This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at|http : //books . google . corn/
ï(>i,
^■;i'^^^
[i-T
HARVARD UNIVERSITY
LIBRARY
OF THE
PEABODY MUSEUM
FROM THE LIBRARY OF
ORIC BATES
(1883-1918)
PRESENTED BY HIS WIFE
July I, 1937
m m
\
i
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjQOQIC
L'UNIVERS.
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LÉS PEUPLES.
AFRIQUE.
CARTHAGE.
NUMIDIE ET MAURITANIE.
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
Digitized by VjOOQIC
PARIS.
TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,
toUE JACOB, v!^ 56.
Digitized by
Google
AFRIQUE.
ESQUISSE GÉNÉRALE DE L'AFRIQUE
ET AFRIQUE ANCIENNE,
PAR M. D'^EZAC,
DES SOCIÉTÉS GÉOOAAPHIQHES DB PAKI8 . LOHDRBS KT PBA.NCFORT, DB LA. SOCIÉTÉ A.FItlCA.JIIK OB LODDAKS.
VICE-PAÉSIDENT SE LA SOCIETE KTBSOLOQIQVE DE PAIlIS, ETC.
CARTHAGE,
PAR M. DUREAU DE LA MALLE,
MEMBBB DB l'aCADÉMTB DES IlfSCAIPTIORS ET BELLES- LBTTEBS ,
Eï PAR M. J. YANOSKI,
l'BOFESSEUR SUPPLÉANT AU COLLEGE DB VBAKCE, AOBÉGÉ DE l'OHIVERSITÉ , ETC.
NUMIDIE ET MAURITANIE,
PAR M. LOUIS LACROIX,
PEOFESSEOa D'HISTOIBB AO COLLEGE EOLLIH.
L'AFRIQUE CHRÉTIENNE
ET DOMINATION DES VANDALES EN AFRIQUE,
PAR M. J. YANOSKI.
PARIS,
FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,
IMPRIMEURS-UBBàlRES DE L'iNSTlTyT
DB
FRANGE,
EUE JACOB. »• 56.
M DCCC XLIV.
sa (o ^3 5^
Digitized by
Google
Digitized by
Google
PRÉFACE
DE L'ÉDITEUR.
Nous remplissons aujourd'hui l'engagement que nous avions contracié,
il y a quelques mois , avec nos souscripteurs , en leur promettant d'ache-
ver, dans un bref délai, le volume consacré à l'Afrique ancienne.
Nul, assurément , en lisant ce volume, ne sera tenté de blâmer notre
lenteur et nos retards.
Jusqu'à présent j on n'avait pas encore fait en France, ni à l'étranger,
une histoire suivie et complète de l'Afrique ancienne. Il fallait multiplier
les recherches pour rassembler les éléments épars de cette vaste et curieuse
histoire. Il fallait remuer, compulser, longuement étudier les livres des
anciens et les meilleurs travaux de la critique moderne.
Les auteurs de l'ouvrage que nous offrons à nos souscripteurs se sont
acquittés de cette tâche avec un soin et un zèle dont nous ne saurions trop
les remercier, et nous demeurons convaincus que leur œuvre, complète-
ment neuve par le plan qu'ils ont adopté, etpar la masse des faits qu'eux,
le» premiers, ont mis en lumière, obtiendra un plein succès , non point
seulement auprès des gens du monde, mais encore auprès des hommes les
plus versés dans les matières d'érudition.
Les diverses parties dont se compose notre Histoire de V Afrique an-
cienne ne sont pas simplement juxtaposées; elles ont été composées d'après
an même plan et dans une même idée. Tout avait été réglé et déterminé à
l'avance par les auteurs; et il est aisé, suivant nous, de remarquer que,
dans ce volume , depuis la première page jusqu'à la dernière , il existe le
plus rigoureux enchaînement.
Nous devons donner ici, en quelques mots, le plan de cette histoire.
Ce volume est le premier de la série consacrée à l'histoire et à la des-
cription complète de toute l'Afrique. C'est pourquoi il s'ouvre par une
Esqmsse générale, où l'on considère l'Afrique sous ses divers rapports
Digitized by VjOOQIC
Il PRÉFACE
d'aspect et de constitution physiques, d'histoire naturelle, d'ethnologie,
de linguistique, d'état social, d'histoire politique, d'explorations et de géo-
graphie.
Si Ton excepte cette esquisse générale, qui se compose d'environ cin-
quante pages, tout le volume est consacré à la description et à l'histoire
de l'Afrique ancienne, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'invasion
arabe. Après une introduction destinée à fixer la place, l'étendue et les
grandes divisions de l'Afrique dans le monde connu des anciens, une pre-
mière partie traite de la Libye propre , comprenant la Cyrénaique et la
Marmariquey tour à tour royaume des Battiades, république turbulente,
conquête des Ptolémées, province dans l'empire de Rome et de Gonstanti-
nople, et dans l'Église d'Alexandrie.
La seconde partie, consacrée à la région d'Afrique, comprenant l'Afri-
qtfe propre, où était Carthage, la Numidie et les Mauritanies, est précédée
d'une nouvelle introduction ayant pour objet la description de cette région
au point de vue de l'antiquité classique, ta distribution générale des popu-
lations qui y étaient répandues, et la question , très-difficile, des délimita-
tions successives de ses diverses parties.
C'est M, d'Avezac qui a rédigé ce commencement du volume avec ces
connaissances spéciales et cette savante critique qui lui ont assigné un
rang distingué parmi nos meilleurs géographes.
En tête de la deuxième partie se trouve Vhistoire de Carthage , par
MM. Bureau de la Malle et J§an Yanoski. C'est le morceau le plus com-
plet qui ait été écrit sur cette ville célèbre. On y rencontre tous les faits et
tous les résultats critiques contenus dans les travaux des érudits français,
et aussi dans les ouvrages composés à l'étranger par Campomanes, Mûn-
ter, Heeren, Bôttiger, etc. Elle renferme,- sur la troisième guerre punique,
des détails pleins d'intérêt et très-dramatiques, que l'on ne trouve dans
nul autre livre.
Vient ensuite Vhistoire de la Numidie et de la Mauritanie, Les faits qui
se rapportent à cette histoire étaient disséminés dans mille ouvrages divers.
L'auteur les a tous recueillis avec soin et classés. Il a divisé son travail en
trois parties : 1*" la Numidie, jusqu'aux Romains; 2** la Mauritanie, jus-
qu'aux Romains; 3** la Numidie et la Mauritanie sous les Romains, jus-
qu'à la conquête de l'Afrique par les Vandales. Cette division répand sur
l'ensemble des faits une vive lumière. L'auteur de ce travail est M. L. La-
croix, ancien élève de l'École normale, professeur d'histoire au collège
Rollin.
Digitized by VjOOQIC
DE L'ÉDITEUR. m
M. Jean Yanoski a repris alors, dans leur ensemble, toutes les provin-
ces, depuis les limites les plus orientales de la Tripolitaine jusqu'à l'Atlan-
tique, pour raconter les origines, les développements successifs, la gran-
deur, la décadence et la chute de TÉglise d'Afrique. Rien d'important, en
ce qui concerne les hommes et les doctrines, n'a été omis dans ce fragment
d'histoire ecclésiastique, qui a pour titre V Afrique chrétienne.
Enfin, M. Jean Yanoski a terminé le volume par une histoire de l* Afri-
que sous la domination vandale et sous la domination byzantine. L'au-
teur ne s'est point borné à donner ses propres recherches ; il a eu soin de
reproduire tout ce qu'avaient écrit, avant lui, à diverses époques, Lebeau,
Gibbon, Mannert, Saint-Martin, l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, etc., et tout récemment MM. Louis Marcus et Papencordt. Nous
signalerons à nos souscripteurs , dans ce travail , le récit de l'expédition
de Rélisaire,
Rien n'a été négligé pour rejidre facile l'usage des diverses parties de
ce volume. Chaque morceau, chaque histoire est suivie d'une table alpha-
bétique rédigée avec le plus grand soin. Nous croyons donc avoir mené à
bonne fin, malgré de grandes difficultés, une des parties les plus impor-
tantes de notre vaste collection.
En France, nous l'espérons, on accueillera ce volume avec quelque bien-
veillance. Un grand nombre des pages qu'il contient se rapportent à la
portion de l'Afrique que nous avons récemment acquise par des sacri-
fices sans nombre et au prix de notre sang. JVul, parmi nous, c'est notre
opinion , ne peut désormais rester indifférent en lisant les faits qui rap-
pellent l'antique splendeur de cette Algérie , où nous avons recommencé,
au profit de la civilisation et de l'humanité, et avec d'héroïques efforts,
l'œuvre des Romains, et où il n'est pas aujourd'hui un seul coin de terre
qui ne puisse attester la gloire et la puissance de nos armes.
Mai x844. FIRMIN DIDOT FRÈRES.
Digitized by
Google
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS,
oir
\ HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, INDUSTRIE. COUTUMES, Btc.
ESQUISSE GÉIVÉRALE DE L'AFRIQUE,
ASPECT ET CONSTITUTION PHYSIQUE, HISTOIRE NATURELLE;
ETHNOLOGIE, LINGUISTIQUE , £TAT SOCIAL, HISTOIRE;
EXPLORATIONS ET GÉOGRAPHIE.
PAR M. D'AVEZAC,
OES SOCliTBS GKOGRArHIQUSS DS PARIS, DE BOUDAIS BT Dl FIlAirCVORT, ETC.
INTRODUCTION.
Près d^aborder un sujet vaste dans le futile* mérite de présenter tour à
son ensemble, compliqué dans ses dé- tour des descriptions ou des récits
tails, dont nous ne voulons laisser en particuliers , dont l'intérêt spécial fasse
oubli aucun trait essentiel ; ayant des- oublier le récit qui précède pour s'ef-
sein d*efileurer, au moins, les parties facer bientôt devant le récit qui sui*
que diverses raisons, telles que le temps vra : préoccupé du besoin d exciter
et l'espace assignés à notre travail, la dans la pensée quelques idées plus du-
natare de ce travail lui-même , et par- râbles que les fugitifs souvenirs de ces
dessus tout notre propre insuffisance, descriptions et de ces récits morcelés ,
ne nous permettraient point d'appro- qui n^ont d'autre lien apparent que
fondir; forcé de consacrer, au tabjeau leur juxtaposition ou leur succession
que nous allons entreprendre, une Ion- matérielle, nous avons dû porter nos
gue série de pages, variées comme les premières sollicitudes sur la méthode
aspects multiples du sol, comme la qu'il nous convenait d'adopter pour
physionomie diverse des populations, montrer et ne jamais laisser perdre
comme les faits successifs de l'histoire de vue l'enchaînement mutuel de toutes
des empires; et désirant, plus que ces choses que nous avons à décrire et
toutes choses , que ce tableau dont le à raconter.
cadre est si grand, les détails si nom- C'est d'une puissante synthèse qu'il
breox, lespartiessivariées, n'ait point nous faut emprunter le secours, afin
1" ZÀvraison. (Hisx. de l'Afrique. 1
Digitized by
Google
L'tjRiVEIll
de ramener à tiile (iodâtânté ufifté les
faits de divers ordres sur lesquels no*»
tre attention doit se trouver tour à tour
appelée. Montrer et définir cette unité,
la considérer spus les divers aspects
qu'etie peut offf ir dans son ensemble ;
tracer les grandes^ coupes naturelles
entre lesquelles se distribuent par
masses, puis par groupes successive-
ment étagéif les detaifs sans nombre
qui doivent former comme les fils d'un
va8t« tissu 1 tel est le plan qu'il con-
vient de suivre pour que , saisis-
sant la corrélation naturelle des faits
isolés, des croupes où ces faits otit
leur place déterminée , des masses où
ces groupes se doivent encadrer, et
du grand tout, enfin, que composa
la réunion de ces masses , Pesprit par*
coure sans ennui, retienne sans fatigue
une multitude de détails, dont chacun
aura désormais ainsi une valeur de
position, un degré d'importance ap-
préciable dans Fensemble du sujet.
Élevons-nous par la pensée hors des
limites terrestres où notre frêle hu-
manité se trouve emprisonnée, et pla-
nant dans l'espace, considérons cette
terre, notre demeure, d'assez haut
pour que son unité seule nous soit
perceptible; puis, nous rapprochant
d'elle par degrés, nous distmguerons
la masse des eaux et la masse des ter*
tes émergées, parmi ces terres des
continents séparés, en ces continents
de grandes divisions tracées par d'im-
muables limites; et concentrant dé-
sormais notre attention sur l'une d'el-
les, nous observerons d'abord ses
formes extérieures ^ les grands traits
physiques qui la caractérisent, et les
mfluences atmosphériques auxquelles
elle est soumise ; puis nous apparaîtra
la végétation distribuée à sa surface
par grandes agglomérationf diverse-
ment nuancées au gré de la multipli-
gation de telle ou telle espèce prédo-
Ikiinante. Ensuite se montreront les
animaux qui la peuplent, et à leur
tête l'homme, sur lequel se concen-
trera dès lors toute notre attention :
nous verrons les différences de couleur
et de formes, nous entendrons les
variétés de langages qui le séparent
en races distinctes ; nous étudierons
ses mœurs , ses usages , son dévelop-
pement intellectuel , la constitution
sociale qu^il s'est donnée ; nous pour*
rons aussi intefroger ses traditions
historiques, apprendre son origine,
son établissement, ses alliances, ses
guerres , les conditions actuelles de sa
vie politique, et peut-être même cal-
culer ses chances d'avenir. Et souvent,
au milieu de ces considérations, un
retour sur nous-mêmes nous portera
à rechercher par quelles routes nous
sommes parvenus jusqu'à lui, et quelle
place nous devons lui assigner dans
nos inventaires géographiques du sol
qu'il occupe.
Aussi, en ietant d'abord un coup
d'œil d'ensemble sur la vaste division
terrestre dont nous avons entrepris la
description historique, nous parait-il
convenable de traiter tour à tour, en
trois sections distinctes , du sol afri-
cain , des peuples qui l'habitent , et de
l'étude qui en a été faite.
PREMIERE SECTION.
DU SOL DE L'AFRIQUE.
S I.
VUE GÉNÉRAUI DE L'AFRIQUE.
Aux premiers temps de sa forma*
tion, la masse terraquée, roulant in-
candescente dans Tespace, revêtait,
sous la pression des lois de la gravita*
tion universelle , la forme sphéroîdale
qui lui est restée ; un refroidissement
graduel concrétait successivement, des
pdies à l'équateur, la pâteuse fluidité
Digitized by VjOOQIC
fflSTOIRE t)B l*ArtlTQUE.
des anches iflinéf aies, el cette cfistal^
li^atioD homogène offrait ttné surface
unie sur laquelle ée condensaient les
eaux Jusqu'alors suspendues dans rat->
mospnère : il n'y eut ainsi d'abord
qu'une seule mer enveloppant le globe
tout entier, et déposant pur assises ^
sur l'écorce ptutoniemie, les sédiments
terreux qu'elle tenait dissous. Mais
quand l'inégalité de retrait de la croûte
refroidie à r^ard des couches inférieu<>
res eqt forcé la pelljcule externe à se
rider , se ramasser en plis , se souIe-*
ter j s'affaisser, se tourmenter de mille
manières^ comme le constate la diver-
sité d'inclinaison des toches stratifiées,
l'écorce solide n'offrant plus la symé"
trie d'un sphéroïde régulier , la mer
ambiante alla combler de sa masse
fluide les dépressions qui altéraient la
forme primordiale, laissant à décou^
vert une quantité de terres égale au
volume de liquide que ces dépressions
absorbaient.
Nées de cet antique partage des ter-
res et des eaux à la surface de notre
^obe , trois lies immenses , que nous
mtituk>ns pompeusement des inondes,
émergent du sein d'un océan plus itti'
mense encore. Habitants de l'jin de
ces nfiondes terrestres, nous ayons ap-
pelé nouveau celui qu'une découverte
rameuse (*) vint révéler naguère à no*
f) « A Gistilla y Léoti
« Na«ttt iBondla éià Golon.»
Suis doute da navigations anlérieurej
avaient M. connaître certaines -^a^ sep-
tentrionales ^ visitées par les aventuriers
Dordmans ; peut-être aussi quelques autres
points des terres d'outre-mer avaient-ils d^è
été aperçus : le hasard , les courants , et le#
Tcats aiizés ont dÛ conduire obscurément
plus d*utie fois les marins d'Europe à ce
nouveau monde dont la découverte officielle
était réservée à Ck>lotab; mais à Colomb seul
lïTÎenl la gloire de cette grande «évélation,
annoncée à l'avance par d'autres peut-être,
■tais fioursuivie par lui seal avec cette
tauet persérérance qui caractérise tinc mis-
ikn providoilidle, et vérifiée par lui après
des obstacles , des dégoûts , des entraves ,
àes lenteors qui donnaient une solennité
P^ grande encore à cette épreuve en la-
qwHe lot tmA avait «ne roboite foi. Et pour-
tre Ignorance, et auquel d'autrei dé-
couvertes ont depuis ajouté un monde
maritime (*) ; le ndtre est resté pour
nous le monde ancien. Et dans ce
monde ancien, àni est le nôtre, des
séparations trancnées par des merS im
térieures entre les plages oCcdpées par
les nations civilisées dont nous avons re-
cueilli Théritage, donnèrent jadis nais-
sance à une distribution des terres alors
Connues en trois grandes divisions con-
tinentales, qui portent de no^ jours le^
noms d*/</Hgt/e, d'Europe et Û'Mte.
Mais l'oeil dérhomme n^embrasse â
la fois qu'un étroit horizon; il lui faut
une longue série d'études persévéran-
tes pour reconnaître de proche éri pro-
che toutes les parties â*ttn districit, d'Urf
pays, d'une région, et arriver airtéi
jusqu'à la notion générale des grandes
divisions terrestres i siUSsi des appel-
lations générales n'dnt-elleô été données
aux continents que longtemps après là
dénomination des contrées particuliè-
res qui y sont encloses ; et celles-ci, à
leur tour, n'ont eu de noms propres
que postérieurement SiUt localités spé-
ciales renfermées dans leurs limites \
presque toujours, au surplus, l'appel-
lation générale n'a fait que reproduire
dans une acception plus large le.fiom
qui était primitivement restreint à une
région, à un pdys, à Une localité fort
bornée. Tel est le fil conducteur dont
il se faut aider pour là recherche des
étymologies géographiques; et halle
part, peut-être, ce guide n'est plus
utile et plus sûr qu'eh dette grande
terre d'Afrique, ainsi dénommée au-
jourd'hui dans son ensemble, quoique
cet ensemble lui -même Soft encore
bien loin d*étre complètement connu.
tatit c'est un autre qtii eut î'ittsigùe triofti-
pbe de donner son nom an monde que
Colomb était allé découVi-ir : le charlata-
nisme et la camûrttderîe remportèrent sur
les droits l^îtimes de Pinventenr véritable ,♦
(c totît altet hoiio^e^t
« Sic vos non vobis. .«...• .A
(*) (Test au baron Walcltfeftâèr qii*est dû
le premier emploi de cette dénoiffiilatioâ
pour caractériser la troisième division ter-
restre éparpillée dans le grand Oeéan.
. 1.
Digitized by VjOOQIC
rUNIVERS.
BiNOMlNÀtlONS DE L* AFRIQUE.
Les traditions les plus anciennes n^
sont pas toujours celles que nous ra-
content les écrivains des premiers âges ;
elles ne nous sont parfois conservées
que chez les polygraphes des temps
inférieurs, usagers encore de sources
historic|ues qui n*ont point survécu au
vandalisme ou à Toubji des siècles de bar-
barie. C'est ainsi qu'Etienne de Byzance
nous a transmis, d'après Alexandre
Polyhistor, un catalogue des dénomi-
nations qu'avait portées \dij)olyonynie
Afrique, tour à tour appelée Olympie,
Océanie, Eskhatie, Koryphe, Hespé-
rie y Ortyçie. Jmmonide, Ethiopie,
Cyrène, Ophiusej Libye , Kephenie,
Aérie, De tous ces noms , les uns n'ont
jamais eu qu'une application spéciale
et restreinte, comme Cyrène, Ammo-
nide, Ethiopie > Aérie ; les autres sont
appellatifs, et désignent tantôt une
situation relative, comme Océanie ou
plage de l'Océan, Ëskhatie ou extré-
mité du monde, Hespérie ou région
du couchant; tantôt quelque trait phy-
sique, comme Koryphe ou haute ter-
re, Ophiuse ou patrie des serpents.
Peut-être faut- il comprendre aussi
dans la même classe Kephénie, Orty-
gie (*) , et plus douteusement Olympie,
que semble revendiquer la mythologie
hellénique. Le nom de Libye fut seul
employé par les Grecs dans toute la
largeur d acception que les Romains
ont attribuée au nom d'Afrique.
Les écrivains de l'antiquité, poètes
plutôt que linguistes ; avaient adopté
le procédé commode de rattacher tou-
tes les dénominations géographiques
au grand arbre de leurs généalogies
j divines ou héroïques : il leur suffisait
ainsi de forger, d'une part, une prin-
cesse Libye , soit indigène , soit fille
de Jupiter, ou ûe Neptune, ou d'Épa-
phus ; d'autre part un prince Apher^
fils de Saturne ou d'Hercule, trans-
formé par les juifs et les chrétiens en un
fils d'Abraham ou de Madian, et par
les Arabes en un de leurs propres rois.
Cependant, quelques érudits avaient
(*) KriçT^v, giiêpe; "'OpruÇ, caille.
essayé d'autres étymologies : le docte
Varron avait cru trouver celle de Libye
dans le nom grec du vent de sud-est ,
libs ; et le scholiaste de Virgile, Ser-
vius, proposait de dériver Afrique soit
du latin aprica. exposée au soleil, soit
du grec a-phrike , privée de froid.
Les étymologistes modernes, incon-
testablement plus habiles, se sont éver-
tués, sans beaucoup de succès, à décou-
vrir l'origine cachée de l'une et l'autre
de ces dénominations usuelles : la Li-
bye a été pour eux tour à tour lé pays
des lions, la plage rousse, la région
enflammée, la terre noire; et cette
dernière explication du moins s'accor-
dait avec le sens frénéralement recon-
nu des noms d'Ethiopie, d' Aérie et
d'Éthérie, qui désignaient certaines
contrées libyennes; mais il semble que
les biblistes sont bien mieux fondés à
revendiquer les Libyens comme repré-
sentant les Lehbym de la Genèse, iden-
tiques aux Loubym des Paralipomènes
et des Prophètes, postérité directe des
Messrym ou Égyptiens, occupant le
littoral opposé à la Grèce, et fournis-
sant ainsi aux Hellènes un nom pour
désigner toute la plage qui s'étend à
l'ouest de l'Egypte.
Poub ce qui est du mot Afrique, on
a voulu y retrouver un territoire fer-
tile en épis , le pays des palmiers , la
région poudreuse, la contrée divisée,
la terre de Baraah, et même (sans
s'en douter) l'Étnérie des Grecs; mais
combien ces diverses conjectures pa-
raissent forcées à côté de l'assertion
toute simple de Suidas {*) (qui souvent
a puisé à d'excellentes sources) , énon-
çant qu'Afrique était le nom antique
ae Carthage même ! N'est-ce point là
une origine toute naturelle de cette dé-
nomination venue en grandissant jus-
qu'à nous pour désigner un continent
tout entier, mais dont les siècles n'ont
pas efface complètement les applica-
tions antérieures, successivement cor-
respondantes d'abord à la seule Zeu-
gitane, puis à cette province augmentée
(*) Kapx»lW)v, fi xal 'Açpixi^ xal Bupaa
XeyojxévT).
Suidas, au mot 'Açpixaviç.
Digitized by
Google
mSTOlRE DE L'AFRIQUE.
de la Byzacène , ensuite à la ré^on
eomprise depuis les Mauritanies Jus-
qu'à la Cyrenaîque, même jusc^u aux
confins de l^gypte, puis enfin a tout
ce que Rome et l'Europe néo-latine
connurent de cette vaste portion de
l'ancien monde? Et quant à Tétymolo-
gie radicale de cette appellation pri-
mitive de Cartbage, la langue de Car-
thage elle-même nous la fournit simple
et naturelle en nous montrant dans
Afryqah un établissement <^r^, une
colonie de Tyr ; et les Arabes sont ve-
nus, par une dérivation régulière, dé-
nommer Afryqyah le pays dépendant
de cette antique Afryqah. Il n'est pas
sans intérêt d'annoter ici que le pre>
mier emploi connu que les Romains
aient fait de ce nom étranger date du
vieux poëte Ennius (*), postérieur à
la première guerre punique et contem-
porain de la seconde.
S IL
ASPECT ET CONSTITUTION PHYSIQUE.
SITUATION, FIGUBS, BTENDUB.
Double de l'Europe en étendue, mais
plus petite d'un tiers que l'Asie, à qui
elle dispute en vain quelque parcelle
de l'Orient, l'Afrique partage l'Occi-
dent avec l'Europe, et tandis que
celle-ci tient l'empire du Word , tous
les feux du Midi s'épandent et débor-
dent sur la torride Afrique.
En sa forme ramassée et compacte,
où nul golfe profond , nul fleuve aisé-
ment navigable n'a ouvert au com-
merce et à la civilisation l'accès des ré-
gions intérieures, l'Afrique oppose à
la fois au génie des découvertes , oui
tourmente notre savante Europe , les
difficultés naturelles d'un sol brûlant,
sans routes et sans abords, et l'inhos-
pitalité sauvage des peuples indigènes
dont la fréquentation des nations
étrangères n'est point venue adoucir
la rudesse native.
Depuis l'istbme de Soué^s , qui lui
est à l'orient comme une jetée de com-
munication avec l'Arabie, jusqu'au
détroit de Gibraltar, où elle n'est sé-
parée de rEurope que par un détroit
de moins de 3 lieues, l'Afrique dé-
ploie de Test à l'ouest, sur la Médi-
terranée, plus de 1,000 liages de côtes
en regard de la Grèce , de l'Italie, de
la France et de l'Espagne, tour à tour
(*) « Africa terribileî tremit horricU terra tumolta
«Undiqoe. »
Eav. Annal, m (Cicéron, Pestas, etc.).
« Lâti caiopi quos geric Africa terra politos. »
£»v. SMjr, m (Nonios Marcellns).
dominatrices de cette plage , mais im-
puissantes à franchir l'étroite lisière
resserrée entre la mer et l'Atlas. De-
puis ce détroit où la fabuleuse anti-
quité plaçait les colonnes d'Hercule ,
jusqu'au cap des Aiguilles qui marque
au sud la pointe extrême du continent,
se contourne onduleusement sur l'o-
céan Atlantique un littoral de plus de
2,600 lieues, où quelques rivages mal
connus attendent encore l'exploration
de l'hydrographie moderne. Et depuis
ce cap des Aiguilles, que les marins
de Tyr doublèrent dans les vieux âges
avec une flotte égyptienne , jusqu'au
fond du golfe Arabique où ces habi-
les navigateurs ramenaient du grand
• voyage d'Ophir les vaisseaux chargés
d'or de l'opulent Salomon, se déve-
loppe sur l'océan Indien une côte de
plus de 2^400 lieues, dont la majeure
partie ne nous est connue que par le re-
lèvement nautique de ses contours.
L'ensemble de cette vaste périphé-
rie offre donc une ligne continue de
plus de 6,000 lieues géographiques,
présentant en sa forme une ngure ir-
régulière que l'on a bien ou mal com-
parée , tantôt à un triangle , tantôt à
un cœur, ou bien à ce jouet que les
enfants nomment cerf-volant : si nous
voulions grossir le catalogue des com-
paraisons de ce genre, nous ajoute-
rions que l'Afrique reproduit la figure
réniforme d'une noix d'acajou tour-
nant ses deux lobes à l'ouest et au
sud.
Digitized by
Google
l*W»IVEIi8.
jy^pm la fiap Bl««^« voisin de Bi-
sserifi, fui projeUi è ^7^i9^4(y'd^k^
UUiàa nord l'«xtrémité I9 plus ^vaik-
0é6 de U câteseotentrionele, jusqu'au
cap des Aiguilles, qui termine à
J^4° Z9f4(f de iatitude australe la poiute
sud du continent, on mesure un di»^
mètre de 1,460 lieues, que coupe, sous
un angle d« 90* nord^ouest, un autre
diamètre de 1,8^ lieues, déterminant
la plus grande largeur de l'Afrique^
entre le cap Vert, par 19 53' 7" de lon-
gitude à Touest de Paris, et le cap
Ghardafouy qui s'avance à Topposite
jusqu'à 49''l'36''de longitude est. La
superficie totale est évaluée h 9S9,000
lieues carrées géographiques. £t, com-
me abpendiees immédiats, le baiie des
Aiguilieaà Textrémijé sud, et le beno
d^Arguin, sur la niiarga occidâatale,
prolongent sous les eaui^ de l'Océan I4
vaste étfMfidue des terres afrieaioes.
En dehors de ces limites existent
des ties. soit isolées, soit groupées en
archipels, que leur voisinage relatif
Élit encore annexer, comme des dé*-
pendances, au lafge continent d'Afri-
que^ En nous bornant à indiquer les
principales, nous avons à énumérer^
dans l'océan Occidental, Madère, fa^
meuee par ses vins ; les Canaries, auxt
quelles se rattache le souvenir des îles
Fortunées, des Hespérides et des Gor-
gones de l'antiquité, et celui peut-être
de dette Atlantide disparue, que la
vieille Egypte racontait à la Grèce
naissante; plus loin, les îles (du cap
Vert; au mad de la mer de Guinée,
Fernan*do-Po, le Prince, Saint-Thomé,
Annobon, qui semblent culminer sur
une prolongation sous -marine des
noontagnes des Amboses ; au large, et
jalonnant la route de l'océan Indien^
le rocher de l'Ascension, terre nue
sans souvenirs^ et celui de Sainte*Hé-
lène, SOT lequel est ineffaçablement
écrit le plus grand nom historique
des temps modernes; sur lacdte
orientale, Madagasear, la plus grande
des fies africaines > présentant à elle
seule une étendue de plus de 20,000
lieues carrées ; puis, rangées autour
d'elle comme des satellites, les Como^
res, les Sécbelles, et ces îles de France
et de Bourbon, que les affections mu-
tuelles, le lapgagei les mœurs et la
eommunauté d'origine tiennent étroi-
tement liées sous des pavillons rivaux ;
enfin, à l'extrémité du cap Gharda-
fouy, Soeotota, de plus de lOO lieues
carrées, acquisition récente de l'An-
gleterre pour assurer à ses paquebots
la voie de l'Inde par la mer Rouge.
Bien plus : située au voisinage im-
médiat de l'Afrique, offrant avec elle
la plus parfaite similitude de caractè-
res physiques et de productions natu-
relles , ainsi que les rapports ethnolo-
giques et linguif tiques les plus intimes,
FArabie semble constituer au nord-
est un appendice de ce continent bien
plutôt que de celui d'Asie. Sans pré-
tendre sur ce motif Introduire une dé-
limitation nouvelle des grandes divi-
sions de l'ancien moncfê, du moins
est-il opportun de signaler ces çon-
nexités repétées, que la géographie et
l'histoire s'accordent à montrer si
étroites et si nombreuses.
MBR3 ÀMBIÀIiTBS, COîIftA.NTS.
Les mers qui baignent ces immen-
ses rivages circulent autour d'eux en
courants rapides, dérivations du grand
courant équatorial que la rotation ter-
restre imprime aux mobiles eaux de
rOcéan. Dans la mer des Indes, le
mouvement normal, modifié par la
disposition des côtes, court au nord-
ouest le loim de^ rivages, jusqu'au
fond du golfe du Bengale, d^ou il se
réfléchit au sud-ouest pour aller frap-
per les berges de Madagascar; pen-
dant que la même impulsion, [)ropagée
en deçà de la chaîne des Maldives^ en-
traîne les eaux de la mer d^Oman le
lon^ des plages orientales du continent
africain , et tes précipite dans le canal
de Mozambique. Au sortir de cette
manche^ elles se réunissent à la fois
au courant particulier, du Bengale et
au grand courant équatorial, pour
contmuer avec une nouvelle puissance
de glisser le long des côtes jusqu'au
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
baiHS diii Aiguilles, le traverser en It
eontoornant, et là, ta eofnbinant avec
les effluves polaires, s'avancer d'une
part au nord dans la mer de Guinée,
et s'aller perdre d'autre part au iior4«
ouest dans le courant équatoriti de
l'Atlantique. Ici encore les nners d'A*
frique se refusent à l'influenee directe
de mouvement normal ; elles ne i«ooi«
vent que son immilsion réfléchie, alors
qu'après avoir glissé sur les cdtes bra-»
siliennes, contourné le golfe du Mexi-
que et longé les États-Unis, il revient
sur lui-même porter d'une part les eaux
del'Ooéandansla Méditemiiiée, où elles
courent à l'est contre le littoral barba-»
resque, etd'autre part se diriger en biai«
sent vers la côte oocideutale, imprimer
au banc d 'Arguin la triste célébrité d'un
fameux naufrage (celui de la Méduse)^
et poursuivre sa marche fatale jusque
dans le golfe de Guinée, où sa rencon-
tre avec le courant du sud. se révèle
par des tournants moins renommés,
mais plus à craindre que Charybde et
Scylla, tant chantés par la poétique
antiquité.
Cette route circulaire du Gulf-
Stream (comme l'appellent les marins
du Nord) n'a-t-ei le d'autre noyau cen*
tral que la masse inerte des eaux
atlantiques? ou bien faut -il croire
qu'un grand continent submergé trace
encore, au fond des mers, un lit in^
franchissable à ce fleuve gigantesque?
0 Platon I cette Atlantide, attestée à
Solon par les traditions immémoriales
de l'Egypte, et dotée, par ta rêveuse
imagination, de peuples si merveilieu->
sèment sages, cette terre, que la fable
dispute à l'histoire , gtt-elle , en effet,
sous ces eaux immobiles, autour des^
quelles roule incessamment un cou-
rant foufpieux, emprisonné dans sea
liquides rivages?
TBNTS BBCfrULIBBS.
D'accord avec les courants mariti-
mes généraux, les vents alizés régnent
constamment d'est en ouest sur là zone
équinoxiale de rOcéan;vmai8, comme
les courants généraux, les vents alizés
n'étendent poipt leur domaine ju»»
qu'aux abords du littoral alvicaim : sur
toute la cdte occidentale, des vents
tout aussi réguliers , tout aussi coqs*'
tants, loin de souffler i l'ouest, se di-
rigent dans un sens opposé vers la
terre; et dans la mer des Indes^ le
phénomène des moussons frappe les
côtes orientales, jusqu'au cap Delga-
do, d'un vent de nor£est qui dure une
moitié de l'année (d'octobre à février),
tandis qu'un vent de sud-ouest lerem^
place pendant l'autra moitié (d*avril à
août}.
<H>tFBS BT €APS.
Les Qiers ambiantes ne tracent
point de profondes découpures dans
le massif du continent africain; i'é*
chancrure la plus considérable, qui
est au sud-ouest, ne fait qu'une ob-*
tuse rentrée, où l'océan Atlantique
élargi forme, entre le cap des Palmes
et le cap Lopes, le golfe ou plutôt la
mer de Guinée, laquelle reçoit, en
s'approchant des terres, à gauche le
nom de golfe ou baie de Bénin, à
droite celui de golfe ou baie de Biaira,
séparés par la pointe basse et mousse
qu'on appelle cap Formose*
La mer Méditerranée dessine pareil-
lement au nord , entre le cap Bon de
Tunis et la Gebel Akbdhar de la Cyré*
naïque, une large rentrée, ou plutôt
deux rentrées Jumelles, que les an-»
cieqs nommaient les Syrtes, et que la
géographie moderne a dénommées
golfe du Sidr (nom arabe du jujubier
lotos), et golfe des Qâbes.
Comprimée en quelque sorte entra
les Syrtes et la mer de Guinée, l'Afri-
que s'épanouit ensuite vers l'ouest eq
un vaste demi-cercki jalonné d'une
multitude de caps , parmi lesquels le
oap Spartel , le cap Noun , le cap Bo-*
iaoor, le cap Blane^ le cap Vert, le cap
Tagrin et le eap Mesurado sont les
plus connus. Dans les intervalles de
ces caps, la côte n'éprouve que des dé*
pressions peu sensibles; mais en avan*
çant au sud, les rentrées et les saillies
se prononcent davantage, de même
que sur la plage orientale, dont les on-
dulations correspondent avec une sin-
gulière symétrie à celles du rivage oe*
Digitized by VjOOQIC
à
L*UNIVERS.
ekleiital : c*est ainsi qu'à renfoncement
de la mer de Guinée correspond la
longue saillie du cap Ghardarouy, au
cap Lopez la rentrée de la côte de Zan-
zibar, à la rentrée de celle de Benguéla
la saillie de celle de Mozambique, au
cap Negro la baie de Sofalah, à la baie
des Baleines le cap des CkHirants, à la
côte saillante des Namakouas la baie
de Lourenço Marquez : il semble que
les ondulations d'un axe commun aient
simultanément déterminé ces symétri-
ques configurations; car les rentrée
du littoral accusent, par la grandeur
des fleuves qui s'y versent, 1 éloigne-
ment des reliefs générau}^ où ils ont
leurs sources ; et les dernières explo-
rations de celles du Gariep ont ettec-
tivement constaté^ en confirmation de
cette théorie , qu*ii naît au voisinage
de la côte orientale.
TSBSANTS ET RELIBFS GBNÉBA.UX,
FLEUYBS.
G*est ainsi que la disposition et la
mesure des reliefs généraux, liées par
une corrélation nécessaire aux circons-
tances hydrographiques, se peuvent dé-
duire conjecturalement de la longueur
des fleuves, et de l'inclinaison de leurs
pentes, révélée par la rapidité de leurs
ondes. I/Afrique, sous ce rapport, of-
fre trois versants principaux, séparés
deux à deux par de tortueuses démar-
cations, dont le sommet commun est
au point où les traditions ont placé les
hypothétiques montagnes de la Lune.
Sur le versant oriental, qui s'étend
depuis Soueys jusqu'au cap des Aiguil-
les, et s'abaisse vers l'océan Indien,
coulent les grands fleuves de Maqda-
schou , de Mélinde, le Lofih, le Zam*
bézé, et nombre d'autres, dont le cours
est entièrement inconnu, sauf celui
du Zambézé ou Kouama , le seul, sur
cette côte, que les Européens aient re-
monté. Le versant occidental , qui du
cap des Aiguilles s'étend jusqu'au cap
Spartel , otfre , parmi les cours d'eau
les plus considérables, le Gariep ou
Orange, la rivière aux Poissons, le
Kouanza, le Zaïre ou Kouango, le fa-
meux Pïiger ou Gjalibâ ou Kouârab, la
Gambie, le Sénégal, le Dara'h. Quant
au versant septentrional, compris entre
le cap Spartel et Soueys, etqui porte ses
eaux à la Méditerranée, il ne présente
3u'un grand fleuve, le Nil d Egypte,
ébouchant à la mer par plusieurs bras,
dont l'écartement sépare de la terre
ferme une grande île triansulalre, cé-
lèbre sous le nom de Delta , que les
Grecs lui donnèrent en la comparant à
cette lettre de leur alphabet.
LACS.
Des lacs assez nombreux , mais im-
parfaitement connus, sont répandus
sur le sol africain : sans parler de l'im-
mense mais douteuse lagune à laquelle
est attribué le nom des peuples Ma-
ravis, qui semble reproduire , comme
tant d'autres en Afrique, celui de l'an-
tique Méroé ; sans compter non plus
ce Kalounga Kouffoua, qui offrirait
le singulier phénomène de se déchar-
ger à la fois dans les deux océans , nous
avons à mentionner, comme les plus
célèbres et les plus considérables, dans
Test le lac de Dembaya ou de Ssanà ,
traversé par le Bahhr Azreq, bran-
che orientale du Nil d'Egypte; dans
l'ouest le lac Gybâ ou Gyébou, traversé
par le Niger ou Nil des Nègres; dans
l'intervalfe compris entre les Nils, le
grand lac Tchad, que l'on croit en gé-
néral occuper le fond d'un vaste bas-
sin intérieur, mais dont les eaux dou-
ces trahissent l'écoulement inconnu :
on a voulu le rattacher hypothétique-
ment, à travers les sables et des chaî-
nes de lacs, au Bahhr Abyadh ou bran-
che principale du Nil égyptien; mais
il nous semble bien plus probable (d'à-
{)rès le témoignage précis que rendent
es indigènes, d'une communication
continuellement navigable entre le
Tchftd et le Niger, par le Schâry ou
Tchâdy) que le Yéou , traversant le
Tchad, en ressort au sud sous le nom
de Schâry (au lieu d'y affluer comme
le dit Denham), pour s'aller jeter dans
le Niger, où Lander a vériGé la direc-
tion de son cours. Enfin, dans le nord,
nous avons à mentionner encore la
grande Sebkhah-A'oudyah, lac de sel et.
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
&
de boue que traverse un sentier ja-
lonné par des poteaux , jadis fameux
chez les Grecs sous le nom de lac Tri-
tonide, et que les Arabes de nos jours
désignent comme le tombeau muet de
nlus d'une armée, de plus d'une nom-
ireuse caravane.
MONTAGNES.
t
Les eulminances montagneuses qui
serpentent plus ou moins capricieuse*
nent sur les lignes de partage de tou-
tes ces eaux, ne sont connues avec cer-
titude qu'au voisinase des côtes , d'où
l'œil européen a pu les apercevoir : au
nord-ouest l'Atlas, qui s'élève près de
Marok jusqu'à 4,000 mètres, projette
ses rameaux , d'une part jusou'au cap
lïoun et dans les Canaries , ae l'autre
jusqu'au fond de la grande Syrte ,
s'abaissant par degrés pour se perdre
dans les sables de Barqah. La chaîne
de Koung,dont le nœud principal sem-
ble marqué par les sources du Niger et
des fleuves de la Sénégambie, et que
l'on retrouve aux bords occidentaux
du lïiger inférieur, n'accuse en ces
points extrêmes que des hauteurs mé-
diocres ; la partie mitoyenne est igno-
rée.
De l'autre côté du Niser se mon-
trent les ramifications aune autre
chaîne à laquelle appartiennent peut-
être aussi les montagnes des Amboses,
et qui se poursuit a l'est pour culmi*
ner, dans le Mandharah, jusqu'à 2,000
ou 2,600 mètres. Peut-être encore une
liaison est-elle établie entre ces alpes
centrales et celles qui, sous le nom de
montagnes de la Lune, renferment,
au dire de Ptolémée et des Arabes ,
les sources les plus reculées du grand
Nyl, élevant vers le ciel des cimes
neigeuses dont il faut, d'après cette
drconstance , estimer l'altitude à plus
de 6,000 mètres, offrant plus loin,
dans l'Abyssinie, des sommets pres-
que aussi 'élevés , et se continuant en
un long rameau , sur le littoral de la
mer Rouge, jusqu'aux environs de
Souéys.
Le relief dorsal qui trace la dé-
marcation commune entre les bas-
sins des deux océans, ofifre, selon toute
apparence , vers le point où naissent
d^une part le Kouâma ou Zambèze,
et de Tautre le Kouanza et le Kouan-
go, un grand nœud austral dont l'é-
lévation des terrasses mférieures doit
faire estimer la hauteur fort considé-
rable ; les montagnes de Loupata qui
n'atteignent guère qu'un maximum
de 2,000 mètres , et celles du Congo
dont l'altitude a été fort exagérée,
semblent former à l'est et à l'ouest
des chaînons collatéraux de l'axe cen-
tral , dont une des eulminances , le
MouloundouZambi, est évaluée à 5,000
mètres. Madagascar, avec ses hautes
cimes de plus de 3,500 mètres , étend
dans l'est ^ne chaîne isolée parallèle à
celle de Loupata. Enfin, dans la ré-
gion australe, une chaîne dirigée est
et ouest, et dont quelcjues pics culmi-
nent peut -être jusqu'à 2,500 ou 3,000
mètres , semble constituer un prolon-
gement de l'arête dorsale , et vient
expirer au sud-ouest , où la montagne
de la Table élève auprès du Cap un
sommet aplati qui n'atteint pas 1,200
mètres.
PLAINES ET TEBBASSES.
De hautes plaines, tantôt fertiles,
tantôt brûlées, s'éteodent par étages
entre les chaînons collatéraux, com-
me de vastes terrasses, dont ils figu-
rent les parapets ; l'élévation de ces
plaines est quelquefois considérable, et
dans les Karrous du sud elle dépasse
1,500 mètres. C'est dans ce trait ca-
ractéristique que le docte géographe
Ritter a puisé l'idée synthétique sous
laquelle il a individualisé le continent
africain , supposant un vaste plateau
supérieur dont la périphérie s'abaisse
en terrasses successives, sillonnées de
cours d'eau qui conduisent par une
transition graduelle du plateau aux
basses terres ; l'Atlas , la Cyrénaïque,
membres détachés de ce erand corps ,
reproduisent , sous des échelles pro-
gressivement rapetissées , les méfmes
formes constitutives, et demeurent an-
nexés à la masse principale par la mer
de sables, à travers laquelle des chaî-
nes d'oases sont aux caravanes voya-
Digitized by
Google
10
L*U!tIVER8.
Êeuses eoflnine autant de ports de re^
Iche au milieu de cet océan dont le
vent du midi tourmente les flots des-
séchés (*); plaine immense, effrayante
d'étendue et de nudité, ondulant quel-
quefois en sèches collines, coupée ra-
rement de quelques rangées de rochers,
sans eau , sans verdure, touvraot plus
de 200,000 lieues earrées , depuis la
vallée du Nil jusqu'à TOcéan occiden-
tal, et depuis 1* Atlas Jusqu'au Tchad ,
avec une altitude moyeona de ^00
mètres.
S m.
mSTOIBG NATURELLE.
RiOMB MniAAAL.
COHStlTUTÏOIf GB0GN0$TIQIT|5. —
ta géologie n'a point encore enregis-
tré des observations assez nombreuses
pour qu'il soit possible d'indiquer la
distribution géogoostique des terrains
qui constituent le sol de l'Afrique;
qat)$ toutes les chaînes de montagnes
oui ont été visitées, la base granitique
i pu être aperçue, se montrant surtout
h découvert dans celles du Marok , du
Mandharah, de l'Abyssinie et du Con-
go, avec les porphyres, la s);énite, le
f;neiss, le micascniste , le schiste argi-
eux , le quartz , le calcaire primitif.
Les grès abondent à peu près partout,
tantôt reposant immédiatement sur les
formations granitiques , tantôt sur les
formations schisteuses ; dans la région
australe ils se présentent comme un
couronnement tabulaire posé horizon-
talement sur le granit qui s'élève au
travers des roches stratifiées. Les cal-
caires secondaires prédominent dans la
région moyenne de l'Atlas ; dans le
sud, ils se montrent, comme le grès,
en couronnement horizontal sur les
hautes terrasses du Gariep. Le sel, soit
en couches , soit dissous dans les eaux
de quelques lacs, de quelques ruis-
seaux, se trouve en diverses parties
du continent, mais particulièrement
dans celles du nord ; la plaine de sel
de l'Abyssinie est fameuse uar son éten-
due. Des basaltes, des rocnes trapéen-
nes sont indiquées dans presque toutes
les grandes chaînes montagneuses, sur-
tout dans les rameaux de l'Atlas oui
s'étendent au sud de Tripoli ; la plu-
(•) « nie (autter) hninodicus exsurgit,
arenasqiM quan màvia «smis, siociessvit
fluctibiu. » MxLA, I , vin.
part des caps de la edte oecidentak.
sont basaltiques; des tracbytes, des
laves , des ponces et des scories ont
été observées dans le pays d'Alger : des
volcans ignivomes existent même, dit-
on, dans les montagnes du Congo, dans
ceilesde Mozambique, et jusqu'en Abys-
smie ; mais la plupart de ces indica-
tions auraient besoin d'être vériûées.
Quant aux sables du Ssabhrâ, sont-ils
un transport alluvionnaire, ou le ré-
sultat d'une décomposition spontanée
de roches préexistantes? C'est une
question sur laquelle les notions acqui-
ses ne permettent point encore de pro-
noncer, bien aue la nature friable des
grès du Fezzan paraisse favoriser la
seconde hypothèse ; mais , d'un autre
côté, le quartz gris blanc qui a formé
ces sables si ténus se retrouve de même
au désert en graviers , * en galets , en
cailloux roulés, et semble témoigner
de l'ancienne action d'un océan que
les traditions historiques n*ont peut-
être pas, non plus, complètement
oublie.
OBYGToaNOSiB. — Quant aux espè-
ces minérales disséminées, sans parler
des mines de fer, de cuivre, et autres
métaux moins recherchés , qui parais-
sent nombreuses et abondantes, de
riches mines d'or ont rendu certaines
régions africaines célèbres parmi leg
fféographes orientaux ; les pavsdeBan-
bouq , de Bouré, de Ouanqarah dans
l'ouest, celui de Sofalah dans l'est, sont
les plus renommés sous ce rapport.
Les Arabes appellent spécialement ces
deux dernières contrées Beled et-dze^
heb ou Beled el'tebr^ le pays de l'or ou
de la poudre d'or ; les Européens eux-
mêmes donnent le nom de Côte d'or
à une partie du Ouanqarah, où l'or se
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DK L'AFRIQUE.
Il
montre «o fprms dans len roches quart-
zeuse3 qui alternent avec le schiste
argileux sous les couches du grès su-
périeur. Des gemmes orécieuses exis-
tent, dit-on, en abondance dans cer-
tains cantons, tels que les parties
élevées du Congo, et surtout les pays
gui avoisinent le Nil , où Ton voit les
fameux Gebél el-Zamarrad^ ou mon-
tagnes d'émeraudes; le diamant lui-
même, dont Pline attestait l'antique
existence dans la région qui s'étend
depuis Thangeh jusqu'à Meroé, a été
retrouvé de nos jours dans les sables
aurifères de Constantin^.
CLIMAT.
Les deux tropiques enferment dans
la zone torride la majeure part des
terres africaines; les portions compri-
ses dans les zones tempérées se rédui-
sent à moins d'un auart de la superGcie
totale. Cependant la température n*est
point aussi généralement brûlante que
cette distribution climatérique pour-
rait le faire supposer : l'élévation des
terrasses qui se succèdent par étages
jusqu'à des hauteurs considérables pro-
cure, jusque sous réquateur, un air
frais et doux, quelquefois même un
froid vif et piouant ; mais les plaines
inférieures et les plages maritimes su-
bissent toute l'ardeur du soleil zéni-
thal , à laquelle viennent seulement
faire diversion les vents constants et
les brises réglées. Des pluies diluviales
reviennent chaque année grossir tou-
tes les rivières intertropicales, dont
les débordements cou vrent et fécondent
les terres riveraines ; les crues du Nij
sont fameuses depuis les temps les
plus reculés. L'époque qui succède im-
médiatement à la saison des pluies est
un moment critique, où l'humide cha-
leur de l'air occasionne de dangereu-
ses maladies , jusqu'à ce que les vents
aient assaini 1 atmosphère. C'est dans
le Ssabhrâ et les plaines limitrophes
oue la chaleur est le plus Intense ; elle
9 élève, au Bournou et dans le Hhaou-
sâ , jusqu'à plus de 45'' du thermomè-
tre octogésimal; elle atteint même 50»
dans les basses terres de Bénin ; mais
die est fort modérée dans la Barba^
rie ; et dans la région du Cap elle est
aussi fratche, aussi douce et moins
variable qu'en notre beau pays de
France.
YXe^TATION.
Sous Tinfluence de températures
aussi diverses, la végétation, fille du
fol et du climat, ne peut manquer d'of-
frir des aspects pareillement divers ;
cependant, malgré les variations de
puissance végétative que déterminent
les différences de latitude, d'altitude ou
d'exposition , des caractères aisément
saisissables, permettent de distribuer
la flore générale de l'Afrique en trois
flores spéciales (*) , ayant chacune un
vaste domaine ; et l'Arabie, placée dans
des conditions climatériques et cho-
rographiques absolument analogues,
vient en outre s'annexer au continent
africain , pour être classée dans cette
grande division tripartite.
Les dénominations respectives de
septentrionale , équinoxiale et aies-
tralCy appliquées aux trois zones phy-
tographiques ainsi établies, obéissent,
il est vrai, aux conditions les plus
frappantes de l'habitat des types, mais
sont loin de représenter le gisement
de chacune d'elfes et leur disposition
relative, IJne ligne tirée d'est en ouest,
du Caire à Marok ou aux Canaries ,
laisse en effet au nord la première de
ces trois zones, étendue presque en
entier sur la Méditerranée , et produi-
sant le chêne , le pin , le cyprès , le
myrte , |e laurier , l'arbousier , la
bruyère arborescente, l'olivier, l'o-
ranger, le jujubier, le dattier, le rai-
sin , la figue , la pêche , l'abricot , les
melons , l'orge , le maïs , le froment ,
le riz, le tabac, le coton, l'indigo^a
(*) De précieux échantillons, types de
ces trois flores distinetes , nous sont offerts
par les beaux ouvrages de Desfootaines
{Flora atlantica, a vol. grand iD-4», Paris ,
1 7 9^)?de Palissot de Beau vois (Flore t^Owat^e
et de Bénin, % vol. iu^foiio, Paris, xSoi),
et de TUuoberg {Flora capensis, vol. in*8o,
Upsal, 1807), auxriueU on ne peut se dis-
Seuser de joindre les travaux plus récents
e Hobert Brown, de PerrotUt, de Ton^
nipg et Sduunaker, etc.
Digitized by
Google
12
L'UNIVERS.
canne à sucre ; offrant ainsi de nom-
breuses analogies avec les côtes oppo-
sées de l'Europe méridionale.
Mais c'est une ligne tir^ du sud-
ouest au nord-est , entre le fleuve d'O-
range et Maskat, qui détermine la
limite et la direction de la troisième
région phytographique, développée sur
l'océan Indien en une zone prolongée
qu'il serait plus exact d'appeler aus-
tro-orientale, et que caractérise d'une
manière remarquable l'abondance des
plantes grasses. On y rencontre en
nombreuses tribus les stapélias, les
mesembryanthèmes, les aloes ( qui ont
fait la renommée de Socotora ) , les
euphorbes, les crassules aux fleurs écar-
lates; puis les pélargoniers, les protées
au feuillage d'argent , les ixia , les
bruyères ; sans parler de la vigne, des
fruits , des céréales, et autres végétaux
que la main de l'homme y cultive pour
ses besoins. Madagascar et les lies voi-
sines établissent une sorte de liaison
entre cette flore et celle de l'archipel
indien, offrant en outre quelques plan-
tes qui leur sont propres , surtout des
fougères et des orchidées en grande
quantité.
Tout le reste de l'Afrique appartient
à la grande division intermédiaire dé-
signée sous l'appellation d'équinoxia-
le, figurant un triangle immense dont
le sommet est au golfe Persique , et
dont la base onduleuse s'épanouit sur
l'océan Atlantique. Peut-être pourrait-
elle être subdivisée en bandes succes-
sives , qui tireraient leurs caractères
spéciaux de la prédominance de cer-
tains genres , si des notions moins
vagues et moins bornées permettaient
de déterminer avec quelque assurance
levr distribution. Le désert a des buis-
sons de gommiers , l'agoul ou herbe
du pèlerin , quelques poacées et pani-
cées y entre autres le kaschya, incom-
mode au voyageur par les piquants de
son calice, une capparidée, appelée
souag , et un petit nombre d'autres
plantes chétives et glauques. Le pal-
mier doum et le sounip ou balanite ca-
ractériseraient ensuite la bande la plus
voisine du désert; puis viendraient tour
à tour le baobab, les fromagers, le pal-
mier élaïs, le khaïr, le nété, les ar-
bres à beurre, le kola ou gourou , les
cypéracées , etc. , non par divisions
juxtaposées , mais par succession de
plus grande fréquence au milieu de la
lusion commune. Outre les fruits et les
autres produits que le nègre retire de
ces arbres, tels que le vin et l'huile de
palme , le beurre végétal , etc. , il re-
cueille pour sa nourriture le miel , le
maïs, le manioc, les ignames, quelques
légumes , la banane , la goyave , l'o-
range, le limon , les fruits dû papayer,
du tamarin, et nombre d'autres; il
cultive aussi le coton , l'indigo , le ta-
bac : mais c'est la végétation spontanée
sur laquelle est basée notre réparti-
tion.
La vallée du Nil , appartenant à la
fois aux trois zones , conduit de l'une
à l'autre par un passage insensible ; la
basse Egypte se lie, par la Cyrénaïque,
à la lisière barbaresque ; à Thèbes se
montrent le palmier doum et le bala-
nite; en Nubie paraît le baobab; et dans
les mares de l'Abyssinie se retrouve le
souchet papyrier des bords du Kouan-
go et de ceux du Schâry , comme le
sésame ptérosperme du Bornou; la
flore d'Aoyssinie tend d'ailleurs à se
rapprocher de celles de Mozambique et
du Cap : les pélargoniers et les protées
s'y montrent déjà.
Quant à l'Arabie, elle n'offre qu'une
prolongation des zones africaines, de-
puis les gommiers et les balanites jus-
qu'aux mesembryanthèmes et aux sta-
pélias; le café lui-même, qui fait la
renommée de Mokhâ^ ne serait , de
l*aveu des Arabes, qu'une importation
de l'Abyssinie.
ZOOLOGIE.
La faculté locomotive qui distingue
le règne animal rend plus difficile la
distribution du sol par régions zoolo-
giques; peut-être cependant une con-
naissance plus étendue des circonstan-
ces spéciales d'habitat pour certains
genres , certains ordres , certaineai
classes même , permettra-t-elle de dé-
terminer ultérieurement quelques cen-
tres de fréquence pour ceux dont l'u-
biquité est plus restreinte; mais ce
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
n*est point dans Tétat incomplet et
vague des notions actuelles qu'il est
possible de se livrer avec assurance à
cette zoographie dianémétique. Nous
devons nous borner, quant a présent,
à indiquer, pour Tensemble du conti-
nent africain, la physionomie caracté-
ristique que lui procurent les animaux
répandus à sa surface ou le long de
ses contours , depuis le polype qui est
au bas de Téchelle jusqu'à l'homme
qui en occupe le sommet.
Invektébrés. — De nombreux zoo-
phytes végètent autour de l'Afrique :
le plus remarquable est le corail rouge,
dont les Européens font des pêches
réglées ; l'éponge fait l'objet d'un
commerce assez considérable ; des co-
rallines, des madrépores, des gorgo-
nes, des alcyons, des polypes de toute
forme abondent sur le littoral, où se
trouvent aussi quantité d'échinoder-
mes et d'acalèphes; nous ne devons
pas oublier, entre les helminthes , le
ver de Guinée, filaire qui s'insinue sous
la peau de l'homme, et lui cause à la
longue les plus cuisantes douleurs. Les
mollusques maritimes appartiennent .
aux mers et non aux côtes : l'Atlanti-
que amène sur le littoral des seiches
que l'on dit colossales ; la spirule n'est
point rare dans les parages du Séné-
gal ; le nautile se montre en nombreu-
ses flottes aux environs du cap de
Bonne-Espérance; la janthine pour-
prée se fait remarquer le long du rivage
narbaresque ; les doris, les aplysies
abondent dans la mer Kouge. Parmi
les fluviatiles, M. Gaillaud a fait con-
naître les éthéries du Nil : les terres-
tres sont presque complètement igno-
rés. Entre les annelides, nous nous
contenterons de signaler la sangsue du
Sénégal , que l'on a , dans ces derniè-
res années, tenté de naturaliser aux
Antilles et à Cayenne. Le plus vorace
des insectes africains, c'est la saute-
relle voyageuse, fléau aussi terrible que
l'incendie, qui anéantit les récoltes, et
dont les essaims immenses obscurcis-
sent le jour (sans que cette expression
ait aucune exagération métaphorique) ;
les fourmis et les termites font aussi
de grands ravages ; le ssalssalyah du
13
Sennâr, resté inconnu à Sait, mais
retrouvé par Rûppel , est loin d'être
aux hommes et aux animaux un aussi
redoutable ennemi que l'avait proclamé
Bruce ; les mosquites, les abeilles, les
scolopendres à la piqûre douloureuse,
et mille autres insectes divers , méri-
teraient également une mention. Parmi
les aranéides nous devons citer la ta-
rentule qui abonde en Barbarie, le
tendaraman ou araignée venimeuse de
Marok , la mygale à robe veloutée de
la Sénégambie , et l'araignée du Cap ,
toutes fort dangereuses; le scorpion
est également redoutable, et plus fré-
quent, ainsi que le galéode qui lui est
analogue. Entin , parmi les crustacés ,
on trouve mentionnés par les voya-
geurs des homards , des crabes , des
langoustes, des chevrettes.
Poissons. — Passons aux vertébrés.
Les poissons maritimes qu'on pêche
aux atterrages d'Afrique sont ceux des
mers qui baignent ces côtes; et auant
aux poissons des fleuves, on nen a
encore étudié qu'un nombre fort res-
treint : M. Geoffroy Saint-Hilaire a
décrit ceux du Nil , parmi lesquels se'
font remarquer l'énorme bichir , des
silures et des pimélodes, dont les ana-
logues ont été retrouvés au Congo, des
coffres, etc. Les rivières occidentales
ont fourni de curieux acanthopodes ,
des gymnarques, des sciènes, quelques
Eoissons qui vivent dans la vase , et
eaucoup d'autres encore mal connus.
Les poissons d'eau douce paraissent
d'une extrême rareté dans la région
australe ; on n'y a guère signalé que
le silure à tête plate et la carpe gono-
rhynque.
Reptiles. — Les reptiles parais-
sent fort multipliés , plus toutefoi» par
le nombre des individus que par la
variété des espèces. Les plus remar-
quables sont, parmi les lézards, ces
crocodiles et ces caïmans ou alligators
qui peuplent les grands fleuves ; les
monitors ou ouarans du Nil et du
Kouango ; les iguanes de Guinée; les
cordyles du Cap ; les geckos immondes
du Caire et de Madagascar ; les scin-
ques du Fezzan et des régions du haut
Nil , si prompts à disparaître sous le
Digitized by VjOOQIC
14
L'tJNiVERlâ.
êol ', et (HBê ôartiéléôrts dOflt les dfter^es
affections sensitltes et peignent sur la
peau en eouleurs changeantes. On a
obser? é peu de batraciens, mais parmi
eux i des crapauds énormes et des sa-
lamandres. Les fleures et les rivières
offrent beaucoup de tortues soit de
mer , soit d'eau douce , et la tortue
terrestre d'Europe est aussi fort ré-
pandue en Barbarie. Entre les serpents
on cite Fénorme boa, mais à tort,
les grands serpents d'Afrique parais-
sant appartenir au genre python ; le
céraste et d'autres espèces venimeuses
ont surtout été signalés dans la région
du Gap; des vipères d*une nouvelle es-
pèce ont été recueillies au Sénégal; TaS-
pic , et surtout Vurssus ou naia , sont
fameux dans Thistolre de l'Egypte.
Oiseaux. — Trop souvent simples
hôtes passagers , les oiseaux ne four-
nissent point un des traits le§ plus
saillants dans la physionomie zoolo-
gique du sol ; cependant, sur environ
six cent cinquante espèces qui se trou-
vent en Afrique, près de cinq cents lui
appartiennent en propre : c'est un trei-
zième de la totalité des espèces cott-
nues. Les plus nombreuses sont, dans
Tordre des promeneurs, les passereaux
si variés , les hochequeues , les gobe-
mouches, les merles, les loriots, les
rolliers , les troupiales , les pique-
bœufs, les calaos, les hirondelles, les
soui-mangas, les guêpiers, les martins*
pécheurs , les pies-grièches , les mé-
sanges , les alouettes , le çrinon dont
le bec est accompagné à sa base de
soies longues et rudes. Puis, parmi les
oiseaux de proie , on compte les vau-
tours, les griffons, les percnoptèreS ,
les aigles, les pygargues, les éperviers,
les buses, les faucons, les messagers, et
la plupart des raçaces nocturnes. Les
grimpeurs fournissent beaucoup de
perroquets et de perruches, des tou-
racos , des couroucous , des coucous ,
aux riches plumages. Entre les gallina-
cés on remarque des pigeons varlés.tels
que la tourterelle à collier du Sénégal
et de r Afrique australe, et le pigeon
vert d'AbySsînie et de Guinée; des
perdrix, cfes cailles , des tétras , et la
pintade qui appartient spécialement à
l'ancienne Numidie : le dronte^ qu^on
voyait jadis à l'tle de France et dans
quelques parties du continent , ne se
rencontre plus, et peut-être a-t-il en-
tièrement disparu du ^lobe. Les échas-
siers offrent des falcmelles , des plu-
viers, des vanneaux, des grues, des
hérons , des cigognes , entre autres la
Cigogne à sac de ïâ côte orientale; des
ombrettes , des flamants , des spatu-
les , l'ibis , oiseau sacré de l'ancienne
Egypte, des courlis, des bécasses, des
râles, des poules d'eau. Dans les pal-
mipèdes on trouve le canard et l'oie,
le pélican , le Cormoran , la frégate ,
Tanhinga , le fou, le manchot ; on voit
de plus, sur les côtes, des goélands,
des pétrels , des albatros. Mais le plus
remarquable de tous les oiseaux de
cette partie du monde, c'est l'autru-
che , compagne habituelle du zèbre ou
de la girafe, et dui vit en troupes dans
le Ssàhhrâ ; il laut mentionner aussi
plusieurs espèces d'outarde, vivant pa-
reillement en troupes en compagnie de
la gazelle.
MAMJilFiBES. — A mesure que l*on
remonte l'échelle zoologique , des no-
tions plus précises et plus nombreuses
permettent de reconnaître mieux la
physionomie particulière et tranchée
que l'Airique présente sous ce point
ae vue. Cette spécialité d'aspect est
surtout remarquable pour les mammi-
fères; elle possède un quart, à peu
près, des espèces connues, et sur cette
quantité un sixième seulement (ou un
vingt-quatrième de la masse totale )
étend son habitat sûr d'autres ter-
res.
Il est vrai de dire , toutefois , que
les ordres qui ne s'offrent à l'étude de
l*homme qu'en des rencontres rares et
fortuites, en même temps qu'indiffé-
rentes, ont naturellement moins éveillé
son attention. Ainsi , parmi les céta-
cés proprement dits, les voyageurs
n'ont guère mentionné que les dau-
phins soufQeurs et les marsouins, fré-
quents dans les mers d'Afrique. Ils
ont remarqué aussi , à l'embouchure
des fleuves , ce curieux lamentin qui ,
sans doute , ^t le type des fabuleuses
syrènes de l'antiquité. Us ont vu pa-
Digitized by VjOOQIC
HISTOIM! DÉ L'AWlIQUE.
15
reiltefflêiit Èot les éôïtâ qudques am^
phibied, du moind le phoque commun
et le lion de mer.
Les pachydermes sont répandus en
Afrique dans une proportion très-for*
te, et Ton peut estimer que les deut
cinquièmes des espèces connues appar^
tiennent en propre à ce continent.
Entre les ruminants, le genre antilope
est particulièrement développé ; ses
espèces les plus remarquables sont lé
canna ou élan du Cap, et le gnou, qui
existe sotis ce même nom eu Guinée
comme dans le Sud ; mais 11 ne faut
guère s'attendre à y rencontrer la fa-
buleuse licorne des anciens, que des
rapports indigènes persistant tiédH*
moms à signaler encore dans l'ouest
du Dâr-Four, mais que Cuvier suppo-
sait avoir été imaginée diaprés un pro-
fil égyptien de l'oryx recticorne; le
mouflon traîne une énorme et pesante
queue ; le bœuf à bosse sert de mon-
ture, de béte de somme «t d% trait
dans toute la Nigfitle,' le bœuf gaÏÏâ
porte des cornes immenses ; le bufQe
saurage du Cap est remarquable par sa
grosseur et sa férocité; la girafe ha-
bite depuis TÉgypte jusqu*au Gariep ;
te dromadaire ou chameau à une bosse
est, comme on sait, le navire du dé'
serf, En^e les pachydermes non ru-
minants, le premier rang est dû à
l'éléphant africain , différent de celuî
d'Asie par ses molaires losangées, soo
front cooTCxe , sa tête ronde , et set
immenses oreilles : on le rencontre
4epuls la limite du Ssahhrâ jusqu'au
cap d« Bonne-Espérance; le rhinocéros
à deux cornes a été trouvé en Abys-
lioie comme au Cap ; l'hippopotame ,
qui a disparu depuis longtemps des
etuï du ni I , se montre dans tous les
pands ileuTes de la région australe :
te phacochère à défenses énormes a été
TU an cap Vert en même temps que
dam le Sud , où se rencontre aussi le
sangler à masque, différent du san*
glîer éthlopique du Sénégal. Le zèbre
et le eoaagga sont répandus dans le*
parties centrales et méridionales; le
elkeval et l'âne sont élevés principale-
ment dans le Nord ; Shaw y Jivait signa-
lé aussi le kumrah, proâult hybride
du baudet et de la tache, que Rozet
ii'a pu retrouver.
Quant aux quadrupèdes onguiculés,
les moins nombreux en Afrique sont
les édentés, parmi lesquels nous n'a-
vons à citer que Toryctérope du Cap
et le kouaggelo ou pangolin à longue
queue, à écailles mooiles et tranchan-
tes, qui habite au Sénégal et en Gui-
née. Dans les rondeurs on remarque
nlusieurs espèces d'écureuils à riches
fourrures, les gerboises du désert,
Taye-aye de Madagascar, le rat- taupe
et le rat-sauteur ou Cap, des rats va-
riés , entre autres la souris du Caire
armée de piquants, le porc -épie à
crête , et quantité de lièvres et de la-
pins. Les carnassiers sont répandus en
grand nombre sur le continent : le
lion , la panthère , le léopard , l'once ,
le lynx, le caracal, le serval, y sont l'ef-
froi du voyageur; l'hyène vient en
troupes dans les villes pendant la nuit;
le loup et le chacal abondent ; le re-
nard a été signalé dans le Nord et dans
le Sud ; le chien , hôte dédaigné dans
la demeure de TArabe, lui montre en
retour peu d'attachement, et il est re-
devenu tout à fait sauvage au Congo;
le fennec de l'Abyssinie et du Belêd-
el-Géryd, qui semble devoir être rap-
porté au même genre , est caractérisé
par ses longues oreilles de lièvre ; la
civette se rencontre presque partout ,
et l'ichneumon , jadis adoré en Egyp-
te, continue son incessante guerre aux
reptiles ; enflfi l'ours, dont Cuvier ré-
voquait en doute l'existence sur le £ol
africain , paraît du moins y être ex-
trêmement rare ; il ftiVii citer encor*
plusieurs espèces de hérissons, la mu-
saraigne et la chrysochlore du Cap à
robe dorée, le tenrec de Madagascar,
et diverses taupes. Patmi les chéiroptè-
res, l'Afrique possède diverses espèces
de chauves-souris , dont la plus grosse
est la roussette, recherchée à Mada*
gascar et à Maurice comme un mets
comparable au faisan et à la perdrii ;
les nyctères et les rhinolophes méri-
tent aussi une mention. Quant ant
quadrumanes, l'Afrique possède à elle
seule plus d'un quart de la totalité des
rindrl paraît, Il est vrai,
i
Digitized by VjOOQIC
16
L^UNIVERS.
spécial à Madaj^ascar ; mais les gala-
gos et les makis à longue queue sont
nombreux dans toute la Nigritie. Entre
les singes, le genre cynocéphale est
représenté par des espèces yariées,
presque toutes grandes, fortes et mé-
chantes; les guenons sont aussi fort
multipliées : et dans le genre si remar-
quable des orangs, c'est l'Afrique qui
nous offre la plus remarquable des es-
pèces , ce curieux chimpansé dont les
bras sont moins longs, la taille plus
haute, rintelligence moins étroite que
chez Torang-outan^ de Bornéo, et
qui se rapproche ainsi de Fhomme
d'une manière encore plus frappante»
rfulle part, au surplus, cette res-
semblance singulière ne pouvait pa-
raître aussi prodigieuse qu en Afrique,
car la nature y a réuni , comme une
nouvelle preuve de Tenchaînement inin-
terrompu de tous les êtres , à coté de
ce singe si voisin de l'homme, l'homme
le plus voisin du singe , ce bushman
abruti , qui , d'un autre côté, se lie,
sur le même sol , à travers une série
de variétés intermédiaires, à celles qui
sont regardées comme le type le plus
parfait de ^espèce humaine.
SECONDE SECTION.
DES PEUPLES AFRICAINS.
ETHNOLOGIE AFRICAINE.
MULTIPLICITE DES BAGES HUMAINES.
A ces mots d^espèce humaine se
rattache une grande question débattue
parmi les adeptes des sciences natu-
relles : celle de savoir si l'homme cons-
titue à la fois un ordre, un genre et une
espèce uniques, conservant invaria-
bles tous les caractères fondamentaux
de l'ordre, du genre, de Tespèce, et ne
laissant percer de diversité que dans
ces caractères accessoires et accidentels
de forme et de cqM'eur, que la science
considère d'habitude comme les signes
diacritiques des simples variétés ; ou
s'il faut l'admettre comme un genre
subdivisé en plusieurs espèces distin-
guées entre elles par des caractères
tranchés, constants, ineffaçables : en
d'autres termes, si l'Européen, le Mon-
gol et le Nègre , qui offrent les trois
types les plus divergents, peuvent être
ramenés a une souche commune, ou
s'ils ont chacun des caractères spé-
ciaux , entre lesquels des croisements
à divers degrés peuvent, il est vrai,
avoir produit des variétés nombreu-
ses, mais qui sont fondamentaux pour
chaoue type et ne sauraient permuter
de 1 un à l'autre.
On cherchera peut-être longtemps
encore dans les traditions bibliques des
arguments contre la multiplicité origi-
nelle des espèces dans le genre hu-
main ; mais en invoquant , contre les
résultats des études scientifiques , un
témoignage présenté comme dogmati-
Î[ue , on oublie trop que les textes al-
égués ne sont produits qu'à travers
une interprétation grammaticale ^ui
n'est point incontestée, et une exégèse
Î>lus contestable encore : et d'ailleurs
e prophète s'écriant que la peau du
nègre ne peut changer de couleur, pas
plus que celle de la panthère ne peut
cesser d'être mouchetée (*), n'apporte-
t-il point un argument de même valeur
à l'hypothèse contraire ? Loin d'ad-
mettre que la Genèse ait voulu fis^ire
descendre de l'unique Noé toutes les
ramifications de la grande famille hu-
maine, nous soutiendrions volontiers
la thèse que l'écrivain génésiaque n'a
voulu désigner que les trois grands
. (*) Jérémie, xiii, a3«
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
17
rameaux de la race blanche, individua-
lisés pour nous dans les trois types
grec, ^ptien, et syriaque, dont les
traditions respectives ont conservé à
travers les siècles, comme un témoi-
gnage indélébile de la véracité de Moï-
se, les noms de Japet, de Hham et de
Schém; mais sans aborder digression-
neilement une question aussi vaste,
hâtons-nous de dire qu'à nos ]reux les
textes bibliques ^ont fort désintéres-
sés dans les doutes que soulève celle
de l'unité ou de la multiplicité des
espèces dans le genre humam.
A ne considérer cette dernière ques-
tion gue sous un aspect purement
scientifique , on ne tarde point à re-
connaître que la controverse roule en
majeure partie sur l'acception réelle
des mots espèce y variété; et l'on peut
considérer que si, d'un autre côté, les
partisans de T unité d'espèce restent en
deçà des concessions qui semblent in-
dispensables, leurs antagonistes vont
fans doute beaucoup au delà en ad-
mettant autant d'espèces qu'ils ont
reconnu de types plus ou moins tran-
chés, bien que les cadres les plus lar-
ges qu'ils aient tracés ne comprennent
point encore, tant s'en faut, tous les
t)rpes différents que présente l'Afrique.
GBANDES DIVISIONS DU GBNBE .
HUMAIN.
Nous ne saurions prétendre établir
ici une nouvelle classification du genre
I humain ; mais il nous importe du
moins d'indiquer en gros guelle place
I occupent les types africains dans le
' vaste tableau aes populations du glo-
be. Sans nous restreindre aux trois
variétés de Link et de Cuvier , ou aux
cinq variétés deBlumenbach, ni même
anx deux espèces de Virey, sans débor-
der non plus jusqu'aux onze espèces
de Desmoulins ou aux quinze espèces
de Bory de Saint- Vincent, nous pren-
drons comme un mezzo termine com-
mode les trois divisions principales et
deux divisions subordonnées dans la
eoordinàtion desquelles Swainson a
concilié les classifications de Cuvier et
de Blamenbach : dans ces grandes
eoapes viennent se ranger , à titre de
variétés, les nombreuses espèces de
Bory de Saint-Vincent, et celles qu'il
faut ajouter à son. incomplète nomen-
clature. Sans nous détenir à montrera
comment le zoologiste anglais , s'éle-
vant sur les idées de Mac-Leay, établit
dans toute section naturelle du règne
animal une subdivision tripartite pré-
sentant un type, un sous-type, et un
groupe aberrant ou moins développé,
compo3é à son tour de trois groupes
secondaires dont un principal et deux
subordonnés, nous supposerons de
prime abord que l'espèce blanche ou
caucasique est le type fondamental du
genre humain , l'espèce jaune ou mon-
golique le sous-type, et l'espèce éthio-
pique le groupe' aberrant, formé des
trois sous-espèces nègre , américaine
et malaie , dont la première se lie à
l'espèce blanche par la sous-espèce amé-
ricaine ou rouge , et à l'espèce jaune
par la sous-espèce malaie ou brune.
Poursuivant l'application de la même
méthode, on peut classer l'espèce blan-
che en trois variétés qui seraient ainsi
échelonnées , savoir : la variété japé-
tique ou indo-germanique constituant
le groupe normal , la variété schêmî*
tique ou syro-arabe offrant le sous-
type, et la variété hhamitique ou plié-
nico- égyptienne formant le groupe
aberrant, dans lequel il faudrait pro-
bablement compter comme sous -va-
riétés les Messryles, les Kouschytes et
les Kananéens , ces derniers servant
de lien avec la variété japétique, et les
Kouschytes se rapprochant davantage
de la variété schêmitique.
Les races blanches africaines repré-
sentent , autant à raison de leurs gé-
néalogies traditionnelles que par la
persistance des caractères physiques ,
toutes ces grandes sections de l'espèce
blanche, dont la coordination présen-
tait dès lors ici un intérêt direct et
immédiat.
L'espèce jaune , sans être complète-
ment désintéressée dans l'ethnologie
africaine, ne laisse toutefois aperce-
voir qu'une liaison éloignée, immémo-
riale , et dont la trace n'est pourtant
pas entièrement perdue, entre le Cop-
te, héritier dégénéré de l'antique peu-
3* lÂoraUm. (Hist. db x.*Afeique.)
Digitized by VjOOÇ IC
18
L'UNIVERS.
p|e d'Egypte , et le Chinois , variété
sous-type dans l'espèce mongole , où
le groupe aberrant paraît formé par
les sous-varietés hyperboréennes.
, Quant à l'espèce éthiopique, la sous-
espéce nègre , qui en constitue le type
uorrnal ) appartient essentiellement à
^ l'Afrique; mais pour coordonner dans
i^n classement rationnel les variétés
de celle-ci , il serait indispensable de
réunir des notions beaucoup plus éten-
dues et plus précises que nous n'en
possédons encore sur les populations
susceptibles de figurer dans ce cadre :
ce n'est donc qu'à titre d'hypothèse
aventurée et conjecturale que nous dé-
sigperioï^s le Nègre africain propre-
ïpent dit comme variété type, le Papou
de l'Océanie comme sous-type , et que
UQUS placerions dans le groupe aber-
rant le Hottentot, le Kafre et l'Al-
fourous. Puis, dans la variété nègre
propreqient dite, il est impossible de
mécQnpaitreque des subdivisions sont
lâi^mmandées par des différences frap-
pmt^s entre les belles races du Nord
et celles qui vers le Sud se rappro-
chent du Hottentot par les formes cor-
porelles ; mais les indications éparses
et incoinpiètes qui laissent apercevoir
ces diversités tranchées ne suffisent
point à en esquisser la distribution
synthétique : la détermination des ty-
pes , Ja recherche des éléments géné-
rateurs de^ populations hybrides, sou-
ièveut à chaque pas d'inextricables
difUcultés.
CLASSIFICATION DES BACE8 AFBl-
CAINES.
Quoi qu'il en soit de ces essais de
classification , les races africaines qui
doivent trouver leur place dans ce ta-
bleau d'ensemble peuvent être énu-
mérées en gros dans l'ordre suivant ,
corrélatif à la disposition systématique
des groupes naturels, eu égard aux
affinités les plus marquées :
1° Les races européennes , qui ont
formé des colonies disséminées sur
toute la périphérie et dans les îles, y
. compris la race turke,clair-semée dans
les pays de la côte septentrionale^
2^ Les races arabes répandues sur
les cdtes orientales jusqu'à Spfalah et
Madagascar, dans toute l'Egypte , sur
la lisière boréale le long de la Médi-
terranée, sur le littoral atlantiquç jus-
qu'au Sénégal, et étendues à une assez
grande profondeur daq$: le désert,
dont elles occupent encore les parties
austro-orientales.
3° La race copte, au teint jaune
foncé, au nez court et droit, aux gros-
ses lèvres , au visage bouffi , qui tend
à s'effacer chaque Jour davarjtage du
sol de l'Egypte , et ^ui semble , ainsi
que nous râvons déià remarqué , con-
server la trace de 1 ancienne infusion
d'un élément mongol ou chinois.
4" «Les racés houschytes , au teint
nigrescent, au nez presque aquilin, à
la bouche moyenne, au visage ovale,
qui peuplent l'Abyssinie et une partie
du littoral de la mer Rouge sous les
noms de Hhabe^yn, Danaqyl, Scho-
hou, Ababdeh; la plupart de ces na-
tions, sinon toutes, se dénon^mant
elles-mêmes agà*zi/ân^ ou pasteurs.
Peut-être divers éléments asiatiques et
africains s'y sont-ils fondus dans des
proportions diverses ; les traces d'une
infiltration nègre sont aisément sai-
sissables, et, d'un autre côté, le noyau
semble offrir une grande analogie avec
les castes inférieures de l'Inde, ijuoi
qu'il en soit de l'origine indigène ou
étrangère de ces peuples, toujours est-
il que l'Afrique iseule les possède au-
jourd'hui ; quelques rameaux détachés
s'en retrouvent sur ia côte de Zan-
guebar et parmi les populations ber-
bères.
5* Celles-ci forment l'un des groupes
les plus remarquables du continent, où
elles occupent les régions montagneu-
ses du Nord , et les parties centrales
du Ssahhrâ, depuis l'F^gypte jusqu'à
l'océan Atlantique et aux Canaries, et
depuis la Méditerranée jusqu'à Ten-
Boktoue et Kasynah , peut-être même
jusqu'au delà du lac Tchad , sous les
dénominations diverses de ScheJouhb,
Berêber, Qabâyl, Touârçji , SAur4jâ et
autres, que leur donnent leurs voisiQ3
arabes ou nègres, et sous l'appeliatioa
générale de Amaxygh, ^'«sl-à-cUirp
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE Î>E L'AFRIQUE.
nobles, ou de Amazerqty c'est-à-dire
libres, qu'ils se donnent eux-mêmes :
réunion d'élémenjs fort divers, les
uns blaacSf d'autres hâlés, la plupart
olivâtres, quejques-uns presque noirs;
un front éfrôit, une figure ovale, àes
traits arrondis, des yeux foncés et
cruels, des cheveux noirs et rudes
Semblent, avec le teint olivâtre, carac-
tériser, au milieu de cette aggloméra-
I tion confuse, une souche primordiale,
?ue les traditions désignent comme
ana'néenne, mais qui, d'une part,
\ s'est nourrie d'une sève dérobée aux
races nègres^ et sur laquelle, d'autre
part , sont venus s'enter de puissants
rameaux japétiques.
6" Du nnilieu des races nègres se
détache une population métive, à cou-
leur tannée ou cuivreuse , au nez sail-
lant, à la bouche moyenne, au visage
ovale,' qui se compte elle-même parmi
les races blanches, et àe dit issue de
pères arabes unis à des femmes tau-
roudes. Sous les noms de Foulahs,
Pellânys, Fellâtahs, ou plutôt sous
celui de PeulSy qu'ils se donnent eux-
mêmes, ces peuples occupent une zone
large et onduleuse depuis les rives du
Sénégal jusqu'aiix montagnes du Man*
dharah , et peut-être beaucoup plus
loin ; leur chevelure crépue et même
laineuse , quoique longue, justifie leur
classement parmi les populations ou-
lotriqaes; mais ni les traits du visage,
ni la couleur de la peau, qui leur a
valu de la part des voyageurs la dé-
nomination de Peuls rouges y ne per-
mettent de les confondre avec les
nègres, quelque intime que soit d'ail-
leurs , sur la lisière commune , la fu-
sion des deux types.
7* Les races nègres proprement di-
tes, à peau noire plus ou moins fon-
cée, au nez généralement épaté , aux
lèvres grosses et saillantes , au visage
court , aux cheveux laineux , sont ré-
^ndues sur la majeure partie du sol
i&icain , depuis le Sénégal et le haut
Kil jusqu^ati delà du tropique austral.
Ltt caractères spécifiques sont diver-
lenent eombiiaés chez les différentes
19.
races qui forment cette division eth-
nographique : ainsi le Ouolof , le plus
noir de tous les nègres, est celui dont
le nez est le moins épaté, les lèvres les
' moins grosses; le Moutchicongo , au
contraire , doif)t le teint est beaucoup
moins foncé, a le nez presque plat,
de^ lèvres énormes, et la femme pos-
sède , dans de moindres proportions ,
le tablier et les grosses fesses de la
Hottentote; entre ce* types extrêmes,
l'Aschanty, le Manding, FArada , l'I-
bo , le Monjou , le Makoua , offrent
une série de types intermédiaires.
8" Les races hottentotes , à peau
brunâtre comme la suie, au nez entiè-
rement épaté, aux lèvres grosses et
avancées, aux pommettes saillantes,
au "Visage triangulaire profitent celui
du singe, habitent l'extrémité sud-ouest
de l'Afrique; chez la femme, un trait
remarquable est le développement des
nymphes qui couvre les parties géni-
tales d'une sorte de tablier naturel ,
et celui des fesses, dont l'énorme sail-
lie semblé destinée à supporter l'en-
fant pendant l'allaitement.
9** Les races kafresy au teint gris
noirâtre ou plombé, au nez arqué,
aux grosses lèvres, aux pommettes
saillantes, occupent, au norc* est des
Hottentots , une vaste portion de l'A-
frique orientale, ainsi que la points
suci de Madagascar ; il semble qu'avec
elles doivent être classés les Gallas,
Cfui , depuis Melinde , se sont avancés
jusqu'au cœur de l'Abyssinie.
lL(f Enfin la race malaie a répandu
quelques colonies sûr la plage afri-
caine, puisqu'elle a peuplé les rivages
orientaux de Madagascar ; d'ingénieux
rapprochements voudraient même en
signaler de* traces jusque dans le cen-
tre de la Wigrîtie.
Il est à peine besoin de dire que sur
la limite mutuelle des cantonnements
géographiques respectifs, leâ races aue
nous Venons d'énumérer se sont plus
ou n;)oins fondues les Unes dans les
autres , et que leurs démarcations pré-
cises ne sont pas toujours faciles à
discerÊfer.
3.
L
Digitized by
Google
20
L*UNIVERS.
§11.
LINGUISTIQUE AFRICAINE.
CONSIDBBA.TIONS GENEBÀLESSUB LES
INDICATIONS LINGUISTIQUES.
Telle est Tébauche grossière à la-
quelle nous devons borner , quant à
présent, nos essais de distribution e:Ii-
nographique des races africaines 6ous
le point de vue de leur constitution
physique : Tétat incomplet de nos
connaissances actuelles à cet égard ne
permet point de tenter une esquisse
moins imparfaite ; mais les données
linguistiques, bien que fort incomplè-
tes aussi , peuvent utilement concou-
rir à une classification méthodique de
ces peuples, au moyen des échantil-
lons de langage recueillis en grand
nombre, et dont les connexités ou les
différences mutuelles sont plus fa-
ciles à saisir ; mais il faut se garder
d'une erreur trop commune aux lin-
guistes, celle de considérer sans res-
triction comme ethnographiques les
rapprochements oujesdivisionsfondées
sur de tels indices. On ne doit point
oublier que bien souvent un même
langage est parlé par des races fort di-
verses , et que souvent aussi des ra-
meaux d'une même souche ont appris
lies langues distinctes. Ainsi parmi les
Berbers sont cantonnés quelques peu-
plades noires évidemment hétérogè-
nes, et qui n'ont pourtant d'autre
idiome <^ue le berber, tandis que^ d'un
autre côté, ces mêmes peuplades, rap-
prochées des Abyssins par tous leurs
caractères physiques, en demeurent
complètement séparées par le langa-
ge. Mais il est aisé de concevoir que
les dissidences linguistiques entre des
peuples limitrophes ou mutuellement
enclavés révèlent, dans la plupart des
cas, une différence réelle d'origine, et
que réciproquement les similitudes de
langage entre des peuples séparés par
de grandes distances , supposent une
communauté antérieure, sinon tou-
jours d'origine^ au moins d'habitation
et de nationalité.
Un phénomène qu'il importe de ne
pas perdre de vue dans cette étude
diacritique, c*est que la similitude de
langage n'est souvent que partielle,
tantôt bornée à des racines communes
modifiées et construites suivant des
analogies et des svntaxes différentes,
tantôt restreinte à l'unité de Sj^ntaxe
et d'analogie grammaticale ap[)liquée8
à des radicaux divers. L'afionite, en
ce dernier cas , est moins apparente ,
mais plus intime, et l'on peut dire
qu'elle constate , sinon la parenté des
idiomes, du moins celle des popula-
tions qui les parlent ; dans le premier
cas, au contraire, l'affinité est plus
apparente que réelle, et s'applique aux
langues bien plutôt qu'aux hommes.
Souvent , en effet , les peuples sont
forcés d'apprendre des langues étran-
gères, au gré des réunions ou des
morcellements politiques qu'ils subis-
sent ; mais, en général, le vocabulaire
de la langue maternelle est alors seul
changé, et la grammaire native con-
serve le privilège de façonner à ses
idiotismes les éléments nouveaux qui
lui sont imposés. L'étude des gram-
maires est donc la meilleure clef dont
la linguistique comparée se puisse ai-
der pour réclaircissement des origi-
nes ethnologiques; malheureusement
cette étude est difficile, souvent même
impossible faute de matériaux suffi-
sants ; et réduits que nous sommes à
de minces et imparfaits vocabulaires ,
quelquefois même à de simples indi-
ces, nous ne pouvons aspirer à des
résultats exempts d'incertitudes.
CLASSIFICATION ARTIFICIELLE DBS
LANGUE^ AFRICAINES.
Quoi qu'il en soit, et sans avoir la
prétention de donner ici, des idiomes
africains , ni un inventaire complet ,
ni même une liste fort étendue , nous
les distribuerons en deux catégories :
l'une composée des langues que nous
appellerions volontiers oohésives, pour
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
marquer l'espèce de lien qu'elles for-
ment entre tous les éléments d'une
même race ou des éléments juxtaposés
de races diverses; l'autre, des langues
au'il faudrait, au contraire, appeler
iacritiques, à raison des séparations
qu'elles déterminent entre des éléments
qui, au moins dans l'état imparfait de
nos connaissances etbnoeraphiques ,
sont vulgairement considérés comme
homogènes. H n'est pas besoin d'ajou-
ter qu'un tel classement n'a rien de
sérieux, et qu'il indique simplement
le point de vue d'utilité actuelle -sous
lequel nous envisageons momentané-
ment le catalogue général des langues
africaines.
LANGUES AFB1GAINES CONSIDÉBÉES
sous UN POINT DE VUE GOHÉSIF.
L'espèce de fonction cohésive qu'il
est utile de considérer dans les unes
' est particulièrement frappante dans la
langue berbère ou amazygh , qui réu-
nit en un seul faisceau, ramène à une
souche unique de nombreux rameaux
dispersés sur une immense étendue :
ses dialectes sont parlés dans toutes
les ramifications de l'Atlas, dans toute
la ligne d'oases qui s'étend , derrière
ces aïontagnes, depuis El-Ouabh el-
Bahharyeh confinant à l'Egypte , jus-
au'au Ouâdy Dara'h qui s'approche de
1 Atlantique, et dans toute cette vaste
partie du Ssahhrâ comprise entre Soq-
nâ et Genv , entre Touât et Bornou ;
montrant la parenté intime de l'habi-
tant de Syouah avec le Schelabh de
Marok, même avec l'ancien Guanche
des Canaries, et celle du Qabâyly d'Al-
ger avec le Sourqâ des bords du Niger ;
réunissant aussi avec eux des débris
des races blanches du Nord, recon-
naissables encore à leur tête carrée,
leurs cheveux blonds et leurs yeux
bleus; et des rameaux égarés de la race
kouschyte, tels aue les Erouâghah, en-
core noirs au milieu des blancs, encore
doux et bons au milieu de peuples fa-
rouches et cruels ; et d'autres élé-
ments que signalent des différences
physiques tranchées, mais qu'on ne
sait à quel type rapporter , tels que le
Beskeiy aux traits heurtés, Auvergnat
31
de l'Atlas, qui naguère parlait aussi
le berber, ouulié aujourd'nuî pour l'a-
rabe, et chez lequel ou retrouverait
f)eut-étre encore , à travers l'arabe et
9 berber, les vestiges d'une grammaire
antérieure.
Dans un voisinage immédiat, et sur
une étendue non moinls vaste , divers
dialectes, philologiquement rattachés
à la souche araméenne, réunissent en
un seul groupe tous les éléments de
race sémitique répandus sur le sol afri-
cain , puis à ceux-ci presque tout ce
qui subsiste encore de la race copte ,
{)uis encore les seuls restes intacts de
a race kouschyte, et avec ces derniers
quelques débris étrangers que la jux-
taposition ou l'enclavement a ramenés
à la communauté de langage. Et si
l'on tranche la séparation des deux
dialectes principaux, l'arabe d'une part
avec toutes ses variétés, et, d'autre
part, le g'ez et ses annexes, il faudra
tenir compte , dans la division arabe ,
indépendamment de la fusion des deux
familles qahhthanyte et ismaylyte , de
l'immixtion à celles-ci des Coptes, de
quelques débris des Hébreux pales-
tins, et d'autres éléments moins dis-
tincts : peut-être les Kaldéo-Nabathéens
nous sont-ils révélés par les formes
syriaques qu'affectent tant de noms
propres de la topographie africaine. Il
faudra reconnaître aussi dans la divi-
sion kouscbyte l'intromission de quel-
ques rameaux hhomayrytes , que leur
peau blanche signale encore sur les
montagnes de Samen et d'Énarya, et
que l'on a identifiés aventunsusement,
sur la foi de leur culte, à des juifs de
Palestine , ou , d'après le nom de leur
province, aux Scbamyyn ou Syriens
de Damas.
En continuant d'envisager les indica-
tions linguistiques sous le même point
de vue d'assimilation ethnologique,
nous rattacherions à la race copte les
Seuples qui habitent, au sud du golfe
e Qâbes , les montagnes de Mathmâ-
thah et de Naouayl, et dont le langa-
ge, au rapport d'un voyageur magh-
rébin assez récent, n'est m berber, ni
turk, ni arabe, mais copte.
De même, la langue peule ou fel-
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS-
tAne a fait reconnattre , avant que tes
caftactèrfs physiques l'eussent conGr-
mée, rhomogénéité des tribus qui
habitent, dans l'ouest, le Toro, le Fou-
la , le Bondou , le Kassou , le Fouta*
Gjalon , le Sangaran , le Fouladou, le
Brouko, le Massina, avec les Fellâ-
tahs dont le puissant empire presse le
Bornou par l'ouest et le sud , et en-
voie des colonies vers les bords infé-
rieurs du Niger.
£t pareillement le Malai de Mada-
gascar est rattaché par son idiome
aussi bien que par sa physionomie na<>
tive, à la grande famille malaie de
rOcéanie.
LANGUES APAIGimBS GONSIDÉBÉES
SOUS UN POINT DE YUB DIACRI-
TIQUE.
Si nous considérons , au contraire ,
les idiomes africains sous le rapport
des indications diacritiques qui résul-
tent de leur exnnien comparatif, ils
viendront en aide à notre ignorance
pour tracer , à défaut d'autres bases ,
la distribution , en diverses races , de
tant de peuples différents que nous
confondons vulgairement sous Tappel-
lation commune de nègres, qu'ils soient
poirs de jaiis comme le Ouolof , oli-
vâtres comme le Sçoumaly, ou mar-
rons comme le Nube ; n^ais ces langues
n'en conservent pas moins simultané-
ment un caractère cohésif à l'égard
des fractions éparses qu'elles rallient.
Ainsi l'idiome, manding sépare d'entre
la niasse qonfuse de l'espèce nègre une
population nombreuse et puissante,
qu'il réunit en un seul groupe, bien
quelle constitue, sous les noms de
Mandings, de Sousous, de Bambar-
ras, de Koiig, et autres encore, plu-
sieurs nations politiquement séparées.
La langue ouolofe détermine de mê-
me , diacf itiquement et cohésivement
a la fois, le groupe des peuples de
Ouâlo, Gjolof, Kayor, Baol, Sin et
Saloum. Il en faut dire autant de la
langue aschanty, pour une grande
partie des peuples du Ouanqârab , au-
tant de la langue aradah pour une au-
tre grande partie, et autant encore de
la langue Eyo pour une autre partie
non moins considérable.
Dans l'est , divers groupes sont foi^
mes d'après les analogies et les répul*
sions respectives des langues nubien-
nes , qui classent ensemble les Nubes
ou Dongolais et les Qenouz ou Barâ-
bras à part des Tibbous de l'ouest et
des Ababdefas et Bischaryyn leurs voi-
sins à l'orient : ceux-ci réunis à leur
tour distinctivement desSchohou, De-
nâqyl et Adayel, lesquels sont eux-
mêmes rapprochés des Gallas et des
Scoumâl.
'La langue bounda ou mogialoua, et
la langue bomba , déterminent pareil-
lement, entre des populations limi-
trophes, une division tranchée en deux
groupes , dont l'un renferme, avec les
peuples du Congo, une C|uantité de
nations successivement voisines, dont
les plus remarquables sont les Cassan-
ges et les Molouas , tandis que l'autre '
s'étend au nord , comprenant les peu-
ples de Ho, ceux de Sala ou Anzico,
et les Ninéanav, sujets du Mouéné
Émougy. Plus loin, sur la côte orien-
tale, on ne connaît encore, parmi les
peuples qu'on y a aperçus , aucune
consanguinité de langage qui permette,
de les grouper par agglomérations con-
génères ; mais , dans la région austra-
le, les peuplades hottentotes et les
tribus kafres sont respectivement réu-
nies et distinguées par deux systèmes
spéciaux de langages.
Autour des diverses familles que
nous avons indiquées, quelquefois mê-
me dans leur sein , des idiomes dissi-
dents, parqués en quelques cantons iso-
lés , témoignent encore de l'ancienne
existence de peuples qui se sont fon-
dus ou effiacés dans des nations con-
Î[uérantes : tels sont le sérèire au mi-
leu du ouolof, le feloup, le banyon
à côté du manding , le kissour à côté
du peul , le bouroum au sein de
l'aschanty, et mille autres. Nous ne
parlons point du turk, dominateur pré-
caire sur la côte septentrionale, ni des
laugues apportées par les colons euro-
péens, et qui demeurent conhnées avec
eux dans leurs établissements.
Digitized by
Google
HISTOIRE DE L'AFRIQUE
»
iCBITURBS AFBIGÀIIfES.
Les monuments lapidaires épars
dans le nord de TÂfrique nous ont
transmis , outre les alphabets des do-
minateurs phéniciens , grecs et ro-
mains, le triple alphabet des Égyp-
tiens , ingénieusement déchiffré par
rheureux effort de l'érudition moder-
ne (*) ; ils nous ont aussi révélé un
alphabet de caractères inconnus , ac-
colés à des inscriptions puniques , et
qu'il semble plausible d'attribuer aux
peuples berbers (**), bien qu'ils les
aient oubliés pour l'écriture arabe,
comme ont fait les Coptes de leur an-
cien alphabet, relégué aujourd'hui dani
des livres qu'ils ne lisent plus. IM
Abyssins ont gardé leurs vieux carac^
tèrès éthiopiens, moins vieux peut--
être que ne l'admet l'opinion com-
mune; certaines tribus gallas les leuf
ont empruntés en les modifiant à leur
guise (*); quelques juifs barbaresqueii
griffonnent encore l'écriture chafdaH
que. Partout ailleurs Talpliabet arabe,
natif chez les uns, importé chez les
autres, réservé aux docteurs chez quel-
ques peuples nègres, tout à fait incon-
nu au delà d'une certaine limite , est
à peu près le seul employé aujourd'hui
par les Africains indigènes.
§ m.
ÉTAT SOCIAL DES PEUPLES AFRICAINS.
Naisisante chez lès uns, caduque chez
les autres, la civilisation est en géné-
ral médiocre parmi les peuples juM-
cains les plus avancés sous ce rap-
port, et elle est absolument négative
ebez les nations qui occupent les der-
niers degrés de l'échelle.
BELIGIONS DB L' AFRIQUE.
Le principe le plus actif du mouve-
ment intellectuel, la croyance reli-
gieuse , n'a acquis nulle part ce degré
d'épuration qui seul peut témoigner de
l'accomplissement de sa mission civi-
lisatrice : le christianisme grossier des
Coptes et des Abyssins, celui que le
zèle des missionnaires évanséliques
tente d'implanter chez les Katres, les
Hottentots et les Nègres, n'est pour
les uns et les autres qu'un culte sans
intelligence des préceptes, et par con-
séquent inerte ; le judaïsme est tra-
ditionnellement conservé non -seule-
ment chez les Hébreux réfugiés de la
OLc nom de Champoîlion est trop po-
re pour que nous ayons besoin de le
rappeler ici.
(•*) M. de Saulcy, membre de llnstilut ,
a dédiiffré la plus étendue de ces inscrip-
tionf , et nons avons reconnu des formes
berbères dans ki noms propre ()u'ii y a
Palestine, mais aussi chez les Hho-
mayrytes chassés d'Arabie par la per-
sécution musulmane ; Vislamisme est
la religion la plus répandue, mais pro-
fessée sans ferveur, et n'opérant dès
lors qu'un bien faible progrès dans la
mesure déjà si restreinte de son uti-
lité sociale, tout en fomentant l'into-
lérance et le fanatisme de ses grossiers
sectateurs ; le sahéisme, qui se trou-
vait jadis parmi quelques tribus dé
l'Atlas , et qui se retrouverait peut-
être encore dans certains cantons re-
culés de l'Abyssinie , compte aussi
quelques adhérents à Mozambique ;
mais c'est surtout \e fétichisme le plus
grossier qui constitue le culte ou plu-
tôt la multitude de cultes entre les-
quels se partagent la- plupart des
peuples d'Afrique, et ce rudinient lui-
même ne s'est point, dit-on, encore
fait jour à travers la stupide anima-
lité de quelques tribus , ou du moins
la sagacité des voyageurs n'a-t-elle su
découvrir chez ces sauvages l'indice
d'aucune idée religieuse.
(*) Le seul échantillon qu'on possède main-
tenant en Europe de récriture galla , est
une lettre da roi d'Enària à un prince abys-
sin , envoyée par M. Arnaud aAbbadie à
M. Reinaudy de Tlnstitut , et publiée dans
le Bullelia de la Société de géographie.
Digitized by VjOOQIC
u
L'UWIVERS.
Chrétien ou juif, musulman , sa-
béen, ou idolâtre , TAfricain est poly-
game , sans acception de culte , parce
que la nature Ta ainsi voulu en gros-
sissant la proportion des femmes , et
en n'accordant à celles-ci qu'une courte
fécondité en regard d'une faculté proli-
fique longtemps persistante chez l'honi-
me : tant il est vrai que les mœurs des
peuples ont Y au-dessus^ de la sphère
des volontés individuelles , des causes
primordiales auxquelles il leur faut
obéir , en cjépit des règles qui parais-
sent les meilleures à notre prétendue
sagesse européenne.
ECHELLE DE LA CIVILISATION AFEI-
CAINE.
Dans la carrière ascendante que re-
monte péniblement l'humanité, pour
arriver de l'état sauvage à l'état de ci-
vilisation perfectionnée dont nous nous
proclamons orgueilleusement le type.,
il semble qu'arrivés au but et regar-
dant en arrière nous voyions descen-
dre du nord au sud , depuis les bords
de la Méditerranée jusqu'à la pointe
australe du continent africain, cette
longue échelle dont le pied est occupé
par le Bosjesman ou Hottentot des
taillis, que les voyageurs nous repré-
sentent comme si voisin de la brute.
Nulle part, cependant, il ne se trouve
isolé , et sauf quelques exceptions ré-
trogrades qu'expliquent des guerres
d'extermination et la plus profonde
misère, le Hottentot est généralement
arrivé à l'état de tribu , et la sociabi-
lité est flagrante parmi toutes ces peu-
plades , puisqu'il existe entre elles un
système uniforme de langage, quelque
étrange que soit d'ailleurs ce langage
par ses gloussements et ses claque-
ments de langue. Une apathie stupide
est le partage de ces misérables hor-
des , dont les plus avancées ont seule-
ment quelques troupeaux. Les Kafres,
pasteurs, chasseurs et guerriers, ont
sur elles une supériorité marquée. Les
peuples nègres , généralement agrico-
les et constitués en nations territo-
riales, s'élèvent graduellement jusqu'à
une demi-civilisation caractérisée par
quelque industrie, un commerce assez
actif, et l'usage naissant d'une écri-
ture importée. Mais cette industrie est
fort médiocre , même dans les États
les mieux policés, et ne peut guère four-
nir qu'aux besoins locaux ; aussi le
commerce est-il presque exclusivement
borné à l'exportation des produits na-
turels , entre lesquels les plus notables
sont l'or, l'ivoire, les cuirs, la cire,
la gomme. Quant à la zone septen-
trionale, l'exemple de l'Europe y a
façonné les peuples du littoral à cer-
tams arts; et aous la volonté forte de
l'homme supérieur qui commande à
l'Egypte, legénie européen instruit l'A-
rabe et le Turk et le Copte à enfanter
des prodiges : des ports , des flottes ,
des arsenaux , des hôpitaux , des éco-
les, une administration régulière, et
jusqu'à des victoires , TÉgypte les doit
aux enseignements de la France. Et
la France, en s'assevant à Alger, ne
promet -elle point Fa civilisation de
toute la côte barbaresque ? Qu'elle
plante en maîtresse son drapeau sur
l'Atlas, que ses garnisons habilement
échelonnées soient autant tie digues
inébranlables, et le flot indompté dont
la vaine fureur se briserait contre leur
immobile résistance, viendra glisser
autour d'elles en ondes amollies.
ORGANISATION POLITIQUE.
L'organisation politique des États
et des nations africaines est naturelle-
ment assortie au degré d'avancement
social qu'elle est appelée à r^ir : pa-
triarcale chez les tribus nomades , elle
passe généralement à la monarchie
chez les nations à demeures fixes ;' il
est cependant quelques peuplades où
dominent les formes républicaint;s.La
royauté élective et temporaire , ou la
présidence si l'on aime mieux ce mot,
est décernée dans un congrès en cer-
tains pays , tels que le Foutah. Une
sorte de féodalité , constituée par l'hé-
rédité des grandes charges et des com-
mandements provinciaux, existe en
d'autres contrées , telles oue les Etats
ouolofs, et peut-être chez tes Molouas.
Le despotisme absolu paraît, du reste,
le régime le plus fréquent , et c'est lui
qu'on retrouve chez les nations les
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
26^
plus avancées ; aa point où sont arri*
vées les populations africaines , le pro-
grès ne s'accomplit d'ordinaire que
sous rirrésistible impulsion d'une vo-
lonté de fer; plus tard les peuples
marchent d'eux-mêmes : mais l'Afri-
que est bien loin encore de voir poin-
dre l'aurore d'un tel jour. L'autorité .
souveraine est exercée sous les titres
les plus divers , et l'on a peine à se
reconnaître au milieu de toutes ces
dénominations de konk, inkousi, ki-
téva, mani, mouata, mouéné, makoko,
mansa , bour, damel , téyn , brak , al-
mamy, saltiqé, dâ, mây, négous, râs,
paschâ, solthan, et bien d'autres.
§ IV.
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
TBADITIONS FABULEUSES , HYPO-
THESES CONJECTURALES.
Est-il une histoire générale de ces
contrées, et des peuples qui y sont ré-
pandus? Où la trouver? La faut-il
demander à de vagues et menteuses
traditions , ou bien à de conjecturales
hypothèses ?
Les mythes grecs nous parlent d'At-
las , ce poétique géant des vieux âges,
qui de ses épaules rocheuses soutenait
la voûte vers laquelle l'entassement de
PélioQ et d'Ossa n'avait offert aux
Titans qu'un insuffisant marchepied ;
il était fils de Neptune et père de sept
Atlantides , dont l'aînée fut mère de
Mercure : n'est-ce pas simplement une
tradition des temps primitifs dont nos
langues prosaïques offriront une ver-
sion fidèle en traduisant au' Atlas avait
émergé des eaux, qu'il oominait sept
tles plus petites formées des culmi-
nances de ses rameaux, et qu'en la
principale d'elles prit naissance un ri-
che commerce? Platon a mis dans la
bouche d'un prêtre égyptien de Sais
l'histoire d'une grande terre atlantide,
où Neptune procréa Atlas, et son ju-
meau Gadiron ou Cadiz , et bien
d'autres enfants, dont la puissance
s'étendit graduellement jusqu'auprès
de rÉgypte avant qu'un grand cata-
clysme vînt engloutir leur empire;
c'est une de ces lueurs vacillantes qui
percent à grand'peine l'épaisse nuit
des siècles oublies pour arriver jus-
qu'à nos jours d'orgueilleux scepticis-
me , de capricieuse incrédulité. Et
pourtant, soigneux à rassembler dans
les auteurs anciens tous les vestiges
des vieilles traditions sur les premiers
âges des terres d'occident , dociles
surtout à écouter les enseignements
écrits sur le sol par les révolutions
physiques qui l'ont tourmenté , nous
pourrions tenter de reconstruire l'his-
toire de ces temps effacés où l'Espagne
tenait à l'Afrique pendant que la Mé-
diterranée communiquait a l'Océan
par une autre route , encore reconnais-
sable au liord des Pyrénées , dans les
landes et les lagunes de la Gascogne
et du Languedoc; la mer Atlantique
alors couvrait le Ssahhrâ , et de ses
flots directs allait battre, les rivages
méridionaux de la péninsule arabique,
où Strabon et Diodore lui conservent le
• nom d'Mlantikon pelagos (* ), en même
temps qu'Hérodote affirme son identité
avec la mer Erythrée (**), imbus qu^ils
étaient d'antiuues souvenirs. A cette
époque sans aoute l'Afrique donnait
à l'Espagne ses premiers habitants,
qu'Hérodote avait entendu a|)peler
Kynètes, et dontPtolémée aussi bien
que Tacite connurent plus tard la
souche africaine, demeurée avec le
même nom au voisinage de la petite
•Syrte; et quand cette dénomination
eut disparu de part et d'autre , Am-
mien et Gorippe nous montrèrent en-
(*) 'H *£u^((iicov éoTiv \U)(fi% ToO
*ATXetvTixoO «eXaYouç.
STAi.ioir, XVI (Cemp. Oxodoiib, HI, 38).
(**) K«l il 5Ç(o (jTYjXéwv OàXacraa if) 'AxXav-
Ti; xaXewfA^vr] , xaî Vj 'Epuôp^i , (Jiîa tvyX^'^^'
èouca.
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
cbre des Cantavrîens sur le terfîtoire
dépendant d'Alj^er, et des Austures
vers la Tripolltaine, comme PHispanie
avait ses Cantabres et ses Astures non
loin du fleuve Ma^adà , homonyme
lui-même du Megerdah tunisien.
D'autres, rêveurs érudits, ou phy-
siologistes ingénieux , au lieu de rede-
mander rhistoire primitive des Afri-
cains à des traditions presque perdues,
ont mieux aimé la chercher dans d'a-
ventureuses hypothèses, et leurs con-
jecturales narrations nous montrent
dans le nègre l'aîné de la création,
tfis de la terre et dti hasard , prenant
naissance aux neigeuses montagnes de
la Lune , où trouva plus tard aussi son
berceau l'homme qui depuis, descendu
dans le Sennâr, engendra l'Égyptien
et FArabe et l'Atlante : la race hegre,
longternps plus nombreuse, soumit et
domina d'abord la race blanche ; mais
celle-ci , graduellement multiphee, se-
couant le joug de ses maîtres, et
d'esclave devenant maîtresse à son
tour, les condamna à porter désonnais
Ces tyranniques fers qu'elle venait de
brider; des siècles Ont passé, et sa
vieille colère n'est point encore apaisée.
INDICES HISTOBIQUES SPR L'OBIGI-
NE , LES MÎGBATIONS ET LES BÉ-
VOLUTIONS POLITIQUES DES PEU-
PLES NÈGRES.
Ne nous ^arrêtons pas davantage à
de tels récits, arbitraires imaginations
que rhistoire ne saurait adopter :
c'est dans tes traditions nationales,
dans l'archéologie des langues et des
monuments, qu'il faut chercher les
vestiges des origines et des révolutions
africaines; et quand l'étude de la gé-
néalogie des nations est impuissante
à nous révéler leur berceau, force
nous est de les considérer comme abo-
rigènes et autochthoiies , en dépit de
cette curiosité qui nous entraîne à re-
monter sans cesse l'échelle des siècles
pour découvrir le commencement des
choses. Il faut bien reconnaître que
nul 'indice subsistant ne rappelle la
venue en Afrique d'aucun des peuples
oulotriques répandus sur la majeure
partie dfe œ continent ; et leur enfonce,
l
lui persiste encore, n'a point recueilU
le souvenirs du passé.
Les races australes , pour lesquelles
n'a point déjà lui l'aurore de la civi-
lisation, n'ont à raconter que leur
propre naissance : encore est-ce de
leurs tribus les moins sauvages que
Kolbe apprit la tradition de Noh et
de sa femme Hingnoh , premier cou-
ple générateur, que Dieu introduisit
au monde par un soupirail; mais elles
ne savent n>n des déplacements terri-
toriaux qu'elles ont subis , et la no-
menclature géographique du pays que
les Kàfres leur ont enlevé vient seule
nous instruire des anciennes limites
de la terre des Hottentots.
Les races centrales , beaucoup plus
avancées , sont néanmoins trop jeunes
encore pour avoir de vieux souvenirs :
leur histoire se borne à la mémoire de
quelques migrations peu anciennes;
migrations qui affectent en général un
mouvement vers l'ouest ou vers le
sud, comme s'il existait au nord-est
une puissance impulsive toujours la
même. Sans parler des prétendus peu-
ples Jagas , que Bruce a voufu identi-
£er aux Aga'zyan de TAbyssinie, nous
voyons à l'ouest les peuples du Congo,
que leurs traditions aussi bien que
leur langue rattachent aux Molouas
du nord-est , tandis qu'à l'orient, der-
rière les Arabes de la côte, incontes-
tablement venus du nord , nous sont
indiqués des peuples maravis, dont
le nom , ainsi que déjà nous l'avons
annoté, offre la plus intime liaison
avec celui de l'antique Méroé; et que
ce rapprochement onomastique ne sena-
ble point une de ces coïncidences for-
tuites et sans portée, auxquelles un
esprit sage ne peut raisonnablement
s'arrêter : car à une distance pareille da
{)oint de départ , mais cette fois dans
a direction de l'ouest , la même coïn-
cidence se reproduit , sous des formes
que l'orthographe anglaise a écrites
Mallowa et Marroa , mciles à rétablir
en Méraoueh ; et ici le nom est ac-
compagné de traditions , que le sultan
Mohnammed-b-£llah nous a trans-
mises dans ses annales de Takrour,
purieuse esquisse historique d'une
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
partie de l'Afrique centraie, où il
assure que le Ghouber et le Mély ont
été peuplés par des Coptes. Ce livre
BOUS montre également, d'un côté le
Bornou recevant par Test des Berbers
expulsés du Yémen, et par le nord-est
des Touâreq d'Aougélah ; et d'un au*
tre côté le Yaoury et le YaVbah tirant
kur population de tribus kaaa'néen-
nes chassées de l'Arabie.
Sans examiner si les Aschantys sont
venus de TAbyssinie, ainsi que le pen-
sait Bowdich, toujours est- il qu'ils
sont arrivés de l'intérieur à la côte,
comme ont fait aussi leurs voisins les
D^KKimaDs et les Yébous. Enfin , dans
h Sénégan»bie , les Mandings se disent
issus des Bambarras de Test, les Peuls
ées Fellâtahs; et les Ouolofe eux-
mêmes, moins nouveaux, dans leurs
demeures actuelles, en ont jadis re-
foulé vers l'ouest et le sud les anciens
possesseurs sérères. Mais à l'opposite
une racSe conquérante effectue sa mar-
che du sud au nord , et les farouches
Gailas viennent ainsi déborder sur
l'Abyssinie.
A côté dé ces vagues indices des
migrations des peuples nègres, l'his-
toire doit enregistrer quelques notions
éparses , acéphales et mutilées , des ré-
volutions politiques de leurs empires :
il fut chez eux, en effets quelques
grandes monarchies , comme celles de
Motapa, de Congo ^ de Gjolof, de Ten-
Boktoue, aujourd'hui écroulées; il en
est encore dont la puissance séculaire
a persisté, comme celles de Bornou,
de Ya'rbah, et autres moins connues;
enfin il en est aussi de nouvelles,
comme Aschanty, que Say-Toutou-
Kouamynab a, de nos jours, rendue
redoutable même à des troupes euro-
péennes , et Haousâ , fondée par O'ts-
man-Dzou-el-Nafadhyah, et portée à
00 haut degré de splendeur par son
tts Mohbammed-b-£llah, l'hôte de
Ciapperton.
OKIGUCB ST HTSTOIBS ANCIENNE DES
ÉGYPTIENS.
Les races africaijcies du nord ont
«^les une histoire suivie, et l'Egypte
«le sur ses monumeots des fastes
qui remontent aux siècles les plus re^
culés. Avant les merveilleuses listes
que Manéthon déroula aux yeux été
souverains grecs investis de l'héritage
de trente et une dynasties antérieures,
une chronique plus ancienne , que le
prêtre de Sebennyte comptait parm^i
les sources historiques dont il m usai-
Çe , montrait le pays soumis d'abord
a la domination des divins Aurites ,
auxquels succédèrent les héros mes^
tréens, remplacés à leur tour (iar ^es
rois.de race égyptien ne (*). Quel»pureot
être ces Aurites divins ? Les Berbers
d'Aouryah ou deHaouârah les doivent-
ils revendiquer? Les vieux Hborytes
de la Genèse , qui régnaient aux mon-
tagnes de Scha yr, se trouvent-ils ici
en cause? Ou bien s'agit -il de ces
géants enfants d'E'naq^ racç prolm-
blement japétique^ établie, à une épo-
que perdue dans la nuit des âges, sur
le.territoire palestin, d'où la vinrent
expulser les tribus kana'néennes , *et
qui , chassée^ encore d'Egypte et de
Libye, alla peupler la Grèce de ces
Inachides devenus ensuite si fameux
sous le nom de Pélasges ? Les ques-
tions se pressent et se compliquent, les
conjectures s'entre-Choquent à l'égard
de ces premiers temps du premier de
tous les empires , et l'esprit demeure
en suspens au milieu de' ce monde
d'hypothèses.
Les jVIestréens nous sont moins incoflr
nus : la géographie mosaïque bous les
représente sous l'appellation de Mess-
rym , .compris avec les KoUschytes et
les Kana'neens parmi les descendants
de Uham ; et Sankhoniaton , d'ac-
cord avec ces généalogies , fait liaître
sur le sol phénicien leur ancêtre Messr,
dont le nom s'est perpétué dans la
bouche des Arabes. C'est donc l'Asie
qui débordait sur l'Afrique, Un mou-
vement plus ou moins sensible du
nord-est au. sud-ouest faisait refluer
Messr devant Housch , et Kousch de-,
vaut Yeqthan y poussé lui-même par
Ismaël ; mais tandis que les Messrytes
arrivèrent naturellement par l'isthme
(*) IlfWûrrov (ièv x&yf *Aupttc&v, SëvMpov 6i
Digitized by
Google
L'UNI,VERS.
ée Souéys , la route des Kouscbytes
dut être par le détroit de Mandeb ; et
leur cantonnement dans les hautes
vallées du ISil refoula sans doute vers
le iH)rd la race égyptienne ou copte,
dont les ruines de Méroé , aussi bien
que les récits de Diodore, attestent
rantique civilisation, descendue plus
tard et si admirablement développée
sous le beau ciel de Tbèbes et de Mem-
phis.
Quelle était cette race méroétique
apparaissant alors au sein de l'Egyp-
te? C'est un problème encore non ré-
solu , insoluble peut-être. Et pourtant
si, d'une part, les traits physiques
des rejetons qui ont persisté jusqu'à
nous sur le sol trahissent en eux des
affinités mongoles, ne peut-on, d'au-
tre part, soupçonner une souche ber-
bère ou syrienne, quand plus tard , à
Syouah, colonie de Thèbes, Hérodote
nous signale une population samien-
né; où nous ne saurions reconnaître
des Grecs de Samos, alors surtout qu'il
nous est permis d'y voir des Berbers
ou des Syriens de Schâm ?
Des invasions de nomades étrangers
et de conquérants éthiopiens avaient
déjà interrompu plus d'une fois I9 suc-
cession des monarques indigènes quand
les victoires de Cambyse annexèrent
l'Egypte à l'empire persan; Alexandre,
vainqueur des Perses , fut à son tour
maître de l'Egypte et de la colonie que
les Grecs avaient fondée à Cyrène.
Dans la répartition de son héritage,
l'Egypte échut aux Ptolémées, Cyrene
eut encore quelques rois particuliers ;
puis tout fut englouti dans le monde
romain.
OBIGINE ET HISTOIRE ANCIENNE DES
POPULATIONS ATLANTIQUES.
A l'occident s'était répandue , mê-
lée sans doute de quelques E'naqytes ,
la population kana'néenne que San-
kboniaton a individualisée sous le nom
d'Atlas; population identique, peut-
être , au noyau de celle qui y subsiste
aujourd'hui , que ses propres généalo-
gies font descendre de Mâzygh, fils de
jfcana'n , et que l'ancienne géographie
désignait sous les noms de Mazikes et
de Gétules. Parmi ces tribus se vinrent
fondre et naturaliser de nombreuses
colonies de Coptes , de Kouscbytes ,
d'Arabes Sabéens, d'Amaleqytes et de
Palestins , distinguées encore au rai*
lieu de la fusion commune par leurs
traditions respectives , qui nous mon-
trent en particulier Ssenhêgah , Ketâf
mah , Lamthah, Haouârah, Massmou-
dah , Léouâtah , comme issues des
Sabéens du Yémen , Zénêtah comme
sortie de la lignée de A'malêq, et d'au-
tres vulgairement dénommées Gja-
loutyah, comme représentant la pos-
térité de Goliat.
Tels étaient les éléments qui cons-
tituaient , avec les Libyens , les deux
races indiquées par Salluste comme
formant la population primitive de
l'Afrique septentrionale , alors aue s'y
vinrent agréger les débris de I arma
d'Hercule , refluant de Tlbérie, savoir :
d'un côté des Mèdes et des Arméniens,
dont le mélange avec les Libyens de
l'ouest donna naissance à la race hy-
bride des Maures ; et d'un autre côté
des Perses, tige sans doute des Pé-
rorses et des Farousiens de la géogra-
phie africaine, et qui, mêlés aux Li-
byens du littoral , s'étendirent à l'est ,
sous le nom de Numides, jusqu'auprès
de l'endroit où des colons phéniciens
étaient venus fonder l'opulente Car-
thage. Quel fut. cet Hercule menant à
sa solde jusqu'au fond de l'Occident,
des guerriers de Médie , de Perse et
d'Arménie? Peut-être le çénie de Tyr
avec les soldats mercenaires qu'ache-
tait son or; ou bien peut-être un sou-
verain fameux de l'Asie occidentale,
conquérant de Tyr , dont Strabon et
Eusebe ont répété après Mégasthènes
la venue en Afrique et en Espagne ,
Nabou-Kodn-Asar en un mot.
Carthage étendit au loin sa puis-
sance : les tribus de l'Afrique propre
lui étaient directement soumises; la
Numidie et la Mauritanie lui formaient
à l'ouest deux royaumes alliés ; mais
la jalouse Rome sut a[)peler à elle leur
foi douteuse et s'en faire dea auxiliai-
res contre sa rivale ; et lorsque Car-
thage eut succombé après cent vingt
ans d'une lutte acharnée , Rome fit
Digitized by VjOOQIC
mSTOIKE DE L'AFRIQUE.
subir son despotique protectorat à ces
deux États , et les réduisit successive-
ment en provinces de Tempire. Alors
toute rAirique septentrionale fut ro-
maine , et le christianisme de ces nou-
veaux maîtres vint s'enter sur le ju-
daïsme des tribus émigrées du Témen
et des Hébreux chassés de la Pales-
tine, comme celui-ci s'était implanté
au milieu dasabéisme des Kouschytes
et du tiède paganisme des indigènes :
les ^lises se multiplièrent, et Te titre
épiscopal leur fin décerné à profusion.
Lors du partage de rempire, TÉgypte
et Cyrène échurent à Byzance; Rome
garda le surplus, que lui disputaient
de perpétuelles révoltes ; puis quand
les Vandales repoussés de THispanie
vinrent chercher des établissements en
Afrique, les indigènes se joignirent
volontiers à eux contre les Romains,
qui furent dépossédés sans retour , et
contre les Byzantins, qui vinrent re-
cueillir l'héritage de leurs frères. Les
Vandales furent vaincus et dispersés
sans que l'esprit de révolte des Afri-
cains pût être dompté ; on parvenait
bien à réduire quelques districts, mais
la plupart des tribus bravaient le joug,
et l'appellation de Barbares , qui leur
était donnée par opposition aux Mau-
res soumis , leur devint bientôt une
dénomination nationale, qui a persisté
jusqu'à nos jours dans le nom de Ber-
bers.Les Goths d'Espagne occupaient,
près tlu détroit des Colonnes , une
Dortion de la Tingitane.
DOMINATION MUSULMANB BN
AFRIQUE.
Le grand mouvement islamique pour
lequel s'ébranlaient , dans les déserts
du Hhegjâz, les Arabes de la troisième
Emilie ( ces hordes mosta'rabes qui
reconnaissent pour aïeul Ismaël), vint
peser de tout le poids du prosélytisme
et des persécutions sur les Hhomay-
rites ou Arabes de la seconde famille
(issus de Yeqthanou Qahhthan), soit
iuifs , soit chrétiens , soit encore sa-
béens, possesseurs du Témen et frères
des Arabes déjà établis en Afrique;
eeux qui ne Youiurent point subir la
conversion 9 s'écfaappant par le Bâb-
29
el-Mandeb, vinrent se réfugier en
Abyssinie, se répandre au sud le long
de la côte orientale , ou s'infiltrer a
Fouest vers le Bahhr-Abyadh.
Le débordement ismaylyte, grossi
peut-être de quelques convertis du Té-
men , mais surtout de ceux de Syrie ,
se précipita par l'isthme de Soueys sur
l'Egypte , et roula le flot musulman
iusqu^aux extrémités occidentales du
littoral barbaresaue; mais les tribus de
l'intérieur opposèrent une vive résis-
tance, et le célèbre O'qbah lui-même
éprouva de leur part ime défaite ; et
quand elleâ eurent été subjuguées et
converties, de fréquentes rebellions
montrèrent, dan& ces nouveaux frères,
des gens impatients du jouç, indiffé-
rents à tous les cultes, chrétiens, juifs,
païens, plutôt aue mahométans. Et
pourtant , ébranlés par la commotion
musulmane, ils s'élancèrent les pre-
miers sur l'Espagne , où les Arabes les
suivirent, et ils continuèrent 2r\'ec
eux, sur ce nouveau théâtre, une lutte
incessante depuis les haines de Thâ-
req et de Mousày jusqu'aux dernières
querelles des Abencerrages et des
Zégris.
Mais cet Occident , que la ferveur
des conquérants islamites avait si ra-
fiidement annexé à Tempire des kha-
yfes , leur fut plus rapidement encore
enlevé par de successives défections :
un nouveau khalyfat s'éleva dans l'An-
dalousie pour les Ommyades que Tu-
surpation a'bbasyde déshéritait de l'O-
rient; les Medrârytes fondèrent, au
delà de l'Atlas occidental , l'empire de
Segelmêsah; les Berbers de Bargnaouâ-
thah élevèrent un État indépendant à
Temsnâ ; les Rostamydes établirent
celui de Teyhert; le pays compris entre
ceux-ci et les Barghaouâthah devint le
patrimoine des Édrysytes, fondateurs
de Fês ; enfin les Aghlabytes , en se
rendant maîtres de toute la région
comprise entre Teyhert et l'Egypte ,
achevèrent de ravir aux sultans de
Baghdâd le reste de leurs possessions
d'Occident. L'Egypte elle-même leur
échappa sous le gouvernement des
Thoulounydes : s'ils la reprirent pour
quelques années , ce fut pour la perdre
Digitized by VjOOQIC
L'UKIVERS.
encore, et sang retour, alors qu*elle
^ssa aux mains des Ekhscbédytes.
Uhéritage des Édrysytes, déjà mor-
celé par les princes ghomérytes de
$ebthah , fut recueilli en partie par
les Bény-Aby-el-A'âfyah de Meknêsrh,
possesseurs passagers de la royale Fés
et souverains persistants d*Agarsyf ; le
surplus passa aux Ommyades d'Espa-
i^ne , ainsi que Sebthali et une partie
de Segelmêsah. Mais là, sur les ruines
des Medrârytes, avaient surgi les Fa-
Ihémytes, sous la puissance croissante
desquels croulèrent de proche en pro-
che les Resta my tes de Teyhert', et les
Aghiabytes de Qay rouan ,"^ maîtres de
la'Sicile, et les Êkhschcdytes d'Éiiyp-
te ; et le Caire s'éleva sur les bords
du ISil pour devenir leur capitale. Mais
f pressés de continuer leur marche vers
'Orient, ils abandonnent leurs pre-
mières conquêtes à l'ambition de nou-
velles dynasties : les A'bdélouâdytes
établissent dans l'ouest le royaume
tributaire de Telemsên, les Hhànima-
dytes dans Test celui de-^ougie, tandis
qu'entre les deux les Zéyrytes conser-
yeot J'état siizerain d'Aschyr et de
Qayrouân ; puis à l'extrême occident
se Qioûtrent \^ Tafrounytes de Salé ,
maîtres intermittents de Fés et profli-
gateurs des infidèles deBarghaouâtliah;
enfin , à cdté d'eux, en même temps
que voisins et rivaux des Zéyrytes d'As-
cliyr , les Bény- A'tliyah , rois de Fés
e4 fondateurs de Ouetchdah, oui éten-
dirent leur domination jusqu au Zâb.
Bientôt apparut Tassociation redouta-
ble des IMorâhethyn ou Almoravides,
formée au désert, qu'elle avait envahi
jusqu'aux États nègres du sud, et qui
remontant au nord, absorba tour à
tour les monarchies des Bény-Aby-el-
A'Afyah, des Barghaouâthah, des A'b-
délouâdytes, des Yafrounytes, des Bé-
ny-A'thyah, toute rAndalousie, et les
Baléares, étendant en outre sa suze-
raineté sur les Zéyrytes de Qayrouân
Qt les Hhammadytes de Bougie. Puis
les Mouahbedyu ou Almohades vinrent
renverser les uns et les autres, et tout
englober dans une seule monarchie
homogène.
L'Eiypte^ flors encore aux muns
des Fathémytes, leur fut un peu plus
tard enlevée par les Ayoubytes, qui se
la virent arracher euxméiiies ensuite
par les mamlouàs qu'ils avaient insti-
tués , et qui formèrent deux dynasties
successives désignéesparies dénomina-
tions de Bahharytes et de Circassiens,
jusqu'à ce que les Turks-Othomans
missent fin à leur souveraineté.
Le reste de l'Afrique musulmane
forma, à la chute des Almohades, trois
États principaux : le plus occidental ,
qui est celui de Marok , échut aux
Mérynytes, auxquels succédèrent les
Bény-Ouâthâs , rameau détaché de la
même dynastie; ceux-ci furent rem-
placés par des scbéryfs Dara'puytes ,
dont le sceptre passa en derpiejr lieju
aux scbéryfs Fillélytes qui le tiennent
aujourd'hui. Dans un voisinage immé-
diat, telemsên redevint un royaume,
indépendant cette fois, sous les Zyâny-
tes, rejetons des anciens A'bdélouâdy-
tes; mais sa durée fut peu longue : le
fameux corsaire A'rougj , et son frère
Khayr-el-Dyn Barbe-rousse, qui de-
vint grand amiral de la Porte Othor
mane , jetèrent à Alger les fondements
d'une puissance nouvelle; tout le ter-
ritoire de Telemsên fut bientôt sou-
nfiis à leur pavillon ; Bougie, enlevés à
Tunis , vint aussi grossir leur domai-
ne : et le repaire de ces forbans, no-
minalement tributaire du Grand -Sei-
gneur , fatiguait la chrétienté de ses
perpétuelles déprédations , lorsque la
France, vengeant son injure person-
nelle, a délivré l'Europe de ces auda-
cieux pirates et fondé pour elle-même
une importante colonie.
Enfin, à l'esté le royaume de Tunis,
étendu jusqu'à l'Egypte, fut le lot des
Hhafssytes, qui se partagèrent en plu-
sieurs brancJies, dont l'une garda
Tunis, et une autre eut Bougie, qui
lui fut enlevée par la victoire du eomte
Pierre de Navarre ; puis les Turks
s'emparèrent successivement de ce qui
restait aux Hhafssytes, et y établirent
deux pâschâs, l'un à Tunis, l'autre à
Tripoli; ainsi furent constituées, avec
Alger, ce que l'on appela depuis lors
les Régences barbaresques*
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE Ï>E L'AFRIQUE.
TROISIÈME SECTION.
DE L'ÉTUDE DE L'AFRIQUE.
EXPLORATIONS ET 1>ÉC0UVERTE9-
AncnNNBS aRGUHNAyi&ATIONS.
De rbistoire des vicissitudes poli-
(iques i^assons à ceile des découvertes
et des ioforma^ions géographiques suc-
cessivement acquises sur l'Afrique par
les a^oDS policées dont nous avons
reeoeiili l'héritage littéraire.
Lea Hébreux , qui n'avaient vu que
IjÉgypte, De noinnient guère dans leurs
livres sacrés qu'elle et ses dépeadan*
ces; au delà ils indiquent seulement ,
daos Qoe contiguïté successive, les
pays de Kousch ou d'Ethiopie, des
Uhbfm ou Libyens , de Fout , dont
la synonymie paraît devoir être cher-
diéedaos la Marniarique {*); plus tard
ils entendirent le nom de Koub, dont
la même contrée nous offre , chez les
géographes grecs, une traduction lit-
térale dans la dénomination de Fa-
Imros,
LesRana'néens de Tyr et de Sidon ,
ainsi que leurs frères de Carthage ,
maîtres du commerce de la^Méditerra-
née et de la jner Rouge , durent avoir
sur TAfrique des connaissances beau-
coup plus étendues; mais ils ne les di-
vulgaient point aux peuples étrangers :
il n'est resté d'eux que le souvenir
d'une expédition de circumnavigation
accompUe par des marins phéniciens
rirlecomDte du pharaon Nékoh, et
rapport d'un autre voyage mariti-
me, entrepris par le Carthaginois Han-
^ 0 ^ Lenormand, de rinstitiit, a fait
ï^ttWMiir l'identité du peuple Fout de la Ge-
D«e avec tes Ni-Pkaiat des livres coptes ,
où ce nom désigne les Libyens; si cette
«feniière 'synonymie était rigoureuse. Fout
Mnit on double emploi avec Lehbjm dans
le livre sacré : il faut les considérer comme
^^t^paat, àTouest de l'Egypte, deux po-
H'^iowtMtiiiet, i|ùs dttiuietes.
non pour aller fonder des colonies sur
les cotes occidentales.
Les Grecs , qui , au temps d'Uomè-
re, ne connaissaient guère que de nom
la Libye , terminée brusquement au
delà des Syrtes par les sources de VO-
céan, ne voulaient pas, au temps
d'Hérodote , croire à la circumnaviga-
tion des Phéniciens, et la même incré-
dulité n'est point encore complètement
vaincue dans l'esprit des savants mo-
dernes; mais l'Europe occidentale, à
peine sortie , sans traditions , des té-
fidt)res séculaires où la civilisation
grecque et romaine la trouva plongée,
a mauvaise grâc^ à se prévaloir de;sa
longue enfance pour taxer de menson-
ge les récits que la vieille Egypte avate
transmis à la jeune Grèce sur une e%r
f)édition que le génie de Tyr avait dès
onglemps exécutée. Pour un esprit
sans préjugé, cette navigation autour
de l'Ap-ique est un fait incontestable,
et le passage de l'équateur demeure
hors de doute, par cette circonstance
si vraie, mais qu'en sa naïve igno-
rance Hérodote accueillait avec incré-
dulité, que le soleil se trouvait à la
droite des navigateurs. Les Perses,
mieux instruits que nous du vaste
commerce et des lon^ voyages des
Tyriens, croyaient à l'accomplissement
de cette périlleuse expédition : Xercès
accordait grâce de la vie au coupable
Sataspes, à condition qu'il refît le tour
de l'Afrique; et lorsque, après l'avoir
tenté par l'occident , Sataspes revint
sur ses pas conter les fabuleux obsta-
cles qui avaient arrêté sa navkatioin
à quelques mois du détroit de Grades,
le grand roi n'admit point cette chi-
mérique excuse , et Sataspes fut em-
palé. Possidonius, s'appuvantd'un récit
(aujourd'hui perdu) a'Hiro4ote^ éuofh
\
i
Digitized by
Google
L'UNIVERS.
çait qu'une semblable expédition avait
été renouvelée avec un plein succès
sous le règne de Darius. Le Carthagi-
nois Hannon , dont npus ne connais-
sons plus que les premières explora-
tions, avait, au dire de Pline, franchi
rOcéan depuis Gadès jusqu'aux con-
fins de r Arabie, et laissé une relation
écrite de ce voyage; de même Cœlius
A ntipater affirmait avoir connu un mar-
chand qui , dans une expédition com-
merciale partie d'Espagne, avait atteint
rÉthiopie; et Héraclide de Pont ra-
contait, mais sans preuves, qu'un
mage était venu d'Orient, par la même
voie, trouver Gélon à Syracuse. D'un
autre côté, Eudoxe de Gyzique avait,
au rapport de Possidonius, trouvé sur
la côte orientale et rapporté en Egypte
les débris d*un navire gaditain ; et
Pline assure que sous Auguste on re-
connut pareillement dans le golfe Ara-
bique des vestiges de vaisseaux espa-
gnoIsquinvaientpéri'Bien plus, Eudoxe
lui-même, sans être découragé par un
premier naufrage, serait parvenu, dans
une nouvelle navigation, à effectuer
le tour entier de r Afrique ; Possido-
nius, du moins, en était persuadé, et
Cornélius Tïépos affirmait que, de son
{)ropre temps, Eudoxe avait mené à
leureuse fin cette entreprise si long-
temps et si opiniâtrement poursuivie
par l'intrépide navigateur. Tous ces
rapports ne méritent sans doute point
une égale confiance, mais ils témoi-
gnent hautement des traditions d'a-
près lesquelles la pointe australe de
'Afrique avait été doublée ; en vain
suppose-ton les anciens inébranlable-
ment convaincus que le continent se
terminait au nord de l'équateur : Pline
connaît deux zones tempérées, et Lu-
cain, antérieur à Pline, mentionne les
Libyens éloignés qui voient leur ombre
se projeter au sud : il faut donc recon-
naître , à travers les contes du cré-
dule Mêla , bien moins une hypothèse
imaginaire, qu'une vague et confuse
notion des périples antiques qui étaient
allés doubler au loin ce cap , aujour-
d'hui réputé découvert seulement vers
la fin du quinzième siècle. Il est vrai
que les géographes mathématiciens,
p:
Hipparque» Marin de Tyr, Ptolémée
supposaient l'Afrique contournée à
Test parallèlement a l'Asie et ceignant
la mer des Indes comme une autre
Méditerranée. Mais au lieu de conclure
qu'ils admissent la réunion complète
des deux continents à leurs dernières
limites, il faut suivre la trace vérita-
ble de leur hypothèse, d'abord sur les
planisphères arabes, puis sur ceux
des cosmo^aphes européens du moyen
âge, Marino Sanuto, Andréa Bian-
cbo , Fra Mauro , qui fournissent les
termes successifs d'une transition gra-
duelle aux résultats des- explorations
modernes.
Mais à ne parler que des périples in-
contestés, de simples reconnaissances
nautiques paraissent avoir été le but
des voyages de Scylax, qui décrivit,
conformément à la première^ naviga-
tion de Hannon, la côte occidentale
jusqu'à l'île de Kerné , au delà de la-
auelle la mer est couverte de sargasses
épaisses qui la rendent impraticable ;
d'Euthymême , qui parvint sur la mê-
me côte jusqu'à un grand fleuve ( le
Sénégal , peut-être ) , soumis comme
le !Nil à des crues périodiques ; et de
Polybe , qui semble n'avoir point dé-
passé , dans son exploration du litto-
ral , les caps où viennent aboutir les
grands rameaux de l'Atlas. Quant à
Eudoxe, il était parvenu, dans sa pre-
mière eX[>édition , jusqu'à un pays où
l'on parlait un langage qu'il avait déjà
entendu sur la côte orientale, et dont
il avait recueilli un vocabulaire. Quant
aux notions que Ton possédait sur ce
littoral d'Orient, le périple de la mer
Erythrée s'avance au sud jusqu'à Rhap-
ta , qu'on croit généralement être la
Quiloa moderne, et qui était dès cette
époque sous la domination d'un chef
arabe de la tribu sabéenne de Mo'af-
fex; Marin de Tyr indique, au delà de
Rhapta , la ville et le cap Prasum, que.
l'on fait coïncider avec Mozanbique.
connaissances des anciens sub
l'inxebieub de l'afbique.
A l'intérieur du continent, les ex-
plorations étaient plus difficiles, et les
Digitized by VjOOQIC
mSTOlRE DE L*AFR1QUE.
v^Srages des Grecs de dépassèrent pas
Toasis d'Ammon (la moderne Syouan),
colonie de la Thèbes égyptienne ; mais
Hérodote a|>prit des Lioyens Titiné-
raire des caravanes par Aougélah et
le Fezzân jusque chez les peuples de
TAtlas. Ils lui racontèrent aussi le
voyage de cinq jeunes chefs nasamons,
qui, traversant les terres habitées,
puis des solitudes infestées de bétes
iéroces , et continuant leur route vers
Touest par des déserts sablonneux d'une
longue étendue, arrivèrent chez des
peuples noirs , habitants d'une ville où
coulait d'ouest en est un grand fleuve
rempli de crocodiles. Nous pensons
avec Rennel que ce fleuve n'est autre
que le ]Niger, et nous ne faisons point
oifGculté d'admettre que des nomades
qui connaissaient toute l'étendue du
Ssahhrâ entre Thèbes d'Egypte et le
voisinage des Colonnes d'Hercule, aient
accompli dès lors une découverte que
les Européens n'ont renouvelée qu'à
la fin du siècle dernier. Ne sommes-
nous point encore aujourd'hui fort en
arrière des anciens à Tégard du Nil ?
Hérodote savait qu'à quatre mois de
route au-dessus d'Êléphantine, ou deux
mois au-dessus de Meroé , une colonie
égyptienne était établie sur les bords
de ce fleuve , lequel en cet endroit ve-
nait de l'ouest ; dès le temps de Pto*
lémée, les sources en sont indiquées
dans les montagnes de la Lune, dont
Pexistence est confirmée par les Ara-
bes , et sur lesquelles nous avons été
jusqu'à ce jour inhabiles à nous pro-
curer de nouvelles lumières.
Les Romains , qui dans leurs démê-
lés avec Garthage , apprirent d'elle le
nom d'Afrique, contribuèrent eux-mê-
mes par quelques expéditions aux pro-
grès^de la géographie africaine , bien
qu'il faille restreindre de beaucoup la
r)rtée qu'on attribue trop légèrement
leurs Itinéraires. Suétomus Paulinus,
qui le premier traversa dans l'ouest le
grand Atlas , arriva en dix étapes jus-
qu'à un fleuve Ger ou Nîgery qu'ont,
sur la simple consounance des noms ,
voulu identifier au Niger des Soudâns,
au lieu de le reconnaître dans le Gir
de Léon et de Marmol. Cornélius Bal-
Ô8
bus porta les armes romaines, par
Cydamus et la route de la Phazanie ,
jusqu'à Garama , ou , en d'autres ter-
fties, par Ghadâmes et la route du
Fezzân jusqu'à Germah près de Mor-
zouq , en traversant quelques bourga-
des obscures dont on a, sur de douteuses
homonymies , voulu retrouver les tra-
ces jusque sur les bords du Kouârah !
Julius Maternus employa quatre mois
à se rendre de Leptis à Garama, et de
là, vers le midi, au pays d'Agysîmba,
où l'on trouve le rhinocéros. Septimius
Fiaccus s'avança chez les Éthiopiens
jusqu'à trois mois de route au delà de
Garama. Ces deux expéditions, que l'on
a voulu rattacher à celle deBalbus, ne
sont guère connues que par une simple
mention de Ptolémée, et leurs bornes
extrêmes semblent difficiles à déter-
miner. Quelques rapprochements pour-
raient faire penser que les Éthiopiens
de Scptimius Fiaccus sont les Blem-
myes de Pline , c'est-à-dire les Tib-
bous de Bitmah, et Walçkenaer estime
que la terre d'Agysiroba n'est aOtre
que l'oasis. d'Azben, tandis que d'au-
tres la vont chercher jusqu'en Abys-
sinie, et même encore bien au delà
jusque dans la Zimbaoueh de Motapa !
A ces explorations des voyageurs qui
allèrent jalonner dans le sud les limi-
tes extrêmes des connaissances géogra-
phiques des anciens sur l'Afrique, aux
indications recueillies par les hommes
de la science , tels que Strabon et
Ptolémée, et l'encyclopédiste Pline, et
leurs abréviateurs Denys le Périégè-
te, Pomponius Mêla, Julius Solinus,
il faut joindre deux documents officiels
du plus haut intérêt. L'un est la no-
tice des grandes routes militaires de
l'empire romain, dont la première ré-
daction paraît remonter au temps de
Jules César, mais qui nous a été léguée
dans son état actuel par le dernier âge
de la décadence de Rome (*). L'autre
est la table ou carte itinéraire qui , de
la bibliothèque de Conrad Peutiuger «
dont elle a conservé le nom , est pas-
sée dans celle de l'empereur à Vienne :
(*) Cet itinéraire a été compilé vers 375
par Tistriote Ethicus.
3* Livraison. (Hist. de l'Af&ique.)
Digitized by VjOOQIC
u
L^UNÏVEftS.
la date de m rédaetion est Tannée
même de là mort de Constantin le
Grand (*); quant à la copie actaetle,
c'est Tœuvre d'un moine du treizième
siècle. Les routes détaillées en Tune
et l'autre ne dépassent point l'Atlas,
mais elles constituent, pour la région
qu'elles sillonnent , le réseau géodési-
que le plus complet que nous possé*
dions encore.
OONNÂlSSAHCBSÛÉO&BÂPHIQirfiS DBS
ÀBÀBBS SUR LB GOlfTmBNI! AFBÎ-'
CAIN.
Quand l'exaltation islamique eut mi«
raculeusement transformé les pillards
isma'ylytes en de nobles guerriers, de
chevaleresques conquérants , de pas-
sionnés amants des lettres et des
sciences, l'établissement de leur domf-'
nation dans l'Occident vint redonner
une vigueur nouvelle à la civilisation ,
qui expirait étouffée dans les nerveuses
étreintes de la barbarie germanique
et Scandinave. L'intérieur de l'Afrique
leur était ouvert par les courses anté*
rieures de leurs frères yéménytes et
des Berbers devenus leurs alliés : les
Almoravides y étendirent leur puis-,
sance, et les auteurs arabes décrivirent
dans leurs livres les routes de leurs
caravanes, les conquêtes de leurs guer-
riers, l'histoire de leurs dynasties. Ra-
rement le moi du voyageur perce dans
les récits qui nous en sont parvenus ;
ils se bornent à constater d'une ma-
nière générale l'extension donnée de
leur temps aux connaissances géogra-
phiques.
Précédé par Abou-Ishhaq-' Aly , d'Iss-
takhar, auquel il a beaucoup emprun-
té , Ebn-Hnaouqâl , de Baghdâd , qui
écrivit dans la seconde moitié du
dixième siècle son Livre des routes et
des royaumes y parcourut lui-même ,
dit-on, toutes les possessions musul-
manes en Afrique, aussi bien qu'en
Europe et en Asie. Les villes les plus
(*) Nous avons déterminé cette date
d'après des indications précises puisées dans
le manuscrit même ; et nous en avons fait
•ksujetd'un mémoire lu k llnstiluten iSSg.
éloignées qu'il indique vers le sud sont
Aoudeghâst, qu'on s'accorde, trop lé-
gèrement peut-être , à identifier avec
A^ades , Gbânah à dix journées plus
loin, et qu'on regarde généralement
comme le Kano des voyaj^eurs moder-
nes ; puis Koughah , qui semble être
Kouka de Bornou , et plusieurs autres
dont il est difficile de déterminer la
sjmonymie.
Un siècle après, Abou-0'bayd-el*
Békry, de Ck)rdoue, composa aussi un
livre des Routes et Royaumes , où les
pays les plus reculés d'Afrique sont
décrits d'après le témoignage verbal
du faqyh voyageur A'bd-ei-Malek. Au
delà des peuples musulmans , les pre-
miers nègres au'on rencontre sont ceux
de Ssanghayan, ayant au sud -ouest
Takrour sur les bords du Nil des Sou-
dans, lequel passe aussi à Silây , et
tourne au sud à la hauteur de Tyrqày ;
Békry n'oublie d'ailleurs ni Ghânan ni
les autres lieux mentionnés par Ebn-
Hhaouqâl , et il indique , au delà , les
Remrem anthropophages.
A un autre siècle de distance parait
le schéryf El-Edrysy, natif de Sebthah
( Ceuta des Espagnols ) et courtisan
de Roger de 'Sicile : il ne dissimule
pas ses emprunts à Ebn-Hhaouqâl et
au Békry, mais il étend plus loin qu'eux
ses indications géographiques ; il nom-
me , au delà de Ghânah , le pays de
Ouanqârah entouré par le Nil des Nè-
gres, le Kâiiem, Zeghaeuah du Dâr-
Four , les montagnes de la Lune avec
les sources du Nil d'Egypte , les cêtes
de Barbarah , de Zeng et de Sofalah ;
puis, dans la mer des Indes , indépen-
damment de File bien connue de So-
Sothrah , beaucoup d'Iles confusément
ésignées vers la côte des Zeng , no-
tamment les grandes Iles de Scher-
bouah et de Qomor, qui semblent tour
à tour répondre à Madagascar, appelée
peut-être aussi par les Arabes du nom
de Qanbalou ; et dans l'Océan occi-
dental , ou mer Ténébreuse , nombre
d'Iles non moins difficiles à reconnal*
tre, mais parmi lesquelles il en est
six principales nommées Eternelles
(Khaledât), qu'il faut peut-être iden-
tifier aux Açores plutôt qu'aux an«
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
cicnncs Fortunées, puisque nous trou*
vons bientôt celles-ci représentées en
même temps par les Ues du Bonheur
(gezâyr-cl-Sa'âdeh) chez quelques géo-
graphes arabes postérieurs.
