélisaire  cessa  de  craindre  les 
trahisons,  et  quand  il  eut  achevé  de 
fortifier  Carthage,  il  se  décida  à  sortir 
pour  marcher  à  l'ennemi.  Avant  le 
départ,  il  fit  lire  aux  soldats  rassem- 
blés la  proclamation  suivante  :  <^  Vous 
avez  gagné  par  une  récente  victoire 
Carthage  et  toute  l'Afrique.  Désormais 
mes  paroles  seront  moins  puissantes 
pour  exciter  votre  courage  que  le  sou- 
venir de  vos  succès  passés.  Aujour- 
d'hui ,  je  ne  vous  dirai  qu'une  chose  : 
c'est  que  du  même  coup,  si  vous  êtes 
braves,  vous  enlèverez  tout  espoir  aux 
Vandales,  e\  vous  mettrez  fin  à  la 
guerre.  Vous  trouverez  pendant  l'ac- 
tion un  secours  que  vous  n'avez  point 
rencontré  dans  vos  premiers  combats. 
La  cavalerie  seule  jusqu'ici  a  lutté 
contre  l'ennemi  :  cette  fois,  l'infanterie 
prendra  part  à  la  bataille,  et  les  défen- 
seurs de  Gélimer  auront  à  soutenir  le 
choc  et  les  efforts  de  l'armée  entière. 
On  vous  a  dit  que  les  Vandales,  à  la 
seule  idée  que  vous  étiez  maîtres  de  • 
leurs  femmes,  de  leurs  enfants  et  de 
leurs  biens  les  plus  précieux,  sentiraient 
doubler  leur  courage.  Ne  vous  laissez 
point  tromper;  leur  rage  sera  grande, 
peut-être  ;  mais  elle  les  aveuglera.  Sou- 
venez-vous de  mes  paroles.  Ayons  bon 
espoir,  et  marchons  hardiment  à  l'en- 
nemi. » 

départ   de    l'armée;   disposi- 
tions DE  bélisaire;  les  huns; 

LES  BOMAINS  ET  LES  VANDALES  SONT 

BN  PRÉSENCE.  —  Après  ccttc  procla- 


mation, Bélisaire  fit  partir  toute  la 
cavalerie ,  à  l'exception  de  cinq  cents 
hommes  qu'il  retint  auprès  de  lui.  Il 
avait  confié  le  corps  d'élite  et  le  dra- 
peau à  Jean  l'Arménien,  en  lui  reconn- 
mandant  de  ne  point  reculer  devant  les 
combats  d'escarmouche  ;  puis  lui-même 
se  mit  en  marche,  le  lendemain,  avec 
les  cinq  cents  cavaliers  qui  étaient  res- 
tés à  Cartilage  et  toute  son  infanterie. 
Les  Huns  accompagnaient  aussi  les 
Grecs;  mais  ils  avaient  tenu  conseil 
entre  eux„et,  après  avoir  pesé  les  pro- 
messes de  Gélimer  et  celles  de  Béli- 
saire, ils  avaient  pris  la  résolution  de 
rester  neutres  au  commencement  de  la 
bataille,  pour  se  tourner  ensuite,  quand 
la  fortune  aurait  prononcé,  du  coté  de 
l'armée  victorieuse. 

Les  Romains  rencontrèrent  les  Van- 
dales campés  à  cent  quarante  stades  de 
Carthage,  à  Tricamara  (*).  Comme  on 
était  à  la  fin  du  jour,  ils  s'arrêtèrent, 
à  une  certaine  distance  de  l'ennemi, 
pour*  passer  la  nuit.  Là,  dans  leurs 
retranchements,  au  milieu  des  ténè- 
bres, une  chose  vint  frapper  leurs  re- 
gards :  le  fer  des  lances  brillait  d'un 
vif  éclat,  et  Ton  eût  dit  qu'il  portait 
une  flamme.  Les  soldats  cherchèrent 
en  vain  à  se  rendre  compte  de  ce  pro- 
dige; seulement,  après  la  bataille,  ils 
n'hésitèrent  point  a  prononcer  que  ce 
feu  qu'ils  avaient  aperçu  pendant  la 
nuit,  et  qui  leur  avait' inspiré  alors 
quelque  frayeur*  était  un  sûr  présage 
de  la  victoire. 

GÉLIMEB  Et  TZAZON  ESSAIENT  BB 
BANIMEB  LE  COUBAGE  DES  VANDA- 
LES; PRÉPABATIFS  DANS  LES  DEUX 
ARMÉES  ;  OBDBE  DE  BATAILLE.  —  L.e 

lendemain  du  jour  où  avait  paru  la 
cavalerie  romaine,  Gi§limer  prit  ses 
dernières  mesures.  Il  voulut  que,  pen- 
dant le  combat,  on  laissât  dans  le 
camp  les  femmes,  les  enfants,  avec  Tor 
et  l'argent  que  les  Vandales  avaient  pu 

(*)  et  Tricamara  devait  être  à  8  lieiies 
ail  sud -ouest  de  Carthage.  »  Recherches 
sur  l'histoire  de  C Afrique  septentrionale  , 
etc, ,  par  une  commission  de  rAcadémie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  tome  !,. 
p.  104. 


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fiaaver  ;  puis  il  rassembla  ses  soldats  et 
les  exhorta  à  bien  combattre.  Tzazon, 

3ui  exerçait  sur  les  troupes  revenues 
e  la  Sardaigue  un  grand  ascendant, 
joignit  ses  prières  à  celles  de  son  frère, 
et  il  adressa  à  ses  compagnons  d'armes 
une  pressante  allocution.  Puis,  Tarmée 
entière  s'ébranla,  et  se  dirigea,  en  ba- 
taille, ver^  les  Romains,  qui  se  dispo- 
saient alors  à  prendre  leur  repas. 
L'alerte  fut  vive  parmi  les  troupes  im- 
périales; elles  saisirent  rapidement 
leurs  armes,  et  se  disposèrent,  en  un 
Instant,  à  recevoir  l'ennemi.  Un  faible 
ruisseau  coulait  entre  les  deux  armées. 
Les  Vandales  ne  le  traversèrent  point, 
et  s'arrêtèrent  à  quelaue  distance  de  sa 
rive.  Les  Romains,  cle  leur  côté,  arri- 
vèrent sur  l'autre  bord,  et,  à  leur 
tour,  ils  6rent  balte.  Les  deux  armées 
étaient  rangées  en  bataille  dans  Tordre 
suivant  :  la  gauche  des  troupes  impé- 
riales était  commandée  par  Martm, 
Yalérien,  Jean,  Cyprien,  Althias  et 
Marcellus;  la  droite,  par  Papous,  Bar- 
batus  et  Aigan  ;  Jean  l'Arménien  s'é- 
tait placé  au  centre  avec  la  cavalerie 
d'élite,  les  gardes  de  Bélisaire  et  le 
drapeau.  Le  général  en  chef  lui-même 
arriva,  en  temps  opportun,  avec  cinq 
cents  cavaliers;  il  avait  devancé,  pour 
diriger  le  combat,  son  infanterie,  qui, 
à  son  gré,  marchait  avec  trop  de  len- 
teur. Les  Huns  se  tenaient  a  l'écart, 
de  manière  cependant  à  tout  observer. 
Ils  avaient  refusé  de  prendre  place  à 
côté  des  autres  troupes,  alléguant, 
pour  ne  point  éveiller  les  soupçons, 
que  c'était  la  coutume  des  guerriers  de 
leur  nation  de  se  porter  pendant  l'ac- 
tion où  bon  leur  semblait,  sans  se 
conformer  aux  mouvements  des  corps 
réguliers.  Du  côté  des  Vandales ,  la 

§aucbe  et  la  droite  étaient  confiées  à 
es  cbiliarques;  Tzazon,  le  frère  du 
roi,  se  tenait  au  centre;  les  Maures, 
dont  les  dispositions  étaient  chance- 
lantes, formaient  une  espèce  d'ar- 
rière-çarde.  Quant  à  Gélimer,  il  par- 
courait les  rangs  à  cheval,  et  ex- 
hortait ses  soldats  à  se  comporter 
avec  bravoure;  il  leur  recommanda 
expressément  de  ne  point  user  pen- 
dant le  combat  des  armes  de  trait,  et 


AFRIQUE.  65 

de  ne  frapper  Tennerai  qu'avec  Tépée. 

LÀ.  BATAILLE  ;  MOBT  DE  TZAZON. 

—  Les  deux  armées  s'observèrent  pen- 
dant quelques  instants  sans  faire  un 
mouvement;  enfin  Jean  l'Arménien 
passa  le  ruisseau  avec  un  petit  nombre 
de  cavaliers,  et  se  présenta  sur  le 
front  de  l'eniiemi.  Tzazon  se  détacha 
alors  avec  un  corps  de  Vandales,  et  se 
mit  en  devoir  de  repousser  les  Grecs; 
mais  ceux-ci  battirent  en  retraite  et 
repassèrent  le  ruisseau.  Les  Vandales 
n'osèrent  le  traverser,  et,  arrivés  sur 
le  bord,  ils  cessèrent  la  poursuite. 
Les  cavaliers  grecs  revinrent  à  la 
charge  avec  un  renfort;  mais  cette  fois 
encore  ils  furent  obligés  de  se  retirer 
et  de  se  replier  sur  l'armée.  Enfin 
Jean,  bien  décidé  à  ne  plus  reculer, 
marcha  à  Tennemi  pour  la  troisième 
fois  avec  toute  la  garde  de  Bélisaire 
et  le  drapeau.  La  troupe,  en  s'élan- 
çaht ,  poussa  de  grands  cris.  Les  Van- 
dales soutinrent  le  choc  et  reçurent 
les  assaillants  à  coups  d'épée.  On  se 
battit  avec  courage,  et  bientôt  on  vit 
tomber  les  plus  braves  guerriers  des 
deux  troupes,  et  parmi  eux  Tzazon,  le 
frère  du  roi.  Cette  mort  décida  du 
sort  des  Vandales.  Ceux  qui  avaient 
lutté  avec  tant  de  valeur  contre  les 
meilleurs  cavaliers  de  l'armée  impé- 
riale étaient  sans  doute  les  soldats  re- 
venus de  Sardaigne,  les  vainqueurs  de 
Godas.  Quand  ils  eurent  perdu  le  chef 
qui  les  animait  par  son  exemple,  le 
aésespoir  les  gagna ,  et  le  désordre  se 
mit  (fans  leurs  rangs.  Ce  mouvement 
n'échappa  point  à  Bélisaire,  qui  fît 
sonner  la  charge  et  lança  toute  sa  ca- 
valerie au  delà  du  ruisseau.  C'était  au 
centre  que  se  trouvait  la  principale 
force  de  Gélimer.  Au  moment  où  les 
troupes  commandées  par  Tzazon  com- 
mencèrent à  plier,  les  soldats  placés 
aux  deux  ailes  abandonnèrent  leurs 
rangs  et  prirent  la  fuite.  La  bataille 
était  gagnée.  Ce  fut  alors  gue  les  Huns, 
qui  pendant  l'action  s'étaient  tenus  au 
repos,  s'ébranlèrent,  et  se  mirent  à  la 
poursuite  des  fuyards.  Le  succès  les 
avait  tirés  d'incertitude,  et  après  la 
victoire  ils  n'hésitèrent  plus  à  se  rat- 
tacher à  Bélisaire.  Les  Vandales  rega- 


6*  Livraison.  (Hist.  des  Vandales.) 


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L'UNIVERS. 


gnèrent  leur  camp,  et  là  ils  purent  se 
^reposer  quelques  instants  sans  être 
inquiétés.  La  cavalerie  impériale,  qui 
n'était  point  en  mesure  de  les  forcer 
dans  leurs  retranchements,  se  répandit 
dans  la  campagne  pour  dépouiller  les 
morts.  Huit  cents  Vandales  environ 
étaient  tombés  sous  le  fer  ennemi  ;  les 
Romains  n'avaient  i>erdu  que  cinquante 
hommes,  qui  tous,  il  faut  le  supposer, 
avaient  été  frappés  sur  les  bords  du  ruis- 
seau ,  au  moment  où  Tzazon  soutenait 
encore  les  efforts  de  Jean  l'Arménien. 

FUITE  HONTlBUSX  DE  GBLIMEB;  DÉ- 
BOUTE; BÉLISAIRE  BNTBE  DANS  LE 
GAHP  DES  vandales;  L'ABMÉE  IK- 
PÉBIALE   FAIT  UN  BICHE   BUTIN.— 

Quand ,  vers  le  soir,  Bélisaire  eut  été 
rejoint  par  son  infanterie,  il  marcha, 
sans  plus  tarder,  sur  le  camp  des  Van- 
dales. Gélimer  ne  l'attendit  point;  il 
f)rit  avec  lui  quelques  serviteurs  fidè- 
es,  sauta  à  cheval,  et  se  sauva,  à 
rinsu  de  ses  troupes  et  sans  laisser 
d'ordre,  vers  la  Numidie.  Sa  fuite  de- 
meura cachée  jusqu'au  moment  où 
chefs  et  soldats  l'appelèrent  pour  lui 
montrer  l'ennemi  qui  approchait,  et 
pour  lui  demander  ses  conseils  et  ses 
ordres;  puis,  quand  les  Vandales  se 
virent  abandonnés ,  leur  désespoir  fut 
sans  bornes,  et  ils  poursuivirent  de 
leurs  imprécations  le  lâche  qui ,  après 
avoir  attiré  sur  l' Afrique  l'invasion 
étrangère  et  tous  les  maux  de  la  guerre, 
sacrifiait  à  sa  sûreté  personnelle  la  vie 
d'un  peuple  entier  qui  s'était  armé  pour 
sa  défense.  Les  femmes  et  les  enfants, 
rassemblés  dans  le  camp,  poussaient 
des  cris  qui  venaient  encore  amollir 
l'âme  des  guerriers  et  augmenter  la 
confusion.  Bientôt  une  foule  immense 
s'échappa  de  l'enceinte  retranchée  par 
toutes  les  issues,  et  se  dispersa  dans 
toutes  les  directions.  Mais  aéjà  il  était 
trop  tard ,  et  les  Romains  étaient  ar- 
rivés. Après  avoir  pris  possession  du 
camp,  et  des  richesses  que  Gélimer  et 
les  siens  y  avaient  entassées,  ils  s'élan- 
cèrent à  la  poursuite  des  fuyards  et 
les  massacrèrent  sans  pitié.  Les  scènes 
de  violence  et  de  carnage  se  prolon- 
gèrent pendant  toute  une  nuit.  Les 
femmes  et  les  enfants  n'échappèrent  à 


la  mort  que  pour  servir,  comme  es- 
claves, aux  caprices  et  à  la  brutalité 
des  vainqueurs. 

Au  témoignage  des  Byzantins,  rien 
ne  pouvait  donner  une  idée  des  ri- 
chesses accumulées  dans  ie  camp  des 
Vandales.  Là,  en  effet,  se  trouvait 
déposé  le  fruit  d'un  brigandage  qui 
avait  duré  un  siècle  sans  interruption  ; 
on  y  voyait  les  dépouilles  de  tous  les 
pays.  L^Espagne ,  la  Gaule ,  l'Italie , 
la  Grèce ,  les  fies  de  la  Méditerranée , 
et  môme  l'Asie ,  avaient  été  visitées , 

Sillées  et  ravagées  tour  à  tour  par  les 
ottes  qui  sortaient  des  ports  de  Car- 
thage.  On  eût  dit ,  depuis  les  premiers 
succès  des  Vandales,  que  l'Afrique 
était  destinée  à  recevoir,  pour  ne  plus 
les  rendre,  les  trésors  du  monde  en- 
tier. Contre  toutes  les  prévisions  de 
la  sagesse  humaine ,  une  seule  bataille, 
qui  ne  coûta  pas  au  vainqueur  cin- 
quante soldats ,  fit  passer  de  Carthage 
a  Constantinople  les  monceaux  d'or  et 
d'argent  que  la  fortune  elle  -  même  ' 
semblait  avoir  pris  soin  d'assurer  pour 
toujours  aux  héritiers  des  compagnons 
de  Genséric. 

DBSOBDBE  APBÎES  LA  VIOTOIBB  ; 
CBAINTES  DE  BBLISAIBE  ;  SES  SOL- 
DATS   LE    BEJOIGNENT  ET   BBPBEN^ 

NENT  LEUBs  BANOS.  —  BéHsairc 
passa  la  nuit  qui  suivit  sa  victoire 
dans  d'inexprimables  angoisses.  Son 
armée,  si  longtemps  contenue  dans 
Tordre  et  la  ^lus  sévère  discipline, 
venait  de  lui  échapper  et  de  s'expo- 
ser ,  par  son  aveugle  emportement , 
à  pnérir  tout  entière.  Dans  l'enivre- 
ment du  succès ,  les  soldats  mettant 
en  oubli  les  conseils  de  la  prudence, 
et  n'obéissant  plus  à  la  voix  de  leur 
chef,  avaient  rompu  les  rangs  et  s'é- 
taient précipités ,  cavaliers  et  fantas- 


sins mêlés,  à  la  poursuite  des  ennemis; 
bientôt  ils  s'étaient  disséminés  sur  une 
vaste  étendue  de  pays.  Chacun  d*eux , 
sans  se  soucier  de  la  présence  des  au- 
tres ,  s'engageait  résolument  dans  les 
bois ,  et  pénétrait  dans  les  cavernes 
où  les  Vandales  avaient  pu  cacher 
leurs  femmes  et  leurs  trésors.  Si  le 
cœur  n'eût  point  manqué  à  ceux  qui 
fuyaient,  s'ils  avaient  songé  à  se  re- 


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tourner  brusquement ,  les  troupes  im- 
périales eussent  été  anéanties.  Béli- 
saire  qui  seul ,  après  la  victoire ,  avait 
conservé  du  calme,  se  porta  sur  tous 
les  points ,  et  pendant  cette  nuit ,  qui 
lui  parut  bien  longue ,  il  chercha,  bar 
les  prières  ou  par  les  menaces,  à  rallier 
ses  soldats;  mais  nul  ne  réfjondit  à 
son  appel.  Au  point  du  jour  il  se  re- 
tira sur  une  éminence.  Ce  fut  alors 
seulement  que  les  troupes  commencè- 
rent à  le  rejoindre  et  à  se  ranger  au- 
tour de  lui  ;  mais  avant  de  se  remet- 
tre, en  mouvement  elles  envoyèrent, 
sous  bonne  escorte ,  leur  butin  à  Car- 
thage.  Gélimer  perdit  ainsi,  par  jsa 
lâcheté,  ses  dernières  espérances  avec 
sa  dernière  armée.  Il  avait  livré  bataille 
vers  le  quinzième  jour  de  décembre  de 
Tannée  533.  Trois  mois ,  suivant  Pro- 
cope,  s'étaient  écoulés  depuis  l'instant 
où  Bélisaire  avait  pris  possession  de 
Carthage  (*). 

DOUGEUB  DE  BÉLISAIBE  À  l'BGÀBD 
DES  VAINCUS  ;  SES  HESUBES  ;  GÉLI- 
HEB  EST  POUBSUIYI.— Tous  leS  SOl- 

dats  ne  revinrent  pas  au  camp  avec  le 
jour  ;  pendant  longtemos  Béhsaire  fut 
obligé  de  parcourir  à  cneval  les  lieux 
qui  avoisinaient  le  point  du  ralliement 
pour  ramener  les  traînards.  Quand, 
au  milieu  de  ses  courses,  il  rencon- 
trait des  Vanaales ,  il  les  rassurait  et 
leur  jurait  qu'il  ne  leur  serait  fait  au- 
cun mal ,  seulement  il  les  désarmait 
et  les  envoyait  à  Carthage.  Il  avait 
jdonné  ordre  de  les  recevoir  et  de  les 
bien  traiter  à  ceux  qui  gardaient  la  ville 
pendant  son  absence.  Il  prit  soin  éga- 
lement de  faire  sortir  des  églises  Tes 
vaincus  qui  s'y  étaient  précipités  en 
foule  comme  dans  un  asile  inviolable. 
Il  promit  la  vie  sauve  à  ceux  qui  dé- 
poseraient les  armes  et  qui  se  soumet- 
traient à  la  surveillance  des  officiers 
impériaux.  Quand ,  par  ces  sages  me- 
sures ,  il  eut  mis  les  Vandales  dans 
l'impuissance  d^  tenter  un  nouveau 

0)  Procop.  de  Bel.  randoL,  n,  3.  Le 
passage  que  nous  signalons  ici  établit  clai- 
rement que  les  Grecs  entrèrent  à  Carthage, 
comme  nous  Favons  dit  plus  haut,  vers  le 
milieu  du  mois  de  septembre. 


AFÎIÎQUE.  «7 

mouvement  et  de  lai  nuire ,  il  songea 
enfin  à'  se  rendre  maître  de  la  perr 
sonne  de  Gélimcf' 

Déjà  deux  cents  cavaliers,  comman* 
dés  par  Jean  l'Arménien,  s'étaient 
lances  sur  les  traces  du  roi,  qui 
fuyait  rapidement  vers  la  Numidie;  ils 
avaient  ordre  de  courir  jour  et  nuit , 
et  de  ne  s'arrêter  qu'au  moment  où 
ils  auraient  en  leur  pouvoir,  vivant 
ou  mort,  celui  qu'ils  poursuivaient. 
Bélisaire  s'avançait,  de  son  côté,  avec 
toute  son  armée  pour  seconder  Jean 
rArménien.  Les  cavaliers  grecs  mi- 
rent tant  d'ardeur  dans  la  poursuite , 
qu'après  cinq  jours  d'une  course  non 
interrompue ,  ils  atteignirent  presque 
la  troupe  qui  fuyait,  et  purent  calcu- 
ler les  heures  qui  devaient  s'écouler 
jusqu'à  l'instant  où  Gélimer  serait  leur 
prisonnier;  mais  un  événement  im- 
prévu les  arrêta  et  sauva  le  roi  des 
Vandales. 

MOBT  DB  JBAN  L'ABMÉNIEN  ;  GÉr 
tlHEB   ÉCHAPPE   AUX   VAINQUEUBS. 

— Parmi  les  compagnons  de  Jean  l'Ar- 
ménien se  trouvait  un  officier  des  gar- 
des, Uliaris,  dont  il  a  déjà  été  fait 
mention  dans  ce  récit  (*).  C'était  un 
homme  d'une  force  prodigieuse ,  d'une 
grande  bravoure ,  mais  peu  réglé  dans 
ses  mœurs  et  trop  ami  des  plaisirs  et 
du  vin.  Dans  la  nuit  qui  précéda  le 
sixième  jour  de  la  poursuite ,  il  pro- 
fita ,  sans  doute  pour  boire  largement, 
de  l*un  des  rares  et  courts  repos  que 
prenaient  les  chevaux  et  les  cavaliers, 
car ,  au  lever  du  soleil ,  il  était  com- 
plètement ivre.  11  aperçut  alors  un  oi- 
seau perché  sur  un  arbre  ;  il  s'arrêta 
pour  le  tuer;  il  banda  son  arc,  mit 
une  flèche  sur  la  corde ,  et  lança  son 
trait.  Mais  sa  main  tremblait  et  sa 
vue  était  troublée;  la  flèche,  mal  diri- 
gée ,  s'écarta  de  l'arbre  et  de  l'oiseau 
et  vint  frapper  à  la  tête  Jean  l'Armé- 
nien. Ce  brave  officier  était  blessé  à 
mort.  Les  soldats  se  précipitèrent  pour 
le  recevoir  dans  leurs  bras,  et,  jus- 
qu'à son  dernier  soupir,  ils  lui  prodi- 
guèrent leurs  consolations  et  leurs 
soins  au  milieu  des  manifestations  de 


(*)  Voy.  plus  haut ,  p.  54. 


6. 


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68 


L'UNIVERS- 


la  plus  vive  douleur.  Jean  ne  s'était 

{)oint  seulement  fait  admirer  dans 
*armée  par  son  brillant  courage,  mais 
encore  il  avait  gagné  Taffection  de 
tous  ses  compagnons  d'armes  par  sa 
douceur  et  son  affabilité.  Sa  mort 
causa  de  profonds  regrets  à  Bélisaire, 
è  Justinien,  et  même  aux  habitants 
de  l'Afrique ,  qui ,  depuis  son  arrivée, 
avaient  pu  apprécier  son  amour  de  la 
justice  et  sa  modération. 

Les  cavaliers  avaient  donc  cessé  de 
poursuivre  Gélimer,  et  ils  s'étaient 
rassemblés  autour  de  leur  chef  expi- 
rant, puis  ils  lui  avaient  rendu  les 
derniers  honneurs.  Ils  ne  voulurent 
point  alors  se  porter  en  avant  ou  re- 
venir sur  leurs  pas ,  sans  avoir  reçu 
d'ordres ,  et  ils  firent  connaître  à  Bé- 
lisaire la  mort  de  Jean  l'Arménien.  A 
cette  triste  nouvelle ,  le  général  con- 
fia l'armée  à  ses  lieutenants  et  se  diri- 
gea en  toute  hâte  vers  le  lieu  où  était 
tombé  le  plus  brave  de  ses  officiers. 
Il  retrouva  ses  cavaliers  plongés  dans 
la  tristesse;  lui-même,  après  s'être 
approché  du  tertre  qui  recouvrait  la 
dépouille  de  Jean ,  ne  put  retenir  ses 
sanglots  et  ses  larmes;  il  voulut  alors 
qu'en  cet  endroit  on  élevât  un  riche 
tombeau.  Après  avoir  donné  cours  à 
sa  douleur,  il  songea  à  punir  le  meur- 
trier. Le  malheureux  Uliaris  n'avait 
pas  tardé  à  recouvrer  sa  raison.  Il 
avait  à  peine  lancé  le  trait  que  le  mou- 
vement ,  les  injures ,  les  menaces  et 
les  cris  de  ses  compagnons  l'avaient 
tiré  de  son  ivresse.  Quand  il  put 
connaître  l'étendue  et  la  gravité  de  sa 
faute,  il  prit  la  fuite  et  se  réfugia 
dans  réglise  la  plus  voisine.  Bélisaire 
s'apprêtait  à  tirer  vengeance  du  meur- 
tre ,  lorsque  les  cavaliers  l'environnè- 
rent et  lui  dirent  :  «  Notre  chef,  en 
mourant,  nous  a  fait  promettre  par 
serment  de  ne  point  châtier  Uliaris , 
qui  n'a  été  coupable  que  par  impru- 
dence; pardonne-lui  comme  nous  lui 
avons  pardonné.  »  Bélisaire  qui ,  pour 
des  fautes  moindres  ^  s'était  toujours 
montré  inexorable ,  ne  dut  céder  qu'à 
regret  à  la  prière  des  cavaliers  ;  mais 
enfin  il  fit  grâce  à  Uliaris,  en  souvenir 
de  Jean  l'Arménien. 


BÉLISÀIBE  SB  BEND  MÂITBE  D  HIP- 
PONE  ;  GÉLIMEB  SE  BÉFUGIE  SUB  LB 
UOTUt  PÂPPUÀ  ;  IL  EST  ASSIÉGÉ  PÀ  A 
FABAET  LE  GOBPS  DES  HÉBULES.  — 

Dès  lors  l'armée  grecque  ne  pouvait 
espérer  d'atteindre  à  la  course  et  de 
prendre  Gélimer;  cependant  Bélisaire 
ne  renonça  pas  à  le  suivre,  et  il  arriva 
bientôt  à  Hippone  (*),  qui  était  située 
à  dix  iournées  démarche  de  Garthage. 
Là ,  il  apprit  que  le  roi  des  Vandales 
s'était  rais  en  sûreté  en  se  retirant  sur 
le  Pappua ,  montagne  élevée  et  d'un 
difficile  accès.  Les  Maures  qui  habi- 
taient le  pays  étaient  alliés  de  Géli- 
mer, et  ils  s'étaient  empressés  de  lui 
ouvrir ,  ainsi  qu'aux  hommes  de  son 
escorte,  leur  ville  de  Midenos  (**).  On 
était  en  plein  hiver ,  et  Bélisaire  ne 
voulait  point,  pendant  la  mauvaise 
saison,  s'engager  dans  les  montagnes 
avec  toute  son  armée.  D'autre  part, 
il  ne  pouvait  rester  plus  longtemps 
éloigné  de  Garthage ,  le  centre  de  sa 
nouvelle  conquête.  Il  choisit  donc  un 
certain  nombre  de  soldats  armés  à  la 
légère  et  habitués  aux  combats  d'es- 
carmouche ,  et  il  leur  ordonna  de  se 
placer  sur  tous  les  chemins  qui  con- 
duisaient à  Midenos.  Gampés  au  pied 
de  la  mdntagne,  ils  devaient  surveiller 

(*)  Hippo-Regius,  Voy.  plus  haut,  p.  12. 

i^*)  Midenos  est  le  nom  adopté  par  1  Aca- 
démie des  inscriptions  qui  constate  néan- 
moins, à  Taide  des  variantes  contenues  dans 
rédition  de  Procope ,  publiée  par  Dindorf, 
que  les  manuscrits  offrent  encore  les  deux 
formes  de  Mideos  et  de  Medeos.  Midenos 
était  sans  doute  la  dernière  ville  numide 
du  côté  de  la  Mauritanie.  Elle  était  placée 
à  l'extrémité  occidentale  de  la  chaîne  du 
Pappua ,  rsdough  actuel  Toy.  la  savante 
discussion  de  M.  Bureau  de  la  Malle  dans 
les  Recherches  sur  l'histoire  de  la  partie  de 
t Afrique  septentrionale  connue  sous  le  nom 
de  régence  d'Alger,  etc,  par  une  commis- 
sion de  TÂcadémie  des  inscriptions  et  bel- 
les-lettres ,  1. 1 ,  p.  106  et  suiv.  MM.  Marcus 
etPapencordt  ont  adopté,  en  général,  sans 
les  discuter,  tous  les  résultats  contenus  dans 
les  excellentes  Recherches  que  nous  venons 
de  citer.  Voy.  enfin  Mannert  ;  Géographie 
ancienne  de  l'Afrique  septenL,  traduite  par 
MM.  L.  Marcus  et  Duesberg;  p.  448,  et 
principalemeut  p.  439.  Paris,  184a. 


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AmiQUE. 


6d 


les  mouyements  de  Gélimer ,  Tempe- 
cher  de  fuir ,  et  arrêter  tous  les  con- 
vois. C'était  Tara ,  Hérule  d'origine, 
qui  était  chargé,  avec  les  guerriers  de 
sa  race  «  de  cette  importante  mission. 

LES  TBBSOBS  DE  GÉLIMEB.  —  AU 

moment  où  Tarmée  grecque  s'approcha 
d'Hippone,  les  Vandales  se  précipitè- 
rent en  foule  dans  les  églises.  C'est  là 
qu'ils  attendirent  l'arrêt  du  vainqueur. 
Bélisaire  les  rassura  ;  il  les  envoya 
sous  bonne  escorte  à  Carthage,  où  ils 
devaient  être  réunis  aux  autres  pri- 
sonniers. Ce  fut  à  Hippone  que  le  ha- 
sard mit  au  pouvoir  des  Grecs  les  tré« 
sors  de  Gélimer. 

Parmi  les  serviteurs  du  roi  des  Van- 
dales se  trouvait  un  certain  Boniface. 
Il  était  né  en  Afrique ,  dans  la  By- 
zacène.  Gélimer,  qui  le  savait  dévoué 
à  sa  personne  et  aux  intérêts  de  sa  fa- 
mille, lui  avait  confié ,  au  commence- 
ment de  la  guerre ,  tous  ses  trésors. 
Boniface  les  transporta  sur  un  vais- 
seau ,  puis  il  fit  voile  vers  Hippone. 
De  cette  villp,  il  suivait  tous  les  évé- 
nements de  la  guerre,  se  tenant  prêt, 
en  cas  de  désastre,  à  fuir  en  Espagne 
auprès  du  roi  des  Wisigoths.  C'était 
en  effet  chez  Theudis  que  Gélimer 
comptait  se  réfugier.  Après  le  combat 
de  Tricamara ,  quand  tout  espoir  de 
vaincre  fut  enlevé  aux  Vandales,  Bo- 
niface, pour  se  conformer  aux  ordres 
de  son  maître,  leva  l'ancre,  et  se  diri- 
gea vers  l'Espagne.  Mais  il  avait  à 
peine  atteint  la  pleine  mer,  que  le  vent, 
soufflant  avec  violence,  le  rejeta  dans 
le  port  d'Hippone.  Là ,  il  apprit ,  par 
les  hommes  ae  l'équipage  qu'il  avait 
envoyés  à  terre ,  que  l'ennemi  parais- 
sait. Son  désespoir  fut  grand  a  cette 
nouvelle.  Il  fit  aux  matelots  de  magni- 
fiques promesses;  il  les  pria  et  supplia 
d'éloigner  le  vaisseau  des  côtes  d'Afri- 
que et  de  continuer  le  voyage  malgré 
la  tempête.  On  lui  obéit.  Mais  Téqui- 
page  s^épuisa  en  vains  efforts.  Le  vent 
avait  redoublé  de  violence;  la  mer 
était  bouleversée,  et  les  values  s'éle- 
vaient à  une  hauteur  prodigieuse.  Bo- 
niface céda  enfin  ;  il  se  dirigea  de  nou- 
veau vers  l'Afrique,  et  ce  ne  fut  pas 
sans  peine  qu'il  parvint  à  regagner  la 


côte  et  à  jeter  l'ancre  dans  le  port 
d'Hippone.  Dès  lors,  il  ne  pouvait  es- 
pérer d'échapper  au  vainqueur.  Il  vou- 
lut au  moins  racheter  sa  vie  au  prix 
des  richesses  que  portait  son  vaisseau. 
Il  envoya  dans  la  ville  quelques  hom- 
mes qui ,  à  peine  descendus  à  terre, 
cherchèrent  ref\ige  dans  une  église. 
Ce  fut  de  là  qu'ils  firent  savoir  à  Béli- 
saire qu'ils  étaient  prêts  à  lui  indiquer 
l'endroit  où  se  trouvaient  les  trésors 
de  Gélimer,  s'il  promettait  d'accorder 
la  vie  et  la  liberté  à  Boniface  et  à  ses 
compagnons.  Le  général  accueillit  avec 
joie  cette  proposition,  et  s'empressa 
de  prêter  le  serment  qu'on  lui  avait 
demandé.  Puis,  ses  officiers  s'étant 
rendus  à  bord  du  vaisseau  qui  avait 
été  signalé,  Boniface  remit  aux  mains 
des  Grecs  les  trésors  de  Gélimer. 