Ebn-el-Ouârdy, leQazouyny, Ebn-
SaVd, écrivirent dans le siècle suivant,
et Abou-el-Fedâ au commencement du
quatorzième ; ils reproduisirent ou
r^umèrent les notions recueillies par
leurs devanciers, mais n'en ajoutè-
rent point de nouvelles.
Peu après voyagea .pendant trente
années consécutives, Ebn-Bathouthah
dcTangch, qui le premier a mentionné
cette Ten-BoKtone, devenue sî fameuse
depuis par les tentatives d'exploration
dont elle a été le but : il s'y rendit en
Tannée 1353 , en partant de Segçlmé-
sah et passant par Karssakhoue et la
grande ville de Mêly , dont fen-Bok-
toue n'était alors Qu'une dépendance ;
puis il descendit le Niger vers l'est
jusqu'à Koukou , et revint par Touât
à Segelmésah.
Sans parler d'Ëbn-Khaldoun, du Ba-
qouy , ni d'Ebn-Ayâs , qui suivent dans
l'ordre chronologioue , nous arrivons
à El-Hhasan de Grenade', si connu
sous le nom de Jean Léon , qui visita
deux fois Ten-Boktoue, et nous a laissé
une description étendue de l'Afrique ,
rédigée par lui-même en italien : )e
cercle des connaissances géographiques
n'y est point agrandi, mais de nom-
breux détails y sont ajoutés aux notions
précédemment recueillies. A Léon il
faut annexer Marmol, qui souvent n'est
Îjue son copiste , bien qu'il eût voyagé
ui-même dans plusieurs des contrées
qu'il a décrites.
NAVIGATIONS DES PEUPl.ES MODEJR-
HES AUXOUB DK l'AFKIQUB.
Pendant que les géographes arabe$
consignaient dans leurs livres les lu^
mières par eux recueillies sur l'inté-
rieur du continent africain, les marins
de l'Europe en côtoyaient les rivages.
A en croire les récits de quelques au-
teurs normands du dix-septième siè-
cle, des marchands de Dieppe et de
Rouen auraient, dès 1364, envoyé des
expéditions jusgu'flu delà de Si^raLeo^
ne , à l'emboucnure du Rio dos Cestos,
où ils auraient établi dès lors le comp-
toir ou loge du Petit-Dieppe ; l'année
suivante ils auraient pousse leurs ex-
plorations iusou'à la dote d'Or, et ulté-
rieurement édielonné leurs comptoirs
depuis le cap Vert jusqu'à la Hlne, où
ils auraient bâti une église m 1888,
Ces faits ont été contestés par une
critique rigoureuse (*), aux yeux de la-
quelle des allégations tardivfis ne peu^
vent suppléer les preuves positives ou
les témoignages contemporains.
A défaut des expéditions dieppolses,
d'autres faits, mieux établis, contre-
disent aussi la conmiune renommée
qui a proclamé Sans distinction comme
des découvertes toute la série des re-
connaissances que les Portugais effec-
tuèrent plus tard , le long des edtes
africaines, au delà du cap Boyador , et
même du cap deNoun. Un Catalan nom^
mé Ferrer avait envoyé de Majorque, en
1846, une galéace à la rivière d'Or,
figurée au sud du cap Boyador sur un
portulan de 1375 qui existe à la Biblio-
thèque royale de Paris, et même sur
la carte des frères Pizigani, conservée
à Parme et qui date de 1867. Madère,
Porto Santo, les Canaries , sont éga-
lement tracées en détail sur ces portu-
lans et sur d'autres plus anciens; dès
le treizième siècle, les Génois avaient
conduit leurs flottes jusqu'à ces Mes.
Or les navigations portugaises, reven-
diquées d'ailleurs par les marins génois
qui les conduisaient (**), n'atteignirent
les Canaries que vers 1886, et le eap
de Noun demeura jusqu'en 1415 la if»
(*) Un owrrage ad hoe, àctotÈ^^né de
fac-similé de cartes du moyen &ge , a été
publié en 1842 par le vicomte de Santa-
rem , sous ce titre : « Reefaerehes sur la
«c priorité de la découverte da pays situés
ce flur la côte oceidentale d'Afrique au delà
« du cap Bojador. »
(*^ Depuis i3i7, le roi Denis de Portu-^
gai avait engagé à son servicei à titre d'tntiral
hwéditaire, le génois Emmanuel Pezagnu^
avec charge expresse gue cfiHii-ci fournirait
et tiendrait toujours au complet un état-
major de vingt officiers génois pour le con-
mandement et la conduite de ses galères.
3.
Digitized by VjOOQIC
86
L'UNIVERS.
mite des connaissances des pilotes
espagnols sqr cette côte; Joâo Gon-
çaWez ne fut poussé par la tempête à
Porto-Santo qu'en 1418; Gil-Yanez ne
doubla le cap Boyador qu'en 1434; et
enfin Antonio Gonçalvez ne parvint
à la rivière d'Or qu'en 1442.
C'est seulement à partir de ce point
que commencent les découvertes réel-
les des Portugais. Denis Fernandez
arriva au Sénégal en 1446; Nuno
Tristfio, après avoir vu le Rio-Grande,
atteignit en 1447 le fleuve auquel il a
donné son nom , et où il fut tué ; le
vénitien Cadamosto et le génois An-
tonio Usodimare visitèrent les tles du
cap Vert en 1455; Pedro detlintra
s'avança en 1462 jusqu'à la côte de
Guinée, et Joâo de Santarem en 1471
jusqu'à la côte d'Or, où les nouveaux
venus bâtirent le fort Saint-George
de la Mine en 1482. Deux ans après ,
Joâo -Affonso d'Aveiro abordait au
Bénin , et Diogo Gam au Congo ; on
longea ensuite rapidement la côte aus-
trale, et Bartolomeu Diaz atteignit en
1483 le cabo Tormentoso (cap des
Tempêtes ) , que le roi Jean de Portu-
gal aima mieux appeler cap de Bonne-
Espérance. Vasco da Gamma fut en-
voyé en 1497 pour le doubler, toucha
à la côte de Natal , visita Mozambi-
que, Monbasàb, Mélindah, et continua
sa route vers l'Inde; Pedro Alvarez
Cabrai vint en 1500 à Quiloa, Albu-
ouerque en 1503 à Zanzibar, et Pedro
da r^naya en 1506 à Sofalah, où il bâ-
tit un fort,
Après ce résumé des premières cir-
cumnavigaMons de l'Airique par les
Européens, nous ne donnerons point
le catalogue des expéditions qui ont
été faites sur ces côtes pour en opérer
le relèvement nautique; il suffit de si-
gnaler, comme ayant procuré à l'hy-
drographie les documents les meilleurs
et les plus récents , pour la Méditer-
ranée les travaux de Gauthier, Hell,
Richard, Beechey, Smyth et Bérard;
Sour l'océan Atlantique ceux de Bor-
a, Baldy, Arlett, Roussin, Demayne,
Leprédour, Owen, Vidal, Boteler,
Betcher, Bouet; pour la côte orientale
oeuxd'Owen, Christopher, Jehenne; et
pour la mer Rouge ceux des officiers
de la marine de llnde anglaise.
BSBNIBBS VOYAGES B'EXPLOBÂTION
ET DE DÉGOUVEBTES BAHS L'IN-
TBBIBUB DE L'AFBIQUB.
Ainsi se trouve déterminée, avec
une précision satisfaisante et sauf quel-
ques rares lacunes que l'An^ileterre et
la France se partaient le soin de cdm-
bler, l'immense périphérie où prennent
leurs points de départ les nombreuses
lipes itinéraires qui convergent vers
l'intérieur du continent; quelque mul-
tipliées que soient ces lignes, elles
n ont pu couvrir l'Afrique d^assez nom-
breux sillons pour former un réseau
continu d'où résultât une connaissance
complète des grands traits géographi-
ques de cette partie du monde : des
vides fort considérables laissent sans
liaison mutuelle divers cercles distincts
d'exploration, et marquent ainsi la
distribution naturelle en divers grou-
pes, des voyages de découvertes des
modernes, mus ne saurions prétendre
renfermer ici l'inventaire aétaillé de
ces voyages s il <jloit nous suffire de
récapituler les plus importants et les
plus nouveaux.
Dans la région du Nil , les magnifî-
oues travaux des Français de l'expé-
dition d'Egypte, en 1798, ont procuré
sur ce pays des lumières étendues et
précises, auxquelles ajoutent encore,
sous certains rapports, les Egyptiaca
de Hamilton , qui arriva pareillement
jusqu'à Syène en 1801. Parmi les pré-
cédents voyageurs, Pococke et rïor-
den , qui datent tous deux de 1737, ne
peuvent être oubliés , non plus que
Savary et Volney qui sont entre les
mains de tout le monde. Comme Nor-
den, Legh en 1813 etLighten 1814
dépassèrent les frontières ^yptiennes
jusqu'à Ibrim. Waddington en 1820,
Cadalvène et Breuvery en 1830 , sont
remontés jusqu'à Méraoueh. Sous le
vêtement arabe et le nom emprunté
de Scheykh Ibrahym , Burckhardt s'a-
vança en 1814 jusqu'à Schendy, d^oii
il opéra son retour par Souâken; Hos-
kins , en 1833 , est pareillement re«
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
monté jusqu*à Schendy. Riippell, en
1825, vint aussi à Méraoueb et Schen-
dy, et alla reconnaître leKordoufan,
visité aussi en 1836 par Holroyd, en
1839 par le czeche Pallme, et au delà
duquel est le Dâr-Four , déjà marqué
sur le planisphère de Fra-Mauro en
1460 , puis complètement oublié ,
signaié de nouveau par Bruce, et visité
emn par Browne en 1793. Gailliaud ,
en 1820, remonta le cours du fleuve
beaucoup plus haut que tous ses devan-
nciers , et s'avança sur le Babhr-
Azreq jusqu'aux pays de Fazoql et de
QamâmyL Linant , prenant une autre
direction à £l-Kbartoum , suivit le
Babhr-Abyadh ou véritable Nil, à
soixante-dix milles du confluent : nul
autre encore n'avait entrepris cette
voie ; mais elle a depuis été explorée,
en 1840, 1841 et 1842, jusqu'à une
distance beaucoup plus considérable
par les ordres du paschâ d'Egypte ,
oui fait poursuivre avec une ténacité
digne du monarque le plus civilisé , la
curieuse et difficile recherche des sour-
ces de ce grand fleuve ; et le français
D'Arnaud en a tracé le cours jusqu'au
delà de ô« de latitude.. La vallée du
Nil a encore servi de route à Poncet en
1699, pour arriver dans FAbyssinie
où Bruce se rendit en 1768 par la
mer Rouge et Massouah : c'est par
là qu'étaient jadis entrés en ce pays
les anciens voyageurs européens, no-
tamment les missionnaires portugais,
tels que Alvarez, Paez, Fernandez,
Lobo, qui ont laissé des relations
étendues ; ce fut aussi par là que s'y
introduisirent Sait et Pearce en 1805,
Sait encore à son second voyage en
1809, puis en 1830 le missionnaire
évangélique Gobât, ensuite Rûppell en
1832, et Antoine d'Al)badie en 1842,
tandis que l'on voit Combes et Tami-
sier en 1835, Arnaud d'Abbadie en
1841 , Lefebvre et Petit en 1843 , s'a-
vancer par cette route jusque dans le
Schoa, où Dufey en 1838 , Rochet,
Isenberg et Krapf en 1839, Thomas
Beke, Marris en 1841, se sont de leur
cété rendus par la voie de Zeyla'.
Dans la région de Mozambique et
des côtes orientales , les voyages à l'in-
S7
térieur se sont concentrés dans le
bassin du fleuve Rouâma ou Zambé-
zé; ils sont d'ailleurs fort rares, ceux
du moins dont il a été publié des no-
tices : le plus ancien est celui de Fran-
cisco Baretto , envoyé de Portugal en
1570 , avec mission de s'emparer des
mines d'or que possédaient les indi-
gènes. Après une première expédition
peu fructueuse, il fonda le comptoir
de Séna, et s'avança ensuite jusqu'à ,
Chicova à la recherche d'une mine
d'argent qu'il ne put découvrir; après
quoi il bâtit le fort de Tété et demeura
paisible possesseur du pays, où s'éta-
blirent successivement plusieurs au-
tres comptoirs. En 1796, Pereira se
rendit à la cour du |)rince Gazembé ,
sur le Zambézé supérieur, à quarante-
deux journées de marche au delà de
Tété et à trois mois de distance d'An-
gola : mesures dont la combinaison
exige un raccourcissement notable de
la longueur, qui est habituellement
attribuée sur les cartes à la route de
Pereira. En 1798, le colonel la Cerda
{)artit de Tété pour une exploration à
'intérieur, et y oérit. Enfin, en 1823,
les officiers anglais Browne, Forbes
et Kilpatrik, attachés à l'expédition
hydrographique du capitaine Owen,
remontèrent le Zambézé jusqu'à Séna,
et reçurent d'un colon portugais une
notice sur ce pays. Un document plus
récent est le mémoire statistique du
pair de Portugal SebastiaÔ Xavier Bo-
telho, sur les domaines portugais de
l'Afrique orientale, imprimé a Lis-
bonne eu 1835. Ajoutons-y , pour le
pays des Sçoumâl, jusqu'alors complè-
tement inconnu, les renseignements
nouvellement recueillis par Antoine
d'Abbadie. En ce moment même une
grande expédition, envoyée par la Com-
pagnie anglaise des Indes orientales
sous la conduite du capitaine Harris,
f)Our frayer une route entre Zeyla' et
e cap die Bonne -Espérance par le
Schoa , vient d'abandonner cette ten-
tative , contrariée par de trop grands
obstacles.
Si les relations manquent en ce qui
concerne la région qui vient de nous
occuper, çlles abondent au contraire
Digitized by
Google
88
L'UNIVERS.
pour celU) du Gap ou de TAfrique aus-
trale ; à ne citer que les plus remar-
quables, nous indioueroBs celle de
Kolbe, trop dénigrée sur la foi de
quelques amours- propres froissés;
celle de Le Vaillant, dont la rédaction
trop étudiée a fait révoquer en doute
ia véracité; celle de John Barrow^ qui
a voyagé en 1797 et 1798 dans toute
la colonie ^ et au delà chez les Rafres
et les Bosjesfuen ; celle de Truter et
Somerville, qui» en 1801 et 1802, ^
sont avancés jusqu'à Lattakou , capi-
tale de Betjouânas ; celle de Lichten*-
steib, laquelle sd rapporte à Tannée
1803 ; et celles encore des voyages de
Gampbeli en 1812 et 1820, de Philips
en 1825, de Burchell en 1811 et 1812,
de Thompson en 1821 jU8qu*en 1824,
de Cowper Rose en 1824 et 1828, et
nombre d'autres, dont les plus ré-
centes sont celle du capitaine Harris ,
offrant le récit d^ son voyage dans le
pays des Zoulâs , et celle du capitaine
Alexander, qui o visité en 18Sd les
Damàras.
Leâ missionnaires portugais du Con^
go n'ont point gardé le même silence
que ceux dé la cote orientale sur l'his-
toire de leurs courses apostoliques i
LopeK en 1868, Garli en 1668, Gavaezi
de Monte-Guccolo en 1654 jusqu'en
1670, Mérolla de 1682 à 1688 ^ ZuC^
chelli de 1696 à 1704, nous offrent deS
récits détaillés qui ont encore, malgré
leur ancienneté, un intérêt géogra^
phique actuel. Cependant depuis eux
sont venus Tuckey, qui en 1816 a re*
monté le Zaïre ou Rôuango jusqu'à une
soixantaine de lieues; Gregorio Men-
dei , qui parcourut en 1785 l'intérieur
des terres au sud de Benguéla jus-
qu'au cap TVegro; et Feo Gardoso, qui
a donné rhistoiré et la description gé-
nérale des possessions portugaises de
cette région d'après les documents of-
ficiels qu'il avait à sa disposition. Mais
le voyage le plus remarquable entre
tous ceux du Congo est celui qui a été
fmblié en 1832 par Douville , et dont
a ligne itinéraire s'étend depuis Ben-
guéla jusqu'à Bomba, capitale du peu-
ple Nineanay et du souverain Mouéné-
Emougy, en passant d'un eSté par
Yanvo, capitale des Môlouas, et de
l'autre par Missel, ville principale du
Macooo des anciennes cartes, embras-
sant ainsi dans le rayon des connais-
sances positives les points les plus
éloignés jusqu'où se (ussent étendues
les vagues informations jusqu'alors re-
cueillies. U est vrai que des doutes ont
été élevés sur la véracité du voyageur;
mais les matériaux géographiques qu'H
a rassemblés et mis en lumière n'en
sont pas moins à nos yeux une inté^
ressente acquisition*
Quant aux contrées intérieiires que
borde la o6te de Guinée, les routes
parcourues par les Européens y sont
en général rares et d'une extrême briè-
veté : la relation du voyage de Norris
en 1772, reproduite par Dalzell, et
copiée encore par Mac Léod, ne con^
duit que jusqu'à la capitale de J)aou-
meb ; Bowdich en 1817 , Dupuis et
Hutton en 1820, n'ont point dépassé
la capitale de l'Aschanty, et tout l'in-
térêt de leurs voyages gît dans les in-
formations qu'ils ont recueillies sur
les pays plus reculés. Le missionnaire
Thomas Freeman n'est pas allé plus
loin en 1841 . C'est seulement dans l'Est
que les itinéraires ont acquis une exten-
sion et une importance très-grande,
car c'est par là que Glapperton est re-
tourné, en 1827, à Kano et à Sakka^
tou ; que Lander est allé , en 1890 ,
à Yaoury pour y trouver le îîiger et le
descendre jusqu'à l'embouchure de
Noun, et qu'il est revenu en 1888 re^
monter par cette même embouchure
jusqu'au Tchaddah et à Rabbah, en
compagnie de Laird et Oldfield, et
du lieutenant de vaisseau William
Allen qui a fait le relè ventent hydro-*
graphique de lent route. Plus récem-
ment, une grande expédition anglaise,
sous le commandement du capitaine
Trotter, avait projeté de remonter
plus loin, mais les maladies y ont mis
obstacle. Nicholls en 1805 , Coulthurst
en 1832 , voulaient tenter aussi de re^
monter^ par le Kalbar, jusqu'au ^nd
fleuve ; mais l'un mourut au voismage
de la côte , et l'autre ne put dépasser
Ibo. Becroh en 1840, après avoir cher-
ché tainement sa route par le Rio
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DR L'AFRIQUE.
FetmotOi a été {dus heureux par la
branche d'Owère.
C'est aussi la reoherche du Niger et
de Ten-Boktoue qui a produit les iti<
néraires les plus importants de la Sé-
négafl^e : Brue avait reconnu le
Sénégal jusqu'à Galam et Rényou « en
1698; Jobsoii en 1620, Stibbs en 1734
afaient exploré la Gambie jusqu'au*
dessus de Barra-Koundah; Compagnon
avait parcouru le Bamboue en 1716,
et Ruoault avait, en 1786, frayé la
route de Galam nar terre, quand
Houghton, le premier de tant de mar^
tyrs envoyés phrV JJriean^Assooiation
à la découverte du Niger, allai)érir en
• 1791 dans le Kaarta. Mungo-Park s'é-
lança sur tes traces en 1795, échappa
comme par miracle aux mêmes assas-
sins , et put atteindre ce Niger objet
ds ses vœux , qu'il remonta jusqu'à
SÛla. Il revint dire à l'Europe sa àé*
couverte, et retourna en 1805 en Afri«
que pour la compléter i il revoit le
Niger, et sy embarque; il arrive à
Yaoury, atteint Bousa, et périt. Ped*
die et Campbell voulurent tenter en
1816 la voieduFoutah^Gjalo : la mort
arrêta leurs projets; Gray et Dochard
prirent leur place et ne furent guère
plus heureux. Mollien, en 1818, dé«
couvrit les sources du Sénégal et de
la Gambie , sur une route que déjà
Watt et Winterbottom avaient paroou^
roe sans en apprécier l'intérêt; et eil
1823, Laing, parti de Sierra^jeone ^
alla constater, sansy pouvoir atteindre,
l'emplacement véritable des sources
du Niger. Ernest de Beaufort, en 1825,
fut arrêté par la mort avant d'avoir
dépassé les derniers confins du Bam^*
bouc. Enfin, en 1827, Caillié , revêtu
du costume musulman , s'avance à
l'est jusqu'à Timé , jusqu'alors incon-
nue, reprend au nord pour aller attein*
dre Gény , s'y embarque , descend le
Niger jusqu'à Ten-Boktoue, et tra*
versant l'immense désert regagne ki
cote atlantique à Rabâth.
Laing aussi avait vu Ten-Boktoue
en 1826 , quelque temps avant Caillé^
mais il y était venu par le nord-est; le
nurtelot américain Robert Adams y
avait été conduit du nord^uest en
89
1810 ; et Ton conte même au'un antre
Français, Paul Imbert, des SableS'»
d'OIonne, avait, dès 1770, visité deux
fois cette ville fameuse.
Nous avons déjà dit comment Clan*
perton et Lander étaient allés par Ta
côte de Guinée à Kano et Sakkatou |
ee n'était pour Clapperton au'un se-
cond voyage, car il s'y était déjà rendu
par le Bornou, où il avait quitté Den^
nam son compagnon. Cette voie avait
été préparée de longue main : Lucas ,
envoyé dès 1788 à Tripoli pour l'en»*
treprendre, ne put s'éloigner de la côte
barbaresque, mais il revint à Londres
avec provision de renseignements ;
Hornemann, autre voyageur de V^é"
frican-ÀHOcUition, se rendit en 1798
au Caire» d'où il partit l'année suivante
pour aller au Fezzân à travers les ca-
ses de Syouali et Aougelah : arrivé à
Moursouq, il y recueillit de nombreu-
ses informations sur les populations
du désert et sur les pays de Abaousâ
et Bornou, pour lesquels il se mit en
route en 1800, et l'on n'a plus eu de
ses nouvelles ; Ritchie et Lyon arrivè-
rent à leur tour à Tripoli en 1818 : ils
visitèrent le Fezzân , et ajoutèrent et
nouvelles lumières aux lumières pré^
cédemment rassemblées sur les pays
du Sud. Enfin en 1822 l'expédition de
Denbam, Clapperton et Oudney péné-
tra au delà du Fezzân, traversa le dé*»
sert, atteignit le Bornou, découvrit le
grand lac Tchad , et poussa des reoon*
naissances divergentes , d'une part
jusqu'au Mandharah et au Loghoun ,
de l'autre dans le Hhaousâ jusqu'à
Sakkatou.
Le Ssahhrâ n'a été vu que par les
voyageurs qui de la eôte barbaresque
se rendaient aux pays des Nègres , et
réciproquement, ou bien par quelques
nauiragés; tels ^ue Robert Adams, aue
nous avons déjà cité, Brisson, Folife,
Saugnier, Riley, Cochelet, et cet
Alexandre Scott qui a occupé la saga-
cité de Rennel, mais dont la route
semble avoir été bien autre que ne le
soupçonnait le savant géoaraphe.
Il nous reste à parler des explora-
tions géographiques des États du lit-
toral méditerranéen : les relations »
Digitized by
Google
40
LUNIVERS.
nombreuses pour les uns , rares pour
les autres , sont généralement médio-
cres , bien qu'ily ait de notables ex-
ceptions. Délia Cfella en 1817, Beechey
en 1832, Pacho et Muller en 1825,
parcoururent la Gyrénaïque et Barqah.
La Bibliothèque royale de Paris pos-
sède un manuscrit étendu , contenant
une Description et histoire de Tripo-
ly , rédigée en 1685 par un chirurgien
provençal longtemps prisonnier et es-
clave dû pâscnâ ; les Lettres que l'on
désigne habituellement sous le nom de
Tully sont à peu près le seul ouvrage
édit spécialement consacré à cette ré-
gence. Pour Alger et Tunis, le voyage
de Shaw, en 1727, est encore, malgré
sa date ancienne ^ ce que Ton possède
de mieux sur ces deux États ; cepen-
dant nous avons aussi la relation du
major Grenville Temple, qui renferme
d'intéressants détails sur le pays de
Tunis, recueillis en 1833 penaant une
excursion rapide, et la carte dressée
par le capitaine de vaisseau Falbe , sur
des éléments amassés pendant une
longue résidence; et, d'un autre côté,
l'occupation française de l'Algérie a per-
mis de rassembler les matériaux d une
description précise et nourrie, dont
une commission scientifique est char-
gée de diriger la publication. Quant à
l'empire de Marok, nous nous con-
tenterons de citer le voyage du géné-
ral Badia , mieux connu sous le nom
mauresque d'Ali-Bey, en 1805 ; celui
du lieutenant Washmgton, de la ma-
rine anglaise, en 1829; et les livres
descriptifs de Hoest, de Jackson et de
Gràberg de Hemsô , dont le premier
remonte à 1779 et dont le dernier
porte la date de 1834.
BXPLOBATION DES ILES AFRICAINES.
Nous n'avons encore rien dit des
Iles. Celles de la Méditerranée , con-
nues de toute antiquité, ont une si
mince importance individuelle qu'il se-
rait difficile d'en trouver de relations
spéciales ; seulement ks voyageurs et
les touristes qui y ont touché dans
leurs courses ou leurs promenades,
ont accordé quelques pages , parfois
quelques lighes, à celles quMs ont visi-
tées. Nous n'avons garde d'insérer ici
le catalogue de ces explorations for-
tuites. Ayons soin d'ajouter, pourtant,
gue l'illustration historique de Malte a
justement motivé une exception en sa
faveur, et que de nombreux ouvrages
sont consacrés au récit des prouesses
de ses chevaliers; mais, au point de
vue descriptif, bien qu'on puisse citer
quelques relations spK^iales, elle a , le
plus souvent, été reléguée sur un plan
secondaire, à côté de la Sicile, comme
dans l'ouvrage de Brydone qui date de
1770, et dans celui de Borch qui est
venu le compléter en 1776; dans celui
de Houél publié en 1782; dans celui
de Blaquieres écrit en 1812; et dans
ceux de l'anglais Smyth en 1815, et de
l'américain Bigelow en 1830.
Dans l'océan occidental, les Aço-
res , Madère , les Canaries , déjà figu-
rées sur les cartes du quatorzième
siècle , ont eu leurs explorateurs spé-
ciaux; bornons-nous à citer, pour les
Açores , Webster en 1821, et Boid en
1835 ; pour Madère, Bovt^dich en 1823;
pour les Canaries, il y aurait une lon-
gue série de relations à énumérer;
mais après avoir rappelé celle que Boc-
cace nous a transmise de l'expédition
de 1341, celle des pères Bontier et le
Verrier, sur la cohquéte de Béthen-
court en 1402; les histoires de Nunez
de la Pena en 1676, de Glass en 1764,
deViera en 1772, et de Bory de Saint-
Vincent en 1803, il nous suffit de si-
gnaler les descriptions de Léopold de
Buch en 1815, et de Berthelot et Webb
en 1835. Quant aux tles du Cap- Vert,
vues dès 1455 par Cadamosto et Uso-
dimare, elles ont été visitées en 1689
par le père Alexis de Saint-Lo , et en
1838 par Samuel Brunner. Roberts,
en 1725 , avait décrit à la fois les tles
du Cap-Vert et les Canaries ; et le père
Antonio Clordeyro a donné, en 1717,
une histoire générale des quatre archi-
pels atlantiques.
Au fond du golfe de Guinée, Fernam
do Po , Principe , San-Thomé , Anno-
bom , qui figurent dans tous les Pilotes
africains, ont occasionnellement été
visitées par beaucoup de .voyageurs.
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
Des Marchais, en 1725, leur a consa-
cré quelques pages ; rexpédition d'O-
weo, qui avait avec elle le capitaine
Boteler et Taiinable aveugle Holman,
a recueilli , en 1827, les éléments de
descriptions plus détaiilés.
L'Ascension et Sainte-Hélène ont
leur place dans tous les routiers de
I Inde : ce sont comme deux hôtelleries
par lesquelles il faut indispensablement
passer; et cependant, la route n'a point
toujours été si certaine , que Jean de
Nova n*cût trouvé, en 1601, lllot
écarté de la Trinidad , avant de décou-
vrir, en 1502, Sainte-Hélène, qui nous
a été décrite avec détail par Brooke
en 1806 , mais qui nous est bien mieux
connue par le fameux Mémorial de
Napoléon , et par les récits de l'expé-
dition qui est allée y chercher naguère
les restes du grand Empereur. Tristaô
da Gunha trouva aussi , en 1506 , l'tlot
éloigné qui a gardé son nom , avant de
rencontrer, en 1508 , le rocher de l'As-
cension, dont nous devons au capitaine
Brandretbune notice détaillée, publiée
en 1835.
Dans la merdes Indes, Madagascar,
qui nous est connue sous ce nom (*)
depuis le temps de Marc Polo , a une
teUe importance, que les voyageurs
qui Font visitée en ont laissé de nom-
breuses relations; les plus connues
41
sont celles de Cauche qui s'y était
rendu en 1638 , de Flacourt qui y ar-
riva en 1648 et y passa sept années,
de Souchu de Rennefort qui y fut
envoyé en 1664, de Drurv qui y fit nau-
frage en 1702, puis celles de Le Gentil,
de Rochon , d'une foule d'autres , ré-
sumées en 1831 par d'UnienvijIe, et,
en dernier lieu , celle de Leguével
qui y a séjourné de 1823 à 1830, et
celle des missionnaires anglais qui s'y
étaient établis en 1818 et qui en ont
été chassés en 1835.
Quant aux petites lies qui sont ré-
pandues autour de cette grande terre
insulaire, Bourbon, Maurice, Rodri-
gue, les Séchelles, les Gomores, con-
tentons-nous de citer les relations de
Bernardin de Saint-Pierre en 1768, de
Milbert et de Bory de Saint-Vincent
en 1800, de Grant en 1801, de BiHard
en 1816, de Frappaz en 1818, de Le-
lieur de Ville-sur-Arce en 1819, deTho-
mas en 1828 , et de d'Unienville en
1 831 , jdont les unes s'appliquent à quel-
ques points isolés, d'autres à plusieurs
lies à la fois , ou même à tout l'en-
semble de cet archipel inconnexe.
Il nous reste à dire un mot de Soco-
tora : il doit se borner à signaler ici
le mémoire descriptif du lieutenant
Wellsted, qui a exploré cette île en
1834.
§11.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DU SOL
AFRICAIN.
SYSTEMES ANTÉBIEURS.
n ne put être question, pour les
f^éograi^es, d'une division méthodique
du continent africain, que lorsque
(*) Le nom vulgaire de Madagascar est
mie dérivation évidente de celui de ses
liabitants et de la langue qu'ils parlent ; de
celle même racine, Malacassa, sont pro-
lennea les deux formes vulgaires de la dé-
nomination donnée aux habitants, savoir,
Madecassts et Maigmhgf,
Tensemble en eut été déterminé, au
moins par ses contours ; et cette divi-
sion ne présenta d'abord , ainsi qu'il
devait naturellement arriver, qu'une
simple extension, à ce cadre agrandi ,
de la nomenclature précédemment ad-
mise , en attribuant désormais une si-
gnification plus large , mais avec des
limites certaines, à la dénomination
vague jusqu'alors appliquée au limbe
indéfini de l'Afrique ultérieure. C'est
ainsi que Marmol, après avoir décrit,
en suivant Léon de Grenade, l'Afrique
Digitized by
Google
42
L'UNIVERS.
musulmane, comprend sous le nom
commun d*£thiopie , avec le pays des
Nègres connu de Léon, tout le surplus
du continent, auparavant ignoré: seu-
lement il distingue la haute et ta basse
Ethiopie I Tune répondant à Tempire
d*Abyssinie, Tautre englobant tout k
reste.
Graduellement cette immense sur-
face fut amoindrie , subdivisée , à me^
sure que Ton se lit une idée plus juste
de son étendue : Livio Sanuto crut de-
voir en séparer le pays des Nègres de
Léon , en joignant même à celui -ci la
région maritime jusqu'au cap de Lope
Gonçalvez , et partager toute F Afrique
en deux moitiés par une ligne tirée
d'Alexandrie d'Egypte à la mer de
Guinée, de manière a compter, dans la
première, la Barbarie, la Numidie et la
Libye de Léon , avec la Nigritie jus«
qu'au cap de Lope Gon^lvez ; et dans
la seconde, l'Egypte et les deux Étbio-
pies : en tout, sept régions, qu'on re-
trouve les mêmes , quoique différem-»
ment rangées, dans la volumineuse
description de l'Afrique de Dapper.
Les Sanson , à leur tour , établirent
une première grande division de l'A-
frique en deux moitiés , différant uo
peu de celle de Sanuto , eo ce qu'ils
réunissaient l'Egypte à la première,
qu'ils appelèrent du nom général de
Libye; tandis que la seconde, com-
mençant à la Nuhie , recevait le nom
général d'Ethiopie : puis l'une et l'au-
tre étaient symétriquement partagées
en six inégtons chacune; en sorte qiio
la Libye renfermait l'Egypte , la Bar-
barie, la Bilédulgérid, le Sahara, la
Nigritie et la Guinée ; et ou'on trou-
vait, dans l'Ethiopie, la Nnoie, FAbys*
sinie, le Zanguebar, le Congo, le Mo-
nomotapa et les Cafres.
Clanae et Guillaume De l'Isle , aa
lieu de ces douze régions, n'en compté*
rentque six, savoir : l'Egypte, l'Étbio*
pie propreaieiit dite comprenant la
Nubie et TAbjssiitte, la Barbarie, la
Nigritie, la Guinée englobant le GengOt
ee fai Cafirerie renfermant à la fdis Fex-
trémité méridionale et toute la côtn
orientale eu continent. D*AnviUe ne
f«all point s'ten écarté aisénénd*
de cette division, sauf peut-être quel-
ques différences de nomenclature, ap-
pelant , par exemple , Ethiopie orien-
tale ce que les De l'Isle nommaient
Cafrerie*
Depuis que les explorations mo*
dernes ont procuré des notions plus
précises et plus nombreuses , les géo^
graphes oontemporains , Malte-Brun ,
BJtter, Balbi, ont tenté de refondra
cette nomenclature pour l'ajuster au
nouveau point de vue sous lequel il
leur a paru convenable de considérer
l'Afrique dans son ensemble : et nous
avons a exposer, à notre tour, nos pro-
pres idées à cet éçard. Sans répudier
absolument certaines dénominations
générales dès longtemps en usage,
comme celle de Nigritie pour dési-
gner vaguement tous les pays afri'*
cains autres que ceux où dominent les
races blanches, celle de Cafrerie pour
indiquer, sans plus de prétention à
l'exactitude , ceux où étaient réputées '
habiter des populations cafres ; notre
dessein est de proposer un système
de fractionnement qui réponde le mieux
possible k une étuoe raisonnée de cha-
cune des parties jusqu'ici explorées.
Dans 1 état ineomplet de nos con-
naissances sur l'An-ique , ce n'est
guère ni à la constitution physique du
sol, ni au classement ethnologique ou
linguistique des habitants, ni aux cir-
conscriptions politiques des empires , i
et moins encore à leur histoire , que
l'on peut demander les bases d'ua^
distriDution géographique de oe con-
tinent ; c'est plutôt à notre ignorance
mime de certaines de ses parties qu'il
nous parait nécessaire d'accommoder
une division provisoire en régions fac-
tices , déterminées par un cercle de
notions acquises; et le tableau que
nous avons esquissé des explorations
et des découvertes accomplies jusou^à
ce jour, offre naturellement lui-même
ce cadre que nous cherchons.
msGioHs AU sm> bs i^àçgoAxsxai.
Sous ce point de vue, il y a li«ii
de eonsidérer d'abord qu'une laeiuM
énorme sépare ponr nons VA " '
Digitized by VjOOQIC
HISTOIRE DE L'AFRIQUE.
deux moitiés, au moyen d'une laroe
zone de terres inconnues entre le golfe
de Biafra et la côte de Maqadoscnou ;
puis, qu'une seconde lacune sépare en-
core fa. moitié trans-équatoriale en
deux portions , au moyen d'une autre
large zone de terres inconnues entre
la baie aux Baleines et celle de Lou-
renço Marquez. Le nom d'Afrique aus-
trale ou de région du Cap appartient
naturellement à celle de ces portions
qui regarde le sud , et qui comprend .
Outre la colonie européenne du Gap et
ses dépendances , le pays des Hotten-
tots et celui des Kafres.
L^autre portion , presque entière-
ment renfermée entre l'équateur et le
tropique du Capricorne, est composée
de deux régions , sur lesquelles les lu*
mières ont respectivement été recueil-
lies, pour l'une dans l'ouest, pour
l'antre dans Test , sans que Ton sache
avec précision oii ni comment elles se
rejoignent sur une limite commune.
Cette circonstance oblige de classer
dans )a première , avec les pays de
Congo, d Angola et de Benguéla, tous
les cantons et les peuples inaépendants
^ui se trouvent au delà de ces posses-
sions portugaises, jusqu'aux Bihens
et aux Moganguêlas du sud-est, aux
Oissanges de mt, aux Molouas et aux
Ninéanay du nord-est, bien que le
pays de ces derniers soit évidemment
une dépendance physique du bassin de
la mer des Indes ; nous appellerons
cette agglomération de territoires con-
tigos, région du Congo.
La seconde portion consiste princi-
palement dans le bassin du Kouâma
ou Zamb^^é, avec les établissements
portugais dont le cbef-lieu est à Mo-
zambique ; et le surplus des notions
aequises sur le reste de la côte orien-
tale est si peu de chose, quMl y a toute
convenance de l'y réunir comme une
amnexe, pour former du tout la région
de Mozaînbtque.
IBGIONS AV NÔBD 1>B t'ÉQUÀTSUR.
Quant à TAfrique se)>tentrionale ,
le grand trait qui la caractérise , l'im-
mense désert , nous indique une divi-
43
sion fort rationnelle en laissant à Test
la longue vallée du K\\ , avec ses dé-
f)endances; au sud les contrées que
es indigènes appellent Takrour et les
Arabes Belêd-et-Soudârt ^ ou pays des
nègres ; au nord les États barbares-
ques, auxquels il s'annexe lui-même
pour former avec eux la grande région
que les Arabes appellent Maghreb£tXlt
dénomination , qui sur nos indications
et nos conseils , a été introduite par
Baibi dans la Géographie vulgaire , a
Î)our les musulmans un sens relatif à |
'ensemble de l'empire islamique : tout
ce qui n'est point compris en celui-ci,
soit parmi les Beydhân ou blancs,
soit parmi les Soudan ou noirs , est
Kafr ou mécréant ( et c'est cette épi-
thète , si souvent lancée contre nous-
mêmes, que l'usage a consacrée ^ex-
clusivement chez nous à dénommer ta
race austro-orientale que nous enten-
dions appeler ainsi par les Arabes de
Sofalah ). Quant au pays des Mosle-
tnyn ou fidèles, il a deux parts, le
Maghreb ou occident , habitation des
Maghrebyn ou Maures, c'est-à-dire
Occidentaux , et le Scharq ou orient ,
comprenant l'Egypte, habité par les
Scharqyyn ou Sarrasins, c'est-à-dire
Orientaux.
Le Maghreb se subdivise géogra-
phiquement , pour les Arabes ( nos
maîtres sans contredit sous le rapport
des connaissances qu'ils possèdent sur
l'Afrique musulmane), en Ssahhrâ ou
désert , en Beléd el-Geryd^ ou région
des dattiers, et en Tell ou hautes ter-
res, dénomination appellative que rem-
place quelquefois celle de Ardh el-Ber-
oer , c'est-à-dire la terre des Berbers
ou la Barbarie. Cette longue zone est
partagée à son tour , sous le rapport
géographique ^ en Afryqyah , répon-
dant à peu près aux régences de Tri-
poli et de Tunis; en Maghreb Aousath
ou occident mitoyen , représenté par
ce que l'on appelle maintenant Algé-
rie ; et en Maghreb Aqssày ou occi-
dent éloigné , qui correspond à l'em-
pire de Marok.
La région du Nil (ou le Nillandy
comme les Allemands ont eu Theureuse
idée de l'appeler), restée à l'est du
Digitized by VjOOQIC
44
L'UNIVERS.
Maghreb , comprend successivement ,
en remontant, l'Egypte, les deux Nu-
bies; puis d'une part l'Abyssinie avec
Adel ou Zeyia' et Hharrar, et de l'au-
tre le pays inconnu ou'arrose le Nil
blanc, et qui paraît haoité en majeure
partie , sur un long espace, par les nè-
gres Schillouks, jusqu'aux hautes val-
lées qu'on appelle Donga ; il y faut
rattacher le Kordoufân , que sa posi-
tion géographique aussi bien que ses
relations politiques lient à la Nubie;
et même le Dâr-Four, qui appartient
peut-être physiquement au bassin du
Nil , et que les Européens n'ont d'ail-
leurs encore abordé que par la voie
de l'Egypte.
Quant à la zone qui s'étend au sud
du Ssahhrâ , depuis l'océan Atlantique
jusqu'au Dâr-Four, l'extrémité occi-
dentale, caractérisée par les deux grands
fleuves du Sénégal et de la Gambie,
en a tiré le nom de^én^^am^t^, qui,
borné d'abord , dans son application,
aux bassins de ces deux rivières, s'est
successivement étendu vers le sud à
mesure que des notions étaient ac-
quises de proche en proche sur les
contrées voisines le long du littoral ,
tandis qu'une grande lacune subsistait
au delà. Pour nous , dépassant encore
les limites qui s'arrêtaient vis-à-vis de
l'île Scherbrou, nous les porterons jus-
qu'au cap des Palmes, où l'Union amé-
ricaine a établi une nouvelle colonie ,
sœur de Libéria, qui prospère au cap
Mesurado, et que tant d'analogies doi-
vent faire comprendre dans une même
division avec la Free-town des Anglais
de Sierra - Leone , inséparable elle-
même de Saint-Mary sur la Gambie,
dont elle est le chef-lieu hiérarchique.
Nous effaçons ainsi de cette côte le
nom de Guinée , que nous avons déjà
laissé en oubli pour la région du Con-
go , où les routines géographiques la
gardaient seules encore , bien que l'u-
sage eût dès longtemps admis à sa
place ce nom de Congo avec une ac-
ception plus large que celle qu'il eut
dans l'origine.
La dénomination de Guinée reste-
rait donc uniquement aux côtes qui
s'étendent sur le golfe , depuis le cap
des Palmes jusqu'au fond de la baie
de Biafra; mais ici encore, où l'usage
le conserve pour le littoral , nous lui
{)référons, pour l'intérieur des terres,
e nom indigène de Otianqàrah , qui
s'étend précisément au nord jusqu'aux
limites du Takrour ; sur la côte il of-
fre dans une contiguïté successive les
trois États d'Aschanty, de Daoumeh
et de Beny.
Enfîn notre distribution géographi-
que du sol africain se trouve coniiplétée
par l'adoption de ce nom de Takrour ^
qui embrasse tous les pays entre la
Sénégambie et le Dâr-Four ; nous le
préférons à celui de BeUd eIrSoudàn
(vulgairement écourté en celui de Sou-
dàrC)y par le motif que cette appella-
tion , qui se rapporte aux peuples
nègres , s'applique avec une médiocre
justesse à une région où domine par
le nombre comme par la puissance la
race Peule qui est rouge , et qui se
compte elle-même parmi les blancs. La
région de Takrour se partage assez na-
turellement en trois grandes sections :
à l'est le Bomou et ses annexes , au
centre le Hhaousâ, à l'ouest ce qu'a-
vec le sultan Mohhammed-b-Ellah
nous appellerons d'un seul mot Mélt/^
redonnant ainsi une application actuelle
à une dénomination employée dès long-
temps par les vo3[ageurs et les géogra-
phes arabes, mais qui demeurait inu-
tile , ainsi que celle de Ouanqârah, faute
d'indices suffisants pour les placer.
IIES APBICAIIfES.
Voilà pour le continent; restent les
îles. Celles que l'Afrique p«ut reven-
diquer dans la Méditerranée sont une
annexe naturelle des Ëtats barbares-
ques ; dans l'océan Atlantique, les Ca-
naries , dont on ne peut séparer Ma-
dère ni les Açores , sont évidemment
un appendice de l'Atlas ; les îles du
cap Vert sont à leur tour un appen-
dice de la Sénégambie : celles du golfe
de Guinée un appendice du Ouanqâ-
rah oriental ; et dans la mer des Indes
Madagascar se rattache à la région de
Mozambique, aussi bien aue Socotora,
prolongement insulaire de la grande
Digitized by VjOOQIC
HlSTOIfeE DE L'AFRIQUE.
ptésquf le des S^^umâl. Mais ces
liaisons respectives ne sont point tel-
lement étroites, qu'il ne convienne
peut-être mieux, ainsi que l'ont pensé
la plupart de nos devanciers, de consi-
dérer comme une seule région dis-
45
tincte toute la zone maritime où sont
disséminées les îleb africaines, sauf à
la subdiviser en archipels au gré des
affinités relatives qui déterminent la
distribution de toutes ces lies en di-
vers groupes séparés.
S m.
PLAN GÉNÉRAL DE L'OUVBAGE.
Nous venons de montrer sous ses
divers aspects ce grand tout qui a nom
Afrique : nous avons dit ses caractères
extérieurs et sa constitution intime,
et sa parure d'êtres animés; puis con-
sidérant l'homme à qui la possession
en est dévolue , nous avons recherché
sa race, étudié son langage, ses mœurs,
ses habitudes sociales , scruté ses ori-
gines, parcouru ses annales; et du
sujet lui-même passant à ses rapports
avec notre propre étude, nous nous
sommes demandé compte des explora-
tions qui nous l'ont révélé , et de la
corrélation qu'il est nécessaire d'éta-
blir entre les notions acquises et le
théâtre sur lequel elles sont recueil-
lies. Tel est le cycle oue nous avons
es^yé de former des iragments épars
que nul encore n'avait réunis ; quelque
mince que soit leur valeur isolée , elle
se grossit en raison de la place qu'ils
occupent dans le tableau a'ensemble.
Cette méthode, descriptive et nar-
rative tour à tour, que nous venons
d'appliquer à l'Afrique entière , nous
avons a l'emploj^er maintenant pour
chacune des parties de ce ^and tout ;
mais les éléments tantôt historiques ,
tantôt géographiques dont nous pou-
vons disposer , ont l'étendue et l'im-
portance la plus diverse. De vastes
régions explorées par de nombreux
voyageurs nous présentent un sol, des
productions , des habitants , à ta des-
cription desquels sont consacrés, dans
nos bibliothèques, une multitude de
volumes , mais elles ne peuvent nous
ofihrir une seule ligne d'histoire ; d'au-
tres points au contraire, stériles pour
la g&graphie, nous fournissent de co-
pieuses annales ; et, d'un autre côté ,
tandis que certaines régions se recom-
mandent à la fois par les traits de
leur physionomie locale et par les sou-
venirs de leur passé , il en est dont le
rôle est pour nous sans intérêt, dans
le temps aussi bien que dans l'espace.
De là une variété nécessaire dans la
forme sous laquelle se déroule le ta-
bleau successif de ces régions diver-
ses , et dans l'étendue des pages que
nous devons leur consacrer.
Nous avons à nous préoccuper aussi
de l'ordre dans lequel il convient de
les ranger, pour obéir à la double
condition de leurs affinités mutuelles
et de la séparation inévitable des vo-
lumes où elles ont leur place. Emprun-
tant ici le commode artifice des clas-
sifications dichotomiques, nous avons
d'abord considéré 1 Afrique comme
offrant à notre étude, d'une part un
continent, de l'autre des iles ; et nous
avon^ accordé un volume à ces der-
nières. Puis, dans le continent afri-
cain, une distinction nous a paru facile
autant que naturelle entre les contrées
où commande la race blanche et celles
où dominent les populations nègres ;
et nous avons réservé un volume à la
Nigritie. Il nous restait à partager
cette autre portion , féconde pour la
géographie et pour l'histoire, où se
trouvaient concentrées toutes les con-
naissances que l'antiquité a eues de
l'Afrique, et l'antiquité elle-même nous
a ici indiqué ce partage. Si les moder-
nes, en effet, comprennent l'Egypte
dans le continent d'Afrique, il n^en
fut pas de même des anciens, non plus
que des Ara^s : pour les uns et pour
les autres l'Egypte appartenait à l'O-
rient, l'Afrique à l'Occident; nous
Digitized by VjOOQIC
t'UNIVERS.
avont fait comme eux , en consacrant
une divfiion spéciale à TÉgypte, et à
l'Ethiopie qui occupe avec elle le bas-
sin du Nil ; et cette division a exigé
deux volumes, Tun rempli tout entier
des faits de TÉgypte antique ^ l'autre
réunissant à la fois l'Egypte moderne
et les contrées ultérieures du haut Nil.
Enfin, il nous reste à aborder TAfrî-
que des anciens, Maghreb des Arabesi
Régences barbaresques des modernes,
et nous lui consacrons aussi deux volu-
mes , un pour les temps anciens, l'au-
tre pour rétat moderne.
Ainsi, la Barbarie, rÉgypte, îa
Nigritiç, les Iles , tel est Tordre géné-
ral de cette Histoire et Description
de TAfrique , en tête de laquelle avait
sa place naturelle le tableau d'ensem-
ble que nous achevons d'esquisser.
AFBIQUfi ANClJSNICB.
Après un coup d*œil général sur la
région que les anciens connaissaient
sous le nom d'Afrique, et que nous ap-
pelons vulgairement aujourd'hui Bar-
barie , vient l'histoire de la Cvrénaï-
que qui en occupe les parties les plus
orientales : colonie grecque sur le sol
libyen, tour à tour royaume des Bat-
tîades, république turbulente, con-
quête des Ptoiémées d'Egypte , et
enfin province obscure dans l'empire
de Rome et dans cehii de Consenti -
nople, en même temps que dans l'église
chrétienne d'Alexandrie. A la suite des
fastes de Çyrêne viennent se placer les
annales de Carthage , depuis sa nais-
sance jusau'à la conquête des Ro-
mains : récit dramatique de la luttç
acharnée où succomba l'opulente ri-
vale de Rome. Puis nous nous occu-
pons de la Numidie et des Maurita-
nies , dont l'antique histoire acquiert
un intérêt nouveau par suite de notre
possession actuelle de l'Algérie. Le ta-
bleau, de la domination des Romains
en Afrique , du développement et des
vicissitudes du christianisme en ces
eontrées, le récit de la conquête et de
)a souveraineté passagère des Vanda-
les, enfin la restauration byzantine,
•dinplètent cette section de l'ouvrage
en nous conduisant jusqu'à llnyasion
des Arabes.
BTATS BÀRBABBSQUBS.
La conquête musulmane imprime
un nouvel aspect à l'Afrique, et ouvre
ainsi l'histoirt moderne de cette grande
région, qui ne tarde pas à être mor-
celée en plusieurs Etats, sous diverses
drnasties, dont il fkut tour à tour ex-
plorer les annales : à côté des Aghla-
bytes de Qayrouân rèenent les Ros-
tamytes de Teyhert , Tes Médrarytes
de Sagelmésâh , les Édrysytes de Fés,
les Barghouâtbes de Temsnâ, et d'au«
très dynasties encore à Sebtbah , à
Nokour, au désert ; puis surgissent les
Fahémytes, sur les ruines de plu-
sieurs de ces principautés ; mais ils
sont bientôt remplaces eux-mêmes par
les Zeyrytes d'Asehyr et les Hbam-
madytês de Bougie, les Abdelouâdyteft
de Telemsên , et à cdté , les Beny-
'Athyah, les Tafrounytes et les Béoy-
Aby-el-A'âfyab, qui se disputent Fés ;
puis s'âèvent les Almoravides , qui
engloutissent la plupart de oes dynas*
ties, et sont engloutis à leur tour,
avec les Zeyrytes et les Hbammady-
tes, dans la domination des Almohba*
des, dont le grand empire ne dure
guère plus d'un siècle : les H^ssytes
deviennent les maîtres de Tunis et de
toute la contrée qui s'étend depuis
rÉgypte jusqu'aux portes d'Alger; les
Zyanytes restaurent le royaume de
Xelemsén , et dans l'ouest, les Méry*
nytes succèdent aux Almobhades, lee
Bény-Ouathâs aux Mérynytes; puis
aux Bény-Ouathâs des sdi^yfs Da->
ra'ouytes, remplacés euû» par les
sohéryfs Fillêlytes aux mains des^
quels est encore aujourd'hui le soe{>^
tre 4e Marok. Dai^ l'est, Tripoli, Tu^
nis, Alger, eonquis par les Turks , ne
sont plus que des pasebâliks de l'em*
pire oUioman; et en 1S90, Alger, ai^
raché aux pirata , devient uae pro^
vince française.
BeYPTB AMCIBlfflIB.
De la région barbaresque nous pas-
sons en Egypte, dont le sol est jon-
Digitized by VjOOQIC
fflSTOlRE DE L* AFRIQUE.
cbé dMnoombrables décris des temps
antiques; témoins, longtemps muets
pour nous , d'une longue succession
de siècles, ils nous en redisent aujour-
d'hui lliistoire, depuis que le génie de
Cbampolliod a su faire parler les mil-
liers de légendes hiéroglyphiques dont
leurs faces sont couvertes. A la vue
de ces vénérables monuments, l'esprit
s'enfonce dans la profondeur des âges
pour étudier cette primitive Egypte,
dont il veut connaître l'ancien état
physique et les anciens habitants , la
constitution politique, l'organisation
civile , les mœurs , les usages , les
croyances , et les curieuses écritures,
tracées , peintes , sculptées partout à
profusion, l^uis il interroge ses. im-
mémoriales annales, où se succèdent,
après les dieux et les héros , trente-
trois dynasties de rois et d'empereurs,
depuis l'indigène Menés jusqu'au by-
zantin Héraclius, détrôné par la coU'*
quête des Arabes.
SGYPTB MODEBNB ; BXHIOPIB*
Là commence Fhistoîre moderne de
l'Egypte , d'abord simple province du
grand empire des khaiyfes, puis éman-
cipée sous les Thoulounydes, reprise,
et perdue encore par la révolte des
Ekhscbidytes , puis conquise sur ces
derniers par les Fathémytes, qui se la
virent enlever à leur tour par les
Ayoubytes ; ceux-ci furent dépouillés
eux-mêmes par les mamiouks bahha-
rytes , auxquels succédèrent les mam-
iouks circassiens, remplacés enfin
par les Turks othomans. La France
alla inoculer à ces derniers posses-
seurs de la vieille Égynte le germe
d'une civilisation nouvelle , et il s'est
trouvé un homme , dont la main vi-
goureuse et la volonté irrésistible,
étouffant l'anarchie et façonnant les
populations orientales à Tordre des
sociétés européennes , a tenté de re-
constituer une monarchie égyptienne.
Ses armes ont pénétré jusqu'aux plus
hautes riions du Nil , et rattaché
ainsi à l'histoire de rÉgvpte moderne
eelle de l'antique Ethiopie. Là se pla-
eeot donc naturellement le peu de
4t
souvenirs qui nous restent des vieilles
annales de la Nubie où fut Napata ,
du Sennâr où ftit Méroé , de l'Abys-
sinie où fut Axum , en même temps
que l'esquisse des révolutions qui «y
sont accomplies jusqu*à nos jours.
KIOBITIB*
Nous entrons alors dans la Nigri*
tie. Là, ce n'est plus dans la descrip-
tion des monuments, dans l'étude
d'une civilisation immémoriale , dans
les récits d'une lotte acharnée dont
l'empire du monde est le prix, ou
dans les chevaleresques exploits des
apôtres d'une religion enthousiaste,
que se trouve l'intérêt de notre tra*
vail. Ce sont les mœurs, les coutumes,
l'aspect , le langage , les costumes va-
riés, les croyances et les superstitions
singulières, qui doivent former les di-
verses parties d'un tableau animé et
véritablement pittoresque, où des
hommes noirs, bruns, lianes , olivâ-
tres, gris, jaunes, au corps tailladé de
mille insignes distinctifs, doivent se
distribuer par groupes différemment
caractérisés , depuis le Peul jusqu'au
Hottentot , depuis le Yolof jusqu'au
Sçoumâly. Entre le bassin du Nil et
rôcéan s'étend , d'est en ouest , l'im-
mense zone du Takrour, où se succè-
dent, après le Kordoufôn et le Dâr-
Four, les grands empires, disons plu-
tôt régions, de Bornou, de Hhaousâ,
de Mêly, terminés à l'occident par la
Sénégambie, et touchant au sud le
Ouanqârah, signalé par l'embouchure
du Niger, et dont les rivages , connus
sous le nom de côte de Guinée, nous
offrent les grands états d'Aschanty,
de Daoumen et de Bénin. Plus loin,
c'est le Congo, lié par de curieux rap-
ports de langage avec les peuples Be-
tchouanas, trères eux-mêmes des Ka-
fres de la côte orientale, que tentent
aujourd'hui de refouler les Anglais,
possesseurs de la riche colonie du Cap,
où les races hottentotes ont à peine
laissé quelques restes. Les autres par-
ties de l'Afrique ne s'étaient montrées
à nous que du point de vue européen ;
celle-ci veut être envisagée du pomtde
vue africain.
i
Digitized by
Google
L*UNIVERS.
1I.BS DE L'àFBIQUB.
Enfin f nous arriyons aux tles qui
nagent dans la Méditerranée et les
deux Océans, et qui sont rattachées au
continent africain par la position géo-
graphioue, Fhistoire, ou le langage.
Celles de la Méditerranée méritent un
développement particulier. Les unes
ont été les escales des premières na-
vigations dont se soit occupée Tanti*
quité classique ; nous les parcourons
en suivant pieusement la trace de ces
vieux nautoniers, dont les routes
nous sont tracées dans les périples
erecs; nous arrivons ainsi aux trop
fameuses Syrtes, où les anciennes tles
des Lotophages sont devenues plus-
tard , sous les noms de Gerbeh et de
Qerqeneh, le théâtre des expéditions
chrétiennes du moyen âge, et le siège
d'une seigneurie féodale ; puis s*of-
ft'ent à notre étude les tles que les
Grecs appelaient Pélagiennes , et au
sein desquelles Arioste et Shakspeare
sont venus placer la scène de leurs
fantastiques créations ; Malte , enfin ,
s'empare de notre attention , en nous
racontant les hauts faits de cette mi-
lice, immortelle dans l'histoire, née à
Jérusalem, et qui, après avoir illustré
Rhodes, vint aussi jeter sur Malte l'é-
clat de sa gloire, avant de s'y éteindre.
Ensuite arrive le tour de cet Océan
qui semble conserver «dans sa dénomi-
nation noéme , un souvenir de l'anti-
gue Atlantide» vérité perdue ou Action
mçénieuse , qui relie entre eux les ar-
chipels des Acores , de Madère , des
. Canaries, et du cap Vert , après les-
quels apparatt le rocher isolé de l'As-
cension, et cet autre rocher de Sainte-
Hélène, stigmatisé à tout jamais par
l'exil du grand homme que la France
avait opposé au monde entier , et sur
lequel l'Europe voulut se venger de la
lon^e humiliation qu'il lui avait fait
subir. Nous passons enfin à Focéan In-
dien, et là nous avons deux parts à faire
des Île3 que nous connaissons; d'a-
bord, le groupe où domine Madagas-
car, cette tle immense dont les popu-
lations diverses gravitent autour d un
noyau malai aux mains duquel est le
sceptre, et qui oppose une valeur sau-
vage, ou une politique rusée, aux ten-
tatives d'établissement des Français
de Bourbon , aussi bien que des An-
glais de Maurice , mattres aussi de
Rodrigue et des Séchelles ; puis les
tles de l'ancienne mer Erythrée, célè-
bres surtout dans l'antiquité, et nous
offrant la fameuse Panchaia d'Evhé-
mère, pleine de merveilles et d'incer-
titudes comme l'Atlantide , et cette tle
de Dioscoride, qui, sous le nom mo-
derne de Socotora , devenue posses-
sion anglaise, sert, aux paquebots de
la Grande-Bretagne, de point de ravi-
taillement sur la route nouvelle de
llnde.
FIN DE L ESQOISSB. GSNEBÀLB.
Digitized by
Google
L'UNIVERS.
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES.
AFRIQUE.
TABLEAU GENERAL.
AFRIQUE ANCIENNE.
Digitized by
Google
PARIS.
TYPOGRAPHIE DE FIRR^IN DmOT FRÈRES
IMP&IMEirAS OE li'lHSTITUT ,
rue Jacob . 56.
Digitized by
Google
AFRIQUE.
TABLEAU GÉNÉRAL,
PAR M. D'AVE ZAC,
DBS SOCI^Tis OBOOmArBIQVBS SB rABIS , X.OKPBBS BT BBANCBOBT ,
SB LA sociiri abbicaibb db u>bdbbs,
TICB-Fb£8IBBVT SB X.A iOClivi BTBBOLOOiqirB SB PABIS, BTC.
AFRIQUE ANCIENNE
(GTRÉNAIQUE; GARTHA6E, NUMIDIE, MAURITANIE),
PAR MM.
BUREAU DE LA MALLE,
MXMBBB 9B l'aCAsIxI^ SBS IBSCBirTIOHS BT BXliXJU-IiBrTBBS ,
YANOSKI,
raovBMXOB svTn.iA-Kr au coi.x.bob »b bbahcb ,
AttBBof SB X.'vVITBB8ItI , BTC.
PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,
IHPRIMEURS-LIBRAIEES DK L^INSTITUT,
RUE JACOB, 56.
MDGGG XLII.
Digitized by
Google
Digitized by
Google
MSSÎf OHmiS WS BSSSŒIBEIPMOH ©IB lLï*MflS,l(^Wlo
AFRIQUE ANCIENNE.
INTRODUCTION.
Du vaste continent que nous appe-
lons aujourd'hui du nom commun d^A-
IVique, les anciens ne cennaissaieat
qu'une faible partie : les expéditions
hardies d'un peuple navigateur avaient
bien pu le contourner au sud ; mais il
n'en était résulté aucun agrandissement
du cercle dans lequel demeuraient ren-
fermées les notions en circulation par-
mi les Grecs et les Romains , dont les
traditions constituent pour nous l'an-
tiquité classique.
SITUATION ET GRANDEUR DE L' AFRI-
QUE DANS LE MONDE CONNU DES
ANCIENS.
Quelle place était attribuée à l'Afri-
que , ou plutôt à la Libye , ainsi que
la dénommaient les Grecs, dans le
monde géographique des anciens ? Ce
n'est point d'un mot qu'on peut répon-
dre à une question posée en des termes
aussi larges ; car ce monde antique ,
au sein duquel nous voulons chercher
le site et les proportions de la Libye,
ce monde fut variable au gré des siè-
cles et des systèmes plus ou moins
empiriques ou scientiGques des poètes
et des historiens , des géographes et
des philosophes. Il faut donc parcou-
rir toute la série des monuments de
la géographie ancienne, pour détermi-
ner d'âge en âge les conditions et la
solution, tout a la fois, du problème
que nous venons d'énoncer.
• Entreprendrons-nous ici une pareille
tâche ; et cédant à l'attrait de cette cu-
rieuse étude, féconde en laborieuses
recherches, en investigations pénibles,
en discussions approfondies, allons-
nous conduire le lecteur au milieu de .
ce dédale d'assertions et d'hypothèses,
de conjectures et d!incertitudes, à tra-
vers lesquelles serpente, indécis et ari-
de , l'étroit sentier par où la critique
introduit ses adeptes dans le sanc-
tuaire de la vérité? Non : sachonà nous
garder de cette faiblesse inopportune ;
amant passionné de la déesse qui cache .
au fond d'un puits sa nudité pudique,
jetons un voile discret sur les luttes
' persévérantes au prix desquelles s'a-
chètent ses faveurs, sachons garder
pour nous le secret de ses charmes, et
ne livrons à des regards profanes que
ces contours vulgaires qu'il leur est
donné de contempler.
La synthèse, résumant pour les uns
les multiples souvenirs d'une savante
étude, esquissant pour les autres les ^
traits saillants d'un sujet encore ina-
bordé, nous vient en aide ici pour ré-
duire^ ses phases principales la grande
question que nous nous sommes posée.
Tous les monuments de la géogra-
phie ancienne se peuvent, en efiet, dis-
tribuer en cinq catégories successives,
auxquelles s'attachent autant de noms
célèbres pour les caractériser. D'abord
apparaissent les poètes, au milieu des-
quels brille Homère; puis se montrent
les historiens , avec Hérodote à leur
tête : c'est ensuite le tour des géogra-
phes descriptifs, entre lesquels nul n'é-
gale Strabon; après eux viennent les
géographes mathématiciens, tous ran«
4* Livraison, (Afrique ancienne.)
Digitized by VjOOQIC
50
L'UNIVERS.
gés autour de Ptolémée ; enfin , la dé-
cadence romaine nous présente les
itinéraires , notices, dictionnaires, et
cosmographies, fastidieuses mais uti-
les compilations , dont les plus impor-
tantes ont eu pour rédacteur Éthîcus :
c'est encore de la géographie ancienne,
mais c'est déjà le moyen âge de la
géographie.
GONTBÉES LIBYENNES COMPRISES
DANS LE DISQUE TEBHESTHE D'HO-
MÈBE.
Le Planisphère homérique , dont le
fleuve Océan déterminai le circulaire
» contour, représentait la terre comme
un disque , au centre duquel s'élevait
rOlympe , et que traversait , du cou-
chant a l'aurore , une zone tracée par
la mer Intérieure depuis les sources de
l'Océan jusqu'au Phase. L'orhe terres-
tre se trouvait ainsi coupé en deux seg-
ments, pour lesquels le divin rhapsode
n'avait point encore de noms propres
généraux. En vain Strabon, panégy-
riste, maladroit cette fois, de la science
géographique d'Homère, affirme-t-il
que chez le poète l'hémicycle septen-
trional est le côté des ténèbres, l'autre
celui du soleil et du jour. Cette appli-
cation est plus ingénieuse que vraie ,
et c'est fohe de croire que ICchantre
d'Ulysse ait renversé l'ordre de la na-
ture , qui a mis au levant l'aurore et
la source éternelle du jour , au cou-
chant les ténèbres et la nuit (*). Le
{*) ITpèc ^é(pov — (57cep ioù irpôç âpxTov)
— al 6s T* fiveuôe i:^; tû f ' ^éXiôv te.
(ôXov lô voTiov TtXevpov oiktù Xéywv).
Straboit , I , sur Hom., Odjrs, ix, a5.
n nous suffit d'opposer à cette explication
celle qui ressort de cet autre passage d'Ho-
mère (odyssée, x, 191).
''Û 91X01, ouYÔp t' tSjiev 6ini Kô^^i oùB* &nr\ -Jiwç,
OOÔ' ÔTOi ^eXioç çaefftfJLêpoTo; iXa* (wcè yoiaN,
OÔÔ* ÔTTYi avveTxai.
Nous ne doutons pas que la véritable
traduction ne soit celle-ci : «« G mes afnis ,
« nous ne savons plus où sont ni l'obscu-
«c rilé {l*occident\ ni Taurore (l'orîent\ ni le
te côté où le soleil lumineux fait sa route au-
« dessous de la terre {le nord), ni le point où
«il culmine au-dessus d'tlle (/e midi), »
nord et le sud sont certainement dési-
gnés par Homère comme le cèté de
Borée ou de l'Aquilon et le côté de
Notos ou de l'Autan. Plus tard on ap-
pliqua aux deux segments les noms
d^urope et d'Asie ; mais le poète ne
connut ces deux noms que dans une
acception beaucoup plus restreinte ,
înscrivam celui ,d'*;Hrope ^entre le Pé-
loponèse et (es iles (*),et celui d'Asie
à l'embouchure du Kaystre{**), tout
près d'Éphèse.
Dans rhémicycle septentrional s'é-
tendaient jusgu au limbe océanique, au
delà des Mysiens de la Thrace et des
peuples hippomolges, les Gimmériens,
dans lesquels l'ethnologie mçderoc est
tentée de retrouver les ancêtres de cette
puissante race celtique dont les restes
portent encore le nom de Cymris.
Dans rhémicycle austral, sur les
bords de la mer Intérieure, après la
Colchide, laTroade, lesCariens, les
Lyciens , les Solymes , les terres qui
^'arrondissent autour de €hypre , la
Phénicie et les Érembes, s'étend l'E-
gypte , et enfin la Libye ; et au delà ,
sur le limbe que baigne l'Océan , les
Ethiopiens éloignés , divisés en deux
parts, l'une d'Orient et Fautre d'Occi-
dent. Ainsi dans la mappemonde d'Ho-
mère , le disque terrestre , partagé en
deux moitiés inégales dont la plus
grande était consacrée tout entière à
l'Europe, n'offrait plus qq'u» segment
amoindri pour l'Asie et l'Afrique en-
semble ; et quant à cette dernière en
particulier , qui s'y trouvait reléguée
au fond du couchant , il nous reste à
examiner dans quelles proportions eUe
s'y trouvait comprise.
Ménélas, qui passa huit années à er-
rer sur des plages étrangères avant de
Nous n'avons pas besoin 4e nous étendre
ici davantage sur cette question.
(*) 'Hjièv ÔffOi IleXowéwfiffov nteipov ty^fx^
<nv.
'H<B' ôffoi EOpcoTCYiv Te xal àji-^iptiTaç
XaTtt VTQffpVÇ.
Homère, Hymne à Apollon, a5o.
{**) 'Aoïc}) èv Xei{JLwvt , KaO<rrp{ou dcpiçl
^éeÔpa.
HoMCRE, llictde, XI, 46 x.
Digitized by
Google
AFRIQUE ANCIENNE.
rentrer à Sparte , visita ainsi tour à
\ tour Chypre et la Phénicie , les Ê^p-
tiens et les Éthiopiens, les Sidoniens
et lés Érembes , et la Libye où Içs
agneaux ont des cornes dès leur nais-
sance , où les brebis mettent bas trois
fois l'an , offrant aux maîtres comme
aux bergers d'abondantes provisions
de fromage, de chair, et de lait frais ,
puisqu'on peut les trgàre toute Tan-
née. Sur quel point de la Libye aborda
l'époux d Hélène? La tradition géo-
graphi<)ue semble nous le révéler, en
conservant , jusqu'au temps de Ptolé-
Qiée, le nom ae Ménélas à Tun des ports
de la Marmarique. Ménélas , au sur-
plus , ne doit point mourir dans la
Gr^ : à la fin de ses jours, les dieux
le transporteront au champ Élysien ,
à l'extrémité de la terre , séjour déli-
cieux à l'abri des neiges, du long hiver
et de la pluie, doucement rafraiâii par
le SQuiHe du zéphyre, t)u vent d'ouest,
émané de l'Océan. Malheureusement
le poète ne nous dit point à quelle
distance du phare d'Egypte, où Mené-
1 las apprit son destin, gisait cette terre
fortunée.
Les pérégrinations d'Ulysse nous
instruiront sans doute davantage, car
iJ se rendit lui-même aux limites du
profond Océan. Suivons rapidement le
sillage de son navire, depuis qu'au dé-
part de Troie, repoussé -par les Gicones
de la ïhrace, il fut emporté par Borée
jusqu'auprès de Cytlïère , ^ poussé
ensuite en dix jours chez les Lotopha-
ge8 de la Libye ; de là nous le voyons
aborder chez les Cyclopes, en face des-
Suels e»t nie boisée d'Éguse ; échappé
es mains de Polyphéme , il arrive à
rtle d'Éole, d'où le zéphyre le ramène
eu dix jours jusqu'en vue d'Ithaque ,
nais où il est rejeté par le déchaîne-
ment des vents contraires. Alors il ga-
I foe en sept journées la c4te des Lestry-
ns , sujets du roi Lamos , échappe
^rand^peine à leur dent cruelle , et
gagne Eea, ille de l'enchanteresse
Cmé- De là un jour lui suffit pour se
rendre aux bords de l'Océan , et , re-
venu chez Circé , un jour encore le
conduit, en doublant les îles des Syrè-.
I Des, au détroit où l'attendent le goinfre
i
51
de Charybde.et le rocher de Scylla; il
y fait naufragé, et, ballotté sur les
débris de son navire, il arrive au bout
de dix jours à Ogygie, l'île de Calypso
fille d'Atlas. Il eh repart enfin sur
un radeau , et après dix-huit jours il
gagne l'île Skhéria , terre des Phéaciens,
qui le ramènent à sa chère Ithaque.
L'antiquité, religieuse admiratrice
des chants du sublime poëte, devait se
complaire à reconnaître et à signaler
tous les lieux qu'il avait décrits : aussi
les noms homériques sont-ils restés
traditionnellement attachés aux points
qui semblaient répondre à ses indica-
tions , et nous les trouvons consignés
dans les géographes aussi bien que dans
les schoïiastes. La moderne Gerbeh
est chez eux appelée l'île des Lotopha-
ges ; Favignana , à la poirite occiden-
tale de la Sicile , représente Éguse ,
voisine du pays des Cyclopes. Quant à
l'île flottante d'Éole, c'est, d'après les
explications de Pline , la moderne
Slromboli. Les Lestrygons d'Homère
sont généralement placés sur la côte
d'Italie , au fond du golfe de Gaëte ,
où, suivant le dire. d'Horace (*), La-
mos avait régné sur Formies. Le nom
de Circé est resté jusqu'à nos jours
attaché à un promontoire, qu'on sup-
pose avoir autrefois été détaché du ri-
vage, et qui passe pour avoir été le
séjour de la fameuse magicienne. C'est
de là que passant devant les îles Syré-
nuses uidiquées en face de Pestum, et
traversant lé détroit deMessine, Ulysse
fut poussé dans l'île Ogygie , gui se
retrouve dans le groupé maltais , et
gagna ensuite Skhéria, la moderne
Corfou , d'où il revint enfin à Ithaque.
Dans cette navigation errante, Ulysse .
n'a touché aux terres Libyennes qu'en
n
« MM» retasto nobtlis ab Lamo
« Qui Formiarum inotnia dicitur
« Princeps, et innantein Marie»
te Littoribus tenuisse Lirim,
« Latè tyrannus.
HORACB, OdfS, UI, XII.
Malte-Brun conduit Ulysse chez les Les-
trygons de la Sicile, mais il oublie que ce
peuple était cantonné sur la côte orientale,
et il le transporte de son autorité privée
sur la côie septentrionale.
4,
Digitized by VjOOQIC
52
L'UNIVERS.
deux points insulaires, l*un Iiabité par
tout un peuple de Lotophages, l'autre
Sar la solitaire fille d'Atlas ; et cette
ouble indication ne peut guère nous
suffire pour estimer l'étendue de la
Libye homérique du. côté de l'occi-
dent. Mais nous avons vu le fils de
Laërte, parti de l'île de Circé, parve-
nir en un jour jusqu'aux bords de TO-
céan , de même qu^en un jour, de l'île
de Circé il revient au détroit de Sicile.
Cette deuxième journée nous donne la
mesure de la première, et nous désigne
l'entrée de l'Océan fantastiquement
ouverte sous le méridien de l'île d'Elbe
et de Carthaee. Tel était donc le terme
de la Libye aHomère. Et Ton n'était
pas plus avancé dans les siècles sui-
vants, jusqu'à ce que le samien Coléos
eût été poussé par la tempête au delà
du détroit d'Hercule ,' 639 ans avant
notre ère.
Si le rapprochement des portes de
l'Océan raccourcissait à ce point la
Libye du côté de l'ouest, elle se trou-
vait bien plus rétrécie encore entre les
contours méridionaux de l'immense
fleuve circulaire et la rentrée des Syr-
tes. On en peut juger en recueillant ,
dans les Pythiques de Pindare , la tra-
dition primitive du voyage de» Argo-
nautes , qui , du Pont-Axène passant
par le Phase dans l'Océan oriental, et
naviguant au sud de la Libye, trans-
porterept ensuite leur navire à travers
les terres, jusqu'au lac Tritonide, ac-
complissant en douze journées ce mer-
veilleux trajet de tout le continent
africain (*).
Mais quand Hécatée de Milet, qui
écrivit le premier traité de géographie,
' comme son compatriote Anaximandre
avait tracé la première mappemonde,
eut désigné le Nil comme un bras de
l'Océan, les Argonautes virent s'ouvrir
Dour eux une voie plus aisée de retour
à la grande mer Intérieure, et le con-
tinent austral se trouva naturellement
(*) AcoSexa 8è ^potepov
*Aiiipo^ èJi 'ûxeovoù (pépopiev
'*EvâXtov 86pv.
PnrfrARc, PfthiqueSf IV, Str. a.
partagé en deux sections, en sorte qqe
la Libye , bien que considérée encore
comme une dépendance de l'Asie, eut
dès lors à l'orient une limite déter-
minée.
la libye bans le planisphere
d'hékodote.
Au temps d'Hérodote, les conditions
du problème avaient changé : le disque
terrestre s'était étendu , le cercle de
l'Océan agrandi ; il semble même que
le centre du monde se fût déplacé , et
aue du Parnasse, qui avait succédé à
rOlympe , il eût été transporté vers le
sud-est , à Rhodes peut-être. *
L'Europe, en effet, séparée de l'Asie
par le Phase, l'Araxe, et la mer Cas-
{ûenne, était bien aussi longue que
'Asie et la Libye , en face desquelles
elle étendait ses rivages ; mais elle ne
leur était point Comparable en largeur,
quoique, a vrai dire, personne ne l'eût
encore explorée au nord et à l'est, et
ne pût certifier en conséquence qu'elle
fût de toutes parts entourée par l'O*
céan, comme on le savait pour la Libye
et l'Asie, autour desquelles Nékos et
Darius avaient fait naviguer leurs flot-
tes , le premier du golfe Arabique aux
Colonnes d'Hercule, sous la couduite
des mariniers de Tyr , l'autre depuis
Caspatyros sur l'Indus jusqu'au golfe
Arabique , sous les ordres de Scylax
de Caryande : ce qui avait permis de
juger gue ces deux grandes portions
de- l'hémicycle austral étaient mutuel-
lement de grandeur égale.
Mais ce n'est point au Nil que Til-
lustre historien veut placer leur limite
naturelle : c'est au çolfe Arabique, sé-
paréde la mer Intérieure par un isthme
si étroit! Au surplus, il trouve risible
qu'on ait voulu couper ainsi en trois
parts l'orbe terrestre, et qu'on ait
choisi précisément le Nil pour feire
cette coupure, puisque sa bifurcation
sépare de l'Asie et de la Libye, tout à la
fois , le Delta égyptien, qui constitue-
rait ainsi lui-même une quatrième (*)
(*) Les Égyptiens l'entendaient bien ainsi
dans leur division ethnologique du monde.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIEJNNE.
partie du monde!... Ces moqueuses
sorties du grave liistorien nous .prou-
vent que ses propres idées ;• malgré
Jeur justesse, n'étaient point celles qui
avaient cours parmi ses contempo-
rains , et que FÉgypte restait séparée
de la Libye.
Les connaissances constatées par
Hérodote sur la Libye au delà de
PÉgypte suivent trois lignes principa-
les vers Toccident : Tune s'avance le
long des côtes de la Méditerranée, at-
teint le détroit des Colonnes , et le
franchit pour se continuer jusqu'à un
peuple avec lequel les Carthaginois
échangeaient leurs marchandises con-
tre de Tor; l'autre, partant deThèbes
d'Egypte, se poursuit d'oase en oase,
à travers le désert, jusqu'à l'Océan; la
troisième, inclinant plus au sud, sil-
lonne tour à tour des pays habités, des
solitudes infestées de bètes sauvages,
des déserts sablonneux, et aboutit en-
fin aux bords d'un fleuve intérieur
coulant d'ouest en est, habités par
des hommes noirs , ce qui a fait con-
jecturer que cette indication s'applique
au grand fleuve Kouârâ ou Niger, qui
passe à Ten-Boktoue.
S'il en est ainsi , Hérodote aurait
recueilli dans ces informations , qui
n'étaient, au surplus, que le simple
récit il'une expédition isolée, des ren-
seignements qui s'étendaient , dans la
Libye, intérieure, bien plus loin que
les Grecs ni les Romains dés siècles
ultérieurs ne poussèrent leurs connais-
sances géographiques. Il ne faut point
oublier, d'ailleurs, que, dans les idées
oue le père de l'histoire se formait de
lerbe terrestre, la Libye et l'Asie se
balançaient symétriquement de part et
d'autre du golfe Arabique, et que même
l'Arabie était, au midi, la dernière des
terres habitées (*).
où ils se donnaient comme de raison la
premièrç place , sons le nom de Borne ou
Hommes ; puis venaient successivement les
Nahasi on Africains , les Namou ou Asia-
tiques , et les Tamhou ou Européens.
(*) Upôç 5* aï |i€<TflHi6p(ri<; l<r/é.vi\ 'Apot^tv)
^ Tûv olx&ofiivtdv x<^pi<*>v isxi.
Hkrodotb , Thalie, 107.
63
Bien que les conquêtes de la science
ne soient point i irrévocablement assu*
rées contre des retours d'ignorance
et de barbarie, il faut néanmoins se
garder de croire, sur la foi de quel-
ques exagérations modernes, que l'é-
cole aristotélique, venue plus d'un
siècle après Hérodote, eût rétrogradé
jusqu'au monde d'Homère; que l'au-
teur d'un livre publié sous le nom du
Stagyrite lui-même ait voulu repré-
senter I9 Méditerranée comme for-
mant le golfe Syrtique immédiatement
après le détroit des CoionncF ; qu'un
autre disciple d'Aristote, Héraclide
de Pont, ait parlé de Rome comme
d'une ville voisine de l'Océan. Ce sont
là de pures équivoques : Héraclide, en
effet, avait consigné dans un de ses
écrits la vague nouvelle de la prise de
Rome par les Gaulois, et- il la dési-
gnait comme une ville assise sur les
bords de la Grande mer; et la
Grande mer ne fut jamais, dans l'an-
tiquité classique, le nom de l'Océan,
mais bien celui de la Méditerranée.
Et quant au livre aristotélique Du
Monde, on n'y trouve que cette ex-
plication pleine de justesse : « L'O-
« céan, répandu autour du monde que
« nous habitons, se frayant une route
« à travers le détroit appelé les Co-
« lonn^s d'Hercule, forme une iner
« intérieure, s'agrandtssant de proche
« en proche et s'enfonçant dans des
« goltes considérables, se rétrécissant
« et s'élargissant tour à tour. Et d'a-
« bord, en effet. Ton dit que sur la droite
« des navigateurs venant des Colonnes
« d'Hercule^ elle s'avance dans les
« terres et produit les deux Syrtes;
« tandis qu'à Tonposite elle forme les
« trois mers Sarcle, Gauloise et Adria-
« tique, immédiatement suivies de kr
« mer de Sicile, après laquelle vient
« la mer de Crète, ayant elle-même
« d'un côté celles d'Egypte, de Syrie
« et de Pamphylie, de l'autre la mer
« Egée et celle de Myrtos. »
• Il n'y a là, certes, rien qui ne soit
d'une parfaite exactitude ; mais notre
vaniteuse légèreté est prompte à taxer
d'ignorance et d'erreur ce qu'elle ne
s'est pas donné la peine de compren-
L
Digitized by VjOOQIC
54 L'UNIVERS.
dre : et c'est ainsi qu'une critique plis; la sphéricité de la terre, ensei-
superficielle et tranchante a pu mé- gnée par Aristote, était devenue une
connaître la supériorité réelle de Té- vérité incontestable; et la mappe-
cole la plus savante de l'antiquité. monde, cessant de représenter un
Mais si Ton ne. peut imputer aux disc|ue imaginaire, devait offrir désor-
disciples d' Aristote un retour aux mais une projection rationnelle de la
vagues et étroites limites, du monde portjon habitable de notre globe. Vers
homérique, on est forcé de reconnai- le pôle un froid excessif, sous la zone
tre que Pline, compilateur laborieux torride une chaleur insupportable, ne
plutôt qu'habile critique, a reproduit, permettaieiit Thabitation de Tbomme
sur la QÎstribution des terres et leur que sur un espacé allongé d'est en
étendue relative, des idées qui sem- ouest entre ces deux extrêmes de
blent apparteiyr à l'âge d'Hérodote température ; en sorte que pour long-
bien mieux qu'à son propre temps, temps désormais VÉcumène (*), ou
malgré cinq siècles entiers d'études monde habité, présenta la figure d'une
progressives. Pour lui, TEurope est chlamyde, ou, pour nous servir de la
presque égale à l'Asie et l'Afrique comparaison de Possidonius, répétée
ensemble; l'Asie équivaut à peine aux dans les vers de Denis le Périégète {**),
deux tiers de l'Europe, et l'Afrique elle affecta la forme d'une fronde,
n'en atteint pas les deux cinquièmes ; mesurant, du levant au couchant, une
en d'autres termes, l'Europe compte, longueur ou longitude double de la
dans l'orbe terrestre, pour un tiers et largeur ou latitude comprise entre le
un peu plus d'un huitième, l'Asie pour midi et le septentrion.
un quart et un quatorzième, et l'A- Dès lors aussi la Libye ne fut plus
frique pour un cinquième augmenté comptée comme une clépendance de
d'un soixantième. A lin de représenter I'Asiq, et formant avec elle l'hémicy-
ces grandeurs relatives par une série cle austral, tandis que l'Europe cons-
unique de chiffres qui répondent à tîtuait à elle seule 1 hémicycle boréal ;
toutes les conditions énoncées par l'en- l'Écumène fut considérée comme sé-
cyclopédiste romain, nous consigne-
rons ici les valeurs suivantes de cha- (•) oixouptlvYi est l'cxpressioo usuelle des
que fraction dans 1 unité terrestre : auteurs grecs; notre langue a bien admis
Europe 0.48 Fadjectif écuménique, mais elle n'a point
Asie. . . • 0.31 accepté encore écumène; cependant nous
Afrique 0.21 "^ faisons pas difGculté d'employer ici ce
Gardon8-.noa& toutefois de suppo- ^f^ ^"® Humboldt a déjà tenté de «atu-
ser que Pline fût resté complètement ^^^f^^-
étranger aux connaissances perfec- ,, 1" ffei '„"f.P!!r^
t^Xquiassujetti;ssaienHa.gUa. !;irtrai;7ene"mT:rar^^^
phie de son temps a de savantes theo- bande étroite de lieux habitable. :Tk oIkV
nes cosmograplitques. Nous iK)us piévt, a<mi èoti , 8ià tii(niç tifc àotx^ ô«k
oornons a constater qu il restait tidele xaO|ia oteW) texoiiévïi,^ ainsi que le dît Sir»-
MX traditions du siècle d'Hérodote sur bon à propos des déterminations australes
la distribution <ies trois grsmdes par- d'Hipparque.
ties du monde, et qu'il demeurait, -«ir (.*) Mv^(70(i«t 'ûxeovoïb paev5ô6ou • év
ce point, en arrière des notions déjà yàp èxeCvw
aoquises touchant la grandeur rela- nàaa x^v, «re vii<joc àiccipi'nK,
tive de l'Asie. èoreçcévciJTai*
Où {jLT^v Ttoffa 5iaicpà 9np(8po(AOc , àXX«
LA LIBYB DANS LÀ MAPPSMONDB Sia(jL(pic
DB 8TRAB0N. Eùpurépy) peôxuîa wpèç fieXCoio xeXeu-
eowç,
Au temps, de Strabon, en effet, l9«vôovii elotx^a.
d'immenses progrès s'étaient accom- , D^itys, Fériégèse, 3-7.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIEItrfE.
parée pt^t le Nil, la mer Egée, la Pro»
pontide, le Pont-Euxin, la Méotide et
* U Tanaïs, en deux fractions conoîdes,
Tune orientale et formée tout entière
par l'Asie, l'antre occidentale et réptr-
tée Europe dans son ensemble, mais
subdivisée par la lyiéditerraiiée en
deux parties, savoir, au nord l'Europe
proprement dite, et au sud la Libye.
Celle-ci comptait donc toujours pour
uii quart, plus ou moins, du monde
habité ; mais elle était annexée à l'Eu-
rope au lieu de l'être à l'Asie. Elle
offrait, au surolus, la fisure d'un trian-
gle rectangle dont le Nil et la Méditer-
ranée traçaient les deux côtés mu-
tuellement perpendiculaires , tandis
que rOcéan en baignait Thypoté-
nuse; cpielquefois. aussi on la regar-
dait comme un trapèze, sans doute
parce que le retranchement du Delta
^ptlen mettait en évidence un qua-
trième côté dessiné par la branche
Canonique du Nil. Le sommet aus-
tral de cette figure se prolongeait sous
la zone torride, et I on n'en parlait
que par coniecture ; d'Alexandrie à
Méroe, capitale de l'Ethiopie, on me-
surait dix mille stades environ, et de
là jusqu'à la limite commune de l'É-
cumène et de la région torride, encore
trois mille stades; en sorte que la plus
grande largeur de la Libye se pouvait
estimer à treize ou quatorze mille sta-
des (*) ; sa longueur était un peu moin-
(*) ^ stade, de 600 pieds girecs, ou 6a5
pieds romaioB, éqoivalait préeisémait à
DB hiiitièiDe de mille romain , ee qui revient
à no dixième de mille géographique.
Le tour de la terre , pris sur uu de ses
grands cercles, était estimé a5a,ooo sta-
des : c*était un sixième de plus que la me-
sure généralement admise aujourd'hui. Gos-
seDin a eu la singulière prétenlion d'établir
que les anciens connaissaient la léritable
mesure de la terré , et qu'ils en avaient
déduit la valeur exacte du degré , à laquelle
était subordonnée la longueur du stade :
c'est r&njfener Tordre naturel des idées, et
méconnaître kt leçons journalières de Tex-
périence.
La division du cercle en parties aliquotes
sosceptibles d'une mesure angiïlaire était
' I par la théorie; des observations ,
U
dre que le double de cette quantité.
Quelle portion de l'Afrique actuelle
se trouvait comprise dans ce triangle
ou ce trapèze? On ne peut se dissi-
muler qu'elle était peu étendue. Le
point extrême auquel on fût parvenu ,
sur la côte orientale , était le promon-
toire appeléCorne du Sud, qui semble
ne pouvoir être cherché plus loin que
le Râs-el-Kheyl , vers le huitième
degré de latitude nord. Sur la côte
occidentale, on connaissait les fies
Fortunées, situées à une médiocre
distance des extrémités de la Mauri-
tanie , après laauelle étaient les Éthio-
piens du coucliant, limitrophes des
états de Bocchus : on ne s'avançait
donc guère au delà du cap Noun \ et
les Canaries étaient le dernier terme
aue l'on atteignît. Dans l'intérieur
des terres , on n'avait que des notions
très-vagues sur la région montagneuse
et déserte occupée par les Gétules et
par les Garamantes, au delà desquels
on pouvait, en neuf ou dix jours, .
arriver chez les Éthiopiens répandus
sur les bords de TOcéan : d'où il suit
que cet Océan était censé passer à une
centaine de lieues tout au plus de
Germa , et non .loin des limites méri-
dionales du Fezzan.* -
Au surplus, la disposition que Ton
inévitablement très-défectueuses dans un
àgie où l'on n'avait que des instrumeuts très-
imparfaits, déterminèrent, sur le méridien
céleste, la mesure angulaire de Tare com-
pris entrç le zénith d'Alexandrie et celui de
S^ène , à un cinquantième «environ de la
circonférence totale ; et comme la mesure
itinéraire de ces deux points était à peu
près de 5oo stades, on en conclut très-logi-
quement que. la circonférence k laquelle
appartenait cet arc contenait en totalité
a5a,ooo stades, ce qui donnait 4100 stades
par soixantième* de cercle, comme comptait
Eratostbènes, ou 700 stades par degré; taudis
qu'en réalité le degré terrestre ne valait que
600 stades.
D'autres mesures ayant fourni ultérieu-
rement des bases différentes, on attribua
au degré terrestre une longueur de 5oo sta-
des seulement : c'était une erreur en sens
contraire, puisqu'on restait d'un sixième
au-dessous de la vérité.
L
Digitized by
Google
se
L'UNIVERS.
attribuait à notre Écumène n*étdit
pas exclusive de Texistence d'autres
terres habitables. L'école d'Aristote
avait dès longtemps proclamé que no-
tre monde était , au sein de l'Océan ,
une grande île, la seule que nous
pussions voir, mais que, vraisembla;
Dlement, d'autres fies, les unes plus
grandes, les autres plus petites, émer-
geaient de rimmense Océan en des
parages éloignés de nous': -et comme
Erâtosthènes affirmait que, si la gran-
deur de l'Atlantique n'y faisait obsta-
cle j on pourrait naviguer à l'ouest
depuis l'Espagne jusqu'à l'Inde , Stra-
bon objectait qu'une ou plusieurs
terres habitables pouvaient occuper la
zone tempérée à travers laquelle eût
dû s'accomplir cette navigation : Chris-
tophe Colomb , à dix-sept siècles de
distance, partit d'Espagne pour na-
viguer à l'occident jusqu'à l'Inde ,
comme le voulait Erâtosthènes ; il
rencontra sur sa route V Écumène
nouvelle prévue par Strabon.
Pomponius Mêla, plus jeune que
Strabon de quelques années, se pré-
occupa moins de l'existence possible
de plusieurs mondes sous une même
zone , que de l'existence , à peu près
certaine pour luf ,*d'un monae habité
sous la zone tempérée opposée à la
nôtre ; aussi expose-t-il que la masse
des terres émergées de l'Océan e^t
partagée par la zone torride en deux
côtés ou némisphères , dont l'un est.
habité par. nous, l'autre par les
Antlchthones (*), lesquels nous restent
O Déjà Hipparqiie avait soupçonné que
la Taprobane pouvait bien être le conimen-
cemeut de cet autre monde, qiie Manilius
avait également sigualc dans ses vers :
« Terraruiii forma rotunda.
« Hane drcum Tarie gentes hominùm aTque feraram
t Aeriaeqùe colunt rolacres. Pars ejus at^arctos
« Eminet ; auslrinis pars est babitabilis oris.
« Sub pedibusqua jacet nostris, snpraqaa videtur
« Ipaa sibi fallent« solo dedivia long a
«« Kt pariter snrgente ria, pariterque cadente.
« Hinc ubi ab occasu nostros sol aspicit ortus»
« III ic orta dies sopitas excitât urbeis,
K Et cum luce refert operum Tadiiuonia terris :
« Mot in nocte camus, somnosque in membra loca-
•• Punit:! ntrosqne sais distioguit et alligat uodis.
Hkvthuis, ^stronomiqttestl, a34.
inconnus à clause de rinsu|>portable
chaleur de la plage intermédiaire ; et
il lui paraît tres-vraisemblable que le
Nil a chez eux sa source, d'où il se
rend dans notre hémisphère par des
voies souterraines , apportant chez
nous , dans ses crues d'été , l'eau
.des pluies hivernales de l'hémisphère
austral. Telle est la vague notion que
Ton se formait alors de la portion ul-
térieure du continent africaiVi; et
Pline , tout en croyant aux circumna-
vigations de Hannon, d'Eudoxe et de
quelques autres , n'en considérait pas
moins toute communication entre les
deux zones tempérées comme imprati-
cable à cause de l'ardeur du soleil.
LÀ LIBYE DANS LÀ MAPPEMONDE
DE PTOLÉMÉB.
Ptolémée fut l'éditeur d'une nou«
velie théorie géographique empruntée
en majeure partie à Marin de Tyr, et
où se reflétaient aussi probablement
quelques-uns des résultats énoncés par
Hipparque. La Libye ne fut plus une
simple annexe , soit de l'Asie comme
au» siècles d'Homère ou d'Hérodote ,
soit de l'Europe comme au siècle de
Strabon ; sa grandeur relative avait été*
reconnue, et elle prenait rang en con-
séquence immédiatement après l'A-
sie, et avant TEurope. L'Océan ne la
terminait plus au nord de i'équateur
pour rejeter loin d'elle la terre des
Antichthones : on eut le mérite de
savoir ignorer ce qu'on n'avait pas
vu ^ et l'on ne craignit pas d'avouer
qu'au nord et à l'est de l'Asie atte-
naient des terres inconnues , qu'à
l'ouest et au sud de la Libye atte-
naient pareillement des terres incon-
nues. Mais on ne s'arrêta nialheureu-
sement point là : et cette terre incon-
« Altéra pars orbis snb aqois jacet inTÎa nobis
« Ignotcque hominuiu génies, nec transita régna,
• CominoDe ex ooo lumen dncentia sole,
« Difersasqve nmbras, Icrsque cadentia signa*
m Et dextros ortos cœlo spcctantia Terto.
Elc. .
Idtm, ibiJem, I^ 432 sqq.
« At tibi, quacomqae es. libyco gens igné diremta,
« In Noton ombra cadit, qnœ nobis ezit in Arctonu^
LvcAiv, Pharsale, IX, 548.
Digitized by VjOOQ IC
AFRIQUE ANCIENNE.
nue du sad , où se trouvait renfermé
le pays d'Agasymba^ on la contourna
vers î'est, parallèlement à l'Asie, pour
enfermer entre elles , comme une au-
tre Méditerranée, la mer des Indes,
désormais sé[)arée de rOcéan-, qui se
trouvait ainsi repoussé au delà des
terres inconnues. La noappemonde de
Ptolénf|ée, dont le cadre n'embrasse
que les parties connues de notre globe,
ne représente point dès lors Torbe
terrestre tout entier ; mais les cosmo-
graphes arabes, qui le prirent pour
modèle au moyen âge , nous en don-
nent un dessin complet.
Étendue et formés générales du
monde connu de Ptolémée,
Le monde connu embrassait, du nord
au sud, une largeur de 40,000 stades ,
et une longueur de 72,000 stades sous
le parallèle de Rhodes , auquel se rap-
portaient la plupart des mesures en
longitude. Ptolémée , qui avait déduit
de quelque mesurage particulier uqe
Taleur de 500 stades pour la grandeur
d'un degré du méridien, comptait donc
pour sa mappemonde quatre-vingts
degrés de latitude entre le parallèle
trans-équatorial opposé à celui de Mé-
roé, d'une part, et le parallèle de
Tulé d'autre part; et il comptait, dia-
prés la même base de calcul, cent
quatre-vingts degrés de longitude en-
tre le méridien ces îles Fortunées et
celui "de Thines, capitale des* Sines
icfathyophages.
L'érudition moderne, frappée de Ter-
reur énorme qu'offrait cette extension
des latitudes et des longitudes, s'est
grandement préoccupée d'en recher-
cher les causes, afin de restituer ,
comme on dit, la carte de Ptolémée;
mais la science moderne est si ingé-
nieuse , si subtile , qu'elle a imaginé
de merveilleuses explications, dont le
seul défaut est d*étre en contradiction
avec lea procédés naturels aussi bien
qu'avec 1 histoire de l'esprit humain.
Elle a supposé que la géographie posi-
tive des anciens, au lieu de siiméhorer
successivement par de lents progrès ,
dus à une exploration .plus attentive
67
et plus étendue des contrées de la ter-
re, ainsi que cela arrive encore jour-
nellement pour les régions peu ou mal
connues; elle a supposé, dis-je, ^ue
la géographie positive a été portée,
dans des temps primitifs et oubliés, à
un degré de perfection qui a produit
d'excellentes cartes , défigurées ensuite
par l'ineptie des géographes grecs ou
romains de notre connaissance. Alors
on se pose le problème de deviner,
comment Ptolémée a mal compris telle
donnée très-juste du géographe primi-
tif, comment il s'est mépris sur telle
autre donnée non moins parfaite, et
par quelles corrections on rétablira
tout cela dans l'état où Ptolémée au-
rait dû le laisser. Ce fut y à la fin du
siècle dernier et au commencement de
celui-ci, une œuvre glorieuse et vantée
que cette restitution fantastique de
•toutela géographie positive des anciens.
Le temps est venu d'en faire justice.
Les erreurs de Ptolémée sont de
deux sortes , et révèlent elles-mêmes
leur double origine : les unes existent
uniquement dans la graduation de sa
carte, et proviennent d'une fausse base
de calcul pour la transformation , en
degrés, des mesures domptées en sta-
des ; le degré de latitude vaut réelle-
ment 600 stades, et Ptolémée l'a éva-
lué à 500 ; le degré de longitude sous
le parallèle de Rhodes vaut réellement
4SS stades, et Ptolémée l'a évalué à
444 : voilà de véritables méprises, qu'il
est aisé de corriger en revenant aux
mesures en stades qu'il- a ainsi trans-
formées ; et cette correction faite, on
aura la carte fidèle du monde tel que -
i!a connu le siècle de Ptolémée.
Les erreurs de la seconde espèce
tiennent à l'imperfection inévitable
dans le3 observations et dans les cal-
culs de réduction des itinéraires : il
ne nous appartient pas d'y toucher , à
moins de vouloir substituer arbitrai-
rement, par un capricieux tripotage,
aux • connaissances de Ptolémée, le
résultat de nos élucubrations pour les
faire cadrer avec celles que nous pos-
sédons aujourd'hui (*).
(*) La restitution de Ptolémée d'après les
Digitized by VjOOQIC
5d
L'UNIVERS.
Cependant, après nous être renchi
compte des formes sous lesquelles on
se représentait la Libye, au temps de
Ptolémée, il convient d'examiner dans
quelles limites réelles se trouvaient
renfermées les notions alors acquises.
Là, encore, grand conflit entre les
géographes critiques; les uns prolon-
geant fort loin , les autres restreignant
a l'excès le terme des connaissances
anciennes : pour les gens qui , sans
se plonger dans toutes les profondeurs
de ces graves questions, veulent pour-
tant sortir de l'indécision qui resuite
de telles dissidences, le procédé com-
mode des moyennes peut les tirer
d'embarras: In medio vîrtus , dit le
proverbe , et les proverbes sont la sa-
gesse des natiohs. Eh bien , ce mode
facile de vider sans examen un grand
litige scientifique, peut s'appliquer ici
avec tant de succès, que la critique la
plus rigoureuse en confirme les ré-
sultats.
Comme la mappemonde de Ptolé-
iiîée nous offre , a peu de chose près ,
dans leur extension la plus développée,
les notions recueillies par les anciens
sur la géographie de la terre, et parti-
culièrement de la Libye , nous ne pou-
vons nous dispenser d'exposer ici ;
pour le continent auquel est consacré
cet ouvrage, le résultat général des
explorations avancées au moyen des-
quelles s'était agrandi le cercle des.
connaissances constatées par Strabon.
Ce n'est point Ptolémée lui - même
qui avait rassemblé les documents Iti-
néraires employés à la construction de
sa carte : ce travail de recherches avait
été accompli par son prédécesseur.
Marin de Tyr , qui avait déjà mis en
circulation deux éditions de son livre
et de sa mappemonde , et qui était
mort avant d avoir pu mettre* la der-
nière main à la troisième édition qu'il
préparait. Le savant d'Alexandrie so
Doma à reprendre en sous -œuvre les
bases de construction fourmes par les ob-
iervatioBS modernes, peut procurer quel-
ques résultats de détail d'une application
utile ; mais ce ne
^ipoiei^lct
application
eut être ici le Ueu d'e|^
s m U portéew
matériaux réunis et discutés en érudit
par Marin, afin d'en soumettre la
combinaison et l'emploi à une révision
scientifique. Quoi qu'il en soit , nous
pouvons , à défaut du témoignage for-
mel de Ptolémée, qui nous manque
souvent, reconnaître par l'inspection
attentive des noms géographiques, et
de Tordre dans lequel ils se succèdent
sur sa carte, à quels documents Ma-
rin les avait empruntés. Ainsi , pour-
la cote orientale de la Libye , il avait
pris pour guide quelques périples de la
mer Erythrée , analogues à celui qui
nous est parvenu sous le nom d'Ar-
rien ; pour la côte occidentale , il s'é-
tait servi du célèbre périple de Hannon,
d'une date bien antérieure à Strabon ,
mais resté inconnu à celui-ci : quant à
l'intérieur des terres, Marin avait pro-
bablement employé les itinéraires four-
nis par les exp^itions militaires de
Caius Suetonius Paulinus (*) , au delà
de l'Atlas occidental jusqu'au fleuve
Gir, et de Lucius Cornélius Balbus (**)
dans la Phazanie , l'un et l'autre indi-
qués par PIme ; et nous apprenons de
Ptolémée lui-même que , pour les po-
sitions les plus avancées, Marin avait
fait usage des routes de Septimius
Flaccus (***) et de Julius Maternus au
sud de Garama : nous ne connaissons
point autrement les détails de ces deux
nouvelles expéditions , et la date même
de la dernière est incertaine.
Vérifions successivement jusqu'où
ces documents divers peuvent nous
conduire , tant sur les côtes que dans
l'intérieur du continent africain, tel
que nous le connaissons aujourd'hui.
Et d'abord , examinons le périple de
la côte orientale.
Limite des connaissances andennes
sur la côte orientale.
Au sortir du golfe Arabique, auq.uel
nous restreignons à présent la déno-
(*) Consul- en Tannée 66 de noite ère.
(**) Triomphateur en Tannée 19 avant.
Tère vulgaire.
(***} Sous Domitien> en Tannée 87 dé
notre era.
Digitized by V3.00ÇlC
AFRIQUE AlfCIENNE.-
minatioû de mer Rouge , on se diri-
geait à Test , le lon^ de la cote , jus-
qu'au cap des Aromates, pointe la plus
orientale de la terre-ferme , et répon-
dant dès lors; sans conteste, à ce qu'on
appelle maintenant le cap Gharda-
fouy, ou plus exactement Râs'Aseyr.
De là , naviguant au sud , on contour-
nait une chersonnèse ou presqu'île
pour gagner le comptoir d'Opone ; on
dépassait ensuite une double apocope
ou échancrure , terniinée par un cap
appelé Corne* du Siid; puis on lon-
geait une petite côte et une grande
côte , on faisait escale aux mouillages
de Sarapion et de Nicon , on trouvait
encore plusieurs embouchures de ri viè-
rcou ancrages, et l'on atteignait enfin
la rivière , le comptoir et le cap des
Rhaptes ou barques cousues, limite
ordinaire des navigations commercia-
les en ces .parages. Depuis les Aro^
mates jusqu'au voisinage des Rhaptes,
0 le pilote Diogène avait mis vingt-cinq
jours d'une marche continue; tandis
que le pilote Théophile, favorisé par
le vent du sud , n'avait mis gue vingt
jours depuis les Rhaptes jusqu'aux
Aromates, estimant à mille stades cha-
cune de ses journées de vingt-quatre
heures. Marinade Tyr jugeait cette es-
time fort raisonnable; néanmoins il
n'évaluait qu'à cin^ mille staîdes, quoi-
qu'elle eût employé bien dçs jours, la
navigation du pilote Dioscore au delà
des j^fiaptes jusqu'au promontoire Pra-
soD , t^rme le plus éloigné des recon-
naissances vers le sud : la variabilité
des vents ne permettait pas une route
assez directe pour autoriser une éva-
luation plus considérable.
Ptolémée s'ensuit lui-même, auprès
des mariniers pratiques de ces parages,
de la distance qu'ils calculaient entre
les Aromates et les Rhaptes ; cette na-
vigation équivalait à trente journées
de douze heures, soit de jour, soit de
Dilît , qu'on devait estimer à quatre ou
cinq cents stades chacune. Ce résultat
est précisément celui qu'offrait déjà le
périple spécial de la mer Erythrée
cmmn sous le nom d'Arrien (antérieur
de quatre- vikigts ans à Ptolémée), sauf
qttdqtws dissidences deldéti(il(]pjii n'ont
point à se produire ici. Cette route'
était donc, en totalité , de quinze mille
stades , et la direction en était au sud-
ouest , tandis que celle des Rhaptes au
Prason se dirigeait aU sud-est.
Telles sont les données que l'anti-
quité a fournies aux élucubrations ée%
modernes : les uns, comme Henri Ja-
cobs; ont hardiment poussé le Prason
jusqu'au cap de Bonne-Espérance ; le
plus grand nombre, et avec eux le
docteur William Vincent, à qui l'on
doit un savant commentaire sur le pé-
riple de la mer Erythrée , se sont dé-
terminés pour Mozambique, faisant
répondre le comptoir des Rhaptes à
Quiloa, et le promontoire de même
nom au cap Delgado. Gossellin, qui
semble avoir eu pour système d'écour-
ter sans pitié ni mesure le monde
connu des anciens, ne fait aucune dif-
£culté de colloquer à Brava le cap
Prason, et dans lé torrent hivernal de
Doara le fleuve et le comptoir des
Rhaptes , sans s'inquiéter en rien du
gisement de la côte intermédiaire, qui .
se continue au sud-ouest au lieu de
faire retour vers le sud-est.
Entre ces déterminations dissidentes,
nous avons une moyenne, appuyée du
grand nom géographique de D'An ville,
qui sans doute n'est pas infaillible,
mais dont l'admirable sagacité est bien
rarement en défaut, alors surtout
qu'aucun des éléments de solution ne
lui a manqué. Pour lui , qui d'abord
avait adhéré à l'opinion générale, mais
qui modifia ses premières idées après
un examen plus rigoureux de la ques-
tion , pour lui , dis-je , les Rhaptes
doivent coïncider avec Pâté , et le Pta-
son avec le cap Delgado : nous ne pou-
vons, ce semble, que nous ranger à
son avis, puisque son explication se
plie , aussi bien que celle du docteur
Vincent , aux conditions de détail du
périple ancien et des tables de Ptolé-
mée , tout en se renfermant dans les
limites les plus restreintes où se puisse
encadrer la double direction de la côte
au sud-ouest jusqu'aux Rhaptes , puis
au sud-est depuis les Rhaptes jusqu'au
Prason.
La cherâ^nnàile infmédiaftement
Digitized by
Google
L'UNIVERS.
après laquelle vient le comptoir d'O-
pone, ne peut, dans toutes les hypo-
thèses , être méconnue dans la pres-
qu'île vulgairement appelée, sur nos
anciennes cartes,^ cap d'Orfui , et plus
exactement désignée aujourd'hui sous
la dénomination indigène de Râs-Hha-
foun, qui semble conserver quelque
trace de l'antique nom d'Opône. •
L'île Menutnias, inscrite dans les
tables de Ptolémée au nord-est du Pra-
sbn, a été spécialement considérée,
Ear les partisans de l'hypothèse la plus
irge , comme un indice de la grande
île de Madagascar ; dans la pensée de
D'Anville, c'est de la moderne Zanzi-
bar qu'il s'agit. Nous aurons à revenir
sur ce sujet dans la partie de cet ou-
vrage où nous traiterons spécialement
deis îles africaines de la mer Erythrée.
Limite des connaissances anciennes
sur la côte occidentale.
Transportons-nous maintenant sur
la côte occidentale, pour y détermi-
ner aussi le point d'arrêt des notions
*de Ptolémée. Le trait saillant de ces
longs rivages que le géographe alexan-
drin trace jusqu'à cinq degrés seule-
ment de distance de l'équateur, c'est
le cap Arsinarion, qui s'avance consi-
dérablement à l'ouest, et après lequel
s'ouvre le golfe Hespérique, c'est-à-
dire occidental, où l'on remarque suc-
cessivement un promontoire appelé
Corne du couchant, l'embouchure du.
fleuve Masitholos qui vient de la
montagne nommée Char des Dieux,
et enfin l'hypodrome d'Ethiopie, ex-
trémité des terres connues dans cette
direction.
Pour un grand nombre d'érudits
du siècle dernier, le golfe Hespériqi>.3
n'était autre que la grande mer de
Guinée, et la Corne du couchant ré-
pondait au cap des Palmes. D'An-
ville trouva que le pronfbntoire Arsi-
narion était évidemment représenté
par le tap Vert, et le Char des Dieux
gar les montagnes de Sierra-Leone.
rossellin pensa tout autrement; il crut
découvrir que Ptolémée avait répété
jusqu'à trois fois, bout à bout, une
même série de points géographiques,
et son étude fut de restituer en con-
séquence cette partie du littoral : le
promontoire Arsinarion bu Ryssa-
dion, identifié avec le promontoire
Gannaria d'une part^ et avec celui
d'Hercule d'une autre part, fut placé
au cap de Ger; la Corne du couchant,
• identifiée avec le promontoire du grand
Atlas, fut établie au cap Noun; le
fleuve Masitholos, confondu avec ]fi
fleuve Nia d'une pa'rt, et avec le fleuve
Nouios d'autre part, fut représenté
par le fleuve vulgairement appelé au-
jourd'hui Ouêdy Noun; et l'hypodro-
me d'Ethiopie. trouva sa place non loin
de l'embouchure.
Aucune des hypothèses que nous
venons de signaler ne résout d'une
manière satisfaisante la question pro-
posée : toutes pèchent par la base, en
ce qu'elles ont toutes négligé, pour la
détermination du promontoire Ar-
sinarion, une condition essentielle,
résultant des tables mêmes de Pto-
lémée, savoir, de se trouver préci-
sément par le travers des îles Fortu-
nées, que représentent de nos jours .
les îles Canaries. Le cap Boyador seul
est justement ainsi placé : voilà donc
le véritable cap Arsinarion; et tout à
côté s'élève la Penha-Grande, ou le
grand Rocher des premiers explora-
teurs portugais, pour représenter le
promontoire Ryssadion. La Corne du
couchant semble se retrouver dans le
cap du Lagedo ou pavé, au sud du-
quel s'ouvre le fameux JUio do Ouro,
ou fleuve de l'Or, visité au quator-
zième siècle par les marins de la Mé-
diterranée, et oui répondrait au Masi-
tholos, de Ptolémée; enfin, l'hypodro-
me d'Ethiopie viendrait se placer dans
la petite anse innommée qui précède
l'Angra de Gonçalvo de Sintra.
Telle est la synonymie géographique
à appliquer aujourd'hui, dans notre
opinion, aux points les plus avancés
de la côte occidentale d'Afrique dont
ait fait mention Ptolémée. C'est jus-
que-là que s'était prolongée la navi-
gation de Hannon, aux temps de la
splendeur de Carthage; mais l'Italie
et la Grèce n'eurent qu'une révélation
tardive de ces explorations puniques, et
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
Pomponius Mêla semble étrele premier
qui en eût employé les résultats dans
un ouvrage géographique. Le roi Juba
le jeune les avait sans doute mis en
circulation; mais il ne paraît pas que
les reconnaissances nautiques exécu-
tées par ordre de ce prince eussent
dépassé les Canaries, et c'était encore,
probablement, sur la seule foi de Han-
non, qu'après un intervalle de six siè-
cles. Marin de Tyr et Ptolémée indi-
quaient sur leurs cartes là côte qui se
développe au delà des Iles Fortunées.
5ous examinerons dans son ensem-
ble et ses détails cette^ expédition de
Hannon, le long ies côtes libyennes,
à l'île de Kernè et aux îles Gorgades,
en traitant, dans la suite de cet ou-
vrage, des îles africaines de Tocéan
Atlantique.
Limite des connaissances anciennes
dans f intérieur.
Maintenant, c'est dans Tintérieur
des terres^ dans ces régions si peu
connues à nous-mêmes, crue nous
avons à ebercher la limite des explo-
rations romaines et des notions re-
cueillies par Marin de Tyr et Ptolémée.
Des rivières, des montagnes-, des
noms de contrées et de peuples, occu-
pent le vaste espace compris entre les
deux côtes dont nous venons de véri-
fier l'étendue : le Nil , avec ses sources
remontant jusqu'aux montagnes de la
Lune,- est tracé dans là partie orien-
tale. De ce côté, si le cours supérieur
de ce fleuve n'est pas une délinéation
fantastique et conjecturale, les con-
naissances des anciens ont été pous-
isées plus loin que les nôtres ; il fau-
drait avouer, dans tous les cas, qu'ils
étaient aussi instruits que nous sur
la région du haut Nil.
Deux autres grands fleuves, le Gir
et le Nigir, serpentent en plusieurs
rameaux sur le reste de la Libye inté-
rieure, et c'est même à la région qu'ils
arrosent qu'est spécialement restreinte
cette dernière^ dénomination. On a
beaucoup disserté sur la question de
savoir quels fleuves modernes repré-
sentent ces deux grands cours d'eau :
on les a longtemps cherchés 3t l'ex-
61
tréme limite de nos connaissances sur
l'Afrique centrale, et la géographie
vulgaire s'est même emparée du nom
de Niger pour l'appliquer au fleuye le.
f)lus considérable de ces parages, ce-
ui-là même dont Laing, Caillié, Mun-
go-Park et Lander ont découvert de
notre temps quelques fractions suc-
cessives.
Il y a pourtant bien loin de là aux
notions réelles des anciens. Chez Pto-
lémée, le Nigir et le Gir sont deux
fleuves, presque connexes, mais cepen-
dant distincts, le premier occupant la
région de l'ouest, le second celle de.
l'est. Quant au premier, son cours est
compris entre les montagnes Mandron
et Thala, d'un côté, Sagapola et Ou-
sargala de l'autre : celles-là au sud,
celles-ci au nord. Quant au second, il
est compris entre Te même mont Ou-
sargala et la vallée Gnramantique. Or,
ce mont Ousarcala, dont le nom se
trouve mêlé à la description du cours
de ces deux fleuves, est justement
aussi le point de départ duBagradas, le^
fleuve de Carthage, et il serait dès lors *
complètement superflu de "chercher
d'autres preuves que les deux cours
d^eau signalés par Ptolémée dans la
Libye intérieure, ont leurs sources
au revers de l'Atlas, et coulent au
nord du grand désert : et l'on peut
juger par les noms de quelques peu-
plades indiquées au delà du Gir et du
Nigir, telles que les Dolopes, les As-
tacures, les Mimaces, les Nabathres,
inscrites en même temps sur le ver-
sant boréal de l'Atlas, qu'il ne s'agit
en définitive ici que de la région atlan-
tique.
Puis vient l'Ethiopie intérieure, où
se trouvent l'éléphant, le rhinocéros
et le tigre : ori n'y voit figurer aucun
nom de peuple, mais seulement quel-
ques montagnes, et la grande contrée
d'Agasymba, après laquelle tout est
absolument inconnu. Nous savons que
ces vagues notions étaient le résultat
des expéditions de Septimius Flaccus
et de Julius Maternus. Le premier,
dans une campagne de trois mois,
était allé de chez les Garamantes
chez les Éthiopiens du sud ; l'autre,
' Digitized by VjOOQ IC
P9
L'UNIVERS.
parti de Garama et de la Grande Lep-
tîs, avec le roi des Gara mantes, pour
marcher droit au sud contre les Éthio-
piens, avait, dans l'espace de quatre
mois, atteint la contrée d'Agasymbn;
mais, remarquait Ptolémé^, il s'agis-
sait des Éthiopiens limitrophes des
Garamantes, étendus à l'ouest et à
l'est aussi bien qu'au' midi, et l'on n'en
rapportait d'ailleurs aucun renseigne-
ment digne d'intérêt. Nous pouvons
mesurer là-dessus la valeur des con-
naissances acquises jusqu'alors sur
. l'Afrique centrale : elles se rédui-
saient à quelques vagues indices des*
peuples noirs qui bordent le Fezzan
par le sud, c'est-à-dire, des Tibbous
de nos joui*s.
Connaissances géographiques posté'
rieures à Ptoiémee.
Après Ptolémée, la science de la
terre subit une révolution nouvelle :
alors commence une époque de tran-
sition où la géographie, s'appliquant
encore à la période ancienne de l'his-
toire du monde, se rattache par ses
formes aux siècles ultérieurs : ainsi
que nous Tavons dit plus haut, ce
n'est point encore la géographie du
moyen âge, mais c'est déjà le moyen
lige de la géographie.
. Toutes les cosmographies latines
sont désormais- rédigées sur une base
3ui s'éloigne peu de ce principe fon-
amental , que l'orbe terrestre , circu-
lairement entouré d'un océan continu,
est diamétralement coupé du nord au
sud par le Tanaïs et le Nil , en deux
parties, dont la plus orientale s'ap-
pelle Asie , tandis que celle d'occident
est séparée d'est en ouest f)ar la Mé-
diterranée en deux quartiers, l'un
d'Europe , l'autre d'Afrique. C'est un
retour grossier aux idées d'Ératos-
thènes et de Strabon. La sphéricité de
la terre s'efface même devant les scru-
pules des Pères de l'Église ; on rétro-
grade jusqu'au disque plan d'Hérodote
et d'Homère ; et le soleil , effectuant
son cours du levant au couchant par
le midi pendant les douze heures de la
journée, revient du -couchant au le-
vant par le nord pendant les douze
heures de la nuit (*). Oue dis -je? \^
rotondité même n'est plus une condi-
tion des représentations graphiques ;
et le moine grec Cosmas, surnommé
Indicopleiistes ou le navigateur ' in-
dien , mscrit sa mappemonde dans nh
parallélogramme , sur la marge duquel
reparaît , au delà de l'Océan , la terre
des Antichthones de Mêla , offrant à
l'orient le paradis terrestre, où se
voient les sources non-seulement du
Gihon ou Nil , comme l'avait énoncé
le géographe romain , mais aussi de
l'Euphrate, du Tigre et du Physom
Dans les œuvres du moyen âge pro-
prement dit, se reproduisirent ces
fantastiques délînéations du monde
connu des anciens. Le$ disques offrant
un hémicycle et deux quartiesrs se re-
trouvent nombre de fois ; les A^nglo-
Saxons, à l'autre bout de la terre, ont
aussi laissé leur parallélogramme, ana-
logue à celui de l'indicopleustes Cos-
mas ; quelques traces de la terre des
Antichthones se montrent sur de rares
mappemondes orbiculaires , dans les
concfitions indiquées par Mêla; pui$
apparaissent les planisphères arabes,
ou percent, à travers l'impéritie de
l'art le plus naïf, les enseignenients de
Ptolémée, et son système du prolon-
gement de l'Afrique à l'est pour en-
fermer la fher des Indes comme une
autre Méditerranée; ceux -là. servirent
de modèle aux cpsmographes néô - la-
tins qui vinrent après eux , jusau'à ce
qu'une subite lumière sur la véritable
forme de la terre détermina la brusque
transition de ces planisphères grossiers
aux mappemondes sphériques de la
science moderne.
BISUMB DES NOTIONS DES ANCIENS
SUR L'AFRIQUE.
Ainsi , d3ns la revue historique que
nous venons de passer des phases di-
verses sous lesquelles se ^ont produites
(*) On retrouve Texp^sition de ce sys-
tème au neuvième siècle dans le géographe
anonyme de Ravenne, et son application
graphique beaucoup plus tard encore, da^t
le Planisphère niellé du musée Borgia.
Digitized by VjOOQIC
AFRKyJi: AÎÏCÏENNE.
soccessiveoient les conn^ilSdnces géo-
graphiques de l'antigaité sur rétemiue
. et m répartition des continents ter-
restres , parmi lesquels nous avions à
recioMaltre.la place réservée à TAfri-
que , nous avons vu, tour à tour, Ho-
mère, donnant à l'Europe la plus grande
inoitié du disque , laisser 1 autre «eç-
ment à TAsie , dont la Libye occupait
r^^^itéoccidentale ; puis Hérodote,
aoKHodrissant l'Europe , consacrer à
l'Asie le segment le plus considérable,
dans lequel la Libye avait la moindre
Fart; ensuite Strabon, attribuant à
Asie toute la moitié orientale de l'Êcu-
mène sphéroïde, donner l'autre à l'Eu-
rope, en y comprenant la Libye comme
une annexe de moindre étendue , in-
dépendamment des terres extérieures,
au nombre desquelles se range celle
des Antiohthones de Mêla ; nous avons
vu enfin Ptolémée , soudant la terre
des Anti<si>thone£ aux extrémités con-
nues de la Libye , agrandir celle-ci jus-
qu'à lud assigner le second rang, après
l'Asie et avant l'Europe , dans la dis-
tribution des continents de TÉcumène.
Après lui , la géographie rétrograde
vers l'imperfection des âges antérieurs,
et s'enveloppe des langes de la barba-
rie, d'où elle ne doit sortir qu'à la re-
naissance des lettres.
Et parallèlement à ces représenta-
tions contemporaines , $ous lesquelles
les anciens formulaient à la fois leurs
connaissances positives et leurs théo-
ries systématiques du monde habité ,
cherchant la portée véritable de leurs
notions réelles, nous avons vu Ho-
mère, mentionnant à peine quelques
lies libyennes de ta Méditerranée, tout
ignorer au delà du méridien de Car-
mage; Hérodote n'a de renseigne-
ments précis que sur une partie du lit-
toral ; mais les informations plus values
ou'il avait obtenues suivaient la ligne
des Oases , et s'enfonçaient peut - être
même dans les terres jusqu'aux confins
ultérieurs jdu désert; la hmite des con-
oaissaoces de Strabon, partant des Ca-
naries, suivait la chaîne de l'Atlas, et
passait au sud du Fezzan pour ^e ter-
miner au Râs el Rheyl ; enfin , l'hori-
zon de Ftolémée s'étendait depuis le
G3
Bîo do ûuro , par le nord du déseï^ «
le pays des Tibbous, et les sources du
^il, jusqu'au cap Delgado voisin 4p
Quiloa..
LUUTBS DS L'AFBIQU3 ANCIBNNB
PU CdTB D^ÀSIB.
Ptoiémée, le premier, avait osé raai^-
quer expressément la séparation de
1 Afrique et de l'Asie à l'isthme que les
modernes ont aussi adopté pour limite
définitive : Hérodote en avait déjà eu
la pensée , mais il ne l'avait pas impo-
sée d'autorité à ses contemporains et
à ses successeurs ; aussi Ptolémée est-il
forcé de la proposer lui-même comme
une nouveauté, et d'en plaider les avan-
tages , sans parvenir toutefois à con-
vaincre son siècle ni les géographes des
âges ultérieurs : en vain il représenta
Sue le Nil avait Tinconvénient de sein*
er l'Egypte , et d'offrir d'ailleurs une
séparation moins tranchée et moins
commode que le golfe* Arabique; l'an-
cienne rouline prévalut. On se con-
tentait d'é.chapper à l'iacoovénient de
scinder l'Egypte et l'Ethiopie , en rat-
tachant à I Asie toute la rive gaucf^e
de la vallée du Nil : cette vallée même
devint plus étroite ou plus large au
gré des vicissitudes politiques qui an*
nexaient à F Egypte une portion tantdt
plus grande, tantôt moindre, de la li-
sière libyque limitrophe.
Ainsi, tantôt c'était à l'embouchure
canopique du Nil, ou bien à Alexan-
drie, ou encore au fond du golfe Plin-
thinète, tantôt à Parétonion, ou à
Apis^ ou à Piynos, ou enfin au grand
Catabathme , que l'on marquait, sur la
côte , le point de division de l'Asie et
de la Libye, continuant droit au sud
leur ligne de démarcation. En un mot,
l'Egypte, avec ses dépendances, de-
meura fondamentalement annexée à
l'Asie , et le nom de Libye fut invaria*
blement restreint, daiis l'acception
usuelle, à la,région africaine. située à
l'ouest de l'Egypte .••les Arabes nièn^e,
dont Ptolémée tut pourtant le princi-
pal guide , subirent néanmoins cette
influence des .vieilles habitudes ; et
ycompr^u^iot le ^essr^ c'est-à-dire
Digitized by VjOOQIC
64
L'UNIVERS.
rÉgypte, dans le Scharq ou Orient, ils
eurent, pour représenter la Libye des
anciens, le nom général de Maghreb
ou Occident.
Il convenait donc, en traitant de
TAfrique ancienne , de n'y pas intro-
duire rÉgypte et le reste de la vallée
du Nil , toujours considérés, dans l'an-
tiquité , comme une division séparée ,
et qui , dès lors , exigeaient une des-
cription à part, une histoire dis-
tincte.
DIVISIONS GÉOGBAPHIQUBS PB l'A-
FBIQUE ANCIENNE.
Cette troisième partie du monde
connu des anciens n'a point gardé, dans
le cours des siècles, une distribu-
tion géopaphique constante à laquelle
nous puissions accommoder de prime-
saut les subdivisions de notre travail.
D'abord on n'entrevoit d'autre distinc-
tion que celle des peuples : Hérodote
d'après les notions qu'il avait directe-
ment recueillies, Salluste d'après
celles qu'il trouva consignées dans les
livres puniques de Hiempsal , concou-
rent à nous donner une idée générale
de la situation primitive des popula-
tions autochthones , ou qu'ils regar-
daient du moins comme telles. Sur
toute rétendue du littoral était répan-
due la race libyenne, à laquelle ce nom
appartenait en propre; depuis l'Egypte
jusqu'au fond de la petite Syrte et aux
bords du fleuve Triton , elle menait la
vie errante des nomades ; du Triton à
l'Océan, elle était adonnée aux cul-
tures sédentaires. Derrière ces Libyens
agriculteurs étaient cantonnés d'autres
nomades, peuples rudes et sauvages,
désignés sous le nom de Gétules , et
[ue représentent peut-être les Berbers
Je nos jours : les traditions généalo-
giques de ces derniers, rapprochées de
celles que nous a transmises Procope,
tendent à montrer en eux les descen-
dants des Rananéens expulsés de la
Palestine par Jbsué. Puis , derrière
tous ces nomades, soit libyens, soit
gétules, habitaient les Éthiopiens,
ainsi appelés de la noirceur de leur
teint, soit qu'il y faille reconnaître des
l
nègres proprement dits, qui se seraient
avancés alors jusqu'au nord du désert,
soit qu'on *ies doive seulement regar-.
der comme une race basanée.
A ces populations indigènes ou pré-
tendues telles, se vinrent mêler des
éléments étrangers qui en modifièrent
la composition intime et la distribu-
tion territoriale ; c'est encore aux livres
de Hiempsal que Salluste en a emprunté
le récit. « Quand Hercule, dit-îl, selon
les traditions africaines , eut péri en
Espagne, son armée, composée de
nations diverses, sans chef, en proie à
des ambitieux qui s'en disputaient le
commandement , ne tarda point à se
débander. Une partie , s'étant enibar*
quée , passa en Afrique : c'étaient des
Mèdes et des Arméniens , qui s'établi-
rent sur le littoral de la Méditerranée;
et des Perses , qui s'enfoncèrent plus
loin , vers l'Océan. Ceux-ci se firent
des abris de la coque renversée de leurs
navires, à défaut de matériaux aue le
sol ne leur fournissait pas, et qu ils ne
pouvaient tirer d'Espagne par voie
d'achat ou d'échange, car l'étendue de
la mer et la différence de langage s'op-
. posaient aux relations commerciales.
Peu à peu ils se mêlèrent aux Gétules
par des mariages ; et comme souvent,
tâtant le pays, ils étaient allés de place
en place , eux-mêmes se donnèrent le
nom de Numides (qui n'est qu'une au-
tre forme de celui de nomades). Au
temps de Salluste , les demeures de ces
Numides agrestes, appelées mapalia
en leur langue, avaient encore la forme
allongée et la courbure latérale d'une
coque de navire.
«Quant aux Mèdes et aux Armé-
niens, ils s'unirent aux Libyens, plus
rapprochés de la mer d'Afrique; tandis
que les Gétules étaient plus au midi ,
non loin des ardeurs du tropique. Ils
eurent bientôt des villes ; car, séparés
de l'Espagne par un simple détroit, ils
avaient institué un commerce d'échan-
ses. Les Libyens , altérant peu à peu
leur nom, les appelèrent, en leur langue
• barbare , Maures^ au lieu de Mèdes
(se rapprochant ainsi de la prononcia-
tion arménienne , qui donne en effet
Ja forme Mar au nom des Mèdes).
Digitized by VjOÔQIC
AFRIQUE ANOENNE.
es
« I^puissancedes Perses fut prompte
à se développer ( et leur descendance
directe se perpétua dans lesT tribus des
Pérorses et des Pharusiens , ainsi que
Pline en a fait la remarque). Plus tard,
à cause de leur multitude, ils se sépa-
rèrent de leur souche et s*étendirent ,
soas le nom de Numides, dans les can-
tons voisins du site de Carthage, qui
s'appelèrent dès lors Numidie. Puis,
s'aidanf les uns les autres, ils subju-
guèrent par les armes ou par la crainte
les peuples limitrophes, et s^acquirent
beaucoup de gloire et de renommée ,
surtout ceux qui s*étaient le plus avan-
cés vers la Méditerranée , où ils n'eu-
rent affaire qu'aux Libyens, moins
belliqueux que les Gétules : en défini-
tive, la plage inférieure de l'Afrique
tomba , pour la majeure partie , en la
possession des Numides; et tous les
vaincus n'eurent désormais d'autre na-
tion ni d'autre dénomination que celle
de leurs maîtres. »
Ainsi , à sa deuxième phase, la po-
pulation de l'Afrique se trouva répar-
tie de manière à nous offrir, au voisi-
nage le plus immédiat de THispanie ,
les Maures, formée du mélange des
Arméniens et des Mèdes avec les Li-
byens indigènes; derrière eux les Pé-
rorses et les Pharusiens, postérité des
Perses; puis les Gétules, et, en avant
de ces derniers , les Numides formés
de leur mélange avec les Perses , et
englobant les Libvens subjugués du
littoral , depuis fe fleuve Molouya
borne des Maures, jusqu'au fond de la
Fetite Sj^rte, et même au delà ; enfin, à
extrémité orientale de cette longue
zone n les Libyens pasteurs , chez les-
es les Numides ne s'étaient point
dus ; et derrière eux tous, les Ethio-
piens.
D'autres races étrangères vinrent
8*iropatroni8er en Afrique, non plus
eomme éléments nouveaux destinés à
É'cffaeer dans une fusion commune ,
mais au contraire comme fondatrices
de colonies conservant une nationalité
s^rée. Ce furent , d'une part , les *
Phéniciens de Tyr et de Sidon, qui
édielonnèrent sur la câte , à l'ouest de
la grande Syrte , divers comptoirs <
dont le plus considérable fut Carthage,
bientôt devenue cité prépondérante au
milieu des cités puniques , souveraine
d'un État puissant , et dominatrice de
tout le littoral africain depuis le fond
de la Syrte jusaue par delà les colonnes
d'Hercule. Ce turent, d'un autre côté,
les Grecs de Théra, oui vinrent fonder,
sur la côte libyenne a l'est de la Syrte,
des établissements dont la métropole
fut Cyrène, moins célèbre par son im-
portance politique et ses richesses que
par la culture des sciences et des
lettres et par l'illustration de ses
écoles.
Alors se trouvèrent déterminées de
véritables limites territoriales, que les
vicissitudes politiques purent déplacer,
mais qui ne s'effacèrent plus ; tes au*
tels des Philènes, au fona de la Syrte,
marquèrent la séparation des états de
Cyrène et de Carthage; le nom de
Libye acquit ^ surtout dans la bouche
des Romains, une appUcation spéciale
à la première de ces divisions, tandis
que le nom d'Afrique fut adopté comme
la dénomination propre du domaine
carthaginois; tout le reste s'apoelait
Numidie , jusqu'au Molouya , après le-
quel était la Mauritanie.
Dans la Libye proprement dite , on
distinguait la Fentapole cyrénaîque, et
le pays des Mar m arides ou Libye mar-
mariaue, appelée aussi Maréotide;
Î|uand les Romains en fur.ent devenus
es mattre-s , ils en firent une province
d'abord réunie à la Crète, puis sépa-
rée, et enfin divisée elle-même en deux
provinces présidiales sous l'autorité
supérieure du préfet d'Egypte.
Dans l'Afrique et la Numidie , il y
eut , jusqu'à l'époque où la conquête
romame eut passé le niveau sur les ri-
valités nationales des dominateuirs pu-
niques et des sujets indigènes, une
fluctuation de limites que l'érudition
et la science des modernes n'a pas tou-
jours bien comprise , et que nous au-
rons la tâche d'ex|)liquer. Contentons-
nous de dire ici que la province
d'Afrique, graduellement agrandie, fut
ensuite partagée de manière à former
d'est en ouest les provinces successives
appelées Tripolitaine, Bizaoène, Afri*
6* livraison. (Afbiqub àngienub.)
Digitized by VjOOQIC
UUINIVERS.
que )^pre, et Numidie nouvelle. Le
rasée ée Taneienne Numidie , donné
par les Romains au roi de Mauritanie
Boedms, fut désormais confondu dans
les étais de ce prince, sous le nom
général de Mauritanie; |>uis, rentrées
sous la domination romaine , ces con-
trées formèrent les deux provinces de
Mauritanie, distinguées, d'après ie nom
de leurs capitales, en Mauritanie Césa-
rienne et Mauritanie Tin^itane ; plus
tard, on sépara de la première, du côté
de celle de Numidie, une province nou-
velle, qu'on appela Mauritanie Siti-
fienne. Quand Rome porta ses armes
au delà de cette zone littorale, les
cantons qui subirent alors le jou^
forent annexés à la province la plus voi-
sine : le reste n'était connu que de nom.
Les dénominations territoriales que
la géographie a consacrées pour les
grandes divisioas de l'Afrique an-
eienne sont donc celles de Libye pro-
|»re, d'Afrique aropre, de Numidie, et
de MaurJtanies.
Ces oontrées n'ont point , n'eurent
noôme jamais une histoire commune :
et d'abord une séparation profonde di*
visait en deux parts très -distinctes
eette longue zone de provinces : d'un
côté c'était l'Orient , de l'autre l'Occi-
dent , grandes régions dont la nature
même avait indiqué le [partage, et que
la force des choses maintenait cons-
tamment en des mains diverses, bien
avant que les maîtres du monde son-
geassent à le niorceler cq deux em-
pires jumeaux. Les dénominations gé-
nérales étaient, dans leur acception la
plus large, soumises aux exigeuces de
oe partage : on n'étendait point au
delà de la région occidentale l'appel-
lation de provinces africaines; et la
langue de Rome échappait à l'influence
des habitudes grecques , pour concen-
tra dans la division orientale le nqm
de Libye,
La Borne commune- était marquée
par les Autels des Philènes, monu-
ments à la fois de l'ancienne étendue
des possessions littorales de Carthage
et du patriotique dévouement de ses
fils. Et la mer elle-même, vfe-à-vîs
de ce point , semblait avoir subi , dans
la nomenclature qui lui est spéciale,
l'influence de ce ^rand divorce entre
l'Occident et TOrient; car un aneiea
péjriple grec de la Méditerranée dis-
tingue expressément, dans le golfe
communément appelé grande Syrte,
d'une part une Syrte âe CyrènCj de
l'autre la grande Syrte proprement^
dite.
Dépendance politique de l'empire
d'Orient , la Libye chrétienne recevait
ses évégues d'Alexandrie. Les provior
ces africaines, comprises dans l'em-
})ire d'Occident, constituèrent, sous
a primatie de Carthage, la célèbre
Église d'Afrique, placée dans l'obé-
dience de Rome, et anéantie par la
persécution des Vandales. Quand elles
furent reprises aux barbares pour être
réunies à l'empire d'Orient , ces pro*
vinces formèrent ensemble nne grande
préfecture prétorienne, distincte ëe
toutes les autres.
C'est donc adopter, pour notre tra*
vail, une distrihution conforme au
sujet lui-même, que de traiter séparé-
ment de ces deux grandes diviéions
territoriales. Nous consacrerons, en
conséquence, une première partie de
ce livre à la Libye proprement dite ,
dont nous suivrons Tnistoire, sans in-
terruption , depuis les temps les plus
reculés jusqu'à l'invasion arabe, dans
les flots de laquelle fut engloutie toute
l'Afrique ancienne.
Passant ensuite aux provinces afrii»
caines, nous don nerotis iHié section à
chacune des trofs gt^andes contrées^
l'Afrique propre , ia Nurnklie , les
Mauritanres , depuis IWigine jusqu'à
leur réduction en provinces romaines;
la domination des Romains, leëéve^
loppement et les vicis^udes de TÉ-
glise d'Afrique , le règne àe% Vandales,
la restauration byzantine, demande-
ront à leur tour de nouvelles sections
pour arriTcr à Finvasion musulmane,
qui doit ouvrir, ainsi ^ue nous l'avons
déjà marqué, l'histoire moderne ^
l'Afrique.
Digitized by VjOOQIC
^»»^»4i%w»*<»ii«'»»%»^<»^*^^<»^**^**^***'****^^
. .|i^jiinii ni| j
PREMIÈRE PARTIE,
COMPRENANT
LA CYRÉNAÏQUE ET LA MARMARIQUE.
l. I.IS 9OI1.
limites généretles, politiques çt
physiques; dénominations,
Ll¥ITBS PO^XTIQUBS DE l'AS-
CisNNE Libye. — L9 Méditerrsyaée au
oord, au su^ les pTojfon<)eajrs du désert,
a l'cçt rÉgypte, çt TÂfriqMC propre î
Fouest, telles sont, en termes géjoéraux,
l^ bornes ^ la contrée à laquelle les
Ràmains i-eslreignaieut le nom <Ae Li-
bye, employé par les ôjecs 4an^ uo sens
beaucoup plus étendu. Ban/ le coté de
la mer, dont le caprk^ des bommes
ne pouvait avaler ou reculer les ri-
va^, Gçs Umites n'eurent pas la fixité
inSéfébiié éè& démarcations natureUes
q^eo' affectent ^pvoX \d% vicissitudes po-
litiques; coais si 1^ variations qu'elles
^rguvèreat furent fréquentes et sen-
i^bles du cdfé à^ l'Egypte , 014 uo pour
vçjir puissant envahissait par degrés un
doiDaiiie qu'il devait finir pajr sli^pra-
prier tovt entier , les limites oocAdeo-
taies ae subirent qve des changements
|Jus rares et moips considérables , dus
eneore à Tei^tension de la puissance
^ptieuM, qui sous les Ptolémées
sav^nca d'unç centaine de mittes au
delà mlof^e des Autels des Phiiènesjus*
qu'à la tour Êuphranta; et au sud , où
quelqiies fies de verdure étaient parse-
mées à la lisière septentrioRale de la
grande mer de sables, la possession
é& ces îles flotta souvent, incertaine,
eutre la Libye, l'Egypte, et les popula-
tions indépendantes du désert.
Limites natubeli.es ou physi-
ques. — Cependant , le territoire que
nous venons de signaler, peut aussi être
considéré , au point de vue de la géo*
graphie physique, comme une réçion
déterminée par des limites assez bien
tracées : il y Caut remarquer en effet ,
au nord-ouest, un plateau culminant,
dont tes déclivités s'abaissent rapide-
ment, dans cette direction, vers la
mer qui l^toure , tandis qu eHes s'^
tendent, à Topposite, en vastes ter-
rasses successivement étagéeis ters
Fest, où le passage de l'une \ TautrS
est remarquable par les ressauts appe-
lés le grand et ^ petit GatabathMe,
et dont la dernière vient expirer aux
Qonûns immédiats de la vallée du Mîf ;
pendant que vers le sud , depuis le fond
de la grande Syrte jusqu'à Textrémîté
orientale, une longue vaUée s'étend
comme \\ïi lit desséehé\ entre lès der-
Bîères déclivités du plateau , et les
dunes sablonneuses ou coHUilèhee le
grand Ssahhrâ , présentant sur quel-
Digitized by VjOOQIC
68
L'UNIVERS.
ques points des cultures et des bosquets
yerdoj^ants, qui signalent les oases
d*Au^iles et a Ammon.
Dénominations diyebses du
PAYS. — Le plateau culminant, partie
principale de tout cet ensemble , cons-
tituait, à proprement parier, ce qu'on
appela tour à tour Cyrénaïqoe , Pen-
tapole , Libye supérieure ; le reste for-
mait la Marmarique , Libye aride ou
inférieure, nommée aussi, dans sa
partie la plus orientale , Libye maréo-
tide. Il est superflu d^ajouter que, sous
la domination de Cyrene , le nom de
Cvrénaîque s'étendait à toute la contrée
reunie sous ses lois.
Description de la Libye supérieure
ou Pentapole cyrénaîque.
* Tebbitoire et villes de la Pen-
tapole.—Figurant une ellipse, le pla-
teau verdoyant de Cyrène projetait à
Test la grande Chersonnèse, à Fouest le
promontoire Borion , comme les deux
Soles de son grand axe; tandis que sur le
anc septentrional , le promontoire de
Phyconte marquait l'extrémité de son
moindre diamètre : le flanc méridional
s'abaissait vers les landes arides d'une
grande terrasse qui s'étendait elle-
même au loin jusqu'à Augiles et à
l'oasis d'Ammon. Sur le plateau étaient
assises Cyrène et Barké, ayant à leurs
Sieds , au fond de deux petites anses
e la côte , les ports d'où elles expé-
diaient leurs navires ; là c'était Apol-
lonie, le port de Cyrène, connu j)lus
tard sous le nom de Sozousa, que
peut-être il avait primitivement porté,
reconnaissable encore dans l'appella-
tion arabe de Mersày-Sousah qu'il
conserve encore aujourd'hui ; de rau-
tre part , c'était Ptolémaïs , le port de
Barkê, d'abord appelé aussi Barké de
même que la cité principale à la for-
tune de laquelle il était attaché. Plus
loin, à l'ouest, se montrait, sur la
côte, Teukhira, qui fut appelée Arsinoé
sous les Ptolémées , mais oui reprit
ensuite son nom indigène, qu elle garde
encore de nos jours ; puis enfin Béré-
nice, l'antique Hesperide, près des
ruines de laquelle s'élève la moderne
Ben-Ghâzy.
Villes, boubgades et autbes
LIEUX dépendants DE LA PeNTA-
POLE. — Cyrène , Apollonie, Ptolé-
maïs, Arsinoé, Bérénice, telles furent
les cinq cités qui constituèrent la floris-
sante Pentapole : dans leur dépendance
étaient comprises d'autres villes moins
importantes , comme Adrianopolis ,
entre Bérénice et Arsinoé; sur la route
de Ptolémaïs à Cyrène, Kélida, Ké-
nopolis, Phalacra, dans l'intérieur ; et
sur la côte, Ausigda, et le petit tem-
Ele d'Aptoukhos ; sans compter nom-
re de villages plus obscurs , répandus
sur tout le plateau en tirant vers le
sud.
A l'est d'ApoIlonie, s'ouvrait une
baie spacieuse offrant un Naustathmos
ou station navale, au sortir de laquelle
on rencontrait , sur la droite , Éry-
thron , puis Chersis voisine de la
petite tie d'Aphrodisias , et sous l'abri
du promontoire Zephyrion la cité de
Darnis, dont le nom a persisté dans
celui de la moderne Derneh; après
Darnis on trouvait encore, sur la côte,
Axilis, avant d'atteindre la grande
Chersonnèse des Antides; et quand
on avait doublé celle-ci , on voyait le
Paiiouros déboucher en face des îles
Platée et Sidonie. A l'intérieur étaient
Limniade, Hydrax, Leucon, et d'au-
tres points plus obscurs.
Pboductions natubelles du
PLATEAU CYHÉNÉEN. — Le flanc Sep-
tentrional du plateau offrait la plus
admirable fertilité, et les récoltes,
s'étaçeant en trois saisons successives
depuis le pied jusqu'au sommet , oc-
cupaient les deux tiers de l'année. On
commençait la moisson et la ven-
dange sur le bord de la mer ; on pas-
sait ensuite à la région intermédiaire^
celle des coteaux , où le blé et le rai-
sin achevant de mûrir appelaient la
main qui devait les couper; et pen-
dant qu'on les cueillait sur cette zone
movenne, ils venaient aussi à matu-
rité dans la dernière région , et vou-
laient à leur tour être moissonnés
et vendangés. L'extrémité occidentale
présentait surtout la plus délicieuse
végétation', et méritait à juste titre ce
nom de Jardin des Hespérîdes, que
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
l
Pantiqufté poétique lui avait décer-
né : c'étaient d'admirables vergers , de
charmants bocages , où Tombre et la
fraîcheur s*étendaient sous l'épaisse
verdure des lotiers , des pommiers de
toute espèce , des grenadiers , des poi-
riers, clés arbousiers, des mûriers,
des vignes , des myrtes, des lauriers,
des lierres , des oliviers, des oléastres,
des amandiers , des noyers. Le figuier
et le cornouiller, le lentisque , le gené-
vrier odorant et le cyprès, étaient aussi
répandus sur ce terroir fertile où la
brise promenait un air pur et vivifiant,
où des eaux fréquentes nourrissaient
de verdoyants paturai°;es émaillés des
fleurs du safran. Au delà de cette li-
sière littorale , sur les hautes plaines ,
depm's la grande Chersonnèse jus-
u'aux Hfspérides, dans une longueur
le i 500 stades sur une largeur de
300, naissait le précieux siiphion aux
ombelles d'or, aux vertus héroïques ,
produit sauvage des terres incultes,
fuyant les soins de l'homme et dispa-
raissant sous la dent des troupeaux,
jadis abondant, puis rare, puis disparu
tout à fait du sot, et reparaissant après
un long oubli, pour se laisser étudier
par les botanistes modernes, sous le
nom de deriah ou zerrah que lui don-
nent les Arabes nomades , maîtres ac-
tuels de l'antique région silphiophore.
Description de la Libye inférieure
ou Marmarique,
Pbsmière tebbasse, au-dessus
DU GRAND Catabathme — Des-
cendons du plateau supérieur sur la
vaste terrasse qui lui succède au sud,
et qui s'étend d'est en ouest depuis
le grand Catabathme jusqu'au rond
tle la grande Syrte , borne au midi ,
comnae nous Tavons déjà indiqué,
par les oasis d'Ammon et d'Augiles;
ce n'était qu'un désert, parcouru par
quelques nomades sans habitations
fixes , et l'on n'y pouvait guère relever
qu'an petit nombre de points sur la
rote. A Test , depuis l'embouchure du
Paliouros , se succédaient les ports de
Batraehos, du petit Pétras, d'Anti-
pyrgos, de Skytnranion, de Ménélas,
du grand Pétras et de Panormos,
jusqu'au ^rand Catabathme ; quelques
autres pomts, marqués à l'intérieur
dans la direction d'Ammon et d'Au-
giies , n'étaient probablement que des
lieux de campement. A l'ouest, au
delà du cap Borion , on voyait se suc-
céder les postes de Diachersis , d'Hé-
raclion , de Sérapion , les ports de
Diarrhoas et d'Apis, les châteaux de
Kainon, de Borion, d'Automala, et
enfin le bourg et les Autels des Phi-
lènes. Si, de cette limite, on voulait
suivre plus loin le rivage, on ren-
contrait le petit port d'Épèros , celui
de Charax où l'on croit oue naquit
Denvs le Périégète, et enfin la tour
Euphranta, dernière borne de la Cy-
rénaîque sous les Ptolémées.
Seconde tebbasse, au-dessous
DU GBAND Catabathme. — En des-
cendant à Test le grand Catabathme ,
on arrivait à une seconde terrasse, non
moins aride et nue que la première,
s'étendant vers l'orient jusqu'au petit
Catabathme, et offrant, sur la côte,
Zygris, Zagylis, Plynos, Apis, Paré-
tonion, et autres lieux de moindre im-
portance , sans parler de nombreuses
stations plus écartées de la mer. Et
lorsqu'on avait encore descendu ce
deuxième Catabathme, on trouvait, sur
le littoral, Pédonia, Antiphra, Leu-
caspis , et enfin Plinthine où la Libye
venait expirer devant l'Egypte, outre
quelques autres points moms immé-
diatement rapprochés du rivage.
Tel est le théâtre sur lequel nous
avons à distribuer les populations qui
se partageaient la possession du sol.
II. les HABITANTS.
C'étaient , nous le savons , des races
indigènes, des Libyens nomades, au
nord desquels s'étaient juxtaposés ,
sur la côte , des colons grecs , hôtes
d'abord , puis maîtres du pays.
La plus ancienne description que
nous ayons de ces divers peuples , est
celle que nous devons à Hérodote : et
nous ne pouvons mieux faire que de
la transcrire ici , telle à peu près qu'il
nous l'a laissée.
Digitized by
Google
70
L'UNIVERS.
indi-
siêclis avant
AdyrmachideS, Giligames, As-
BYstKs , AiîSKHiSES. — « Voici « ,
jflit Hérodote, « rordre dans lequel on
trouve les peuples de la Libye, à com-
mencer depuis rÉgypte.
« Les premiers qu'on rencontre sont
les Adyrmachides. Ils ont presque les
mêmes iisdges qiïe les Égyptiens ; mais
ils s'habillent comme le reste des Li-
byens, et leurs femmes portent à cha-
que jambe un anneau de cuivre. Elles
laissent croître leurs cheveux , et si
elles sont incommodées par les poux,
elles les prennent , les tuent avec les
dents, et s*en débarrassent de cette
manière ; îlis ^ont, au surplus, les seuls
d'eiitre les Libyens qui en agissent
ainsi. Ce sont également les seuls qui
montrent au roi leurs fillts nubiles
afin qu'il choisisse celle qui lui plaît*
jCes Adyrmachides habitent depuis
î'Éçypte jusqu'au port appelé Plynos
(vofsin du grand Catabathme).
« Ils oht auprès d'eux les Gigames
pu Giligames, qui occupent la con-
trée à l'occident, jusqu'à l'île Aphro-
disias. bans cet intervalle est l'île de
Platée, oLi les Grecs fondateurs de
Cyrène s'étaient d'abord établis, et
sur le continent est le port de Mené-
las, et Aziris où les Cyrénéens habi-
tèrent aussi. Là commence le sil-
phion , car c'est depuis l'île de Pla-
tée Jusqu'à l'entrée de la Svrte que
ëroît cette plante. Ces peuples ont à
peu ^r'ès les niêiïies coutumes que
lears voisins.
«Après les Gigames, du coté du cou-
chant , scmt les A^ystes , qui habitent
le pays au-dessus de Cyrène; ils ne
s'ércndèht pas juisqu'à la mer. attendu
^e le littoral est occupé par les Cyré-
néens. Ils Sont fprt habiles, ce sont
lïkéme les plus habiles des Libyens à
conduire le^ quadriges ; \\s ^*étuciient
à imit!ér la plupart des coutumes des
Cyrénéens.
« Ail couchant des Àsbystes confi-
nent lés AuskhiSes, qui occupent lepays
au-tfessùis de Barkê , et s'étendent jus-
Î|u'à la mer près de${!e«)érides. Vers
e milieu du territoire des Au^khises
sont cantonnés lès Cabales , petite na-
t^on qui s'étend jusqu'à la mer vers
Taukhira , ville dépendante de fiarké.
Ces peuples ont les mêmes mœurs que
ceux qui habitent au-dessus dé Cyrène.
Nâsamons, Psylles. rr « Aux
terres de^ Àuskbises confinent, à
l'ouest, les Nasamons, peuple consi-
dérable, qui, laissant pendant l'été
leurs troupeaux au bord de la mer,
s'avancent jusqu'au canton d'Augiles,
pour y récolter des dattes , parce que
les palmiers y sont abondants , vigou-
reux et tous féconds : on les cueille
à peine mûres (*) , on les fkit sécher
au soleil , et on les moud ensuite ; on
les détrempe dans du lait pour les
manger. Chacun a d'ordinaire plusieurs
femmes, et il les voit publiquement, à
peu près comme les Massagètes, après
avoir planté en terre son bâton. I^ors-
[qu'un JNasamon se marie |>our la pre-
ïnière fois , la coutume est , la pre-
mière nuit des noces , que la mariée
Reçoive les embras^ements de tous les
convives, qui lui font, un cadeau ap-
{)orté tout exprès de chez eux. Voici
eur manière de faire des serments et
d'exercer ]^ divination : ils mettent la
main sur les tombeaux des hommes
^ui ont parmi eux la réputation d'avoir
été les plus justes et lé plus gens de
bien , et jurent par eux. Pour exercer
la divination^ ils vont aux tombeaux
de leurs ancêtres, y font leurs prières,
et y dorment ensufte : si pendant leur
sommeil ils ont quelque songe, ils en
font usage dans leur conduite. Ils
s'engagent mutuellement leur foi «n
{*) Le tette d'Hérodote est en cet en-,
droit équivoque à tel point, que les tins y
ont vu des hannetons, d'autres des saute-
relles, et peut-être ceux-cî ont-ils raison;
cependant nous avons préféré interpréter
Tovç de àTTe>£6ouc èiceàv br^ç/swTtûm par Une
cueilletie de (dattes) à peine migres, plutdt
que par une chasse aux sauterelles , dôqs
conso|aut d'avance, si nous nous trompons,
de le faire en compasnie du savant Henri
Estienne , réviseur et éditeur de la vernon
latine de Laurent Valla.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE AWaJENNE.
71
bnyaDt réciproquement dans la main
FuD de l'autre ; à défaut de liquide , ils
fumassent à tcâre dé !a poussière et la
fêùheflt.
» Aux Nasamons confinent les Psy*-
tes, lesquels périrent de la ibanim
gde roici : le vent du midi avait, de
son souffle, desséché leurs citernes ,
et toute leur contrée , Située en dedani
defaSyrte, est dépourvue d'eaû : ayant
ten* conseil entre eux, ils résolurent,-
d'an consentement unanime,, d'aller
faire la guerre au vent du midi : je ré-
Kt h récit des Libyens eux-mêmes.
f^\f\h furent arrivés au milieu des
sables , l'autan déchaîné les y enseve-
lit. Quand ils eurent péri , les Nasa-
moDS s'emparèrent de leurs tel'res.
POPtILATlONB DB l'iNTÉRIBUB. —
«Voilà quels sont les Libyens nomades
les ptes Rapprochés de la mer. Au-des-
sas, en avançant dans l'intérieur
des terres , on rencontre la Libye thé-
tiodeou sauvage, au-dessus de laquelle
00 dit qu'une élévation sablonneuse
^ s'étend depuis Thèbes d'Egypte jus-
qu'aux stèles &éracléennes, ocrant de
diiendlx jou^ées, ou à peu près, des
couines de sel gemnote ; du milieu de
celles-ci jaillissent des sources d'eau
douée et fraîche, autour desquelles
habitent les peuples les plus reculés
^ers le désert au-dessus de la Libye
thàioée. Les premiers qu'on rencon-
tre depuis Tlièbes , à dix journées d^
route, sont les Ammoniens, qui ont
nntempleeonsacré à Jupiter tnébéen,
ear ^ sait qu'à Tlièbes la statue du
^ a âiie tête de bélkr. Chez ces peu-
Kse ^pouv^e une autre source uont
iest tiède m point du jour, fral-
ebe à fheare du marché , extrêmement
froide à midi , au moment où ils arro-
sent lears jardins ; puis à mesure que
le jour avance , eUe devient moins
^ide jifêqu'an coucher du soleil,
^'elle est tiède ; elle s'élève ensuite
^ plQs en plus jusqu'à minuit, qu'etle
lK)ut à gros t>ôuii)ons ; passé minuit ,
^ va en refroMissant jusqu'au lever
de faurore. On appelle cette fontaine
la foiMaiiae du Soleil.
. « Après iesAmmonlens, à dix autres
htmes 4e route «wr oett€ 0<me de
sables, est une colline de sel gemme
pareille à celle d*Ammoi] , avec und
source autour de laquelle sont établit
Tes habitants i oe canton porte h nom
d'Augiles ; (f eftt là que les Nasaraont
viennent , en automne , flaire leur ré*
coite de dattes. A dix journées pîus
h>ln habitent les Garamantes.
« Les maisons de tous ces peuples
sont bâties de quartiers de sel , car il
ne pleut jamais dans cette partie de là
Libye, sans quoi les murailles de leurs
habitations seraient bient^ fondues.
On tire de ces mines deux sortes de
sel : l'un blanc, l'autre rouge. Au-des-
sus de cette élévation sablonneuse
ver» le midi , dans Tintérieur de la Li-
bye, le pays est dés^, sans eau, sans
âhimaux , sans pluie , sans bois , dé-
pourvu de toute espèce d'humidité.
MCEUBS ET GOUTUMBS DES LI-
BYENS.— « Ainsi, à partir de l'Egypte,
les Libyens sont des nomades se nour-
rissant de la chair et du lait de jeurs
brebis; s'abstenant, comme les Égyp-
tiens, de manger du bœuf, et n éle-
vant pas non plus de cochons. Les
femmes cyréneennes, même, ne se
croient pas permis de manger du
bœuf, à cause de l'égyptienne Isis,
dont elles observent soigneusement
les jeûnes et les fêtes ; et les femmes
des Barkéens ^^abstiennent non-seule-
ment du boeuf, mais aussi du porc :
telle est leur observance.
n Chez la plupart des Lib^Fons no-
mades (je ne saurais dire avec certi-
tude s'il en est de même pour tous j ,
^affid les enfants ont atteint ^atfe
ans, on leur brûle , avec de la lame éii
«uint ^ les veines du haut de la ^tête ,
uoelquefois celles des tempes, pour Jas
délivrer à toujours de réooalend^nt des
humeurs de la téte^ et leur procurer
une santé reb^ete. Il est de fait que
de tous lesfieuples que bous eonâdks-
sons, les Libvens sont ceux dont 4c
corps est le pfus sain ; je ne puis dire
que telle en eoit la cause » mais il est
certain qu'ils ont une santé parfaite-
Si , pédant ^u'on les brûle , ies en-
fants sont pris de convulsionst on y a
trouvé remède : il suffit de léj» ds^ier-
[
Digitized by
Google
71
L'UNIVERS,
Ser d'urioe de bouc; je répète ce que
isent les Libyens.
« Voici comment ces nomades font
leurs sacrifices : d*abord ils coupent,
à titre de prémices , une oreille de la
fietime , et la jettent sur le toit de
leurs maisons; cela fait, ils lui tordent
le cou : ils Fimmolent au soleil et à la
lune, seules divinités auxquelles sacri-
fient tous les Libyens sans distinction.
(Nous dirons ailleurs le culte particu-
lier des habitants du lac Tritonide, et
les emprunts que leur a faits la Grèce.)
C'est aussi des Libyens que les Grecs
ont appris à atteler quatre chevaux à
leurs chars. L'enterrement des morts
se fait chez les nomades comme chez
les Grecs ; il faut excepter les Nasa-
mons, qui enterrent leurs morts assis,
ayant soin de tenir les agonisants dans
cette posture, de peur qu'ils n'expirent
couchés. Leurs habitations sont des
cabanes tressées d'asphodèles et de
joncs » qu'ils transportent à volonté.
Voilà quels sont les usages de ces
peuples. »
État des populations libyennes de*
puis le premier siècle avant J.-C.
jusqu^au deuxième siècle de notre
ère.
Exposé de Diodobe de Sicile,
av pbemier siècle ayant notre
iBB. —Tel est le tableau que nous offre
Hérodote , au cinquième siècle avant
notre ère; quatre cents ans plus tard,
Diodore de Sicile nous fait une nou-
velle description , moins étendue, mais
qui offre quelques détails curieux, di-
gnes de trouver place ici.
« Passons», dit-il , « aux Libyens voi-
sins de rÉgypti", et aux contrées limi-
trophes. Près de Cyréne et des Syrtes,
habitent , dans l'intérieur des terres ,
quatre races de Libyens : on api>elle
Nasamons ceux qui s'étendent au midi ;
Aoskhises ceux qui occupent l'occi-
dent; Marroarides ceux qui ont leurs
demeures entre l'Egypte et Cyrène,
tenant une partie du rivage; les autres
habitent autour des Syrtes. Deux de
ces peuples obéissent à des rois, et
mènent une vie moins grossière, moins
éloignée do tçutç c^vilis^tioa; mais le
troisième ne reconnaît aucun roi , n'a
aucune notion de la justice , et ne vit
que de brigandages , enlevant tout ce
qui arrive du désert , et l'emportant *
aussitôt dans son repaire. Tous ces Li-
byens mènent une existence abrutie,
couchant en plein air, et n'ayant qu'une
nourriture sauvage; sans maisons,
sans habits , se couvrant seulement le
corps de peaux de chèvres. Leurs chefs
n'ont pas de villes sous leur obéis-
sance , mais seulement , au voisinage
des sources , des tours où ils renfer-
ment leurs richesses; tous les ans ils
somment les peuples tributaires de
faire leur soumission , traitant en
amis ceux qui obéissent , poursuivant
comme rebelles ceux qui s'y refusent.
Leurs armes sout analogues à la na-
ture de leur pays et à leur genre de
vie ; car , légers de corps , et habitant
un pays de plaines, ils courent au
combat avec trois javelots et des pierres
dans un sac de cuir, sans aucune au-
tre arme offensive ou défensive, ayant
pour but de gagner de vitesse l'ennemi
dans la poursuite comme dans la re-
traite, habiles qu'ils sont à courir et à
lancer des pierres , après s'être appli-
qués à développer par l'exercice et
l'habitude leurs dispositions natu-
relles. En général , à l'égard des étran-
gers, ils n'observent absolument ni
foi , ni loi. »
Exposé dbStbabon et de Pline,
au pbemibb siècle de notee àbb.
— Strabon, un peu plus récent, est plus
bref : « La région aride et stérile qui
s'étend au-dessus des Syrtes et de la
Cyrénalque, est occupée par les Li-
byens, et en premier lieu par les Na-
samons, qui ont près d'eux ( vers l'oc-
cident) les Psylles et quelques Gétules,
après lesquels viennent les Garaman-
tes; à l'orient , les Marmarides, qui
d'un côté touchent à la Cyrénaîque,
et de l'autre se prolongent jus(]u'à
l'oasis d'Ammon. On ignore ce qui est
au delà d'Ammon et des oases jus-
qu'aux frontières de l'Ethiopie. »
Pline, postérieur à Strabon, se
borne comme lui à quelques notions
extrêmement concises : « Les Marma-
rides habitent à peu près depuis les
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
environs de Paretonium jusqu'à la
grande Syrte ; puis viennent les Ara-
raucèles, et, sur les bords de la Syrte ,
les NasamoDS, que les Grecs appe-
laient jadis Mesammons à cause de
iear situation au milieu des sables.
Après lesNasamons vivent les Asbystes
et les Makes. Depuis le Catabathme
jusqu'à rÉgypte s^étend la Libye ma-
réotide, occupée par les Marmarides
et les Adymiachides , après lesquels
viennent lès Maréotes. »
Exposé db Ptoléméb, au deuxib-
KB siècle de notre ÈRE. — Mais
Ptolémée, dans le siècle suivant, vient
nous fournir de nouveaux détails :
■ Au-dessus de la Pentapole », nous
dit-il, « le pays est occupé, à l'est
des jardins des Hespérides , par les
Barkites , à Torient desquels sont les
Ararancides. Derrière le jardin des
Hespérides sont les montagnes appe-
lées les buttes d'Hercule, au levant
d^uelles on trouve les Asbystes. Plus
loin vers l'Afrique , au - dessus des
monts Ouelpa , se présentent les Ma-
katoutes , puis les repaires des Lésa*
nikes, à Test desquels sont les Psylies,
et ensuite , des lieux sauvages et la
r^'on silphiophore. Les parties sep-
tentrionales de la Marmarique appar-
tiennent aux Libyarkes, aux Anèrittes
et aux Bassakhites , derrière lesquels
sont les Apotomites , et plus au sud
encore, les Augyles ; après ceux-ci les
Nasamons et les Bacates , ensuite les
Aukhises et les Tapa ni tes, au delà des-
. quels sont les Sentites et les Obèles ,
puis les Ésariens. Le littoral du nome
de Libye est possédé par les Zygriles,
les Rhattaniens et les Zyges ; les par-
ties méridionales par les Bouzes et
iesOçdémiens; au delà sont les Adyr-
inakhites, ensuite le pays d'Ammon,
pois les Anagombriens, et après eux
lei lobakbes et les Rouadites. » Nous
D*avons pas à nous occuper ici de la
Maréotiue, dépendance trop immédiate
deTÉgypte pour que nous puissions
consentir à 1-en séparer.
On voit que Ptolémée à lui seul énu-
nère,dans la contrée qui fait le sujet
^ notre étude actuelle, un plus grand
nombre de peuples que tous ses devan-
78
ciers ensemble ; mais il faut se hâter
de reconnaître que beaucoup de ces
noms de peuples ne désignent proba-
blement que les habitants de quelques
petits districts, quelquefois de simples
villages; les Espagnols qui appellent
puehlosoM peuples leurs villages, les
Portugais qui appellent les leurs pa-
voaçào ou population , emploient
une* métaphore toute semblable. On
est frappé, dès le premier coup
d'oeil, des rapports que présentent
les noms des Zygrites, des Khatta-
niens et des Zyges, dans la liste ci-
dessus, avec ceux des villes -ou villages
de Zygris, de Khettéa, de Zygis, ins-
crits dans les tables du géographe
alexandrin. Il est probable que plu-
sieurs des peuplades qu'il désigne
étaient des branches ou des rameaux
de tribus plus considérables.
Résultais comparatifs des notions
qui précédent.
Modifications organiques et
deplacements, subis pab les dl-
YEBSES TBIBUS LIBYENNES.— Il faut
tenir compte, au surplus, dans Texa-
men comparatif des données succes-
sives que nous venons de passer en
revue, des modifications qu*ont pu
produire, d'une part la fusion de plu-
sieurs tribus en une seule, d'autre
part le niorceUement d'une seule tribu
en plusieurs. Hérodote nous dit lui-
même que les Psylies avaient été ab-
sorbés par les Nasamons; il est à croire
que les Cabales et les Gigamcs ou Gi-
ligames, qu'il avait signalés, et qui ne
se retrouvent plus dans les siècles pos-
térieurs, furent pareillement absorbés,
les premiers par les Auskhises ou par
les Barkéens , les seconds par les Mar-
marides. Quelquefois aussi l'imper-
fection des connaissances recueillies
par certains écrivains , ou le désir de
réduire leurs descriptions à quelques
grands traits, leur ont fait réunir,
sous une désignation commune, divers
peuples d'ailleurs indépendants ; ainsi
Diodore de Sicile, en distribuant tout
l'intérieur de la Libye propre entre les
Pïasamons au sud, les Auskhises à
Touest, et les Marmarides à Test,
Digitized by
Google
74
I^'UNIVERS.
confond avec chacune de ces nations
line ou plusieurs des hâtions troîsines
qu\ n'àvâieht point péri , putsiju'on les
voit ultérieurement reparaître : tels
sont les Asbystes ou Asbytes , proba-
blement sous-entendus parmi les Aus-
khises; tels sont, d'une manière plus
frappante encore > les Adjrrmachîdes ,
enveloppés dans les Marmarides.
Il faut, en outre, se rendre compte
de quelques déplacements ; les Asbystes
et les Auskhises paraissent avoir été
poussés au sud par les Barcéens , ou
plutôt par les Marmarides, qui au-
raient été repousses à leur tour par
les Barcéens, pendant qUe les Ararau-
cèles ou Àraraucidts, qui se trouvaient
jadis au delà des Marmarides, tout au-
près des Nasamons, remontaient vers
le nord pour devenir limitroplies des
BarcéeiYs. Ces déplacements n'ont rien
qui nous doive surprendre , puisqu'ils
s'opéraient entre des tribus nomades,
dont le cantonnement territorial à
toujours moins de fixité que les éta-
blissements des peuples sédentaires.
DlSTRIBUTiaW EBL4T1VJB DBS PO-
PCLATIOMS MîE LK TERRITOIBE. —
Quoi qtt'tl en soit, en remontant par la
Sensée aux temps primitifs de la Li-
ye, avant que les Grecs y fussent
venus fonder leurs colonies, et em-
brassant dans une considération sy-
noptique les populations autochtho-
nes et le territoire qui leur était
dévolu, on peut se représenter le pla-
teau supérieur en la possession exclu-
sive des Barcéens; la grande terrasse
qui forme Fétase suivant, occupée à
la fois , depuis Te Catabatbme jinqu'è
la Syrte, par les Gigames à l'est, les
Asbystes au milieu , et les Auskhises
à l'ouest, avec les Cabales enclavés ;
plus tard seulement , les MaUnarides,
les itiémes peut-être que les Gtgames ,
se trouvèrent maîtres exclusifs ée
cette terrasse; à l'étage au-dessous
figuraient, vers l'ouest les Psylles,
vers le sud les Nasamons, et vers l'est
les Adyrmachides. Voilà, ce nous sem-
ble, la disposition générale qui ressort
de l'étude des faits ultérieurs. Il est
utile de ne pas perdre de vue cette es-
pèce de symétrie des populatioDS in-
digènes avec tes grands traits pbysi-
^es du sol , parce qu'elle a toujours
influé, à un certain degré, sur les déli-
mitations que l'histoire ou la géogra-
phie ont ensuite adoptées.
£t maintenant que nous avons dé-
crit le théâtre où se succédèrent, dans
le cours des siècles , les actes divers
du drame politique où le premier rôle
appartient à Cyrène , il est temps de
raconter l'origine, l'accroissement, la
puissance et les vicissitudes de cette
vHIe tour à tour royale et populaire ,
autononoe et asservie , païenne , juive
et chrétienne ; fameuse par sa turbu-
lence , par ses richesses, par ses mœurs
raffinéeé, par ses philosophes, ses
poètes et ses savants, aujourd'hui dis-
parue du monde, et n'ayant laissé à «a
place que le nom de Qerenneh pla-
nant sur quelques ruines éparses aban-
données à d'insouciants nomades^
SU.
HÏSTOIAE.
I.
HtSTOIBS M LA. FOKDÀTfOIV
BS GYRÈlfE.
'Origîi^ des Tkér^éens Jbrukùteurs
de €ijrène.
Les ACIIBBNS de X4 LagoKie,
iMfeteïBB ÉLBHSlfT DB lA P<^D{iA-
•noH Wï Théra.—- L'oi-igine deCyrène
se trouve^ tQwtùt toQtee les «ngines
antiques^ entourée d'inoertitudes et.
de fables ; au miliev des récits divers,
ressort néanmoins invariaUement ee
fait principal, t]ne Cyrène fut une co-
lonie de rtle de Théra, dont les habi-
tants étaient, pour la plupart, venus
de la Laconie. Il est donc nécessaire^
pour édaiitsir, au point de vue ethno-
logique , l'histoire de la fondation <le
Cyrène , de rei»M«r, oomme 41a rfait
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
7^
^rodote, aux colons quj Dçunlèrent
™fe, k anx càtties qui trétèrinhié-
Oii èbirp rf'œil sur Pétat dé fa La-
tenie à cèltte époque paratt d'abord
îttdîspénsabîé. Cette contrée était en
ia )M)ssesi$fon des Aohéens, quand Pin-
vasion doriénne, conduite par tes Hé-
^.radides, au douzième siècle avant
' ôotreèrt. vint y établir un ordre de
cboslEfe erïttèreîViènt nouveau : les côh-
gnéhmts, dont le nombre n'était pôiirt
assez considérable potir occuper à la
fois tout le pays, Se contentèrent, danS
îe principe, de s'établir à Lacëdémone,
sâtif à étendre graduellement leur do-
ittihation sur les cantons voisins , en
refoolant tes anciens habitants au
dblàdes limites, s\iccessivement agran-
dies, dtt tètrîtôit-e subjugué. De là les
émigrations é[u\ eurent pour résultat
la colonisation de Théra , métropole à
son toui* de Cyrène.
Second ^lëment, les CàdmIséns
MmoiÉs DE Thêbes. — Mais avant
TairivêB deS ÏTéraclîdes, l'ancienne ca-
\^k des Àcliéehs de la Laconie, la
Tito de Tyndare et de Léda , là pa-
trie de Castot et de Poîlux , d'ilélene
et de Clytèmhestre, Amyclée, avait
K«i dans son sein les Vestes de la
noble race dés Égides , dépossédée
de Thèbès i)â^ l'invasion béotienne
(1150 ans bvaht notre è^e) ; elle avait
tàBû doàné rhospitalitë à Tliéras et
te^e, tous deux enfants d'Autésion,
ois déshéHté du roi TisaAièhe , dont
lagénéatogîeirembntait, à travers huit
gaériaiions, pair (ifedipe, jusqu'à Cad-
tous. \2uand riiéraclide Aristodème
S'empara d'Amvclée, il y prit pour
^ùse la cadmeekine Argie, et la ren-
dit fflèfe de xlèux princes jumeaux ,
wiysthènes et Pâtrocles , qui ne vi-
ren toutefois le jour (jju'apres sa mort
(Jtlft ans ayaiii; J .-C.) : leui- oncle ma-
«hjet lïféràs èéuvei^ua pendant leur
Jfflortté , et 4uàhd ils lurent en âge
de prendre eux-mêmes les r(Snes Se
Jfitot, Théras , trop lier pour obéir
Jpw avofr H lohgteiïïps commandé,
]«iÈWt de s'expatrier pouir aller ail-
W fonder un nouveau royaume.
Ti0ÔlJ%fe fiLiMfeïïT,LESMlNYENS
liÉFUGiBS DE Lemnos. — • Dans rin-
terValle, l'invasion des PÉIasges avait
Cliàss'é de Lemnos les Minyens, origi-
naires de Thessalie, et célèbres à raison
de la part qu'ils avaient prise î
l'expédition des Argonautes; expul-
sés de leur lie, ils cirtglèrent vers \i
Lnconîe . débarquèrent à Ténare pa-
trie de l'argonaute Euphème, et vin-
rent campée sur les hauteurs du Tay-
gète.A la vue des feux qu'ils y avaient
allumés , les Lacédémoniens leur en-
voyèrent demander qui ils étaient ,
d'où ils venaient, et ce Qu'ils voulaient:
ils réiJOrtdirent qu'ils étaieht Minyens,*
descendants de ces vaillants guerriers
qui montaient le navire Argô, et qui
ayant abordéà Lemnos y avaîeht laissé
leur postérité ; ils ajoutèrent qii'ayant
été chassés par les PélasgeS, îls ve-
naient , comme cela était naturel ,
chei'cher un asile au pays dé leurs pè^
l'es; ils priaient donc les Laconiens
de tes recevoir chez eux et de les ad-
mettre au partage non-seulement de
leurs terres, mais encore des droits et
des honneurs de la cité. Les Laco-
niens y consentirent, en considération
surtout de ce que les Tyndaridès
avaient fait partie de l'expédition des
Argonautes : îls accueillirent les Mi-
nyens, leur donnèrent deS terres, et
les répartirent parmi leurs tribus.
Ceux-ci y prirent aussitôt des épou-
sés, et y trouvèrent des époux pour
lés filles qu'ils avaient amenées dé
Lemnos.
Mais bientôt les IVÎinyèns affichè-
rent des prétentions exorbitantes : ils
voulurent s'emparer de l'autorité , et
violèrent sur plusieurs points les lois
du pays. Les Lacédémoniens alors ré-
solurent de s'en délivrer: ils se sai-
sirent d'eux , et les jetèrent en prison
pour attendre Ifiur supplice , les exé-
cutions, à ÎLacédénione, ne se faisant
que la nuit, et jamais de jour. Comme
1 heure de leur mort approciiait, leurs
femmes , qui étaient filles des princi-
paux citoyens de Lacédémone, deman-
dèrent à entrer dans la prison pour
parler à leurs maris , ce qui leur fut
accordé sans défiance. Elles ne furent
pas plutôt entrées, qu'ellçs §e hâtèrent
Digitized by
Google
76
L'UNIVERS.
de donner à leurs époux leurs propres
vêtements , et de prendre les leurs :
et les Minyens, ainsi cachés sous les
babits de leurs femmes, sortirent à la
faveur de ce déguisement, et s'écbap-
pant de la sorte , se réfugièrent ue
nouveau sur les hauteurs du Taygète.
Fondation de la colonie db
Théra."— C'était le moment où Théras
voulait quitter Lacédémone pour aller
fonder une colonie : il avait jeté les
veux sur l'île appelée alors Galliste, déjà
habitée, depuis huit générations, par
«es compatriotes les descendants de
Membliarès fils dePéciles, phénicien,
que Cadmus y avait laissé quand il tra-
versait les mers à la recherche d'Eu-
rope. Théras avait réuni pour son ex-
pédition , un grand nombre de Laco-
niens pris dans les tribus parmi les
Égides et les Achéens d'Amyclée, avec
le dessein d'aller s'établir à Galliste,
non à la place des anciens colons cad-
méens, mais paisiblement et dans une
parfaite union avec eux : il proposa
d'emmener aussi les Minyens fugitifs,
qui dans leur retraite du Taygète
excitaient encore l'inflexible colère de
Lacédémone, et il obtint leur grâce à
la condition de cet exil volontaire.
Son fils ayant refusé de s'embarquer
avec lui, il le laissa comme une brebis
parmi les loups , ce qui fit donner à
celui-ci le nom d'Oïolycos. Théras
mit à la voile avec trois vaisseaux de
trente rames, se rendit à Galliste au-
près de la postérité de Membliarès,
et y forma un établissement qui prit
le nom de son fondateur, bientôt subS'-
titué à celui de Galliste même. Les
traditions de Lacédémone aussi bien
gue celles de Théra avaient conservé
jusque-là un souvenir uniforme des
événements que nous venons de rap-
peler : Théra seule pouvait raconter
la suite de son histoire.
Ainsi , rtle de Théra , d'où Gyrène
devait un jour sortir, était une colonie
laconienne ; elle avait reçu pour ha-
bitants des Amycléens de race achéen-
neoudanaënne,des Minvens venus de
Lemnos au Ténare, et des Gadméens
tant Égides que Membliariens. La di-
gnité royale, dans le nouvel État, resta
à la postérité de Théras, avec laquelle
Taristocratie des Éeides et des Mi-
nyens partageait l'administration des
affaires publiques. Si Théra eut plus
tard un gouvernement populaire sous
des archontes, ce ne fut sans doute
qu'à une époque postérieure à la fon-
dation et à l'émancipation de Gyrène.
Gauses de l'émigbation vers
Thbra et de là yebs Gybène. —
Quels que soient les détails anecdoti-
3ues au milieu desquels se trouve
élayée l'histoire de la colonisation de
Théra, on voit qu'elle eut lieu par suite
des rivalités intestines qui devaient na-
turellement surgir entre des popula-
tions de races diverses, amenées sur
un même sol par des déplacements
qui ne sont pas sans quelque analogie
avec ceux dont l'Europe occidentale
fut le théâtre au moyen âge. L'expé-
dition de Gadmus avait jadis donné
des habitants à Thèbes ; celle des Ar-
gonautes en avait laissé à Lemnos :
Finvasion des Béotiens chassa les Gad-
méens de Thèbes; celle des Pelages
chassa les Minyens de Lemnos, et celle
des Doriens chassa à son tour, de la
Laconie, les Gadméens et les Minyens
qui s'y étaient réfugiés, et les Achéeas
anciens maîtres du pays.
Ge furent probablement aussi des
dissensions intestines entre les Mi-
nyens et les Gadméens de Théra qui
déterminèrent, quatre siècles et demi
plus tard , l'émigration à laquelle Gy-
rène dut sa naissance : la tradition de
cette cause simple et naturelle nous a
même été conservée par un scholiaste.
Mais Gyrène eut des destinées trop
brillantes , pour que la fable ne vînt
pas, de mille manières, parer son ber-
ceau, et l'entourer de cette trompeuse
auréole qui rend indécises les formes
sur lesquelles elle semble jeter le plus
d'éclat. Il nous faut donner au moins
un coup d'oeil rapide à ces menteuses
annales.
Eapédîtions des Théréens pour la
fondation d'une colonie en Libye.
Tbaditions consebyébs a Tiub-
ba; pbemiebb begonnaissamcs db
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
iliB DE Platéb. — Dix-sept généra-
tions a{Hrès la colonisation deTnéra, le
seeptrese trouvait entre les mains de
Grinos fils d^Esanios ; et le principal
des Minyens était Aristote ou Aristée
fils de P'olymneste, plus connu sous le
nom de Battos , descendant de ce Sé-
same, fils de Leucophane et petit-fîls
de Targonaute Eupbème, qui avait
accompagné Théras à Cal liste. Or
Toici,au dire d'Hérodote, ce que ra-
contaient d'eux les Théréens.
Grinos fils d'Esaiiios , descendant
de Théras et roi de Fîle de Théra, était
allé à Delphes pour y offrir une héca-
tombe, en compagnie de plusieurs ha-
bitants de son tie, et entre autres du
minyen Battos fils de Polymneste,
eophémide. Quand ce prince consulta
l'oracle, la Pythie lui répondit qu'il
lai fellait aller fonder une ville en Li-
bye. « Divin Apollon , s'écria Grinos ,
• je suis vieux , trop lourd pour de
« telles entreprises»; et montrant Bat-
tos : < Chargez-en plutôt quelqu'un
« de ces jeunes gens venus avec moi.»
De retour dans leur île , les Théréens
o'earent aucun égard à la réponse de
l'oracle, attendu que ne sachant point
où était la Libye, ils n'osaient s'aven-
turer à y envoyer une colonie.
Il se passa ensuite sept années sans
qu'il plût à Théra, où la sécheresse fit
périr tous les arbres hors un seul ; les
Théréens eurent alors recours à l'ora-
cle, et la Pythie leur ordonna de nou-
vean d'allef fonder une colonie dans
la Libve. N'ayant donc pas d'autre re-
Biède a leur lâcheuse position, ils en-
vojrèrent en Crète s'enquérir de quel-
90 BB, Cretois ou étranger, qui eût été
«0 Libye. Les envo]^és parcoururent
nie, et arrivés à la ville d'Itanos, ils y
découvrirent un teinturier en pourpre,
Dominé Corobios , qui leur dit avoir
été poussé par un vent violent dans
ffc de Platée en Libye; ils l'engage-
nt movennant salaire, et revinrent
avecluiàThéra. On fit partir alors,
SOQS la conduite de Corobios, un petit
nombre de citoyens chargés d'exami-
ner les lieux ; et quand il les eut me-
nés à nie de Platée , ils l'y laissèrent
>^ des vivres pour quelques mois,
77
et remirent en mer pour aller en dili-
gence faire aux Théréens leur rapport
sur cette île.
SÉJOUB DE Corobios; abbivbb
DES COLONS A PLATÉE—Lcur absence
s'étant prolongée au delà du temps
convenu , Corobios se trouva dam
une très-grande disette; heureusement
qu'uir navire de Samos , qui allait
en Egypte sous le commandement
de Coléos, ayant abordé à Platée
et appris la position critique de Co-
robios , lui donna des vivres pour un
an, après quoi il se remit en route
pour l'Egypte où il était pressé d'ar-
river ; mais le vent d'est qui soufflait
alors, emporta, comme on sait, le na-
vire jusqu'au delà des colonnes d'Her-
cule. La conduite de Coléos à l'égard
de Corobios fut l'origine de h grande
amitié que les Théréens et les Cyré-
néens eurent depuis ce temps pour les
Samiens.
Les Théréens qui avaient laissé Co-
robios à Platée , rendirent compte , à
leur arrivée chez eux, de l'établisse-
ment qu'ils avaient commencé de for-
mer dans cette fie libyenne. Là-dessus
il fut résolu que de tous leurs can-
tons , qui étaient au nombre de sept,
on enverrait des hommes, que les
frères tireraient au sort, et que Bat-
tes serait leur chef et leur roi : et en
conséquence de cette résolution , fu-
rent équipés deux vaisseaux à cin-
quante rames, qui transportèrent à
Platée les nouveaux colons.
RÉCIT DES Cybénéens; obiginb
CBÉTOISE DE BaTTOS PAB SA MÈBE.
— Les traditions cyrénéennes , consi-
gnées dans l'histoire d'Hérodote, et
rapi)elées dans les chants de Pindare ,
attribuent à Battos un rôle plus im-
portant, et entrent, à Tégard de ce
prince, dans beaucoup plus de détails,
que nous allons rapporter aussi. Nous
ne pouvons mieux faire que de trans-
crire le récit du vieil historien.
Étéarque, roi de la ville d'Axos en
Crète, ayant perdu sa première femme,
dont il avait une fille appelée Pbro-
nime, prit une nouvelle épouse, qui, à
peine installée chez lui , se conduisit
en véritable marâtre, cherchant tou3
l
Digitized by VjOOQIC
7d
L'UNÎVIRS.
les moyens de nuire à h jeune prin-
cesse, qu'elle accusa enOn, auprès de
son crédule époux , de s'être abandon-
née à un homme ; et à Tinstigation
de cette femme, Etéarque se porta, à
ré)s:ard de sa fille , à une résolution
odfeuse. Il y avait alors à Axos un
marchand théréen nommé Thémison :
ce prince le fit venir , et après "flvoir
contracté avec lui l'hospitalité, il lui
fit promettre , avec serment , de lui
prêter son ministère dans toutes les
choses où il aurait besoin de lui : et
dès que le serment eut été prononcé ,
i! lu! remit sa fille, en le chargeant de
Pemmener et de la jeter à la mer.
Fâché de se trouver ainsi lié par
une promesse surprise à sa bonne loi,
Thémison rompît avec Ktéarqne, par-
tit avec la jeune princesse, et pour
obéir à son serment, quand tl fut au
large, il la jeta à la mer, mais attachée
à une corde , au nïoycn de laquelle il
la retira de Tenu ; et il ren^mena à
Thcra. Là ette fut recueillie par un
grand seigneur nommé Polymneste,
de qui elle eut, quelque temps'après, un
fiîsqui, d'après Ics'l hércens aussi bien
que les Cyréncens, fut appelé Battos.
Batto^ conduit unr colonie a
Platrb.- Le jeune pnnceavait,dit-on,
été appelé Ballos parce qu'il bégayait
et ue pouvait prononcer certaines ar-
ticulations; mais Hérodote croyait
(u'il avait un autre nom ( Pindare
k Callimaque disent Artstote , Jus-
tin dit Aristée), et que celui de
Battos lui fut donné en Libye, tant
à cause de la réponse quMI avait re-
çue de Toracle de Delphes qu'à rai-
son de sa dignité; car Battos, comme
le fait observer l'historien grec, signi-
fie roi dans la langue des Libyens, et
c'est pour cela sans doute que la ï*y-
thie , l'envoyant en Libye pour y ré-
gner, lui donna , dans sa réponse , ce
titre libyen. En effet , étant allé , à sa
majorité , consulter l'oracle de Del-
phes sur le défaut de sa langue, la
Pythie lui répondit : « Battos, commç
SI elle lui eût dit : « Roi ! tu viens ici
* pour ta voix : le divin Apollon t'or-
« donne d'aller t^établir dans la Libye
f où paissent de nombreux moutons, »
'^
Battos répliqua: «Divin régiilatcor,
« je suis venu vous consulter sur le
« défaut de ma langue ; mais vous me
« commandez des dhoses impossibles
« en m'envoyant établir une colonie
« en Libye : avec quelles troupes, avec
« quelles forces puis-je exécuter un tel
« projet ? » Malgré ces raisons , il ne
put amener la Pythie à lui parler au-
trement. Voyant donc que l'orade
persistait dans sa réponse , il quitta
Delphes, et retourna a Théra.
Mais dans la suite, il lui arriva beau-
coup de malheurs, ainsi qu^aux autres
habitants de Tilc, et comme ils en igno-
raient la cause, ils envoyèrent consul-
ter Toracle de Delphes sur les calami-
tés qui les frappaient : la PytWe leur
répondit qu'ils, seraient plus heureux
^ s'ils fondaient avec Battos la ville de
Cyrène en Libye. Sur cette réponse,
ils firent partir Battos avec deux vais-
seaux à cinquante rames ; Battos et
ses compagnons , forcés par la néces-
sité, naviguèrent vers la Libye, puis
ils voulurent retourner àThéfa; mais
les Théréens les repoussèrent quand
ils tentèrent de débarquer, leur inter-
dirent d'aborder, et leur ordonnèrent
de retourner à l'endroit d'où ils ve-
naient. Force leur ^ut de reprendre la
même route, et d'aller s'établir dans
une île voisine de la Libye; cette île,
comme on l'a déjà dit , était celle de
Platée , dont la grandeur ne dépassait
pas celle qu'eut plus tard la ville mê-
me de Cyrène.
Les colons quittent Platéb
POUR Azims, ET ARRIVENT ENFIN
A LEUR DESTINATION. — LCS récîtS
des Théréens et des Cyrénéens conco^
daient entre eux, quant à la suite de
cette histoire, qu'Hérodote poursuit
en ces termes :
Les Théréens restèrent deux ans
dans l'île de Platée \ mais coi:nme rien
ne leur prospérait, ils y laissèrent
l'un d'entre eux , et le reste 5e rem-
barqua pour aller à Delphes. Quand
ils y furent arrivés , Baittos dit à la
Pythie qu'ils s'étaient établis en Li-
bye, et que, cepen^^nt, ^s n'étt
étaient pas plus heureux, l^orade toi
répondit : « Tu n'as jamais été dans Ik
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANaENNE.
7Ô
t Libye féconde en troupeaux , et tu
«prétends la connaHre mieux que
• moi qui y ai été. J'admire gran-^
« dément ton savoir ! » Sur cette ré-
ponse, Battoss'en retourna avec son
monde 7 puisque le dieu ne les tenait
pas quittes de Tentreprise tant qu'ils
ne seraient pas allés dans la Li^e
inénie. De retour à Platée, ils prirent
aveceux celui des leurs <|u*Us y avaient
laissé, et allèrent s'établir sur le con-
tiiienC libyen , vis-à-vis de l'île, à
Aziris , lieu charmant , environné de
deux côtés par des collines agréaisies
couvertes d'arbres, et arrosé ea outr»
par une rivière.
Ils demeurèrent six années à Aziris ;
mais la septième année ils se lais-
sèrent persuader d'en sortir, sur les
vives instances des Libyens, et sur la
promesse qu'ils leur firent de les me-
ner dans un meilleur canton. Les Li*
byens leur ayant fait quitter cette ha?
wtition, les conduisirent vers le cou-
chant; et de crainte qu'en passant
psr les plus beaux sites du pays , les
Grecs ne les préférassent, ils réglè-
KBt ieur marche sur la durée du jour
àt maftière à leur faire traverser peur
dant la nuit cette belle contrée appe-
lée Ira|m(*). Quand ils les eurent con-
duis à une fontaine qu'on prétend
josacree à Apollon : « Qeliènes », leur
dirent-Ils, « la commodité du lieu
« vous invite à fixer ici votre demeu-
«»: le ciel y est ouvert pour vous
■ donner les pluies qui rendront vos
« terres fécondes. »
Ce lieu était l'emplacement Où fut
•we Cyrène.
Trmiftions diverses relatives à la •
JondatUm de Cyrène.
ÏJWHB POBTIQUB DE LA MYtfPHS
GtlàiiE. — A cété de ces traditions
fwiepèrede l'histoire avait recueillies
Ijwdoutc lui-même à Lacédémone, à
*W6t à Cyrène, il convient de jrap-
. (*) 1poi*ffa «oXiç 'Avtaiou» comme U dé-
•pte f indare dans sa ix® Pytb^que ç pn
*^* <l9W .notre volume 4es îles, que le
"•<«» des Antides était alt2\ché à la çher-
•OQnèse appelée aujourd'hui Râs-el-Tyn.
peler quelques autres versions qui nous
sont parvenues par d'autres voies.
Et d'abord il nous faut rapportei;
en première ligne le mythe poétique,
célébré dans les vers de Pindare et de
Callimaque, où figure la chaste et
courageuse Cyrène, fille d'Hypsée,
roi desLapithes de la Thessahe, fil$
lui-m^e du Pénée, et petit-fils de la
Terre et de TOcéan. Ce n'étaient pas
la navette et les fuseaux, les soins et
les jeux domestiques qu'elle aimait,
c'était l^ garde active des troupeaux
de son père, et la chasse des fauves,
qu'elle poursuivait de ses javelots et
combattait de son épée d'airain. Apol-
lon l'aperçut un jour luftant seule
contre un lion impétueux ; il appelle
aussitôt Chiron du fond de son antre
pour venir admirer cette vierge intré-
pide , dont la résolution , la vigueur,
Je courage, étaient inaccessibles à la
crainte et supérieurs au danger. Il lui
^emçnda ^ui était cette noble fille , et
S*il pouvait prétendre à ses faveurs.
« Est-ce à moi , répondit le centaure,
« à révéler le présent ou l'avenir à un
« dieu? Vous l'épouserez et la condui-
« rez au delà des mers pour lui don-
« ner à régir une cité où vous aurez
« réuni, sur une colline entourée de
« plaines, des habitants insulaires;
« la vieille Libye recevra la nymphe
« illustre dans ses palais d'or, et lui
« donnera aussitôt, pour l'assujettira
« ses lois , une terre fertite en fruits
« de toute espèce , féconde aussi en
« bêtes sauvages. Là elle enfantera
« Aristée, chasseur et pasteur à la
« fois. » Les dieux sont prompts, sur-
tout quand ils sont pressés : dès le
jour même le fils de Latone, enle-
vant dans un char d'or la vierge chas-
seresse, la conduisit dans les somp-
tueux palais de Libye où Vénus les
reçut et consacra leur union ', et Cy-
rène demeura la maîtresse d'un pays
chargé de troupeaux et de moissons ,
dans la plus riche des trois parties de
la terre.
Çst-ce l'histoire ornée de poétiques
(lehors, ou bien est-ce une allégorique
fiction que Pindare a voulu consacrer
dans seà chants? il semble îfiipoflBi«
Digitized by VjOOQIC
80
L'UNIVERS.
ble d*hésiter pour cette dernière hy-
pothèse. La nymphe thessalienne,
conduite en Lib]^e par Apollon, n'est-
ce pas une allusion directe à la popu-
lation d'origine minyenne , transpor-
tée sur le sol libyen par ordre de To-
racle de Delphes? Quand il rappelle
des souvenirs historiques, Pindare
lui-même ne nous parle pas de la nym-
Êhe Cyrène, mais bien d'Aristote ou
lattos fils de Polymneste , que la
Pythie envoya fonder une colonie
Î|ùand il venait la consulter sur le dé-
aut de sa langue, et qui amena en
Libye , dans ses vaisseaux , les colons
minyens, égides et lacédémoniens ,
qui de Sparte s'étaient jadis rendus
à Calliste. Le poète ajoute qu'ayant
alors recouvré l usage wcile de sa lan-
gue, il effrayait les lions du seul bruit
de sa voix ; tandis que Pausanias ra-
conte que la frayeur qu'il eut d'un
lion lui délia la langue en lui faisant
pousser de grands cris.
RÉCITS RECUEILLIS PAR UN ANCIEN
SCHOLIÂSTB. —Cependant, si Ton en
croit Acésandre, auteur d'une histoire
de Libve ou de Cyrène, citée par l'an-
cien scholiaste de'Pindare,Battos n'au-
rait été nullement bègue, mais bien au
contraire, étoouent, instruit et habile,
et son prétenau défaut de langue n'au-
rait été qu'une feinte. Un autre histo-
v;;. 4ilx^j*,, rien/Ménéclès, cité par le même scho-
..u^cr^>wK,liaste, traitait de fables tous ces récits
où il était question du bégaiement de
Battos, et voici la version qu'il donnait
lui-même de la fondation de Cyrène.
« Il y eut », dit-il, « des troubles dans
l'île de Théra , et les citoyens se par-
tagèrent en deux factions : Battos, qui
était a ,a tête de l'un des deux partis,
ayant eu le dessous dans un combat ,
fut obligé de quitter sa patrie; et
comme il désespérait d'y pouvoir ren-
trer, il forma le projet de s'aller éta-
blir ailleurs avec ceux qui l'avaient ac-
compagné dans sa fuite. Etant allé à
Delphes pour y consulter Toracle sur
ce qu'il devait faire, de combattre
pour recouvrer sa patrie , ou de cher-
clier ailleurs un établissement , le dieu
lui répondit : « Battos, de ces deux
« partis, le premier est mauvais , l'au-
« tre est bon ; abandonne une terre
« isolée au milieu des flots , le con-
« tinent te vaut mieux; renonce à
« l'orient , où fiit ton premier domi-
« cile, et obéis à mes ordres en allant
« habiter la terre-ferme , suivant la
«volonté des dieux. Garde-toi donc
< d'entreprendre une navigation fu-
« neste pour retourner dans ta patrie,
« et souviens-toi que selon les œu-
c vres de l'homme est le succès de ses
« entreprises. »
Version adoptée par l'histo-
rien Trogue-Pompéb. —Le récit de
Trogue-Pompée, tel que nous l'a trans-
mis son abréviateur Justin, semble
être un amalgame des traditions et
des fables antérieures, emprunté, à
ce qu'il semble, d'un fragment de
Théopompe; nous nous bornerons à
le traduire ici.
Cyrène, raconte-t-il , fut bâtie par
Aristée, surnommé Battos à cause de
sa difGculté à parler. Son père Cyr-
nus , roi de l'île de Théra , étant venu
à l'oracle de Delphes pour consulter
le dieu au sujet de l'infirmité de son
fils adolescent qui ne parlait point
encore, reçut une réponse qui ordon-
nait à ce fils Battos de se rendre en
Afrique pour y bâtir la ville de Cy-
rène , où il recouvrerait l'usage de sa
langue. Comme cette réponse avait
l'air d'une plaisanterie , à cause du pe-
tit nombre d'habitants de Tîle de Thé-
ra, où il s'agissait de prendre des
colons pour aller fonder une ville dans
une contrée aussi vaste que l'Afrique ,
on négligea de s'y conformer. Mais
quelque temps après , ils furent, com-
me des rebelles, forcés par la peste
d'obéir au dieu : ils .étaient si peu
qu'ils remplissaient à peine un seul
navire. Quand ils furent arrivés en
Afrique , ils occupèrent , à cause de
l'aménité du lieu et de Fabondance de
la source , la montagne de Cyra , dont
ils chassèrent les habitants. Là leur
chef Battos commença à parler sans
difficulté , ce qui , en leur montrant
l'accomplissement des promesses du
dieu à cet égard , leur donna du cou»
rage et l'espérance du succès pour la
fondation d une ville.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE AWaENNE.
Ayant établi leur camp sur ce {)oint,
ils apprirent la tradition de l'ancienne
fable d'après laquelle Cyrène , vierge
d'une merveilleuse beauté , enlevée du
mont Pélion en Thessalie par Apol*
Ion , et transportée sur le sommet de
la montagne même dont ils occupaient
le versant, avait eu de ce dieu quatre
enfants : Nomius, Aristée, Eutocus
et Argée. Son père Hypsée, roi de
Thessalie , ayant envoyé à sa recher-
che, les messagers, séduits par l'a-
ménité du lieu , s'étaient établis avec
la princesse sur ce même territoire.
Les enfants étant devenus adultes ,
trois d'entre eux étaient retournés en
Thessalie , où ils avaient succédé aux
domaines de leur aïeul ; Aristée avait
eu un vaste royaume en Arcadie: c'est
lui qui , le premier, avait fait connaî-
tre aux hommes les abeilles et le miel ,
le lait et le fromage, et qui le pre-
mier avait observé le lever solsticial
des astres. Instruit de ces détails , et
s'étant informé du nom de la prin-
cesse , Battos fonda en cet endroit la
ville de Cyrène.
Attribution prophétique de là
POSSESSION DU territoire DE Cy-
«ENE , LORS DU PASSAGE DES ARGO-
NAUTES. — Un savant géographe cri-
tique, Mannert, a cru trouver, dans le
mythe de la nymphe Cyrène, une preuve
que des navigateurs grecs avaient, dans
leurs pér^rinations, en des temps re-
culés, abordé à ces rivages.
Cette opinion est confirmée par les
traditions des temps héroïques, oii
BOUS trouvons , au milieu du récit de
la grande expédition des Argonautes,
des traits directement relatifs à l'éta-
Ulssonent futur des Grecs dans les
^rages oîi fut plus tard bâtie Cy-
rène.
Sans nous engager dans le dédale
des traditions diverses qui, dans la
succession des âges, se sont formulées
mr la route par laquelle les Argonau-
tes revinrent de la Colchide, nous
nous bornerons aux récits les plus
aodens , d'après lesquels , suivant Pin-
dare, les conquérants de la Toison
ë'Or rentrèrent de l'Océan dans la
Méditerranée en transportant leur
ff lÂvraison. (Afrique ancienne.
H
navire l'espace de douze jours à tra-
vers les déserts de la Libye jusqu'au
marais de Triton ; bien que , suivant
Apollonius de Rhodes, ils effectuèrent
ce portage à partir seulement de la
Syrte , ou les avait poussés une tem-
pête qui les avait saisis en vue du
Péloponèse ; tandis qu'Hérodote et
Diodore de Sicile, se taisant sur le
portage, racontent que la tempête,
saisissant le navire sur la route de
Delphes, au retour de la Colchide d'a-
près celui-ci , avant le départ d'après
l'autre , l'emporta sur les basses du
lac de Triton. Quoi qu'il en soit , il
s'agissait, pour les navigateurs grecs,
de dégager leur vaisseau de ces bas-
fonds dangereux : Triton lui-même ,
se montrant à leurs yeux sous les
traits d'Eurvpyle roi du pays, leur
enseigna la Bonne route, soit au prix
du trépied que Jason destinait au tem-
ple de Delphes , ou d'une patère d'or
au dire de Lycophron , soit sous l'in-
fluence d'un sentiment plus désinté-
ressé; et comme présent d'hospita-
lité, racontent les uns, il arracha du
sol une glèbe pour la leur offrir, et
elle fut reçue par Eupbème, en fa-
veur duquel elle était, ainsi que le
prophétisa Médée ou Jason , l'emblè-
me de la possession future de la con-
trée; suivant les autres, c'est au tré-
pied ou à la patère d'or qu'étaient at-
tachées les destinées du pays.
En quittant le Triton, les Argo-
nautes arrivèrent près de Théra , et
Eupbème y ayant laissé tomber à la
mer la glèbe qu'il avait reçue d'Eury-
pyle , cet accident fut le texte de la
prophétie que Pindare a mise dans la
bouche de Médée : « De cette île », dit-
elle , « la fille d'Épaphus recevra un
« jour le germe des villes qui s'élève-
« ront sur le sol consacré à Jupiter
« Ammon , et à cause de cette glèbe
« Théra deviendra la métropole de
« grandes cités ; car dans cette île est
« prématurément tombée la semence
« destinée à féconder la vaste Libye.
« Si Eupbème l'eût jetée sur sa terre
« natale , aux abords du Ténare ,
« ses enfants , après quatre généra-
« tions, seraient allés occuper cette
Digitized by VjOOQIC
89
I/UNIVERB.
€ grande term dvéé le« Danaèns
K qui seront alors chassés de Lacédé^
« Wione , d'Af gos et de Mycènes ; tan-
« dis que maintenant il rencontrera
« des épouses étrangères , de qui nal-
« tra dans cette île le rejeton que les
* oracles d'Apollon Pythien invite-
« ront à transporter dans ses irais-
« seaux de nombreux colons en Lt-
« bye. »
621S B.c.? Date l»ROBABLfi H^tkVOWÙkTlOtf
é 3 I 8 C. î DE Cybène. — A quelle époque faut-il
co<^j-u^ rapporter la fondation de Cy rêne? C'est
r^^l^Z^t> "" P®*"^ d'autant plus controversé par-
^^' miles modernes, que les anciens ne nous
ont transmis à cet égard que des indica-
tions vagues et discordantes. Le natu-
raliste Théophraste énonce d'une
manière générale que les Cyrénéensr
étaient établis dans leur' ville environ
trois cents ans avant i'archontat de
Sîmonides , dont la date se rapporte
à l'année 811 avant notre ère. Pline
l'ancien, répétant probablement le
calcul de Tbéophraste, fait corres-
pondre la fondation de Cyrène à Fan
143 de Rome , ce qui revient de même
à 611 ans avant l'ère chrétienne. So*
lin , si fréquemment servi le copiste de
Pline, s'écarte cependant ici du maître
dont on l'a surnommé le singe ; sui-
vant lui , c'est à la quarante-cinquième
olympiade, au règne d'Ancus Martius,
et^ à Pan 586 de la prise de Troie, que
doit être fixée la date de l'établisse-
ment formé par Batttrs à Cyrène : or
cette triple indication est d'aiitant
plus embarrassante, que si d'un cdté
l'année 699 avant l'ère chrétienne ré-
pond aux deux conditions tirées de la
chronologie grecque , d'un autre coté
les vingt-quatre ans du règne d'Ancus
Martius s'étendent de 640 à 616 avant
J. C, en sorte que la première date ne
^'accorde nullement avec k seconde ,
qui est précisément celle que Solin a
dû écrire avec le plus d'assurance,
puisqu'elle se rapporte à la chronolo-
gie die sa propre patrie. On a tenté di-
verses corrections au texte de l'auteur,
on en a donné diverses explications ,
pour faire disparaître les contradîc-^
tiens qu'il présente ou semble présen-
ter; mafa on n*m a pa retirer^ dansr
tous les cas 9 qu'une date iikc«rt«fie.
Enfin t le savant évéque de Césaree ^
Eusèbe le chronologtste , n'est pas,
plus que Solin, d^ccord avec lui-
même, puisqu'en trois endroits de son
canon , il énonce des dates différentes,
répondant aux années 1333, 758 et
631 avant J.-C; on peutcroire^ avec
ceux qui supposent divers établisse-
ments successifs des Grecs dans la
Libye , que ces trois dates se rappor-
tent à trds différents essais de coloni-
sation* Quoi qu'il en soit, la dernière
a été acceptée par les critiques comme
la plus probable de celles qui ont étâ
attribuées à l'établissement de Battos>
et nous l'adopterons nous-méme sans
plus de discussion.
II. BÀerrB des BATnAi>BS«
Enfance, développement et organi-
sation de la colonie sous les cinq
premiers rois.
Enfance de la colonie sous les
DEUX PBEMiERS MONABQUBS.— Pen-
dant huit générations , dont lès chro-
nek>gistes évaluent habituellement la
durée à deux siècles, Cyrène fut sou-
mise à des rois, dont la dynastie prit
le nom de Battiades , de cekti de son
fondateur Battes Aristote.
Le règne de ee premier monarque
fut de quarante ans, et ne laissa que
de bons souvenirs, consacrés par les
louanges des historiens et àe» poètes;-
il bâtit aux dieux plusieurs sanctuaires,
et fît construire , pour les solennité»
instituées en l'honneur d'Apollod, une
route droite et pavée renckie célèbre
par les chants de Pindare, et à l'un dc«
bouts de laquelle , vers* le Foram, fut
en$«ite placé son pr^e tombeau.
Pausanias rapporte que les Cyrénéen»
avaient consacré à sa mémoire, à Del-
phes, un tableau du peintre crétoîs
Amphion de Gnosse, où ee prince étaét
représenté dans un ctor conduit [»r ta
nymphe Cvrène, et couronné {«r la
iq^mphe Libye.
Il eut pour successeur son fil» Ar*
césilas^ le premier de ce nom, qui
régna seize années ; c'est to«t ee ^m
nous savons èe ceM-ci« BéNéoM
Digitized by VjOOQIC
AFRiOflîË ANOIËNNE.
M
ôottf a^rend seoIéMent que , sôils M
Cîdce, oomtnd sous i^oti pèfe^ la co-*
nie resta confinée datls les timitef
da premier établissement.
EXTBNSIOK DB LA GOLÔAtE SOlTS
IBBjbeRB DE BaTTOS t'HEUBEUt.
— Le troisième roi, appelé Battos
Gomtnesoil aîedl, fut sufnomfïlé Eudé-
mm on l'Heureux : il s'appligua au
développement de la cité restée juS'^
qu'alors stationnaire , et trop faible
pour tenir tête aux peuplades indigènes
dont elle était entourée. Il appela les
Grecs au partage des terres fertiles
qu'oii pouvait enlever aux Libyens , et
s'adressa, pour les déterminer, à la
Pythie, dont les oracles se firent en-
tendre auiisltôt : « Ceux qui n'iront
* dans la fertile Libye ^'après le par*
« tage des terres», cfisait le dieu ^ « au-
« ront plus tard Sujet de s'en repen-
«tir. » Ainsi excités, nombre de
Grecs du PélopOnèse, de la Crète et
des îles de la mer Egée, vinrent grossir
la population de Cyrène, et la colonie
s'étendit alors aux dépens dés Ll-
l^ens nomades du voisinage, hor*
d état désormais de lui résister. Les
anciens mattres du sol ne se laissèrent
pourtant pas dépouiller sans mur*
mure : ils étaient faibles, il est vrai ,
roais ils pouvaient appeler à leur aide
on protecteur puissant : c'est ce qu'il»
firent î leur chef Adikran implora le
weours d'Apriès , le pharaon de Sais ,
gai envoya contre les Cyrénéens des
iwces considérables ; les deux armées
se rencontrèrent dans la belle con-
trée dlrasa, prèd de la fontaine de
Thesté. Les Égyptiens, qui jamais en*
we n'en étaient venus aux main»
atw^écs Grecs , dédaignaient de td*
«w>«Dià : mais ils firent en cette oe-
c»H>n une cruelle épreuve de leurs
amies ; ils furent battos si compléte-
w«rt , qu'il n*en retourna en Egypte
Sun tiièsbpefit nombre; et cette dé-
!e devint , dans leur patrie , le si-
gïïal d'une révolte qui précipita du
^ Apriès lui-même, 570 ans en-
™n avant notre ère.
Cette victoire , à laquelle sans doute
Mftos II dut le Surnom dUeureux,
»8ora la domination des Cyrénéensr
sur le territoire quH* âvâieftt feUHftlî,
et sur les tribus fibyennes d'alentour ;
elle letir valut âtissi le respect de rÉ«
gypte, dont le nouveau souverain,
Âmasis, rechercha leur amitié $ il
leur envoya, pour se concilie? Imts
bonnes grâces, une statue de Mlfterve,
et la sienne propre; enfin î'alliartce
des deux États fut cimentée par \è
mariage d' Amasis avec une princesse
cyréneenne, Indice, fille de Battos,
ou d'Arcésilas , ou peut-^étre d'Un
grand seigneur nommé Critobule.
C'est tons doute à cette époque d'ex*
tension et de développement qu'il faut
rapporter aussi la fondation de la
plupart des villes et bourgs d'origine
grecque disséminés sur le territoire de
la Cvrénaïque. L'augmentation consi-
dérable tout à coup survenue dans la
population, et la diversité des élé-
ments dont elle se trouvait composée,
durent naturellement amener cette
diffusion , ce fractionnement entre
divers centres d'agglomération. Les
dissidences politiques contribuèrent
surtout à la formation de plusieurs
cités distinctes, ainsi que le règne
suivant en offrit un exemple remar^
quable.
RÈGNE D'AbCÉSILAS II î DTSSEN-
sions POLITIQUES. — Battos II avait
laissé plusiétirs enfaùtS , Arcésiîas ,
Léarque, Persée, Zacynthc, Aristomé-
don et Lycos; ArcésilaS, l'aîné, succéda
au trône ; mais ses frères ne voulurent
point sabhr son autorité, et quittèrent
le canton de Cyrène pour s'aller éta-
blir sur un autre point : résolus à fon-
der une cité nouvelle, ils firent alliance
avec les Barcéens, et soit que ces petï*
pries eussent déjà une ville où les Bat-
tiades dissidents vinrent avec leurs par-
tisane prendre domicile', soit que les
nouveaux venus fussent lès premiers
à élever chez leurs alliés nomades la
ville qu'ils habitèrent depuis en com-
mun, telle fut l'origine de la cité
gréro -libyenne de Barké ou Barca,
dont le nom couvre encore le sol de
l'ancienne Libye. Excités par leurs
hôtes , les Barcéens s'insurgèrent con-
tre la èuprémartîe de Cyrène i Arcé-
siîas marcha contrfe les rebelles et
Digitized by
Google
M
L'UNIVERS.
contre leurs fauteurs ; ceux-ci, redou-
tant ses armes, s'enfuirent à son ap-
proche chez les Libj^ens orientaux;
mais Arcésilas se mit à leur poursuite,
et les atteignit près de Leucon , dans
la Marmarique : forcés d'accepter Te
combat, ils se comportèrent avec vi-
gueur, et la victoire se déclara pour
leur cause , si bien que les Cyrénéens
y perdirent sept mille hommes de leurs
meilleures troupes.
Il résulta sans doute de cet échec
des concessions de k part d' Arcésilas
envers ses frères, et probablement
l'admission d'un ou plusieurs de ceux-
ci au partage de Tautorité souveraine ;
il paraît du moins que Léarque s'im-
misça complètement au maniement
des affaires, expulsa ou fit périr beau-
coup de citoyens considérables, en
ayant la perfide adresse de faire attri-
buer au roi ces actes d'odieuse ty-
rannie , de manière à attirer l'exécra-
tion publique sur ce prince , auquel il
projetait de se substituer lui-même :
quand les choses lui parurent suffi-
samment avancées , il empoisonna son
frère, et comme Teffet du breuvage
n'était pas assez prompt , il l'é-
trangla.
USUBPATION DE LÉABQUE , DE-
JOUEE PAB LA BEINE ËBYXO MEBE
DE Battos III. — Arcésilas II laissait
un fils encore mineur, à qui devait ap-
partenir la couronne; Léarque s'en em-
para, sous prétexte de la conserver in-
tacte pour son neveu, le jeune Battos III,
le Boiteux, ainsi appelé, parce qu'en
effet il était affligé de cette infirmité ;
et le nouveau tyran, s'entourant de
soldats é&yptiens gagnés par ses lar-
§ esses, donna un libre cours à ses
ispositions arrogantes et cruelles.
Mais il né jouit pas longtemps de l'im-
punité : la reine Eryxo, veuve d'Ar-
césilas II , et mère du jeune Battos ,
femme d'un esprit aussi ferme que
doux, ç|ui jouissait à Cyrène de la con-
sidération due à ses vertus, et ^ui
appartenait d'ailleurs à une famille
puissante, étant, par sa mère, la nièce
de Battos l'Heureux; Eryxo, dis-je,
sut venger son époux et maintenir les
droits & son fils. Léarque, pour con-
solider son usurpation , voulut obte*
nir sa main , promettant d'adopter en
même temps le jeune prince; la reine
feignit d'y souscrire, mais en repré-
^«entant la nécessité du consentement
de ses propres frères ; et ceux-ci fai-
sant à dessein traîner la chose en
longueur, elle parut céder au désir
du prétendu régent, en lui donnant
un rendez-vous qui devait rendre inu-
tile l'opposition calculée de ceux-ci;
mais au lieu d'Eryxo , le tyran trouva
Polyarque , frère aîné de là princesse,
accompagné de deux jeunes gens ar-
més qui se jetèrent aussitôt sur l'u-
surpateur et le percèrent de leurs
épées.
Il était à craindre une les Égyp-
tiens dont Léarque s'était entouré ,
n'attirassent sur ses meurtriers la co-
lère d'Amasis , ou pour mieux dire ,
n'offrissent à l'ambition du pharaon
un prétexte d'envahir la Cyrenaïque,
dont il convoitait la possession; peut-
être une armée égyptienne était-elle
déjà prête à marcher sur la Libye,
quana les desseins d'Amasis , d'abord
ajournés par la mort de sa mère , fu-
rent heureusement conjurés par les
démarches de Polyarque, qui se rendit
auprès du pharaon avec sa sœur
Eryxo et sa vieille mère Critola, sœur
de Battos l'Heureux ; les bonnes rela-
tions qui avaient existé entre Amasis
et la dynastie royale des Battiades
furent consolidées, et le monarque
égyptien renvoya ses nobles hôtes
comblés d'honneurs et de présents.
Lois données a la colonie pab
DÉMONAx. — Cependant, après avoir
détourné les périls extérieurs, il fallait
pourvoir à l'ordre intérieur ; et le&der-
niers événements n'avaient que trop fait
sentir l'imperfection des institutions
politiques sous le régime desquelles les
factions pouvaient faire naître de pa«
reils bouleversements : on eut recours
au dieu protecteur de la colonie, et l'on
députa vers l'oracle de Delphes pour le
consulter sur l'organisation qu'il con-
venait de donner au gouvernement de
Cyrène afin d'y assurer désormais la
tranquillité publique. La Pythie ré-
pondit qu'il fallait aller chercher à
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
«5
Mantînëe, en Arcadie, le législateur
dont les sages règlements sauraient
apaiser leurs dissensions. Il y avait
en effet alors , parmi les Mantméens^
un homme jouissant d'une grande con-
sidération politique, appelé Démonax :
et ce fiit lui gue , sur la demande qui
leur en fut faite, ils envoyèrent à Cy-
rène.
Le premier soin de Démonax fut
d*étudier la situation de la colonie pour
laquelle on lui demandait des lois;
auand il se fut bien mis au fait de
rétat des choses, il sépara en trois
différentes tribus les éléments hétéro*
gènes dont se composait Tensemble de
la population : il réunit dans la pre-
mière tous les anciens colons venus de
Théra ; puis il distribua dans les deux
autres , d'une part les Péloponésiens
et les Cretois, et d'autre part les insu-
laires venus de TArchipel; il attri-
bua au roi le soin des choses sacrées ,
avec la jouissance des revenus du do-
maine sacerdotal ; mais il lui retira ,
pour les rendre au peuple, tous les
droits que les monarques s'étaient jus-
qu'alors arrogés.
Ce nouveau régime fut accepté par
toutes léis parties , d'un commun con-
sentement , et il se continua sans op-
position pendant tout le règne de Bat-
tes le Boiteux , bien qu'il y ait lieu de
croire que son épouse Phérétime, prin-
cesse ambitieuse et hautaine, cher-
diât à lui faire considérer comme une
honte l'abaissement de puissance au-
quel il s'était résigné.
Histoire cT^rcésilas III et de Phé-
rétime,
Abcbsilas et sa mèbe expulsés
poub avoib voulu abolie les lois
DE DBMONAX. — Arcésilas III, fils de
Battos et de Phérétime , succéda à son
père vers l'an 530 avant l'ère chrétien-
ne; il avait sucé, avec le lait de sa mère,
les idées d'ambition et de fierté de cette
femme orgueilleuse, dont les conseils
eurent désormais sur son esprit et sa
conduite une influence exclusive. A
peine monté sur le trône, il déclara qu'il
ne souffrirait point que les lois de Dé-
monax subsistassent phis longtemps ,
et réclama les honneurs et préroga-
tives dont avaient joui ses ancêtres;
mais il éprouva une vigoureuse résis-
tance ; on recourut aux armes , et son
parti ayant eu le dessous , il s'enfuit à
Samos, et sa mère Phérétime à Sala-
mine de Chypre.
Phérétime étant arrivée à la cour
d'Évelthon , qui régnait alors à Sala-
mine , lui demanda des troupes pour
se rétablir à Cyrène, elle et son fils;
mais ce prince lui donnait plus volon-
tiers toute autre Chose qu'une armée :
Phérétime acceptait ses présents et les
trouvait fort beaux ; mais elle ajoutait
qu'il serait beaucoup plus honorable
de lui accorder des soldats. Comnre
elle faisait, à chaque présent, tou-
jours la même réponse , Évelthon lui
envoya enfin un fuseau d'or avec une
quenouille chargée de laine, en lui
faisant dire qu'on offrait aux femmes
de tels présents , mais qu'on ne leur
donnait pas une armée.
Abcésilas bassemble des ti^ou-
PES ET BEPBENB POSSESSION DE Cy-
BÈNE.— A Samos, OÙ Polycrate avait
sans doute besoin de garder pour lui-
même ses soldats, Arcésilas prit le parti
de faire de tous côtés un appel auxGrecs,
en leur promettant des terres dans
la Cyrénaïque ; ce moyen lui réussit »
et ayant ainsi rassemblé un corps de
troupes assez considérable, il se rendit
à Delphes pour consulter l'oracle sur
les chances de son entreprise ; voici
quelle fut la réponse de la Pythie:
a Apollon accorde à ta famille la do-
« mination de Cyrènej)our huit géné-
« rations de rois , quatre du nom de
« Battos , quatre du nom d'Arcésilas ;
« mais le dieu te recommande de ne
« rien prétendre au delà. Quant à toi,
« Arcésilas, il te conseille de rester
« tranquille chez toi , quand tu y seras
« rentré : si tu trouves un fourneau
« plein de vases de terre , garde-toi de
« les faire cuire , mets-les au contraire
« au grand air ; que s'il t'arrive d'al-
« lumer le fourneau , prends garde
« d'entrer dans le lieu qu'entoure l'eau
« courante; autrement tu périrais, et
« avec toi le plus beau des taureaux. »
Digitized by VjOOQIC
M
LiJHrnEW.
Sur eatte réponse , Aréétilas fit voile
pour Cyrène avec le§ troupes qu'il
avait levées à Samos, et rentra en pos-
session de ses États ; mais au lieu d'y
demeurer tranquille, ainsi que Tavait
recommandé Toracle, il voulut se ven-
ger des rebelles qui l'avaient expulsé ,
et il ordonna contre eux des pour-
suites ; eeux dont on put se saisir fu-
rent déportés en Chypre , où ils de-
vaient Irouver la mort; mais leur vais-
seau ayant touché à Onide , les habi-
tants les délivrèrent, et leur fournirent
les moyens de se sauver à Théra. De
eeux qui échappèrent , les uns émigrè-
rent à Tétranger, les autres se réfu-
gièrent dans le château fortifié d*Aglo-
machos, l'un d'eux. Arcésilas, ne
pouvant les forcer dans cette retraite,
fit entasser du bois à l'entour, y mit le
feu, et les étouffa de la sorte au milieu
ûp l'incendie, sans réfléchir quMl vio-
lait ainsi la défense que lui avait faite
la Pythie, de faire cuire dans leur
fournaise les vases de terre qu'il y
trouverait réunis.
La LIBYB DIVIENT TBTBUTAIBE
BBS PsBSBS. ^ Pendant qu' Arcésilas
amassait sur ^a tête les haines de
son peuple, Cambyses envahissait l'E-
gypte, se rendait maître de Memphis,
et s'asseyait sur le trône des pharaons
(l'an 5S5 avant notre ère). Les Libyens
voisins de l'Egypte, craignant d'être en-
vahis aussi, se soumirent sans combat,
s'imposèrent un tribut , et envoyèrent
des présents. Les Cyrénéens et les
Barceens imitèrent les Libyens par le
même motif de crainte. Cambyses
reçut favorablement les présents de
ceux-ci; mais il trouva mesquins ceux
de Cyrène , qui ne montaient pas au-
dessus de 500 mines d'argent ( valant
environ 46^000 fîr. de notre monnaie ),
•t il les abandonna à ses soldats.
Ayant trouvé à Safs la princesse La-
dice , du sang royal des Battiades , et
veuve d'Amasis, Cambyses lui permit
de retourner à Cyrène. Depuis ce temps,
la Libye orientale, Cyrène et Barkô,
forent comprises comme tributaires
dans la satrapie persane de l'Egypte.
ABGBSILâS BST TUi DANS UNE
imbotb; sa mèrb s^abbbssb aux
PBHSBS POUB LI VBNOBB. ^ fltDMl-
dant Arcésilas , ne pouvant se dissi-
muler la puissance des factions sou-
levées contre lui à Cyrène, n'osa point
y rester après qu'il eut reconnu , dans
oe qu'il venait de faire à la tour d*A-
glomachos, Taccomplissement d'une
des conditions fatales auxquelles l'o-
racle avait subordonné sa destinée,
persuadé qu'il était d'ailleurs que Cy-
rène était le lieu entouré d'eau cou-
rante où il devait en ce cas prendre
garde d'entrer. Comme il avait épousé
une de ses parentes , fille d'Alazir roi
des Barceens , ce fut à Barkê , près de
son beau-père , qu'il alla fixer sa rési-
dence, laissant sa mère Pbérétime
jouir en son nom à Cyrène de tous
les privilèges de la souveraineté , en-
tre autres de celui de présider aux déli-
bérations du sénat.
Mais déjà s'étaient réfugiés parmi
les Barceens quelques-uns des citovens
de Cyrène, que les persécutions d' Ar-
césilas avaient forcés d'émigrer , et ils
fomentèrent contre lui un soulèvement,
dans lequel il fut tué sur la place pu-
blique , et avec lui le roi Alazir soa
beau-père. A peine la nouvelle en fUt-
elle parvenue a Pbérétime , qu'elle se
rendit en toute hâte à Memphis , au-
près d'Aryandes satrape d'Egypte,
afin de lui demander vengeance ,*com-
me au représentant de Cambyses, dont
Arcésilas avait reconnu l'autorité en
lui livrant Cyrène et se soumettant
au tribut; et elle ne manqua pas d'a-
jouter que c'était surtout en haine de
son attachement à la domination per-
sane qu'il avait été assassiné par les
factieux.
Les Pebses tiennent aSsiégeb
Babké. — Aryandes, touché des plain-
tes de Pbérétime, mit à sa disposition
toutes les forces de l'Egypte, tant d^
terre qi^e de mer , les premières com-
mandées par le marapnien Amasis, les
autres par le pasargade Badrès; ce-,
pendant , avant de les faire partir , i(
envoya à Barkê un héraut chargé de
demander qu'on lui livrât le meurtrier
d'Arcésilas; mais les Barceens, qui
avaient eu beaucoup à se plaindre de
ce prince, se déclarèrent tous solî-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ATICIENNE.
daûres dte Tatteiltat; et cette répoDde
ayant été rapportée à Aryandes, le
satrape saisit avec empressement cette
occasion d'envahir la Libye, ainsi qu'il
en avait le dessein ; et il expédia l'ar-
mée avee Phérétime.
Arrivés devant Barké, les Perses
sommèrent la ville de livrer les coupâ»
bles, et n'ayant point obtenu satisfac-
tion , ils attaquèrent vigoureusement
la place; ils poussèretit leurs mines,
en neuf mois de siège, jusqu'aux
murailles; mais elles furent éventées
par un ouvrier en cuivre, au moyen
d'un bouclier d'airain, qu'il prome-
nait contre terre le long des murs d'en-
ceinte : là oi!i les ennemis ne minaient
pas , le bouclier ne rendait aucun son ;
nuis il résonnait distinctement dans
les endroits où Ton travaillait. Guidés
par cet indice , les Barcéens firent
aussitôt des contre-mines, et tuèrent
les mineurs persans ; quant aux atta-
ques ouvertes, ils parvinrent égale-
ment à les repousser.
Barké est paisb pab tbahison
BT SACCAesB.— Le siège durait depuis
longtemps, et les pertes étaient coiisi*
dérables de part et d'autre, autant du
côté des Perses que du côté des Bar-
eéens, quand Amasis, qui commandait
l'armée des assiégeants, voyant qu'il ne
pouvait réduire la place par la foYce,
s'avisa de la prendre par la ruse; et
voici le stratagème qu'il imagina :
Il fit creuser , pendant la nuit , un
large fossé, sur lequel on mit des
pièces de bois très-faibles , qu'on cou-
vrit de terre , de sorte que le terrain
était de niveau et éjgal partout. Au
point du jour , il invita les Barcéens à
un pou%>arler ; ils reçurent cette nou-
velle avec ioîe, ne demandant pas
mieux que d'en venir à un accommo-
dement. On se réunit donc sur le fossé
couvert , et ayant conclu un traité , on
jura de part et d'autre d'en observer
tous les articles aussi longtemps que
subsisterait le terrain sur lequel on se
trouvait. La convention portait que
les^ Barcéens payeraient au roi un tribut
convenable , et que les Perses ne for-
meraient point de nouvelles entreprises
coDtreeux.
Le serment ayant été prêté um dé-
fiance par les Barcéens, ils ouvrirent
leurs portes , sortirent de la ville , et y
laissèrent entrer ceux des ennemis qui
voulurent y venir ; pendant ce temps-
là, les Perses, ayant détruit le pont
cacbé , entrèrent en masse dans la
ville. Ils avaient eu soin de d^ruire le
pont, afin de ne pouvoir être accusés
de violer le traité qu'ils étaient tenus
d'observer tant que subsisterait le ter-
rain sur lequel il avait été conclu ; en
effet, le pont une fois détruit, le
traité lui-même cessait d'être obliga-
toire.
Les Perses livrèrent à Phérétime les
plus coupables d'entre les Barcéens ;
aussitôt elle les fit mettre en croix au-
tour des murailles; et ayant fait cou«>
per le sein à leurs femmes , elle en fit
border le mur. Barké fut mise au pil-
lage par l'ordre de cette princesse : on
n'épargna que les Battiades^ et ceux
qui n'avaient eu aucune part a l'assas-
sinat d'Arcésilas. Ce furent les seuls
qui eurent la permission de demeurer
dans la ville. Le reste fut emmené en
esclavage.
Fin de l'expédition; Babcéens
DSPOBTBS EN BAGTBIANB; MOBT BB
Phébétimb. -*- L'armée persane s'é-
tant remise en marche pour retourner
en Egypte, passa par Çyrène, dont l'en-
trée lui fut librement accordée-, Badrès,
commandant de la flotte, était d'avis (^
la piller ; mais Amasis s'y opposa , par
le motif que leur mission avait unique^
ment été de réduire Barké. Cependant,
après être sortis de Cyrène , et avoir
assis leur camp sur la colline de Ju*
piter-Lycéen , ils regrettèrent de ne
s'être pas emparés de cette riche cité )
ils rebroussèrent chemin pour tenter
de rentrer dans la place ; mais ils trou-*
vèrent les Cyrénéens en devoir de s'y
opposer ; et bien qu'il ne se montrât
aucun ennemi , ils furent tout à coup
saisis d'une terreur panique , et se re**
tirèrent précipitamment à soixante
stades de là , où ils posèrent leur cam(^.
Ils furent rejoints en cet endroit par un
courrier d'Aryandes , qui les rappelait.
Ils demandèrent aux Cyrénéens de
leur fournir des vivres , et en ayaat
Digitized by VjOOQIC
88
L'UNIVERS.
obtenu , its continuèrent leur marche
vers l'Egypte , harcelés tout le long
de la route par des Libyens pillards ,
qui cherchaient à leur enlever leurs
bagages, tuant les traînards et tous
ceux qui s*écartaient du gros de Par-
mée.
Ainsi se termina cette expédition ,
qui s'était avancée à l'ouest jusqu'au
pavs des Ëvhespérides ; les Barcéens ,
qu elle emmenait en servitude , furent
envoyés d'Egypte en Perse, où Darius
fils d'Hystaspes était monté sur le
trône quelques mois après la mort de
Cambyses. Ce prince leur accorda des
terres dans la Bactriane , où ils bâti-
rent une ville à laquelle ils donnèrent
le nom de leur chère patrie, qu'elle
conservait encore au temps d'Héro-
dote.
Phérétime, ajoute l'historien, eut
une fin malheureuse : revenue en
É^pte après s'être vengée des Bar-
céens , elle périt misérablement , dé-
vorée par les vers dont son corps
fourmilla : tant il est vrai que les dieux
haïssent et châtient ceux qui portent
trop loin leur ressentiment.
Insurrections contre la domination
persane; abolition de la royauté.
DUBÉE PBÉSUMÉB DU BÈGNE BB
Battos IV. — Au troisième Arcésilas
succéda le quatrième Battos,surnommé
ieBeau^qui ne nous est ainsi individuel-
lement désigné que par Héraclide de
Pont, et dont nous ne savons rien autre
chose, sinon que son r^nedoit remplir
la lacune qui sépare la mort d'Arcesi-
las III son père, tué dans les premières
années de Darius, et l'avènement d' Ar-
césilas rv son fils, qui était tout jeune
encore mais déjà roi , en 466 avant
l'ère chrétienne, quand il fut vainqueur
aux jeux P3rthiques : les chronologistes
attribuent ainsi à Battos IV environ
cinquante ans de gouvernement, et mê-
me davantage, en sorte qu'il aurait vu
8*écouler la majeure partie du règne de
Darius fils d'Hystaspes , celui de
Xerxès le Grand tout entier, et qu^il
aurait même pu voir encore Tavene-
ment d'Artaxerxès Longue-main , si
Ton ne prenait garde que son décès
avait dû précéder le succès d' Arcésilas.
Tentative d'insobbectiopt bé-
PBTMÉE PAB Absahes. •— C'cst donc
sous Battos le Beau qu'il faut placer
une expédition contre les Barcéens,
commandée par Arsames qui fut l'un
das généraux de Xerxès , et rappelée
dans un de ces récits anecdotiques où,
sans indiquer la date du fait ni l'au-
torité à laquelle il l'a emprunté, Po-
lyen raconte aux empereurs Marc-
Âurèle et Yérus les stratagèmes em-
ployés par les chefs militaires en des
circonstances célèbres. Il s'agit ici
d'un événement contemporain des pré-
paratifs de la fameuse guerre des Per-
ses contre les Grecs. Il est probable
qu'entraînées par Texemnle de l'insur-
rection des É^ptiens, à la fin du règne
de Darius , les populations de la Libye
voulurent aussi recouvrer leur indé-
pendance , et que Xerxès , après avoir
réduit l'Egypte et lui avoir donné pour
gouverneur son propre frère Achémé-
nès, envoya Arsames contre les pro-
vinces plus occidentales. Celui-ci ayant
mis le siège devant Barké, des ambas-
sadeurs lui furent envoyés pour traiter
de la paix ; il la leur accorda , en leur
donnant la main , suivant la coutume
persane, et leva le siège. Il engagea
alors les Barcéens à se joindre aux
Perses pour l'expédition gui se prépa-
rait contre la Grèce , et à fournir des
renforts de chars de guerre. Ils dépé-
chèrent leurs chefs pour traiter avec
lui de cette alliance; Arsames ayant
fait préparer un splendide festin , y
invita ces chefs, et ouvrit pour la foule
des Barcéens un marché abondant en
toute espèce de denrées. Pendant que
ceux-ci y affluaient, il donna un signal
aux Perses, qui, armés de leurs épées,
s'emparèrent des portes, envahirent
et saccagèrent la ville , tuant tous ceux
qui voulurent leur résister.
Tboupes libyennes dans l'ab-
xÉE DE Xebxès. — Nous u'avons
aucun autre détail sur cette expé-
dition de Libye, qui ne nous est
connue que par cet épisode : mais
nous savons du moins qu'elle eut pour
résultat de faire marcher les Libyens
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
avec r«rm6e de Xerxès, dans cette
grande inyasion de la Grèce qui devait
si désastreusement échouer à Platée :
dans le dénombrement de Timmense
armée du roi des rois , on voit figurer
en effet, après les Arabes et les Ethio-
piens au-dessus de TÉgypte comman-
dés par Arsames, les Libyens avec
leurs vêtements de peau et leurs épieux
durcis au feu , sous les ordres du Per-
san Massages fils d*Oarize : ils de-
vateot former un corps très-considé-
rable , pour avoir ainsi à eux seuls un
de ces gé-néraux dont le commande-
ment embrassait souvent le contingent
de plusieurs nations , et se partageait
en nombreuses divisions de dix mille
hommes d'infanterie chacune. Il faut
compter à part, en outre, une division
de cavalerie libyenne menant ces chars
de guerre que les Cyrénéens étaient si
habiles à diriger.
Abcésilas iy^ yainqubvr aux
JEUX PYTHiQUES. — Le règne d'Ar-
césllas IV, fils et successeur de Bat-
tos le Beau, ne nous est guère mieux
connu que celui de son père; mais
il remporta le laurier pytnique, pour
la course des chars, a la trente et
unième célébration des jeux institués
à Delphes par Euryloque, c'est-à-
dire en l'année 466 avant notre ère ;
et Pindare en a immortalisé le sou-
venir en consacrant au royal vain-
queur la quatrième et la cinquième de
ses odes pvthiques. Le chantre thébain
a célébré la puissance et la sagesse de
ion héros; il s'est plu à répéter ce que
la renommée proclamait de son esprit
et de son éloquence au-dessus de son
^e, de son audace et de sa vigueur
dans les cqmbats , de sa précoce faci-
hté pour la poésie , de son habileté à
conduire les chars (*). Peut-être y a-t-il
(*) ^\
Spa xeîvov éicauveovn ouvexot.
Xrfôfievov epéio*
xplaaova {xàv aXixia;
voov 9Ép6eTai ,
• fKaaaayt te Oap<roc te xavu-
irrspoç èv 6pvi|iv al-
eriç êicXexa. èrfiovCaç
5* épxoc oloc , aOévoç*
Ev Te i&oiaaiai ncmê^ oticô
dans ces éloges un peu de flatterie,
car le poète attend une grâce du jeune
roi de Cyrène : les troubles politiques
ont causé l'exil de quelques hommes
distingués, entre lesouels brille Dé-
mophUe, qui a cherché asile à Thè-
bes , et Pindare veut obtemr le rap-
pel de ce noble Cyrénéen, l'allié des
rois, l'honneur de son pays, qui as-
Eire à revoir sa terre natale ; il sem-
le même que l'unique objet de la
Suatrième Pythique tout entière soit
e gagner la cause de Démophile au-
près d'Arcésilas.
Quelle qu'ait été la décision du mo-
narque dans ce cas particulier, il paraît
certain qu'il avait juste motif de se
défier de l'esprit remuant et factieux
des Cyrénéens : aussi médita-t^l un
changement de résidence , et s'occupa-
t-il prudemment de se ménager ainsi
un refuge en cas d'événements graves.
Il chargea en conséquence Euphème ,
allié à la famille royale, de réunir des
troupes mercenaires pour la défense de
son autorité , et de rassembler des co-
lons pour fonder une nouvelle ville aux
Evhespérides , sur la côte occidentale
de la Cyrénaïque , à l'endroit où gtt la
moderne Ben-Ghâzy ; mais Euphème
ayant péri, à ce qu'il parait, dans un
engagement où là victoire resta aux
siens, ce fut Karrhôtos fils d'Alexi-
bias , beau-frère du roi , oui prit à sa
place le commandement des troupes ,
et oui reçut la mission d'établir la pou-
velle colonie des Hespérides.
Insubbection db la Libye sous
LA CONDUITE d'Inabos. — Lorsquc,
à la faveur des troubles qui suivirent
le meurtre de Xerxès, les Égyptiens
s'insurgèrent contre Artaxerxes , en
l'année 462 avant notre ère , il sem-
ble que l'insurrection eût son foyer
en Libye, puisqu'ils mirent à leur
tête le roi libyen Inaros, en même
temps qu'un autre prince du nom
d'Amyrtée; et il y a tout lieu de
§ résumer que la Cyrénaïque profita
e cette occasion pour échapper elle-
(jLOTpo; çiXaç\ TréçatvraC
PiirBAftB, PythiqueV.
Digitized by
Google
90
L'tmiVERS.
même au joug petsdn , d'autant plus
qu*Inaros, aprèà avoir chassé le sa-
trape Achéménès et tous les gouver-
neurs étrangers, appela aux armes non-
seulement les guerriers du pavs, mais
encore tout ce qu'il put réunir de
tous les côtés, envoyant chercher du
secours jusqu'à Athènes , d'où il reçut
un renfort de deux cents vaisseaux.
Artaxerxès renvoya Achéménès .avec
trois cent mille hommes, tant d'in-
fanterie gue de cavalerie; l'armée liby-
co-égyptienne soutint seule le premier
choc , et semblait devoir céder la vic-
toire au nombre , quand l'arrivée des
Athéniens rétablit le combat : Aché-
ménè3 fut tué de la main d'Inaros, son
armée taillée en pièces, et les fuyards
acculés et assiégés dans une forteresse
près de Memphis.
/ Artaxerxès mit une nouvelle armée
de trois cent mille soldats sous les
ordres d'Artabaze et de Mégabyze
pour aller réduire les insurgés ; mais il
leur fallut plus d'une année pour se
rendre à leur destination et refaire
leurs troupes. Enfin , cette multitude
se porta contre les insurgés, et les
enveloppa à son to(ir : les Égyptiens ,
effrayes , se soumirent en livrant leurs
chefs , et Inaros , trahi par les siens ,
périt sur la croix (458 ans avant J.-C.).
Mais les Athéniens tinrent ferme, brû-
lèrent leurs vaisseaux que l'ennemi
avait mis à sec , et s'apprêtèrent avec
une telle résolution à se frayer un che-
min par la force des armes, que les
généraux persans ^ pour éviter un car-
nage inutile, leur permirent d'opérer
leur retraite en sâreté : ils gagnèrent
la Libye , arrivèrent à Cyrène , et de
là s'en retournèrent par mer dans leur
patrie. Soit magnanimité, soit impuis-
sance , les Perses ne poussèrent pas
plus loin leur victoire contre les Li-
byens ; ils laissèrent Thannyras fils
d Inaros succéder tranquillement à son
père , de même qu'Amyrt^ eut pour
successeur son fils Pausiris.
Abolition db la boyautb à Cy-
BÈNE. — - Arcésilas vivait-il encore à
cette époque comme le pensent quel-
ques critiques, ou bien était-il déjà dé-
cédé comme d'autres le supposent, c'est
ee qu'on ignore, bien âuedeMedemiàre
hypothèse semble saeooider mieux
avec l'idée que Cyrène, en prenant part
à l'insurrection libyenne contre la do-
mination persane, se débarrassa dès
lors d'une dynastie de rois qu'elle
considérait comme les alliés de ces
maîtres étrangers , à l'appui desquels
était due la restauration de BattoslV
sur le trône d'où Arcésilas III avait
été précipité. Quoi qu'il en soit , nous
apprenons d'un des scholiastes de
Pindare, qu' Arcésilas IV fut tué en
trahison par les Cyrénéens, qui dé-
clarèrent alors la royauté abolie , et se
constituèrent en république démocra-
tique.
Battos, fils du dernier Arcésilas,
fuyant la turbulente cité où ses pères
avaient régné pendant deux siècles,
alla chercher asile dans cette nouvelle
cité des Hespérides que son père avait
élevée pour être la sauvegarde de sa
puissance et de sa race; mais il y trouva
une aussi cruelle destinée : il y périt
misérablement, et pour effacer jusqu'à
sa mémoire , on j6ta sa tête à la mer,
en haine de la royauté.
Tels sont les renseignements que
Diodore,Thucydide,HéraciidedePont,
et les scholiastes, fournissent sur les
derniers règnes de la dynastie des Bat-
tiades, dont les descendants, confondus
désormais avec le reste des citoyens ,
ne se distinguèrent plus que par le vaia
prestige d'une illustre origine, jusqu'à
ce que l'auréole poétique de Callimaque
vînt encore jeter sur leur nom un der-
nier éclat.
III. GOUYBBNBHBNT BBFUBLICAIll.
Période de complète indépendance.
DÉYELOPPBHBNT BEMABQUÀBUB
DE LA PBOSPÉBITB DE GyBBNE.
Après deux siècles de mo^parchie ,
Cyrène eut deux siècles de gouverne-
ment républicain ; mais son histoire ,
pendant cette seconde période , nous
est tout à fait inconnue, sauf quelques
résultats généraux et quelques faits
épars dont la mention isolée se ren-»
contre au milieu des récits du temps*
Le développement de la prospérité
Digitized by
Google
AFRÏÛU» ANCIENNE.
ngfMpIf, iBdtinHelle et ooramercial^,
fut une conséquence naturelles de Fac-
(MSSÎOQ des cl488e8 inférieures au mar
niement des affaires de la cité ; car
l'égalité politique engendre des rappro-
chements sociaux qui amènent la dif-
fusion des richesses précédemment
eonceutrées entre les mains des classes
privilégiées. liC morcellement de la
propriété territoriale augmente la pro-
duction du sol; Taccumulation des
produits multiplie les transactions
eommerciales, qui à leur tour accé-
lèrent la circulation de Targent; et
jMHis rtniluence de cette circulation
rapide natt la luxe , dont les caprices
aiguillonDent Tindustrie manufactu-
rière , inséparable des arts utiles, qui
eox-nfiémes appellent à leur aide les
beapx-arts. Telle est la voie par la-
quelle Cyrène devait arriver à une opu-
me^ sans bornes, admirée et enviée
par les autres nations, tributaires ou
émules de sa puissance eommerciale.
^veo les moeurs élégantes et raffi-
nées qu'amène Fabondance des rir
dles^es, se concilient mal les exigences
et 1^ rudes habitudes de la guerre :
rind les cités opulentes ont besoin
soldats, elles ont de l'or pour en
«ebeter, et rarement elles arrachent
leurs citoyens à la paisible activité des
vff^ms pour tenter la fortune des
armes.
CYfiàHS NB PBSND POINT PABX
À I^ GUEBBB DU PÉLOPON^SE. ■—
Pendant que la guerre du Pélopo<-
nèse rassemblait toutes les forces ac^
tivea de la Grèce sous deux bannières
rivales, la grecque Cyrène s'abstint de
pendre part à une lutte dont le théâ-
tre était étoigné d'elle; mais elle ne
n€usa pas ses bons offices, quand elle
en teouva l'eccasion , aux membres de
la famille dorienne, à laquelle elle-
fliéme était si étroitement apparentée :
ffiumfl le Spartiate Gylippe entreprit
«rétablir l'état désespéré des affaires
éê Syracuse et appela à son aide les
VBoforts de la mère patrie, il arriva (*)
fu des vaisseaux aoriens , partis du
Péloponèse pour la Sicile, furent
O Ltei 41' avant Tère valgaire.
#1
pousséa pKc les vents snr les e<tes de
la Gyrénaïque; ils y forent bospitaliè-
rement reçus, et on leur fournit deux
trirèmes et des pilotes pour les guider
dans leur navigation jusqu'à Syracuse :
cette conduite reçut sa récompense
immédiate ; car, en passant devant la
colonie des Hespérides, les troupes
qu'emportait la flottille délivrèrent
cette place des attaques auxquelles
elle se trouvait alors en butte de la
part des tribus libyennes du voisi-
nage , qui en avaient formé le siège.
Insubbection i^opulaibb sous
liA CONDUITE d'Abiston. — La
turbulente Cyrène était toujours en
proie aux factions : la querelle s'agi-
tait entre l'aristocratie et le peuple ,
l'une voulant conserver une supréma-
tie que l'autre considérait comme un
joug insupportable ; en6n un chef po-
f)uiaire , Ariston , se rendit maître de
a ville, et résolut de consommer par
le meurtre rabaissement de la classe
jusqu'alors privilégiée : einq cents des
f>rincipauK de la cité iiirent massacrés;
es autres parvinrent à échapper par
la fuite, en attendant quelque circons^
tance favorable qui leur permit de
rentrer avec sécurité dans leur patrie.
Cette occasion ne tarda point à se
présenter: quand, après la bataille
d'Égos-Potamos,les Spartiates restés
vainqueurs chassèrent les Messéniens
de Naupacte et de Céphallenie (**) ,
trois mille de ces fugitifs vinrent,
Spus les ordres de Comon , chercher
asile dans la Cyrénaîque, où les Évhes-
pérites , harcelés par les incursions li-
byennes, appelaient de toutes parts les
Grecs à s'aller établir. A peine débar-
qués, ils furent sollicités par les exilés
'de Cyrène à leur prêter main-forte
pour reconquérir la position politique
dont l'usurpation plébéienne les avait
dépouillés. Les Messéniens se laissè-
rent persuader, prirent fait et cause
pour l'aristocratie déchue, et lui four-
nirent un corps de troupes pour tenter
un mouvement contre - révolution-
naire; mais l'attaque fut vigoureuse-
ment soutenue , le combat acharné , et
(**) L'an 401 avant rère vulgaire.
Digitized by
Google
w
L'UNIVERS.
la perte énorme des deux côtés , à tel
point que les Messéniens auxiliaires y
périrent presque tous. Après cette rude
épreuve , les deux partis en vinrent à des
prétentions moins exclusives; ils mi-
rent bas les armes , et un accommo-
dement fut ménagé , à Cyrène , entre
leurs envoyés respectifs : il fut unani-
mement convenu , sous serment , que
la querelle serait oubliée , et que per-
sonne ne garderait rancune du passé.
Des modifications sont appob-
tées a la constitution politique
DE Gyrène. — Quelques modiflca-
tions furent introduites alors dans
Forganisation de la république; elles
eurent sans doute le succès qu'on en
devait attendre, puisque Aristote ,
en son traité de la Politique , les cite
comme exemple de ce qu'il convient
de faire en pareil cas : « Augmen-
ter le nombre des tribus et des sec-
tions , effacer autant que possible
l'ancienne distinction des nationalités
diverses, faire rentrer dans le culte
commun les observances religieuses
particulières; tout foire en un mot
Sour opérer une fusion générale , et
étruire l'empire des vieilles coutu-
mes. » Ce changement fut-il immédiat ,
ou fut-il le résultat d'une pénible éla-
boration : c'est ce que nous ne saurions
dire; nous pensons toutefois qu'il ne
fut résolu, ou du moins effectue, qu'a-
près une infructueuse tentative faite ,
suivant une anecdote vulgaire , auprès
du divin Platon, pour obtenir de sa
sagesse de nouvelles institutions poli-
tiques. Platon connaissait bien Cyrène,
où il était venu écouter les leçons du
célèbre Théodore sur la géonnétrie :
« Les Gyrénéens sont trop riches et
« trop blasés », répondit le philosophe, ^
« pour que j'essaye de leur donner des
« lois : il est trop difficile de gouver-
« ner une république si opulente. »
Quoi qu'il en soit, les dispositions qui
furent alors adoptées, parvinrent à
ramener l'ordre et la paix dans la cité.
Rapatbiement des Messéniens.
— Quant aux Messéniens qui n'étaient
pas intervenus dans la lutte, ils se
cantonnèrent chez les Évhespérites, et
y demeurèrent jusqu'à ce que, trente
ans après (*), la bataille de Leuctres
ayant substitué la fortune de Thèbes à
celle de Lacédémone, Ëpaminondas
rappela avec instance dans leurs foyers
les fugitifs de la Messénie, dont il
voulait restaurer l'existence politi-
que (**), afin d'établir ainsi l'ennemi
aux portes mêmes de Sparte; et Comon,
quittant la Qrrénaïque , où des songes
prophétiques'lui avaient déjà fait pres-
sentir la renaissance de Messène, ra-
mena alors à Naupacte ses compa-
gnons d'exil : « On ne peut se figurer»,
s'écrie Pausanias , « avec quel em«
« pressement ces fugitifs accoururent
« a l'appel d'Épaminondas, tous éga-
a lement transportés d'amour pour
« leur patrie et de haine contre Lacé-
« démone. »
Tbaité de limites avec Cai-
thage. — Dans Je développement sans
bornes de sa richesse et de sa puissance
commerciale, G3rrène avait une active
et jalouse rivale : de l'autre c6té des
Syrtes, Garthage s'était élevée aussi
à la plus haute prospérité , et la con-
currence des deux cités pour l'appro-
visionnement du monde devait amener
fatalement dejs collisions dès qu'elles
se rencontreraient sur un même théâ-
tre. Séparées par une immense Dlage
aride et déserte , ce n'est point ae ce
côté que la kitte dut commencer , et
déjà sans doute leurs flottes s'étaient
plus d'une fois trouvées aux prises
avant que l'extension de leurs comp-
toirs sur la côte rendît leurs posses-
sions territoriales contigués; mais
quand à peu de distance du poste
cyrénéen d'Automalax fut venue s'é-
tablir l'escale punique de Gharax, le
conflit fut enf^agé aussitôt sur la li-
mite où devaient mutuellement s'ar-
rêter les deux puissances devenues
voisines : l'irritation était vive des
deux parts , et il s'ensuivit une guerre
longue et sanglante , dans laquelle
des armées et des flottes furent dé-
faites et dispersées, au grand dom-
mage de chacune des parties conten-
dantes ; si bien que reconnaissant enfin
{*) L'an 371 avant Tère vulgaire.
(**) L'an 369 avant Tère vicaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIOTJË ANCIENNE.
qa'iin tiers pourrait profiter de leur
affaiblissement et de leur fatigue pour
Yenir sur leurs brisées, elles convinrent
de r^ler à l'amiable leur différend , et
voici les conditions qu'elles arrêtèrent:
à un jour désigné , des délégués de-
vaient respectivement partir de chez
eux , et le point de leur rencontre se-
rait désormais la limite commune des
deux peuples. Les envoyés de Carthage
étaient deux frères du nom de Phi-
lène ; ils hâtèrent leur marche , tandis
que les Cyrénéens se laissaient attar-
der, soit par négligence, soit par acci-
dent; en ces régions, en effet, les
tempêtes peuvent retenir les voyageurs
aussi bien qu'en pleine mer ; car lors-
que le yent souffle sur ces plaines nues
et arides , le sable , enlevé du sol et
violemment agité, remplit la bouche
et les yeux , et empêchant de rien aper-
cevoir, arrête forcément la marche.
Quoi qu'il en soit, les envoyés cy-
rénéens se voyant en retard , et crai-
gnant d'être punis au retour pour avoir
mal fait leur devoir , se mirent à accu-
ser les Carthaginois d'être partis de
chez eux avant le temps convenu , éle-
vèrent des contestations , déclarèrent
enfin qu'ils tenteraient tout plutôt
que de s'en retourner vaincus ; mais
ks Carthaginois leur ayant demandé
de poser une condition dont les chan-
ces fussent ^ales, les Grecs offrirent
à leurs adversaires cette alternative ,
ou de se laisser enterrer vivants à l'en-
droit qu'ils réclamaient pour limite
de leur jjays, ou de souffrir qu'eux-
mêmes , à pareille condition , pussent
avancer jusqu'où ils voudraient. Les
Piûlènes , souscrivant à cet accord , et
sacrifiant leur existence à leur patrie ,
forent ensevelis vivants en cet endroit;
et Caurtbage éleva à cette même place
des autels consacrés aux frères Phi-
lèies , pour lesquels d'autres honneurs
forent aussi institués dans leur ville
natale.
Cette détermination, antérieure à la
rédaction du Périple de Scylax , où
l'on voit figurer les autels de'Philène,
n'est point rapportée par les historiens
et les polygrapnes à une date précise ;
mais on peut estimer approximative-
ment qu'elle eut lieu vers Fan 850
avant notre ère.
Période de soumission nominale à
Alexandre le Grand.
ALEXANDBB le GbAND SB MET
EN BOUTE POUB ALLEE CONSULTEB
l'obacle d'Ammon. — Bientôt le
nom d'Alexandre de Macédoine, le
plus grand de tous les noms histo-
riques que l'admiration des peuples
ait légués jamais à la postérité, vient
remplir le monde et lui annoncer un
maître; des bords du Danube aux
plaines d'Issus, et d'Issus aux riva-
ges de Tyr, la victoire l'accompagne
partout ; il arrive en Egypte, et
rÉgypte, aussitôt soumise , voit s'é-
lever une capitale nouvelle qui ef-
facera Thèbes et Memphis , et perpé-
tuera dans les siècles à venir la gloire
de son fondateur ; Alexandrie , qui
sera l'entrepôt du commerce de l'uni-
vers entier, projette son merveilleux
port en avant de la côte, sur la limite
de l'Egypte et de la Libye : c'est dire
assez que la Libye désormais doit
obéir à Alexandrie.
A cette époque où les croyances
païennes exerçaient sur les esprits un
empire illimité , il était d'une bonne
politique de se concilier les oracles ,
de donner à ses armes l'appui des
superstitions populaires, et Alexandre
ne négligea en aucune occasion ce soin
important : il avait promis de rebâtir
le temple de Diane à Éphèse; il avait,
dans la capitale de la Pnrygie, tranché
avec éclat le célèbre noeud gordien;
aux portes de la Libye, il avait voulu
visiter, au milieu des déserts, l'oracle
fameux de Jupiter Ammon.Cet oracle,
dit Arrien , passait pour infaillible :
Persée , Hercule même , l'avaient in-
terrogé lorsqu'ils marchaient, l'un
par ordre de Polydecte contre la Gor-
gone, l'autre contre le libyen Antée
et contre l'égyptien Busiris ; Alexan-
dre voulait rivaliser de gloire avec
ces héros dont il était descendu , fai-
sant d'ailleurs remonter sa propre ori-
gine jusqu'à Ammon lui-même,puisque
les traditions mythiques rapportaient
Digitized by VjOOQIC
94
L'UNIVERS.
à ce dien celle de Persée et d'Hercule*
Il avait dessein, au surplus, de s'ins-
truire de sa destinée, ou de passer du
moins pour être allé s'en instruire. Il
se mit donc en route, cheminant le
long de ta côte l'espace de seize cents
stades, à travers un pays désert où
l'eau ne manque cependant pas tout à
fait jusqu'à Parétonion,
Soumission des Cybbnbens* —
Les Cyrénéens, avertis de la mar-
che d'Alexandre, s'étaient empressés
de lui dépécher des ambassadeurs;
c'est auprès du lac Maréotide au ra^
f>ort de Quinte-Curce , ou vers le mi-
ieu seulement du voyage suivant Dio-
dore de Sicile , que les envoyés de
Cyrène rencontrèrent le héros macé^
donieo; ils lui apportaient une cou-
ronne d'or et des présents magnifiques
parmi lesquels on remarquait trois
centsr chevaux de guerre et cinq qua-
driges de la plus grande beauté, enie
suppliant de leur accorder sa bienveil-^
lance et de venir visiter leurs villes.
Alexandre lés accueillit favorablement,
leur octroya amitié et alliance, mais
ne se détourna point de sa destination. ^
Alexàndbe continue sa bouts
A TBAVBBS LE DESEBT JUSQU'AU
TEMPLE d'Ammon. — U quitta la
côte à Parétonion pour s'avancer di-
rectement vers le temple d'Ammon
à travers le désert et les sables brû*
lants de la Libye ; il emportait dans
des outres chargées sur des chameaux
la provision d'eau nécessaire pour
voyager dans ces vastes solitudes dé^
pourvues de sources; mais le qua-
trième jour cette provision était aéjà
épuisée ^ et son armée , haletante et
abattue, eût éprouvé toutes les. hor-
reurs de la soif, sans une pluie abon-
dante qui survint à l'improviste, et qui
fut regardée comme un prodige, aussi
bien que le fait suivant raconté par
Arrien d'après l'autorité 4e Ptolémée
le Lagide et d'AristoboIe , deux des
comjmgnons assidus d'Alexandre.
« Quand le vent du midi souffle dans
ces contrées, il élève une si grande
qjuantité de sables, qu'il en couvre les
cnemins disparus. Alors ces plaines
oârent l'aspect d'im océan immense :
ni arbres^ ni hauteurs pour 66 recon-
naître; rien n'indique la route que
doit tenir le voyageur, plus malheureux
que le nocher, dont les astres du moinâ
dirigent la navigation* Alexandre et
les siens étaient dans cet embarras ,
lorsque, au rapport de Ptolémée, deux
dragons sifflent et précèdent l'armée:
Alexandre accepte l'augure et ordonne
de suivre leur trace , qui dirige ainsi
leur marche vers le temple^ et ensuite
leur retour. Mais Aristobule prétend,
et son opinion paraît plus générale-
ment adoptée, que ce furent deux cor-
beaux dont le vol guida l'armée. Je
crois bien^ ajoute Arrien , qu'Alexan-
dre n'arriva que par un prodige ; mais
ici, vu là diversité desré^ts, tout n'est
qu'obscurité.
« L'ondée imprévue qui survint au
milieu dn désert avait permis à l'ar-
mée de recueillir dans un ravin une
nouvelle provision d'eau pour les qua-
tre journées qu'il lui restait à faire
dans cette contrée aride. On arriva
enfin au lac amer, et après avoir mar-
ché encore l'espace de cent stades, on
gagna les lieux habités ; puis, en une
journée de marche on atteignit le tem-
ple d'Ammon.
Dbscbiption be l'oasis b'Am*
mon. — Ce district , entouré de tou-
tes parts de déserts sans eau et sans
culture , est lui-ménse arrosé , sur un
espace de cinquante stades en tous
sens, d'eaux abondantes, douces et
saines , qui fertilisent un sol couvert
de bosquets, et surtout de vergers, où
Ton jouit d'une agréable température
semblable à celle du printemps, for-
mant un délicieux contraste avec la
sécheresse et l'intolérable dialeur des
alentours.
« On dit (notis empruntons ées dé-
tails à Diodore de Sicile) que le temple
fut bâti par l'égyptien Danaûs. La ré-
gion sacrée où il domine a pour voi-
sins, à l'ouest et au sud les Éthiopiens,
au nord les Libyens nomades et les Na-
samons qui leur succèdent vers l'inté-
rieur; ce canton lui-même est exchisi-
vement habité par les Ammoniens. Au
centre est une acropole composée de
trois forteresses ; la première est l'ffl^
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANQENME.
émné tMÛ^neè injOk ûeâ firindes dti
pays ; la «eeoddM, beaucoup plus cont^
dérablet rehf^nae la demeure des fera*
mes, des enfants, et de tous les parents
du roi, la citadelle, le sanctuaire, et la
fontaine sacrée où sont purifiées toutes
les offrandes destinées à la dirinité
du lien. Dans la troisième habitent les
satellites du roi* qui y ont des caser-
nes fortifiées.
«Won loin deTacropole est un autre
temple d'Ammon , ombragé d'arbres
grands et touffas , et près duquel se
trouTe la fameuse fontaine du soleil
à la température périodiquement chan-
geante. L*image du dieu est couverte
d*émeraudes et d'autres pierreries : et
les oracles sont rendus avec des for-
mes particulières : quatre-vingts prê-
tres portent sur leurs épaules une nef
d*or dans laquelle le dieu est conduit
à Tendroit dont il fait choix ; il est
gatf i d'une troupe nombreuse de filles
et de femmes psalmodiant en leur lau-
gue, tout le long du chemin, des hym-
nes en son honneur. »
ALEX4NÏ)BE CONStJLtB l'OBACStfi
ET BETOUBNE A Memfhis.— Alexan-
dre ayant été introduit dans le tem-
ple, en présence du dieu, le plus
YÎeux des prêtres s'avança vers lui en
fe saluant du titre de fils , au nom de
la divinité dont il était le prophète ;
Alexandre , oublieux de sa destinée
mortelle, s'empressa d'agréer ce titre
en demandant que Jupiter lui accordât
fempire du monde : ce à quoi il fut
répondu aussitôt qu'il serait le maître
de toute la terre. Il voulut ensuite sa-
voir si tous les meurtriers de son père
avaient été punis ; et le prêtre cour-
tisan de répondre : que le dieu son
père était au-dessus de toute atteinte
criminelle ; mais que s'il voulait parler
^Philippe, les meurtriers de ce prince
avaient subi leur peine; et il prédit
enfiji à Alexandre qu'il serait toujours
invincible jusqu'à ce qu'il aHât pren-
dre place auprès des dieux.
Merveilleusement satisfait de ces
oraeles, le héros macédonien fit à A m-
moii et à ses ministres de magnifi-
ques offrandes, et se remit en marche
pour TEgypte, en passant par le même
oheniiii selon AHskbulf , m allant di«
rectement à Memphis au dire de Pto-
lémée, qui semble avoir, sur ce points
une plus grande autorité.
Albxàndbb poubtoit ▲ l'admi-
NISTBATION Dl l'ÉGYPTI BT DB LA
LiBTB. -^ De retour à Memphis,
il distribua le gouvernement et l'ad-
ministration de l'Egypte et des oon«
trées voisines entre divers officiers :
et la satrapie de Libye échut à Apol-
lonius , fils de Charinus. La Cyré«
naïque y était-elle comprise ? Il sem-
ble difficile d'en douter : car Alexan-
dre avait la prétention de commander
au nionde ; et l'on sait qu'il reçut plus
tard les députations des peuples afri-
cains plus reculés à l'ouest, les Libo*
Phéniciens, les Carthaginois,et autres,
jusqu'aux colonnes d'Hercule. Mais on
peut considérer, en même temps, que
le conquérant nvacédonien n'imposait
qu'un joug très-léger aux nations sub-
juguées, et qu'à l'égard des populations
grecques en particulier sa domination
était plutôt un simple protectorat. Il
est donc plausible oe croire que tout
annexée qu'elle était à l'empire d'A-*
lexandre , la Libye cyrénaïque n'en
conservait pas moins toutes les liber-
tés politiques dont elle s'était habituée
à user et abuser à son caprice.
On en vit de nouvelles preuves au
moment où la mort d'Alexandre vint
livrer les lambeaux de son empire à
Tambition de ses généraux : on sait
en effet que l'Egypte échut en partage
à Ptolémée le Lagide, qui eh prit pos-
session sans conteste ; mais la Cyré-
naïque suivait alors d'autres desti*
nées , que Diodore de Sicile nous a
racontées avec détail, et que nous rap-
porterons d'après lui.
Histoire de la tyrannie de Thimbron.
THTMBB<l?r ATVIELÈ A GTBBNI
I^AB UNE faction; SES PBEMTEB8
SUCCÈS. — Il faut rappeler d'abord
que pendant l'expédition d'Alexandre
dans les Indes, Harpale, qu'il avait
laissé gouverneur de Babylone, sup-
posant que son maître n'en revien-
drait jamais, s'était abandonné k
Digitized by
Google
9B
L'UNIVERS.
toute espèce de luxe et de débau-
che, de telle sorte qu'à la nouvelle
du retour de son souverain , il n'osa
attendre les effets de sa juste co-
lère, et emportant cinq mille talents
d'argent, il se fit suivre d'environ six
mille hommes de troupes mercenai-
res, avec lesquelles il se rendit d'abord
dans le Péloponèse, puis en Crète, où
il périt par les embûches du lacédé-
' TvJLIw-f^ monienTThimbron, l'un des siens, qui
s'empara de ses trésors, de ses sol-
dats et dé ses vaisseaux.
Tel était l'état des choses lorsque
Cyrène, toujours partagée entre deux
factions rivales, et dominée alors par
l'une d'elles , expulsa de son sein les
chefs de l'autre parti; et ceux-ci, aux-
quels se réunirent les Barcéens (|ui
partageaient la même fortune politi-
que, allèrent chercher asile en Crète,
où ils trouvèrent Thimbron disposé
en apparence à prendre fait et cause
pour eux. Les troupes et les réfugiés
furent embarqués sur les vaisseaux,
et Thimbron fit voile aussitôt pour la
Cyrénaïque , où les connaissances lo-
cales des exilés qu'il ramenait lui ser-
virent merveilleusement à diriger ses
opérations. Les Cyrénéens s'étant
avancés à sa rencontre , il leur livra
bataille , les vainquit , leur tua beau-
coup de monde, leur fit un grand nom-
bre de prisonniers , et s'étant rendu
maître du port , il les assiégea si vi-
goureusement , qu'il les força à capi-
tuler moyennant une contribution de
cin^ cents talents d'argent et de la
moitié de leurs chars de guerre com-
me continrent dans les expéditions
qu'il voulait entreprendre. Il envoya
aux autres villes des délégués pour
conclure une alliance, comme s'il allait
soumettreles populations libyennesqui
tenaient le plat-pays ; et s'appropriant
les richesses que les marchands avaient
abandonnées dans le port, il tes livra
du pillage de ses soldats afin de sti-
muler leur ardeur pour la guerre.
Rbyers bépétés db Thimbron.
— Mais la fortune ne tarda point a
changer la face des affaires et à met-
tre un terme aux prospérités de Thim-
bron : parmi les chefis de son armée
était le crétois Miuntclès , homme de
grands talents militaires, pétulant et
audacieux, oui, mécontent du partage
du butin , fit défection , et passa du
côté des Cyrénéens , auxquels il per-
suada, par ses accusations de cruauté
et de perfidie contre Thimbron , de
rompre la capitulation et de repren-
dre leur liberté. Comme il n'y avait
encore que soixante talents de payés,
et qu'ils n'acquittaient pas le surplus,
Thimbron, les traitant de rebelles, fît
arrêter ceux des Cyrénéens qui se
trouvaient dans le port , au nombre
d'environ huit cents , et menant aus-
sitôt ses troupes contre la ville, il en
fit le siège, mais avec si peu de succès,
qu'il fut obligé de revenir à ApoUo-
nie.
Les Barcéens et les Évbespérites
ayant fourni à Thimbron, contre Cy-
rène , les renforts stipulés pour une
autre destination, les Cyrénéens, afin
de se venger de cette conduite, allèrent
ravager les terres de leurs jaloux voi-
sins: ceux-ci recoururent à Thimbron,
qui partit d'Apollonie pour marcher à
leur aide ; et les Cyrénéens , profitant
habilement de l'occasion d'après les
conseils du Crétois , vinrent aussitôt
sous ses ordres reprendre possession
de leur port pendant l'absence de
Thimbron , recouvrer leurs marchan-
dises, et se mettre en défense.
La perte de cette place , et de ses
munitions, ôta d'abord tout espoir à
Thimbron ; cependant , ayant repris
courage et s'étant rendu maître par
voie de siège de la ville de Teuchira,
il conçut quelque espérance de se re-
lever; mais il éprouva bientôt de nou-
veaux désastres ; car ceux qui étaient
dans les vaisseaux , exclus du port et
manquant de vivres , faisaient chaque
jour des descentes sur la côte pour se
procurer des provisions ; mais les Li-
byens se mirent en embuscade, en tuè-
rent un grand nombre, et firent beau*
coup de prisonniers ; ceux qui échap-
pèrent et purent regagner leurs vais-
seaux, se dirigèrent vers les villes
alliées; mais la tempête en fit sombrer
plusieurs , et le reste fut emporté en
Chypre et en Egypte.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANOETïlSE.
97
Or appelle DBS bbufohts de
PAET ET d'autbe. — Sous le poîds
de tant de calamités , Tbimbron ce-
pendant continuait la guerre; il y
avait dans le Péioponèse, auprès de
Ténare, un corps de soldats étran-
gers ; car beaucoup de mercenaires ,
restés sans emploi, erraient de divers
c6t^, cherchant qui les prît à sa solde;
et il se trouvait alors près de Ténare
une troupe de deux mille cinq cents
hommes environ, dans cette position.
Thimbron leur dépécha quelques amis
intelligents , qui les engagèrent pour
lai et les ramenèrent en Cyrénaïque.
Mais dans Tintervalle , les Gyrénéens,
enhardis par leurs précédents succès,
diraient attaqué à leur tour , étaient
restés yainqueurs, et avaient tué beau-
eoupde monde à Tennemi. Ainsi battu,
Tliimbron désespérait presque de sa
cause , quand Farrivée des renforts
^rtis de Ténare, en augmentant no-
tablement ses forces, vint de nouveau
rétablir ses affaires et lui rendre cou-
r^s;e.
Les Cyrénéens, de leur côté, voyant
la guerre se ranimer, demandèrent aide
aux Libyens du voisinage^et même aux
Carthaginois; et ayant rassemblé ainsi,
en y joignant les troupes de la ville,
jusqu^à trente mille soldats, ils se pré-
parèrent à une bataille décisive. Thim-
bron , ayant réuni une armée consi-
dérable , livra le combat, obtint la
victoire , fit un grand carnage, et se
regarda comme bientôt maître des vil-
les voisines. Mais les Cyrénéens, dont
tous les chefs avaient été tués dans
Faction , en élurent d'autres à leur
plaee, avec le crétois Mnasiclès à leur
tête, pendant que Thimbron, profitant
de sa victoire, assiégeait Apollonie et
livrait à Cyrène des assauts journa-
liers. La continuation de la euerre
amena dans la place la disette des vi-
vres, et bientôt le renouvellement des
séditions et des querelles entre la
plèbe et l'aristocratie ; le parti popu-
laire prévalut, et expulsa les riches,
qui , Désormais sans patrie , allèrent
efaerdier asile, les uns auprès de Thini-
bron même , les autres en Egypte au-
près de Ptolémée , dont ils sollicitè-
rent des secours pour leur rétablisse-
ment, et obtinrent l'envoi d'une armée
tant de terre que de mer sous les or*
dres du eénéral Ophellas.
Les Egyptiens, venus au se-
coues DES Cybénéens, s'empabent
BU pays. — a la nouvelle de son ap-
proche, ceux qui s'étaient réfugiés au-
près de Thimbron, cherchèrent à s'é-
chapper dans la nuit pour aller joindre
leurs compagnons; mais ils furent dé-
couverts et mis à mort. De leur côté,
les chefs plébéiens de Cyrène, craignant
les effets du retour des exilés, firent la
paix avec Thimbron , et se réunirent
pour résister ensemble à Ophellas; mais
celui-ci battit Thimbron et se rendit
maître du pays et des villes , à l'ex-
ception de Cyrène qui se défendit en-
core vigoureusement ; Thimbron fugi-
tif fut pris par quelques Libyens , et
livré à Tolinthien Épicydes qui com-
mandait à Teuchira pour Ophellas ,
puis conduit à Apollonie, où il avait
•commis tant de méfaits, pour y être
crucifié. Enfin, Ptolémée lui-même
vint y dit-on , achever en personne la
conquête de la Cyrénaïque (*), et laissa
garnison dans les places.
Quelle était la nature de la do-
mination ainsi établie -par Ptolémée ?
Sans doute, dans sa pensée, une
souveraineté absolue ; et de cette épo-
que , à ce compte , devrait dater le
règne des Lagides à Cyrène. Mais il
est douteux que les Cyrénéens fussent
disposés à considérer comme un maî-
tre véritable l'allié dont ils étaient
allés solliciter le secours ; et le monar-
que égyptien avait trop affaire lui-
même, en ces premières années de son
avènement, avec les rivalités et les in-
trigues auxquelles donnait lieu le pr-
tage de la succession d'Alexandre,
pour s'appliquer à tenir dans une
stricte obéissance une population qu'on
faisait plier difficilement sous le joug.
Histoire de la tyrannie d'Ophellas.
INTEBVENTION d'OpHELLAS DANS
LES DISSENSIONS DES CyBÉNÉENS.
— Il arriva cependant , peut-être, que
(*) L'an 3a2 avant l'ère vulgaire.
^A^VC^.*^ •
7* lÀvrai$(m. (Atbiqub ancienne.)
Digitized by
Google
98
L'UWVraS.
la garnison égyptienne iqùe les Cyré-
néens avaient reçue comme une con-
cession , voulut un jour faire la loi ;
telle fut sans doute la cause d'une in-
surrection qui éclata par la suite (*) ,
et dans laquelle les Cyrénéfens , reje-
tant la garnison dans la citadelle, ry
tinrent bloquée : il vint d'Alexandrie
des envoyés chargés de les inviter à
lever le siège ; mais les Cyrénéens
irrités tuèrent les envoyés, et pres-
sèrent plus vivement encore les soldats
égyptiens. Ptolémée, irrité à soti tour,
envoya une armée sous les ordres
d'Agis , et une flotte sous le comman-
dement d'Épainète; Agis, ayant atta-
qué vigoureusement les insurgés , se
rendit maître de la ville, se saisit des
chefs des mutins pour les envoyer à
Alexandrie , désarma les autres , et
ayant rétabli l'ordre dans la Cyrénàî-
que , s'en retourna en Egypte.
Il est probable que l insurrection
ainsi apaisée n'était que Tune des
phases de la lutte toujours subsis-
tante des deux partis eritre lesç^uels
se divisait la population de Cyrene,
l'un ayant pour noyau l'aristocratie
des villes qui s'appuyait sur l'armée
d'occupation égyptienne commandée
par Ophellas, l'autre formé de la
plèbe impatiente de toute domina-
tion et de tout frein. L'expédition
d'Agis et d'Épainète ayant rendu à
Ophellas la supériorité de forces que
l'insurrection populaire avait quelque
temps neutralisée , le parti aHstocra-
tique , recouvrant par ce moyen sa
prépondérance politique , dut se mon-
trer reconnaissant envers le chef ma-
cédonien qui avait fait cause commune
avec lui; et de là résulta sans doute,
pour celui-ci, l'occasion et le dessein
de se former aussi un royaume indé-
pendant , à l'exemple des autres com-
pagnons d'armes d'Alexandre.
Ophellas se déclauIs boi de Li-
BYB. — Quoi qu'il en soit, au lieu de
se borner à être le lieutenant de Ptolé-
mée, Ophellas prit en son propre nom
le gouvernement de la Gyrénaïque
avec le titre de roi, et ayant réuni des
(*) L'sm 5i3 avant l'ère vulgaire.
tt^upes nemtMreicges , il manifesta Iles
intentiohs d'agrandissement qni arri-
vèrent jusqu'aux oreilles d'Aflathoeleé,
roi de Syracuse , alors en Airique , oa
il menait rude gnerre aux Gartliagi-
nols. Ce prince dépécha le syracosain
Orthon vers Ophellas, pour lui propo-
ser une alliance offensive contre les
Carthaginois leurs ennemis communs,
dont la destruction laisserait à Aga-
thocles la possession paisible de Ul
Sicile , à Ophellas l'empire de la Libye;
Le Macédonien accepta avec joie, et
envoya demander du renfort a Athè-
nes, où il était tonntx et fort estinwé,
tant à cause de son mérite personnel
qu'à raison de Son mariage ayto £u-
tnydice tille de Miltiades, de la
race du vainqueur de Marathon : les
Athéniens 6e rendirent aVec empresse^-
ment à son invitation ; et beaucoup de
guerriers des autt*ès cités de la Grècfe
accoururent aussi se ranger àoCié se6
drapeaux, espérant que la fortune al-
lait leur livrer la pins belle portion de
la Libye et les richesses de Carthage
pour se refaire de l'état misérable où
les dissensions intestines les atatenft
réduits.
Expédition haliteobeijsb b'O-
PHELLAS CONTEE LES CsâiBTHAGI-
Nois. — Ophellas ayant totft' prépare
pour son expédition, se mit èri marche
avec une armée de dix mille fantassins,
Ifiix cents cavaliers, et cent chars mon-
tés pari)lusde trois cents combattants;
il y avait en outre, hors des cadres de
Tarmée , près de dix mille hommes ,
avec femmes , enfants et bagages , ^
sorte qu'il semblait que ce fût une
colonie tout entière. Après dix-huit
Journées de route, pendant féâ-
quelles on avait parcouru plus de trots
mille stades , on campa auprès d' Auto-
mal ax.
Au dtelà sont des Qiontagnes aux
jnancs abrupts, renfermant une vallée
profonde d'où surgit une roche es-
carpée, au pied de laquelle des
lierres et des cyprès cachent Tentriêe
d'une vaste caverne. C'est là , dit-on ,
?[ue vivait jadis la reine Lamla',
émme d'une beauté merveilleuse,
transformée en béte féroce à eause'flQ
Digitized by VjOOQIC
AFRiQtJE ANCifeNNE.
sa cruauté: on raconte que, voyant
iQOurij: tous ses enfants , le chagrin
Îm in^fiîra une envie furieuse contre
es lemmes fécondes , et qu*eUe leur
fit arracher leurs enfants pour être
aussitôt massacrés. « Aussi, jusqu'à C0
jour, écrit Diodore de Sicile, les enfants
Ant-rils gardé le souvenir de cette
femme , dont le nom est pour eux un
j^CHivantail. » Elle chercha Toubli de
jses^ douleurs dans Tivresse, laissant
%rs chacun faire ce qu1l voulait, sans
j$%iquérir de ce 4ni se passait dans le
pays, en sorte qu*on la tint pour
aveugle : et l'on çn vint à dire tigu-
ntivement qu'elle avait mis ses yeux
(sabs sa poche , exprimant son incurie
née de l'ivresse pat la cécité supposée
ggé lui aurait causée le vin. Qu'elle
ilà, dans tous les cas , vécu en Libye,
c'^ un point, syoute piodore, sur
leg^l on peut invoquer le tétiioignage
{oftiiel d'Euripide, lorsqu'il dit (*) :
c (^ ne connaît la race, en horreur
sttx mortels , de la libyenne Lamie? »
Opbellas conduisit "^ ses troupes à
^vers ces déserts arides et infestés
^animaux dangereux , où le manque
^eau et de vivres mit en péril le sort
âç toute l'armée. Au voisinage des
Smeç 9 le pays est rempli de betes ve-
ttHoM^es dont la morsure fit beaucout)
^ravages , sans que la médecine ni
* *^ isoins dfe l'amitié en pussent con-
tes effets; on rencontrait des
nts dont la couleur terreuse se
[ait tdlement avec celle du
, qu^on ne savait les éviter, et ceux
tes foulaient par inadvertance,
lent de leurs morsures. Enfin
jï bIus, de deux mois de la marche
lus ^nible, on rejoignit Agathe-
, et l'on campa dans le riche pays
attïiage : oh sait commuent le per-
\ Syrâcdsairi fit périr Ophellas (**)
fmr s'approprier son armée.
JIjÇïc ToirvojMt Ta l7coveC8t<rrov ppoTôTç
^ j^D&irio. apuH Dxosoa. , XX, 4i*
«jÇ^ L'aB 3o8 avaot notre èreu
«biSk, 5{iT}pov aÙTfp Tàv l6iov vl^ ëmji^
99
, Conquête de la. CVSéhenaiqi*
PAB LES Égyptiens. — - Avec Ifi
mort d'Ophellas s'évanouît ie rêve
d'un, empire de Libye. Mais ce n'est
point à dire que Cyrène tombât im-
médiatement sous la domination égyp-
tienne ; la veuve d'Ophellas , Euthy-
dice, retournée en Grèce, y devint
l'épouse de Démétrius fils d'Antigone,
Vennemi le plus redoutable de Ptolé-
mée, et l'on peut croire qu'elle employa
l'influenceju 'elle de vaitavoir conservée
en Libye, à d^ouer les projets de con-
quête du maître d'Alexandrie. Nous sa-
vons du moins , de Pausanias , qu'au
moment où Ptôlémée marchait contre
Cyrène, Antigone, lui enlevant la Sy-
rie et la Phéniçie , le forçait à revenir
vers l'Orient ; puis ce fut en Chypre, et
bientôt en Egypte même, qu'Antigone
et Démétrius transportèrent le théâtre
de ia guerre , en sprte que c'est seule-
ment après la mort d'Antigone et la
défaite de Démétrius, à la célèbre ba-
taille dlpsus (*) , (me ptôlémée , ayant
repris possession de la Syrie et de l'île
de Chypre, put songer de nouveau à
soumettre la Cyrénaïque.
11 chargea de ce ëoin son beau-fils
Magas , fils de cette Bérénice qui , de
suivante qu'elle était d'abord de la
reine Eurydice fille d'Antipater, s'é-
tait élevée à son tour jusqu'à la couche
ifoyale. Magas , fils de l'obscur macé-
donien Philippe, dut à l'influence de
sa mère le commandement des trou-
pes chargées de réduire les Cyrénéens
a l'obéissance , et ensuite le gouverne-
ment de la nouvelle province ajoutée par
ses armes à l'empire des Ptolémées.
C'est de ce moment que date l'éta-
blissement définitif de l'autorité des
Lagides sur la Cyrénaïque.
IV. KtONfi DE^ LAOIDES.
kois particuliers de la Cyrénaïque.
MAe^AS GOUYEB19B D'aBOBB AIT
NOM DE Ptôlémée Lapide. — De-
puis l'expédition de Magas, Ptolé-
TYK (Jûpa; i^xT(d(i£vo< nepieticev aOràv^nai nsfii
T^v ôcpaitcCav aikoO {jlovyiv ^axo^^eÏTO.,. x.t.à.
PoLTXH. Strata^mexi, V. A§«th. 4*
(*) L'an 3oi avant notre ère.
Digitized by VjOOQIC
100
L'UNIVERS.
mée régna encore quinze années «
pendant lesquelles Cyrène demeura
tranquillement soumise à son sceptre,
sous le gouvernement doux et ferme
de son beau-fils ; car la douceur de
Magas n'est pas moins vantée que ses
qualités militaires, et Pliitarque cite
un exemple de son indulgewîe envers
le poète Philémon , qui l'avait publi-
quement offensé par des railleries pi-
quantes dans ses comédies : une tem-
pête rayant poussé à Parétonion ,
Magas , pour toute vengeance, se con-
tenta de l'effrayer par l'appareil du
supplice, et tournant ensuite la chose
en plaisanterie , il le renvoya chargé
de jouets et de bagatelles comme un
enfant.
L'historien Josèphe nous apprend
que c'est ce premier Ptolémée qui
établit, à Cyrène et dans les autres
villes de la Libye , de nombreuses co-
lonies de Juifs, tirés de l'Egypte, où
il les avait d'abord transportés après
ses expéditions en Syrie , et où il en
existait d'ailleurs déjà du temps d'A-
lexandre le Grand.
Sentant sa fin approcher, Ptolémée
voulut désigner et même installer son
successeur : il choisit l'aîné des enfants
qu'il avait eus de Bérénice ' mère de
Magas , et le fit solennellement pro-
clamer roi à sa place (*) ; puis il s'é-
teignit environ deux ans après , dans
un âge fort avancé.
Màgas se déclabe souverain
ET MABGHE CONTEE PHIL ADELPHE.
— Le nouveau roi d'Egypte, frère
utérin de Magas , avait nom Ptolémée
comme son père; il fut surnommé
Philadelphe, par une amère ironie
de sa conduite envers plusieurs de ses
frères , dont la vie fut sacrifiée à son
ambition.
Magas n'attendit point d'être à son
tour une nouvelle victime de cette
amUié fraternelle; dix-sept années
d'un gouvernement paisible avaient
habitué les Gyrénéens à son autorité,
et rendaient mcile toute tentative d'in-
dépendance de sa part : il avait d'ail-
leurs consolidé sa position en épousant*
(*) L'an a85 avant notre ère.
Apamé, fille d'Antiochus Soter roi de i
Syrie, et petite-fille de Démétrius Po- i
lyorcète. Il profita des circonstances,
prit le titre de roi (*), et se prépara à
marcher contre TÉ^pte. Avant de
quitter Cyrène, il ivoublia point les
précautions de prudence que comman-
daient l'esprit remuant et l'humeur
changeante de ses inconstants sujets; !
il eut soin d'y laisser une garnison
dévouée , de renfermer dans la cita-
delle toutes les armes, machines et
munitions de guerre, et de faire dé-
manteler les murailles de la ville , afin
d'être toujours, en cas de sédition , le
maître d'y rentrer par cette voie. S'é- !
tant mis en marche , il s'empara bien-
tôt de Parétonion, et il envoya de là i
des éclaireurs qui , s'avançant sous
des dehors amis, conduisirent ainsi
l'armée sans obstacle jusqu'au village ,
de Khi (**), voisin d'Alexandrie.
Insubbegtion des Mabmabidbs ;
BÉGONCILIATION DE MaGAS ET DB j
Phil ADELPHE. — Ptoléméc Phila-
delphe^ à la première nouvelle de
l'approche de Magas, se hâta de for-
tifier tous les passages, et se tint sur
la défensive; mais dans ces conjonc-
tures, Magas apprit que les Marma-
rides errants de la Libye secouaient
le joug et pouvaient rendre sa re-
traite périlleuse : il abandonna aus-
sitôt ses projets pour regagner Cy-
rène. Ptolémée eût bien voulu le pour-
suivre, mais quatre mille Gaulois
mercenaires qu il avait pris à sa solde
pour se défendre contre les Cyrénéens,
lui inspirèrent une telle défiance, que
son premier soin fut d'aller les perare
sur une île déserte du Nil , où il les
laissa mourir de faim et de détresse.
Magas avait, d'un autre côté, engagé
son beau-père Antiochus à venir por-
ter la guerre en Egypte ; mais Ptolé-
(*) Il est parvenu jusqu'à nous des mon-
naies et des pierres gravées de cette époque.
(**) Ce village, ainsi nommé dans le Stû'
diasme anonyme de la Grande mer, est
appelé de même par Polyen, comme le
marquait le ms. de Gasaubon , bien que le
savant critique ait regardé cette leçon
fautive.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
101
£$ y obvia en dépédiaDt dans les
ts de ce prince des émissaires af-
Sdés, chargés d'inciter les populations
à la révolte , en sorte que le roi de
Syrie fut retenu chez lui par le soin
de ses propres affaires.
La concorde fut rétablie plus tard
entre les deux frères , et la paix fut
cimentée parles fiançailles delà jeune
Bérénice , fille unique et héritière de
MagaSf avec le jeune Ptoiémée, fils de
Philadelphe. Ainsi se trouvaient con-
^ciliées toutes les prétentions ; et Ma-
gàs, passant les dernières années de sa
vie dans le repos et la mollesse, acquit
une telle obésité qu'il mourut étouffé
par l'excès d'embonpoint, après avoir
commandé à Cyrène pendant cinquante
années.
Tboubles de Cybènb àpaisbs
PAB Egdèmb et Démophanes. —
A la mort de Magas , privés d'un
maître dont Thabileté avait su à la
fois concilier et comprimer leurs riva-
lités et leur turbulence, les Cyrénéens
se laissèrent de nouveau entraîner à
des dissensions civiles : il 3^ a lieu de
croire que le parti populaire , ébloui
de l'éclair de liberté qui sillonnait
alors la Grèce et préludait aux grandes
bittes de la ligue acbéenne, renouvela
ses anciennes prétentions à une pré-
pondérance exclusive ; deux philoso-
phes aiégalopolitains , Ecdème et Dé-
flMi^[)baaes , disciples d'Arcésilas , les
ûmx plus grands publicistes de leur
nède, qui avaient délivré leur patrie
de la tyrannie d' Aristodème , et puis-
saounent aidé Aratus à délivrer Sicyo-
aede celle de Nicodès, furent appelés
à^Cyrènç pour y rétablir l'équilibre
efttre les factions rivales ; et le dou-
Ue témoignage de Polybe et de Plu-
taïque nous assure qu'ils remplirent
avec succès leur mission, et iftaintin-
reot la versatile cité dans le paisible
eieroice d'une sage liberté.
BÉBÉNICE ÉPOUSE SUGCESSIYE-
XSNT DÉHÉTBIUS ET PtOLÉMÉB
Etbbgète. — Cependant, le mariage
ée Bérénice avec le prince royal d'E-
eypte n'était point encore accompli; et
la reine Arsinoé, mère de la jeune prin-
cesse, contre le vœu de laquelle cette
alliance avait été résolue, s'empressa
de la rompre pour faire passer entre
les mains d'un autre époux le sceptre
de la Cyrénaîque. Arsinoé jeta les yeux
sur le beau Démétrius , fils du Po-
lyorcète, et frère d'Antigone Gonna-
tas roi de Macédoine : ce prince ac-
cepta avec joie l'offre qui lui fut faite
de la main de Bérénice et du trône de
Cyrène ; il accourut, fut fiancé à la
royale héritière, et prit possession de
son royaume : mais il n'en jouit pas
longtemps.
Démétrius était d'une telle beauté,
aue le philosophe Arcésilas s'en était
épris, et que la reine mère conçut pour
lui un amour auquel il ne sut pas lui-
même résister : Bérénice^ offensée
de l'oubli qu'il faisait de ses engage-
ments envers elle , conjura sa perte ;
et l'imprudent Démétrius fut surpris
et mis à mort par ses ordres , dans la
propre chambre d' Arsinoé, qui essaya
vainement de le défendre (*).
Alors Bérénice, libre d'accomplir le
mariage auquel son père l'avait des-
tinée , apporta en dot à Ptoiémée
Évergète, au moment même où il
montait sur le trône d'Egypte (**), la
couronne de Cyrène , une beauté que
les poètes ont célébrée, et une pureté
virginale qu'ils ont aussi proclamée
dans leurs vers (***). Callimaj^ue la re-
présentait comme la quatrième des
Grâces, et Cyrène préparait ses par-
fums de rose les plus délicieux pour sa
magnifique chevelure, immortalisée
par le sacrifice qu'elle en fit à Vénus
pour obtenir l'heureux retour de son
époux lors de son expédition de Syrie,
et par la flatterie de l'astronome Co-
non de Samos qui lui donna place
(*) Cùm in leclum socrûs concessisset
percussores immittuntur.Sed Arsinoë auditâ
voce filiae ad fores stantis et prœcipieutis
ut matri parcerent, adulterum paulisper
corporesuo protexit. (JvsTts,Hist, XXVI.)
(**) L'an 247 avant Tère vulgaire.
(**0 Q**^ ^^^ tempestate, noTÏs auctiu hyme-
Vastatam unes irerat Assjrios ,
Dulcia nocturns portans Testrgia rixa
Quam de Tir^ioeis gesserat exuriif.
CatoiiLb » dt Coma ihrmimt*
Digitized by
Google
103 LUMYERS.
t-
parmi les confteliatioos célestes, et
plus encore par les chants de Calli-
iliaque et de Catulle.
TRAVAUX ET MOfiT DB BÉRÉNICB.
— }U'rhnv,i% dont le nom et F image
Accompagnent le nom et Fimafçe de
Ftoldméï! Évergête sur les nombreux
monuments dont la magnificeDce de
ce règne orna les villes de l'Egypte,
voulut aussi consacrer, dans les déno-
minations nouvelles qu'elle imposa à
quelques-unes des villes de la Cyrénaï-
qfie, ta m('!moire de son époux , de sa
inÏTC, et d'elle-même; le port de Barkè
fut ainsi appelé désormais Ptolémaïs,
et la trace en est restée au nom mo-
derne de Tolomeytah ; Teuchira reçut
celui d*Arsinoé, qui s'est effacé; et
tlespéridc celui de Bérénice, qui a dis-
paru sous celui de Ben-Ghâvy.
Après un règne d'environ trente
ans, depuis la mort de son père, Béré-
nice, qui avait eu la douleur de voir
son époux bien-aimé périr par le poi-
son (*) de la main d'un fils qu'une
amère ironie surnomma Philopator,
et son autre fils Magas sacriné par
son frère à une ombrageuse ^mbition^
Bérénice elle-même devint la victime
de ce fils dénaturé. Peut-être avait-
elle eu la pensée de réserver à Magas
le trône de Cyrène ; peut-être eût-elle
Su en faire pour elle-même la dot
'un nouveau mariage: son fils aîné
coupa court successivement à toutes
CCS éventualités, en se défaisant de
Ma^as et de Bérénice, comme il s'était
défêit de son père pour se saisir plus
tôt du sceptre deTÉgypte; il ne lui
restait plus que sa sœur Arsinoé : il
répousa.
La Cyrénaique réunie à VÉgypte.
RtGNB DE PtOLÉMÉE PHILOPATOH.
— Ptolémée Philopator, débarrassé de
tout compétiteur , réunit ainsi sur sa
tête les deux couronnes d'Ésypte et
de Cyrène. Nous savons peu de chose
de lui , en oe qui concerne cette der-
nière royauté : Tite-Ltve , cependant ,
nous a eonserré rmdkatioD dHin ûiit
0) l>ft »ii ^wA rère voltaire.
^^^^-^
qui s'y rattache. P^ndajpl les cam-
pagnes d'Anuibal en Italie , quand les
Campaniens, préférant l'alliance de
Cartnage à celle de Rome , lui ouvri-
rent les portes de Capoue (*) , Décius
Magius, qui s'était hautement élevé
contre cette honteuse soumission de
sa patrie , lui fut livré, et aussitôt em-
barqué pour être exilé à Garthage;
mais la tempête emporta le bâtiment
de l'autre côté des Syrtes, et Décius
Magius aborda à Cyrène, où il courut
se mettre sous la sauvegarde de la sta-
tue du roi. Ce fut le gage de sa déli-
vrance; conduit à Alexandrie devant
Ptolémée pour s'expliquer, il exposa
comment Annibal, au mépris du droit
des gens, Tavait fait charger de chaî-.
nés , et le roi les lui fit ôter aussitôt ,
lui permettant de s'en retourner à son
gré à Bome ou à Capoue : Magius de-
manda à rester dans les États du
jprince à la protection duquel il devait
son retour a la liberté.
RÈGNE DE PtOIiÉMÉE EPIPHANES.
— Ptolémée Épiphanes, âgé seulement
de cinq ans , succéda à son père en
Fannée 205 avant notre ère , et porta,
pendant viugt-quatre années, la double
couronne de Cyrène et de Memphis.
C'est sous son règne qu'Annibal, de-
puis trois ans réfugié près d'Antio-
chus de Syrie , voulut tenter un der-
nier effort contre Rome : après avoir
persuadé à son hôte de passer avec des
troupes en Italie, il partit loi -même
pour l'Afrique avec cinq vaisseaux (**),
et vint débarquer à l'extrémité du ter-
ritoire cyrénéen, où il appela son frère
Magon pour concerter avec lui les
moyens de déterminer sa patrie à re-
prendre les armes; mais les Carthas
ginois prononcèrent aussitôt contre
Magon la même peine qu'ils avaient
portée contre Annibal; et les deux
mres n'eurent d'autre parti à prendre
que de se rembarquer.
RÈGNE INDIVIS ET PBBTSNTIONS
BESPECTIYSS DE PHILOMETOR ST
DE Phvscon. — Ptolémée Épiphanes,
(*) L*in ii6 aviBl Yen vidgaira,
(**) Vtm i^ anol ïèn wlfun.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
fin Qto^raDt O , tal^gait éexa fils en
m&e, sous la tutelle de leur mère
déapâtre, fille d'AnUoehus le Grand;
tous deux avaient nom Ptolémée ;
Taîné fiit surnommé Philométor, et
le second, Évergète; noais ce der-
nier, gui aequit plus tard un embon-
point dififorroe, en reçut le surnom
de Physcon, sous lequel il est plus
généralement désigné. Arrivé à sa
majorité, Philométor voulut porter la
guerre e» Syrie ; il fut battu , et An-
tiodituB Epipbanes vint le faire pri-
sm^nier dans Memphis (**). Éver-
gèle , qui à son tour atteignait alors
sa majorité, fut aussitôt proclamé à
Alexandrie, et occupa sent le trône
pendant quatre années, au bout des-
quelles Pnilométor obtint sa liberté;
les deux princes régnèrent alors en-
semble deux années, pendant lesquelles
des discussions s'élevèrent entre eux ,
chacun ayant la prétention de garder
exclusivement la couronne.
Rome intbbyient bt fait àdju*
GIB LA CyBBNAIQUB A PhYSCON.
— Rome, qui intervenait d'office dans
krèdement des affaires d'Orient, en-
voyai ses commissaires en Syrie(CBéus
Oetarius, Spurius Lucrétius et Lucius
Aorélius) l'ordre d'aviser à la concilia-
tion des différends qui divisaient les
deux rois d'Alexandrie (***). Mais
dan l'intervalle la guerre s'était allu-
mée «itre les deux princes, et Taîné,
chasié éa trône par son frère, renaît
à Roaie implorer la ccmimisération
du aêB^ : H y entra à pied, couvert
d» lunlkHis ; e^ vain son cousin Dé^
nétrius Soter, alors en otage , vint au-
deraot de lui mettre à sa disposition
m train plus digne de son rang; il
nêiêû tout , et alfe demander un K>ge-
mmt à un peintre alexandrin. Aussi-
tlt que lé sénat en fut instruit , il en-
réfi Ênre au nH>narc(ue détrôné des
excttses de ne lui avoii^ pas rendu les
boMieufs d^usage; on pourvut avec
munificence à ses besoins , et l'on en-
voya arec lui, en Egypte, deux com-
O I*'"» i8r avant l'ère vulgaire,
f*) L'an 17Q aranl Père vHlgaipé.
r**)'ÏAui lèit^ avmrTèi^vvMaire,
mt
missaures spéciaux, que Po^be appelle
simplement Ganul#us et Quintus, pour
régler sa querelle avec son frère. La
patrimoine des deux princes, jusqu'au
lors indivis et dispute entre eux , leur
fut partagé: l'Egypte fut rendue à
Philométor, et la Cyrénaïque avec la
Libye fut adjugée à Physcon.
La Cyrénaïque de nouveau séparée
de r Egypte
Rbglamations db Physcon con-
tée LA MOOIGITB DE SON LOT. —
Physcon ne se tint pas pour satis-
fait du royaume de Cyrène , et il
voulut, à son tour, venir à Rome
faire valoir ses droits (*) ; il s'y ren-
dit en même temps que les commis-
saires qui avaient fait le partage, et
se plaignit au sénat de l'exiguïté de
la part qui lui était faite, demandant
que Ton réformât la convention et
qu'on ajoutât à son lot l'île de Chypre,
après quoi son domaine serait encore
beaucoup moindre que celui de son
aîné. Ganuléius et Quintus combatti-
rent cette réclamation, de concert
avec le carien Ménylle d'Alabande, en-
voyé de Philométor, qui prétendait
«i^Ëvergète devait s'estimer heureux
d'avoir obtenu la Cyrénaïque; qu'il en
était bien redevable aux Romains,
ainsi que de la vie, tant il s'était fait
détester des Égyptiens; qu'au surplus
il y avait un traité juré sur les autels,
et que les paroles avaient été mutuel-
lement données. Physcon contesta tout
cela, et le sénat, voyant qu'en effet
le partage n'était point égal, profita
habilement, dit Pofybe, de la querelle
des deux frères, pour amoinarir les
forces du roi d'Egypte par un nou-
veau morcellement, en accordant au
plus jeune ce qu'il demandait. Deux
autres commissaires, Titus Torquatus
et Cnéus Mérula, furent envoyés avec
Physcon pour le faire mettre en pos*
session de Tile de Chypre, et ^ablir
une paix durable entre les deux rivaux.