BÉLISAIRE  COMPLETE  ET  AGHÈVE 
SA     CONQUÊTE  ;     SES    SUCCÈS  ;     IL 

ECHOUE  Eif  SICILE.  —  De  retour  à 
Carthage ,  dès  les  premiers  jours  de 
l'année  534,  Bélisaire  se  hâta  de  pren- 
dre les  mesures  qui  pouvaient  com- 
pléter et  rendre  durable  la  conquête 
qu'il  avait  accomplie  au  nom  de  rem- 
pereur.  D'abord  ,  il  retint  dans  la  ca- 
pitale de  l'Afrique ,  sous  ses  yeux, 
tous  les  Vandales  qui  étaient  tombés 
en  son  pouvoir ,  et  il  se  prépara  à  les 
envoyer  à  Constantinople  aux  appro- 
ches de  la  belle  saison.  Ensuite,  il 
voulut  que  l'autorité  de  Justinien  fût 
reconnue  dans  toutes  les  terres  que 
Genséric  avait  enlevées  aux  empereurs 
romains.  Il  envoya  Cyrille  en  Sardai- 
gne  avec  un  corps  nombreux,  et,  afin 
que  les  habitants  ne  pussent  révoquer 
en  doute  les  succès  de  l'armée  grecque 
et  la  victoire  de  Tricamara,  le  chei  de 
l'expédition  emportait  avec  lui  la  tête 
de  Tzazon.  Cyrille  devait  aussi  faire 
passer  en  Corse  une  partie  de  ses 
troupes  pour  arracher  cette  tie  aux 
Vandales  et  la  replacer  sous  la  domi- 
nation romaine.  Bélisaire  obtint,  par 
son  lieutenant ,  un  pl^in  succès  dans 
ces  deux  entreprises.  En  même  temps, 
un  officier  appelé  Jean  occupait  -avec 
un  détachement  d'infanterie  Césa- 
rée  n,  en  Mauritanie.  C'était  alors 
(*)  Aujourd'hui  ChercheL  Voy.  sur  ce 


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70 


LTNIVERS. 


une  place  très-importante;  elle  était 
vaste,  bien  peuplée,  et  faisait  par  mer 
un  grand  commerce.  Les  Grecs  s'éten- 
dirent plus-  loin  encore,  et  un  garde  de 
Bélisaire  s'empara  delà  ville  de  Ceuta. 
Cette  dernière  expédition  coïncida  sans 
doute  avec  celle  d'ApoUinarius,  qui 
soumit  les  îles  Baléares.  Apollinarius 
était  né  en  Italie.  Dans  sa  jeunesse,  il 
était  venu  en  Afrique,  où  il  s'était  at- 
taché au  roi  Hilderic.  Quand  les  Van- 
dales mirent  Gélimer  sur  le  trône ,  il 
se  sauva  à  Constantinople  auprès  de 
Justinien.  Il  revint  en  Afrique  avec 
l'armée  impériale,  et  se  fît  remarquer 
par  sa  bravoure  à  la  bataille  de  Trica- 
mara.  Le  général  avait  en  lui  une 
grande  confiance.  Apollinarius  la  jus- 
tifia en  prenant  possession ,  au  nom 
de  Tempereur,  des  îles  Baléares.  Enfin, 
d'un  autre  côté,  à  FOrient,  une  armée 
envovée  par  Bélisaire  et  partie  de 
Carthage,  porta  secours,  dans  la  Tri- 
politaîne,  à  Pudentius  et  à  Tattimouth, 
qui  étaient  attaqués  et  vivement  pres- 
sés par  les  Maures. 

Mais  les  Grecs  échouèrent  en  Sicile. 
Les  soldats  qui  devaient  s'emparer  de 
Liiybée  furent  repoussés  par  les  Goths. 
Bélisaire  adressa  aux  officiers  qui  com- 
mandaient dans  rîle  pour  Atalaric  une 
lettre  pleine  de  reproches  et  de  mena- 
ces. «La  place,  disait-il,  qui  défend 
le  promontoire  de  Liiybée  appartenait 
jadis  aux  Vandales,  et  aujourd'hui,  en 
vertu  de  notre  conquête,  elle  est  de- 
venue la  propriété  de  Tempire.  Vous 
ne  niez  point  qu'elle  ait  été  au  pouvoir 
dé  Gélimer;  pourquoi  refuser  mainte- 
nant de  la  remettre  à  celui  qui  est  le 
vainqueur  et  le  maître  de  Gélimer? 
Jusqu'ici,  il  y  a  eu  entre  nous  paix  et 
alliance  ;  mais  craignez  que  votre  ré- 
cente agression  ne  rompe  les  liens  qui 

point  une  savante  discussion  de  la  commis- 
sion de  TAtadémie  des  inscriptions  et  beUes- 
lettres,  dans  les  Recherches  sur  C Afrique  sep- 
tentrion., etc,  1. 1,  p.  109  et  suiv.—Mannert 
(trad.  par  MM.  MÎareus  et  Duesberg,  p.  494) 
pense. que  Tennis  occupe  aujourd'hui  la 
place  de  l^ancienne  Césàree.  L'Académie  ne 
paraît  point  avoir  connu  ropinioù  de  Man- 
nert  ;  mais  en  réfutant  le  colonel  Lapie,  elle 
a  réfaté  \t  géographe  allemand. 


nous  unissent,  et  ne  rappelle  à  notre 
empereur  vos  anciennes  usurpations. 
Je  déclare  que  si  la  ville  de  Liff  bée  ne 
nous  est  pas  livrée  dans  un  bref  délai, 
j'irai  tous  faire  la  guei^re  en  Sicile, 
et  peut-être  plus  lafn  efieore.  tf  On 
porta  à  Amalasuntha,  nui  gouvernait 
au  nom  de  son  fils  Atalaric,  la  lettre 
de  Bélisaite.  Elle  réttondit  au  eénéral 
de  Justinien  que  la  Sicile  entière  ap- 
partenait aux  Goths,  et  que,  dans  éétte 
île,  Tempire  n'avait  à  ùire  valoir  aucun 
droit.  «Aa  reste,  disait  la  rébie^jé 
suis  disposée  à  trancher  le  débat  par 
la  volé  des  âégociatlons,  €t  à  invoqiiet 
en  notre  faveur  le  témoignage  même 
de  Justinietf.  Ae  te  hâte  done  point 
d'agir  avant  d'avoir  èonna  ta  volonté 
de  ton  mattre.  »  Bélisaire,  en  effet, 
tf}oarnia  son  expédition.  Il  avait  écrit, 
de  son  côté,  à  Tempereur,  et  il  attendit, 
pour  partir,  les  ordres  qui  devaient 
venir  ae  Constantinople. 

l^ABA  BT  SA  TROUPB  BSSÂTBNT  DB 
elUTIB  IB  PAPPUâ;  lis  BeH0TJEIf7; 
SltUATIOH  DB  6BLIMBB  A  MIDENOS. 

— Fara,  eonfime  nous  ratons  dit,  était 
resté  au  pied  du  Pappua  pour  faire  le 
blocus  de  Midenos.  Forcé  d'exercer v 
nuit  et  jour,  sur  toutes  les  routeis  qui 
cbnduisaient  à  la  ville  une  rigonrease 
surveillance  et  d'être  saus  cesse  en 
alerte,  attristé  aussi  par  Tblver,  il  ne 
sot  point  résister  à  l'ennui,  et  il  ré- 
solut de  terminer  la  enerre,  s'il  lé 
pouvait,  par  uii  coup  craudace^  Il  fit 
prendre  une  fois  les  armes  à  toute  sa 
troupe,  et  il  commença  à  gravir  fie 
Pappua  pour  em|)orter  Midènols.  Mais 
les  Maures  s'étaient  aperçus  de  ses 
mouvements;  ils  se  postèrent  sur  les 
hauteurs,  et  quand  Fara  parut,  ils 
l'accablèrent  d  une  grêle  de  pierres  et 
de  traits.  Ils  avaient  pour  eux  l'avan- 
tage du  lieu  ;  et  les  Hérules,  après  avoir 
perdu  cent  dix  hommes,  furent  obligés 
de  regagner  leurs  canbpements.  Dès 
lors,  Fara  ne  songea  plus  è  cravir  la 
montagne;  seulement  il  redoubla  de 
surveillance,  et  prit  toutes  les  mesure^ 
qui  poutaient  amener  promptement 
la  famine  dans  la  ville  assiégée. 

Déjà  la  situation  de  Gélii/ier  était  dé- 
plorable; Il  était  entré  à  Midenos  sm» 


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pro^'sioDS,  traînant  à  sa  suite  les  mal- 
fiearéux  débris  de  sa  famille,  et  un 
nombre  assez  considérable  de  guerriers 
qui  appartenaient  aux  plus  illustres 
ramilles  de  la  nation  yandale.  Tous 
ces  hommes  avaient  pris  à  la  civilisa* 
tion  ce  iiu'elle  avait  cie  plus  énervant, 
et  n'avaient  point  été  endurcis,  comme 
leurs  aïeux,  par  les  fatigues  de  la  guerre 
et  par  les  longues  privations.  La  nou* 
velle  génération  des  Vandales  s'était 
amollie  au  sein  du  luxe  et  des  plaisirs  i 
elle  ne  quittait  les  bains  ou  ses  jardins 
de  plaisance  que  pour  s'asseoir  à  des 
tables  chargées  de  mets  rares  et  ex- 

2uis.  Si  elle  se  livrait  avec  une  sorte 
e  passion  à  l'exercice  de  la  chasse,  on 
la  voyait  souvent  aussi  prendre  place, 
en  robes  tissues  d'or  et  de  soie,  dans 
les  jeux  publics,  au  milieu  des  femmes, 
des  danseurs  et  des  musiciens.  Pour 
cette  génération  habituée  aux  plaisirs 
faciles,  à  l'abondance,  à  toutes  les 
jouissances  d'un  luxe  ef&éné^  le  sé- 
jour de  Midenos  était  affreux,  intolé- 
rable. La  villes  en  effet,  était  exclusif 
vement  peuplée  par  des  Maures,  les 
plus  sobres  des  hommes.  Les  cabanes 
qu'ils  offrirent  au  roi  ne  garantissaient 
ni  du  froid,  ni  des  suffocantes  cha- 
leurs de  l'été.  On  ne  trouvait  point  de 
lits  dans  ces  cabanes;  seulement  les 

S  lus  riches  parmi  les  habitants  éten- 
aient  une  fourrure  sur  le  sol  pour  se 
coucher.  Toutes  les  provisions  amas- 
sées consistaient  uniquement  en  orge 
et  en  blé.  Les  Maures,  dans  leurs 
repas,  employaient  souvent  le  grain 
sans  le  cuire  et  même  sans  le  broyer. 
Ils  ne  buvaient  jamais  de  vin.  La  dure 
nécessité  contraignit  Gélimer  et  les 
compagnons  de  sa  fuite  à  embrasser 
le  genre  de  vie  de  ceux  qui  leur  avaient 
donné  asile;  mais  ce  brusque  change- 
ment dans  leurs  habitudes  les  affligea 
et  les  abattit.  S'il  faut  ajouter  foi  aux 
paroles  de  Procope ,  il  leur  vint  plus 
d'une  fois  en  pensée  qu'après  tout  va- 
lait mieux  mourir  ou  être  esclave, 
que  de  vivre  ainsi  misérablement. 

LËtTBB  DB  FABA.  A  &BLIMEB;  BB- 

POMSE  DB  esLiMBB.  —  Lcs  Maurcs 
de  Midenos,  il  faut  le  croire,  entrete- 
naient des  relations  avec  les  HéruleS| 


AFRIQUE.  71 

ou  bien  encore  parmi  les  Vandales 
plusieurs,  épuisés  par  la  faim  et  les 
privations,  étaient  venus  se  rendre  aux 

assiégeants,  puisque  Fara  connut  bien- 
tôt dans  toute  son  étendue  la  détresse 
du  roi  fugitif  et  de  ceux  qui  Pavaient 
suivi.  Pour  mettre  un  terme  à  ce  blo- 
cus, qui  lui  avait  déjà  causé  tant  de 
fatigue  et  d'ennui ,  et  aussi ,  peut-être, 
par  un  sentiment  de  généreuse  pitié, 
te  lieutenant  de  Bélisaire  écrivit  à 
Gélimer  la  lettre  suivante  :  «  Je  suis 
un  barbare;  je  ne  connais  ni  les  arti- 
fices du  langage  ni  les  ornements  du 
style;  je  t'exprimerai  donc  simple- 
ment, comme  un  homme  ignorant, 
mais  qui  sent  vivement,  toute  ma  pen- 
sée. Pourquoi ,  mon  cher  Gélimer,  t'es- 
tu  précipité  avec  les  tiens  dans  cet 
abîme  de  misères?  Tu  ne  veux  point 
subir  le  joug  du  vainqueur,  et,  sans 
doute,  tu  diras  que  la  liberté  est  par 
elle-même  assez  précieuse  pour  qu'on 
lui  sacrifie  tous  les  autres  tiens.  Mais 
ne  vois-tu  pas  que  pour  nous  échapper 
tu  te  rends  Fesclave  des  Maures,  les 
plus  misérables  des  hommes  ?  Ne  vaut- 
il  pas  mieux  vivre  esclave  dans  l'em- 
pire, que  d'être  le  roi  du  Pappua  et 
des  Maures?  Regarderais-tu  comme 
chose  honteuse  d'être  soumis  au  maître 
de  Bélisaire?  Repousse  loin  de  toi 
cette  pensée  d'orgueil ,  illustre  Géli- 
mer. Nous-mêmes ,  qui  sortons  d'une 
race  illustre,  nous  nous  faisons  gloire 
de  servir  l'empereur.  On  dit  que  Jus- 
tinien  veut  t'accorder  avec  la  dignité 
depatrice  une  place  au  sénat,  et  te 
donner  de  grosses  sommes  d'argent 
avec  de  grandes  propriétés;  on  dît 
aussi  que  Bélisaire  doit  se  rendre  ga- 
rant des  promesses  de  celui  qui  l'en- 
voie. En  cela ,  n'y  a-t-il  donc  rien  qui 
Suisse  te  tenter?  Tu  te  roidis  sans 
oute  contre  la  mauvaise  fortune  dans 
la  pensée  que  tu  ne  saurais,  comme 
homme,  échapper  à  ses  coups.  Mais 
aujourd'hui ,  pourquoi  rejeter  le  sou- 
lagement qui  est  offert  a  tes  maux? 
N'est-ce  pas  la  même  fortune  qui  ap- 
porte le  bien  et  le  mal ,  que  nous  de- 
vons accepter  forcément?  Suivant  moi, 
la  tristesse,  la  misère  et  une  profonde 
douleur,  ont  troublé  ton  esprit.  Hâte- 


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72 


L'UNIVERS. 


toi  de  changer  d'avis;  n'essaye  point 
de  lutter  contre  les  arrêts  du  sort,  et 
bientôt  Tbeure  de  la  délivrance  arrivera 
pour  toi,  et  tu  pourras  enfin  échapper 
a  tous  les  maux  qui  t'accablent.  » 

Gélimer  lut,  non  sans  une  vive 
émotion,  la  lettre  de  Fara.  Il  lui  ré- 
pondit :  «  Je  suis  reconnaissant  de  tes 
bons  avis,  mais  je  ne  puis  les  suivre. 
Me  soumettre  à  un  ennemi  injuste  me 
paraît  intolérable.  Si  Dieu  exauçait 
mes  vœux ,  je  tirerais  une  vengeance 
éclatante  de  celui  qui ,  sans  cause  légi- 
time, sans  avoir  été  offensé  par  moi, 
en  paroles  ou  en  actions,  a  envoyé 
Bélisaire  en  Afrique,  et  m'a  précipité 
du  fatte  de  Ja  grandeur  dans  la  plus 
déplorable  des  conditions.  Que  Justi- 
nien   apprenne   qu'un  jour   viendra 
peut-être  où  il  sera  en  proie ,  comme 
nomme  et  comme  empereur,  aux  maux 
qui  m'oppressent,  et  qui  maintenant, 
au  moins  en  apparence,  sont  loin  de 
l'atteindre.  Je  ne  puis  plus  écrire  ;  la 
douleur  m'enlève  la  force  de  penser. 
Adieu,  ami  Fara.   Envoie-moi,  par 
grâce,  une  harpe,  un  pain  et  une 
éponge.  »  Le  barbare  lut  et  relut  cette 
lettre  ;  la  dernière  phrase  l'arrêtait ,  et 
il  cherchait  en  vain  à  saisir  le  sens  des 
paroles  de  Gélimer.  Un  homme  qui  se 
trouvait  à  ses  côtés  lui  donna  alors 
l'explication    suivante  :  Gélimer  de- 
mande un  pain ,  parce  que  depuis  long- 
temps il  n'a  pu  goûter  d'une  pâte  faite 
de  bonne  farine  et  cuite  d'une  manière 
convenable;  l'éponge  doit  servir  à  es- 
suyer ses  yeux  sans  cesse  gonflés  par 
les  larmes;  avec  la  harpe,  il  veut  chan- 
ter sa  malheureuse  histoire,  et  il  es- 
père soulager  ainsi  sa  douleur.  Cette 
explication  fit  sur  l'âme  du  chef  bar- 
bare une  profonde  impression;  il  céda 
à  la  pitié,  et,  se  relâchant  un  instant 
de  sa  rigueur^  il  envoya  à  Midenos 
l'éponge,  le  pain  et  la  harpe  que  le  roi 
des  Vandales  avait  demandés.  Toute- 
fois, il  continua  à  faire  bonne  garde, 
et  il  attendit  patiemment,  au  pied  de 
la  montagne ,  qu'abattu  par  la  misère, 
brisé  par  la  douleur,  Gélimer,  dans 
son  désespoir,  descendît  de  sa  retraite 
pour  se  rendre  à  la  merci  de  son  vain- 
queur. 


GBLIHER  SE  DÉCIDE  À  SE  BENBBB  ; 
SA  LETTRE   A  FABA.  —  L'hivCr  tOU- 

chait  à  sa  fin  et  le  blocus  de  Midenos 
durait  déjà  depuis  trois  mois ,  lorsque 
Gélimer,  craignant  que  Fara  n'em* 
portât  la  place  d'assaut,  sojigea  sé- 
rieusement à  se  livrer  lui  et  les  siens 
à  Bélisaire.  Il  hésitait  encore  lorsqu'un 
fait,  qui  s'était  reproduit  souvent  sans 
doute  dans  la  ville  assiégée,  mais  qui , 
cette  fois,  le  frappa  vivement,  vint 
mettre  un  terme  a  ses  irrésolutions. 
Une  femme  maure  avait  composé,  avec 
un  peu  de  blé  à  peine  écrasé ,  une  pâte 
qu'elle  avait  placée  dans  l'âtre  sous  la 
cendre  brûlante  ;  deux  enfants  se  te- 
naient auprès  de  cette  femme,  son  fils, 
et  un  neveu  de  Gélimer.  Pressés  par  la 
faim  ,  ils  regardaient  avidement  le  pe- 
tit pain ,  s'apprêtant  à  l'enlever  lors- 
qu'il serait  cuit;  enfin,  le  jeune  Van- 
dale ne  pouvant  se  contenir,  se  pré- 
cipita vers  le  feu,  saisit  la  pâte  qui  était 
bouillante  et,  sans  rejeter  les  cendrés 
qui  la  couvraient ,  la  porta  à  sa  bou- 
che, et  commença  à  la  manger.  Mais 
le  jeune  Maure  ne  le  laissa  pas  achever 
ce  détestable  repas  :  pour  avoir  sa  part, 
il  s'élança  sur  le  neveu  de  Gélimer,  le 
prit  aux  cheveux ,  le  frappa  sur  le  vi- 
sage à  coups  redoublés,  et  parvint  ainsi 
à  lui  arracher  quelques  morceaux  de  la 
bouche.  Le  roi  des  Vandales  était  là 
qui  contemplait  en  silence  la  lutte  des 
deux  enfants.  Ce  spectacle  lui  brisa  le 
cœur  et ,  sans  plus  tarder ,  il  fit  porter 
à  Fara  une  lettre  c[ui  contenait  ces 
mots  :  «  Je  veux  suivre  tes  conseils , 
Fara  ;  j'ai  assez  lutté  contre  ma  des- 
tinée. Si  Bélisaire  veut  s'engager ,  par 
un  serment  solennel,  à  obtenir  de  l'em- 
pereur ce  que  tu  me  promettais  na- 
guère ,  je  me  rendrai  à  lui  avec  ma 
famille  et  tous  les  Vandales  qui  m'ac- 
compagnent. »  * 

JOIE  DE  BÉLISAIBE;  GÉLIMEB  ABAN- 
DONNE KIDENOS  ET  SE  BEND;  IL  VIENT 

A  GABTHA6E. — Fara  envoya  en  toute 
hâte  à  Bélisaire  la  lettre  qu'il  avait 
écrite  au  roi  des  Vandales  ave^  les  ré- 
ponses qu'il  avait  reçues.  Le  lieute- 
nant de  Justinien ,  après  les  avoir  lues, 
fut  au  comble  de  la  joie  ;  H  avait  ar- 
demment souhaité  jusqu'alor»  de  con- 


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AFRIQUE. 


73 


duîre  Gélimer  vivant  à  Fempercur,  et 
la  fortune  semblait  avoir  pris  plaisir  à 
combler  tous  ses  vœux.  Il  envoya  donc 
au  mont  Pappua,  Cyprien  et  quelques 
officiers  qui  devaient  promettre  à  Gé- 
limer ,  sous  la  foi  du  serment ,  qu*on 
n'attenterait  point  à  sa  vie ,  que  rem* 
pereur  le  recevrait,  d'une  manière  con» 
forme  à  sonran^  et  le  traiterait  avec 
distinction.  Arrivés  au  camp  des  He- 
rnies ,  les  envoyés  de  Bélisaire  se  con- 
certèrent avec  Para;  puis,  tous  en- 
semble ,  ils  se  rendirent  au  pied  de  la 
montagne  où  ils  firent  appeler  Géli- 
mer. Le  roi  des  Vandales  n'hésita 
point  :  il  quitta  Midenos  et,  après  avoir 
reçu  les  serments  des  officiers  grecs , 
il  se  mit  en  marche  avec  les  siens  vers 
la  capitale  de  son  ancien  royaume.  On 
dit  qu'avant  d'entrer  à  Carthage,  lors- 
qu'il aperçut  les  travaux  exécutés  par 
les  Grecs ,  les  fossés  profonds  qui 
avaient  été  creusés,  les  murs  qui  avaient 
été  rehaussés  ou  réparés ,  il  demeura 
frappé  d'étonnement  et  déplora  amè- 
rement la  négligence  qui  lui  avait  fait 
perdre  un  trône  et  causé  tous  ses  mal- 
heurs (*).  Lorsque  Bélisaire  s'avança 
dans  un  faubourg  de  la  ville ,  pour  re- 
cevoir le  prisonnier ,  Gélimer  s'aban- 
donna à  de  grands  éclats  de  rire.  Les 
uns  le  crurent  fou  ;  mais  les  autres  , 
avec  plus  de  raison  peut-être,  virent, 
dans  les  accès  de  cette  étrange  gaieté, 
une  ironie ,  et  ils  déclarèrent  que  l'in- 
tention de  ce  roi  qui ,  du  faite  de  la 
grandeur,  était  tombé  dans  la  plus 
affreuse  misère ,  avait  été  de  montrer 
qu'on  devait  accepter  les  arrêts  de  la 
destinée  et  tous  les  événements  heu- 
reux ou  malheureux ,  avec  le  plus  pro- 
fond dédain. 

Quand  Bélisaire  se  vit  maître  de  la 
personne  de  Gélimer ,  il  envoya  à  Jus- 
tinien  un* exprès  pour  lui  annoncer 
cette  bonne  nouvelle  et  pour  lui  de- 
mander l'autorisation  d  amener  lui- 
même  ,  à  Gonstantinople ,  son  prison- 

(*)  Cette  anecdote  est  rapportée  par  Pro- 
cope  dans  la  partie  de  son  histoire  où  il 
parle  des  premiers  soins  qui  occupèrent 
Bélisaire,  après  son  entrée  à  Cacthage  {De 
Bel,  randaL,  I,  a3.) 


nier;  puis,  comme  îl  prévoyait  la 
réponse  de  l'empereur ,  il  se  disposa 
au  départ,  et  il  eut  soin  qu'au  pre- 
mier  signal  la  flotte  fût  prête  à  tenir 
la  mer. 

BÉLISAIBE  ACCUSÉ  PÂB  SES  OFFI- 
GIEBS  ÀUPBÈS  DE  L'BMPEBEUB  *,  IL 
QUITTE  L'AFBIQUB  ET  ABBIVE  ÀCOWS- 

TANTiNOPLE.  —  Bélisaire- avait  hâte 
de  quitter  rAfrique  parce  qu'il  savait 
que  l'empereur  était,  par  sa  nature, 
enclin  aux  soup<^ns  et  qu'il  ne  tarde- 
rait pas ,  en  raison  même  des  succès 
gu'il  avait  obtenus ,  à  lui  supposer  des 
idées  d'ambition;  d'ailleurs,  il  n'igno- 
rait pas  que ,  parmi  ses  officiers ,  il 
avait  des  envieux  de  sa  gloire ,  et  que 
plusieurs  l'avaient  dénoncé  comme 
traître  à  la  cour  de  Byzance.  Il  avait 
saisi ,  sur  un  vaisseau  qui  était  prêt 
à  mettre  à  la  voile,  une  lettre  où  on 
l'accusait  de  nourrir  le  projet  de 
se  rendre  indépendant  en  Afrique , 
et  de  se  substituer  à  Gélimer,  le 
roi  détrôné ,  et  à  Justinien  qui ,  par 
ses  troupes ,  venait  de  triompher. 
L'empereur  reçut  à  Gonstantinople 
plusieurs  dénonciations;  elles  l'agi- 
tèrent vivement,  mais  il  sut  dissi- 
muler ses  inquiétudes  et  ses  craintes, 
et  il  envoya  à  Bélisaire  une  lettre  où, 
sans  lui  parler  des  accusations  portées 
contre  lui ,  il  lui  proposait  de  rester 
en  Afrique  comme  chef  suprême  de  la 
province ,  en  lui  prescrivant  toutefois 
de  faire  partir  Gélimer  et  les  Vanda- 
les ,  ou  bien  de  revenir  à  sa  cour  avec 
les  prisonniers.  Bélisaire  n'hésita  point, 
et  il  embrassa  avec  joie  le  dernier  parti 
qui  lui  permettait  de  confondre  ses 
ennemis,  d'enlever  tout  soupçon  à  Jus- 
tinien ,  et  de  prouver  sa  loyauté.  Il  re- 
mit le  commandement  des  troupes  et 
de  l'Afrique  à  Saloraon  qui ,  de  retour 
de  Gonstantinople ,  lui  avait  apporté 
les  ordres  <le  l'empereur  ;  il  lui  laissa 
même  une  partie  de  ses  vétérans  et  de 
ses  gardes,  parce  qu'il  apprit,  au  mo- 
ment où  il  allait  quitter  Carthage,  que 
les  tribus  maures  se  levaient  en  armes 
et  attaquaient  les  postes  qu'il  avait  éta- 
blis dans  la  Byzacène  et  dans  la  Nu- 
midie.  Puis,  il  fit  voile  vers  Byzance, 
et  il  arriva  en  vue  de  la  ville  dans  un 


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74 


L'UNIVERS. 


instant ,  peut-être ,  où  Justinien  son- 
geait  à  arracher  de  rAfriaue ,  par  la 
ruse  ou  par  la  forcç ,  le  général  que , 
sur  de  faux  rapports ,  il  croyait  par- 
jure et  prêt  à  se  révolter. 

LB    TBIOICPHB    J^E   BBUSA.IBB.  ~ 

Le  jour  des  fêtes  et  de  Fallégresse  ne 
fut  point  celui  où  Bélisaire,  après  sa 
rapide  traversée ,  jeta  l'ancre  dans  le 
port  de  Gonstantinople.  L'empereur  et 
le  peuple  ne  Tattenaaient  point ,  et  il 

gagna  sileneieusement  sa  aemeure  où 
déposa  ses  trésors  et  ses  prison- 
niers. La  joie  de  Justinien  fut  à  son 
comble  quand  il  sut  qu'auprès  de  lui 
se  tenaient  Bélisaire, toujours  soumis 
et  loyal ,  et  Gélimer ,  le  roi  des  Van- 
dales. Dans  sa  reconnaissance ,  il  ac- 
corda au  vainqueur  de  l'Afrique  un 
honneur  que  nul  général ,  sauf  les  em- 
pereurs, n'avait  obtenu  depuis  cinq 
cents  ans;  il  lui  décerna  un  triomphe. 
Au  jour  fixé  pour  la  fête ,  l'empereur 
et  le  peuple  se  rendirent  à  l'hippo- 
drome qui  devait  remplacer,  dans 
cette  circonstance  mémorable,  le  Ga* 
pitole  de  l'ancienne  Rome.  Justinien 
s'était  placé  au  centre  des  spectateurs 
sur  un  trône  élevé  et ,  à  coté  de  lui , 
paraissait  l'impératrice  Théodora.  Bé- 
lisaire sortit  a  pied  de  sa  maison  et 
s'avança ,  avec  son  cortège ,  vers  l'hip- 
podrome. Quand  il  dépassa  les  barrie- 
res ,  il  fut  accueilli  par  les  applaudis- 
sements et  les  transports  de  ce  peuple 
immense  qui  était  accouru  sur  le  ri- 
vage «  il  y  avait  un  an,  pour  saluer 
son  départ  et  pour  mêler  ses  prières 
à  celles  de  rarchèvêque  Ëpiphanius. 
On  portait ,  à  côté  du  général  ^  les 
splendides  dépouilles  de  la  nation  vain- 
cue ;  on  voyait  des  trônes  d'pr  et  les 
chars  qui  traînaient  la  reine  des  Van- 
dales ;  des  pierres  précieuses  sans  nom- 
bre; des  tases  et  des  coupes  d'or; 
toute  la  riche  vaisselle  que  l'on  plaçait 
sur  la  table  royale  ;  enfin,  des  sommes 
incalculables  en  pièces  d'or  et  d'ar- 
gent. C'était  le  n*uit  des  rapines  que 
Genséric  avait  exercées  sur  le  monde 
entier.  Parmi  tant  de  richesses  accu- 
mulées ,  on  distinguait  les  ornements 
de  l'ancien  temple  de  Jérusalem.  C'é- 
tait là  une  image  matérielle  mais  frap- 


pante de  l'instabilité  des  choses  hu- 
maines. A  une  époque  où  Rome  était 
encore  dans  sa  toute-puissance ,  Titus 
avait  rapporté  de  Judée  en  Italie  ces 
ornements  qui  devaient  servir  à  son 
triomphe.  Quatre  siècles  plus  tard ,  ua 
barbare  les  avait  enlevés  k  Rome  e| 
les  avilit  placés  t  cQÎhme  un  trophée  de 
ses  pirateries  et  de  ses  brigandages  « 
dans  son  palais  de  Carjthage  ;  puis,  un 
soldat  heureux,  né  enïhraee,  les  avait 
€K)nquis  sqr  l'Afrique  /et  il  venait  les 
déposer  dans  l'hippodrome  de  Cons- 
tantinople,  aux  pieds  de  Justinien. 
L'empereur  byzantin  ne  vit  point  ces 
objets ,  consacrés  à  Dieu  par  les  juifs , 
sans  une  secrète  terreur,  et,  dans  ta 
pensée  au'ils  portaient  malheur  à  ce- 
lui qui  les  retenait,  il  se  hâta  d'en 
faire  don  à  l'église  chrétienne  de  Jéru- 
salem (*)• 

Mais  c'étaient  moins  les  riches  dé- 
pouilles des  Vandales  qui  attiraient 
les  regards  de  ta  foule  que  Gélimer  et 
ses  compagnons  d'infortune.  Le  rpi 
vaincu  était  revêtu  d'un  manteau  de 
pourpre;  sa  démarche  était  ferme, et 
assurée,  et  ses  traits,  comme  ceux  des 
nobles  vandales  qui  le  suivaient ,  por- 
taient l'empreinte  d'une  dédaigneuse 
fierté.  Quand  il  entra  dans  l'nippo- 
drome ,  il  parcourut  des  regards  cette 
vaste  encemte  où  s'élevait  le  trône  de 
l'empereur  et  où  s'agitaient  les  flots 
accumulés  d'un  peuple  impatient.  De- 
vant ce  spectacle  il  fut  troublé  sans 
doute,  mais  il  eut  assez  de  force  pour 
cacher  à  tous  les  yeux  ses  émotions; 
il  ne  versa  pas  une  larme;  pas  une 
plainte  ne  lui  fut  arrachée.  Il  s'avsMiça 
avec  résolution,  et,  repassant  dans 
son  esprit  l'histoire  de  ses  malheurs, 
il  dit ,  et  ne  cessa  de  répéter  pendant 

(*)  tin  juif,  dit  Procope,  s'approcha  dé 
Justinien  et  lai  dît  :  «  Ne  fais  point  trans- 
porter cet  or  dans  ton  palais;  il  ne  peut 
reposer  ^ne  là  où  Salomon  Ta  placé.  Cest 
pourquoi  Genséric  Fa  enlevé  à  Rome,  et 
Bélisaire ,  à  son  tour.  Ta  pris  aux  Vanda- 
les. »  Ces  paroles  jetèrent  la  crainte  dans 
rame  de  l'empereur  qui  envojra  les  dépouil- 
les de  Tancien  temple  à  Téglise  chrétienne 
de  Jérusalem.  (Procop.,  de  Bel.  FandaL^ 

n,9.) 


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le  triomphe,  ces  paroles  de  l'Écriture: 
«  Vanité  des  vanités,  tout  est  vanité.  » 
Quand  il  fut  arrivé  au  trône  de  Justi- 
nien^  on  lui  enleva  le  manteau  de  pour- 
pre, syniDole  de  la  royauté,  et  on  lui 
ordonna  de  |ie  prosterner  et  d'adorer 
l'empereur.  Les  contemporains  assu* 
rent  qu'on  fut  obligé  de  recourir  à  la 
Tiolenee  pour  le  forcer  à  prendre  une  ' 
humble  posture  devant  celui  <iui  était 
devenu  son  maître.  U  se  résigna  en- 
fin ,  et  portant  ses  regards  sur  Béli- 
saire,  qui  s'était  agenouillé,  il  imita 
son  vainqueur. 

Peu  de  jours  après,  Justinien  ac- 
corda à  Bélisaire  fe  titre  de  consul.  Ce 
fut  l'occasion  d'un  nouveau  triomphe 
où  la  ioie  du  peuple,  n'étant  plus  com- 
primée par  un  sévère  cérémonial ,  se 
manifesta  sans  contrainte.  Des  captifs 
portaient  la  chaire  curule  du  général , 
et  autour,  la  multitude,  à  laquelle  on 
distribuait  largement  une  part  du  bu- 
tin pris  aux  Vandales ,  faisait  éclater 
ses  transports.  Bélisaire  compta ,  il 
lï'en  faut  pas  douter ,  ces  deux  jour- 
nées au  nombre  des  plus  heureuses  de 
sa  vie;  mais  sa  granae  âme  dut  moins 
se  réjouir  des  témoignages  d'admira- 
tion que  ses  succès  arrachaient  au 
peuple ,  et  des  honneurs  qui  lui  étaient 
décernés ,  que  de  la  lovauté  avec  la- 
quelle l'empereur  remplit  les  engage- 
ments contractés  au  pied  du  Pappua. 
Les  prisonniers  furent  traités  avec  de 
grands  égards.  Justinien  et  Théodora 
se  montrèrent  surtout  généreux  pour 
les  filles  de  Hildéric  ,  que  Bélisaire 
avait  amenées  d'Afrique ,  et  pour  tOMS 
les  enfants  issus,  par  Eudoxie,  du 
sang  de  Valentinien.  Quant  à  Gélimer 
on  ne  lui  donna  pas  le  titre  de  pa- 
trice ,  p^rce  qu'il  ne  voulut  point  re- 
noncer aux  erreurs  d'Arius.  On  lui 
assigna,  dans  la  Galatie ,  un  riche  do- 
maine où  il  se  retira  avec  sa  feimille. 
C'était  là,  au  centre  de  l'Asie  Mi- 
neure, loin  des  troubles  et  des  révo- 
lutions qui  menacent  les  empires,  que 
devait  mourir  en  paix  le  dernier  roi 
des  Vandales. 

Avec  le  triomphe  de  Bélisaire  se 
termine  l'histoire  des  Vandales  ;  la  na- 
tion avait  perdu  son  roi  et  ses  plus 


AFRIQUE.  75 

illustres  familles.  Transplantés  à  Cons- 
taritinople,  les  plus  jeunes  et  les  plus 
nobles  parmi  les  descendants  des  an- 
ciens conquérants  de  l'Afrique ,  se  mi- 
rent au  service  de  l'empire  et  formè- 
rent un  corps  de  cavaliers  qui  se 
distingua  plus  d'une  fois ,  par  sa  va- 
leur, dans  les  batailles (*).  Mais  que  de- 
vint, en  Afrique,  la  masse  de  cette 
puissante  nation  ?  «  U  est  vraisembla- 
ole ,  dit  Gibbon ,  qu'après  l'exil  de  son 
roi  et^de  sa  noblesse,  le  peuple  van- 
dale paya  la  sécurité  qu'il  obtint  en 
perdant  son  caractère,  et  en  sacrifiant 
sa  religion  ei  sa  latigue,  et  que  sa 
postérité  dégénérée  se  mêla  insensi- 
blement avec  la  foule  des  sujets  de 
l'Afrique.  Plusieurs  cependont  essayè- 
rent d'échapper  à  la  domination  étran- 
gère ;  un  voyageur  de  nos  jours  a 
trouvé ,  au  centre  des  peuplades  mau- 
res, le  teint  blanc  et  la  longue  cheve- 
lure d'une  race  du  Nord  ;  et  Ton  disait 
aussi  autrefois  que  les  plus  audacieux, 
cherchant  à  se  soustraire  au  pouvoir, 
oii  même  à  la  connaissance  des  Ro- 
mains ,  trouvèrent  la  liberté  et  l'iso- 
lement sur  les  côtes  de  l'Océan  Atlan- 
tique. La  terre  où  ils  avaient  régné 
devint  leur  prison;  ils  ne  pouvaient  ni 
espérer,  ni  désirer  de  retourner  sur 
les  boras  de  l'Elbe ,  où  une  partie  de 
leurs  frères ,  moins  aventuteux  ,  er- 
raient encore  au  milieu  des  foi*êts.  11 
était  impossible  aux  lâches  d'affronter 
les  mers  inconnues  et  les  barbares  qui 
se  présentaient  devant  eux  :  ceux  qui 
avaient  du  cœur  ne  pouvaient  se  ré- 
soudre à  porter  dans  leur  patrie  leur 
misère  et  leur  honte,  et ,  après  avoir 
décrit  la  richesse  de  ces  royaumes 
cni'ils  avaient  perdus ,  à  se  voir  forcés 
oe  réclamer  une  portion  du  modeste 
héritage  auquel  ilsavaient  renoncé  pres- 
que tous  dans  des  temps  plus  heu- 
reux (**).  » 

(*)  Gibbon  ;  Hist,  de  la  décadence,  etc. , 
ch.  41.  —  Lebeau;  Hist,  du  Bas-Empire; 
édit.  Saint-Martin;  U  vm,  p.  a6a.—  Pa- 
pencordt  ;  Geschichte  der  vandalischen 
Herrschaft  in  Jfrika,  p.  3x4. 

(**)  Voy.  plus  haut ,  p.  58.  On  ne  lira 
peut-être  pas  sans  intérêt  ce  qui  concerne 
les  destinées  de  cette  partie  de  la  nation 


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76 


L'UNIVERS. 


CAUSES  DE    LA  CHUTE  DE   L'EM- 

piRE  vandale;  fin  du  BÉCIT.  — 
vandale  qui  n*avait  point  voulu  suivre  le  roi 
Godieiscle  et  émigrer  au  temps  des  grandes 
invasions.  Le  passage  que  nous  citons  ici  a 
été  signalé  par^ibbon.  Nous  donnons  dans 
son  entier  ce  curieux  document  ;  «Voici  le 
portrait  des  Vandales  modernes  tel  que  le 
lit  Frédéric-Guillaume,  électeur  de  Bran- 
debourg, et  grand-père  du  roi  de  Prusse,^ 
aujourd'hui  régnant ,  en  s'entretenant  avec 
M.  ToUius ,  personne  connue  dans  la  répu- 
blique des  lettres,  et  qui  traversait  les  États 
de  ce  prince.  «  C'est  un  peuple  léger,  sédi- 
«tieux  et  perfide,  qui  n'habite  que  dans 
«  des  bpurgades ,  dont  véritablement  il  y 
<c  en  a  de  cinq  ou  six  cents  feux.  Ces  Van- 
«  dales  reconnaissent  en  secret  un  roi  de 
«  leur  nation  ;  mais  ce  roi  né  se  donne  à 
«  connaître  qu*à  ses  sujets,  qui  lui  payent 
K  chaque  année  une  redevance  d'un  écu  par 
«  tète;  on  sait  même  qu'il  garde  dans  sa 
«  maison  un  sceptre  et  une  couronne.  Le 
«  hasard ,  ajoutait  l'électeur,  me  fil  voir  une 
<c  fois  le  roi  des  Vandales.  C'était  un  jeune 
«  homme  qui  avait  l'air  robuste  et  la  mine 
«  haute.  tJn  des  plus  considérables  de  la 
«  nation  s'étant  aperçu  que  je  regardais  fixe- 
<c  ment  ce  jeune  homme,  il  le  fit  retirer  à 
«  coups  de  bâton,  comptant  bien  qu'il  me 
«  donnerait  le  change  par  là  et  que  je  ne 
«  pourrais  jamais  penser  ^u'un  homme  qu'il 
«  traitait  ainsi  fikt  son  roi.  J'ai  fait  traduire 
«  en  leur  langue  la  Bible  et  le  catéchisme 
N  de  Heidelberg  ;  mais  je  n'ai  point  encore 
«  érigé  d'écoles  publiques  dans  la  contrée 
«  qu'ils  occupent.  J'ai  craint  le  caractère  de 
«  de  ce  peuple ,  qui  d'ailleurs  habile  un 
c«  pays  où  il  est  facile  de  se  cantonner.  Ces 
«  Vandales^  qui  ne  manquent  pas  de  vue,  ont 
«  même  déjà  trouvé  moyen  d'avoir  quelques 
«pièces  d'artillerie  qu'ils  cachent  avec  soin. 
«  Un  jour  que  je  traversais  leur  pays ,  ils 
«  s'attroupèrent  jusqu'au  nombre  de  cinq 
«  à  six  mille,  dans  le  dessein  de  m'enlever, 
<c  et  quoique  j'eusse  une  escorte .  de  huit 
«  cents  grenadiers,  ce  ne  fut  pas  sans  peine 
«  que  je  sortis  d'embarras.  »  Dubos  ;  His- 
toire critique  de  l'établissement  de  la  mo- 
narchie française  dans  les  Gaules,  t.  I,. 
p.  2X1.  Paris,  1784 ,  in-40.  Gibbon  dit  dans 
une  note  :  «  On  peut  suspecter  avec  raison 
la  véracité,  non  pas  du  grand  électeur,  mais 
de  ToUius;  »  et  cependant  il  parait  adopter, 
dans  son  récit,  les  faits  les  plus  importants 
contenus  dans  le  passage  que  nous  venons 
de  citer. 


«Dans  l'histoire  de  rhumanité,  dit 
Procope,  il  n'est  pas  un  siècle  qui 
n'offre  quelque  événement  merveil- 
leux. Toutefois,  quand  je  songe  que 
cinq  mille  cavaliers  (car,  pendant 
le  cours  de  la  guerre,  l'infanterie 
n'eut  point  l'occasion  de  prendre  part 
aux  batailles),  qui  n'avaient  pas  même, 
en  arrivant  en  Afrique ,  un  port  où  ils 
pussent  débarquer,  ont  renversé  de 
son  trône  le  successeur  de  Genséric 
et ,  en  quelques  mois ,  ont  effacé  cet 
empire  vandale  si  puissant  par  ses  ri- 
chesses et  ses  guerriers ,  je  n'oserais 
affirmer  qu'il  y  eût ,  dans  le  passé,  un 
fait  plus  étonnant  que  la  rapide  expé- 
dition de  Bélisaire.  >»  Sans  rien  dimi- 
nuer de  la  juste  considération  qui  s'at- 
tache encore,  après  tant  de  siècles, 
au  nom  de  Bélisaire,  on  peut  dire,  et 
l'historien  byzantin  lui-même  semble 
le  reconnaître ,  que  les  succès  de  l'ar- 
mée grecque  en  Afrique  ont  été  plutôt 
l'œuvre  de  la  fortune  que  du  génie  et 
du  courage.  Il  y  eut,  en  effet,  quelque 
chose  de  merveilleux  dans  certams  évé- 
nements de  cette  guerre  pour  laquelle 
le  hasard  fit  plus  que  les  hommes.  Ce- 
pendant, en  recherchant  avec  soin  les 
causes  qui ,  depuis  longtemps,  avaient 
amené  la  décadence  et  préparé  la  chute 
de  la  nation  vandale,  on  peut  expli- 

3uer  aisément  et  comprendre  la  rapî- 
ité  de  la  révolution  que  nous  venons 
de  raconter.  Gélimer  était ,  il  est  vrai, 
l'héritier  de  Genséric  et  le  chef  d'un 
grand  peuple,  mais,  par  ses  qualités, 
n  était  loin  de  ressembler  au  plus  il- 
lustre de  ses  aïeux ,  et  ses  guerriers 
n'avaient  point  conservé  le  courage  et 
les  mâles  habitudes  de  la  forte  généra- 
tion qui  avait  fait  la  conquête  de  FA- 
frique.  Les  générations  nouvelles , 
comme  Procope  lui-même  nous  l'ap- 
prend ,  étaient  amollies ,  corrompues, 
et  elles  ne  se  distinguaient  plus  que 
•  par  les  privilèges  de  la  population  ro- 
maine. Après  tout ,  le  nombre,  peut- 
être  ,  l'eût  encore  emporté  si  la  for- 
tune n'eût  pris  soin ,  au  moment 
même  de  la  lutte,  de  diviser  et  d'a- 
moindrir les  forces  des  Vandales ,  et  de 
mettre  en  quelque  sorte  entre  les  mains 
de  Jfustinien  les  armes  qui  avaient 


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servi  à  Genséric  pour  frapper  l'em* 
pire. 

Gélimer  s'aliéna  d*abord  une  partie 
des  hommes  de  sa  race  par  son  usur- 
pation ,  et  aussi  par  le  barbare  traite- 
ment qu'il  fit  subir  au  roi  dont  il  tenait 
la  place.  II  n'y  eut  plus  dès  lors,  dans 
la  nation,  cet  accord  qui  seul  pouvait 
lui  donner  la  force  de  résister  aux  en- 
nemis du  dehors  et  de  repousser  les 
agresseurs;  puis,  quand  Bélisaire  pa- 
rut, les  catholiques  se  tournèrent  con- 
tre les  Vandales,  comme  les  donatistes, 
autrefois,  au  moment  de  la  conquête , 
avaient  pris  parti  contre  Tempire. 
Enfin  les  Maures,  que  Genséric  avait 
su  maintenir  dans  le  repos  et  dans  son 
alliance,  plus  encore  en  les  associant 
aux  périls  et  aux  gains  de  ses  entrepri- 
ses qu'en  les  comprimant  par  la  force, 
avaient  harcelé  sans  relâche,  depuis 
cinquante  ans  et  sur  toutes  les  fron- 
tières, les  conquérants  germains;  et 
lorsque  l'armée  grecque  arriva,  ils  ne 
voulurent  point  le  défendre,  et  virent 
tomber  sans  regret  un  peuple  qui ,  re- 
nonçant à  ses  habitudes  de  guerre  et 
aux  grandes  pirateries ,  avait  cessé  de 
lui  fournir  de  l'or,  et  que,  pour  sa  fai- 
blesse, ils  méprisaient  depuis  long- 
temps. La  force  de  Genséric  était 
presque  tout  entière  dans  ses  alliances. 
C'était  en  s'unissant  aux  Goths,  aux 
Suèves,  aux  Huns,  qu*il  était  parvenu 
à  consolider  sa  domination  en  Afrique, . 
et  à  lutter  avec  avantage  contre  ses 
ennemis  de  l'Orient  et  de  l'Occident. 
Quand  il  était  menacé  par  l'Italie  ou 
par  Byzance,  il  poussait,  suivant  les 
circonstances,  les  barbares  de  l'Europe 
sur  l'un  ou  sur  l'autre  empire,  et  éloi- 

§nait  ainsi  le  danger  de  sa  capitale  et 
e  ses  côtes.  Gélimer,  en  imitant  son 
aieui,  en  s'alliant,  par  exem[)le,  aux 
Ostrogoths  en  Italie  et  aux  Visigotbs 
en  Espagne,  aurait  pu  au  moment  du 
danger  écarter  de  l'Afrique  Tarmée  de  * 
Justinien.  Mais  il  ne  sut  point  entre- 
tenir avec  les  peuples  qui  devaient  être 
ses  auxiliaires  naturels  des  rapports 
d'amitié,  ou  bien  quand  il  songea  à 
leur  demander  aide  et  appui,  il  était 
déjà  vaincu.  Aussi  Amalasuntha  four- 
nit des  vivres  aux  vaisseaux  grecs 


AFRIQUE.  n 

Suand  ils  touchèrent  la  Sicile,  et  Theu- 
is  renvoya  avec  ignominie  les  ambas- 
sadeurs vandales  qui  étaient  venus 
solliciter  son  alliance.  Abandonné  par 
une  partie  des  siens,  haï  par  les  catho- 
liques, connaissant  les  dispositions 
hostiles  des  Maures,  Gélimer,  au  sein 
même  de  ses  États,  était  réduit  à  l'im- 
puissance; et  au  dehors  il  ne  comptait 
pas  un  seul  peuple  qui ,  dans  les  fâ- 
cheuses conjonctures  où  le  mauvais 
gouvernement  de  ses  prédécesseurs  et 
sa  propre  usurpation  l'avaient  placé, 
voulût  lui  prêter  assistance.  Des  acci- 
dents imprévus,  la  fatale  imprudence 
d'Ammatas,  la  mort  de  Tzazon,  hâtè- 
rent, il  n'en  faut  point  douter,  la  chute 
de  la  domination  vandale,  mais  elles 
ne  la  décidèrent  pas  :  elle  fut  préparée, 
amenée  par  les  causes  diverses  que 
nous  venons  d'énumérer.  Celui  qui 
tiendra  compte  de  ces  causes  ne  sera 
point  surpris  que  cinq  mille  cavaliers 
d'élite,  soutenus  par  une  réserve  de 
dix  mille  fantassins,  et  dirigés  dans 
leurs  mouvements  par  un  général  ha- 
bile, aient  vaincu  un  roi  mal  affermi 
sur  son  trône,  et  arraché  l'Afrique, 
même  en  six  mois,  à  une  nation  qu'un 
grave  dissentiment  avait  partagée  et 
affaiblie,  et  que  l'habitude  du  repos, 
du  luxe  et  des  plaisirs,  avait  amollie  et 
dégradée. 

On  conçoit  aussi  que  la  facile  con- 
quête accomplie  par  Bélisaire  ait  ex- 
cité des  transports  de  joie  dans  les 
provinces  soumises  au  monarque  qui 
se  disait  l'héritier  des  Césars.  Frappé, 
envahi,  amoindri  depuis  deux  siècles 
par  les  barbares,  le  vieil  empire  tres- 
saillit à  la  nouvelle  de  la  chute  des 
Vandales,  et  il  crut  sans  doute  que  le 
temps  des  rudes  épreuves  était  passé 
pour  lui  et  qu'il  allait  se  reconstituer, 
et  revivre  dans  toute  sa  force  et  son 
ancienne  splendeur.  Justinien  se  fît 
alors  l'organe  des  sentiments  et  de  l'o- 
pinion de  ceux  qui  n'avaient  point  cessé 
de  croire  à  l'éternité  de  la  puissance 
romaine.  Les  premiers  messagers  de 
Bélisaire  avaient  paru  à  peine  à  sa 
cour,  que  déjà,  sans  attendre  que  Gé- 
limer eût  risqué  sa  dernière  bataille  et 
fût  devenu  son  prisonnier,  il  se  décora, 


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7^  L'ITUIVERS. 

dans  les  actes  émanés  de  sa  chancel- 
lerie, des  titres  à'Jfricam,  et  de  vain- 
qtieur  des  Alains  et  des  Fandaks,  Il 
alla  plus  loin  encore,  car,  prenant  ses 
espérances  et  celles  des  Byzantins  pour 
des  réalités,  il  se  fit  appeler  aussi  soti- 
verain  des  Francs,  des  Goths,  des 
Alamans  et  des  Germains,  comme 
s'il  eût  possédé  la  Gaule,  l'Espagne, 
ritalie  et  les  portions  de  la  Germanie 
enclavées  dans  l'ancien  empire  (*).  La 
fortune,  on  le  sait,  ne  devait  point 
tarder  à  faire  justice  de  ces  vastes 
prétentions,  et  à  donner  un  démenti 
aux  paroles  de  Justinien.  Toutefois, 
nous  le  répétons,  quand  on  songe  que 
depuis  les  grandes  invasions  des  bar- 
bares l'empire  avait  toujours  été  vaincu 
et  malheureux,  on  rencontre  sans  éton- 
nement,  dans  les  récits  et  les  actes  du 
sixième  siècle,  les  lignes  que  nous  avons 
citées,  et  Ton  conçoit  aisément  que  les 
victoires  de  Bélisaire  et  ses  rapides 
succès  en  Afrique  aient  inspiré  des 
sentiments  d'orgueil  et  quelque  en- 
thousiasme aux  Romains  dégénérés. 

ORGAiriSÀTIOK  POLITIQUE  DKS  VAZTDALKS  EZT 
AFRIQUE  ;  EFFETS  DE  LA  CONQUETE  ;  RAP- 
PORTS DES  YAINQUEURS  AVEC  LES  VAINCUS; 
RELIOIOir  ,  COMMERCE  ,  INDUSTRIE  ,  LIT- 
TERATURE ,  MOEURS,  ETa,  DE  l'aFRIQUÉ 
VANDALE. 

Nous  ne  diercheroDS  pas  ici  à  dé- 
crire l'état  politique  et  moral  des  Van- 

(*)  Yoici  les  titres  qui  sont  accumulés 
dans  les  actes  de  confirmation  placés  en  tête 
des  Instituts  et  des  Pandectes  :  Jmperator 
Cœsar,  Flanus  Justinianus ,  Alamanicus , 
Gothicus,  Francicus,  Germanicus,  Asiati- 
eus,  Alanicus,  Vandalicus,Africanus,  Pius, 
Félix,  inclytus,  Fictàr  ac  Triumphaior,  semr 
per  Augustus,  Dans  le  préambule  de  chacun 
de  ces  actes,  Justinien  rappdle  avec  osten- 
tation la  défoite  des  Yanaaies,  la  prise  de 
Garthage  et  la  conquête  de  l'Afrique.  Jus- 
tinien agissait  avec  quelque  témérité  en  se 
glorifiant  ainsi.  Les  actes  que  nous  signalons 
ici  ont  élé  promulgués ,  comme  le  porte  la 
date ,  bien  avant  que  l'empereur  pût  con- 
naître les  résultats  de  la  bataille  dé  Trica- 
mara,  et  trois  mois  environ  avant  la  soumis- 
sion de  Midenoset  la  captivité  de  Gélimer. 
Voy.  le  Corpus  juris  civUis, 


dalesdanslaGermanie.Nousrcnvoyons 
sur  ce  point  â  tous  les  auteurs  qui,  de- 

Euis  Tacite,  ont  parlé  des  sociétés  bar- 
ares.  Quelle  fut,  plus  tard ,  Torgani- 
sation  adoptée  par  les  Vandales  au 
temps  oii,  sans  clemeures  fixes,  ils  er- 
raient en  Gaule,  en  Espagne  et  en 
Affique  P  G^est  une  questron  que  nous 
avons  déjà  essayé  de  résoudre  en  quel- 
ques mots.  !Nous  avons  dit  (pag.  27)  : 
«  Depuis  le  passage  du  Rhin  jusqu'à  la 
prise  de  Garthage ,  la  nation  vandale 
n'est  qu'une  horde  inquiète,  errante, 
qui  n'a  point  d'autre  patrie  que  la  terre 
enclose  par  des  fossés  où  elle  place  son 
camp  ;  a'autres  mœurs  que  celles  que 
font  la  guerre  et  des  combats  sans 
cesse  renouvelés  ;  d'autre  gouverne- 
ment gue  la  discipline  des  armées.  Il 
suffisait  alors  à  celui  qui  dirigeait  les 
mouvements  de  cette  borde ,  d'avoir 
assez  de  bravoure  et  d'énergie  pour  la 
sauver  des  attaques  de  l'ennemi ,  et 
pour  maintenir  dans  cette  foule  com- 
posée de  tant  d'éléments  divers  Fobéis- 
sance  et  Tapparence  de  l'unité.  » 

Après  la  prise  de  Garthage  et  le  par- 
tage des  terres  de  la  Zeugitane,  les 
Vandales  passèrent  de  la  vie  nomade 
à  la  vie  séaentaire.  Alors  il  se  fit  dans 
leurs  habitudes,  leurs  mœurs,  dans 
leur  vie ,  en  un  mot ,  une  complète 
transformation.  D'un  autrç  côté ,  par 
le  fait  de  l'invasion ,  la  condition  des 
Romains  de  l'Afrique  dut  changer. 

Gomment  les  Vandales,  après  la 
prise  de  Garthage,  s'organisèrent-ils 
si4r  la  terre  conquise?  Quelle  fut  la 
forme  de  leur  gouvernement  ?  Dans 
quels  rapports  vivaient  les  vainqueurs 
et  les  vamcus  ?  Quels  changements  ap- 
porta la  conquête  dans  l'état  des  per- 
sonnes, le  commerce  et  l'industrie? 
D'autre  part,  quelle  fut  Faction  de  la 
civilisation  romaine  sur  les  conqué- 
rants barbares  ?  Ge  sont  là  les  diver- 
ses et  importantes  questions  que  nous 
*  nous  proposons  d'examiner. 

LE  BOi.  —  Avant  d'avoir  pris  Gar- 
thage et  forcé  l'empire  à  reconnaître 
ses  conquêtes,  au  temps  où  il  était 
campé  plutôt  qu'établi  en  Afrique,  Gen- 
séric  exerçait- sur  les  Vandales,  les 
Alains ,  et  tous  les  hommes  de  races 


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diverses  qui  raccotppagnaient,  un  pou- 
voir absolu.  (Tétait  le  pouvoir  dotit, 
par  nécessité,  ont  été  investis  dans 
tous  les  temps  les  généraux  d'une  ar- 
mée en  campagne.  Quand  Genséric 
eut  distribué  à  ses  compagnons  les 
terres  de  la  Zeudtane ,  quand  il  eut 
pris  possession  orune  manière  défini- 
tive ae  la  meilleure  partie  des  vastes 
et  fertiles  provinces  d'Afrique  qui, 
avant  sa  conquête ,  relevaient  de  l'em- 
pire ,  sa  sphère  d'action  s'agrandit.  Il 
cessa  d'être  exclusivement  le  chef  d'une 
foule  armée,  pour  devenir  roi.  Mais 
alors  son  pouvoir,  pour  s'étendre  plus 
loin  qu'autrefois,  ne  perdit  ni  sa  force, 
ni  le  caractère  de  violence  que  lui  avatt 
imprimé  l'état  de  guerre.  Les  compa- 
gnons de  Genséric ,  la  conauéte  une 
fois  accomplie  et  le  partage  des  terres 
étant  achevé,  ne  cessèrent  pas  de  se 
considérer  comme  les  membres  d'une 
armée ,  et  ils  ne  cherchèrent  pas  à  ra- 
vir une  part  de  l'autorité  de  celui  qui, 
avant  leur  établissement,  les  dirigeait 
dans  les  courses  lointaines  et  les  com- 
bats. Nous  renvoyons  au  récit  qui 
précède.  On  verra  qu'aux  diverses  épo- 
ques de  la  domination  des  Vandales 
en  Afrique ,  la  >  puissance  absolue  de 
l'ancien  chef  de  guerre  qui  était  de- 
venu roi ,  pour  employer  ce  mot  dans 
son  acception  modfeitne ,  fut  toujours 
incontestée.  Genséric  et  ses  succes- 
seurs turent  tout  pouvoir  sur  la  vie 
et  la  liberté  non  point  seulement  des 
Romains,  mais  encore  des  hommes  les 
plus  illustres  de  leur  race.  En  ce  qui 
eonceme  les  Vandales ,  l'autorité  du 
roi  n'était  limitée  qu'en  un  sens  :  il 
n'osait  porter  atteinte  à  la  propriété 
concédée  à  perpétuité  à  ceux  qui  avaient 
fait  la  conquête.  Une  seule  infraction 
aux  arrangements  voulus  et  acceptés 
par  Genséric  et  ses  compagnons  eût 
inspiré  à  tous  les  barbares ,  devenus 
propriétaires,  des  craintes  sérieuses , 
et  amené  une  révolution  qui  aurait  eu' 
pour  premier  résultat  une  diminution 
du  pouvoir  roy^l,  et  peut-être  la  chute 
de  la  famille  investie  de  la  royauté. 

LE  CONSEIL  DU  BOI.  —  Si  l'ou  eA 

croit  une  tradition  rapportée  par  Pro- 
cope,  et  que  nous  avons  reproduite 


AFRIQUE.  79 

{>lus  haut  dans  notre  récit  (pag.  58) , 
e  roi ,  dans  les  circonstances  solen- 
nelles, appelait  autour  de  lui,  pour 
prendre  conseil ,  les  hommes  les  plus 
illustres  de  sa  nation.  Cette  réunion 
n'était  point  sans  analogie  avec  le 
Wittena-ghemote ,  ou  assemblée  des 
sages  des  anciens  Saxons.  Seulement 
il  faut  remarquer  que  la  voix  du  roi 
dans  le  conseil  était  prépondérafnte , 
décisive;  qu'elle  valait,  en  un  mot,  à 
elle  seule,  toutes  les  voix.  Ainsi  Pro- 
cope  raconte  que  les  députés  envoyés 
à  Carthage  par  les  Vandales  d'Europe 
qui ,  au  temps  du  roi  Godigiscle ,  n'a- 
vaient point  voulu  émiçrer ,  ayant  de- 
mandé a  Genséric  l'entier  abandon  des 
terres  que  lui  et  les  siens  avaient  lais- 
sées en  Germanie ,  le  roi ,  de  l'avis  de 
son  conseil,  fit  d'abord  une  réponse  fa- 
vorable. L'historien  byzantin  ajoute 
qu'un  vieillard  s'étant  levé,  ramena  le 
roi  par  un  discours  à  un  avis  contraire. 
GenaȎric ,  sans  tenir  compte  de  l'ad- 
hésion exprimée  j^r  ia  majorité  de 
ceux  qu'il  avait  rassemblés,  trouva 
sages  les  paroles  du  vieillard ,  et  ren- 
voya les  députés  sans  accueillir  leur 
demande.  Cette  seule  anecdote  peut 
nous  fanre  connaître  la  nature  et  les 
attributions  du  conseil  convoqué  dans 
les  graves  circonstances  par  les  rois 
vandales. 

BOYAUTB    HBRBDITAIBB;    LOI    DB 

SUCCESSION.  —  La  famille  qui ,  chez 
les  conquérants  de  l'Afrique,  possédait 
la  royauté,  était  sans  aoute  illustre 
entre  toutes  les  familles  vandales.  A 
quelle  époque  et  à  quelles  conditions 
le  pouvoir  suprême  fut-il  confié  aux 
aïeux  de  Genséric  ?  Nul  document  ne 
saurait  nous  l'apprendre.  Nous  devons 
nous  borner  à  constater  qu'à  partir  de 
la  grande  invasion  jusqu'au  règne  de 
Justinien ,  iles  rois  vandales ,  et  nous 
n'exceptons  point  Gélimer  {*) ,  ne  fu- 
rent jamais  soumis  à  l'élection.  Gen- 
séric régla  après  It  conquête  l'ordre 

(*)  Dans  sa  lettre  k  Justinien ,  Gélimer 
établit  la  légitimité  de  son  pouvoir  moins 
sur  le  voeu  eiprimé  par  les  guerriers  de  sa 
nation  que  sur  le  testament  de  Genséric  et 
les  droits  de  sa  fomiUe. 


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80 


L'UNIVERS, 


de  succession  au  trône.  Il  fit,  suivant 
Procope  {De  Bel  Fandal, ,  1,7),  un 
testament  dans  lequel  on  lisait  cet  ar- 
ticle :  Que  la  royauté  reviendrait  au 
plus  âgé  de  tous  les  princes  issus  du 
sang  royal,  sans  suivre  la  ligne  directe. 
Ainsi  le  fils  d'un  roi  voyait  la  cou- 
ronne de  son  père  passer  à  un  oncle 
ou  à  un  cousin.  Toutefois ,  il  ne  per- 
dait point  Tespoir  de  devenir  roi  à  son 
tour.  L'âge  pouvait  lui  conférer  un 
jour  la  royauté.  Genséric,  par  son  tes- 
tament ,  ne  se  proposait  point  seule- 
ment d'effacer  le  souvenir  de  son  usur- 
pation ,  et  de  faire  oublier  qu'il  s'était 
emparé  de  la  souveraine  puissance  au 
détriment  des  jeunes  enfants  de  son 
frère  Gundéric ,  il  voulait  encore  as- 
surer le  trône  à  sa  famille ,  et  écarter 
de  sa  nation  les  troubles  et  les  dan- 
gers inséparables  d'une  minorité  n. 
Nous  ajouterons  ici  une  remarque, 
c'est  que  l'histoire  des  Vandales  et 
leur  loi  de  succession  ne  font  pas  men- 
tion de  cette  règle  des  partages  suivie 
par  les Franks,  dans  l'ordre  politique, 
règle  que  d'éminents  historiens  ont 
regardée,  à  tort  peut-être,  comme  in- 
hérente aux  coutumes  et  aux  mœurs 
des  peuples  de  la  Germanie. 

LBS  DOMAINES  DU  BOI  *,  SON  TBB- 
SOB  ;  EMPLOI  DES  DENIEES  BOYAUX. 