Arrivé en Grèce avec tes envoyés
romains, Ptolémée Physcon y oigagaai
(^ L'an i6a avant t^a viil^aiN^
Digitized by VjOOQIC
104
L'UNIVERS-
un grand nombre de âbldatâ merce-
naires, parmi lesquels se trouvait le
macédonien Damasippe banni de sa
patrie pour crime pohtigue ; à la tête
de ces trouves, il se rendit dans la Pé-
rée , vis-à*Tis de Rhodes , et se dispo-
sait à passer en Chypre , lorsque Tor-
quatus lui représenta que l'ordre du
sénat était de le mettre en possession
de ses ^tats sans recourir aux armes;
qu'il devait donc congédier son armée,
renoncer à s'emparer de force de l'île
de Chypre, mais aller attendre en Cy-
rénaïque les commissaires romains,
^ui de leur côté allaient se rendre
à Alexandrie auprès de Philométor
pour }e déterminer à consentir à Far-
rangement souhaité, et iraient ensuite
le rejoindre lui-même sur ses fron-
tières, en amenant son frère avec eux.
Sur ces observations Physcon renonça
à son projet de descente en Chypre ,
licencia ses troupes mercenaires, passa
en Crète avec Damasippe et Cnéus
Mérula l'un des commissaires , et de
là mettant à la voile pour la Libye
avec un millier de soldats, il vint
mouiller au port d'Apis.
De son côté , Torquatus , arrivé à
Alexandrie , employa tous ses efforts
r>ur amener le plus âgé des Ptolémées
faire la paix avec son frère, et à lui
abandonner nie de Chypre; mais tan-
dis que ce |)rince, cédant sur quelques
points , résistant sur d'autres , faisait
traîner les choses en longueur, le plus
ieune , campé avec ses Cretois en Li-
bye, auprès d'Apis, ainsi qu'il avait été
convenu , et s'impatientant de ne rien
voir venir , envoya Cnéus à Alexan-
drie pour joindre ses efforts à ceux
de Torquatus. Mais il attendit vaine-
ment son retour; le temps se passa,
quarante jours s'écoulèrent sans qu'il
apprît rien de nouveau : son inquié-
tude était extrême. En effet , son aîné
cherchant, à force de caresses, à mettre
les envoyés romains dans ses intérêts,
les retenait chez lui, quelque répu-
gnance qu'ils eussent à y rester.
INSUBBSGTION DES CyBÉNBBNS
BBPBiMÉE. —Pendant ces délais, Phys-
con apprend que Cyrène s'insurge con-
uelui, que les autres villes entrent dans
la même conspiration, et que son Keu*
tenant Ptolémée le trahit : (fêtait un
Égyptien à qui il avait confié le gouver-
nement de son royaume lorsqu'il s'était
embarqué pour Rome. Ayant eu avis
bientôt après que les Çyrénéens en
armes se sont mis en campagne, et .
craignant qu'en se préoccupant trop
de l'affaire de Chypre, il ne s'exposât
à perdre la Cyrénaîque , il abandonne
tout pour marcher vers Cyrène. Ar-
rivé au grand Catabathme , il en trouve
les défilés occupés par les Libyens,
faisant cause commune avec les Cyré-
néens : dans cet embarras , il partage
sa petite armée en deux corps , dont
il fait embarquer l'un pour tourner
l'ennemi et le prendre à dos, pendant
que lui - même l'attaquera de front et
tâchera de forcer la montée. Les Li-
byens, effrayés de cette double attaque,
abandonnèrent leurs postes ; et Phys-
con , franchissant le Catabathme , ga-
gna les hauteurs et occupa Tetrapyrgia,
où il trouva de l'eau en abondance^
De là , ayant traversé en sept jours le
désert , et ayant été rejoint par les ha-
bitants de Mochyrinon, il atteignit les
Cyrénéens, campés au nombre de huit
mille fantassins et cinq cents cava-
liers.
Jugeant des dispositions de leur nou-
veau roi par ses précédents à Alexan«
drje, et reconnaissant que ses com-
mencements, aussi bien que toute sa
ligne de conduite, annonçaient moins
un roi qu'un tyran , les Cyrénéens ,
loin de se soumettre de bon gré à sa
domination, étaient résolus à tout ris-
quer pour la défense de leur liberté.
Ainsi donc alors , à son approche, ils
lui présentèrent la bataille , et eurent
l'avantage. Physcon n'en continua pas
moins la guerre : Athénée nous a coq-
servé un fragment des mémoires de
ce prince , où il fait mention des arti-
chauts dont se nourrissaient ses trou-
pes pendant qu'il campait aux envi-
rons de Bérénice.
Dans un récit qui semble ne pouvoir
mieux s'appliquer qu'à cette époque ,
Polyen rapporte que les Cyrénéens,
dans leur guerre contre Ptolémée,
s'étaient donné pour chef ^ avec les
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
pouvoirs les plus étendus, Fétolien
Lycope; et que, pendant que les hom*
mes combattaient, les femmes forti-
fiaient les retranchements , creusaient
les fossés, portaient les munitions, soi-
gnaient les blessés, préparaient les
vivres ; mais qu'après rextinction des
guerriers, Lyco[)e ayant voulu trans-
former son administration en souve-
raineté, ces femmes l'accablèrent de
tant d'injures que, dans son exaspéra-
tion , il en tua le plus grand nombre ,
qui couraient elles-mêmes à la mort.
'Ces circonstances expliquent assez
comment la résistance des Cyré/iéens
ne put tenir longtemps contre les ar-
mes de Physcon.
Rome appuie ouyebtement les
BÉCLAMATIONS DE PhYSCON. — Sur
ces entrefaites , Cnéus Mérula arriva
d'Alexandrie , et apprit au roi de Cy-
rène que son frère rejetait toutes les
propositions qui lui avaient été fai-
tes, prétendant qu'on devait s'en te-
nir exclusivement aux conditions pri-
mitivement convenues. A ces nouvelles,
le roi désigna aussitôt hes deux frères
Coman et Ptolémée pour se rendre à
Rome avec Cnéus , et se plaindre au
sénat de la ténacité et des mépris de
son frère. Philométor laissa partir
aussi , vers le même temps, Titus Tor-
quatus, sans avoir rien fait. Voilà où
en étaient les choses à Alexandrie et
à Çyrène.
Gesl dans ces circonstances qu'ar-
riv^ent {*) à la fois à Rome les am-
bassadeurs des deux Ptolémées; ceux
da plus jeune ayant à leur tête Coman ,
ceux de Faîne ayant pour chet Ménylle
d'Alabande. Ils se rendirent au sénat,
oô ils firent de longs discours et se je-
tèrent mutuellement à la face les re-
pKK^es les plus odieux : on entendit
aussi Cnéus et Titus gui se hâtèrent
d'appuyer de leur témoignage la cause
do plus jeune. 11 fut décrété par le sé-
nat que Ménylle et les siens sortiraient
de Home dans le délai de cinq jours ,
que toute alliance était rompue avec
latoé des Ptolémées, et qu'il serait
envoyé an plus jeune des commis-
(*) L'an x6i avant î'ère vulgaire.
m
sabres chargés de lu! annoncer la déci-
sion rendue en sa faveur. Publius
Apustius et Caïus Lentulus furent
nommés, et partirent pour Cvrène,
afin de s'acquitter au plus tôt ae leur
mission. Physcon, plein de confiance^
se mit aussitôt à lever des troupes et
à s'occuper exclusivement de l'affaire
de Chypre.
Mais pendant ces préparatifs, il se
tramait contre lui une conspiration
dont il faillit être la victime; il courut
risque de la vie , et n'échappa au fer
des assassins qu'après avoir reçu plu-
sieurs blessures: ce fut pour lui le
motif d'un nouveau voyage à Rome ,
afin de s'aller plaindre au sénat d'un
attentat dont il ne craignait point d'ac-
cuser son frère; et de son côté ce-
lui - ci envoya Néolaïdas et Androma-
chos pour se disculper. Mais quand
Physcon, à l'appui d un touchant dis-
cours, eut montré les cicatrices de ses
plaies, l'émotion générale fut telle,
que l'assemblée refusa d'entendre les
envoyés du roi d'Egypte, et leur or-
donna de sortir de Rome sans délai.
On désigna au contraire, au roi de
Cyrène, cinq commissaires, du nombre
desquels furent Cnéus Mérula et Lu-
cius Thermus, jui devaient prendre
chacun une galère afin de conduire
ce prince en Chypre ; et l'on envoya
aux troupes alliées , en Grèce et en
Asie, l'autorisation de lui prêter main-
forte pour opérer sa descente dans
l'île.
RÉCONCILIATION DE PHYSCON ET
DE Philométor. — Il semblait que la
réussite de ses désirs fût ainsi assurée;
mais la fortune en décida autrement: il
fut battu par son frère, bloqué dans la
ville deLapithe,et obligé de se rendre
à discrétion. Cependant Philométor ,
soit par indulgence , soit par crainte
des Romains, ne profita point avec ri-
gueur de ses avantages : il lui offrit ,
en dédommagement de l'île de Chypre,
la cession de quelques villes libyennes
de plus à ajouter à son royaume de
Cyrene , des subsides annuels de fro-
ment , et dans l'avenir la main de sa
fille comme gage d'une alliance du-
rable. Ainsi fut terminée définitive-
Digitized by VjOOQIC
m
VUIWVERS.
rosal 0) la gaerdie des deui rois; ^
Pbyseoo put désormais continuer dans
l'étude, le repos et la mollesse, un règne
dont les premières années avaient été
SI agitées. Il nous a transmis lui-
inéme, dans un passage de ses mé-
moires , conservé par Athénée , quel-
ques détails sur le luxe qu'il déploya à
roccasion du sacerdoce du temple
d'Apollon à Cyrène, quand, il en fut
revêtu ; c'était une charge annuelle ,
dont le titulaire, à son entrée en exer-
cice, réunissait dans un festin tous
ceux qui Pavaient précédé dans les
mêmes fonctions, et leur offrait un
vase de terre d'une certaine caf^cité ,
rempli de provisions , en y joignant
le plus souvent une lyre. Phvscon leur
fit servir des vases d'argent a'un grand
prix, et y joignit, pour chacun, un
cheval dressé couvert de harnais do-
rés et conduit par un écuyer, avec in-
vitation à chaque convive de monter
le sien pour s'en retourner chez lui.
Physcqn s'empabe de l'Egypte
et bs6nb tybanniqusiient. — a
la mort de Ptolémée Philométor, ar-
rivée en l'an 147 avant notre ère,
Ptolémée Physcon, en ayant re(ju la
nouvelle à Cyrène , se mit aussitôt en
marche avec une armée pour aller re-
vendiquer la succession de son frère,
qui ne laissait qu'un fils mineur ; sa
soeur Ciéopâtre, veuve de Philométor,
lui eavova offrir sa main et la tutelle
de son nls : il accepta , entra dans
Alexandrie ; et au milieu des fêtes du
n^a^, il fit n^ttre à noort les par-
tisans du jeune prince, le tua lui-
même entre le^ bras de sa mère , et
demeura ainsi maître du trône d'Egyp-
te, qu'il souilla de sang et de crin^es.
Les Cyrénéens même qui l'avaient ac-
compagné furent sacrifiés pour quel-
ques paroles indiscrètes sur la cour-
tisane Irène, sa maîtresse. Après avoir
eu de 62^ sœur Ciéopâtre un fils qui
reçut le nom de Memphite , il la ré-
pudia^afin de prendre pour épouse la
jeune Ciéopâtre fille de la première ,
dont il eut deux autres fils « Ptolémée
et Alexandre.
Bn Tannée 189 avaiH Tère vulguiref
sa tyrannie ayant comblé la mesuré,
une émeute survenue à Alexaiklrie l'o-
bligea de se réfugier en Chypre ; là,
craignant que les Alexandrins, excités
par la première Ciéopâtre , n'eussent
l'idée de proclamer à sa place son fils
Memphite, jeune homme plein de grâr
ce et de bonnes qualités, qui était alors
à Cvrène, il le rappela près de lui, et
le fit mettre à mort sous ses yeux ;
puis, s'il faut en croire un affreux ré»
cit, il lui fit couper la tête, les pieds et
les mains, qui furent envelop[]^s dans
un drap et renfermés dans un panier
pour être envoyés à la malheureuse
mère comme un présent le jour anni-
vçrsaire de la naissance de ce même
fils f A la suite de cette atrocité ,
Ptolémée Physcon revint en forces
reprendre possession de l'Egypte ,
d'où la vieille Ciéopâtre se sauva ea
Syrie.
Une grande pluie de sauterelles af-
fligea la Cyrénaîque dans les dernièrefi^
années du règne de ce prince (*) :
d'immenses essaims , après avoir ra-
vagé toute l'herbe et toutes les feuil-
les des arbres, furent poussés dans la
mer par le vent , et ramenés par les
flots sur la côte, où leur accumulatioa
causa, par ses miasmes putrides, une
cruelle peste qui fit |)érir les animaux
et les hommes par milliers.
La Cybénâique passe à Apion ,
QUI LA LEGUE AUX ROMAIIf S. — £n*
fin, après quarante-cinq ans de règne
depuis son avènement au trône de
Cyrène , Ptolém^ Physcon mourut «
en l'année 117 avant notre ère , et la
Cyrénaîque fut de nouveau r<inanage
d un souverain distinct de celui d^-E»
gypte : le monarque défunt l'avait spé-
cialement léguée, par testament , à
P^lémée , surnommé Anjon , ou le
Maigre, son fils naturel. Ce prince
occupa le trône plus de vingt années ;
mais l'histoire se tait sur les événe-
ments de son règne , dont il nous est
seulement parvenu quelques médail-
les ; et il n a acquis une certaine cér
lébrité qu'à raison du testai^apt paî;
(*) L'an za$ av^t V«rç. vid^f^
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE AlfCmUNE.
Wi
kftA^ mt m^mmtn H légua ses l^at»
air peuple romain f).
Cet acte a été , pour les érudits du
dk^ septième siècle, le sujet d'une
grave controverse, à cause de Téqui-
voque commise par un ancien compi-
lateur , et répétée sans examen pat
^vers autres , sur la double date du
legs fait à Rome par le ^rniér Pto-»
lémée de Cyrèoe^ et de la réduction en
province romaine de cette même terre
libyenne ainsi léguée par Apion.Sextus
Rtaus Festus, Tauteur du petit Jré-
fÂaire des conquêtes et fyrovinces du
patpk romain , adressé à Tempereur
Vale&s , y a consigné ainsi ce double
fait : « Cyrène avec les autres cités de
« la Pentapole libvque,noits les avons
< reçues de la libéralité du vieux Pto-
< lémée ; ki Libye , nous l'avons ac-
« quise par la dernière volonté du roi
« ApioD.» AmmienMarcellin, Eusèbe,
Jornandès, ont suivi cette rédaction,
et Joseph*Juste Scaliger en a expres-
sément concfo quMI y avait eu deux
j^pion, ritn roi de Cyrène, l'autre roi
de Lii^e, ^i tous deux, eelui-ià d'a-
bord , cetai- ci ensuite , avaient légué
l^r royaume aux Romains:' et quel-
ques noodernes , faute d'examen sufQ-
sa&t, ont adfifns cette explication. Mais
lestotvains anitérieurs^ Cicéron,Tro-
got-POHipée, Tite^Live, Tacite, Ap-
pien, suivis encore par Miiis Obsé-
qptm , Eutrope et Cassidore , ne
reeoomiissent qu'un seul roi Apion,
utt^wol royaume légué, un seul testa-
meèt;- et Henri de Valois, faisant va-
lo^ letfT t^noignage, a rétabli avec
rastorilé #ttne saine criticnie la seule
eqiKctttiDû admissible de réquivoque
eonmiae par Sextus Rufus, A mmîen ,
laàèbe et Jornandè^*, et de nos jours,
QA «avant dam^s qui s'était fait l'bis^
totien s^édal^ de Cyrène , le profes-
r Ttarige^ si prématurément enlevé
: y^Tt», a reproduite av^ darté la
snssiofi de Vmow , que sans doute
H ifisPfÉÊ^ points ignorée.
lloâs n'avons done point à nous
préoeéo^ ici d'une question^ qui pa-
raît d^nitivement résolue ; et il nous
Quiâfe de répéter qù^Apton Ûk de Bbys'
cou fut le dernier roi de la C^rénaî-
qué, dont les limites s'étendaient de<r
puis la grande Syrte jusqu'aux portes
de FÉgypte, comprenant Taride Libye
aussi bien que la riante Pentapole , et
qu^à sa mort , arrivée en Tannée ^6
avant notre ère, tout ce territoire de*
vint, suivant les dernières volontés
du défunt, une dépendance de Rome.
y. VCEUBS PUBLIQUES ST PBIVÉES
DBS GYBBNÉENS AYAIKT LA PBBTB
DB LEUB IIATIONALIÏB.
Ce monde romain dans lequel ve-
nait se fondre le royaume de C3nrène,
c'était comme un (jcéan où disparais-
saient dans un commun naufrage tou-
tes les nationalités qui* s'y laissaient
entratner. Sans doute il put rester, il
resta certainement, à la place qu'occu-
paient respectivement les nations ainsi
englouties, quelque faible vestige des
caractères dtstinetifs qui les dittéren-*
ciaietit; mais ils se laissaient difficile-
ment apercevoir à travers la surface
ùnifoitne de l'unité romaine. Il y a
donc intérêt à esquisser ici le tableau
rapide des mœurs publiques et privées
des Cyrénéens avant que fa conquête
et la longue domination de Rome en
eussent effacé les traits spéciaux et la
ceuleuir originale.
Passons donc en revue les croyances,
les dispositions naturelles, les habitu-
des, les goûts, les talents des Cyré-
néens du temps de leur indépendance,
tous ces détails de la vie sociale qui
donnent à une nation sa physionomie
propre, qui font qu'elle est etie<»méme
et non point une autre.
RdtgwHy Cfjdte, '
Apollon. — Apollon était le dieu
principal , le dieu archégète du pays :
il était naturel que les rondateurs de
la colonie ^ecque de Libye y missent
en honneur le culte du dieu pythien ,
dent la prêtresse leur avait tant de fois,
dans le temple de Delphes, transmis
les orades. Son nom fet éanné à la
fon^aine'lim^^k qs(i sur^ssaU-^ vei* •
Digitized by VjOOQIC
lOS
L'UNIVERS.
sinage de leur principal établissement;
il fut donné aussi à la ville même qui
s'éleva autour du port de Cyrène, d'où
un chemin taillé dans le roc condiff«
tait directement au temple consacré
au même dieu par le premier Battos
sur la grande place de fa cité : de ma-
gnifiques cavalcades parcouraient en
pompe cette avenue au temps des fêtes
cameennes. Ces solemnités avaient
successivement passé, avec les Égides,
de Thèbes de Béotie à Amjrclee, à
Théra, et enfin en Libye, ainsi que le
constatent les hymnes du poëte Galli-
maque : on doit penser que le nom de
Carnéades, qui se rencontre plus d'une
fois chez les Gyrénéens, se donnait sou-
vent aux enfants nés pendant la célé-
bration des Carnées. D'autres fêtes
étaient réservées au dieu aleximbrote,
à Apollon médecin, pendant lesquelles
on entendait retentir mille fois l'in-
vocation sacramentelle : Yèy yè, Pèan!
Son fils Ësculape avait lui-même un
temple à Balacris près de Cyrène, et
il semble qu'une école médicale y fût
annexée.
Le grand temple d'Apollon , 6ù le
feu sacré brûlait toujours sur l'autel,
était desservi par un collège de prê-
tres, dont le chef annuel était choisi
entre les personnages les plus distin-
gués par le rang et les richesses , et
nous avons vu le roi Ptolémée Phys-
con revêtu lui-même de ce sacerdoce,
et célébrant avec magnificence son en-
trée en charge.
Le culte d'Apollon se manifestait
usque sur les monnaies de la cité, où
la tête du dieu se trouve souvent figu-
rée. Les barbares du voisinage subi-
rent eux-mêmes l'influence de cette
dévotion des colons grecs au culte
d'Apollon pythien, et Ton vit les Am-
péliotes, peuplade libyenne du littoral,
aller déposer sur l'autel de Delphes
l'offrande d*une branche de silphion.
La soeur d'Apollon, la chaste Diane,
ne pouvait manquer d'être particuliè-
rement honorée dans la cité dont il
était le patron ; on la voit figurer aussi
sur les monnaies cyrénéennes, et des
fêtes solenmelles lui étaient pareille-
ment oousaccées sous le nom d'Arté-
i
mities : c'était pendant leur cHébÊtL-
tion que le grand prêtre d'Apollon pre-
nant possession de sa charge, réunis-
sait dans un banquet tous ceux qui
l'avaient eue avant lui.
Les à€tbes gbands dieux. —
Cyrène célébrait aussi des Olympien-
nes en l'honneur de Jupiter, qu'elle ap- .
pelait Élinymène ou immuable. Et qui
pourrait oublier Ammon, ce Jupiter
Libyen que les colons grecs considérè-
rent comme le même dieu que le maî-
tre de l'Olympe, et dont le culte, dé-
bordant sur la Grèce, s'introduisit à
Thèbes, à Sparte, à Athènes, à Elis?
IVous avons rencontré en outre , dans
l'histoire de l'expédition d'Amasis con-
tre Barkè, la mention du tertre de Ju-
Siter Lycéen, dont le nom avait sans
oute été rapporté en Libye par Dé- -
monax de Mantinée. Enfin des mon-
naies cyrénéennes offrent également la
tête de Jupiter. *
La déesse qui naquit tout adulte de
cette tête sàèrée, avait pour sa part
les fêtes Palladiennes, et des monnaies
à son efQgie; le pharaon Amasis lui
avait consacré une statue à Cyrène ; et
son image s'est retrouvée encore par-
mi les ruines de Bérénice.
Après les dieux du ciel, ceux des
eaux. Le culte de Neptune avait été
porté du Ténare aux rivages iibyques
sur les vaisseaux des Minyens, et s'é-
tait répandu même chez les barbares;
Synesios mentionne un de ses temples
dans la Cyrénaïque : il était invoqué
tour à tour sous l'épithète d'Amphi^
baios par allusion au circuit de l'O-
céan, et sous celle de Pellanios eu
égard à la sombre couleur des profon-
des eaux. — La déité charmante née
de leur écume donnait son nom d'A-
phrodite à une petite île de la côte ;
elle avait un temple et des jardins aux
portes de Cyrène , où sa statue avait
été placée par Ladice, épouse de Té-
gyptien Amasis; un autre temple lui
était consacré dans une Ile du lac Tri-
tonide. Nous aurions à mentionner de
plus ici la colline des Grâces, si elle ne
se fût trouvée en dehors des lin^ites
de la Cyrénaïque.— L'époux de la gr^
cieuse déesse, le noir.VqloaiQ nom
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANOÊNNE.
109
montre aussi sa figure sur quelques
pierres gravées recueillies parmi les
mines de Bérénice.
Venons aux dieux terrestres. An
dire de Macrobe, les Cyrénéens attri-
buaient à Saturne IMnTention du miel
et des fruits, et pour célébrer sa fête,
ils se couronnaient de figues fraîches,
et s'envoyaient réciproquement des gâ-
teaux. Ils observaient les Telluries en
Tbonneur de Cybèle, dont la tête cou-
ronnée de tours se voit sur quelques
monnaies de la Cyrénaïque. D'autres
offrent la tête de Bacchus ; on trouve
d'ailleurs, parmi les ruines de Cyrène,
plus d'un vestige du culte de ce dieu ,
et Ton aperçoit encore à Teukhira les
vestiges d'un temple qui lui était con-
sacré.
Les dieux sbgondàibes ou
iTBANGEBS. — Quant aux demi-
£eux, un temple dédié aux Dioscures
s'élevait sur la place de Cyrène, et un
village s'était paré de leur nom ; un
temple d'Hercule existait sur le rivage
près de Paliouros; des pierres gravées
recueillies sur l'emplacement de Béré-
nice nous offrent son image , et son
nom jetait attaché à [diverses locali-
tés de la Cyrénaïque ; la nymphe Cy-
rène et son fils Aristée étaient l'objet
d'une vénération particulière, à cause
des traditions qui les faisaient inter-
venir dans la fondation de la colonie
greoque.
Outre ces dieux de la Grèce, les Cy-
rénéens recurent des étrangers, et mê-
me des barbares, certaines divinités et
certains rites dont il convient de consta-
ter au unoins la trace; ainsi les anténo-
lîdes Glaucus, Érymanthe et Hippo-
loqiw, qui passaient pour s'être établis
chez Anonax roi des Libyens, sur une
eeUine située entre Cyrène et la mer, et
à laquelle ils laissèrent leur patronyme,
forent placés par les colons grecs au
rai^ de leurs héros mythologiques,
lor^ja'ils vinrent eux-mêmes prendre
possession de ce lieu. — A l'ouest de
Qfiène, sur la côte voisine, se trouvait
VI petit temple à Aptoukhos , sans
ésiite un dieu libyen, sur lequel nous
n'avons aucune autre lumière, mais
foà semUe pomrtant avoir donné son
nom à une bourgade obscure de l'A-
frique au delà des Syrtes. — Divers
rites avaient été empruntés à l'Egypte,
dont le voisinage ne pouvait manquer
de faire sentir, sous ce rapport^ son
influence : nous savons que les femmes
de Cyrène observaient , en l'honneur
d'Isis, des jeûnes, des jours de fêtes,
et l'abstinence de la chair de vache ;
par quelque motif analogue les Bar-
céennes s'abstenaient en outre de la
chair de porc.
Caractère national.
Jusqu'à quel point les BOimiES
ETHNOLOGIQUES PEUVENT SEBVIB A
BÉTEBMINEB LES INSTINCTS NATIO-
NAUX. — Ce serait une étude vérita-
blement curieuse , mais complexe et
ardue, que de rechercher à priori, dans
la proportion relative et l'influence ré-
ciproque des éléments divers dont l'a-
grégation forma la population cyré-
néenne, la résultante générale oui dut
constituer le caractère national ae cette
population , et de vérifier ensuite par
les faits de l'histoire les indications de
la théorie. Malheureusement la pkipart
des données essentielles du problème
échappent à notre investigation : car
nous n'avons, sur les races antiques
d'où prenaient leur origine les divi-
ses fractions de la colonie grecque de
Libye, aucune notion assez précise
pour qu'il soit possible de formuler les
caractères ethnologiques de chacune
de ces races, dont quelques érudits se
sont complu de nos jours à faire res-
sortir avec une ingénieuse finesse l'af-
finité ou l'antagonisme politique, com-
me de sûrs indices de la parenté ou de
l'opposition généalogiques.
il s'est manifesté néanmoins, dans
la vie sociale des différentes popula-
tions grecques, quelques traits saillants
oui sans être peut-être caractéristiques
a'une origine diverse, accusent au
moins une différence de civilisation
assez marquée pour n'avoir échappé à
personne; si bien que les noms de
Sparte et d'Athènes rappellent forcé-
ment et immédiatement, aux esprits
les plus vulgaires, les termes extrêmes.
Digitized by VjOOQIC
fttO
L'^l^IVERS.
4e la ptQgfeasHon par kqoelle les uar
tioos grecque* s'echeloonaient entre
elles (kpuis une grossière rudesse jus-
qu'à la politesse la plus raffinée.
Mais si Ton traouit le$ noms 4^
Sparte et d'Athènes par les dénomi-
nations génériques de Doriens et dlo-
pleas, peut*Qn, même en forint Tex-
pressioB de leur antagonisme jusqu'à
oublier les anneaux intermédiaires for*
mes par les Éoliens et les Achéens,
méconnaître encore qu'ils ont eu tous
un père commun dans Heilen? Il est
vrai qu'on attribue à rinfloence étran-
gère des Pélasges asiatiques cette dé-
générescence ou, si on aime mieux^ ce
progrès qui détermina le caractère spé*
cial d'élégance et de mollesse des Iq«
niens ; mais que sait-on avec précision
et certitude des Pélasges eux-mêmes ?
On n'est guère plus avancé quant
aux immigrations aostre-orientales des
Inacbides , des Géeropides , des Cad«
méens, des Lélèçes et aes Danaëns, dé-
puis que le système d'explication Bya^
Bolique introduit dans 1 histoire vient
à la fols, arme à deux tranchants^ dé-
truire d'une part le voile mythique
sous lequel on suppose eachés w faits
traditionnels , et d'autre part le pré^
tendu masque historique derrière le-
quel on suppose que se cache un m|r-
Xm, Que penser, au milieu de ce bou-
leversement d'idées, desdénominations
dé Danaëns et de Cadméens qui se trou-
vent mêlées aux indications ethnolo-
giques touchant la formation originaire
de la population cyrénéenneP
ÉLÉMENTS PBINGIPAUX DE LA. P0«
PULÂTION CYfiÉNÉEHNB AU POINT DR
TUE ETHNOLOGIQUE : LES LIBYBNS
INDiOBOIES^ LES COLONS GBECS, LES
Juifs tbansplantbs. — Sans pré-
tendre aborder de si haut, ni avec un
tel dédain des vieilles croyances histo-
riques, une question qui se présente à
nom entourée de tant de diificultés et
d'incertitudes, bonions-nous à rappe*
1er d'une manière générale que la co-
lonie grecque établie sur le sol libyen
8*ëtait formée d'un premier no^^au thé-
réen, près du<piel s étaient ultérieure-
ment implantes d'autres rameaux bel-
lèseBypoorjetereBsemblelewrs raoines
exotiques sur une terre qui avait elle-
noême ses rejetons autochtli^oes, étouf-
fés peut-être sur les points où l'implan-
tation grecque fut plus dense, mais
qui durent s y entremêler dans le pour-
tour, bien qu'ils ne se développassent
plus dans toute leur vigueur qu'à de
plus grandes distances des lieux en-
vahis»
. Ainsi , dans les premiers siècles de
son existence 4a population cyrénéenne
fiit grecque au centre et lil^enne à son
extrême circonférence ; puis dans le
centre même, indépendamment de tou-
tes les accessions étrangères successi-
vement amenées par les relations po-
litiques et par le commerce, mais qui
durent se perdre dans la masse hellé-
nique, il fut introduit un élément asia*
tique, important par le noeabre autant
que par le défaut B'affinité; je veux
parler des juifs que le premier Ptolé-
mée transplanta dans les villes de la
Pentapole.
Trois peuples, non^^ulement dis-
tincts^ mais encore bétéro^nes, se
trouvaient donc juxtaposés sur le mé*
me sol : l'un en dehors 4e la cité, tes
Libyens, anciens possesseurs du paya^
des deu¥ autres, exerçant à des titrés
divers leurs droits politiques dans les
mêmes villes, l'un nouveau-venu, leè
Juifs tansplantés de Syrie ; T^autre an-
ciennement établi «t réunissant en un
seul faisceau tous les éléments qui pou^
vaient prétendre au nom d'fiellènes»
Décomposition de l'élément
OBEC : Cadméens , Ëoliens ,
ACHÉENS; PÉLOPONÉSIBNS ET CbB-
Tois; insulaibbs de la mbb Ëgéb.
^ Les colons hellènes avaient été
groupés par Démonax, ainsi qu'on
peut se le rappeler, en trois Iractions,
eu égard à leur ori^ne, savoir : en pre-
mier lieu les Théreens avec les voisins
immédiats qu'ils s'étaient assimilés ,
puis les Péioponésiens avec les Cre-
tois, et enfin les insulaires de la mer
Egée. Chacun de ces groupes était,
comme on le voit, formé lai-mémê
par l'agglomération de plusieurs élÀ>
ments. Dans le premier surtout leÉ
éléments étaient nombreux et divee^
£l d'abord) oés voffiias iaooiédiàtSf cellt
Digitized by VjOOQIC
AFKIQlJË ArrcIENNE.
bot^tilation ambiante (Tceproixot), ces gens
delà baolieue comme ijous dirions au-
jourdliui che2 noés, semblent ne t)oa-
?oir être que des Libyens sédentaires
de la èôte soumis par les coloné thé-
réens, et fondus dans Tagrégation
commane; et quant aux Théréens, On
doit se souvenir qu'ils devaient leiir
oril^oè à une association de gens d'A-
myelée en Laconie, de Minyens, et de
Cadmëens. Ces derniers , établis en
p^i)é d'adcienne date , en partie re-
otUl avëe "Phéras, étaient, suivant Po-
pinlbn vulgaire et probable, de race
bbéniéîétine; les Minyens, quoique nés
a Leninos , avaient pris origine à
lolcbos en Thessalie, et paraissent dé-
voir être rapportés à la Camille éolteii-
ne; et le seul élément laconien de
Tassoeiation appartenait à la famille
acbéehiiie.
Il n'en est pas moins vrai que lés
Dorieiià étant devenus maîtres de la
Laconie lors du retoutdes Héradi-
des, et leur domination s'étant éten-
due et consolidée à Théra ,- les Thé-
réens eux-mêmes furent compris dans
la Emilie dorienne dont ils subissaient
à la fois Tautorité politique et Tin-
floenc^ Sociale, et dont ils prirent le
langagë,toit parce que la langue du maî-
tre s'in^tronise d'ordinaire chez lés
sujets , soit peut-être aussi parce que
radobtion s en trouvait fevorisée par
la différence mutuelle des dialectes
des trois populations réunies, et par
h t^irédominance de la firactioa éolien-
Â^ dont l'affinité était plus grande
kféb tes habitudes doriennes. Quoi
ttrïl ë& àoit, il est manifeste que les
TWrëédS, déjà compris dans la natio-
iudlté dorienne au moment de leur
dition coloniale en Libye, appor-
dans leur établissement cette
nationalité dorienne, avec la
; qui en était le caractère exté-
Ile plus apparent.
Ce n*est point à dire, toutefois, que
la sdmrenir y fût perdu de la distinc-
IkRvta^^rôrdiale des trois éléments
Mlmil et confondus sous une déno-
ft^lbitlôn commune : les traditions re-
jttéiUiès bar Hérodote en font foi, sur-
mk à f^sard des Gadméens et des
m
Minyens, m dér«idantlés.gdnéak»ite
du cadméen Tbéras et du mmyen Bat-
tos ; Denys le périégète et son traëcw-
teur PHscien ont rappelé dans kiics
vers l'origine amydeôine des Cyrê-
néens (*); et Pindare, qui a consacré
par ses obants la tradition antique des
Égides (**) et des Minyens (***), donne
aussi aux fondateurs deCyrène le nom
de Danaëna (****), comme si Tinfluence
de l'immigration condntte par Danaiis
chez les Achéens d'Argos se iùi éten-
due à tous ceux du Péioponèse avant
que la conquête dorienne les eût dé-
placés. Ainsi le premier noyau de io
population de Cyrène, il est. bon de le
constater, n'avait de dorien ifue le nom
et le langage. ^
Le deuxiénw groupe, dans lequel
figuraient les Péloponesiens et ks Cre-
tois, était, suivant toute apparence,
empreint davantage de la nalionalite
dorienne : il est présumable qu'il était
au moins conduit par des cnefs do-
riens, dans le nombre desquels se trou-
vait même quelmjte Héradide, puisque
le cyrénéen Synésios, près de dix siè-
cles après, faisait remonter sa géitéa-
logie^ par Ëurysthènes, jusqu'à fiêr-
cule.
Quant aux nésiotes on insulaires
réunis dans le troisième ^upe, nous
n'avons aucune désignation certaine
de la famille à laquelle ils appartenaient
(*) KvpTJvti T* feûtincoç 'ApvxXoiîayv y«voç
àvSpûW.
Dents, Périégèse, v. *x3.
Necnon Cyrene darorum mater equoriiin,
Urbis Amjcla;» populus quam condidit oKtn.
Priscikn, Périégèse, v, X97'S.
(**) 'OOev yevevafiivot
txovTO BvjpavSe fû*
T8C AlfEldiat, èfjLOt iiaT^cc.
PiKDARs, Pftftipies, V, Amistr. 3.
(***) .... TÔSe yàç y«v«« Ev-
fdtpiou çuTsuOèv, XoiicÀv alei
tùXsxQ , yuaX Aaxeôai-
uov{(i>v tu^dévre; àvSpûv
fjôeffiv, iv uoTe KaX-
XCorav dittpXYicrav XJ?^i^
vôwov.
PuTDARft, Pfthhfues, r¥,'Slr. ne
(****) AX[i.é o\ icetvxv Xàôe (rtv sioeyKdTc
e^étttv di^eipov.
Digitized by VjOOQIC
lis
L'UNIVERS*
dans la dhrisioo etimologique de THel-
lade; mais eo consultant les conve-
nances géographiques de proximité
tant à l'^ara de Delphes d'où partait
l'oracle qui détermina leur émigration
qu'à l'égard de Cyrène qui en était le
but, on doit regarder conune infini-
ment probable qu'ils venaient des Cy-
clades, où des Pélasges, des Phéniciens,
des Cretois , des Ëoliens , peut-être
aussi déjà quelques Ioniens, avaient
tour à tour posé les assises d'une po-
Eulation mélangée, au sein de laquelle
) commerce de Délos appelait encore
journellement des étrangers.
Nous ne poserons pas ici , tant il
nous semble difficile de la résoudre ,
la question de savoir jusqu'à quel point
la distribution ethnologique dont nous
venons d'esquisser les traits princi-
paux, se trouva conservée ou mécon-
nue dans la distribution politique si-
gnalée par Josèphe comme existante à
Cyrène au temps de Sylla et de Lu-
eulius, et où l'on vit figurer, en quatre
classes distinctes, les citadins, les pay-
sans, les étrangers et les juifs; toutes
les hypothèses que l'on pourrait être
tenté de proposer à cet égard ne se-
raient fondées que sur (Tarbitraires
conjectures.
Les Gbecs de Cyabne, comp-
tés DANS LA FAMILLE DOBIENNE ,
AVAIENT NEANMOINS LES MCEUfiS
BAFFINÉES DES lONIENS. — Ce quî
ressort au moin^ de ce que nous ve-
nons d'exposer, c'est que la population
cyrénéenne, formée d'éléments em-
pruntés, dans des proportions inégales,
aux diverses races helléniques, dut
présenter, dans le développement de
ses instincts nationaux, une diversité
de caractères conséquente à ces pré-
misses : la prédominance dorienne se
manifesta sans doute dans la consti-
tution aristocratique, dans les habitu-
des agricoles, dans le langage; tandis
que les races assujetties, bientôt puis-
santes par les richesses que procurent
l'industrie et le commerce, révélèrent
leur turbulence démocratique dans plus
d'une tentative d'émancipation dont le
succès ne profita guère à la consoli-
dation des libertés publiques.
En relisant, avec ces Impressions,
l'histoire de la Cyrénaîque depuis l'ar-
rivée de Battus jusqu'au testament
d'Apion, on sera porté à s'expliquer ,
Ear l'antagonisme des deux principes,
I plupart des troubles dont elle fut si
souvent le théâtre ; on reconnattra, ou
l'on croira reconnaître, ici les exigen-
ces de l'aristocratie dorienne^ là les
caprices de la démocratie tels qu'ils
étaient habituels aux Ioniens. Nous ne
voulons point formuler nous-mêmes
ces explications de détail : qu'il nous
suffise de les avoir indiquées d'une
manière générale, laissant à la pru-
dence de chacun des interprétations
tantôt plausibles, tantôt spécieuses ,
tantôt aussi fort aventurées.
D'autres, d'ailleurs, voudront expli-
quer les mêmes faits, et jusqu'à cet
antagonisme dont on lait nonneuf à
l'esprit de famille, par des circonstan-
ces tout à fait indépendantes des faits
ethnologiques , telles que l'opposition
des intérêts individuels, Tesprit de
corps, lajdifférence des directions pri-
ses sur la grande voie de la civilisation
et du progrès social. A ce compte, le
caractère national des Cyrénéens au-
rait été le produit, non des instincts
héréditaires, mais de l'influence mu-
tuelle des institutions politiques, et du
développement industriel et commer-
cial déterminé par la richesse du sol
et la facilité des communications ma-
ritimes.
On ne peut du moins se dissimuler
que, dorienne par le langage et la dé»
rivation politique, et se reconnaissant
comme telle, la population cyrénéenne
se distingua bien moins par la sévérité
des mœurs, Téconomie, la sobriété, le
patriotisme, la vertu guerrière, qui fi-
rent la gloire de Sparte, que par les
mœurs élégantes, le luxe, la mollesse,
la turbulence , l'amour des lettres et
des arts, qui firent la célébrité d'A-
thènes.
Elle poussa même bien plus loin
qu'Athènes l'amour du bien-être, îa
recherche, la sensualité, l'ostentation.
Le poète comique Alexis, cité par
Athénée, avait mis en scène le luxe
des festins à Cyrène : quelqu'un in-
Digitized by VjOOQIC
vîte*t4i im «ni àdtaef ? Yoilà aussitôt
dix-huit autres convives, dix Toiture»^
quinze attelages à héberger! — Qui
ne sait d*aii|eurs que l'école pbiloso«
pbique cyrénéenne avait pour doctrine
4iue le bonheur est dans le plaisir?
Ce n'est point toutefois d'un seul
bond que la colonie dorienne de Libye
put arriver à ce raffinement de mœurs;
et la ci^iilisation plus rude des monta-
gnes de la Laconie. ne dut s'oublier
Sue progressivement, à mesure que le
éveloppement des ressources agrico-
Jes et commerciales amenait une opu-*
leuce corruptrice.
agriculture et commerce; Revenus
publics; monnaies.
Pboductions. — Établis sur un
sol éminemment fertile, les colons
§recs durent y continuer avec autant
e goût que de succès et d'avantages
la vie agricole et pastorale à laquelle
ils se trouvaient déjà façonnés ; aussi
ne doit'On pas être surpris que l'idée
de richesse et de bien-être fût attachée
pour eux à,u mot ôiitcvio; (*). Le blé ,
le riz, la vigne, J'olivier, couvraient la
majeure partie de leurs terres ; leur
huile était la meilleure qui fût au
monde. Synesios vante aussi , plus
tard, la qualité du miel de Cyrene,
moins vanté toutefois que celui du
mont Hymette; au surplus la cire et le
miel sont restés un dés principaux
articles d'exportation de ce pays. D'im-
menses pâturages nourrissaient de
nombreux troupeaux de bœufs , de
pourceaux, de chèvres, et surtout de
brebis au doux lainage, et de chevaux
de race supérieure : tout cela se re-
trouve encore chez les nomades d'au-
jourd'hui.
Leurs céréales, leur huile, leur miel,
la laine et les cuirs de leurs troupeaux,
leurs chevaux même , étaient sous leur
main pour fournir les éléments d'uu
commerce d'exportation considérable:
la nature leur offrait spontanément
d'autres articles plus précieux, tels que
(*) C'csl-à-dîre', ayant en abondance les
firuits de la terre.
AFRJQlfE/AîîaEPNNE.
m
Rome.
8* U^raison. (Afrique ancienne.)
le silphion si rare ft si recherché, le
safran odorant , la rose, principe des
plus suaves parfums, le spbagnQs mus-
qué, le concombre aux verbs médici-
nales, enOn le bois de genévrier si es-
timé à Athènes sous le nom de thvon,
à Rome sous celui de citrus, pour l'or-
nement des meubles de luxe. La chasse
mettait de plus à leur disposition les
magnifiques plumes de l'autruche ; et
l'exploitation des mines leur procurait
le sel limpide d'Ammon et la craie de
Parétonion. On peut supposer que l'or
de l'Afrique centrale parvenait jusqu'à
eux par la voie du commerce indigène,
dont le temple d'Ammon était peut-
être le comptoir.
CoMMEHCE.— Placée entre Alexan-
drie et Carthage, Cyrène eut dans
Tune et dans l'autre de dangereuses
rivales, dont l'active concurrence dut
nuire beaucoup à l'extension de son
commerce d'échanges avec les peuples
reculés dans le continent, attendu la
facilité qu'avaient l'une et Tautre de
recevoir directement aussi par la val-
lée du JNil ou par le Fezzân les pro-
duits de l'Ethiopie intérieure. Mais
Cyrène avait des produits que ses ri-
vales même étaient forcées de venir
prendre chez elle : Alexandrie lui de-
mandait le silphion et le thyon, qu'elle
consommait sur place ou qu'elle réex-
portait à son tour, et les Carthagi-
nois soutiraient par leur comptoir de
Charax le silphion de la Cyrénaïque
occidentale, en échange des vins de
luxe qu'ils apportaient de la Sicile et
de la grande èrèce.
Cette précieuse denrée était telle-
ment recherchée que l'on fit sur plu-
sieurs points, notamment dans le Pé-
loponnèse et dans l'Ionie asiatique ,
mais partout sans aucun succès, des
tentatives d'acclimatement et de natu-
ralisation de la plante qui sécrétait
cette substance merveilleuse. Aussi,
rionie par la voie de Samos, le Pélo-
ponnèse par celle de Cythère, en
étaient-ils directement approvision-
nés par les navires de Cyrène, c(tii
l'apportaient aussi en Crète, en Chy-
pre, à Athènes, en Sicile, et jusqu"*à
Digitized by
Google
114
tVïllVËlLS,
AéV«!IÙSI ïtitfdÉj «0N*À1ÉS. —
Les droite d'exportation et d'importa-^
tion sur Ié9 itiafchandiseâ devaient
cohcourir à former , avec ïe produit
des terres domaniales, les principales
ressources du trésor public. L'or et
IVgent monnayés abondaient, ainsi
que le démontre la variété des ty^
pes et des modules monétaires parve^
nus jusqu'à nous ou mentionnes par
les anciens écrivains : à ne parler que
des monnaies d*or , le lexicographe
PoUux constate Texistence , chez les
Cyrénéens, de tétrastatèreâ, de statè-
res, de demi-statères, et de pièces dé
cinquante drachmes (*). Il n'est pas
moins vrai que le tribut imposé par
Rome à la Cyrénaïque fiit exigé, pour
partie au moins, en nature, et que le
Silphion notamment était reçu et dé-
S osé par les questeurs dans le temple
e Saturne.
Éléments de farce matérielle.
PutSSÀNCE MARtTlMÊ. — L'étCU-
due et l'activité du commerce mari-
time des Cyrénéens durent les rendre
habiles dans l'art de la navigation et
dans.ceiui des constructions navales ;
la renommée, ainsi que le constate
Pline, leur attribuait l'invention des
lembes, embarcations légères et rapi-
des, que les Romains adoptèrent plus
tard pour leurs stations flottantes dans
les grands fleuves (**). Quand le prince
(*) Le stalère d'or comptait pour 20
drachmes d'argent, et vaudrait pour nous,
d'après celte base, environ ao francs; et
dès lors le tétrastatère serait de 80 ft-ancs ,
rtiémistatère de 10 francs, et le penteconta-
drachme de 5o fraucs. Mais dans ce calcul,
le rapport de l'or à Targent esi seulement
décuple, tandis que chez nous ce rapport
est de près de 16 à i : les monnaies cyré-
néennes que nous venons de désigner au-
raient donc pour nous une valeur intrin-
sèque d'environ 3o francs pour le siatère ,
lao francs pour le quadruple, i5 francs
pour le demi , et 75 francs pour le pente-
conladrachme.
(**) Dai^ le Rhin et dans le Danube; et
les soldats qui y étaient employés portaÎMit
le nom de Lembarii,
Ir^male t)6rléns vouhit tenter de
ronder une nouvelle colonie sur les
côtes libyques(*), il trouva à Cyrène
des guides qui le conduisirent à l'em-
bouchure du CynipSf entre autres Phi-
lippe fils de Butacides 4 exilé de Cro-
tone, qui arma à ses frais une trière
et y embarqua des soldats pour le sui-
vre. Un siècle après (**) Cyrène four-
nissait de même à une flotte Spartiate
égarée sur ses côtes, deux trières et
des pilotes pour la conduire en Sicile*
.11 n*est point douteux que les forces
navales aes Cyrénéens ne fussent res*
Eectabies, puisque nous savons de Sâl-
iste qu'ils luttèrent longtemps sur
mer comme sur terre éontre les Car-
thaginois, pour la question de limites
qui fut enfin décidée par facte de dé-
vouement des frères Phllènes.
Chbvaux, chabs. — Un autre élé-
ment de force militaire qui appartenait
en propre aux Cyrénéens, c'était la
qualité Supérieure des chevaux du pays»
et leur habileté à les dresser au trait
par attelages de deux et de quatre che-
vaux de front. Ce n'est probablement
point en vue de la guerre qu'ils s'adon-
naient à cet exercice : le luxe, l'élé^
gance, l'amour-propre, y avaient sans
doute la meilleure part, et la victoire
des jeUx olympiques , pythiques ou
iUhmiques, était celle qu ils ambition-
naient le plus: un de leurs rois, le der-
nier des Arcésilas, se faisait gloire de
remporter, à la course des chars, le lau-
rier pythique (**) et l'olivier d'Olym-
pie(*'); l'antiquité classiaue a de mê-
me conservé les noms d Eubotas (*^) ,
de Cratisthènes, et des deux Théocres-
tes, vainqueurs également à la course
des chars dans les jeux olympiques, et
dont l'un, le premier Théocrestes, avait
déjà été couronné pour le même genre
de course, aux jeux isthmiques. Anni-
céris conduisait ses chevaux avec une
telle dextérité , que les roues de son
char, après avoir tracé en cercle leur
(*) En Tannée Siq avant l'ère vulgaire.
(**) En Tannée 4i3 avant Tère vulgaire.
(*^) L'an 466 avant Tère vulgaire.
(**) L'an 460 avant Tère vulgaire,
(***) L'an 364 avant Tère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRT(2nE ANdEUNE.
ornière, passaient et Repassaient sur
^ même trace sans s'en écartef, au-
tant de fois qu'il lui plaisait. Antici"
pant au surplus sur nos habitudes mo-
dernes^ les Cyrénéens se voituraient en
char dans Penceinte même de leur ville.
Mais ce raffinement de leur vie opulente
tournait au profit de leur puissance
militaire; car ces chars si commodes
et si habilement dirigés étaient d'un
grand effet à la guerre, soit qu'ils vins-
sent déposer inopinément des renforts
de troupes fraîches au milieu des com-
battants fatigués, soit que, lancés au
sein de la mêlée, ils doublassent, par
l'impétuosité de leur course, la vigueur
des guerriers qui les montaient. L'équi-
tation était aussi dans leurs habitudes,
et la garde du roi se composait de
trois cents cavaliers choisis.
ÊXEKCICES GYMNASTIQUES. — Du
reste , tous les exercices gymnastîques
propres à développer l'agilité et la
force du corps, étaient en honneur
chez les Cyrénéens , ainsi que le cons-
tatent de nombreux triomphes dans
les jeux publics de la Grèce. Télési-
crates fils de Carnéades, deux fois
vainqueur à la course dans les jeux
pythiques^ (*) et dans d'autres solen-
nités à Égine , à Mégare , à Cyrène
même, fut chanté par Pindare et eut
une statue à Delphes ; les Cyrénéens
Polymnestes {*"), Eubates (**), Eu-
botas (**) , Pauros deux fois cou-
ronné (*^ , Polyclès (**) , Idéos Nica-
tor (*-0 , Acusilas (*^ , Mnaséas (**) ,
(*) Dans les a8« et 3o* pythiades, 478
et 470 ans avant Tère vulgaire.
(*«) Dàds la 8i« olympiade, 4^6 ans
avant Tère vulgaire.
(**) Dans la gS» olympiade, 40S ans
avant Tèi-e vulgaire^
('«) Dans la 104* olympiade « 364 a&^
avant l'ère vulgaire.
(*<*) Dans les io5* et io6* oiympii^et»
36o ou 356 ans avant Père vulgaire.
(*') Dans la io8« olympiade, 349 ans
avant l'ère vulgaire.
(V) Dans la ia6« olympiade , 376 ans
avant l'ère vulgaire.
C) Dans La i65« olympiade, lao am
avant l'ère vulgaire.
(**) La date est incertaine.
remportèren! téur 3 toûf îe prix de la
(ioutse à Olympie ; le barcéen Amési-
nesygagna celui dé la lutte (*). Élien
nous raconte l'anecdote d'Eurydamas
de Cyrène, vainqueur au pugilat à Olym-
pie, qui pour dissimuler un désavan-
tage momentané, avala les dents qu'un
coup vigoureux de son adversaire avait
brisées dans sa bouche. On pourrait
encore ajouter ici un témoignage re^
cueilli par Athénée sur le goût des
Cyrénéens pour les monomachies ou
combats de gladiateurs à Texemple de
ceux que Démonax avait établis à
Mantinée.
Cuiturç dès arts et des kUtes^
Philosophie.
Beaux-arts, langage, poéi^e.
— S'ils étaient adonnés aux exercices
du corps ^ ils ne négligeaient pas ceux
de l'esprit; nous ne pouvons guère
juger que par des ruines , de leurs
talents dans les arts libéraux : deâr
pierres gravées, des médailles, des
vases peints , des restes d'édifices
écroulés , tels sont à peu près les seuls
témoignages que nous ayons de leur
habileté dans la sculpture , la peinture
et l'architecture.
Leur histoire littéraire est un peu
mieux connue , malgré la perte des
cent vingt livres que le cyrénéen Cal-
limaque avait consacrés à un Tableau
des écrits de tout genre. Ils avaient
apporté de Théra le dialecte dorien ;
le voisinage immédiat des tribus li-
byennes, de fréquentes relations mer-
cantiles avec des peuples de toute
origine , durent altérer la pureté du
langage , et introduire, au moins dans
le parler usuel, un grand nombre de
mots et de locutions étrangères ; mais
les écrivains durent prendre d'autant
plus de soin de se tenir en garde con-
tre ces indices du contact des barbares.
Comme dans toutes les histoires
littéraires, c'est la poésie qui point
d'abord à l'horizon : dès le temps du
second Battos, Eugammon composait
(*) Dans la So« olympiade, 4^0 ^ns avant
l'ère vulgaire.
8.
Digitized by VjOOQIC
11<J L'UNIVERS.
en deux chants son poème de la Télé-
gonie , récit des dernières aventures
aÛlysse, de son arrivée chez les Thes-
protes , et de sa mort sous les coups
de Tèlégone. Il faut descendre ensuite
sous les Ptolémées pour rencontrer
le iyri(]ue Callimaque lui-même, qui
florissait à la cour de Philadelphe , et
dont il ne nous reste qu'un petit nom-
bre d'hymnes, des epigrammes, et
quelques fragments d*élégies; il ne
reste rien de son neveu , le poëte épi«
que Callimaque le jeune. Et ce n'est
plus qu'à de longs siècles d'intervalle ,
au dernier âge de Cyrène province des
Romains, que Synesios nous donnera
son nom à inscrire à côté de ces poètes,
pour les hymnes qui se trouvent parmi
ses œuvres.
GÉOGRAPHES , GRAMMÀIBIENS *,
HISTOIRE, MÉDECINE, SCIENCES MA-
THÉMATIQUES. — Plutôt savant que
poète , Callimaque l'ancien avait écrit
de nombreux ouvrages scientifiques,
parmi lesquels il y en 'avait d'histoire
naturelle, et principalement de géo-
graphie , sur les îles et les villes au
point de vue surtout de la nomencla-
ture comparative , sur les fleuves de
la terre , sur les choses remarquables
des diverses contrées du monde. Il
devait avoir, pour cette dernière scien-
ce, une affection ou une aptitude par-
ticulière, car la vocation des élevés
dépend presque toujours de celle du
professeur , et Callimaque compta
parmi ses disciples plusieurs géogra-
phes distingués: Philostéphanos, Is-
ter, et le grand Êratosthènes. Philo-
stéphanos écrivit un livre des îles, cité
par quelques scholiastes; Ister, qui
semble avoir été un esclave cyréneen
originaire des bords du Danube, avait
composé un recueil de documents sur
l'Attique, des Argoliques , et un livre
des colonies de l'Egypte, dont on re-
trouve quelques minces fragments chez
les polvçraphes ultérieurs; quant à
Êratosthènes, qui fut bibliothécaire
des Ptolémées à Alexandrie, il réunis-
sait les connaissances les plus variées,
mais c'est la géographie qui a fait par-
dessus tout sa renommée ; et Strabon
a puisé dans ses écrits le germe de
son propre chef-d'œuvre. A ces noms
géographiques, nous devons ajouter
encore celui du cyréneen Apellas, dont
Tâge est incertain, et qui n'est cité que
dans l'abrégé d'Artémidore*d'Éphese
par Marcien d'Héraclée. ^
, Parmi les divers précepteurs dont
Êratosthènes avait pris les leçons à
Cyrène, on compte le grammairien
Lysanias; ce titre de grammairien
n'était pas dédaigné par Callimaque ,
par Ister , ni par Êratosthènes lui-
même. Il est donné encore à un Apol-
lodore, un Damon, un Démétrius-
Stamnos, tous Cyrénéens aussi, mais
dont l'époque est incertaine, et l'exis-
tence même à peine constatée.
Dans le champ de l'histoire , le juif
cyréneen Jason composa en grec, vers
Fan 160 avant notre ère, sur les évé-
nements de son temps touchant les
Juifs, cinq livres de mémoires qui ser-
virent de guide au rédacteur du second
livre biblique des Machabées.
Dès le temps d'Hérodote, l'école mé-
dicale de Cyrène était vantée comme
la plus habile après celle de Crotone ;
et pourtant aucune renommée indivi-
duelle ne s'est fait jour jusqu'à nous ;
et nous n'aurions pas un seul nom
propre à prononcer dans cette catégo-
rie, si Sextus Empiricus n'avait men-
tionné un traité de Polyante le Cyré-
neen, sur l'origine des Asclépiades ou
enfants d'Ësculape.
Si nous passons aux sciences ma-
thématiques, nous aurons à citer le
géomètre Théodore, contemporain et
ami de Socrate, et dont le divm Platon
vint à Cyrène écouter le docte ensei-
gnement ; mais nous n'avons pas d'au-
tre géomètre à. mentionner après lui.
L'astronomie ne nous offre également
qu'un seul nom , celui de Nicotélès ,
Qont nous ne savons d'ailleurs rien
autre chose sinon qu'il avait écrit un
mémoire contre l'astronome Conon de
Samos.
ÉCOLE PHILOSOPHIQUE DE Cy-
BÈNE , ET AUTRES PHILOSOPHES CY-
BÉNÉENS. — C'est la philosophie pro-
Î>rement dite ^ui fit la renommée
ittéraire de Cyrène ; et sur cette ma-
tière l'antiquité nous a l^ué des no*
*• Vil. 'huiH:,.c4M,/iM.^Mc^
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
HT
tions plus étendues ; mais il convient
de nous borner à quelques indications
rapides, afin d'achever à grands traits
cette esquisse morale de Cyrène an-
tique.
A la tête de tous les noms que nous
avons à inscrire m , vient se placer ,
dans l'ordre chronologique comme
dans l'ordre de célébrité, le fondateur
de l'école cyrénéenne, le fameux Aris-
tippe , tant méconnu , tant calomnié ,
amant du plaisir et sachant le dédai-
gner ; cet homme à qui allaient égale-
ment bien , suivant l'expression d'Ho-
race {*) , toutes les couleurs, toutes les
conditions , toutes les fortunes , car il
portait avec la même grâce le manteau
de pourpre ou la robe de bure, gar-
dait auprès des tyrans la même liberté
d'esprit que dans la vie privée, et mon-
trait la même aisance à jouir des ri-
chesses et à s'en passer. Disciple de
Socrate, il professa d'autres doctrines,
qu'il paraît n'avoir enseignées que sur
ses vieux jours , quand il fut rentré
dans sa patrie , après avoir vécu tour
à tour à Athènes, à Égine, à Syracuse.
Aucun de ses écrits ne nous est [)ar-
vcnu , et l'on ne saurait juger saine-
ment de ses principes par les mé-
disances ou les calomnies de ses
détracteurs ; il semble résulter des
mots graves ou piquants , sérieux ou
enjoués, qu'on lui attribue , qu'il re-
gardait le bien-être matériel comme
un élément essentiel du bonheur; mais
qu'il faisait consister la sagesse à sa-
voir jouir des plaisirs sans leur accor-
der assez d'importance pour les fuir
comme un danger, ou pour subir leur
empire comme celui d'un besoin indis-
pensable. S'il va voir Laïs , et qu*on
mi en fasse reproche : « £Ue est à
« moi , répond-il ; mais je ne suis point
« à elle. » Si son esclave est fatigué du
poids de l'or dont il est chargé : « Ne
« porte que ce que tu pourras, lui dit-
« il , et jette le reste. » Si on lui de-
mande pourauoi il vient à la cour de
Syracuse, il répond : « Pauvre de
c science , j'allais à Socrate ; pauvre
(*) Omnif Aristippam decuit color et status et res.
HoK&CB, Épftnst I, xTiz, T. a3.
« d'argeht, je viens à Denis.» S'il sol- n;'«J.'Dc<*»|.
licite le tyran en faveur d'un ami (de i^jv^*
Platon peut-être ! ), il ne rougit pas de *'^******^ •
pousser ses instances jusqu'à se pros-
terner ; et quand on a le courage de le
lui reprocher, il s'écrie : « Est-ce ma
« faute , à moi , si Denis n'a d'oreilles
« gu'à ses pieds? » Mais si Denis ne
lui donne à sa table que le dernier
rang : « Ah ! dit- il , on veut que cette
« place devienne la plus honorable. »
Et si le tyran ose dire qu'un philoso-
phe, en venant à la cour, n'est plus
qu'un esclave , de libre qu'il était au-
paravant : « Non , non , réplique aus-
« sitôt Aristippe; un philosopne n'est
« point à la cour un esclave, s'il était
« libre avant d'y venir. » Et quand on
lui demande quel est le mérite d'un
philosophe : « De n'avoir rien à chan-
« ger à sa vie, se borne- t-il à répon-
« dre , soit qu'il y ait ou n'y ait point
« de lois. » Sa philosophie, voisine de
celle d'Épicure , qui nnit par l'absor-
ber, en différait pourtant en ce que la
volupté se trouvait davantage, pour le
Cyrénéen, dans le bien-être matériel ,
tandis que les jouissances intellectuelles
et morales tinrent une plus grande
place dans le système du dernier.
L'école d'Anstippe se continua d'a-
bord par ses propres disciples , Anti-
pater de Cyrène, Ptolémée 1 Éthiopien,
et sa propre fille Arété, qui transmit
sa doctrine à son fils, nommé Aristippe
comme son aïeul , et surnommé, avec
juste raison, Métrodidacte ou élève
de sa mère. Mais bientôt la secte cj;-
rénaïque- se partagea en trois subdivi-
sions, les Hégésiaques, les Ânnicériens,
et les ïhéodoriens ; les premiers pro-
fessaient les opinions d'Hégésias, dis-
ciple de Parébates, qui était disciple
d'Épitimèdes, disciple lui-même d'An-
tipater; les seconds eurent pour chef
un autre disciple de Parébates, Anni-
céris, qu'il ne faut pas confondre,
comme le fait Diogène de Laérte, avec
son homonyme l'habile conducteur de
quadriges, par lequel Platon fut ra-
cheté de l'esclavage ; les derniers sui-
virent les leçons de Théodore, disciple
d' Aristippe le jeune , et auteur d'un
traité des dieux, qui le fit surnommer
Digitized by VjOOQIC
!!•
vvmviv^s.
leur à tour Tâthée çt le4i^u ; du nom-
bre cte ceuï-rcî forent Bion da Borys-»
tb^e. renommé pour ses bons mots (
et Êvhémère le Messénien , qui ensei-
gna le premier l'origine historique de$
dieux. Mais, en nous bornant à des
poms cyrénéens, nous n*avons à ajou-
ter à ceux qui préeèdent que r^îeotélès,
frère et condisciple d'Annicéris ; et un
Aristote, dont nous ne savons rien,
sinon que plusieurs élèves le Quittè-
rent pour aller écouter Stilpon de Mé^
gare.
Parmi les philosophes qui, nés à Cy-
rène, n'appartiennent cependant point
à la secte cyrénaïque, Strabon nou$
fait connaître ApoUonius Cronos , de
Vécole de Mégare , professeur du dia-
lecticien Diodore de lassus , qui prit
lui-même , de son mattre , le ï^urnom
de Cronos. Nous voyons plus tard La-
cydes fils d'Alexandre, au temps de
Ptolémée-Évergète, briller au premier
rang dans la moyenne académie ; Pto^
lémée , qui avaii reçu , par Tintermé*
diaire d Eubule et d'Èuphranor, les
doctrines de Timon , essa)[er la res-
tauration de récole sceptique; puis
enfin Carnéades, qui florissait environ
170 ans avant notre ère, fonder la
nouvelle académie , ou l'école du pro-
babiiisme.
Et si l'on cherche encore à Cyrène,
daps les temps postérieurs , un philo-
sophe à mentiouner comme un loin-
tain reflet de Tancien lustre de sa
patrie, on verra luire, au milieu de
la nuit qui enveloppe alors les der-
niers restes de la civilisation cyré-
néenne , le néo-platonicien Synésios ,
après lequel les lettres ne trouvent
plus un seul nom à prononcer.
VI. DOMINATIOn DES BOMÂIlfS.
Première période f jusqu'à la rédtjc^
Uon en province : Époque dç diS"
fensioH et de tyrannie.
PbBMIBBB OB<»AmSATION PB It^
BOXINÂTION BOMAINB EN LIBYB. -*
En recueillant la successi<m des roif
de Gyrène , Rome avait le choix , pfn
éê muÈ^ tes tnstitutioM politiques
de isa nouvelle acquisition , pour np
Tassimiler d'une manière plu3 com-
{)lète , ou de prendre les choses dans
'état où elles se trouvaient , en subs-
tituant purement et simplement Tau-'
torité du sénat à celle des rois. Elle
S rit ce dernier parti, laissant aux villes
e la Pentapole leurs libertés muuici-
Sales, se bornant à prendre possession
es terres domaniales , dont les pro-
duits durent être désormais et furent
en effet versés au trésor : dès les pre-
mières années de la domination ro-
maine on voit figurer, parmi les re-
venus publics , trente livres de sil-
phion faisant partie des tributs de la
Cyrénaîque ; et Ton sait que plus tard,
au commencement de la guerre civile,
Jules César, dictateur, put retirer du
trésor cent onze livres de cette pré-
cieuse matière. £n résumé , ce fut le
domaine utile que retinrent les nou-
veaux maîtres du pays, laissant à leurs
sujets pleine liberté de se gouverner à
leur guise.
Il était impossible, avec l'esprit
versatile et turbulent des Cyrénéens,
qu'une telle latitude ne produisit pas
qe déplorables résultats ; les divisions
intestines recommencèrent, et du sein
de l'anarchie surgit un despotisme
tyrannique. Un récit anecdotique de
Plutarque peut nous donner une idée
de la situation où se trouva bientôt
réduite Cyrène par l'exercice de cette
liberté sans frein.
Tyrannie de Nicocrats , dé-
truite PAB Abetaphilb. — Nico-
crate est le nom du tyran qui d'abord
s'empara de l'autorité et la conso-
lida en ses mains par le meurtre d'un
grand nombre de citoyens distin-
homme d'un rang illustre, dont il con^
voitait la femme Arétaphile, fille d'£-
glator, aussi remarquable par sa gran-
de beauté que par sa prudence singu*
lière et son aptitude a traiter des af«
faires publiques ; et il Tépousa malgré
elle, n commit une infinité d'autres
actes en violation des lois, si bien que
l'on se fût empressé 4» fuir pour se
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUK AIi<;if NNE
sowtir^îr^ à 300 horrible tyrannie, ell
n eût m I0 précaution de faire garder
les portes avec une telle rigueur, qu'où
piquait même les cadavres , ou qu'on
les passait au feu, pour s'assurer que
fies vivants ne tentaient pas de s'é^
chapper en faisant les morts. Ce mons*r
ire farouphe, que rien ne pouvait ap*
privoiser , se laissait pourtant subju-
guer par son amour pour Arétapbile;
pour elle seule il était doux et mania-
Bie, et souffrait qu'elle jouit d'une
grande autorité. Mais outre le poids
de ses propres chagrins, elle avait le
poîgnc^nt spectacle des malheurs de sa
patrie indignement soumise à de si
atroces épreuves : car on sacrifiait les
citoyens l'un après l'autre , et il n'y
avait pas de vengeance à espérer de
la part de quelques exilés timides t
faibles et dispersés.
Arétapbile sentait qu'en elle seule
était l'espoir de son pays, et pleine d'une
noble résolution, mais dénuée de tout
secours, elle tenta de se débarrasser de
son époux par le poison; comme elle
faisait ses dispositions, se procurait
les drogues nécessaires, et essayait la
force de ses préparations, la chose fut
découverte; après en avoir recueilli
les preuves, Calbia, mère de Nicocrate,
femme sanguiqaire et implacable ,
opina pour qu'Arétapbile , honteuse*
ment traitée, fût mise à mort sur-le**
champ. Mais l'amour retenait JMico-
crate et lui ôtait le courage de sévir,
d'autant plus qu'Arétapliile repoussait
vivement l'accusation et soutenait son
innocence. Voyant cependant qu'elle
ne pouvait tout nier absolument, elle
avoua qu'en effet elle avait voulu pré'
parer un breuvage , mais non pour
causer le trépas : « Il s'agissait pour
« moi , dit-elle , d'une chose impor-
« tante; car les honneurs dont je jouis^
« l'autorité que je dois à votre bien-r
« veillance , ont excité cpntre moi les
« dangereuses jalousies de beaucoup
« de femmes; craignant leurs breuva«
t ges et leurs artifices, j'ai voulu aussi
« recourir à de semblables moj^ens :
d imaginations vaines et féminines ,
«( ^ans doute , mais non punissables
« du supplice ; à moioA que yom M
U9
*t jugiez digne de morlt l'épouse gpi ,
« par un Breuvage d'amour, espérait
« se faire chérir plus peut-être que
« vous n'aviez résolu. »
En entendant Arétapbile se défendre
ainsi, Nicocrate ordonna seulement
gu'elle fût mise à Ja question , laissant
à l'implacable Calbia le soin d'y prési-
der; mais Arétapbile supporta les
tourments avec tant de fermeté, se
tira avec tant d'avantage de toutes les
épreuves , que Calbia , fatiguée elle-
même , fut forcée d'y renoncer, et que
Nicocrate, persuadé de T innocence de
sa femme, lui rendit la liberté, plein de
regret des tortures qu'elle avait subies.
Et bientôt il revint à elle plus amou-
reux que jamais , la comblant d'atten-
tions et d'honneurs.
Quant à elle, que la douleur et les
tourments n'avaient pu faire céder ^
elle ne se laissa pas décourager ; le
soin de sa gloire et sa ténacité à rem-
plir un noble dessein, lui firent pren-
dre d'autres voies. Elle avait une fille
assez belle, et déjà nubile , qu'elle fît
voir à Léandre, frère du tyran, jeune
homme facile à enflammer, et don^
elle exalta , dit-on , par des prestij^es
et des philtres, la passion jusqu'au dé-
lire. Et lorsque^ tombé dans le piège,
il eut, à force de prières ^ obtenu de
son frère la main de la jeune fille,
eelle-ci, sous l'inspiration de sa mèrey
lui insinua l'idée de délivrer sa patrie
d'une tyrannie sous laquelle il ne lui
était pas permis de vivre en liberté et
de prendre ou de garder une épouse ;
pendant que d'un autre côté les amis
d' Arétapbile lui suggéraient officieu-
sement de calomnieuji^ soupçons con^*
tre son frère. Léandre ayant compriis
que les idées d' Arétapbile étaient d'ao*
cord avec tes siennes , se mit. à Foeu*
vre, gagna le chambellan Daphnis , et
par son moyen parvint à tuer Nico-
crate.
Tyhànniede Léandre, détruits
ÉeiLEMErfT PAR ARÉTAPHltE. -^
Léandre ne remplit point ensuite l'at-
tente d' Arétapbile, et montra au con-
traire, par sa conduite inhabile et hau-
taine, qu'il avait bien été un fratricidei
mais mn un tyra^niçide* Afrétaphiia
Digitized by VjOOQIC
120
L'UNIVERS.
cotiservaii toutefois auprès de lu! son
rang et son autorité, ne montrant
elle-même ouvertement à son égard
ni hostilité ni répugnance ; mais elle
faisait silencieusement ses disposi-
tions. Elle excita d'abord à la guerre
contre Léandre, Anabos, chef des Li-
byens du voisinage, qui fit des incur-
sions dans le pays, et s'avança en ar-
mes contre la ville; puis elle repré-
senta à son gendre que ses amis et
ses généraux,peu disposés à la guerre,
ne <merchaient que la paix et le repos ;
qu'au surplus, c'était le parti qui con-
venait le mieux à ses intérêts s'il vou-
lait affermir son autorité sur ses con-
citoyens : et elle offrit en même temps
de s'entremettre de la paix, se faisant
forte d'amener Anabos à une confé-
rence avec lui, s'il le souhaitait, avant
que les hostilités eussent amené quel-
que dommage irréparable.
Léandre lui ayant ordonné d'agir
dans cette voie , elle eut d'abord une
entrevue avec le Libyen, et obtint de
lui, à force de présents et de promes-
ses , au'il s'engageât à se saisir de
Léandre quand il viendrait pour con-
férer avec lui. Cependant Léandre
hésitait ; néanmoins, par honte vis-à-
vis d'Arétaphile qui déclarait vouloir
assister à la conférence , il s'y rendit
sans armes et sans escorte; mais lors-
au'en approchant il aperçut Anabos,
se mit à tergiverser, à vouloir qu'on
apostat des satellites ; sa belle-mère ,
de son côté, le rassurait, le grondait;
et enfin , comme il tardait trop long-
temps^ elle le saisit hardiment par la
main , et le conduisit bel et bien au
barbare , et le lui livra. Léandre , ar-
rêté aussitôt par les Libyens, fait pri-
sonnier, et garrotté, fut gardé jusqu'à
ce que les amis d'Arétaphile , accom-
pagnés par le reste des citoyens, vins-
sent apporter la récompense promise.
Car la plupart, à la nouvelle de ce
qui se passait, accoururent au lieu de
la conférence, et en voyant Arétaphile,
peu s'en fallut qu'oubliant leur colère
contre le tyran , ils ne négligeassent
d'en tirer vengeance , n'ayant rien de
plus pressé que de venir, en pleurant
de joie, la saluer comme s'ils eussent
été en présence de l'image de quelque
divinité ; et comme ils affluaient les
uns après les autres , ils ne purent
emmener Léandre et rentrer dans la
ville que le soir. Là , après avoir sa-
tisfait le besoin qu'ils avaient de re-
mercier et de bénir Arétaphile , ils
s'occupèrent enfin des tjrrans : Calbia
fut brûlée vive, et Léandre, cousu dans
un sac, fut jeté à la mer.
On supplia Arétaphile de se joindre
aux sénateurs pour gouverner et ad-
ministrer la cité ; mais elle , comme
s'il se fût agi d'une pièce de théâtre
en plusieurs actes qu elle aurait enfin
conduite jusqu'au dénoûment , dès
qu'elle vit la hberté rétablie, elle ren-
tra aussitôt dans le gynécée , et refu-
sant de se mêler en rien des affaires
publiques, elle passa le reste de sa vie
a filer sa quenouille au milieu de sa
famille et de ses amis.
Intebvention de Lucullus ; bé-
DUCTION DE LA CYEÉNAÎQUB EN
PBOViNCE. — La perturbation causée
par ces événements n'était point en-
core effacée , quand le fameux Lucius
Licinius Lucullus aborda à Cyrène.
Il avait accompagné Sylla comme ques-
teur dans la guerre contre Mithriclate,
et pendant que l'armée campée autour
d'Athènes avait ses convois interceptés
par la flotte ennemie , il était envoyé
en Libye et en Egypte pour y rassem-
bler des vaisseaux (*), afin de faire
cesser cet état de choses. A son arri-
vée à Cyrène , Lucullus trouva la po-
pulation encore en proie à l'agitation
et au désordre causés par les révolu-
tions intérieures dont elle venait d'être
le théâtre , et il mit ses soins à y ré-
tablir le bon ordre et la tranquillité :
il se souvint , à cette occasion, de la
réponse que jadis Platon avait faite
aux Cyrénéens qui lui demandaient des
lois : «Qu'ils étaient trop riches pour
« cela ; attendu que nul n'est plus dif-
« ficile à gouverner que l'homme fa-
< vorisé par la fortune, tandis qu'au
« contraire nul n'est plus souple et
« plus docile que l'homme dans la dis-
(*) Au commencement de Tannée 86
avant Père vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
I grâee. » 1> temps était venu où les
Cyréoéens devaient se trouver dans
les dispositions convenables pour re-
cevoir avec soumission les lois qui
leur seraient données; et cette cir-
constance rendit plus facile la tâche
deLuculius, qui sans doute ne fit
Qu'assurer de nouveau Tobservation
des institutions anciennes. Après avoir
pourvu à ce que lui paraissaient exi-
ger les besoins locaux , il poursuivit
sa mission et se rendit en Egypte.
Pais , lorsque douze ans après Lu-
cutius ftit parvenu au consulat (*), la
Bithynie, queNicomède venait de lé-
guer aux Romains , et la Gjrrénaïque
qtfils avaient reçue d' A pion vingt-deux
ans auparavant, furent à la fois, ainsi
que nous l'apprend Appien , réduites
en provinces de l'empire.
^A quelques années de là, l'île de
Crète, qui s'allonge en face des côtes
libyennes , ayant été conquise par
Quintus Cecilius Metelius, et réduite
aussi en province (**), on pourrait con-
clure d'un rapprochement fait par
Eutrope dans une rédaction un peu
équivoque, que dès lors furent réunies
en une seule province la Crète et la
Cyrénaïque, bien que cette réunion ne
soit incontestabje qu'à dater de l'em-
pereur Auguste , et que dans l'inter-
valle la Crète d'une part et la Cyré-
naïque de l'autre se soient derechef
trouvées entre des mains diverses :
car l'attribution des provinces n'eut
dans le principe aucune fixité, et dans
la répartition annuelle qui en était
laite entre les consuls et les préteurs,
on en réunissait souvent ensemble
deux ou trois sous un même gouver-
neur, ainsi que Dion Cassius a eu soin
a en faire la remarque expresse.
Sec(mde période y depuis la réduc-
tion en province jusqu'à Auguste :
époque des guerres civiles.
Cause de la Cybénaïque plai-
^^^ PIE CiGÉBON. — On sait que ,
sous le consulat de Cicéron (** *), le tri-
(*) L'an 74 avant Fèrc vulgaire.
, O L'an 65 avant Tèrc vulgaire.
(***) L'an 63 avant l'ère vulgaire.
bun 4a peuple Publlot ServiKus Rultus
proposa une loi agraire , dont le but
apparent était de procurer aux citoyens
pauvres des terres en Italie : ces terres,
qu'on leur aurait gratuitement distri-
buées, il fallait les acheter, et pour cela
amasser des sommet immenses desti-
nées à les pay^; et Ruilus proposait
d'y pourvoir en faisant vendre aux en-
chères, par dix commissaires spéciaux,
les terres domaniales de la république
dans les provinces : les champs de la
Cyrénaïque étaient formellement com-
pris dans cette opération. L'éloquenee
du consul a rendu célèbre ce projet de
loi, dont il sut avec tant (Thabileté
faire prononcer le rejet; et Jes cam-
pagnes cyrénéennes restèrent nomina-
lement un domaine de l'État , pendant
qu'elles étaient envahies en réalité
par des usurpations privées, ainsi que
nous le verrons en son lieu.
L'éloquence de Cicéron a de même
consacré la mémoire du procès in-
tenté àCnéus Plancius, édile curuleH,
parMarcus Juventius Laterensis, son
concurrent évincé, qui, parmi ses
titres aux suffrages du peuple, faisait
valoir ses services comme questeur de
la Cyrénaïque , où il avait su se mon-
trer à la fois libéral envers les officiers
du fisc , et juste envers une population
alliée. Il accusait Plancius de lui avoir
enlevé, par la brigue et la corruption,
une charge à laquelle il croyait avoir
plus de droits; mais Cicéron vint jeter
dans la balance le poids de son talent
en faveur de Plancius, et l'ancien
questeur de Cyrène fut débouté de ses
poursuites.
La Cybénaïque suit le pabti
DE Pompée. — Au temps des guerres
civiles , lorsque Jules César et Pompée
se disputaient l'empire, la Cyrénaïûue
dut se trouver d'abord , avec tout 10-
rient , entraînée dans le parti de Pom-
pée ; du moins, après la batailledePhar-
sale(**), la flotte aux ordres de Caton
vint-elle , avec les restes considérables
de l'armée vaincue, y chercher refuge
et s'y enquérir des nouvelles du fugi-
(*) L'an 54 avant l'ère vulgaire.
(**) L'an 48 avant l'ère vulgaire.
'H-"«
-lUWW , >%«>*,• ^
Digitized bf '
Google
tn
trumvBïkS^
ut; cU0 abovda au port 4a Palieoiros,
en face de Ytk de Platée; ce fut là
âu'on apprit la mort du grand Pompée,
e. la bouche de $on ^» Sextus et de «la
veuve Cornéiie, qui s'étaient enfuis de
la rade de Péluse, et après avoir tou-
ché à Chypre, avaient été portés par
les vents au port même où arrivaient
Gaton et les siens. Là se séparèrent
dans diverses directions plusieurs des
chefs , qui n'espéraient plus qu'en la
démence du vainqueur, entre autres
Gains Gassius, qui alla peu après se
rendre à César dans Alexandrie ; mais
le plus grand nomhre persista dans
Bon dévouement à la cause des fils de
Pompée. De Paliouros on vint à Cy-
rêne; d'abord la ville ferma ses portes
à Labiénus, mais le port reçut la
flotte , qui de là se rendit en Afiri^
que (*) , où allait se trouver le théâtre
de la guerre.
Lorsqu'après la mort de César (**)
on changea la distribution qui avait
naguère été faite des provinces entre
les magistrats, que la Syrie fut retirée
à Cassius pour être donnée à Dola*-
bel la , et la Macédoine retirée à Bru*
tus pour être donnée à Antoine, ec'-
lui'-ci, d'après ce que raconte Appien,
fit assurer aux deux officiers ainsi dé-
Î)ouiilés de leurs provinces , et envers
esquels il voulait cependant garder
quelque apparence de ménagement,
la Cyrénaîque et la Crète; suivant une
autre version recueillie par le même
historien, Cassius les aurait eues toutes
deux, et c'est la Bithynie qu'on aurait
accordée à Brutus. Mais comme Cicé-
ron , dans une de ses Philippiques
contre Antoine, rappelle expressément
que la Crète avait été attribuée à
Brutus avec le titre de proconsul , il
semble qu'on en doit conclure que la
première version est plus exacte, et
que la Cyrénaïque et la Crète se trou-
vaient alors encore séparées , celle - ci
étant dévolue à#Brutus, celle-là for-
mant le département de Cassius.
La CvlBlTÀiQUEBNTBS DANS LE LOT
(*) Il s*agit de l'Afrique propre, distin-
guée de h Libye.
(**) L'«A 44 rmni l'ère vulgaire.
i>'AiîToi?i«. — MeJA, qu^pd cm ^ux
chefs eurent été détruits i la double ba-
taille de Philippe8(*),et que les trium-
virs se partagèrent l'empire , Antoiiaa
s'attribua la mission d aller réduire les
provinces de l'Orient pour leur compte
commun; puis, lors du traité qui scella
par le mariage d'Antoine avec la fi||a
d'Octavien la réconciliation de ces
deux rivaux (**), dans le partage
au'ils se firent du monde romain , h
1 exception de l'Italie qui demeurait io-
divise , Octavien prit l'Occident , et
Antoine l'Orient, choisissant pour li-
mite commune entre ces deux immeq-
ses départements , dans le nord la
ville de Scodra en Illyrie, et dans le
sud l'Afrique propre qu'on abandoa-
nait à Lépide pour son lot.
Antoine, subjugué par les charmée
et l'adresse de la trop fameuse Cléo-
pâtre, se montra prodigue envers elle
de ses provinces, comme il Tétait de
son temps, de ses trésors, de sa gloire,
de son honneur même ; i| ne se con-
tenta point d'agrandir les domaines de
la reine d'Egypte aux dépens de l'Ara-
bie, de la Judée, de la Ptiénicie, de la
Célésyrie, qui appartenaient à des
princes tributaires et amis; il lui ren-
dit encore des pays dont Rome elle-
même avait pris possession , et c'est
ainsi que la Cyrénaïque rentra avec
Chypre sous le sceptre des Ptolé-
mées (***). Cependant on le vit, trois
ans après (****), se déclarant publique-
ment l'époux de Cléopâtre, et procla-
mant rois les enfants qu'il avait eus
d'elle, disposer encore en maître de
ces mêmes provinces, et faire de la
Cvrénaïque la dot future de sa fille
Cléopâtre-Sélène, la même qui depuis
fut mariée à Juba le jeune, roi de Mau-
ritanie.
-TÉMOIGNAGE DE BEGON NAISSANCE
DES JUIFS DE BÉBÉNICE ENYEBS
Mabgus Titius. — A cette époque
se rapporte, suivant l'opinion du docte
Fréret, une inscription grecque gravée
(*) L*an in avant Père vulgaire.
(**) L'an 4o avant l'ère vukaire.
(*"*) L'an 36 avant l'ère vulgaire.
(***♦) L*an 33 avant l'ère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
m
fur nitrl^eMtiif ) venu^ eriginaire^
ment de la Cyr^oaïaae, traosporté^
plus tar4 ae Tripoli ae Barbarie à Aûc
eu Provence, et dopt voici la traduçr
tion française :
f a L'an ô5, le 25 de paophi, en Tai*
a semblée de la fête des Tabernacles,
« sous Tarcbontat de Cléandre ûis de
« Stratonicus , d'Eupbranor fils d*A-
« riston , de Sosigène fils de Sosippe,
« d'Andromaque fils d'Andromaque ,
« de IVIarcus Lélius Onasion fils d'A-
« poUonius , de Philonide fils d'Agée
« raon 9 d'Autociès fils de Zenon , de
s Sonicus fils de Théodote , et de Jo-
c seph fils de Straton ;
m. D'autant que Marcus Titius fils
« de Sextus , de la tribu Emilia , per^-
« sonnage excellent , depuis son avé-
«nement à la préfecture s'est conf>-
« porté dans It^s affaires publiques avee
c beaucoup d'humanité et d'intégrité,
ft et qu'ayant marqué dans sa conduite
« toutes sortes de bontés , il continue
« d'en user de même , et non - seule*
«ment se montre humain dans les
« choses générales, mais aussi à Tégard
« de ceux qui recoureut à lui pour leurs
«affairas particulières, traitant sur-
« tout favorablement les Juifs de notre
c synagogue , et ne cessant de faire
« des actions dignes de son caractère
« bienfaisant :
a A ces causes, les chefs et le corps
« des Juifs de Bérénice ont ordonné
« qu'il serait prononcé un discours à
«sa louange, et que son nom serait
« orné d'une couronne d'olivier avec
« le lemnisque, à chacune de leurs as-
« semblées publiques , et à chaque re-
• nouvellement de lune; el qu'à la di-
« licence desdits chefs la présente
« délibération soit gravée sur une co-
« lonne de marbre de Paros , qui sera
« érigée au lieu le plus distingué dç
« Famphithéâtre.
« Voté à Tunanimité. »
Il s'agit , comme on voit , d'actions
de çrâces décernées par les Juifs de Bé-
rénice au gouverneur romain Marcus
Ïitius, à raison de sa conduite pleine
humanité envers eux ; Fréret pense
que la mission de Titius émanait d'An-
toine, eï 3e li^it à la proclamûtioA de
la jeu9e priocesse m fille , dans h
royaume aut venait de lui être attri-
bué. D*auires critiques ont opté pour
une époque plus ancienne , et d'autres
pour une date plus moderne : la Ques-
tion dépend, k cet égard, de l'ère a lai*
guelle doit être rapportée l'année 56*
inscrite en tête de ce décret; les uns
optent pour le commencement de la
domination romaine en Cyrénaîque,
les autres pour la réforme législative
de Lucullus, ceux-ci pour la réduction
en province, ceux-là pour l'adoption
du calendrier Julien à Alexandrie:
chaque hypothèse a ses arguments et
ses difficultés, et il est difficile de
prendre un parti définitif au milieu de
toutes ces incertitudes,
Antoine pehd la. GYfiÉNAÎQUB
BT l'bmpibe. — Nous vojci arrivés
au moment où la bataille d'Actium (*)
allait décider de l'empire du monde. La
fuite de Cléopâtre détermina le départ
et la défaite d'Antoine, qui la suivit à
Parétonion , d'où il la laissa revenir
seule à Alexandrie, déterminé qu'il était
en apparence à faire quelques disposi-
tions militaires pour la continuation de
la guerre. Il avait, dans la Cyrénaï^ue,
quatre légions commandées par Pina«
rius Scarpus, un de ses lieutenants,
et il voulut les appeler auprès de lui ;
mais Scarpus refusa d'obéir, fit tuer
les courriers que lui dépêchait An-
toine, et même quelques soldats qui
élevaient la voix pour blâmer une telle
conduite; et il livra Cyrène et s^
âuatre légions à Gallus, lieutenant
'Octavien, Antoine alors se rendit
lui-même à Alexandrie, pendant que
Gallus venait, avec les légions de Scar-
pus, s'emparer lui-même de Paréto-
nion ; le triumvir espéra qu'ji pour-
rait, en faisant directement appel à
ces vieux soldats qui avaient com-
battu sous lui , les ramener à sa cause,
et ressaisir ainsi la place importante
que la défection de Srarpus venait de
lui faire perdre: il reprit donc, avec
une flotte et quelques troupes, la route
de Parétonion; sa flotte entra sans
obstacle dans le port, et lui-mêmp
(*) L*an 3i avant l'ère yuljç«re.
""^^Î^^Ni^ ^Ov>^^<hUrtCC^ • Digitizedby Google
124
L'UNIVERS.
s'avança vers ses anciennes légions;
mais comme il voulut leur parler,
Gallus fit aussitôt couvrir le son de sa
voix par les fanfares de ses trompettes,
et rendit de ce côté ses efforts inu-
tiles ; il lui fit même souffrir , dans
une sortie, quelque désavantage. D'un
autre côté, des chaînes d'abord ca-
cliées sous l'eau s'étaient tendues à
l'entrée du port, et les vaisseaux, blo-
qués, attaqués de toutes parts, étaient
coulés à fond ou brûlés, et il n'en put
échapper qu'un très-petit nombre. On
sait le reste : désormais la Cyrénaïque
et l'empire tout entier étaient dévo-
lus à Octavien, à qui il ne manquait
plus que le titre d'Auguste, créé tout
exprès pour lui quelque temps après.
Troisième période , depuis Auguste
jusqu'à Trajan : Époque dHnsur'
rection des Juifs cyrénéens.
La Cyrénaïque compbise dans
LE LOT DU SÉNAT. — Au Commen-
cement de cette ère nouvelle qui
commençait pour Rome avec des ins-
titutions où tous les pouvoirs des
grandes charges de l'ancienne répu-
Dlique venaient se concentrer entre
les mains d'un seul homme, quelques
dehors pourtant semblaient être con-
servés pour témoigner du respect de
ce magistrat suprême envers le sé-
nat et le peuple ; et il leur abandonna
le gouvernement direct des provinces
dont la tranquillité ne renaait point
nécessaire l'active surveillance du gé-
néralissime des armées, ou empereur.
La Cyrénaïque , réunie à la Crète en
une seule province , était du nombre
de celles qui furent ainsi attribuées au
sénat (*>; dans la même catégorie se
trouvait aussi l'Afrique avec la Nu-
midie ; en sorte qu'au sud de la Mé-
diterranée, le lot du sénat se trouvait
compris entre la Mauritanie encore
aux mains de Juba , et l'Egypte dévo-
lue à l'empereur ; l'Afrique fut décla-
(*) Ce partage des provinces fut fait le
i3 janvier de l'an 27 avant l'ère vulgaire;
et ce fut quatre jours après qu'Octavien re-
çut le titre d'Auguste.
rée consulaire , la Cyrénaïque fut ran-
fée parmi les prétoriales. Les bornes
e cette dernière province étaient alors
marquées , en ce qui concerne la por-
tion continentale , par les autels des
Philènes à l'ouest , et le grand Cata-
bathmeà l'est; et cette délimitation
persista jusqu'au règne d'Adrien.
Resgbtts en faveub des Juifs
CYHÉNÉENS. — D'après le récit de Fla-
vien Josèphe , les Juifs de Libye ainsi
que ceux des provinces asiatiques , se
voyant fort maltraités par les Grecs,
qui les accusaient d'exporter de l'ar-
gent et de leur être à charge en toutes
choses , furent contraints de recourir
à la justice d'Auguste, qui adressa des
rescrits aux magistrats provinciaux,
et notamment à Flavius, préteur de
Libye (*), pour qu'on ne troublât plus
les réclamants dans l'exercice de leurs
droits.
Malgré ces ordres précis, ils se
trouvèrent gênés de nouveau dans leurs
libertés , et réitérèrent leurs plaintes ,
qui donnèrent lieu à un rescrit d'A-
grippa (**) , dont la teneur nous a été
conservée par Josèphe , et que nous
croyons devoir transcrire ici :
« Mabcus Agrippa , aux magîs-
« trats et au sénat de Cyrène, salut.
« Les Juifs qui demeurent à Cyrène
« nous ayant fait des plaintes de ce
« gue , encore (|u'Auguste ait ordonné
« à Flavius préteur de Libye, et aux
« officiers de cette province , de les
« laisser dans une pleine liberté d'en-
« voyer de l'argent sacré à Jérusalem,
« comme ils ont de tout temps cou-
« tume de le faire , il se trouve des
« gens assez malveillants pour préten-
«dre les en empêcher, sous prétexte
« de quelques tributs dont ils les disent
«redevables, mais qu'ils ne doivent
« point en effet ;
«A ces causes, nous ordonnons
« qu'ils seront maintenus dans la jouis-
« sance de leurs droits , sans qu'ils
« puissent y être troublés ; et que si
« dans quelque ville on avait diverti
« de l'argent sacré , il soit restitué aux
(*) L'an i5 avant l'ère vulgaire.
(**) L'an 14 avant l'ère vulgtire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ÀWaENNE.
155
« Joife par des commissaires nommés
« à cet «ffet. »
Ces dispositions assurèrent peut-être
la tranquillité des Juifs pour le reste
du rèfi^ae d'Auguste; mais les vexa-
tions devaient recommencer pour eux
bientôt après la mort de ce grand em-
pereur.
Une simple mention de Tbistorien
Florus, répétée par Jornandes, nous
apprend qu'Auguste envoya pour sou-
mettre les Marmarides insurgés et les
Garamantes, Publius Quirinius, le
mêoie sans doute qui avait , peu d'an-
nées auparavant , procédé par ses
ordres au recensement de la Syrie , à
l'époque où naquit Jésus-Cbrist , ainsi
que le rapporte l'évangéliste saint Luc.
Quirinius fut victorieux , et il eût pu
se parer, à cette occasion , du surnom
de Marmaricus , s'il n'eût eu la mo-
destie de priser moins baut les avan-
tages qu'il avait remportés.
Pbocédubes intentées pàb les
Ctrénébns contre biybbs offi-
ciers KOMAiNS. — Sous Tibère , Cé-
sius Cordus était proconsul de Crète
et de Cyrène ; il commit des exactions
qui soulevèrent contre lui les Cyré-
néens , et les déterminèrent à s'en
plaindre devant l'empereur; Ancbarius
Priscus porta contre lui une accusa-
tion de concussion , en y^ ajoutant celle
de lèse-majesté , qui était alors comme
le complément obligé de toutes les au-
tres ( * ) ; la plainte des Cyrénéehs fut
reconnue fondée, et sur la poursuite
d'Ancharius Priscus, Césius Cordus
fut condamné comme concussionnaire.
Sous Néron, Pédius Blésus, à son
tour, fut accusé par les Cyrénéens
d^avoir pillé le trésor du temple d'Es-
culape , et de s'être laissé corrompre
par argent ou par intrigue dans les
opérations du recrutement militaire;
le coupable fut exclu du sénat (**).
Les Cyrénéens se plaignaient en même
temps d'AciliusStrabo, qui avait exercé
les fonctions de préteur, avec une mis-
sion spéciale de l'empereur Claude,
pour prononcer sur les usurpations
(*) L'an ai de Fèrè vulgaire.
(*^ L*tn 59 de Tère vulgaire.
commises sur les terres autrefois jpos-
sédées par le roi Apion , et par lui lé-
guées, avec tout son royaume, au
peuple romain ; les propriétaires voi-
sins s'en étaient empares cbacun à sa
convenance, et ils se fondaient sur
l'ancienneté de leur injuste possession
comme sur le titre le plus équitable.
Le juge ayant prononce le retrait des
terres usurpées, il en était résulté à
son égard de grandes animosités, et on
avait porté plainte contre lui au sénat,
qui déclara n'avoir point connaissance
de la mission donnée par Claude , et
renvoya les parties devant l'empereur.
Néron, après avoir approuvé l'arrêt
d'Acilius Strabo , ajouta que cepen-
dant il voulait se montrer favorable à
des alliés, et qu'il leur abandonnait les
domaines qu'ils s'étaient appropriés.
Insurrection du zélateur juif
JONATHAS. — Sous le règne de Vespa-
sien , qui avait jadis été lui-même ques-
teur de Cyrène et de Crète , la Cyrénaï-
que fut troublée par une sorte d'insur-
rection parmi la population juive du
pays. On sait que Judas le Galiléen,
dont il est parlé dans les Actes des apô-
tres, avait été le fondateur d'une secte
de fanatiques ennemis de toute sou-
mission aux pouvoirs terrestres, sur-
tout à la domination étrangère ; que
cette secte , grossie plus tard des restes
de toutes les factions vaincues, et des
malfaiteurs toujours disposés à se met-
tre en révolte contre les lois qui les con-
damnent , couvrant leurs brigandages
du prétexte d'un zèle ardent pour l'in-
dépendance nationale, joua un rôle
important dans la défense de Jérusa-
lem contre les Romains; après la sou-
mission de la Judée , un assez grand
nombre de ces Zélateurs, comme ils se
nommaient eux-mêmes, ou de ces Si-
caires ou assassins, comme les appe-
lait la voix publique , s'étaient sauvés
à Alexandrie , en y portant l'esprit de
rébellion qui les caractérisait; mais il
fut coupé court aux menées révolu-
tionnaires qu'ils y avaient entreprises,
en les livrant aux magistrats romains ;
{)lus de six cents furent exterminés, et
'on poursuivit jusqu'à Thaïes ceux
qui s y étaient réfugiés.
Digitized by
Google
lit
fTÏÎ^ÏVElM
Mâîs f un tfeux , uh tlSsefârtd bommé
:fôrïathâs , qui s'était ëhful à Cyrène ,
travailla activement à la résurrection
de son parti au moyea du rôle de pro*
phète qu'il s'attribua ; et ses annonce^
de prodiges et de miracles ayant ras-
semblé autour de lui la eanâille juive
du pays, il se trouva à la tête de deut
mille misérables , avec lesquels il alla
Camper âu désert (*). Les principaux
d*entre les Juifs avertirent de ce trou-
ble naissant Catullus, préteur de Li-
bye , qui envoya contre les insurgé*
des troupes de pied et de cheval ; ils
furent entourés, tués pour là plupart,
Suelques-uns faits prisonniers et con-
uits à Catullus ; l'auteur du mouve-
ment, Jonathas, parvint alors à s'é-
chapper, mais il fut recherché avec
soin dans tout le pays, arrêté, et amené
devant le préteur : alors , pour retar-
der sa punition, il entraîna Catullus à
des iniquités au moyen de prétendues
révélations qui désignaient les Juifs les
plus riches comme les promoteurs se-
crets de l'insurrection.
Exactions et cRUÂUTiês du prê-
teur Catullus a l'égard des Juifs.
— « Cet avare gouverneur » , ainsi que
le raconte l'historien juif Flavien Jo-
sèphe , « prêta volontiers l'oreille à
une si grande calomnie , y ajouta même
encore afin qu'il parût en quelque sorte
avoir terminé lui-même la guerrecontre
les Juifs ; et pour comble de méchan-
ceté, il excita ces scélérats de sicaires
à employer de nouvelles suppositions
§our perdre ces innocents. Il leur or-
onna particulièrement d'accuser un
*uif nommé Alexandre, qu'au su de
;out le monde il haïssait depuis long-
temps, et il le fit mourir avec sa
femme Bérénice, qu'il enveloppa dans
la même accusation. Il fit ensuite
mourir aussi trois mille autres Juifs,
dont le seul crime était d'être riches,
sans qu'il crût aw)ir rien à craindre ,
parce que , se contentant de prendre
leur argent, il confisquait leurs terres
au profit de l'empereur; et pour ôter
à ceux qui demeuraient en d'autres
provinces le moyeu de l'accuser et de
(*) L'an 72 de V^ vulgaire.
i!
le convainerè d'un si grand orime, il se-
servit de ce même Jonathas et de quet'^
ques-uns de sa faction, prisonniers
avec lui , pour dénoncer comme cou-
pables les gens les plus honorables de
cette nation qui demeuraient à Alexan-i'
drie et à Rome, et du nombrd desquels
était l'historien Josèphe lui-niême.
« Après avoir concerté une èi grande
méchanceté, et ne doutant point de
réussir dans son détestable dessein ,
il alla à Rome , y mena Jonathas en-*
chaîné, et ces autres calomniateurs.
Mais il fut trompé dans son espé-
rance; car Vespasien, ayant conçu
Î[uelque soupçon , voulut approfondir
a vérité; et quand il. l'eut reconnue^
il déclara innocents , à la sollicitation
de Titus, Josèphe et les antres qui
avaient été si faussement accusés ; et
pour punir Jonathas comme il le mé^
ritait , il le fît brûler tout vif après
l'avoir fait battre de verges.
Punition céleste des grimes
DB Catullus. — « Quant à Catullus ,
la clémence des deux princes le sauva.
Mais bientôt après il tomba dans une
maladie incuranle et si horrible, que,
Quelque extraordinaires et insupporta-
les que fussent les douleurs qu'il res-*
sentait en tout son corps, celles qui
bourrelaient son âme les surpassaient
encore de beaucoup. Il était agité sans
cesse par des frayeurs épouvantables ,
criait qu'il voyait devant ses yeux les
fantômes de ceux qu'il avait injuste-
ment livrés au supplice ; et ne pouvant
demeurer en place, il se jetait hors du
lit comme s'il y eût été sur la roue
ou sur un brasier. Ses maux presque
inconcevables allèrent toujours en
augmentant, et enfin ses entrailles
étant toutes dévorées par le feu qui le
consumait , il finit sa vie coupable par
une mort telle , que jamais Dieu n'a
manifesté d'une manière plus remar-
quable la grandeur des pemes que les
méchants doivent attendre de sa jus-
tice. »
Josèphe à sans doute exagéré outre
mesure les tourments endurés par le
préteur de Libye qui avait sévi contre
ses coreligionnaires. Divers savants
ont cru que ce magistrat était le même
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
m
4|«# Catullus MdstidliQiM mentionné
par Plîae l« jeuao Domidè un homme
•aac liéflitation> sans pudeur « laiis pi-
tié , fameux par nés méfaits et tes ar-
rêts sanguinaires. Quelques-uns ont
pensé aussi que les halludnations
dottt il était tourmenté araient fourni
le sujet d'une pièoe de théâtre citée
par JuYénal sous le titre de Phasma
CatuUi.
NOUTBIXB INSÛBmiCtlOKDBS JUIFS
SOUS TAajah 4 ^ Sous le r^ne de Do-
ffiitien , U y eut un sénateur nommé
Cécilius Rufinus, que le nouvel au*-
foste^ exerçant la charge de censeur (*),
«rut devoir rayer de la liste du sénat ,
parce ^u'il aimait à danser: peut-être
est-ce à ce même personnage qu'il faut
rapporter une inscription où Ton voit
figurer Quintus Gécilius Rufinus avec
le titre de proconsul de Crète et de
Carène.
Sous Trajan, en la dix-huitième an-
née du règne de ce prince (**), une in-
surrection générale des Juifs, née dans
la Cyrénaïque et -propagée dans les
contrées voisines , donna au monde le
speetacle des plus horribles atrocités.
Voyant l'empereur engagé dans la
fuerre contre les t^arthes, et toutes Ifs
forices de l'empire tournées vers l'O-
rient i ils avaient cru l'oceasion fâvo«
rable pour recouvrer leur indépen-
dance : les Juifs cyrénéens donnèrent
le signal ^ ay^t mis à leur tête un des
leurs, nommé André, ils s'excitent an
massacre des Grecs et des Romains
au milieu desquels ils vivaient , et s'il
en faut croire Dion Cassius s ils niân<
gent \%% chairs de leurs victimes , dé«-
vorent leurs entrailles , se frottent le
corps de leur sang, se vêtent de
leur peau ; ils les scient ep long par le
milieu « ou bien ils les livrent aux
bé^s féroces , ou les font combattre
entre eux jusqu'à la mort. comme des
gladiateurs : affreuses représailles des
scènes de l'amphithéâtre où ces mal*
très du monde amusaient la populace
de Rome par de semblables horreurs»
Dion fait monter à deux cent vingt
(*) L*an 82 de l'ère vulgaire..
}**) L'an 1x5 de Tère vulgaire.
qoiUe le nombre des personnes qui ,
dans la seule Cyrénaïque, périrent dans
ceUe épouvantable boucherie; les Juifs
d'Egypte et de Chypre, excités par cet
«xemple, massacrèrent de leur côté
deux oent quarante mille victimes.
En vain les Grecs de Libye avaient
tenté d'arrêter ce torrent furieux ; ils
avaient été battus a la première ren-
contre , et s'étaient sauvés à Alexan-
drie, où ils avaient immédiatement
fait main-basse sur toute la population
juive de cette caoitale, tandis aue celle
qui était répanaue dans le plat-pavs
vint, avec Lucua son chef, qu'Ëusèbe '— -— *^
décore même du titre de roi , se réunir z''^'^-^? ^^
aux révoltés de la Cyrénaïque. Trajan ^**v'>»^^«<^*
prit de çérieuses mesures pour remé-
dier à ces désordres: il envoya en
Libye des troupes d'infanterie et de
cavalerie, et même une armée navale ,
le tout sous le commandement de Mar-
cius Turbo, l'un des plus vaillants ca-
pitaines de ce temps , qui devint peu
d'années après préfet du prétoire.
Turbo réduisit en effet les rebelles,
mais ce ne fut qu'à force de combats
et de temps , ayant affaire non-seule-
ment aux Juils cyrénéens, mais en
même temps à tous ceux de l'Egypte ,
qui étaient accourus à l'appel de leur
roi ; en sorte que la guerre se prolon-
gea jusqu'à l'avènement d'Adrien (*),
et que ce fut seulement au commen-
cement de ce nouveau règne que Mar-
cius Turbo, ayant enfin complètement
réprimé les Juifs de Libye, put être en-
voyé contre les Maures d'Afrique.
Quatrième période ^ depuis Adrien
jusqu'à Théodose le Grand: Épo-
que de réorganisations adminis-
tratives.
CHÂNeBMENT DB LIMITES SOuà
Adbien. — Les déprédations des in-
surgés avaient tellement désolé la Li-
bye, qu'elle serait demeurée presque
déserte , et inculte faute d'habitants ,
si Adrien n'eût rassemblé de tous
côtés des colons pour y fonder de nou-
veaux établissements. Ils bâtirent, sur
(^ Le II août ZZ7 de l'ère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
128
L'UNIVERS.
la côte, une ville à laquelle ils donnè-
rent le nom d'Adriane ou Adrianoi>olis,
qui a disparu sans laisser de vestiges.
Adrien, comme on sait, passa en
voyages dans les provinces de Tem-
pire , plus de moitié de la durée totale
de son règne; la Libye ne fut point
exclue de cette inspection générale du
monde romain, mais les historiens ne
nous ont conservé à cet égard aucun
détail , ni même aucune mention pré-
cise : une anecdote seule , consignée
dans le curieux recueil d'Athénée , et
appuyée du témoignage des médailles,
nous fait connaître qu'Adrien, dans
une chasse qu'il fit en ce pays(*),
y tua un lion d'une taille énorme , qui
aepuis longtemps ravageait toute la
Libye, et avait en beaucoup d'endroits
forcé les habitants à déserter leurs
demeures.
C'est sans doute au règne d'Adrien,
ce grand et actif administrateur des
provinces, que doit être rapporté, s'il
eut lieu en effet dans l'ordre politique
comme on n'en peut guère douter, un
changement dans les délimitations
communes de la Cyrénaïque et de
rÉgypte, qui n'est accusé par aucun
historien du temps , mais qui se fait
remarquer dans les descriptions du
géographe Ptolémée. Dans le coup d'œil
général qu'Appien, au commencement
de son histoire, jette sur le monde ro-
main, on voit énumérées en effet,
sans distinction expresse, et d'une
manière assez équivoque, les diverses
provinces de Tempire ; en ,gorte qu'il
est difficile de reconnaître si l'on doit
réunir ou séparer mutuellement Cy-
rène et les Marmarides, et les Ammo-
niens , et les peuples voisins du lac
Maréote, qu'une même phrase nomme
ainsi bout à bout. Mais son contem-
porain Ptolémée décrit expressément
la province Cyrénaïque (i?) Kupijvaîx^j
èTTopxia) comme bornée sur la côte, à
l'ouest par les autels des Philènes , et
à l'est par la ville de Darnis ; tandis
qu'il annexe à TÉgypte un nome de
Marmarique, un nome de Libye, et
(*) Probablement en l'année i3a de no-
tre ère*
un nome Maréote. Peut-être cette dé-
limitation nouvelle était^^lle la consé-
quence des disi|M)sition8 militaires dont
la dernière insurrectiondes Juifs avait
fait reconnaître la nécessité.
Dans ces limites plus restreintes, la
Cyrénaïque continuait d'être réunie à
la Crète en une seule province , dont
le jeune Publius Septimius Geta , fils
de Septime Sévère, fiit questeur et
propréteur avant son avènement à
j'empire , ainsi que le constatent les
inscriptions. Le même ordre (te choses
durait encore au temps de l'historien
Dion Cassius.
Une mention isolée de l'historien Vo-
Siscus nous apprend que sous le règne
'Aurélien, Probus, qui bientôt après
fut empereur, eut à combattre vigou-
reusement contre les Marmarides, qu'il
réduisit à l'obéissance.
La Cyrénaïque devenue chré-
tienne.— A l'époque où nous sommes
parvenus, le christianisme, qui s'était
mtroduit à Cyrèue dès le temps de la
prédication des apôtres,y avait fait assez
de progrés pour que les mesures dont
la religion nouvelle était l'objet de la
part des empereurs, eussent, pour cette
province , une importance directe ;
tout en nous réservant de consacrer
plus loin un paragraphe spécial à l'ex-
posé succinct du développement et des
vicissitudes de l'Église chrétienne dans
la Cyrénaïque , nous ne pouvons nous
dispenser cl'annoter ici que plusieurs
des villes de la Pei^apole avaient déjà
des évêques, et qu'à l'époque où la
persécution entreprise par Dioclétien
vint commencer l'ère des martyrs (*) ,
de saints confesseurs y moururent
pour la foi ; l'évêque Théodore fut
alors une des victimes de la persécu-
tion, dont le ministre, dans cette pro-
vince, était le gouverneur Dignianus
(Diogenianus?), auquel la légen^de
donne le titre de prœses ou comman^
dant ; et avec le saint évêque périrent
le diacre Irénée, et les lecteurs des
divines Écritures Sérapion et Ammo-
nius. ^
(*) On sait que l'ère des martyrs date
du ag août aS*. t (. 3*w<t:thVv, 4«^ij.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
MOBGELLEMBNT DBS PBOVINGBS
SOUS DiocLÉTiBW. — On s'accorde
à rapporter au règne de Dioclétien,
sur la foi d'un reproche adressé à sa
mémoire par l'auteur du livre De la
mort des persécuteurs (*), le morcel-
lement des provinces , dont on n'en-
trevoit que des traces éparses et fu-
gitives dans les auteurs contempo-
rains, et à l'égard duquel nous n'avons
de renseignements précis que posté-
rieurement à l'organisation générale
faite par Constantin le Grand. On sait
du moins que Dioclétien , et son col-
lègue Maximien-Hercule, s'étant asso-
cié , le !«' mars 292, Constance-Chlore
et Galère, il y eut alors, entre les deux
augustes et les deux césars , une di-
vision quadripartite de l'empire, dans
laquelle Constance -Chlore eut l'Occi-
dent au delà des Alpes, Maximien
l'Italie et l'AfriqTue, Galère le reste
de l'Europe, et Dioclétien l'Orient : la
Cyrénalque avec la Libye et l'Egypte
étaient comprises dans ce dernier lot.
Il est difûcile de décider si la Crète
fut dès lors détachée de Cyrène pour
s'aller annexer à la Grèce, apanage de
Galère : quelques auteurs ont admis
cette séparation hâtive; il nous semble
plus sage de douter, et nous penchons
même à croire qu'elle ne dut avoir lieu
que sous Constantin. Il est probable ,
en effet, que le morcellement des pro-
vinces ne précéda point le partage de
l'empire, et qu'il fut, au contraire, une
conséquence de ce partage, parce qu'a-
lors chacun desquatre princes régnants
voulut avoir sa cour, ses ofnciers,
toute la hiérarchie administrative et
militaire d'un empire distinct ; et
pour multiplier les commandements ,
il fallut multiplier les divisions terri-
toriales sur lesquelles ces commande-
ments étaient exercés. Telle est la
marche naturelle des choses, telle
aussi la succession des indications
(*) Ce livre est vulgairement cité sous le
nom de Lactance; mais le manuscrit unique
oui a servi de type à toutes les éditioas ne
désigne l'auteur que sous le nom de Lucius
CécUius, qui n*a qu*un rapport bien in-
complet avec celui de Lucius Cœlius LactaU'
tiu* Pirmîanus,
129
fournies par le livre De la mort des
persécuteurs : « Avare et timide à la
« fois, » s'écrie le fougueux écrivain ,
c Dioclétien a bouleversé toute la terre :
« il s'est associé trois collègues . divi-
« sant le monde en quatre parties ,
« grossissant les armées au point que
« chacun des quatre empereurs a plus
« de soldats qu'il n'en fallait autrefois
« au maître unique de tout l'empire...
« Les provinces aussi ont été coupées
« en morceaux ; on a établi des souver-
« neurs avec toute leur séquelle dans
« chaque contrée, presque dans chaque
« cité; des intendants de finances mul-
fttipliés, des inspecteurs généraux
« militaires, des vice-préfets, etc. »
MoDB d'àpbbs leqobl l'empibe
PUT BIYISB BN QUATBB PÀBTIES. —
Il y a donc lieu de penser que le
partage de l'empire se fit entre les
quatre princes par voie d'attribution ,
à chacun d'eux , d'un certain nombre
de provinces, suivant certaines conve-
nances résultant des affinités mutuelles
de celles-ci ; et que , plus tard seule-
ment, quand chacune de ces provinces
en eut formé plusieurs, la grande di-
vision quadripartite put être modifiée
par le retrait ou l'accession de quel-
qu'une de ces provinces nouvellement
constituées. C'est ainsi gue nous rap-
portons au règne de Dioclétien l'or-
ganisation d'après laquelle trois pro-
vinces distinctes se trouvèrent formées
du territoire de l'ancienne province
Cyrénéenne établie par Auguste. Nous
avons déjà remarqué le déplacement
de limites qui , sous Adrien , avait
transporté de cette province à celle
d'Egypte la Libye qui s'étend à l'est
, de Darnis ; sous Dioclétien, cette der-
nière dut être détachée de l'Egypte
pour faire une province nouvelle; et
celle qui du temps d'Adrien compre-
nait sous un seul gouverneur la Pen-
tapole cyrénaïque et l'île de Crète, fut
naturellement subdivisée par Dioclé-
tien en deux gouvernements distincts,
l'un continental, l'autre purement in-
sulaire; et c'est au temps de Constan-
tin seidement que ce dernier gou-
vernement, ayant acquis ainsi une
individualité propre , put être distrait
9* JM>raison. (Afbiqub ancienne.)
Digitized by VjOOQIC
180
L'UNIVERS.
sans effort de Tun des qaatre grands
départements de Fempire, pour être
désormais rattaché à un département
▼oisin.
Il serait, en effet, erroné de croire
que ces quatre grandes divisions, dans
chacune desquelles il y avait un préfet
du prétoire avec plusieurs vice-préfets,
répondissent précisément aux quatre
préfectures étahlies par Constantin,
et renfermassent les mêmes diocèses
ou vice-préfectures t ainsi Dioclétien
n'avait point dans son département
le diocèse de Thrace, qui fut cepen-
dant compris ensuite dans la préfec-
ture d*Orient; et après l'abdication
de Dioclétien (*)« le lot qu'il avait eu
ne passa même à Maximin que dimi-
nue encore des provinces du Pont,
qu'il reprit seulement après la mort
de Galère (**); Licinius au contraire
ajouta tout le département de Maxi*
min (***) à une portion de celui de Ga»
1ère. Nous ne saurions, au surplus,
déterminer le nombre et l'étendue des
diocèses existants à cette époque
dans chaque département , et c'est uni-
quement par conjecture que nous pou*
vons considérer la Cyrénaïque et ses
démembrements comme englobés avec
l'Egypte dans un même diocèse, dont
la Palestine faisait peut-être alors éga«
lement partie : tout ce que nous sa-
vons avec assurance , c^est que ces
rrovinces appartinrent successivement
Dioclétien, à Maximin, et à Licinius,
et que la persécution contre les chré-
tiens y fut à diverses fois renouvelée,
jusquà la reunion de tout l'empire
dans les mains de Constantin.
Organisation et partaok bb
l'empire sous Constantin et ses
ENFANTS.— Sous ce dernier empereur,
le christianisme cessa d'être opprimé,
il devint même la religion dominante et
fevorisée; et les Pères de TÉglise ca-
tholique purent se réunir en concile
(*) Le i**" mai 3o5. Maximin ne fut fait
alors que césar, mais il se déclara lui-même
auguste dès 3o8.
(*•) En avril 3ii.
(•**) Maximin, vaincu par Licinius, mou-
rut vers août 3i3; Licinius lui-même fut
dépouillé par Gonstaiitiii à la fin de 3a3.
général k Nioée , en inrésenee même
du souverain, le 10 juin 825, au nom-
bre de trois cent dix-huit évêques,
pour y dresser le symbole de leur foi :
les deux provinces de Libye (la Libye
et la Pentapole) y furent représentées
par sept évêques, groupés en deux
camps, les uns autour de leur métro-
politain le patriarche d'Alexandrie , les
autres autour du théologien Arius, qui
fut alors déclaré hérésiarque.
L'organisation générale de l'empire
sous Constantin ne nous est pas con-
nue dans ses détails avec une pré-
cision telle qu'on la pourrait désirer,
puisque la Notice des dignités des
empires d^ Orient et d'Occident, ce
précieux inventaire de toutes les charges
civiles et militaires du monde romam ,
est postérieure d'environ un siècle à
l'établissement administratif fondé ou
complété par cet enipereur. Toujours
est-il, nous le savons par le témoi-
gnage explicite de Zosime, que dans
le partage qu'il fit, en quatre grandes
préfectures prétoriales, du territoire
de l'empire qu'il venait de pacifier (*J,
la Pentapole et la Libye furent attri-
buées au préfet qui eut l'Egypte avec
l'Orient ; tandis que la Crète , déjà sé-
parée de Cvrène , fut dévolue à celui
?|ui avait 1 Illyrie avec la Grèce ; l'A-
rique , à l'ouest de la Pentapole , ap-
partenait au préfet d'Italie ; celui des
Gaules tenait l'ancien lot de Constance-
Chlore.
Cette organisation devait reeevoir,
de son auteur même, une modifica-
tion importante , lorsqu'il voulut dis-
tribuer entre ses trois fils, Constantin,
Constance et Constant, et ses deux
neveux Delmace et Annibalien (**),
les provinces de ce grand empire ; il
est vrai que le département du jeune
Constantm répondit exactement à la
préfecture des Gaules; mais celle d'O-
rient; donnée à Constance, perdit
d'un» part la petite Arménie , le Pont
et la C^ppadoce, qui en furent démom
(^ Ce (jni indique pour date l'année 3»S
de noire ère.
(^*)£a Tannée S35,deia ans avant sa
mort
Digitized by
Google
AFRIQUE ANCIEIWE.
brés pour former un royaume à An-
nibalien, et d'autre part la Thrace,
qui fut jointe à la Grèce démembrée do
rlllyrie , pour constituer le départe-
ment de Delmace ; la préfecture dlta-
lie s'augmenta au contraire du reste
de celle d'Illyrié, pour devenir le lot de
Constant. Mais a la mort de Constan-
tin le Grand , cet ordre fut encore
bouleversé , et pendant que Constan-
tin le jeune et Constant se disputaient
ritalie et l'Afrique , Constance repre-
nait tout rOrient et la Thrace; puis,
quand il alla combattre tes tyrans qui
s'étaient élevés en Occident à la place
de ses frères, il laissa le gouvernement
supérieur de l'Orient à son jeune cou-
sin Gallus , avec le titre de César {*)
et Lucilianus pour maître de la mi-
lice, indépendamment des préfets du
prétoire entre les mains desquels se
trouvait l'administration réelle, et dont
il se réservait la nomination; mais
trois ans après, Gallus ayant été mis
à mort par ordre de Constance, tout
l'empire se trouva réuni de nouveau
sous un même sceptre. Au milieu de
ces changements , la Pentapole et la
Marmarique n'avaient cessé d'apparte-
nir directement à Constance que pen-
dant le règne transitoire du césar
Gallus.
RÈONB DE VaLBNS ET DE THEO-
BOSE LE Grand.— Quand l'empire fut
donné à Yalentinien (en 364), on sait
qu'il le partagea avec son frère Valens,
à qui il céda tout l'Orient, dont les deux
Erovinces libyennes formaient invaria-
lement une dépendance; et si Théodose
le Grand, qui succéda à Valens (en 379),
parvint à réunir encore une fois eq
ses mains tout l'empire, ce fut pour
en consommer le partage irrévocable
(en 39S) entre ses deux fils, Arcadius
qui eut l'Orient, et Honorius qui eut
rOccident. Jusqu'alors il n'y avait eu.
à proprement parler, qu'un seul et
mém« empire, possédé à la fois par
deux ou plusieurs empereurs, dont
diacun exerçait plus spécialement son
autorité dans une circonscription dé-
terminée, mais par une sorte de délé-
(*) Le x5 mars 35i,
181
gation mutuelle entre collèguet. Aussi
les aperçus géographiques de l'empire
romain qui nous sont fournis par Sex-
tus Rufus sous Valens et Valentinien,
par Ammien Marcellin et par la No-
tice des Provinces sous Théodose le
Grand et Valentinien le Jeune, le re-
§ résentent comme un seul tout, sub-
ivisé en provinces. La Notice y
compte cent treize provinces, renfer-
mées dans onze régions ou diocèses ;
la région d'Egypte y O^ure pour six
provinces, parmi lesauelles sont énu-
mérées la Libye Ariae {Libya Sicca\
c'est-à-dire la Marmarique, et la Li-
bye Pentapole, c'est-à-dire la Cyré-
naîque.
SÉPABATION PES DEUX EMPIBES A
LA MORT DE ThÉODOSE LE GbAND.
— Après la mort de Théodose, au con-
traire, il y eut désormais deux empires
bien distincts, conservant, il est vrai,
une organisation similaire, mais non
plus commune. C'est le tableau de
cette organisation qui nous est donné,
pour chacun des deux empires, par la
Notice des Dignités^ où nous allons
relever les indications spéciales qui
concernent la Lib^e.
L'empire d'Orient était divisé en
deux préfectures du prétoire, celle d'O-
rient et celle d'Iilyrie. La première
comprenait cinq diocèses, savoir , l'E-
gypte , rOrient, l'Asie, le Pont et la
Thrace, dont les quatre derniers étaient
gouvernés par des vice-préfets, tandis
que le gouverneur du diocèse d'Egypte
avait le titre particulier de préfet au-
gustal : six provinces se trouvaient
dans sa circonscription, savoir , la Li-
bye supérieure ré|)ondant à l'ancienne
Cyrénaïque, la Libye inférieure ré-
pondant à la Marmarique* FÉsypte
propre, la Thébaïde,rArcadie,etT'Au-
gustamnique ; sauf l'Egypte propre,
directement régie avec le titre de pro-
vince consulaire par le préfet augus-
tal lui-même, toutes ces provinces
avaient chacune un commandant titré
de prœses, ayant, pour l'expédition
des affaires administratives et judi-
ciaires, des bureaux dirigés par un pre-
mier commis.
Le commandement militaire, qui
9.
Digitized by VjOOQIC
132
L'UPOVERS.
depuis Constantin le Grand demeurait
tout à fait séparé du gouvernement
politique, appartenait, en chef, sous
les orares immédiats de Tempereur,
à des grands-mattres ou colonels-gé-
néraux, deux pour la garde impériale,
tOQJours présents à la cour, et trois
pour le reste de l'armée, exerçant,
chacun son autorité dans une grande
division militaire, comme l'Orient, la
Tbrace ou Tlllyrie. Parallèlement à
eux, un grand -maître des offices ou
intendant-général avait dans ses at-
tributions les services administratifs
de Tarmée et la juridiction militaire
supérieure. Chaque grande division se
partageait en plusieurs subdivisions,
attribuées à des généraux de divers
rançs, les plus élevés en grade ayant
le titre de comte, les autres celui de
duc; trois de ces généraux étaient af-
fectés au diocèse dTÉgypte, savoir , un
comte d'Egypte, un duc de Thébaïde,
et un duc de Libye.
Cbéation d'un duc de Libye.
— Dans le principe, il n'y avait, pour
la défense de tout le diocèse d'Egypte,
qu'un seul duc, dont l'institution, sous
ce titre ou sous un autre, paraît re-
monter au règne même d Auguste;
fmis on voit, au temps de Gallien, en
'année 265, figurer clans l'histoire du
tyran Celsus par Trébellius Pollio, un
duc de Libye, Fabius Pompeïanus, qui
s'était prononcé pour cet empereur
éphémère : mais quelque doute peut
s élever sur l'exactitude de cette dési-
gnation ; il est plus sûr de ne rappor-
ter qu'au règne de Valens la création
des ducs de Thébaïde et de Libye, aux
dépens des attributions du duc d'E-
gypte, que l'on consola de ce démem-
brement en l'élevant au rang de
comte.
Le duc de Libye, qui avait son quar-
tier-général à Parétonion, parait avoir
été, dans l'origine, charge de la dé-
fense de toute la Libye, c'est-à-dire
de la Cyrénalque et de la Marmarique
ensemble ; mais il y eut, à cet égard ,
quelque changement notable, qu'une
lacune dans le seul exemplaire qui
nous soit parvenu de la Notice des
DignitéSy et l'insuffisance ou l'équivo*
que des autres documents que nous
possédons, laissent fort obscur pour
nous; et grande est la divergence des
critiques qui ont voulu l'expliquer, les
uns supposant le retrait absolu des
troupes régulières de toute la Libye,
ou au moins de la Cyrénaïque, les au-
tres la coexistence d'un gouverneur
civil et d'un commandant militaire
dans la Pentapole, d'autres encore la
réunion des pouvoirs civils et mili-
taires en une seule mainC). Quoi qu'il
en soit à cet égard, des modifications
avaient eu lieu, qui excitaient le dé-
plaisir de Synésios, et lui avaient fait
réclamer, quoique en vain, le retour à
l'organisation ancienne.
Cinquième période , règnes â^Arca-
dius et de Théodose le Jeune :
Époque de Synésios.
^ Commencements de Synésios.
— Nous venons de prononcer un nom
qui tient une place d'honneur dans
1 histoire de la C3nrénaïque à cette
épo(|ue : Synésios nous présente, au
milieu des calamités qui aésolèrent sa
patrie, une de ces belles figures que
grandit encore la petitesse des person-
nages qui occupent la scène autour de
lui. Il nous faut consacrer ici à ce
nom célèbre une page spéciale.
Issu de la race royale des Eurysthé-
(*) La première de ces opinions est ex-
posée par Marcus, dans ses additions à
la Géographie de Mannert ; elle n'est que
spécieuse, et accompagnée de notables er-
reurs. La seconde est professée par le savant
Tillemont, qui cependant n*a pas été suivi
sur ce point par Lebeau , son paraphraste
ordinaire; mais Lebeau a certainement con-
fondu des indications très-distinctes, et Ton
peut s*étonner que Saint-Martin , son der-
nier éditeur critique, n*ait pas relevé cette
confusion. Tillemont nous semble donc ici
le meilleur guide à suivre, et c'est en nous
aidant de son jugement à la fois perspicace,
consciencieux et sûr, que nous avons pu
cheminer dans le labyrinthe des données
historiques éparpillées dans le recueil désor-
donné des écrits de Synésios. Notre con-
fiance n*a cependant point été aveugle, et
nous avons osé, sur quelques points, avoir
une opinion différente de la sienne.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
nides de Sparte, Synésios avait vu le
jour à Cjrrène vers le milieu du qua-
trième siècle de notre ère, et se trou-
vait Tafné de trois enfants : Evoptios
était le nom de son frère, Stratonice
celui de sa sœur. Il fut élevé dans sa
ville natale, oîi il étudia les belles-let-
tres, mais surtout les mathématiques
et la philosophie, et il alla perfection-
ner son instruction à Técole d'Alexan-
drie, où il suivit les leçons de la cé-
lèbre Hypathie fille de Théon , aussi
savante qu*aimable, aussi chaste que
belle , pour laquelle il conserva toute
sa vie une vive- et respectueuse affec-
tion, soumettant à sa critique et à son
goût exquis les œuvres sorties de sa
plume, acceptant ses décisions comme
des oracles. Un riche patrimoine lui
permettait de suivre son inclination
pour la culture de la philosophie : il
s'éloigna des affaires et embrassa une
vie douce et tranquille, conforme à ses
mœurs. L'étude fit ses délices, la
chasse et l'agriculture son amuse-
ment. Fuyant la barbarie de son
temps , il se transportait dans les siè-
cles les plus polis de la Grèce : c'était
là qu'il vivait ; il semblait en être un
reste précieux ; il en prit le goût et le
langage; écrivain pur, élégant, ingé-
nieux , mais un peu trop chargé de
métaphores, il ne put, même dans les
fonctions austères du sacerdoce dont il
fut revêtu dans la maturité de l'âge, se
défaire de ce tour de pensées et d'ex-
pressions qui lui était devenu familier
pendant sa jeunesse, et dans le langage
chrétien il conserva, pour ainsi parler,
l'accent du paganisme.
Sa position sociale, les charges mu-
nicipales auxquelles il ne chercha point
à se soustraire, plus tard Tépiscopat
dont il fut honore, lui assurèrent dans
sa patrie une influence qu'il fît servir
à rendre de nombreux services , mais
3ui lui suscitèrent aussi des rivaux et
es ennemis qui contrariaient ses des*
seins ou se vengeaient de sa supério-
rité par des invectives et des calom-
nies. Parmi les hommes qui s'élevè-
rent contre lui dans les luttes du. sé-
nat, il nous désigne un certain Julius,
qu'il trouva toujours opposé aux me-
188
sures qui lui paraissaient au contraire
d'urgente nécessité. Ce fut d'abord à
propos de l'abandon qui était fait de
la garde militaire et de l'administra-
tion de la cité à des mercenaires,
abandon que Synésios combattait,
mais qu'il ne put empêcher. Puis ce
fut au sujet d'une mission que le noble
Cyrénéen alla remplir, au nom de son
pays, auprès de l'empereur Arcadius,
en l'année 397; mission que Julius
ambitionnait sans doute, et pour la-
quelle il ne pardonna peut-être point à
son rival de lui avoir été préféré.
Mission db Synbsios aupbàs
d' Abcabius. -— Synésios était chargé
d'offrir à l'empereur une couronne d'or,
et de demander une remise d'imposi-
tions.Le discours d'apparat qu'il pro-
nonça à son audience d'introduction
nous est parvenu; il y indique seulement
en quelques mots l'objet de sa venue au
nom de la grecque Cyrène, antique et
vénérable cité que les poètes célébrè-
rent jadis par des milliers de vers ,
maintenant pauvre et huniiliée, ruines
vastes et désertes qui ont besoin de
la munifîcence souveraine pour être
en mesure de soutenir la dignité de
leur vieille origine. Puis il entreprend
de faire entendre au jeune empereur
quels sont les devoirs du monarque à
regard du pays ; il fronde cette pompe
extérieure dont la splendeur affecte de
s'accroître à mesure que le mérite dé-
croît et s'anéantit. Quoiqu'il vît alors
tant de barbares promus aux premières
dignités de l'Ëtat, il s'élève librement
contre cette coutume de prodiguer les
honneurs aux ennemis naturels de
l'empire; il conseille d'éloigner ces
étrangers, qui ne sont nés, dit-il, que
pour être esclaves des Romains. Il
trace d'un pinceau ferme et hardi les
défauts du gouvernement, l'affaiblis-
sement des troupes romaines, l'ascen-
dant que prennent les barbares dans
les armées, les maux que leur inso-
lence va infailliblement produire, la
préférence que des hommes sans mé-
rite et même vicieux obtiennent à la
cour sur des offîciers vertueux et dé-
voués à la patrie. Il exhorte l'empereur
à se choisir des amis sincères et éclai-
Digitized by VjOOQIC
IS4
L*UHIVBRS.
rés, à se faire aimer des troupes, à ne
nommer pour gourernears et pour
magUtrats gue des hommes désmté-
ressés et qui aiment les peuples, parce
que ceux-là seuls aiment le prince, et
à veiller par lui-même sur la conduite
de ceux qu'il emploie^ Puissé-je, diMl
en terminant, trouver un empereur
tel que je viens de le dépeindre, quand
je reviendrai l'entretenir des demandes
que lui adressent les cités de ma
patrie.
Il suivit opiniâtrement pendant trois
ans Tobjet de sa mission, couchant
quelquefois sous le portique du palais,
dans un grand tapis égyptien dont il
paya plus tard les bons offices de Tua
des tachygraphes de la cour ; il se cort-
eilia les bonnes grâces d'un autre per-
sonnage en lui faisant cadeau d'un
globe céleste d'argent; mais le pro-
tecteur qui lui fut le plus utile, c'est le
sophiste Troïle, qui jouissait d'une
grande considération et d'un crédit
réel. Synésios atteignit le but de ses
efforts, et revint àCyrène satisfait du
succès qu'avaient enfin obtenu ses dé-
marches.
ÉTAT DE LA CYHÉNAIQUB AU BE-
TOUH DE SVNÉsios. — Mais il y
trouva la guerre au dehors de la part
des barbares Mazikes et Ausuriens ,
habitants du désert sur la limite com-
mune de la Libye et de l'Afrique (*)i
dont les incursions désolaient la Pen-
tapole et s'étendaient même jusqu'à
l'Egypte; et au dedans l'opposition
de Julius, constant à repousser les
mesures qu'il proposait comme re-
mède aux maux du pays ; quand, pour
redonner de la vigueur aux milices,
Synésios voulait en écarter les étran-
gers, dont les habitudes mercantiles
ont rinconvénient de réagir sur les
gens même les plus braves, Julius s'y
opposa dans un intérêt purement per-
sonnel. Synésios réclama ensuite l'a-
bolition au commandement militaire
(*) Cette distinction entre la Libye et
l'Afrique se trouve expressément observée
ici par le grec Philostorge : Mo^ixeç xal
AOÇcapiovol (uxa^ $à Ai6uirjc xal 'Açpwv oôrot
ve(j.ovTat . xaxà (lèv tô icodtvÀv oeuTÛv xXCjta
^ Atfiwiv é^pi^(uotfav (XI, 8).
local, tout le monde s'aceordant à dire
que l'unique moyen de rétablir les
affaires était de faire rentrer les cités
sous l'ancienne administration prési*
diale, c'est-à-dire sous l'autorité du
préfet d'Egypte (*); mais des motifs sor*
aides poussèrent encore Julius à s'y
opposer, peu soucieux qu'il était des
malheurs publics dont lui-même ne
serait pas atteint, et se félicitant d'un
succès présent, bien que la ruine fu^
ture de la patrie y fût attachée.
FANFABONNABE et LACHETE DB
Jean, bival de Synésios» — Ua
autre puissant du jour était un Phry^
gien nommé Jean, un de ces hom-
mes que l'on voit fanfarons pendant la
paix, lâches à la guerre, toujours mé-
(*) tldiXiv ffpaçov ûwèp tov >eXû<rôai ti^v
icap^ i^(jitv (TroaTyjYiav, 6icep otTcavreç djJLOçw-
va)ç ol T^8e avÔpomoi (xôvov eîvai çatn Xuttq-
ptov Tôv fieivôv, èTtaveXOeîv eîç àpxafov iiyg-
{lovCocv Totc ir6Xei; , rourécmV Oicd tov Alyu-
ircCcav dpxovra xal Ta; Ai0ôb>v Teràx^ai.
( STirésios, épitre 94.)
Ce passage nous semUe constater, contre
l'opinion de Tillemont, qu'il n'y avait pas à
la fois dans la Pentapole, à cette époque,
un gouveraeur civil ou prœses, fjy6|jwi>v, et
un conunandant militaire ou duc, dux, 6oùÇ^
oraTYjYoç. Cependant le titre, un peu sus-
pect il est vrai, de la Catastasc de Syné-
sios porte que l'invasion des barbares qui
en fait le sujet , a eu lieu TJyefioveiîovToç
TewaStou , xal Souxèç ôvroç îvvoxevrtou.
Cela supposerait dès lors le retour désiré
par Synésios de àp^aiov T^yetiovCew; mais
est-ce d'alors seulement? Tillemont regarde
Andronicus comme un gouverneur civil, et
Anysios comme un duc militaire, et il ne
peut y avoir de doute pour ce dernier;
quant à Andronicus, Synésios se sert géné-
ralement à son égard des mots ^epLcov, 1^-
(iovia, àç^ijif qui appartiennent à la magis-
trature civile ; mais il semble le désigner
aussi , dans sa lettre 7a, par la qualification
de stratège.
Il y a dans tout cela une question d'or-
ganisation provinciale assez difficile à dé-
brouiller. Synésios parle de stratèges; le
titre de sa Catastase accuse un duc et un
prœses; sous Léon et Zenon nous ne trou-
vons que des ducs; Hiéroclès ne désigne
que des prœses, k la place desquels Justi-
nien vient constituer un duc. Que de va-
riations en moins d'un siècle et demil
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENIŒ.
prisables. Au forum, il soutenait sa
cause à coups de poing, insultait de
ses coups de pied les gens les plus
tranquilles ; le péril vint rabaisser soh
arrogance. Le bruit courait depuis
quelques jours qu'une incursion des
barbares se préparait ; un détachement
de cavaliers désignés sous le nom de
Balagrites , sans doute parce qu'ils
avaient leur quartier à Balacris, sorti'*
rent avec leur chef pour aller faire une
reconnaissance, et les citoyens s'avan-
cèrent dans la campagne pour attendre
l ennemi; mais ne voyant rien venir, ils
rentrèrent chez eux, pour se présentei
de nouveau le surlendemain. On ne put
alors découvrir Jean nulle part; on
faisait circuler le bruit qu'il s'était
cassé la jambe^ ou quMI lui était ar*
rivé quelque autre grave accident,
mais on ne savait ou il était ; et ses
amis de déplorer l'absence d'un homme
si résolu, dont le bras serait d'un si
grand secours* Le danger passé, il
revient comme d'un long voyage, fait
le brave, s'érige en conimandant des
milices^ prétend les instruire et les
exercer, et s'avance avec elles pour
faire face à un ennem' qu'il croyait
fort éloigné ; mais voilà qu'il arrive au
camp quelques pâtres effrayés , suivis
bientôt d'une troupe de pauvres cava-
liers que la faim plus que toute autre
cause semblait amener, et qui s'arrê-
tèrent à ta vue des Cyrénéens, descen-
dirent de cheval et se tinrent en ob-
servation, paraissant disposés à se dé-
fendre plutôt qu'à attaquer ; et il n'y
eut en effet aucun engagement, la re-
traite s'étant opérée de part et d'autre
avec prudence. Mais dès l'apparition
de l'ennemi , Jean avait tourné bride,
et pressant les flancs de son cheval,
fouettant, criant, employant toutes ses
ressources à accélérer sa course, il
avait du moins, dans la fuite la plus
honteuse qu fut jamais , montré un
admirable talent d'équitation fran-
chissant les montées les descentes,
le^ haie8> les fossés sans se laisser
désarçonner, jusqu'à ce qu'il fût par-
venu tout d'une traite au site de Bom*
béa, que l'aspérité des rochers, la pro«
fondeui des vallées, et les travaux de
n$
Fart rendaient un asile inexpugnable.
Tels étaient les hommes avec les-
quels avait à lutter Synésios î il y re-
nonça de dégoût, et s'enibarquant à
Phyconte, puis touchant à Erythron ,
et débarquant le cinquième jour à l'île
du Phare, il vint habiter Aleiandrie,
où il se maria (*) et vit nattre son pre-
mier enfant.
Gouvernement de Gébéàlis. —
Après deux ans d'absence , il rentra
dans sa patrie, gouvernée alors par le
stratège Céréalis, homme sans mérite,
peu soucieux de renommée ni même
de considération inuabile à la guerrci
tracassier pendant la paix, à oui il
avait suf6 d'un court intervalle dô
tranquillité pour tout bouleverser dans
le pays. Afin de s'approprier l'argent
des soldats, il les dispensait du ser-
vice, leur laissant la faculté de s'aller
établir la oii ils croiraient pouvoir
trouver à subsister; telle était du moins
sa conduite avec les troupes indigènes;
quant aux autres, dont il ne pouvait
extorquer l'argent, il les employait à
rançonner les villes, en s'y portant
comme pour tenir garnison, et accep-
tant l'or qu'elles s'empressaient d'of-
frir pour se racheter de cet onéreux se-
jour. De chez les Libyens à demi civili-
sés du voisinage, la nouvelle de cet état
de cnoses se propagea chez les bar-
bares pius éloignés, ^t bientôt Cyrène
se trouva assiégée par les Mazikes,
qui pillèrent et ravagèrent tout le plat
pays ; le lâche Cérèaiis , au lieu d'af-
fronter le danger qu'il avait provoqué
lui-m^me, se hâta de quitter la terre
pour se réfugier dans un bâtiment et
se tenir en mer à quelque distance du
rivage, avec des navires chargés - de
son or et de provisions. Synésios à la
tête de quelques soldats balagrites
auxquels Céréalis avait ôté leurs che-
vaux, mais qui n'en étaient pas moins
d'excellents archers, faisait pendant la
nuit des rondes autour de la place,
pour veiller à la tranquillité des habi-
tants, et assurer l'approvisionnement
d'eau dont la ville ne pouvait se pas-
(*) A la fin de 4o3 ou au eommeiioeaeat
dA4o4.
Digitized by VjOOQIC
136
L'UNIVERS.
ser. On manquait d*armes et de ma-
chines : Synésios faisait fabriquer des
lances et des flèches, construire des
batistes à lancer de grosses pierres du
haut des tours.
L'occupation du pays par les bar-
bares se prolongea, avec des succès
balancés, pendant plusieurs années,
sans que le zèle de Synésios se ralen*
tît. Dans rintervalie , sa femme iui
donna deux autres enfants, que, dans
les moments de danger, il confiait aux
soins de son frère, tout en répétant
pour lui-même ce mot des magistrats
de Lacédémone à Léonidas : « Que
c'est en combattant comme si Ton de-
vait être tué, qu'on échappe le plus
sûrement à la mort. » Les prêtres
d'Axilis, près de Darnis, pendant que
les soldats se cachaient dans les mon-
tagnes, réunissant, à l'issue des saints
offices, une troupe de paysans déter-
minés, marchèrent droit à l'ennemi,
qui s'était engagé sans précaution dans
la vallée profônde et boisée de Myrsi-
nis ; le diacre Faustus, qui marchait
en avant, frappe d'une pierre à la tempe
le premier de ces pillards qu'il ren-
contre, lui enlève ses armes, et donne
l'exemple d'une attaque meurtrière,
qui fiit couronnée du succès le plus
complet.
GOUVEBNEMENT D'AnDRONIGUS
SUGGESSEUB DE Qennàdiiis. — Quel-
que temps après, nous voyons le gou-
vernement de la Cyrénaïque exercé
par le syrien Gennadius, homme juste
et habile, qui, sans employer d'au-
« très moyens que la persuasion , sut
faire venir au trésor public plus d'ar-
gent que les gouverneurs qui em-
ployaient les rigueurs de la contrainte.
Il fut remplacé par Andronicus, fils
d'un pêcheur de Bérénice, qui obtint
sa nomination en achetant les bonnes
grâces des eunuques de la cour, et
porta dans sa nouvelle dignité la bas-
sesse d'esprit et la grossièreté qu'il
devait à sa naissance. Gomme la con-
duite de son prédécesseur devait for-
mer un fâcheux contraste avec celle
3a'il se proposait de tenir, il tâcha
'abord de le noircir, et voulut le faire
condamner comme coupable de pécu-
lat ; il alla jusqu'à faire emprisonner
un avocat qui lui refusait son minis-
tère pour cette injuste accusation ;
mais ses efforts furent inutiles, et la
réputation de Gennadius ne put être
ternie.
Andronicus, néanmoins , suivant
sans honte son penchant à la rapine,
enlevait les deniers publics et faisait
mourir de faim dans les cachots les
officiers chargés de les recueillir. Le
pays avait déjà beaucoup souffert des
tremblements déterre, clés sauterelles,
de la famine, et du ravage des barba-
res; Andronicus fut un cinquième
fléau. Il inventait des supplices inouïs ;
il avait des instruments de torture
Sarticuliers pour disloquer les doigts
es pieds, pour écraser le nez, pour
arracher les oreilles et les lèvres ; et
il avait pour conseillers, Zénas qui
avait eu l'habileté de faire payer l'im-
pôt annuel deux fois dans la même
année, Julius qui lui imposait d'auto-
rité ses propres volontés comme un
maître à son esclave, mais surtout
Thoas qui de geôlier était devenu re-
ceveur de certaines redevances mili-
taires. Ce Thoas fit un voyage à Cons-
tantinople,et voulant perdre deux hon-
nêtes citoyens de Gyrène nommés
Maximin et Clinias, il rapporta à son
retour, comme un secret fort impor-
tant, que le patrice Anthémius, préfet
du prétoire et premier ministre de
l'empereur Théodose le Jeune, étant
malade, avait été averti en songe qu'il
ne guérirait pas qu'on ne fit mourir
Clinias et Maximin : aussitôt Andro-
nicus, affectant un zèle ardent pour la
santé du tout-puissant ministre, fit
arrêter ces deux citoyens; mais ce qui
montra bien qu'il y avait en lui moins
d'illusion que de méchanceté, c'est
qu'il ne les mit pas à mort sur-le-
champ; ils furent cruellement maltrai-
tés à plusieurs reprises : c'était son
passe-temps; il revenait à eux lors-
qu'il n'avait personne à tourmenter.
Synésios , devenu étêqub , ex-
communie Andbonigus. — Syné-
sios avait, dans l'intervalle, vu ajou-
ter à l'autorité que lui donnaient sa
naissance et sa position sociale, celle
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIEIHNE.
qoe confère le sacerdoee. Devenu chré-
tien, il avait été élu, en 410, évéque
de Ptolémaïs; il voulut résister, peu
disposé qu'il était à quitter une femme
quil chérissait et des idées philoso-
phiques auxquelles il n'était pas moins
attaché; mais on insista, et il fut sa-
cré à Alexandrie des mains du pa-
triarche Théophile, qui avait lui-
même, sept ans auparavant, béni son
mariage. £n prenant possession de son
siège, il perdit un de ses enfants, et se
laissa aller à la plus grande douleur,
d'où il fut tiré par le besoin d'arrêter
les persécutions d'Andronicus. Celui-ci
connaissait le crédit de Synésios, il y
avait eu recours pendant le séjour du
prélat à Alexandrie, pour éviter d'y
être mandé lui-même. Mais il ne tint
aucan compte de ses remontrances,
s'aigrit de ses réprimandes, voulut
même ôter aux églises le droit d'asile,
et s'emporta enfin en blasphèmes à ce
propos. Synésios alors formula contre
ÂDdronicus,Tboas, et leurs adhérents,
la terrible sentence d'excommunica-
tion.
«L'Église de Ptolémaïs à toutes
« celles de la terre. Qu'aucun temple
« de Dieu ne soit ouvert à Androni-
«cus ni aux siens, à Thoas ni aux
«siens; que tous les lieux sacrés et
«leur enceinte leur soient fermés;
« car il n'est pour le démon aucune
■ place en paradis, et s'il s'y glisse
«lurtivement on doit l'en chasser.
« J'ordonne^ soit aux particuliers^ soit
« aux magistrats, de n'avoir avec eux
« ni le même toit ni la même table ; je
« le recommande surtout aux prêtres,
« qui ne leur parleront point de leur
« vivant, et ne leur feront point de fu-
«nérailles après leur mort. Que si
« quelqu'un, dédaignant une ville peu
« msidérable, recevait ceux que son
« Église a condamnés, comme s'il était
« permis de ne lui point obéir à cause
« de son peu d'importance, qu'il sache
« que c'est diviser l'Église que Jésus-
• Christ a déclarée indivisible ; et quel
« qu'il soit, diacre, prêtre ou évêque,
« il sera pour nous dans le même cas
« qu'Andronicus lui-même , et ja-
«mais notre main ne touchera la
187
« sienne, jamais nous ne mangerons à
« la même table, bien loin de vouloir
« communier dans les saints mystères
« avec ceux qui auraient aucun rap-
« port avec Andronicus et Thoas. »
Cet acte de vigueur étonna Andro-
nicus et lui donna à réfléchir ; il de-
manda la suspension de la sentence,
promettant de s'amender, et Synésios,
sur les instances du clergé de la pro-
vince, consentit, quoiqu'il n'espérât
rien de ce délai, à différer la publica-
tion de la sentence. Andronicus , qui
avait promis tout ce qu'on avait voulu,
montra bientôt que c étaient de vaines
promesses ; il continua de piller^ de
proscrire, de faire périr les citoyens.
On déplora surtout la mort de Ma-
gnus, jeune homme de grande espé-
rance, distingué par sa naissance et
ses services, dont le frère avait été
banni; on n avait d'autre crime à lui
reprocher que d'être le frère d'un
homme qu'Andronicus haïssait : on
lui demanda de l'argent, et on le battit
jusqu'à ce qu'il payât ; et quand il eut
payé , on le battit encore jusqu'à ce
ou il expirât , parce qu'il avait trouvé
ae quoi payer en vendant des terres
à d'autres qu'au stratège lui-même.
Synésios alors lança l'excommunica-
tion, et l'envoya à tous les évêques de
la chrétienté , avec une lettre qui en
expliquait les motifs , et une seconde
gui faisait connaître les nouveaux mé-
laits d' Andronicus.
Andbonigus est bemplagb; ahbi-
vÉB d'Anysios.— Le vigoureux prélat
ne se borna point à user de ces armes
spirituelles; il avait déjà écrità Constan-
tmople pour dévoiler à quelques person-
nages puissants la conduite du gouver-
neur imposé à la Pentapole {)0ur son
malheur; il s'adressa alors àXroïle,
en le priant de mettre la vérité sous les
yeux d'Anthémius; et enfin Andronicus
fut révoqué. On avait déjà désigné, pour
le commandement militaire du pays (*),
Anysios, jeune et brave, mais en même
temps sage, vigilant, juste, pieux , in-
tègre, désintéressé, qui s'empressa de
faire rentrer dans l'ordre tous les su-
(*) Avant Pâques de l'année 41 >•
Digitized by
Google
iss iTrtrtVERS.
bâltemes; d'arrêter leurs pillages et
leurs exactions. Andronicus fut pour-
suivi , et n'échappa aux rigueurs de la
justice que par rlntercession de S^né-
sios , qui , pour le sauver , ne craignit
pas de froisser plusieurs de ses amis,
que le désir de se venger animait con-
tre le gouverneur destitué.