—  Le  roi ,  on  le  conçoit  aisément ,  se 
fit  une  large  part  dans  les  terres  con- 
quises. Il  est  vraisemblable  qu'il  avait, 
non  loin  de  Gartbage,  dans  la  province 
mène  qui  était  devenue  la  propriété 
de  ses  compagnons  d'armes,  de  vastes 
domaines.  Puis,  dans  les  parties  de  son 
empire  où  les  Romains  étaient  restés 
propriétaires,  il  choisit  encore  d'autres 
terres  pour  ses  plaisirs  ou  pour  accroî- 
tre ses  revenus.  Ainsi,  nous  savons,  par 
le  récit  de  Procope,  que  Gélimer  avait 
une  résidence  à  Hermione,  dans  la  By- 

(*)  Voyez  sur  le  testament  de  Genséric  : 
'  Marcus;  Histoire  des  Vandales,  etc.,  p.  agS 
et  suiv.  —  Papeuoordt;  GescfUchte  dervan- 
dalisclien  Herrschaft  in  Afrika,  p.  217  et' 
suiv.  —  Voy.  aussi  une  note  curieuse  de 
Saint-Martin ,  dans  son  édition  de  \Hist. 
du  Bas 'Empire,  par  Lebeau;  t.  VIII, 
p.  aoi. 


zacène,  et  sur  la  c6te,  près  de  Grasse, 
de  magnifiques  jardins  (jui  firent  l'admi- 
ration des  soldats  de  Belisaire.  Les  rois 
vandales  ne  tiraient  point  seulement 
leurs  revenus  de  leurs  domaines.  L'im- 
pôt payé  autrefois  par  les  Romains 
aux  empereurs  fut  versé,  après  la  con- 

Suéte ,  dans  les  coffres  de  Genséric  et 
e  ses  successeurs.  On  doit  remarquer, 
toutefois,  que  cet  impôt  fut  moins 
lourd  sous  les  Vandales  qu'au  temps 
de  la  domination  romaine ,  et  que  les 
percepteurs  et  receveurs  de  Genséric 
Iprocuraiores  seu  exactores)  se  mon- 
trèrent moins  durs  et  moins  cruels 
que  les  agents  du  fisc  impérial.  Il  faut 
encore  ajouter  à  ces  sources  de  reve- 
nus les  amendes  en  argent  ou  en  na- 
ture payées  par  ceux  qui  avaient  en- 
couru une  condamnation. 

Voici,  d'après  les  indications  re- 
cueillies chez  les  auteurs  contempo- 
rains ,  quel  était  l'emploi  des  sommes 
amassées  par  les  rois  vandales.  Ils  sou- 
doyaient, pour  le  service  de  la  flotte, 
de  la  garnison  de  Carthage,  et  des 
camps  fortifiés  que  Genséric  avait  éta- 
blis vers  le  désert,  sur  plusieurs  points 
de  la  frontière,  un  corps  nombreux 
d'archers  maures.  Ils  payaient  les  in- 
dividus qu'ils  appelaient  d'Espagne 
pour  frapper  les  monnaies,  et  les  ou- 
vriers employés  à  la  fabrication  des 
armes,  à  leur  entretien  et  à  la  cons- 
truction des  vaisseaux.  Ils  élevaient  et 
remplissaient  d'armes  ou  d'agrès  de 
vastes  arsenaux.  Les  sommes  que  les 
violences  de  la  conquête  avaient  mises 
entre  les  mains  du  roi  furent  quelque- 
fois réservées,  comme  nous  dirions 
aujourd'hui ,  poiur  des  mesures  de  sa- 
lut public.  Nous  avons  cité  plus  haat 
(pag.  16)  un  passage  où  Victor  de 
Cartenne  raconte  que  toutes  les  ri- 
chesses enlevées  aux  habitants  de  Car- 
thage, après  la  prise  de  la  ville,  furent 
portées  à  Genséric.  «  Elles  devaient 
servir,  ajoute  l'historien,  à  prendre 
les  mesures  nécessaires  pour  repousser 
les  Romains  des  provinces  où  les  Van- 
dales avaient  fixe  leurs  demeures.  » 

DES  DIFFÉBENTBS  CLASSES  DB  LA 

NATION  VANDALE.  —  II  y  avait  chez 
les  Vandales ,  comme  chez  les  autres 


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AFRIQUE- 


81 


nations  barbares ,  certains  hommes 
qui  jouissaient,  parmi  leurs  compa- 
gnons d'armes,  d'une  grande  considé- 
ration. Dans  la  Germanie,  et  pendant 
les  premiers  désordres  de  l'invasion , 
c'est-à-dire ,  quand  la  tribu  errait  en- 
core avant  d'avoir  conquis  un  établis- 
sement fixe,  ces  hommes  tenaient 
cette  considération,  leur  noblesse, 
comme  nous  dirions,  non  point  de 
leurs  aïeux,  mais  de  leurs  qualités  et 
de  leur  bravoure  personnelles.  Ils  en- 
traînaient à  leur  suite ,  en  raison  seu- 
lement de  la  réputation  qu'ils  avaient 
acquise  dans  les  combats,  un  certain 
nombre  de  guerriers  qui  se  dévouaient 
à  eux  et  à  leur  fortune.  Ces  himmes 
illustres,  parmi  les  barbares,  étaient 
les  chefs  de  bandes.  Quand  ils  mou- 
raient, ils  ne  transmettaient  à  leurs 
fils  ni  leur  illustration,  ni  leur  in- 
fluence, et  la  bande  se  dissipait.  Cha- 
que guerrier  cherchait  un  nouveau 
cltef.  Tout  changea  chez  les  Vandales, 
comme  chez  les  autres  peuplés  germa- 
niques, quand  ils  s'établirent  d'une 
manière  définit ive  sur  les  terres  de 
l'empire.  La  noblesse ,  pour  des  rai- 
sons que  nous  ne  devons  point  énumé- 
rer  ici ,  devint  héréditaire  (*). 
Quels  furent  en  Afrique  les  avanta- 

§es  et  les  privilèges  de  la  noblesse  van- 
ale  ?  Elle  eut  d'abord  une  large  part 
dans  les  terres  conquises,  puis  elle 
resta  en  possession  de>  principaux  gra- 
des de  l'armée.  C'était  dans  son  sein , 
par  exemple,  que  l'on  prenait  les  chefs 
appelés  en  langue  germanique  taihun- 
hundafath  y  en  latin  millenarii,  qui 
commandaient  à  mille  guerriers.  La 
noblesse  fournissait  encore  au  roi  les 
hommes  dont  il   s'environnait  dans 

(*)  Yoy.  Naudel  ;  De  l'état  des  personnes 
en  France  sous  tes  rois  de  la  première  race; 
ap.  Mémoires  de  rAcadémie  des  inscript. , 
t.  VIII ,  p.  401  et  suiv.  Nous  renvoyons  aux 
premières  pages  de  ce  mémoire,  où  ,  suivant 
nous  ,  M.  Naudel  a  montré  le  véritable  ca- 
ractère de  la  noblesse  chez  les  barbares,  et 
réfuté  avec  une  grande  sagacité  les  exagé- 
rations ou  les  erreurs  de  Boitlainvilliers,  de 
Dubos,  de  Montesquieu,  de  Mably  et  de 
Gourcy. 


son  conseil,  et  leS  principaux  officiers 
de  son  palais.  Il  y  avait  à  Carthage 
un  fonctionnaire  du  plus  haut  rang, 
que  les  écrivains  romains  appellent 
prdepositus  regni.  Il  était  chargé 
de  I inspection  des  manufactures,  des 
arsenaux,  et  de  tous  les  établisse- 
ments royaux.  Il  devait  répondre 
aussi  aux  pétitions ,  demandes  ou  ré- 
clamations qui  étaient  envoyées  dans 
la  capitale  par  les  habitants  des  diver- 
ses provinces  de  l'Afrigue,  et  à  cet  ef- 
fet il  entretenait  à  côté  de  lui  de  nom- 
breux employés,  notarii.  Ce  ministre. 
Vandale  par  sa  naissance ,  que  ses 
fonctions  rendaient  le  personnage  le 
plus  important  de  l'empire  après  le 
roi ,  sortait ,  il  n'en  faut  pas  douter , 
des  rangs  de  la  noblesse. 

Le  roi  (les  faits  l'attestent)  avait  le 
droit  d'infliger  à  un  noble  des  peines 
infamantes  et  de  le  dégrader,  mais  il 
pouvait  aussi  élever  à  la  noblesse  des 
nommes  d'un  rang  obscur.  C'est  ainsi, 
qu'au  témoignage  de  Victor  de  Carten- 
ne,  Genséric  conféra  le  titre  de  comte  à 
un  ouvrier  vandale  qui  s'était  distingué 
entre  tous  les  autres  par  son  habileté 
dans  la  fabrication  des  armes  (*). 

Au-dessous  des  nobles  se  trouvait  la 
masse  des  guerriers.  Chacun  de  ceux 
qui  avaient  suivi  Genséric,  qu'il  fût 
Vandale,  Alain,  Golh  ou  Suève,  avait 
reçu  en  récompense  une  portion  de 
terre  plus  ou  moins  grande.  Toute- 
fois, le  barbare,  devenu  propriétaire, 
ne  cessa  point,  malgré  ce  changement, 
d'être  considéré  comme  soldat.  Il  de- 
vait toujours  au  roi  le  service  mili- 
taire; seulement,  il  était  affranchi  de 
Fiiiipôt  que  les  Romains  payaient  pour 
leurs  propriétés.  Si  les  Vandales  ame- 
nèrent avec  eux  des  esclaves,  ils  durent 
les  joindre  à  ceux  qu'ils  trouvèrent 
dans  la  Zeugitane  pour  les  employer  à 
la  culture  des  terres  qui  leur  avaient 
été  concédées. 

OBGANISATION     JUDIGIAIBE    DES 

(*)  Voy.  sur  la  noblesse  vandale  :  Marcus; 
Histoire  des  Vandales,  etc.,  p.  191 ,  198, 
et ,  dans  les  notes ,  p.  37.  —  Papencordt  ; 
Geschichte  der  vandalischen  Herrschaft  in 
Afrika,  p.  aao,  127  et  suiv. 


6*  Livraison.  (HiST.  des  Vandales.) 


6 


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«2 


L*UNiVBRS. 


TANDÀLES*  —  Gensérie  ^et  «es  succes- 
seurs ,  comme  nous  le  ditons ,  laissé^ 
fént  par  nécessité  aux  vaincus  leurs 
lois  et  leur  organisation  judiciaire  ; 
mais  pour  cela  ils  n'essayèrent  point 
d'imposer  à  leurs  compagnons  d'ar- 
mes les  usages  des  Romains.  Quelle 
était  donc  Torganisation  judiciaire  des 
Vandales  ?  MM.  L.  Marcus  et  Papen- 
cordt  ont  tranché  cette  question  avec 
raison,  suivant  nous,  en  disant  que  les 
Vandales  trouvaient  au  besoin  des  ju- 
ges civils  dans  leurs  chefs  miUtaires. 
Ainsi,  il  y  avait  des  tribunaux  présidés 
par  les  taihunhundafath  ou  ynUlena- 
rii,  d'autres  par  les  hundafath  ou 
centenariiy  d'autres  enfin  par  les  tai- 
hunfath  ou  decanL  Au-dessus  de  ces 
juges  se  trouvait  établi ,  sans  doute 
pour  statuer  en  dernier  ressort,  dans 
les  cas  les  plus  graves,  le  fonctionnaire 
supérieur  {prœposUus  regni)  dont 
nous  avons  déjà  parlé  (*). 

PARTAGE    DES  TEBKES.    —  Cc   fut 

seulement  après  la  prise  dé  Carthage 
que  la  nation  vandale  s'organisa  et 
s'établit  en  Afrique  d'une  manière  dé- 
finitive. Gensérie  distribua  à  ses  guer- 
riers les  terres  de  la  province  procon- 
sulaire ou  Zeugitane.  Il  se  réserva,  pour 
employer  les  dénominations  géographi- 
ques de  Victor  de  Vita  ,  la  Byzacène , 
TAbaritane ,  la  Gétulie  et  une  portion 
de  la  IVumidie.  Toutes  les  acquisitions 
faites  par  les  Vandales,  postérieure- 
ment au  traite  de  442,  entrèrent  dans 
le  lot  du  rdi,'  Nous  avons  énuméré 
plus  haut  les  biens  ,  domaines,  reve- 
nus, etc.,  que  Gensérie  garda  pour  lui 
et  pour  ses  successeurs  après  la  con« 
quête  (**).  Nous  devons  dire  mainte- 
nant quelle  fut  la  part  de  ses  compa- 
gnons d'armes.  On  leur  distribua  dooc 
les  terres  âe  la  Zeugitane.  o  Gensérie  « 
dit  Procède ,  aoi^na  les  fiîus  nobles  et 
lès  plus  riches  Africains ,  eux ,  leurs 
propriétés  foncières  et  ce  qui  en  dépen- 
dait, à  ses  fils  Hunéric  et  Geozon,  Il 
dépouilla  les  autres  Africains  de  pres- 

(*)  Marcus;  p.  190. — Papenoordt  ;  p,.a^4g; 
—  "Voy.  aussi  Grlmm  ;  Deutsche  Àech^sal' 
terthûmer^  756, 

(**)  Voyez  encore  sur  ce  point  :  Papeii* 
cordt;  p.  181  et  suiv. 


cHiQ  toutes  le»  bonnes  fbvrès^  c(  la 
distribua  entre  les  Vandales.  Aussi  on 
appelle  encore  aujourd'hui  ees  terres, 
lots  (xXvipot)  des  Vandales.  Quant  aux 
anciens  propriétalires ,  ils  devinrent 
tous  très-pauvres  ;  mais  ils  restèrent 
libres  et  purent  aller  où  bon  leur  sem* 
blait.  Les  terres  que  Gensérie  aban^ 
donna  à  ses  fiJs  et  aut  Vandales  étaient 
exemptes  d*imp6ts  ;  mais  les  terres 
gu'on  laissa  aux  anciens  propriétaires, 
parce  qu'on  ne  les  trouva  pas  ass^ 
bonnes,  furent  chargées  de  tant  de  re- 
devances, que,  tout  en  restant  nosses- 
seurs  de  leurs  immeubles,  les  Airicains 
n'en  retirèrent  rien  pour  eux-mêmes.  » 
Çhaqu*  barbare  eut ,  d»is  là  distribu- 
tion des  terres ,  une  part  proportion- 
née ,  si  nous  pouvons  nous  servir  de 
cette  expression,  à  sa  bravoure  et  à  la 
considération  dont  W  jouissait  dans  là 
nation.  Cette  part  lui  était  concédée , 
à  lui  et  à  ses  héritiers ,  en  toute  pro-» 
(NTiété.  C'était  Vahde  germanique.  Les 
rois  vandales,  par  prudence,  n'essayè- 
rent jamais  d'enlever  à  leurs  corapa<» 
gnons  d'armes  .les  terres  ou  le  butin 
gagnés  par  1^^  fait  de  la«  coïiquéte  où 
par  les  pirateries.  Gensérie  dit  un  jour 
a  un  ambassadeur  byzantin  :  «  Tous 
les  prisonniers  c(ue  nous  ayons  obte- 
nus par  le  sort,  mon  fils  et  moi,  je  te 
les  abandonne  ;  quant  à  ceux  qui  sont 
tombée  en  partage  à  mes  soldats,  je  te 
permets  de  les  racheter  comme  tu  pour- 
ras de  leurs  maîtres,  s'ils  veulent  les 
vendre.  Je  n'ai  pas  le  pouvoir  de  les 
contraindre  O.  » 

Nous  croirions  votontiers  que  tou^ 
les  guerriers  qui  suivirent  Gensérie  ne 
i^eçurent  point  des  terres  dans  la  Zeu' 
gitane.  Il  y.  en  eut  parmi  eux  un  sraBd 
nombre  qui ,  préférant  au  repos  Ta  vie 
agitée  du  guerrier  et  teè  courses  sur 
mer,  s'enrôlèrent,  moyennant  une  forte 
solde,  dans  le  corps  permanent  qui 
servait  à  Carthage  pu  sur  les  vaiéseaux 
du  rôt  qui  parcouraient  sans  cesse  la 
Méditerranée,  et  portajiént  le  ravage 
sur  toutes  les  côtes  de  l'epipire. 

Ajoutons  encore  que  les  Vandales 

(*)  Malchus;  In  excerptis  e  îegathMu^ 
p.  87.  —  Voy.  aussi  Marcus  ;  p.  193. 


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ÂfSHffJË, 


m 


se  éMdéftttèréftt  mii  éfitîj^ôn»  de  C&t* 
thflge,  dans  ntw  séiHe  ptô^îiie&^  AiûFsi 
placés ,  ils  pochaient  86  rétr^ir  fâlbile* 
ment  enf  tem^^  rfe  guerre,  et  porter  ra* 
pidement  secoiirs  a  leur  roi,  (fuand  les 
ennemis  du  dehorsi  essayaient  de  hli 
disputer  sa  éiônc(uèté. 

ORGAmsATrdl^  MILltATM  *,   l'Aïl- 

itÉÉ  ;  SES  CHEFS.  —  C'était  h  tcH  qtfî, 
depuis  les  tefîips  les  plus  anéiens ,  âh 
rîgeaît  les  guerriers  dans  toutes  \eÉ 
expéditions  et  dans  les  combats.  Il  con- 
duisait la  tribu  dans  son  ensemble; 
mais  la  tribu  armée  était  subdivisée  eri 
une  fotile  de  bandes.  Chacune  d'elles, 
à  son  tour ,  avait  ùu  chef  qui ,  comme 
nous  Favonfs  dit ,  ne  devait  son  auto- 
rité et  son  îrifluence  siuT  Ses  cotmya- 
gnons  qu'à  son  illustration  personnelle, 
c'est-à-dire,  à  la  bravoure,  qui,  danà 
les  commencements  d'une  sotSîété,  est 
l'unique  source  de  Tilhistration.  Cette 
organisation  naturelle  et  simple  des  na- 
tions barbares  ne  subsista  point  foti^ 
Jours  chez  les  Vandales.  Quand  Gen- 
Séric  eut  touché  le  sol  de  l'Afrique, 
^and  il  se  vit  entouré ,  non  point 
seulement  des  hommes  de  sa  race, 
linais  encore  d'Alains  en  grand  nom- 
bre ,  de  Sûèves ,  de  Goths,  de  Maures, 
et  même  de  Romains,  il  crut  avec  rai- 
Son  qu'une  masse  aussi  considérable, 
et  qui  se  composait  de  tant  d'éléments 
divers ,  ne  pouvait  être  gouvernée  et 
se  mouvoir  comme  une  tribu  errante 
dans  les  forêts  de  la  Germanie.  Il  es- 
saya donc  d'organiser  son  armée  sur 
un  plan  nouveau  qui  pût  convenir  en 
quelque  sorte  au  tjemps  et  aux  circons- 
tances au  milieu  desquelles  il  se  trou- 
vait placé. 

Il  divisa  la  foule  qui  lé  suivait  eu 
^atre-vingts  cohortes.  Chaque  cohorte 
se  composait  de  mille  hommes ,  et 
avait  un  chef  qui ,  suivant  Victor  de 
Ëartenne ,  était  appelé ,  dans  l'idiome 
germanique  ,  taihunhundafath  {*), 
C'est  ce  chef  qui  reçoit  de  Victor  de 
Vita  le  nom  de  miUenanus,  et  de  Pro^ 
cope  celui  de  xiXîopxoc*  Au-dessous 
du  commandant  de  la  cohorte,  se  trou- 
vaient les  officiers  inférieurs  qui  con- 

,  (*)  Taihim,  dix  ;  hunda,  cent;/a/A,  chef. 
On  reUrouve  ce  mot  dans  Ulphilas  (Marcus), 


dnisaienf  ccnot  hommes  (eéntUfîonet , 
cetitenarH),  et  ceux  ^uî  conduisaient 
dix  hommes  seulement  (decuriones ,  ^ 
âecani).  Dans  la  lan^e  des  Viindales, 
les  premiers  étaieot  a|^pelé$  hunda^ 
fatk,  et  les  seconds  taihunfatà.  Au- 
dessus  de  tous  les  chefs  se  trotivait 
d'abord  le  roi,  pùKt  les  membres  de  la^ 
famille  du  roi ,  fit»  ou  Mrtres ,  <f6i  di- 
rigeaient plusieurs  cohortes,  ouv  côngh 
me  nous  dirtons  aujourd'hui ,  des  éi* 
visions.  Ainsi  4  à  la  bataille  de  Trica- 
mara,  Qélitttet  surveille  l'ensemble  desf 
mouvements,  etT2azôn,frèredo  roi» 
commande  le  centre.  Sr^  dans  cetfô' 
journée,  les  ailes  furent  confiées  à 
des  taiUuHhundafôthy  c'^  me  dans 
lés  combats  qui  avaient  précédé,  Am- 
matas,  l'aiiitre  frère  du  rdi,  et  son 
neveu  GU)amtind  «  placés  tons  deux  à 
\é  tête  de  cotps  importants,  avaient 
ëé  tués  par  les  Grecs.  Quand  le  roi 
n'allait  pas  à  la  guerre ,  Farmée  était 
confiée  aux  princes  de  sa  famiilei 
C'est  en  vertu  de  leur  naissance  que 
FAchilïe  des  Vandales,  Oamcr,  ^ 
avant  son  avènement  au  trdfte ,  GéH- 
mer,  furent  successivement  investis 
du  commandement  en  chef  dans  les  ex* 

Ç éditions  contre  les  Maures.  Plus  tard, 
zazon  Ait  désigné^  pârfce  qu'il  était 
fi*ère  du  roi,  pour  conduire  la  flotte  et 
l'armée  qui  devaient  réduire  en  Sar- 
daigne  le  rebelle  Godas. 

Quand  les  guerriers  vandales  etnrent 
partagé  entre  eux  les  terres  de  la  Zeu- 
gitane,  ils  ne  cessèrent  point  d'être  di- 
visés et  organisés  militairement,  conv» 
me  au  temps  oh  ils  erraient  en  Afri- 
que au  gré  des  événements,  et  où  ils 
n'avaient  d'autres  demeures  que  lés 
tentes  de  leur  camiJ.  Les  cadres  tra- 
cés par  Genséric,  si  nous  pouvons  em- 
ployer cette  locution  moderne,  ne  fu- 
rent pas  détruits.  Ajoutons  encore 
que  dans  sa  capitale,  et  près  de  lui,  le 
roi  des  Vandales  entretenait ,  même 
pendant  la  paix ,  un  corps  de  troupes 
nombreux,  et  qui  ne  quittait  pas  les 
armes.  D'autres  corps  permanents 
étaient  placés  sur  plusieurs  points  des 
frontières ,  pour  protéger  les  terres 
conquises  contre  les  courses  et  les  in- 
vasions subites  des  Maures. 

6. 


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84 


L'UNIVERS. 


Les  Ydndales  ne  servaient  pas  à 
pied  ;  ils  combattaient  tous  à  clieval , 
et  ne  faisaient  usage,  pour  Tattaque 
et  la  défense,  que  de  la  lance  et 
de  répée  (*).  Les  archers  qui  parais- 
saient aans  leurs  rangs  et  sur  leurs 
vaisseaux  étaient  des  mercenaires.  Ils 
étaient  choisis  parmi  les  Maures. 

Si  Von  excepte  Carthase  et  les  lieux 
où  Genséric  avait  placé  des  garnisons, 
on  ne  trouvait  pas  en  Afrique,  sous  les 
Vandales,  de  points  fortifiés.  Les  bar- 
bares, à  leur  arrivée  (et  ce  fait  se  re- 
{)roduisit  dans  plusieurs  contrées  de 
'Europe  envahies  par  les  populations 
germaniques) ,  renversèrent  les  murs 
de  toutes  les  villes f^*).  Ils  craignaient 
que  les  Romains,  en  s'emparant  d'une 

Slace,  ne  les  missent  dans  la  nécessité 
e  recommencer  un  siège  aussi  long 
et  aussi  désastreux  que  celui  d'Hîp' 
pone.  Après  la  mort  de  Genséric ,  les 
murailles  de  Carthage,  mal  entrete- 
nues, croulèrent  en  plusieurs  endroits, 
et  les  postes  des  frontières  furent 
abandonnés.  Gélimer,  amené  comme 
prisonnier  dans  la  capitale'de  son  an- 
cien royaume ,  gémit,  mais  trop  tard, 
de  l'erreur  de  ses  aïeux  et  de  sa  pro- 
pre négligence. 

HABINE  ,  ARSENAUX.  —  NOUS  aVOnS 

dit  ailleurs  (pag.  16)  que  par  nécessité 
les  Vandales  durent  se  livrer  aux  ex- 
péditions maritimes.  lis  eurent  en  ef- 
fet de  nombreux  vaisseaux  avec  lesquels 
ils  purent  résister  aux  flottes  combi- 
nées des  deux  empires ,  et  porter ,  de 
439  à  476,  la  dévastation  sur  les  côtes 
de  TEspagne,  de  la  Gaule,  de  l'Italie, 
de  la  Grèce  et  de  l'Asie  Mineure. 
Après  la  mort  de  Genséric,  Tardeur 
des  Vandales  pour  les  expéditions  ma- 
ritimes se  ralentit,  mais  elle  ne  s'étei- 
gnit pas.  Les  courses,  sans  se  faire 
pourtant ,  comme  autrefois ,  avec  des 
flottes  entières,  continuèrent.  Au  reste, 
pour  prouver  que  les  Vandales ,  même 
a  l'époque  de  leur  décadence,  n*avaient 
pas  renoncé  à  dominer  sur  la  Médi- 

(*)  Voyez  notre  récit  de  Texpédition  de 
Bélisaire ,  l'ouvrage  de  Marcus ,  passim,  et 
celui  de  Papeocordt;  p.  3i33. 

(**)  Marcus  ;  p.  aoo  et  suiv.  —  Papen- 
cordt;  p.  234. 


diterranée,  il  nous  suffira  de  rappeler 
que  Gélimer  trouva  sans  peine,  pour 
envoyer  des  troupes  en  Sardaigne, 
cent  vingt  vaisseaux.  Le  roi ,  ou ,  en 
son  absence,  les  membres  de  sa  famille, 
exerçaient  sur  l'armée  navale  comme 
sur  1  armée  de  terre  le  commandement 
suprême.  Genséric  dirigea  en  personne 
plus  d'une  expédition  ;  Genzon ,  son 
fils ,  parut  dans  la  bataille  oîj  Basilis- 
eus  perdit  tant  de  vaisseaux  ;  et  la  der- 
nière flotte  mise  en  mer  par  les  Van- 
dales eut  pour  chef  un  frère  de  Gélimer, 
Tzazon. 

Il  y  avait  à  Carthage,  pour  l'équipe- 
ment de  Tarmée  de  terre  et  pour  l'en- 
tretien des  flottes,  de  vastes  arsenaux. 
Là  ,  se  trouvaient  déposés  en  nombre 
considérable  des  armes  et  tous  les 
agrès  des  vaisseaux.  C'étaient  ces  ar- 
senaux que  Genséric,  suivant  la  tradi- 
tion, avait  montrés  avec  tant  d'orgueil 
au  plus  redoutable  de  ses  ennemis, 
l'empereur  Majorien. 

RELIGION.  —  Nous  avons  admis  sans 
hésiter,  comme  on  l'a  vu  plus  haut 
(note  de  la  pa^.  7),  que  dès  leur  passage 
dans  les  provmces  qui  avoisinaient  le 
Danube ,  les  Vandales  se  trouvant  en 
contact,  sfiit  avec  les  Goths,  soit  avec 
les  habitants  de  l'empire,  avaient  aban- 
donné les  croyances  de  leurs  aïeux  de 
la  Germanie  pour  embrasser  le  chris- 
tianisme. Nous  avons  dit  aussi  que  ce 
fut  vraisemblablement  dans  la  Panno- 
nie  qu'une  partie  de  la  nation  avait 
adopté  la  doctrine  d'Arius.  Toutefois, 
en  Germanie,  parmi  les  Vandales  et  les 
barbares  ^ui  les  suivaient  dans  leurs 
courses,  beaucoup  ne  renoncèrent  point 
au  paganisme.  Mais  après  le  passage 
du  Rhm,  et  après  avoir  séjourné,  soit 
dans  la  Gaule,  soit  dans  l'Espagne, 
pendant  vingt  années ,  la  masse  des 
guerriers  (et  ici  nous  comprenons 
parmi  eux  les  Alains  et  les  Suèves)  se 
trouva  chrétienne.  Les  ariens  étaient- 
ils  plus  nombreux  que  les  catholiques 
parmi  ceux  qui,  en  429,  franchirent  le 
détroit  de  Gadès  pour  conquérir  l'A- 
frique.^ Nous  Tignorons.  Cependant, 
s'il  est  vrai ,  comme  le  dit  une  vieille 
tradition  rapportée  par  Idace,  que  Geu* 
série  cessa  d  être  catholique  pour  em- 


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AFRIQUE. 


8^ 


brasser  l'hérésie  d'Arius ,  il  faut  ad- 
mettre qu'avant  la  sortie  d'Espagne, 
les  ariens  étaient  en  majorité  parmi  les 
Vandales.  Ce  ne  fut  sans  doute  qu'au 
prix  d'une  abjuration ,  que  Genséric 
put  se  faire  accepter  comme  chef  et 
régner. 

En  Afrique ,  la  totalité  des  conqué- 
rants, plutôt  par  le  fait  des  circonstan- 
ces et  par  nécessité  que  par  convic- 
tion, adopta  Tarin nisme.  Les  donatistes 
et  tous  les  hérésia roues  que  les  empe- 
reurs orthodoxes  a'Oocident  avaient 
persécutés,  se  précipitèrent  au-devant 
de  Genséric  et  des  siens ,  et  lui  prêtè- 
rent assistance.  Ils  assurèrent  les  suc- 
cès et  la  conquête  des  Vandales.  Ceux- 
ci  durent  nécessairement ,  nous  le  ré- 
pétons ,  pour  prendre  racine  sur  la 
terre  d'Afrique,  devenir  tous  hérésiar- 
ques et  se  déclarer  ennemis  des  catho- 
liques. Ce  furent  donc  moins  des 
considérations  religieuses  que  des  vues 
politiques  qui  jetèrent ,  en  définitive , 
les  Vandales  dans  Tarianisme. 

Nous  ne  montrerons  point  ici  (parce 
que  nous  l'avons  fait)  le  véritable  ca- 
ractère des  persécutions  qui  signalé- 
rent  le  règne  de  Genséric.  On  sait ,  et 
nous  l'avons  dit  plus  haut,  que  ce  roi 
se  montra  plus  ou  moins  tolérant  sui- 
vant que  les  attaques  dirigées  contre 
lui  par  l'empire  furent  plus  ou  moins 
vives.  Seulement  nous  voulons  consta- 
ter que,  dans  les  deux  plus  récentes 
publications  sur  la  domination  des 
Vandales  en  Afrique,  MM.  L.  Marcus 
et  Papencordt  ont  parfaitement  saisi 
les  raisons  politiques  qui  ont  amené 
la  plupart  des  mesures  adoptées ,  dans 
les  affaires  religieuses,  par  Genséric 
et  ses  successeurs  (*).  Il  faut  encore 
ajouter  que  les  conquérants  germains 
devenus  ariens  montrèrent  parfois, 
dans  leurs  actes ,  un  fanatisme  qui  de- 
vait être  le  résultat  d'une  profonde 
conviction.  Les  persécutions  dirigées 
par  le  roi  Hunéric  contre  les  catholi- 
ques sont  empreintes  souvent  d'une 

(*)  Papencordt;  p.  193.  "Voyez  tout  le 
cbap.  6  du  liv.  III,  p.  270  et  suiv.  et  prin- 
cipalement p.  27  9  et  suiv. — Marcus  ;  liv.  III, 
ch.  5 ,  p.  a38  et  suiv.,  et  ch.  10  du  même 
livre,  p.  807,  319  et  suiv. 


haine,  d'une  animosité,  d'une  cruauté 
qui  appartiennent  moins ,  si  nous  pou- 
vons nous  servir  de  cette  expression , 
aux  exigences  de  la  raison  d'État  et 
aux  querelles  politiques  qu'aux  pas- 
sions religieuses. 

EFFETS    DE    LA  CONQUÊTE;    lÉTAT 

DES  BOMAINS.  —  C'cst  en  vain  que 
certains  historiens  ont  essayé  de  prou- 
ver que  les  nations  barbares ,  en  s'é- 
tablissant  sur  les  terrc^^âe  l'empire, 
avaient  gardé ,  au  moins  par  calcul  et 
prudence ,  des  règles  et  de  grands  mé* 
nagements,  et  que ,  par  exemple,  elles 
avaient  tenu  compte  souvent,  dans 
l'occupation  et  le  partage  des  terres 
conquises ,  des  droits  et  des  intérêts 
de  la  population  vaincue  (*).  M.  Mar- 
cus n'est  pas  éloigné  de  croire  que  les 
Vandales  accomplirent  leur  conquête 
et  le  partage  des  terres  avec  la  plus 
grande  modération.  Mais  cette  con- 
quête et  ce  partage  se  firent ,  comme 
le  témoignent  les  contemporains ,  avec 
violence.  Nous  renvoyons  ici  au  pas- 
sage de  Victor  de  Cartenne ,  que  nous 
avons  cité  plus  haut  (p.  16),  et  nous 
nous  bornerons  à  rappeler  ces  paroles 
de  Procope,  qui  se  rapportent  aux 
premiers  temps  de  la  conquête  :  «  Les 
Vandales  envoyèrent  plusieurs  Ro- 
mains en  exil,  et  ils  en  tuèrent  un 
grand  nombre.  Cacher  ses  richesses 
était,  aux  yeux  des  vainqueurs,  le  plus 
grand  des  crimes  (**).»  Au  reste, 
quand  nous  n'aurions  pas  le  témoi- 
gnage formel  des  historiens,  nous 
serions  encore  en  droit  de  conclure, 
à  l'aide  seulement  du  bon  sens, 
que ,  dans  tous  les  lieux  où  ils  s'éta- 
blirent, les  barbares  portèrent,  par 
leurs  violences,  au  sein  de  la  société, 
la  plus  grave  perturbation. 

Les  Romains  furent  donc  expro- 
priés dans  toute  la  Zeugitane  d'abord, 
et  ensuite  dans  certaines  parties  des 
autres  provinces, Jà  où  Genséric  avait 
choisi -à  sa  convenance  des  domaines 
et  des  maisons  de  plaisance.  Que  de- 

(*)  CVst  une  opinion  qui  a  encore  été 
récemment  exprimée ,  pour  la  conquête  des 
Franks ,  par  M.  Pardessus,  dans  son  savant 
ouvrage  sur  la  Loi  salique  ;  dissert.  8 ,  p.  534. 

(**)  Procope  ;  De  BeL  rand,,  1,  5, 


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L'U^ÏV^RS. 


vinrent  les  incjividu^  expropriés  ?  Ils 
descendirent  d'un  degré  dans  l'échelle 
sociale.  De  propriétaires  qu'ils  étaient 
ils  devinrent  colops.  Les  guerriers 
vandales ,  et  tous  les  autres  barbares 
qui  les  avaient  suivis,  ne  firent  point 
yaloif  leurs  terres  par  eux-mê/nes  ,  ils 
ijBS  confièrent,  moyennant  redevance, 
aux  Romains.  On  serait  porté  à  croire, 
par  certaines  indications,  que  les  vain- 
queurs lais^èçent  aux  vaincus  expro- 
priés le  choix  de  rester  colons  en  Afri- 
que ou  de  se  retirer  dans  les  i^rovinces 
qui  relevaient  encore  de  Tempire;  mais 
d'autres  faits  semblent  attester  qu'ils 
ne  se  montrèrent  point  si  uïodérés. 
Plus  d'une  fois  ils  reléguèrent  les  Ro- 
mains qui  ne  voulaient  pas  reconnaître 
leur  domination  dans  Jes  îles  de  la  Mé- 
diterranée qu'ils  avaient  soumises  à 
leur  empire,  et  même  chez  les  Maures, 
dans  le  désert.  Il  arriva  cependant  que 
par  calcul,  et  pour  rallier  à  sa  per- 
sonne les  plus  illustres  familles  ro- 
maines ,  Genséric  essaya  quelquefois 
de  faire  oublier  aux  vaincus  les  excès 
de  la  conquête.  Oç  lit  dans  un  ancien 
document  (*)  que  les  fds  d'un  riche 
Romain,  qui  s'était  sauvé  de  l'Afrique 
au  temps  de  la  prise  de  Carthage ,  ré- 
solurent un  jour  de  revenir  dans  leur 
pays.  Ils  apprirent,  à  leur  retour,  que 
les  biens  de  leur  père  avaient  été  con- 
usqués  et  donnés  à  des  prêtres  ariens. 
Ils  s'adressèrent  au  roi ,  qui  força  les 
prêtres  à  rendre  une  partie  de  ces 
biens  aux  fils  de  celui  qui  s'était  expa- 
trié. 

Les  Romains  des  Mauritanies,  de  la 
Numidie ,  de  la  Byzacène  et  de  la  Tri- 
politaine,  qui  n'avaient  pas  été  expro- 
priés ,  payaient  un  impôt  au  roi  des 
Vandales.  Cet  impôt  fut  moins  lourd 
sous  la  domination  barbare  qu'^u  tj^mps 
du  gouveriiement  impérial.  A  Tappui 
(^  notre  assertion,  il  suffijrait  de  rap- 
peler que  Justin ien ,  pour^aFoir  essayé, 
après  les  victoires  de  Bélisaire ,  de  réi- 
tal^lir  les  rôles  de  contributioos  qui 
étaienj  jpp  u^age  sous  le  règpe  de  Va- 
ientinîen  III ,  excita ,  (jlans  toute  VA.T 
frique,  up  grave  luécon^eotenaent. 

(*)  L*  jie  4ti  mot  Fulgfinpe, 


Dirons  çnfin  Que,  par  fném^t  h» 
rois  van<|ales  ^'^Qvîronn/mreQjt  it  Ro- 
mains. Dan$  1(3  palais  de  Cart^ia^,  po 
comptait  plus  d'un  de  ceç  offîciejrs, 
appelés  ailleurs  fiffJWrù  in  truste  et 
çpnvivds  régis ,  oui  étaient  admis  au 
servioe  ou  dans  la  familiarité  du  sour 
ye^ain.  C'était  ai^i^sl  p^rmi  les  Romains 
que  Yo^  preaaît  les  percepjteur^  d^ 
Pinîpôt  {procuratores,  exaçtor^)  et 
1/es  xé^i^s^^n  d^  domaioeç  ^gy^. 
ToM3  ie$  officiers  d'origine  roqiame, 
^noployés  par  (Grep^éric  ou  s^  çu4cce$« 
lieurs,  rjçcpyaien^  en  traitem^t  de;i 
vivrez  ^%  une  spide.  U$  étaiepi  oblifiéft 
diç  pprter  i'^abiUem^nJ;  defs  Y^nda- 
les(*). 

PBUSISXÀNCJE  PB  li'APIfl^I&TBAw 
T^ON  £?  D^S  LO^S  )^]f:i.isnss  SOUS 
LA  pOy^N^LTIQN  PPS  VÀNDiXES.  •— 

Aprfès  la  conque}^,  les  fonctiomiair^^ 
d^ps  J'ordrie  cjvji  ne  perdirent  ri^n  de 
laurs  attri^ions,  et  ne  cçissèrent  point 
d'iire  choisi  parn^j  le^  Romaiqs.. 
Nous  n'insisterons  ppint  joi  sur  Çfs  î^\% 
tfès-import^nl;  d^  la  persistance  de 
l'adminis^F^ion  et  i^  lois  r^im^ïfmf 
p,arce  qu'il  est  mis  daias  tout  ^on  jour 
99r  i'édi<t  dM  roi  Hupéric,  qve  npiifl 
a;irons  it^^éré  p|u^  haut  dans  notre  i^il 
(p.  33).  Dç3  bistorieps  contejnoporaiog 
siQUS  ont  appris  f^m  hs  rpi$  vdodaie^ 
ehoisirent  p^rini  ï^  J^^Qmmm^  et  éta- 
blirent à  Ôirthag^  HO  odarâtrat  qui 
jugeait  en  appel  danstoutesies  causes, 
et  pronoDjçait  en  dernier  ressort  (**)• 
Ce  magistrat  est  ap(^  par  Victor  de 
Cartenoe  pr»posUusjumcii9  romanis 
i»  regno  Afm»  Fq^ndahrum.  F?ul;- 
iï  voir«  dans  la  créatioo  de  ce  juge  su- 
piérieur  à  tous  les  juges  ides  Jocal^és , 
une  innovation  due  à  4a  conquête^ 
Nous  ne  le  pensons  pas.  Jadis,  tes  ha- 
bitants d'ime  partie  de  la  Mauritanie, 
de  la  Numidie,  de  la  Procoosulaire 
et  de  la  Byzacène,  avaient  trouvé  à 
Qirthage  ua  tribunal  à'apçei  :  f'était 
celui  <(ue  présidait  le  gcmveriieuf  ëe 
l'Afrique  impériale.  Il  avait  été  aboli 
p^  Ip  fait  ^fi  rmvasiooy  |s^  les  raïs 

(♦)  Marcus;  p.  iS5  et  siiiv.  —  Papen- 
cordt;  p.  iSS. 

(**)  Marcus  ;  p.  *««.  —  Fapenccwdt  ; 
p.  194. 


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ISJ^lQiUt. 


m 


Tandales  essayèrent  de  U  reeoBStîtueri. 
€'e9t  à  celle  fin  qu'ils  institUièreiit  la 
«ta^strsdure  suprême  dont  nous  ¥€» 
nons  de  parler. 

LES  TILLES   D'AFEIQUI   80tt8  LES 
VANDALES  ;   REGIME  MUNICIPAL.  — « 

Nous  avons  dit  plus  d'une  fois,  dans 
ie  récit  qui  pré^e,  oue  Tarrivée  et 
l^étaMissement  des  baroares  dans  cer<- 
taines  provinces  de  l'empire ,  en  Aâri-r 
que,  par  exemple,  fut,  sous  certains 
rapports,  pour  la  population  des  villes 
et  des  campagnes,  un  événement  heu- 
reux. Les  vities  surtout,  qui  avaient 
tat^  souffert  des  exisences  du  fisc  im- 
périal ,  purent  considérer  les  bariiares 
comme  des  libérateurs.  M.  Augustin 
Thierry  signale  en  ces  termes  la  révo* 
iution  produite  dans  les  villes  de  la 
Gaule  par  l'arrivée  des  Franks  :  «  Les 
traits  les  plus  généraux  de  la  transfor- 
mation du  régime  municipal,  ceux  que 
des  témoignages  plus  oja  moins  préàs, 
plus  ou  moins  complets,  font  retrouver 
a  peu  près  au  même  degré  dans  toutes 
les  grandes  villes ,  sont  les  suivants  : 
la  curie,  1e  corps  des  décurions,  cessa 
d'être  responsable  de  la  levée  des  iraf 

Êts  dus  au  fisc;  l'impôt  fut  levé  par 
soins  du  comte  seul ,  et  d'après  le 
dernier  rôle  de  contrilnitions  dressé 
dans  la  dté.  Il  n'y  eut  plus  d'autre 

garantie  de  l'ex^ctiàide  des  contribua* 
les,  oue  le  plus  ou,  moins  de  savoir- 
faire,  d'activité  ou  de  violence  du  comte 
et  de  ses  agents.  Ainsi,  les  fonctions 
municipales  cessèrent  d'être  une  charge 
ruineuse;  personne  ne  tint  plus  à  en 

être  exempt;  le  clergé  y  entra les 

anciennes  conditions  de  propriété  né- 
cessaires pour  y  être  admis  ne  furent  * 
plus  maintenues.....  l'évêque  joua  un 
rôle  de  plus  en  plus  actifs  soit  dans  la 
gestion  des  affaires  locales,  soit  dans 

Padministration  de  la  justice  (*) » 

Ces  considérations  de  M.  Augustin 
Thierry  relatives  à  la  Gaule  sont  ap- 
plicables à  l'Afrique  sous  la  domina- 
tion des  Vandales.  Il  y  a  cette  diffé- 
rence, toutefois,  que  la  levée  de  l'impôt 
étant  confiée  par  Gcnsérie  et  ses  suc- 
(*)  M.  Aiig.  Thierry;  Considérations  sur 
ttàstoire  de  Vrance,  ch,  v  ,p.  a85  et  suiv., 
dmiucme  édit 


isessett»,  aon  è  des  ^^mtes  d'origine 
barbare,  mais  à  des  Romains,  les  villes 
de  l'Afrique  se  trouvèrent  n>oins  ex- 
posées que  celles  de  la  Gaule  à  la  vio* 
tence  et  à  d'iniqu^s  extorsiiM».  Quant 
au  iMMivoir  de  Tévéque  dans  chaque 
localité,  la  conquête  des  Vandales 
amena  les  mêmes  résultats  que  celle 
des  Franks.  Au  moment  où  m  Grecs 
viennent  attaquer  et  poursuivre  Géli^* 
iner  au  sein  de  ses  États,  les  éi^équcs 
paraissent ,  dans  les  récits  contemoo- 
rains,  comme  les  personnages  les  puis 
influents  des  villes.  Nious  renvoyons 
îoi ,  pour  la  preuve,  au  passage  (p.  5(^ 
pîj  nous  avo£»  raconte  l'entrée  d'un 
lieutenant  de  Bélisaire  à  JSyllectum. 

Sous  la  domination  romaine,  les 
magistrats  des  curies  avaient,  cQmme 
l'a  dit  Savigny,  trois  sortes  d'attribu- 
tions: |o  l'administration  intérieure  et 
locale  de  la  cité  :  ils  rcauplissaient  les 
fonctions  des  mairas  et  des  conseils 
municipaux  dans  notre  organisation 
moderne;  T  la  juridiction  volontaire  £ 
ils  remplissai^t  les  fonctions  des  no- 
taires, et  quelques-unes  de  celles  des 
juges  de  paix;  Z""  la  juridiction  con- 
tenseuse  jusqu'à  u|)  certain  taux  de 
ressort  (*).  Au  temps  des  Vandales', 
les  magistrats  municipaux  ne  perdirent 
rien  de  leurs  attrib(id;ions  ;  et  même^ 
comme  il  n'y  avait  en  Afrique  rièjt 
qui  ress^nbiat  à  ces  mais  delà  Gaule, 
présidés  par  un  comte  barbare,  il  est 
probable^  en  ce  qui  concerne  la  juri» 
diction  oontentieuse ,  que  le  cercle 
de  leurs  attributions  s  agrandit.  Uf 
jugèrent  toutes  les  causes  civiles  et 
criminelles.  Toutefois,  dans  les  cas 
douteux  et  très-graves,  on  pouvait  ap» 
peler  de  leurs  sentenôBS.  On  s'adres* 
sait  alors  au  ^rand  magistrat  que 
Gensérie  avait  établi  à  Cartha^e.  Ce 
magistrat,  nous  le  répétons,  était  Ro- 
maiu. 

Les  Vandales  entretenaient,  il  faut 
le  constater,  dans  les  villes  des  agents 
chargés,  corpme  npus  dirions  aujour- 

(*)  SavigDy  ;  Hist  du.  droit  romcàn  au 
moyen  âge  ;  ch.  4.  —  Voy.  aussi  le  récent 
ouvrage  de  M.  Pardessus  sur  la  Loi  saliquê 
(1843,  iD-4°);  dissertatioa  6',  p.  5i4  et 
suiv. 


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8S 


L'UNIVERS. 


d'httî,  de  surveiller  Tesprit  public,  et 
de  maintenir  les  habitants  dans  la  sii* 
bordination  à  Tégard  des  vainqueurs. 
C'est  un  fait  qui  semble  prouvé  par 
l'ordonnance  suivante,  promulguée  à 
l'époque  de  la  domination  vandale  : 
«  Les  villes  où  Tordre  public  aura  été 
troublé  trois  fois  de  suite,  dans  le 
courant  de  la  même  année,  à  Foccasion 
des  divertissements  publics,  seront 
privées  à  tout  jamais  du  droit  d'avoir 
d«s  cirques  et  des  théâtres.  Le  direc- 
teur des  fêtes  publiques  sera  cité  de- 
vant les  tribunaux  pour  répondre  de 
sa  conduite  pendant  les  troubles;  et 
s'il  était  convaincu  soit  de  négligence, 
soit  de  manque  de  prévoyance  ou  de 
vigueur  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions, il  pourra  être  condamné  à  tra- 
vailler pendant  toute  sa  vie  dans  les 
mines  de  l'État,  à  avoir  les  oreilles 
coupées  ou  à  être  brûlé  {*).  » 

Au  reste,  quelle  qu*ait  été  la  dé- 
fiance des  Vandales  à  l'égard  des  Ro- 
mains, et  malgré  les  mesures  rigou- 
reuses qu'ils  prirent  dans  certaines 
localités  afin  de  prévenir  les  révoltes, 
on  peut  admettre  comme  vraie  pour 
l'Afrique,  même  pour  la  Zeugitane, 
l'opinion  des  historiens  modernes,  qui 
ont  prétendu  qu'en  général  les  villes 
soustraites  par  le  fait  des  invasions 
barbares  au  fisc  et  à  Tadministration 
de  l'empire,  virent  leur  bien-être  et 
leur  indépendance  s'accroître,  et  leur 
sphère  d'action  s'agrandir  (**). 

COMMEBGE.  —  llnous  suffirait  pres- 
que de  rappeler  certains  faits  que  nous 
avons  signalés  dans  notre  récit,  pour 
montrer  que  l'Afrique  vandale  entre- 
tenait des  relations  de  commerce  très- 
suivies  avec  les  différents  pays  de  l'Eu- 
rope, de  l'Asie  et  avec  l'Egypte.  Ainsi 
le  marchand  que  Procope  rencontra  à 
Syracuse  faisait  par  lui-même  ou  par  ses 
agents  de  nombreuses  affaires  a  Car- 
tbage.  D'autre  part,  nous  savons  qu'au 

i*)  Marcus;  p.  197. 
**)  Je  renvoie  spécialement ,  sur  ce 
point,  aux  idées  émises  par  M.  de  Sismondi 
dans  le  premier  volume  de  son  Histoire  des 
Français  y  el  par  M.  Aug.  Thierry,  dans  le 
cb.  5*  de  ses  Considérations  sur  l'histoire 
de  France, 


moment  où  Bélisaire  prit  possession 
de  la  capitale  de  l'Afrique,  un  vais- 
seau qui  était  à  l'ancre  dans  le  Mao- 
dracium  mit  à  la  voile  lorsqu'il  fut 
chargé  de  marchandises,  et  se  rendit 
en  Espagne.  Les  marchands  qui  le 
montaient  n'étaient  pas  assurément 
les  seuls  Espagnols  qui  vinssent  à 
Carthage,  par  exemple,  ou  à  Césarée. 
rious  savons  aussi  que  les  hommes 
renfermés  dans  les  prisons  de  Géli- 
mer,  et  que  le  geôlier  délivra  à  l'ap- 
proche de  l'armée  grecque,  étaient 
venus  de  l'Orient  pour  des  affaires  de 
commerce.  Enfin  Victor  de  Cartennc 
nous  apprend  qu'un  marchand  d'Adru- 
metum  déroba,  dans  un  voyage,  un 
secret  précieux  aux  teinturiers  de 
Coptos.  Les  Africains ,  sous  la  domi- 
nation des  Vandales,  entretenaient 
aussi ,  par  l'intermédiaire  des  Gaules 
et  de  ritalie,  des  relations  commer- 
ciales avec  les  parties  les  plus  septen- 
trionales de  la  Germanie,  qui  leur 
fournissaient  du  succin.  Ce  n'était 
point  seulement  par  mer  que  les  Ro- 
mains des  Mauritanies,  de  la  Numidie, 
de  la  Zeugitane,  de  la  Byzacéne  et  de 
la  Tripolitaine,  faisaient  un  commerce 
actif  et  étendu,  mais  encore  parterre, 
sur  les  voies  du  désert  parcourues  par 
les  caravanes  dès  le  temps  des  anciens 
Carthaginois.  C'était  par  cette  route 
-lui  venait  de  l'Egypte  jusqu'aux  autels 
les  Philènes,  en  passant  par  l'oasis 
d' Ammon ,  autant  peut  être  que  par  les 
vaisseaux  d'Alexandrie,  que  les  mar- 
chands d'Afrique  recevaient  la  gomme 
et  les  parfums  d'Arabie  et  les  étoffes 
précieuses  de  l'Inde;  puis,  comme  les 
Carthaginois  (voyez  plus  haut.  His- 
toire de  Carthage,  p.  136),  ils  tiraient 
de  l'intérieur  du  pays  des  grains  d'or, 
des  pierres  précieuses,  de  l'ivoire  et 
des  esclaves  noirs. 

Des  témoignages  anciens  et  précis 
nous  apprennent  que  les  vaisseaux 
marchands  exportaient  habituellement 
de  l'Afrique  vandale  du  blé,  du  lin,  le 
duvet  qu'on  tirait  du  fruit  d'une  mauve 
arborescente  qui  croissait  sans  cul- 
ture près  des  sources  du  Molocha  ou 
Malva,  de  ia  garance,  du  sel ,  de  l'a- 
lun   des  bois  précieux  destinés  aux 


l 


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AFRIQUE. 


89 


ameublements  de  luxe,  une  qualité  de 
marbre  très-tacheté ,  des  pierres  pré- 
cieuses, plusieurs  espèces  d'argile  bo* 
laire,  des  éléphants,  des  lions,  des  ti« 
grès,  des  léopards,  des  singes,  des 
autruches,  etc.  Ils  exportaient  encore 
des  esclaves  noirs  ;  mais  il  est  probable 
que  le  commerce,  sous  ce  dernier  rap- 
port ,  était  moins  étendu  qu'au  temps 
des  anciens  Carthaginois  et  de  la  do- 
mination romaine.  Enfin  les  Africains, 
sous  les  Vandales,  vendaient  soit  chez 
eux,  soit  sur  les  marchés  des  princi- 
pales villes  d'Egypte,  d'Asie  et  d'Eu- 
rope, les  produits  de  leurs  manufac- 
tures ;  ainsi,  leurs  tissus,  les  vêtements 
et  les  tapis  teints  en  pourpre,  et  aussi 
les  armes  que  Ton  rabriquait  à  Car- 
thage(*). 

C'était,  comme  on  le  voit,  un  com- 
merce qui  consistait  presque  entière- 
ment dans  les  exportations.  Les  Van- 
dales et  les  habitants  des  provinces 
soumises  à  leur  domination  prenaient 
aussi  des  denrées  au  dehors ,  mais  en 
petit  nombre.  Un  contemporain,  Pro- 
copc  {de  Bel.  Fand.^  II,  3),  nous  dit 
d'une  manière  positive  que  les  impor- 
tations en  Afrique  étaient  très-res- 
treintes.  Le  sol,  par  sa  richesse  et  sa 
fertilité,  et  l'industrie,  par  son  acti- 
vité relative,  pourvoyaient  largement, 
dans  les  campagnes  et  dans  les  villes, 
aux  besoins  de  ceux  qui  vivaient  dans 
l'empire  vandale  (**). 

iNDUSTBiE.  ~  L'industrie  prit  en 
Afrique,  sous  la  domination  romaine, 
un  développement  qu'elle  n'avait  ja- 
mais eu  au  temps  des  anciens  Cartha- 
ginois (***).  L'établissement  des  Van- 
dales et  les  pirateries  de  Genséric 
l'entravèrent  sans  doute ,  et  lui  enle- 
vèrent pour  un  instant  ses  débouchés 
en  Egypte  et  dans  toutes  les  provinces 
d'Europe  et  d'Asie  qui  relevaient  des 
deux  empires,  mais  ils  ne  l'anéantirent 

F  as.  Les  relations  commerciales  entre 
Afrique  et   les   autres   parties    du 

^*)  Marcus ,  p.  aia  et  suiv. 

(**)  Voy.  aussi,  sur  le  commerce  de  l'Afri- 
que au  temps  des  Vandales  :  Papeucordt  ; 
p.  aSg  et  suiv. 

(***)  Voy.  dans  ce  voL  Histoire  de  Caf 
thage;  a*  partie,  p.  i36  et  i55i 


monde  furent  rétablies  sous  le  règne 
de  Hunéric.  L'industrie  dut  se  relever 
en  même  temps. 

Nous  savons  que  les  Vandales  s*a- 
nooliirent  rapidement  après  la  mort  de 
Genséric ,  et  qu'ils  s'abandonnèrent  à 
un  luxe  effréné.  Tout  nous  porterait  à 
croire  déjà  que  les  objets-  qui  témoi- 

gnaient.dé  ce  luxe,  vêtements  et  ameu- 
lements,  étaient  le  produit  de  l'indus- 
trie africaine.  Les  tissus  d'or  et  même 
la  soie  qui  brillaient  sur  leurs  robes 
étaient  mis  en  œuvre,  nous  le  croyons, 
dans  les  ateliers  de  l'Afrique.  Parmi 
les  dépouilles  splendides  qui  ornèrent 
le  triomphe  de  Bélisaire,  il  y  eut  sans 
doute  plus  d'un  vase  élégant  et  bien 
ciselé  qui  sortait  des  mains  des  ou- 
vriers de  Carthage.  Tout,  dans  le  ri- 
che butin  apporté  à  Constantinople, 
n'était  point  le  fruit  des  pirateries  et 
des  rapmes  de  Genséric  et  de  ses  com- 
pagnons. Il  suffirait  de  citer,  par  exem- 
ple, ces  chars  légers  qu'admirèrent  les 
Byzantins,  et  qui  servaient  à  transpor- 
ter dans  leurs  promenades  les  remes 
vandales.  Mais  pour  le  point  que  nous 
voulons  établir  ici ,  nous  ne  sommes 
point  réduits  au  témoignage  indirect 
des  historiens.  Nous  nous  bornerons 
à  citer  trois  faits  qui  prouvent  claire- 
ment que  l'industrie  fleurit  en  Afrique, 
même  dans  les  plus  mauvais  temps  de 
la  domination  des  barbares. 

«  Nous  étions  encore  affligés  de  la 
prise  et  du  pillage  de  Rome,  .dit  Victor 
de  Cartenne ,  forsque  nous  eûmes  la 
consolation  de  voir  un  marchand  d'A- 
drumetum  surprendre  aux  teinturiers 
de  Coptos  un  secret  précieux.  Quand 
on  possédait  ce  secret,  on  pouvait 
doimer  aux  toiles  et  aux  draps  telle 
couleur  qu'on  voulait.  Il  suffisait  pour 
cela  de  les  tremper  dans  certains  in- 
grédients, et  puis  dans  du  sang  chaud.» 
Nous  savons  encore  qu'au  temps  des 
Vandales ,  on  cherchait  avec  soin  sur 
l'Atlas  une  espèce  de  limaçons  qui, 
écrasés,  servaient  à  teindre  en  rouge. 
Les  étoffes  qui  recevaient  cette  tein- 
ture acquéraient  une  grande  valeur. 
Des  deux  faits  que  nous  venons  de  si- 
gnaler, on  peut  tirer  cette  conclusion: 
que  dans  les  principales  villes  de  Tem- 


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L179IVERS. 


plr«  vandale,  à  €artheg«,  par 
^e ,  à  Adrametuin ,  à  EQppône,  à  Gé« 
sarée,  on  se  livrait  avec  ardeur  à  la 
iabricaitioti  de  divertfs  étoÊisê  et  à  leur 
teinture.  Enfin  les  auteuns  contempo- 
rains de  la  conquête  ont  attesté  qu'il 
y  avait  en  Afrique  des  manufactures 
d'armes.  I&enséi'ic  conféra  le  titre  de 
comie  à  un  ouvrier  armiurier  qui  se 
distinguait  dans  sa  profession  par  une 
i^are  habileté.  Une  chose  qu  il  faut 
constater  ici  comme  digne  de  remar- 
que ,  c'est  que  cet  ouvrier  appartenait 
par  son  origine  à  la  race  des  conqué- 
rants. 

LANGUE,  LITTBRATORB.  —  Desévé- 

ques  s'approchèrent  un  jour  de  Gensé- 
rie  pour  se  plaindre  d'être  persécutés. 
Le  roi ,  au  témoignage  de  Victor  de 
Vita,  appela  auprès  de  lui  un  inter- 
i)rète,  parce  que  les  évéques  s'expri- 
maient en  latin,  eji  grec  ou  en  punique. 
Ce  fait  semble  prouver  qu'en  Gaufe  et 
en  Espagne,  les  Vandales  s'étaient  peu 
mêlés  avec  les  anciennes  populations 
de  l'empire ,  et  qu'ils  n'avaient  point 
cessé ,  jusqu'à  la  conquête  de  l'Afri- 

Î|ue,  de  se  servir  exclusivement  de  la 
angue  qu^'ls  parlaient  dans  la  Germa- 
nie, Quand  ils  se  furent  établis  dans 
la  Zeugitane  et  à  Garthage,  et  qu'ils  se 
trouvèrent  avec  les  Romains ,  par  la 
force  des  circonstances,  en  un  perpétuel 
contact ,  ils  furent  forcés  d'appi^endre 
ridiome  des  vaincus.  Le  latin,  et  cela 
était  nécessaire,  devint  pour  les  Vanda- 
les, si  nous  pouvons  nous  servir  de  ce 
mot,  la  langue  officielle,  la  langue  du 
gouvernement  et  de  l'administration. 
C'était  en  latin  que  l'on  rédigeait  et 
les  lettres  et  les  actes  qui  émanaient 
de  la  chancellerie  des  rois  vandales  (*j. 
Puis,  après  la  mort  de  Genséric,  dans^ 
les  temps  de  paix,  plusieurs,  parmi 
Jes  conquérants  germains,  étudièrent, 
non  plus  seulement  par  nécessité,  mai^ 
pour  rbnrmpr  leurs  loisirs,  ej  peut-êtrç 
par  amour  de  l'art ,  les  œuvres  litté- 
ïairçs  de  la  Grèce  et  de  Rome.  Il  noujj 
suffira  de  rappeler  ici  le  nom  de  Thra- 
s^mund.  Les  derniers  rois  vandales , 

(*)  Voy.  Papencordt  ;  p.  2jt6 ,  2^7 ,  298 
etsiÛT.  —  Marcus;  p.  igS. 


m>nB  If  i^v^QAfs ,  /S6  ^ijulent  mm  à 
eotrejtenir  9uprès  d'eux  des  Howaing 
beaux  esprits  ^  pëteg.  C'i§tajeat  de$ 
versitcateurs.  qm ,  eonune  Fortunat 
dans  les  Gaules ,  céf^r^ient  «n  latta 
les  mariages,  les  naissaïu^s,  tous  l€» 
événements  heureux,  enfin,  qui  se  rat-r 
tacbaieojt  à  la  vie  de  celui  qui  leur  door 
sait  place  dans  ses  banquets  et  leur 
faisait  de  riches  présents. 

Cependant ,  nous  le  croyons,  en  su*- 
bissant  ainsi  l'influence  de  la  civilisa* 
tion  romaine ,  les  bariianes  ne  renon- 
cèrent point  k  leur  langue  nationale. 
Il  j  avait  piui  d'un  deoii -siècle  que 
Genséric  et  ses  compagnons  avaient 
touché  le  sol  de  l'Afrique ,  lorsqu'un 
évéque  vandale  répondit  à  des  éveques 
romains  qui  l'interrogeaient  :  «  Je  n« 
nuis  discuter  avec  vous  ;jene  sais  pas 
le  latin.  »  ^es  prêtres  vandales ,  qui 
étaient  ariens,  se  servaient  de  la  bibie 
d'Ulphilas  ;  et  c'était  probahlement 
éms  l'idiome  de  leur  ancienne  patrie 
qu'ils  enseignaient  et  officiaient  dans 
les  églises  (*),  On  pourrait  même 
supposer  ^que  les  conquérants  essayè- 
rent parfois  d'assouplir  cet  idiome,  et 
de  le  rendre  propre  à  recevoir  des 
formes  littéraires  ;  et  nous  admettrions 
volontiers  la  conjecture  de  M.  Marcus 
(p.  410),  qui  croit  que  Gélimer,  dans 
sa  retraite  sur  le  Pappua,  chantail. 
l%istoire  de  ses  malheurs  dans  la  lan? 
gue  de  ses  aïeux  de  la  Germanie  (**). 

MŒURS     DES     VANDALES.  —  LcS 

mœurs  des  Vandales,  à  répoaue  de 
leur  émigration ,  étaient  celles  de  tous 
les  peuples  qui  ne  sont  point  sortis  dû 
l'état  barbare.  Cependant,  en  songeait 
à  la  profonde  impression  dé  terreur  et 
de  haine  que  les  Vandales  ont  laissée 
après  eux  dans  les  pavs  qu'ils  ont 
traversés ,  aux  idées  de  dévastation  eî 
de  ravages  que  leur  nom  réveille  en- 
core après  tant  de  siècles,  on  est  porté 
à  croire  que ,  par  leurs  excès  et  leur 
cruauté,  ils  ont  surpassé  lesGotbs, 
les  Suèves,  les  Burgondes,  le^  Franks, 
et  même  les  Huns,  qui,  comme  eux 

(*)  Papencordt  ;  p.  agS. 

{**)  V07.  encore,  sur  la  laopiedei  Van- 
dales :  Marcus  ;  p.  4"  et  «liv^  -*- Papen- 
cordt; p.  a«7,  4«9  «t  •¥!▼• 


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4J8?ïQxnt. 


»! 


et  dans  le  noéine  temps,  ont  en- 
vahi Teaipire  romain.  Leur  établisse- 
ment m  Afrique ,  et  un  long  contact 
avecl.es  populations  vaincues,  chan- 
gèrent leurs  habitudes  et  adoucirent 
)eur3  n^œurç.  Il  se  lit,  sous  ce  rap- 
poft ,  chez  les  Vandales,  une  vive  et 
fapitje  réftcjjon.  Ils  cédèrent  si  facile- 
ment aux  attraitg  de  la  civilisation 
romaine ,  que  déjà ,  sous  le  règne  de 
Hunéric ,  comme  le  témoignent  les 
historiens  que  nous  avons  cités,  ils 
étaient  complètement  énervés.  Ils  ne 
ressemblaient  plus  que  par  l'extérieur 
à  leurs  ancêtres  de  la  Germanie.  Ils 
portaient  encore,  comme  eux ,  le  vête- 
ment qui  distinguait  les  barbares,  et  de 
.  longs  cheveux  ;  mais ,  en  cela  même , 
ils  étaient  loin  de  l'ancienne  simpli- 
cité (*),  Les  peaux  n  peine  préparées, 

(*)  Les  Romains  suivant  Victor  de  Yitt^, 
(il,  3  eX0,  qui  étaient  adonis  conunecop- 


et  les  tissus  grossiers  qui  couvraîeat, 
à  leur  entrée  sur  les  terres  de  Fem- 
pire ,  les  guerriers  germains ,  avaient 
fait  place  a  de  riches  fourrures  et  aux 
étoffes  entremêlées  d'or  et  de  soie. 
La  corruption  des  mœurs  JMsqu'à  Gé- 
limer  devint  plus  grande  de  jour  en 
jour.  Il  suffit  de  renvoyer  ici ,  sans  le 
reproduire  encore  une  rois,  au  passage 
où  Procope,  en  parlant  du  luxe  ef- 
fréné, de  la  vie  voluptueuse  et  de  la 
dégradation  morale  des  conquérants 
de  l'Afrique,  a  constaté  la  plus  effi- 
cace, peut-être,  de  toutes  les  causes 
qui  ont  amené  la  chute  de  la  domina- 
tion vandale, 

imes  pu  officiers  dans  le  palap^  Âm  Fofs 
vandales,  étaient  obligés  de  se  vêtir  à 
la  panière  des  coDX|uéraQts.  Yoyfii ,  jur 
les  mœurs  et  les  vêtements  des  YapdaJos  : 
Marcus;  p.  407  et  les  notes  du  )iv.  ly  4e 
son  histoire ,  p.  8^. 


FUT  DE  i/hISTOIRK  BM  t.4  l>OICnrATfOV  BU  VAimALÛ  K«  AF&IQVB. 


v%v«%%«/%%<«««w%v%%»%^««V««/«%««%iv«v«^/%v»v« 


PRÉCIS    DE    L'HISTOIRE 


D'AFRIÇUS 

sous  .L4  J^QMf^Â.Tl09  BY^L^TINÇ. 