Depuis sept ans , les courses sans
eesse renouvelées des barbares mena-
çaient la Pentapole d'une ruine com-
plète ; Anysios 1 en préserva une année
encore par sa bravoure. Une horde
d'Ausuriens s'étant avancée dans la
province, Anysios se mit à la tête des
troupes, composées de Marcomans et
de Tbraces, avec quarante cavaliers
hunnigardes, qu^il attacha plus spécia-
lement à sa personne, et aui suivaient
tous ses mouvements ; il attaqua en
diverses rencontres les Ausuriens , et
par la valeur de ses quarante Hunni-
gardes, il les culbuta et les battit si
rudement, que de mille cavaliers qu'ils
étaient , Il en échappa à peine un cin-
quième. Synésios composa un éloge
spécial du stratège victorieux et de ses
Hunnigardes, proclamant ceux«ci de
véritables soldats romains quand ils
étaient commandés par un tel chef,
et demandant hautement quil fût ac-
cordé à la province un corps de deux
cents hommes de cette arme, persuadé
qu'avec eux Anysios pourrait non-seu-
lement chasser définitivement les Au-
suriens du pays, mais encore aller les
battre sur leur propre territoire.
État déplorable de laCybénaï-
QUE APBis LE BAPPEL d'ANYSÎOS.
— Ce vœu ne devait pas être rempli,
et Ànvsios, que Ton vit élevé peu
d'années après à la dignité de comte
des largesses impériales , fut appelé à
une autre destination: sa place fut
donnée à un nouveau chef que l'âge et
les infirmités rendaient impotent, et
dont la bonne volonté ne pouvait sup-
pléer les forces ; une indication sus-
pecte lui attribue le nom d'Innocent
et la qualité de duc, en même temps
qu'elle nomme Gennade comme gou-
verneur civil. Les Ausuriens profitè-
rent de sa faiblesse pour renouveler
leurs déprédations, ils envahirent les
campagnes de la Cyrénaïque. rutnèrent
le pays, où le cours de la Justice fut
interrompu; Synésios lui-même se
trouva assiégé dans sa ville épiscopale,
avec le seul fils qui lui restât alors, et
qu'il devait bientôt voir mourir aussi
tout jeune encore. L'éloquent évêque
nous a laissé, dans un morceau que Ton
a intitulé Catastase ou Constatation,
le tableau de l'état déplorable où se
trouvait alors réduite la Pentapole :
« Elle était naguère en la possession
«des Romains, s'écrie - 1 - il ; mais
« ils peuvent la rayer maintenant de
« la liste de leurs provinces ; c'en est
« fait d'elle , elle est perdue. — Il eût
« suffi, pour la conserver, d'opposer
h aux barbares quatre centuries et un
« stratège; mais on a laissé les Ausu-
« riens s'enhardir par le succès ; et
« leurs femmes même, l'épée au poing,
« leur nourrisson à la mamelle , vien-
« nent partagef, avec leurs maris, l'hon-
« neur et le butin. — O honte ! ces fiers
k Romains , dont les trophées coa-
« vraient le monde, ne peuvent garder
« les villes grecques de la Libye , ni
« même peut-être Alexandrie d'Egypte !
« — Rien n'a arrêté les barbares , ni
« les montagnes , ni les forts ; Ils en*
« lèvent les femmes et les enfants; les en-
ti fants qu'ils élèveront pour la guerre,
« et qu'ils ramèneront adultes dévaster
« le sol oui les vit naître. — Qui vou-
^ drait énumérer les châteaux qu'ils
ft ont démolis, les dépouilles qu'ils ont
« emportées, les troupeaux qu'ils ont
« emmenés? ils ont chargé cmq mille
« chameaux de leur butin, et fait trois
« fois plus de prisonniers qu'ils n'é-
« taieht eux-mêmes. La Pentapole est
« perdue sans retour (*). — Je n'ai plus
« de patrie ; il ne me reste qu'à atten-
« dre un navire qui veuille me trans-
it porter pauvre et humble dans une
« île éloignée , à Cythère peut-être.
« O Cyrène ! guitterai-je donc ces ar-
« chives publiques où ma généalogie
« est inscrite depuis Hercule , et ces
« tombeaux doriens où le mien devait
(*) T£6vTQxtv Ma^ tb Il£VTait6>eci>c»
réXoç Sxsi * 8iax£xeîpi9Tai * àTtôXcoXcv * oO)i
it* éôrl TcavreXcôÇy ouO* i^fiiv, oirre pacotXEt.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQIIE ANCIENNE.
m
« être, ^ cette infortunée Ptolémals
« dont j'aurai été le dernier pasteur!—
« lYon , non , Tirai au saint temple de
« Dieu , c'est la ma place; je m'entou-
« l^raf des vases sacrés , j'embrasserai
* leà bàlustres de la samte table , et
«je m'assoirai là virant pour y at^
il tendre le moment où J'y reposerai
« mort. »
Telles étaient les circonstances au
tailied desquelles le gouvernement de
la Pentapole fut confié à Marcellin; il
trouvait les villes assiégées au dehors
par utie multitude de barbares furieux ,
en proie au dedans à la licence des
"soldats et à la rapacité de leurs offi*
ciers ; il apparut comme un Dieu sau-
ireur , mit l'ennemi en déroute dans
nne seule bataille , appliqua une sur-*
veillance soutemie à retenir les mili-
taires dans le devoir, et délivrant
ainsi les citoyens des deux fléaux qui
les opprimaient, il leur rendit la paix,
et se montra intègre, désintéressé,
bienveillant, pieux, juste, humain,
tel enfin qu'un philosophe chrétien ,
ainsi que se désigne lui-même Syné-
sios, pouvait se complaire à faire de
lui, après qu'il eut quitté sa charge
et sa province, un éloge complet quoi-
que exempt de flatterie; et c'est en
ces termes que Tévéque de Ptolémaïs
rendait témoignage de la bonne admi-
nistration de ce gouverneur. Synésios
occupa encore plusieurs années son
siège épiscopal, et continua sans doute
de prendre aux affaires de sa patrie
une part active et influente; mais
l'histoire ne nous en a rien conservé.
Sixième période^ depuis Marcien jus-
qu'à HéracUus : Époque de déca-
dence et de transition.
Administration de là Cyrénâi-
QUE sous Zenon et sous Anàstàse.
— Plus de soixante années s'écoulent
sans que nous trouvions aucune trace
des événements politiques de la Pen-
tapole; sous Zenon, et nendant le
court espace de tem[)S ou il régna
conjointement avec le jeune Léon son
fils , une loi fut adressée, par eux en
commun, à Érythrius, prétet du pré-
toire, relativement à certaines condt*-
tions d'admission dans les bureaux
des grands fonctionnaires de TÉtat;
et dans la nomenclature de ceux -et
Î[ui y est insérée , on voit figurer à la
ois les duos de la Libye et de la Peu*
tapole ; ce qui constate l'existence , en
474, de deux officiers de ce rang pour
les deux provinces libyennes , au lieu
d'un seul marqué dans la Notice des
Dignités; mais ne faut-il point faire
remonter beaucoup plus haut la créa-
tion du titre de duc de la Pentapole ?
Il semble que les écrits de Synésios
nous désignent précisément cet officier
sous l'appellation de stratège, bien
qu'il ne lui attribue nulle part le com-
mandement exclusif de la Cyrénaîque^
Sous Anastase , la Pentapole fut en-
core affligée par le double fléau des
barbares et des mauvais gouverneurs.
Les Mazikes renouvelèrent en 491
leurs incursions et leurs ravages danst
cette province, abandonnée en quel-
que sorte à la famille du premier mi-
nistre pour s'y enrichir: ce premier
ministre était le syrien Marinus,
homme grossier, brutal, outrageux en
paroles, impitoyable à l'égard oes mal-
heureux , avide de richesses pour lui
et pour les siens. Il préposa d'abord
à la Libye son neveu Marinus, jeune
écervelé , à qui les confiscations in*-
justes , le san^ même des innocents,
ne coûtaient fien pour arriver le plus
tôt possible à son but de faire for-
tune. Après lui, ce fut le tour de Bas-
sianus , proore fils du ministre , dont
les excès et les violences surpassèrent
encore celles de son prédécesseur , au
point de le faire regretter. Les richesses
amassées par ces deux gouverneurs
furent un appât pour toute leur pa-
renté et leurs amis, qui allaient, comme
un essaim , s'abattre sur cette pro-
vince pour avoir leur part du pillage.
Restauration de la Libye sous
Justinien.— Sous Justinien,la Libye,
qu'il avait trouvée entièrement envahie
par les barbares, fut restaurée, et reçut
une organisation nouvelle. L'ancienne
organisation, telle qu'elle existait pen-
dant les premières années de son règne,
est constatée par le Synecdéme de
Digitized by
Google
140
L'UNIVERS.
Hiéroclès, ou Ton voit figurer la pro-
vince présidiale delà Libye supérieure,
avec les villes de Sozousa, Cyrène, Pto-
lémaïs, Teukhira, Adriane et Bérénice;
et la province également présidiale de
la Libye inférieure , avec les villes de
Parétonion, Zogra, Zagoulis, Pidonia»
Antipbrai, barnis et Ammoniaca. Pro«
bablement ces deux provinces étaient
soumises, au moins nominalement, au
préfet d'Egypte. Par un édit spécial ,
Justinien sépara entièrement radmi-
nistration de la Libye de celle de l'É*
gypte, laissant cette dernière sous
rautorité civile et militaire du préfet
augustal, et constituant dans une
complète indépendance, sous l'auto-
rité ci vile et militaire d'un seul duc, une
^ande province de Libye, comprenant
a la fois la Cyrénaîque et la Marma-
rique , plus la Maréotide et la ville de
Menélas qui est contre TÉgypte ; ces
deux annexes étaient enlevées à la cir-
conscription du préfet augustal , pour
être désormais comprises dans la Li-
bye. Le duc était chargé de toutes les
branches de l'administration , et de la
levée des impôts de toute nature, sur
lesquels il devait prendre la solde de
ses troupes.
L'empereur n'épargna rien, au sur-
plus, pour relever les villes de l'état
d'abandon et de décadence oii elles
étaient tombées; et nous devons à
v>.f ! V*^»^. Pfocope le recensement des travaux
. ,.. •«••qu'il y fit exécuter. Taposiris, qui est
De /^(N^^Uiti^ une journée d'Alexandrie, fut dotée,
"t^iUi^A' entre autres édifices, d'un palais et de
fK.tK» •^ains publics; comme cette partie de
la Libye est fort déserte et a besoin
d'être défendue contre les incursions
des Maures du voisinage, Justinien
eut la précaution d'y faire prudem-
ment établir deux citadelles où il mit
garnison : Tune à Parétonion ; l'autre
a Antipyrgos, qui n'est pas loin de la
Pentapole. Celle-ci est , pour un bon
marcheur, à dix journées de route
d'Alexandrie ; l'empereur y fit entou-
rer la ville de Teuchira d'une forte
muraille , et réparer l'enceinte de Bé-
rénice depuis les fondements, sans
parler des bains qu'il fit construire en
ce dernier endroit pour l'usage du pu-
blic. Il entoura de fortifications deux
monastères situés aux confins de la
Pentapole, afin de repousser les bar-
bares, et d'empêcher que , par des in-
cursions inattendues, ils ne fissent ir-
ruption à l'improviste sur le territoire
romain. Dans la même contrée est la
ville de Ptolémaîs, jadis florissante et
populeuse, délaissée à la longue, à
cause du manque d'eau, par la {plupart
de ses habitants , qui avaient émigré
dès longtemps pour ce motif, et s'é-
taient dispersés, au gré de chacun, sur
différents points ; Justinien ayant fait
réparer les aqueducs et les canaux de
la place, lui rendit ainsi son ancien
air d'opulence.
La dernière ville de la Pentapole
est Borion , où la réunion des chaînes
de montagnes et la difficulté des che-
mins ferment le passage aux ennemis ;
elle n'avait pas de murailles ; l'empe-
reur l'entoura de solides fortifications
^ui en fissent un lieu sûr. A quatre
i'ournées de route de Borion pour un
)on marcheur, sont deux villes, toutes
deux portant le nom d'Augila, an-
ciennes toutes deux, tournées au sud,
dont les habitants conservaient les
mœurs et les usages antiques, tous
étant encore nomades au temps de
Procope , et adonnés au culte de plu-
sieurs dieux; autrefois il y avait là
des temples à Ammon et à Alexandre
de Macédoine, où les indigènes avaient
continué, jusqu'au règne de Justinien,
à sacrifier des victimes. Ce prince, plus
jaloux encore du salut de leurs âmes
que de leur sûreté temporelle , pour-
vut avec beaucoup de soin à leur con-
version à la vraie foi , en établissant
parmi eux plusieurs familles chré-
tiennes : ils abandonnèrent les hon-
teuses pratiques de leur patrie , et il
leur construisit un temple consacré au
vrai Dieu. Quant à la ville de Borion •
voisine des Maures barbares , elle de-
meura exempte de tributs ; et jamais
depuis qu'elle existe , ajoute le narra-
teur, il n')r est entré aucun officier de
finances ni percepteur d'impôts. Il ^
avait Jadis , au voisinage , une colonie
de Juifs possesseurs d un ancien tem-
ple fort vénéré parmi eux ; Justinien
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
les ayant convertis au christianisme ,
transforma ce temple en église. Au
delà sont les Syrtes.
La Libye bnlbyéb a l'bmpibe
sous Hébaglius. — Ces précautions
assurèrent sans doute à Fempire la con-
servation de la Libye; du moins voyons-
nous, à l'époque où Texarque d'Afrique
Héraclius, et le patrice Grégoire son
frère et sou lieutenant, résolurent, à la
sollicitation de Crispus gendre de Pho-
cas , d'envoyer leurs fils Héraclius et
Nicétas pour détrôner cet empereur
débauché (*) , du moins voyons-nous ,
dis-je, Nicétas choisir, pour se rendre
de Carthage à Constantinople, la route
de terre à travers l'Afrique, la Libye,
rÉgypte et l'Orient , pendant que son
cousin Héraclius allait, avec la flotte,
tenter de surprendre la ville impériale,
ainsi qu'il l'exécuta heureusement.
Héraclius fut le dernier empereur
qui posséda la Libye ; les Arabes lui
avaient enlevé déjà la Syrie et Ja Mé-
sopotamie; ils étaient entrés en Egypte;
quand il mourut (**) , Amrou ben el-'As
assiégeait Alexandrie, qui fut prise
dans la même année ; et bientôt après
son lieutenant Oqbah ben Nafé' enva-
hissait l'antique contrée des Barkéens,
lui imposait tribut, et poursuivait sa
course victorieuse vers l'Occident. C'é-
tait pour la Libye le commencement
d'une vie politique nouvelle, et son
nom même disparaissait à tout jamais
sous celui de pays de Barqah ; l'his-
toire de l'ancienne Libye se termine
donc naturellement à cette époque ; et
il ne nous reste plus qu'à jeter un
coup d'oeil rétrospectif sur les annales
de I Église chrétienne que les apôtres
y avaient établie , et qui fut alors en-
gloutie par le flot musulman.
' VIL FASTES DE l'BGLISB GHBB-
TIENNB BN LIBYB.
Établissement et progrès du chrisHa*
nisme dans la province de Cyrène.
Pbemièbb pbédication de l'é-
YANGiLE EN LiBYB. — Dcs uomscyré-
(•) En Pannée 6ro.
(**7 Le iiinars64i.
141
néens se font remarquer dans l'histoire
des premiers temps de l'établissement
du christianisme: qui ne connaît Simon
le Cyrénéen, qui aida Jésus-Christ à
porter sa croix, et qui fut père d'A-
lexandre et de Rufus, comptés au
nombre des premiers fidèles ? ^ui ne
sait que les Cyrénéens vinrent à An-
tiocbe au temps du baptême du cen-
turion Cornélius ? qui n'a vu le nom
de Lucius de Cyrène parmi les pré-
dicateurs entre lesquels Paul et Bar-
nabe furent désignés pour l'aposto-
lat? Nos livres sacrés nous fournis-
sent eux-mêmes ces premières indica-
tions ; et l'on doit croire que si des
Cj^rénéens allaient ainsi professer au
loin le christianisme, il s'en trouvait
sans doute aussi, dans leur patrie, qui
avaient embrassé la foi du Christ ; et
ce fut probablement parmi les Juifs de
la Pentapole que la nouvelle loi trouva
de nombreux adhérents.
On croit quel'évangéliste saint Marc
lui - même , le disciple et le secrétaire
de saint Pierre, était un de ces Juifs
cyrénéens ; aussi, lorsque, après avoir
écrit à Rome son évangile sous la dic-
tée du prince des apôtres , il fut en-
voyé en Orient pour propager la parole
divine , il était naturel qu'il vînt dé-
barquer à Cyrène, comme le témoi-
§nent les historiens ecclésiastiques,
ont quelques-uns le font arriver dans
la Pentapole dès l'année 40 de Jésus-
Christ, et lui attribuent un séjour pro-
longé dans cette province avant qu'il
vînt commencer sa prédication à
Alexandrie ; quelle qu'ait été la durée
effective de ce séjour, il est unanime-
ment reconnu qu il en résulta de nom-
breuses conversions, tant parmi les
juifs que parmi les gentils. De Cyrène
il passa dans les autres parties de la
Libye , telles que la Marmarique et la
région Ammonienne, champs vastes et
vierges, où la moisson fut abondante.
Enfin , en la septième année du règne
de Néron, l'an 61 de l'ère chrétienne,
il quitta la Cyrénaïque pour se rendre
à Alexandrie, où il fonda diverses pa-
roisses, et exerça pendant deux ou
trois ans les fonctions du patriarcat;
puis, s'étant donné un successeur dans
(ij. ^ju^ z"»^' '''^ A-w/y'
Digitized by VjOOÇ IC
143
L'UNIVERS.
le gouyernement de l'église d'Alexan-
drie (la seconde alors de toute la chré-
tienté), il revint dans la Libye visiter
les fidèles quil y avait convertis , en
augmenter le nombre par ses prédica-
tions, et établir parmi eux des mi-
nistres du nouveau culte. On prétend
quMl y institua même des évéques ; et
les martyrologes désignent Lucius le
Cyrénéetî , le même qui avait concouru
à (a consécration de saint Pau! et de
saint Barnabe, comme ayant été alors
le premier évêque de Cyrène. Saint
Maro retourna ensuite à Alexandrie,
pour y trouver la mort dans une
émeute populaire le 25 avril 68.
Prbmièbe obgànisation de l'É-
glise CYBENEENNE. — DepuîS CCttC
première institution d'évéques ( si
elle est réelle) dans la province, alors
unique, de Cyrène, celle-ci fut désor-
mais soumise à Fobédience d'Alexan-
drie; et il est remarquable que la
hiérarchie était réglée de telle ma-
nière, que Fordination des évêques
n'y pouvait être faite que par le pa-
triarche, soit directement, soit par dé-
légation de ses pouvoirs à un de ses
suffragants, ainsi que nous en ver-
rons plus loin des exemples.
Cependant, suivant les annales arabes
du patriarche Eutychius , qui ne sont
point contredites en cela par les mo-
numents historiques plus anciens, les
évêques d'Alexandrie, depuis saint
Marc jusqu'à son onzième successeur
Démétrius (*) , se bornèrent à admi- ^
nistrer les églises de leur obédience
par de simples prêtres ; et eux-mêmes
étaient élus et ordonnés par leur pro-
pre chapitre. 11 est certain que , sauf
la mention de Lucius de Cyrène avec
le titre d'évêque, dans certains marty-
rologes, on ne découvre aucune autre
trace d'évêque , dans la Cyrénaïque ,
avant le milieu du troisième siècle.
Saint Denis d'Alexanbbie exi-
lé EN Libye. — Ce fut alors (en
260) qu'eut lieu la persécution de
Décius, et la retraite en Libye du pa-
triarche saint Denis d'Alexandrie,
pris d'abord par des soldats, et con-
{*) Élu e& 189, mort en i3i.
K
duit à Taposiris, où il fût, malgré
lui, délivre de leurs mains par quel-
ques fidèles qui Tobligèrent à fuir
dans le désert de Marmarique, jusqu'à
trois journées de Parétpnion. La mort
de Décius rendit un moment la paix
à l'Église ; et le patriarche rentra dans
sa métropole. Mais la persécution re-
commenija avec une nouvelle force
sous Yalerien, en 257 ; et saint Denis,
mandé par le préfet augustal , fut exilé
en Libye, dans un village obscur ap-
pelé Képhron; quoique malade, le
pieux éveque eut a partir sur-Je-champ
pour cette destination , dont le nom
même lui était à peine connu ; mais
sa présence y attira de nombreux fidè-
les, tant d'Alexandrie que du reste de
l'Egypte ; et les habitants du lieu, qui
étaient idolâtres et persécutaient d'a-
bord saint Denis et ses disciples , ne
tardèrent pas à subir Tinfluence de sa
prédication. Le préfet alors le trans-
féra à Collouthion dans la Maréotide,
plus près d'Alexandrie il est vrai, mais
séparé de ses compagnons d'exil , à
chacun desquels fut assignée une rési-
dence distincte.
HÉBÉSIE DE SaBELLIUS. — C'cst
pendant cet exil que saint Denis écri-
vit , tant au pape romain Sixte II ,
qu'à Ammonius évêque de Bérénice
dans la Pentapole , et à d'autres , au
sujet de Thérésie de Sabellius de Pto-
lémaîs, qui commençait alors à se
répandre; renouvelant Terreur de
Praxéas, que lui avait transmise Noë-
tus de Smyrne, dont il fut le disciple,
Sabellius enseignait qu'il n'y a en
Dieu qu'une seule personne, appelée
de trois noms différents suivant le
point de vue sous lequel on la consi-
dère. <( Il s'est élevé a Ptolémaîs dans
« la Pentapole, » mandait saint Denis
à Sixte II , « une doctrine véritable-
« ment impie, contenant plusieurs blas-
ât phèmes contre Dieu le Père, tendant
« a ne point regarder son fils unique
«comme la première de toutes les
« créatures, le Verbe incarné, et à ne
« point reconnaître le saint Esprit.
« J'en ai reçu premièrement des écrits
« de part et d'autre ; et ensuite des
« frères sont venus m'en parler ; sur
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
« quoi f al écrit quelques lettres trai-»
f tant la question sous le rapport du
« dogme , et je vous en envoie les co«
« pies. » En effet , quelques évé^ue0
avaient adopté les idées ae Sabeliius ,
et leur opinion avait tellement pré-
valu, que Ton ne prêchait presque
plus le mystère de rincarnation de
Jésus-Cbrist ; saint Denis, en pasteur
diligent, les avait exhortés à quitter
leor erreur ; mais ils n'en avaient rien
fait, et s'étaient imprudemment enga-
gés plus avant dans leur impiété ; et
c'est pour ce motif que le saint pa-
triarche avait adressé a Ammonius de
Bérénice et à Euphranor une lettre
spéciale, où il rappelait les témoigna-
ges évangélique^ en ce qui touche Thur
manité de Jesus-Ghrist , afin de mon-
trer que ce n'est pas le Père, mais le
Fils qui g^est fait nomme pour nous^
et les amener ensuite à la connaissance
de la divinité du Fils. Mais, ainsi qu'il
arrive souvent dans les discussions, en
voulant combattre l'unité de personne
prêchée par Sabeliius, saint Denis,
dans sa lettre à Euphranor et Animo-
nius, avait un peu forcé l'expression
des arguments propres à établir la
distinction du Père et du Fils ; si bien
que des fidèles scrupuleux crurent
trouver dans cet écrit des assertions
contraires à la consubstantialité des
deux personnes divines, et signa-
lèrent au pape l'erreur prétendue du
patriarche; ce fut, pour celui-ci, l'oc-
casion d'adresser à saint Denis, évéque
de Rome et successeur de Sixte II «
une nouvelle lettre, accompagnée d'un
traité apologétique où il se justifiait
pleinement de la fausse interprétation
donnée à ses paroles.
ÉpIT&E GANONIQUB a BÀSILIDB8
»B Ptolémais. — Une autre lettre
de saint Denis d'Alexandrie nous
fait connaître le nom de Basilides ,
évé(q[ue de Ptolémaïs , ou comme on
disait alors , évéque de la Pentaçoie ,
qui l'avait consulté sur plusieurs
points de discipline, notamment sur
rheure à laquelle on pouvait rom-
pra le jeûne le jour de Pâques; les
uns attendaient le chant du coq après
avoir passé Iput le samedi sans man-
ia
ger, d'autres manseeient plus tôt,
et quelques-uns dès le soir du samedi.
Le saint patriarche blâme l'intempé-
rance de ceux qui se hâtent trop, loue
le courase de ceux qui tiennent bon
jusqu'à la quatrième veille, et ne
trouve d'ailleurs rien à redire à ce
qu'on cède au besoin du sommeil,
tandis que les plus fervents passaient
la nuit entière sans dormir. « Vous
« nous avez fait ces questions , mon
« cher fils, » disait - il en terminant ,
« non par ignorance , mais pour nous
« faire honneur et entretenir la con-
« corde ; et moi , j'ai déclaré ma pen-
« sée, non pour faire le docteur, mais
« pour user de la simplicité avec la-
« quelle nous devons parler ensemble. »
Cette lettre à Basilides a toujours été
regardée, par les églises d'Orient ^
comme une épître canonique faisant
règle en matière de discipline. Deux
écrivains ecclésiastiques du douzième
siècle, Zonare et le canoniste Théodore
Balzamon, ont recueilli quelques frag-
ments de Basilides lui-même.
Pbehibbs bvéques db la Ctbb-
lîAïQUE. — Le titre d'évéque de la Pen-
ta()ole, que portait Basilides, ne doit
point nous induire à penser qu'il n'y eât
alors qu'un seul évéque pour toute la
Pentapole, puisque nous avons déjà
rencontré aussi le nom d'Ammonius
évéque de Bérénice; peut-être le pre-
mier s'intitulait -il ainsi, parce que le
siège de Ptolémaïs, qu'il occupait,
était le principal de la Pentapole , et
lui donnait, en quelque sorte, la qua-
lité de métropolitain. Il y a lieu de
croire que , même sans remonter plus
haut que le patriarche Démétrius, plu-
sieurs évéchés furent simultanément
établis dans la Cyrénaîque , bien que
nous n'ayons trouvé jusqu'ici d'indices
formels que pour Bérénice et Pto-
lémaïs.
Les martyrologes nous désignent
ensuite , à la date du 4 juillet , Théo-
dore, évéque de Cyrène, comme ayant
péri dans les tortures au temps de la
persécution de Dioclétien , en l'année.
802 ; et sous la date du 26 mars, un
autre Théodore, évéque de PtolémaTs,
qui fut martyrisé avec le diacre Irénée
Digitized by VjOOQIC
144
L'UNIVERS.
et les lecteurs Sérapion et Ammonius,
peut-être à la même époque, peut-être
seulement sous le règne de Lîcinius ,
vers 819, comme on pourrait le con-
clure des annales d*£utychius , où se
trouve indiqué, sous ce prince, le mar-
tyre de Théodore chevalier, et du me-
tropoUtain de Batkè , sans désigna-
tion plus précise de celui - ci ; il nous
suffit de rappeler, quant à ce dernier,
que Ptolémaïs était alors la métropole
de la province, et qu'elle portait dans
Forigme le nom de Barkè.
I^ Libyen Àrius et son hérésie,
Nàissangb et pbogbès de VeÉ'
BBSiE b*Abiu$. — Bientôt éclata l'hé-
résie d'Arius.C'était, suivant le portrait
que nous a laisséde lui saint Épi phanes,
un Libyen déjà âgé, à la taille élevée, au
maintien austère, au costume simple,
au visage mélancolique et grave, a la
voix douce et persuasive. Fait diacre
sous le patriarcat de saint Pierre
successeur de saint Denis, il avait eu
discussion avec son évêque en prenant
le parti de Mélétius de Panopolis con-
tre les rigueurs oui avaient déterminé
le schisme de celui-ci. Saint Achillas,
successeur de saint Pierre, n'en avait
f>as moins élevé Arius à la prêtrise,
ui donnant même la direction de l'é-
glise de Boukolion, l'une des paroisses
d'Alexandrie. Arius, s'il en faut croire
ses ennemis, prétendait à l'épiscopat,
et ne put pardonner à saint Alexandre
de lui être préféré pour succéder à
saint Achillas (en 313); d'autres, au
contraire, assurent qu'Alexandre ne
fut nommé que par l'influence d'A-
rius.
Alexandre, en préchant à son clergé
et aux autres fidèles le mystère de la
Trinité, parut à l'esprit prévenu d'A-
rius se laisser entraîner au sabellia-
nisme; et le prêtre ardent, comme
autrefois saint Denis d'Alexandrie^
préchant à son tour contre cette er-
reur, tomba dans l'excès contraire , et
enseigna que, loin de n'admettre en
Dieu qu'une seule personne, il fallait
bien reconnaître que le Père étant le
créateur du Fils, avait dû exister avant
lui , en telle sorte qu'il y avait distinc-
tion, non-seulement de personne, mais
aussi de substance. Cet enseignement,
bien que renfermé dans son église, fit
des prosélytes et entraîna plusieurs
des prêtres les plus distinj^ués d'A-
lexandrie; mais d'autres résistèrent,
la controverse naquit, et le patriarche
assembla dans sa métropole, en 320,
un synode, où fut anathématisée l'hé-
résie nouvelle , et son auteur excom-
munié avec neuf diacres qui parta-.
geaient son erreur. La lettre synodale
adressée au patriarche d'Antioche et
à quelques autres évêgues , pour les
instruire de cette décision, portait que
nombre d'évéques de l'Egypte, delà
Thébaîde, de la Libye, de la Penta-
pole et de diverses autres provinces y
avaient adhéré par leurs lettres.
Mais l'hérésie , loin d'en être abat-
tue, se propageait au contraire au de-
dans et au dehors. Secundus, évêque
de la Pentapole , c'est-à-dire de Ptolé*
maïs , et Théonas, évêque de Marma-
rique, c'est-à-dire peut-être de Darnis,
l'adoptèrent avec éclat ; et le patriar-
che assembla en 321 un nouveau sy-
node des évêques d'Egypte et de Li-
bye, au nombre de près de cent
disent les historiens , pour anathéma-
tiser de nouveau Arius et ses adhé-
rents, et avec ceux-ci les évêques Se-
cundus et Théonas. Des prêtres et des
diacres d'Alexandrie et de la Maréo-
tide demandèrent à être compris dans
la même sentence , et Arius, se reti-
rant en Palestine, se vit à la tête d'un
parti nombreux , où tenait le premier
rang Eusèbe de Nicomédie.
Resgbit de Constantin poub la
PACIFICATION DE l'ÉOLISE. — LeS
choses en vinrent à ce point, que l'em-
pereur lui-même sentit le besoin d'in-
tervenir : il écrivit à Alexandre et à
Arius une lettre commune, dans la-
quelle, au milieu de développements
étendus, il leur disait en substance :
« J'ai résolu , avec l'aide de la Pro-
« vidence divine, de me constituer vo-
« tre arbitre et votre médiateur, et de
« vous rappeler à des sentiments plus
a sages et plus modérés. Je dirai donc
« avant tout que toi , Alexandre , tu
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANQENNE.
145
R as été la cause première de tout le
K mal, par ton imprudence à proposer
X à tes prêtres des questions subtiles
X et vaines sur divers passages du texte
K de notre loi ; et que toi , Arius, tu
X as indiscrètement manifesté une opi-
X Dion que tu ne devais point avoir,
K ou que du moins tu devais cacher
K avec grand soin: c'est de ces fautes
1 qu'est née entre vous deux la dis-
X corde qui trouble votre Église. Mais
X tout pouvait être réparé; au lieu de
X cela, vous avez refusé de vous con-
X carter, de vous entendre ; vous avez
jt rompu toute communiou religieuse
K entre vous ; et le peuple des fidèles,
X h votre exemple, s est séparé en deux
R partis, et a détruit Tunité de TÉgiise
X par un schisme déplorable. — Mais,
R puisque le mal est fait, nardonnez-
K vpus mutuellement, tant la demande
B inconsidérée de l'un que la réponse
s imprudente de l'autre. Il ne s'agit
K pas entre vous de quelque point
I principal de la loi nouvelle, ou d'un
t dogme qu'on veuille inventer puur
t l'ajouter à la somme des articles* de
t notre foi ; vous professez tous deux
( une seule et même opinion sur le
i culte de la divinité ; à tous deux donc
c il doit être facile de vivre dans la
i même communion religieuse.— L'u-
[ niformité en tout est impossible;
i elle n'existe ni dans les volontés , ni
: dans les caractères des hommes : il
I doit suffire que vous soyez parfaite-
; ment d'accord sur la foi que vous
avez en Dieu et dans la Providence
divine ; et si désormais quelque nou-
velle question venait à s'élever entre
vous sur des choses d'un moindre
intérêt, ensevelissez -la soigneuse-
ment au fond ie votre cœur, et ne
vous attachez qu'à conserver Ia*cha-
rité mutuelle, la vérité de la croyan-
ce, et l'observation des préceptes de
Dieu et de la loi. Croyez-m'en : ai-
mez-vous de nouveau les uns les au-
tres; faites que tout le peuple, sans
exception, puisse, comme de cou-
tume, donner et recevoir le baiser
de paix. — Faites , je vous en con-
jure, que je puisse bientôt voU^ re-
voir, ainsi que tous les peuples de
« mon empire, aussi tranquilles et aussi
a heureux qu'autrefois, et que je puisse
a rendre à Dieu , pour la bonne har-
« monie, la prospérité et la liberté de
« tous, le tribut de grâces et de louan-
« ges qui lui est si légitimement dd. »
Osius, évéque de Gordoue, en qui
l'empereur avait toute confiance , fut
chargé de remettre ces lettres et d'en
suivre l'effet ; il se rendit à Alexan-
drie et y convoqua ( en 324 ), de con-
cert avec le patriarche, un synode, où
se réunirent, dit-on, plus de deux
cents évêques, tant de l'Egypte que de
la Libye ; et il tenta tous les efforts
imaginables pour amener une récon-
ciliation; mais ses tentatives furent
vaines, et il vint rendre compte à
Constantin de l'inutilité de sa mis-
sion. Alors, sur le conseil des évêques
les plus influents, l'empereur résolut
de convoquer un concile écuménique,
c'est-à-dire de réunir en une seule as-
semblée tous les prélats de l'écumène
ou de la terre habitée, premier exem-
ple d'une réunion générale de toute
l'Église chrétienne.
Concile général de Nicée, qui
CONDAMNE Arius. — Dcs lettres im-
périales furent en conséquence en-
voyées dans toutes les provinces; Ni-
cée fut désignée pour le lieu du
rendez-vous, et les relais de l'empire
furent mis à la disposition des évêques
et des prêtres convoqués. S'il en fal-
lait croire les Annales d'Eutychius,
cette convocation aurait amené à Nicée
deux mille quarante-huit évêques, tous
divisés d'opinions et de croyances; mais
probablement les simples prêtres et les
autres clercs sont compris dans ce chif-
fre, et l'on doit penser que le nombre
des évêques était seulement de trois
cent dix-huit, suivant le compte admis
par la tradition la plus répandue.
Après quelques conférences partîcu^
Hères, le concile s'ouvrit le 19 juin 325,
sous la présidence de l'empereur en per-
sonne, dans une des salles de son palais.
Arius et ses partisans furent entendus,
et malgré leur opposition la consubstan-
tialité du Fils avec le Père fut recon-
nue et proclamée, et Ton adopta com-
me sacramentel le mot destiné à expri*
JO* Livraison, (Afrique ancienne.)
10
Digitized by VjOOQIC
146
L'UNIVERS.
mer ce dogme. La majorité futénorme,
et les évéques ariens qui rejetèrent le
symbole de foi rédigé par elle se rédui-
saient à dix-sept, parmi lesquels étaient
Secundus de la Pentapole, Théonas de
la Marmarique, Secundus de Theucbi-
ra, Dathès de Bérénice, Sentianus de
Borion, Zéphyrios de Barkè. La dis-
cussion et des considérations diverses
réduisirent bientôt le nombre de dix-
sept à cinq seulement, savoir : Secun-
dus de la Pentapole , Théonas de la
Marmarique, Eusèbe de Nicomédie,
K. fi >c Cb^ Théognis de Nicée , et Maris de Cal-
. ^i/ ^T*^ cédoine ; mais ces trois derniers ne ré-
p^H «^ sistèrent pas à des menaces de déposi-
S'^Ui^'iw tion et d'exil, et en déflnitive Secun-
''^t/»vK4f »• dus et Théonas restèrent seuls entre
V*^^ *v. K tous les évéques , fermes dans la cause
v<lV^v»jd^ d'Arius. Titus de Parétonion et Sé-
Ca^. rapion d^Antiphra s'étaient rangés,
dès le principe, de l'avis de la majorité.
L'assemblée arrêta vingt canons re-
latifs à la discii>line , dont le sixième,
concernant principalement l'ordina-
tion des évéques, rappelait les ancien-
nes coutumes établies dans l'Egypte,
la Libye et la Pentapole , où l'évêgue
d'Alexandrie avait l'autorité exclusive,
de telle sorte que, nul évéque ne pou-
vant, en général, être institué dans une
province qu'avec le consentement du
métropolitain , il fallait en outre ici le
consentement de l'évêque supérieur,
patriarche, ou pape, auquel étaient
subordonnées en commun les diverses
provinces que nous venons de dési-
gner (*).
(*) « Antiaiia consiietudo servetur in
m ^gypto , Libyâ et Pentapoli , ut Alexan-
w drinus episcopus horum omnium habeat
« potestatem. »
L'édition arabe des canons du même
concile nous a conservé, sous le nombre 39,
le'reuseignement suivant , curieux pour This-
toire de l'ancienne hiérarchie des églises
d'Orient :
«c Gonsideret Patriarcha qusB Archiepis-
« copi et Episcopi ejus in provinciis sub
«faciunt, et si quid reperiat secùs quàm
«oporteat, factum mutet, et disponat ut
« sibi videbitur, siquidem ipse est pater
« omnium ; et quamvis sit Archiepiscopus
« in Episcopos tanquam frater major qui
Avant de se séparer, les Pères da
concile écrivirent une épître synodale,
adressée principalement à Féglise d'A-
lexandrie et à tous les fidèles de l'E-
gypte, de la Libye et de la Pentapole,
comme plus directement intéressés
dans la question, et en général à tou-
tes les églises de la terre, afin de leur
notifier les décisions de l'assemblée,
l'excommunication et l'exil d'Arius, de
Secundus et deTbéonas. Saint Alexan-
dre, patriarche d'Alexandrie, et le
grand saint Athanase qui était alors
son archidiacre, furent chargés de
promulguer cette épître dans leur dio-
cèse.
RÉHABILITATION ET MOBT d'A-
Bius.— Mais cet acte solemnel, qui sem-
blait devoir anéantir l'arianisme , fut
loin de le déraciner : Eusèbe de Nicomé-
die et Théognis de Nicée retirèrent leur
signature, et se laissèrent déposer et
exiler pour la cause d'Arius; plus
tard , à la prière de Constantia sœur
de l'empereur, les deux évéques et
Arius lui-même furent rappelés; et
bientôt la rigidité de saint Athanase,
devenu patriarche d'Alexandrie par
surprise, au dire de Philostorge, aigrit
contre lui Constantin, au point que la
sentence portée au concile de Nicée ne
lui parut plus incontestablement juste,
et qu'un nouveau concile fut convoqué
à Tyr en 335, dix ans précisément après
celui de Nicée. On y vit des évéques
d'Egypte, de Libye, de tout l'Orienf,
de Macédoine et dePannonie; ils étaient
nombreux, et la plupart ariens; ils
n'avaient pas terminé leurs opérations
^uand une lettre impériale les invita
à se transporter à Jérusalem pour v
assister à la dédicace de régiise du
Saint-Sépulcre, qui eut lieu le 13 sep-
tembre. Arius et tous les siens furent
reçus à la communion de l'Églisl^
saint Athanase condamné et déposé,
et bientôt après, exilé à Trêves par
Constantin , et Pistus ordonné à sa
place évéque d'Alexandrie, par Secun-
dus de Ptolémaîs. Une lettre synodale
« curam habet fratrum snorum, et ei debent
« obedientiam quià praeesty^st tamen Pa-
« triarcha loco patrîs, sub cujus dominât))
« ac potestate sont fiUi ejus, a
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
fut adressée à TÉglise d'Alexandrie,
aux évêques d'Egypte, de la Libye et
de la Pentapole, et généralement à
tous les évécjues, prêtres et diacres du
inonde chrétien. Arius survécut peu à
sa réhabilitation, et Constantin le
Grand mourut lui-même peu de temps
après.
Résistance de saint Athanase contre
rarianisme.
Succession de conciles contra-
]>ictoibes qui consomment le
SCHISME.— Constantius, à qui fut dé«
voiu rOrient, penchait pour Tarianis-
me; mai^ Constantin le jeune, qui avait
les Gaules, se crut en droit de renvoyer
saint Athanase à son patriarchat, soit
qu'il obéît en cela à des dispositions réel-
lement favorables j comme on Tadmet
généralement, soit peut-être qu'il ju-
geât prudent d'éloigner cet homme al-
tier et turbulent. Les ariens réclamè-
rent hautement contre cette violation
de la sentence portée par le concile de
Tyr ; mais saint Athanase répondit à
leurs plaintes en assemblant à Alexan-
drie, en Tannée 840, un synode d*en-
viron cent évêques de l'Egypte , de la
Thébaîde , de la Libye et de la Penta-
pole, qui écrivirent 'en commun une
épître synodale à tous les évêques ca-
tholiques du monde chrétien, pour ré-
futer les accusations dont le patriar-
che eonsubstantialiste était l'objet, et
repousser comme nulle Tordination
du patriarche arien que Secundus de
la Pentapole et Théonas de Libye lui
avaient substitué. Il s'ensuivit un nou-
vel examen de la question dans un con-
cile convoqué à Antioche en 341 : saint
Athanase y fut reconnu dûment déposé
par le concile de ïyr, et on lui nomma
pour successeur Grégoire, qui reçut la
confirmation de l'empereur. Là-des-
sus , réclamation de saint Athanase^
surtout auprès du pape Jules 1*', qui
convoqua à Rome, en 843, un nouveau
concile, où saint Athanase fut déclaré
évêque légitime et Grégoire sans qua-
lité.
Les églises d'Orient et celles d'Oc-
çtdem se trouvant ainsi en dissidence
147
prononcée, et le désaccord se proton-
geant de concile en concile, l'empereur
Constans proposa à son frère d'assem-
bler un concile général des évêques
tant d'Orient que d'Occident, pour
trancher enfin la difficulté d'un com-
mun consentement. La réunion eut
lieu en 847 à Sardique enillyrie, aux
confins des deux empires ; mais les con-
ditions que chacune des parties voulait
imposer à ses adversaires rendirent
tout accord impossible , les Orientaux
refusant de siéger avec Athanase et
d'autres évêaues qu'ils avaient excom-
muniés et demandant que la procé-
dure faite à leur égard fût au moins
recommencée, les Occidentaux préten-
dant maintenir leur détermination sans
nouvel examen. Les choses en étant à
ce point, les Orientaux quittèrent Sar-
dic|ue et se rendirent à Philippopolis,
laissant les Occidentaux excommunier
à leur gré le patriarche Grégoire et
dix autres évêques d'Orient ; mais ils
déclarèrent à leur tour maintenir leur
propre sentence contre Athanase et
Asantus, évêques si empressés d'aller
à l'étranger et loin du théâtre de leurs
méfaits, obtenir l'absolution des con-
damnations prononcées contre eux en
connaissance de cause; et ils excom-
munièrent de leur côté le pape Jules
et quatre autres évêques d'Occident.
Parmi les soixante-treize signatures
que porte l'épître synodale écrite à ce
sujet , nous devons relever spéciale-
ment ici celle de Pison, évêque de Dar-
nis.
Les empereurs prennent part
A LA querelle; nouveau rétablis-
sement ET NOUVELLE ^EXPULSION
DE SAINT Athanase. — Les églises
d'Orient et d'Occident se trouvèrent
ainsi divisées plus que jamais ; et cha-
cun des empereurs épousa la. cause de
ses évêques. Constantius exila dans la
Libye supérieure ou Pentapole Arius,
évêque de Pétra en Palestine, et Asse-
rius, évêque de Pétra en Arabie, qui s'é-
taient séparés de leurs collègues à Sar-
dique pour se réunir aux Occidentaux.
Constans de spn côté écrivit à son frère
pour lui demander le rétablissement de
saint Athanase, avec menaces d'y pour*
10,
Digitized by VjOOQIC
148
L'UNIVERS.
voir lui-même s'il le fallait. Grégoire
étant mort sur ces entrefaites, au com-
mencement de Tannée 349, Constan-
tius jugea opportun de céder aux exi-
gences de Constans; il rappela saint
Athanase , et adressa au préfet d'E-
gypte, ainsi qu'aux gouverneurs des
Çrovinces de l'Augustamnique, de la
hébaïde et de la Libye, un rescrit à
ce sujet. Arrivé à Jérusalem , le pa-
triarche y fut accueilli par un synode
de seize évéques, qui écrivirent a ceux
d'Egypte et de Libye , et aux prêtres,
diacres et fidèles d'Alexandrie pour
les féliciter du retour de leur pasteur.
De là saint Athanase se rendit à
Alexandrie , où il fut reçu , dit-il lui-
même , avec une joie incroyable non-
seulement du peuple, mais des évéques
d'Egypte et des deux Libyes, qui accou-
raient de tous côtés, joveux de se voir
délivrés de la tyrannie âes hérétiques.
Cependant la roideurde saint Atha-
nase envers les ariens , les menaces
qu'il avait inspirées à Constans vis-à-
vis de son frère , son accession vraie
ou supposée au parti de Magnence^ et
d'autres griefs secondaires, lui eurent
bientôt fait perdre les bonnes grâces
de Constantius, désormais seul empe-
reur. Un concile, assemblé à Arles en
353, le condamna de nouveau, et un
concile tenu à Antioche en 354 lui
donna pour successeur George, que
les Alexandrins refusèrent de recevoir;
un troisième concile convoqué à Mi-
lan en 355 ratifia encore la condam-
nation d' Athanase, qui n'en persista
pas moins à rester dans sa ville épis-
copale , jusqu'à ce qu'on eût recours
contre lui à la force, en faisant venir
de Libye les troupes aux ordres du duc
Syrianus. Saint Athanase écrivit alors
aux évéques d'Egypte et de Libye une
lettre de protestation où il cite entre
autres Secundus de la Pentapole com-
me un des promoteurs de la persécu-
tion. Celle-ci, au surplus, s'étendit
hors d'Alexandrie , par toute l'Egypte
et la Libye : il y eut un ordre de Cons-
tantius pour chasser des églises les évé-
ques consubstantialistes, afin de les
livrer aux ariens; et le duc Sebastia-
DUS fut chargé de l'exécution.
Tbiomphe momentané de l'à«
BiÂNiSME. — Le récit , sans doute
très-partial , de saint Athanase lui-
même, accuse cet officier général d'une
rigueur cruelle : « il écrivit aux com-
mandants et aux chefs militaires des
provinces, pour requérir leur con-
cours; on voyait des évéques prison-
niers, des prêtres et des moines char-
gés de chaînes après avoir été bat-
tus jusqu'à la mort. Tout le pays était
en trouble; les peuples murmuraient
d'une ordonnance si injuste et de la
dureté de l'exécution; car, quoique
l'ordre impérial portât seulement de
les chasser de leurs sièges , on les en-
voyait à deux ou trois provinces de là,
dans des solitudes affreuses , ceux de
Libye dans la grande oasis de Tbèbes,
ceux de Tliébaïde dans la Libye ammo-
nienne.On traitait de cette manière des
vieillards, des infirmes : quelques-uns
moururent au lieu d'exil , d'autres en
chemin. La persécution frappa ainsi
près de quatre-vingt-dix évéques, c'est-
à-dire à peu près autant qu'il y en avait
dans toute l'Egypte et la Libye; seize
furent bannis, plus de trente' chassés,
les uns et les autres remplacés aussi-
tôt par de jeunes débauchés qui ache-
taient à prix d'or leur épiscopat; quel-
ques-uns dissimulèrent par contrainte,
et se soumirent à la réordination du pa-
triarclie George. — Il y avait à Barkè
un prêtre appelé Secundus qui refusait
de reconnaître l'autorité de l'évêque
Secundus de Ptolémaïs , l'un des plus
fougueux ariens : celui-ci, aidé du prêtre
Etienne, qui depuis fut son successeur,
maltraita tellement à coups de pied le
prêtre réfractaire , que le malheureux
en mourut : ceci se passait au carême
de l'an 356. » -— Saint Athanase se
déroba aux violences dont il était me-
nacé, en s'enfuyant au désert.
Les évéques d'Orient s'étant assem-
«blés en «concile à Séleucie au mois de
septembre 359 , on y vit assister Hé-
liodore, évêque de Sozysa, Etienne,
successeur de Secundus au siège de
Ptolémaïs, Pollux ou Polydeuces, évê-
que de Marmarique, c'est-à-dire sui-
vant nous de Darnis, et Si ras, évêque
de Parétouion ; pendant le même temps
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
149
les évéques d*Occident, réunis à Ri-
mi ni, acceptaient une profession de
foi arienne envoyée par l'empereur;
puis les uns et les autres furent man-
dés tous ensemble à Constantinople
au commencement de Tannée 360 ,
pour y si|!ner en commun la formule
de Rimini , qui fut d'ailleurs envoyée
par tout Tempire , aûn de recevoir Fa-
dbésion de tous les évéques sans ex-
ception ; et il y eut en effet très-peu
de réfractaires.
RÉACTION CATHOLIQUE. — Le pa-
triarche George avant été tué dans
une émeute populaire en 362, saint
Athanase, qui depuis sept ans était
resté caché au désert* pensa qu'il pour-
rait rentrer sans obstacle à Alexan-
drie; il y fut reçu en triomphe par
les catholiques, et il y eut une reac-
tion contre les ariens, auxquels ils
enlevèrent la possession des églises,
leur laissant la consolation de se réu-
nir dans des maisons particulières et
d'élire Lucius pour succéder à George.
Divers évéques catholiques , revenant
de leur exil , se réunirent à Alexan-
drie sous la présidence de saint Atha-
nase, et formèrent un concile peu
nombreux ( vingt évéques en tout ) ,
qui se crut en droit de protester au
nom de toute TËglise contre la for-
mule de Rimini et les conciles qui l'a-
vaient acceptée. Au nombre des assis-
tants se trouvaient saint Eusèbe de
Verceil revenant de la Thébaïde , As-
sérius de Pétra en Arabie revenant de
la Libye supérieure, puis encore Caïus^
évéque de Parétonion, Menas, évêque
d*Antiphra, et Marcus, évéque de Zy- .
gris, tous les trois de la Libye infé-
rieure et qui probablement revenaient
de la grande oasis.
L'empereur Julien ayant appris le
retour de saint Athanase, s'écria que
celui qui avait été chassé par les déci-
sions de plusieurs empereurs aurait
dû au moins en attendre une nouvelle
avant de revenir; et il envoya l'ordre
le plus formel au préfet d'Egypte d'ex-
pulser l'audacieux évêque :" celui-ci
quitta la ville , mais pour y rentrer se-
crètement presque aussitôt , et s'y te-
nir caché jusqu à l'avènement de Jo-
vien , qui prononça le rappel de tous
les bannis et la restitution des églises
aux catholiques. Saint Athanase écri-
vit au nouvel empereur au nom de
tous les évéques d'Egypte , de Thé-
baïde et de Libye, pour lui demander
de proclamer l'observation exclusive
du symbole de Nicée; les ariens vou-
lurent réclamer de leur côté, mais ils
ne furent pas écoutés. Valens n'accorda
point la même protection aux consub-
stantialistes, et il voulut même, en
367, expulser de nouveau saint Atha-
nase, qui se tint caché pendant quatre
mois ; mais , à la demande de Valent!-
nien, il (it cesser la persécution et
laissa le patriarche tranquille sur son
Indulgence et rigueur de saint
Athanase ; fin de la lutte. —
Il y avait dans la Pentapole , aux
confins de la Libye, deux bourgades
contiguës , nommées Hydrax et Palé-
bisca , comprises dans la circonscrip-
tion de l'église d'Érythron, et trop
peu importantes pour avoir elles-mê-
mes un évéque ; cependant comme elles
étaient un peu éloignées du siège , et
que révoque Orion qui l'occupait alors
n'était pas assez ingambe pour les pro-
téger tant au spirituel qu'au temporel,
elles eurent le désir de se donner aussi
un évêque , et elles jetèrent les yeux
sur Sidérios, jeune homme actif et
vigoureux qui revenait de l'armée pour
faire valoir des terres qui lui avaient
été accordées. A leur prière , Philon
de Cyrène vint faire l'ordination du
nouvel évêque : ordination très-irré-
gulière sans doute, puisqu'elle eût dû
étire faite par le patriarche d'Alexan-
drie, ou de son consentement;^ar trois
évéques au moins; cependant saint
Athanase ne crut pas le moment favo-
rable pour se montrer rigoureux en-
vers des chrétiens fidèles; d'autant plus
que Sidérios lui parut un homme de
mérite et de résolution , très-propre à
lutter contre l'hérésie arienne, si bien
qu'il le transféra même sur le siège
ae Ptolémaîs, où l'arianisme avait be-
soin d*étre plus vigoureusement com-
battu. Plus tard Sidérios devenu vieux
revint terminer ses jours à Palébisca.
Digitized by VjOOQIC
1^
L'UNIVERS
L*ahier patriarche ne se montra
point aussi indulgent envers le gouver-
neur de la Libye, qu'il traite d'homme
brutal , cruel et débauché , mais dont
on peut soupçonner que le principal
«rime à ses ^eux était de favoriser la
cause des ariens ; saint Athanase l'ex-
communia , et dénonça l'anathème à
saint Basile , qui avait dans son dio-
cèse la famille de cet officier ; l'évéque
de Césarée répondit qu'il avait notifié
cette condamnation à tous les servi-
teurs, tous les amis, tous les hôtes du
gouverneur excommunié , et que nul
n'aurait plus commerce avec lui , ni
de feu , ni d'eau, ni de couvert.
Saint ADhanase étant mort en 373 ,
les ariens reprirent le dessus dans son
diocèse, sous la protection déclarée de
l'empereur Valens; mais à Tavéne-
ment de Théodose , les églises furent
rendues aux consubstantialistes ; et
Farien Lucius fut expulsé d'Alexan-
drie. Bientôt le concile général de
Constantinople , de 381, vint complé-
ter le symbole de Nicée, et le rendre
tel qu'il est aujourd'hui chanté dans
nos églises. Ce concile fut successive-
ment présidé par divers prélats , l'un
desquels fut Timothée, patriarche d'A-
lexandrie; parmi les canons qui y fu-
rent décrétés , le cinquième attribuait
à révéque de Constantinople le second
rang, immédiatement après l'évêque
de Rome; mais cette décision, qui
préjudiciait aux droits de l'évêque
d'Alexandrie, fut repoussée par des
conciles postérieurs (*).
(*) Le 5* canon du concile de Constan-
tinople est ainsi conçu dans les sommes la-
tines :
« Constantinopolitanaecivitatis episcopum
« habere oportet primatûs honorera post
« Romanum episcopum , propter quôd sit
« nova Roma. »
Mais le a* canon du concile de Rome,
en 496 y porte :
« Est ergo prima Pétri apostoli sedes Ro-
« mana ecclesia, non habens maculam ne-
«que rugara, nec aliquid hujiismodi. Se-
«tcunda autem sedes apud Alexandnam
« beati Pétri nomine a Marco ejus discipulo
««t evangelista consecrata; ipseque a Petro
« apostolo in JEgyptum difectus, •
Épiscopat de Synésios.
Le patriarche Théophile pour-
voit A DIVERS SIEGES EN LiRYE. — -
Dans un concile assemblé en 394 à
Constantinople, à l'occasion de la dédi-
cace d'une éslise, et (]ui eut à opter en-
tre deux éveques qui se disputaient le
siège de Bostra en Arabie, on vit figu-
rer, avec le patriarche Théophile d'A-
lexandrie, Probatius, évéque de Béré-
nice.
C'était alors l'usage que les métro-
politains promulgassent chaque année,
après l'Epiphanie, des lettres paschales,
où ils faisaient connaître le jour où
devait commencer le carême, et les
fêtes ndobiles dépendantes delà Pâque.
Saint Jérôme nous a conservé trois
des lettres paschales émanées du pa-
triarche Théophile, pour les années
401, 402 et 404 ; à la fin de la seconde
se trouve l'indication de quelques nou-
veaux évéques de Libye, dont il an-
nonce l'avènement afin de les accrédi-
ter auprès de leurs frères, pour qu'on
leur écrivît et qu'on reçût leurs lettres
suivant la coutume de l'Église. « il
« faut que vous sachiez qu'en rempla-
« cernent des saints éveques qui se
« sont endormis dans le Seigneur, on
« a ordonné, a Lemniade, Naséas à la
« place de Héron ; à Érythron, Paul à
« la place de Sabbatius. »
C'est ce même Théophile qui , en
l'année 410, ordonna Synésios évéque
de Ptolémaïs , malgré la répugnance
expresse et motivée du nouveau pré-
lat, que l'amour de la famille et des
études philosophi€[ues retenait dans la
vie séculière , mais qui fut obligé de
sacrifier ses goûts aux instances de
ses amis, et qui, après s'être préparé
à ses fonctions sacerdotales par une
retraite de sept mois, vint en 411
prendre possession de son siège , et
exercer tes pouvoirs métropolitains
qui y étaient attachés à Tégard des
autres sièges de la Pentapole, en même
temps que la confiance de Théophile
l'investissait des pouvoirs spéciaux ex-
clusivement réservés au patriarche
d'Alexandrie. Synésios , de son côté ,
professait pour Théophile ia d^é«
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIErsNË.
m
rence et la soumission ta plus entière.
TOLBRÀNGE DE SYNÉSIOS. — En
arrivant à Ptolémaïs, il y trouva ré-
fugié et rentré dans la vie privée le
noble cyrénéen Alexandre, qui s'était
engagé très-jeune dans les observan-
ces monastiques, avait ensuite été élevé
au diaconat, puis à la prêtrise , et s*é-
tant rendu à Gonstantinople , y avait
fait la connaissance de saint Jean
Chrvsostdme , oui Tavait promu à
Tépiscopat en lui assignant la ville
de Basilinopolis en Bitnynie; quand
avaient éclaté les querelles de Chry-
sostome et de Théophile , où la dissi-
dence religieuse des origéniens et des
anthropomorphites couvrait des haines
personnelles, Alexandre était resté at-
taché au parti de son bienfaiteur; mais
maintenant Chrysostome était mort
depuis quatre ans , il y en avait trois
que la réconciliation avait été conve-
nue, et Théophile avait lui-même écrit
au patriarche Atticus de Gonstantino-
ple , en faveur des anciens partisans
de Chrysostome. Synésios, encore
nouveau dans le sacerdoce , était fort
embarrassé sur la conduite à tenir en-
vers Alexandre ; il prit un terme
moyen , dont il rendait compte à Théo-
phile en ces termes: «Voyant des
«vieillards qui, dans la crainte de
« blesser quelque règle canonique , le
« traitaient durement, et sans pouvoir
« articuler rien de précis contre lui ,
« refusaient de le recevoir sous leur
« toit, je n'ai voulu ni les reprendre ,
« ni les imiter. Savez-vous, mon véné-
« rable père, ce que j'ai fait ? Je ne l'ai
« point reçu à l'église, ni à la commu-
« nion de la sainte table ; mais je l'ai
« accueilli chez moi comme un homme
« sans reproche , lut faisant honneur
« suivant mon habitude à l'égard de
« mes concitoyens, sans crainte de dé-
« roger en cela à la dignité de mon
« siège. »
SyN BSIOS BEMPLIT DIVERSES MIS-
SIONS PÀTRIÂBGHALES. — Sur l'or-
dre de Théophile, Synésios se rendit
à Hydrax et Palébisca, pour y insti-
tuer un évêque en remplacement de
$idérios, jadis établi en ce lieu par
pbilon de Cyrène , oncle de l'évêque
du même nom qui occupait acitieUe-*
ment le même siège. Mais la popu-'
lation de ces bourgades, qui aepuis
la translation de Sidérios à Ptolé-
maïs, du temps de saint Athanase,
était rentrée sous l'obédience de l'évê-
que d'Érythron , et s'était attachée à
Paul , que Théophile lui-même avait
en 40 i nommé à ce dernier siège, re-
fusa d'en recevoir un autre, et de-
manda avec instance à Synésios de
suspendre l'exécution de sa commis-
sion jusqu'à <ïe que le patriarche eût
entendu la réclamation qu'on lui adres-
sait ; et il ne fut point donné de suc-
cesseur à Sidérios.
L'évêque de Ptolémaïs avait à ré-
gler en même temps un différend sur-
venu entre Paul a'Érythron et Dios-
core de Darnis , au sujet d'un tertre
situé dans la bourgade d'Hydrax , sut
la limite des deux évéchés, et dont
les deux prélats se disputaient la pos-
session, Dioscore revendiquant le lieu
comme ayant été de tout temps dépen-
dant de son église, Paul prétendant l'a-
voir acquis par la consécration qu'il y
avait faite d'une chapelle sur les ruines
d'une plus ancienne. Une enquête dé-
montra que cette consécration avait été
subreptice : Paul avait violé la clôture
d'une petite maison dont Dioscore avait
les clefs, et y avait fait porter une table
qu'il avait bénie; Synésios, présidant le
synode des évêques du voisinage qui
s étaient réunis à cette occasion, dé-
clara indigne le procédé d'employer
les cérémonies de la religion pour
usurper la propriété d'autrui ; Paul
reconnut ses torts , et Dioscore con-
sentit à lui céder, à des conditions fa-
vorables , l'immeuble objet du litige.
Synésios présida à l'élection d'un
nouveau pasteur pour l'évêché d'Ol-
bia, devenu vacant par la mort d'Atha-
mas, qui Tavait rempli jusqu'à un âge
très-avancé. Les suffrages se portèrent
sur Antoine , compagnon d'études de
deux évêques présents à l'assemblée,
et qui avait même reçu de l'un d'eux
l'ordre de prêtrise ; Tevêque de Ptolé-
maïs se joignit à eux pour le nommer,
et sollicita en sa faveur l'homologatioa
patriarehale.
Digitized by
Google
152
L'UNIVERS.
DlÉFéBENCB DE SyNBSIOS ENVERS
LE PATRIARCHE POUR LES AFFAIRES
DE SON PROPRE DIOCÈSE. — Syné-
sios avait soin en outre de rendre
compte à Théophile des affaires de
son propre diocèse. Le prêtre Jason
ayant attaqué de paroles le prêtre
Lamponianus, celui-ci s'échappa en
voies de fait, et sur la plainte de
Jason fut exclu des assemblées ec-
clésiastiques : il témoigna un grand
repentir, et sa grâce fut demandée
par le peuple des fldèles; mais Tévéque
déclara que le pouvoir d'absoudre le
coupable était réservé au patriarche.
— Des ecclésiastiques s'intentaient mu-
tuellement des procès scandaleux de-
vant les gouverneurs militaires, à qui
ils procuraient ainsi un lucre illégi-
time; Synésios demandait à Théophile
d'ordonner qu'on ne suivît plus cette
marche à l'avenir, mais qu'on s'adres-
sât, en pareil cas, à la juridiction épis-
copale.. — Pes prêtres, quittant volon-
tairement leur église, venaient jouir,
' sans charges ni soucis, des honneurs
du sacerdoce là où la vie leur semblait
Ï»lus agréable; Synésios proposa de ne
es admettre qu'à la communion des
laïques, et de les laisser confondus dans
la toule des fidèles, afin que la priva-
tion des honneurs ecclésiastiques les
portât à retourner chez eux, et à gar-
der la résidence que leur ordmation
leur avait imposée.
Le pieux évêque craignit une nou-
velle invasion de l'arianisme dans la
Pentapole, au moyen des prédications
et des assemblées secrètes de ces sec-
taires, favorisés par un officier appelé
Quintianus , et protégés par l'autorité
militaire ; il écrivit à ce sujet aux prê-
tres de son diocèse, pour les inviter à
se tenir sur leurs gardes, a épier et à
démasquer ces suppôts du démon, et
à les chasser honteusement, recom-
mandant surtout d'agir en vue des
récompenses célestes, et non d'une
avidité sordide des richesses, anathé-
matisant d'avance ceux qui se laisse-
raient entraîner, à prix d'argent, à
fermer les yeux sur ces réunions cri-
minelles.
LÉGENDE PP LA GONYEBSlOIf DU
PHILOSOPHE ÉVAGRE PAR SVNÉSIOS.
—Un livre de la vie des Pères, oui pa-
raît avoir été composé à Rome dans le
septième siècle, et qui porte le titre de
Pré spirituel, contient une légende re-
lative à la conversion opérée par Sy*
nésios, d'un philosophe païen nommé
Évagre, son ancien compagnon d'étu-
des, qui résista longtemps opiniâtre-
ment à ses instructions et à se*s ins-
tances, mais qui se rendit enfin et se
laissa baptiser : il remit à Synésios
une somme d'or pour être distribuée
aux pauvres, en échange d'une pro-
messe écrite de Tévêque, que Dieu lui
tiendrait compte de cette charité dans
l'autre vie. A sa mort, Évagre recom-
manda à ses enfants de l'enterrer avec
cet écrit dans les mains , ce qui fut
exécuté. Trois jours après , il apparut
en songe à Synésios , l'invitant à ve-
nir reprendre dans son tombeau ce
même écrit revêtu de sa quittance, at-
tendu que la promesse qu'il contenait
se trouvait remplie; on alla rechercher
dans le sépulcre l'écrit de Synésios;
et l'on y trouva , fraîchement tracée
de la main d'Évagre, la quittance an-
noncée. L'auteur de ce récit en avait
recueilli les éléments à Alexandrie, de
la bouche de Léonce d'Apamée , qui
avait fait un long séjour à Cyrène,
dont il fut depuis évêque, et où il avait
vu de ses yeux la pièce même dont
nous venons de parler, soigneusement
conservée dans le trésor de la cathé-
drale.
Nous avons déjà rapporté ailleurs
les démêlés de Synésios avec le gou-
verneur Andronic, et l'excommunica-
tion dont il le frappa. Le noble évêque
occupait encore, en 417 , le siège de
Ptolémaïs; mais, à partir de cette
date , l'histoire ne nous fournit plus
à son égard aucune trace.
Lutte de l'Église d'Alexandrie con-
tre le nesforianisme,
HÉRÉSIE DE Nestorius. — L'a-
nimosité qui avait autrefois divisé
Théophile et saint Jean Chrysostome
se reproduisit entre leurs succes-
seurs, saint Cyrille, patriarche d'A-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENPŒ.
158
lexandrie, et Tîestorius, patriarche de
Constantinople. En expliquant le dog-
me de Tincarnation divine, Nestorius
avait poussé trop loin la distinction
des deux natures de Jésus-Christ , à
ce point qu'il refusait à la Vierge le
titre sacramentel de mère de Dieu ; ses
écrits s'étaient répandus jusque dans
les couvents d'Egypte , et saint Cyrille
écrivit à son tour pour les réfuter, en
en référant en même temps à Rome,
au pape saint Célestin , qui écrivit de
son coté , et envoya ses lettres à saint
Cyrille pour les faire parvenir à Nes-
torius, à qui elles furent portées par
quatre évêques du diocèse d'Egypte ,
entre autres Daniel de Darnis. Les
partisans de Nestorius, André de Sa-
mosate et Théodoret de Cyros, répon-
dirent aux mémoires de saint Cyrille;
ce fut Évoptios, frère et successeur de
Synésios à Tévéché de Ptolémaîs, qui
envoya plus tard de Constantinople à
son métropolitain la critique incisive
de Théodoret. L'empereur Théodose
le jeune, sollicité de convoquer un
concile général pour mettre fin à ces
discussions , désigna Éphèse pour lieu
de réunion, et chargea Candidianus,
comte des domestiques, c'est-à-dire
capitaine de ses gardes, de pourvoir
à !a sûreté du concile.
Concile d'Éphèse qui con-
damne Nestobius. — Nestorius et
Cyrille se rendirent chacun de leur
coté à Éphèse , où Je patriarche d'A-
lexandrie amenait cinquante de ses
suffragants, parmi lesquels nous de-
vons signaler Evoptios de Ptolémaîs,
Zenon de Teuchira , Zénobios de
Barkè, Publius d'Olbia, Samuel de
Dysthis, et Daniel de Darnis. Avant
d'attendre l'arrivée du patriarche
d'Antioche avec son cierge, et mal-
gré les protestations tant dé Nestorius
que du comte Candidianus, le véhément
Cyrille voulut commencer les opéra-
tions, et ayant fait sommer inutile-
ment Nestorius de comparaître, on
procéda à une enquête : Daniel de
Darnis déclara qu'il avait, avec ses
collègues, remis publiquement à Nes-
torius, un dimanche, dans sa cathé-
drale, les lettres de saint Cyrille et
de saint Célestin. « Il nous dît, »
ajouta Daniel , « de revenir le lende-
main le trouver en particulier; mais
quand nous y allâmes, il nous ferma
les portes et ne daigna pas nous répon-
dre. > La destitution de Nestorius fut
prononcée séance tenante, le 22 juin
431. Mais le comte Candidianus fît
publier dès le lendemain un édit de
protestation contre tout ce qui s'était
fait, avec ordre d'attendre, pour ou-
vrir le concile, l'arrivée des évêques
du patriarchat d' A ntioche. Ceux-ci
étant entrés à Éphèse cinq jours après,
se réunirent de leur côté avec Nesto-
rius et les autres évêques qui avaient
déféré aux avertissements du comte
Candidianus, et ils prononcèrent à leur
tour la déposition de Cyrille d'Alexan-
drie et de Memnon d'Éphèse. Chaque
parti prétendit être le véritable con-
cile, et écrivit en conséquence à la
cour de Constantinople; saint Cyrille
y envoya même Daniel de Darnis avec
ueux autres évêques pour y soutenir
sa cause. L'empereur, admettant les
dépositions prononcées de part et d'au-
tre comme valables, envoya le comte
Jean arrêter Nestorius,' Cyrille et
Memnon , et tenter la réconciliation
de leurs adhérents; et Jean n'ayant pu
y réussir, Théodose ordonna que cha-
que parti lui envoyât ses députés pour
exposer les prétentions respectives sur
lesquelles il avait à statuer : Evoptios
de Ptolémaîs fut Tun des huit ora-
teurs désignés en conséquence de cet
ordre par le parti de saint Cyrille.
Théodoret de Cyros, l'un des huit en-
voyés du parti contraire, manda bien-
tôt aux siens que leurs adversaires
avaient gagné h prix d'argent l'entou-
rage de l'empereur, et qu'il ne fallait
point espérer gain de cause. En effet,
le concile fut dissous , Cyrille renvoyé
à Alexandrie, Memnon maintenu à
Éphèse, et Nestorius exilé et rem-
placé.
Pacification de l'Église en
Orient. — Le schisme fut loin de ces-
ser ; Jean d'Antioche, dans un synode
tenu à Tarse au mois de novembre 431,
refusa de reconnaître le successeur de
Nestorius et anatbématisa de nouveau
Digitized by VjOOQIC
164
LtnWVEHS.
iaint Cyrille avec les évéques déf)uté8
par lui vers l'empereur, et parmi les-
quels était £vo|îtios de Ptolémaïs ; et
retourné à Antioche , Jean y tint en-
core un synode où furent confirmées
ces résolutions; de leur côté, ceux
qui se proclamaient exclusivement ca-
tholiques, profitant de la faveur im-
périale , désignaient de nouveaux évé-
ques à la place des Nestorjens qu'ils
chassaient de leurs sièges. Théodose
jsentit le besoin d'arrêter ces désordres;
il s'entremit de la paix entre les deux
patriarches d'Alexandrie et d' Antio-
che , et leur réconciliation fut enfin
obtenue après un an entier de négo-
ciations. Nestorius fut relégué en 436
dans la grande oasis.
II semble que des ordinations irré-
gulières s'étaient faites dans les pro-
vinces libyennes, puisque nous avons
une lettre de saint Cyrille provoquée
Ear les plaintes des abbés de la Thé-
aïde à ce sujet , et adressée aux évô-
Î[uesdelaLibyeetdelaPentapole,pour
eur enjoindre de s'informer exacte-
ment de la vie des ordinands, s'ils
étaient mariés on non et depuis quand,
s'ils avaient été chassés par quelque
évéque, ou de quelque monastère, afin
de n'ordonner que des personnes li-
bres et sans reproche.
Établissement de l'hérésie (TEU"
tychès.
L'hébêsie d'Eutychès, triom-
phante A ÉPHÈSE, EST CONDAMNÉE
PA» LE CONCILE DE CALCÉDOINE. —
D'une opposition outrée au nestoria-
nisme était née l'erreur de l'archi-
mandrite Eutychès, qui ne faisait point
une distinction suffisante des deux na-
tures de Jésus-Christ ; elle fut inci-
demment déférée en 448 à un concile
assemblé à Constantinople , et ana-
thématisée ; Eutychès en appela à un
nouveau concile , gui, fut en consé-
auence convoqué à Éphèse au mois
d'août 449 , et présidé par Dioscore,
successeur de samt Cyrille au patriar-
cbat d'Alexandrie; il avait près de lui
plusieurs de ses suf&agants, entre les-
quels nous devons nommer ici Zosipiie
de Sozysa, Rufîis de Cyrène et Tbéd^
dore de Barkè, pour la Pentapole ; Lu-
cius de Zygris et Philocalos de Zagylis
Dour la Libye inférieure : Eutychès y
tut absous, et ses accusateurs condam-
nés. Les procès- verbaux du concile
témoignent d'une grande régularité de
procédure, mais les historiens ecclé-
siastiquies rapportent, surtout de la
Î)art ae Dioscore , des scènes de vio-
ence et des voies de fait à peine croya-
bles , qui ont valu aux actes de cette
assemblée d'être flétris, par les ca-
tholiques, du nom de brigandage d'É-
phèse.
Un nouveau concile général fut de-
mandé; l'empereur Marcien, succes-
seur de Théodose le jeune, le réunit en
octobre 451 à Calcédoine; il s'y trouva
trois cent soixante évéques, parmi les-
quels nous remarquons, à la suite
du patriarche Dioscore d'Alexandrie,
Théophile d'Érythron. La sentence
prononcée à Éphèse fut annulée , et
Dioscore anathématisé avec Eutychès;
on voulut ensuite faire violence aux
treize suffraisjanls de Dioscore pré-
sents au concile,pour souscrire la nou-
velle profession de foi; mais sur leur
déclaration opiniâtre qu'ils ne pou-
vaient canoniquement rien faire de
leur chef et sans autorisation de leur
patriarche , on les ajourna jusqu'à ce
qu'un successeur eût été nommé à
Dioscore. Cependant le concile de Cal-
cédoine ne fut pas reçu paisiblement
en Orient , et il fallut* plusieurs édits
impériaux pour en ordonner l'exécu-
tion ; il y eut schisme dans le patriar-
chat d'Alexandrie, les uns persistant à
tenir pour Dioscore, les autres lui
ayant donné pour successeur l'archi-
prêtre Protérius.
Schisme sanglant dans le pa-
TBIABGHAT D'ALEXANDBIE.— DioS-
core mourut en 454 à Gangres en
Paphlagonie, où il avait été relé-
gué; mais les eutychiens, maintenus
dans le devoir tant que vécut l'empe-
reur Marcien, profitèrent de son décès
pour se relever en Egypte , et promu-
rent au patriarchat le moine Timo-
thée Élure (AÎXoupoç, chcU)^ qui fut
violemment introni§4 le 39 mars 4^,
Digitized by VjOOQIC
ÀPRIQÛE
par te meUrtte de Protérius , dont -le
cadavre fut traîné dans les rues d'A-
lexandrie. Quatorze évoques de son
diocèse, entre lesquels on voit figurer
Maxinrje de Zagylis , fuyant les persé-
cuiions du patriarche intrus , se sau-
vèrent à Constantinople, où ils remi-
rent à l'empereur une supplique afin
d'obtenir l'expulsion de Timothée
Élure et la liberté d'élire régulière-
ment un successeur à Protérius. Un
synode assemblé aussitôt dans la ville
impériale déclara nulle la nomination
de Timothée, et un grand nombre de
synodes provinciaux tenus sur l'ordre
de l'empereur firent la même déclara-
tion. Pendant que cette affaire se pour-
suivait, le patriarche Gennadios de
Constantinople ayant tenu un concile
contre la simonie , les évéques éçyç-
tiens présents sur les lieux y assistè-
rent , et nous devons nommer parmi
eux Pierre de Dvsthis dans la Penta-
pole , Apollon d'Antiphra et Maxime
de Zagylis en Marmarique.
Timothée Salofaciole fut élu patriar-
che d'Alexandrie par les catholiques,
et Timothée Élure relégué dans la
Chersonèse; mais il revint à Alexan-
drie en 475, à la faveur de l'usurpa-
tion du tyran Basilisque, et força son
compétiteur à se retirer à Canope.
Quand Zenon eut repouvré l'empire,
en 477, il voulut expulser de nouveau
le patriarche intrus ; mais celui-ci
s'empoisonna. Ses adhérents lui don-
nèrent alors pour successeur l'archi-
diacre Pierre MongeCMoYYoç, bègue)^
qui fut sacré pendant la nuit par un
seul évéque; Zenon ordonna l'expulsion
de Pierre et le rétablissement de Sa-
lofaciole; mais le premier se cacha
dans Alexandrie, et le second étant
mort en 482, on lui donna pour suc-
cesseur Jean Talaïa, que sa liaison
avec le rebelle Illus, maître des offices,
fit repousser par l'empereur.
HÉNOTIQUE DE ZENON. — ZénOU
donna alors son approbation à l'in-
tronisation de Pierre Monge , et en-
voya au préfet et au duc d'Egypte des
ordres à ce sujet, en même temps
qu'un édit d'union, bien connu sous
le nom d'Hénotique (ivowixèv^ t^ni/t/),
ANCIENNE.
iU
adressé aux évéques et aux fidèles d'A-
lexandrie, de l'Egypte, de la Libye et
de la Pentapole , et pointant en sub-
stance que pour obtenir l'unité de
l'Eglise, si vivement désirée par les
gens de bien , il convenait de se rallier
exclusivement au symbole de Nicée,
complété à Constantinople, et suivi
{)ar les Pères du concile d'Éphèse, avec
es douze articles publiés par saint
Cyrille contre Nestorius; anathémati-
snnt toute profession contraire qui ait
pu ou qui pourrait se produire , jadis
ou aujourd hui , à Calcédoine ou ail-
leurs. Pierre reçut l'Henotique, le fit
recevoir par les catholiques, et écrivit
à ce sujet des épttres synodales tant
au pape Simplicms qu'au patriarche
de Constantinople ; mais l'évéque Jean
de Zagylis et les archimandrites des
monastères de la basse Egypte s'insur-
gèrent ouvertement , et envahissant
séditieusement sa cathédrale, le forcè-
rent à anathématiser le concile de Cal-
cédoine et les lettres du pape Léon
contre Eutychès. Le corps de Timo-
thée Salofaciole fut déterré et jeté à
la voirie. Depuis lors le siège d'A-
lexandrie fut occupé par une suite de
patriarches eutychiens, qui générale-
ment recevaient l'Henotique de Zenon
et rejetaient en même temps le concile
de Calcédoine ; et l'on ne peut guère
douter que les évéques de leur obé-
dience ne suivissent aussi les mômes
doctrines.
Concile gbnébàl de Constanti-
nople.— L'empereur Justinien eut à
son tour la prétention d'opérer la réu-
nion des diverses églises de la chrétienté
au moyen d'une confession de foi qui sa-
tisfît a toutes les exigences légitimes,
et il rendit à ce sujet en 546 un édit,
où est formulée l'acceptation des qua-
tre conciles généraux de Nicée, de
Constantinople, d'Éphèse et de Calcé-
doine, tout en rejetant certains écrits
de Théodore de Mopsueste, deThéo-
doret de Cyros, et d'Ibas d'Édesse, dé-
signés en commun sous le titre vul-
gaire des trois chapitres, et que le
concile de Calcédoine avait admis; es-
pérant ainsi lever le plus grand obsta-
cle à la réceptiop dir d^rpier coneile
Digitized by VjOOQIC
156
L'UNIVERS.
par les Eulychiens. Mais il éprouva des
résistances auxquelles il ne s'était pas
attendu, et après les plus déplorables
scandales, la décision de la question
fut enfin déférée à un nouveau concile
écuménique : cent cinquante et un évo-
ques rassemblés à Constantinople par
ordre de l'empereur, au mois de mai
653, condamnèrent les trois chapitres.
Avec le patriarche Apollinaire d'A-
lexandrie souscrivirent George de Pto-
lémaïs dans la Pentapole,Émilien, évê-
que d'Antipyrgos dans la Libye infé-
rieure , et jusqu'à Théodore, évêque
d'Augila dans le désert.
Mais le schisme de l'église d'Alexan-
drie était consommé ; les Eutychiens
ou monophysites, qu'on appela désor-
mais Jacobites à cause de Jacc|ues
d'Édesse leur chef le plus actif, ou
cophtes à raison de leur nationalité
spécialement égyptienne, restèrent sé-
parés des catholiqueSfdont la masse se
composait des habitants grecs de l'E-
gypte et des deux Libyes, et qui recu-
rent plus tard, soit des Juifs, soit des
Arabes , la dénomination de melkites
ou royaux , parce quils suivaient la
religion de la cour de Constantinople.
Debnibbs évéques libyens ;
CONQUÊTE MUSULMANE. — Le pa-
triarchat de saint Euloge d'Alexan-
drie, intronisé par les catholiques sur
ce siège en 580, et qui y mourut
en 607, a uo droit particulier à notre
attention, en ce que ce prélat, dis-
tingué par ses écrits contre les di-
vers hérétiques de son diocèse, et par
Tamitié du pape saint Grégoire le
Grand, avait pour syncelle ou coad-
juteur Théodore, évéque de Darnis en
• Marmarique, dont le surnom de Skri-
boon n'est peut-être qu'une trans-
cription grecque du titre de scribe ou
secrétaire, et dénoterait de sa part un
concours actif aux écrits polémiques
de son métropolitain. Lui-même mon-
ta, après Euloge» sur le siège patriar*
chai et l'occupa deux ans, jusqu'à ce
qu'il périt en 609, de la main de ses
ennemis , à l'époque où l'Afrique et
l'Orient s'insurgeaient contre Phocas
ë>ur donner la couronne impériale à
éraclius. Dans le même temps sié-
geait aussi à Cyrène l'évêque Léon-
tius, qui avait naguère raconté à Jean
Moschus, l'auteur du Pré spirituel, la
légende de la conversion du philoso-
phe Évagre par Synésios dePtolémaîs.
Au moment de l'invasion de l'E-
gypte par les Musulmans, les Jacobi-
tes obtinrent la protection du vain-
queur, et furent même mis en posses-
sion des églises des melkites, suspects
aux conauérants comme liés de croyan-
ce avec l'empereur, leur ennemi poli-
tique; aussi le patriarche melkite
Pierre, ne trouvant plus la place te-
nable, se retira à Constantinople , et
Alexandrie n'eut pendant longtemps
que des patriarches jacobites. Quant à
la Libye et à la Pentapole, il ne reste
aucune trace de la dernière agonie du
culte chrétien dans les églises qu'il y
avait fondées : il ne s'est trouvé au-
cune voix pour déplorer assez haut ,
au milieu du naufrage, la disparition
des évêques, des prêtres, des fidèles
que le débordement musulman en-
gloutissait.
« Etiàm periôre ruinae. »
Tableau des évéchés des deux H-
byes,
A cette esquisse imparfaite des vi-
cissitudes du christianisme dans l'an-
cienne Cyrénaïque , il nous reste à
joindre, comme un complément néces-
saire, le tableau succinct des évéchés
qui y étaient compris, et la liste des
prélats dont l'histoire a enregistré les
noms.
lo LIBYE SUPERIEURE, PENTA-
POLE, OU cyrénaïque.
1 . Ptolémâis , métropole,
Basilides , évêque des paroisses de
la Pentapole, à qui le patriarche saint
Denis d'Alexandrie adressa, vers 260,
une de ses lettres canoniques.
Théodore, métropolitain de la Pen-
tapole, martyr dans la persécution de
Licinius vers 319.
Secundus, évêque de la Pentapole,
fauteur d'Arius , excommunié en 321
par le synode d'Alexandrie, et en 325
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
par le concile de Nicée; réhabilité en
335 par le concile de T3^r, condamné
de nouveau en 340, et rétabli en 356.
Etienne, évé(jue de Ptolémaïs de Li-
bye, arien, présent au concile de Sé-
leucie en 359.
Sidérios, ordonné d'abord évêque
d'Hydrax et Palébisca, puis transféré
à Ptolémaïs vers 370.
Syné^ios, évêque de Ptolémaïs en
410, siégeait encore en 417.
Évoptios, frère de Synésios, présent
au concile d'Éphèse en 431.
Georges, présent au concile de Cons-
tantinople en 553. /
2. BÉRÉNTGE.
Ammonius, à qui le patriarche saint
Denis d'Alexandrie adressa une lettre
contre le sabellianisme, vers 260.
Datbès, arien, présent au concile de
Nicée en 325.
Probatius , présent 'au concile de
Constantinople en 394.
3. Cybène.
Théodore, martyr dans la persécu-
tion de Dioclétien'^en 302.
Philon l'Ancien, qui ordonna Sidé-
rios évêque d'Hydrax et Palébisca
avant 370.
Philon le Neveu, qui siégeait en
410.
Rufus, présent au brigandage d'E-
phèse en 449.
Léonce, contemporain de Jean Mos«
chus, auteur du Pré spiriftiel, vers
600.
4. Bàrkè.
Zéphyrios (ou Zopiros), arien, pré-
sent au concile de Nicée en 325.
Zénobios, présent au concile d'É-
phèse en 431.
Théodore, présent au brigandage
d'Ephèse en 449.
5. Teughibà.
Secundus, arien, présent au concile
de Nicée en 325.
Zenon, présent au concile d'Éphèse
en 431.
6. BOBTON.
Sentianus, arien, présent au concile
de Nicée en 325.
167
7. SOZOUSÀ.
Héliodore, présent au concile de Sé-
leucie en 359.
Zosime (pu Sosias), présent au bri-
gandage d'Éphèse en 449.
8. Erythron..
Orion, vieux à l'époque de l'ordina-
tion de Sidérios, avant 370.
Sabbatios, cité comme mort, dans la
lettre paschale du patriarche Théo-
phile pour 402.
Paul , nommé en 401, en différend
avec révéque de Darnis en 411.
Théophile, présent au concile de
Calcédoine en 451.
9. Hydrax et Palébisca.
Sidérios, transféré à Ptolémaïs, par
saint Athanase, vers 370.
10. Lemniade.
Héron, cité comme mort récem-
ment, dans la lettre paschale du pa-
triarche Théophile pour 402.
Naséas, cité comme nouvellement
promu, dans la même lettre.
II.Olbia.
Athamas, mort à un âge très-avan-
cé, vers 410.
Antoine, élu en présence de Syné-
sios vers 411.
Publius, présent au concile d'É-
phèse en 431.
12. Dysthis.
Samuel , présent au concile d'É-
phèse en 431.
Pierre, présent au concile de Cons-
tantinople en 459.
2*^ LIBYE INFÉRIEURE, SECONDE
LIBYE, OU JIIARMARIQUE.
1. Dabnis , métropole.
Théonas , évêque de Marmarique ,
fauteur d'Arius, condamné au synode
d'Alexandrie en 321 et au concile de
Nicée en 325.
Pison, évêque de Darnis, présent au
concile de Sardique en 347.
Poilux ou Polydeuces, évêque de la
Digitized by
Google
156
L'UNIVERS.
seconde D'bye, présent au concile de
Séieucie en 859.
Dioscore, évéaue de Darnis, en dif-
férend avec Paul d'Erythron en 411.
Daniel, présent au condle d'Éphèse
en 431.
Théodore Scrrbon,syncelIe ou coad-
juteur du patriarche saint Euloge, et
son successeur en 607.
a. PABBTONIOlf.
Titus, présent au concile de Nicée
en 325.
Siras, arien, présent au concile de
Séieucie en 359.
Caîus, présent au concile d'Alexan-
drie en 362.
8. Antiphrâ.
Sérapion, présent au concile de Ni-
cée en 325.
Menas, présent au concile d'Alexan-
drie en 362.
Apollon, présent au concile deCkMi»-
tantinople en 459.
4. Ztgbis.
. Marc, présent au concile d'Alexan-
drie en 362.
Lucius, présent au brigandage d'É-
phèse en 449.
5. Zagtlis.
Philocalos, présent au brigandage
d'Éphèse en 449.
Maxime, présent au concile deCons-
tantinople en 459.
Jean, qui força en 482 le patriarche
. Pierre Monçe à anathématiser le con-
cile de Calcédoine.
6. Antipybgos.
Emilianus, présent au concile de
Çonstantinople en 553.
7. AUGILA.
Théodore, présent au second con-
cile général de Çonstantinople en 553.
FIN DU, LA PBEMTÈBE PABTIB DB L'AFBTQUE ANCIENNE.
Digitized by VjOOQIC
^VffîKQiWS i^SfOaSTXTB.
SECONDE PARTIE.
LA RÉGION D'AFRIQUE,
OOMPRBNAMT
L'AFRIQUE PROPRE, LA NUMIDIE
ET LES MAURITANIES.
DESCRIPTION GÉNÉRALE.
I. 0BOGHÀPHIE PHYSIQUB.
Étendue et limites,
BOBNBS GÉNÉRALES. — AinSJ qUC
nous l'avons dit au début de ce livre ,
le nom d'Afriqqe fut d'abord restreint
à la colonie phénicienne concentrée
sur remplacement de Carthage; puis il
s*étendit avec elle dans les environs, et
gagnant de proche en proche, il désigna
successivement une petite province ,
puis une province plus grande , puis
toutes les possessions puniques dans
leur plus grand développement , puis
enfm tout Te continent ou elles étaient
assises.
De cette diversité d'étendue terri-
toriale que représente tour à tour la
dénomination d'Afrique , il résulte un
certain embarras dans l'emploi que
nous en voulons faire ici. Dans son
acception la plus large au point de vue
de 1 antiquité classique, elle désigne
le sujet de tout ce volume ; dans son
acception étroite , au contraire , elle
reste attachée au domaine politique de
Carthage, auquel est consacrée une
section importante dans la suite de ce
trarail. Pour le présent, il nous faut
cette acception intermédiaire, où il
ne s'agit ni de toute l'Afrique connue
des anciens, ni de la seule Afrique
propre distincte de la Numidie et des
MauritanieSy mais bien de la vaste
région à laquelle ce même nom d'A-
frique était donné par opposition à
celui de Libye, c'est-à-dire de l'en-
semble des contrées se succédant d'est
en ouest depuis les Autels des Philènes
jusqu'à l'extrême occident , et sur les-
quelles l'évêque de Carthage étendait
son bâton pastoral à titre de primat.
Limites a l'est ht au nobd. —
Cette région avait pour limite orientale
la Libye propre, et le désert ultérieur
jusqu'à l'Ethiopie au-dessus de l'Egypte.
Au nord , elle étendait sur la Médi-
terranée de lon^s rivages onduleux,
où le cap des Trières (TptTipôv) et celui
qu'on appelait les Têtes (xÊ^oXal) suc-
cédaient ensemble à l'enfoncement de
la grande Svrte, tandis qu'un peu plus
loin celui de Zitha et celui qui tirait
son nom des bas-fonds adjacents (*),
(*) BpaxcoSY); déxpa chez les Grecs, Caput
*vada chez les Romains.
, (|aof Bonine portm
Digitized by VjOOQIC
160
L'UNIVERS.
enfermaient la petite Syrte; le cap
d'Hermès ou de Mercure projetait
ensuite sa longue saillie au nord, pour
enceindre d'un côté le golfe de Car-
tilage, que bornaient à la fois^ de l'au-
tre côté, le Beau promontoire (*) et
celui d'Apollon, jumeaux mais dis-
tincts l'un de l'autre. Puis les golfes
des deux Hippones , séparés entre eux
par le cap Blanc {candidum promon-
torlum), étaient suivis de la Pointe
du Cheval (ïincou dtxpa); plus loin le cap
Trèton (xpriTàv , percé) divisait le golfe
Olcâchites du golfe Numidique « lequel
se prolongeait vers l'ouest jusqu'au
promontoire Audon ; puis les dente-
lures de la côte s'amoindrissant , les
géographes grecs et latins eurent peu
de souci de constater la nomenclature
de ces rentrées et de ces saillies si
petites et si nombreuses , jusqu'à un
autre promontoire d'Apollon , voisin
de Cartenna. Ils nous ont pourtant
conservé à leur insu , en transcrivant
Quelques noms puniques significatifs,
1 indication de plusieurs de ces petits
caps intermédiaires, tels que Rousa-
zous , Rousoubbeser, Rousouccoron ,
Rousibbicar, Rousgonion , où la syl-
labe initiale rous n'est autre que la
forme punique du mot que les Arabes
prononcent râs, et qui nous est main-
tenant si familier. Plus loin dans
l'ouest s'arrondissait le golfe Laturus.
Le Grand promontoire ({AéyaàxpoynQpiov),
et ceux qui portaient les noms de Mé-
tagonite , Sestiaria et Oléastron , enfin
ce AlternA pro parle Caput dizére vadorum
« Autiqui naulae. »
CoRiprs, Johannîdc, I, 368.
Les modernes en ont fait Capoudia, et
même la Capoule»
{*) KaXôv àxpwTifipiov de Polybe, Pul-
chri promontorium de Tite-Live ; les criti-
ques qui le confondent avec le cap d'Her-
mès, comme Heyne et Heeren, ou avec le
cap d'Apollon, comme Maunert, ne tien-
nent pas assez de compte , dans le premier
cas, de la situation relative à Tégard de
Carthage, et dans le second cas , de la dis-
tinction entre le râs Sydy 'Aly-el-Mekky
(KaXôv àxpoyriQpiov) à lest de Porlo-Farina ,
et le râs Zebyb (AiréXXwvo; âxpov) au nord-
ouest de la même ville.
la pointe de Phébus , s'échelonnaient
ensuite jusqu'au détroit des Colonnes,
à la sortie duauel se projetait le cap
Côtés , où la ligne des rivages , jus-
que-là dirigée d'est en ouest, tournait
brusquement au sud pour tracer, dans
cette direction nouvelle, les limites
occidentales de la région d'Afrique.
Limites a l'ouest et ad sud.
— Le cap Côtés ou Cota, que les Grecs
noinmaient Ampelousia , était placé
justement à égale distance des Syrtes
et du terme des connaissances ancien-
nes sur le littoral africain baigné par
l'océan Atlantique. En suivant du nord
au sud l'ondulation des rivages , on
trouvait d'abord le golfe des Comptoirs
puniques ( êfinopixèç koXtco; ) portant
également le nom de Côtés et celui de
Saguti, puis la saillie du petit Atlas
("AiXa; IXdtrrwv) appelée aussicap d'Her-
mès (*), et successivement celles de la
montagne du Soleil , du cap d'Hercule,
du cap Oussadion , du Grand' Atlas
("AyXaç fieiCtov) ; la pointe Gannaria, la
pointe Soloentia , le cap Arsinarion ou
Surrentium (**),extrétîiité la plus occi-
dentale de l'Afrique alors connue ; le
cap Ryssadion , le cap Catharon , et
enfin la Corne du couchant CETTcépou
xépaç) , après laquelle s'enfonçait dans
les terres le golfe Hespérique I terminé
lui-même plus loin par la Corne du
sud (NoTou xepotç).
La limite méridionale de cette vaste
région demeurait indéterminée; les
connaissances positives s'arrêtaient à
la chaîne de TAtlas , dont on savait
déjà que le nom indigène était Dy-
rin (***) ; au delà , sauf l'itinéraire de
(♦) •Epfxaia ôxpa ; c'est là que les Ro-
mains eurent plus tard leur poste le plus
avancé, sous le nom à^Exploratio ad Mer-
curîos,
(**) Ce promontoire, ainsi appelé par .
Polybe, élail terminé par le mont Barce,
nommé Brace et Praxe par l'anonyme Ra-
vennate.
(***) Nous avons à cet égard l'affirmation
expresse de Slrabon, de Pline, de Solin,
de Martianus (lapella , qui écrivent tour à
tour Aupiv, Dyrin , Dirin , Addirin ; c'est
le même nom que les Arabes écrivent , p
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCtEîîNE.
m
quelques rares expéditions militaires,
on n'avait que de vagues indications
recueillies sur des oui-dire sans ga-
rantie.
Montagnes.
Insuffisance et DÉFiCTUOSiTés
DE LÀ NOMENGLATUBE DE PtOLÉMÉE.
— Cette chaîne de l'Atlas, qu'Héro-
dote regardait comme un faîte sablon-
neux courant depuis Thèbes d'E-
gypte jusqu'aux Colonnes d'Hercule et
même au delà, mais dont Strabon
connaissait bien à la fois la nature
montagneuse et la continuité depuis
les Syrtes jusqu'à l'Océan , Ptolémée
n'en donne qu'une description mor-
celée , ou pfutôt une nomenclature
multiple sans enchaînement certain.
Cependant , l'ordre successif et les
rapports de position de toutes ces
montagnes diverses, peuvent permet-
tre d'en deviner la liaison mutuelle,
en s'aidant des indications orogra-
phiques (souvent bien aventureuses il
est vrai) de nos cartes modernes. Ce
n'est ici le lieu ni l'occasion d'ex|)oser
les lois et de justifier les procédés de
redressement de la carte de Ptolémée,
dans le but de retrouver la place réelle
des éléments topographiques qu'il y
a si singulièrement éparpillés : qu'il
nous sumse de faire remarquer d'une
manière générale que la corrélation
nécessaire des rivages et des cours
d'eau avec les reliefs des terrains qui
déterminent les versants , nous four*
nit un heureux secours pour le dé-
brouillement de ce chaos : on peut bien
appeler chaos , en effet , le tracé fan-
tastique où des savants recommanda-
blés, tels que d'Anviile, Rennell et
Leake (*), ont pu se croire autori-
Deren, et avec l'article El-Deren (qui se
prononce Eddercn) : le mot berber Idrâren
signifie montagnes. Une observation à faire
à cette occasion, c'est que le nom de Rys»
sadiron, Rusadir ou Rtissader, et ses ana-
logues plus ou moins corrects Rjrssadion,
et Oussadion ou Risardir, paraissent ré-
pondre simplement à la locution punique
Ros-he-Deren , ou,- suivant la forme arabe,
Rds-éUDeren, c'est-à-dire Cap de L'Atlas.
(•) Voir le « Mémoire concernant les ri-
sés à reconnaître les grands fleuves
*de la r^igritie, là où il ne s*agit que de
quelques torrents de l'Atlas.
Indications de Ptolémée qui
sebyent a corrigee les défauts
DE SA CARTE.— Le géographe alexan-
drin nous a donnélui-méme la clef d'une
partie de ses délinéations, quand il a
rattaché au cours du Cynips ou Cyni-
phos, qui débouchait près de la Grande
Leplis, les montagnes de Zouchabari
où il coulait, et de Girgiris où il prenait
sa source ; au cours du Triton , qui
occupait le fond de la petite Syrte , le
mont Ousaleton au pied duquel il s'é-
tendait en triple marécage ; au cours
du Bagradas , qui débouchait au nord
de Carthage, les montagnes Mampsa-
ron où il coulait, et Oursargala où il
avait son origine; aux lacs aHippone
Diarrhyte le mont Cirna ; au cours du
Eubricatus qui se jetait à la mer près
d'Hippone-Royale,'le mont Thammès
d'où il venait ; et au cours de l'Amp-
sa^as , qui avait son embouchure entre
Igilgilis et Collops , les montagnes
Bouzara au milieu desquelles il pre-
nait naissance ; indiquant en outre les
monts ïizibi et Giglion entre le Cyni-
phos et le Triton , le mont de Jupiter
entre le Triton et le Bagradas, et le
mont Audon entre le Rubricatus et
l'Ampsagas.
Pareillement sur la côte occiden-
tale Ptolémée lui-même nous met sur
la voie des rectifications à lui appli-
vières de rintérieur de l'Afrique, sur les
notions tirées des anciens et des modernes »,
lu en 1755 à r Académie royale des inscrip-
tions et belles-lettres par d'Anviile; l'ou-
vrage intitulé : « Le Système géographique
d'Hérodote examiné et expliqué par une
comparaison avec ceux des autres auteurs
anciens et avec la géographie moderne » ,
Î>ublié à Londres en 1800 par Rennell ; et
e mémoire sur cette question : « Le Kouâra,
dont le cours a été récemment reconnu jus-
qu'à son embouchure dans la mer, est-il le
même fleuve que le Nigir des anciens P »
communiqué en i83a à la société royale-
géographique de Londres par M. W. Mar-
tin Leake, qui fait même coïncider la ville
de Thamondocana de Ptolémée avec la fa-
meuse Ten-Boktoue des medernes !...
11' lÀvraison. (Afrique ancienne.)
11
Digitized by VjOOQIC
ii3
L'UNIVERS.
quer, en marquant expressément que
le Soubos, dont rembouchure était
voisine, au sud , du promontoire du
grand Atlas, prenait naissance aux
monts Sagapola ; que le Darados , qui
débouchait au sud de la pointe Soloen-
tia, avait sa source au mont Caphas ;
que le fleuve Stachir, dont l'entrée
s'ouvrait au sud du promontoire Rys-
sadion, et le fleuve Nia, qui avait la
sienne un peu plus loin vers le midi ,
provenaient l'un et l'autre des mon-
tagnes appelées aussi Ryssadiop comme
le promontoire ; enfin que le Masitho-
los, dont l'embouchure était sous la
Corne du couchant, avait sa source
dans le Théôn-Ochéma. A quoi il faut
ajouter encore l'indication du mont
Mandron entre le fleuve Darados et
les montagnes Sagapoia.
De même à l'intérieur le géographe
d'Alexandrie nous fournit un moyea
d'appréciation de ses propres erreurs ,
en montrant d'un côté le fleuve Nigir
liant entre elles , par son cours multi-
ple, les montagnes Sagapoia, Mandron,
Caphas, Ousargala, Thala, et formant
dans l'intervalle, à l'ouest le lac Nigri-
tes, à l'est le lac Libya;.et en mon-
trant d'un autre côté le fleuve Gir
liant aussi , de ses longs bras , .les
monts Ousargala à ceux du défilé Ga-
ramantique , et formant dans l'inter-
valle les paluds Chélonides, puis,
après s'être caché quelque temps sous
terre , reparaissant pour former le lac
Nouba.
Les indications directes ne man-
quent donc que pour les montagnes
répandues sur la contrée à l'ouest de
l'Ampsagas et au nord du Soubos ; et
encore avons-nous ici quelques moyens
de repère, tels que le cours du fleuve
Savos , dont l'embouchure ie trouvait
entre loosioa et Rusgonia , et dont
un affluent supérieur, le Phémios,
avait sa souree dans l'intervalle des
monts Garas et Phrouréson , le Savos
lui-même, dans son cours inférieur,
ayant à sa droite le mont Byryn et à
sa gauche le mont Zalacon. D'un
autre côté, la position du mont Yalua
entre les monts Bouzara et Phrouré-
son se trouve par là suffisamment in-
diquée ; celle des monts Phocra est
assurée par leur double liaison au
petit Atlas et au promontoire Ryssa-
dion ; et il ne reste plus à retrouver
que les monts Garapha derrière le
mont Zalacon, puis les monts Cinnaba
et Madethoubadon derrière les monts
Phrouréson et Garapha ; plus à l'ouest
le mont Dourdon sur la limite des
deuxMauritanies, à la hauteur du pro-
montoire Oussadion; -enfin le mont
Diour tirant vers la pointe nord-ouest
de la Tingitane.
Synonymie modebnb de la no-
henglatube des montagnes con-
NUES DE Ptolémée.— Toute cette no-
menclature inconnexe peut donc être
rattachée avec assez de confiance, au
moins d'une manière générale et sauf
quelque hésitation dans les détails, aux
grands traits connus de la chaîne Atlan-
tique et de ses contre-forts : le mont
Girgiris se trouvera représenté par le
Gharyân des modernes; les monts
Ousargala s'identifieront avec l'Auras ,
le mont Phrouréson répondra aux
montagnes de Tithéry, le mont Zala-
con à celles de Mélyânah , les monts
Garapha au Ouânscherys , le mont
Dourdon aux montagnes de Dédès, les
monts Sagapoia aux montagnes d'Agh-
mât; et sur ces bases prmcipales il
est aisé de compléter une restitution
plausible , aux localités actuelles , des
noms anciens recueillis par Ptolémée.
Mais ce n'est pas tout ; car d'autres
noms encore sont fournis par les his-
toriens : Tite-Live parle du mont Bal-
bum non loin du territoire de Carthage;
Ammien Marcellin nous fait connaître
les monts Ferratus , Transceilensis ,
Ancorarius et Caprariensis , répandus
dans l'intérieur ae la contrée qui s'é-
tendait depuis le mtéridien d'Igilgilis
jusqu'à cdui de Césarée; Procope
mentionne à son tour les monts Bour-
gaon, Aurasion et Pappoua, le pre-
mier dans la Byzacène , les deux au-
tres dans la Numidie, celui-là aisé-
ment reconnaissabte à son nom , et le
dernier voisin d'Hippone^Royale. Enfin
Victor de Vite désigné sous le nom de
Ziquensis le mont Zaghouân des Ara-
bes, jadis appelé montagne de Jupi-
Digitized by VjOOQIC
AFRrQUE AlfCIËNNE.
KTB
ter, et dont fl paraît que ïes chrétiens
avaient fait la montagne du Seigneur.
Fleuves.
De cette chaîne descendaient aux
deux mers, ou vers des hassins inté-
rieurs, des fleuves nombreux, dont
nous avons déjà nommé les plus con-
sidérables ; ils se trouvent naturelle-
ment repartis entre le versant septen-
trional mcliné vers la Méditerranée ,
le versant occidental incliné vers l'O-
céan, et le versant austral dont les
pentes ne conduisent à aucuns ri-
vages.
FLEtrVES DÉBOUCHANt DANS tÈ
BASSIN ORIENTAL DE LA MÉDITEBRA-
ïcÉE.— Quant au versant septentrional,
il a deux plages bien distinctes , sépa-
rées par le détroit de Sicile : Tune à
Test , basse et sablonneuse , à peine
sillonnée de quelques rares torrents ;
l'autre à l'ouest, montueuse, et cou-
pée de fleuves plus fréquents. Sur la
première , la Table Peutingérienne
seule montre d'abord un torrent sans
nom, puis un fleuve Be, après les-
quels venait le Cynips connu dès le
temps d'Hérodote et que les Arabes
appellent aujourd'hui Wédy Qahan;
plus loin, débouchant près de Ga-
phara, était le fleuve Énoladon, men-
tionné uniquement par le Stadiasme
de la Grande-Mer, et que l'on retrouve
dans leWêdy Lâdos des Arabes; puis
on trouvait le fleuv« Ausere , indiqué
seulement par la Table Peutingérienne,
qui le feit aboutir derrière l'île de
Girba. Le célèbre fleuve Triton, et le
triple marécage qu'il traversait pour
venir déboucher auprès de Tacape,
sont représentés par quelqu'un des
cours d'eau qui se déchargent au fond
du golfe de Qâbes , et par la chaîne de
petits lacs que le voyageur Grenville
Temple a signalés au voisinage de cette
ville. C'est sans doute auprès de la
colonie de Thènes qu'allait aboutir le
fleuve Tana , où Salluste raconta que
Marius, parti des frontières de la
province romaine , vînt faire provision
d'eau le sixième Jour de sa marche sur
Capsa , où il arriva trois jours après.
Fleuves DiiBotJcttANT ï>ans le
BASSIN OCCtnENTAL DE LA MÉDITER-
BANÉE, A l'est D'ICOSION. — PaS-
sons le détroit de Sicile , et nous ren-
contrerons, auprès de Carthage, le
fleuve Catada, sans doute le Wéd
Melyânah de nos jours; puis, au-
dessous du Beau promontoire, débou-
chait le Bagradâs, appelé aussi Macar
dans les récits de Polybe , et dont le
nom s'est perpétué sous la forme Mé-
gerdah , le plus important des fleuves
africains , surtout au point de vue de
l'histoire. La Table Peutingérienne
nous apprend que l'un de ses aifluents,
sur la route d'Hippone-Royale à Car-
thage par Bulla-Regia, portait le nom
d'Armascla ; et Orose appelle Ardai ion
cet autre affluent nrès duquel fut battu
Gildon, entre Theveste et Ammédéra.
Il faut peut-être chercher encore parmi
les affluents du même fleuve ce fa-
meux Muthul sur les bords duquel
Métellus eut à soutenir une si vigou-
reuse attaque de la part de Jugurtha.
Le fleuve Tusca avait son embou-
chure près de Tabraca ; un peu plus
loin vers l'ouest était le fleuve Armua
ou Armoniacum ; et l'approche d'Hip-
{)one-RoyaIe nous avertit ensuite que
es noms d'Ubus et de Rubricatus
doivent trouver ici leur place, soit
Su'on les applique ensemble au même
euve , le Wêd Seybous des Arabes ,
comme le veulent la plupart des géo-
graphes modernes , soit que l'on aime
mieux, conformément aux conditions
itinéraires, identifier à la petite ri-
vière qui se décharge à cinq milles à
l'est de Bone, le fleuve Ubus de la Ta-
ble Peutingérienne, et réserver le Sey-
bous pour représenter exclusivement
le Rubricatus de Ptolémée. Le Wêd el-
Safsaf près de Philmpeviile, répond
exactement au fleuve Tapsus de Vi-
bius Sequester, qui débouchait près de
Rousiccade. Doublant alors le pro-
montoire Trèton pour entrer dans le
golfe Numidique , on arrivait au"
grand fleuve Ampsagas, le Wéd Kébyr
des Arabes , important dans Fhistoire
des démarcations territoriales du pays.
En continuant d'avancer à l'ouest ,
on rencontrait encore, dans le golfe
11.
Digitized by VjOOQIC
1A4
L'UNIVERS.
?e
Numidique , d^abord le fleuve Goulos
débouchant un peu en deçà dlgilgilis,
et qu'il semble naturel de reconnaître
dans celui qui prend aujourd'hui son
nom de la ville de Gygel ; puis le
fleuve Audon , qui se déchargeait sous
le promontoire appelé pareillement
Audon , limite occidentale du golfe.
Quelle est la dénomination actuelle de
ce fleuve? Après de grandes difficultés
dans la fixation des synonymies géo-
graphiques applicables aux divers
points de la côte à Touest de Gygel jus-
jue vers Scherschel et même au delà,
es critiques semblent s'accorder main-
tenant a adopter les déterminations
jadis proposées par le docteur Shaw,
et dont la plus importante dans la
question en litige , est celle qui fait
répondre Tancienne Saldes à la mo-
derne Bougie : le promontoire Audon
se place alors forcément sur le cap
Cavallo de nos cartes, et le fleuve
Audon est représenté par la rivière
anonyme qui coule un peu à Test de
ce cap. Le fleuve Sisar, que Pline
appelle Usar, doit être cherché dans
Tun des cours d'eau qui avoisinent
Manssouryah, et le fleuve Pïasabath
s'identifie à la rivière même de Bou-
gie; le fleuve Serbétès, au delà de
Rousouccora, paraît répondre au Wêd
Isser ; et le fleuve Sa vos, appelé Aves
par Mêla et Pline , débouchant entre
kousgonia et Icosion, ne peut être
autre que le Hharratch.
Fleuves débouchant dans le
bassin occidental de la médi-
TEBBANÉE, A L'OUEST D'ICOSION.
— Le Chinalaph, qui débouchait à
l'ouest et tout auprès de Césarée , dont
l'emplacement est occupé par la mo-
derne Scherschel, ne saurait être con-
fondu avec le Schélif , à moins de sa-
crifier à une douteuse homonymie les
conditions de distance et de position
relative : c'est dans quelque petit fleuve
côtier que doit être retrouvé le Chi-
nalaph , tandis que le Schélif, qui ne
vient qu'après Ténès, répondra tout
au plus au fleuve Cartenna de Ptolé-
mêe. A partir de ce point , les diffi-
cultés géographiques sont considéra-
blement accrues par le désaccord
frappant des autorités anciennes aux-
quelles il nous est possible de recou-
rir : il y aurait matière à d'intermi-
nables dissertations s'il nous fallait
traiter ici de telles questions, et dis-
cuter les indications contradictoires
de Pline et Ptolémée d'une part , et du
routier vulgairement appelé l'Itiné-
raire d'Antonin, d'autre part; bor-
nons-nous à supposer admise sans
contradiction l'identité respective d'O-
ran et de Mersày-el-Kébyr avec la
colonie de Kouiza et le Portus-Magnus
des anciens ; et alors la rivière Chyli-
math de Ptolémée, la même que le
Mulucha de Pline et de Salluste , indi-
quée entre Kouiza et le Grand-Port ,
n'aura der correspondance possible
qu'avec la petite rivière d'Oran. Le
Flumen Salsum de l'Itinéraire , le
fleuve Asarath de Ptolémée, le Sarda-
bal de Pline et de Mêla , soit qu'on les
considère comme autant de fleuves
distincts, soit qu'on n'y voie que des
noms différents d'un même cours
d'eau , se placent nécessairement entre
Mersày-el-Kébyr et la Tafnày, près
de laquelle se voient encore les ruines
de Siga , et qui répond précisément à
l'ancien fleuve de ce nom.
Après Siga, jus<qu'au promontoire
Métagonite oii était la ville de Kyssa-
dir, débouchaient plusieurs fleuves, à
l'égard desquels se reproduisent des
incertitudes de synonymie que les cri-
tiques modernes ont , en général, tran-
chées plutôt que résolues : Strabon
n'indique en cet endroit que le fleuve
Molocnath, et Pline désigne seule-
ment le fleuve navigable Maluana;
mais Ptolémée énumère à la fois le
Maloua et le Molochath , ce dernier
Ï>Ius occidental que l'autre ; tandis que
'Itinéraire maraue un fleuve Pople-
tum à l'est du fleuve Malua. Il n'est
ppint douteux, d'après les conditions
odométriques, que le Malua de l'Itiné-
raire ne soit le Malouyah des moder-
nes, le seul qui puisse représenter aussi
le Maluana navigable de Pline, et que
l'homOphonie semble identifier encore
au Maloua de Ptolémée; il resterait
alors à chercher un peu plus loin le
Molochath de Ptolémée et de Strabon.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
Entre Kyssadir et leâ colonnes
d'Hercule , Pline mentionne deux
fleuves navigables, le Laud et le Ta-
muda; Ptolémée ne connaît que ce
dernier, qu'il nomme Thalouda ; puis,
dans le détroit même, entre la mon-
tagne des Sept frères ou de Sebthah,
et Tingis ou Thangeh, il inscrit le
fleuve Oualon.
Fleuves débouchant dans l'O-
céan ou SE PERDANT DANS L'INTÉ-
BiEUB. — Sur rOcéan se succédaient,
entre le promontoire Côtés et celui du
petit Atlas ou d*Hermès, les fleuves
Zilias, Lix ou Lixos, Soubour, Sala, et
Dyos, le même sans doute que Scylax
appelle Anidieus(*)etPolybeAnatis: on
y reconnaît sans difflculté les rivières
d'Azylah, Séboue, de Salé, etYetkem.
Entre le petit Atlas et la montagne
du Soleil , Ptolémée nomme les fleuves
Cousa , Asama et Diour (ces deux der-
niers appelés Asana et Vior par les
indigènes, suivant Pline), quMl faut
(*) Il y a de grandes difficultés à faire
concorder d'une manière satisfaisante les
descriplions que Hannoo, Scylax et Polybe
nous ont laissées de cette côte; mais quel-
ques-unes de ces difficultés disparaissent
quand on étudie les textes mêmes , au lieu
des billevesées des traducteurs : ainsi , le
fleuve Anidieus, que les versions latines et
fiançaises de Scylax mettent au delà du
promontoire 'd'Hermès, est bien placé en
deçà dans le texte grec , où il est déjà ex-
pliqué clairement que l'on va jeter un coup
d'oeil rétrospectif sur la côte OLTzà -rîj; Aiêwi;
iià T?)v 'EupwTciriv, quand l'auteur ajoute :
àicô ÔèTYÎ; '£p(jiaCaç àxpac luoiajjiôç èoriv 'Avi-
Sieuç ; et c'est dans la même direction q\ie
doivent probablement éti'e rangées les in-,
dications qui suivent ; (/.exà ôè 'AviSieotà
x.T.> {UTà §è AiÇov X. T. X jusqu'à ce
que le retour à l'ordre inverse soit formel-
lement signalé par cette autre indication ex-
presse : àmà OvpiiaTepîac el; SoXoeaav âxpav
oc. T. X. Polybe agit de même lorsqu'il éiiouce
d'abord que l'Atlas (le Grand-Atlas de Pto-
lémée , ainsi que le constate le voisinage de
nie de Cerné) est à 485 milles du fleuve
Anatis, lequel est à io5 milles du Lixus,
situé lui-même à iia milles du détroit de
Gadès ; après qi!oi les indications reprennent
leur point de départ au Lixus pour se con-
tinuer dans la direction du 5ud<
165
retrouver dans trois des petites riviè-
res qui précèdent Dâr-Baydhâ; puis,
entre la montagne du Soleil et le pro-
montoire Oussadioii, était le fleuve
Phthouth ou Fout, représenté aujour-
d'hui par rOmm-Rabye'. Ensuite se
présentaient, entre le promontoire
Oussadion et le grand Atlas , les fleu-
ves Ouna , Agna et Sala : nous igno-
rons le nom des cours d*eau qui leur
peuvent correspondre sur cette côte
mal explorée; mais nous savons du
moins que les voyageurs Badia et Wash-
ington ont Fun et l'autre rencontré
sur leur route, à quelque distance du
littoral , des courants dirigés vers la
mer et qui remplissent ici les condi-
tions du problème.
Au delà du grand Atlas jusqu'à la
pointe Gannaria, c'est-à-dire entre le
cap Gantin et le cap Agulou, il nous
est facile de retrouver le fleuve Soubos
dans le Tensyft , le Salalhos et le
Ghousaris dans les rivières qui débou-
chent à Aghadyr et à Mésah. Puis,
entre les pointes Gannaria et Soloen-
tia où Ptolémée indique les fleuves
Ophiodes et Nouïos, les relèvements
nautiques nous offrent les rivières As-
saka et Albuéda. Ensuite venaient,
entre la pointe Soloentia et le cap Ar-
sinarion, les fleuves Massas ou Masa-
tat, et Darados ou Darat, dont le der-
nier, qu'on faisait venir de fort loin
dans l'intérieur, paraît répondre au
Wêd Dara'h de nos jours, qui débou-
che sous le cap Noun , et dont les in-
digènes disent pareillement que la
source est très-éloignée. Enlm les
fleuves Stachir et Nias , les mêmes
sans doute que Polybe appelait Salsum
et Bambotum , se retrouvent dans les
coupures ou les estuaires voisins du
cap des Sables (*), et le Masitbolos
dans le fameux Rio de l'Or.
Pour ce gui est des deux grands
fleuves intérieurs, le Gir et le Nigir, il
semble que le premier ne puisse rai-
(*) Appelé sur les caries italiennes du
moyen âge, Capo délie Sabbie, d'où les
cartographes anglais ont tiré le nom défi-
guré de Capo Juby, qui a passé sur toutes
les cartes modernes.
Digitized by VjOOQIC
1^6
L'UNIVERS.
sonnablement avoir d'autre représen-
tant sur nos cartes , que le Wéd el
GMy des Arabes , et que l'autre doive
être cherché dans une réunion confuse
du Zyz et du Ghyr de nos jours.
Tel est le tableau général sinon com-
plet desfieuves de la région d'Afrique :
Artémidore , qui disait ces rivières
nombreuses et considérables, avait
raison du moins quant au nombre ; et
Possidonius , qui les trouvait rares et
petites, avait peut-être raison de son
côté quant à leur peu d'importance.
Productions naturelles.
Nature du sol; minéraux. —
Considérée dans son ensemble, toute
cette région offrait, depuis le fond
de la grande Syrte jusqu'au cap Cô-
tés, une plage d'abord large , sableu-
se, basse et aride , puis graduelle-
ment rétrécie, arrosée et fertile, la
chaîne de montagnes qui traversait le
pays dans Tintérieur s élevant succes-
sivement et s'étendant plus près du
rivage à mesure qu'elle se continuait
vers l'occident. On y trouvait des
mines de cuivre, des pierres précieuses
telles que l'escarboucle et le grenat ;
on y exploitait des marbres renom-
més ; on y connaissait aussi une source
d'asphalte.
^VÉGÉTAUX. — La végétation y était
admirable : les arbres y actjuéraient une
grosseur prodigieuse, et tournissalent
aux Romains ces larges tables d'une
seule pièce dont les veines présentaient
à l'œil les accidents les plus variés ; des
ceps de vigne acquéraient un tel dia-
mètre que deux hommes pouvaient à
peine en embrasser le tronc , et les
grappes qui pendaient à leurs rameaux
étaient longues de près d'une coudée.
Les plantes herbacées et potagères y
devenaient aussi monstrueuses : des
tiges d'estragon, de panais, de fenouil,
d'artichaut, avaient jusqu'à douze cou-
dées de haut et quatre empans de tour.
Les blés, récollés deux fois l'an et
rapportant chaque fois plus de deux
cents pour un , s'élevaient jusqu'à cinq
coudées, et la paille en était grosse
conune le petit doigt.
Animaux. — Mais les bêtes ve-
nimeuses étaient si abondantes, qu'en
certains cantons les habitants renon-
çaient à la culture du sol, et que
dans d'autres ils ne pouvaient faire
leurs récoltes qu'en prenant des pré-
cautions particulières : c'étaient de
erands scorpions avec ou sans ailes ,
des araignées énormes, des lézards
longs de deux coudées, de gros ser-
pents. Le pays nourrissait d'ailleurs
abondance de gazelles , de bubales ,
et autres animaux de la même famil-
le, outre des éléphants, des lions,
des léopards, des chats sauvages, ^nGn
une prodigieuse quantité de singes,
dont les manières et la tournure amu-
sèrent beaucoup Possidonius d'Apa-
mée, quand il eu vit, sur la côte, une
troupe nombreuse , dans laquelle se
trouvaient des nourrices aux grosses
mamelles et à tête chauve donnant à
téter à leurs petits de manière à offrir
la caricature de vénérables matrones.
Les rivières étaient infestées de croco-
diles et de lamproies ( les traducteurs
de Strabon en ont fait des sangsues ! }
longues de sept coudées, ayant sur cha-
que flanc une rangée d'ouvertures
branchiales.
Plus avant dans les terres, au dire
d'Iphicrate, serencontraient,avec l'élé-
phant, des girafes, des rhinocéros, et
des serpents d'une taille si extraordi-
naire qu'il leur croissait de Fherbe
sur le dos. Là les roseaux étaient
assez gros pour contenir huit chénices
de froment dans l'intervalle d'un nœud
à l'autre, et les asperges avaient une
dimension non moins surprenante.
IL DISTRIBUTION BBS POPULATIONS.»
Indications primitives recueillies par
SaUuste,
Si l'on se rappelle l'exposé que Sal-
luste nous a laissé des premiers temps
de l'Afrique, en tête de son admirable
livre de la guerre de Jugurtha (*) , on
ne peut manquer de conserver une
(*) Voir cet exposé transcrit en entier
dans notre Introduction à l'Afrique ancien-
ne, pages 64 et 65 du présent volume.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE AJPfdMîïNE.
idée aussi nette que pi^ise d^une dou*
ble phase sous lac|ueHe se présente à
nous la distribution des populations
antiques qui se partagèrent le sol afri-
cain.
D*abord apparaissent seules, inéga*
lement réparties sur une triple zone,
trois races distinctes entre elles, sa-
voir : d*un bout à l'autre de la plage
qui borde la Méditerranée, les Libyens ;
derrière eux à Tintérieur, mais sur la
moitié occidentale seulement, les Gé-
tuies; et plus loin encore, à une pro-
fondeur inconnue, les Éthiopiens brû-
lés par le soleil.
Plus tard, après l'arrivée et l'éta-
blissement définitif des débris de
l'armée d'Hercule , la triple zone de
peuples existe toujours il est vrai, mais
la composition en est changée : les
Éthiopiens sont restés à Thorizon ex-
trême ou nous les avions aperçus ; les
Gétules sont demeurés également les
maîtres de l'intérieur en avant des
Éthiopiens, sauf peut-être à recon-
naître parmi eux, sous le nom de
Pharousiens et de Pérorses , quelques
Persans qui s'étaient conservés sans
mélange; mais sur le littoral, les Mau-
res, postérité des Mèdes et des Armé-
niens suivant Salluste , ou des Indiens
au dire de Strabon , mêlée aux Libyens
occidentaux, occupent la région la plus
rapprochée de THispanie ; à côté d'eux,
les Numides, nés du mélange des Per-
ses et des Gétules, ont subjugué les
cantons qui s'étendent sur la mer Sar-
do-Tyrrhénienne ; et la plage orientale
seule est restée aux Libyens primitifs.
Il serait fort délicat d'assigner une
date absolue à ces changements : nous
ne l'essayerons point. Salluste les sup-
pose antérieurs à l'arrivée des colo-
nies phéniciennes : c'est les faire re-
monter à seize siècles au moins avant
notre ère.
État des populations indigènes au
temps d'Hérodote,
Le père de l'histoire, dont les con-
naissances de détail sur l'Afrique pa-
raissent atteindre tout au plus la limite
ou commençait le domaine des Numi-
liî
des du littoral et des Gétnlès de l'Inté-
rieur, Hérodote laisse en dehors de ses
descriptions les Gétules et les Numi-
des , et à plus forte raison les Maures
relégués au delà des Numides. Pour
lui l'Afriaue n'a que deux peuples in-
digènes : les Libyens sur la côte , et
derrière eux, au loin, les Éthiopiens.
Quant aux Libyens, ils sont noma-
des depuis l'Egypte jusqu'au fleuve
Triton,qui s'écoule dans la petite Syrte;
au delà du Triton ils sont agriculteurs.
Notre examen doit se borner ici aut
contrées qui s'étendent à l'ouest de la
grande Syrte , où s'arrêtaient les Na-
samons : c'est de là que nous allons
reprendre le récit de Tnistorien grec.
Nomades du littobal. — « Sur
les bords de la mer, à l'ouest des
Nasamons, habitent les Makes, qui
se rasent les cheveux autour de la
tête et ne laissent croître qu'une
touffe sur le vertex ; pour la guerre
ils se cuirassent de peaux d'autruches.
C'est dans leur pays que dé|^ouche à
la mer le Cinyps, venant des coteaux
^ui portent le nom des Grâces , situés
à deux cents stades de la côte, et cou-
verts dèJ)ocaçes épais, tandis que le
reste de l'Afrique, à l'orient, est en-
tièrement déboisé.
« Près des Makes sont les Gindanes,
dont les femmes portent chacune, au-^
tour de la cheville du pied , autant de
lanières de cuir qu'elle a eu d'amants;
et celle qui en compte davantage est
la plus considérée , comme ayant mé-
rité les suffrages du plus grand nom-
bre d'hommes.
« Le rivage de la mer, en avant du
pays des Gindanes^ est habité par les
Lotophages, qui ne vivent que de
fruits de lotos , lesquels ressemblent
par la grosseur à ceux du lentisque ,
par le goût à ceux du palmier, et dont
ils font aussi du vin.
« Aux Lotophages confinent , le
long de la mer, les Machlyes, qui eux-
mêmes font pareillement usage de
lotos , mais beaucoup moins que les
premiers; ils s'étendent jusqu'au grand
fleuve appelé Triton , qui se jette dans
le grand lac Tritonide eu est l'île nom-
mée Phla*
Digitized by VjOOQIC
1^
rUNIVERS.
« Immédiatemont après les Mach-
ines viennent les Auses , qui habitent,
ainsi qù*eùx, autour du lac Tritonide,
mais qui en sont séparés par le fleuve
Triton. Les Machiyes laissent croître
leurs cheveux sur le derrière de la tête,
et les Auses sur le devant. Ils ont
leurs femmes en commun , n*habitant
point avec elles , mais vivant ensem-
ble comme des brutes. Les enfants
sont élevés par leur mère : quand ils
sont assez grands , ils vont à l'assem-
blée trimestrielle des hommes, et cha-
cun devient le fils de celui auprès du-
quel il lui convient de vivre. »
Observations sub le fleuve
Tbiton et le làc Tbitonide. —
Arrêtons-nous un instant ici pour re-
marquer que si Le fleuve Triton est,
comme nous l'avons dit plus haut, re-
présenté par l'une des rivières qui
débouchent au voisinage de Qâbes,
répithète de grand, que lui donne Hé-
rodote, est une de ces libéralités méta-
phoriques ^ont l'histoire est si prodi-
gue, et qui du Tibre ont fait le roi
des fleuves. Il est évident en même
temps que le lac Tritonide d'Hérodote
est le golfe même de la petite Syrte ,
et que son tle Phla n'est autre que
Gerbeh : explication si certaine à la
fois et si naturelle, que nous pouvons
nous étonner à bon droit de la donner
ici pour la première fois. Le vieil his-
torien répète en cet endroit de sa des-
cription , en les appliquant a ce lac
Tritonide, les traditions argonauti-
3ues que nous avons déjà racontées
'après les chants de Pindare et d'Apol-
lonius de Rhodes, qui les rapportent
au marais de Triton voisin ae Béré-
nice ; traditions relatives à la prédic-
tion faite aux Argonautes, de réta-
blissement futur d^ne colonie grecque
sur ces bords.
Hérodote insère en outre ici quel-
ques détails curieux sur des coutumes
locales qui ont quelque liaison avec
les croyances grecques : « A la fête
annuelle de Minerve , leurs jeunes
filles se partagent en deux troupes ,
combattent les unes contre les autres
à coups de pierres et de bâton, suivant,
à ce qu'elles disent, les rits établis par
leurs pères en l'honneur de la déesse
indigène que les Grecs ont nommée
Athené, et elles appellent fausses
vierges celles qui meurent de leurs
blessures. Mais avant que de cesser le
combat, elles revêtent d'un casque
corinthien et d'une armure grecque
celle qui est reconnue avoir le mieux
combattu , et la faisant monter sur un
char, elles la promènent autour du lac.
Quelle parure avaient ces jeunes filles
avant l'établissement des Grecs dans
leur voisinage, je ne saurais le dire ;
mais je présume que c'étaient des ar-
mures égyptiennes, car je crois que le
bouclier et le casque sont venus aux
Grecs des Égyptiens. Ces gens pré-
tendent que Minerve est fille de Nep-
tune et du lac Tritonide , et qu'ayant
eu quelque sujet de plainte contre soa
père , elle se donna à Jupiter, qui l'a-
dopta pour sa fille. »
Nomades de l'intébieub. —
Nous venons de passer en revue les
peuples du, littoral qui mènent une vie
nomade. Énumérons maintenant les
nomades de l'intérieur qui ont été
connus d'Hérodote, et reprenons pour
cela les paroles mêmes da vieil histo-
rien.
« A dix journées de chemin à l'ouest
d'Augiles on trouve aussi une colline
de sel gemme, avec une source et de
nombreux dattiers, comme à Ammon
et à Augiies même. Les habitants sont
appelés Gara mantes, et forment une
nation grande et puissante. Ils répan-
dent de la terre sur le sol pour faire
leurs semailles. Ils sont peu éloignés
des Loto{)hages^ de chez lesquels il y
a trente journées de route jusqu'au
pays où l'on voit des bœufs qui pais-
sent en marchant à reculons, parce que
leurs cornes tournées en avant s'en-
fonceraient dans la terre s'ils mar-
chaient devant eux; particularité au
surplus, qui seule, avec leur cuir plus
épais et plus souple, les distingue des
autres bœufs. Ces Garamantes font la
chasse aux Troglodytes éthiopiens au
moyen de quadriges, car ces Troglo-
dytes sont bien les coureurs les plus
lestes et les plus rapides dont nous
ayons jamais entendu parler : ils se
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
16^
nourrissent de seirpents , de lézards ,
et autres reptiles analogues ; ils ont
un langage qui ne ressemble à aucun
autre et qu*on prendrait plutôt pour le
cri des chauves-souris.
« A dix autres journées de route
des Garamantes se rencontre encore
une colline de sel gemme, avec de
Peau et des habitants à Tentour appe-
lés Ataraotes, les seuls de tous les hom-
mes que je connaisse, oui n'aient pas
de noms ; car ils sont a la vérité dé-
signés en commun par la dénomina-
tion d'Atarantes, mais aucun d*eux en
particulier n'a de nom' propre. Ils mau-
dissent le soleil quand il arrive à son
point culminant, lui reprochant de
venir brûler et les hommes et ie sol.
« Après dix journées de chemin en-
core, on retrouve une nouvelle colline
de sel , avec de Teau et des. habitants.
Auprès de là est la montagne appelée
Atlas, étroite, escarpée de tous côtés,
et si élevée, dit-on, qu'on n'en peut
voir le sommet à cause des nuages
dont il est toujours enveloppé, en été
comme en hiver ; les indigènes en font
une colonne du ciel, et les hommes
même d'alentour en tirent leur nom ,
car ils sont appelés Atlantes ; on dit
qu'ils ne mangent de rien qui ait eu
Yie, et qu'ils n*ont jamais de songes.
« Jusqu'à ces Atlantes », ajoute Hé-
rote , « j'ai pu désigner par leur nom
les peuples cantonnés, de dix en dix
journées, sur le faîte qui s'étend jus-
qu'aux stèles Héracléennes et par delà ;
mais je ne puis faire de même pour
ceux qui viennent après les Atlantes. »
Populations agbigolbs. — « A
l'ouest du fleuve Triton et des An-
ses, habitent des Libyens agricul-
teurs ayant des demeures fixes , appe-
lés Maxyes , qui laissent croître leurs
cheveux sur le côté droit de la tête et
rasent le côté gauche ; ils se peignent
le corps avec du vermillon et se disent
issus des Troyens. Aux Libyens Maxyes
confinent les Zaouèkes , dont les fem-
mes conduisent les chars de guerre;
après eux viennent les Zygantes , chez
lesquels les abeilles produisent natu-
rellement une grande quantité de miel,
nutis qui en recueillent encore davan-
tage par leur industrie. Ils se peignent
tous le corps de vermillon , et se nour-
rissent de singes.
« Les Carthaginois disent que dans
le voisinage de cette contrée se trouve
nie allongée de Kyrkynis (*). »
Ainsi, dans la partie de l'Afrique
dont Hérodote connaît les habitants ,
le littoral entre les Syrtes était le do-
maine des Makes , des Gindanes , des
Lotophages, des Machlyes et des Au-
ses, derrière lesquels^ s'étendaient à
l'intérieur les Garamantes , les Ata-
rantes et les Atlantes ; puis , au delà
du Triton s'échelonnaient les Maxyes,
les Zaouèkes et les Zygantes.
ÉnumératUm des peuplades africai-
nes au temps des Romains
Peuplades littorales de l'est
ENTBB l'A|£PSAGAS ET LES AUTELS
DES Philenes. — Strabon et Pline
considèrent de même, au point de
vue géographique , la région des Syr-
tes comme formant une division sé-
parée; mais ils ne tranchent pas,
dans leurs indications ethnographi-
ques , la séparation marquée par Hé-
rodote au fleuve Triton. Sans doute
la domination de Carthage avait,
en se propageant sur la côte, im-
primé aux indigènes im cachet exté-
rieur de civilisation uniforme: aussi
Strabon attribue-t-il sans distinction
le littoral aux Libo-Phéniciens , der-
rière lesquels il étend , sur une zone
parallèle, les Garamantes, jusqu'aux
montagnes des Gétules dans l'ouest.
Pline se borne d'abord à nous désigner
quatre nations principales dans la ré-
gion syrtique , savoir : au fond de la^
grande Syrte confinant aux Autels des
Philenes, les Lotophages, auelquefois
appelés Alachroes ; à 1 entrée , du côté
de la grande Leptis, les Gisipades ; et
au delà de vastes déserts qui les sépa-
raient de la petite Syrte, les Gara-
mantes , au-dessus desquels étaient les
Psylles. Mais ensuite il ne compte pas
(*) Voir, au sujet de cette île, le volume
de la présente collection spécialement con-
sacré aux îles d« l'Afrique, page 80.
Digitized by VjOOQIC
170
L'UWn^RS.
moins de cinq cent seize peuplades
sujettes de Rome, entre les Âuteis des
Philènes et TAmpsagas; il ne donne
toutefois qu'une très-petite liste de
noms , savoir : les Natabudes , les
Capsitans, les Misulans, les Sabar-
bares, les Massyles, les Nisives, les
Yamacures, les Éthins, les Mussins,
les Marchubiens, et tous les Gétules
jusqu'au fleuve If igir qui sépare l'Afri-
que de l'Ethiopie.
Ptolémée nous offre une nomen-
clature beaucoup plus riche , sans
distinguer non plus les peuplades syr-
tiques de celles qui avoisinent Gar-
thage ; il en fait l'énumération en al-
lant de l'Ampsagas auxAutels des Phi-
lènes. Quelque sèche et décharnée que
soit une liste étendue de noms aux-
quels se rattachent peu" de souvenirs,
il nous semble nécessaire de rapporter
ici celle que nous a transmise le géo-
graphe alexandrin , de peur que l'omis-
sion n'en fût considérée, avec quelque
raison, comme une regrettable lacune.
Voici donc la version fidèle de ses
indications ethnologiques :
« Les habitants des parties occiden-
tales de l'Afrique propre jusqu'à la
mer soât les Cirtésiens et les Naba-
thres ; après eux vers l'est, les lontiens,
contre la Numidie ou Nouvelle pro-
vince, jusqu'à Thabraca ; puis les Mi-
dènes , et contre la Carthaginoise , les
LIby-Phéniciens ; ensuite, jusqu'à la
petite Syrte les Makhynes , et der-
rière (*) celle-ci les Kinithiens , et plus
à l'est jusqu'au fleuve Ginyphos les
ISigitimes, et autour de ce même
fleuve les Lotophages. Puis vers la
pande Syrte les Samamykiens , et à
leur suite les Nycpiens , derrière les-
quels sont placés les Éléons.
« £n revenant au sud des Girtésiens
et de la Numidie , derrière le mont
(*) Bien que la particule (jné piit être
littéralement traduite sans inconvénient par
souSf au-dessous de, j'ai préféré la rendre
uniformément) pour plus de clarté,. par
derrière, qui laisse moins d'incertitude à
l'esprit le plus inattentif. J'ai soigneuse-
ment traduit cita par puis ou ensuite. Ces
mots ont ici une importance spéciale pour ca-
ractériser la HtuauoB relative des peuples.
Audon, les Mifoulaàs, derrière eax
les Nattaboutes , puis les Nisibei ;
[au sud] des Midènes les Miédiens,
derrière lesquels les Mousounes; en-
suite derrière le mont Thammès les
Sabourboures , derrière eux les Ha-
liardes, et la campagne Sittafienne. Au
sud des Liby-Pheniciens est la contrée
Byzacitide, derrière laquelle sont les
Ozoutes; puis les Kérophées, et les
Mampsâres sur la montagne du même
nom, et derrière la montagne les Mo-
toutouriens. Derrière les Makhynes
sont les Makhryes, puis les Gèphes ,
après lesquels les Mimakes , et der-
rière le mont Ousaleton les Ouzales
et le conmiencement de la Libye dé^
serte.
« De même derrière les Kinithiens
sont les Sigiplosiens , puis les Aché-
mènes , puis tes M outourgoures , der-
rière lesquels les Moukhthousiens ;
derrière les Nigitim^s les Astacoures ;
derrière les Lotophages les Êropées ,
puis les J)olopes, derrière lesquels les
Erébides; derrière les Samamykiens
les Êdamensiens , puis les Nyghènes ;
enfin derrière les Nycpiens et les
Éléons, les Makes syrtites, et la Libye
déserte. »
On voit que Ptolémée a disposé les
quarante noms qui composent sa liste,
sur trois zones parallèles , représen-
tant par leur réunion la zone littorale
d'Hérodote; auant à la zone intérieure
sur laquelle les Garamantes d'Héro-
dote et les Gétules de Salluste vien-
nent, au dire de Strabon, se rejoindre
bout à bout, elle fait, dans son ensem-
ble, pour le géographe alexandrin, le
sujet d'un chapitre spécial sous le titre
de Libye intérieure. Nous y revien-
drons après un coup d'œil sur le reste
des populations de la côte , dont nous
n'avons encore nommé que celles qui
occupent la fraction orientale.
Peuplades littobalbs de
l'ouest : ENTEE l'AmPSAGAS ET
les COLONNES d'HEBCULE. — A
l'ouest de Garthage, où Salluste se
borne à signaler, en deux grandes di-
visions, les Numides et les Maures,
Strabon ri'est guère plus explicite,
puisqu'il se contente de nommer les
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
ITt
Humides Massyliéens quil englobe
dans le domaine punique, puis les
Numides MaSsésyliens qu'il étend du
cap Trèton au cap Métagonion, et enfin
les Maurusiens a Textrênae occident.
Pline n*entre pas dans beaucoup plus
de détails : il mentionne sous la sim-
ple dénomination de Numides les Mas-
syliéens de Strabon , puis les Massé-
syliens, parmi les(|uels il place les peu-
plades des Macurebes et des Nabades,
enfin les Maures ou Maurusiens , que
Tinvasion des Gélules Baniures, Auto-
loles et Vésunes , avait réduits, de son
temps, à un petit nombre de familles.
Ptolémée a recueilli une bien plus
grande quantité de dénominations par-
ticulières des peuplades qui se ratta-
chent à Tune ou à l'autre de ces sou-
ches, dont la distinction ethnologique
n^avait pas cessé, bien que le territoire
respectivement occupé par chacune
d'elles portât , au moms depuis le rè-
fne de Claude, rappellation uniforme
e Mauritanie, saut addition de l'épi-
thète de Césarienne pour l'ancienne
Numidie, et de Tingitane pour la
Mauritanie véritable. Ptolémée, dont
les descriptions procèdent d'occident
en orient, commence par la Tingi'tane,
et la fait suivre de la Césarienne; voici,
dans l'ordre qu'il a suivi , l'énuméra-
tion qu'il donne des populations de
ces deux contrées.
« Les habitants de la province (Tin-
gitane) sont, vers le détroit (des Co-
lonnes), les Métagonites , vers la mer
Ibérienne les Socossiens , et derrière
ceux-ci les Ouerouès, et derrière la
contrée Métagonite les Masikes; en-
suite les Ouerbikes, derrière lesquels
les Salinses et les Kaunes: puis les
Bakouates, derrière lesquels lesMa-
canites. Derrière les Ouerouès les
Ouoloubilians ; puis les langaucanes ,
derrière lesquels les Nectibères; ensuite
la campagne Rousse (Iluffàv Tieôiov),
derrière eux les Zégrensiens ; puis les
Banoïoubes et les Ouakouates. La li-
sière orientale est habitée en entier
par les Maurensiens et une partie des
Herpéditans.
« Les habitants de la province (Cé-
sarienne )| vers roccideut, sont les
Herpéditans, sur ce qu'on appelle les
mines de cuivre ( XaX^^jcw); derrière
eux les Taladousiens. Puis les Sôres ,
au midi desquels les Masésyles, der^
rière lesquels les Drvites. Ensuite, au
delà du mont Douraon, les Élouliens,
et les Tolôtes et les Nacmousiens jus*
Qu'aux montagnes Garapha. A l'est
des Taladousiens Jusqu'aux bouches
du fleuve Chinalapn sont les Machou-
siens , derrière lesquels le mont Za-
lacon, et au delà de celui-ci les Ma-
zikes. Puis les Bantourariens, et der-
rière les montagnes Garapha les
Akouensiens et les Mykènes et les
Maccoures, et sur la montagne Kin-
naba les Ènabases. A l'est du mont
Zalacon, vers la mer, les Makkhourè-
bes, derrière lesquels les Toulensiens;
f)ui$ les Banioures , derrière lesquels
es Makhoures ; ensuite les Salassiens
et les Malkhoubiens. Encore à l'est
des Toulensiens les Moukounes et les
Khitoues Jusqu'au fleuve Ampsagas ;
derrière ceux-ci les Rédamousiens ;
Suis les Todoukes vers les sources du
euve Ampsagas. »
Quelque nombreux que soient ces
noms, on est loin d'y retrouver pour-
tant tous ceux qui figurent dans les
récits d'Ammien Marcellin ou dans les
cosmographies d'Ethicus et de Julius
Honorius : nous ferons ici grâce au
lecteur de ces nomenclatures arides
qui passent sous les yeux sans inté-
resser l'esprit; l'histoire nous dira
ces noms avec plus de profit , en les
enchâssant au milieu des faits auxquels
ils se lient.
* Peuplades de l'intébieuk. —
Passons à la grande zone intérieure
partagée d'une manière générale, ainsi
que nous l'avons déjà remarqué, entre
les Garamahtes à l'est et les Gétules à
l'ouest ; il nous reste à voir comment
Ptolémée distribue sur ce vaste terri-
toire les tribus comprises dans chacune
de ces deux divisions principales. Nous
nous bornerons encore à traduire lit-
téralement ce que le laborieux géogra-
phe d'Alexandrie nous expose lui-même
a cet égard.
« Derrière les Mauritanies est si-
tuée la Oitulie ; derrière l'Afrique et
Digitized by VjOOQIC
Ht
L'UNIVERS.
3;
la Cyrénalque , la Libye déserte. Et
les plus considérables des nations qui
se partagent la Libye sont : celle des
Garamantes qui s*étendent depuis les
sources du Bagradas jusqu'au lac
Nouba ; et celle des Mélanogétules qui
habitent l'intervalle entre les monts Sa-
gapola et Ousargala ; et la race des
Ethiopiens Rouges, qui sont au midi
du fleuve Gir ; et celle des Éthiopiens
Nigrites qui sont au nord du fleuve
Nigir; et celle des Darades qui habi-
tent vers la mer sur les bords du fleuve
du même nom ; et celle des Pérorses
ui sont plus à l'orient et plus éloignés
e la mer que la montagne appelée
Theôn-Ochéma; et celle des Ethio-
piens Odraggides habitant l'intervalle
entre les monts Kapha et Thala; et
celle des Mimakes qui sont derrière ce
même mont Thala ; et celle des Nou-
bes habitant à l'ouest du Défilé des
montagnes; et celle des Derbikkes qui
sont à l'occident du mont Aragga.
« Il y a des peuplades moins consi-
dérables ; vers la mer au delà des Gé-
tules, habitent les Autolalels et les Si-
ragges et les Mausoles, jusqu'au mont
Mandron ; puis , contre celui-ci , les
Babiens et les Maikoes et les Mandors
jusqu'aux Darades, au delà desquels
les Sophoukéens, et derrière le mont
Ryssadion les Leukéthiopiens entre les-
quels et les Pérorses s'étend la cam-
pagne Rousse. Ensuite , au nord du
mont Sagapola les Pharousiens , au
nord du mont Ousargala lesNatembes,
du mont Girgiris les Lygxamates et
les Samamykiens ; et entre le mont
Mandron et le mont Sagapola les Sal-
thes et les Daphnites et les Zamaziens
et les Arokkes et les Ketianes jus-
qu'aux Éthiopiens Nigrites. Derrière
le mont Ousargala les Soubourpores,
derrière le mont Girgiris, comme vers
les Garamantes , les Makkoens et les
Dauchites et les Kalètes jusqu'au lac
Nouba. Puis à l'est des Darades les
Makkhourèbes , des Sophoukéens les
Soloentiens; à l'est de ceux-«i les An-
ticoles ou Phraurousiens, et les Khou-
rites et les StaHiires jusqu'au mont
Capha, entre lequel et le mont Theôn-
Ocnéma, les Orphes, derrière lesquels
les Tarôualtes et les Maltites et les
Afrikérons, nation considérable. Et
encore, au sud des Éthiopiens Odrag-
gides les Achèmes, des Mimakes les
GoggaleSy au delà desquels les Nanos-
bes; ensuite les Nabathres jusqu'au
mont Aroualton ; et entre le lac L.ibya
et le mont Thala, les Alitambes et les
Maurales ; entre ceux-ci et les Noubes,
les Armies et les Thaïes et les Dolo-
pes et les Astacoures jusqu'au Défilé
des montagnes; et au nord du mont
Araggas les Arokkes, à l'orient les
Asarakes. Entre les Derbikkes et le
mont Aroualtes les Dermones; et der-
rière les Afrikérons, à peu près au sud-
sud-est^ les Éthiopiens AgaggineS ; au
levant de ceux-ci derrière le mont
Aroualton jusqu'au montAragsa, les
Éthiopiens Xylikkes; enfin au delà de
ces derniers les Éthio '
kes.
iiiopiens Oukhalik-
On voit reparaître sur cette liste les
noms de diverses peuplades* qui déjà
ont figuré parmi celles du littoral, tel-
les que les Samamykiens, les Sou-
bourpores, les Makkourèbes, les Achè-
mes, les Mimakes, les Nabathres , les
Dolopes, les Astacoures; ce serait une
nouvelle preuve , s'il en était besoin ,
du peu de profondeur de cette zone
intérieure que d'aventureuses hypo-
thèses ont beaucoup trop reculée vers
le sud.
III. VILLES ET BOUTES.
Considérations préliminaires.
Impoetange DES Itineraibes.
— Au surplus, les révolutions politi-
ques font varier l'emplacement des
peuples, surtout lorsqu'ils persistent
dans les habitudes nomades et errantes
où l'histoire et la géographie les ont,
trouvés; c'est ainsi que les Maures,
les Gétules, les Mazikes, et bien d'au-
tres, se sont avancés graduellement
de l'occident extrême à l'extrême
orient de la région d'Afriaue. Les vil-
les qu'ils ont bâties ou laisse bâtir au mi-
lieu d'eux offrent au contraire, ainsi que
les traits caractéristiques du sol, tels
que la découpure des côtes, l'assiette
des montagnes et le cours des fleuves^
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
ira
des points dé repère invariables, pour
déterminer le véritable théâtre des
événements , et l^emplacement alors
occupé par les peuples qui en ont. été
les acteurs.
r^ous ne pouvons , à ce titre , nous
dispenser de jeter ici un cou() d'œil
rapide sur la distribution des villes à
la surface du territoire que nous étu-
dions. Les sources d'information les
plus importantes que nous avons à cet
égard sont bien moins les géographes,
comme Strabon et Pomponius Mêla
qui se bornent à un petit nombre d'in-
dications principales, ou même comme
Pline et Ptolémée dont les listes sont
assez considérables, ^ue certains au-
tres documents moins usuels, mais
beaucoup plus utiles par leur spécia-
lité, savoir, les deux routiers romains
vulgairement connus sous les dénomi-
nations de Table Peutingérienne et d'I-
tinéraire d'Antonin, dont le premier
date de Tannée même de la mort xle
Constantin le Grand, et dont le se-
cond a été rédigé une quarantaine
d'années plus tard par Ethicus.
Il est donc naturel que nous ayons
recours surtout à ces guides que rien
ne pourrait remplacer pour nous, afin
de donner une idée assez précise, tout
à la fois , des villes répandues sur le
sol africain et des routes qu'elles ja-
lonnaient.
Disposition générale des
GBANDES ROUTES DE l'AFRIQUE.