»«^* 


fiisTOjBB  PJB  l'a;f^iqu]^,  depuis 

LB   DEP^BT  DÉ  ^ÉUSAIBE    JUSQU'^ 
J.A  IIOBT  DE  JjUSTINIEN   (*).  —  Bell- 

saire,  après  la  victoire  de  Tricamar^, 
yétait  hâté  de  prendre  possession,  ai^ 
nom  de  Justinieq,  de  toutes  les  pro- 
vinces qai  avaient  appartenu  jaqis  à 
Tenipire  romain  (v.  p.  69).  Il  aval); 
aussi  placé  de^  garnisons  ^ans  rin;tér 
rieur  des  terres,  sur  les  frontières  de 
I41  Byzaçène  e^  de  1^  Numidie.  Justi- 
(*)  Voyez,  sur  Fliistoire  de  l'Afrique  sous 
j^  4oini^ation  byzantine  ;  Papencord^  {G^- 
schichj^  der  'vq^dalischen  Jîerrschafi  i^ 
Afrika)y\\\,  III,  qh.  9,  p.  3p^33ji. 


nien  avait  approuvé  toutes  les  dispo- 
sitions prises  par  son  lieutenant,  et  il 
avait  envoyé  en  Afrique  des  lettres  où 
pn  lisait  ces  mots  :  «  Que  nos  officiers 
S  efforcent  avant  tout  de  préserver  nos 
sujets  des  incursions  de  l'ennemi  etd'é- 
tendrenos  provinces  jusqu^au  point  où 
]a  république  romaine,  avant  les  inva- 
sions des  Maures  et  des  Vandales,  avait 
Jxé  ses  frontières  ;  qu'ils  se  hâtent  éga- 
lement de  se  rendre  maîtres  et  de  répa- 
rer les  fortifications  des  places  où  1  on 
;t(enait  garnison  au  temps  de  Tempire 
Eomain.  »  Les  ordres  de  Justinien  fu- 
i^n%  pjromptefl^e^t  gxéçut^,  Çep^r 


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93 


L'UNIVERS. 


dant  le  vaisseau  qui  devait  ramener 
à  Constantinople  le  vainqueur  de  Gé- 
limer  n'avait  point  encore  quitté  le 
Mandracium  ,  que  déjà  les  Maures 
s'étaient  levés  en  armes,  et  apparais- 
saient sur  les  frontières  de  la  ISumidie 
et  de  la  Byzacène.  Les  soldats  grecs 
étaient  peu  nombreux  en  Afrique,  et 
Bélisaire  se  vit  contraint  de  laisser  une 
partie  de  ses  gardes  à  Salomon,  qui  le 
remplaçait  comme  chef  militaire.  Ar- 
chelaùé,  le  questeur,  avait  été  déclaré, 
sous  le  titre  de  préfet  du  prétoire,  chef 
civil  des  provinces  nouvellement  con- 
quises. Bientôt  Justinien  fit  passer  à 
Salomon  de  nouveaux  renforts  sous  les 
ordres  de  Théodore  et  dlldiger..  Les 
Maures  faisaient  chaque  jour  de  nou- 
veaux progrès  :  ils  portaient  en  tous 
lieux  le  pillage  et  la  dévastation ,  et  ils 
avaient  massacré,  en  Byzacène,  Aigan 
et  Rufin,  officiers  renommés  par  leur 
habileté  et  leur  bravoure.  Il  fallait  se 
hâter,  et  Salomon  marcha  vers  la  By- 
zacène. Il  rencontra  les  Maures  dans 
la  plaine  de  Mamma.  Ils  étaient  au 
nombre  de  50,000  ,  sous  les  ordres  de 
Cuziuas  et  de  trois  autres  chefs.  Sa- 
lomon remporta  sur  eux  une  victoire 
complète  (536).  Les  Grecs  célébraient 
encore  à  Carthage,  par  des  fêtes  pu- 
bliques, rheureux  succès  de  la  campa- 
gne ,  lorsqu  on  apprit  que  les  Maures, 
irrités  plutôt  qu'abattus  par  leur  dé- 
faite, avaient  repris  les  armes  et  ra- 
vageaient de  nouveau,  avec  une  espèce 
de  rage,  tous  les  cantons  de  la  Byzacène. 
Salomon  se  remit  en  marche  et  battit 
encore  Fennemi  au  pied  du  Burgaon. 
S'il  faut  en  croire  un  contemporain, 
les  Maures  perdirent  cette  fois  50,000 
hommes;  ceux  qui  échappèrent  au  fer 
du  vainqueur  se  réfugièrent  auprès 
d'Yabdas ,  qui  était  maître  du  mont 
Aurasius. 

La  Numîdfe  était  aussi  en  proie  au 
ravage  des  Maures.  Yabdas  descendit 
plus  d'une  fois,  pour  la  piller  et  la  dé- 
vaster, de  sa  montagne,  où  la  nature 
lui  offrait  des  positions  inexpugnables. 
Mais  il  fut  arrêté  par  la  brillante  va- 
leur d'Althias ,  qui  commandait  la 
troupe  des  Huns.  Salomon^  cependant, 
voulu!  forcer  les  Maures  dans  leurs 


retraites.  H  gravit  donc  avec  son  ar- 
mée le  mont  Aurasius;  mais  son  ex- 
pédition n  eut  aucun  résultat  {*). 

Rentré  à  Carthage,  il  s'apprêtait  à 
réprimer  les  désordres  qui  avaient  lieu 
en  Sardaigne,  lorsqu'il  eut  à  se  défen- 
dre contre  •ses  propres  soldats.  Ceux- 
ci,  excités  par  les  femmes  vandales 
qu*ils  avaient  épousées,  et  aussi  par 
les  exhortations  secrètes  des  prêtres 
ariens ,  réclamèrent  comme  leurs  pro- 
priétés les  terres  conquises  qu'ils  ex- 
ploitaient seulement  comme  fermiers. 
Salomon  n'échappa  qu'avec  peine  à  la 
mort ,  et  il  se  sauva ,  accompagné  de 
l'historien  Procope ,  auprès  de  Béli- 
saire, qui  se  trouvait  alors  en  Sicile. 
Les  insurgés  prirent  pour  chef  un  sol- 
dat audacieux  appelé  Stozas,  qui  donna 
des  armes  aux  esclaves  et  aux  Vandales 
qui  étaient  restés  en  Afrique.  Puis, 
tous  ensemble ,  ils  quittèrent  la  plaiqe 
de  Bulla,  où  ils  s'étaient  réunis,  pour 
s'emparer  de  Carthage.  Bélisaire  arriva 
à  temps  pour  sauver  la  ville.  Avec  le 
petit  nombre  de  guerriers  qui  l'avaient 
accompagné,  et  avec  ceux  qui,  à  Car- 
thage, étaient  restés  fidèles  à  l'empe- 
reur, il  s'avança  contre  les  rebelles, 
qu'il  atteignit  et  battit  près  de  Mem- 
bresa.  Il  crut  alors  avoir  donné  le  re- 
pos à  l'Afrique,  et  il  revint  en  Sicile; 
mais  il  se  trompait.  Stozas  réorganisa 
son  armée,  attira  de  nouveaux  soldats 
dans  son  parti ,  et  massacra  par  trahi- 
son, en  Numidie,  Marcellus ,  Cyrille, 
Barbatus,  Térentius  et  Sarapis,  qui 
étaient  comptés  parmi  les  meilleurs 
officiers  de  l'empereur  (536). 

A  cette  nouvelle,  Justinien  envoya  en 
Afrique  son  neveu  Germain  pour  rem- 
placer dans  le  commandement  suprême 
Théodore  et  Ildiger ,  qui  étaient  restés 
comme  chefs  à  Carthage  après  le  dé- 
part de  Salomon.  Germain  était  un 
général  brave  et  habile.  Dès  son  arri- 
vée (537),  il  rétablit  la  discipline  parmi 
les  troupes  restées  fidèles  à  l'empire , 
et ,  par  ses  promesses  et  sa  douceur , 
il  attira  dans  ses  rangs  un  grand  nom- 

(*)  Voyez,  sur  les  diverses  expéditions  de 
Salomon  :  Recherches  sur  thist,  de  Cjifri" 
que  septentrionale,  etc.,  par  l'Académie  des 
inscript,  1 1,  p«  ii3-i49« 


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AFRIQUE. 


98 


bre  de  ceux  qui ,  sous  les  ordres  de 
Stozas  ,  avaient  combattu  jusqu'alors 
pour  l'indépendance  de  FAfrique. 
Quand  ii  se  crut  assez  fort,  il  s'avança 
contre  Tennemi.  Il  Talteignit  en  Nu- 
midie,  dans  la  plaine  a[^elée  Scalx 
Feteres,  et  là ,  il  lui  livra  un  sanglant 
combat.  Stozas  fut  vaincu,  et  les  Mau- 
res ,  commandés  par  Yabdas  ,  qui 
étaient  accourus  pour  Taider,  en  se 
tournant  subitement  du  côté  de  Ger- 
main, achevèrent  sa  défaite.  Stozas  se 
sauva  en  Mauritanie.  Un  certain  Maxi- 
mîn  voulut  le  remplacer  comme  chef 
de  parti.  Germain,  après  l'avoir  con- 
vaincu de  trahison ,  le  fit  pendre  aux 
{)ortes  de  Carthage.  Germain  gouverna 
'Afrique  pendant  deux  ans  avec  une 
grande  douceur.  En  539,  il  fut  rem- 
placé par  Saiomon,  qui,  débarrassé 
cette  fois  des  complots  et  des  séditions, 
songea  à  enlever  aux  Maures  leurs  po- 
sitions de  l'Aurasius.  Il  se  mit  donc 
en  marche,  et,  plus  heureux  que  dans 
sa  première  tentative,  il  prit  à  Yabdas 
ses  places  de  Zerbulle  et  de  Tumar,  et 
la  tour  de  Géminianus,  où  le  chef 
maure  avait  enfermé  ses  femmes  et 
ses  trésors.  Salomon  plaça  des  garni- 
sons sur  plusieurs  points  de  l'Aura- 
sius ,  et ,  maître  de  la  Numidie,  il  se 
dirigea  vers  la  Mauritanie  sitifienne , 
gui  se  soumit  à  l'empereur.  Un  chef 
indigène  possédait  la  Mauritanie  césa- 
rienne, à  l'exception  de  la  capitale, 
Césarée,  où  Bélisaire,  après  sa  der- 
nière victoire  sur  les  Vandales,  avait 
envoyé  une  garnison. 

Depuis  quatre  ans,  l'Afrique  jouis- 
sait d'un  grand  repos,  lorsaue  la  mau- 
vaise conduite  et  la  perfidie  des  ne- 
veux de  Salomon  la  replongèrent  dans 
une  nouvelle  série  de  calamités.  Ser- 
gius,  gouverneur  de  la  Tripolitaine, 
ayant   fait   assassiner  par    trahison 

auatre-vingts  Maures  qui  s'étaient  ren- 
us  à  Leptis  sur  sa  parole,  toutes  les 
tribus  prirent  les  armes  (543).  Trop 
faibles  pour  résister,  Sergius,  et  son 
frère  Cyrus  qui  commandait  dans  la 
Pentapole,  se  retirèrent  à  Carthage 
auprès  de  Salomon.  Celui-ci ,  accom- 

{)agné  de  ses  neveux,  marcha  contre 
es  Maures,  qu'il  rencontra  à  Theveste. 


Il  leur  livra  bataille;  mais,  mal  secondé 
par  ses  troupes,  il  fut  vaincu  et  tué. 
Justinien  donna  pour  successeur  à  cet 
habile  et  brave  officier,  Sergius  son 
neveu,  qui  avait  allumé  la  guerre.  Ce 
choix  excita  un  vif  mécontentement 
dans  toute  l'Afrique.  Stozas  sortit  de 
sa  retraite,  et  se  joignit  à  Antalas,  le 
chef  des  Maures  de  la  Byzacène.  La 
valeur  de  Jean,  fils  de  Sisinniolus,  ne 
put  arrêter  les  progrès  de  l'ennemi. 
Dans  cette  extrémité,  Justinien  en- 
voya pour  collègue  à  Sergius  le  séna- 
teur Aréobinde.  Mais  la  mésintelli- 
gence ayant  éclaté  entre  les  deux 
gouverneurs,  les  désastres  se  multi- 
plièrent pour  l'armée  impériale.  Gon- 
tharis,  qui  commandait  en  Numidie, 
essaya  alors  de  se  faire  roi.  Sergius 
avait  été  rappelé,  et  Aréobinde  était 
resté  chef  unique  des  provinces  afri- 
caines. Gontharis,  aidé  secrètement 
par  les  Maures,  se  rendit  maître  de 
Carthage.  Il  excita  une  sédition  parmi 
les  troupes,  et  fit  massacrer  Aréo- 
binde. Mais  ii  ne  jouit  pas  longtemps 
du  pouvoir  qu'il  avait  usurpé;  il  fut 
tué  à  son  tour  par  Artaban,  officier 
arménien,  que  Justinien  nomma  gou- 
verneur de  1  Afrique  (546).  Rappelé  sur 
sa  demande,  Artaban  remit  son  com- 
mandement à  Jean  Troglita. 

Jean  Troglita,  qui  avait  servi  avec 
distinction  dans  les  guerres  contre  les 
Perses,  était  destiné  à  réparer  en  Afri- 
que, par  d'éclatants  succès,  les  échecs 
subis  jusqu'alors  par  les  armées  ro- 
maines (*).  Dès  son  arrivée,  il  eut  à 
combattre  une  confédération  de  toutes 
les  tribus  maures  jqui  s'étaient  réunies 
dans  la  Byzacène.  Antalas,  le  chef 
suprême,  avait  sous  ses  ordres  toutes 
les  hordes  du  désert,  parmi  lesquelles 

(*)  Les  détails  des  guerres  que  Jean  Tro- 
glita eut  à  soutenir  contre  les  Maures  nous 
ont  été  conservés  dans  un  poëme  de  Flavius 
Cresconius  Coripptis.  C'est  à  1  aide  de  ce 
poëme,  publié  à  Milan,  en  xS20,par  Iviaz- 
zuccheih,  que  Saint -Martin  a  composé  le 
curieux  récit  qui  se  trouve-  dans  son  édi- 
tion de  V Histoire  du  Bas-Empire  de  Lebeau 
(t.  IX.,  p.  92-1x9).  Saint-Martin  a  donné 
dans  ses  notes  de  nombreux  fragments  de 
Corippus. 


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44 


v^mtms. 


É^  dîâthi^âit  (feUer  dé9  Ilasg»asy  (M 
étûit  f èiïtfé  tftèc  son  chef  lefwa  et  n- 
riiagé  ât  sùh  dieu  Gurzil  (Jupiter)  de 
Toasis  tf'Anf)ni(m.  Jean  re»)[X)Tta  sm 
les  ti*ibtis  réunies  une  tietoire  signalée 
et  Ie$  mit  en  fuite.  Mais  les  Maures  ne 
tardèrent  f^oint  à  se  rallier  soùs  tes 
ordres  de  Carcasan.  Jean  entreprit 
centre;  eux  une  nouvelle  expédition. 
&U€fàh,  èntfattfé  trop  loin  dans  Ms 
déèéïts  qui  se  trouvent  au  fnidi  de  la 
Bj^zacènè,  il  se  tit  obligé  de  revenir 
st^r  ses  pas  safhs  avoii^  vaincu  Temnenn 
quMI  poursuivait.  Encouragés  pat  la 
retraite  û%s  Ronifaifts,  les  Maures  d*Aïï- 
tafas  et  (Sàit  de  Cafcasan  se  réunirent, 
et  Ils  pointèrent  ItMts  ifavages  jus- 
qu'eux bords  de  la  mer.  Ils  rèncotitf è- 
rent  Jean  Troglîta  dans  les  thampS 
de  Caton.  Là ,  iîs  éprouvèrent  une  san- 
glante défaite.  Carcasan  fut  tué,  Art- 
talas  se  soumît,  et  l'Afrique  entière 
fut  pa(îifîée  (550). 

En  564,  fes  Maures  desf  frontières 
de  la  Numidie  se  soulevèrent  pour 
venger  un  de  leurs  chefs,  Cozinas,  qui 
avait  été  assassiné  à  Carthage,  par  les 
ordres  du  gouverneur,  Jean  Rogathi- 
nus,  Marcien,  neveu  de  l'empereur, 
s -avança  contre  eux ,  et  la  révolte  fut 
promptement  réprimée. 

HISTOIRE  DE  L'AFBIQtJE,  DÊPUISf 
LA  MOBT  DE  JUSTINIEN  JUSQU'A  LA 
PRISE  DÉ  CARTHAGE  PAR  LES  ARA- 
BES. —  «Après  la  mott  de  Justi- 
nien  (565),  dit  l'Académie  des  ins- 
criptions (*),  il  y  eut  que^ues  sou- 
lèvements des  Maures,  quoique  ces 
peuples  eussent  alors  embrasse  volon- 
tairement le  christianisme.  Ï)eu3t  exar- 
ques d'Afrique  furent  vaincus  et  massa- 
crés par  leur  roi  Gasmul,  qui,  devenu 
tout-puissant  par  ses  victoires,  donna 
à  ses  tribus  errantes  des  établissements 
fixes,  et  s'empara  peut-être  de  Gésarée, 
soumise  au^x  Romaîas  depuis  la  con- 

gnét^  de  Bélisaire.  Ce  roi  maorè  sennt- 
>e  même  avoir  été  un  eonifuérant 
ambitieux  et  assez  entreprenant,  car^ 
l'année  suivante,  nous  lie  voyons  mar- 
cher contre  les  Francs  et  tenter  l'in- 
vasion de  la  GàuIe.  A  la  vérité,  il 

{*)  Recherches  sur  l* histoire- de  C Afrique 
septentrionale,  elc,  1. 1,  p.  43  et  suiv. 


édhoua  dans  cette  eMreprkie;  mai^ 
cette  expédition  lointaine  atteste  sk 

f>enssance;  et  ce  fait  curieitx  pour 
'histoire  du  Bas-Empire,  pour  l'hisp 
toire  de  l'Afrique  et  ceile  dé  notre 
po^s,  méritait  d'étré  recueilli  par  deux 
écrivains  français  très-érudits,  LebeaU 
et  Saint-Martin ,  qni  l'ont  entièrement 
laissé  dans  Poubli.  Tibère  suceède  at» 
faible  Justin  tonvbé  en  dénaence;  il 
choisit  pour  vice-roi  de  f  Afrique  ^etn 
nadius,  habile  général  et  soldat  inliré- 
pide.  Ce  guerriej^  reproduit  dans  cette 
cofiltrée  l'exemple  des  hauts  faits  d'ar- 
mes de  Probus.  Il  délie  en  combat 
singulier  Gasmul,  roi  des  Maures,  re- 
mfarquable  par  sa  force,  son  courage 
et  son  expérience  dans  les  armes;  il  lé 
tue  de  sa  propre  main ,  remporté  une 
victoire  complète  sur  les  Maures,  ex- 
termine leur  race,  et  leur  reprend 
toutes  les  conquêtes  qu'ils  avaient  far- 
tes sur  les  Roitiains.  A  partir  de  cette 
époque,  pendant  les  règnes  de  Tibère^ 
de  Maurice  et  de  Phocas,  l'histoire  se 
tait  sur  l'Afrique.  Ce  silence  est  pres- 
se une  preuve  du  calme  et  de  la 
tranquillité  uniforme  dont  jouit  alors 
cette  contrée.  Les  épO(}u^  stériles 

Êour  les  historiens  sont  généralement 
eureuses  pour  les  peuples.  Sous  l'enow 
pire  d'Héracliùs^  FÀfriqiie  fleptentrîo- 
nale  tout  entière ,  depuis  l'océan  At- 
lantique jusqu'à  l'Egypte,  était  sounaf  se 
au  trône  de  Byzance  (*),  car  ce  prificé^ 
en  tire  de  grandes  forces  pour  sa 
guerre  contre  les  Perses.  Suinthilas^ 
roi  des  Goths  espagnols,  pfofifte  dif 
moment  pour  s'emparer  de  plustedrs 
villes  situées  sur  le  détroit  de  Cadix, 
qui  faisaient  partie  de  l'empire  rondaiû. 
Ce  fait,  qui  nous  a  été  conservé  par 
Isidore,  a  encore  été  négligé  par  Lé* 
beau,  Gibbon  et  Saint-Martin.  Il  nàé- 
ritait,  à  ce  qu'il  nous  semble,  d*étre 
consigné  dans  feurs  écrits,  puisqu'il 
lious  montre  l'étendue  des  limites  oe* 

(^  Nous  devons  dire  ici,  pour  compléter 
le  résumé  que  nous  empruntons  à  TAcadé- 
miedes  inscriptions, que  ce  fuldeTÂfrique» 
où  son  père  commandait  en  qualité  d'exar- 
que, que  pariit  Héraclius  pour  renverser 
Phocas  qu'il  devait  remplacer  sur  le  trône' 
îAîpérial. 


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àwnfffJE 


àktotales  ôé  Tefu^e  à  um  époque 
fameuse  par  la  londatioâ  de  Tisla- 
aiiàoie,  qui  devait  bfentôt  ébranler  le 
tirône  de  Byzance,  et  lui  arracher  ses 
plus  belles  provinces.^  En  647,  les  Ara- 
bes s'emparent  de  la  Cyrénaïque  et  de 
la  Tripalitaine  {*).  En  6^,  un  traité 
partage  TAfrique  en^re  Constant  et 
Mdawiab,  qai  se  soumet,  disent  les 
Grées  y  à  payer  un  faible  tribut.  En 
666  Q»  670,  ce  même  Moawiàh  fonde 
k  ville  de  Kairouan,  qui  devient  le 
siège  de  la  domination  musulmane  eh 
Afrique.  Enfin,  en697(**),  Cartbage 
est  prise  et  détruite  par  Hassan ,  et  le 
nom  grec  et  romain  effacé  de  TAfri- 
qtte. 

l'admiwistkatio»  byzantine  en 
afbique;ses  résultats  (***). — Deî- 
yentt  maître,  par  les  victoires  de  Bé- 
lisaire^  des  provinces  soumises  aux 
Vandales,  Justinien  voulut  d'abord, 
comme  nous  Pavons  dit,  que  les  fron- 
tières de  ses  nouvelles  possessions  îm^ 
sent  celles  que  Rome  avait  fixées  dans 
les  derniers  jours  de  la  république  et 
isous  l'empire.  Puis,  comme  l'attestent 
è^  actes  nombreux,  il  s'occupa  de 
rendre  à  l'Afrique ,  sauf  quelques  mo^ 

(*)  Nous  devons  ajouter  aussi  que  le 
|>atrice  Grégoire  qui  lutta,  en  647  contre  les 
Arabes ,  est  le  dernier  qui  ait  été  revêtu 
èh  Afrique  de  la  dignité  de  préfet  du  pré- 
toire, "^oy.  Morcëfli;  Jfrica  chrîstiana^ 
tl,  p.a§. 

(**)  ïttud  eerte  constat  anho  691 ,  dh 
Éasano  Sardeenorum  duce  (fui  Occidentem 
àceuparant,  Càrthaginem  rpsam  epersam  esse, 
dit  Mor«elU  {jâfrka  ekristiana  ;  t.  III ,  p. 
3^).  L'Académie  des  inscriptions  place  eii 
697  ,  comme  Vjirt  de  vérifier  les  dates ,  la 
prise  et  la  destruction  de  Garthage. 

(***)  Voyei  sur  œ  point  :  Cod,  Ub,  /,  ^i, 
27  et  Nom.  ,^6^  87,  i3i.  —  Ludwig;  FiL 
Jostinian,,  p.  349-377,  —  Gibbon;  ffis* 
foire  de  ta  décadence ,  etc.,  ch.  41  et  4o, 
—  Lebeau  ;  Histoire  du  Bas-Empire;  t.  Vllï, 
p.  264  et  suiv.,  éd.  Saint-Martin.  —  Recher^ 
ches  sur  rhist.  de  VJfrique  septentrionale, 
etc.,  par  une  cotannission  de  l'Académie  dei 
kiscriptioiis,  1. 1,  p.  43.  —  Papencotdt  (Ges- 
chickte  derwmdaiischen  ffèrrschûft  in  Afrl^ 
*«);  liv.  ni,  ch.  9,  p.  309-334.  —  VJfricà 
christiana  de  Morcelii  (t.  I,  p.  27,  28  eC 
29)  contient  aussi  sûr  ce  sujet  un  excellent 
résumé. 


éffîcatidns  anifeiiées  par  lèvcii«ons(f£(tf. 
ces  et  le  temçfs,  les  ancfedaes  fornifes 
de  son  administration  et  le  gouverne- 
ment romain.  Dès  Tannée  634,  pat  des 
ordonnances  adressées  à  Béllsaire  et 
au  questeur  de  son  armée ,  Archelauif, 
Justinien  organisa  le  pays  concfûffs  de 
la  manière  suivante^  Il  dfvisa  l'Af^N 
que  en  sept  provinces  :  1**  celle  de 
Tingi;  2*  celle  de  Carthage  (l'anciéwiïfe 
proconsulafrre)  ;  8**  celle  de  ByïafCiuiW; 
4**  celle  de  TripoHs;  5"  la  Numiditf; 
6**  la  Mauritanie?  7°  la  SardaîgnÉf. 
Lès  quatre  premières  devaient  aiôit 
pour  gouverneurs  des  personnages  con- 
sulaires ;  les  trois  dernières  des  prési- 
dents. Depuis  Constantin  jusqu'à  Tin* 
Tasîon  des  barbares,  FArr^Ue  atsfit 
été  placée  dans  la  préfecture  d'Italie, 
Justinien  créa ,  pour  ^  nouvelle  <îon- 
quête ,  une  préfecture  spéciale  û&nt  le 
chef-lieu  fut  Cartbaigé;  Arcbelaus  fut 
Bommé  péfet  du  prétoire.  Après  avd?r 
erganise  le  gouvernemeitt  de  TAfrlqtrè 
et  pourvu  aux  grande»  charges ,  l'erft- 
pereur  régla  les  attributions  et  les  ap- 
pointements de  tons  ceux  qu'il  mit  eh 
exercice ,  non  point  seuleaïent  des  pluà 
haut  placés ,  mars  enedre  des  a96  se- 
crétaires ou  employés  qui  servaient, 
à  Carthage,  dans  les  bureaux  do  pré* 
fet  du  prétoire  et  de  ceux  quî  étaient 
attachés  à  chacun  des  gouverneiirs  des 
sept  provinces.  Pour  nfieux  s^similef 
encore  l'Afrique  aux  provinces  qu'il 
possédait  en  Europe  et>en  Asie  et  potnr 
effacer  les  distlnc^onf  opi^avâit  Milais^ 
ser ,  même  après  la  chme  de  ^élimer  4 
la  conquête  des  Vandales,  Justinietl 
imposa  à  tous  eeux  qui  habitaierit  dans 
les  limites  d^  sa  nouvelle  préfecture^  }^ 
lois  Fomaiines  que  ses  juriseonsi^^tes 
eomptlaieat  à  Bjzance. 

L  Afriqtie  dirt  se  réjouir  d'abord 
de  fô  brusque  révohition  qui  Pavait 
placée  sous  la  domi<iatk)n  des  em- 
pereurs de  Constantinople«  Pour  at- 
tacher les  Africains  à  son  empire  j^ar 
de  forts  lien»,  Justinien  les  aiftorii» 
à  reprendre  les  .propriétés  qui  avaient 
été  enlevées  à  leurs  aïeux,  il  y  avait 
un  Siècle ,  par  Geasérie  et  Ses  compa-» 
gnons.  Il  leur  àeewd» ,  puor  tes  récla- 
mations, un  délai  de  cmq  ans.  L'ex- 
propriation s'accomplit.  Cette  mesure 


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L'UNIVERS, 


violente  enleva  aux  Vandales,  qui 
étaient  restés  en  Zeugitane,  leurs  der- 
nières ressources  et  tous  les  moyens 
de  rébellion;  et,  d'autre  part,  comme 
l'empereur  l'avait  prévu ,  elle  mit  en 
quelque  sorte  les  nouveaux  possesseurs 
de  terres  dans  la  nécessité  de  défendre 
et  de  maintenir  la  domination  byzan- 
tine. D'ailleurs,  après  les  premières 
victoires  de  Bélisaire,  l'Afrique  put 
croire  un  instant  que  Justinien  avait 
le  désir  sincère  de  porter  remède  à  ses 
maux  et  de  la  rendre  florissante.  Il  s'é- 
tait empressé ,  en  effet ,  de  relever  les 
murailles  des  villes,  de  réparer  et  d'a- 
grandir les  ports  et  d'embellir  chaque 
localité,  Carthage  surtout,  qu'il  appe- 
lait Justiniana,  par  d'utiles  et  somp- 
tueux édifices. 

Mais  c'étaient  là  de  trompeuses  ap- 
parences, et  l'Atrique  romaine  ne 
tarda  pas  à  sentir  que  le  gouvernement 
des  Byzantins  était  plus  oppressif  que 
celui  des  Vandales.  D'abord  elle  ne 
trouva  pas,  dans  les  affaires  religieu- 
ses, cette  tolérance  qui,  après  ses  longs 
désastres  et  ses  agitations ,  devait  sur- 
tout coniribuer  a  lui  rendre  la  paix 
intérieure  dont  elle  avait  tant  besoin. 
Lf's  catholiques,  qui  avaient  chan$;é de 
rôle  avec  les  ariens,  étaient  devenus  per- 
sécuteurs à  leur  tour.  Puis,  elle  fut  li- 
vrée de  nouveau,  comme  une  proie,  à 
cette  effrayante  fiscalité  qui  jadis ,  au 
temps  de  Genséric ,  lui  avait  rendu  sup- 
portable Tinvasion  barbare.  Les  Vanda- 
les étaient  vaincus  à  peine  que  déjà  Jus- 
tinien songea  à  exploiter,  par  ses  agents, 
sa  nouvelle  conquête.  «  On  ne  savait 

S  lus,  dit  un  contemporain,  ce  que  i'A- 
'ique  payait  à  l'ancien  empire  romain, 
parce  que  Genséric,  au  commence- 
ment de  son  règne ,  avait  anéanti  les 
rôles  des  contributions.  C'est  pour- 
quoi Justinien  envoya  en  Afrique  Try- 
phon  et  Eustratius  pour  faire  un  ca- 
dastre et  dresser  de  nouveaux  rôles. 
Cette  mesure  parut  odieuse  et  intolé- 
rable aux  Africains  (Procop. ,  de  Bel. 
Fand.y  II,  8).  »  Les  agents  du  fisc 
impérial  ne  tardèrent  pas  à  se  mettre 
à  l'œuvre.  Us  se  montrèrent  impitoya- 
bles ,  et  le  pays  en  proie  sur  toutes  les 


frontières  aux  dévastations  des  Mau- 
res et  théâtre  de  nombreuses  séditions 
se  trouva  bientôt  appauvri,  ruiné,  et 
compléteiuent  épuisé.  «  Justinien ,  dit 
Procope  {HUt.  arcan. ,  18),  a  ravagé 
l'Afrique  de  telle  sorte  que  l'on  par- 
court aujourd'hui  cette  contrée ,  pen- 
dant plusieurs  jours,  sans  rencontrer 
un  seul  homme.  .Les  Vandales,  dans 
les  derniers  temps  de  leur  puissance , 
comptaient  160,000.  guerriers.  Qui 
pourrait  dire  le  nombre  de  leurs  fem- 
mes ,  de  leurs  enfants  et  de  leurs  ser- 
viteurs ?  Qui  pourrait  énumérer  aussi 
les  Africains  qui ,  à  l'arrivée  de  Béli- 
saire ,  étaient  répandus  en  foule  dans 
les  villes  et  dans  les  campagnes?  J'ai 
vu  de  mes  yeux  cette  forte  et  nom- 
breuse population;  maintenant  elle  a 
disparu.  Si  l'on  joint  aux  Vandales  et 
aux  indigènes  qui  habitaient  les  côtes, 
des  familles  maures  sans  nombre  et 
tous  les  soldats  qui  ont  perdu  la  vie  sous 
les  drapeaux  de  l'empire,  on  ne  saurait 
être  accusé  d'exagération  en  disant  que 
l'Afrique,  sous  le  règne  de  Justinien, 
a  perdu  cinq  millions  d'hommes.  » 

L'Afrique  resta  soumise  un  siècle 
et  plus  au  gouvernement  byzantin. 
Cependant  il  est  vraisemblable  qu'à  la 
Qn  elle  eût  secoué  le  Joug  qui  pesait 
sur  elle  et  se  fût  constituée ,  à  l'égard 
de  l'empire  qui  s'amoindrissait  chaque 
jour  et  penchait  vers  sa  ruine,  dans 
un  état  de  complète  indépendance. 
Alors,  peut -être,  en  demeurant  en 
possession  de  toutes  les  traditions  de 
l'antiquité,  elle  eût  contribué,  par 
des  relations  fréquentes ,  au  dévelop- 
pement moral  et  intellectuel  de  l'Eu- 
rope et  abrégé,  pour  notre  continent, 
la  durée  du  moyen  âge.  Mais  l'invasion 
des  Arabes  vint  lui  porter  le  dernier 
coup.  Dans  la  seconde  moitié  du  sep- 
tième siècle,  l'Afrique  perdit  une  nou- 
velle part  de  sa  population,  ses  villes 
tombèrent,  ses  déserts  s'agrandirent, 
et  elle  vit  disparaître  jusqu'au  dernier 
vestige  de  cette  civilisation  qu'avaient 
apportée  tour  à  tour,  sur  ses  cotes, 
depuis  l'Egypte  jusqu'à  l'Atlantique, 
les  Phéniciens,  les  Grecs,  et  les  Ro- 
mains. 


FIN. 


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v%v%«*>v»««%»vk\^«.««4«^«iv««/%V 


APPENDICE 

A  L'HISTOIRE  D'AFRICtUE 

sous   LÀ  DOHIlfÂTIOlf    BYZANTINS. 