— Une observation préalable est d'a-
bord nécessaire à cet égard : c'est que
la civilisation, avec les villes qu'elle
enfante et les routes qu'elle trace, a
fixé son point de départ à Garthage,
soit dès le temps des fondateurs phé-
niciens de cette cité puissante, soit
après leur chute sous les coups de
Rome, qui commença par là la con-
quête du pays. C'est donc de là que
devaient rayonner et gue rayonnaient
en effet les routes principales condui-
sant successivement, à travers des gî-
tes d'étape plus ou moins nombreux,
vers les centres d'administration des
provinces successivement ajoutées à
ce premier nopu ; et ces centres se-
condaires devaient offrir à leur tour,
et offraient respectivement en réalité
le point de départ d'un nombre plus
ou moins considérable de voies rayon-
nant à travers le territoire soumis à
chacune d'elles; enfin le croisement
de plusieurs de ces voies en quelques
points faisait encore de ceux-ci comme
de nouveaux centres de rayonnement.
Le territoire occupé offrant, au sur-
plus, sous le méridien de Garthage,
une bien plus grande largeur qu'en
tçute autre partie , les routes s'avan-
çaient à l'intérieur, de ce côté , jus-
qu'à des profondeurs beaucoup plus
considérables.
A examiner sous un point de vue
d'ensemble la diiàposition générale de
ces routes, on pourrait les systémati-
ser ainsi : 1*" une route non interrom-
pue le long des côtes , plus certaines
portions de route plus directes entre
quelques-unes des principales villes
maritimes; 2** diverses routes, à l'in-
térieur, dirigées parallèlement à la
première; 3° enfin les communica-
tions transversales des unes aux autres.
La réunion de toutes ces lignes cons-
titue un réseau aux mailles duquel se
trouvent invariablement attachés tous
les points compris dans l'un et l'autre
routier, de manière à fournir un
moyen assuré de fixer complètement
la correspondance des voies anciennes
avec le sol tel que les explorations
modernes nous le font connaître au-
jourd'hui ; cependant il n'en est pas
tout à fait ainsi, attendu que l'un ni
l'autre de ces routiers ne nous est
parvenu dans son intégrité officielle ,
et que nous en possédons seulement
des copies, doublement altérées par les
mutilations du temps et la révision des
éditeurs.
Incertitude des synonymies
géographiques applicables aux
STATIONS ITINÉRAIRES. — Quelque
incertitude peut donc subsister en-
core , maigre ce précieux élément de
vérification, dans la détermination
des synonymies géographiques, et il
faut s'aider en outre d'autres indi-
ces, tels que la tradition, la ressem-
blance des noms, les monuments lapi-
daires trouvés sur place^ sans se dissi*
Digitized by VjOOQIC
174
L^rovras.
ta
muler qo'auetme de ees prenves prise
isolément n*est irréfragaole. La tra-
dition altère quelquefois le fait le
mieux constaté : n'est-ce point la tra-
dition qui , en forgeant le nom de
bataille de Zama pour la fameuse ren-
contre où ScipioQ Émilien vainquit
Annibal, a fait chercher sur ce champ
de bataille la ville royale de Zama qui
en est éloignée de plusieurs journées ?
La ressemblance des noms est trom-
leuse aussi quelquefois, et si elle ne
laisse aucun doute pour certains points
incontestables, n'a-t-elle pas offert de
fausses lueurs à ceux, par exemple ,
qui dans Gézâyr (Alger) crovaient re-
trouver Césarée, ou bien l'ancienne
Gemellœ dans la moderne Gemmileh
que les inscriptions désignent comme
répondant en réalité à Cuiculum ? Les
inscriptions néanmoins ne procurent
pas plus de certitude : non-seulement
elles sont quelquefois matériellement
déplacées, mais on en trouve aussi qui
ont été consacrées en un lieu éloigné
de cekii au nom duquel elles sont fai*
tes ; ainsi Rusgunia est nommée dans
une inscription à Hamzah , et Rustc-
cade dans une inscription de Constant
tine. C'est par une intelligente combi-
naison de tous ces divers éléments de
conviction que Ton arrive plus sûre-
ment à la vérité.
C'est sous l'influence de ces préoc-
cupations que doivent être examinées
et comparées les voies décrites par les
routiers anciens, et les cartes dressées
par les géographes modernes. Les dis-
cussions scientific|ues auxquelles cet
examen comparatif peut donner lieu,
ne sauraient trouver place ici : nous
nous contenterons de présenter en
raccourci le tableau des routes ancien-
nes, avec l'indication des positions
modernes qui offrent, à Tégard des
{)rincfpales villes, les correspondances
es moins contestables ou les plus
plausibles.
Grande route du littoral.
Prenons d'abord la grande voie lit-
torale qui de l'extrémité occidentale
de.hi province Tingitane jusqu'aux Au-
tels des Phitènes et au delà, eètoyait
la mer en suivant à peu près toutes
les sinuosités du rivage. Elle se parta*
geait en deux moitiés inégales , don]t
Carthaçe marquait la séparation^ et
qui étaient en outre. Tune et l'autre,
coupées par des ^ints d'arrêt inter-
médiaires, la première en sept portions
snccessives , la seconde en trois : en
voici la série entière :
1. Du poste deMercurios jusqu'à
Tingis ;
2. De Tingis à Rusadder;
8. De Rusadder à Césarée de Mau-
ritanie ;
4. De Césarée à Saldes ;
5. De Saldes à Rusiccade ;
6. De Rusiccade à Hippone Royale;;
7. D'Hippone Royale à Cartbage ;
8. De Cartbage à Thènes ;
9. De Thènes à la Grande Leptis ;
10. De la Grande Leptis aux Autels
des Philènes.
Route depuis Mebgurios jusqu'à
RusADDEB. — La première de ces rou-
tes partielles avait son point de départ
au poste de Mercurios, c'est-à-dire à la
pointe d'Hermès ou du petit Atlas, et
son point d'arrivée à Tingis, décorée par
l'empereur Claude du titre de colonie
et du surnom de Julia Traducta, à la
place de laquelle s'élève la moderne
Thangeh; la route passait d'abord à
Sala^ dont le nom est resté à la ville
de Salé; plus loin à Banasa, colonie
d'Auguste, surnommée Vaientia, dont
les cartes de Ptolémée nous montrent
que la position n'était point tout à
fait littorale ; puis à Lix ou Lixos, cé-
lèbre par les fabuleuses relations de
l'antiquité qui y plaçaient le palais
d'Antée et le jardin des Hespérides,
érigée en colonie par l'empereur Claude,
et représentée aujourd'hui par Et-
'Arâysch, à l'embouchure du fleuve
Aouikos (*); ensuite à Zilis ou Zilia,
(*) Nous préférons éciire Thaogeh, El-
'Aràysch, Aouikos, Sebtbab, plutôt que
Jauger, Larache, Luccos, Ceuta, parce que
l'exactitude uous parait devoir remporter
sur la corruption d'orthographe. Il est des
gens dont la prononciation transforme,
comme on sait, Shahpeare, shut the door,
en chat qui expire, chat qui dortf est-ce un
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
t16
autre eoUmit d* Auguste, nommée plus
tard Julia Constantia, et dont la mo-
derne Azylah retient la place et le
nom.
La seconde fraction de route se
poursuivait depuis Tingis jusqu'à Rus-
adder, colonie d*originé assez récente,
dont Templacerhent paraît répondre
à celui de Méiylah ; dans Tintervalle^
nous ne trouvons d'autre point digne
d'être signalé ici , que les Sept frères
(Em' àSek<fo\ de Ptolémée), où l'on re-
connaît par son nom la ville de Seb-
thah, que les Espagnols appellent
Céuta.
Route de Rusabder à Gbsabbb ;
DÉSACCOBD ENTBE L'iTINéfiAIBE ET
LES Tables de Ptolémée. — Depuis
Rusadder jusqu'à Siga, — La troi-
sième partie de la route que nous par-
courons se continuait depuis Rusad-
der, ou Méiylah, jusqu'à Césarée, jadis
sous le nom de loi, résidence des rois
indigènes , dotée du titre de colonie
romaine par l'empereur Claude, et ca-
pitale de la province à laquelle elle
imposa son nom. On ne doute plus
aujourd'hui que Césarée, qu'on a cher-
chée tour à tour sur l'emplacement
d'Alger et sur celui de Ténes, ne fôt
précisément à la place occupée par la
moderne Scherschel, où l'on a recueilli,
dans ces dernières années, des ins-
criptions qui paraissent décisives :
L. UCINIO L. FIL. QVIB
8ECVNDIN0. DECVRIONI
OAESARlENSIVlf. EQVO PVBLIGO
EXOliNATO SACR18QVE
LVPERCALIBVS FVNCrO
a A Lucins Licinius SecimdiDus, fils de
« Luciiis, de la tribu Quirina, décarion des
« Césaréens, gratifié d'un cheval d'honneur^
« et ayaat été chargé de la célébration des
« Liiy^rccles. »
' EIOO G. F. FATiai
DECVRIONI SPLENDIOISSIMAB
GOfcOftUB GAESARIENSIS RELIGJ060
ANTisrrri samcti nvhimis matris
DEVM DENDROPHORO DIGNlSftlMO
« A ... . énius Fatalis, fils de Caius, dé*
« carioa de la magnifiqujs colonie de Cé^a-
« rée, religieux pontife de la sainte divinité
« de la Mère des Dieux, digne dendrophore. v
motif pour c|ue l'orthograplie se plie à ces
ridicules balivernes ?...
D*un antre côté, les Troif-Iles, et
le fleuve Malua^ qui marquent les deux
premières étapes à partir de Rusadder,
sont bien reconnus pour les trois ties
des Gjaïaryn et le fleuve Malouyah :
ainsi les deux extrémités de cette route
sont bien déterminées; mais toutes
les stations intermédiaires le sont fort
peu, à raison de la discordance de l'I-
tinéraire avec les cartes de Ptolémée,
en outré d'une grande lacune que laisse
en cette partie la Table Peutingérienne,
et de l'insuffisance actuelle des notions
acquises sur cette région. Ce n'est pas
que les principaux lieux compris dans
cet intervalle ne figurent à la fois dans
le routier romain et dans la série des
positions données par le géographe grec;
mais Teur situation relative est souvent
inverse. Du n[K)ins ne peut-il y avoir
doute sur certains points : Siga , par
exemple, qui avait été la capitale du
pays au temps de Syphax, c'est-à-dire
a l'époque des guerres puniques, Siga
devenue ensuite une colonie romaine
ainsi que le constate Ptolémée au se-
cond siècle, érigée plus tard en muni-
cipe comme nous le montre l'Itinéraire
260 ans après ; cette ville est indiquée
par ces deux autorités dans une posi-
tion qui doit en faire reconnaître l'em-
placement sur les bords de la Tâfnày,
où l'on en trouve encore des restes, à
l'endroit même où s'était élevée, après
la conquête musulmane, la ville mau-
resque d'Areschqoul , non loin de la-
quelle les Français avaient naguère
établi leur poste de la. Tâfnày, appelé
également par les Arabes Areschqoul,
tandis que nous n'avons conservé ce
nom, défiguré en Risgoun ou Harsch-
goun, qu'à la petite tle voisine.
— Depuis Siga jusqu'à Césarée.
— Le géographe alexandrin nous dé-
signe bientôt après le Portos Magnas
ou Grand Port, puis la colonie de
Kouiza qui dans le principe était un
établissement étranger , ensuite le
Theôn-limên ou Port des Dieux , en-
fin la colonie d'Arsenaria, naguère
ville latine, à trois milles du rivage :
lieux importants qui seraient repré-
sentés aujourd'hui respectivement par
Mersày-el-Kébyr ou le Grand Port,
Digitized by VjOOQIC
m
L'UNIVERS.
par Oran, par le bort et par la ville
d*Arzéou; mais rltinéraire ne peut
cadrer à ces correspondances; son
Fortus Maarms va tomber vers Mos-
taghâoem, bien que son Portas Divi"
nus coïncide avec celui d'Arzéou ;
tandis que son Quiza, de colonie de-
venu municipe, et son Arsenaria, dé-
pouillé de toute qualification, devraient
être cherchés sur la côte mal connue
à la droite du Schélif. Il semble que
ritinéraire ait subi quelque transpo-
sition dont il faudrait accuser Tinad-
vertance des copistes. ,
La colonie de Cartonna, fondée sous
Auguste par la seconde légion, paraît,
dans tous les cas, représentée par la
moderne Ténès, où des fouilles récentes
ont fait découvrir cette inscription :
C. FVLCINIO. H. F. QVIR.
OPTATO. FLAM. AVG. Il VIR.
<ÏQ. PONTIF. Il VIR. AVGVR,
AED. QTE8T0RI. QTI.
IMRYPTIONE. BAQYA-
TIYM. COLONIAM. TVI-
TV8. EST. TESTIMONIO.
DECRETI. ORDINIS. ET.
POPYU CARTENNITANI.
ET. INCOLA. PRIMO. IPSI.
NEC. ANTE. TLU.
AERE. CONLATO.
« A Caius Fulcinius Optatus, fils de Mar-
« eus, de la tribu Qairina, flamineaugustal ,
« duumvir quinquennal , pontife , duumvir
«augurai, édile, questeur; qui a préservé
« la colonie de l'irruption des Baquates (*);
n en foi d'un décret du corps municipal et
« des citoyens de Cartenua , ainsi que des
« habitants ; à lui le premier, et à personne
« auparavant; par souscription. »
(*) Le nom des Baquates, connu d'ail-
leurs par les indications de Ptolémée, de
l'Itinéraire et de Julius Honorius, figure
sur cet autre monumeut épigraphique, déjà
publié par Marini , par Fabretti , et par
Orelli, qui offre un intérêt particulier :
D. M.
MEMORIS
pilI
avrklI
caitartbak
PRIIfCfPIS GEKTIVK
BAQVATIVM
QVI VIXIT
Aww. xvr.
« Anx mânes de Mémor, fils d'Aur^UutCanarlha,
« prince de« Baquates* mort à seize ans. »
Dans Test, lltinéraire indigue tin
château appelé Lar^ qui peut-être fut
bâti à Kar-kôme ou village de Kar
mentionné 250 ans auparavant par
Ptolémée. C'est un peu plus loin que
ce géographe place des Castra Ger-
manônr(\\x\ semblent répondre par leur
dénomination aux Castra puerorum
de l'Itinéraire, tandis que ce dernier
les désigne bien auparavant , dans
Touest, auprès d'une colonie de GUua
inconnue a Ptolémée sur la côte (*) .,
et qui répondrait à Oran dans le tracé
de cette route. Pïon loin de Césarée,
Gunugi ou Kanoukkis, ancien noste
carthaginois où fut établie une colonie
sous Auguste par une cohorte préto-
rienne, se montre dans Ptolémée au
second siècle, et dans l'Itinéraire au
quatrième, sans aucune mention de
cet ancien titre colonial. On voit de
combien d'incertitudes sont envelop-
pées les notions qui nous sont parve-
nues touchant les stations que les Ro-
mains avaient établies sur cette portion
de côte (**).
Route depuis Césabée jusqu'à
KusiGGADE, PAR S XLDES. — Position
deSaldes, — La quatrième et la cinquiè-
me portion de la route littoraiequinous
occupe, sont comprises, dans leur en-
semble, entre Césarée que nous savons
être Scherschel , et Rusiccade dont les
ruines se voient encore au Râs Sokay-
kadah près de Storah; et comme elles
sont d'égale longueur, c'est précisé-
ment au milieu de cet intervalle que
doit se trouver la colonie de Saldes
fondée par Auguste , dont la position
a longtemps été un problème pour les
modernes, attendu que nulle ville im-
(*) si l'on se résolvait à la chercher,
avec Reichard, dans l'intérieur des terres,
on pourrait alors plausiblement l'identifier
à la riyXovv) de Ptolémée.
(**) L'intérêt spécial et actuel que notre
possession de l'Algérie imprime ici à notre
sujet, nous a entraîné à nous départir quel-
que peu du système de description et de
narration rapides auquel est astreint l'en-
semble de notre travail. Nous n'avons pour-
tant indiqué que les sommités de la ques-
tion de géographie comparée que donne à
résoudi*6 rétude de cette côte.
Digitized by VjOOQIC
r
AFRIQUE ANCIENNE.
portante ou ancienne n'existe sur la
côte, à égale distance de Scherschel
et de Storah ; le voyageur Shaw sup-
posa Saldes à Bougie, et le grand
géographe d'Anviile la plaça à Tediès :
une inscription recueillie à Bougie de-
puis notre conquête paraît, suivant
l'interprétation de divers savants ,
donner gain de cause au voyageur an«
glais; la voici :
SEX. CORNEUO.
gEX. F. ARM. DEXTRO.
PROC. A8IAE. IVRIDICO. ALB
XANDRE^E. PROC. NEASPO
LEOS. ET. MAVSOLEI. PRAEF.
CLASSI8. 8YR. DONIS. MILITA
RIB. DONATO. A. DIVO. HADRI
ANO. OR. BELLVM. IVDAICVH.
HASTA. PVRA. ET. VEXILLO.
PRAEF. ALAE. I. ATG. GEM. CO
LONORVM. TRIR. LEG. TIII. AVG.
PRABF. GOH. V. RAETORTM.
PRAEF. FABRCH. III. PATRONO.
COLOMIAB.
P. BLAESIV8. FEUX. G. LEG. II. TRA
UN. FORT. ADFINI. PIISSIMO.
OR. MERTFA.
« Â Sextus Cornélius Dexter, fils de Sex-
fc tuSy de la tribu Amienne, proconsul d'Asie,
ce grand juge d'Alexandrie, procurateur de
<c la nouvelle ville et du mausolée, préfet
n de la flotte de Syrie, honoré de distinc-
«tions militaires par l'empereur Adrien
« pour la guerre contre les Juifs (savoir) ,
« d'une pique simple et d'un guidon ; préfet
«de l'Aile première Augusta-Gemina des
« colons ; tribun de la lé^on huitième Au-
n guste ; préfet de la cohorte cinquième des
« Rhétiens ; trois fois préfet des ouvriers ;
m. patron de la colonie : Publius Blaesius
« Félix , centurion de la légion deuxième
« Trajana-Fortis, à son bon parent, pour
« ses bienfaits. »
C'est ce titre de colonie donné à la
ville sur l'emplacement de laquelle est
aujourd'hui Bougie , qui , a défaut
d'existence connue d'une colonie autre
que Saldes dans l'intervalle où peut
s'étendre Fincertitude des critiques,
a été considéré comme un argument
décisif: les deux routes conduisent
donc, dans cette hypothèse, l'une de
Scherschel à Bougie, et l'autre de
Bougie à Storah.
— De Césarée à Saldes. — Après
Gésarée vient immédiatement la ville
latine de Tipasa, représentée par la
177
moderne Tefesah, puis Casœ Cal-
venti qui était peut-être sur l'em-
placement de QoIe*yah , ensuite la co-
lonie ù'IcosioUy bâtie, si l'on en croit
Solin, par vingt compagnons d'Her-
cule qui ne voulurent laisser à aucun
d'entre eux la gloire de lui donner son
propre nom ; elle tenait de Vespasien
son titre de ville latine , et l'on pense
qu'elle occupait la place actuelle d'Al-
ger, d'autant plus qu'on y a trouvé
Pinscription suivante {*) :
L. SmO. M. F. QVIR.
PLOGAMIAM.
ORDO.
ICOSITANOR.
M. SmVS. SP. F. QVIR
CAECILIANTS
PRO FlUO
PIENT18S1M0
H. R. I. R.
« A Lucius Sittius Plocamîanus fils d^
« Marcus, de la tribu Quirina, le corps mu-
« nicipal des Icositans : Marcus Sittius Ce-
« cilianus fils de Spurius, de la tribu Qui-
« rina , pour le meilleur des fils , après les
« honneurs reçus, a remboursé la dépense.»
On voit, après, Rusgunia, colonie
fondée par Auguste , à laquelle appar-
tiennent , dit-on , les ruines que Ton
trouve un peu au sud du cap Témed-
fous, et d'où Ton assure qu'ont été
tirées diverses inscriptions transpor-
tées à Alger, entr'autres celle-ci :
L. FADIO. L. F. QVIR.
ROGATa.
DEC. AED. uviR. ir?ra.
QQ. RVSG. ET. RVSG.
GONSISTENTES. OR.
MERrrA. QYOD. FRV
MENTVM. INTVLERrr
ET. AMNONAM. PAS
8VS. NON. SIT. INCRESCERE.
AERE. COLLATO.
« A Liicius Fadius Rogatus , fils de Lu-
« cius, de la tribu Quirina , décurion , édile,
«duumvir; les duumvirs quinquennaux
« de Rusgunia et autres présents à Rusgu-
« nia, pour les services qu'il a rendus en fai-
{*) Le texte de cette inscription offre
beaucoup d'incertitude de lecture à la pre-
mière ligne, ainsi qu'à la fin de la cinquième;
mais tout le reste ne donne prise à aucun
doute. Le nom quelque peu étrange de Plo-
cmndanus parait tiré du grec icXoxajioç (che-
velure bouclée).
12* livraison. (Afrique ancienne.)
12
Digitized by VjOOQIC
178
L'UNIVERS.
d sant venir des blés , et en ne souffrant pas
« que rapproYisionnement renchérit ; par
K souscnptioo. »
A la suite paratt Rusubbicari dont
le nom , écrit aussi Rousikibar par
Ptolémée, est quelquefois accompagné
de celui de Matidie, en Fhonneur sans
doute de la princesse Matidie, nièce
deTrajan etbelle-mère d'Adrien. Cisse,
qui suit, avait le titre de municipe, et
Ausuccurum celui de colonie, oui lui
avait été donné par l'empereur Claude;
lomnium encore était un municipe;
Rusâzus , jadis colonie d'Auguste ,
était pareillement devenu un municipe
au quatrième siècle ; et dans Finter-
valle compris entre lomnium et Ru-
sâzus la Table Peutingérienne indique
un autre municipe encore, celui de
Rusippisir.
— De Soldes à Rtcsiccade, — Pre-
nant maintenant la route de Sal-
des à Rusiccade, on trouve pour pre-
mière étape Muslubium, où la Table
Peutingérienne nous avertit qu'il exis-
tait des Horrea ou greniers. A l'étape
suivante était le municipe de Coba , qui
occupait l'endroit appelé aujourd'hui
Manssouryah. La moderne Gygel a
succédé à la colonie d'Igilgilis, qui
devait sa fondation à Auguste. La sta-
tion qui vient ensuite nous montre
encore une fois le nom de la prin-
cesse Matidie ; puis on traversait le
fleuve Ampsagas , qui vient de Cons-
tantine , et à l'embouchure duquel le
bourg de Tucca marquait la limite
commune de deux provinces , et l'on
arrivait au municipe de Chullu , dont
le nom s'est conservé sur place jus-
qu'à nos jours, dans celui d'El-QoIl.
Enfin la route aboutissait à Rusiccade,
qui est décorée du titre de colonie
dans la Table Peutingérienne.
Route depuis Rusiccade jus-
qu'à Cabth âge.— Le sixième segment
de la grande voie littorale que nous
suivons nous conduit jusqu'à Hippone
Royale, ancien établissement carthagi-
nois, qui ftit probablement eonquw et
choisi pour capitale par le roi des Numi*
des Gala, père de Massintssa, érigé ea«
suite en colonie après la ee«K|u^ des
Romains , illustré par i*épiscopat de
saint Augustin, détruit par les Vanda-
les, et dont les ruines gisent à quelque
distance au sud de Bone , bâtie de ses
débris par les Arabes , et dont le
nom rappelle encore celui de la ville
antique. Aucune des stations inter-
médiaires ne se recommande parti-
culièrement à notre attention.
Le septième segment arrive à Car-
thage ; sur cette route se montre d'a-
bord Thabraca , dont le nom s'est
conservé sur plaee presque sans alté-
ration , et qui fut une colonie de ci-
toyens romains à l'embouchure du
fleuve Tusca , limite alors entre la
Numidie et l'Afrique proconsulaire,
comme il l'est encore aujourd'hui,
sous le nom de Ouéd-el-Berber, entre
l'Algérie et la régence de Tunis ; puis
vient Hippone - Diarrhyte , ancienne
ville punique comme l'autre Hippone,
et royale aussi comme elle , au aire de
StraÉon , que l'on a taxé d'erreur à
cet égard , sans prendre garde au voi-
sinage immédiat de Thimida qui fut
la résidence du roi Hiemsal, fils de
Gulussa : Pline le jeune lui attribue le
titre de colonie, peut-être par inad-
vertance ou par suite d'une méprise ,
car elle se dit Hbre sur ses monnaies;
le surnom grec de Diarrhvte qu'elle
devait aux eaux du lac à 1 entrée du-
quel elle était bâtie , se corrompit par
la prononciation africaine en celui de
Zaryte, et d'HipponeZarite les Arabes
ont fait Ben-Zert, que nous pronon-
çons et écrivons aujourd'hui Bizerte.
Bientôt après se rencontre Utique » le
plus ancien des établissements fondés
sur les plages africaines par les Phé-
niciens, et la première des posses-
sions romaines sur le territoire puni-
que, puis capitale de la province con-
quise , dotée par Auguste du droit de
cité romaine , et s'intitulant sur ses
monnaies municijnum JuUum Uti-
censé, réduite déjà sous Adrien au
titre plus nriodeste de colonie , qu'elle
conserve encore sur la Table Peutin-
gérienne, mais qui ne paraît phis dans
lltinéraire, rangée parmi les villes la-
tines par Septime-Sévère et Caracalla;
on croit que ses mines sont ceHes
qu'on aperçoit aujourd'hui sous le nom
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
d'Abou^Sehâter, à trois lieaes au sud-
ouest de Porto-Farina. Entre ces deux
I>oints un village, appelé El-Ouqati.par
es Arabes , conserve sous cette forme
Je nom de l'ancienne ville de Loktia ,
prise par Scipion au commencement
de la deuxième guerre punique. Nous
arrivons enfin à Carthage, dont il vaut
mieux, suivant l'expression de Sal-
luste , ne rien dire que dire trop peu.
Route depuis Cabthàge jus-
qu'aux AUTELS DES PHILENES. —
De Carthage à Thènes, — Poursui-
vons à l'est de Carthage cette lonr
gue route dont nous avons déjà par-
couru la plus grande moitié : ainsi
que nous l'avons dit, cette seconde
partie était divisée en trois segments
par les deux points d'arrêt qu'offraient
Tbènes et L«ptis la Grande.
Au sortir de Carthage on rencon-
trait successivement deux villes du
nom de Maxula, l'une surnommée
PrateSy dont il semble que le village
actuel de Rades ait garde à la fois la
1>lace et le nom, l'autre distinguée pr
e titre de cité, et dont la position
parait répondre à Hhammâm-el-Enf ;
Tune d'elles avait au temps de Pline
la qualité de colonie; la première re-
çoit de Ptolémée i'épithete de Paléa
ou ancienne. La route coupait l'isthme
au delà duquel est la presqu'île du eau
Bon, pour arriver directement à
Putput, représenté par la ville mo-
derne de Hbammâmet; les Horrea
Cœlia qui venaient ensuite, ont laissé
leur nom k Ehraqlyah ; Adrumète ,
chefJieu de la Byzacène, ville libre
d'abord , puis décorée par Trajan du
titre de colonie et du surnom de Con-
cordia (*), voit aujourd'hui la ville
(*) CetsL résulte d'une inscription bien
connue, de Tan 3ii, où on lit :
eOLONI. C0I.0iriAB. CONCO&DIAS.
VI.PXAB. TAAIAITAE
AVGTSTAK. FRVOXPKRAK. HADRVMBTIKAB
Q. ARiiDlVlC. VJLLERIVM. PROCVLVM. V. C.
PRAX8IDB1C PROYIHCIAB. BTZACRITAB.
UBBROS. POSTBROSQVK. KXVS
SIBL I.IBBRIS. POSTBRUQVB. SVIS. PATROlTTlf.
coopTAVBRVirT elc.
« Les coloot de la colonie Concordia d'Ulpias
« Trajaa Augoste , la féconde Adrumète , oot choisi
179
arabe de Sousab élevée au milieu de
ses ruines ; celles de la cité de Lepti-
minus ou Leptis la Petite gisent an
bourg de I^mthah , et celles de Tus-
drum, dont le titre colonial datait
sans doute du règne de Gordien, qui
y fut proclamé empereur, montrent
encore de beaux restes à Legem. La
cité ou le municipe d'UsuIa , ancien
établissement de Locriens-Ozoles si
l'on en croit les scholies de Servius, a
laissé quelques traces de son nom à la
moderne Inshilla : et le nom actuel de
Tény indique la place de l'ancienne
ville libre de Thènes, qui reçut de
l'empereur Adrien le titre de colonie
avec le surnom de Mercurialis (*). On
voit que cette route abandonnait la
côte à Leptis pour venir plus directe*
ment à Thènes ; elle laissait ainsi sur
la gauche, le long de la mer, Thapsus
devenue fameuse par la victoire de
César, dont l'emplacement est marqué
au cap Dymâs , et la tour d' Annibal ,
oîi le héros carthaginois fit son dernier
adieu à la terre d'Afrique.
— De Thènes aux Autels des Phir
lènes. —De Thènes à Leçtis la Grande,
la première étape se faisait au municipe
des Petites Macomades, qui tirait son
nom des marécages salés du voisi«
nage, ce mot de Macomades désignant
en effet toujours, ainsi qu'il est facile
de le vérifier par une étude attentive ,
ce que nous appelons aujourd'hui, avec
les Arabes, une sebkhah; plus loin
on atteignait la colonie de Tacape,
« le clarissime Quintos Aradius Valerius Proculns ,
« goaverpeur de la province Byzacène , se» enfants
« et descendants , comme patron pour eux , leui'S
w enfants et descendants , elc. »
{*) Une inscription non moins connue
que la précédente , et de la même date ,
porte :
DRCYRIOHKS. ST. COLOIf I. COLOHIAB. AELIAS
AVOnSTAB. M&RCVRIALIS.THAENXT. CVM. QVIN-
TO, ARAOIO. VALERXO. PROCVLO. V. C FRAKSXDI
PROVINC. VAL. BTZAC. HOSPITXVM. CLISNTE
LAMQVE. FECISSEHT. ,. . . .etC
t< Lea décurions et les colons de la colonie d'É-
« lius (Adrien) Auguste, la Mercuriale Thànes , au-
« raient fait contrat d'hospitalité et de clientèle
<c avec le clarissime Quintus Aradius Valerius Pro-
« coins , gouTerneur de la province Valérie ByiA-
«cène etc.»
12.
Digitized by VjOOQIC
180
L'UNIVERS.
dont la moderne Qâbes conserve le
nom, dépouillé de l'article berber qui
le précède dans sa forme antique. On
traversait les municipes de Gittis et
de Zita et plusieurs villas, pour at-
teindre la colonie de Sabrata , aue les
Arabes appelaient encore Santbbartha
et Sabart avant que les mariniers euro-
péens en eussent fait Tripoli vecchio
ou le vieux Tripoli ; après une autre
villa, on atteignait Tancienne cité d*Ééa
ou £a, revêtue désormais du titre de
colonie, et représentée de nos jours
par la grande ville de Tripoli de Bar-
barie; et après deux villas encore, on
arrivait à Leptis la Grande, patrie de
Septime-Sévère , et qui dut sans doute
à cet empereur son érection en colo-
nie ; son nom ne s'est point entière-
ment effacé dans celui de Lebedah
qu'elle porte aujourd'hui.
De Leptis aux Autels des Philènes(*),
nulle station n'est digne d'être men-
tionnée, si ce n'est peut-être celle des
Grandes Macomades, pour rappeler
qu'elles désignent en effet une sebkhah
très-considérable. Quelques traverses
pouvaient, entre certaines mutations,
abréger le chemin, ou remédier à l'in-
terruption accidentelle de la grande
voie : c'est là tout ce que nous avons
à en dire, et nous le disons ici pour
n'y plus revenir.
A l'ouest de Leptis, au contraire,
les traverses et les routes de Tinté-
rieur méritent une attention particu-
lière, surtout en se rapprochant de
Carthage , où est le véritable point cen-
tral de toutes ces lignes de communi-
cation.
Routes de l'Intérieur.
A l'extrême occident, une route in-
térieure, dont il ne nous est parvenu
qu'ime indication tronquée, partait
probablement de quelque point de la
côte pour revenir a Tingis en passant
(*) Nous avons fait remarquer ailleurs
3ue les Autels des Philènes sont marqués
ans ritinéraire par la dénomination de
Bomi, idesi arœ, défiguré par les copistes en
BanadedarL — Toyez le volume consacré
aux lies de Pjfrique^ i**' partie, p. 3o.
f)ar Volubilis, décorée du titre de co-
onie postérieurement au temps de
Ptolémée ; un embranchement qui
était tracé sur la feuille perdue de la
Table Peutingérienne , dont quelques
vestiges défigurés se retrouvent dans
la compilation du cosmographe ano-
nyme de Ravenne, passait par Babba,
érigée en colonie par Auguste, qui
lui donna le nom de Julia Campes-
tris.
Deux grandes voies, l'une deCalama
à Rusuccurum, et de là à Saldes, puis à
Igilgilis, l'autre de Carthage à Cesarée
par Cirta et Sitifis, se croisant toutes
deux à Sufazar, formaient une grande
ligne continue, par l'intérieur, entre
Carthage et l'extrémité occidentale de
la Mauritanie Césarienne.
Gb ANDE BOUTB DE CaLAMA A IgIL-
GILIS PAB RUSUCCUBUM ET SaLDES.
— Le première, celle de Calama à Ru-
succurum, traversant un pays sur le-
quel nous n'avons encore aujourd'hui,
malgré les intelligentes reconnaissan-
ces de nos officiers d'état-major, que
des notions imparfaites, il est à peu
près impossible de déterminer l'empla-
cement actuel d'une bonne partie des
lieux par où elle passait. Le point
de départ est lui-même un problème
non encore résolu d'une manière satis-
faisante, puisque les uns l'identifient à
Nedromah , d'autres à un fort voisin
du Malouyah , les uns et les autres le
mettant ainsi à quelques lieues dans
les terres, d'accord en ceci avec la
position qu'offrent les cartes de Pto-
lémée ; tandis que l'itinéraire maritime
des Romains semble en faire une ville
de la côte, en énonçant la distance qui
le sépare de quelques îles voisines. Ce
n'est ici le lieu ni d'examiner ni de ré-
soudre ces difficultés. A la quatrième
étape on trouvait une station appelée
Regix; c'était sans doute une rési-
dence royale des anciens princes indi-
gènes ; d'Anville supposait qu'elle ré-
pondait à Telemsên. Plus loin se ren-
contraient consécutivement Castra
nova ou le nouveau camp , le Praesi-
dium, poste ou fort de Ballene, Mina^
et le camp de Gadaum; pour cette
partie de la route , des analogies de
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
181
dénomination , Jointes aux conditions
de distances, et à la certitude acquise
qu'au passage de la rivière Mynah exis-
tent les ruines d'une ville romaine
qui représentent très -bien celle de
Mina de Tltinéraire : ces circonstances
rendent très-probables les synonymies
géographiques d'après lesquelles on
placerait Castra nova à Ma'skarah,
dont la signiBcation arabe est analo*
gue à celle de Castra , un camp mili-
taire ; Praesidium Ballene à Qala'h, dont
la signification arabe est pareillement
analogue à celle de Praesidium, un
poste fortifié, un fort; puis, au delà de
Mina, Gadaùm castra à Téqdemt, dont
l'homonymie est frappante. Plusieurs
étapes venaient ensuite, dont les cor-
respondances modernes ne sont point
déterminées; on y peut remarquer,
échelonnés de proche en proche, le
château de Tinsitium (ou Tingitanum),
le munîcipe de Tigauda, la colonie
d'Oppidum novum et le camp de Ti^ava
au passage du Schélif ; après quoi on
rencontrait Malhana , dont le nom
s'est conservé dans celui de Melyânah.
La route se poursuivait à l'est par di-
verses stations dont la position est
encore incertaine , mais parmi les-
quelles on peut remarauer le camp de
Tarana-Musa, le poste au Tamaricetum
ou de la plantation de Tamariscs, et
le camp de Rapida, sans doute au
passage de quelque rivière , à l'un de
ces endroits appelés aujourd'hui Schil-
lêlah ou Gjendel; et Ton atteignait
enfin, sur la côte, la colonie de Rus-
uccurum, identifiée avec Tediès par
quelques géographes.
De Rusuccurum à Saldes, la tra-
verse de l'intérieur passait par le mu-
nicipe de Bida ou Bidil , et par celui
de Tubusuptus , qui avait précédem-
ment été une colonie, fondée par Au-
guste , ainsi que l'indique Pline.
De Saldes à Igilgilis, la route faisait
un coude assez prononcé, vers la co-
lonie de Sitifis, dont le nom est resté
à la moderne Séthyf , et qui fut la ca-
pitale de la Mauritanie Sitifîenne; nous
y remarquons encore un municipe,
celui de Sava, entre cette colonie et
celle de Saldes.
GbàNDB BOtTE DE CABTHAGB A
CÉSABBE PAB ClBTA ET Sl^IFIS. —
De Carthage à Théveste, — La se-
conde grande voie intérieure, de Car-
thage à Césarée, était distribuée aussi
en trois fractions, par les stations
principales de Cirta et de Sitifis ;
et la première fraction elle-même ,
de Carthage à Cirta, se partageait
naturellement, bien que l'Itinéraire
n'en fasse pas mention , en deux sub'-
divisions à peu près égales, ayant
leur point de réunion à Théveste,
colonie romaine dont le nom est resté
avec peu d'altération à la moderne
Tébesah. La première subdivision fut
restaurée sous Adrien, en Tannée 119
de notre ère, ainsi que le constate
l'inscription bien connue que voici :
IMP. CAESAR
DIVl NERVAE MEPOS
DITI TRAIANI PARTHICI P.
TRAIANTS HADRIANYS
AVG. PONT. MAX. TRIB.
POT. VU. COS. m.
yiAM A CARTHA6INE
THEYESTEN 8TRAVIT
FER LEG. ni. AVG.
P. METHJO SEGVNDO
LEG. AVG. PR. PR.
« L'empereur et césar, petit-fils du bien-
ce heareux Nerva , fils du Dienheureux Tra-
« jan le Parthique, Trajan Adrien Auguste,
« grand pontife, revêtu de la puissance tri-
« bunitienne j^ur la septième fois , consul
« pour la troisième fois , a fait paver la
« route de Carthage à Théveste par la
« légion Troisième-Auguste , sous Publius
« Metilius Secundus , lieutenant impérial
« propréteur. »
Cette route passait par Musti , dont
plusieurs inscriptions assurent l'em-
placement au villaçe arabe de Sydj-
*Abd-el-Rabbi; ensuite par Lares, Laris,
ou Laribus comme on disait dans la
basse latinité (*), qui a laissé cette
forme au nom arabe actuel d'El-Orbos,
ville déjà connue de Salluste, et dé-
corée du titre de colonie sans doute
par Adrien , comme on peut le penser
(*) «Urbs Laribus mediis surgît tutisstma silrîf,
« Et maris munita noris, quos condidit ipae
« Justiniaons apex orbis. »
CoRitvE^ Johannide, Yl^ x43«
Digitized by VjOOQIC
IM
L'XJIfïVERS.
diaprés cette inseriptîoù , encore exi»*
tante sur place :
DITO
AirroNiNO
AYG. LARES.
(t ka bienheareux Antonin César, la oo-
« loDÎe £lia Augusta Lares. »
L'étape qui précédait Théveste por-
tait le nom d'Ammédéra et le titre de
colonie , qu'Hygin , l'affranchi d'Au-
guste et l'ami d'Ovide , mentionne
déjà comme une faveur récente, et qui
réparaît dans l'Itinéraire après un ou-
bli de près de quatre siècles.
— De Théveste à Cirta, — La se-
conde subdivision , entre Théveste et
Cirta, ne nous offre pas de lieu remar-
quable; nous y devons signaler tou-
tefois de nouvelles Macomades, dont
le nom constate que la route passait
auprès, sinon au travers de la longue
sebkhah qui s'étend du sud au sud-est
de Constantine ; de là on passait à Si-
gus (*), dont les ruines n'ont d'autre
(*) Cette ville aurait eu le titre de co-
lonie , si c'est à elle qu'il faut rapporter
rinscriptioD suivante trouvée à Constan-
tine :
M. AVRELIO AITTO
irZVO CABS. IMP. DBS
TIWATO. FIUO
IMP. CAKS. DIVI. M. AlfTOHI
iri PII OERMAiriCI S^RMATI
CI FIL. DIVI COMMODI FRATRIS
DIVI AirrONINI PII KEP. DIVI
HADRIAlfl PROITEP. DIVI TRA
lAXri PARTBIGI ABITEP. DIVX
IfBRVAB ADITBPOTIS
I.. SEPTIMI SEVERI PERTIITA
CIS. AVO. PARTHIGI ARABICX
PARTHIGI ADIABEZnCI PRO
PAOATORK IMPERIC POITTIF.
HAX. TRÏB, POT. T IMP. VIII
G08. PaOCOS. FORTISSIMI
■T SAHCTISSIMI PRINCIPIS
COL. SIGVITAirOKVlt.
«< A Marc Aorèle Antonin , césar et futur empe*
« reor, fils de l'empereur et césar Lucins Sep-
« timius Sereros Pertinax Auguste, le parthique ara-
« bique , le parthique adiabénique , Vextensenr de
« l'empire , grand pontife , revêtu de la puissance
« triboni tienne pour la cinquième fois , du titre de
mérite que d'avoir été vlsftéeë par
Peyssonnel , et l'on atteignait Cfrta ,
peut-être la plus ancienne et méme^
d'abord l'unique ville bâtie chez les Nu-
mides, qui pour la désigner emprun-
tèrent à la langue des Carthaginois
cette appellation de lAUe (*) qui man-
quait à leur vocabulaire, comme il man-
que encore à celui de leurs rejetons les
Berbers de nos jours. Tour à tour ca-
Sitale de Syphax, de Massinissa, de
licipsa, d'Adherbal, de Juba le Jeune;
chef-lieu de la province romaine de
Numidie , elle fut érigée en colonie
par Jules César, pour récompenser le
corps de partisans avec lequel Publius
Sittius Nucerinus lui avait rendu de
si utiles secours pendant la guerre
d'Afrique, et fut dès lors appelée Cirta
Sittianorum et Cirta Julia, jusqu'à
ce qu'au quatrième siècle elle reçût le
nom de Constantine qui lui est resté.
— De Cirta à Sitifis. — La frac-
tion de route qui conduisait de Cirta
ou Constantine à Sitifis ou Sétbyf ,
traversait Mileum revêtue du titre de
colonie dans la Table Peutinçérienne ,
célèbre par l'épiscopat de saint Optât
l'historien du schisme des Donatis-
tes , et encore reconnaissable aujour-
d'hui sous son nom arabe de My-
lah ; puis on atteignait la colonie de
Cuiculum , dont une inscription re-
cueillie sur place paraît déterminer
avec certitude la position à l'endroit
même où s'élève aujourd'hui Gemmy-
leh , vers le nord-est de Sétbyf; cette
inscription est ainsi conçue :
TELLVBI GENETRIGI RESPVBLICA CVICVUTANOR.
TEMPLVH FEGrr.
C. nriJVS LEPIDV8 TERTVLLV& LEG. AVG. PR.
PR. DBDIGAVm
SniTLAGRyM DEAE ACROLITHVM TI. lYLITS
HONORATTS PONT. FL. PP. DONO DEDIT.
« généralissime pour la huitième fois, consul, pro-
« consul , puissant et inviolable prince; la colonie
« des Siguitains.M Cette inscription (dont nous nous
dispensons de traduire les indications purement
Sénéalogiques) est de l'année iq8 , la 5" du règne
e Septime Séyire , et s'adresse a son fils Garacalla,
alors césar.
(*) >^m6» Qertâ, la Ville. Les Berbers
ont de môme emprunté aux Arabes leur
mot Médynah, qu'ils ont naturalisé sous la
forme Témdjnt,
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE-
m
« A la Terre génératrice , la république
a des Guiculitains a élevé ce temple ; Caïus
« Julias Lepidus Tertullus , lieutenant im-
« pénal propréteur, en a fait la dédicace ;
« Tiberius Julius Honoratus , pontife fla-
« Tien, a donné, de ses deniers , la statue
« de la déesse sur son piédestal. »
Cuiculum communiquait à la c6t6
par deux routes directes, Fune sui^
Goba avec embranchement vers Igilgi-
lis, l'autre sur Tucca à l'embouchure
de TAmpsagas.
— De Sîtifis à Césarée, — La der-
nière fraction de la grande route de
Carthage à Césarée partait de Siti-
fis, et ne comptait pas moins de douze
gîtes d'étape, parmi lesquels nous
remarquons les noms de Perdices ,
Cellas, Maori, Auza, Rapidum, Caput-
Cillani, Sufasar, et Aquis.
Séthyf d'une part et Scherschel de
l'autre indiquent les deux points ex-
trêmes ; vers le milieu se trouve, dans
le château actuel de Hamzah, le point
corrélatif à Auza, qu'Ammien Marcel-
lin appelle Gastellum Audiense, et qui
porte le titre de colonie dans deux
inscriptions recueillies sur les lieux
mêmes ; Tune est consacrée
AYZIO DBO GENIO ET G0N8ERVAT0R1 COL.
<c Au dieu d'Auza, génie et gardien de la
« colonie. »
l'autre trouvera sa place plus loin,
dans le résumé topographique de l'ex-
pédition de Théoaose contre Firmus.
C'était le quartier-général d'un com-
mandant de frontière que la Notice des
dignités intitule prœposUus Hmitis
Andiensis.
Ces trois points ne suffisent pas pour
donner une idée générale de la direc-
tion de la route: car on vient aujour-
d'hui de Sélhyf à Hamzah par les fa-
meuses Portes de fer que les soldats
français ont franchies , tandis que la
voie romaine contournait par le sud
les montagnes dans lesquelles est ou-
vert ce périlleux défilé. Un Qassr elr\
Thàyr ou Château des Oiseaux répon-,
drait bien par sa dénomination a la
station de Perdices^ si la condition de.
distance était mieux remplie. Le nom^
de Cellœ indique suffisamment des>
magasins, mais Templai^ement en est
encore ignoré. Mac|qarah , lieu de nais-
sance du célèbre historien arabe Sche-
hâb-el-Dyn Ahhmed el-Maqqary, re-
présente très-bien le Macri de rltiné-
raire. La route qui , pour arriver
jusque-là , avait tiré au sud-ouest,
reprenait ensuite au nord pour gagner
Auza.
Entre ce dernier point et Césarée ,
le nom de Rapidum indique une de
ces chutes d'eau que les indigènes ap-
pellent aujourd'hui Schillélah, et dont
plusieurs sont marquées sur les cartes^
dans ces cantons. Le Caput-dUani
désignait-il un poste établi à la source
d'un fleuve Cillanus? On pourrait le
croire : un commandant de frontière,
prsepositus Hmitis Caput-CellensiSj y
avait ses quartiers; et les montagnes
situées au delà portaient le nom de
mont TranS'Cellensis ; peut-être était-
ce celles de Tythery. A Sufazar se trou-
vait le point d^intersection de la route
de Sitins à Césarée avec celle de Cala-
ma à Rusuccurum ; puis on passait à
AquiSy c'est-à-dire à un établissement
thermal destiné au soulagement des
malades et des blessés; et l'on n'avait
plus qu'une étape pour arriver à Cé-
sarée. La position de ces thermes,
ainsi que celle de Sufazar, n'a point
encore été déterminée avec quelque
assurance : le voyageur Shaw, qui con-
naissait bien le pays , avait désigné
Hhammâm-Merghah comme représen-
tant plausiblement les Aquœ de l'Iti-
néraire.
Grande boute de Thèwes a Sal-
DES PAB THÉVESTET LaMBÈSE ET Sl-
TiFis. — La grande voie que nous
venons de parcourir était coupée car-
rément à Sitifis par une autre ligne
importante conduisant de Thènes à
Saldes par Théveste , Lambèse et Si-
tifis.
Cette ligne se compose de divers
fragments, qui sont présentés dans l'I-
tinéraire en cet ordre : route de Sitifis
à Saldes, route de Lambèse à Sitifis,
route de Théveste à Sitifis par Lambè-
se, et plus loin, route de Thènes à
Théveste ; nous aimons mieux les exa-
miner dans l'ordre inverse, qui moti-
Digitized by VjOOQIC
184
L'UNIVERS.
tre plus clairement comment ces frag-
ments s'ajustent bout à bout.
— Depuis Thènes Jusqu'à Théveste,
— La route de Thenes à Théveste ,
après avoir traversé Autentum, ou Au-
tenti comme on le trouve dans les
vers de Corippe (*), passait par Suf-
fétula , lieu important par le croise->
ment des diverses voies auxquelles elle
offrait ainsi un centre commun , et
dont les ruines présentent encore
d'assez beaux restes de trois temples ,
et d'un arc de triomphe dédié à An-
tonin , sur lequel Peyssonnel , Shaw,
et Grenville Temple ont lu quelques
mots épars d'une dédicace que nous
croyons pouvoir rétablir ainsi dans
son entier :
iMP. càesàri divi hadriani aug. fil. divi
TRAIANI PARTHICI NEP. DIVI NERVAE PRONEP,
TITO AEUO HADRIANO ANTONINO AVG. PIO
PONT. MAX. TRIB. POT. COS. II. PP ORDO ET
POPVLVS SVFFETVLENSIVM (ARCVH?) HANG
EDIFICAVERVNT EX DD. PP.
« A rempereur et césar fils du bienhea*
« reux Adrien Auguste , petil-fils du bien-
« heureux Trajan le Parthique,arrière-petit-
« fils du bienheureux Nerva , Titus Elius
n Hadrianus AntoninusAugustus Plus, grand
« pontife , revêtu de la puissance tribuni-
« tienne , consul pour la seconde fois (**) ,
K père de la patrie ; le corps municipal des
« Suffétulans a élevé cet arc; par décret
«c des décurions , des deniers publics. »
Le nom de Suffétula se retrouve
presque intact dans celui de Sobey-
thalab que porte aujourd'hui la ville
arabe élevée au milieu de ces ruines.
Après Suffétula on trouvait Cilium ,
obscur dans les géographes, mais dont
les ruines, éparses auprès du village
actuel deQassryn, montrent encore de
grands tombeaux, et un arc de triomphe
avec une inscription qui constate que
ce lieu avait été décoré du titre de
colonie :
COLONUE OLITANAE
Q. MANLIV8 FELIX C. FILIVS PAPIRIA RECEPTVS
POST ALIA ARCVM QVOQVE CVM IN81GN1BVS
GOLONIAE
SOUTA IN PATRIAM LIBER ALITATE EREXIT
<t A la colonie Cilitaine, Quintus Manlius
{*) « Te Autenti sacvos mactantes vHlerat hostes. »
CoRipPE, Johannide, II[, 319.
{!'*) En laiinée 139 de notre kiç.
ft Félix Réceptosy fils de Calos, de la tribu
«Papiria, outre d'antres monuments , a
« aussi , avec sa libéralité accoutumée en-
« vers sa patrie , élevé cet arc décoré des
« insignes de la colonie, etc. »
— Depuis Théveste jusqu'à Lamr
hèse. — Sur la roule de Théveste à Si-
tifîs, le point important était celui de
Lambèse, dont la synonymie géographi-
aue est bien connue par les vérifications
de Peyssonnel et par la visite récente
d'un jeune prince au milieu de ses
ruines, où subsistent de nombreuses
inscriptions, qui constatent, aussi bien
qu'une annotation spéciale de Ptolé-
mée (*), que c'était une colonie de la
(*) Il existe généralement, dans la ma-
nière dont cette annotation est entendue
par les éditeurs de Ptolimée et par les des-
sinateurs de ses cartes, une erreur trop
grave pour que nous ne regardions pas
comme un devoir de la relever ici, surtout
au moment où la petite édition grecque de
M. Nobbe (destinée, par son mérite aussi
bien que par la modicité de son prix et la
netteté de son exécution, à une circulation
très-étendue) rend cette erreur plus sensible
encore par une coupure mal placée. On
nous pardonnera cette digression, à cause
de rintérét qui s'attache à toutes les ques-
tions de géographie ancienne relatives au
territoire de l'Algérie.
Ayant à énumérer les villes intérieures de
la province d'Afrique, Ptolémée les distribue
en quatre séries principales : 1° entrée fleuve
Ampsagas et Thabraca ; a" entre lliabraca
et le fleuve Bagradas ; 3° entre le fleuve Ba-
gradas et le fleuve Triton ; 4° entre les deux
Syrtes; et il subdivise la première et la
troisième de ces quatre séries principales
en deux séries secondaires cbacune, savoir :
la 3' en villes soumises à Cartbage et villes
soumises à Adrumète (ce qui revient à la .
division bien connue de la Zeugitane et de
la Byzacène) ; et la i'*, dont nous voulons
parler spécialement ici, en villes des Gir^
tésiens et villes de la Numidie Nouvelle.
Les éditeurs ne paraissent point s'être
rendu compte, autant qu'il était nécessaire,
de cet arrangement, et ils ont fait ressortir
d'une manière uniformQ les titres des sub-
divisions aussi bien que ceux des divisions
principales ; -bien plus, l'annotation qui suit
le nom de Lambèse, ils l'ont prise aussi
pour un titre applicable aux villes dénom-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANOENNE.
185
légion lYaisiême-Juguste, qui fut,
depuis la conquête, constamment af-
fectée à la garde de l'Afrique : cette
circonstance, et la multiplicité des
routes tracées à l'entour, nous fournit
une indication très-digne de remarque
sur le système d'occupation et de dé-
fense adfopté par les Romains en cette
région : c'est à vingt lieues au sud de
Constantine qu'ils avaient porté le
noyau de leurs forces militaires, te-
nant ainsi en échec , entre la côte et
le cordon des frontières, les indigènes
subjugués, et circulant librement sur
leur territoire au moyen des routes
dont ils l'avaient sillonné : ce sytème
ne paraît pas encore avoir été assez
clairement aperçu ni médité.
Avant d'arriver à Lambèse on passait
mées ultérieurement jusqu'au titre suivant ;
si bien que la dernière édition grecque ,
stéréotypée à Leipzig, porte même :
§ 29. NoujAiôioç véctç'
• ••• • ••••
Aàjiêaiffa. . . . TÔ XT
§ 30. AEYeCwv TpCiY) veScurcfi
6ou6ovnç. . . x.T. X.
et les cartographes ont en conséquence
tracé la limite de la Numidie Nouvelle au-
tour des villes énumérées sous cette rubri-
que jusques et y compris lambèse, laissant
en dehors les vUles dénommées après , com-
me si elles composaient une subdivision
spéciale affectée à la légion Troisième-Au-
guste.
On ne s'est point aperçu : i® en la forme,
que si Tannotalion qui suit le nom de
AàpL6ai<ra eût constitué un nouveau titre
corrélatif à ceux de KipTYjerCwv et de Nou-
(ttÔMtç véaç , il aurait fallu lire Aeytovoç xpi-
TTjç ffsêofcm^ç au génitif, au lieu du nomi-
natif qui dénote une fonction explétive à
regard du nom qui précède; a" au fond,
que les inscriptions ont constaté le canton-
nement de la légion Troisième- Auguste à
Lambèse, et qu'en outre Ptolémée lui-
même a bien expliqué l'étendue qu'il en-
tend donner à la Numidie Nouvelle à l'est
des Cirtésiens jusqu'à Thabraca, quand il
place les lontiens tcatà -n^v NoupiiSiav t^v
XQcl Neav èwap/tav piéxpi 0aêpaxYiç. Les
douze villes qui «suivent l'annotation doivent
donc être comprises, aussi bien que les
onze qui précèdent, dans la circonscription
de la nooiTelle provinoe de Numidie.
à Thamugadis, dont le titre colonial,
qu'elle paraît avoir reçu de Trajan, ne
nous est révélé que par cette inscrip-
tion tumulaire :
D. M.
L. AELI. PERPETVI
LEGATIONS PVNCTI
PATRIAE SVAE COLONI
AE VLPIAE THAMVCA
DB EX MVMIDIA.
FECRRVNT
AEUI TERTIV8 ET COMA
FILII LEVCADIO.
€ Aux mânes de Lucius Elius Perpetuus,
« qui avait rempli les fonctions d'envoyé de
« sa patrie, la colonie Ulpia Thamucadis en
«Numidie; fait par Tertius et Coma fils
« d Elms Leocarliiifi. u
« d'Elius Leocadius. »
—Depuis Lambèse jîisgu'à Saldes.
— De Lambèse la route se continuait
vers Sitifis en passant par Diana, ap-
pelée auiourd'hui Zanah, et qui était
un établissement de vétérans, ainsi
qiie l'indique suffisamment le nom de
Diana Veteranorum qui lui est donné
ailleurs dans l'Itinéraire ; sur un arc
de triomphe en ruines se lit encore
cette inscription :
WP. CAE8. M. SEVEROPIO FEUCI AVG. PONT.
MAX. TRI. POT. PR0VIDENTI58IM0 ET SANC-
TISSIMO PRINGIPI. ET ANTONINO N0B1LIS8IM0
CAESARI PRIKaPI IVYENTVTI8. DIANENS. EX
DEGRETO DD. PP.
« A Tempereur et césar Marcus Seyerus
« Plus Félix, auguste, grand prêtre, revêtu
« de la puissance tribunitienne, prévoyant
« et inviolable prince ; et à Antonin très-
K noble césar et prince de la jeunesse ; les
«Dianais, par décret des décurions, des
« deniers publics. »
Une autre route pouvait conduire
de Théveste à Diana sans passer par
Lambèse, mais il y avait communica-
tion de Tune à l'autre voie ,par une
traverse entre Lambèse et le Vicus
Aurelii. On pouvait aussi, à volonté,
aller de Lambèse à Sitifis sans passer
par Diana, soit en prenant à droite
par Taduttis dont le nom est resté à
Tattubt, soit en prenant à gauche par
Lamasba dont le nom se retrouve en-
core dans celui de Lamaza, et en al-
lant, par Zarai qui est aujourd'hui re-
présenté par Zéryah, rejoindre Perdi-
ces ; mais Diana communiquait diree^
Digitized by.V^OOÇlC
m
t'UNiVERS.
teroent d'un câté avec Taduttls et de
Tautre avec Lamasba.
Enfin de Sitifîs on gagnait Saldes,
soit en droiture , soit en passant par
le municipe de Tubusuptus.
— Autres communications deLam-
hèse avec Théveste et avec Cirta.
— De Lambèse se détachait vers le
sud une route qui revenait ensuite au
nord vers Théveste ; le point le plus
avancé du côté du désert était sans
doute Badias dont le nom et la posi-
tion paraissent se rapporter au Heu
due les Arabes appelèrent plus tard
Bâdys de Zâb; c^est là qu^avait son
quartier -général le commandant de
frontière désigné dans la Notice des
dignités sous le titre de prsepositus
limitis Bazensis. Parmi les stations
intermédiaires, celles qui portent les
dénominations de Jquas Herculis et
ad Piscinam désignent probablement
des établissements thermaux, dont le
dernier est peut-être représenté par le
Qala't-el- Hhammâm des Arabes.
Une route partait également de
Lambèse vers le nord , pour aboutir
directement à Cirta, en passant par
une station ad Rotam qui semble in-
diquer un moulin à eau, et par le La-
cas Regius représenté sans doigte par
la grande sebkhah allongée qui couvre
une vaste plaine dans le sud et le sud-
est de Constantine, et que nous avons
déjà ^rencontrée sous le nom de Maco-
mades, entre Théveste et Cirta, sur
la grande voie de Garthage à Gésa-
rée.
Routes de Gakthage a Cïbta,
PAK Vatabum, et par Hipponb.
— Route par Vatarum^ — On pou-
vait se rendre , par un chemin plus
direct , de Garthage à Cirta , en pre-
nant à Musti un embranchement qui
conduisait d'abord à Sicca-Yénéria ,
que Ton croit un établissement ori-
ginairement punique, devenue une co-
lonie romaine dès avant Ténoque de
Pline, et remplacée aujoura'hui par
la ville arabe d'El-Kéf, où se voit en-
core rinscription suivante :
vicTom
CBMTUBIONI
LEGIONAAIO
EX. EQVITB
ROMÂNO
OB MVNIFI
GEifTIAM OBDO ,
SIOCENfflVM
cm ET Ca^DECVRIOMl
DD. PP.
« A Victor, centurion légionnaire , ex-
« chevalier romain , à raison de sa manifi-
« cence; le corps municipal des Siccéens à
« leur concitoyen et co-décarion ; par dé*
« cret des décurions, des deniers publics. »
On traversait ensuite Naraggara,
sous les murs de laquelle, et près de
Killa, fut livrée cette bataille fameuse
où Scipion vainquit Annibal, et que
les modernes appellent invariablement
bataille de Zama, par une de ces con-
fusions si communes dans les dési-
gnations de ce genre; une commnni*
cation directe était établie de Narag-
gara à Hippone-Royale par Tagaste ,
patrie de saint Augustin. Plus loin on
trouvait Tipasa, représentée par la
moderne Tyfêsch, d'où se détachait
un embranchement sur Hippone-Roya-
le; à Tipasa on avait à choisir, pour
gagner Cirta, entre la route de droite
par Tibilis, ou la route de gauche par
Sigus. Il existait en outre , pour aller
de Musti à Cirta, une troisième route
tracée entre les deux premières et com-
muniquant avec Tune et l'autre par quel-
ques traverses; elle passait à Vatarum
ou Cellas Vatari qui a trouvé place dans
les vers de Corippe (*), à Tigisis qui a
laissé son nom à la moderne Teghzeh,
et enfin à Sigus^ d*où l'on arrivait à
Cirta; mais on pouvait, à volonté,
poursuivre son chemin en droiture de
Sigus à Sitifis, et continuer même au
delà vers quelques points, dont le seul
connu est Tubuna, qui se retrouve
dans la ville arabe de Tbobnah, et qui
était le quartier-général du prœposi^
tus limitis Tubuniensis.
— Route par Hippone. — Il existait
encore une autre route de Cirta à Gar-
thage : par Hippone-Royale. On arrivait
d'abora de Cirta à Hippone soit par Ru-
sicade, soit un peu plus directement par
(*) Voir ci-après, pag« a5o, note (*), cê
que nous disons de ce lieu.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE AJVCIENNE.
m
JeS Jgusé TibÙitànae, que l'on croit cor-
respondre aux Hhammâm el-Berda' de
nos jours, A'Hippone à Carthage, les
|}remlères étapes pous montrent en
premier lieu des Jquœ désignant ici ,
comme dans tous les cas semblables ^
tin établissement thermal public; puis
la colonie de Simittu^ qui parait avoir
laissé son nom à remplacement où le
roi de Tunis , au commencement du
seizième siècle, bâtit la ville de 'Ayn-
Samniit, bientôt après ruinée par les
Bédouins ; ensuite BuUa^ qui dans le
premier siècle avait été la ville royale
du numide Hiarbas le compétiteur de
Hiemsal, et qui était bâtie au milieu
d'une campagne fertile vantée par
saint Augustin et Procope, et connue
des Arabes sous le nom de Fahhss
BoII. Le reste de la route n'offre plus
Qu'une série de stations obscures
échelonnées à des distances assez rap-
prochées, le long du Bagradas.
Routes de Tacàpe. — Z)e f^atarum
à Tacope. — De Vatarum une route
conduisait parThéveste et Télepte jus-
qu'à Tacape. Elle n'offrait, dans sa pre-
mière partie, aucun nom à mettre en
saillie; dans la seconde se rencontrait,
comme unique station intermédiaire, le
château d'Ubaza, où aboutissait aussi
Tune des branches de la route de Ba-
dias. La troisième partie seule offre de
l'intérêt. B'abord c'était Télepte même,
que la Table Peutingérienne décore du
titre de colonie ; puis Gapsa, dont les
traditions héroïques attribuaient la
fondation à Hercule, fameuse par l'ex-
pédition de Marins, ville libre à l'épo-
que de Pline, colonie au temps de la
rédaction de la Table Peutingérienne,
et décorée de monuments dont il reste
à peine quelques inscrintions et quel-
ques débris enchâssés aans les cons-
tructions ultérieures des Arabes , qui
lui conservent le nom de Qafssah ; puis
les Jquœ Tacapitanœ, que l'on retrou-
ve à Hammam près de Qâbes. De Té-
lepte et de Gansa, deux routes jumel-
les bientôt réunies en une seule se
détachaient au sud pour regagner Ta-
cape après avoir contourné au midi la
grande lagune salée qu'on appelle aur
jourd'hui El-Sebkhah-el-'Aoudyeh, et
dont nous supposons que Ptolémée
avait fait son marais Libya : les noms
de Praesidium, de Prœtorium, de Tur-
resy de Spéculum, indiquent assez que
la frontière était peu sûre , et qu on
avait pris ses précautions pour com-
muniquer de ce côté avec Thiges, Tw
suros, Nente, que représentent au-
jourd'hui Téqyous, Touzer et Nef-
tbab.
— De Tacape à Leptia. — De Ta-
cape une route intérieure se ren-
dait à Leptis la Grande le long des
frontières tripolitaines ; elle passait
par les Jquœ que nous avons oéjà si-
gnalées, et s'enfonçait ensuite dans les
terres en traversant des lieux aujour-
d'hui inconnus, à une profondeur in-
déterminée; des géographes ont pensé
^ue la ville reculée de Cydamus , la
moderne Ghadâmes, mentionnée seu-
lement par Pline et Procope, pourrait
se trouver cachée sous quelqu'un de
ces noms barbares; nous n osons le
croire. Peut-être le village actuel de
Télémin conserve-t-il quelque ves-
tige du nom de la Turris TamaUeni
et é\i Limes ThamaUensis; Bézéréos,
Thabalati, Thémélami, Tillabari que
Corippe a enchâssé dans ses vers (*),
Talalati, paraissent désigner les quar-
tiers où résidaient les commandants
ou prévôts de frontières que la Notice
des dignités de l'Empire étiumère sous
les noms de Bizereutani, Tablatensis,
Thamallomensis, Tillibarensis, Secun-
danorum in castris Tillibarensibus, et
Talalatensis, les uns sous les ordres
du comte d'Afrique, les autres sous les
ordres du duc de la Tripolitaine. Entre
cette route et celle du littoral, une toute
intermédiaire partant de Tacape en
tirant vers Sabrata et traversant le
fleuve Ausere , est indiquée en partie
dans la Table peutingérienne.
— De Musti à Tacape, — On ar-
rivait encore à Tacape par une autre
route intérieure , se séparant à Musti
de la grande voie de Carthage à Cé-
(*) M Nec cessant populos infaasti mittftre eampi
« Qaos Talantœis nutrix suscepit ab arvis
« Tillibaris, junotisque maris distendit arenis
« Martamali genitrix. »
CoKirvE , Johannide, II, 78^.
Digitized by VjOOQLC
tss
L'UNIVERS-
sarée par Théveste et Cirta; on ve-
nait d'abord à Assura , dont l'em-
placement est déterminé par les ruines
qui portent aujourd'hui le nom de
Zanrour et au milieu desquelles se lit,
sur une porte triomphale, l'inscription
suivante :
DIVO OPimO 8EVER0 PIO ÀVfî. ARAB. PART.
ADIAB. MAX. ET IMP. CAE8ARI AVREUO ANTO«
NINO PIO AVG. FEUa PART. MAX. BRIT. MAX.
GERM. MAX. PONT. MAX. FIL. TRIB. POT. XVIII.
IMP. in. COS IIU. PP. PR0G08. OPTIMO MAX!»
MOQVE PRINCIPI. ET IVUAE DOMNAE PlAE PER-
TiNAa AVG. MATRI AVG. ET GASTRORVM ET
SENATVS ET PATRIAE. GONIVGI DIVI SEVERI
AYG. PU COL. IVL. ASSVRA DEVOTA KTMWI
EORVM DDD. P.
« Au dieu bienfaisant Severus Plus, Au-
« guste , l'Arabique , le Partbique , le grand
« Adiabénique ; et à l'empereur et césar
« Aurélius Antoninus Pius Augustus Félix,
« le grand Partbique, le grand Britannique,
« le grand Germanique, grand |)ontife , son
« fils , revêtu de la puissance tribunitienne
« pour la xviii* fois, généralissime pour la ,
« m* fois, consul pour la iv* fois (*) , père
« de la patrie, le meilleur et le plus grand
(c des princes ; et à Julia Domna Pia Perti-
«nax Augusta, mère de l'empereur, des
« armées, du sénat et de la patrie, épouse
(c du bienheureux Sévère Auguste. Pius , la
« colonie Julia Assura, dévouée à leur divi-
« nité, a élevé ce monument, dédié par
« décret des décurions. »
Les ruines de Mahhdher Aouléd
'Ayâr sont moins explicites pour la dé-
termination de la correspondance de
ce lieu avec l'ancienne Tueca Téré-
benthina , qui venait après Assura ;
Sufes, qui suivait, est représentée par
la moderne Esbybah. Bientôt on attei-
gnait Suffétula, et l'on arrivait à Ta-
cape à travers quelques stations moins
connues.
Diverses routes passant par
Aquas Regias. -^ La route ci-dessus
était coupée à angle droit par celle de
Tysdrus à Théveste, sur laquelle se trou-
vaient Jquœ Regix, d'où l'on gagnait
ensuite Suffétula. Les ^équœ Regiœ se
rencontraient également sur la route
d'Adrumète à Suffétula , de même que
sur celle de Sufes à Adrumète, et enfin
(*) Ces chiffres se rapportent à l'an ax3
de noU« ère.
sur une autre route encore de Tysdrus
à Théveste par ZamaRegia, Assura, et
Auiniédéra : celle-ci , tracée unique-
ment sur la Table Peutingérienne, est
importante en ce qu'elle sert à déter-
miner avec assurance la position de
Zama, plus célèbre par 1 application
erronée de son nom a la fameuse ba-
taille oùScipion vainquit Annibal, que
par les faits réels de son histoire ; le
titre de colonie lui fut probablement
accordé par l'empereur Adrien, ainsi
au'on en peut juger par le fragment
'inscription que voici :
COLONI COLONIAE AELUB HADRIANAE AVG.
ZAMAE REGIAE
Q. ARADfVH VALERIVM PROGVLVM IPSVII
UBEROS POSTEROSQVE EIVS SIBI LIRERIS POSTE
RISQVE SVIS PATRONVM GOOPTAVERtJNT.
« Les colons de la colonie £lia Adrienne
« Auguste Zama Regia , tant pour eux que
« pour leurs enfants et descendants , ont
a choisi pour leur patron Quintus Aradius
« Yalerius Proculus, ses enfants et descen-
« dants. 9
Multiplicité des villes et autres éta-
blissements.
On vient de voir quel était dans son
ensemble le système de communica-
tions itinéraires établi dans la région
d'Afrique. Sur ces roufes étaient se-
més, en grand nombre, les villes ro-
maines , les châteaux , les camps , les
postes occupés par des soldats, les
thermes où ils allaient guérir leurs
blessures et leurs maladies, les gre-
niers oii des provisions de vivres étaient
accumulées pour leur subsistance.
Aussi, tranquilles possesseurs du sol,
ils bâtissaient, même hors du passage de
ces routes, des cités florissantes telles
que Galama notre moderne Ghelmah,
Madaurus la patrie d'Apulée; ils dis-
séminaient sans crainte dans les cam-
pagnes ou les vallées des viUas de
plaisance , comme au sein de la belle
Italie.
Les indigènes de leur côté avaient
des cités et des bourgades multipliées
répandues dans le plat pays, et l'his-
toire nous a transmis le. nom d'un
certain nombre de ces places; nous ne
chercherons point à en faire ici le fas-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
tidieux inventaire: nous aimons mieux
les signaler avec précision dans une
esquisse rapide, au point de vue topo-
graphique, des faits historiques dans
le récit dc^uels elles se trouvent en-
cadrées, et qu'il nous faut maintement
189
passer en revue pour y saisir les élé-
ments d'une détermination des limites
dans lesquelles se trouvèrent successi-
vement renfermés les états et les pro-
vinces entre lesquels fut morcelé le
territoire de l'Afrique.
§11.
APEBÇU GÉNËBAL DES BËVOLUTIONS
POLITIQUES ET TEBRITORIALES.
I. IHAISSÀNGB ET PBOGBÈS DE tk
PUISSANCE PimiQUE.
Établissement des colonies phéni-
ciennes en Afrique.
RÉPARTITION DU TEBBITOIBE EN-
TRE LES POPULATIONS INDIGÈNES
AVANT l'ABBIVÉE DES PHENICIENS.
— L'histoire des divisions territoriales
du sol africain ne peut remonter jus-
qu'à une antiquité bien reculée, car il
n'eut longtemps que des habitants no-
mades, entre lesquels il n'existe guère
de délimitations fixes; les récits de
Salluste et les descriptions d'Hérodote
nous montrent seulement une ancienne
distribution générale, par grandes mas-
ses, des populations auxquelles la pos-
session en était dévolue : sur le pre-
mier plan les Libyens, les Numides et
les Maures; sur le second plan, les
Garamantes et les Gétules ; au dernier
plan les Éthiopiens. Quelles étaient les
limites respectives de ces peuples, on
ne saurait prétendre le déterminer
avec précision ; il faut se contenter de
quelques indications vagues et flottan-
tes , sorte de moyenne conjecturale
entre des contours variables et igno-
rés : on peut ainsi tracer à la crête de
r Atlas la ligne qui séparait , des Ga-
ramantes et des Gétules de Tintérieur,
les trois nations littorales, à Tégard
desquelles le fleuve Tusca pourrait ol-
frir assez plausiblement la borne mu-
tuelte des Libyens et des Numides,
comme le fleuve Malua celle des Nu-
mides et des Maures. Nous n'oserions
nous hasarder à décrire au sud des
Garamantes et des Gétules la ligne
qui les séparait des Éthiopiens; mais
nous pouvons présumer que la zone
mitoyenne occupée par ces deux na-
tions se partageait entre elles vis-à-vis
du fond de la petite Syrte.
Voilà, autant que nous pouvons le
présumer, quelle était, au temps d'Hé-
rodote, la répartition probable du sol
entre les grandes populations indigè-
nes ou réputées telles. Le vieil histo-
rien connaît de plus, en Afrique, deux
peuples étrangers : — en premier lieu
les Grecs étabhs dans la Cyrénaïque
et dont nous n'avons plus à nous oc-
cuper actuellement; peut-être aussi
quelques autres réfugiés grecs, rares
et épars sur divers points des côtes
ultérieures, tels que les colons lacédé-
moniens conduits sur les bords du
Cinyps par Doriéus , les Locriens-
Ozoles de Kyrkinis et d'Uzala, les
Hellènes égarés au retour de Troie
qui abordèrent à Meskheia, et d'autres
encore , tous disparus sans laisser
d'autres souvenirs ; — • en second lieu
les Phéniciens.
Colonies phéniciennes en Afbi-
que; pbééminence de Gabthage.
—Ceux-ci avaient fondé, sur les plages
libyennes, de nombreuses villes, les
unes succursales et ornement de leurs
métropoles , qui y avaient écoulé le
trop plein de leur population ; les au-
tres, souverainetés nouvelles créées
par des factions expatriées, et qui prê-
tèrent à leurs frères d'Orient un se-
courable appui ; toutes, à l'exemple de
la mère-patrie, trouvant dans le com-
merce une source inépuisable d'opu-
lence et de prospérité.
Digitized by VjOOQIC
190
L'UNIVERS,
Favorisée par son heureuse position
' maritime, Carthage devait naturelle-
ment primer au milieu de toutes ces
colonies d'un même peuple; et la force
des choses en dut faire un centre po-
litique en même temps qu'un centre
de commerce, pour tous ces comptoirs,
indépendants sans doute les uns des
autres, mais réunis en confédération
nécessaire sous l'empire d'un intérêt
commun de monopole et de défense.
Comme la phipart de nos comptoir?
modernes , ces villes phéniciennes
étaient des postes isolés sur une plage
étrangère, n'ayant dans leur dépen-
dance qu'un petit territoire à l'entour
de leurs murailles; et nous savons
avec certitude, au moins pour Cartha-
ge, qu'il avait fallu acheter des indi-
gènes remplacement sur lequel on s'était
établi, tout comme nous achetons, des
peuples nègres chez lesquels nous por-
tons notre commerce , l'emplacement
oiî nous voulons élever nos magasins ;
et le prix de cette cession était une re-
devance annuelle , tout comme celles
que nous payons sous le nom de cou-
tumes,
Carthage paya longtemps les coutu-
mes convenues. Puis elle se crut assez
forte pour répudier ce témoignage
constant d'une possession précaire:
elle voulut être chez elle maîtresse in-
commutable ; et elle lutta à diverses
reprises contre les indigènes qui se
prétendaient les véritables propriétai-
res du sol. Justin nous la montre en
guerre avec les Libyens dès une épo-
aue qu'Orose nous dit contemporame
ae Cyrus; puis encore au temps de
Darius, et forcée alors de payer les ar-
rérages stipulés; mais renouvelant
bientôt ses tentatives, qui enfin eurent
une meilleure issue et obligèrent les
indigènes à consentir l'abolition de la
redevance contestée.
Extension des escales et des
GOMPTOiES PUNIQUES. — Les Car-
thaginois, au dire de Justin, por-
tèrent dès lors aussi leurs armes chez
les Pïumides et même chez les Mau-
res. Peut-être cette expédition eut-
elle pour but l'établissement de quel-
ques escales sur le littoral pour assu-
rer leur navigation jusqu'au détroit
des Colonnes, au delà duquel Hannon
alla niême fonder de nouvelles colo-
nies sur la plage occidentale. Cette
route leur était familière , ainsi que
nous l'assurent les informations re-
cueillies par Hérodote, et dont il ré-
sulte qu'ils allaient porter leurs mar-
chandises chez des peu pies avec lesquels
ils traitaient d'une façon singulière ,
déposant leur cargaison sur le rivage
et retournant à leurs vaisseaux pour
attendre qqe les indigènes fussent ve-
nus déposer auprès de chaque objet la
?[uantité d'or jugée équivalente, /«t sq
ussent retirés à leur tour pour atten-
dre que les vendeurs eussent examiné
si le prix (^ert était suffisant ; renou-
velant de part et d'autre ce manège
jusqu'à ce que le marché fût accepté
ou rompu.
Du côté de l'est , les villes phéni-
ciennes étaient nombreuses jusqu'à la
petite Syrte, et quelques-unes s'avan*
çaient beaucoup plus loin, telle que la
grande Leptis fille de Sidon ; au sur-
plus, la limite orientale, vivement dis-
putée par les Cyrénéens, ainsi que
nous l'avons raconté en son lieu, fut
définitivement portée au fond de la
grande Syrte par le dévouement des
frères Philènes.
Étendue et conditions de la puis-
sance territoriale de Carthage en
jifrlque.
RÉPABTITION DU SOL ENTRE DI-
VERS ORDRES DE POPULATIONS. —
Jusque-là Carthage ne se montre à
nous que comme colonie prépondérante
au milieu de la confédération des co-
lonies phéniciennes , ayant peut-être
elle-même quelques établissements se-
condaires immédiatement soumis à
son autorité, exerçant peut-être aussi,
à l'égard de certaines villes de la con-
fédération, un protectorat plus direct,
bien voisin d'une suzeraineté absolue ,
ainsi qu'il arrive toujours en pareil
cas entre le fort et les faibles.
iVIais là ne se bornait point le do-
maine des Carthaginois. L'argent des
mines ibériennes , accaparé par leur
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
commerce avant qu'il devînt le fruit
de leurs propres exploitations , leur
servait à aclîeter des soldats merce-
naires, ces condottieri des vieux temps,
avec lesquels ils firent, en Afrique et
au dehors, des conquêtes territoriales.
Sans chercher à déterminer quant
à présent l'époque précise où Cartbage
parvint à ce pomt de puissance terri-
toriale en Afrique , et sans discuter
avec Heeren si Justin s'est mépris en
faisant descendre jusqu'au temps de
Darius la date où elle s'affranchit de
la redevance annuelle stipulée lors de
sa fondation ; nous remarquerons du
moins que dès le moment où cet ordre
de choses fut établi, dès lors aussi se
trouva constituée la distribution géné-
rale du sol africain, telle que l'a ex-
pressément signalée Diodore pour un
temps ultérieur, entre les Carthaginois,
les Libo-Phéniciens alliés, les Libyens
tenus à grand'peine sous le joug, et les
Numides indépendants.
La cité de Cabthaoe, noyau
de la population punique. —
Quant aux premiers, c'étaient les
Phéniciens de Carthage comme les
appelle Diodore, c'est-à-dire ceux qui,
au milieu de la nationalité tyrienne ,
s'étaient créé une nationalité spéciale;
et le grand Annibal lui-même nous ex-
plique ce qu'il faut comprendre en
eelie-ci, lorsque, traitant avec Philippe
de Macédoine (*), il stipule pour les
seigneurs carthaginois, pour lui-même
leur stratège, pour les citoyens com-
battant sous ses ordres , pour les hy-
parques ou gouverneurs provinciaux
carUiaginois , pour tous ceux en un
mot qui avaient en commun les mê-
mes lois. C'était la cité carthaginoise
paraUèle à la cité romaine, comprenant
connne elle, outre la métropole, toutes
les villes, tous les étaWissements colo-
niaux peuplés de citoyens tirés de son
sein. En dehors de ce cercle, tout ce
qui obéissait à Carthage était eonfondu
sous la dénomination générale de Sym-
maques , ou alliés , confédérés, ainsi
(^ L'an'aiS avant notre ère. Ce traité
est rapporté en entier dans la suite de ce
yohane {Carthage, pp. 86 et 87).
191
que nous le montre le premier traité
conclu avec Rome immédiatement
après l'expulsion des Tarquins {*).
Les Libo- Phéniciens, second
élément de la population puni-
QUE.— Au premier rang parmi ces con^
fédérés étaient les Libo-Phéniciens, les
Phéniciens Libyqttes comme les ap^
pelle Ptolémée ; c'étaient les posses-
seurs de la plupart des villes mariti-
mes, unis par d'étroites affinités avec
les Carthaginois, et souvent confondus
avec eux sous un même nom, ainsi que
l'assure Diodore et que nous en oifre
d'ailleurs un exemple le stadiasme ano-
nyme de la Méditerranée, où toute la
cote depuis la petite Syrte jusqu'au
delà d'Utique est désignée par le notn
de Phénicie. Mais, ainsi que Carthage,
et plus ancienne qu'elle , Utique sur-
gissait aussi au milieu des villes puni-
ques, de manière à se constituer une
individualité distincte, et elle prit place
nominativement, à ce titre, dans les
actes fédéraux, ainsi qu'on le voit dans
le second traité avec Rome (**) et d^ns
le traité d' Annibal avec Philippe de
Macédoine.
Quant aux autres miles de la confé-
dération, elles sont purement et sim-
plement ainsi appelées dans le dernier
de ces deux actes ; mais dans le pré-
cédent elles ont une désignation plus
précise, puisqu'on y voit nommés, à
côté des Carthaginois ou citoyens de
Carthage, et des Itykéens ou citoyens
d'Utique, les Tyriens^ qui ne peuvent
être les citoyens de la vieille Tyr d'o-
rient, ni d'une Tyr africaine inconnue,
mais uniquement des villes tyriennes
réunies dans cette Phénicie d'occident
dont nous venons de constater l'exis-
tence. Aucune de celles-ci n'avait une
prépondérance assez marquée pour
être mentionnée individuellement par-
mi les membres influents de la confé-
dération; on bien elles ne constituaient
(*) L*an 509 avant notre ère. Voyez ce
traité transcrit en entier dans la suite de ce
volume {Carthage, pp. 4 et 5).
(**) Le deuxième traité avec Rome est de
Tan 35a ayant notre ère ; nous le pap|)OT^
terons un peu plus loin dans une note.
Digitized by VjOOQIC
192
L'UNIVERS.
en commun qu'un seul état particu-
lier, comme i^^mble l'insinuer plus
tard Tite-Live.
Ces villes étaient nombreuses, et
rapprochées comme les anneaux suc-
cessifs d'une seule chaîne, sur la côte
qui s'étendait jusqu'au fond de la pe-
tite Syrte, et le trafic y était si actif,
qu'elles en avaient reçu d'une manière
absolue la dénomination à'Emporia
ou les Comptoirs. Entre les Syrtes ,
l'aridité des côtes n'était aucunement
propice à l'accumulation des établisse-
ments de ce genre, et le nom de Tri-
poli, resté à la capitale actuelle du
pays, suffit pour nous rappeler que
trois grandes villes seulement avaient
pu trouver place sur ce rivage inhos-
pitalier. Dans l'ouest elles étaient plus
fréquentes sans doute; après Utique ,
Hippone-Diarrhyte, Tabraca, venaient
les villes métagonites parmi lesquelles
peut-être il faut compter l'autre Hip-
f^one qui plus tard fut distinguée par
'épithete de Royale; et tant d'autres
villes que leur nom phénicien nous si-
gnale à défaut de témoignages histori-
ques plus précis; enfin, au delà des
colonnes d'Hercule, les comptoirs de
la côte occidentale.
Les Libyens sujets de Cahthà-
GE : Zeugitàne , Byzagene. — Pas-
sons aux Libyens, désignés par Dio-
dore comme les habitants les plus
nombreux et les plus anciens du pays,
sujets de Carthage, mais rongeant le
frein qu'elle leur avait imposé. Stra-
bon déclare que la domination des
Carthaginois dans la Libye s'étendit
sur toute la contrée qui n'^était point
dévolue aux Nomades, c'est-à-dire sur
la presqu'île comprise entre Tabraca
et la petite Syrte. Nous avons déjà
recense , avec Hérodote , les peuples
agricoles qui y avaient fixé leurs de-
meures. Carthage prenait soin de dis-
séminer au milieu d'eux , en colonies
intérieures, le trop plein de sa popula-
tion, constituant par ce mo3[en, sur le
sol conquis, un réseau de villes puni-
ques destinées à maintenir l'asservis-
sement des indigènes.
Le pays paraît avoir été partagé,
dès une.époque fort ancienne, en deux
régions distinctes, sur la délimination
et le nom desquelles nous ne trouvons
cependant quelques données précises
qu à une date plus récente.
L'une était celle que Strabon ap«
pelle Karkhédonie ou Carthaginoise ,
la dénommant ainsi d'après la capi-
tale, par imitation peut-être de ce
qu'avaient fait les Carthaginois eux-
mêmes en étendant à toute cette con-
trée la désignation açpellative d'^/ri-
quej d'abord restreinte à leur ville
seule ainsi que nous le dit Suidas, et
dont la signification paraît être ana-
logue à celle de colonie; mais c'est
Plme seulement qui nous instruit des
limites dans lesquelles était renfermée
autrefois la province ^Afrique pro'
prement dite, assez exactement re-
présentée aujourd'hui par cette portion
de la régence de Tunis qui est plus
spécialement appelée Afryqyah par les
indigènes. Pline nous révèle en même
temps la dénomination , sans doute
plus ancienne, de Zeugitàne^ qui rap-
pelle d'une manière frappante le nom
des peuples ZaowéÂ;es d'Hérodote, ai-
sément reconnaissable encore dans ce-
lui des berbers de Zauâghah , leurs
successeurs sur le même territoire.
La seconde région est celle que bor-
daient à l'orient les Emporia ou comp-
toirs libo-phéniciens. Habitée par des
peuples appelés Byzaciens ou Byzan-
tes, elle en avait reçu la dénomination
de Byssatide, Byzacium, Byzacène ou
Byzacitide, qui apparaît déjà dans Po-
lyoe et qui subsista jusqu'aux der-
niers instants de la dommation ro-
maine.
Rappobts de Cabthâge avec les
Numides ou Nomades indépen-
dants.—-Voilà quelle était l'extension
territoriale de l'autorité de Carthage en
Afrique. Au delà de ces limites il n'y
avait plus que des Nomades indépen-
dants, Quelquefois liés à elle par des
traités ne paix et d'amitié, et chez les-
quels son or allait recruter des soldats
mercenaires : mais ceux-là n'étaient
point comptés dans la grande circon-
scription des ^^mmoçt^f. Annibal ne
les oublie cependant point lorsqu'il
traite avec Pniiippe, et après tous les
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
membres de la confédération éuumé-
rés, il comprend encore dans la ligue
contre les Romains, les Stratiotes qui
ne faisaient partie qu'à ce seul titre de
l'armée fédérale.
Quant à leur pays, dès que Carthage
s'était trouvée assez puissante, elle en
avait interdit l'accès à toute colonisa-
tion, à tout commerce étrangers : c'est
un double monopole qu'elle se réser-
vait. Elle autorisait seulement les ex-
péditions de pillage et de piraterie
contre les villes indépendantes, à con-
dition que les habitants et le butin
appartiendraient seuls aux capteurs,
mais qu'on ne garderait point la place;
et s'il s'agissait d'une ville amie, il
était stipulé, en outre, que les habi-
tants ainsi enlevés ne seraient point
conduits dans un port carthaginois
sans courir la chance d'être réclamés,
et par suite rendus à la liberté. Tel
était le droit public d'alors : nous le
trouvons ainsi expliqué dès le second
traité avec Rome (*), et les conditions
(*) Il est essentiel de rapporter ici ce
traité de Tan 352 avant notre ère, qui ne
se trouve pas, comme le premier, dans la
suite de ce volume.
« Il y aura amitié entre les Romains et
«les alliés des Romains, et le peuple des
«c Carthaginois , des Tyriens et des Itykéens,
« et les alliés de ceux-ci.
« Au delà du Beau promontoire, de Mas-
« tia , de Tarseïon , les Romains ne pourront
« faire ni pillage , ni commerce , ni établis-
• sèment.
« Si les Carthaginois prennent quelque
« ville du Latium non soumise aux Romains,
ttils garderont le butin et les prisonniers,
« mais rendront la ville. Si des Carthaginois
« font prisonniers des gens qui aient des
«c traités de paix avec les Romains, sans être
«néanmoins leurs sujets, qu'on n'en intro-
« duise point dans les poris des Romaius ;
« s'il en est introduit quelqu'un , et qu'un
« Romain le saisisse , il sera rendu à la li-
• berté. La même condition sera observée
« par les Romaius.
« Si dans un pays soumis aux Carthagi-
« nois un Romain prend de l'eau ou des
«provisions, il ne pourra, avec ces pro-
« visions, rien faire contre ceux qui ont
« paix et amitié avec les Carthaginois ; et le
« Carthaginois observera4a même condition:
193
que nous venons de transcrire ne sont
qu'une application réciproque de ce
que les Romains stipulaient de leur
côté à l'égard des peuplades indépen-
dantes du Latium.
Agrandissement de là puis-
sance PUNIQUE ENTRE LE PREMllER
£T LE SECOND TRAITE DE CARTHAGE
AVEC Rome. — Dans le premier traité de
Carthage avec la république romaine, il
n'est fait aucune condition à l'égard de
cette région littorale où les Carthagi-
nois se réservent exclusivement ici le
droit de commercer et de coloniser,
tout en reconnaissant n'être pas les
maîtres du sol. A cette autre époque,
antérieure de plus d'un siècle et demi,
ils se bornent à interdire l'accès des
contrées situées au delà du Kalon
Jkrotérion , qui est au nord de Car-
thage, de la Byssatide et des Emporia;
dans le second traité ils sont bien plus
explicites à l'égard de ces parages, et
ils prohibent positivement tout traGc,
tout établissement et toute piraterie
au delà du Kalon Jkrotérion^ aussi
bien qu'au delà de Mastia et de Tar-
seïon (après lesquelles étaient les co-
lonies de rOcéan;.
Une grande différence se révèle ainsi
entre ces deux époques de la puissance
carthaginoise : ce qu'elle stipulait jadis
pour l'Afrique propre n'est guère que
ce qu'elle stipule ensuite pour la ré-
gion indépendante où elle a échelonné
des postes et des comptoirs : une
grande révolution s'est donc opérée
dans l'intervalle; et lediredeTrogue-
Pompée, quelque mutilé qu'il soit dans
le sommaire décharné de son abré-
« dans le cas d'infraction, on ne se fera ])oint
•e justice soi-même ; s'il y a tort causé par
« quelqu'un , ses nationaux seront respou-
« sables du dommage.
« £n Sardaigne et en Afrique, nul Ro-
«main ne pourra commercer ni former
ce d'établissement , à moins que pour pren-
ne dre des provisions ou radouber son vais-
m seau ; si la tempête l'y porte , il en repar-
«t tira dans les cinq jours. Dans la Sicile
« soumise aux Carthaginois , et à Carthage,
«' il fera et agira comme il appartient à tout
« citoyen. Le Carthaginois de son côté fera
« de même à Rome. »
13" Livraison. (Afrique ancienne.)
13
Digitized by VjOOQIC
194
L'UNIVERS.
viateur, n*en a pas moins toute Pau-
torité d'un fait historique confirmé
par les documents contemporains, sa-
voir : que Carthage ne devint maî-
tresse du pays que par les efforts de
la famille de Magon, au temps de Da-
rius fils d'Hystaspes, et même plus
tard (*).
Hàins des Libyens pour lb
JOUG DE Carthage. — Au surplus ,
en ces Libyens conquis, Carthage ne
trouva point des sujets toujours do-
ciles; et le joug sous lequel elle fai-
sait plier leur tête , trop lourd pour
être porté sans impatience , n'était
point assez fortement assujetti pour
résister aux accès de colère d'un peu-
ple qu'elle ne sut qu'opprimer.
Quand Himilcon eut vu la peste en-
vahir son armée devant Syracuse (**),
et que réduit à fuir avec 1a seule co-
horte sacrée des citoyens carthagi-
nois, il abandonna à la merci du vain-
queur ses auxiliaires libyens sans re-
fuge sur cette terre étrangère oîi ils
furent bientôt dispersés et détruits ,
alors une violente mdignation souleva
l'Afrique, dès longtemps fatiguée du
joug de ses maîtres; elle reprit son
indépendance. Deux cent mille soldats
s'emparant de Tunis et pressant Car-
thage, lui demandèrent compte de ce
lâche abandon. Mais ils étaient sans
chefs habiles, de tribus diverses, trop
nombreux pour se procurer aisément
des vivres ; les Carthaginois surent
trouver quelques traîtres à acheter, et
bientôt cette multitude débandée, re-
gagnant ses demeures, délivra la cité
suzeraine des frayeurs qu'elle lui cau-
sait. Et l'adroite Carthage eut bientôt
repris son ascendant politique en Afri-
que, oà quatre ans après nous la voyons
iaire de puissantes levées de soldats
pour créer une nouvelle armée de Si-
cile.
Mais quinze ans plus tard (***), pen-
dant que la peste et les émeutes déso-
{*) C'est-à-dire à la génération suivante ,
sous les fils d'Amilcar le contemporain de
Darius.
(**) L'an 395 avant l'ère yolgairo.
(**•) L'an 379 avant l'ère volgaiiv. .
laient Carthage, les Libyens se hasar-
dèrent encore à secouer le joug; il
fallut les combattre et les vaincre pour
les faire rentrer dans la sujétion : et
les efforts des Carthaginois pour y
parvenir durent être bien grands, puis-
que dix ans après Denys de Syracuse
profitait de l'épuisement qui en était
résulté pour recommencer les hosti-
lités.
Quand Agathocles, pressé en Sicile
par les armes carthaginoises, résolut
de porter la guerre en Afrique, il
comptait sur la défection , en sa fa-
veur, des Libyens alliés de Carthaçe ,
qu'il savait être las de la domination
puniaue ; et l'événement sur ce point
justina ses prévisions.
Invasion deV Afrique par Agathocles.
Agathocles enlève aux Car-
thaginois TOUTES LEURS POSSES-
SIONS ET SB DÉCLARE ROI D' AFRIQUE.
— Cette expédition d'Agathocles (*) ,
qui sillonna de ses marches le sol de
1 Afrique et mit Carthage à deux doigts
de sa ruine, fournit quelques indica-
tions topographiques qu'il est intéres-
sant de recueillir dans le récit de Dio-
dore.
Furtivement parti de Syracuse, Aga-
thocles vient débarquer aux Latomies
ou carrières aue l'on voit encore près
d'El-Hawaryén; il emporte et pille Mé-
galopoHsj qui paraît répondre à Sydy-
Daoud, et entre dans le blanc Tunis ,
qui se rend à la première sommation. Il
bat les premières troupes qui lui sont
opposées, dévaste les environs de Car-
thage, re<^oit les soumissions d'un
grand nombre de places; puis il mar-
che contre les villes maritimes, s'em-
pare de NéapoHs, aujourd'hui Nabel,
et va assiéger Jarumète, la moderne
Sousah, de concert avec Elymas roi
des Libyens devenu son allié. Il prend
ensuite Thapsus, dont les ruines se
voient au cap Dimas» et plusieurs au-
tres villes du même canton. Ayant
ainsi, de gré ou de force, réduit à son
{*) D« l'an 3zo à l'an 3o6 avant l'ère vul-
gaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
195
obéissance plus de deux cents villes,
îl s'enfonce dans l'intérieur. Les Car-
thaginois tentent une diversion; mais
Agathocles revient les surprendre, les
taille en pièces, et reprena son ascen-
dant sur les Libyens après avoir
vaincu et tué Elymas qui était retour-
né au parti ennemi. Cependant les
Carthaginois envoient des troupes
pour regagner les Numides déficients,
et Agathocles ne peut les empêcher
d'atteindre les terres des Zouphons ,
de faire déclarer pour Carthage un
grand nombre d'habitants, et de ra-
mener à leur ancienne alliance beau-
coup de ceux qui s'en étaient sépa-
rés.
Après avoir appelé à son aide Ophel-
las et l'avoir fait assassiner, Agatho-
cles grossit sa propre armée des trou-
pes venues de Cyrène; et comme Anti-
gone, Démétrius,Ptolémée, Cassandre,
Lysimaque se créaient des royaumes
des lambeaux de l'empire d'Alexandre,
lui-même aussi prend la couronne et
le titre de roi. Il vient assiéger C/ifigwe,
qu'il enlève d'assaut, puis Hippou-
Jkra, c'est-à-dire la citadelle de la
première Hippone représentée'aujour^
d'hui par Bizerte, qu'il emporte éga-
lement; et il se fait ainsi reconnaître
de la plupart des Libyens du littoral
et de l'intérieur ; quant aux Numides
quelques-uns acceptent son alliance,
les autres attendent l'issue définitive
de la lutte.
Expéditions d'Eumaque chez
LES Numides.— Rappelé en Sicile par
l'état de ses affaires, Agathocles laisse
à son fijs Archagathe le soin de conti-
nuer la guerre d'Afrique. Celui-ci en-
voie dans l'intérieur des terres un corps
de troupes sous les ordres d'Eumaque,
lequel prend d'abord Tokai et soumet
les Numides d'alentour, puis s'empare
de Phellinê, et réduit les Asphodélodes
du voisinage, semblables pour la cou-
leur aux Ethiopiens, se rend maître
ensuite de la grande ville de Meskhe-
Uif de là va conquérir la citadelle de
la seconde Hippone y homonyme de
celle qu'avait naguère subjuguée Aga-
thocles , et enfin emporte et rase la
ville libre ^AkriSy après quoi il re-
vient auprès d' Archagathe. Une se-
conde expédition est alors résolue, et
Eumaque , dépassant les villes déjà
soumises, attaque à l'improviste Mil-
Une y que des forces supérieures le
forcent d'abandonner : traversant alors
une montagne infestée de chats sau-
vages, il entre dans un pa^s rempli de
singes, et atteint trois villes dont le
nom, traduit à la manière des Grecs,
est exprimé dans Diodore par celui de
Pithékousses; elles étaient sans doute
placées vers le golfe d'El-Qoll, où les
pithèques abondent, et où Scylax in-
dique d'ailleurs une île Pithékousse
qui suivant toute apparence est l'île
aux singes existant encore sous ce nom
près de Storah. Eumaque emporte et
détruit une de ces villes, reçoit les
soumissions des deux autres; mais ef-
frayé du nombre des ennemis qui ac-
couraient de toutes parts, il s'empresse
de regagner les bords de la mer.
Cahthage becouvre toutes ses
POSSESSIONS d'Afbique. — 'Cepen-
dant les revers d'Archagathe rappel-
lent Agathocle en Afrigue, et dans
le dénombrement qu'il fait à son ar-
rivée, ce prince compte encore six
mille Grecs, autant de mercenaires
d'Europe, dix mille auxiliaires libyens,
quinze cents chevaux et six mille chars
du pays ; mais un premier échec
amène la défection des Libyens , et
Agathocles voyant sa cause perdue en
Afrique, s'enfuit secrètement en Si-
cile. Ses soldats, indignés de ce lâche
abandon, massacrent ses deux fils, et
traitent directement avec Carthage ,
qui leur accorde trois cents talents en
échange des villes qu'ils tenaient en-
core, réduit par la force les garnisons
qui voulaient résister, prend à son
service ceux qu'elle y trouve disposés,
et transporte le reste en Sicile. Ainsi
fut terminée cette guerre qui avait dé-
pouillé un moment Carthage de tou-
tes ses possessions territoriales d'A-
frique, mais après laquelle les choses
se trouvaient,en définitive, remises au
même état qu'avant les hostilités.
Pour apprécier l'étendue de ces pos-
sessions, au moins sur certains rayons,
il nous suffirait de connaître l'empla-
13.
Digitized by VjOOQIC
196
L'UNIVERS
cernent des Numides Zouphons^ qui
étaient une nation amie et non sujette,
située par conséquent en dehors des
limites puniques; et celui des villes de
Touest conquises par Ëumaque, et
dont la première, Tokai^ est déjà in-
diquée comme une place numide : c'est
probablement la même que Ptolémée
mdique sous le nom de Toukka entre
Thabraka et le fleuve Bagradas; mais
la position en demeure pour nous in-
certaine: et quant aux Zouphons, il ne
s'est encore produit à leur égard que
des hypothèses sans consistance.
II. LUTTB DS CABTHAGE GONTBE
BOME.
Jusqu'à l'époque où nous sommes
parvenus, la reine du commerce de
Toccident, Carthage n'avait eu de rap-
ports avec Rome que pour lui inter-
dire l'approche de ses domaines d'A-
frique: la Sicile, jetée entre les deux
rivales, était le champ sur lequel
elles devaient se rencontrer, et com-
mencer la lutte, fameuse dans tous les
siècles, où trois fois elles mesurèrent
.leurs forces, s'ébranlant l'une l'autre
dans leurs fondements, jusqu'à ce
qu'enfin Carthage fut violemment ar-
rachée du sol par son implacable en-
nemie.
Les trois guerres qui forment com-
me les actes de cette longue tragédie,
eurent leurs intermèdes, dignes d'un
si grand drame : et Carthage, deux
fois échappée aux coups de Rome, fut
aux prises tour à tour avec les soldats
stipendiés dont ses caisses épuisées ne
pouvaient solder les services , et avec
l'insatiable Massinissa, dont Tambi tion
usurpatrice la dépouillait pièce à pièce
de ses domaines.
Ainsi s'offrent successivement à no--
tre étude suivant Tordre des temps ;
— la première guerre avec Rome, celle
dont Régulus fut le héros ainsi que la
victime ; — la guerre des stipendiés ;
— la çuerre chantée par Silius Itali-
ens, ou les grands noms de Scipion et
d'Annihal ne laissent de place pour
aucun autre ; — les querelles de ter-
ritoire élevées par Massinissa ; — en-
fin la dernière guerre avec Rome, où
le fils de Paul-Émile, le fils adoptif de
Scipion, n'eut qu'à porter le coup de
grâce à la malheureuse Carthage qui
se débattait en vain, dans uneaf&euse
agonie, sous le fer impitoyable de ses
bourreaux.
Voilà ce qu'il nous faut parcourir
d'un coup d'oeil rapide ; mais aux seu-
les choses d'Afrique doit se borner ici
notre examen, restreint même, dans
son point de vue, à de simples ques-
tions de topographie et de limites ter-
ritoriales.
Première guerre punique.
Expédition de Régulus.— Après
huit années de combats où la téna-
cité des Romains semblait triom-
pher de l'inconstante fortune, les con-
suls Aulus Manlius Vulso et Marcus
Atilius Régulus (*) avaient résolu d'ef-
fectuer une descente sur le territoire
même de Carthage; et la flotte ro-
maine , rompant les obstacles que les
vaisseaux puniques avaient tenté de
lui opposer, se rallia au promontoire
d'Hermès; puis longeant la côte vers
le sud, elle s'arrêta devant Aspis, dont
le nom grec était traduit dans la lan-
gue des Latins par celui de Clypéa, con-
servé presque entièrement par les Ara-
bes à la moderne Églybyah. C'est là
qu'on débarqua ; la ville fut emportée,
et devint le quartier général cfe l'ar-
mée expéditionnaire, qui fut bientôt
maîtresse de tout le plat pays et de
nombre de places dans le voismage.
A l'expiration de son consulat, Ré-
gulus, maintenu comme proconsul à
la tête des troupes nécessaires pour
continuer la guerre, s'avança vers l'in-
térieur du pays , arriva sur les bords
du Bagradas^ et vint mettre le siège
devant la forte place nommée Adin,
au soutien de laquelle accoururent les
Carthaginois; mais l'habileté de Régu-
lus triompha de leur nombre ; sa vic-
toire fut complète, et lui valut la ca-
pitulation du pays dans un ravon assez
étendu pour compter jusqu'à quatre-
(*) L'an ikBt avant l'ère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
197
Yîngts villes soumises. Certaines condi-
tions de position et d'homophonie sem-
blent désigner la ville appelée Outhina
dans Ptolémée , Utina dans les conci-
les , et dont les ruines portent encore
le nom deOudenah, à aix milles géo-
graphiques au sud de Tunis, comme
représentant TAdindePolybe-La prise
de Tunis couronna cette brillante cam-
pagne, où les succès du proconsul
étaient accompagnés des déprédations
des Numides , ennemis plus acharnés
encore que les Romains.
Victoire de Xantippe. — Ce-
pendant Carthage ayant eu recours
a des Grecs mercenaires, le lacédé-
monien Xantippe vint changer d'un
seul coup la race des affaires; l'ar-
mée des Romains fut anéantie , et
2 000 hommes à peine parvinrent à re-
gagner Clypéa. Les Carthaginois s'em-
pressèrent d'expulser les Romains des
places qu'ils occupaient, et ils vinrent
assiéger Clypéa. Mais Rome s'était hâ-
tée de mettre en mer de nouvelles for-
ces ; les consuls Servius Fulvius Péti-
nus Nobilior et M arcus Emilius Paullus
vinrent d'abord à l'île de Cossura , la
moderne Pantellaria, dont ils s'empa-
rèrent; puis ils se dirigèrent sur Cly-
péa , en vue de laquelle ils remportè-
rent sur la flotte carthaginoise une
victoire vivement disputée, descendi-
rent à terre, établirent leur camp près
de la ville, et battirent encore les Car-
thaginois ; puis , embarquant la gar-
nison et le butin , ils abandonnèrent
l'Afrique pour retourner en Italie, où
les honneurs du triomphe les atten-
daient à raison de la prise de Cossura
et de la défaite des Carthaginois. Mais
une tempête détruisit leur flotte sur
les côtes de Sicile , et Cossura fut re-
prise par Carthalon , pendant qu'Amil-
car Barca , parcourant en maître le
pays des Numides, les châtiait de l'ap-
pui qu'ils avaient prêté à Régulus ,
faisant pendre les chefs et imposant
aux populations de grosses contribu-
tions d argent et de hestiaux.
RÉSULTATS DE LA GUEBBE. —
Ainsi la première expédition des Ro-
mains en Afrique n'avait eu d'autre
résultat, quant à la possession du ter-
ritoire , qu'une occupation passagère,
dont toutes les traces étaient déjà effa-
cées. Il n'y eut plus de leur part^ jus-
q[u'à la fin de la guerre, aucune teiïta-
tive sérieuse d'invasion : d'abord les
consuls Cnéus Servilius Cépio et Caïus
Sempronius Blésus (*) vinrent faire
quelques courses de i>illage sur divers
points du littoral , jusqu'à l'île des
Lotophages appelée Ménix (c'est-à-
dire l'île deGerbeh, où subsiste encore
le nom de Menâqes) , emportant un
butin que la mer engloutit à leur re-
tour , ce qui n'empêcha pas Sempro-
nius d'obtenir le triomphe. Six ans
après, quelques particuliers, armant
à leurs frais des galères empruntées à
la république, allèrent courir les côtes
africaines , pénétrèrent dans le port
d'Hippone-Diarrhyte, 3^ brûlèrent les
vaisseaux ennemis ainsi qu'une partie
de la ville, ûrent un butin considéra-
ble , et effectuèrent leur sortie en fran-
chissant adroitement les chaînes ten-
dues pour leur barrer le passage. Puis
à deux ans de là le consul Marcus
Fabius Butéo (**) conduisit une flotte
en Afrique , et remporta sur les Car-
thaginois , auprès de l'île Ëgimurus,
une victoire navale , dont encore une
fois la tempête enleva les fruits aux
Romains. Ëgimurus est la plus grande
des deux îles conjointement appelées
aujourd'hui Gjouâmer, pluriel de Gja-
mour, ou de Gjâmerah dont les Euro-
péens ont fait Zembra , ainsi écrit sur
nos cartes.
Enfin la paix fut conclue , et la pre-
mière guerre punique, dont le théâtre
était demeuré, sur le continent , res-
treint dans un cerclé médiocrement
étendu, fut terminée sans que Rome
eût pris pied sur le territoire d'A-
frique.
Guerre des Stipendiés.
Causes de la guerre. — Car-
thage eut bientôt sur les bras toutes
les troupes mercenaires et libyennes
que l'évacuation de la Sicile et la ces-
(*) L'an a53 avant l'ère vulgaire.
[ (**) L'an a45 avant l'ère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
198
LOTNIVERS.
cation des hostilités rendaient mainte-
nant inutiles , et qui furent provi-
soirement transférées à Sicca^ la mo«
derne Réf.
Elles avaient à réclamer un gros
arriéré de solde et de prestations de
toute nature, sur le montant desquel*
les on voulut marchander ; elles s'en
irritèrent , et prenant la route de Car-
thage, elles vinrent camper à Tunis au
nombre de 20 000 hommes (*); les
tardives concessions du sénat cartha-
ginois accrurent leurs exigences, et
comme on n'y obtempérait pas sans
objections , elles se révoltèrent ouver-
tement , et appelèrent le pays à faire
cause commune avec elles.
Le pays concentrait une loùgue im-
patience des exactions impitoyables de
ses maîtres, qui ne croyaient être que
justes en ravissant au cultivateur la
.moitié de ses produits, en arrachant
aux villes, en temps de guerre, le
double des contributions ordinaires.
Toutes les villes et les campagnes ré-
pondirent à l'appel de leurs frères ; de
toutes parts on envoya des soldats ,
des munitions , de l'argent ; les fem-
mes même sacrifièrent avec empresse-
ment leurs joyaux pour soutenir la
querelle nationale; et les insurgés
ayant ainsi réuni une armée de 70 000
hommes, allèrent, sous la conduite du
libyen Mathôs et du transfuge campa-
nien Spendius, attaquer Utique et
Hippone-Diarrhyte, qui seules étaient
restées fidèles à la cause des Cartha-
ginois.
Succès DIYEBS DE HANNON ET D'A*
MiLCAR. — Le Stratège Hannon, qui
avait fait sa réputation militaire par la
conquête antérieure du canton libyen
d'Hécatompyle, fut mis à la tête d'une
armée improvisée au sein de la capitale*
Cette Hécatompj^le, que Polybe et Dio-
dore font conquérir par Hannon, avait,
suivant le dernier, été fondée par Her-
cule à la sortie du désert de Libye ,
sur la route d'Egypte à Gades ; et nous
savons par Salluste que la grande ville
fondée en cette région par Hercule,
n'était autre que Capsa , dont les Ara-
(*) Vm a4o avant l'ère vulgaire.
bes ont conservé le nom à la moderne
Qafssah qui lui a succédé. Hannon
marcha au secours des places assié-
gées , et remporta auprès d'Utique un
premier succès, presque aussitôt suivi,
{)ar son imprudence, d'un désastre qui
ui fit perdre son camp et tout son
matériel ; puis, à quelques jours de là,
devant la ville de Gorza , dont nous
ignorons remplacement certain, bien
Çue des inscriptions en soient venues
à nos musées d'Europe {*) , deux fois
son impéritie laissa échapper une vic-
toire facile. Carthage em*ayée se hâta
de mettre sur pied une nouvelle ar-
mée de 10000 citoyens avec 70 élé-
phants, et en donna le commandement
a Amilcar Barca, qui fit prendre aussi-
tôt une nouvelle face aux affaires.
' Les insurgés avaient établi des pos-
tes multipliés en travers de l'isthme
qui joignait Carthage au continent ;
ils occupaient en outre l'unique pont
du fleuve Makar (c'est ainsi que Po-
lybe appelle le BagradasouMegerdah),
et y avaient même bâti une ville. Ce
pont et la ville attenante sont plau-
siblement représentée aujourd'hui par
la position d'El-Qantharah ou le Pont ,
à moitié chemin de Tunis à Bizerte.
Amilcar, qm grand étonnement de
tous , tourna ces obstacles en opérant
son passage sur la barre même du
fleuve, que la mer découvrait sous
(*) Le musée de Cortone renferme deux
iilscriptions curieuses apportées d'Afrique
et publiées pour la première fois par Marini
dans ses Monuments des Frères Arvales ;
nous nous bornerons à rapporter ici un frag-
ment de l'une d'elles, datée de l'an 7 de
notre ère :
cxvrrjLS gvrzknsis ex afriga
HOSPITIVM FfiCXT CVM C. AVFVS
TIO C. F. GAI.. MACRINO PRAEF.
FABR. SYMQVE LIBEROS POSTE
ROSQVE EIVS SIBI LIBERIS
POSTERISQVS SVIS PATRO
WVII COOPTARVKT.
etc.
K Les citoyens de Garza en Afrique ont fait con-
« trat d'hospitalité arec Gains Anfostios Mserinus
wfils de Gains, de la tribu Galeria, préfet des otH
« vriers , et l'ont choisi , lui , ses enfants et descen-
« dants , pour lenr patron à eux , leurs enfants et
" mis î » etc.
Digitized by
Goo^z
AFRIQUE ANCIENNE.
190
rinfluenoe de certains Tents dont il
sut profiter, et il put marcher à dé-
couvert sur l'armée ennemie , la vain-
cre, dégager Utique, occuper la ville
du Pont , et parcourant en vainqueur
le pays environnant ^ en reprendre
toutes les places, les unes par capitu-
lation , les autres d'assaut. Une nou-
velle victoire (due principalement à la
défection en sa faveur au prince nu-
mide Naravase avec ses 2 000 cava-
liers) le délivre ensuite des corps de
troupes envoyés pour le harceler dans
sa marche ; et il opère enfin sa jonc-
tion avec Hannon.
Mais la rivalité des deux chefs vint
paralyser les efforts d'Amilcar; et la
cause de Carthage éprouva d'autre
part des revers répétés; pour comble
de malheur, Utique et Hippone-Diar-
rhyte, jusqu'alors inébranlables dans
leur fidélité, ouvrirent leurs portes
aux Libyens; et ceux-ci, enfin, vin-
rent mettre le siège devant Carthage.
ViCTOiBE DES Carthaginois et
FIN DE LA GUEBBE. — Le rappel de
Hannon rendit à Amilcar toute sa
force; il harcela les assiégeants jus-
qu'à leur faire lâcher prise ; et les in-
surgés ayant mis à ses trousses une
armée de .50 000 hommes (où figurait
avec les siens le prince libyen Zar-
xas) , il les battit en détail , les attira
dans une position désavantageuse ,
en un lieu appelé Priôn^ scie, par
allusion à cet instrument; et pendant
qu'ils attendaient vainement des se-
cours de leur camp de Tunis , il les
réduisit à manger leurs prisonniers et
leurs esclaves, jusqu'à ce qu'enfin il
pût anéantir jusqu'au dernier les
40 000 hommes qui restaient.
Cette victoire valut encore la reddi-
tion d'un grand nombre de villes li-
byennes. Après avoir assuré la sou-
mission du pays, Amilcar vint assié-
ger Tunis de deux côtés à la fois ;
mais l'un des camps fut surpris et
Amilcar obligé de faire retraite vers
l'embouchure du Bagradas. Hannon
lui ayant amené des renforts, les deux
géniaux , agissant désormais de con-
cert, firent éprouver à Mathôs de
fréquents revers , soit auprès de Lep-
tis, représentée comme on sait par la
moderne Lemthah, soit ailleurs. Enfin
on en vint à une bataille décisive où
la victoire demeura aux Carthaginois ;
la plupart des Libyens y périrent, le
reste se réfugia dans une ville voisine
qui ne tarda pas à se rendre. Tout le
pays rentra dans l'obéissance, sauf Uti-
que et Hippone-Diarrhyte , qu'il fallut .
réduire de force. Et les Carthaginois
se trouvèrent ainsi redevenus maîtres
encore une fois de toutes leurs posses-
sions d'Afrique. Ils châtièrent même
les populations voisines qui s'étaient
montrées hostiles, notamment les Nu-
mides Micatanes , dont ils maltraitè-
rent les flammes et les enfants, et em-
palèrent tous ceux qui tombèrent en-
tre leurs mains.
Deuxième guerre punique.
Dispositions préalables d*An-,
NiBAL. — Dépouillée, par les Romains,'
de la Sicile, de la Sardaigne, de la Corse,
de la plage ligurienne, Carthage trou-
vait une ample compensation à ces
pertes dans ses conquêtes nouvelles eu
Hispanie ; mais la jalouse Rome en
prit ombrage, prétendit imposer l'Èbre
pour limites, et réserva même, au
delà, l'indépendance de la grecque Sa-
gonte : Annibal prit Sagonte et la
guerre fut rallumée.
Le général carthaginois pourvut
aussitôt à la sûreté de l'Afrique et de
l'Hispanie en les munissant de garni-
sons échangées entre les deux pays;
f)our l'un , comme au temps de Scy-
ax, Carthage commandait en maî-
tresse depuis la grande Syrte jusf-
qu'aux colonnes d'Hercule ; pour l'au-
tre , depuis les colonnes d'Hercule
jusqu'aux Pyrénées. Annibal tira de
cette dernière 16 000 hommes qu'il
répartit entre Carthage et les places
de la Métagonie, après avoir pris à
celles-ci 4 000 fantassins qu'il trans-
fera dans la capitale, comme otages
plus encore que comme défenseurs.
En retour , il fit venir en Hispanie un
corps de 15000 hommes dont il n'est
pas sans intérêt de rappeler ici la com-
position : l'infanterie présentait un ef-
Digitized by VjOOQIC
300
L'UNIVERS.
fectif un peu moindre de 12000 Li-
byens, au)tquels il joignit 300 Liguriens
et 500 Baléares ; quant à la cavalerie ,
la Libye et les villes libo-phénicien-
nes n'avaient pas fourni 500 hommes ;
il y avait de plus 300 Lorgites et
1800 nomades Massy liens, Massésy-
liens, Makiens, et Maures des bords
de l'Océan. Lui-même entra en cam-
I)agne avec une puissante armée, dont
es Libyens et les Numides avaient
fourni une part importante.
Nous n'avons pomt à raconter ici
les mémorables prouesses du héros
carthaginois conduisant ses éléphants
et ses phalanges africaines à travers les
frimas des Pyrénées, des Alpes, de
l'Apennin , ébranlant toute l'Italie et
réduisant Rome à la dernière extré-
mité ; nous n'avons point à dire les
exploits des Scipions en Hispanie ;
l'Afrique seule , au [)oint de vue de
.son histoire territoriale , a droit de
nous occuper.
Pbemièbes ingubsions des Ro-
mains.—Le consul Cnéus Servi liusGé-
minus (*) y lit une première incursion ;
d'abord il dévasta l'île de Ménix , ran-
çonna celle de Kerkina , et débarqua
ensuite sur le continent pour y faire
le dégât; mais il fut enveloppé, per-
dit 1000 hommes avec son questeur
Sempronius Blésus, et fut contraint
à une honteuse fuite ; dans la traver-
sée de retour, il prit la petite île de
Kossyra, où il laissa garnison, et
rentré à Lilybée, il remit le comman-
dement de la flotte au préteur Titus
Otacilius, le même qui deux ans après
vint faire une descente sur les côtes
carthaginoises qu'il dévasta, et trois
ans plus tard reparut avec quatre-
vingts galères devant Utique , enleva
dans le port même cent trente navires
chargés de grains , ravagea les envi-
rons , et revint en Sicile avec un im-
mense butin, fruit d'une simple croi-
sière de trois jours.
A son exemple, Marcus Valérius
Messala, envoyé par le consul Marcus
Valérius Lévinus (**) , vint deux ans
j*) L'an ai 7 avant Tère vulgaire.
(**) L'an aip avant l'ère vijlgairc.
après avec cinquante galères faire une
descente à Utique, ravager la campa-
gne et enlever des [prisonniers. L'an-
née suivante, les comices voulurent que
Lévinus, conservant la Sicile comme
proconsul, fît encore quelque descente
en Afrique , en personne ou par un de
ses lieutenants , soit Messala , soit le
propréteur Lucius Cincius Alimentus ;
mais il n'effectua son expédition que
la seconde année de son proconsulat ;
alors il partit avec cent galères , vint
débarquer près de Clypéa , poussa ses
excursions au loin dans la campagne
sans trouver d'obstacles, et, chargé de
dépouilles, regagna précipitamment ses
vaisseaux pour combattre et vaincre la
flotte carthaginoise envoyée contre lui.
L'année d'après, proconsul encore, il
aborda près d'Utique, s'avança fort
avant sur le territoire de Carthage ,
et ayant recueilli un riche butin, il
se remit en mer pour battre la flotte
punique qui venait à sa rencontre.
Rome se fait des allies en Afbi-
QUB. — Mais des courses de pillage sur
le littoral étaient sans portée : pour in-
quiéter sérieusement Carthage en Afri-
que, il fallait prendre pied sur ce con-
tinent ; Rome n'avait point négligé de
s'y ménager des alHances dans ce^'but.
Entre les possessions puniques et les
Maures voisins de THIspanie s'éten-
daient les deux puissants royaumes
numides des Massésyliens et des IVlas-
syliens , états rivaux se disputant la
possession d'une province enlevée à
Carthage, l'un ayant pour roi Syphax
dont la capitale était Siga , l'autre ap-
partenant à Gala et ayant pour capi-
tale peut-être la royale Hippone. Les
Romains ayant gagné Syphax, les Car-
thaginois excitèrent contre lui Gala ,
qui envoya son jeune fils Massinissa le
combattre et le vaincre à deux repri-
ses ; cependant Syphax se releva de sa
double défaite et obtint quelques avan-
tages contre les Carthagmois, pendant
que Massinissa faisait la guerre pour
eux en Bispanie , où l'avait accompa-
gné son neveu le jeune Massiva.
Massiva ayant été fait prisonnier
dans une rencontre, Scipion le ren-
voya sans raqçon et comblé de pré-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANQENNE.
201
sents à son oncle, qui fut vivement
touché de cet acte de générosité , et
résolut peut-être dès lors d'embrasser
le part! des Romains. On peut croire
toutefois que ses dispositions à cet
égard furent principalement détermi-
nées par le désir de s'assurer, au
moyen de leur alliance, la possession
future d'un trône qui venait de lui
échapper par l'avènement de son oncle
Ésalcès, plus favorisé que lui-même
des Carthaginois , lesquels avaient ci-
menté leur amitié en faisant épouser
au nouveau roi une nièce du grand
Annibal. Quoi qu'il en soit, Massi-
nissa fit de premières ouvertures au
propréteur Marcus Silanus, puis il eut
avec Scipion lui-même une entrevue
secrète, dans laquelle il insista vive-
vement pour que la guerre fût portée
en Afrique, ou il était né, où if avait
été élevé dans l'attente d'un trône, et
où il pourrait montrer aux Romains
que jamais ils n'avaient eu d'ami aussi
dévoué que lui. Après s'être engagé
mutuellement leur foi , les deux chefs
se séparèrent, et bientôt Scipion se
rendit à Rome pour obtenir le consu-
lat, et Massinissa fut rappelé en Afri-
que par le soin de ses propres affaires.
Massinissa recourbe son boy au-
ME ET LE BEPERD. — 11 avait d'abord
reçu la nouvelle que son oncle Ésalcès
était mort, et que son cousin Capusa,
fils aîné du défunt, avait été proclamé
roi à sa place; bientôt il apprit que Ca-
pusa avait été tué dans un combat con-
tre Mézétule, autre prétendant, qui tou-
tefois n'avait osé prendre le sceptre
qu'à titre de tuteur du jeune Lacuma-
cès frère de Capusa, tout en cherchant
à consolider son usurpation, d'un côté
par l'alliance des Carthaginois au moyen
de son mariage avec la veuve d'Ésal-
cès nièce d'Annibal, et d'un autre
côté par l'alliance deSyphax, à qui il
envoya des ambassadeurs.
Massinissa ne perdit pas un instant:
il passa en Mauritanie, et obtint du roi
Bocchar 4 000 cavaliers à titre d'escorte
jusqu'aux frontières de la P^umidie des
Massyliens, où cinq cents de ses par-
tisans , prévenus de son arrivée, vin-
rent le recevoir; bientôt son armée
étant devenue nombreuse , moins ce-
pendant qu'il ne l'avait espéré, il mar-
cha contre Lacumacès, qu'il atteignit
près de Thapsus au moment où ce
prince partait pour aller joindre Sy-
phax ; Massinissa s'empara de la ville,
reçut à merci les cavaliçrs royaux qui
se rendirent, tailla en pièces ceux qui
voulurent résister; mais le gros de
l'armée ainsi que le jeune roi parvin-
rent à s'échapper pendant la mêlée et
rejoignirent Syçhax. Ce premier suc-
cès ayant grossi les forces de Massi-
nissa, il put tenir tête à Mézétule mal-
gré les renforts que Lacumacès avait
obtenus de Syphax ; il leur livra ba-
taille, les défit, les obligea à se réfu-
gier sur les terres de Carthage , et re-
couvra ainsi le royaume de ses pères;
mais sentant qu'il allait avoir Syphax
sur les bras , il se hâta de faire à ses
compétiteurs défavorables conditions,
et les rallia ainsi à son parti.
Syphax en effet, adroitement excité
par les Carthaginois à occuper sur-le-
champ en maître le territoire qui avait
été l'otnet de contestations opiniâtres
entre uala et lui, fondit sur les Mas-
syliens, et força Massinissa à fuir dans
les montagnes avec un petit nombre
de cavaliers et quelques familles em-
portant leurs tentes et chassant de-
vant elles leurs troupeaux : les habi-
tants , dit Tite-Live , appellent ces
montagnes Balbum , soit que Phisto-
rien latin traduise la signification du
mot indigène, soit qu'il en reproduise
simplement l'émission phonétique. Un
lieutenant de Syphax, chargé d'une
expédition dans ces gorges étroites,
poursuit Massinissa de retraite en re-
traite , l'atteint et le blesse auprès de
Clypéa, et perd enfln sa trace au pas-
sage d'un torrent où le prince s'est jeté
et doit avoir péri Mais une ca-
verne cache le monarque blessé , qui
bientôt rétabli reparaît au milieu des
Massyliens enthousiasmés, reprend son
royaume, ravage les terres de ses voi-
sins , vient se faire battre entre Hip-
pone et Cirta par son heureux com-
pétiteur, et va chercher un refuge au
fond de la petite Syrte, dans le canton
situé entre les comptoirs puniques et
Digitized by VjOOQIC
209
L'UNIVERS.
les Garamantes, où il attendit avec
confiance des jours meilleurs.
AfiaiYBE DE SciPiON. — Tel était
rétat des choses quand le consul Sci-
pion (*), préparant en Sicile une ex-
pédition aécisive contre Carthage, en-
voya Caius Léiius avec une escadre
courir les côtes et sonder le terrain ;
celui-ci débarqua à Hippone-Royale ,
fit le dégât dans les environs, eut
une entrevue avec Massinissa , et re-
Ïiartit chargé de butin , pendant que
es Carthaginois effrayés s'em[)res-
saient d'acheter, au prix de la main de
la belle Sophonisbe , la renonciation
ouverte de Syphax à ralliarice ro-
maine , et tentaient de gagner égale-
ment Massinissa , qui teignit de s'y
Erêter et vint avec ses cavaliers éta-
lir son camp auprès d'Utique. Enfin
Scipion, à qui Rome avait laissé, avec
le titre de proconsul , la province de
Sicile et le soin de la guei^re d'Afrique,
mit en mer avec une flotte bien équi-
pée et de nombreuses troupes de dé-
barquement; après une journée et une
nuit brumeuses , le soleil dissipa les
nuages et le vent fraîchit ; on aperçut
la terre à cinq mille pas, c'était le pro-
montoire de Mercure : « Allons plus
loin », dit Scipion. Le vent tomba, la
brume reparut et ne fut dissipée que
le lendemain au lever du soleil ; on
revit la terre , c'était le Beau promon-
toire : a Bon augure ! dit Scipion; dé-
barquons ici. »
Il établit d'abord son camp sur les
hauteurs les plus voisines , envoie sa
flotte vers Ulique , et prend la même
route par les coteaux peu éloignés du
rivage, s'empare chemin faisant de
quelques places , est rejoint par Mas-
sinissa avec 2 000 cavaliers numides,
ravage la campagne, occupe la ville
libyenne de Lokha dont le nom est
resté au village actuel d'Ël-Ouqâ, et
vient camper à un mille d'Utique;
puis il va, à quinze milles de son camp,
tomber sur un corp9 de 4 à 5 000 ca-
valiers cantonnés à Salera , qu'il em-
porte, dévaste les alentours, prend
quelques autres places, et revient, après
(*) L'an ao5 avant Tère vulgaire.
une absence de sept Jours seulement,
assiéger Utique par terre et par mer.
L'arrivée de Syphax et d'Asarubal le
détern^ine à lever le sié^e après qua-
rante jours d'efforts inutiles, et à s'al-
ler retrancher pour l'hiver sur un pro-
montoire qu'un isthme étroit unissait
au continent; ce lieu en prit le nom
de Castra Cornélia , sous lequel on le
voit figurer dans les itinéraires.
Premiebs succès de Scipion. —
Après quelques pourparlers sans ré-
sultat, Syphax se porta sur la ville de
Tholonte où les Romains avaient de
grands approvisionnements, et l'enleva
par surprise. Mais Scipion (*), dans
une expédition nocturne , se dirige
silencieusement vers le camp d'As-
drubal, distant de soixante stades en-
viron, ou plus de sept milles, pour
aller y mettre le feu, pendant que Lé-
iius se joint à Massinissa pour incen-
dier celui de Syphax ; profitant du tu-
multe et de l'effroi que cause de part
et d'autre cet embrasement, les assail-
lants font un épouvantable carnage et
demeurent bientôt maîtres des deux
camps : Syphax s'enfuit à huit milles
de la, dans une position mieux défen-
due; Asdrubal se réfugie avec 500
cavaliers seulement dans la ville d'Au-
da, qu'il abandonne presque aussitôt,
et qui ouvre ses portes à Scipion ,
dont les soldats enlèvent et saccagent
deux autres villes du voisinage , puis
il revient au siège d'Utique.
Asdrubal se hâte de recruter de
nouvelles troupes; Syphax, retirée
Abba, y rallie tout ce qui lui reste de
soldats, fait de nouvelles levées, reçoit
un renfort de Celtibériens qui arri-
vaient de l'Hispanie , et les deux ar-
mées réunies établissent leur camp
dans ce qu'on appelait les Grandes
Plaines, c'est-à-dire dans le canton
arrosé par le fleuve Tusca, et qu'on ap-
pelle encore la campagne de BoU ; Sci-
pion, partant d'Utique, arrive en cinq
journées , campe d'abord à trente sta-
des ou quatre milles de l'ennemi, puis
il s'en rapproche jusqu'à sept stades ;
enfin, après quelques escarmouches, la
(*) L'an 2o3 avant l'ère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE-
208
bataille s'engage, et Scipion remporte
une victoire complète qui force Syphax
à regagner ses états et Asdrubal a re-
tourner à Carthage. Sciçion alors en-
voie Lélius et Massinissa à la poursuite
de Syphax, et lui-même subjugue le
pays, prenant les places les unes d'as-
saut, le plus grand nombre par capi-
tulation, fatiguées qu'elles étaient des
exactions dont les accablait Carthage;
enfin il se rapproche de cette capitale
et s*empare de Tunis qui n'en est éloi-
gné que de cent vin^t stades ou quinze
milles. Les Carthagmois tentèrent avec
leur flotte une diversion sur Tescadre
romaine stationnée devant Utique,
mais lentement, s'arrétant en route
au port de Ruscinona, et laissant ainsi
aux Romains le temps de faire avorter
cette attaque. Scipion de son côté fit
une tentative contre Utique, puis con-
tre Hippone-Diarrhyte , sans réussir
d'une part plus que de l'autre; alors il
brûla ses machines et retourna à Tu-
nis.
Expédition db Lélius et de
MASSINISS4 EN NuBiiDiE. — Cepen-
dant Lélius et Massinissa , arrivés en
Numidie, trouvèrent les Massyliens
empressés de reconnaître leur roi lé-
gitime et d'expulser les gouverneurs
et officiers de Syphax , en sorte que
celui-ci se trouva restreint à ses an-
ciennes limites; mais, stimulé par
Sophonisbe et par Asdrubal , il leva
de nouvelles troupes , marcha contre
Fennemi, fut battu et fait prisonnier :
la plus grande partie de son armée
s'enfuit à Cirta dont il avait fait sa
capitale. Massinissa s'y rendit aussi-
tôt, emmenant avec lui ce prince en-
chaîné, et la ville ouvrit immédiate-
ment ses portes. Nous n'avons point
à rappeler ici l'épisode touchant de
Sophonisbe, si jeune et si belle, qui ne
put échapper que par le poison à l'op-
probre d'orner un triomphe. Scipion
décerna solennellement a Massinissa
le titre de roi , en lui donnant la cou-
ronne et la coupe d'or, le trône et le
sceptre d'ivoire , la robe et la tunique
de pourpre à palmes d'or dont on dé«
corait les triomphateurs, et lui fit es-
pérer toute la Numidie après l'exécu-
tion de Svphax ! le sénat confirma tou-
tes les ' d^ispositions de Scipion à cet
égard , et combla de présents les am-
bassadeurs que Massinissa avait en-
voyés à Rome.
VlGTOIRB DÉCISIVE DE SciPION
SUR Annibal; fin de la guerre.
— Les Carthaginois ayant intimé se-
crètement à Annibal l'ordre de venir
défendre l'Afrique , il débarqua à
Leptis, alla camper auprès d^dru-
mète, où il fit des approvisionnements
de vivres et de chevaux; il attira à son
parti Tychée chef des nomades Aréa-
cides, Mézétule qui disposait de 1 000
cavaliers , et encore Vermina fils et
successeur de Syphax; il s'empara,
tant par capitulation que par la force
des armes, de plusieurs villes du do-
maine de Massinissa, et il employa
même la trahison pour se rendre maî-
tre de celle de Narlkê ; puis il se porta
vers Zama, distante de cinq journées
de route à l'égard de Carthage : il y
eut là un engagement de cavalerie ou
les Romains obtinrent l'avantage.
Scipion de son côté courant la cam-
pagne, saccageait le3 villes , ne rece-
vant pas même à composition celles
qui voulaient se rendre. Après avoir
emporté la grande ville de Parthos et
reçu des renforts de Massinissa, il alla
s'établir prés de Naraggara , où il at-
tendit Annibal , qui lui avait fait de-
mander une entrevue ; le général car-
thaginois vint alors camper à quatre
milles de Scipion , tout près de K.illa.
Les deux chefs n'ayant pu s'accorder,
on en vint aux mains ; la victoire resta
à Scipion , et Annibal , après avoir
vaillamment combattu, se réfugia avec
une poignée des siens dans la ville de
Thon, d'où il passa à Adrumète, fai-
sant à cheval en deux jours et deux
nuits une route de près de trois mille
stades. Ayant rallié 6 000 fantassins
et 500 cavaliers, il se porta sur la ville
de Marthama; mais il fut ra{)pelé à
Carthage par suite des négociations
pour la paix. ,
Après avoir marché à la rencontre
de Vermina qui venait au secours des
Carthaginois, et lui avoir taillé en piè-
ces 15 000 hommes, Scipion rentra à
Digitized by VjOOQIC
204
L'UNIVERS.
Tunis pour y recevoir les soumissions
des vaincus ; les conditions de la paix
furent ainsi réglées : que les Carthagi-
nois demeureraient libres , conservant
leurs lois et la possession des villes
de leur territoire en dedans des limites
existantes avant la guerre, évacuant
toutes les villes en dehors de ces limi-
tes, et leur rendant leurs otages; qu'ils
livreraient tous les prisonniers et
transfuges , tous leurs éléphants, tou-
tes leurs galères, sauf dix trirèmes
seulement ; qu'ils ne feraient aucune
guerre, soit en Afrique, soit au dehors,
sans l'autorisation de Rome; qu'ils
rendraient à Massinissa tout ce gu'ils
lui avaient enlevé, et s'allieraient à lui ;
qu'ils fourniraient les vivres et la solde
de l'armée jusqu'au retour des ambas-
sadeurs à députer au sénat; qu'ils
payeraient 10 000 talents euboïques ,
donneraient cent otages, et restitue-
raient toutes leurs prises.
Rome ayant décerné de pleins pou-
voirs à Scipion (*), la paix fut ainsi
définitivement conclue. Le proconsul
ajouta aux états que Massmissa te-
nait en héritage de ses pères, la ville
de Cirta et toutes les autres places et
territoires qui avaient été enlevés à
Syphax par les armes romaines, le
surplus demeurant au pouvoir de Ver-
mina. Puis il quitta l'Afrique et vint
recevoir à Rome les honneurs du
triomphe.
RÉSULTATS DE CETTE GUERBE
QUANT AUX DELIMITATIONS TERRITO-
BiALES. — Quelles furent alors les li-
mites où se trouvèrent renfermés les
Carthaginois, quelles furent celles de ,
Massinissa et celles du fils de Syphax ?
La question est plus facile à poser qu'à
résoudre. Toutefois il est quelques
données générales qui ressortent des
faits que nous venons de résumer, des
indications subséquentes des géogra-
phes, et des lumières que l'on peut
demander aux événements ultérieurs.
Les Carthaginois devaient $e renfer-
mer, dit Appien, dans le territoire
ceint par les fossés puniques {**); mais
(*) L'an aot avant noire ère.
(* ) *£vTÔç Tôv 4»oivix(dci)v T^içpwv.
ces fossés ne sont mentionnés que par
lui, et par un fragment de la Périégêse
perdue d'Eumaque, conservé par PWé-
gon de Tralles , sans indication de
leur situation. Pline aussi nous parle
d'un fossé que le jeune Scipion établit
pour limite entre les possessions ro-
maines et celles des rois numides , et
il est probable qu'il s'agit , au moins
en partie , de la même ligne de dé-
marcation; mais nous ne sommes
guère mieux instruits de la situation
précise de celle-ci. Quoi qu'il en soit,
nous pouvons admettre, sans crainte
d'erreur grave , que les Carthaginois
prétendaient posséder tout le terri-
toire compris entre Thabraca et Thè-
nes; que Massinissa avait sans con-
testation la contrée qui s'étendait au
delà de ces limites jusqu'à la Cyrénaî*-
que d'une part, et d^autre part au
moins jusques et y compris la royale
Cirta; sauf les prétentions puniques
sur quelques villes du littoral , et les
E rétentions de Massinissa sur une
onne partie du territoire occupé par
les Carthaginois et dont la restitution
était stipulée. Le domaine de Ver-
mina, assez vaste encore, se poursui-
vait à l'ouest du royaume de Massi-
nissa jusqu'à la Mauritanie, c'est-à-dire,
suivant toute apparence, jusqu'au fleu-
ve Molochath au couchant du Malua,
où commençait le royaume de Boc-
char.
Envahissements de Massinissa»
Gouvernement d'Annibal aCar-
thage : révolution parlemen-
TAIRE CONTRE LUI.— Le traité qui ve-
nait d'être conclu entre Rome et Car-
thage contenait, dans ses dispositions
en faveur de Massinissa, le germe de
longues contestations ; car il était évi-
dent qu'un intérêt de conservation de-
vait porter Carthage à résister aux ten-
tatives d'agrandissement que Tambition
et ia confiance en l'appui des Romains
inspireraient au monarque numide : et
l'on avait ôté à Carthage la faculté de
vider à cet égard sa propre querelle, en
lui interdisant toute guerre qui n'au-
rait pas l'assentiment de Rome.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
Cependant la présence d'Annibal
dans sa patrie suffisait pour contenir
les prétentions de Massinissa dans les
bornes d'une simple réclamation di-
plomatique : l'illustre stratège , resté
a la tête de Tarmée carthaginoise^
partageait avec son frère Magon le
soin de maintenir TAfrique dans le
devoir. Mais bientôt Rome en témoi-
gna de l'ombrage. Le parti populaire
était alors assez puissant encore pour
lutter contre le servilisme qui envahis-
sait le sénat punique ; et ce ne fut
qu'après trois ans d'efforts que les
deux factions que Ton appelait ro-
maine et royale parvinrent a faire pro-
noncer le rappel d'Annibal et de Ma-
gon : ce ne fut même qu'un succès
momentané , car le parti patriote re-
gagna presque aussitôt l'avantage en
portant Annibal à la suprême magis-
trature (*). Le grand homme s'y mon-
tra plus redoutable encore , et d'im-
menses réformes faisant refluer au
trésor, pour l'acquittement des char-
ges publiques , les richesses dont l'a-
ristocratie avait seule jusqu'alors abu^
sivement profité, on vit Carthage se
refaire de ses pertes avec une merveil-
leuse rapidité, se créer des ressources
nouvelles , et redevenir pour Rome
une rivale d'autant plus formidable
qu'elle semblait se ménager des allian-
ces étrangères.
Aussi des ambassadeurs romains
arrivèrent-ils à Carthage sous le pré-
texte de terminer par voie de concilia-
tion les discussions soulevées par les
réclamations de Massinissa , mais en
réalité pour favoriser une révolution
parlementaire contre Annibal, et ob-
tenir l'extradition de leur implacable
ennemi. Il leur échappa toutefois en
s'exilant volontairement de son in-
grate patrie : averti de leurs menées,
il fit secrètement disposer des relais
pendant qu'il affectait de se montrer
toute la journée exclusivement occupé
des affaires publiques ; et le soir il
partit furtivement ; il fit une telle
diligence, qu'après avoir traversé une
partie du territoire Yocan, il arriva le
(*) L'an 197 avant l'ère vulgaire.
205
lendemain matin à la tour qui portait
son nom , entre Acholla et Thapsus.
Il se rendit le même jour à l'île de
Cercina, et remit en mer la nuit sui-
vante pour aller chercher un asile au-
près d Antiochus de Syrie qui prépa-
rait la guerre aux Romains.
Massinissa se met en posses-
sion DES Empobia. — Au milieu
des préoccupations nouvelles excitées
par cet événement inattendu, la ques-
tion de limites qui avait servi de pré-
texte à la venue des commissaires,
fut probablement oubliée ; tandis que
Massinissa, enhardi par les mauvai-
ses dispositions des Romains contre
les Carthaginois, et favorisé en même
temps par les dissensions intestines
de ceux-ci , prit le parti d'envahir
le territoire qu'il convoitait, soumit à
son autorité quelques-unes des villes
tributaires de Carthage, et dévasta
tout le pays : il s'agissait , nous dit
Tite-Live,'de la contrée maritime ap-
pelée Emporta^ bordée à la fois, d'un
côté, par la petite Svrte, de l'autre par
une campagne fertile, et constituant,
sous le nom de Leptis, une cité uni-
que (*) qui payait à sa métropole l'é-
norme tribut d'un talent par jour.
Carthage envoya à Rome des am-
bassadeurs (**) pour se plaindre de
cette violation des limites fixées par
Scipion : limites, disaient-ils, que Mas-
sinissa avait bien reconnues et respec-
tées, alors que, poursuivant le nu-
mide Aphir ou Aphtérate dans sa fuite
vers Cyrène, il s'était cru obligé de
demander et s'était vu refuser par les
Carthaginois le passage qu'il avait re-
vendiqué depuis. Mais des envoyés nu-
mides étaient aussi venus pour répon-
dre à ces griefs : ils accusèrent les
(*) C'est ainsi , suivant nous , qu'il faut
entendre ce passage de Tite-Live : «« Empo-
« ria Tocant eam regionem ; . . . . una civitas
« ejus^Leptis. » Les Iraducteurs^qui oublient
trop souvent la valeur du mot civitas (corps
politique ) , font dire au Padouan qu'il
n'y avait en ce pays que la seule ville de
Leptis ! tandis que Polybe assure au con-
traire qu'il y avait un grand nombre de
villes.
(**) L'an 193 avant l'ère vulgaire.
Digitized by
Google
206
L'UNIVERS.
Carthaginois de menaonge en ce qui
concernait les limites fixées par Sci-
f>ion : que si Ton voulait remonter à
'origine des droits respectifs, Gar-
thage, disaien^ils, n'aurait (l'autre
domaine que l'espace mesuré par les
lanières de la fameuse peau de boeuf;
tout ce qu'elle possédait au delà, elle
l'avait usurpé ; mais si l'on voulait se
borner à la Question actuelle , il était
certain que la possession du territoire
en litige, loin d'avoir constamment
appartenu aux Carthaginois, avait au
contraire flotté sans cesse entre eux et
les rois numides, au gré de la fortune
des armes; et il convenait de ne rien
changer à cet ordre de choses.
Rome délégua trois nouveaux com-
missaires, parmi lesquels était Scîpion
lui-même , pour aller réçler cette af-
faire sur les lieux; mais après exa-
men, les envoyés romains aimèrent
mieux laisser la question indécise que
de prononcer un jugement qui eût
mécontenté l'une des parties conten-
dantes : et Massinissa demeura ainsi
provisoirement maître de fait du pays
dont il s'était emparé.
Massinissa bepbend un canton
jadis conquis par son pèbe. —
Dix ans après (*), de nouvelles que-
relles de territoire furent provoquées
par d'autres envahissements de Mas-
sinissa. Cette fois , il s'agissait d'un
canton jadis enlevé aux Carthaginois
par son père Gala, puis conquis sur
Gala par Syphax, et restitué par celui-
ci aux Carthaginois en considération
de son beau-père Asdrubal ; Massinissa
le reprit à main armée, et opposa aux
plaintes des Carthaginois le double
titre de son droit héréditaire et de sa
possession effective. Des commissaires
romains furent encore envoyés, et
maintinrent le statu quo si favorable
à leur allié, réservant au sénat le droit
de rendre une décision définitive. Les
Carthaginois, de leur côté, jugeant
opportun un moment où les Romains
avaient sur les bras la guerre contre
les Celtibériens , pendant que Massi-
nissa lui-même était harcelé par d'au-
/*) L'an x8a avant l'ère vulgaire.
Ires nations ibériennes, idiargèrent
leur boëtharque (*) Carthalon de pro-
fiter de sa tournée dans les provinces
{)uniques pour reprendre aux Numides
a contrée envahie : les hostilités, sou-
tenues de part et d'autre avec aideur,
durèrent jusqu'à ce que de nouveaux
commissaires romains vinrent y met-
tre un terme en adjugeant à Massi-
nissa le territoire dont il s'était em-
paré , remettant en compensation aux
Carthaginois les cent otages que
Rome avait jusqu'alors retenus.
Massinissa s'empabs des Gban-
BES Plaines. — Après un autre laps
de dix années (**),Rome eut encore à in-
tervenir dans une troisième contesta-
tion de territoire, suscitée par les em-
piétements continuels de Massinissa:
c'était maintenant les Grandes Plaines,
c'est-à-dire le district de Tusca, qu'il
avait envahi , et où il s'était , depuis
deux ans, rendu maître de plus de
soixante-dix villes et châteaux. Les
Carthaginois renouvelèrent avec force
leurs plaintes devant le sénat romain,
et demandèrent avec instance ou qu'on
leur fît justice ou qu'on leur laissât
vider par les armes leur propre que-
relle; ou du moins, si l'injustice devait
prévaloir contre eux , que Rome elle-
même fixât une fois pour toutes la part
qu'il fallait faire à leur insatiable voi-
sin. Guiussa , fils du monarque nu-
mide, arrivé en même temps que l'am-
bassade punique , essaya de conjurer
Torage , mais n'y réussit qu'à demi :
il fut ordonné que les parties conten-
dantes enverraient des délégués spé-
ciaux pour discuter cette affaire, non
dans la vue d'établir de nouvelles li-
mites, mais bien de s'en tenir aux an-
ciennes, sans faire perdre aux Cartha-
ginois pendant la paix ce que la guerre
ne leur avait pas enlevé.
Guiussa revint avec les |>onvoirs de
Massinissa , et son premier soin fut
de suggérer des craintes sur l'usage
que pourraient faire ultérieurement
les Carthaginois, des forces navales
qu'ils étaient censés préparer pour ser-
(^ Commandant des auxiliaires;
(**) L*an 17 a avant l'ère vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
Tîr les Romains dans leur guerre de
Macédoine ; en sorte que la question
des limites à débattre entre lui et les
envoyés de Carthage ne se présenta
plus avec la même faveur. Comme
dans les précédentes contestations,
rien ne fut décidé, sinon que \e statu
quo serait maintenu jusqu'à ce que
de nouveaux commissaires fussent al-
lés régler le différend sur les lieux ; et
Ton prit soin de traîner l'affaire en
longueur pour donner à Massinissa le
temps de consolider sa possession.
Enfin, après de longues années d'at-
tente, les commissaires furent dési-
gnés (*) , et l'un d'eux fut le farouche
Marcus Caton , l'ennemi acharné de
Carthage: arrivés sur les lieux, ils de-
mandèrent que la décision du litige
fût entièrement abandonnée à leur dis-
crétion : Massinissa , sûr d'être favo-
risé , s'y prêtait volontiers ; mais les
Carthaginois , instruits à leurs pro-
pres dépens de la partialité de Rome,
msistèrent pour l'exécution pure et
simple du traité fait sous l'autorité de
Scipion : aussi les commissaires s'en
retournèrent-ils sans avoir rien fait,
mais frappés de la richesse du pays,
de l'opulence et de l'açrandissemênt
de la ville, et depuis lors Caton ne
cessa de prêcher hautement la guerre
contre Carthage.
Préparatifs de guerre de Car-
thage. — Une grosse armée numide
commandée par Archobarzanes petit-
fils de Svphax se trouvant rassemblée
sur les frontières puniques, Caton s'é-
cria que ces forces, réunies en apparence
contre Massinissa , l'étaient en réalité
contre les Romains , et que c'était
pour ceux-ci un juste motif de com-
mencer les hostilités; mais Scipion
Nasica s'y étant opposé, on résolut
d'envoyer des commissaires chargés
de s'assurer des faits , et Scipion fut
du nombre (**) : après avoir reproché
au sénat carthaginois d'avoir levé une
armée et équipé une flotte contraire-
ment aux traitis , ils voulurent ame-
ner la paix entre les deux parties
PL'an i57 avant l'ère vulgaire.
) L'aa x5a avant l'ère vulgaire.
207
moyennant l'abandon que ferait Mas-
sinissa du territoire contesté; mais
Giscon fils d'Amilcar, qui était alors
revêtu de la suprême magistrature,
voyant le sénat disposé à souscrire à
ces conditions, souleva si bien par son
éloquence l'indignation du parti pa-
triote contre les factions romaine et
royale, que les envoyés de Rome eux-
mêmes eussent couru quelque danger
s'il n'eût assuré leur fuite ; quant aux
royalistes, il yen eut quarante d'ex-
pulsés, avec serment de ne jamais souf-
frir qu'il fût fait aucune motion pour
leur retour ; ils allèrent chercher asile
auprès de Massinissa , avec la résolu-
tion de le pousser à la guerre.
Gulussâ vint à Rome pour dénon-
cer que l'on faisait à Carthage des le-
vées de troupes , qu'on y armait une
flotte, et qu'il n était pas douteux
qu'on n'y méditât la guerre : Caton,
suivant sa coutume, nt valoir ces ar-
guments; mais Scipion Nasica insista
pour qu'on ne fît rien légèrement, jt
une nouvelle commission de dix mem-
bres fut désignée pour aller vérifier
l'état des choses. Massinissa voulut
que ses fils Gulussa et Micipsa accom-
Sagnassent les envoyés romains , afin
e demander le rappel des quarante
exilés ; mais le boétharque qui cam-
f)ait aux portes de la ville en interdit
'entrée aux princes numides ; une
embuscade leur fut même dressée à
leur retour, et Gulussa n'y échappa
qu'en perdant plusieurs personnes de
sa suite.