Nous  avons  parlé,  en  deux  mots, 
dans  notre  Histoire  de  V Afrique  sous 
la  domination  byzantine  (p.  93) ,  des 
guerres  que  Jean  Tro^Iita  eut  à  soute- 
nir contre  les  tribus  indigènes.  Nous 
ne  pouvions ,  dans  les  étroites  limites 
qui  nous  étaient  assignées,  raconter 
ces  guerres  avec  étendue.  Nous  avons 
cru  utile  de  rejeter  ici ,  en  appendice , 
le  curieux  récit  que  Saint-Martin  a  in- 
séré dans  son  édition  de  V Histoire  du 
Bas-Empire  par  Lebeau  (*).  On  ne  lira 
pas  sans  intérêt  Its  curieux  détails 
que  notre  célèbre  érudit  a  empruntés 
à  la  Johannide  de  Flavius  Gresconius 
Corippus(**).  Au  reste,  les  pages  qui 
vont  suivre  forment  le  complément 
de  tout  ce  que  nous  avons  dit ,  dans 
ce  volume ,  sur  les  guerres  de  TÀfri- 
^ue,  depuis  les  temps  les  plus  anciens 
jusqu'à  l'invasion  des  Arabes. 

BÉGIT  DES  OUEBR^S  BB  JEAN  TBO- 
GLITA'BN  AFBIQUE,  PAB  M.  DE 
SAINT-MABTIN. 

Jean,  qui  venait  réparer  les  mal- 
heurs de  l'Afrique ,  au  moment  où  eUe 
semblait  encore  une  fois  vouloir  se 
soustraire  à  la  domination  romaine, 
connaissait  bien  le  pays  où  il  devait 
commander.  Il  y  avait  conduit  un 
corps  de  cavalerie  lors  de  l'expédition 
deBélisaire  ;  et ,  depuis,  il  s'y  était  dis- 
tingué sous  les  ordres  de  Germain. 
Justinien  avait  pu  reconnaître  que  le 

(*)    T.  IX,  p.  92-119.  Didot,  1828. 

(**)  Le  poème  de  Corippus,  comme  nous 
Tavons  déjà  dit ,  a  été  découvert  et  publié 
à  Milan,  en  1820,  par  Mazzucchelli. 


partage  du  commandement  et  la  divi- 
sion des  chefs  étaient  les  seules  causes 
des  troubles  et  des  malheurs  qui  tour- 
mentaient l'Afrique  depuis  la  destruc- 
tion de  la  monarchie  vandale  ;  aussi 
donna-t-il  à  Jean  une  autorité  sans 
partage.  Ce  général  était  enaployé  de- 
puis plusieurs  années  sur  les  irontières 
orientales  de  l'empire.  Lorsqu'il  apprit 
la  décision  de  son  souverain,  sa  valeur 
était  occupée  sous  les  murs  de  Nisibe, 
où  il  contenait  l'es  efforts  de  Mermé- 
roès ,  le  plus  habile  des  généraux  du 
roi  de  Perse ,  qu'il  avait  défait  devant 
Théodosiopolis  et  devant  Dara ,  dans 
la  Mésopotamie.  Jean  obéit  sans  tar- 
der aux  ordres  qui  l'appelaient  à  Cons- 
tantinople,  où  une  flotte  et  des  soldats 
l'attendaient.  Justinien, -qui  le  regar- 
dait comme  le  seul  homme  capable  de 
délivrer  l'Afrique ,  se  hâta  de  lui  don- 
ner ses  dernières  instructions ,  en  lui 
prescrivant  surtout  de  dompter  les 
Languantans,  les  rebelles  de  la  Tripo- 
litaine.  Il  mit  bientôt  à  la  voile,  et  il 
fut  en  peu  de  temps  hors  de  l'Helles- 
pont;  il  traversa  la  mer  Egée  sans  s'ar- 
rêter, et  bientôt  il  toucha  aux  côtes  de 
la  Sicile ,  où ,  comme  Bélisaire ,  seize 
ans  avant  lui ,  il  prit  terre  auprès  de 
Cancane.  Après  une  assez  courte  re- 
lâche, il  se  dirigea,  malgré  les  tempêtes, 
vers  la  côte  d'Afrique,  et  il  y  jeta  l'an- 
cre à  Caput  f^ada ,  au  lieu  où  Béli- 
saire était  débarqué  lorsqu'il  vint 
détruire  la  puissance  des  Vandales. 
Trois  jours  après ,  il  entra  dans  Car- 
thage.  Sans  perdre  de  temps ,  il  y  ap- 
pelle toutes  les  troupes  dispersées  dans 
l'Afrique  romaine;  il  les  joint  aux  sol- 
dats qui  formaient  la  garnison  dans 


7*  Livraison.  (Hist.  de  l'Afbique.) 


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98 


L'UNIVERS. 


cette  ville  importante ,  et  à  ceux  qu^il 
avait  amenés  des  frontières  de  Perse  ; 
et  aussitôt  il  se  dirige  vers  la  Byzacène, 
pour  y  combattre  Antalas ,  le  prince 
des  barbares  oui  y  habitaient ,  et  pour 
dissoudre  la  ligue  des  tribus  maures 
qui  venaient  le  secourir.  L*armée  de 
Jean  prit  position  dans  un  lieq  nommé 
les  Camps  Antoniens,  dont  la  situa- 
tion est  inconnue.  Des  députés  y  fu- 
rent envoyés  par  Antalas.  Maccus ,  le 
chef  de  l'ambassade ,  habile  dans  la 
langue  latine,  chercha  à  dissuader  Jean 
de  continuer  la  guerre ,  en  lui  faisant 
un  tableau  exagéré  de  la  puissance  des 
Africains,  et  en  rappelant  les  victoires 
qu'ils  avaient  remportées  sur  Salomon, 
et  les  exploits  de  la  tribu  des  Ilasguas, 
qui  avait  autrefois  triomphé  de  Maxi- 
mien. Le  général  romain ,  sans  s'ef- 
frayer de  ces  menaces ,  congédia  froi- 
dement les  ambassadeurs,  et  donnai 
l'ordre  de  se  préparer  au  combat.  An- 
talas, l'instigateur  de  cette  guerre,  était 
impatient  de  venger  la  mort  de  son 
frère  Guarizila.  Pendant  dix  ans  Cdèle 
allié  de  l'empire,  il  avait  fait  la  guerre 
aux  Vandales,  et  il  n'avait  cessé  de 
rendre  des  services  aux  lieutenants  de 
Justinien.  Leur  perGdie  en  fit  un  im- 
placable ennemi  des  Romains,  et  il 
souleva  contre  eux  toutes  les  tribus  de 
l'Afrique.  Ses  messagers  avaient  ap- 
pelé aux  armes  une  multitude  de  peu- 
Ï)lades  barbares  cantonnées  dans  les 
ieux  les  plus  sauvages  et  les  plus  éloi- 
gnés. Parmi  elles,  on  distinguait  les 
Ilasguas ,  célèbres  par  leur  férocité  et 
leur  caractère  belliqueux.  La  religion 
chrétienne  n'avait  point  encore  péné- 
tré parmi  eux,  leur  chef  lerna,  rcr 
nommé  par  sa  cruauté,  et  qui  se  pré- 
tendait issu  de  Jupiter  Ammon ,  était 
en  même  temps  leur  roi  et  le  pontife 
de  leur  grand  dieu  Gurzil,  le  même 
que  Jupiter  Ammon.  Je  ne  rapporte- 
rai pas  ici  toutes  les  dénominations 
barbares  des  peuples  que  la  vengeance 
d^Antalas  soulevait  contre  les  Ro- 
mains ;  il  me  suffira  de  dire  que  toutes 
les  nations  indigènes  de  la  Byzacène , 
de  la  Tripolitaine,  et  des  parties  de  la 
Libye  qui  s'étendent  dans  les  déserts 
au  midi  de  la  Cyrénaïque,  réunissaient 


alors  leurs  efforts  pour  triompher  du 
lieutenant  de  Justinien,  et  peut-être 
pour  chasser  les  Romains  de  1  jAifrique. 
L'armée  d' Antalas  s'était  grossie,  dans 
sa  marche,  par  les  renforts  que  lui 
fournirent  les  peuples  errants  dans  les 
déserts  de  Zerquilis  et  d'Arzugis ,  et 
par  les  montagnards  du  mont  Aura- 
sius ,  qui  étaient  d'habiles  cavaliers. 
Antalas  eut  bientôt  inondé  de  ses  sol- 
dats toutes  les  plaines  de  la  Byzacène, 
où  il  marquait  partout  son  passage 

Car  le  ravage  et  l'incendie.  Genséric , 
andale  au  service  des  Romains ,  et 
Amantius,  avaient  été  envoyés  par 
Jean  pour  observer  les  mouvements  de 
l'ennemi  ;  sur  leur  rapport,  le  général 
romain  n'osa  affronter  en  rase  cam- 
pagne leur  innombrable  cavalerie;  il 
résolut  de  les  attendre  dans  une  posi- 
tion avantageuse,  où  il  se  fortifia.  Les 
Africains  se  répandirent  alors  dans 
toutes  les  plaines' environnantes,  et  se 
préparèrent  à  venir  assaillir  les  Ro- 
mains jusque  dans  leurs  retranche- 
ments ;  tandis  que  Jean  s'efforçait,  par 
ses  discours ,  de  faire  passer  dans  le 
cœur  de  ses  soldats  la  confiance  et 
l'espérance  qui  étaient  dans  le  sien,  en 
leur  rappelant  leurs  victoires  passées, 
et  la  grande  puissance  du  prince  qu'ils 
servaient.  Les  deux  armées  ne  tardè- 
rent pas  à  en  venir  aux  mains.  Jean 
donna  le  commandement  de  son  aile 
droite  à  Gentius ,  qui  avait  le  titre  de 
maître  de  la  milice.  Il  plaça  sous  ses 
ordres  Putzintulus,  Grégoire,  Marty- 
rius,  Genséric,  Martianus  et  Sénator. 
Il  leur  joignit  Coutzinas ,  prince  des 
Massyliens,  l'ami  du  malheureux  Sa* 
lomon ,  et  qui  était  resté  attaché  à 
l'empire  ;  c'était  un  prince  doué  des 
plus  rares  qualités,  et  distingué  par  sa 
Çravité  toute  romaine.  L'aile  gauche 
était  conduite  par  Jean,  surnommé 
Senior ,  que  secondaient  Fronimuth , 
Marcentius,  Libératus,  et  d'autres 
chefs  romains  ou  barbares;  parmi  ces 
derniers,  on  distinguait  le  Maure  Ifis- 
daïas,  et  son  fils  Bitipten.  Le  générai 
en  chef  s'était  placé  au  centre,  que 
commandait  Rnécinarius ,  guerrier 
aussi  brave  que  prudent,  qui  avait  été 
antérieurement  envoyé  comme  am- 


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APPENDICE  A  L'HISTOIRE  D'AFRIQUE. 


99 


bassadeur  à  la  CQqr  de  Chosroès.  Du 
côté  des  Afiricains,  lerna,  le  chei  des 
îiasguas,  chargé  de  défendre  le  camp 
pendant  la  nuit,  avait  fait  également 
ses  dispositions,  et  son  orqonnance 
barbare  est  digne  de  remarque  ;  selon 
Tusage  des  Airicains,  il  avait  envi- 
ronne son  pamp  d'un  mur  de  cha- 
meaux, forpdés  sur  huit  rangs  (*);  il 
avait  placé,  ep  seconde  ligne,  trofç 
rangs  de  bq^ufs  Ijés  par  les  cornes,  et 
fixés  à  leur  place.  Ce  double  rempart 
vivant  formait  un  iabvrintbe  inextri- 
cable, au  milieu  duquel  il  était  difficile 
de  se  frayer  un  cnemin  jusqu'à  l'en- 
ceinte qui  renfermait  les  bagages  et  les 
familles  des  Maures.  Antalas ,  fortifié 
de  la  même  façon,  ne  tarda  pas  à  sor- 
tir de  ses  retranchements,  et  à  s'unir 
aux  soldats  qui  s'avançaient  également 
dans  la  plaine.  Il  confia  son  aile  droite 
àSidisaq.  Carcasan,  chef  renommé  par 
sa  valeur  chez  les  Ilasguas ,  conduisait 
la  gauche.  Antalas ,  qui  connaissait  la 
valeur  des  Romains  et  l'habileté  de  son 
adversaire,  marchait  avec  précaution, 
évitant  d'engager  son  infanterie,  et  se 
cpfitentant  de  le  harceler  avec  sa  nom- 
breuse et  excellente  cavalerie.  Il  épiait 
)e  moment  favorable  pour  engager 
une  charge  générale,  quand,  selon 

f*)         Mnrofl  per  «attra  tamelit , 
Cônstrait ,  oetono  circnmclans  ordine  campiim. 
CoM»roSp  IV,  SgS,  S99. 

Le  même  poète  parle  encore  ailleurs  de  cette 
manière  de  défendre  les  camps  particulière 
aux  Maures;  il  dit: 

I^am  Mliger  Àiutnr 
Sollicitas  clabias  catnpis  eommittere  pngnat» 
Collocat  astrictii  muros  f^ssasqae  camélia, 
Atqa«  pecna  Tariam  y  densa  rallante  eorona  • 
Ponit  i  at  obicibas  pognantes  implioet  hoat^i , 
ÀmbigQasqae  premat. 

Idem»  ibii,,  U,  91  sqq. 

Procope  parle  aussi  du  même  usage  {de  bel, 
vand. ,  I,  8,  et  II,  II):  il  rapporte  que, 
dans  la  circonstance  dont  il  s'agit  dans  son 
texte,  les  Maures  disposèrent  leurs  cha- 
meaux en  cercle,  ht  xOxXtp,  sur  douze  de 
hauteur,  xoxà  5ci>6sxa  (liXiora  xofjiiQXouc 
9rotY)<rà(i£Voc  ta  toO  \usxdm>^  paOoç ,  au  lieu 
de  huit,  comme  dans  Toccasion  dont  parle 
Corippus.  L*un  et  l'autre  exemple,  au  reste, 
font  voir  combien  était  considérable  le  nom- 
bre des  chameaux  élevés  par  les  Maures. 
{Note  de  Saint-Martin,) 

1 


l'usage  de  sa  nation ,  le  grand  pontife 
lerna  donna  le  signal  du  combat,  en 
lâchant  contre  les  rangs  ennemis  un 
taureau  furieux,  consacré,  avec  un  art 
magique,  au  grand  dieu  Gurzil.  Les 
deux  armées  s'abordent  alors  en  fai- 
sant retentir  les  airs  des  noms  du 
Christ  et  de  Gurzil,  et  des  autres  dieux 
révérés  par  les  idolâtres  de  TAfrique. 
La  bataille  devient  bientôt  générale  ; 
des  deux  parts,  on  combat  avec  le  plus 
grand  acharnement.  Les  deux  chefs 
signalent  également  leur  valeur  :  Eilé- 
nare,  prince  maure,  qui,  le  premier, 
avait  osé  affronter  les  bataillons  ro- 
piains,  succombe  sous  les  coups  de 
Bhécinarius.  Nombres  d'autres  guer- 
riers illustres  parmi  les  Africains  pé- 
rissent. Enfin,  après  une  opiniâtre  ré- 
sistance, Antalas  est  complètement 
vaincu,  et  son  armée  dispersée,  tandis 

3ue  lui-même  court  chercher  un  asile 
ans  le  désert,  et  qu'il  abandonne  aux 
Romains  les  étendards  qu*il  avait  au- 
trefois conquis  sur  Salomon.  Son  allié 
lerna  est  forcé  à  la  retraite,  après  une 
défense  non  moins  opiniâtre.  Hors 
d'état  de  rétablir  la  bataille,  il  résiste 
encore  ;  après  avoir  vu  enfoncer  son 
double  rempart  de  chameaux  et  de 
bœufs ,  il  s  efforce  de  soustraire  au 
moins  au  vainqueur  les  simulacres  de 
son  dieu  Gurzil,  et  il  tombe  en  les  dé- 
fendant. La  nuit  et  une  prompte  fuite 
préservèrent  les  restes  de  l'armée 
maure  d'une  entière  destruction. 

Jean,  après  avoir  triomphé  d'Anta- 
las  et  de  ses  redoutables  alliés,  ne  per- 
dit pas  de  temps  pbur  assurer  sà  vic- 
toire; des  détachements  poursuivirent 
les  vaincus  dans  toutes  les  directions; 
d'autres  subjuguent  les  villes  et  les 
châteaux  de  la  Byzacène,  où  il  laisse 
un  corps  d'armée  qu'il  croit  suffisant 
pour  contenir  le  pays.  Il  ramène  en- 
suite ses  troupes  vers  Carthage,  oh  il 
fait  une  entrée  triomphale.  Cependant 
un  nouvel  orage  se  formait  au  milieu 
des  déserts  de  l'Afrique ,  et  menaçait 
encore  les  possessions  romaines.  La 
nouvelle  de  la  défaite  d' Antalas  avait 
pénétré  jusque  dans  les  contrées  les 

Elus  reculées  de  l'Afrique  centrale ,  et 
ien  loin  d'y  répandre  la  terreur,  elle 

7, 


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lôo 


JL*UNIVERS. 


avait  animé  toutes  ces  nations  bar- 
bares d'un  profond  Sentiment  de  ven- 
geance. Dans  le  temps  même  où  les 
Romains  croyaient  la  puissance  des 
Maures  anéantie ,  Garcasan ,  qui  avait 
commandé  Taile  gauche  de  l'armée 
d'Antalas ,  et  qu'on  regardait  comme 
la  gloire  et  l'espérance  de  sa  nation , 
réunissait  les  guerriers  échappés  au 
dernier  désastre ,  les  ranimait,  les  ins- 
pirait de  sa  haine  contre  les  Romains. 
Le  fanatisme  religieux  ne  tarda  pas  à 
s'y  joindre;  ces  nations  n'avaient  pas 
embrassé  le  christianisme,  et  c'était 
pour  eux  un  motif  de  plus  de  conti- 
nuer et  de  renouveler  la  guerre.  Les 
chefs  mirent  en  mouvement  les  pon- 
tifes et  les  devins  de  ces  nations  sau- 
vages. L'oracle  de  leur  dieu  Gurzil 
promet  la  victoire  ;  il  annonce  que  les 
Romains  succomberont  sous  la  vail- 
lance des  Languantans  ;  que  les  Ma- 
zîques  domineront  à  jamais  dans  la 
Ryzacène,  et  que  Garcasan  entrera  vic- 
torieux dans  Garthage.  Les  promesses 
des  dieux,  la  haute  réputation  de  Gar- 
casan ,  lui  amenèrent  des  auxiliaires  ; 
les  peuples  des  déserts  qui  environnent 
le  temple  de  Jupiter  Ammon,  ceux  des 
Syrtes,  les  Nasamons  et  les  Garamantes 
viennent  combattre  sous  ses  étendards. 
Les  peuples  des  régions  lointaines,  où 
sont  les  marais  qui  donnent  naissance 
au  Nil,  lui  envoient  des  auxiliaires. 
Garcasan  ne  perdit  pas  de  temps  pour 
se  mettre  en  marche;  il  eut  bientôt 
envahi  la  Tripolitaine  ;  il  entrait  dans 
la  Byzacène,  quand  Rufin,  qui  en  était 
gouverneur,  dépécha  un  courrier  vers 
Garthage ,  pour  avertir  Jean  de  l'ap- 
proche des  barbares.  Surpris  de  cette 
nouvelle  invasion,  Jean  donne  aussitôt 
des  ordres  pour  rentrer  en  campagne. 
Tous  les  soldats  sont  rappelés  de  leurs 
cantonnements;  les  alliés  maures  se 
réunissent  aux  Romains  sous  leur  roi 
Goutzinas ,  et  on  se  dirige  vers  le 
Midi  pour  repousser  ce  nouvel  ennemi. 
Garcasan,  qui  croyait  surprendre  le 
générai  romain ,  s^arrête  et  se  replie 
vers  le  désert ,  où  il  cherche  à  attirer 
son  ennemi,  pensant  qu'il  pourrait  l'y 
combattre  avec  plus  d'avantage.  On 
était  alors  au  fort  de  l'été;  une  séche- 


resse excessive  avait  tari  toutes  les 
sources;  les  récoltes  avaient  manqué, 
et  une  horrible  famine  tourmentait  les 
provinces  et  faisait  de  grands  ravages 
dans  Farmée.  Pour  la  faire  subsister 
plus  facilement ,  Jean  fut  contraint  de 
fa  répandre  sur  un  plus  vaste  espace , 
et  de  l'affaiblir  ainsi  en  la  divisant  en 
plusieurs  corps.  Les  Africains,  plus  ac- 
coutumés aux  fatigues  et  aux  priva- 
tions, eurent  bientôt  l'avantage.  Le 
général  romain  avait  envoyé  dans 
toutes  les  villes  maritimes ,  pour  en 
tirer  les  grains  qui  lui  étaient  néces- 
saires ;  mais,  pour  comble  de  malheur, 
les  vents  contraires  empêchèrent  tous 
les  arrivages.  Jean  ne  fut  pas  arrêté 
par  toutes  ces  calamités;  malgré  les 
plaintes  et  l'insubordination  de  ses 
soldats,  il  poursuit  sa  marche,  et,  che- 
min faisant,  il  soumet  les  Astrices, 
nation  africaine,  puissante  et  guer- 
rière, dont  il  prend  des  otages.  Les 
Romains  continuent  d'avancer  ;  et  les 
barbares ,  tourmentés  comme  eux  par 
la  faim  et  la  soif,  reculent  en  se  diri- 
geant vers  les  parties  les  plus  arides 
du  désert.  Gette  retraite  encourage  les 
soldats  romains  ;  ils  avancent  rapide- 
ment dans  un  pays  qui  ne  leur  offre 
plus  d'ennemis,  et  ils  s'arrêtent  au- 
près d'un  fleuve  dont  les  bords ,  cou« 
verts  d'arbres,  raniment  l'espérance 
de  l'armée.  On  se  hâte  de  s'y  établir, 
mais  sans  y  prendre  aucune  des  pré- 
cautions prescrites  par  le  général.  On 
se  disperse  dans  les  environs ,  on  dé- 
daigne de  se  fortifier  contre  un  ennemi 
qui  semble  fuir  en  toute  hâte.  Les 
Romains  étaient  à  peine  arrivés  en  ce 
lieu,  qu'ils  y  furent  assaillis  par  les 
Africains ,  qui  profitèrent  de  leur  im- 
prudence pour  les  attaquer.  Ils  accou- 
rent de  tous  les  points  de  l'horizon  ; 
les  détachements  romains  se  replient 
en  désordre  et  avec  perte  sur  le  gros 
de  l'armée ,  tandis  que  Jean  fait  à  la 
hâte  ses  dispositions,  en  s'appuyant 
sur  la  rive  du  fleuve.  Il  se  place  à  la 
droite  avec  Fronimuth  et  Goutzinas, 
le  fidèle  allié  de  l'empire.  Il  confie  sa 
gauche  à  Putzintulus  et  au  Vandale 
Genséric.  Les  Romains  se  forment  à 
la  hâte,  et  se  préparent  à  résister  a  ua 


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APPENDICE  A  L'HISTOIRE  D'AFRIQUE. 


101 


ennemi  qui  les  environne  de  tous  les 
côtés,  et  dont  ils  ignorent  les  forces. 
Garcasan  profite  avec  habileté  de  la  dis- 
position du  terrain ,  couvert  d'arbres 
qui  troublent  les  manœuvres  des  Ro- 
mains. Ils  résistent  cependant  ;  Jean 
s'efforce  d'arrêter  les  progrès  tou- 

!  jours  croissants  des  barbares ,  mais  il 
perd  la  meilleure  partie  et  les  plus 
braves  de  ses  soldats  ;  plusieurs  de  ses 
plus  habiles  ofliciers  succombent;  sa 
valeur  est  inutile,  il  est  contraint 
d'abandonner  le  champ  de  bataille,  et 
de  se  retirer  en  toute  hâte  devant  Gar- 
casan et  les  Maures  victorieux. 

Jean  fit  sa  retraite  en  bon  ordre  :  se- 
condé par  Rhécinarius,  il  j)arvint  à 
soustraire  aux  efforts  des  Africains  les 
restes  de  son  ai^mée ,  et  il  les  condui- 
sit à  Laribe,  ville  forte  de  la  Numidie, 
environnée  de  vastes  forêts ,  et  dont 
les  remparts  avaient  été  réparés  depuis 
peu  par  les  ordres  de  Justinien  ;  Jean 
se  hâta  d'y  appeler  les  chefs  et  les  na- 
tions de  l'Airique  restés  fidèles  à  la 
cause  des  Romains.  Des  convois  de 
vivres,  des  armes,  des  renforts  lui  fu- 
rent expédiés  de  Carthage,  tandis  que 
Jean,  fils  d'Etienne,  s'efforçait,  par 
les  ordres  du  général,  d'apaiser  une 
guerre  qui  s'était  élevée  entre  Goutzi- 
nas  et  Ifisdaïas ,  autre  chef  maure  du 
parti  des  Romains.  On  parvint  à  as- 
soupir une  division  aussi  préjudiciable 
aux  intérêts  de  l'empire  ;  et  Coutzinas 
ne  tarda  pas  à  venir  rejoindre  Jean 
avec  des  forces  considérables  ;  son 
exemple  fut  imité  par  Ifisdaïas,  qui 
vint  du  mont  Aurasius  avec  beaucoup 

i  de  vaillants  guerriers.  Il  fut  bientôt 
suivi  par  labdas ,  le  plus  puissant  des 
princes  de  la  contrée,  accompagné  de 
son  fils.  Enfin,  le  préfet  Bézina  amena 
au  camp  romain  toutes  les  forces  dis- 
ponibles de  sa  nation.  Cependant  An« 
talas,  ranimé  par  la  victoire  de  Garca- 
san, avait  repris  les  armes,  et  il  avait 
de  nouveau  envahi  la  Byzacène.  Il 
s'unit  à  Garcasan,  et  tous  deux  ils  es- 

f)èrent  être  bientôt  en  état  d'anéantir 
es  restes  de  l'armée,  et  de  triompher 
des  alliés  de  l'empire.  Ce  n'est  pas  ce- 
pendant à  force  ouverte  qu'ils  veulent 
achever  la  ruine  des  Romains  ;  ils  re- 


courent à  des  moyens  qui  leur  sont 
plus  familiers ,  et  qu'ils  regardent 
comme  plus  sûrs.  Ils  harcèlent  l'armée 
de  Jean,  détruisent  le  pays  à  de  grandes 
distances  autour  de  son  camp  ;  puis, 

f)ar  des  attaques  simulées,  ils  fatiguent 
es  Romains ,  qu'ils  entraînent  à  leur 
suite  dans  des  cantons  dévastés  et  dé- 
serts, où  ils  espèrent  les  livrer  à  une 
mort  certaine.  Les  Romains  éprouvè- 
rent en  effet  les  plus  grandes  priva- 
tions, en  s'attachant  à  leur  poursuite; 
les  fatigues  et  la  soif  leur  enlevèrent 
plus  de  soldats  que  le  fer  ennemi.  Le 
tribun Gécilides,  qui  conduisait  l'avant- 
garde,  parvint  cependant  à  les  attein- 
dre; les  Maures  furent  vaincus  dans 
un  premier  combat ,  où  ils  firent  une 
opiniâtre  résistance;  plusieurs  de  leurs 
plus  vaillants  chefs  succombèrent ,  et 
un  grand  nombre  furent  faits  prison- 
niers ;  parmi  eux,  on  distinguait  Varin- 
nus.  Chargés  de  fers,  ils  bravaient,  ils 
injuriaient  encore  leurs  vainqueurs; 
pleins  des  promesses  de  leurs  oracles , 
ils  nourrissaient  l'espoir  de  voir  Gar- 
casan victorieux  chasser  les  Romains 
et  rendre  la  paix  à  l'Afrique  ;  ils  insul- 
taient à  la  puissance  de  l'empereur, 
ils  rappelaient  les  combats  livrés  par 
leurs  ancêtres  contre  Maximien.  Irrité 
de  tant  d'audace,  le  général  les  fit 
mettre  à  mort. 

Malgré  le  succès  qu'il  venait  d'ob- 
tenir, Jean  n'osa  poursuivre  plus  loin 
les  barbares  ;  il  s  était  aperçu  que  ce 
n'était  pas  la  crainte  qui  les  faisait  re- 
culer devant  lui,  et  il  reconnut  les  pé- 
rils qui  fe  menaçaient,  s'il  s'acharnait 
plus  longtemps  à  leur  poursuite.  Il 
prit  donc  le  parti  de  rétrograder  à 
son  tour,  pour  les  attirer  vers  le  rivage 
de  la  mer ,  dans  les  lieux  où  il  serait 
plus  facile  de  les  combattre.  Garcasan 
et  Antalas,  qui  observaient  les  mouve- 
ments des  Romains ,  prirent  cette  re- 
traite pour  une  fuite;  ils  revinrent  sur 
leurs  pas,  et  se  postèrent  dans  des 
lieux  élevés ,  tandis  que  les  Romains 
couvrirent  de  leurs  tentes  les  bords  de 
la  mer,  en  plaçant  au  milieu  d'eux  les 
Maures  alliés.  La  discorde  se  répandit 
bientôt  dans  l'armée  ;  une  sédition  s'y 
éleva  ;  des  chefs  ambitieux  cherchaient 


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102 


L'UNIVERS. 


à  renouveler  les  criminelles  entre- 
prises des  successeurs  de  Salomon. 
Tarasès,  Rhécinarius,  et  d'autres  gé- 
néraux ,  s'efforcèrent  de  rétablir  Tor- 
dre; leurs  efforts  furent  vains,  et  cette 
révolte  aurait  peut-être  amené  les  plus 
fâcheux  événements ,  si  Coutzinas  et 
les  Maures  fidèles  n'étaient  accourus 
au  secours  du  général.  Les  soldats 
des  deux  nations  en  seraient  venus 
aux  mains4  si  Rhécinarius  n'était  par- 
venu par  ses  discours  conciliants  à 
les  calmer  et  à  ramener  la  paix.  Jean 
décampa  aussitôt,  et  vint  prendre  po- 
sition dans  un  lieu  appelé  les  Champs 
de  Caton^  dont  la  situation  nous  est 
inconnue.  Carcasan  et  Antalas  Vy 
suivirent ,  et  vinrent  se  placer  a  peu 
de  distance;  et  des  deux  côtés  on  ne 
tarda  pas  à  se  préparer  à  une  bataille 
décisive.  Pour  se  rendre  les  dieux  fa- 
vorables ,  les  Africains  leur  offrirent 
d'abondants  sacrifices:  les  uns  s'a- 
dressent à  Gurzil,  qui  est  Jupiter  Am- 
mon;  d'autres  invoquent  Mars,  et 
d'autres  encore  présentent  des  vic- 
times humaines  à  leur  dieu  Mastiman. 
On  s'attaque  au  lever  de  Faurore. 
Jean  donne  le  signal  du  combat,  en 
chargeant  lui-même  les  ennemis  à  la 


tête  de  ses  gardes.  Us  ne  tardèrent  pas 
à  mettre  le  désordre  dans  l'armée 
africaine ,  où  ils  firent  un  grand  car- 
nage. Coutzinas  et  les  alliés  maures 
furent  moins  heureux  de  leur  côté  ;  re- 
poussés avec  perte,  ils  étaient  sur  le 
point  d'abandonner  le  champ  de  ba- 
taille ,  ^uand  ils  virent  Jean  vainqueur 
arriver  a  leur  secours  ;  ils  reprennent 
courage,  repoussent  leurs  ennemis,  et 
les  mettent  dans  une  déroute  complète. 
Cette  victoire  décisive  mit  fin  à  la 
guerre  d'Afrique.  Antalas,  sans  espoir 
de  continuer  la  guerre,  se  soumit  à  la 
domination  impériale,  et  les  barbares 
furent  repoussés  jusqu'aux  extrémités 
de  l'Afrique;  Pour  Carcasan ,  il  périt 
sur  le  champ  de  bataille;  sa  tête,  sé- 
parée de  son  corps,  fut  placée  au  haut 
d'une  lance,  et  promenée  dans  les  rues 
de  Carthage.  Ainsi  fut  accomplie  la 
prédiction  mensongère  de  ses  devinas , 
qui  lui  avaient  promis  de  le  faire  en- 
trer triomphant  dans  les  murs  de  cette 
capitale  de  l'Afrique.  Jean  ramena  ses 
troupes  victorieuses  dans  Carthage,  et 
contmua  de  gouverner  l'Afrique,  dont 
rien  ne  trouEla  plus  de  longtemps  la 
ttanquillité* 


VIN  BB  L'âPPENDIGB. 


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TABLE 


DB  L'HISTOIBE  D*AïBIQUB  SOUS  LA  DOMINATION  DES  VANDALBS 
Xt  SOUS  LA  DOMINATION  BYZANTINB. 


Abaritane;  Genséric  se  l^crve  la  pro- 
priété de  cette  province ,  8a  &. 

Administration  romaine  (1')  surfit  à  la 
conquête  des  Vandales,  86  b;  administra- 
tion byzantine,  95  et  suiv. 

Aélius,  rival  de  Boniface^  8,  b.  ;  Sa  pei^ 
fidie,  ibid.;  il  est  vaincu  par  Boniface,  i3, 
b.;  il  est  assassiné,  19  a. 

Afrique;  son  élat  au  moment  de  la  con- 
quête, II,  b.;  sous  la  domination  byzantine, 
91  et  suiv.;  pacificatiou  de  cette  province, 
94  a;  son  bistdire  depuis  la  mort  de  Jus- 
tinien,  94  a  et  suiv. 

Aigan,  officier  byzantin  massacré  par  les 
Maures,  9^1  a. 

Alains  réunis  aux  Vandales,  4  b  ;  5  a,  b. 

Alode  germanique ,  8a  b. 

Alexandre-,  ollicier  de  la  maison  de  Pla- 
cidie,  39  b. 

Aithias,  officier  byzantin,  arrête  les  en- 
vahissements d'Yabdas ,  9a  a. 

Amalajrid  éj)6use  Tbrasamund ,  roi  des 
Vandales,  38  a  ;  excite  une  révolte,  38  b; 
elle  est  mise  à  mort,  39  a. 

ArAalasuntlia;  sa  réponse  àBélisaire  sur 
la  possession  de  la  Sicile,  70  b. 

Ammatas,  frère  de  Gélimer,  5i  b;  5a  a, 
b  )  Impression  que  cause  sa  mort  au  roi 
vandale  <  54  b  et  55  a. 

-//w/?jfl^ a,  fleuve  d'Afrique,  li  b. 

Antalas,  chef  maure  i  93  b, 

Antonina,  femme  de  Bélisaire,  4a  b;  sa 
prévoyance,  45,  a,  b. 

Apollinarius,  officier  byzantin,  s'empare 
des  îles  Baléares ,  70  a. 

Arabes  (les)  s'emparent  de  la  Cyrénaï- 
que  et  de  la  Tripolitaine,  95  a. 

Arcliélaûs  (le  préfet)  ;  son  discours  à  Bé- 
lisaire, 46  b,  47  a;  il  conduit  la  flotte  by- 
zantine à  Cartbage,  5a  a;  il  devient  préfet 
du  prétoire  en  Afrique,  9a  a. 

Aréobinde  (le  sénateur)  partage  le  com- 
mandement en  Afrique  avec  Sergius,  93  b; 
il  est  assassiné^  ibidé 


Arianisme  (1*)  est  embrassé  par  le^  Van- 
dales en  Pannonie,  7  b  et  84  b. 

Anenai  (!')  de  Cartbage,  84  b  ;  il  est  ti- 
sité  paf  l'empereur  Majorien,  aa  b. 

Artaban,  officier  arménien,  gouverneur 
de  l'Afrique ,  93  b. 

Aspar^  général  romain ,  i3  a ,  b  $  à6'  b  ; 
sa  mort,  a6  a. 

A  s  té  ri  us,  général  de  l'empire,*  7  tb 

Atauife;  roi  des  WislgoJhs ,  6  b. 

Attila,  roi  des  Huns ,  s'allie  à  Genséric , 
17  b;  se  jette  sur  la  Gaule,  18  b. 

Augustin  (saint),  sa  mort,  i3  a. 

Aurasius,  montagne  d'Afrique,  9a  tu 

Aurélien  (l'empereur)  bat  les  Vandales,  3  b* 

Aviius^  empereur  déposé,  ai  b« 


Baléares  (les  iles),  8  a  ;  tombent  an  pou- 
voir de  Bélisaire ,  70  a. 

Basiliscus,  général  byzantin;  il  est  battu 
par  Genséric  ;  sa  lâcheté,  24  et  a5. 

Bélisaire;  se^  commencements,  4a  a,  b; 
son  armée,  4a  b  et  43  a  ;  sa  sévérité,  44  a  ; 
ses  discours  aux  troupes,  49  bj  53  a  ,  b  ; 
il  entre  à  Cartbage,  56  a  et  57  b  ;  il  donne 
l'investiture  aux  chefs  maures ,  6a  a  ;  il  va 
à  la  rencontre  de  Gélimer,  65  ai  sa  dou- 
ceur, 67  a  ;  il  se  rend  maître  d'Hippone , 
68  b  ;  il  est  accusé  par  ses  officiers  auprès 
de  l'empereur,  73  b;  il  l-etourne  à  Cuns- 
tan.tinople,  73  b  et  74  a;  son  triomphe,  74 
a,  b  ;  il  est  nommé  consul ,  75  a. 

Boniface  (le  comte)  sert  en  Espagne  ,  7 
b;  son  portrait,  sa  vie,  8  a,  b;  il  appelle 
les  Vandales  en  Afrique,  9  a  ;  son  repentir, 
II  b;  sa  mort,  i3  b. 

Boniface,  serviteur  de  Gélimer;  le  roi 
vandale  lui  confie  ses  trésors ,  69  a ,  b. 

Bulla  (plaine  de),  55  a;  61  b. 

Burgaon  (la  bataille  du  mont)  perdue 
par  les  Maures ,  9a  a. 

Byzacène ,  province  soumise  à  Genséric  i 
16  a;  17  b  ;  ses  évèques  sont  exilés,  38  a  ; 
elle  est  envahie  par  ks  Maures ,  39  a« 


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104 


TABL£ 


Calonjrme,  amiral  byzantin,  aborde  à  Cap- 
thage,  56  b  ;  sa  fin,  57  a. 

Camut,  noble  vandale;  traitement  que  lui 
fait  subir  Hunéric,  3a  a  et  b. 

Caracalla  (l'empereur);  ses  tentatives 
pour  désunir  les  barbares,  3  b. 

Caralîs,  ville  de  Sardaigne,  60  a. 

Carcasan,  chef  maure,  94  a. 

Carthage;  tableau  de  cette  ville,  i5b; 
elle  est  prise  par  Genséric,  z6  a  ;  concile  de 
Cartbage,  33  a;  Calonyme  y  aborde,  56  b; 
elle  esi  occupée  par  Bélisaire,  56  b  ;  ses  for> 
tificalions  réparées,  60  a  ;  conspiration  tra- 
mée dans  cette  ville  contre  la  domination 
byzantine,  63  b  ;  elle  est  prise  par  les  Ara» 
bes,  95  a. 

Cassiodore ,  général  romain,  repousse 
Genséiic,  17  a. 

Castinus,  général  romain;  sa  conduit 
en  Espagne ,  7  a. 

Catholiques  (les)  de  l'Afrique  persécutés, 
16  a;  leurs  églises  rouvertes,  a6  b;  les  ca- 
tholiques persécutés  de  nouveau  par  Huné- 
ric et  ses  successeurs,  3a  b,  36  a  b,  et  37 
a,  b  ;  iin  de  la  persécution,  39  b  ;  ils  triom- 
phent par  Bélisaire,  58  a. 

Centenarîi  (les) ,  juges  vandales,  8a  a  ;  ce 
qu'ils  étaient  dans  l'armée,  83  b. 

Césarée  tombe  au  pouvoir  de  Bélisaire, 
69  b. 

Ceuta ,  ville  d'Afrique  occupée  par  les 
Byzantins,  70a. 

Champs  de  Caton,  Les  Maures  'y  sont 
battus,  94  a. 

Commerce  de  TAfrique  sous  les  Vandales, 
88  a,b,et  89. 

Conseil  de  guerre  tenu  par  Bélisaire,  46 
a,  47  a»  b. 

Conseil  des  rois  vandales,  79  b. 

Constantin  (l'usurpateur),  4  b,  5  a. 

Coptos  (teinturiers  de),  88  b. 

Corippus  (le  poëte);  son  poëme  sur  Jean 
Troglita,  93  b. 

Corse  (l'Ile  de)  conquise  par  Genséric, 
a3  b  ;  les  troupes  byzantines  la  reprennent, 
69  b. 

Cuzinas,  chef  des  Maures,  9a  a;  sa  fin, 
94  a. 

Crprienne  (fêle),  58  a. 

Cyrénaique  (la)  tombe  au  pouvoir  des 
Arabes,  95  a. 

C/rilie,  officier  byzantin ,  arrive  k  Car- 
thage, 61  b  ;  il  fait  la  conquête  de  la  Sar- 
daigne et  de  la  Corse,  69  b. 

Cjrus,  général  romain,  17  a« 


Cfrus,  officier  byzantin ,  gouverneur  de 
la  Pentapole,  93  a. 


Darius  est  envoyé  par  Timpératrice  Pla- 
cidie  à  Boniface,  la  a. 

Décani  ou  Taihunfath,  juges  vandales, 
8a  a  ;  leurs  fonctions  dans  1  armée ,  83  b. 

Decimum  (gorges  de),  5i  b  et  5a  a. 

Deogratias,  évéque  de  Carthage  ;  sa  cha- 
rité et  sa  noble  conduite,  ao  b. 

Didyme,  chef  espagnol ,  4  b. 

Diogène,  officier  byzantin  ;  sa  bravoure, 
59  a,  b;  60  a. 

Domaines  (les)  du  roi  chez  les  Vandales, 
80  a,  b. 

Donatistes  (les)  s'unissent  aux  Vandales 
au  moment  de  l'invasion,  11  a,  84  b. 


Espagne  ;  son  état  après  la  conquête  des 
Vandales,  5  a,  b;  6  a. 

Epiphanius,  archevêque  de  Constantino- 
ple ,.  bénit  les  soldats  de  Bélisaire  qui  par- 
tent pour  l'Afrique,  43  b. 

Euagis,  prince  vandale ,  frère  d'Oamer , 
39  b;  il  est  assassiné,  5x  b. 

Eudoxie  (l'impératrice)  appelle  Genséric 
en  Italie,  19  b;  elle  est  emmenée  prison- 
nière à  Carthage,  ao  b,  et  renvoyée  à  Cens- 
tantinople,  ai  a. 

Eudoxie,  fille  de  la  précédente  et  de  Va- 
lentinien,  épouse  Huneric,  fils  aine  de  Gen- 
séric, ai  a;  sa  dot,  39  b. 

huric,  roi  des  Wisigoths,  18  b. 

Épiques  persécutés  par  Hunéric,  36  b  • 
37  a;  leur  pouvoir  dans  les  villes  d'Afri- 
que, sous  les  Vandales,  87  b. 

Exactores,  percepteurs  de  l'impêt ,  80  ; 
choisis ,  même  sous  la  domination  vandale, 
parmi  les  Romains  de  l'Afrique,  86  b. 

Exportations  de  l'Afrique,  86  b. 


Para,  officier  de  Bélisaire  chargé  de  sur- 
veiller les  mouvements  des  Maures,  63  a, 
68  b  ;  il  assiège  Midenos ,  70  b  ;  il  écrit  à 
Gélimer,  71  b;  il  décide  le  roi  vandale  à  se 
rendre,  7a  b. 

Fisc  impérial;  ses  exigences  ;  il  appauvrit 
et  ruine  les  populations ,  6  a ,  a8  a ,  80  b, 
96  a,  b. 

Fortunat  (le  poète),  90. 

Franks  (les)  battent  les  Vandales,  4  b. 


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DE  L'HISTOIRE  D'AFRIQUE 


105 


G. 


Gaîbîon ,  génértil  envoyé  par  Timpéra- 
trice  Placi(lie  contre  Boniface  révolté ,  8  b. 

Gasmul,  roi  maure  ;  ses  projets  hardis , 
94  a  ;  sa  fia ,  94  b. 

Gaudentius,  fils  d'Aétius ,  prisonnier  de 
Genséric,  ai  a,  a 3  b. 

Gélimer,  roi  des  Vandales  ;  son  avène- 
ment el  sa  lettre  à  Justinieu ,  89  a,  b;  son 
imprévoyance,  48  a  ;  ses  fautes ,  54  a ,  b  ; 
sa  défaite  ,  55  a  ;  il  surveille  les  mouve- 
ments de  l'armée  grecque,  59  a  ;  il  rappelle 
de  la  Sardaigne  son  frère  Tzazon,  62  a,  b  ; 
il  marche  sur  Carthage,  C3  a,  b;  sa  fuite, 
66  a  ;  sa  défaite  ,^67  a  ;  ses  trésors ,  69  a  ; 
ses  demandes  à  Fera ,  7a  a  ;  il  se  décide  à 
se  rendre ,  72  b  ;  il  est  conduit  à  Carthage, 
73  a;  à  Constantinople ,  73  b,  74  b ,  75  a. 

Gennadius,  gouverneur  de  TAfrique  sous 
Tibère ,  94  b. 

Genséric;  motif  de  son  expédition  eu 
Afrique,  9  a;  son  inaction,  14  b;  il  étend 
ses  couquétes,  16  a  ;  il  attaque  Tltalie  et  la 
Sicile,  17  a,  b  ;  il  envoie  des  émissaires  à 
Attila ,  17  b  ;  il  fait  la  paix  avec  Valenti- 
nien,  17  b;  ses  alliances  avec  différents 
peuples,  18  a,  b;  il  pille  Rome,  19  b  ;  il 
demande  la  paix ,  23  a  ;  il  échoue  devant 
Alexandrie ,  26  a  ;  sa  mort ,  son  gouverne- 
ment ,  26  b  et  suiv.;  son  portrait,  28  b,  29 
a,  b. 

Genzon,  fils  de  Genséric,  25  a;  il  est  per* 
sécuté  par  Hunéric,  34  a. 

GérontîuSf  5  a. 

Germanus,  neveu  de  Justinien ,  envoyé 
contre  Stozas ,  92  b. 

Gétulie,  province  d'Afrique  dont  Gensé- 
ric se  réserve  la  possession,  82  a. 

Gièamund,  neveu  de  Gélimer,  52  a;  mas- 
sacré avec  le  corps  d'armée  qu'il  comman- 
dait, 52  b,  53  a. 

Gibbon;  une  erreur  de  cel  historien ,  5i 
a,  b. 

Godas,  chef  vandale,  se  révolte  contre 
Gélimer,  41  b,  48  b  ;  il  est  tué,  60  b. 

Gontharis  se  rend  maître  de  Cai'thage , 
93  b. 

Goths  (les)  se  précipitent  sur  les  Vanda- 
les, 4  a  ;  ils  envahissent  l'Espagne,  6b;  ils 
s'allient  aux  Vandales,  18  a,  b;  ils  trahis- 
sent Majorien,  23  a. 

Gotthée,  ambassadeur  de  Gélimer  àTheu- 
dis,  61  a. 

Grasse,  ville  d'Afrique,  5i  a,  b, 

Grégoire,  dernier  préfet  du  prétoire  en 
Afrique,  95  a. 


Gundéric,  frère  de  Genséric,  est  assas- 
siné, 9  b  ;  sa  veuve  jet  ses  enfants  tués  par 
Genséric,  i5  b. 

Gunthamund,  roi  des  Vandales;  sa  to- 
lérance, ses  guerres ,  ses  relations  avec  les 
Ostrogoths,  37  b.;  sa  mort,  38  a. 

Gurzil,  Jupiter  africain,  94  a. 


Hassan ,  chef  arabe ,  détruit  Carthage , 

95^  a- 

Heldic,  noble  vandale  ;  sa  mort,  32  a. 

Héraclius,  général  romain,  24  b. 

Héraclius  (l'empereur),  94  b. 

Hérésies,  en  Afrique,  27  b. 

Hermione,  ville  de  la  Byzacène,  résidence 
des  rois  vandales,  5i  b,  80  a. 

Hermigar,  chef  suève,  battu  par  Genséric, 
10  a. 

Hérules  dans  l'armée  de  Bélisaire,  4a  b, 
repousses  de  Midenos,  70  b. 

Hildéric,  roi  vandale  ;  sa  tolérance,  38  b  ; 
ses  relations  avec  l'empire  d'Orient  ;  il  est 
déposé,  39  a,  b;  il  est  assassiné,  ôi  b  ;  ses 
filles  sont  bien  accueillies  par  Justinien, 
75  a. 

Hippone,  ville  d'Afrique ,  12  a  ;  elle  est 
assiégée  par  les  Vandales,  1 2  b  ;  elle  se  rend, 
i3  b;  elle  est  prise  par  Bélisaire,  68  b. 

Hundafath,  titre  de  certains  juges  chez 
les  Vandales,  82  b. 

Hunéric  donné  en  otage  à  l'empereur 
décrient,  i4  a;  son  avènement  au  trône, 
29  b  ;  sa. conduite  cruelle  envers  sa  famille, 
3i  b  et  32  a;  son  édit  contre  les  catholi- 
ques, 33  et  suiv.;  sa  mort,  87  b;  la  part  que 
lui  assigne  Genséric  dans  la  conquête  de 
l'Afrique,  82  a,  b. 

Huns  (les)  au  service  de  l'empire  byzan- 
tin, 44  a;  ils  combattent  contre  Giba- 
mund,  52  ;  ils  conspirent  en  faveur  de  Gé- 
limer, 63  b  ;  leurs  dispositions  à  la  bataille 
de  Tricamara ,  65  a  ;  ils  se  rattachent  défi- 
nitivement à  Bélisaire,  65  b. 


'    lerna,  chef  maure,  94  a. 

Ilasguas,  tribu  maure,  94  a. 

Ildiger,  officier  byzantin,  amène  des  ren- 
forts à  Salomon,  92  a. 
,    Importations  en  Afrique,  89  a. 

Industrie  des  Vandales»  89  a. 


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10« 


TABLE 


Jean,  général  au  service  de  Fempire,  ga- 
gné par  Genséric,  17  a,  b. 

Jean,  de  Cappadoce;  son  discours  dans 
le  conseil  de  Justinien  relativement  à  Tex- 
pédition  d'Afrique,  4t  a,  b;  il  fournit  des 
vivres  aux  Iroupes,  44  b. 

Jean,  TÂrménien ,  combat  contre  Am- 
matas,.  5a  b  ;  il  sort  de  Carthage  à  la  tête 
d'un  corps  d'élite ,  64  b  ;  il  poursuit  Géli- 
mer,  67  b  ;  sa  mort,  ibid, 

Jean,  officier  de  Bélisaire ,  occupe  Gésa- 
rée,  69  b. 

Jean  Rogatbinus ,  gouverneur  de  Car- 
thage ,  94  a. 

Jean,  fils  de  Sisiniolus,  g3  b. 

Jean  Troglita ,  93  b  ;  il  bat  les  Maures, 
94  a. 

Jocundusy  patriarche  aHen  ;  son  supplice 
ordonné  par  Hunéric  ,32  b. 

Juitimana,  nom  donné  à  Carthage,  96  a. 

Justinien;  ses  lettres  à  Gélidiër,  39  b;  sa 
joie  à  la  nouvelle  du  succès  de  l'expédition 
de  BélisaireJ,  74  a  ;  il  prend  le  titre  d'A- 
fricain, 77  b,  et  suiv.;  il  rétablit  l'adminis- 
tration romaine  en  Afrique,  86  a. 

K. 

Kairouan ,  ville  fondée  en  Afrique  par 
les  Arabes ,  95  a. 

KXiQpot  [sortes  Fandalicî) ,  lots  des  "Van- 
dales dans  lé  partage  des  terres  conquises, 
82k  b. 


Laurus ^  citoyen  de  Carthage^  conspiré 
contre  les  Byzantins,  63  b. 

Légendes,  5'j  b,  et  suiv. 

Léon  (le  pape)  protège  Rome  contre  Gen- 
séric, 19  b. 

Léon  (l'empereur) ,  24  a  ;  il  équipe  une 
flotte»  24  b;  sa  mort,  26  a. 

Lettres  de  Gélimer  à  Tzazon  ^  62  a ,  b  ; 
de  Bélisaire  aux  officiers  goths  qui  com- 
mandaient en  Sicile ,  70  a ,  d'Amalasuntha 
à  Bélisaire ,  70  a ,  b  ;  de  Fara  à  Gélimer , 
71  b  ;  de  Gélimer  à  Fara,  72  a,  b  ;  de  Jus- 
tinien à  Bélisaire,  91  b. 

Lilybée ,  ville  de  Sicile  prise  par  Gensé- 
ric, X7  a;  les  Grecs  repoussés  devant  ses 
murs,  70  a. 

Littérature  des  Tandales  et  des  Africains 
sous  la  domination  barbare ,  96  a,  b. 


ft. 


Majorîen  (l'empereur) ,  aa  a  ;  iî  équipe 
une  flotte,  22  à ,  b  ;  il  va  sous  un  déguise- 
inent  à  Carthage,  22  b;  sa  flotte  brû- 
lée, 23  a;  sa  mort,  ibid, 

Malte ,  ile  de  la  Méditerranée  prisé  par 
les  Vandales  ,21b. 

Mamma  (bataille  de),  ^2  a. 

Mandracium ,  poit  de  Carthage,  55  b, 
92  a. 

Mannert;  jugement  silr  son  histoire  des 
Vandales ,  i  a ,  b. 

Marcellianus  en  Sicile  ,23b;  son  rôle 
ions  le  règne  d'Anthemius ,  24  a  ;  en  Sar- 
daigne,  24  b  ;  sa  floite,  24  b  ;  sa  mort,  25  a. 

Marchands  de  Carthage  pillés  par  les 
Soldats  byzantins  ,57  a. 

Marcien ,  neveu  de  Justinien,  bat  les 
Maures  ,94  a. 

Marcomans  font  la  guerre  aux  Romains, 
3  b. 

Marcus  ;  Son  histoire  des  Tandales ,  i  a, 
b;2a,b;5b;6a;ses  opinions,  12  b  ; 
x4  a;  34  b  ;  54  b;  85  a,  b;  82  a. 

Marine  des  Vandales ,  84  a ,  b, 

Maures,  peuple  allié  des  Vandales,  iob; 
cequMls  étaient  sous  Genséric,  28  a;  guerre 
contre  les  Vandales,  3o  b,  3i  a,  b;  guerre 
avecGunthamund,  37  b;  avec Thrasamund, 
38  b  ;  avec  Hildéric ,  3^  a  ;  ils  sont  battus 

Par  Gélimer,  39  a;  leurs  dispositions  à 
égard  des  Byzantins  après  la  |)risé  de  Car- 
thage par  Bélisaire,  61  b ,  62  â  ,  68  b; 
leurs  mœurs,  71  a  ;  ils  sont  battus  à  Matnma, 
92  a  ;  quatre-vingts  Maures  massad^  con- 
tre la  foi  des  traités ,  93  a. 

Mauritanie  Sitifienné  soumise  par  Salo- 
mon,  93  a. 

Mauritanies  soumises  aux  Vandales,  axa; 
dévastées  par  Genséric,  23  a. 

Mavors ,  officier  romain ,  envoyé  contre 
Bonifate  révolté ,  8  b. 

Maximus  (Pétronius)  est  fait  empereur, 
19  a. 

Maxime,  chef  de  révoltés ,  93  a. 

Méditerranée  ;  destinée  des  peuples  qui 
habitent  sur  les  bords  de  cette  mer,  16  b. 

3Jercure  (cap  de)  doublé  par  la  flotte  by- 
zantine, 55  b,  56  a. 

Midenos,  ville  maure,  68  b  ;  assiégée  par 
Fara,  70  b;  descriplion  de  cette  ville,  71b. 

Millenarii^  chefs  vandales,  81  a. 

Moawiali  (le  khalife) ,  95  a. 

Mœurs  des  Vandales,  90  b,  et  suiv. 

Molocha  (sources  du  fielivè) ,  88  B. 

Murailles  (les)  de  toutes  leS  bittes  lôl&ki- 


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DE  L'HISTOIRE  D'AFRIQUE 


lOT 


que  abattues  i^rès  la  conquête  Vandale, 
84  a. 


Natidet  (M.)  ;  son  mémoire  sur  Fétat  des 
-^rsonnes  en  France,  etc.,  81  a. 

Noblesse  chez  les  Yandales ,  8x  a,  b  ;  le 
i*oi  peut  appliquer  aux  nobles  des  peines 
infamantes,  8x  b;  ouvrier  eUnobli,  90  a. 

Notarii ,  employés  du  magistrat  vandale 
tippéié  prœpositas  ngtii,  81  b. 

O. 

Oturter,  surnommé  TAchilIe  dés  Yàndalés, 

39  a ,  b  ;iil  est  assassiné  par  ordre  de  Gé- 
limer,  5i  b. 

Organisation  politique  des  Vandales  en 
AfHque,  78  a,  b,  et  suiv.;  organisation'  ju- 
diciaire, 81  b«  et  suiv.;  organisation  mili- 
taire ,  83  a ,  b. 

Ornements  de  Tancien  temple  de  Jérusa- 
lem rapportés  de  Garthage  à  GoUstantino- 
ple ,  74  b. 

Ostrogoths  (les)  s'allient  avec  le  roi  van- 
dale Guntbamund,  37  b. 

P. 

Parnionit;  lei  Tandales  8*y  établissent, 
4a. 

Papencordt  i  jugement  sur  son  histoire 
des  Vandales ,  2  a ,  b. 

Pappuay  montagne  d'Afrique,  70  b,  73  a. 

Partage  des  terres  de  rAmque  entre  les 
Vandales  conquérants,  8d  a. 

Ptrsès  (les)  en  guerre  avec  Justinien, 

40  b. 

Prœpositus  regni,  grand  magistrat  chex 
les  Vandales,  81  b,  8a  a. 

Prœpositus  /udiciis  romanis;  attributions 
de  ce  magistrat  sous  k  domination  vandale, 
86  b. 

Promus  (l'empereur)  bat  les  Vandales  dans 
la  Germanie,  4  a. 

Proconsulaire  (la),  province  d'Afrique 
soumise  à  Genséric,  16  a ,  17  b;  partagée 
entre  les  guerriers  vandales  ,82  a. 

Proeope  (l'historien);  son  dépari  de  Cons- 
tantinople ,  43  ;  appréciation  de  son  ou- 
vrage ,  43  b  ;  ce  qu'il  fait  à  Syracuse,  46 
a,  b;  sa  réponse  à  Archélaiis,  47'a^b; 
48  a. 

ProcuratoreSf  percepteurs  de  l'impôt  sont 
la  domination  vandale ,  80  b. 

Propriétaires  romains  devenus  colons, 
86  a  ;  indemnisés  par  Justinien ,  95  b. 


Pudentiut,   agent  secret  de  Justinien, 
41  b  ;  il  est  attaqué  par  les  Maures ,  7  à. 
Punique  (la  race),  xx  é. 


Religion  des  Vandales ,  84. 
^  Repas  donné  par  Bélisaire  a  ses  officiers, 
57  a.  ,  ^ 

Ricimer  bat  les  Vandales,  ax  b;  ses  in 
trigues,  a3  b. 

Roi  (le)  ;  son  pouvoir  et  ses  attributions 
chez  les  Vandales,  78  b,  79  a  ;  son  conseil , 
79  a,  b  ;  son  domaine ,  son  trésor ,  l'em- 
ploi de  ses  deniers,  80  a,  b. 

Romains  ;  leur  état  en  Afrique  après  la 
couquéte  vandale,  85  b;  86  a,  b. 

Rome  pillée  par  les  Vandales,  19  b;  ao 
a,  b. 

Rufin ,  officier  byzantin  massacré  par  les 
Maures,  9a  a. 


Salomon  ,  général  byzantin ,  commande 
l'armée  d'Afrique  en  l'absence  de  Bélisaire, 
73  b  ;  sa  campagne  au  mont  Aurasius,  92  b  ; 
il  est  tué  à  Theveste ,  93  a,  b. , 

Salvien,  9  b. 

Sar daigne  prise  par  les  Vandales^  a3  b  ; 
ils  la  perdent ,  24  b  ;  nouvelle  conquête  de 
l'île ,  25  b  ;  Tzazon  ,  frère  de  Gélimet* ,  y 
soumet  Godas,  60  a,  b  ;  elle  est  attaquée  et 
envahie  par  Cyrille,  officier  byzantin^  49  b. 

Scalœ  veteres  (plaines  de)  }  Stozas  y  est 
battu ,  93  a. 

Sergius,  neveu  de  Salomotl ,  rallume  la 
guerre  avec  les  Maures ,  et  succède  à  Salo- 
mon dans  le  commandement  de  l'armée , 
93  a ,  b. 

Sévère  {  Sa  mort ,  a3  b. 

Sicile  (la)  est  attaquée  par  Genséric,  17 
a  ;  elle  est  conquise  par  les  Vandales,  25  b  ; 
les  Grecs  ne  peuvent  la  prendre,  70  a. 

Sigiswulde ,  officier  romain  envoyé  con- 
tre Boniface  révolté ,  8  b. 

Siiinges  (Vandales),  5  b. 

Sinox ,  officier  romain  envoyé  contre 
Boniface  révolté ,  8  b. 

Sinuessa  ;  la  flotte  vandale  y  est  battue , 
S2  a ,  b. 

Stozas  se  révolte  contre  Justinien,  92  b  ; 
^  sort  de  sa  retraite ,  93  b. 

Succession  (loi  de)  chez  les  Vandales, 
80  a. 

Suèiw  (les)  s'unissent  aux  Vandales,  4  b. 


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TABLE  DE  L'HISTOIRE  D'AFRIQUE. 


108  

SubtthilaSf  roi  des  Wisigoths,  s'empare 
de  plusieurs  villes  en  Afrique ,  94  b. 

Syllectum. ,  ville  .  d* Afrique  occupée  par 
Bélisaire,  5o  a. 

T* 

Taihundafath,  chefs  germains,  81  a;  ju- 
ges pendant  la  paix,  8a  a;  explication  de 
ce  mot ,  83  a. 

Taihiinfath,  Voy.  Décani, 

Tattimuth  est  attaqué  par  les  Maures, 
70  a. 

Tennis,  ville  d'Afrique,  70  a. 

Testament  de  Genséric ,  règle  Tordre  de 
succession  au  trône ,  80  a. 

Teucarie ,  victime  des  cruautés  de  Huné- 
rie  ;  sa  mort.  3a  a. 

Théodora  (l'impératrice),  74  a. 

Théodore,  officier  byzantin;  amène  de 
nouveaux  renforts  à  Salomon ,  9a  a. 

Tliéodoric,  roi  des  Ostrogoths,  s'allie  avec 
les  Vandales,  18  b,  et  a6  a. 

Theudîs,  roi  des  Wisigoths ,  rejette  l'al- 
liance de  Gélimer,  60  b;  61  a. 

Theveste  (bataille  de)  gagnée  par  les  Mau- 
res, 93  a,  b. 

Thrasamund,  roi  desTandales;  sa  con- 
duite à  l'égard  des  catholiques  ;  ses  allian- 
ces, 38  a;  ses  guerres;  sa  mort,  38. 

ToUiusi  son  récit  sur  les  Vandales  mo- 
dernes, 76  a. 

Trésors  (les)  de  Gélimer,  69  a. 

Tricamara  (bataille  de),  64  b,  et  suiv. 

Tripolita'me,  province  soumise  aux  Van- 
dales, ai  a;  aux  Arabes,  95  a. 

Tryphon  et  Eustratius  envoyés  en  Afri- 
que pour  faire  un  nouveau  cadastre,  96  a. 

Tunis  (lac  de)  ;  la  flotte  byzantine  y  jette 
l'ancre,  56  b. 

Tzazon ,  frère  de  Gélimer,  48  b;  il 
triomphe  en  Sardaigne ,  60  a  ;  sa  lettre  à 
Gélimer,  60  b  ;  il  quitte  la  Sardaigne,  62  b; 
sou  entrevue  avec  Gélimer,  63  a  ;  sa  mort , 
65  b  ;  sa  }ête  portée  en  Sardaigne ,  69  b. 

U. 

Uliaris,  officier  des  gardes  de  Bélisaire , 
54  a  ;  il  tue  Jean  l'Arménien ,  67  b  ;  il 
obtient  son  pardon ,  68  a. 


Ulphilasi  sa  Bible,  90  b. 


Valentinien  (l'empereur)  ;  sa  mort,  19  au 
Vandales  ;  leur  origine  ;  leur  séjour  en 
Germanie,  3  a,  b;  ils  s'unissent  aux  Bur- 
gondes,  4  a;  passent  en  Espagne,  4b;  ils 
triomphent  des  Goths  et  des  Romains ,  7 
a ,  b  ;  ils  sont  appelés  en  Afrique  par  Bo- 
niface,  9  a;  Jls  battent  Boniface  ,  la  a; 
leurs  cruautés,  la  b;  ils  pillent  Rome,  19 
b;  ils  s'emparent  de  la  Mauritanie  et  de  la 
Tripolilaine ,  ai  a;  leurs  courses  sur  mer, 
ai  a,  b;  ils  brûlent  la  flotte  de  Majorien, 
a3  a;  leurs  pirateries,  a3  a,  b,  a4  a;  ils 
brûlent  la  flotte  des  Romains ,  a4  b,  a5  a , 
a6  a  ;  étendue  de  leurs  possessions  en  Afri- 
que sous  Genséric,  a8  a,  b;  leur  portrait 
d'après  Orose ,  a8  b  ;  leurs  guerres  avec  les 
Maures,  3o  a ,  Si  a,  b  ;  leur  expédition  en 
Sardaigne,  4S  a ,  b  ;  ils  sont  battus  à  Deci- 
mum ,  55  a  ;  les  Vandales  de  la  Germanie 
envoient  des  députés  à  Genséric,  58  b;  des- 
tinée des  Vandales ,  75  a,  b;  ils  ne  ser- 
vaient pas  à  pied  dan&  les  armées,  84  a  ; 
causes  de  la  chute  de  l'empire  vandale,  76 
a  et  b,  77  a  et  b,  et  78  a. 

Vandales  modernes ,  76  a 

Veranien,  chef  espagnol ,  arrête  les  Van- 
dales aux  Pyrénées ,  4  b. 

Ferine  (l'impératrice) ,  a4  b. 


Wallia,  roi  des  Wisigoths,  6b;  7  a. 
fFisigoths  (les)  alliés  de  Genséric,  18  b  , 
aa  b. 


Yabdas,  chef  maure ,  commande  sur  le 
mont  Aurasius  ,  9a  a. 


Zenon  (l'empereur)  demande  la  paix  à 
Genséric ,  a6  a  ;  il  négocie  avec  Hunéric , 
39  b. 

Zeugitane,  province  d'Afiîque  occupée 
par  les  Vandales,  17  b. 


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TABLE  GENERALE 

DE  L'HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE  ANCIENNE. 


pRi^FACB  DK  l'Éditeur i  -  iv 

Esquisse  générale  de  l'Afrique,  par  M.  d'Avezac 1-48    ^ 

Introduction  a  la  description  et  a  l'histoire   de  l'Afrique 

ancienne,  par  le  même 49-^6 

La  Libye  propre  comprenant  la  Gtrénaïque  et  la   Marma- 

rique  ,  par  le  même* . .  > « .  • .  • * 67-158 

Carthage. 

Première  partie  y  par  M.  Bureau  de  la  Malle 1-69 

Deuxième  partie  y  par  M.  Jean  Yanoski 80-172 

Histoire  de  la  Numidie   et  des  Mauritanies  ,  par  M.  L.  La-  ,    1 

croix 1-96    ^C^T  rtU^ 

L'Afrique  chrétienne,  par  M.  Jean  Yanoski i-63 

Histoire   de  la  domination  des  Vandales  en    Afrique,    par 

M.  Jean  Yanoski 1-91 

Histoire    de     l'Afrique    sous  la   domination    byzantine  ,    et 

Appendice  à  cette  histoire   par  le  même 91-102 


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