Les commissaires, dé retouràRome,
où Gulussa se rendit avec eux, attestè-
rent qu'en effet il existait à Carthage
une armée et une flotte; Caton et d'au-
tres sénateurs opinèrent pour qu'on
transportât aussitôt une armée ro-
maine en Afrique ; mais sur l'avis de
Scipion , qu'il nV avait point encore
là une cause suffisante de guerre , il
fut décidé qu'on y renoncerait si Car-
thage consentait à licencier son armée
et à brûler sa flotte, sans quoi les pro-
chains consuls auraient à s'occuper de
la guerre.
Massinissa prend Orosgopa et
TAILLE EN PIEGES LES CARTHAGI-
Digitized by VjOOQIC
20$
L'UNIVERS.
ivois.— Surces entrefaites, Massinissa
vint assiéger la place d*Oroscopa, qu'il
désiraitréunirencoreà ses usurpations,
sans s'inquiéter davantage des traités.
Le boétharque Asdrubal marcha aussi-
tôt contre lui avec 25 000 hommes de
pied et 4000 cavaliers urbains, et il
fut bientôt renforcé de 6000 cava-
liers numides par la défection d'Osa-
sis et de Suba , deux des généraux de
Massinissa ; il eut d*abord Tavantage
dans quelques escarmouches ; mais
Massinissa , se retirant à dessein de-
vant lui , le conduisit ainsi jusau'à une
grande plaine aride entourée ae colli-
nes abruptes ; c'est là qu'à la vue de
Scipion Émilien qui venait alors lui
demander au nom de Lucullus un ren-
fort d'éléphants pour l'armée de Celti-
bérie (*), le vieux monarque numide ,
agile encore malgré ses quatre-vingts
ans , livra aux Carthaginois une ba-
taille meurtrière et prolongée, où il
eut le principal avantage. Instruits de
la présence de Scipion , les Carthagi-
nois réclamèrent sa médiation pour
terminer enfin par un traité de paix
une si longue querelle; ils consen-
taient à abandonner sans retour, à
leur compétiteur, le district appelé
Emporia, à lui payer mille talents
d'argent ; le roi numide exigea qu'on
lui livrât en outre les transfuges , et
cette condition fit rompre aussitôt
les négociations; mais un peu plus
tard Asdrubal, bloqué, affamé, réduit
à l'extrémité par la disette, la chaleur
et les maladies , consentit à tout, la
reddition des transfuges , la rentrée
des quarante exilés, le payement d'une
rançon de cinq mille talents en cin-
quante années , l'abandon de ses ar->
mes ; puis le vindicatif Gulussa tomba
sur cette troupe désarmée, et Cartbage
revit à peine quelques soldats , des
58 000 hommes qu'avait eus Asdrubal.
Alors éclata la troisième guerre pu-
nique.
Nouvelles délimitations tek-
RITOBIÀLES BÉSULTÀNT DES ENVA-
HISSEMENTS DE Massinissa. — En
cherchant à se rendre un compte
(*) L'an x5o avant l'ère vulgaire.
exact des nouvelles limites qui sépa-
raient à cet instant le domame puni-
que des États de Massinissa , on se
rappellera les envahissements succes-
sifs du monarque numide au sud et à
l'ouest de Carthage , et l'on reconnaî-
tra^ dès l'abord , qu'il s'était mis en
possession de toute la Byzacène, et de
tout le pays des Grandes Plaines ou
de Tusca , probablement jusqu'auprès
d'Hippone-Diarrbyte, sans parler de
quelques autres points douteux ou
moins connus. Quant à ceux-ci , on
peut , du moins en ce qui concerne les
cantons jadis enlevés a Carthage par
Gala , à Gala par Syphax , à Syphax
par Massinissa, puis repris par Syphax
et rendus à Carthage , et repris enfin
de nouveau par Massinissa , penser
avec quelque raison que c'était la cam-
pagne au nord de la Byzacène, puisque
nous avons vu précédemment Massi-
nissa, vaincu par Syphax dans la lutte
relative à la possession de ce terri-
toire, se retirer sur le mont Balbum
et dans le voisinage de Clvpéa , c'est-
à-dire jusque dans la grande presqu'île
du cap d'Hermès.
Les états de Massinissa avaient dû
s'agrandir considérablement aussi du
côté opposé , car, en admettant c|ue
Vermina, fils de Syphax, eût gardé jus-
qu'à sa mort sans contestation nou-
velle le sceptre des Massésyliens , il
est certain qu'Archobarzanes, petit-
fils de Syphax , s'étant montré dans
ces derniers temps l'allié de Carthage
contre Massinissa, dut subir les vicis-
situdes de la cause <|u'il avait embras-
sée^ et se voir dépouillé de son royaume
par l'heureux rival de sa famille : aussi
Appien énonce-t-il que les états de
Massinissa touchaient d'une part à la
Mauritanie voisine de l'Océan , et de
l'autre à la Cyrénaïque. Mais quant à
la limite précise entre la Numidie et la
Mauritanie , on peut se demander si
elle était restée au Molochath comme
au temps où Syphax régnait à Siga , ou
si elle avait été transportée au Mulu-
cha, oii nous la trouverons prochaine-
ment indiquée ; la postérité de Syphax
ayant dû être dépouillée dans les der-
niers temps du règne de Massinissa,
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIEIflfE.
on peut supposer que le roi de Mau-
ritanie Bocchus y aura concouru pour
sa part et à son profit , en s'emparant
du canton de Siga et s'avançant jus-
qu'au Muiucha, qu'il déclarera plus
tard avoir été la lunite commune en-
tre lui et Micipsa.
On peut se former ainsi une idée
assez juste des conditions territoria-
les au milieu desuuelles allait surve-
nir la reprise des hostilités.
. Troisième guerre punique.
Pbemiàbbs opebàtions de la
GUEBBE. — En prenant les armes sans
la permission de Rome pour repousser
les agressions de Massinissa, Carthaçe
avait contrevenu aux conditions du
traité que lui avait imposé sa rivale ;
et elle redoutait maintenant d'autant
plus le courroux des Romains, qu'elle
Tenait d'éprouver des revers, et qu'Uti-
que abandonnait sa cause pour se don-
ner à ses implacables ennemis. Elle
essaya de conjurer l'orage en offrant
satisfaction au sénat de Rome ; les con-
suls Lucius Marcius Censorinus et
Marcus Manilius Nepos (*) furent en-
voyés en forces à U tique pour en dic-
ter les conditions, pendant que trois
cents otages étaient exigés comme gage
préalable d'obéissance. Après ces ota-
ges, les consuls se firent livrer toutes
les armes , puis ils exigèrent l'abandon
de Carthage elle-même ; ce fut le signal
d'une tentative d^e défense désespérée.
Le boëtharqueAsdrubal avait réuni
20 000 hommes sur le territoire exté-
rieur ; tous les citoyens en état de por-
ter les armes dans la ville se levèrent
en masse et furent placés sous les or-
dres d'un autre Asdrubal, petit-fils de
Massinissa par sa mère; on travailla
jour et nuit à fabriquer de nouvelles
armes , et l'on se trouva en état de
soutenir vigoureusement un siège,
d'autant plus que les Romains ne se
procuraient qu'à grand'peine des vi-
vres qu'il leur fallait tirer exclusive-
ment d'Adrumète, Saxos, Leptis ,
Achollè et Utique , tandis qu'Asdru-
f09
bal, occupant tout le reste de TAfrlque,
dirigeait sur Carthage de nombreux
convois. Les consuls furent repoussés
au premier assaut qu'ils voulurent
tenter, et ils éprouvèrent encore di-
vers échecs partiels ; harcelée journel-
lement par la cavalerie d'Asdrubal, qui
avait établi son camp à Pïéphéris , à
180 stades de Carthage, l'armée ro-
maine se trouva plus d'une fois dans
une position difficile , dont elle fut ti-
rée cnaque fois par la bravoure et l'ha-
bileté de ScipionÉmilien, alors tribun.
Ce jeune seigneur s'acquit ainsi une
grande réputation tant parmi les siens
que chez l'ennemi ; et le vieux Massi-
nissa , qui voyait en lui le fils adoptif
de son premier protecteur , l'investit
en mourant du droit de régler le par-
tage de sa succession entre ses enfants.
Scipion adjugea à Micipsa le gouverne-
ment politique, avec la possession de la
royale Cirta ; il attribua à Mastanabal
le pouvoir judiciaire ; et il réserva le
commandement des troupes à Guiussa,
qu'il ramena avec lui et un corps de
cavalerie numide au camp des Romains
. devant Carthage.
Peu de succès dks consuls Ma-
nilius ET Calpubnius. — Pour
laver la honte d'un premier échec
reçu devant Néphéris qu'il avait im-
prudemment attaquée, Manilius vou-
lut alors faire contre cette place une
nouvelle tentative ; il emporta pour
quinze jours de vivres , et alla établir
son camp dans le voisinage; mais il
n'eut pas plus de succès, et fut obligé
par le manque de vivres à effectuer
sa retraite le dix-septième jour, ayant
à faire en outre trois pénibles journées
de marche pour regagner son camp de-
vant Carthnge ; et il fallut que l'habi-
leté de Scipion le tirât encore d'em-
barras.
De jîouveaux consuls ayant été
nommés (*), Lucius Caipurnius Piso
Césonius vint prendre le commande-
ment de Tarmée d'Afrique; mais il ne
fut point heureux dans ses opérations.
Quittant le siège de Carthage , il alla
tenter contre Aspis ou Clypéa une
(•) L'an 149 avant Vère Tulgaire. (*) L'an 148 avanl Fère vulgaire.
14* Livraison. (Afbiqub AifCiBNHB.} H
Digitized by
Google-
iib
WntvMè
double attaque par terre et par mer,
et fut repoussé ; il s'en vengea en sac-
cageant une ville voisine qui s'était
rendue à luL De là il marcha contre
Hippone-Diarrhyte ( ou Hippagreta
comme l'appelle Appien) qui profitait
de son voisinage d Utique pour inter-
cepter les convois que celle-ci expé-
diait à l'armée romaine; la place était
grande et forte, Calpurnius passa tout
Pété à l'assiéger sans succès, et il s'en
retourna, sans avoir rien fait, prendre
ses quartiers d'hiver à Utique.
Pendant ce temps, les Carthaginois,
rassurés parles échecs irépétésde leurs
ennemis et par l'accession de huit cents
cavaliers numides qui abandonnèrent
Gulussa pour venir avec leur chef Bi-
thyas se ranger à leur parti, s'enhar-
dirent à parcourir le pays, à y distri-
buer des garnisons, à se faire des par-
tisans parmi les indigènes ; et le boë-
tbarque Asdrubal , à ^ui l'on devait
tous ces avantages, fut élu stratège de
la république à la place de l'autre As-
drubal, qui fut mis à mort comme
coupable d'intelligences secrètes avec
son oncle maternel Gulussa , allié des
Romains.
SCIPION-ÉMILIEN DÉTBUIT CaB-
THÀGE ET BÉDUIT SON TEBBITOIBE
EN PBOVINCE BOMAINE. — Enfin le
jeune Scipion Êmilien fut porté au
consulat avant l'âge (*), dans la per-
suasion que la fin de cette guerre lui
était fatalement réservée, et il vint
prendre le commandement de l'armée
romaine ; il établit son camp devant
Carthage , s'empara dans un premier
assaut du faubourg de Mégara , et fit
ses dispositions pour affamer la place
par un blocus rigoureux ; puis il alla
détruire devant Néphéris l'armée exté-
rieure des Carthaginois ; et la prise de
cette ville ayant amené la soumission
de toutes celles du voisinage, tranquille
désormais de ce côté, il revint presser
le siège de Carthage (**), et malgré les
efforts inouïs des assiégés, il emporta
enfin la place , défendue pied à pied
avec le courage du désespoir, et acheva
(*) L'an i47 avant l'ère vulgaire.
(**) L'an 146 avant l'ère vulgaire.
de détruire, aprfeg Ta vîctëfre , ce cfiia
l'incetidie et lès dévastations de là
guerre avaient pu laisser encore de-
bout. Rome fiit au comble de la joie,
et le sénat délégua dix commissaires
pour régler avec Scipion le sort du
f)ays conquis. Il fut résolu que toutes
es villes qui dans cette guerre avaient
tenu le parti de Carthage seraient ra-
sées , et leur territoire donné à celles
qui avaient embrassé la cause des Ro-
mains ; Utique obtint ainsi tout le can-
ton qui s'étendait d'un côté jusqu'à
Carthage et de l'autreJusQu'à Hippone-
Dîarrhyte ; le reste rat oéclaré tribu-
taire, et il fut convenu qu'on y enver-
rait de Rome un stratège, ou préteur
annuel , comme gouverneur.
Rome se substituait ainsi purement
et simplement aux Carthaginois dans
la possession de leur domaine d^ Afri-
que , tel qu'il se trouvait en dernier
lieu circonscrit par les états des mo-
narques numides. Peut-être doit-on
penser qu'une partie au moins de la
byzacène fut dès lors reprise par Sci-
pion, et que dès lors aussi fut tracé le
fossé de partage qui s'avançait jus-
qu'à Thènes; peut-être au contraire
est-il permis de croire que la prolon-
gation du fossé jusqu'à Thènes est un
fait postérieur à la délimitation adop-
tée par Scipion, et dont nous rencon-
trerons plus tard quelques indices.
III. CONQUETE DE LÀ NUMIDIE PAli
LES BOMAINS.
Guerre de Jugurtha.
Succession de Micipsa envahie
pab jugubtha sub hiemsal et
Adhebbal. — La mort de Gulussa
et de Mastanabal, que la maladie em-
porta à une époque dont la date ne
nous est point donnée, laissa Micipsa
seul maître des vastes états de son
{)ère, dont il s'appliqua à continuer
'œuvre; on ne peut oublier com-
bien le règne long et brillant de Mas-
fiinissa avait eu d'influence sur les
mœurs de son peuple» qu'il sut façon-
ner aux habitudes de la vie agrico-
le; Micipsa, prince ami de la paix et
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE IWCIENNE.
des arts, poorsuivit activement eette
œuvre de eiviiisatioo, orna sa capitale
d'édifices et d'établisseipents utiles, y
appela une colonie de Grecs, et la ren-
dit tellement florissante et peuplée,
qu'elle pouvait metlre en campagne ,
suivant le calcul de Strabon , 20 000
Éintassins et 10 000 chevaux. La plaie
de sauterelles racontée par Orose, oui
sous son régné (*) vint anéantir les
moissons et causer cette affreuse
peste à laquelle succombèrent plus de
800 000 Numides, 200 000 Libyens
de la provinde d'Afrique, et 30 000 sol^
dats romains cantonnés à Utique, fut
un coup funeste à de si favorables
progrès, et il fallut longtemps sans
doute pour s'en relever. Peut-être est-
<se dans cette redoutable épidémie que
périrent et Mastanabal et Gulussa. Le
premier laissait deux enfants , Gauda
et Jugurtha ; le second un fils , Mas-
siva , les seuls dont Thistoire ait eu à
nous entretemr. Micipsa lui-même eut
deux enfants , Adherbal et Hiemsal.
Tous ces princes eurent des préten-
tions au trône de Numidie.
On sait comment le fils adoptif de
Micipsa , ce Jugurtha que nous a si
bien fait connaître Salluste , appelé à
partager avec ses cousins Adherbal et
Hiemsal la succession de son bienfai-
teur, se hâta de faire assassiner Hiem-
sal dans sa capitale Thimida(**), et força
Adherbal vaincu à se réfugier à Rome
pour y demander protection contre
l'usurpateur.
(*) L'an 125 avant l'ère vulgaire.
(**) Sallust« rappelle Thirmida; mais tous
les documents ultérieurs s'accordent à écrire
Thimida , Thimida regia, entre autres cette
inscription mutilée.:
<;. IVLIO REGlirO DECVRIOir.
KA.RTHAG. ÀED. II TIR QVIH
QVSKKAUCIO. GBIfTIS SRV£KZ
^f ,,,»,,. , CVBÀTOR
SPLENBiniSSIMAS RBIPVBI.ICAB
I^BmiDEirSIVlC RKGIORVM. ORD.
DSCVRIOKVM EX SPORTVLIS SVIS
OB MEKXTÀ D. D.
#> A-CAîiia JnliuB Begiavs, etc. , le carateur de Ta
fina(Qifi^ue.r«p«]iUiia« ikTbimida royale^ »etc*
211
C0ttMâN€BM£RtS^ DB Bà ÔUÂBKB
DE !NuMiDiB. . — L'habile Jugurtha
sut acheter la faveur d'uéi sénat cor-
rompu, qui envoya une commission de
dix membres faire le partage des états
de Micipsa entre le fils survivant de
ce monarque et le meurtrier de l'au-
tre ; et les décemvirs , gagnés a force
d'or , lotirent Jugurtiia de la portion
la plus ét^due et la plus puissante,
la Numidie des Massésyliens depuis le
fleuve Mulucha jusqu'à une limite qui
nous semble avoir dû être établie dès
lors près du port de Saldes , laissant
à Adherbal la plus ornée de villes etd'é*
difices, avec la royale Civta. Mais l'am-
bition de Jugurtha n'est pas satisfaite :
il vient piller le donnaine d'AdhcN
bal, et bientôt envahit ouvertement
ses états , le bat entre Girta et la mer,
et vient l'assiéger dans sa capitale. Une
seconde, une troisième commission
envoyées de Rome sont gênées ; Cirta
capitule, et Jugurtha fait massacrer
aussitôt Adherbal et tous ses adlié-
rents. Mais la nouvelle de ces attentats
émeut à Rome les classes populaires;
le tribun Caïus Memmius tonne contre
les grands que l'or de Jugurtha a cor-
rompus; la guerre deNumidie est ré*
solue, et le consul Lucius Calpurnius
Piso Bestia est envoyé pour la eom»
mander. ■
Bestia signale son entrée en cam-
pagne par la prise de quelques villes et
de nombreux captifs ; mais bientôt l'or
du Numide achète une paix facile ;
MenMnitns indigné obtient qu'on ap-
pelle à Rome Jugurtha pour démas-
quer les concussionnaires, et Jugurtha
vient encore semer l'or à pleines mains
dans cette ville vénale : Massiva, fils de
Gulussa, qui s'y trouvait aussi, s'a-
dresse au sénat pour obtenir lui-même
le royaume de Numidie , et Jugurtha
le fait assassiner. Le sénat alors k»i
ordonne de quitter immédiatement
l'Italie , et le consul Spurius Posthu-
mius Àlbinus recommence la guerre;
puis en laisse le soin à son frère Au-
ws, qui court assiéger Suthul , où
étaient les trésors du monarque nu-
mide, et' que Paul Orose identilie à
Calama , vulgairement appelée aujour^
14
Digitized by VjOOQIC
213
L'UNIVERS.
d'hui Ghelma ; mais Jtigurtba Tattire
dans une embuscade au milieu des bois,
et le force à capituler aux conditions
les plus honteuses; l'armée romaine
est obligée de passer sous le joug et
d'évacuer en dix jours la Numidie.
SUCCBS DE MÉTELLUS. — RomC
ne veut point reconnaître une pa-
reille convention, et elle charge le
nouveau consul Quintus Cécilius Mé-
tellus , plus tard surnommé Numidi-
cus, d'aller reprendre la guerre ; il se
rend, avec le fameux CaïusMarius pour
lieutenant, dans la province romaine,
où se trouvaient cantonnées les troupes,
dont il fallut d'abord relever le moral,
puis entrant en Numidie , il y occupe
d'abord Vacca , le marché le plus re-
nommé de tout le royaume , très-fré-
quenté des marchands italiens ; arrivé
sur les bords du Muthul, dans Tancien
domaine d'Adherbal , il y obtient sur
Jugurtha une victoire signalée, à la
suite de laquelle il reçoit les soumis-
sions de plusieurs places , et en pre-
mier lieu de Sicca , la moderne Kéf ,
peut-être aussi celle de Cirta, où nous
voyons établis peu de temps après ses
magasins. Il se porte ensuite surZama,
ville considérable (*) , le boulevard du
royaume dans la partie où elle était
située ; mais il ne peut l'emporter, et
il revient prendre ses quartiers d'hi-
ver dans la province romaine, au voi-
sinage de la Numidie.
ËnGn Jugurtha se résout à ouvrir
ses trésors, à livrer tous ses éléphants
et une partie de ses armes et de ses
chevaux ; ce n'est point assez : Métel-
lus exige qu'il vienne en personne re-
cevoir ses ordres à Tisidium; mais
Jugurtha veut tenter un effort déses-
péré plutôt que de se livrer lui-même;
il recommence la guerre, fait égorger
par trahison la garnison romame de
Vacca , qui est aussitôt reprise et sac-
(*) « Urbem magnam, et in eâ parte
« quà sita eral arcem regni, nomine Za-
M mam, * tels sont les termes de Salliiste. Il
ne peut donc être douteux que ce ne soit
la Za(ia \fA\Xjm ou grande Zama de Ptolé-
mée, la Zama regia d'Hirtius et des monu-
ments ultérieurs.
cagée ; il est battu de nouveau en rase
campagne, se réfugie dansThala (dont
Grenville Temple croit avoir de nos
jours retrouvé les ruines à vingt milles
dans l'est d'Ayédrah , conservant en-
core le nom de Tsâlah H ; puis il
l'abandonne pendant que Métellus
vient l'assiéger , la prendre , et rece-
voir sur ses ruines tumantes les en-
voyés de Leptis, fille de Sidon et alliée
de Rome depuis le commencement de
la guei^re , qui venaient lui demander
une garnison ; il leur accorda quatre
cohortes de Ligures avec Caïus Annius
pour commandant. Jugurtha va alors
recruter chez les Gétules une armée
dont il fait l'éducation militaire; il
s'adresse au roi de Mauritanie Boc-
chus dont il avait épousé une fille,
l'entraîne dans son parti , et tous deux
s'avancent vers Cirta , sous les murs
de laquelle Métellus vient asseoir et
fortifier son camp.
Mabius tebmine là guerre. —
Sur ces entrefaites , le consulat et la
guerre de Numidie échurent à Marias,
qui revint à Utique avec des renforts
considérables de troupes fraîches, re-
prit les hostilités avec une nouvelle
vigueur, battit Jugurtha et ses Gétu-
les non loin de Cirta , alla détruire la
lointaine Capsa , à neuf journées de
distance , prit et brûla nombre d'au-
tres places; puis à l'autre extrémité
de la Numidie, non loin du fleuve Mu-
lucha , limite commune des états de
Bocchus et de Jugurtha , il vint assié-
ger et emporter d'assaut un château
réputé imprenable ; c'est là qu'il fut
rejoint par son questeur , le fameux
Lucius Cornélius Sylla, qui arrivait
d'Italie avec un corps considérable de
cavalerie; et ils opérèrent ensemble
leur retraite vers Cirta , afin d'aller
(*) Le nom arabe u b Tsâlah se pror
nonce exactement comme le grec OoXa, dont
le latin Thala est la simple transcription.
Mais peut-être faudrait-il chercher Thala
dans un moindre éloignement de la grande
Leptis, ou supposer, au contraire, qu*il
s'agit de la petite Leptis, et que c'est par
confusion que Salluste lui a appliqué des
désignations propres à la grande.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
f^rendre leurs quartiers d'hiver dans
es villes du littoral. Bocchus et Ju-
gurtha , réunis de leur côté , saisissent
le moment de ce départ, et tombent,
à la fin du jour, sur l'armée romaine ;
mais l'avantage reste à Marins , qui
reprend sa marche , et arrive quatre
jours après non loin de Cirta, où une
nouvelle attaque des deux rois ne peut
encore leur procurer une victoire ; et
les Romains opèrent enfin leur ren-
trée à Cirta.
Alors s'ouvrirent des négociations
avec Bocchus, dont plusieurs fois déjà
on avait sondé les dispositions favo-
rables. Ce n'est point par animosité ,
répondit-il à Syila, qu'il avait [xris les
armes contre les Romains , mais uni-
quement pour la défense de son pro-
pre territoire; car il avait lui-même
conquis sur Jugurtha (*) cette partie
de la Numidie que Marins venait ra-
vager : « Je n'ai point fait, je n'ai ja-
« mais souhaité qu'on fît la guerre au
« peuple romain ; j'ai défendu à main
« armée mes frontières qu'on atta-
A quait à main armée. Mais laissons
« cela , puisque vous le voulez ; faites
« comme vous Tentendrez la guerre à
« Jugurtha. Je ne dépasserai point le
« fleuve Mulucha, qui était entre moi
« et Micipsa , et je ne souffrirai
* pas que Jugurtha le franchisse ;
« si vous avez à me demander quelque
« chose de plus, je ne m'y refuserai
« point, pourvu que ce soit digne de
« moi comme de vous. » Après bien
des hésitations, 'l'adroit Sylla parvint
à le faire consentir à livrer Jugur-
tha , qui fut amené à Marins, et alla
mourir de froid et de faim dans un
cachot de Rome.
Modifications dans les cibcon-
scbiptions tebritobtales apbès
la défaite de jugubtha. —
Quels furent les résultats de cette
guerre quant à la distribution du ter-
ritoire africain entre les diverses puis-
(*) A ce propos, il n'est pas sans intérêt
de rappeler ici que, diaprés un fragment de
Dion Cassius, il semble que Cirta fût tom-
bée au pouvoir de Bocchus par voie de
composiUon , quand il traita avec Marins.
21 d
sauces oui s'y trouvaient établies?
Comme les historiens se taisent sur ce
point, les critiques ont tenté d'y sup-
pléer par des conjectures, et les opi-
nions varient beaucoup à cet égard.
Bocchus, qui promettait de se renfer-
mer dans ses anciennes limites du
Mulucha, y demcura-t-il confiné, ou
bien Rome le récompensa-t-elle de sa
trahison envers Jugurtha en lui adju-
geant les pays qu'il énonçait avoir lui-
même conquis sur ce prince? Nous
admettrons, comme la plus probable,
cette dernière hypothèse, contre la-
quelle ne s*élèvent point les faits ulté-
rieurs ; et il y a quelque motif de pen-
ser, en ayant égard à ceux-ci, que la
limite orientale en put être portée
i'usqu'à Saldes, qui fut plus tard la
)orne commune de la Numidie des
Romains et de la Mauritanie de Juba
le jeune; il paraît certain, dans tous
les cas, que Bocchus n'eut point Cirta,
bien qu'il l'eût un moment occupée,
car elle fut plus tard conquise par son
fils Bocchus sur Juba l'ancien.
La province romaine demeura-t-ellc
aussi confinée dans ses premières li-
mites, ou fut-elle augmentée de quel-
qu'une des conquêtes de Métellus et
de Marins ? Cette dernière hypothèse
semble offrir quelque probabilité : on
peut croire que Vacca et le territoire
adjacent depuis Thabraca jusqu'à Hip-
pone-Diarrhyte , de même que Sicca ,
furent désormais annexés à la province
d'Afrique.
Règne des princes numides succes-
seurs de Jv^urtha.
RÈGNE DE Gauda. — Quant au
surplus, on a trop souvent oublié que
le valétudinaire Gauda , fils de Mas-
tanabal et frère par conséquent de
Jugurtha , tenait , des volontés der-
nières de son oncle Micipsa, un droit
éventuel de succession qu'il avait fait
valoir auprès de Métellus, et que Ma-
rins avait adroitement caressé ; c'est
donc à Gauda que revenait de droit,
aux yeux mêmes des Romains, le scep-
tre de la Numidie; et quand on voit
plus tard un Hiarbas qu'on dit son
Digitized.by VjOOQIC
m
L'UNIVERS.
•lUs, et un Hiemsal qu'on iait gratni-
lement fils de Gulussa, régner en Nu-
)nidie, on oublie de tenir compte du
droit héréditaire qui les a appelés au
trône. On a trop négligé , sur deux
points essentiels, les indications d'une
inscription deCarthagène bien connue,
et souvent répétée (*), que nous allons
reproduire à notre tour :
HEGl. IVBAE. BE..
1TBAE. FILIO. REClg
tBin>8ALIS. N. REGIS. CAV«.
PRONEPOTl. REGIS. MAStNIIS..
PRONEPOTIS. «EPOn
IWIR. QVINQ. PATRONO
COLONl
«An roi Jnba fils du roi Juba, petit-fils
« du roi lempsal , arrière-petit-fils du roi
<c Gauda , petit-fils de l'arrière-petit-fils du
« roi Massinissa ; les duumvirs quinquen-
« naux au Patron de la colonie. »
Il résulte évidemment de cette ins-
cription , d'abord que Biemsal était
fils de Gauda , et en second lieu que
Gauda a eu le titre de roi; d'où il
faut conclure que Gauda, à qui Marius
iavait promis la Numidie dès que Ju-
^urtba seraiit pris ou tué, reçut effecti-
vement la possession de ce royaume, et
la transmit à sa postérité. Comment fut
réglée sa succession, on l'ignore ; quel-
Î[ues modernes ont conjecturé qu'elle
ut partagée entre Hiemsal et Hiar-
bas; mais les lambeaux historiques
qu'il est possible de recueillir sur ces
princes ne procurent à cet égard au-
cune lumière.
RÈGNE SIMULTANÉ BE HiEMSÀL,
BiABBÀS, £T Massinissa pèbe p'A-
BABiON. — Quand le parti de Ma-
rius fut obligé de fuir devant la for-
tune de Sylla (**), le jeune Caïus Marius
(*) Nous donnons cette inscription d'a-
près une empreinte tout nouvellement appor-
tée de Carthagène par M. Joseph Tastu , qui
Va prise lui-même sur Toriginal : elle diffère
à la fois, et de la c^pie du Père Ximenez
publiée par Shaw, et de la copie du che-
valier de Bibran empruntée par Spon aux
papiers de Peiresc : elle s'éloigne néanmoins
tort peu de la première, adoptée par le
président de Brosses et Tabbé Relley, qui
en out toutefois méconnu la portée.
(**) L'an 88 avant l'ère vulçaiiie.
ATÎnt, avec d^autres proscrits, chercher
refuge en Nuniidie auprès du rod
Miemsal , dont les dispositions incer-
taines excitèrent bientôt leur défiance;
aussi dès qu'ils apprirent que le vieia
Marius fugitif avait paru a Carthage,
ils s'échappèrent pour le venir joindre,
et quittant avec lui ces rivages inhos^
pitaliers, ils s'empressèrent de passer
a Cercina, d'où ils aperçurent bientôt
les cavaliers numiaes que Hiemsal
envoyait à leur poursuite. Puis les
proscrits de la veille devinrent les
proscripteurs du lendemain; puis la
fortune revint à l'heureux Sylla, et les
restes du parti vaincu naviguèrent de
nouveau en Afrique, pour ren empa-
rer en compensation de la perte de
l'Italie (*); c'est alors que nous voyons
apparaître pour la première fois le nom
du roi Hiarbas, que suivant toute ap-
parence le parti de Marius éleva sur le
trône de Numidie à la place de Hiem-
sal, ou au moins en rivalité avec lui.
Mais Pompée envoyé par le diclateur
contre les rebelles, fit enlever dans l'île
de Cosyra le consul Cnéus Papirius
Carbo, qui fut décapité; et débarquant
à Curubis (la moderne Qourbah), Il
vint tailler en pièces auprès d'Utique
Cnéus Domitius Ahénobarbus et le roi
Hiarbas qui s'était joint à lui ; Domi-
tius fut tué et Hiarbas prit la fuite.
Pompée s'occupa alors de rétablir
Hiemsal dans son rovaume ; il fit at-
taquer et battre Hiarbas par Bogud,
fils du roi maure Bocchus, qui le forç$
à revenir s'enfermer dans Bulla sa
i;apitaleC^),où Pompée le fît mettre à
mort après avoir emporté la place.
Hiarbas avait^il entièrement dépouil-
(*) 'O; Aiêuyjv 9capaoTiqo>6(Uvoc àvxl tïjç
TtoXiocç. (Appien, Guerres civiles, l, 9a.)
(**) C'est à liire de capitale de Hiarbas
Sue Bulla fut décorée dès lors de l'épiihète
e Koyale qu'on lui trouve désormais dans
les géograpbes, les itinéraires et les actes
des conciles. — Cette expédition de Pompée,
sur laquelle on ne possède que quelques
rares indications éparses daps les fragments
de Salhiste, dansPlutarque, Appien, £u-
Irope , Aurélius Victor, Oroae , Paul Diacre,
et Zonare, 3e raf^rte à l'an 8; «vaot Vèn
vulgaire.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANOENNE.
pi
\6 Hiçmsal , ou lui avait-il seulemeuft
eolevé la portion de la JXumidie située
à Touest de la province romaine d'A-
frique ? On peut rester indécis entre
«es deux hypothèses. Mais il est une
autre question à résoudre : Hiemsal
devait-il seul renrendre tout ce dont
on dépouillait Hiarbas, et n'y avait-il
aucun autre prétendant a satisfaire?
Aurélius Victor a laissé échapper le
nom de Massinissa : est-ce upe mé-
prise de copiste, ou bien y avait-il en
effet un prince du nom de Massissina
à qui il fallût rendre quelque portion
de la Numidie ? On peut à bon droit
g'arrêter à cette dernière pensée lors-
qu'on réfléqhitque César, cQpime nous
le dirons tout à l'heure, dépouilla pimi
tard de ses domaines le numide Mas*
^inissa, dont le fils Arabion est appelé
roi par Appien. IS'est-ce pap, dirai-]e
encore, contre qç même prétendant ,
dont le nom ei^t écrit cette fois Ma*
sintha par Suétone, que le roi Hiem-
^1 eut à envoyer à Rome (*), pour
soutepir ses intérêts, son propre ^Is
Juba, aussi riche de pièces d'or que
de cheveux, dit plaisamment CicéroB
dans son deuxième discours contre la
loi agraire? Masintha s'était mis sou$
le patronage de César, qui dans un^
discussion animée au sujet de cette &P
faire s^emporta jusqu'à saisir Juba par
sa barbe : affront que celui-ci ne lui
pardonna jamais; aussi, devenu roi, se
fit-il un, des fauteurs les plu^ ardents
flu parti de Pompée.
lÎÈ&NE DP JUBÀ l'àNGI|2N. —
Lorsqu'il avait été chargé pour trois
ans de i'imniense commandement ma-
ritime et territorial motivé par la
giierre des pirates. Pompée avait assi-
goé l'Afrique avec la Sardaigne et la
Corse à ses lieutenants Cnéus Corné-
lius Lentulus Marcellinus et Publiujs
AttiliMs ; depuis son second consulat,
^yant efi l'Airique avec l'Espagne dans
son lot, il les gouvernait de même
par /ses li^qtenapts. «Quand éclata la
guerre civile (**), le popipéien Attius
iVarps, chassé d'Italie, s'empara aisé-
i*() <U0ii 63 a^jipt rère vtilgaire.
.-P*^ HW^i49«S(a»t i'w vulgaire.
ment de la province d'Afrique, et
trouva dans le roi Juba un voisin et
un allié tout disposé pour sa cause.
César ayant envoyé contre Varus so^
lieutenant Curion, celui-ci vint débar-
quer à Aquilaria, lieu bien abrité en-
tre deux caps, à vingt-deux milles de
Clypéa, et qui paraît être 1^ moderne
El-Hawaryan, le même point ou plus
de fleux siècles et demi auparavant
Agathocles avait aussi abordé. Le jeune
Lucius César, n'osant attendre à Cly-
péa une attaque de la flotte de Curion,
alla se réfugier à Adrumète, où Caïus
Confidius Longus était cantonné avec
une lésion. Curion envoya ses vais-
seaux a Utique, vers laquelle il sa-
chemina lui-même par terre : trois
journées l'ayant conduit près du Ba-
gradas , il alla avec sa cavalerie re-
connaître les Castra Coruélia, et éta-
blit ensuite sop camp devant tJtique.
Juba avait à se plaindre personnel-
lement de Curion, qui l'année précé'
dente, pendant son tribunat, avait
proposé une loi pour la confiscation
de la IMumidie et sa réduction en pro«>
viqce romaine : aussi le vindicatif mo-
narque s'était-il empressé d'envoyer
des secours à Varus, ejt il vint bientôt
le joindre lui-même avec de npuveaux
renforts, tailla en nièces Curion et soq
armée, passa au ni de l'épée ses pri-
sonniers, et rentra triomphant dans
ses états.
L'Afrique devint alors le point de
refuge de tous les restes, considér
râbles encore, du p^rti pompéien dis-
persés par les victoires de César, et
l'on résolut de s'y défendre vigou-
reusement; Caton ^'enferma dans Uti-
que , qui devait être son tombeau ,
et Métellus Scipion prit le comman-
dement de l'armée. Mais si lalNumidie
de Jub;i était hautement déclarée pour
eux , il n'en était pas de même des
états de Bogud et de Bocchus , qui
avaient succédé a leur père Bocchus
l'ancien, allié de Marins, et qui s'étaient
partagé sqn héritage, Bogud conser*
vaut l'ancienne Mauritanie avec Tingis
pour capitale, Bocchus ay^.pour son
lot ta !Numidie de& Masgésyliians, avee
Ipl pour i^pilAl^ ainsi qfk& nou8 J'io*
Digitized by VjOOQ IC
3ie
L'UNIVERS.
clique Solin ; l'un et l'autre avaient
embrassé avec empressement le parti
de César, qui les avait proclamés tous
deux rois, et amis du peuple romain.
Caton encouragea le jeûne Cnéus Pom-
pée à tenter contre eux une expédition:
il prit trente galères , et partant d'U-
tique, il gagna la Mauritanie, royaume
de Bogud , où il essaya un coup de
main sur la place d'Ascurum, défendue
par une garnison royale ; mais il fut
repoussé dans ses vaitsseaux, quitta ces
rivages, et se dirigea vers les Baléares.
Guerre de Jules-César en Afrique.
Arbiyée de César en Afrique ;
SES DISPOSITIONS. — Cependant Cé-
sar avait résolu de venir porter le
coup de grâce aux Pompéiens dans
leur dernière retraite : sans se lais-
ser effrayer par le mauvais temps,
il s'était embarqué pour l*Afrique , et
passant en vue de Clypéa et de Néa-
polis , il avait abordé sans obstacle
mais avec peu de monde, près d'Adru-
mète, d^oîj il s'était rendu à Ruspina,
f^uis à Leptis, qui se déclarèrent pour
ui : de là il envo3[a des bâtiments en
croisière pour rallier sa flotte éparse,
dépécha le préteur Salluste à ^Cercina
Sour y faire des approvisionnements
e vivres , expédia des courriers dans
les provinces pour demander des ren-
forts d'hommes 'et de munitions, et
laissant une garnison à Leptis, il vint
établir son camp à Ruspina, où il fut
rejoint par une partie de son monde
et eut aussitôt à soutenir une vigou-
reuse attaque qu'il repoussa, mais qui
menaça bientôt de se renouveler plus
formidable, Scipion étant parti d'Uti-
que avec le reste de son armée pour
venir à Adrumète , où il devait être
rejoint par Juba. Heureusement que le
chef de partisans Sittius, avec une ar-
mée que mit à sa disposition le roi
maure Bocchus , fit diversion sur la
Numidie et la Gétulie de Juba, par la
prise de Topulente Cirta et la ruine de
deux villes gétules qui avaient refusé
decapituler; en sorte que Juba fut obligé
de courir à la défense de son propre
royaume. Ceb dçpna à César le t^mps
de se fortifier, de provoquer dans le
camp de Scipion la désertion des Nu-
mides et des Gétules qui avaient tenu
pour Marius , de faire déclarer pour
lui diverses places, telles qu'Acilla et
Tisdrus, de recevoir des convois con-
sidérables de vivres que Salluste lui
expédia de Cercina après en avoir
chassé le questorien Caïus Décius , et
de voir arriver enfin une partie des
renforts qu'il attendait de Sicile, tandis
que Sittius enlevait à Juba un château
fort où le roi numide avait fhit, en
vue de cette guerre, de grands approvi-
sionnements de vivres et de munitions.
Victoire de César , qui reste
MAITRE DE LA NUMIDIB. — César
alors s'avança par les hauteurs, vers
le camp ennemi , et après une escar-
mouche où il eut l'ava'ntage , il s'ap-
procha jusqu'à un mille d'Uzita, cfc-
cupée par Scipion ; d'un autre côté ,
Confîdius qui était allé tenter de sur-
firendre Aciila et n'avait pas réussi ,
eva le siège, et prenant son chemin
par le territoire de Juba , rentra
a Adrumète, et remit à Scipion une
partie de ses troupes. Enfin Juba ,
pressa par Scipion de venir le rejoin-
dre, arriva au camp, après avoir laissé
à son lieutenant Sabura le soin défaire
tête à Sittius. César, ayant assuré par
de bonnes garnisons la défense de Lep-
tis, Ruspina et Aciila, et donné ordre
à sa flotte de bloquer Tapsus et Adru-
mète, brûla son camp devant Uzita et
vint se retrancher près d'Agar, dont
les habitants s'étaient vigoureusement
défendus contre diverses attaques des
Gétules : Scipion alors le suit et porte
ses quartiers à six milles d'Agar ; il
envoie des troupes pour faire des vi-
vres àZetta, dont il n'était éloigné
que de dix milles; mais César, quoi-
qu 'ayant dix-huit milles à parcourir
pour y arriver, l'y devance, s'en em-
pare, y met garnison, et revient à son
camp; Juba de son côté saccage Yacca,
peu éloignée de Zetta^ et qui avait fait
inviter César à lui envoyer des trou-
Ees. César à son tour enlève à Scipion
) place de Sarsura , et met garnison
dans Thabéna , située à l'extrémité
littorale du royaume de Jute } poiSt
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
de son camp d*Agar, où il est rejoint
par de nouveaux renforts , il s^avance
de huit milles, jusqu'à quatre milles
du camp de Scipion, auprès de la ville
de Tégéa, où il engage un comba^de
cavalerie, mais sans pouvoir en venir
à une action générale.
Alors il prend le parti de quitter
Agar, et faisant seize milles avant le
jour, il vient assiéger Thapsus ; Sci-
pion le suit pour secourir la place; la
Bataille s'engage enfin, et César rem-
porte une viâore complète (*); les
fuyards prennent le chemin d'Utique,
et comme la ville de Parada leur ferme
ses portes, ils la prennent de force et
r t'incendient. César laisse à un de ses
lieutenants le soin d'emporter Thap-
sus, en envoie un autre s'emparer de
Tysdrus, dépêche sa cavalerie vers Uti-
que, va lui-même prendre Usceta, puis
Adrumète, et arrive à son tour à Uti-
que, où Caton s'était donné la mort
de désespoir, et où Mes.^ala avait fait
aussitôt son entrée. Juba , échappé de
la mêlée, se cachant le jour et mar-
chant la nuit, atteignit amsi Zama sa
capitale; mais elle lui ferma ses por-
tes , et fit porter ses soumissions à
César, qui vint en prendre possession;
le malheureux roi se tua de désespoir.
D'un autre côté, Sittius avait taillé en
pièces les troupes que ce prince avait
laissées pour le combattre , il arrêta
dans leur fuite à travers la Maurita-
nie les restes du parti vaincu qui vou-
laient passer en Espagne, et coula les
galères sur lesquelles se sauvait Sci-
pion et que la tempête avait poussées
dans le port de la royale Hippone.
Pabtàge de la Numidie : gbéa-
TION DE LÀ NOUVELLE PROVINCE
d'Apkique.— La Numidie de Juba était
tout entière au pouvoir du dictateur; il
donna à Sittius, en récompense de ses
services, la ville de Cirta (font il s'était
emparé si à propos, avec uq territoire
considérable au voisinage; il gratifia
le. roi Bocchus de quelques autres can-
tons à sa convenance ; et de tout le
reste il lit une province romaine con-
fiée au gouvernement du préteur Sal-
(*) L'an 4G^ant l'ère vulgaire.
517
luste, qu'il décora du titre de procon-
sul : cette province fut appelée iVbwî7c/fe
par opposition à l'Afrique propre, qui
était i Ancienne. Il semble que, dans
l'état où la constitua César, elle con-
serva Zama pour capitale, et s'étendit
au sud de l'ancienne province, par
Adrumète, Ruspina, Leptis, Acilla ou
Acholla, et Tysdrus, jusqu'à cette
Thabéna extrême, dernière possession
littorale de Juba; et dans l'ouest jus-
qu'aux concessions faites au partisan
Sittius et au roi Bocchus.
Ces concessions elles-mêmes n'é-
taient autre chose que l'ancien terri-
toire du prince Massînissa, qui avait,
comme allié, suivi la fortune du mal-
heureux Juba , et qui peut-être avait
péri avec lui ; Arabion, fils de Massi-
nissa , se réfugia en Espagne auprès
du jeune Pompée, et lorsque celui-ci,
après la mort de César, eut recouvré
la fortune et les honneurs de son père,
Arabion revint en Afrique , rallia les
indigènes auxiliaires, et avec leur aide
il chassa Bocchus, se défit de Sittius
par trahison , et rentra en possession
de son patrimoine. Quelles en étaient
les limites? Sans avoir à cet égard des
témoignages directs, nous avons du
moins cette indication essentielle que
la ville de Cirta, si elle n'y était point
elle-même renfermée , en était du
moins immédiatement voisine; d'où
il suit que selon toute apparence, le
fleuve Ampsagas qui passait a Cirta, '
et qui fut plus tard la limite occiden-
tale de la province de Numidie, était
la borne orientale du royaume d'Ara-
bion, qui s'étendait sans doute à Fop-
posite jusqu'à Saldes.
IV. DOMINATION DES KOMAINS EN
AFBIQUE DEPUIS LA CONQUÊTE DE
LA NUMIDIE JUS^^U'AU BÈGNE DE
CLAUDE.
Première période : l^ Afrique an-
cienne et l'Afrique nouvelle for^
mant deux provinces distinctes.
Les deux Afbiques, pabtagées
ENTRE Antoine et Césab Octa vien,
abandonnées a Lbpide. -- Autant
Digitized by VjOOQIC
J21B
l/CWVEftl
gu*OD ea peut juger sur les récits
contradictoires de Dion Cassius et
^'Appien , Titu^ Sextius et Quintus
Cornificius, l'un partisan d'Antoine,
Tautre de César Octavien, se dispu-
taient alors la possession des deux pro-
vinces d'Afrique, et cherchaient à at-
tirer chacun dans son parti le roi
Arabion; Cornificius, maître de la pro-
vince Ancienne, ayant voulu envahjr
la Nouvelle, qui appartenait à Sextius,
celui-ci se porta rapidemeat de Tiicca
sur Adrumète, qu'il occupa, ainsi que
les places du voisinage; toutefois il se
laissa surprendre par PubUusVenlidiu^,
Tun des lieutenants de son antago-
niste, fut battu, poursuivi, et serré de
près dans la Numidie, pendant que
bécimus Lélius, autre lieutenant de
Cornificius, vint assiéger Cirta; m^is
les Sittiens et Arabion faisant alors
cause cominiine avec Sextius, celui-ci
reprit le dessus , tailla en pièces Ven-
tidius , repoussa Lélius jusqu'auprç§
d'Utique, le bloqua dans son camp,
déOt et tua Cornificius qui venait ea
personne au secours de son questeiir;
celui-ci eut le même sort, et Sextius,
maître des deux Afriques, en conserva
le gouvernement jusqu'à ce que César
Octavien, réconcilié avec Antoine pour
la formation d'un nouveau triumvirat
avec Lépide(*), eut pour son lot, dans
la distribution des provinces, les deux
Afriques avec la Sardaigne et la Sicile.
Sextius alors remit sans difficulté le
commandement à Caïus Fuficius Fan-
go, désigné à cet effet par César.
Mais après la bataille de Philippes ,
une nouvelle division des provinces
ayant été faite entre les triumvirs, la
Numidie seule demeura à César, et
l'Afrique propre fut céd^e h Antpine ,
sauf dévolution éventuelle à Lépide :
$extius, qui était rçsté sur les lieux,
fut invité par Fulvie, femme d'Antoine,
à prendre possession de la province
p^dée ; Fango résista ; mais il ne s'é-
tait point fait aimçr daps le .pays, et
il fut obligé de se retirer dans la seule
province qui lui était conservée : là
liussi il ^uf maille ^i pactir dvec les
Cirtésiens, contre lesqu^ il prit ieê
mesures rigoureuses, et Arabion ayant
refusé de reconnaître son autorité, il
le chassa de son territoire et demanda
ensuite son extradition à Sextius au-
près duquel il s'était réfugié; ne Tayant
point obtenue, il vint faire le dégftt
dans l'Afrique propre, fut repoussé et
poursuivi; mais Sextius ayant, sur
quelque soupçon, fait tuer perfidement
Arabion, la cavalerie numide indi*
gnée l'abandonna pour se joindre à
Fango. Après un moment de paix, ce-
lui-ci fit une nouvelle irruption en
Afrique; les deux partis en vinrent aux
mains, et un second combat ayant eu
lieu, Fango battu se sauva dans les mon-
tagnes où il se tua. Sextius alors s'em-
para sans difficulté de la ?([umidie, prit
par famine Zama qui résistait, et ûe
trouva ainsi pour la secondefois réunjr
sous son autorité les deux Afriques;
mais Lépide étant venu pour en pren-
dre possession n avec six légions déta-
chées de l'armée d'Antoine, Sextius se
résigna de bonne grâce à livrer au
triumvir les provinces qui lui étaient
abandonnées par ses deux collègues :
Xiépide les cçnserva quatre ans , jus-
qu'à ce que dépouillé du triumvirat
par César Octavien à la suite de leurs
querelles en Sicile., il vit le proconsul
Titus Statilîus Taurus les aller sou-
mettre au vainqueur (**).
La Mauritanie tombe au pou-
voir DES Romains. — Quant à la
Mauritanie et à la riumidie des Mas-
sésyliens, que l'on avait pris l'habi-
tude d'appeler le royaume de Bogud
et le royaume de Bocchus, il s'y pas-
sait des événements d'une nature
analogue : Bogud s'étant laissé en-
traîner à combattre en Espagne pour
la cause d'Antoine contre les lieute-
nants de César, se trouva évincé de ses
propres états au moyen d'une insur-
rection adroitement ménagée dans sa
capitale Tipgis, et de l'océupation de
son royaume par Bocchus, à qui César
en conâcma la possession ; Bogud iu-
(*) L'an 40 avant Tère vulgaire.
(**) Cette expédition valut à Statilius Tau«
fus un tri<Mi^be.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ABW^IENNE.
2^9
. jOtif «lia rejoindre Antoine, et périt
^us tard à Métbone. Bocchus, souve-
jraÎD de tout le pav$ qui s'étendait de-
.puis Saldes jusqu'à l'Océan, conserva
^core cinq années le gouvernement
de ce v^te royaume (*), dans lequel, à
sa mort, il n'eut point de successeur
immédiat, César l'ayant alors compris
dans le nombre des province directe-
ment sou|[pises à son autorité.
La ^ukidie benbub a JUBi LB
JBUNB, PpiS BEPBISE £N SCHAl«GiE
DE LA Mapbitanje.— Lorsque après
la bataille d'Actium, le vainqueur
td' Antoine fut resté seul maître de
l'empire, il donna Cléopâtre Sélène
^ur épQuse à Juba le jeune, son
^compagnon d'armes, et lui rendit,
.à cette occasion (**) » le royaume de
lïuiuidie, dont quin;;e ans auparavant
Juies César Tavait déshérité. Malgré
cette restitution cependant,, lorsqqe
César Octavien, au moment d'être pro-
ciaifié Auguste, .p^rt^igea avec le sénat
et le peuple t'aaministrâtîon des pro-
viDçepdu monde romain, la Numidie,
si Ton s'en rapportait du moires à Ja
liste que donne l'historien Dion Cas-
slus, se serait trouvée, aussi bien que
l'Afrique propre , dans le nombre de
celles qui écnurent au ^énat; mais
cette indication ne peut convenir à la
date du partage général des f)rovin-
ces (***), puisque la Numidie était alors
encore aux mains de Juba , à qui Au-
guste ne l'enleva que deux ans après ,
en échange de la Mauritanie, qu'il lui
,octraya ( ***) telle que naguère l'avait
possédée le dernier Bocchus, avec quel-
ques portions de la Gétulie qui recon-
naissaient la dopfiination de Rome :
les Gélules, mécontents de cette di|s-
|K)sition, résistèrent d'abord sourde-
(*) De l'an 38 à l'an 33 avant l'ère vul-
gaire.
.(**) I/an 3o avant iVère vulgaire. Les mé-
dailles royales de ce prince commencent
^és^ cette çpoq^e.
(***) Aiii^urplus, Dion lui«a)éme.fait,co|i-
,4re l'exactitude rigoureuse de sa liste , cette
.pbfervation , qu'il ne .faut pas perdre de
,Tue : Touxa Sk o<k(ji ^x^efpt , iSti vùv x«>>plc
,|xa<rcqv, çijv'çcâv fJY^P'^^Êyex^i.
ment, puis s'insurgèrent contre leur
pouveau maître, dévastèrent ses fron-
tières, taillèrent en pièces de nom*
breu6es.expédition|S ronnaines succes-
sivement dirigées contre eux, entraî-
nèrent dans leur parti les Musulans,
qui les avoisinaient à Test, et ce parti
était devenu assez formidable quand
pprès de longes années d'hostilités
jCnéus Cornélius Cossus fut envoyé par
Auguste aQn d'en avoir raison (*) ,
pour que les succès qu'il obtint fus-
sent jugés dignes des honoeurs triom-
f)haux et du glorieux surnom de Gétu-
ique, qu'il* transmit à son ûls.
Seconde période : toute rMdqne f?p-
maine rév/fm en une seuk provir^e
^ous ^autorité e(cçlu,me<(i*un pro-
consul.
RéUNJOU DB tk NCMIDIB BO-
HAINE A L'AFBIQyE PJilOP»^. — La
Numidie, reptrée sous rautorité di-
recte de Rome ,' ne redevint point
,pne province séparée, attribuée au sé-
^oat ou à Tempereur, et régie par un
.proconsul au nom du premier, ou par
.un Ijeuteqant du second.; elle fut pu-
rement et simplement annexée à la
province sénatoriale d'Afrique , et
confondue avec elle, pendant soixante-
cinq ans, sou^ le gouvernement d'un
inéme proconsul, ainsi que npus som-
mes autorisés à le conclure des faits
wUérieurs. Cette province unique, dé-
fendue par deux légions, s'étendait
depuis Saldes jusqu'aux confins de la
Cyrénaîque : dans une aujssi vaste
étendue de territoire , il était difficile
que la paix ne ftlt point quelquefois
.troublée ,par ^'insurrection de guel-
qu'ijue des ti;ibus indigènes; mais les
thistorieps ne npps ont point transmis
le récit d|ÇS expéditions qu'il falhit di-
riger Qopti^e ejlfi^, et les j'ast^ capito-
lins nous ^vêlent seuls divers succès
.pb^tepu^ par les aripes romaines, en
j^qp^ àï^ï^ les noms des proconsuls
(*) Cossus termina cette guerre en l'an 6
de notre ère.i elle^ifrait depijis,fF^eJ^n8,
si on là .^ait remonter ^ \%\^ivdi^^l de
Juba au.!tr9ï}e!ije l^ijçjj^^e.
Digitized by VjOOQIC
220
L'UNIVERS.
d'Afrique auxquels ces succès valurent
les honneurs du triomphe : tels furent
Lucius Autronius Pétus (*), Lucius
Sempronius Atratinus (*^), et Lucius
Cornélius Balbus (***).
Mais s'il ne nous est parvenu d' Au-
tronius et de Sempronius Atratinus
que leur nom et la simple mention de
leur triomphe, quelques détails de
plus sont arrivés jusqu'à nous des ges-
tes de Balbus dans la province dont le
sénat lui avait confié le gouvernement,
et nous devons à Pline des indications
précises qu'il convient de transcrire
ici en entier.
Expédition db Balbus en Pha-
ZANiE. — « Vers ces solitudes africaines
appelées Désert au-dessus de la petite
Syrte , s'étend la Phazanie, dont nous
avons subjugué les habitants avec
leurs villes d'Alèle et de Cillaba, ainsi
que Cydamus dans la région voisine
de Sabrata. Ensuite se prolongent du
levant au couchant , sur un vaste es-
pace , des montagnes que les nôtres
ont appelées Noires , à cause de leur
aspect brûlé , ou noirci par la réver-
bération du soleil. Au delà se trouvent
des déserts^ Matelges ville des Ga-
ramantes, ainsi que Débris arrosée
Ï>ar une source dont l'eau est bouil-
ante de midi à minuit et glaciale de
minuit à midi ; puis la fameuse ville
de Garama capitale des Garamantes :
tout cela a été subjugué par les ar-
mes romaines, et a valu le triomphe
à Cornélius Balbus, le seul étran-
ger à qui l'on ait octroyé le char
triomphai et les privilèges de citoyen ;
car on lui donna , quoique né à Gades,
le droit de cité romame, en même
temps qu'à Balbus l'Ancien, son on-
cle. Et il y a cela de remarquable, que
nos auteurs ont constaté qu'il avait
pris les villes nommées ci-dessiis , et
que lui-même lors de son triomphe
avait dans son cortège , en outre de
Cydamus et de Garama , les noms et
les images de toutes les autres villes
ou peuplades, qui défilèrent dans cet
(*) L'an ag avant Tère vulgaire»
(*T L'an ai avant Tère vulgaire.
(***) L'an ig avant Tère vulgaire.
ordre : la ville de Tabidium , la beu-
plade de Nitéris, la ville de Négligé-
mêla, la ville ou peuplade de Bubéium,
la peuplade des Enipes, la ville de
Thuben , les montagnes appelées Noi-
res, les villes de Nitinrum et de Rapsa,
la peuplade de Discéra, la ville de Dé-
bris, le fleuve Nathabur, la ville de
Thapsagum , la peuplade des Nanna-
ges , la ville de Boîn , la ville de Pège ,
le fleuve Dasipari ; puis la série con-
tinue des villes de Baracum, Buluba,
Alasi , Balsa , Galla , Maxala , Zizama ;
enfin les montagnes de Gyri, avec une
inscription portant qu'on y trouvait
des pierres précieuses. — Néanmoins
la route qui va chez les Garamantes
est restée jusqu'ici impraticable, parce
que les gens du pSys couvrent de sa-
ble l'ouverture de leurs puits , qu'on
retrouverait pourtant sans creuser
beaucoup, si l'on connaissait bien les
localités. »
Les points principaux de cette
grande expédition, c'est, d'une part,
Cydamus, dont la moderne Ghadâ-
m'es a gardé à la fois la place et le
nom, et d'autre part, Garama, dont
le nom et l'emplacement sont pareille-
ment restés à la moderne Germah;
Je surplus de cette fastueuse énumé-
ration de villes , de tribus , de fleuves,
de montagnes, ne saurait être cher-
ché que sur les routes qui, de la côte,
menaient à ces deux points; et comme
toute cette nomenclature n'a point de
synonymie certaine chez les écrivains
qui auraient pu nous en conserver la
tradition , il ne saurait plus aujour-
d'hui se produire que des explications
purement conjecturales et arbitraires,
dont il vaut beaucoup mieux s'abste-
nir que de se laisser entraîner aux
fantastiques exagérations dont quel-
?[ues esprits peu sensés nous ont of-
ert plus d'une fois de regrettables
exemples.
GuEBBB DE Tacfarinas. — Une
autre guerre célèbre devait donner
lieu à plusieurs triomphes; je veux
parler de celle de Tacfarinas , ce Nu-
mide d'abord mercenaire dans les
troupes auxiliaires des Romainf^, puis
déserteur^ chef de bande , bientôt à la
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
tètê d'une armée disciplinée, reconnu
et proclamé par la puissante tribu des
Misulames ou Misoulans, qui habi-
taient vers le mont Auras , non loin
du désert d'Afrique, et n'avaient point
encore de villes ; il attira dans son
parti, d*un côté les Maures du voisi-
nage auxquels commandait Mazippa,
et d'un autre côté les Cinitbiens ,
peuplade considérable dont on con-
naît remplacement vers Ie,fond de la
petite Syrte : l'insurrection avait sans
doute pour but de briser le joug de
Rome; mais le proconsul d'Afrique
Marcus Furius Camiiius marcha con-
tre eux , remporta des avantagnes si-
gnalés, et obtint du sénat les orne-
ments triomphaux (*). Cependant Tac-
far inas ne tarda point à porter de
nouveau la guerre dans l'Airique ro-
maine; il s'empara même d'un château
peu éloigné du fleuve Pagida ; mais il
fut battu ensuite par le proconsul
Lucius Apronius successeur de Ca-
miiius , devant le fort de Thala qu'il
attaquait , et forcé plus tard de faire
retraite jusqu'au désert; et Apro-
nius obtint, comme son prédécesseur,
les ornements triomphaux. Bientôt
après (**), nouvelles incursion» de
Tacfarinas , contre lequel fut envoyé
par le sénat , selon le vœu de Tibère,
le proconsul Caïus Junius Blésus.
Celui-ci se miten campagne avec trois
corps d'armée , l'un confié à Cornélius
Scipion son lieutenant , pour aller
vers l'est aarantir la ville de Leptis
des déprédations de l'ennemi , et lui
couper toute retraite vers le pays des
Garamantes; le second aux ordres
du fils de Blésus , pour aller à l'ouest
couvrir les cantons des Cirtésiens;
lui-même, commandant le troisième
corps, s'avançait entre les deux pre-
miers, en ayant soin d'établir des
postes et des garnisons dans les lieux
les plus convenables; enfin, dans une
expédition avancée , il parvint à s'em-
parer d'un frère du rebelle; et Tibère,
regardant la guerre comme terminée,
s'elnpressa d accorder au proconsul
(•) L'an 17 de Père vulgaire.
{**) L'an %o de rèra vulgaire.
S21
les honneurs triomphaux (*)« et de
rappeler en Italie une des légions em-
ployées à ces expéditions.
Ce fut pour Tacfarinas un motif de
recommencer de plus belle ses courses
sur le territoire romain, aidé qu'il
était, d'un côté par la défection des
Maures , que Ptoiémée fils de Juba ,
nouvellement assis sur le trône de son
père, avait mécontentés, et d'un
autre côté par l'alliance des Gara-
mantes ; enfin par l'accession de tous
les gens sans aveu de la province ; si
bien qu'il s'enhardit jusqu'à venir as-
siéger la ville de Thubuscum , la
même, suivant l'opinion commune,
que celle de Tubusuptus vers Saldes ,
bien qu'on puisse trouver une res-
semblance phonétique plus grande en-
core dans le nom de Thubursicum.
Le nouveau proconsul Publius Corné-
lius Dolabella n'eut qu'à se présenter
pour faire lever le siège. Se liguant
alors avec le roi Ptoiémée, Dolabella
forma quatre détachements pour les
lancer plus aisément à la poursuite de
cet ennemi insaisissable; et comme
on eut bientôt la nouvelle que Tacfa-
vinas et ses Numides avaient établi un
camp fixe auprès du château à demi
ruiné d'Auzéa, qu'eux-mêmes avaient
jadis incendié, et dont on voit encore
les restes au fort moderne de-Ham-
zah, il vint les y surprendre, et leur
livra une attaque meurtrière dans la-
quelle Tacfarinas se fit tuer en com-
battant (**). Alors seulement la guerre
fut réellement terminée , et des am-
bassadeurs vinrent même de la part
du roi (fies Garamantes faire leur sou-
mission. Tibère, ingrat envers Dola-
bella , témoigna du moins hautement
sa satisfaction au roi Ptoiémée en lui
envoyant , suivant l'ancien usage , un
sceptre d'ivoire et une robe d'hon-
neur.
(*) L'an a a de l'ère vulgaure.
(**) L'an 24 de l'ère vulgaire.
Digitized by
Google
m
L'UNIVEftS.
Troisième période .• toute ^Afrique
romaine réunie en une sèuh pro^
mnce sous deux magistrats (Hs^
tinctSy Fun civîi, Fâutre miiitàte.
SkPARATIOW bu GOtiVERNÈMÉTPÉ
CTVIL ET DU COWfMANDSMEîrt: MILI-
TAiBE DE L'AFRiQUià. — H n'cst pas
dans intérêt de remarquer ici que
éans cette guerre, où des succès pas^
sagers valurent jusqu'à trois fois les
ornements triomphaux au générall
^ui commandait l'armée romaine ,'
ce général était toujours le procon-
sul d'Afrique, sans qu'on voie inter-
venir aucun gouverneur de lé Nu-
midie , bien que cette contrée fût le
principal théâtre de l'insurrection , et
de la lutte qui s'ensuivit. C'est oue
la réunion, à cette époque, de rAiri-
qn« et de la Numidie en une seule e#
même province, n'est point douteuse ;
on en trouve une nouvelle preuve
dans le témoignage contemporain de
Strabbn , qui décrit comme formant
une même circonscription territoriale
lé pays desMassyliéens et de Carthage.
Un fait non moins certain à con-
dnre de ce récit, c'est en outre l'at-
tribution du commandement militaire
ati proconsul. Mais l'ombrageuse sus-
ceptibilité de Caligula changea cet
ordre de choses, en ôtant au procon*
sul le commandement des troupes ,
qui afppartint désormais à un lieute-
nant du prince , ainsi que le rappor-
tent Tacite et Dion , l'un à Tégara du
proconsul Marcus Silanus, l'autre de
Lueius Pison , son successegr : di-
vision de pouvoirs qui suscita au
magistrat sénatorial de perpétuelles
tracasseries, en faisant naître une
envieuse rivalité, dont un autre Pison
fbt, sous Yespasien, la sanglante
victime.
Il semblerait naturel de penser que,
pour affaiblir d'autant plus l'autorité
du proconsul d'Afrique , Caligula dut
retrancher de son gouvernement la
province de Numidie pour la donner,
avec le commandement des troupes, à
un lieutenant impérial ; mais le texte
de Dion Cassius se prête-t-il bien à
cette hypothèse), quand il énonce que
rémpérèur, pour diminuer Ta puis-
Sauce dé Lucius Pison, homme de
cœur, qui avait à sa disposition de
Nombreuses troupes, soit nationales,
Soit étrangères , partagea en deux ta
nation (ta Sôvoç) pour attribuer à une
autre personne l'armée et les nomades
qui en dépendaient (toi»? Tccpl aOro) , ce
oui semble ne pouvoir s'entendre que
cTun partage, non du territoire, mais
de ses habitants?
Digression sur la date PRé-^
crsE de la Géographie de Mêla.
—La circonscription donnée à la Nu-
midie par Pomponius Mêla vient dé-
montrer aussi que le territoire qui
forma ultérieurement la province de
ce nom, était encore de son temps
compris dans FAfrique propre; car
ce qu'il appelle Numidie n'est autre
chose que ce qui fut nommé depuis
Mauritanie Césarienne; rtiais l'âge de
Mêla n'est point déterminé avec une
certitude et une précision suffisantes
pour qu'on puisse tirer de son témoi-
gnage un argument péremptoire con-
tre l'hypothèse de la division de l'A-
frique en deux provinces par Caligula.
On croit généralement en effet que
Mêla écrivit postérieurement aux pre-
miers succès de l'expédition envoyée
par Claude dans la Bretagne , et vers
Tannée 44, où cet empereur triompha
des Bretons ; mais alors était définiti-
vement consommé le partage des états
du roi Ptolémée en deux provinces
portant l'une et l'autre la dénomina-
tion de Mauritanie, avec les épithètes
distinctives de Tingitane et ,de Césa-
rienne, que Mêla n'a point connues ,
non plus que la limite nouvellement
tracée entre elles : on peut trouver là
un indice d'où il résulterait que notre
géographe aurait écrit antérieurement
a l'adoption de cette nomenclature
officielle, c'est-à-dire avant 4'année 41,
tandis que nous avons d'autre part la
certitucle que sa description se rap-
porte à une époque postérieure à la
mort de Juba le jeune , qui est de
Tan 21 ; et il s'agit de retrouver entre
ces deux termes une expédition con-
tre la Bretagne, dont notre auteur ait
pu dire que bientôt elle proewerait
Digitized by VjOOQIC
AFRîQjUÉ AlttlteNNE.
stnf ce pays des himières àouvèlles,
el dottDcrait Heu à un triomphe pro-
chain. Il n*est pas déraisonnable de
^nser, d- après ces indices, que Mêla
a dû écrire précisément en l'an 40 , à
l'époque même où Caligula, après
avoir eiîvoyé en exil Ptolémée , qUi
paraît afvoir été assassiné en* route,
allait faire contre la Bretagne la ridi-
cule estpédifiton &ù^ il ramena des
charges de coquilles et des captifs
vrais ou supposés pour orner le triom-
phe qu'il avait ordonné de lui pré-
parer.
OSSBAVATrOWS StIR LA. DÉLTlfflTA-
TION DBS COI^TflÉBS ÀFBIGAmES A
CETTE ÉPOQUE. — Quoi qu'il en
s<Mt, les descriptions géographiques
de Pomponius Mêla , rapprochées de
celles di Strabou , rendent nécessai-
res ici quelques observations sur la
«lélimitation des contrées africaines.
Strabon , qui terminait son livre vers
l'an 22- de notre ère, dit que le Mo-
lôchath et le cap Métagonion qui en
est voisin, séparent le pays des Mau-
rasiens de celui des Massés vliens ,
et que le cap Treton (voisin de l'em-
bouchure de l'Ampsagas) sépare le
pays des Massésyliens de celui des
Massyîiéens et de Carthage ; mais il
fait remarquer en même temps que la
limite du royaume de Juba et du ter-
ritoire romain est fixée à Saldes, après
diverses variations causées par l'al-
fiance ou l'hostilité des habitants de
ces contrées : ainsi le géographe grec
BOUS fait connaître deux sortes de li-
mites, les unes politiques, entre les
états ; les autres ethnologiques , entre
les nations. Mêla , plus jeune que
Straboft de dix-huit années , dit à son
tour que le fleuve Mnlucha sépare là
Mauritanie de la P^umidie comme il
séparait jadis les royaumes de Boc-
chus et de Jugurtha ; et que le fleuve
Anapsagas avec le cap Métagonion sé-
parent la Numidie de l'Afrique pro-
prement dite , qui s'étend de là jus-
qu'aux Autels des Philènes. Malgré la
ressemblance des noms du Molochath
de Strabon et du Mulucha de Pompo*
nius Mêla , on sait déjà qu'il n*est pas
guestioQ da^méme fieuve, le premier
^3
étant dans Touést^ le secoflid dans
Test de la royale Siga, celui-là limite
purement ethnologiaue, celui-ci limite
politique. A l'autre oout au contraire,
malgré la différence des noms , le cap
Métagonion de Mêla est identique au
cap Treton de Strabon , et nous savons
que c'est la limite ethnologique. Il y
a donc accord entre les deux géogra-
phes , et nous pouvons en induire que
nulle délimitation n'avait changé de-
Euis la mort de Juba , époque de Stra-
on, jusqu'à la mort de Ptolémée,
époque de Pomponius Mêla.
V. ADMINISTRATION BOMAINB DE-
PUIS L'OBGANISATION PBOViN-
CIALB DE CLAUDE JUSQU'A CELLE
DE MAXIMIEN-HEBGULE.
Nouvelle organisation provinciale de
V Afrique,
CbÉATION de DEUX PROVINCES
DE MaUBITANIE et d'UNE NOU-
VELLE PBOVINCE DE ISUMIDIE. —
Une nouvelle distribution de tous
ces territoires semble devoir être rap-
portée à une organisation générale
qui aurait été opérée au commence-
ment du règne de Claude. En appre-
nant l'assassinat du roi Ptolémée,
Kudémon, l'un de ses affranchis,
avait soulevé \^% indigènes de la Mau-
ritanie pour venger le meurtre de ce
prince ; les premiers troubles suscités
a cette occasion dès avant la mort de
Caligula avaient été réprimés immé-
diatement, et Claude, arrivant à l'em-
pire, se laissa persuader par ses
courtisans qu'il devait accepter les
honneurs d'un triomphe pour des
succès que non-seulement il n'avait
point obtenus en personne , mais qui
avaient même précédé son avènement.
Les Maures s'étant de nouveau sou-
levés l'année suivante» le prétorien
Caïus Suétonius Paulinus fut envoyé
pour les réduire , et c'est alors qu'en»
dix étapes il se porta jusqu'à une dis-
tance de quelques milles par delà les
cimes neigeuses de l'Atlas, et qu'il
atteignit même le fleuve Ger, qui
coule au milied d'un déséi^t poudrem
Digitized by VjOOQIC
334
L'UNIVERS.
coupé de quelques roches brûlées, non
loin des forêts remplies d'éléphants ,
de fauves et de reptiles , où les Cana-
riens faisaient leur demeure. Dans
une nouvelle expédition (*), Cnéus
Sidius Géta marcna droit contre Sa-
labos chef des insurgés, le poursui-
vit dans le désert (où une pluie inat-
tendue vint suppléer à Pépuisement
de sa provision d'eau), et força l'en-
nemi à se soumettre. Claude constitua
alors les deux provinces Mauritanien-
nes', qui eurent pour chefs-lieux Tingis
et Césarée , et où il envoya des gou-
verneurs pris dans l'ordre des Cheva-
liers. — a Dans le même temps,» ajoute
Dion, «quelques parties delà Numidie
ayant été attaquées par les barbares
du voisinage, ceux-ci furent battus et
soumis , et la paix rétablie. »
Ce récit nous semble constater à la
fois la création des deux provinces de
Mauritanie, et la renaissance de la
Numidie comme province séparée
avec Cirta pour capitale. Ce n'est plus
de la Numidie de Pomponius Mêla
qu'il peut être question , puisque
celle ci est désormais officiellement
constituée sous le nom de Mauritanie
Césarienne ; c'est donc bien de la Nu-
midie des Massyliéens, naguère con-
fondue avec l'Afrique.
DÉLTMITATIONS DES PROVINCES
ORGANISÉES PAR CLAUDE. — AinSÎ
Claude aurait, en l'an 42, pourvu à une
nouvellerépartition générale de toute la
région d'Afrique en quatre provinces :
l'Afrique propre, la Numidie, la Cé-
sarienne et la Tingitane ; et l'on doit
raisonnablement faire remontek* à
cette répartition une modification dans
les circonscriptions jusqu'alors varia-
bles de ces pays , de manière à ce que
les limites des provinces coïncidassent
désormais avec les délimitations eth-
nologiques dont nous avons signalé
les traces. Le fleuve Malua , presque
contigu au Molochath de Strabon,
borne commune des Maures et des
Numides Massésyliens , marqua la sé-
paration entre la Tingitane et la Cé-
sarienne; et TAnnpsagas, borne mu-
(*) L'an 4a de notre ère.
tuelle des Massésyliens et des Massy-
liens , devint la ligne de partage entre
la Césarienne et la Numidie. Celle-ci
ne fut point rétablie dans son ancienne
étendue vers l'est, alors qu'elle en-
tourait de toutes parts la province
d'Afrique concentrée autour d'Utique
entre Thabraca et Adrumète; la nou-
velle Numidie resta tout entière a
l'ouest de l'Afrique propre, qui con-
serva tous les territoires annexes du
sud et de l'est jusqu'à la Cyrénaïque.
C'estrdans cet état que Pline l'Ancien,
qui termina son grand ouvrage sous
le règne de Vespasien , trouva les
provinces africaines et en composa
la description. Une trace s'y laisse
apercevoir encore de cette annexion à
l'Afrique propre d'une portion jadis
adhérente a la Numidie , quand il fait
remarquer la distinction, en usa^e
alors, ae la Zeugitane jusqu'à Néapolis,
et du Byzacium depuis Adrumète ;
et peut-être faut-il imputer à la même
cause la dénomination de Numidie
nouvelle qui se retrouve longtemps
encore après dans Ptolémée, par op-
position sans doute à la Numidie an-
cienne , dont l'étendue était bien plus
considérable.
Grades des gouverneurs de ces
PROVINCES.— Le commandement des
deux Mauritanies , nous avons à cet
égard un témoignage formel, était at-
tribué à de simples chevaliers, avec le
titre de procurateurs; la Numidie, tout
semble porter à le croire, n'eut qu'un
magistrat du même grade. L'Afrique
proconsulaire elle-même, sous le règne
éphémère de Galba son ancien pro-
consul, se trouva accidentellement en-
tre les mains d'un officier d'un rang
inférieur : le commandant militaire
Caîus Clodius Macer, poussé par les
intrigues d'une femme perdue, aux
derniers jours de Néron , se révolta
dans cette province , y leva de nou-
velles troupes, intitula de son nom
une légion ainsi formée , et se souilla
d'exactions et de cruautés tyranni-
ques ; ce fut le procurateur Trebonius
Garucianus qui fut chargé par Galba
de la mission de le délivrer d'un tel
rival , et qui «'en acquitta par \e^
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
mains du centurion Papirius (*) : cette
exécution fut vue de mauvais œil;
mais l'Afrique et ses légions ne firent
cependant point difficulté de recon-
naître Galba, après avoir obéi à un
maître de plus bas étage. A la fortune
de Galba succéda celle d'Othon : le
procurateur Lucéius Albinus , à qui
Néron avait confié le gouvernement
de la Mauritanie Césarienne , et qui
avait de plus reçu de Galba celui de la
Tingitane, se déclara pour le nouvel
empereur ; autant en fît Carthage à
rinstigation de Crescens affrancni de
Néron, et son exemple entraîna toute
l'Afrique, qui n'attendit pas l'arrivée
du proconsul Vipsanius Apronianus
qui lui était envoyé ; mais les destins
sont changeants, et Albinus, qui vou-
lait , dit-on , s'approprier les deux
Mauritanies et envahir THispanie pour
lui-même, se vit dépouiller et tuer par
Cluvius Rufus au nom de Yitellius.
Événements divers en Afrique de-
puis f^itellius jusqu'à Septime Sé-
vère.
Meurtre du proconsul Pison.
— L'étoile de Vitellius pâlit bientôt à
son tour devant celle de Vespasien.
L'un et l'autre avaient été proconsuls
d'Afrique; mais ie premier n'y avait
laissé que de bons souvenirs; le second
au contraire sy était fait des enne-
mis par sa sévérité : le proconsul actuel
Lucius PisorS se montrait neutre en-
tre les partis, mais fidèle à son de-
voir, tandis que le lieutenant impé-
rial Valérius Festus, d'abord partisan
déclaré de Vitellius , ne tarda point à
travailler activement pour Vespasien ;
et comme Pison avait fait exécuter le
centurion Papirius , le meurtrier de
Clodius «Macer, envoyé pour l'assassi-
ner lui-même, Valérius Festus y sup-
pléa en ^îhargeant de la même com-
mission quelques cavaliers auxiliaires;
on sait le dévouement de cet esclave
qui , devinant leurs sinistres desseins,
se fit passer pour son maître : dévoue-
ment inutile , car il y avait là , pour
(•) L'an 68 de notre ère.
Û2&
reconnaître et signaler Pison, l'infâme
Bébius Massa, un des procurateurs
d'Afrique (*). Après avoir reçu à Adru-
mète la nouvelle de l'accomplissement
de ses ordres (**), Festus courut à ses
troupes , où il distribua arbitraire-
ment les punitions et les récompenses,
comme s'il venait d'étouffer une in-
surrection. Puis il s'acbemina vers
Eéa et la grande Leptis pour mettre
fin à leurs discordes.
Expéditions romaines chez les
Garamantes et les Éthiopiens. —
Nées d'abord de quelques vols de ré-
coltes et de troupeaux entre paysans,
ces discordes étaient devenues sérieu-
ses par l'appel que ceux d'Ëéa, se sen-
tant plus faibles , avaient fait à l'al-
liance des Garumantes, cens indomp-
tés et pillards , qui avaient porté la
dévastation et la terreur chez les ha-
bitants de Leptis. Festus, avec ses
cohortes et ses escadrons, alla atta-
quer et mettre en déroute les Gara-
mantes, auxquels il enleva tout le bu-
tin gu'ils avaient fait, sauf ce qui déjà
avait été transporté par des sentiers
inaccessibles pour être vendu au loin.
C'est alors qu'on découvrit, ainsi que
nous l'apprenons de Pline , la route
appelée prxter caput Saxiy qui con-
duisait chez les Garamantes par un
chemin plus court de quatre journées.
Quelques expéditions eurent lieu
encore de ce côté, sur lesquelles nous
n'avons que des indications insuffisan-
tes et incorrectes : il est permis de se
demander, par exemple , comment le
nom des Nasamons peut se trouver
rapproché dans un même récit de ce-
lui de la Numidie, dont le commandant
Flaccus aurait éprouvé un échec de la
part de ce peuple , et en aurait pris
(*) Le récit de Tacite démontre qu'il
pouvait y avoir à la fois dans une même
province un proconsul et des officiers
ayant respectivement le titre de légats et de
procurateurs : il ne faudrait donc pas , de
la mention isolée du légat ou du procura-
teur d'une province sénatoriale, conclure
que cette province eût cessé d'élre procon-
sulare.
(**) Au commencement de l'an 70 de
notre ère.
\^^ Livraison. (Afkiqué ancienne.)
M
Digitized by
Google
immédiatement sa revanche : c'est le
compilateur Zonare qui nous rapporte
tel événement comme l'effet d'une
rébellion des Nasamons (*) contre les
^actions des collecteurs romains : ne
semble-t-il pas que sous ce nom de
Nasamons il faille chercher celui de
quelque peuple plus voisin de la Nu-
midie, et plus sûrement inscrit parmi
les sujets de Rome? Quoi qu'il en
soit, tt est à croire que ce FI accus dé-
signé par Zonare comme chef de la
Numidie, est le même que Septimius
Flacens mentionné par Marin de Tyr
comme étant venu en armes d'Afrique
en Ethiopie jusqu'à trois mois de
route au sud des Garamantes. Marin
citait en même temps une expédition
de Julius Maternus qui, venu de Lep-
tis à Garama, avait ensuite marché
quatre mois au sud, en compagnie du
roi des Garamantes, jusqu'au pays
d'Agisymba, patrie des rhinocéros.
Nous n'avons sur ces faits aucun au-
tre renseignement.
La cause de la province d'A-
frique PLAiDÉE PAR Tacite et
Pline le Jeune. — L'Afrique, pres-
surée par ses gouverneurs, éleva quel-
quefois la voix contre leurs exactions;
le proconsul Marins Priscus et son lieu-
tenant Hostilius Firminus,qui avaient
pillé la province et vendu la justice, fu-
rent, sous Trajan, dénoncés au sénat,
poursuivis et condamnés; cette cause fit
du bruit et nous est signalée par cette
circonstance remarquable , qu'elle fut
poursuivie par Tacite et Pline le Jeune
en présence de Trajan lui-même, pen-
dant trois longues séances , et que
Pline y occupa la tribune pendant cinq
heures d'horloge sans désemparer. Le
proconsul, coupable de concussion et
ae forfaiture, fut exilé, mais sans être
dépouillé de ses honteuses richesses,
et Juvénal put à bon droit flageller
dans ses vers cette vaine justice (**).
(*) L'an 87 de notre ère, d'après la chro-
nique d'Eusèbe.
(**) « At hic dainnatns inani
« Judicio (quid enîtn salvis iiifainia nuizimis?)
« Exul ab oclavâ Marins bibit , et fraitur diis
¥ Iratis : at la , viclrix proTincia , pioras. »
Ju VÉNAL, Satyres, î^ 47.
L'UNIVERS.
Insurrections des Maures. —
Sous Adrien nous voyons , dans les
maigres histoires qui nous sont par-^
venues de ce temps, les Maures se
soulever (*) , leur gouverneur Lusius
Quiétus, dont l'empereur se défiait,
rappelé à Rome , et Marti us Turbo
envoyé en Mauritanie pour le rempla-
cer et y réprimer l'insurrection. Mais,
soit qu'elle fût mal étouffée, soit que
de nouvelles circonstances excitassent
de nouveaux troubles , les Maures
étaient encore soulevés quand Adrien,
au milieu de la grande, tournée qu'il
faisait dans les provinces de l'empire,
vint en personne les faire rentrer dans
le devoir (**), ce qui lui valut les féli-
citations solennelles du sénat. Plus
tard (***). il vint aussi faire un voyage
dans l'Airique propre, et suivant l'ex-
pression de son biographe Spartien ,
il octroya aux provinces africaines
nombre de bienfaits : nous savons par
une inscription qu'il fit paver la route
de Carthage à Théveste. Peut-être
était-il accompagné, dans ce voyage, de
la princesse Matidie nièce de Trajan
et sa propre belle-mère, pour laquelle
il professait la plus haute considéra-
tion ; toujours est-il que le nom de
cette princesse resta attachée diverses
localités, telles que Rusubbicari et
Pacciana dans la Numidie.
Oeservations sur la circon-
scription DES provinces AFRICAI-
NES AU TEMPS d'Adrien. — Il n'ap-
paraît d'aucune modification appor-
tée par Adrien à la division de ces
provinces ; mais il semble que la na-
ture des choses dût amener insensi-
blement une subdivision de la vaste
étendue de l'Afrique proconsulaire, et
l'on en découvre l'indice précurseur
dans rériumération qu'Appien,au proè*
me de ses Histoires, nous fait des pos-
sessions de Rome, où il compte tour à
tour distinctement les Maures , les
Numides, les Africains de Carthage,
et les Africains du littoral des Syrtes.
Ptolémée, son contemporain, est
(*) L'an 117 de notre ère,
{*^ L'an laa.
(***) L'an 125.
Digitized by
Google
AFRIQUE AJNCIENNE.
plus explicite encore à distinguer les
villes de la dépendance de Carthage,
les villes de la dépendance d*Adru-
mète, et les villes entre les deux Syrtes:
il n'est point déraisonnable de penser
que chacune de ces fractions de la
province proconsulaire était spéciale-
nnent confiée dès lors à un lieutenant
du proconsul.
Peut-être y aurait-il lieu de croire
que la Numidie elle-même , au lieu
de former une province compléte-
nïent constituée à part de FAfrique,
s'y trouvait réunie par intervalles,
comme une subdivision analogue aux
f)récédentes, avec un lieutenant pour
a commander : ainsi s'expliqueraient
quelques faits ultérieurs, dans lesquels
on est étonné de voir mutuellement aux
prises les gouverneurs de TAfrique et
des Mauritanies, sans aucune mention
de la Numidie guf devait pourtant sé-
parer leurs territoires respectifs ; ainsi
s'expliquerait aussi l'expédition du
commandant de la Numidie (Noui«S(aç
âpx<«»') Flaccus contre des peuples de la
Syrtique : il n'aurait fait ainsi que
passer d'un bout à l'autre de la même
province , au lieu de sortir de sa pro-
vince pour aller guerroyer dans une
province voisine où il n'aurait eu au-
cun droit de commandement. Quoi
qu'il en soit, Ptolémée comprend en
effet la Numidie dans les limites de
l'Afrique propre, ce qui vient à l'appui
de l'observation précédente; mais il
lui donna spécialement le titre de pro-
vince CEwotpx^), qu'il refuse aux autres
subdivisions de son Afrique , ce qui
constate en même temps une sépara-
tion administrative plus tranchée. Quoi
qu'il en smt, nous avons une preuve
expresse et directe de la séparation
complète sous le règne d'Antonin,
dont une constitution recueillie par le
jurisconsulte Tryphoninus et citée d'a-
près lui dans le Digeste de Justinien,
est adressée à Tuscius Fuscianus /e'-
gat de Numidie, c'est-à-dire lieute-
nant im(>érial ayant le commandement
de la province militaire ainsi dénom-
inée.
NOUYELLES INSUBBECTIOIfS DEg
Uaubes. — Les Maures continuaient
227
d'inquiéter l'empire : Antonîn refoula
les insurgés dans l'Atlas et les força à
demander la paix (*); mais ilsreparuren€
sous Marc Aurèle, et poussèrent leurs
incursions hardies jusqu'en Hispa-
nie C), d'où les lieutenants impériaux
eurent à les chasser ; ils étaient encore,
en rébellion dans la Tingitane sous le
règne d'Alexandre Sévère (***), qui les
fit heureusement rentrer dans le de-
voir par les dispositions de Furius
Celsus, qui sans doute était alors com*
mandant de cette province. Les au-
tres provinces de rAfrique n'étaient
pas non plus exemptes de troubles :
Commode avait fait semblant de vou-
loir s'v rendre en personne en Tannée
188; ^ertinax, qui y fut envoyé deux
ans açrès comme proconsul, eut beau»
coup a souffrir des séditions.
Empereurs africains,
Septimb SÉvisBB, Magbin, Éla-
GABAL. — Septime Sévère, africain
lui-même et natif de la grande Leptis,
qui avait exercé la charge de légat du
proconsul d'Afrique , eut soin , à son
avènement à l'empire (****) , d'envoyer
dans cette province des légions pour
empêcher son concurrent Pescennius
Niger de s'en emparer. Macrin, qui par-
vint à son tour à la pourpre par le meur<
tre de Caracalla (*****), était un Maure
de la Césarienne qui s'associa aussi-
tôt son jeune fifs Diaduménus, dont le
règne éphémère semble avoir laissé
une trace en Numidie dans le nom de
Diadumène acColé à celui de la station
militaire Ad Basilicam près de Lam-
bèse. Élagabal qui leur succéda était
le fils de Sextus Varius Marcellus, an-
cien gouverneur de la Numidie et
commandant de la légion Troisième
Auguste, sous Septime Sévère : il sem-
blait que l'Airique eût alors le privi-
lège de donner la pourpre, sinon à ses
(*) L'an x38 de notre ère.
rt L'an 170.
(**•) L'an a34.
Ç***) L'an 173 ; c'est en l'année 17» qu'il
avait été légat d'Afrique.
(*^****) L'an a 17.
Digitized by
Google
228
L'UNIVERS.
propres enfants, du moins à ceux dont
eue devenait la patrie d'adoption. La
proclamation des Gordiens eu offrit
un nouvel exemple.
Les tbois Gordiens.— MarcusAn-
tonius Gordianus Africanus, qui avait
été, en l'année 229, le collègue de l'em-
pereur Alexandre Sévère dans son troi-
sième consulat, fut envoyé Tannée sui-
vante, comme proconsul en Afrique,
par le sénat, qui plus tard lui désigna
son «propre fils pour lieutenant. Sept
années s'écoulèrent en paix sous le
gouvernement de Gordien , toujours
prorogé dans son proconsulat; mais
le meurtre d'Alexandre Sévère avait
frayé à Maximin le chemin du trône
impérial, et les partisans de ce prince
dur et grossier changèrent la face du
pays(*) : un procurateur rigoureux et
avide, tancé par le proconsul et le lé-
gat, s'emporta contre eux en menaces,
et les Africains , ne le pouvant souf-
frir, le tuèrent et proclamèrent empe-
reur, à Tysdrus, le vieux Gordien lui-
même, malgré sa résistance, ainsi que
son fils, et le sénat de Rome confirma
(*) Cependant le nom de Maximin se
rattache, en Afrique, à des travaux utiles,
ainsi que le prouve rinscription suivante ,
qui se rapporte à l'an a36 :
IMP. càesar c. ivlivs
VERVS MAXIMINVS PIVS
FELIX àVG. GERM. Max. SA.R
HAT. MAX. DAGICVS MAX. POK.
MAX. TRIB. POTEST. IH. IMP. V.
C. IVLIVS VERVS MAXIMINI F. ZTO
BILISSIMVS CAES. PRINCEPS
IVVENTVTIS GERM. MAX. SAR
MAT. MAX. DAGICVS MAX.
VIAM A KARTHAGINE VS
QVB AD FINES I7VMID1AE
PROVINCI AB LONGA INCVRIA
CORRVPTAM ADQVE DIULP
SAM RESTITVERVNT.
^ « L'empereur et césar Caïus Julius Vërus Maxî-
•t minus Plus Félix , auguste , le Germanique , !•
u Sarmatiqne , le Dacique , grand pontife, revêtu d«
« la puissance tribunitienne pour ta troisième fois,
« empereur triompliaiit pour la cinquième fois ; et
•c Caïus Julius Verus , fils de Maximin Auguste »
m très'noble César, prince de la jeunesse , le Ger->
« mauique , le Sarmatique , le Dacique ; ont ré-
m tabli la route depuis Carthage jusqu'aux fron-
« tières de la Mumidie , qu'une longus négligence
m avait laissé dégrader «t dépérir. »
ce choix (*) ; mais le gouverneur de
Mauritanie Capellianus, ennemi per-
sonnel de Gordien , et qui venait d'ê-
tre destitué par lui , se mit en marche
avec les nombreuses troupes qu'il avait
sous ses ordres pour contenir la tur-
bulence des Maures, et se dirigea vers
l'Afrique afin de soutenir la cause de
Maximin; Gordien le jeune alla au-de-
vant de lui , mais il fut défait et tué;
et son père , à cette nouvelle, mit lui-
même fin à ses jours, six semaines
après sa proclamation. Mais un troi-
sième Gordien, son petit-fils, fut aus-
sitôt amené à Rome par ordre du sé-
nat, et déclaré césar, puis auguste.
Observation suh la nullité
du rôle provincial de la numi-
DIE DANS LES TROUBLES DE L'AFRI-
QUE A CETTE ÉPOQUE. — Sabiniauus,
proconsul d'Afrique, ayant voulu ,
quelque temps après (**) , tenter une
insurrection dans sa province, à son
f)ropre bénéfice, le commandant de
a Mauritanie , contre lequel il avait
d'abord eu l'avantage , le repoussa vi-
goureusement , réduisit les rebelles à
livrer le coupable, et de cette manière
mit fin à la révolte.
Ainsi entre le premier Gordien el
Capellianus, entre Sabinianus et le
commandant de la Mauritanie, on voit
naître des collisions directes , comme
s'il n'existait point entre leurs gou-
vernements respectifs une province de
Numidie à traverser ; cependant nous
avons en même temps , dans un autre
ordre de faits , des témoignages cer-
tains de l'individualité provinciale de
la Numidie: le christianisme, dès
longtemps introduit et propagé en
Afrique, y avait fondé de nombreuses
églises , dont les pasteurs , décorés du
titre d'évêque , se réunirent fréquem-
ment en conciles : une assemblée de
soixante-dix évêques se tint à Car-
thage dans l'une des dernières années
du deuxième siècle , et saint Cyprien
énonce que ces prélats appartenaient
à la province d'Afrique et a la Numi-
die ; lui-même réunit en 264 un con^
(*) L'an a37. . > v
(*•) L'an a4o.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
cile de soixante-onze évêques tant de
la province d'Afrique que de la Nu-
midie , et il présida en 255 un autre
concile de quatre-vingt-cinq évêques,
dont les act^s nous sont parvenus, et
constatent qu'ils étaient de la pro-
vince d'Afrique, de la Numidie, et de
la Mauritanie.
Le tyban Celsus. — Alors que
de toutes parts s'élevaient dans l'em-
pire ces prétendants éphémères que
l'histoire a dédaigneusement appelés
les trente tyrans, l'Afrique eut aussi
le sien , plus misérable encore que
les autres : le proconsul Vibius Pas-
siénus et le duc de la frontière liby-
que Fabius Pomponianus s'ingérè-
rent, en 265 , de proclamer auguste
un ancien tribun rentré dans la vie
privée et cultivant ses terres , nom-
mé Celsus; on le revêtit, pour l'i-
naugurer, du manteau de pourpre de
la Déesse Céleste de Carthage; mais la
semaine était écoulée à peine, que son
cadavre était livré aux chiens par les
habitants de Sicca , pendant qu'on le
cruciflait en effigie. Nous voyons, dans
ce récit de Trébellius Pollion , figurer
pour la première fois un duc de fron-
tière; la frontière libyque qui lui est
attribuée doit probablement s'enten-
dfe de celle de l'Afrique proconsulaire,
du côté de la Libye propre ou de la
Libye intérieure { c'est de la même
charge sans doute qu'était revêtu sous
Aurelien un Firmus cité par l'histo-
rien Vopiscus comme duc de la fron-
tière africaine , en même temps que
proconsul. Probus, qui depuis fut em-
pereur, avait été chargé par le même
prince d'apaiser des troubles à Car-
thage, et depuis son élévation à l'em-
pire lui-même chargea Sextus Julius
Saturninus, qui fut plus tard son com-
pétiteur , de délivrer l'Afrique des
Maures qui l'avaient envahie.
VI. ADMINISTRATION ROMAINE DE-
PUIS l'organisation PROVIN-
CIALE DE MAXIMIEN-HERCULE JUS-
QU'A CELLE D'HONORIUS.
Divers partages de Vempire,
A l'avènement de Probus, en 276,
229
alors que Florianus, proclamé par le
sénat, était reconnu dans l'Europe,
TAfrique et l'Asie Mineure, tandis que
le premier avait pour lui le reste de
l'Asie avec FÉgypte; l'empire se trou-
va un moment partagé, ainsi qu'il l'a-
vait été aux temps des Triumvirs , et
que Caracalla avait eu dessein de le
partager avec Géta , en deux grandes
divisions, qui allaient bientôt se repro-
duire d'une manière plus durable,
jusqu'à se perpétuer enfin sous les
noms d'Empire d'Occident et d'Empire
d'Orient : et dès ce moment la région
d'Afrique demeura comprise dans la
division occidentale, Carus, en partant
en 283 pour l'Orient avec Numérien,
laissa à Carinus l'Italie, l'Illyrie, l'A-
frique et le reste de l'Occident, pour
les gouverner avec la plénitude de
l'autorité impériale. Quand Dioclétien,
en 286, se fut donné pour collègue
Maximien-Hercule, il lui fit un apa-
nage dans lequel se trouvaient l'Italie,
l'Afrique et l'Hispanie ; puis , en 292,
les deux augustes s'associant deux cé-
sars, Maxi mien-Hercule partagea son
lot avec Constance-Chlore son gen-
dre, à qui il abandonna tout l'Occident
au delà des Alpes, et peut-être même
la Tingitane comme annexe de l'His-
panie, se réservant l'Italie et l'Afrique
avec les îles intermédiaires.
Maximien-Hercule maître de
l'Afrique , y multiplie le nom-
bre DES PROVINCES. — L'attention
de Maximien , excitée d'abord par les
querellés intestines des Maures (*),
eut à se préoccuper bientôt plus sé-
rieusement de leur insurrection; c'é;
talent de sauvages montagnards can-
tonnés entre Saldes et Rusuccurum ,
formant une association de cinq peu-
plades désignées en commun par le
nom de Quinquégentiens , et qui se
croyaient à l'abri du joug dans ces
retraites inaccessibles , défendues par»
la nature elle-même; leur révolte
semble se lier à celle d'un préten-
dant nommé Julien, d'ailleurs incon-
(*) « Furit in viscera sua gens effrena
Maurorum. » (Mamertin, Panégyrique,
ni, 17.) Ceci se rapporte à l'an 291.
Digitized by VjOOQIC
'28Ô
t'UNIVERS.
iju (*) : Maximien, comme naguère
Tjans les mêmes lieux le gouverneur
français de l'Algérie, pénétra dans
leurs repaires, les battit et les reçut à
merci; mais pour prévenir de nou-
veaux soulèvements, il les transplanta
ailleurs. D'autres tribus, voisines des
Syrtes, furent plus opiniâtres ou plus
tieureuses, et échappèrent à son auto-
rité (**).
On suppose que ce fut alors que
Maximien-Hercule effectua la subdivi-
sion de l'Afrique proconsulaire en trois
provinces distinctes, ayant respective-
ment pour capitales Carthage, Adru-
mète et la grande Leptis ; et qu'il
subdivisa en même temps la Mauritanie
Césarienne en deux provinces dont les
chefs-lieux furent Césarée et Sitifîs ;
la Numidie conservant son territoire
intégral et sa capitale Cirta. Quant à
la Tingitane , elle était probablement
déjà annexée à PHispanie. Le terri-
(*) « Âfncam Julianus ac nationes Quia-
quegentanae graviter quatiebant. » ( Auré-
Lius Victor , cfes Césars, xxxix , 3. ) — Il
De peut éire question là de Sabinus Julia-
nus soulevé dans la Yénétic et tué par
Carinus, ni de Julien proconsul d'Afrique
auquel est adressée une loi du 3i mars 296
oontre les Manichéens, ni probablement de
Julien soulevé en Italie. Les médailles du
temps nous montrent un Quintus lYebonius
Julianus et uu Marcus Aurélius Julianus,
dont Tun était sans doute le tyran africain,
l'autre celui d'Italie; mais nous n'avons
aucun indice pour reconnaître celui qui
nous intéresse.
(**) Nous voulon^parler des Hilaguas ou
IlasguaSy qui jouent un grand rôle dans les
vers de Corippe , où on les voit répéter
sans cesse :
« Non qnantàm HiUçtns
« Notos iQirta tibi, q«em Unia fama perennis
« Prisca canil P cqjos jàin Maxiaiianus io armb
« Aotiqoos pereensit aros, Romana per orb«iu
« Sceplra tenens, Lalii princeps P
Johannide, I, 478.
« Imperium Ticére pâtre* : non Tincera noetros
« Maximiaaus ayos. Romani fortia regui
« Sceptra ftenena, potuit.
Jbid., ly, 8ai.
« Nec Mazimianus apertaa
a Bit potnH conferra manns, càm sceptra tenent
« Romani princeps popnli, victorque per omoes
« FtraonuD geate* bellU transiret acerbis. a
Ihid,, TI, 53o,
toire auquel resta le nom d'Afrique se
trouva ainsi composé de six provinces
se succédant d'ouest en est en cet of-
dre : la Mauritanie Césarienne depuis
le Malua jusqu'^ Saldes, la Mauritanie
Sitifienne depuis Saldes jusqu'à TAmp-
sagas, la Numidie depuis 1 Ampsagas
jusqu'à ïhabraca, TArrique propre de-
f)uis Thabraca jusqu'à Horréa-Célia ,
a Valérie ou Byzacène depuis Horréa
Célia jusqu'au fleuve Triton, et enfin
la Subventane (subsidiaire) ouTripo-
litaine depuis le Triton jusqu'à la Cy-
rénaïque : ces six provinces formaient
ensemble un diocèse gouverné par un
vicaire du préfet du prétoire ; quel ti-
tre était alors affecté au commandant
de chacune de ces provinces, c'est
chose malaisée à définir : on sait seu-
lement que l'Afrique propre demeurait
affectée à un proconsul; quant aux
autres, on trouve bien dans le code de
Justinien, une constitution impériale
adressée en 295 à un Concordius/;ro-
consul de Numidie; mais ce n'est peut-
être que l'erreur d'un copiste peu ha-
bile à distinguer l'abréviation du titre
de procurateur de celle de proconsul;
quelques années après nous trouvons
la mention d'un con^u/air^ de Numi-
die, et un peu plus tard les monuments
épigraphiques donnent à la Numidie
un légat propréteur ^ et à la Valérie-
Byzacène un prœses.
Tyrannies d'Alexàndbe bt db
Maxbncb. — Quand les césars Cons-
tance-Chlore et Galère furent procla-
més augustes à la place de Maximien-
Hercule et de Dioclétien qui abdi-
quaient, et qu'ils eurent à leur tour
pour associés comme césars Sévère
et Maximin , Constance -Chlore mit
sous l'autorité directe de Sévère les
diocèses qui avaient été le lot de
Maximien - Hercule. Mais Maxeoce ,
fils de ce dernier, ayant battu et tué
Sévère pour se substituer à lui, pré-
tendit se faire reconnaître en Afri-
que : elle leva alors l'étendard contre
Maxence et proclama auguste le pan-
nonien Alexandre (*) qui avait été
(^ L'an 3o8; c'est en 3o4, et peut-être
ILuparavant^ qu'il était comte d'Afrique ,
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIEINNE.
231
quelques années auparavant comte
milijtaire de TAfrique et avait ensuite
été promu au grade de vicaire ou lieu-
tenant général du préfet du prétoire
dans tout le diocèse : il conserva ainsi
son gouvernement dans une complète
indépendance pendant trois années ,
au bout desquelles Maxence, devenu
plus fort, envoya contre lui Rufus
Yolusianus son préfet du prétoire, et
Zénas général expérimente, qui le bat-
tirent, le poursuivirent et l'assiégèrent
dans Cirta où il s'était réfugié, em-
portèrent la place qui fut saccagée,
et s'étant emparés d'Alexandre , le fi-
rent étrangler : les plus considérables
des rebelles furent dépouillés de leurs
biens et sacrifiés; Carthage elle-même
fut pillée et incendiée , et toute TA-
frique ruinée. Constantin le Grand ,
qui Tannée suivante ôta à Maxence
Tempire et la vie, envoya en Afrique,
comme une sorte de satisfaction, la
tête du tyran qui Tavaii dévastée; il
fit réédifier Cirta qui prit désormais
le nom de Constantine, et il fit distri-
buer dans les provinces des indemni-
tés et des aumônes par les mains de
l'évêque de Carthage.
SOBT DE L'AfBIQUE DANS LES DI-
TEBS PAETÀGES DE LA FAMILLE DE
Constantin. — Bien que , dans le
partage qu'il fit en 314 avec Lici-
nius, Constantin se fût réservé la
possession de TOccident , néanmoins
comme ce partage n'était à propre-
ment parler, ainsi que nous en avons
précédemment fait l'observation gé-
nérale , qu'une distribution des par-
ties d'un même empire entre des col-
lègues possédant en commun un pou-
voir inaivis et solidaire, il ne faut point
être surpris de trouver en Afrique des
monuments lapidaires en l'honneur du
prince dans le lot duquel elle n'était
pas comprise, mais qui n'en avait pas
moins, pour elle comme pour tout le
monde romain, le titre et l'autorité
impériale : on a ainsi relevé, dans les
environs de Tunis , deux inscriptions
des années 313 et 318 dédiées à Lici-
c'est-à-dire légat ayant le commandement
des U'oupes.
nius, l'une par les décurions de TaSu^
dis, l'autre par la colonie Bisica Lu-
cana.
Quand tout l'empire fut réuni sous
le sceptre de Constantin, et qu'en l'an-
née 326 ce monarque en régla l'orga-
nisation en quatre préfectures préto-
riaies , l'Afrique tut comprise avec
l'Italie et les îles intermédiaires dans
l'une de ces grandes divisions territo-
riales ; nous avons à cet égard un té-
moignage exprès de Zosime, qui men-
tionne en outre la séparation qui fut
faite alors de l'autorité civile laissée
aux préfets du prétoire, et de l'autorité
militaire réservée aux maîtres de la mi-
lice; mais nous ne connaissons rien
de précis quant à la hiérarchie qui fut
en même temps établie dans chaque
branche des services publics, quoique
i^ous sachions d'ailleurs, par quelques
indices épars, qu'il y avait, dans le
diocèse d'Afrique, un vicaire, un pro-
consul, des consulaires, un conseil gé-
néral des provinces, et des conseils pro-
vinciaux distincts , un comte , des
ducs , etc. Dans la distribution que
Constantin fit de ses états en 335 à
ses trois fils et ses deux neveux, l'A-
frique fut attribuée à Constant avec
l'Italie et l'Illyrie; mais lors^u'aprè*
le meurtre de Delmace etd'Annibalien,
les trois empereurs procédèrent en 338
à un remaniement général de leur par-
tage, l'Afrique devint un sujet de dis-
corde entre Constant qui la possédait
déjà, et Constantin le Jeune qui pré-
tendait l'avoir : il y eut même, suivant
quelques critiques, soit un ^morcelle-
ment par lequel Constantin obtint la
proconsulaire pendant que Constant
gardait la Numidie, soit une alterna-
tive de possession, pendant laquelle
Constantm, en 339, agissait en maîtrQ
à l'égard des provinces africaines, que
Constant tenait encore en 338 et avait
déjà reprises en 340 avant que, la que-
relle des deux frères étant' vidée par
les armes. Constant vainqueur s'empa-
rât de tout l'héritage de Constantin^
Magnence ayant en 350 usurpé le trône
de Constant, qu'il fit assassiner, l'A-
friaue le reconnut pour maître jusi-
qu'a ce que CQnstance vint en 352 lé
Digitized'by
Google
3S3
L'UNIVERS.
punir de son usurpation, et demeurer
bientôt seul possesseur de tout Tem-
pire. Constance à son tour vit Julien
saisir le sceptre dans les Gaules ; il
voulut défendre contre lui l'Afrique ,
et y envoya pour cet objet Gaudence,
sur la fidélité duquel il pouvait comp-
ter ; mais la fortune de Julien l'em-
porta enfin, et l'Afrique, conservée à
Constance tant qu'il vécut, fut remise
après sa mort à son successeur.
Incursions des Maures Austu-
riens; prévarication du comte
ROMANUS. — Valentinien, parvenu
à l'empire en 364 , céda l'Orient à
son frère Valens, et se' réserva pour
lui-même l'Occident : l'Afrique était
alors en proie aux courses des Aus-
turiens et autres nations maures-
ques, dont l'insolence était augmen-
tée par la lâcheté et l'avarice du
comte Romanus, plus habile encore
que les barbares à ruiner les provinces
qu'il était chargé de défendre, mais qui
se fiait pour l'impunité de ses rapines,
à sa parenté avec le maître des offices,
son chef immédiat et ministre de l'em-
pereur. Cet état de choses avait pré-
cédé Favénement de Valentinien; la
fureur des Austuriens avait été pro-
voquée par le supplice d'un des leurs
qui s'était rendu coupable de noéfaits
dans la Tripolltaine; sous prétexte de
le venger ils étaient venus piller et in-
cendier les faubourgs mêmes de Leptis.
Le comte , appelé par les Leptitains ,
vint avec ses troupes, mais refusa de
marcher à l'ennemi si on ne lui four-
nissait d'immenses provisions et qua-
tre mille chameaux ; c'était au delà de
leurs facultés, et le comte s'en retour-
na ; les malheureux eurent recours à
l'empereur, mais le maître des offices
rendit leurs plaintes vaines , et dans
l'intervalle les barbares, envahissant
la Tripolitaine, vinrent porter de nou-
veau le ravage et la mort sur le terri-
toire de Leptis et d'Ééa : et le gouver-
neur de la province, Ruricius, n'y put
mettre aucun obstacle, parce que ses
pouvoirs militaires venaient d'être
transférés au comte : cependant l'em-
pereur envoie son secrétaire Palladius
pour vérifier )es faits, mais Romanus
le corrompt et le gagne; une troisième
incursion des Austuriens porte dans
la Tripolitaine le carnage et la désola-
tion , et Leptis dépêche à l'empereur
de nouveaux députés pour lui exposer
les doléances de la province ; mais Va-
lentinien, prévenu par de faux rap-
ports, défère la connaissance de toute
cette affaire à Crescens vicaire d'A-
fri(jue (*), et de honteuses manœuvres
amènent des rétractations par suite
desquelles Ruricius gouverneur de la
Tripolitaine est condamné comme
ayant fait un rapport entaché de men-
songe et d'exagération, et est exécuté
à Sitifis ; d'autres innocents sont aussi
mis à mort à Utique. Et la Tripoli-
taine, saccagée, ensanglantée, fut ré-
duite à une silencieuse résignation.
Mais le jour de la justice devait arri-
ver plus tard : la conduite de Roma-
nus fut dévoilée à Théodose pendant
son expédition contre Firmus , et le
coupable renvoyé devant l'empereur
pour recevoir son châtiment.
Gtœrre contre Firmus,
Insurrection de Firmus; le
COMTE Théodose est envoyé con-
tre lui. — Nubel, un des chefs les
plus puissants des tribus mauresques,
étant venu à décéder, son fils Zamma
qui avait lié amitié avec le comte Ro-
manus, fut tué par son frère Firmus,
contre qui le comte envoya des rap-
ports passionnés , aussitôt remis à
l'empereur par le maître des offices,
qui supprimait au contraire, ou re-
tardait la communication des mémoi-
res justificatifs de Firmus ; celui-ci ,
inquiet pour sa propre sûreté, se ré-
volta et commit des dévastations pour
la répression desquelles Valentinien
envoya le comte Tnéodose, maître de
la cavalerie, avec quelques troupes de
sa garde.
Ce général , débarqué sur la côte
(*) L'an 369. Morcelli rapporte à celle
affaire une loi du code Théodosien qui laisse
les frais du retour dans leur province aux
députés dont la mission n'a point été jus-
tifiée par des potifâ suffisants.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
22Z
de la Mauritanie SitiGenne à Igii-
gilis, après avoir dépéché Romanus
dans la Césarienne pour y organiser
des postes avancés, se. rendit à Sitifis
oii il reçut les envoyés de Firmus et
demanda des otages; puis il alla à la
station Pancharlana^C*), passer la re-
vue des légions employées en Afrique,
auxquelles il avait assigné ce lieu de
rendez-vous; et revenu à Sitifis, il se
mit en campagne et porta son quar-
tier général aTubusuptusdans les mon-
tagnes de Fer, où il refusa de voir de
nouveaux envoyés de Firmus qui ve-
naient sans les otages : tombant alors
sur lesTyndiensetlesMassissiens,il les
tailla en' pièces, saccagea le domaine
de Pétra aussi considérable qu'une
ville, et emporta la place de Lamfocta,
oii il reçut les soumissions que Firmus
vint lui* faire en personne : deux jours
après le chef maure fit la remise, dans
Icosium (qu'on croit représenté au-
jourd'hui par Alger), des enseignes ro-
maines et du butin qu'il avait précé-
demment enlevés; àTipasa (la moderne
Tefsah) les Mazikes alliés de Firmus
vinrent faire des offres de soumission
(*) On a , bien à tort ce me semble, cher-
ché cette station Pancharienne, rendez-vous
des troupes préposées à la garde de l'Afri-
que , dans les Pacciana de la côte , vers Tem-
bouchure de TAmpsagas. Il ne faut pas
oublier que le principal centre de canton-
nement était à Lambèse, et que c'est sur la
roule de Lambèse à Sitiûs, quartier géné-
ral deXhéodose, que celui-ci devait naturel-
lement aller passer la revue des troupes
qu'il voulait réunir à celles qu'il amenait des
Gaules, et qui étaient déjà arrivées à Sitifis;
or, à moitié chemin de Lambèse à SitiGs,
nous avons, dans la Table Peulingérienne,
entre Thadute (identique à Tadutli de l'Iti-
néraire, aujourd'hui Tattubt) et Sitifis, une
station appelée Baccarus, ou Baccaras sui-
vant le Ravennate anonyme, qui parait ré-
pondre parfaitement aux conditions du
problème, soit qu'on veuille lire Statio
Bacchariana ou Paccharlana dans Ammien,
soit qu'on lise Pancarus ou Bancarus dans
la Table. Il semble que la sagacité de d' An-
ville ait deviné cette solution , puisque sur
sa carte de Numidie de 1742, où il a in-
diqué les routes données par la Table , il a
écrit Pancarus j^u lieu de Macçarus,
qui ne furent pas agréées ; et le comte
Théodose arriva enfin à Césarée, au-
jourd'hui Scherschel , dont l'incendie
et les dévastations des insurgés avaient
fait un monceau de ruines ; la Pre-
mière et la Seconde légion furent char-
gées de la rétablir et d'y tenir garni-
son ; et les magistrats de la province
avec le tribun Vincentius vinrent y re-
prendre leurs fonctions.
EXPÉDITION DE ThÉODOSB DANS
liE SUD DB CÉSABEE. — Mais le
comte Théodose , ayant eu avis que
Firmus tramait quelfjue perfidie, se
f)orta immédiatement a Sugabarri sur
a pente du mont Transcellensis , y
surprit un corps de transfuges, et les
emmena à Tigavies, oti lui furent con-
duits prisonniers Bellen un des prin-
cipaux d'entre les Mazikes, et Feri-
cium ou Faraxen , leur chef, capturé
par le tribun Quintus Gargilius (*):
(*) La capture de Faraxen , appelé Feri-
cium par Ammien Marcellin , est rappelée
dans une inscription recueillie à Hamcah ,
l'ancienne Auza , qui nous fait connaître
le nom du capteur :
Q. GARGILIO Q. F
PRAEK. COH .... BRITAITKIAK
TRIB. CO MAVR. CAE
A. MIL. PRAE. COH. SING. ET VEX.
EQQ. MAVROR. IN TERRITORIO
AVZIEIfSI PRETEKUEHTtVM
DEC. DVARVM COLL. AVZIEK
SIS ET RVSCVNIEKSIS ET PAT,
PROV. OB IMSIGMEM IN Ct
VES AXORElf ET 8IVGVLA
REM ERGA PATRIAM ADFEC
TIOKIM ET QVOD BIVS V£R
TVTE AC VIGILANTIA FA .
RAXEN REBELLIS CVM SA
TELLITIBVS SVIS FVKRIT
CAPTVS ET INTERFECTVS
ORDO COL. AVZIRIfSIS
INSIDIIS BATARVM OE
CEPTO P.P. F. D.D. VIII KAL.
FEBR. PR. CCXXI.
« A Qntntas Gargilins... fils de Qaintiu, chef d«
«la cohorte.... Britannique, tribun delà cohorte
«des Maures Césariens formant i'ailo miltiaire,
« chef de la cohorte des cavaliers singulaires et
« vexillalres maures campés dans le territoire
« d'Auao , décurion des deux colonies d'Anza et
«c de IVusçunia , et patron de la province ; pour son
« amour insigne envers ses concitoyens , et son
« affection ||>articulière envers sa |>atrie ; et attend^
Digitized by VjOOQIC
334
L'UNIVERS.
Théodose fit passer les transfuges par
les armes, et décapiter les deux chefs
maures. De là il alla prendre et raser
le camp fortifié de Gallonatis, et se di-
rigeant vers le cliâteau Tingitan à tra-
vers le mont Ancorarium , il tomba
sur un parti de Mazikes commandés
par Suggena, et les tailla en pièces.
Le comte militaire d'Afrique succes-
seur de Romanus (qui avait alors été
démasqué et renvoyé à la justice de
l'empereur), fut chargé d'aller dans la
MauritanieSitifienne surveiller les pos-
tes afin de garantir la province de
toute invasion, et Théodose lui-même
Se dirigea contre les Musons; mais à
peine avancé jusqu'auprès du municipe
a'Audia (*), ayant appris qu'il aurait
affaire à une multitude innombrable
de gens de toutes les tribus , tandis
gu'il n'avait avec lui que 3 500 hommes,
il prit le parti de battre en retraite,
et quoique vivement harcelé, il arriva
sans grave accident au domaine de
Mazuca, et de là à Tipasa, où il rentra
au mois de février 373.
« que c'est par son courage et sa Tig^ilance qne le
« rebelle Faraxen , avec sa bande , a été pris et mis
« à mort ; le sénat de la coIoDÏe d'Auza a fait élevtr
« e« monument à une Victime de la Irahison des Ba-
« vares , aux frais du trésor public , en reriu d'un
« décret des décurions, le 8 des calendes de février,
<c l'an de la province aai. m
La restilution de cette inscription offre
quelques difficultés ; la date de l'aunée prp-
viuciale soulève plus d'une question, et le
chiffre même nous en paraît erroné. Le nom
de Faraxen , sa capture , sa mort , le cam-
pement avancé d'Auza, la trahison ulté<
rieure des Bavares, voilà assez de motifs de
certitude que Tinscription se capporte à la
gueri-e de Théodose contre Firmus, et qu'elle
doit être réellement de Tannée 873.
(*) Ammien Marcellin , dont nous n'a-
vons qu'un texte très-imparfait , parle cer-
tainement du même lieu en trois endroits,
où le^ éditions porteut néanmoins trois le-
çons différentes ; municipium ou castellum
Addense, Audiense ^tX Duodiense; la se-
conde leçon est évidemment la meilleiu'e ,
et nous rappelle très-bien, sous une forme
adjective, le nom a'Audia , le même que
Auza; la permutation de di en z est une
des particularités les mieux constatées dé
Tancieune prononciation africaine.
FUITB DE FiBMUS *, SA MOBT. —
Théodose s'occupa alors de rompre
adroitement la li^ue formée à grands
frais par Tennemi , et de gaguer par
des promesses ou des menaces, les
tribus circonvoisines telles que les
Baïures , les Cantavriens , les Avas-
tomates , les Casaves , les Davares et
autres limitrophes. Firmus effrayé du
danger d*une défection, se sauva au
loin dans les monts Caprariens, puis
dans le municipe de Conta : ses
alliés se dispersent , Théodose dé-
vaste leur camp abandonné, établit
des chefs dévoués sur les tribus quMJ
soumet sur son passage, va battre
chez eux les Caprariens et leurs voi-
sins les Abannes , et tournant vers
Conta, il se rend maître de la place,
d'où Firmus s'était enfui à son appro-
che pour se réfugier chez les Isaffiens;
Théodose va les attaquer et les bat-
tre, et s'enfonce plus avant jusqu'aux
montagnes des Jubalènes, natrie de
Nubel et de Firmus : là les aifftcultés
du terrain l'arrêtent, et il revient au
château d'Audia, où il r«çoit les sou-
missions des léssaliens.
Ayant porté son camp auprès du
château de Média, il s'occupa de nou-
veau à chercher les moyens de se faire
livrer Firmus; apprenant au'il était
revenu chez les Isauiens, il alla le leur
redemander, mais inutilement, et après
un combat acharné dont l'issue fut
douteuse, il retourna au château d'Au-
dia, où il fut encore harcelé par les
barbares ; hâtant sa marche, il tomba
à l'improviste, par des chemins de
traverse, sur le pay? des léssaliens
dont il se défiait, le dévasta, et conti-
nuant sa route par les villes de la
Mauritanie Césarienne, il rentra à Si-
tifis. Enfin, dans une dernière cam-
pagne. Théodose ayant fatigué les Isa-
fltens par de nouvelles attaques, leur
roi Igmazen se décida à traiter se-
crètement avec lui de l'extradition de
Firmus, par l'intermédiaire de Massiila
chef des Mazikes dévoué aux Romains;
Firmus, averti du danger, n'y échappa
qu'en se donnant la mort. Son cada-
vre, chargé sur un chameau, fut porté
^u château <le Subicara près duquel
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
235
eainpait Théodose, qui rentra alors
triomphant à Sitifis.
ÉTAT DES PBOVIIfCBS AFRIGUNBS
▲ GBTTK BPOQUB. -^ Ges événements
signalaient la fin du règne de Va-
lentinien : il nous reste de ce temps
lé tableau abrégé ou Bréviaire des
victoires et des provinces du peuple
romain , de Sextus Rufus , où la ré-
duction Successive des états de l'A-
frique en provinces est rappelée en
quelques lignes, et leur situation résu-
mée en ces mots : « Il a été fait, de
« toute l'Afrique, six provinces : d'a-
« bord celle même où estCarthage, '
« proconsulaire; la Numidie, consu-
« laire; le Byzacium, consulaire ; Tri-
« poli, et les deux Mauritanies , c'est-
« a-dire la Sitifienne et la Césarienne,
« sont présidiales. » Quant à la Tin-
gitane, il déclare un peu plus loin
i}u'elle est annexée à THispanie et
qu'elle est au nombre des provinces
présidiales. La même disposition se
trouve reproduite, avec quelques dé-
tails de moins, dans la Notice des Pro-
vinces que Ton croit dater du règne
de l'empereur Théodose le Grand.
VII. OBGATIISATION P&OYIIÎGIALE
sous HOMOBIUS.
Révolte de Gildon,
Lb gomtb Gildon, bevétu de
tous les pouvoibs militaibes en
AfBIQUB, TENTE DE SE BENDBE IN-
DÉPENDANT. — A la mort de Valen-
tinien (*) le sceptre d'Occident resta
aux mains de son fils Gratien, âgé
de dix-sept ans à peiné, à qui Tar-
mée donna pour collègue son frère
Valentinien le Jeune, enfant de qua-
tre ans ; et il se fît entre eux , dit-
on, un partage, qui ne peut avoir été
que nominal, par lequel TAfrique, l'I-
talie et t'IIIyrie auraient été attribuées
au dernier. Quoi qu'il en soit, l'usur-
pateur Maxime , après s'être emparé
du lot de Gratien, voulut dépouiller
aussi Valentinien le Jeune , et parvint
à se iaire reconnaître en 33$ d^nç le
(*) Le 17 novembre 375.
diocèse d'Afrique, qu'il épuisa d'exac-
tionr, l'empereur Tnéodose vint le pu-
nir, et rétablir immédiatement l^ur
torité du prince légitime; et quand
celui-ci eut péri en 393, Théodose réu-
nit en sa main tout l'empire, qu'il
partagea définitivement à sa mort (en
89Ô) entre ses deux fils; ce fut le plus
jeune, Honorius, qui eut l'empire d Oc-
cident sous la tutelle de Stilicbon.
Dans ces temps de troubles et de
minorités, l'organisation hiérarchique
des services publics éprouvait des va-
riations au gré des besoins et des coi^
venances locales ou du caprice des in-
fluences personnelles : Constantin avait
prétendu séparer complètement l'ad-
Q)inistration civile du commandement
militaire, mais à l'époque où nous
sommes parvenus on voyait un même
officier être à la fois duc et président
de la Mauritanie Césarienne , tel autre
duc et correcteur de la Tripoli taine«
L'armée active avait été placée sous
les ordres de maîtres de la milice ré-
sidant près de l'empereur,, et les deux
armes de l'infanterie et de la cavalerie
étaient même attribuées à des maîtres
distincts; et d'un autre côté les trou-
l^es sédentaires préposées à la garde
des frontières étaient spécialement
commandées par des comtes et des ducs
ressortissant au maitre des offices;
mais quand le maître de la cavalerie
ïbéodose fut envoyé en Afrique con-
tre Firmus, le commandement mili-
taire lui appartint sans réserve pour
tout le temps de son expédition : c'é-
tait un premier pas ; bientôt après le
comte Gildon fut revêtu du même
commandement en titre d'office, com-
me maitre de fune et l'autre milice
en Afrique, ce qui lui conférait un tel
pouvoir, qu'il eut été surprenant qu'il
n'en abusât pas, surtout après qu^une
longue possession l'eût consolidé en
ses mains {*) : aussi dès que l'autorité
impériale faiblirait on devait s'attendre
(*) Glaudien donne à Gildon douze an-
nées de gouvernement:
« . , Jàm solis hftèlBiMB
•c Bt» s«mis torqoent bimnes » oerricibas ex quo
Çuerre de Gildon, i53«
Digitized by VjOOQIC
S30
L'UNIVERS.
de sa part à une défection. Un mo-
ment il put croire douteuse la fortune
de Théodose le Grand, ébranlée par la
révolte d'Arbogast et d'Eugène, et il
négligea de fournir à son souverain le
contingent de troupes qui lui était de-
mandé. Après la mort de Théodose, il
se trouva plus à Taise encore; et ré-
solu à i'indépendance, mais n'osant
toutefois se mettre en hostilité ou-
verte sans appui suffisant contre la
vigoureuse activité de Stilichon, il
prit le parti de se soustraire à l'obéis-
sance d'Honorius en se plaçant nomi-
nalement dans la dépendance de Tem-
pire d'Orient (*), ce qui lui assurait la
protection d'une puissance rivale.
Punition DE Gildon; suppbes-
SION DE LA GRANDE CHARGE MI-
LITAIRE DONT IL ÉTAIT REVETU. —
Mais Stilichon n'était point d'un ca-
ractère à souffrir cette défection dé-
guisée , dangereuse pour Rome et
l'Italie qu'elle pouvait affamer; il avait
d'ailleurs à ses ordres un ennemi ir-
réconciliable de Gildon, son frère Mas-
kelzer, dont les enfants venaient d'être
égorgés par ordre da perfide : il lui
confia un premier corps de troupes
assez considérable, prêt à le faire ap-
puyer par de nouvelles forces s'il était
nécessaire. Maskelzer , débarqué en
Afrique, s'avance aussitôt contre Gil-
don et le rencontre près du fleuve Ar-
dalion, entre Théveste et Ammédéra,
l'attaque avec résolution, jette le dé-
sordre dans la cavalerie indigène, et
met l'ennemi en complète déroute :
Gildon , abandonné des siens, s'em-
barque pour chercher un refuge en
Orient, mais les vents contraires le
ramènent à Thabraca, où il trouve la
prison et la mort (**). L'Afrique re-
tourna à Honorius; tous les fauteurs
de la rébellion furent sévèrement re-
cherchés et punis, leurs biens furent
confisqués, cfe même que ceux de Gil-
don , au profit du trésor impérial ;
et des monuments lapidaires (***) aussi
(•) Sur la fin de 397.
(**) Au commencement de 398.
(***) Sans les rapporter ici, nous pouvons
4u moins y relever les phrases suivantes :
bien que les vers des poètes furent
œnsacrés à célébrer le triomphe de
Stilichon et le rétablissement de la
paix. .
La grande charge demagisterutriuS'
que militiœ per Africain demeura
supprimée, et c'est postérieurement à
cette suppression (*), que fut rédigée
la Notice des Dignités si précieuse
pour la connaissance de Toreanisation
administrative des empires d Orient et
d'Occident à cette époque. L'Afrique
y occupe une place importante, qu'il
y a intérêt de constater ici au moins
d'une manière succincte, et sans en-
trer dans les développements que nous
interdisent la nature et les bornes de
ce travail.
Organisation des pouvoirs publics.
Administration centrale. —
Il nous faut dire d'abord comme in-
troduction nécessaire qu'autour de
l'empereur se trouvaient groupés, avec
la qualification dHllustres , certains
grands dignitaires , ministres et offi-
ciers du'paiais, qui avaient, sur la con-
duite des affaires de l'empire, une m-
fluènce diverse: le gouvernement pro-
prement dit, comprenant l'administra-
tion générale et la distribution de la
justice, était confié aux préfets du
prétoire ; le commandement des ar-
mées aux maîtres de la milice; l'ad-
ministration centrale dans le sens le
plus étendu, mais au point de vue de
fa surveillance et du contrôle plutôt
que de la direction des affaires, avec
s. p. Q. R. VIIÏDICATA REBELLIOWE KT
AFRICAE RKSTITUTIONE lAETVS. FL. STI-
I.ICHOWI AFRICA CONSILIIS MVS ET PRO-
VISIONE LIBER ATA, elC.
(*) Postérieurement même à la chute de
Stilichon en 408, puisque celui-ci était
maître de la cavalerie et de F infanterie de
l'empire d'Occident, charges dislinctes dans
la Notice. Ce titre de maître répond assex
bien à ce qu'on appelait autrefois chez nous
grand maître y mestre de camp général, et
enfin colonel général de l'arme placée tout
entière sous le commandement de l'officier
ainsi désigné.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCtENNE*
W
la police patente ou secrète, les postes,
les fabriques d'armes, tout ce qui con-
cernait en un mot la sûreté de l'empe-
reur et de Tempire, au maître des
offices; les affaires législatives au
auesteur; le maniement des finances
ae rétat au comte des largesses im-
périales ; l'intendance de la liste civile
au comte des affaires privées de la
maison de l'empereur. Nous ne disons
rien des dignitaires dont les attribu-
tions avaient exclusivement pour objet
le service personnel du souverain.
Et maintenant voyons quelles étaient^
quant à l'Afrique, les diverses hiérar-
chies de fonctionnaires placées dans
les attributions de ces illustres dépo-
sitaires des pouvoirs publics et des vo-
lontés impériales.
Gouvernement civil. — Quant
au gouvernement, tout le territoire
de l'empire était partagé en deux pré-
fectures prêter iales renfermant six
diocèses et cinquante -huit provin-
ces. Le préfet du prétoire des Gau-
les avait dans sa circonscription le
diocèse de Bretagne, celui des Gau-
les, et celui d'Hispanie oii la province
de Mauritanie Tingitane se trouvait
comprise ; le préfet du prétoire d'Italie
gouvernait les trois diocèses d'il ly rie,
d'Italie, et d'Afrique. Chaque diocèse
était régi par un officier qualifié de
respectable ou considérable {specta-
bilis) , avec la dénomination de vicaire
ou vice-préfet , et ayant sous ses or-
dres les gouverneurs particuliers des
provinces, auxquels était en général
accordée la qualification de très-dis'
tingués (clarissimt) , bien que les uns
eussent le titre de consulaires et les
autres celui de présidents : par excep-
tion, Quelques gouverneurs de pro-
vinces étaient d'un rang plus modeste
et ne recevaient que le nom de cor-
recteurs , avec la simple qualification
de très-parfaits; d'autres au con-
traire, ou plutôt un -autre seulement
dans tout l'empire d'Occident , était
d'un rang plus élevé , et , revêtu du
titre de proconsul , marchait l'égal
des vicaires, recevant comme eux la
qualification de respectable. Cest en
Afrique précisément que se montrait
cette anomalie. Ce diocèse avait six
provinces ; mais le proconsul qui gou-
vernait celle d'Afrique, avec deux
lieutenants sous ses ordres , échappait
par son rang à l'autorité du vicaire ou
gouverneur général , qui n'avait ainsi
réellement sous sa dépendance ^ue les
cinq autres gouverneurs, savoir, les
deux consulaires de la Numidie et de la
Byzacène, et les trois présidents de la
Mauritanie Sitifienne , de la Maurita-
nie Césarienne, et de la Tripolitaine.
Outre le proconsul et le vicaire , il y
avait encore en Afrique deux fonction-
naires supérieurs obéissant directe-
ment au préfet du prétoire , savoir ,
le préfet ou intendant des vivres d'A-
frique, et le préfet ou intendant des
domaines patrimoniaux : nous n'avons
pas d'autres lumières à leur égard.
Commandement militàibe. —
En ^e qui concerne le pouvoir mi-
litaire, le commandement des armées
était dévolu fondamentalement à un
maître de l'infanterie et un maître de
la cavalerie, tous deux présents à la
cour : des circonstances exceptionnel-
les pouvaient motiver la création d'un
emploi semblable hors de la résidence
impériale ; c'est ce qui avait eu lieu
précédemment en Afrique pour Gil-
don ; c'est ce qui existait encore dans
les Gaules au moment de la rédaction
de la Notice. A cette derriière époque,
l'autorité militaire était exercée en
Afrique, sous les ordres directs du
grand maître de l'infanterie , par un
comte militaire, qualifié de respecta-
ble , aussi bien que deux ducs ou com-
mandants de frontières qui lui étaient
adjoints , l'un pour la Mauritanie Cé-
sarienne, l'autre pour la Tripolitaine.
Un comte militaire était pareillement
établi dans la Tingitane. Sous le
commandement de ces comtes étaient
placées un certain nombre de troupes
d'infanterie et de cavalerie tirées de
Tarmée, et organisées en légions et
escadrons. Douze légions et dix-neuf
escadrons se trouvaient ainsi à la dis-
position du comte d'Afrique; le comte
de la Tingitane n'avait que quatre lé-
gions et cinq escadrons. C'étaient les
troupes de ligne et de combat , eo
Digitized by VjOOQIC
7SB.
L'UNIVERS.
garnison dans les villes , mobiles sui-
vant les exigences de la guei're, et
excUisivement attribuées aux comtes
militaires. Il y avait en outre des
troupes spécialement affectées à la
garde des frontières, établies à de-
meure dans des cantonnements fixes,
sous le commandement de préposés
ou prévôts respectivement placés sous
les ordres du comte ou des dtics des
frontières, d'après les circonscriptions
territoriales assignées à ceux-ci. Le
comte d'Afrique avait ainsi dans sa
circonscription particulière seize pré-
vôts ; le duc de la Mauritanie Césa-
rienne en avait huit, et le duc de la
Tripolitaine (piatorze. Malgré les dé-
fectuositésde la Notice et F insuffisance
des documents contemporains ou
peuvent être puisés les éléments de
comparaison et d'éclaircissement, on
reconnaît , au milieu de la triple liste
des cantonnements qui y sonttinumé-
rés, que si la circonscription respec-
tive des ducs de la Césarienne et de
la Tripolitaine était la même que celle
de chacune de ces deux provinces, la
division territoriale du comte d'Afri-
que était beaucoup plus étendue que
la province proconsulaire , car il est
facile de retrouver la ligne de ses li-
mites particulières, jalonnée entre
Tacape et Saldes par les cantonne-
ments de Tamallenum, Nepte (*) ,
Badiae, Gemellœ, Tubuna , Zabi et
Tubusuptus , qui embrassent à la fois
la Byzacène , la Proconsulaire et la
Sitifienne ; et Ton voit de plus quMI
avait aussi des prévôts sous ses or-
dres , même concurremment avec ceux
des ducs, dans certains cantonnements
de la circonscription de ceux-ci, comme
à Bida, au Caput Cillani, et ailleurs
dans la Césarienne, à Tillibari et
ailleurs dans la Tripolitaine; d'où il
nous paraît résulter, contre l'opinion
(*) Les édîHoDs de la Noiioe portent :
PtÊtpastims Cmiiis MoiUêmsis in casiris Lep»
tàtutis; sans entrer dans une discussion
dont œ n*est point ici la place, nous croyons
cependant nécessaire d'avertir que la Tên-
table leçon nous parait devoir être : Prte^
^//Hi miii9mM<mt«nsium in auuù A<yH
commune, que le comte militaire avait
au-dessus des ducs de frontière une
supériorité, non-seulement de titre et
de rang, mais encore d'autorité réelle,
et peut-être de commandement hié-
rarchique. N'oublions pas de remar-
quer ici, qu'à la date de la Notice , la
commission de duc de la Césarienne
avait été donnée au président ou gou-
verneur civil de cette province, oui
cumulait ainsi deux emplois regardés
généralement comme incompatibles.
Dans la Tinçitane, outre les troupes
de ligne mises à la disposition du
comte , il avait sous ses ordres une
aile et six cohortes de troupes séden-
taires dans sept cantonnements éche-
lonnés sur la côte depuis Pariétina à
l'est jusqu'à Frigula à l'ouest (*).
Finances de l'empiee et de
l'empebeur ; offices. — Pour Tad-
ministration des finances, VUlustre
comte des largesses avait eu sous ses
ordres dans chaque diocèse , et avait
encore dans celui d'Afrique un très-
parfait comte des largesses chargé de
pourvoir au double service des recet-
tes et des dépenses du trésor pu-
blic dans l'étendue du diocèse. Après
celui-ci venaient les comptables du
trésor {rationales summarum) ^ au
nombre de deux , l'un d'Afrique , I au-
tre de Numidie, ce qui indique suffî-
^samment que le premier avait dans
son ressort , avec l'Afrique proconsu-
laire , la Byzacène et la Tripolitaine ,
tandis que le ressort de l'autre devait
comprendre , avec la Numidie , la Si-
tifienne et la Césarienne. H y avait en
outre trois procurateurs des ateliers
publics, savoir, le procurateur du
gynécée de Carthage , atelier de fem-
mes pour la fabrication des étoffes,
et deux procurateurs des teintureries,
l'un pour le seul atelier de l'île de
Girba dans la Tripolitaine , et son
collègue pour tous les autres ateliers
de teinture disséminés en Afrique.
Quant au domaine particulier de
(*) Tous ces noms sont défigurés dans la
Notice; et lltinéraire, qui pourrait aider à
les rétablir, a besoin lui-mâae d'uoe téwf '
^ration.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCffiNNE.
remperemr, VUlusire comte des affai-
reê fNrivées avait sous son autorité
qaatce agents principaux ddtis le dio-
cèse d'Afrique : en premier lieu, le
comte du patrimoineGildonien, chargé
de Fadmioistration de tous les biens
confisqués naguère sur le rebelle Gil-
don et ses adhérents; administration
assez importante pour que ce fonc-
tionnaire eût lui-même sous ses ordres
des procurateurs , des préposés et des
comptables dans les diverses provin-
ces où ces biens étaient situes. Il y
avait en outre un comptable particu-
lier des immeubles de ta maison im-
périale en Afrique (*) , plus un comp-
table et un procurateur du domaine
privé, Tun pour l'Afrique, l'autre
pour la Mauritanie Sitifîenne.
Le maître des offices n'avait en
Afrique aucun subordonné à résidence
fixe; mais les agents impériaux atta-
chés à son département y faisaient des
tournées d'inspection, et nous savons,
par l'exemple du comte Romanus,
qu'on pouvait quelquefois acheter leur
silence, et obtenir des rapports men-
songers , alors surtout que le maître
des offices lui-même était complice des
méfaits à dénoncer au prince.
VIIÏ. DOMINATION DKS VANDALES.
Règne de Giséric.
Invasion de l'Afrique. — Le rè-
gne du troisième Valentinien , qui
succéda à Honorius (**) , fut marqué
en Afrique par un grand désastre,
^invasion des Vandales, appelés dans
(*) Un rescrit du i8 février 4a a, adressé
pv Honoriiis au comte du domaine privé,
relativement à l'impôt dû sur les immeu-
bles de la maison impériale dans la Pro-
consulaire et la Byzacène , peut nous faire
apprécier l'étendue des terres ainsi possédées
par le prince : deux commissaires avaient été
envoyés sur les lieux pour en faire la véri«
ficalion , et ils avaient trouvé , dans Tune et
Tau 0*6 province, une mesure totale équi-
valente à près de qùitize cent mille hectares,
dont plus de huit cent mille en terres ex-
cellentes (opiimorum fundorum).
23?
un moment d'emportement par le
comte militaire Bonfftice, que aes in-
trigues de cour avaient fait disgracier;
simple tribun , il avait défendu vigou-
reusement les frontières contre les
incursions des Maures ; nonmié comte
d'Afrique en 423, il avait, au milieu
des troubles politiques de cette époque,
maintenu son diocèse dans le oevoir.
Blessé de Tinjustice dont on payait ses
services , près d'être attaqué comme
rebelle par une armée envoyée contre
lui , il eut recours aux barbares de la
Bétique, et pendant que les troupes
impériales entraient à Carthage, aua-
tre-vingt mille Vandales, mêlés a'A-
lains et de Goths , passaient le détroit
au mois de mai 429, et s'abattaient
sur les Mauritanies. La cour de Ra-
venne fit alors appel à la fidélité de
Bbniface , et il essaya d'arrêter le tor-
rent dont lui-même avait rompu les di-
gues; mais il fut battu, et refoulé dans
Hippone-Royale, où les Vandales le
tinrent assiégé pendant quatorze mois,
tandis que leurs bandes, soumettant le
plat pays, ne laissaient plus aux Ro-
mains que Carthage, Cirla, et Hippone
elle-même; si bien qu'au concile géné-
ral d'Éphèse, en 431 , l'Église d'Afri-
que n'avait d'autre représentant que
te diacre Bessula, envoyé par l'évêque
de Carthage pour faire connaître l'im-
possibilité où le cierge africain se
trouvait alors de se réunir, à cause de
l'invasion des barbares qui avaient dé-
vasté complètement les provinces et
coupé toutes les communications. Ce-
pendant l'arrivée d'un secours consi-
dérable enbardit Boniface à tenter le
sort d'une nouvelle bataille; mais il la
perdit, et fut trop heureux que la mo-
dération ou la prudence de Giseric
rendît possibles des négociations pour
la paix. Le roi des Vandales offrit de
payer un tribut annuel , et il donna en
otage de ses bonnes dispositions son
propre fils Hunéric. iJne trêve au
moins était conclue , si l'on s'en rap-
porte à la chronique de saint Prosper,
lorsqu'en 432 Boniface quitta l'Afri-
que pour venir à Ravenne prendre pos-
session de la charge de maître de la
ibilice. Aspar, son compagnon d'ar*"
Digitized by
Google
240
L'UNIVERS.
mes , était encore a Garthage , suivant
le livre des Promesses de Dieu attri-
bué à saint Prosper, quand il fut élevé
au consulat en 434.
Une PikBTiE DE l'Afbique est
CÉDÉE AUX Vandales par un
TRAITÉ. — Enfin , le 11 février 435
d'après la chronique que nous venons
de citer, la paix fut faite à Hippone ,
moyennant la cession d'une partie de
l'Afrique aux Vandales, à qui fut sans
doute alors rendu le jeune Hunéric.
L'histoire de ces événements est fort
obscure et à peine indiquée par quel-
ques mentions vagues et inconnexes
des chroniqueurs; aussi, comme de
raison, les conjectures des critiques
se sont-elles librement exercées sur
l'arrangement des faits et la détermi-
nation des détails. La fixation des
limites territoriales résultant du der-
nier traité offre surtout une question
susceptible de solutions fort diverses,
tant sont insuffisantes les données du
problème; les uns supposent que
Giséric ne garda que les^Mauritanies
et restitua tout le reste, ce qui est
contredit par l'exil qu'il prononça, en
437, contre deux éveques de la Numi-
die , entre autres Possidius , Tami et
le biographe de saint Augustin (*) ;
d'autres, au contraire, ont pensé que
Giséric siarda ses conquêtes de Nu-
midie, d'Afrique et de Byzacène, lais-
sant aux Romains , avec Cirta , Car-
thage et la Tripolitaine, les provinces
de l'ouest, dont il ne se souciait plus.
Cette dernière opinion nous paraît la
plus juste , pourvu qu'on ne com-
prenne point dans les provinces aban-
données par Giséric la Mauritanie
Sitifîenne, d'où il exila , en 437 , No-
vatus évêque de Sitifis. Suivant toute
apparence , la paix de 435 ne fut que
provisoire, pour trois ans seulement,
comme l'indiquent certaines éditions
de la chronique de saint Prosper, et
dut se borner dèîs lors à consacrer le
statu quo jusqu'à un arrangement dé-
finitif.
^ (*J Giséric sévissait ainsi intrà hahita'
tîorns sucs limitât, suivant les termes d«
laint Prosper.
Nouveau traité de partage
DES PROVINCES d' AFRIQUE ENTRE
LES Vandales et les Romains. —
Il était naturel de voir les Vandales re-
prendre les armes après l'expiration du
terme convenu .Ils choisi rent le moment
opportun, et s'emparèrent de Garthage
le 18 octobre 439. On songea bien à Ra-
venne et à Çonstantinople à armer con-
tre eux; mais Fun et l'autre empire était
en proie à la crainte d'invasions plus
menaçantes encore de la part des bar-
bares du Nord , et l'on traita; la paix
fut conclue en 442 , et l'Afrique par-
tagée entre Giséric et Valentinien
d'une manière précise (*) : tout ce que
nous en savons cependant se borne à
cette indication de Victor de Vite, que
Giséric disposa des provinces de la
Zeugitane, la Byzacène, l'Abaritane,
la Gétulie et une partie de la Numidie.
Il restait à Valentinien le surplus de
la Numidie, et les Mauritanies , ainsi
que le témoignent diverses lois ajou-
tées par lui au Gode Théodosien:
comme à\ ne rétablissait point pour
ces provinces la charge de vicaire
d'Afrique, il régla par une loi expresse
du 21 juin 445, que l'on porterait dé-
sormais directement devant le préfet
du prétoire l'appel des sentences ren-
dues dans la Numidie et la Mauritanie,
aux habitants desquelles il fit en même
temps remise des sept huitièmes de
rimpôt foncier; et par une autre loi, du
1 3 juillet 451 , il assigna aux fonctionnai-
res de la Zeugitane et de la Byzacène,
dépouillés et chassés par les Vandales,
des secours en argent, et des terres à
prendre tant sur les jachères de la
Numidie que sur les domaines impé-
riaux dans la Numidie, la Sititienne et
la Gésarienne. Quant à la Tripolitaine
ou Subventane , dont il n'est rait nulle
mention , d'une ou d'autre part ,
nous serions porté à croire qu'elle est
indiquée sous le nom , d'ailleurs in-
connu, d'Abaritane (**) , dans le lot de
(*) Certîs spatiisy dit la chronique de
saint Prosper.
{**) Il y avait bien dans la Proconsulaire
une localité appelée Abaritane, où croissait
une espèce particulière de roseau; maia
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
Gisérîc, d'autant plus qu*il est certain
qu^elle appartenait à ce prince, puis-
qu'il en exila plusieurs évéques , no-
tamment ceux de Girba , de Sabrata
et d'Ééa , du vivant même de Vaien-
tinien, et pendant la durée de Jeur
bonne intelligence. Pour la Gétulie ,
Fanonyme de Ravenne nous en dési-
gne remplacement d'une manière as-
surée , en y plaçant les villes de Thu-
surum , Tiges , Spéculum , Turres ,
Cerva, dont les deux premières sont
bien connues sous leurs noms moder-
nes de Touzer etTeqyous, à l'ouest
de la grande Sebkhah el-'aoudyah.
Nous n'avons donc plus, pour nous
rendre un compte exact des résultats
du traité de 442 quant à la délimita-
tion mutuelle du territoire romain et
du territoire vandale en Afrique, qu'à
tracer dans la Numidie la ligne qui
divisait cette province en deux par-
ties : à cet égard nous ne possédons
que de faibles indices; nous savons
d'un côté qu'Hippone -Royale était
tombée, après la défaite de Boniface
et d'Aspar, aux mains des Vandales ,
qui l'avaient saccagée, et nous savons
en même temps que Cirta leur avait
résisté , sans que nous trouvions au-
cune trace de la prise de cette capitale
par Giséric : c'est par conséquent en-
tre Hippone et Cirta que devait passer
la ligne de démarcation; mais nous
ne pouvons rien dire de plus explicite
sur ce point.
Les Vandales s'empakent de
tout ce qui bestaït aux ro-
MAINS EN Afrique. — A la mort
de Valentinien, Giséric, appelé par
sa veuve pour le venger, alfa punir
Rome du forfait de Maxime, et se
considéra désormais comme délié des
engagements que les nouveaux empe-
reurs d'Occident ne pouvaient plus
le sommer d'exécuter; il reprit alors
la Numidie et les Mauritanies : Ma-
cela n'a rien de commun avec la province
distincte de la Proconsulaire dont nous
paile Victor de Vite. Peut-être, au lieu de
Subventana dans Elhicus et d'yiharitana
dans Victor, faudrait-il lire uniformément
partout Sabratana ou Sabaratana,
341
jorîen eut bien le projet d'aller en
f)ersonne faire revivre les droits de
'empire sur ce point; mais la mort
l'arrêta dans ses préparatifs. Les em-
pereurs d'Orient voulurent à leur tour
porter la guerre chez les Vandales
pour réprimer et punir leurs pirate-
ries; Léon l'Ancien envoya contre eux
en Afrique (*) Héraclius, qui débar-
qua dans la Tripolitaine , oattit les
troupes qu'il y trouva , occupa les
villes sans difficulté , et , laissant là sa
flotte, conduisit par terre son armée
vers Carthage pour y rejoindre Rasi-
lisque , beau-frère de l'empereur, c|ui
devait y arriver avec une expédition
formidable , et qui vint attérir en effet
au cap d'Hermès , mais pour y voir
bientôt sa flotte incendiée par les brû-
lots de Giséric; en sorte qu'il n'eut
rien de mieux à faire que de s'en re-
tourner à Constantinople , aussi bien
qu'Héraclius ; et Giséric reprit de plus
belle ses courses de piraterie; mais
enfin Zenon conclut avec lui, en 476,
une paix solennelle, qui dura jusqu'au
règne de Justinien.
Règne des successeurs de Giséric,
Étendue des possessions van-
dales sous HuNÉBiG. — L'étendue
et la division territoriale du royaume
des Vandales nous est particulière-
ment indiquée par un document pré-
cieux qui se rapporte au temps de
la persécution exercée par Hunéric
contre les catholiques de ses domai-
nes : Victor de Vite raconte qu'il
exila quatre mille neuf cent soixante-
seize évéques , prêtres , diacres et au-
tres clercs , lesc^uels furent réunis à
Siccaet Lares, ou ils furent livrés aux
Maures qui venaient les y chercher
Sour les conduire au désert. La liste
es évéques arrachés ainsi à leurs siè-
ges en l'année 484, se trouve à la
suite de l'histoire de cette persécution
écrite en 487 par Victor de Vite ; on
y voit figurer les noms de quatre cent
soixante et un évéques, y compris
(*) En l'année 468.
16* Livraison. (Afrique ancienne.)
16
Digitized by
Google
2^^ yÇNIYERS.
eaux ^ tief , pillas ^atotze çi^ges va- rept toute U ^auritar\ie depuis Gadea
caots, le tout ainsi réparti : ' jusqu'aux frontièrieSs delà Numidie, et
Brovince procousulaire U "«^ grande partie du reste de i'Afri-
Province de Numidie 125 q"^- Évidemment leur émancipatioa
Brovince de Byzacène 115 avait dû commencer par la Tingitane,
Province de MauritaniftCésarienne J26 pl"S éloignée du centre du gouverne-
Province de Mauritanie Sitifien ne. 42 ment, et se propager successivement
Province de Tripolitaine ^ ^^^s Test ; à la mort de Hunéric , elle
Province de Sardaigne 8 ^^si»'* 'W^ atteint et envahi TAurasion.
— , -rrr Gondamond eut à soutenir contre eux
^®:^' V ^'^ plusieurs combats . et Trasamond
Pao^xiïCBS succ:p$siyEMBNT EN- éprouva une sanglante défaite de la
LEVÉES AUX Vandales PAR LES M AU- part de ceux auxquels commandait
BES.— Aucune indication ne se trouve Rabaon dans la Tripolitaine: Hildéric
làdç la pcovinceTingitane. Les critiques à son tour fut battu par Antalas chef
Qnt cru reconnaître, il est vrai , quel- des Maures de la Byzacène.
ques sièges susceptibles d'être attri- Usubpation de Gélimek ; Béh-
bués à cette province dans la liste de saibe lui enlève l'Afbiqde. —
ceux de la Mauritanie Césarienne; mais Gélimer se prévalut de ce honteux
celte attribution paraît fort douteuse, revers pour arracher le sceptre à Hil-
Oo peut expliquer de diverses manié- déric, qu'il emprisonna : l'empereur
rQS rabsence du nom delà Tingitane; Justinien, allié et ami de Hildéric
01} bien ellf n'avait point d'évéques, qui avait été élevé à Gonstantinopte,
ou ses éyêques avaient embrassé Ta- réclama sa mise en liberté; Gélimer la
rianisme, pu bien encore elle secouait refusa : de là la guerre qui substitua
- déjà le ioug dçs Vandales. La présence la domination des Byzantins à celle
des éveques catholiques de la Sardaigne des Vandales. Il y eût d'abord défec-
etdes Baléares ne permet pas de croire tion de la Tripolitaine, qu'un citoyen
queçeuxdelaTingitane, si elle en avait de cette province livra aux troupes
eu , se fussent soustraits à l'appel impériales. Puis Bélisaire vint débar-
d'Hupéric spus prétexte de leur union quer à Caput-Vada , à cinq iournées
à l'Hispanie sous le rapport de Tobé- de Carthage, avec une armée de 15 000
di^nce ecclésiastique. Elle apparte- soldats ; laissant à Gélimer, qui était
nait incontestablement aux Vandales àHermione, à quatre journées dans
spus le règne de Giséric ; mais elle les terres, la faculté de le poursuivre,
dut être ^ première à échapper à ses il marcha sur Carthage en suivant le
successeurs. littoral , et passant par Syllecte, Lep-
Nous savoKU^ en effet quç les indigè- tis et Adrumète , il atteignit Grasse,
nés coqoinencerent, dès la mprt de ce résidence royale à trois cent cinquante
prince, à s'insurger daçs leu^s monta- stades ou cinquante milles rômafris de
gnes et à harceler les Vandales, tantôt Carthage; quatre jours après il arriva
nattants, tantôt battus; sous le règne ^ Décimum , c'est-à-dire, comme le
niéme de Hunéric , ceux ^é l'Aura- nom l'indique, à d\i^ milleç de la capi-
sion avaient repris leur indépendance, taie , où l'on se rend en passant sur
et nul effort des Vandales ne put les la droite contre une sebkhah ( ireôCov
réduire à la soumission : il est certain ^<^v , une plaine de sel ). C*est là que
Sue Procppe, dans une rapide esquisse Gélimer le joignit, fut battu, et se
e leur histoire i, dit que les Romains, sauva avec les restes de son armée
les avaient repoussés aux derniers dans la plaine de Bulla, à quatre jour-
confins de TAfrique habitable , tandis nées vers les frontières de la JNumî-
qi^ ils avaient pris à leur solde te^ Car- die, pendant que Bélisaire léntrait à
tnaginois et les antres Libyens ; mais Carthage. A^ant été rejoint à Bulla
que les Maures , agi^ 4e fréquents par les troupes <]ue son frère lui ra-
avantages sur les Vandales ^ occupé- menait de Sardaigne , GélLc^çi^ vùp^t de,
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIENNE.
94S
nouveau Sê faire battre par Bélisaire
à Tricamara, à vîngt milles de Car-
thage(*), et s'enfuit précipitamment
en Numidie , où il se réfugia chez les
Maures barbares des montagnes es-
carpées de Pappua , dans leur viHe de
Médéos , située à l'extrémité de ces
montagnes ; mais il y fut rigoureuse-
ment bloqué, et forcé enfin de se ren-
dre ; et Bélisaire , après avoir envoyé
ses lieutenants prendre Gésarée de
Mauritanie qui est à trente journées
de Carthage , le fort de Septon qui es|
près des Stèles Héracléennes, les Ba-
léares, la Corse, la Sardaigne, et avoir
pourvu à la sûreté de la Tripolitaine,
mit à la voile pour Constantinople,
emportant d'immenses trésors , Géli-
mer enchaîné , de nombreux captifs,
et laissant à Carthage , pour comman-
der à sa place , Salomon qui avait été
son chef d'état-major.
IX. DOMINÂTKON BYZANTINE.
Org.(mîsaUon cMle et militaire de
V Crique sous Justùiien.
Obgànisation civile. — Avant
que Bélisaire quittât l'Afrique, il avait
été pourvu à l'organisation civile et
militaire du pavs par deux rescrits
impériaux, dates l'un et l'autre du
13 avril 5,34, et adressés, le premier
à Archélaiîs, ancien préfet de Cons-
taniinople et d'Illyrie , en dernier
lieu questeur de Bélisaire, et qui était
nommé préfet du prétoire d'Afri-
que; le second à Bélisaire lui-même
çn s^ qualité de maître de la milice.
Ce sont deux monuments trop direc-
tement li^s à notre sujet pour qu'il
ne soit pas convenable d'en repro-
duire ici les dispositions principales :
on pardoQuers^ sans doute, on nous
saura gré peut-être, d'avoir conservé,^
par une version très-littérale, les for-
njes et la couleur du style caractéris-
tique de cette époque.
«iUi mm, de Notre-Seignear Jésus-Christ :
« L'EipçREUR et; César Flavius Jdstinien,
l'Allimarique , I.» Gothique, x.e Ger-
MUfiQUE , LE Francique , i.'Antiqu£ .
{^ Décembre 5SS.
t.*Al.AinQUX, UC^ASDAtXQim, t'Aw^CKXMf
DÉBOSKÂIRE, HEUREUX, RSlfOKMÉy VAXPr
QUEUE ET TaXOUPaATEUE, VQWOU|kS AV-
<^USTB»
n A A«<BiiA«a
Préfet du prétoire d'Afrique^
« Kotre esprit ne peut embrasser,
notre langue ne peut dire tout ce que
nous devons de remercîmenis et de
louanges à Notre-Seigneur Dieu Jé-
sus-Christ. Déjà nous avions reçu de
Dieu bien des grâces, et nous confes-
sons les innombrables bienfaits qu'il
nous a accordés sans que nous eussions
rien fait pour les mériter. Mais ce que
le Dieu tout-puissant a daigné mani-
fester en dernier lieu , par nous en
son nom, dépasse toutes les merveilles
accomplies en ce siècle : qu'en si peu
de temps l'Afrique ait par nos efforts
recouvré la liberté après quatre-vingt-*
quinze années de servitude sous les
yandaleSy ces ennemis des ,âmes et des
corps à la fois , car ils entraînaient
dans leur impiété, par un second bap-
tême , les âmes trop faibles pour sup-
porter les tortures diverses et les sup-
plices, et ils soumettaient durement
a un joug barbare des corps nés pour
être libres. Ils souillaient aussi de
leurs impiétés les saintes églises de
Dieu ; de quelques-unes ils avaient fait
des écuries. Nous avons vu des hommes
vénérables dont la langue coupée à la
racine racontait douloureusement les
souffrances ; d'autres , après des tor-
tures diverses, dispersés en diffé-
rentes provinces, avaient terminé leur
vie dans l'exil. Par quelles paroles,
par quelles œuvres pourrons-nous di-
gnement rendre grâces à Dieu , qui,
par moi le dernier de ses serviteurs,
a daigné venger tes injures de son
Église et arracher au joug de la servi-
tude les peuples de si vastes provin-
ces ? bienfait que n'avaient pu obtenir
de Dieu nos prédécesseurs, à qui non-
seulement il ne fut point donné de
délivrer l'Afrique, mais qui virent
Rome elle-même prise par les Van-
dales, et tous les ornements impériaux
transportés de là en Afrique. Tandis
que maintenant Dieu, par sa miséri-
corde, nous a non- seulement livré
16.
Digitized bt^ VjOOQIC
244
L'UNIVERS.
l'Afrique et toutes ses provinces, mais
nous a aussi rendu ces mêmes orne-
ments impériaux qui avaient été en-
levés à la prise de Rome. Après donc
de tels bienfaits que la Providence
nous a départis , ce que nous atten-
dons de la miséricorde du Seigneur
notre Dieu , c'est qu'il affermisse et
maintienne intactes les provinces qu'il
a daigné nous rendre, et nous les fasse
régir selon sa volonté et son bon plai-
sir, en sorte que l'Afrique entière
éprouve la miséricorde du Dieu tout-
puissant, et que ses habitants, déli-
vrés de la plus dure servitude et d'un
joug barbare, reconnaissent en quelle
liberté il leur est donné de vivre sous
notre heureux gouvernement. Nous
réclamons instamment aussi des priè-
res de la sainte et glorieuse Marie
mère de Dieu , toujours vierge , (jue
tout ce qui manque à notre empire,
Dieu le lui restitue par nous les der-
niers de ses serviteurs , en son nom ;
et qu'il nous rende dignes d'accomplir
ses œuvres.
« 1. En conséquence, avec l'aide de
Dieu et pour le bonheur de notre em-
pire, nous voulons, par cette loi im-
périale, que toute l'Afrique que Dieu
nous a confiée soit, par sa miséri-
corde , élevée au premier rang , et ait
une préfecture propre , en sorte que,
comme l'Orient et Tlllyrie , de même
aussi l'Afrique soit spécialement do-
tée par notre Clémence de la suprême
autorité prétorienne, dont nous or-
donnons que le siège sera à Carthage,
et que le nom soit ajouté dans le
préambule des actes publics à celui
des autres préfectures; et nous avons
aujourd'hui fait choix de Votre Excel-
lence pour la gouverner.
a 2. Et avec l'aide de Dieu, il y sera
organisé sept provinces avec leurs
magistrats, entre lesquelles celle de
ïingis, celle de Carthage ci-devant
appelée proconsulaire , celle de Byza^
cmm, et celle de Tripolis, auront des
gouverneurs consulaires; les autres,
savoir , la Numidie, la Mauritanie et
la Sardaigne, seront. Dieu aidant, ad-
ministrées par des présidents.
. « 3. Et quant aux bureaux de Vo-
tre Grandeur, ou de Sa Magnificence
le préfet du prétoire d' Afrique en
exercice, quel qu'il soit, nous ordon-
nons qu'il y sera employé trois cent
quatre-vingt-seize personnes , répar-
ties entre les diverses divisions et bu-
reaux. Quant à ceux des consulaires
et présidents, il y aura cinquante
personnes dans les bureaux de chacun
d'eux.
« 4. Les émoluments que, soit Vo-
tre Magnificence, soit les consulaires,
les présidents et chaque employé des
bureaux, doivent recevoir aux frais
du trésor public , sont déterminés
dans un état ci-après annexé.
« 5. Nous souhaitons donc que tous
nos magistrats s'appliquent a admi-
nistrer leurs gouvernements suivant
la volonté et la crainte de Dieu , et
suivant nos instructions et nos ordres,
de manière qu'aucun d'eux ne s'aban-
donne à des exactions et ne commette
lui-même, ou ne laisse commettre, par
des magistrats, ou leurs bureaux, ou
tous autres, aucune violence à l'égard
des contribuables ; car bien que nous
tâchions , avec l'aide de Dieu , que
dans toutes nos provinces en général
les contribuables n'éprouvent aucun
préjudice , nous nous occupons sur-
tout de ceux du diocèse d'Afrique,
lesquels, après un si long esclavage,
ont , avec l'aide de Dieu , obtenu par
nos soins de voir de nouveau luire pour
eux la liberté. Nous ordonnons donc
que toutes violences, toute exaction
cessent, et que la justice et la loyauté
soient gardées envers tous nos sujets ;
c'est par là que Dieu sera satisfait , et
qu'eux-nïêmes pourront plus promp-
tement, comme les autres contribua-
bles de notre empire, se relever et
fleurir.
« 6. Nous voulons que les bureaux
de Sa Magnificence le préfet du pré-
toire d'Airique, aussi bien que des au-
tres magistrats, reçoivent leurs épices
conformément à ce qui est régie par
nos lois et observé dans tout notre
empire; en sorte que personne ne se
permette, en aucun temps ni d'aucune
manière, d'excéder le tarif.
« 7. Nous jugeons devoir régler
Wgitized by VjOOÇ IC
AFfaQUE ANCIENNE.
145
aussi par la présante ordonnance, que
les magistrats n'aient point à suppor-
ter de grands frais pour la mise en
règle de leurs lettres ou commissions,
soit en notre chancellerie , soit dans
les bureaux du préfet du prétoire d'A-
frique, afin que, n'étant |)oint eux-
mêmes chargés de frais, ils n'aient
aucun besoin de grever à leur tour
les contribuables de notre Afrique. '
Nous voulons y en conséquence, que
les magistrats du diocèse d'Afrique,
tant civils que militaires, ne payent à
notre chancellerie, pour les droits de
leurs commissions ou lettres de no-
mination, que dix sous d'or (*), et au
bureau du préfet, que douze sous
d'or. Que si quelqu'un excède cette
taxe, le magistrat lui-même payera
une amende de trente livres cror, et
ses bureaux seront passibles non-seu-
lement de pareille amende, mais même
de la peine capitale ; car si quelqu'un
osait, en quoi que ce soit, excéder
nos ordres, et ne tâchait pas , dans la
crainte de Dieu, de les observer, non-
seulement il aurait à craindre la perte
de sa dignité et de ses biens , mais il
encourrait même le dernier supplice.
« 8. Voici, avec l'aide de Dieu, Té-
tât des émoluments : Pour les vivres
et fourrages du préfet du prétoire de
toute l'Afrique, en exercice, 100 livres
d'or ; — pour les vivres des consulai-
res, 20 livres d'or; pour les vivres des
[présidents], 7 livres d'or. (Suit le
détail, très-curieux, mais très-peu in-
telligible, et d'ailleurs très-long, des
émoluments des employés des bu-
reaux.) ,
« 9. Étant ainsi instruit de ce que,
par cette constitution impériale, nous
avons accordé, pour leurs frais, aux
nnagistrats civils de l'Afrique et à
leurs bureaux, c'est à-dire tant aux
commis qu'aux autres employés de
cette grande préfecture , Votre Gran-
deur pourvoira à sa mise à exécution
à dater des calendes de septembre de
la prochaine iodiction treizième {**),
(*) La valeur du sou d*or était d'environ
i4 francs. Il y avait 7a sous à la livre, qui
Talait à peu près 1000 francs.'
{**) C'est-à-dire du 1*^ septembre 534.
et à ce qu'elle soit observée et portée
à la connaissance de tous par des édits
publics ; car ceux qui auront été éta-
blis par Votre Sublimité , conformé-
ment à la présente constitution impé-
riale, seront maintenus à perpétuité
dans leur situation.
« Nous statuerons , avec l'aide de
Dieu , par une autre ordonnance sur
les magistrats militaires et leurs bu-
reaux, et sur l'armée.
« Donné à Constantinople, etc. »
Organisation mïlitaibe.— Pas-
sons maintenant à cette organisation
militaire annoncée dans le précédent
rescrit, et en tête de laquelle nous
nous dispensons de répéter l'invoca-
tion sacramentelle et la pompeuse sé-
rie des titres officiels de l'empereur.
«A BÉLISA.IRE«
Maître de la milice d'Orient.
« C'est au nom de Notre-Sei^eur
Jésus-Christ que nous poursuivons
toujours nos desseins et nos actes; car
c'est par lui c|ue nous avons reçu les
droits attachés à la dignité impériale,
1>ar lui que nous avons conclu avec
es Perses la paix à perpétuité, par
lui que nous avons renversé d'opiniâ-
tres ennemis et des princes puissants,
par lui que nous avons surmonté de
nombreuses difficultés, par lui qu'il
nous a été donné de secourir l'Afri-
que et de la réduire en notre pouvoir,
par lui enfin que nous avons la con-
fiance qu'elle sera sous notre autorité
convenablement régie et fermement
gardée. C'est ainsi que par sa grâce
nous avons établi des magistrats ci-
vils avec leurs bureaux cour les pro-
vinces africaines respectives , et ré^lé
l'émolument que chacun doit recevoir.
Soumettant encore notre esprit à sa
providence, nous avons résolu d'orga-
niser les troupes armées et les com-
mandants militaires.
« I. Nous ordonnons en consé-
quence que le duc militaire de la pro-
vince Tripolitaine aura sa résidence
provisoire dans la ville de Leptis la
Grande ; que le duc de la province By-
zacène résidera provisoirement dans
les villes de Capsa et de Leptis la Pe-
Digitized by VjOOQIC
H$
f^umvms.
1^6; quie ledoe tfe là proi^hts^ de I^û-
mrdie aura sa térfdence provisoire
dans la Ville de Constantine; enfin,
que te duc de la provh)ce de Maurita-
nie résidera nroTisoirement dans ia
▼iHe d^ Césarée.
« 2. Nous ordonnons aussi que vous
établissiez eomplétement , sur le pas-
sage qui est vers THispanie et qu'ott
appelle Septa, en tel nombre que Vetrc
Grandeur le jugera nécessaire, des
sbldats avec leur tribun^ homme pru-
dent et djéyoué à notre empire , de ma-
nière qu'ils puissent toujours garder
ce passage, et faire savoir au respec-
table duc tout ce qui se fait du côte
de THispanie, de la Gaule ou des
Francs, afin que lui-même le rapporte
à Votre Grandeur. Vous ferez établir
en outre, dans ce passage, des vais-
seaux légers, autant ^ue vous le juge-
rez nécessaire.
« 8. Nous -voulons qu'il soit établi
un duc en Sardalgne, et qu'il résidé
prés des montagnes oii se trouvent
des populations barbares, avec autant
de soldats que Votre Grandeur ju-
gera nécessaire pour la garde des
lieux.
« 4. Que tous veillent diligemment
aux provinces commises à leur garde;
qu'ils préservent nos sujets du préju-
dice de toute incùlrsion des ennemis ;
qu'ils tâchent , en invoquant jour et
nuit l'aidis de Dieu, et en travaillant
activement i d'étendre les provinces
africaines jusqu'aux limites où avant
l'invasion des Vandales et des Maures
l'empire romain avait ses frontières, et
où les anciens entretenaient des pos-
tes, ainsi qu'on le voit par les clôtu-
res et tes tours ; qu'ils se hâtent sur-
tout de prendre et de fortifier, à me-
sure qu'avec l'assistance de la misé-
ricorde divine les ennemis en seront
e)[pulsés , les villes voisines des clô-
tures et des limites, et qui étaient au-
trefois occupées comme étant établies
sous l'autorité romaine ; t{m les ducs
et les troupes se rapprochent succes-
sivement des points où étaient aupa-
ravant les limites et les clôtures deà
provinces, lorsque sous l'autorité ro-
maine se conservaient encore iûtàtVei
les nrovlnees lifHeMrait ^ fn fKin»
espérons^ avec la permissioil de ]>iett
par l^aide de qui ëliês lious ont été
rendues^ voir arriver biientdt de nôtre
temps. Et que les provinees, dans l'in-
t^ralité de leurs ancienhes limites ^
soient maintenues en sécurité et tran-
quillité, que par la vigilance et les ef-
forts des soldats les blus dévoués et
les soihs des respectables ducs en exer^
cice^ elles soient conservées intactes i
car il faut que les provinces aient tou-
jours des gardieds fidèles, afin d'ôter
aux ennemis la faculté d'envahir ou de
dévastier les lielix posséda par nos su^
jets.
a 5. Quant au nombre de soldats^^
soit fantassins soit cavaliers, qu'il faut
placer sur chaque frontière pour la
^rde des provinces et des villes, Votre
Grandeur le râlera ainsi qu'elle croira
convenable^ de manière que si ces dis-
positions nous paraissent suffisantes
nous les confirmions^ ou que si nous
apercevions qu'il y eût à faire davan-
tage nous y ajoutassions;
« 6. Ce qu'un duc doit recevoir à ti-
tte de solde, pour luitet ses hommes, et
ce qui revient à ses bureaux, se trouve
détaillé dans l'état ci-dessous annexé.
« 7. Ainsi donc qu'il a été dit, les
ducs et les troupes résideront provi-
soirement, quant à présent, confor-
mément à notre ordre ^ dans les villes
et lieux que nous avons désignés, jus^
qu'à ce que Dieu prêtant aide à nous
et à notre empire , ils puissent être
rétablis par nos efforts dans les lieux
où était ûxée l'ancienne limite de cha-
que province, à l'époque où lesdites
provmces étaient restées entières sous
l'empire florissant des Romains.
<t 8. Il nous parait toutefois néces-
saire que, poiir l'organisation des fron-
tières, il soit créé, en sus des troupes
mobiles distribuées dans les forts, des
troupes spéciales qui puissent défen-
dre et les forts et les places de la fron-
tière , en même temps qu'elles culti-
vieraient le sol; en sorte que les autres
provinciaux Içs voyant là, aillent s'y
établir aussi. Nous avons organisé un
modèle de bataillon de frontière, que
noua vous envoyons^ afin que sut ce
Digitized by VjOOQIC
AFMÇÎtE ÀNCiENNE.
U7
ihâdèTé roéë «rândèut* éh orgàbise
âé ^mblable^ dâbè Hèé fbrts et Ids pla-
ces qu'elle choisira ; de façon cepen-
dant qOb si y&ùji troDVez dans les pro-
vince^ oa p^àtmi les soldats qu'elles
ayaient antérieurement, des sujets
ééiiVenabies^ vous en tormiet un ba<
téitlon spécial pour bhaque frontière;
afin ^ne s'il y avait quelque mouvement,
ces troupes frontières pussent èlleè-
mémes , sans le secours des troupes
mobiles, défendire aVéc leurs chefs les
lieux ô& ^ll)es auront été placées , sans
8'éîoignipr beaucoup de la frontière, ni
les troupes , ni leuirs chefs. Ces trou-
pe^ frontières ne supporteront aucuns
frais de la part des ducs ni des offi-
ciers de ceux-ci , qui ne. pourront dé-
tourner frauduleusement à leur profit
aucuh dtoit sur leur solde. Nous vou-
lons, au surplus, que ceci Soit observé
non-seulem)ent à Tégard des troupes
frontières , mais aussi à l'égard des
troupes mobiles.
« 9. Et nous voulons que chaque duc,
ainsi que les tribuns de ces mêmes troi^-
pes, exercent toujours leurs soldaU aU
maniemeiit lies armes, et ne leur per-
mettent pas de s'éloigner, afin qu'ëh
cas de besoin ils puissent résister à
l'ennemi ; et 4tie les ducis ni les tri-
buns ne se permettent d'en en\oyep
aucun en congé, de peur qu'ien cher-
chant à en faire pront, ils nie laissent
les provinces dégarnies. Que si les
ducé susmentionnés ou leurs bureaux
ou les tribunâ s'avisaient de laisser
quelqu'un des soldats en congé, ou de
tirer quelque profit de leur paye, non-
seulement nous voulons qu'ils resti-
tuent au trésor public le quadruple ,
mais encore qu'ils soient destitués de
leur grade. Car les ducs et les tribuns
doiveiit attendre de notre largesse, en
sus des émoluments qui leur sont ac-
cordés, une rémunération proportion-
née à leurs services, et non chercher à
gagner sur les congés ou sur la solde
des troupes qui sont organisées pour
la garde des provinces ; d'autant plus
que nous avons assigné des émolu-
ments suffisants aux ducs eux-mêmes
et à leurs bureaux, et que nous avons
touJt)Urs eu sbin d'éleVet chacun, en
bîropttrtlbri de ses éèfyicé^, â des em-
plois et des grades iiVéilleurè.
«10. Quand il aura plu à Dieu, que
tmr les soins de Votre Grandeur toute
a frontière ait été remise en son an-
tien état et soit bfen organisée; alors,
là où cela deviendra hécessalre les res-
pectables ducs se prêteront, quand le
besoin l'exigera , une mutuelle assis-
tance, afin qu'avec Tàîde de Dieu les
provinces ou les frontières soient con-
servéejs intactes par leur vigilance et
leurs efforts,
« 11. De même que nous voulons que
nos magistrats et nos troupes soient
audacieux et intraitables envers les
ennemis , de même nous les voulons
doux et bienveillants envers nos con-
tribuables , et qu'ils ne leur fassent
aucun tort ni dotumage. Que si ùh
militaire se permettait de taire quel-
que tort à nos sujets , il sera puni
exemplairement, sous la responsabilité
du respectable duc, ou du tribun, ou
du premier commis , de manière que
nos sujets soient indemnisés.
« 12. Que si, pour certaines causes,
il était fait une interpellation par-de-
vant nos magistrats, nous voulons que
les exécuteurs ne reçoivent à titre d'é-
pices rien au delà de ce qui est fixé par
nos lois , sans encourir la peine pro-
noncée par les mêmes lois en cas de
contravention.
« 13. Lorsque, avec la permission de
Dieu, nos provinces africaineis auront
été organisées par Votre Grandeur
conformément à nos ordres , que la
frontière en aura été rétablie suivant
l'ancien état dé choses , et que toute
l'Afrique aura été restaurée telle
qu'elle était; lors donc que tout cela,
avec l'aide de Dieu , aura été fait et
achevé sous les yeux de Votre Gran-
deur, et que par vos efforts l'Afrique
aura répris toutes ses anciennes limi-
tes, et que vous nous aurez rendu
compte de l'organisation complète de
tout ie diocèse d'Afrique, savoir, dans
quels lieux ou cruelles villes et en quel
nombre ont été distribuées les trou-
pes , et de quelle espèce elles sont ;
combien de troupes frontières , et de
quelle arcne , en quels lieUx elles ont
Digitized by VjOOQIC
S48
L'UNIVEaS.
été placées ; alors nous youlons que
Votre Grandeur revienne auprès de
Notre Clémence.
« 14. En attendant, si Votre Gran-
deur jugeait que certaines places ou
châteaux de la frontière étaient trop
considérables pour être bien gardés ,
qu'elle les fasse rebâtir de telle ma->
nière qu'elles puissent être bien gar-
dées par peu de monde.
« 15. Lors donc que Votre Gran-
deur, après avoir réglé toutes choses,
effectuera le retour c|ui lui est ordonné;
alors les ducs de chaqueiimite, toutes
les fois qu'ils auront besoin de quel-
que chose pour la réparation des places
ou châteaux, pour leur solde ou leurs
provisions, le feront savoir au plus tôt
au magnifique préfet d'Afrique , afin
que lui-même fasse aussitôt ce qui sera
nécessaire, et qu'aucun délai ne puisse
nuire aux provinces.
« 1 6. Et ce qu'il aura fait lui-même,
et ce à quoi il sera encore nécessaire
de pourvoir ultérieurement, le magni-
fique préfet du prétoire d'Afrique sus-
mentionné et les respectables ducs nous
en rendront fréquemment compte ,
ainsi que de tout ce qui se passe ; pour
que nous confirmions ce qui aura été
bien fait , et que les dispositions qui
auraient pu être mieux prises soient
complétées par nos ordres.
(c 17. Ifous réglons en outre que les
magistrats à établir sur les frontières
africaines, n'auront rien de plus à
payer, soit dans le palais impérial à
aucune personne ou dignité, soit dans
le prétoire d'Afrique à la préfecture
ou au magistère cie la milice , que ce
qui est déclaré dans l'état ci-dessous
annexé; car si quelqu'un exigeait ou
recevait plus que ce qui est taxé audit
état , il serait puni d'une amende de
trente livres d or , et encourrait de
plus notre indignation. Us n'auront
rien à payer d'ailleurs à aucune autre
personne, dignité, ou office, autre que
celles dénommées en l'état ci-dessous.
« 18. Nous ordonnons en outre, avec
l'aide de Diefu , que chaque duc> ainsi
que ses bureaux , reçoive ses émolu-
ments sur les tributs de la province
d'Afrique , à partir des calendes de
septembre de la pnn^ine indiotion
. treizième , suivant ce qui est réglé en
l'état ci-dessous annexé.
« 19. Et voici, avec la volonté de
Dieu , l'état de ce qui doit être alloué
aux ducs établis en Afrique, et à leurs
bureaux, pour les vivres et fourrages
qui leur sont annuellement dus. (Suit
un détail fort embrouillé des émolu-
ments dus, pour eux et leurs gens, aux
cinq ducs , qualifiés simplement ici de
clarissimes ou très-distingués, au lieu
de la qualification de spectabiles ou
considérables, qui leur est donnée dans
le reste de la loi.)
« 20. État des droits que le duc de
chaque frontière doit pa^er à la chan-
cellerie impériale, au prétoire de l'am-
pli ssi me préfecture dT Afrique , et au
secrétariat du maître de la milice en
exercice ; savoir : à la chancellerie im-
périale six sous d'or; au secrétariat
du magistère de la milice, pour l'enre-
gistrement de Tordre impérial deNotre
Sérénité relatif à sa nomination, douze
sous d'or ; au secrétariat de l'amnlis-
sime préfecture d'Afrique, pour 1 en-
registrement des mêmes lettres, douze
sous d'or.
« 21. En conséquence Votre Gloire
ordonnera la mise à exécution et l'ob-
servation de ce que Notre Éternité a
réglé par cette ordonnance officielle.
« Loi rendue aux ides d'avril à G>ns-
tantinople, sous le quatrième consulat de
notre seigneur Justiitien Père de la Patrie
et Auguste , avec Pauliit. »
Tout ce qui était ordonné à Béli-
saire dans ce rescrit était sans doute
en voie d'exécution quand ce grand
homme quitta Carthage pour aller re-
cevoir à Constantinople les honneurs
du triomphe , et prendre bientôt après
Î)ossession du consulat. Son départ
aissa son œuvre inachevée , et priva
l'Afrique de la main puissante qui
seule pouvait retenir à la fois dans le
devoir une armée hétérogène qui n'a-
vait plus de romain que le nom, et des
chefs maures dont sa renommée avait
amené la soumission.
Guerres contre les Maures.
Phbmièbb expédition db Salo-
Digitized by
Google
AFRIQUE ANCIENNE.
M oif . — Trois efaefi principaux corn-»
mandaient aux Maures répandus sur le
territoire romain; c'étaient, dans la
Byzacène, Antala8(*), fidèle à Tempire,
qui se Tétait attaché moyennant une
pension annuelle, et Coutzinas, le
plus notable d'une foule de petits chefs
que le nom de Bélisaire avait jusqu*à
ce moment tenus en respect; dans
la Numidie, laudas, demeuré indépen«
dant sur les montagnes d'Aurasion,
On peut croire que des conditions pa-
reilles à celles d'Antalas auraient as-
suré la soumission des deux autres ;
mais ils se plaignirent hautement d'a-
Toir été déçus par de vaines promes-
ses, et les vaisseaux de Bélisaire
avaient à peine levé Tancre, que déjà
un soulèvement général se manifestait
sur toute la frontière ; les postes ro-
mains dans la Byzacène et la Numi-
die , trop faibles encore pour arrêter
le torrent, étaient battus, et les bar-
bares dévastaient tout le pays. Deux
officiers distingués de la cavalerie im-
périale avaient été tués dans la Bvza-
cène après une défense acharnée; dans
la Numidie, Althias , qui était can-
tonné à Centuries (**) avec un corps de
Huns pour la garde des forts d'alen-
tour, avait été plus heureux, et il avait
remporté sur laudas , auprès de la
fontaine de Tigisis (où Procope met la
fameuse inscription constatant Fori-
gine cananéenne des Maures) , un
avantage brillant quoique de peu
d'importance. Salomon marcha a'a-
bord contre Coutzinas et ses adhé-
rents, qu'il battit rudement à deux
reprises , d'abord à Mamma , puis sur
(*) Ce nom africain se montre plus tard
dans rhistoire mauresque sous la forme
H/ianthahh, suivant l'orthographe des Ara-
bes.
(**) 'Etuyx«^£ ^ 'AXOia; èv xevroupiai; xûv
èxeîvig ( NoutJ^ifiiqc ) çpoupitùv ©uXaxiîiv £x***^*
(Procope, Guerre des Fanaales, II, i3.)
Nous pensons , comme Ruinart , qu'il faut
lire ici ht Kevroupiaiç , à Centuries , ce qui
se rap|»orte au poste appelé <w/ Centena^
rium sur la Table Peutingérienne , entre
Gasaupala et Tigisis, sur la route de Tipasa
(Tyfèsch) à Constantine par Sigus. T(Yi<rt;
est la moderne Teghzeh.
240
les monts Bourgadn, les forçant à
s'aller réfugier en Numidie auprès
de laudas. Il vint ensuite chercher
celui-ci dans l'Aurasion , où il fut
guidé par deux princes maures : l'un
de ces guides était Orthaîas , chef des
tribus cantonnées dans Touest de l'Au-
rasion, qui reprochait à laudas de
favoriser Mastigas , chef des tribus de
la Mauritanie, dans le dessein qu'avait
celui-ci de chasser Orthaîas lui-même
et ses Maures du pays où ils étaient
depuis longtemps établis ; ce qui avait
déterminé Taccession d'Orthaïas et
des siens à la cause romaine. Après
avoir campé sur le fleuve Abigas, qui
is'échappe de ces montagnes , Salomon
s'avança jusqu'à celle é^Àspis ou du
Bouclier ; mais craignant de s'engager
trop avant avec des guides peu sûrs ,
il se borna pour lors à cette démons-
tration, renforça en se retirant les
garnisons de la !^ïumidie , et retourna
passer l'hiver à Carthage (*).
Au printemps suivant, une mutine-
rie de ses troupes obligea Salomon à
quitter précipitamment son palais , et
à se réfugier à Missoua, vers le cap
d'Hermès, d'où il dépêcha un courrier
en Numidie, pendant que lui-même ai-
lait chercher Bélisaire à Syracuse. La
révolte avait été excitée par les fem-
mes et le clergé vandales , et les mu-
tins grossissant leur nombre des débris
du peuple vaincu, se réunirent dans la
plaine de Bulla en un corps de huit
mille hommes, sous le commandement
de Stotzas , qui vint bientôt assiéger
Carthage, mais qui battit en retraite
au seul nom de Bélisaire arrivant
avec quelques soldats. Le fameux'
guerrier vmt défaire et disperser les
rebelles auprès de Membressa , sur le
Bagradas , à 350 stades ou cinquante
milles romains de Carthaeje , et , rap-
pelé en Sicile par une autre révolte , il
laissa à Salomon, pour suivre les af-
faires d'Afrique , deux braves officiers,
Théodore et Ildiger, et repartit aussi-
(*) A la fin de Tannée 535, et non en
536 comme l'indique Lebeau dans son
Histoire du Bas-Empire, où cette date erro-
née remonte jusqu'à la bataille de Mamma.
Digitized by
Google
9S0
vwxprBSiS.
tôt.^ lEsK Nqmidie «^Je , due Marcellus.,
ayant appris que Stotzas fugitif était
avec peu de monde à Gazopbyles (que
les routiers romains appelleut Gazau-
fula ou Gasaupala), a deux journées
de Constantine , voulut l'y aller sur-
prendre ; mais le rebelle lui débaucha
ses troupes , et le fit massacrer avec
ses officiers.
Expédition db Gebmain. — •
Alors Justinien envoya en Afrique,
pour remplacer Salomon comme mai-^
tre de la milice, le patrice Germain
son neveu , avec les sénateurs Sym-
maque comme préfet du prétoire ,
et Dominique comme maître de Tin-
fanterie à la place de Jean récem-
ment décédé. La vérification des ma*-
tricules fit reconnaître qu'il manquait
à rappel les deux tiers des soldats :
Thabileté de Germain en rappela un
grand nombre dans le devoir, si bien
que Stotzas résolut de livrer ba-
taille avant que la désertion de ses
adhérents ne fût complète , et il vint
camper non loin de la mer, à trente-
cinq stades ou cinq milles romains de
Carthagô. Germain alla l'attaquer, le
mit en déroute, le suivit en JSumidie,
et ra3^ant atteint en un lieu que les
Romains appelaient Cellas Fatari,
ou les Magasins de Vatarum (*) , il le
(*) Personûe encore n'a su reconnaître
dans le texte de Procope le nom de ce lieu
Ô li[ KoXXa; paTopaç xaXoOcri 'Pcùfiaïoi; Sca-
liger, sans l'appui d'aucun Manuscrit, sans
autre motif que sa fantaisie, pensa qu'il
fallait Ure IxaXaç pérepeç , forgeant ainsi le
nom latin de Scalœ ^eteres, servilement
adopté par tous les traducteurs, et retraduit
à son tour dans notre langue en Vieilles
échelles; mais il est évident que KaXXoç
^Topocç doit indiquer des celles ou maga-
sins, cellas, comme on eu connaît plu-
sieurs en Afrique , où Ton ne trouve point
au contraire d'échelles, scalas; et que pa-
Topaç , vataras, est l'adjectif caractéristique
du lieu, comme nous voyons l'adjectif />/-
centinis attaché aux Cellis voisines de Ta-
cape. Or Procope, en nous racontant la
bataille qui a eu lieu en cet endroit , nous
montre Germain partageant sa cavalerie en
trois corps commandés par Ildiger, Théo-
dore, et ce Jean frère de Pappus, auquel
Joroandèâ applique le surnom deXroglita,
h9itt\i t\ eomrâtétéfenént, qdb StottM
prit le parti de se réftjgier avec quel-
ques Vandales jusqu'en Mauritanie'
ou il épousa la fille d'un chef indigène;
et l'Afrique demeura enfin quelque
temps en paix (*)
Seconde sxpÉniTibN db Salo-
• MON — En 639, treizième année de soft
règne , Justinien rappela près de lui
Germain, Symmaque et Dominique^
et confia de nouveau le soin des af-
faires d'Afrique à Salomon, qui arriva
avec des renforts de troupes et d'au-
tres chefs. Il s'appliqua à purger fe
pays de tout ce qui y restait de rebel-
les et de Vandales, à fortifier les villes,
à assurer l'observation des lois,raug-
qui se distingua particulièrement aux càtés
de Germain , et dont Corippe a fait le héros
de son poème de la Johannide ; on doit donc
trouver dans ce poème quelque allusion à
la conduite glorieuse de Jean dans cette
bataille; et en effet Corippe ne manque
pas de rappeler cette circonstance dans ses
vers, où il met dans la bouche d'un officier
faisant en présence de Jean, alors maître
de la milict, le récit des précédentes guerres,
une indication précise de ce combat :
« Te quoque per médias yîdit Victoria pugnas;
« Fortis et irraptis iruucabas agmina castrii
« Ense grati , siœilique viros virtute necabas.
« Gerinauo spargeote ferum viclumque lyraanam,
« Te Cellas Vatari miro spectabat amore;
«t Te Auteiiti ssvos inactantem viderai hostes. »
Corippe, Johannide, III, 3r4-3i^.
Nous lisons dans ces vers Cellas Fatari
comme porte le manuscrit de Trivulce , et
non cultor Fatari, comme il a plu à Mazzu-
chelii de corriger.
La Table Peutingérienne nous avait déjà
révélé Texisteuce et fait connaître la situa-
tion relative d*un lieu appelé ^a^ari , entre
Sicca, Théveste et Cirta, de manière à en
assurer la position à quelques milles dans
le sud de Tipasa, aujourd'hui Tyfèsch. C'est
là qu'a eu lieu la bataille décrite en détail
par Procope. Mais les vers de Corippe nous
indiquent encore une autre affaire, dont
Procope ne dit rien , qui eut lieu à Auten-
tum près de Suffetula.
(*) Cette paix est décrite avec beaucoup
de charme dans les vers de Corippe, très-
remarquables pour l'âge de décadence com-
plète où ils furent écrits; ils nous appren-
nent aussi qu'au milieu de cette p&ix sur-
vint une épidémie.
Digitized by VjOOQIC
ÀFKKÏBE AïfCIENNE.
Ml
|MtttatipB des revenu^, et la {Nrospéri^
jwblique. Fuis il résolut udc expédi-
tion contre laudas et les Maures de
r Aurasipn ; son avant^garde vint cam-
peir sur Jes bords de TAbigas, auprès
de la vHle abandonnée de Basai, où
les ^laares , par des barrages , reurent
bientôt inondée : niab Tarrivée de Sa-
lomon les refoule vers les montagnes,
en un lieu appelé Babôsis, où il vient
les mettre en déroute ; une partie se
retire en Mauritanie j une autre chez
les barbare^ du Sud. laudas, ayant
encore vingt mille hommes , va établir
une forte garnison dans le château de
Zervoula {*) , et gagnant lui-même le
haut des montagnes, il s'établit au
milieu des rochers , sur un point en-
touré de pentes abruptes , en un Heu
appelé Toumar, pendant que ses fem-
mes 0t sesi trésors sont renfermés,
sous la garde d'un vieux guerrier, dans
uniB tour écartée , anciennement bâtie
à la cime d'un pic isolé appelé la
Pierre de Géminien ; mais Salomon ,
après être allé fourrager dans les
jQhamps de Tamougadis, ^'empare de
Zervoula, force laudas dans sa re-
traite de Toumar, et enlève la tour de
Géminien. laMdas, blessé lui-même,
se sauve en Mauritanie. Alors Salo-
mpn établit à demeure des postes for-
tifiés dans TAurasion , et chassant Jes
Maures de toute la Numidie, il alla,
ditProcopC) soumettre le canton de
Zaba , au delà de FAurasion , appar-
tenant à la première Mauritanie, dont
la métropole était Sitifis. Césarée était
la capitale de l'autre Mauritanie, sou-
mise tout entière au prince maure
Mastigas, à la seule exception de Cé-
sarée elle-même , où les vainqueurs ne
3;
{*) Procope rappelle ZepêouXT) , qui de-
vait se prononcer ZervouU; Gorippe la nom-
me Zerquilis, à côté de Geminam petram,
[ui esl évidemment la nérpicv FeiAiviavou
le Procope : la synonymie de Zerquilis avec
Z£p6ouXY) est donc certaine, et assure cc^
que la àa{;acité de M. Dureau de ta Malle
avait devinée entre ZepëouXY] et Zerqelah
des géographes arabes. Le même savant a
iftignaié avec la métae justesse Tidentité de
Toumar et Petrâ Gemihianl avec Tov^iidl^
et np(t(ftVdt d6 Ptdlémée;
pouvai^t en eonsé^pienoe H rendre
que par mer.
Justinien ayant , en ^3 , donné le
commandement de la Tripiolitaiivp à
Sergius neveu de Salomon , en nvSme
temps qu'il accordait la Pentapole à
Cyrus frère du premier, il y eut an
soulèvement général des Maures Léva-
thes , par suite du massacre de quel-
{fues-uns des leurs à Leptis Magna^ et
les deux frères fïirent obligés de se
sauver auprès de leur oncle. Les in-
surgés entrèrent dans le Byzacium,
où Us trouvèrent Antalas tout disposé
à faire avec eux cause commune ; car,
à la suite de quelques troubles , Salo-
mon avait puni de mort son frère
Guarizilas, et supprimé la pensioi»
annuelle d* Antalas lui-même. Salomon
marcha à leur rencontre , et leur livra,
près de Théveste , un combat o^ il
périt; et les Lévathes s'avancèrent
jusqu'à Laribus , qui se racheta d'un
siège par une contribution en argent.
Expédition de Sebgius et Aaiô-
binde; usurpation de Oontha-
BIS DEJOUEE PAH ARTABAN. — Scr-
gius succéda à son oncle dans le
commandement , et se ût détester de
tous par sa hauteur, si bien que les
chefs de Tàrmée ne se souciaient point
de lui obéir, tandis que les Maures ,
ayant appelé à eux le rebelle Stotzas,
se montraient plus formidables que
jamais. Le duc de la Byzacène, Himé-
rios, ayant été pris dans une embus-
cade à Ménéfésis( entre Suffétula et
Théveste) , ils en profitèrent pour al-
ler s'emparer par ruse d'Adrumète,
qu'une autre ruse ne tarda pas à leur
enlever.
L'empereur envoya le sénateur Ario-
binde partager avec Seirgius le com-
mandement militaire des provinces de
l'Afrique, lui donnant à cet effet quel-
ques officiers et un petit nombre de
nouvelles troupes pour continuer la
guerre en Byzacène pendant que Ser-
gius la ferait en Numidie. Athanase
fut envoyé en même temps comme
préfet du prétoire ; mais on conçoit
que cette haute magistrature civile
était alors presque effacée au milieu
dutumulte des armes. AHobinde ayattt
Digitized by VjOOQIC
9S2
L1JNIVERI?,
appris que les ^nemis étaient campés
près de Sicca-Vénéria , envoya contre
eux un de ses lieutenants , qui les at-
taqua dans le port ou défilé deTacia (*),
tua Stotzas, et fut tué lui-même, au
milieu d'une défaite que le concours
de Sergius aurait emnéchée: iVmpe-
reur alors rappela ennn ce jeune pré-
somptueux. Gontharis, chef des trou-
pes de la Numidie , eut Tambition de
se substituer à la fois à Sergius et à
Ariobinde, en se liguant secrètement
avec les Maures , et il ameuta laudas
et Coutzinas contre Carthage, en mê-
me temps qu'Antalas s'y portait avec
le rebelle Jean^ que les soldats de
Stotzas avaient élu pour chef. Ario-
binde rappela aussitôt près de lui tous
ses généraux, et s'efforça de désunir
les chefs maures par des négociations
secrètes. Gontharis devenu nécessaire
à Carthage , y leva le masque , fit mas-
sacrer Ariobinde, et se saisit ainsi
du pouvoir; Jean et les soldats de
Stotzas , ainsi que le maure Coutzi-
nas , vinrent se joindre à lui , tandis
qu'Antatas prit le parti de se réunir
aux troupes de la byzacène restées fi-
dèles dans Adrumète sous leur duc
Marcentius; mais Tarsacide Artaban,
d'accord avec le préfet Athanase que
Gontharis avait dédaigné de frapper,
fit assassiner le rebelle par un de ses
Arméniens, trente- six jours après son
usurpation , et rendit ainsi Carthage
à l'empereur, qui l'en récompensa en
le nommant lui-même stratège ou maî-
tre de la milice d'Afrique (**). Mais
Tamour peut-être entrait pour une
part dans la conduite d'Artaban , et
en sacrifiant Gontharis c'est d'un ri-
val qu*il s'était défait ; peut-être Gon-
tharis lui-même n'était-il devenu cri-
minel que pour rompre le nœud qui
unissait comme épouse à Ariobinde la
jeune Préjecte nièce de Justinien, à
la main de laquelle il prétendit aussi-
tôt ; Artaban fut plus heureux, et de-
(*) Procope parle du défilé sans le nom-
mer ; mais le chroniqueur Jean de Valclara
nous fournit une indication précise.
(**) En la i9« année du règne de Justi-
nien, c*est-à-dire en 545.
manda son rappel pour l'allfer retrod-
ver à Constantinople , où fl devint
maître de la milice de la garde.
Expédition de Jean Troglita.
—Ce fut alors Jean Troglita que l'em-
pereur nomma stratège d'Afrique ; il
vint débarquer à Caput-Vada comme
Bélisaire , et après avoir réuni à Car-
thage les troupes d'Afrique, celles
qu'il amenait , et les Maures de Cou-
tzinas qu'une pension annuelle atta-
chait alors à l'empire , il courut dans
la Byzacène , à l'endroit autrefois ap-
pelé le Camp d'Antoine (*), remporta
sur Antalas et ses confédérés une vic-
toire complète, et retourna triom-
phant à Carthage. Mais une ligue for-
midable s'étant formée des Maures de
la Tripolitaine avec ceux de la Byza-
cène , il réunit de nouveau ses troupes
et ses alliés pour marcher à l'ennemi
avant qu'il eut envahi cette dernière
f)rovince. Au bruit de son approche ,
es Lévathes , qui étaient déjà sur la
frontière^ rebroussent chemin et s'en-
foncent dans le désert de Gadaïas , où
Jean Troglita les suit sans pouvoir les
atteindre. Le manque d'eau et de vi-
vres le rappelle vers la côte, où il
reçoit les soumissions de quelques tri-
bus ; puis il se porte vers les collines
de Gallica pour couper le chemin aux
ennemis , que la soif ramenait sur les
bords d'un fleuve, où il les devance
avec quelques troupes : le combat
s'engage avant que les Romains eus-
sent assis leur camp; ils sont défaits,
et Jean Troglita est obligé de se re-
plier sur une petite ville, puis de re-
gagner Vinci, où son armée s'était
ralliée et Fattendaît; de là il renvoie
ses troupes se refaire dans leurs quar-
tiers , et lui-même prenant la route du
littoral, ne s'en écarte plus que pour
gagner Laribus, où il donne rendez-
vous à tout son monde pour une nou-
velle expédition (**),
(*) « Jamqoe per extensos properans exercitns agros
«Byzacii, carpebat iter quà jintonim Castra
« Mouline dictus avis locus est. »
GoRiPPE , Johannide, 1 , 460.
(**) Toute cetle campagne est résumée
par Procope en ces mots : « Les Lévathes
«( venant de la Tripolitaine avec une grande
Digitized by (o^OOÇlC
AFRIQUE ANaËNNE.
Ayant bientôt réuni les troupes et
les munitions nécessaires , et un ren-
« armée, entrèrent dans la Byzacène et se
« réunirent à Antalas ; Jean ayant marché
« contre eux fut vaincu , perdit beaucoup
« de monde , et se réfugia à Laribus. » Go-
rippe au contraire nous fait un long récit,'
où ne se trouvent malheureusement qu'en
fort petit nombre les désignations préci«e8
nécessaires pour la détermination des loca-
lités ; et Saint-JVlartin les a même négligées
dans son analyse du poëme ; nous avons au
contraire soigneusement relevé ces faibles
indices, que certaines corrections hasar-
dées par Mazzuchelli et répétées par le se-
cond éditeur, M. Emmanuel Bekker, ren-
daient plus difficiles à saisir, en transportant
dans la Tingitane ce qui regarde exclusi-
vement la Tripolitaine , bien que la leçon
du manuscrit se prêtât mieux à la restitu-
tion plus naturelle que nous avons adoptée.
Ainsi, quand la renonimée fait connaître
aux Maures l'approche de Jean Troglita
avec tous ses ducs, ce n'est point Abvlœ
Tingensis ad arva qu'elle peut raisonnable-
ment aller, mais bien
« Lag^uatan çentis ad oras
«Improba teudit iter. Fines jàin raptor iniquas
« Byzacii vastabat eques : sic pectora rumor
« Nominis incatiens magnâ virtute Johannis
« Terrait, innumeras acies post terga reflexit.
« Siccas superare Gadaias
« Nec dubitant.tristesque locos, quts nallus eandi
« Vivendique iiy>dus. »
Gadaïas ne s'identifie ni à Cydamus ou Ga-
dames , ni à Gadabis qui est vers Leptis la
Grande ; mais c'est évidemment dans les
mêmes cantons que la position en doit être
cherchée. Quand les Romains sont revenus
à la côte,
« tanc maie fida Latinis
<c Urcelianm manos Romanis addita fatis.
<( Subjicit ipsa... sese
« jistricum gens ctara Tirûra. »
Puis lorsque Jean Troglita va couper aux
ennemis le chemin du fleuve,
« Infandum carpebat iter, collesque malignos
« Trîstis et infaostosmonstrabat 6^a//ica campos. »
Dans un autre passage, le nom est écrit Gai-
lida; mais l'ime ni l'autre forme ne nous
rappdle un point déjà connu. Après la dé-
faite
(c Successit parrœ defessns mœnilms nrbis.
« Inde peteus Vinei Romaoum contrahitagmen.»
Tinci ne nous est pas plus connu que Ga-
daïas, que Galfida, que les Urcéliens et les
253
fort considérable de Maures alliés , il
se remit en campagne. Les ennemis
s'étaient avancés jusqu'aux frontières
de la Byzacène, et dévastaient le plat
pays autour de Mamma; à la nouvelle
de son approche, ils se retirèrent au
désert pour qu'il s'y engageât encore
à leur poursuite , et s'éloignèrent jus-
qu'à une distance de dix journées. Jean
Troglita ayant envoyé reconnaître leur
position, s'avança jusqu'à la ville de
Vinci auprès de laquelle ils étaient
campés sur le bord de la mer, et pen-
dant que les Maures se retiraient de-
vant lui sur les hauteurs , il occupa le
rivage, dont il fit rentrer tous les bâ-
timents dans 16 port de Lariscum ;
puis il s'avança encore jusqu'en un
lieu appelé le Camp de Caton (où
sans doute s'était jadis arrêté ce grand
homme lorsqu'il ramena par terre les
restes de Farmée des Pompéiens de-
puis Cyrène jusqu'à Utique). C'est là
qu'ayant habilement attiré les enne-
mis dans la plaine , Jean Troglita leur
livra une sanglante bataille , où leur
perte fut énorme (*); ils y perdirent,
suivant Jôrnandès, dix-sept chefs de
tribus , et demeurèrent complètement
écrasés. Après avoir ainsi terminé la
guerre, Jean Troglita rentra triom-
phant à Carthage, et s'appliqua à faire
jouir l'Afrique des bienfaits d'une paix
profonde.
A.strices; nous savons seulement que c'est
une ville soumise aux Romains , non loin
de' la mer, à plusieurs journées au delà des
limites de la Byzacène.
(*) La victoire de Jean Troglita fut rem-
portée dans les mêmes lieux où il avait
éprouvé une défaite ; outre le voisinage de
la ville de Vinci , ,qui est déjà un repère
significatif, le Camp de Caton est lui-même
indiqué dans le récit antérieurement fait
par Corippe de celte défaite si bien racbe-
tée, par cette allusion mise dans la bouche
de son héros :
« Magnoqne Calone secnndmn
M Me tentasse legent. »
En supposant que les trois campagnes de
Jean Troglita ne se soient succédé que d'an-
née en année , la guerre aurait été terminée
en 548 au plus. tard.
Digitizeà by VjOOQIC
Édifices ^, J^tiVik» en 4frique,
Alors sans doute s'achevèrent les
ouvrages entrepris par Bélisaire et
continués par Salonion pour la sûreté
et l'enibeliissement des villes. Proco-
pe, en nous racontant au sixième livre
de ses Édiflces les constructions faites
sous le nom de Justinien dans le res-
sort de la préfecture d'Afrique , nous
fait apprécier l'étendue des travaux
qui y turent exécutés. Il est intéres-
sant de jeter, sous ce point de vue ,
un coup d'oeil rapide sur les indica-
tions de l'historien courtisan.
Édifices de la. ïhipolitaine.
— « La Tripolitaine, voisine des Syr-
tes, a pour habitants des Maures bar-
bares d'origine phénicienne. Là est
aussi la ville de Kidamè, peuplée de
Maures dès longtemps alliés des Ro-
mains, et qui se sont aisément laissé
persuader par Justinien d'embrasser
le christianisme: on les appelle Paca/i,
pacifiés, à cause de la paix où ils se
maintiennent vis-à-vis des Romains.
La ville de Lepti-Magna, autrefois
grande et peuplée, est devenue ensuite
presque déserte, et le sable Ta envahie :
Justinien en a relevé les murs depuis
les fondements, mais sur une étendue
bien moindre que l'ancienne enceinte:
il a laissé dans Tétat où elle était la
portion de la ville ensevelie sous les
sables, et il a entouré de fortes mu-
railles la partie restante : U y a fait
construire un fort beau temple sou$
l'invocation de la Vierge, et quatre au-
tres églises; il a restauré Tancien pa-
lais de Septime Sévère , gui ét^it né
dans cette ville et y avait Caisse ce mo-
nument de son élévation. Peu après
Favénement de Justinien , et avant la
guerre de Bélisaire, des Maures bar-
bares, appelés Leucathes, ayant chasse
les dominateurs vandales de tepti-
Magna, l'a valent désolée complètement.
Justinien l'a décorée encore de bains
publics et d'autres édifices. Quant aux
barbares d'alentour , appelés Gadabi-
tains , qui professaient le paganisme
grec, il les a complètement convertis
au ctiristidoiçme. XI a aussi fortifié I4
yiile de Sabaratba, et j. a bâti une.
belle égli^. A Textrémité 4f |j^ infime
plage sont les deux villes de T?ca|i^
et de Girgis , entre lesquelles est la
pçtite Syrte.
]f D,IFIGBS BB l'AeRXQUE IPBOPAE.
7r« Après la ']('ripoUtaine et les Syrtes
i^ient le reste dQ l'Afrique. Les Vaa-
dates, devenus maîtres du pys, avaient
pensé qu'il convenait à leur^ intérêts
de démanteler toutes les fklaces, de
peur que les Roraams venant à s'en
emparer n'en tirassent avantage contre
eux ; ils épargnèrent les murs de Car-
thage et de quelques autres villes,
mais les laissèrent se dégrader par dé-
faut d'entretien: Justinien, après avoir
arraché l'Afrique aux Vandales, non-
Sçulement releva les forteressf-s détrui-
ses, mais en construisit çn outré plu-
sie^rs nouvelles. Et d'abord, s'occupant
de Carthage, appelée aujourd'hui à bon
droit Justinienne, il en restaura com-
piétement les murailles, et la ceignit
d'un fossé neuf; il érigea dans le pa-
lais une chapelle à la Vierge, et hors
du palais une autre à sainte Prime qui
est Tune des saintes indigènes ; il fit
construire des portiques des deux cô-
tés dçi la place dite de la Marine, et
de très-beaux bains publics que l'on a
S^ppelés Tbéodoriens du nom de Fim-
èeratrice; il a en outre bâti sur le
bord de la mer, près du port appelé
Mk^r^'drâcion , un monastère si bien
Ç)rti(ié, qu'il en a fait un château inex-
p^ù§na|l)le : voilà les édifices dont Jus-
Ûfliçn a doté la nouvelle. Carthage.
Bans la contrée environnante, qu'on
appelle PJTOConsulaire, la ville de Vaga
se trouvait sans murailles, au point
que les barbares auraient pu la pren-
dre sans effort et pour ainsi dire en
Ç.aj»sant : Justinien l'a fortifiée de ma-
nière a offrir de véritables moyens de
défense à ses habitants, qui par re-
connaissance ont donné à leur ville,
en rUonneur de l'impératrice, le nom
de Théodoriade ; il a érigé aussi dans
le même canton le château appela ;
Toucca.
ËniFIGSa D£ I.A ByZÂGBNB. —
« Dans le Byzacium, la ville d'Adra-
myte, sur la côte, autrefois grande el
peuplée, avait le rang et k Utce dft
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE -^LWGIENNE.
m
flp^tv^^^ d^ U contrée , tant à cause
dé son étendue que cIq soo heureuse
position; lesVandalesen avaient abattu
les murs pour que les Romains ne
IHissent s'y retrancher, çt elle deoneu-
rait exposée aux courses des Maures ;
les habitants avaient, pour leur propre
sûreté, relié entre elles et fortifié leurs
maisons contre les agressions du de-
hors; mais dans une telle situation
leur ^àtut ne tenait pour ainsi dire
qu'à un fil, car les Maures les harce-
kient, et les Vandales ne prenaient
nui souci de ie$ défendre. Mais Justi-
nien devenu maître de l'Afrique, a en-
touré la place de fortes murailles et y
a niis uue garnison sufûsante pour
rassurer les habitants contre toute es-
pèce d'ennemis; aussi appellent -ils
également aujourd'hui cette ville Jus-
tinienne en témoignage, de leur grati-
tude pour les bienfaits du prince ; seul
témoignage en effet qu'ils pussent lui
donner ft qu'il voulût accepter.
« Sur. la cote de la Byzacène était
un lieu appelé Capoudvada par les in-
digènes : c'est là qu'avait abordé la
flotte impériale lors de l'expédition
contre Gélimei: et lès Vandales, et
Pieu y avait admirablement fait con-
naître sa bienveillance pour notre mo-
narque en faisant naître dans ce lieu
aride , où l'armée romaine souffrait
beaucoup du manque d'eau, une source
qui jaillit tout à coup sous la pioche
des soldats, du sein d'une terre jus-
qu'alors desséchée; en sorte qu'après
avoir trouvé là un campement favora-
ble, Us purent le lendemain s'élancer
vigoureusement à la conquête de l'A-
frique. Aussi Justinien, pour consa-
crer d'une façon durable le souvenir,
de ce divin bienfait, ordonna aussitôt
la fondation d'une belle et forte ville,
dont il traça le plan; elle a été bâtie
en effet , entourée de murs , et son
e^isten^e a changé la face de ce can-
ton, car les habitants se sont civilisés,
ont pris l'habitude de venir tous les
jours au forum, de délibérer de leurs
. affaires dans des assemblées, d'établir
dies marchés, de faire en un mot tout
G$. qui se pratique dans les cités :'
¥9il4 (^ que Ji^tiAi§n a fait siir le lit-
toral du ByzacLUOQi. Dans l'intérieur,
sur les limites de la province habitées
Sar des JVlaures barbares, il a établi
e$ postes fortifiés, eu sorte qu'ils ne
peuvent pli^s faire d'incursions sur le
territoire romain; car après avoir en-
tquré de fortesi murailles les ville*
frontières de Mamma', Télepte, Kou-
Ipulis, et le château que les indigènes
appellent Ammétéra , il y a mis de
bonnes garnisons.
Édifices de la. Numidie. — « Il
a de même pourvu à la sûreté de la
TÏumîdie pardeç postes fortifiés et des
garnisons, ainsi que je vais l'expo-
ser. Dans cette province se trouve
le mont Aurasion , qui n'a pas son
pareil au monde, car il s'élève abrup-
tement à une grande hauteur, et n^a
guère moins de trois journées de cir-
cuit; l'abord en est très-difficile, et
l'on n'y peut monter qu'à travers des
précipices; mais le sommet en est plat,
d'un parcours facile, couvert de prai-
ries, de vergers et de bosquets odori-
férants, de sources limpides, de ruis-
seaux paisibles , et chose surprenante,
les moissons et les fruits n'y sont pas
moins beaux que dans le reste de 1 A-
frique : tel est le mont Aurasion. Les
Vandales s'en étant emparés au com-
mencement de leur occupation, les
Maures s'y établirent après le leur
avoir enlevé, jusqu'à ce que Justinien
les en avant chassés, l'a réuni au do-
maine de l'empire; et aOn d'en^pêcher
qu'il ne retombe au pouvoir des bar-
bares, il a fortifié les villes d'alentour,
qu'il avait trouvées désertes et dé-
mantelées : de plus il y a placé deux
cliâteaux avec des garnisons suffisantes
pour ôter aux barbares du voisinage
tout espoir de jamais reprendre TAu-
rasion. Il a éplement mis en état de
défense les villes situées dans le reste
de la Numidie.
Édifices en Sabdâigbts et a
Sbpta.— « Dans l'île de Sardôs qu'on
appelle maintenant Sardinia , est une
ville nommée par les Romains le Châ-
teau de Trajan ; Justinien l'a ceinte de
murailles et de fortifications, dont elle
était aupî^ravant dépourvue.
« yers les colonnes d'Hère!^, sur
Digitized by
Google
256
L'UNIVERS.
le rivage africain , était autrefois un
fort appelé Septon , construit par les
Romains à une époque antérieure, et
croulant de vétusté par suite de Tin-
curie des Vandales : Justinien Ta en-
touré de bonnes murailles , y a mis
une forte garnison, et y a bâti une
belle église à la Vierge. Comme c'est
là que commencent ses États, il a fait
en sorte que cette forteresse soit inex-
pugnable. »
Dernière période de la domination
byzantine.
Prolongation de là pàtx. —
Après quinze années de profonde
paix, une faute analogue à celle qui
avait causé la révolte d'Antalas vint de
nouveau troubler TAfrique. Le préfet
du prétoire Jean Rogathinus voulut
supprimer les coututnes annuelles qui
étaient payées au maure Coutzinas
comme prix de sa fidélité , et il fit as-
sassiner ce chef dans Carthage quand
il y vint pour les réclamer (*); ses fils
s'insurgèrent aussitôt, ne respirant que
la vengeance, et se mirent à dévaster
le pays : Justinien fut obligé d'en-
voyer, avec des troupes, pour rétablir
la tranquillité, son neveu Marcien maî-
tre de la milice , auquel ils se scumi-
renfrç et la paix fut ainsi de nouveau
assurée pendant quelques années.
C'est peu de temps après sans doute
que fut nommé préfet du prétoire
d'Afrique, Thomas, célébré dans quel-
ques vers de Corippe comme le res-
taurateur de l'Afrique déchue, dont la
sagesse avait plus fait pouria soumis-
sion des indigènes que d'autres n'a-
vaient pu faire par les armes (**) ; de
tels résultats ne s'improvisent point,
et déjà Thomas les avait obtenus au
commencement du règne de Justin le
jeune. Une inscription lapidaire, en-
core encastrée dans les murs de l'an-
cien Tubursicum-Bure , aujourd'hui
(*) Le 20 décembre 56a.
(**) « Et Thomas Libycac nutantis destina terrx ,
«c Qui lapsain statuit , vilae spem reddidil Afris,
« Pacem composait, beUum sine milite pressit,
« Vicit consiliis quos nullus vicerat annis. »
Go&xppK , Louang, de Jtistin, I, i8-ai.
Teberseq, déclare que ces murs ont été
bâtis pas ses soins :
SALVIS DOMINIS M0STR1S XmSTlANISSlMlS
ET mvicnssiMis imperatoribvs
IVSTINO ET SOFIA AVGVSTI8 HANC MVNmONEM
TOMAS EXGELLBNTISSIMVS PBAEFECTVS FELI-
CITER AEDinCAVlT.
«Sous le règne de nos seigneurs très-
« chrétiens et invincibles empereurs Justin
« et Sophie , augustes , cette fortification a
« été bâtie par le très-excellent préfet Tho-
« mas. 1*
A cette époque aussi les Garamantes
demandèrent d'être reçus dans l'al-
liance de l'empire et dans la foi chré-
fienne,cequi leur fut aussitôt accordé.
Nouvelles insurrections des
Maures. — Les guerres que la sa-
gesse du préfet Thomas avait étouf-
fées sans recourir aux armes devaient
éclater plus cruelles sous ses suc-
cesseurs moins conciliants et moins
habiles que lui. A la tête des Mau-
res se trouvait un homme d'une
grande énergie que malheureusement
nous ne connaissons que par les an-
notations si brèves et si sèches des
chroniques de ce temps. Jean de Val-
clara seul nous parle du farouche Gas-
mul; quatre fois il nous entretient
de ses sanglantes prouesses contre les
Romains, et tout ce qu'il en dit se
trouve contenu dans ces froides an-
nales de quelques lignes : « En 568
« Théodore préfet d'Afrique est tué
« par les Maures; — en 569 Théoctiste
« maître de la milice des provinces
« africaines est défait et tué par les
« Maures; — en 570 Amabilis maître
« de la milice d'Afrique est tué par les
« Maures ; — en 577 Gennadius maître
« de la milice en Afrique châtie les
rf\Maures : il bat' le puissant roi Gas-
« mul, qui déjà avait tué les trois
« commandants sus-nommés de Far-
« mée romaine, et il frappe de son
« glaive ce roi lui-même. » Que de
faits intéressants pour l'histoire de
l'Afrique se trouvent ensevelis sous ce
peu de mots !
Plus tard Gennadius eut le titre de
préfet du prétoire ou comme on disait
alors à'exarqne d'Afrique; les Maures
voulurent tenter encore une insurrec-
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
PLAJ>î^ DE CARTHAGK ET DE JLA PENINSULE.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE ANCIEINNE.
tion générale (*)^ et ils marchèrent sur
Carthage avec des forces redoutables ,
auxquelles Gennadius n'avait pas de
troupes suffisantes à opposer ; mais
l'administrateur d'alors se montra
aussi habile que le général s'était
montré brave autrefois ; il les amusa
par une déférence simulée pour tou-
tes Jeurs exigences, et pendant que sa-
àsfaits de cette facile victoire ils se
livraient aux festins et à la boisson, il
l^s surprit, les tailla en pièces, et dis-
sipa ainsi cet orage qui avait paru si
menaçant.
L'Afriqub est envahie par les
Saebasins. — A Gennadius succéda,
cm l'année 600, Innocentius, connu par
les lettres du pape saint Grégoire le
Grand, dont il était l'ami; et Innocen-
tius à son tour fut remplacé, en l'année
603, par le comte Héraclius, avec son
frèr&Grégoras [K)ur lieutenant ou pour
collègue : on sait qu'à l'instigation des
principaux personnages de la cour de
Phocas, les deux frères envoyèrent
leurs fils Héraclius et Nicétas, le pre-
mier avec une flotte, le second avec
une armée, pour enlever l'empire au
tyran, et que le jeune Héraclius, ar-
nvé à Constantinople le 4 octobre 610,
y était^ proclamé empereur le lende-
main : triste fortune , qu'il ne tarda
point à regretter, et qu'il aurait volon-
tiers quittée quelques années après
pour revenir à Carthage près de son
père, si les Byzantins n'y eussent mis
obstacle en exigeant de lui le serment
solennel de ne les point abandonner.
L'empire d'Orient s'en allait afors
par lambeaux, et périssait sous l'é-
treinte des peuples de l'Asie, conmie
Pempire d'Occident avait péri sous
l'étreinte des barbares du Nord : et
cette Afrique, où Héraclius avait pensé
trouver un dernier refuge, il eut la
douleur de la voir entamée par les
conquérants sarrasins ; quand ils eu-
rent pris Damas , l'empereur écrivit ,
dit-on, à Pierre qui commandait en
liiFumidie, pour l'appeler à la défense de
l'Egypte; mais l'Egypte était déjà oc-
cupée et Alexandrie assiégée avant
. (*).Ëa l'année. 597. ...
367
qu'Héraclius eût fermé les yeux. Cinq
ans après, l'exarque d'Afrique, le pa-
trice Grégoire, ne craignait pas de se
déclarer indépendant dans son gou-
vernement; et Tannée suivante il pé-
rissait lui-même sous les coups des
Sarrasins , qui avalent déjà envahi la
majeure partie de l'Afrique et la sou-
mirent dès lors au tribut. L'établisse-
ment de leur domination imprimait à
cette région une face toute nouvelle ;
et quelque persistance que l'on veuille
supposer à certains éléments, à cer-
tains caractères des populations sub-
juguées et du sol envahi, cette con-
quête néanmoins opérait une trans-
formation profonde , dans laquelle
disparaissait sans retour l'Afrique an-
cienne, dont l'histoire se termine donc
ici.
EÉSUMÉ.
Nous venons de parcourir tout d'une
haleine l'histoire des révolutions po-
litiques et territoriales de l'Afrique
ancienne, depuis les temps primitifs
jusqu'à la conquête musulmane, qui en
marque le terme ; mais quelque rapide
qu'ait été notre course , trop de dé-
tails encore ont dû passer devant nos
yeux pour qu'il n'y ait point utilité de
récapituler, à un point de vue d'en-
semble, les principales phases sous
lesquelles s'est montrée à nous suc-
cessivement la région d^Afrique, à
mesure que les bouleversements poli-
tiques y ont changé la distribution des
états ou des provmces.
PÉBIODE d'indépendance PRIMI-
TIVE.— A une époque primordiale,
dont la chronologie n'a point mesuré
l'éloignement, une zone ininterrompue
de peuples libyens occupe toute la
plage littorale.
En arrière de cette zone , les Gétu-
les à l'ouest , les Garamantes à l'est ,
forment une seconde assise, après la-
quelle sont les Éthiopiens jusqu'à des
profondeurs inconnues. Mais ces plans
éloignés du tableau restent invariables
pour nous; le devant de la scène
éprouve seul les variations dont l'his-
toire s'est occupée.
17'' Livraison, (Afbique ancienne.)
17
Digitized by VjOOQIC
m
wm^Ms^
A une seconde époque, fort reculée
aussi dans la nuit des temps, les
Maures et les Pïumides ont remplacé
les Libyens dans la partie occidentale
de leurs possessions^ les premiers de«^
puis rOcéan jusqu'à une limite que
nous croyons devoir placer au fleuve
Malua, les seconds depuis ce fleuve
jusqu'à une autre limite que nous
supposons au fleuve Tusoa ; les Libyens
ne conservant que la plage qui s'étend
à Test de celui-ci.
Pebiode punique. — L'établisse-
ment des colonies puniques vient chan-
ger cet état de choses; U tique ^ Car-
thage et les Ëmporia , implantées sur
la c^te libyenne , forment une chaîne
de plus en plus étendue, (jui domine
le pays, ou en interdit l'accès aux peu-
ples étrangers. Deux phases distinO'»
tes sont constatées à cet égard par le
premier et le second traité de Carthage
avec Rome , qui se rapportent à l'an
^^ et à Tan 362 avant notre ère. Dans
le premier cas, les villes puniques
n'ont que leur propre territoire avec
le monopole du commerce sur la cote
au sud au Kalon-Akrotérion ; dans le
«econd cas, Carthage, arrivée à l'apo-
gée de $a grandeur, est devenue maî-
tresse des pays libyens, et se réserve
le monopole du commerce sur tout le
reste de la côte africaine.
Un peu avant la deuxième guerre
punique, le domaine libyen de Car-
thage se trouve entamé par les con-
quêtes de Gala, roi des Numides Mas-
avliéens, occupant le pays entre les
fleuves Tusca et Ampsagas , avecHip-
pone pour capitale , tandis que le reste
de la Numidie, appartenant aux Mas-
sésyliens, avait pour roi Syphax, dont
la capitale fut d'abord Siga , y mais qui
transporta sa résidence à Cirta après
avoir agrandi vers l'est ses états aux
dépens des Massyliéens.
Après la deuxième guerre punique,
terminée par un traité l'an 201 avant
notre ère, des changements notables
se sont opérés ; le domaine de Carthage
eomprend encore la Zeugitane et la
Byzacène, depuis le fleuve Tusca jus-
ou'à la petite Syrte; mais il est pressé
de tous côtés par les états de Massi-
nissa, qui d'une part fouchent à la
Cyrénaïque et de l'autre vont peut-
être jusqu'à Saldes, ayant à Touest les
états deVermina, qui se prolongent
au couchant jusqu'au Malua ou au
Molochat, limite de la Mauritanie*
Mais bientôt les envahissements de
Massinissa viennent amoindrir de plus
en plus les possessions carthaginoises,
à ce point qu'au commencement de la
troisième guerre punique, l'an 150
avant potre ère, Carthage n'a plus
qu'un territoire restreint entre Hip-
pone-Diarrhyte et la presqu'île du cap
d'Hermès , tandis que la Numidie s'est
agrandie de tout le reste, et s'étend
au couchant jusqu'au fleuve Mulucha,
où s'avance alors la Mauritanie.
Après la guerre , Carthage est dé-;
truite, et le territoire qu'elle avait
jusqu'alors gardé est désormais sou- n
rais aux Romains, dont le préteur
siège à Utique.
PÉRIODE ROBfAiNB. — C'cst main-
tenant sur la Numidie (jue notre at-
tention est appelée. Apres la mort de
Micipsa , il semble qu'il en eût ét^fait
une division tripartite eqtre Adherbal
régnant à Cirta, Hiemsal régr^aut à
Thimida, et Jugurtha, dont nous ne '
connaissons pas la ville royale; il est
du moins certain qu'après l'assassinat
de Hiemsal, il y, eut un partage effec-
tif entre Adherbal et Jugurtha^ le pre-
mier ayant toute la Numidie orientale
avec la ville de Cirta, l'autre la Numi-
die occidentale jusqu'au Mulucha. La
limite intermédiaire paraît avoir été à
la hauteur de Saldes, et l'on peut pré-
sumer que le territoire d' Adherbal re^
présentait son lot primitif , augmenté
de celui de son frère Hiemsal ; mais
bientôt il est dépouillé lui-même, et
Jugurtha se trouve maître de tout
l'ancien royaume de Massinissa et de
Micipsa.
Les Romains vinrent renverser cet
état de choses. Après la chute de Ju«
gurtha, Tan 104 avant notre ère, le
roi de Mauritanie Bocchus paraît éten*
dre ses limites jusqu'à Saldes , l'Afri-
que romaine agrandit probablement
les siennes jusqu'à Sicca et au fleuve
Tusca, et le reste forme les états du
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE AUQEI^xNE.
259
roi numide Gauda. La succession de
celui-ci est ensuite possédée par Hiern-
sal dont la capitale est peut-être
Zaraa, par Hiarbas qui siège à Bulla,
et par Massinissa ou Masintha à qui
appartient le territoire à Touest de
Qrta. Que le règne de Hiemsal et de
Hiarbas ait été simultané ou alterna-
tif, Hiemsal demeura seul maître de
leur double domaine, et le transmit
tout entier à Juba l'Ancien , qui con-
serva Zama pour sa capitale.
Après la guerre de Jules-César, en
Afrique , l'an 46 avant notre ère , un
nouvel ordre de choses se trouve éta-
bli : les états du roi maure Bocchus
l'Ancien étaient passés à ses enfants ,
le roi Bogud conservant l'ancienne
Mauritanie à l'ouest du Mulucha avec
Tingis pour capitale; le roi Bocchus le
Jeune, qui régnait à loi, est gratifié de
quelques cantons pris sur les états de
Masintha, dont le surplus est donné,
avec Girta, à Sittius et ses partisans ; et
la Numidie de Juba forme aux Romains
une seconde province d'Afrique, appe-
lée Nouvelle, gouvernée par un pro-
consul qui réside probablement à Zama,
tandis que l'Ancienne continue d'être
régie par un préteur siégeant à Utique.
Peu de temps après . Arabion fils de
Masintha vint reprendre à Bocchus et à
Sittius le patrimoine dont Jules-César
l'avait dépoui lié ; mais il ne tarda point
à en être expulsé par Fango lieutenant
de César-Octavien , et l'Afrique nou-
velle se trouva augmentée d'autant.
Sextius, lieutenant d'Antoine, l'en-
leva à Fango, et la rendit, avec la
province ancienne, au triumvir Lé-
pide ; puis Statilius Taurus , l'an 40
avant notre ère, reconquit Tune et
l'autre pour César. Quant aux états
maures, Bogud, entraîné dans le parti
d'Antoine , et forcé de s'aller réfugier
près de lui , laissait son royaume à
Bocchus, et celui-ci à son tour laissait
en mourant, l'an 33 avant notre ère ,
toutes ses possessions à la merci de
César. A ce moment, toute l'Afrique
était aux Romains.
L'empereur eut le bon plaisir d'en
disposer autrement , et l'an 30 ayant
notre ère un royaume de Numidie fut
rétabli pour Juba !e Jeune , tel , ce
semble , que l'avait possédé son père
Juba l'Ancien; mais cinq ans après,
revenant sur sa première décision ,
Auguste reprit à Juba la Numidie pour
l'annexer à la province romaine d'A-
frique, sous l'administration d'un pro-
consul à la nomination du sénat: et
la Mauritanie de Bocchus, depuis l'O-
céan jusqu*à Saldes, forma désormais
le royaume de Juba , qui donna à loi,
sa capitale, le surnom de Césarée.
Sous cette phase , l'Afrique ne nous
Î)résente plus que deux états parallè-
es : à l'ouest le royaume de Mau-
ritanie , à l'est la province romaine
d'Afrique depuis Saldes jusqu'à la
Cyrénaïque. L'expédition de Balbus
ajoute bientôt à celle-ci, nominalement
au moins, Cydamus et quelques can-
tons de la Phazanie.
Avec le règne de Claude , l'an 42 de
l'ère chrétienne , commence pour l'A-
frique une nouvelle organisation ter-
ritoriale : le royaume ae Mauritanie ,
devenu vacant par la meurtrière ja-
lousie de Caracalla, forme dorénavant
deux provinces régies par des procu-
rateurs, sous les noms de Tingitane
et de Césarienne , avec le fleuve Malua
pour borne commune , et l'Ampsagas
pour limite orientale; une province de
Numidie est détachée à l'ouest de celle
d'Afrique , dont elle est séparée par
le fleuve Tusca, et son chef-lieu est à
Cirta; mais l'Afrique proconsulaire
garde alors dans sa circonscription la
Byzacène et la région Syrtique, celles-ci
constituant peut-être 'déjà des subdi-
visions à chacune desquelles était pré-
posé un lieutenant du proconsul.
Maximien-Hercule, vers l'an 296,
opère le morcellement définitif de l'A-
frique en sept provinces , dont l'une ,
la Tingitane, est annexée à l'Hispanie,
tandis que les six autres, la Césarien-
ne, la Sitifienne, la Numidie, l'Afri-
que proconsulaire, la Byzacène, et la
Tripolitaine ou Sabra tane, constituent
un diocèse d'Afrique dépendant de la
préfecture du prétoire d'Italie.
PÉRIODE VANDALE.-— Un nouvcau
bouleversement «st amené par l'inva-
sion des Vandales : entrés en Mauri-
17.
Digitized by VjOOQIC
260
L'UNIVERS.
tanie en Tannée 429, ils ont déjà con-
quis en 431 tout le plat pays jusqu'à
Carthage, qui seule avec Cirta et flip-
pone résiste à leurs attaques; encore
Hippone est-elle prise en 432. Alors un
armistice provisoire, puis un traité
conclu en 435 et stipulant une trêve de
trois ans , maintiennent le statu ^ito
en attendant un arrangement déGnitif.
Mais la trêve expire avant qu'une paix
solide ait été réglée, les Vandales s'em-
parent de Cartnage, et la paix, enfin
conclue en 442 , leur assure toute la
partie orientale de h région d'Afrique,
a partir d'une limite tracée au milieu
de la Numidie entre Hippone et Cirta;
toute la partie occidentale, à partir de
cette limite, retourne aux Romains.
Mais à la mort de Valentinien le Jeune,
en 455, Giséric reprend ces provinces,
et toute l'Afrique est englobée dans le
royaume des Vandales.
Ce sont les Maures dont l'insurrec-
tion vient ensuite imprimer à l'orga-
nisation territoriale de l'Afrique une
face nouvelle. A la mort de Hunéric,
en 484, laTingitane et les districts de
l'Aurasion sont déjà perdus pour les
Vandales , et sous Trasamund , vers
l'année 500, les Maures leur ont en-
levé le reste des Mauritanies jusqu'aux
frontières de la Numidie.
Bélisaire acheva de les dépouiller.
Pebiode byzantine.— La restau-
ration byzantine nous présente enfin
la dernière phase sous laquelle se
montrent à nous les provinces de l'A-
frique ancienne ; elles sont alors tou-
tes réunies, avec la Sardaigne et les
îles voisines pour annexes , sous l'au-
torîté d'un préfet du prétoire établi
à Carthaçe; mais cette réunion n'est
que nommale pour la Tingitane, où
rempire ne possède que le fort de
Septon ou Septa, et pour la Césarien-
ne, où il ne possède que Césarée
même; néanmoins un gouverneur
consulaire et un duc y sont revêtus
des pouvoirs civils et ou commande-
ment. La Sitifienne appelée désormais
Première Mauritanie, la Numidie qui
en est voisine, et la Sardaigne, sont
gouvernées par des présidents; la
Carthaginoise, la Byzacène, et la ïri-
politaine ont des gouverneurs consu-
laires. A côté de cette administration
civile est constituée en même temps
une hiérarchie militaire, qui l'écUpse
complètement chaque fois que la tur-
bulence des Maures renouvelle la
guerre.
Puis tout cela s'efface entièrement
sous la conquête musulmane, qui
vient clore brusquement l'histoire des
temps anciens de l'Afrique.
Digitized by
Google
<%<W^%»%l»»»»*<»»<»%»'»%»»*%***'»^%<<»»^%»%*V»»^»<**^%***^*^^*^*»»^*^^*'»*'*'»^**^^**^***^^*»*****<^*»*^'»^*»*'»»»%»V»^»*
TABLE DES MATIERES.
ESQUISSE 6ÉNÉBALE DE L'AFRIQUE.
IirmoDucnoir • • . • . • i
Primièrk section : Da sol de TAfriqae • a
S I. Vue générale de l'Afrique a
DeDomiDatioDS de TAfri^ae 4
§ II. Aspect et constitution physique S
Situation , figure, étendue. .• ••• &
Dépendances • 6
IMers ambiantes, courants • ..•• 6
Yents réguliers •*•• 7
Golfes et caps. • 7
Tersants et reliefs généraux , fleuves 8
Lacs « * 8
Montagnes. »...«.....*..•.•• • 9
Plaines et terrasses. •...••.• » 9
^ III. Histoire naturelle 10
Règne minéral • 10
Constitution géognostiqne. ...•••• • 10
Oryctognosie,- ••.. «....•.•.». • 10
Climat II
Yégétation. 11
Zoologie la
Invertébrés • • i3
Poissons i3
Reptiles x3
Oiseanx 14
Mammifères • 14
SxcoRi)K SKCTioir : Des peuples africains • 16
§ I. Ethnologie africaine x6
Multiplicité des riices humaines •• x6
Grandes divisions du genre humain. .•.-..•...• 17
Classification des races africaines 18
5 IL Linguistique africaine ao
Considérations générales sur les indications linguistiques ao
Classification artificielle des langues africaines •«• ao
Langues africaines considérées sons un point de vue cohésif. ai
Langues africaines considérées sous un point de vue diacritique. sa
Écritures africaines a3
^ m. État social des peuples africains • a3
Religions de TAfrique aS
Échelle de la civilisation africaine ....••.... a4
Organiaation politique .^ • . a4
Digitized by VjOOQIC
262 TABLE
S IV. Histoire de ï Afrique a5
Traditions labaleuses , hypothèses conjecturales a 5
Indices )iistoriqnes tnr l'origine, les migrations et le^ révolutions politi-
ques des peuples nègres a6
Origine et histoire ancienne des égyptiens • 27
Origine et histoire ancienne des populations atlantiques a 8
Domination musulmane en Afrique •••• 29
Taoïsièsn sbctioit : Dd Tétude de TAMqne.i • • > •..*.»•.»..**.... 3i
§ I. Explorations et découvertes, 3i
Anciennes circumnavigations. > 3l
Connaissances des anciens sur l'intérieur de TAfrique 3a
Connaissances' géographiques des Arabes sur le continent flfricaiii ; * B4
^ Ifavigations des peuples modernes autour ^e T Afrique. «... » . . 35
Derniers voyages d'cjcptorationet de découvertes dans Tîntérienr de l'A-
frique 36
Exploration des iles africaines • 40
§ II. Distribution géographique du sol africain. 4i
Systèmes antérieurs • 4i
iLégions au sud de Téquateur 4^
l^égions an nord dé l'éqnateur • . • 4^
Iles africaines ••• , ..i .. 44
S III. Plan général de l'ouvrage^ «•••.«. « 45
Afrique ancienne. ......«......•.«...«•.^«^••«,.« i 46
Étai& barbaresqnes. •.•..•««..•..•..«..«•....^•.•»..^* 46
Egypte ancienne. ...,..«•••••,••,..,«• « k.^.... 46
Egypte moderne ; Ethiopie. . . . , « ...,,..«.. 47
Kigritie. .....,,.•«•«..,.«,., » . • « 47
Iles de TAfrique ..••••,.. «..,«••* 4S
AFBIQUi: ANCIENNE*
INTEODÎJCTION.
Situation et grandeur de l'Afrique dans le monde connu des âticiens 49
Centrées libyennes comprises dans le diàque terrestre d'Ubmère 5o
La Idbye dans le planisphère d'Hérojdote. • 5a
La Libye dans la mappemonde de Stntbon • • . 54
La Libye dans la mappemonde de Ptolémée • . 56
Étendue «t formes générales du monde conhu de Ptolémée 57
Limite des connaissances anciennes sur la côte orientale 58
Limite des connaissances atocienlies sur la côte occidentale ; . . . . 60
Limite des connaissances Anciennes dans Tintérienr. ..; ;.... 61
Connaissances géogt>aphîqaes postérieures à Ptolémée 62
Résumé des notions des anciens sur TAfrique 6a
'Limites de l'Afrique ancienne du côté d'Asie. .....; 63
Divisions géographiques de V Afrique ancienne . ; , 64
Digitized by
Google
DES MATIERES. Î63
PREMlilRB PARTIE.
LA LIBYE P&OPR]£ y COMPEBNANT I4A CTE^NAÏQUE ET LA MAEMAEIQUÊ.
g I. DfiSCRiPTJOZr • • . . . 67
I, lie sqI, , , » • i • . • • 1 67
Limites giénérales , politiqaes et physiques ; dénominations. .•.•••..... 67
Limites politiqaes de T^ncienne Libye* « 67
ïiimites naturelles on physiques « . . « 67
Dénominations diverses du pays 68
Description de la Libye supérieure ou Pentapole cyrénaïque 68
Territoire et villes de la Pentapole 68
YiUes , bourgades et autres lieux dépendants de la Pentapole. i 68
. Pfodnctions naturelles du plateau cyrénéen * 68
Description de la Libye inférieure on Marmarique è . . . • • 69
Première terrasse , au-dessDS du Grand Catabathme 69
Seconde terrasse , au-dessous du Grand Catabathme. ............. 69
a. ItCf habitants • , . . ^ • • •', 69
Description des populations indigènes au v^ siècle avant Tère vulgaire. . • 70
Adyrmachides , Giligaromes , Asbystes , Auskhises •••«•• 70
Kasamons, Psylles • .•••..* 70
Populations de rintérienr «.; .•...•4.««; 71
Mœurs et coutumes des Libyens • « 71
État des populations libyennes , depuis le premier siècle avant Jésus-Christ
jnsqu*au deuxième siècle de notre ère .» 7a
Exposé de Diodore de Sicile au premier siècle avant notre èrs 7 a
Exposé de Strabon au premier siècle de notre ère ••««•»•.* 7a
Exposé de Ptolémée au deuxième siècle de notre ère..^ •«.•....;.. 73
Résultats comparatifs des notions qui précèdent ••• 73
Modifications organiques» et déplacements subis par les diverse) tribus
. libyennes^ .»•*...•. 4 * 73
Dîmribation relative des populations snr le territoire* .••*.•• 74
S II. Histoire. 74
z*. Histoire de la fondation de Cyrène -» 74
Origine des Théréens, fondateurs de Cyrène. 74
Lés Achéfens de la Laconie» prètaie^ élément de la pOpblatioh de Théra. 74
Second élément , les Cadméens- réfugiés de Thèbes. . . -. 75
Troisième élément , les Mjniens réfugiés de Lemnos y 5
Fondation de la colonie de Tbébà; 76
• Causes de réraigratiou vers Théra et de là vers Cyrène 7 fi
■Expéditions des Théréens pour la fondation d'une colonie en Libye. ... 76
Traditions conseirées à Théra ^ première recontiaissance de Tile de
Platée 77
-Séjour de Corobios; arrivée des colons \i Platée 77
Récit des Cyrénéens; origine brétoise de Battos par sa mère 77
Battos conduit une colonie à Platée 78
- Les colons quittent Platée ^oar Axiris, et arrivent enfin à leur desti-
nation » 78
^- -Traditions diverses relatives à la fondation de Cyrène 79
' * Mythe poétique dé la nymphe de Cyrène ; 79
Récits recueilHs par un ancien dcholiaste 80
Yersion adoptée pat Thiitorien Trogue Pompé»* .' 80
Digitized by
Google
364 TABLE
Attrîbation prophétique de la possession da territoire deCyrèoe, lors
du passage des Argonautes ••• • 8t
Date probable de la fondation de Cyrène. • . . • • 8a
ft. Règne des Battiades • 8a
Enfance , développement et organisation de la colonie sous les cinq pre-
miers rois 8a
Enfance de la colonie sons les deux premiers monarques 8 a
Extension de la colonie sons le règne de Battos THenreux 83
Règne d*Ârcésilas II; dissensions politiques 83
Usurpation de Léarque, déjouée par la reine Erixo, mère de Battos III. 84
Lois données à la colonie par Démonax 85
Histoire d'Ârcésilas Kl et de Phérétime 85
Areésilas et sa mère expulsés pour avoir voulu abolir les lois de Dé-
monax 85
Areésilas rassemble des troupes et reprend possession de Cyrène 85
L» Libye ^levient tributaire des Perses 86
Areésilas est tué dans une émeute; sa mère s'adresse anx Perses pour
le venger 86
Les Perses viennent assiéger Barkè • 86
• Barkè est prise par trahison et saccagée 87
Fin de Texpédition ; Barcéens déportés en Bactriane ; mort de Phérétime. 87
Insurrections contre la domination persane ; abolition de la royauté 88
Durée présumée du règne de Battos IV 88
Tentative d'insurrection réprimée par Arsames 88
Troupes libyennes dans Farmée de Xerxès 88
Areésilas lY vainqueur aux jeux pythiques 8g
Insurrection de la Libye sous la conduite d*Inaros, • 89
Abolition de la royauté à Cyrène 90
3. GouPernement républicain • 90
Période de complète indépendance 90
Développement remarquable de la prospérité de Cyrène. . . .' 90
Cyrène ne prend point part à la guerre du Péloponèse 91
Insurrection populaire sous la conduite d^Ariston 91
Des modifications sont apportées à la constitution politique de Cyrène. 9a
Rapatriement des Messéniens 9a
Traité de limites avec Carthage •• 9a
Période de soumission nominale à Alexandre le Grand 93
Alexandre le Grand se met en route pour aller consulter l'oracle d*Am-
mon 93
Soumission des Cyrénéens ". 94
Alexandre continue sa route à travers le désert jusqu'au temple d*Am«
mon , .......i 94
Description de l'oasis d'Ammon 94
Alexandre consulte l'oracle et retourne à Memphîs • 95
Alexandre pourvoit à Tadministration de TÉgypte et de la Libye. ... 95
Histoire de la tyrannie de Thimbron gS
Thimbron appelé à Cyrène par une faction ; ses pjeraiers succès. • . • • 96
Revers répétés de Thimbron 96
On appelle des renforts de part et d'autre 97
Les Egyptiens, venus au secours des Cyrénéens, s'emparent du pays. . 97
Histoire de la tyrannie d'Ophellas 97
Intervention d'Ophellas dans les dissensions des Cyrénéens. 97
Ophellas se déclare roi de Libye • 98
Expédition d'OphelIas contre les Carthaginois. ••••...» 98
Digitized by VjOOQIC
DES MATIÈRES. 365
Conquête de la Cyrénaïqae par les Égyptiens qq
4* Règne des Lagides 9g
B-ois particuliers de la CyreDaïque •..••• 99
Magas gouverne d*abord an nom de Ptolémée Lagide 99
Magas se déclare sonverain, et marche contre Philadelphe xou
Insurrection des'Marmarides; réconciliation de Magas et de Phila-
delphe • 100
Troubles de Cyrène apaisés par Ecdène et Démophanes. . ^ . • loz
Bérénice épouse successivement Démétriuset Ptoléroée Evergète. .... loi
Travaux et mort de Bérénice « loa
La Cyrénaïque réunie à TÉgypte 102
Règne de Ptolémée Philopator ..«..*. • • loa
Règne de Ptolémée Épiphanes loa
Règne indivis et prétentions respectives de Philométor et de Pbyscon. loa
Rome intervient et fait adjuger la Cyrénaïque à Physcon. . , zo3
Tja Cyrénaïque de nouveau séparée de TÉgypte •• io3
Réclamations de Physcon contre la modicité de son lot • io3
Insurrection des Cyrénéens réprimée zo4
Rome appuie ouvertement les réclamations de Physcon zo5
Réconciliation de Physcon et de Philométor • • zo5
Physcon s*empare de TÉgypte et règne tyranniquement. • zo6
La Cyrénaïque passe à Apion, qui la lègue aux Romains 106
5, Mœurs publiques et privées des Cyrénéens avant la perte de leur nationalité, 107
Religion , culte • Z07
Apollon ....• •••• Z07
Les antres grands dieux • 108
Les dieux secondaires ou étrangers «... 109
Caractère national 109
Jusqu'à quel point les données ethnologiques peuvent servir à déter-
miner les instincts nationaux. X09
Éléments principaux de la population cyrénéenne au point de vue
ethnologique • '. .. izo
Décomposition de l'élément grec « 1 10
Les Grecs de Cyrène , comptés dans la famille dorienne , avaient les
moeurs des Ioniens iia
' Agriculture et commerce; revenus publics ; monnaies zi3
Productions. ••• • • ii3
Commerce • zi3
Revenus publics ; monnaies • • 114
Éléments de force matérielle ....••••« 1x4
Puissance maritime • • iz4
Chevaux; chars .••..• it4
Exercices gymnastîqnes ii5
Culture des arts et des lettres; philosophie xx5
Beaux-arts , langage , poésie ....•.••. xx5
Géographes, grammairiens; histoire , médecine, sciences, mathéma-
tiques 116
. École philosophique de Cyrène, et autres philosophes cyrénéens 1x6
6. Domination des Romains .••«.. z z8
i^ période, jusqu'à la réduction en province ; époque de dissensions et de
tyrannie • xz8
Première organisation de la domination romaine en Libye x z8
Tyrannie de Nicocrate, détruite par Arétaphile •••• zz8
' Tyrannie de Léandre, détruite également par Arétaphile XI9
Digitized by VjOOQIC
m TABLE
tnterrention de Lncnllas; rédaction de là C3rrénaïque eu province. • . lao
a* période , depuis la rédaction en province jusqa^à Angasle ; époqae des
j^aerres civiles • • . • • la i
Caase de la Cyrénaïqae plaidée par Cicéron zsi
lia Cyrénaïqae soit le parti de Pompée ...•••.« xai
La Cyrénaïqae entre dans le lot d*Antoine ^ zaa
Témoignage de reconnaissance des Jnifs de Bérénice envers M. Titins. ^aa
Antoine perd la Cyrénaïqae et Tempire xa3
3* période, depuis Aagoste jasqa'à Trajan; époqae d*insarrectîons des
Juifs cyrénéens i a4
La Cyrénaïqae comprise dans le lot da sénat ia4
]ft.e8crits en faveur des Juifs cyrénéens. . . * « • • • ia4
Procédures intentées par les Cyrénéens contre divers officiers romains. ia5
Insurrection du zélateur juif Jouathas ia5
Exactions et cruautés du préteur Catnllus à l'égard des Juifs xaô
Punition céleste dés crimes de Catnllus ia6
Nouvelle insurrection des Juifs sous Trajan .•..«.. 137
4* période , depuis Adrien jusqu'à Tbéodose le Grand ; époque de réor-
ganisations administratives ■ 137
Ôian^ement de limites sous Adrien 137
La Oyrénaïqne devenue chrétienne xa8
Morcellement aes provinces sôus Ûioclétien. 139
Mode d'après lequel Tempire fut divisé en quatre parties xag
Organisation et partage de Tempire sons Constantin et ses enfants.. . . i3o
kègne de Valens et de Tbéodose lé Grand '. i3£
Réparation des deux empires à la mort de Théodose le Grand x3i
Création d*un duc de Libye , . . x3a
5^ période ; règnes d^Àrcadins et de Théodose lé Jeune ; époque de Synésios. 1 3a
Commencements de Synésios x3a
Mission de Synésios auprès d' Arcadins x33
État de la Cyrénaïque an retour de Synésios x34
Fanfaronnade et lâcheté de Jean j rival de Synésios i34
(Gouvernement de Céréalîs x35
Gonvernement d'Andronicus, successeur de Gennadins i36
Synésios, devenu évéqne, excommunie Andronicus • x36
Andronicus est remplacé par Anysios z37
État déplorable de la Cyrénaïqae après le rappel d* Anysios 138
6^ période, depuis Marcieii jusqu'à âéraclius^ époque de décadence et de
transition. . 139
Administration de la Cyrénaïque sons Zenon et sons Anastase 1 39
Restauration de la Libye sous Jnstihîen. x39
La Libye enlevée à l'empire sons Héracllus. x4i
Fastes de ^Église chrétienne en Libye ..,.., ^.. 141
Établissement et progrès du christianisme dans la province de Cyrène. . . . x4i
Première prédication de l'Évangile en Libye x4i
Première organisation de l'Église cyrénéenne 14a
Saint Denis d'Alexandrie exilé eh Libye x4a
Hérésie de Sabellins • x4a
Epitre canonique à Ëasilides de Ptolémaïs. ,..••,.... 143
Premiers évéques de la Cyrénaïque i43
Le Libyen Arius et son hérésie. ••••.........••.•... x44
Naissance et progrès de l'hérésie d'Anus. .....•,.., x44
Rescrit de Coi^stantiif pour la pacification de l'Église • i44
Concile général de Nlcee, qui condamne Arius. t . . • • i45
Digitized by VjOOQIC
DES MATIÈRES. Hèl
Réhabilitation et mort d'Arias • • 146
Bésistance de saint Atbanase contre Farianisuie x47
Snccession de conciles contradictoires qui consomment le schisme. . • 147
Les empereurs prennent part à là querelle; nouveau rétablissement et
nouvelle expulsion de daint Athanase • . . . . i47
' T^idfnphe momentané de Tarianisme 148
Réadtioil catholique é k . é « 149
Indulgence et rigueur de saint Athaoase ; an de la lutte x49
Épiscopât de Synésios x5o
Lé jiatriàrche Théophile |nnirvoit à divers sièges en Libye i5o
Tolérance de Synésios. ..;...... w * i ô l
Synésios remplit diverses missions patriarchales.. • «... i5i
Déférence de S^ésioê envers le patriarche pour les affaires de son
propre diocèse « . . » » . • ^ * x ôa
Légende de 1» conversion du philosophe Evagre par Synésios i5a
Latte de TÉglise d'Alexandrie contre le nestorianisme «... x5a
hérésie de Nestorius * x53
Concile d*Éphèse, qui condamne Nestorius l53
, Pacification de TÉglise en Orient « i53
Établissement de Thérésie d'Eutychès i54
L*hércsie d^Eutycbès , triomphante à Éphèse ^ est condamnée par le
. . concile de Chalcédoine • «•.. i54
Schisme sanglant dans le patriarchat d'Alexandrie , • i54
Hénotique de Zenon , ••.*.•..•... l55
Concile général de Constantinople »..•.»*••« ibS
Dei-niers éyéqnes libyens ; conquête musulmane ... « 1 56
Tableau des évéchés des deux Llbyes ••...•...«.•.» i56
1" .Libye supérieure» Pentapole, ou Cyrénaïque* .« •••••..... 166
, . a° iLi]i>ye inférieure , seconde Libye, ou Marmarique.» , • . • z57
SECONUE PAATIÉ.
LA RiGÏOlf 1>'aFRIQUB, GOMPRBlTÀkt L^FRIQUB PÉOt»Rl£ , LA kUHIDIB
ET LES MAURITANIES.
( 1, Descriptiok génjîraije, «'. ..«•.•• •••«••» 159
^. Géographie physique^ ..••• •.••••.«••• • z59
Étendue et limites. •.••««.;••••• 159
3prne8 générales. «.•••... .^ 169
Limites à l'est et an nord. ••... «•••^•••..•, i59
Limites à Touest et au sud •••• • 160
Montagnes. .••*., ...,4. •«*••...« «• i6e
Insuffisance et défectuosités de la nomenclatare de Ptolémée x6i
. Indications de Ptolémée qui servent à corriger les défauts de sa carte. . x6z
Synonymie moderne de la nomenclature des montagnes connues de
Ptolémée. •••»••» .•...•.••••••.••.••..••. i6a
Fleoves •......./ 1 63
Fleuves débouchant dans le bassin oriental de la Méditerranée x63
. FJeuves déboiichant dans, le bassin occidental de la Méditerranée à
. Test d'Icosion. .... ^ • i63
Fieuves débpnchant dans le bassin occidental de la Méditerranée à
Touçst d'Icqsion. • ^ • ..«^ ^ 164
Fleuves débouchant dans FOcéan, ou se perdant dans Fintérieur... . • i65
Digitized by VjOOQIC
368 TABLE
Prodnctions natarelles • .'.•..•....... i66
Nature du sol ; minéraux • • • • • 1^6
Yégétaux • 166
Animaux.. •••• i^^
a. Distribution 'des populations , • 166
Indications primitives recueillies par Salluste • . • • 1 66
État des populations indigènes au temps d'Hérodote 167
Nomades du littoral •.....• 167
Observations sur le fleuve Triton et le lac Tritouide 168
Nomades de rii|térîeur • •.•••• 168
Populations agricoles. .•..•••..•• • 169
Énnmération des peuplades africaines au temps des Romains 169
Peuplades littorales de Test : entre T Ampsagas et les Autels des Philènes. 1 69
Peupladeslittorales de l'ouest : entre TAmpsagas etles colonnes d'Hercule. 1 70
Peuplades de/l''intérienr • '7'
3. Filles et routes. . .\ . • • 17*
Considérations préliminaires • • • • 17^
Importance des itinéraires • • • 17^
Disposition générale des grandes routes de l'Afrique. .* • 173
Incertitude des synonymies géographiques applicables ac^ stations des
itinéraires : ••• X73
Grande route du littoral * 174
Route depuis Mcrcnrios jnsqu^à Rnsadder ••••• 174
Route de Rusadder et Gésarée; désaccord entre Tltinéraire etles tables
de Ptoléroée X75
— depuis Rusadder jusqu'à Siga ..,..• 17^
— depuis Siga jusqu'à Césarée. •..••....... 176
Route depuis Césarée jusqu'à Rusiccade , par Saldes. • . • • 176
— Position de Saldes • •..•.••.•••••• 176
-~ de Césarée à Saldes • X77
— ^ de Saldes à Rusiccade • Î78
Route depuis Rusiccade jusqu'à Cartbage • 17^
Route depuis Cartbage jusqu'aux Autels des Philènes • 179
— de Cartbage à Thènes ; 1 79
— de Thènes aux Autels des Philènes. ••.•.... 179
Routes de l'intérieur • x8o
Grande route de Calama à Igilgilis, par Rusuccnrum et Saldes 180
Grande route de Cartbage à Césarée -, par Cirta et Sitifîs. ..., 181
— de Carthage à Théveste ••••.••..•• x8f
— de Théveste k Cirta • 181
— deCirhi à Sitifis • « x8a
^ de Sitifîs k Césarée. ,i • • i83
- Grande route de Thènes à Saldes, par Théveste, Lambèse et Sitifis. • . i83
— depuis Thènes jusqu'à Théveste é • 184
— depuis Théveste jusqu'à Lambèse. . • • . • • • l84
— depuis Lambèse jusqu'à Saldes k i85
— Autres communications de Lambèse avec Théveste et avec Cirta . . x86
Routes de Carthage à Cirta , par Yatarum et par Hippone, x86
— Route pa^ Yatarum • 186
-— Route par Hippone. ..•••••v..«.. •••••.• ..«•,..• x86
Routes de Tacape , 187
— de Yatarum à Tacape • 187
— de Taoape à Leptis , 187
Digitized by VjOOQIC
DES MATIÈRES, 2t69
— de Mnsti k Tacape 187
Diverses roates passant par Aqnas Regias 188
Multiplicité des villes et autres établissements. • 188
§ II. Aperçu GBiriRAi. dis bévolutions politiques et tereitoriaxes 189
r. Naissance et progrès de la puissance punique 189
Établissement des colonies phéniciennes 189
Répartition du territoire entre les populations indigènes avant Tarri-
vée des Phéniciens 189
Colonies phéniciennes en Afriqne ; prééminence de Gaithage 189
Extension des escales et des comptoirs puniques • 190
Étendue et conditions de la puissance territoriale de Carthage en Afrique. 190
Répartition du sol entre divers ordres de population 190
La cité de Carthage noyau de la population punique 191
Les Libo-Phéniciens , second élément de la population punique 191
Les Libyens sujets de Carthage : Zeugitane, Byzacène 19a
Rapports de Carthage avec les ISuinides ou Nomades indépendants. . 19a
# Agrandissement de la puissance punique entre le premier et le second
traité de Carthage avec Rome , 193
Haine des Libyens pour le joug de Carthage ••• 194
Invasion de l'Afrique par Agathocles 194
Agathocles enlève aux Carthaginois toutes leurs possessions, et se dé*
clare roi d'Afrique 194
Expéditions d'Eumaqne chez les Numides. •• 195
Carthage recouvre toutes ses possessions d'Afrique 195
a . Lutte de Cartilage contre Rome, . . . • «... 196
Première guerre punique • • , 196
Expédition de Régnlus , 196
Yictoire de Xantippe • I97
Résultats de la guerre. • , • 197
Guerre des stipendiés 197
Causes de la guerre 197
Succès divers de Uannon et d'Amilcar 198
Yictoire des Carthaginois et fin de la guerre 199
Deuxième guerre punique • , 199
Dispositions préalables d'Annibal. ..•• .«• •••• 199
Premières incursions des Romains • •••.• aoo
Rome se fait des alliés en Afrique aoo
Massinissa recouvre son royaume et le reperd soi
Arrivée de Scipion «• aoa
Premiers succès de Scipion • soi
Expédition de Lélius et de Massinissa en Numidie ao3
Yictoire décisive de Scipion sur Annibal ; fin de la guerre au3
Résultats de cette guerre quant aux délimitations territoriales ao4
Envahissements de Massinissa ,» 104
Gouvernement d' Annibal à Carthage ; révolution parlementaire contre
lui 204
Massinissa se met en possession des Emporia 2o5
Massinissa reprend un canton jadis conquis par son père. 206
Massinissa s'empare des Grandes Plaines , . 206
Préparatifs de guerre k Carthage 207
Massinissa prend Oroscopa, et taille en pièces les Carthaginois 207
Nouvelles délimitations territoriales résultant des envahissements de
' Massinissa, • 208
Digitized by VjOOQIC
!^7P TABLE
Troisième guerre puniqne •• •.......• 209
Premières opérations de la gaerre 209
Peu de saccès des consuls Manilîns et Calpumins ,.. S09
Scipion-Emilien détruit Carthage et réduit son territoire eu province
romaine « « • aïo
3. Conquête de la NumidU par Us Romains, . * • é « s 10
Guerre de Jugurtba • • •....«•••. aïo
Succession de Micipsa, envahie par Jngnrtha sur Hiemsal et Adherbal. a 10
Commeneeraents de la guerre de Numidie 211
Snccès de Métellns ,.... #.•••••• 219
Marins termine la guerre 212
Modifications dans les circonscriptions territoriales après la défaite de
Jngnrtha • • , 2i3
Règne des princes nnmides successeurs de Jngnrtha , , 2i3
Règne de Gauda . . . • 2 1 3
Règne simultané de Hiemsal, Hiarbas, et Massinissa père d*Arabion. • 214
Règne de Juba TAncien • 2i5
Gaerre de Jules-César en Afrique. ^ 216
Arrivée de César en Afrique ; ses dispositions 216
Tictotre de César, qui reste maitre de la Numidie 2x6
Partage dek Numidie; création d'une nouvelle province d* Afrique. . 217
4. Domination des Romains en Afrique depuis la conquête de la Numidie
jusqu'au règne de Claude 217
Première période. — L^Afrique ancienne et TAfrique nouvelle formant deux
provinces distinctes 217
Les deux Afrîques , partagées entre Antoine et César-Octavien , sont
abandonnées à Lépide. • • • 217
La Mauritanie tombe an pouvoir des Romains ««...f..*. 218
La Numidie rendue à Juba le Jeune, puis reprise en échange de la Mau-
ritanie • • 219
Seconde période. — Toute l'Afrique romaine réunie en une seule province
■ sous Tautorité exclusive d*un proconsul , • 219
Réunion de la Numidie romaine à TAfrique propre , 219
Expédition de Ealbus en Phazanie 220
Guerre de Tacfarînas 220
Troisième période.— Toute TAfrique romaine réunie en une seule province
sous deux magistrats disitincts , Fnn civil , l'autre militaire 222
l^éparaHon du gouvernement civil et du commandement militaire de
TAfrique..'.' • 222
' ' Digression sur la date préèise de'la géographie de Mêla 229
^Observations sur la délimitation des contrées africaines à cette époque. 223
$,^Adnwistra^on romaine depuis l'organisation provinciale de Claude jus-
quM cfilU de Maximien-'Hercule , « , 223
. NQi|ve|le organisation provinciale de l'Afrique. .,.••«» ^ , . . . 223
Cré^ktipn de denx provinces de Mauritanie et d'une nouvelle province
. . . d^ l^umidie 223
Délimitations des provinces organisées par Claude 224
Grades des gouverneurs de ces provinces. . . ^ . . , . • , 224
Événçm^nts divers en Afrique depuis TiteUius jusqu'à Septime Sévère. . . 225
Meurtre du proconsul Pison .,.......•,....,,•..... 225
Expéditions romaines chez les Garamantes et les Éthiopiens 225
Ia cau^ç de là province d'Afrique plaidée par Tacite et Pline le Jeune. 226
Insnrrççtions des Maures, •••••••..•.••.«*•,•••;«••• 9Si6
Digitized by VjOOQIC
DÇS MATIERES. ^71
Observât Î0P8 sur U cirçoiispription des provinces africainei na temps
d*A4rieq. ..*.>•»., ,.•....• •«.»• ..•••. 226
PïoaveUes iqsurrectipps é^es Mfiures «,..».. 227
Empereqrs afriçiiipSt «..y*.«<.<,,^ • ..••..•••......•• 227
Septiipç-Sévère , Macrm , Élag^bdl. • • . • • • • • 227
X^es trpis Goi'dieos. .*..,•,.»,»,«••, • •.....•• 228
Ob'er^litipns sur la nnllité du ràl« provincial de U Nooiidie dans les
tropble? de r4i'nque à oeMe époque... • 228
XiC tyri\n.Celsiis. «««..... 229
6. Administration romqine depuis Vorgamisation pronnoiale de Maximien'-
Hercule jusqu'à celle çtHonçrius • 229
Divers partages de l'empire ..|t,.»,» ,.«.•• 229
Maximien-Hercule y maître de TAfrique , y multiplie le nomlSre des
provinces ., ...•..*.. •.* 229
Tyrannies d'Alexandre çt dç Maxence a3o
Çort de TÂfrique dans les divçrs partages de la famille de Constantin. . 23 1
Incursions des Maares Austurieps; prévarication du comte Romanns. . 282
Gnerre contre Firraus 282
lusarrection de Firmus ; le comte Tbéodose est envoyé contre lui.. . . 282
Expédition de Tbéodose dans le sud de Césarée 233
Fuite de Flrnins ; sa mort 2 34
État des provinces africaines à cette époque i35
7 . Organisation provinciale sous Honorius a35
Révolte de Gildon , 235
Le comte Gildon, revêtu de tous les pouvoirs militaires en Afrique ,
tente de se rendre indépendant 235
Punition de Gildon; suppression de la grande charge militaire dont
il était revêtu 236
Organisation des pouvoirs publics .'. . • 236
Administration centrale 236
Gouvernement civil 237
Commandement militaire 237
Finances de Tempire et de Tempereur ; officcii 238
8. Domination des Vandales 239
Règne de Giséric 239
Invasion de TAfrique > « a39
Une partie de l'Afrique est cédée aux Yandales par un traité 240
Nouveau traité de partage des provinces d'Afrique entre les Yandales
et les Romains 240
Les Yandales s'emparent de tout ce qui restait aux Romains en Ainqne. 24 1
Règne du successeur de Giséric 241
Étendue des possessions vandales sous Hunérîc 241
Provinces successivement enlevées aux Yandales par les Maures 242
Usurpation de Gélimer; Béiisaire lui enlève l'Afrique 242
9. Domination byzantine 243
Organisation civile et militaire de l'Afrique sous Justinien 243
Organisation civile • 243
Organisation militaire • 24$
Guerre contre les Maures 248
Première expédition de Salomon 249
Expédition de Germain 25o
Seconde expédition de Salomon 25o
^Expédition de Sergius et Ariobinde; usurpation de Gontharis déjouée
< par Artaban. ••• ..•«••• ji^. • . • a5x
Digiti
zedby Google
372 TABLE DES MATIÈRES.
Expédition de Jean TrogliU «••«•••. i5a
Édifices de Jostinien en Afrique • a54
Édifices de la Tripolitaine • a54
Édifices de l'Afrique propre • a54
•Édifices de la Byzacène • 254
• Édifices de la Nomidie » a55
Edifices en Sardaigne et à Septa a55
Dernière période de la domination byatntine. • a56
Prolongation de la paix* .......*.• a 56
Pïonvelles insurrections des Maures a56
L* Afrique est envahie par les Sarrasins a57
Résumé. • a57
Période d'indépendai^ce primitive aS?
Période punique. • *..• a58
Période romaine a58
Période vandale aSg
Période byzantine • • • • • a6o
Digitized by
Google
PAYS COMPRIS EJVTRE CARTHAGE ET ZUNGHAR. 3.
lunflutr
lieue j' de- 3 S au Déffrt^ .
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
L'UNIVERS,
OU
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, INDUSTRIE, COSTUMES, etc.
CARTHAGE.
PAR M. BUREAU DE lA MALLE,
MSMB&K DK l'iKSTITUT»
V^ÂRTHAGE eut le triste destin de
ne jeter un grand éclat qu'au moment
de sa ruine, et de voir le soin de sa
gloire abandonné à des historiens
étrangers. La mémoire de ses écri-
vains nationaux s*est perdue depuis
longtemps; et, parmi les étrangers,
il n'en est aucun qui ait écrit d'une
manière suivie l'histoire de cette ré-
publique.
Obigtne et fondation de Car-
THAGE , 878 AVANT JÉSUS-CHRIST. —
Il est certain que Carthage est une
colonie de Tyr , car la langue puni-
que , comme plusieurs auteurs anciens
Font affirmé , et comme l'ont prouvé
plusieurs savants modernes , est la
même que la langue phénicienne. Selon
la tradition poétique, recueillie par
Virgile et Trogue-Porapée , cette ville
aurait dû sa fondation a Didon , fem*
me de Sichée et sœur de Pygmalion ,
roi de Tyr. Ce prince ayant fait mou-
rir injustement Sichée , Didon , que
les Tyriens appelaient aussi Elisa,
s'enfuit avec ses trésors, suivie d'une
petite troupe de ses partisans , et vint
aborder en Afrique, à six lieues de
Tunis, dans le golfe où s'élevait déjà
!'• Uvraism. (Carthage.)
Utique. Cette princesse demanda,
dit-on, aux naturels du pays qu'ils
voulussent bien lui vendre , pour l'é-
tablissement qu'elle méditait , autant
de terrain qu^en pourrait renfermer
une peau de bœuf. On ne crut pas
devoir lui refuser une j^ce si petite
en apparence. Alors Didon divisa sa
peau ae bœuf en lanières fort étroites,,
et les étendit à la suite les unes des
autres, de manière à former une vaste
enceinte, où elle construisit d'abord
une citadelle qui, de là, fut appelée
Bybsa (*).
XJue les fondateurs deCarthage soient
Zorus et Karchedon , ainsi que le pré-
tendent Philistus , Appien , Eusèbe et
saint Jérôme; que ce soit Élisa ou
Didon, comme presque tous les au-
teurs anciens nous l'ont transmis, on
peut admettre , comme un fait histo-
(*) BOpaa , en grec , signifie peau. C'est
ce c|iii a donné lieu à ceUe ridicule étymo-
logie dont les savants versés dans les lan-
gues sémitiques oiii moniré la fausseté en
faisant remarquer que hosra , qui , en hébreu
et en syriaque , signifie citadelle, a été changé
par le» Grecs en ^paa.
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
rique, qu'elle a ét$ fondée par une
colonie de Tyriens, et comme une
opinion vraisemblable , que cette fon-
dation a eu lieu avant celle de Rome,
environ 878 ans avant Tère vulgaire.
€eax qui adQ{)teQt cette date ont
wprocbe à Virgile l'anachronisme qu*{l
a commis en faisant paraître à la cour
deDidon un prince troyen qui aurait
existé plus de trois cents ans avant
cette princesse. Cependant d'habiles
critiques ont cru pouvoir justifier Je
poète latin, en faisant remonter la
rondation de Caipthage à Tannée 12^5
avant J. G. , qui est a peu près celle
de la guerre de Troie. Dans cette der-
nière hypothèse , Didon^t Karchedon
auraient seulement agrandi l'enceinte
et augmenté la puissance de Carthase.
Cette opinion, soutenue par des
savants distingués, s'appuierait encore
sur les autorités d'après lesquelles
Procope raconte l'origine des Maures
et rétablissement des colonies phénf-
ciennes en Afrique. L'auteur bysan-
tin , invoquant le témoignage unanime
de tous les historiens anciens de la
Phénicie , assure que , lors de Finva-
sion de la Palestine par Josué, fils de
Navé (1590 ans avant J. C), tous les
peuples qui habitaient la région mari-
time, depuis Sidon jusqu'à l'Egypte,
et qui étaient soumis à un seul roi ,
les Gergéséens, les Jébuséens et plu*
sieurs autres tribus , dont les noms
sont inscrits dans les livres histori-
ques des Hébreux , abandonnèrent
leur patrie et se portèrent, à tra-
vers l'Egypte, dans l'Afrique. Pro-
cope ajoute qu'ils s'étendirent jus-
.qu'aux colonnes d'Hercule, qu'ils occu-
pèrent la région septentrionale tout
entière, et qu'ils fondèrent dans ce
vaste pays un grand nombre de villes,
dans lesquelles , de son temps , la lan-
gue phénicienne était encore en usage.
Ces récits s'accordent assez bien avec
ce que les anciens nous ont transmis
sur la fondation dIJtique , qu'ils pla-
cent deux ou trois cents ans avant
celle de Carthage, et il nous semble
que le rapprochement de ces autori-
tés présente , de l'établissement et de
la formation de Carthage , un tableau
aussi vraisemblable qu'il est possible
de l'entrevoir à travers les nuages de
la fable et le long espace des siècles.
Formation et accboissements
DE Carthage , de 878 a 543 avant
J. C. — Carthage, qui avait eu de
très-faibles commencements, s'accrut
d'abord peu à peu dans le pays même,
et forma plusieurs établissements de
commerce à Test et à l'ouest sur la
côte septentrionale de l'Afrique. Mais
sa domination ne demeura pas long-
temps enfermée dans ces bornes étroi*
tes. Cette ville ambitieuse porta sm
conquêtes au dehors , envahit la Sar-
daigne, s'empara d'une grande par-
tie de la Sicile, soumit presque
toute l'Espagne, et, ayant envoyé de
tous côtés de puissantes colonies, elle
demeura maîtresse de la mer pendant
plus de six cents ans , et se fit un état
qui le pouvait disputer aux plus grands
empires du monae par son opulence,
par son commerce, par ses nombreuses
armées, par ses flottes redoutables,
et surtout par le courage et le mérite
de ses capitaines. La date et les cir-
constances de plusieurs de ces con-
quêtes sont peu connues : à partir de
la mort de Didon , il existe une lacune
de près de trois cents ans dans This-
toîre de Carthage.
Guerre entre Cyrène et Car-
thage. -* C'est entre l'époque de sa
fondation et l'année 509 avant Jésus-
Christ , que Carthage s'affranchît du
tribut qu^elle avait consenti à payer
aux Libyens, et qu'elle étendit ses
conquêtes dans l'intérieur de l'Afri-
que et sur le littoral de la Méditerra-
née. Le fait historique le plus ancien
que nous connaissions avec quelques
aétails est une contestation entre
Carthage et Cyrène au sujet des limites
de leur territoire. Cyrène était un«
yille fort puissante située sur le bord
de la Méditerranée, vers la grande
Syrte, qui avait été bâtie par Battus»
de Lacédémone. «Entre les deux États,
« dit Salluste, se trouvait une plaine
« sablonneuse , tout unie , où il n'y
a avait ni fleuve ni montagne qui pdt
« servir à marquer les limites ^ ce qui
« occasionna entre eux une guerre lon«
Digitized by VjOOQIC
CARmAGE.
« gue et sanglante. Les armées des
à deux nations , tour à tour battues et
« mises en fuite sur terre et sur mer,
«s'étaient réciproquement affaiblies.
« Dans cet état de choses , ces peuples
« craignirent de voir bientôt un en-
« nemi commun attaquer tout ensem-
«ble les vainqueurs et les vaincus,
« également épuisés. Ils convinrent
«dune trêve, et réglèrent entre eux
« aue de chaque ville on ferait partir
« deux députes ; que le lieu où ils se
« rencontreraient , serait la borne res-
<> pective des deux États.
« Carthage choisit deux frères nom-
« mes Phi4ènes. Ceux-ci firent la plus
« grande diligence. Les députés de Cy-
«rène allèrent plus lentement, soit
« que ce fût leur faute, soit qu'ils eus-
«sent été contrariés par le temps;
«car il s'élève souvent dans ces dé-
« serts , comme en pleine mer , des
« tempêtes qui arrêtent les voyageurs:
« lorsque le vent vient à souffler sur
« cette vaste surface toute nue , qui
« ne lui présente aucun obstacle , il y
«élève des tourbillons de sable, qui,
« emporté avec violence , entre dans la
« bouche et dans les yeux et empêche
« les voyageurs de marcher. Les Cy-
« rénéens se voyant un peu en ar-
« rière , et craignant d'être punis à
« leur retour du tort que leur retard
« aurait causé à leur pays , accusent
« les Carthaginois d'être partis avant
« le temps, et font naître mille diffi-
« cultes. Enfin , ils sont décidés à tout
« plutôt que de consentir à un partage
« aussi inégal. Les Carthaginois leur
« offrant un nouvel arrangement, égal
« pour les deux nartis , les Cvrénéens
v> leur donnent 1 option , ou di'être en-
« terrés tout vifs clans le lieu dont ils
« voulaient faire la limite de Carthage,
« ou de les laisser , aux mêmes condi-
« tioas, aller jusqu'où ils voudraient.
« Les Philènes acceptèrent la proposi-
« tion, heureux de faire à leur patrie
« le sacrifice de leurs personnes et de
« leurs vies : ils furent enterrés tout
« vivants. »
Les Cartliaginois élevèrent deux au*
tels en leur nom au lieu de leur sépul-
ture ^Jeur rendirent chez eux les boa-»
neurs divins ^ et depuis ce temps-là ce
lieu fut appelé les autels bss Phit
LENES, arœ Philenorum^ et servît de
borne à l'empire des Carthaginois,
qui s'étendait depuis cet endroit jus-
qu'aux colonnes d'Hercule.
. L'Art de vérifier les dates place
rhistoire des Philènes en Tan 460 avant
Jésus-Christ , sans s'appuyer sur au-
cune autorité. Comme le premier traité
de Rome avec Carthage est de 509 , et
qu'il peut être rangé au nombre des
faits les mieux avérés , nous avons
cru devoir reporter à une époque an-
térieure cette légende du dévouement
des frères Philènes, qui, de même
que le combat des Horaces et des Cu-
riaces, semble appartenir à l'histoire
fabuleuse plutôt qu'à l'histoire posi-
tive.
GUEBBE CONTRE LES PhOCÉEWS ,
AVANT J. C. 543. — La marine de
Carthage qui, dans les siècles sui-
vants, devmt si formidable, paraît
s'être montrée avec avantage dans la
Méditerranée dès l'époque de Cyrus
et de Cambyse. Une victoire rempor-
tée en ce temps-là par les flottes coin-
binées des Étrusques et des Carthagi-
nois sur les Phocéens, qui étaient
alors une des plus redoutables nations
sur ^a mer, nous présente Carthage
comme la digne fille de ïyr dans l'art
de la navigation. Les vainqueurs, après
la retraite des vaincus , restèrent maî-
tres de l'île de Cyrne , aujourd'hui la
Corse. .
ËNTBEPRISE DES CARTHAGINOIS
SUR LA Sicile, 536 avant l'ère
VULGAIRE. — IBientot l'ambition fit
aspirer les Carthaginois à de nouvelles
conquêtes. Malchus, qui avait déjà
remporté des avantages signalés sur.
les princes africains , voisins de Car-
thage , s'empara de la presque totalité
de la Sicile. Ce général est le premier
qu'on trouve dans l'histoire avoir oc-
cupé la dienité de suffète. Peut-être
est-ce à l'époque oij il vivait, ou quel-
que temps auparavant, que la monar-
chie, à Carthage, a fait place à v^t^
gouvernement républicain, composé de
trois pouvoirs.
. . iPeSïE a CartHAG£ et GUERBII
Digitized by
Google
L'tNIVERâ.
DE SâRDÀIGNS, 530 ANS AVANT J. C.
— La joie qu'avait répandue à Car-
thage le succès de ses armes en Si-
cile , fut bientôt troublée par une peste
horrible qui désola les Carthaginois.
CeUx-ci , voyant dans le iléau dont ils
étaient victimes un signe non équivo-
que de la colère des dieux , crurent les
apaiser en immolant sur leurs autels
des victimes humaines. Justin, qui
rapporte ce fait, assure que cette
atrocité, loin de rendre le ciel favo-
rable à Carthâge, lui attira de nou-
veaux malheurs. « La haine des dieux,
« dit-il , vint punir ces forfaits. Long-
« tcmçs vainqueurs en Sicile , les Car-
« thaginois , ayant porté leurs armes
« en Sardaigne, y perdirent, dans une
« cruelle défaite , la plupart de leurs.
« soldats. Ce revers fut attribué à Mal-
« chus , et ce général , injustement ac-
«cusé, fut banni avec les débris de
« son armée vaincue. Indignés de ces
«rigueurs, les soldats envoient des
«députés à Carthâge, d'abord pour
« solliciter leur retour et le pardon de
« leurs revers, et bientôt pour déclarer
« qu'ils obtiendraient par la force des
« armes ce que l'on refuserait à leurs
« prières. Prières et menaces sont éga-
« lement dédaignées. Aussitôt ils ^em-
« barquent et paraissent en armes de-
« vant la ville. Là, ils jurent au nom
«de Dieu et des hommes, <][u'ils ne
« viennent point asservir, maisrecôu-
« vrer leur patrie , et montrer à leurs
« concitoyens que c'est la fortune, et
« non le courage , qui leur a manqué
« dans le dernier combat. Les com-
« munications sont coupées, et la ville
« assiégée est réduite au désespoir.
« Cependant Carthalon , fils du gé-
« néral exilé, à son retour de Tyt, où
« les Carthaginois l'avaient envoyé
« pour offrir a Hercule le dixième du
« Dutin que Malchus avait fait en Si-
«cile, passe près du camp de son
« père , et , appelé devant lui , il fait
« répondre qu'avant d'obéir au de-
«voir particulier de fils, il satisfera
« au devoir public de la religion. In-
« digne de ce refus , Malchus ne vou-
« lut cependant pas outrager dans son
« fils la majesté même des dieux. Mais
« peu de jours après, Carthalon , ayant
« obtenu du peuple un congé, retourna
« vers son père , et se montra à tous
« les regards couvert de la pourpre et
« des bandelettes du sacerdoce. » Mal-
chus le prit à part, lui reprocha de
venir insulter, par le luxe de ses orne-
ments, à ses malheurs et à ceux de
ses concitoyens , lui rappela son refus
outrageant de comparaître devant lui
quelques jours auparavant, et, oubliant
qu'il était père pour ne se souvenir
que de sa qualité de général , il fit at-
tacher son malheureux fils , revêtu de
ses ornements , à une croix très-éle-
vée, en vue de la ville.
Au bout de quelques jours , il s'em-
pare de Carthâge , assemble le peuple,
se plaint de son injuste exil qui Ta
forcé de recourir aux armes , et dé-
clare que, content de sa victoire, il
se borne à punir les auteurs de ces
désastres , et pardonne à tous les au-
tres de l'avoir injustement banni. Il
fit mettre à mort dix sénateurs et ren-
dit la ville à ses lois. Bientôt, accusé
lui-même d'aspirer au trône, il fut
puni du double parricide commis con-
tre son fils et contre sa patrie.
Tbàité entbe les Cabthaginois
ET LES Romains, 609 ans avant l'èbe
TULGAiBE. — Polybe nous apprend
qu'une année après l'expulsion des Tar-
quins, et vingt-huit ans avant l'irrup-
tion de Xerxès dans la Grèce , sous le
consulat de J. Brutus et de M. Ho-
ratius, se fit le premier traité entre
les Romains et les Carthaginois. Je
rapporterai en entier ce monument si
curieux de l'antiquité. Polybe l'a tra-
duit en grec sur l'original latin, le plus
exactement qu'il lui a été possible;
car, dit-il, la langue latine de ces temps
est si différente de celle d'aujourd'hui,
que les plus habiles ont bien de la
peine à entendre ce vieux langag<î
« Entre les Romains et leurs alliés,
« et entre les Carthaginois et leurs al-
« liés , il y aura alliance à ces condi-
« tions : que ni les Romains ni leurs
« alliés ne navigueront au delà du beau
« promontoire, s'ils n'y sont poussés par
« la tempête , ou contraints par leurs
« ennemis : qu'en cas qu'ils aient été
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
« poussés malgré eux, il ne leur sera
« permis d*y rien acheter ni d'y rien
«prendre, sinon ce qui sera précisé-
« ment nécessaire pour le radoube-
« ment de leurs vaisseaux, ou pour le
« culte des dieux , et qu'ils en parti-
« ront au bout de cinq )ours ; que ceux
« qui y viendront faire le commerce
« ne pourront conclure aucune né^o-»
« ciation si ce n'est en présence d un
« crienr et d'un greffier : que tout ce
« qui sera vendu devant ces deux té-
« moins, la foi publique le garantira au
« vendeur ; qu'il en sera ainsi pour tout
« ce qui se vendra en Afrique ou dans
<i la Sardaigne : que si quelques Ro-
« mains abordent dans 1<\ partie de la
« Sicile qui est soumise aux Cartha^i-
« nois, ils y jouiront des mêmes droits
« que les Carthaginois : que ceux-ci
« n'inquiéteront en aucune manière
« les Antiates, les Ardéates, les Lau-
«rentins, les Circéens, les Terraci-
« niens (*) et aucun des peuples latins
« qui obéissent aux Romains ; que s'il
«y en a même quelques-uns qui ne
a soient pas sous là domination ro-
« maine, les Carthapnois n'attaque-
« ront point 4eurs villes; que s'ils en
« prennent quelqu'une, ils la rendront
« aux Romains aans son entier ; qu'ils
« ne bâtiront aucune forteresse dans
« le pays des Latins ; que s'ils y en-
« trent à main armée, ils n'y passeront
R pas la nuit. »
Ce traité, dont la simplicité et la
précision sont remarquables, montre
que, sous le consulat du premier Bru-
tus, 11 y avait des Romains qui s'ap-
pliquaient au commerce; que la ma-
rine ne leur était pas inconnue; que
l'usage des vaisseaux marchands était
commun chez eux, et qu'ils faisaient
des voyages d'assez long cours , puis-
qu'ils allaient jusqu'à Carthage. Il nous
montre aussi quelle était à cette épo-
que la puissance des Carthaginois, les-
quels étant maîtres de la mer, de la
Sardaigne et d'une partie de la Sicile,
(*) Les peuples ou villes dont il est parlé
ici bordaient la côte de la mer et cou-
vraient Rome sur ce point depuis l'embou-
chure du Tibre jusqu'à Terraçinç.
pouvaient facilement infester les cAtes
maritimes de l'Italie.
ACCBOISSEMENTS DE CàRTHAGE
sous MàGONj de 509 a 489 AYANT
l'Ère chrétienne. — Magon, qui
succéda à Malchus comme suffète et
comme général, accrut, par ses talents,
sa prudence et son adresse, l'empire et
la gloire de Carthage. C'est lui qui , le
premier, introduisit la discipline mili-
taire parmi les Carthaginois ; il recula
les frontières de la république, étendit
son commerce, et laissa en mourant
deux fils, Asdrubal et Amilcar, qui,
suivant les traces glorieuses de leur
père , tirent voir qu'il leur avait trans-
mis son génie avec son sang.
Expédition en Sardaigne et en
Sicile ; guerres contre les Afri-
cains, sous LE commandement
d' Asdrubal et d' Amilcar, fils de
Magon ; de 489 a 460 avant J. C.
—Sous les ordres des deux fils de Ma-
gon , Carthage porta la guerre en Sar-
daigne et combattit les Africains, qui,
depuis longtemps, lui demandaient en
vam le tribut annuel promis pour prix
du sol qu'elle avait occupé. Mais, pour
cette fois , les Africains virent la jus-
tice de leur cause couronnée par le
sort des combats, et Carthage, posant
les armes, finit la guerre en acquittant
sa dette. Asdrubal , grièvement blessé
en Sardaigne, laissa en mourant le
conimandement à son frère Amilcar.
Asdrubal s'était vu onze fois revêtu
de la dignité de suffète, et quatre triom-
phes avaient été le prix de ses victoi-
res. Les regrets de ses concitoyens et
le souvenir de ses actions glorieuses
honorèrent ses funérailles ; et, comme
s'il eût emporté dans le tombeau la
puissance de sa patrie, les ennemis de
Carthage reprirent confiance.
Quelques années après le traité de
609, entre Carthage et Rome, les
Carthaginois firent alliaf/ice avec Xer-
xès, roi des Perses. Ce prince voulait
exterminer les Grecs, et les Carthagi-
nois s'emparer du reste de la Sicile.
Ils saisirent avidement l'occasion fa-
vorable qui se présentait d'en achever
la conquête. Le traité fut -donc conclu :
on convint que les Carthaginois atta-
Digitized by VjOOQIC
é
L'UNIVERS.
queraîent avec toutes leurs forces les
Grecs établis dans la Sicile, pendant
que Xerxès en personne marcherait
contre la Grèce.
Les préparatifs de cette guerre du-
rèrent trois ans. S'il faut en croire les
historiens de Sicile, qui ont peut-être,
par un sentiment de vanité nationale,
exagéré le nombre de leurs ennemis,
rarmée de terre ne montait pas a
moins de trois cent mille hommes,
et la flotte comptait deux mille vais-
seaux et plus de trois mille petits bâ-
timents de charge. Amilcar, le capi-
taine de son temps le plus estimé,
partit de Carthage avec ce formidable
appareil. Il aborde à Palerme, et, après
y avoir fait prendre quelque repo à
ses troupes, il marche contre la ville
d'Hymère, qui n'en est pas fort éloi-
gnée , et en forme le siège. Théron ,
gouverneur de la place, ayant vaine-
ment imploré le secours de Léonidas ,
roi de Lacédémone, députe à Syracuse,
veFS Gélon, qui s'en était rendu maî-
tre. Ce général accourt aussitôt au
secours de la ville assiégée , avec une
armée de cinquante mille hommes de
pied et cinq mille chevaux.
Gélon était un général fort habile et
savait employer à propos la force et la
ruse. On lui amena un courrier chargé
d'une lettre que les habitants de Séli-
nonte adressaient à Amilcar, pour le
prévenir que la troupe de cavaliers
qu'il leur avait demandée arriverait un
certain jour. Gélon en choisit dans
ses troupes un pareil nombre, qu'il fît
partir au temps dont on était convenu.
Ayant été reçus dans le camp des en-
nemis comme venant de Sélinonte, Ils
se jetèrent sur Amilcar, qu'ils tuèrent,
et mirent le feu aux vaisseaux. Dans
le moment même de leur arrivée, Gé-
lon attaqua avec toutes ses troupes les
Carthagmois, qui se défendirent d'a-
bord fort vaillamment; mais quand ils
apprirent la mort de leur général , et
qu ils virent la flotte en feu, le courage
et les forces leur manquèrent, et lis
prirentja fîiite. ^
Le carnage ftit hornble : il y périt,
dit-on, cent cinquante mille hommes.
Les autres s'étant retirés dans un en-
droit où ils manquaient de tout, iie
purent pas s'y détendre longtemps, et
se rendirent a discrétion. Ce combat,
suivant quelques historiens, se donna
le jour même de la célèbre action des
Thermopyles. Hérodote et Aristote di-
sent au contraire que ce fut le jour de
la bataille de Salamine. Le témoignage
de ces deux écrivains mérite sans doute
la préférence. Le premier de ces deux
auteurs raconte même d'une autre
manière la mort d' Amilcar : il dit que
le bruit commun parmi les Carthagi-
nois était (^ue ce général, voyant la
défaite entière de ses troupes, pour
ne pas survivre à sa honte, se préci-
pita lui-même dans le bûcher oii il
avait immolé plusieurs victimes hu-
maines.
Les Carthaginois, imputant à leur
général la défaite qu'ils venaient de
recevoir, bannirent de Carthage Gis-
Con, son fils, qui, dans la suite, périt
de misère à Sélinonte. Quelques siè-
cles après, ils rendirent à Amilcar
des honneurs presque divins.
La victoire complète que Gélon ve-
nait de remporter, loin de le rendre
fier et intraitable, ne fit qu'augmenter
sa modestie et sa douceur, même à
à l'égard de ses ennemis. Il accorda
la paix aux Carthaginois, exigeant seu-
lement d'eux qu'ils payassent pour les
frais de la guerre deux mille talents
(11 millons de francs), et qu'ils bâtis-
sent deux temples oii l'on exposerait
en public et où l'on garderait les con-
ditions du traité.
Puissance de là famille de,Ma-
gon; création du centumvirat;
DE 460 A 440 AVANT l'ÈRE VULGAIRE.
— Amilcar, mort dans la guerre de
Sicile, laissa trois fils : Imilcon, Han-
non et Giscon. Asdrubal avait un pa-
reil nombre d'enfants : Annibal , As-
drubal et Sapnho. Toutes les affaires
de Carthage étaient alors confiées à
leurs mains. On fit la guerre aux Mau-
res ; on combattit les Numides ; on
força les Africains à renoncer au tri-
but'que leur avait promis Carthage
naissante. Cette famille de généraux ,
qui réunissaient dans leurs mains te
pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire,
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
jwirut dangereuse à la liberté. On for-
ma un tribunal de cent sénateurs, à
qui les généraux , au retour de leurs
campagnes, devaient rendre compte de
leur conduite , pour que la crainte sa-
lutaire des lois et rattente d'un ju-
gement servissent de frein à Tarbitraire
du commandement militaire.
Continuation de la guerre de
Sicile ; maladie contagieuse dans
l'armée; de 440 A 410 avant l'ère
chrétienne. -^ En Sicile, Imilcon
succéda à Amilcar. Après avoir rem-
porté plusieurs victoires sur terre et
sur mer, et pris un grand nombre de
villes, il perdit tout a coup son armée
par les ravages d'un mal contagieux.
Apportée à Carthage, cette nouvelle
plongea les habitants dans le deuil.
tes maisons et les temples se ferment ;
on court au port; on ne voit sortir des
vaisseaux qu'un petit nombre de sol-
dats échappés à ce désastre.
Cependant, dit Justin, qui nous a
transmis ce fait, le malheureux Imil-
con sort de son vaisseau dans l'aban-
don de la douleur, couvert d'une tu-
nique d'esclave. A son aspect, les
groupes de citoyens éplorés se rassem-
blent autour de lui. Il élève les mains
vers le ciel , déplorant tour à tour son
triste sort et les désastres de sa patrie.
Il reproche aux dieux de lui ravir ses
triomphes, ses nombreux trophées qu'il
devait à leur appui ; de détruire par la
peste et non par le fer cette armée qui
avait pris tant de villes, et si souvent
vaincu sur terre et sur mer. Il appor-
tait du moins, disait-il, à ses conci-
toyens ce motif de consolation, que
l'ennemi pouvait bien se réjouir, mais
non se glorifier de leurs désastres.
Ceux qui étaient morts n'avaient pas
succombé sous ses coups; ceux qui
revenaient dans leur patrie n'avaient
pas fui devant lui. Le butin que le
Grec avait enlevé dans un camp aban-
donné n'était pas de ces dépouilles
aue l'orgueil d'un vainqueur se plaît à
étaler, mais de celles que la mort for-
tuite de leurs maîtres a laissées va-
cantes et livrées aux mains qui s'en
emparent. Vainqueurs de leurs enne-
mis , ses soklats n'avaieot été vaincus
que par la peste; maïs son chagrin le
plus vif était de n'avoir pu mourir au
milieu de tant de braves, et de se voiip
réservé, non pouf goûter les douceurs
de la vie , mais pour servir de jouet à
l'adversité; que cependant, après avoir
ramené dans Carthage les tristes dé*
bris de son armée , il allait à son tour
suivre ses compagnons d'armes , et
montrer à sa patrie que s'il avait pro-
longé jusque-là ses jours, ce n'était
point par amour de la vie, mais par
crainte d'abandonner, en mourant, au
milieu des armées ennemies, ceux qu'a-
vait épargnés le terrible fléau. Déplo-
rant ainsi son malheur, il entre dans
la ville, arrive à sa maison^ salue d'un
dernier adieu le peuple qui le suivait,
et , faisant fermer les portes sans per-
mettre à ses fils eux-mêmes de pa-
raître-devant lui, il se donne la mort.
Continuation de la guerre de
Sicile; prise de Sélinonte et
d'Hvmèrr par les Carthaginois ;
environ 410 AVA^T l'ère VULGAJi^E.
— Après la défaite des Athéniens de-
vant Syracuse, où Nicias périt avec
toute sa flotte , les Ségestains, qui s'é-
taient déclarés pour eux contre les
Syracusains, craignant le ressentiment
de leurs ennemis, et se voyant déjà
attaqués par Sélinonte, implorèrent le
secours de Carthage, et se mirent, eux
et leur ville, à sa discrétion. Les Car-
thaginois, après avoir longtemps ba-
lancé à s'engager dans cette guerre ,
nue la puissance de Syracuse et l'éclat
de ses dernières victoires devaient lui
faire redouter, y furent poussés par
les conseils d'Annibal leur suffète,
et envoyèrent du secours aux Séges-
tains.
Annibal tira de l'Afrique et de l'Es-
pagne un grand nombre de mercenai-
res; il y joignit un nombre considé-
rable de Carthaginois , et débarqua en
Sicile avec une armée qu'Éphore porte
h 200 mille fantassins et 4 mille cava-
liers , mais que Timée et Xénophon ,
historiens plus dignes de foi , rédui-
sent en tout à 100 mille combattants.
Annibal, petit-fils d' Amilcar qui avait
été défait par Gélon et tue devant
lïymère , et ôls de Oiscon , qui avait
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
été condamné à Texil, était animé
d'un vif désir de venger sa famille et
sa patrie, et d'effacer la honte de la
dernière défaite. Sa première entre-
prise fut le siège de Sélinonte. L'at-
taque fut très-vive, et la défense ne
le fut pas moins : les femmes mgmes,
les enfants et les vieillards montrèrent
un courage au-dessus de leur âge et de
leurs forces. Après une longue résis-
tance, la ville fut prise d'assaut, et
livrée au pillage. Le vainqueur exerça
les dernières cruautés, sans avoir égard
ni au sexe, ni à l'âge. Il fit déman-
.teler la ville , qu'il rendit aux habi-
tants que le fer avait épargnés , à con-
dition qu'ils se reconnaîtraient sujets
deCartnageet lui payeraient un tribut.
Hymère, qu'il assiégea ensuite, et
qu'il prit aussi d'assaut , après avoir
été traitée avec encore plus de cruauté,
fut entièrement rasée. Il fit souffrir
toutes sortes d'ignominies et de sup-
plices à trois mille prisonniers, et les
fit égorger tous dans l'endroit même
où Son grand-père avait été tué, pour
apaiser et satisfaire ses mânes par
le sang de ces malheureuses victi-
mes.
Après cette expédition, Annibal re-
tourna à Carthage, chargé d'un im-
mense-butin. Toute la ville sortit au-
devant de lui, et le reçut au milieu
des cris de joie et des applaudissements
unanimes : car en quelques jours il
avait plus fait que les généraux qui l'a-
vaient précédé dans le cours de plu-
sieurs campagnes.
Fondation de la. ville de Ther-
mes, EN Sicile , environ 408 avant
l'ère chrétienne. — Ces brillants
succès inspirèrent aux Carthaginois
le désir et Tespoir de s'emparer
de la Sicile entière. Mais avaht de
commencer la guerre, ils fondèrent
sur la côte septentrionale, auprès
d'une source d'eau chaude , une ville
à laquelle sa position fit donner le
nom de Thermes; ils la peuplèrent de
Carthaginois et d'Africains.
EXPEDITION d' Annibal et d'Imil-
CON, SIEGE d'AORIGENTE, 407 ET
406 AVANT l'Ère vulgaire. — Quel-
que temps après, les Carthagmois
nommèrent encore pour général An-
nibal. Comme il s'excusait sur son
grand âge^ et refusait de se charger
de cette guerre, on lui donna pour
lieutenant îmiicon, àls d'Hannon, qui
était de la même famille. Les prépa-
ratifs de la guerre furent proportion-
nés au grand dessein que les Cartha-
ginois avaient conçu. Le nombre des
troupes montait , selon Timée , à plus
de 120 mille hommes; Éphore les
f)orte à 300 mille. Les ennemis , de
eur côté , s'étaient mis en état de les
bien recevoir, et lesSyracusains avaient
envoyé chez tous les alliés pour y le-
ver des troupes , et dans toutes les
villes de la Sicile , pour les exhorter
à défendre courageusement leur li-
berté.
Agrigente s'attendait à essuyer les
premières attagues. C'était une ville
puissamment riche , et environnée de
bonnes fortifications. Annibal com-
mence , en effet , la campagne par le
siège de cette place, située, de même
que Sélinonte , sur la côte de Sicile
qui regarde l'Afrique. Ne la jugeant
prenable que par un endroit , il tourne
tous ses efforts de ce côté-là, fait
approcher des murs deux tours d'une
hauteur extraordinaire , ordonne la
démolition des tombeaux qui envi-
ronnaient la ville, et fait construire,
avec leurs décombres , un aager qui
s'élève jusqu'à la hauteur aes mu-
railles. Bientôt une peste effroyable
ravage l'armée carthaginoise ; Anni-
bal même périt victime du fléau. Les
soldats superstitieux croient voir dans
les ravages de cette terrible maladie
une punition des dieux, qui vengeaient
ainsi les morts de l'outrage qu'on avait
fait à leur dernière demeure. On cesse
de toucher aux tombeaux ; on ordonne
des prières d'après le rit de Carthage ,
et, suivant la coutume barbare obser-
vée dans cette ville, on immole un
enfant à Saturne, et l'on jette plu-
sieurs victimes dans la mer en l'hon-
neur de Neptune.
Cependant les Syracusains, avec une
armée de trente mille hommes et de
cinq mille chevaux, viennent au se-
cours d' Agrigente. Us remportent unç
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
grande victoire sur rarmée des Car-
tiiaginois; ils les tiennent bloqués
dans leur camp , leur coupent les vi-
vres, et les réduisent à la plus déplo-
rable extrémité. Effrayés de leur der-
nier échec, les assiégeants n'osaient
sortir de leurs retrancheraenls pour
livrer bataille. Déjà la famine avait
fait périr un grand nombre de sol-
dats , déjà les mercenaires menaçaient
dépasser à l'ennemi, lorsqu'un évé-
nement imprévu vint changer la face
des affaires. Imilcon apprend par un
transfuge que les Syracusains envoient
par mer à Agrigente un convoi consi-
dérable de vivres. Aussitôt, ce général,
avec quarante trirèmes, leur dresse
une embuscade. Les Syracusains navi-
guaient sans ordre , persuadés que les
Carthaginois, tant a cause de leur
défaite récente qu'à cause de la saison
des tempêtes qui approchait, n'ose-
raient pas se mettre en mer. Imiiçon
proûte de leur négligence , détruit
toute leur flotte et s'empare du con-
voi.
La famine passa alors du camp des
assiégeants dans la ville. Les Agrigen-
tins se trouvèrent tellement pressés,
que, se voyant sans espérances et sans
ressources , ils prirent le parti d'aban-
donner leurs murailles. On marqua la
nuit suivante pour le départ. Alors
une foule innombrable d'hommes , de
femmes, d'enfants, protégés par les
soldats , sortent de la ville au milieu
des gémissements et des sanglots,
abandonnant à la merci du vainqueur
leurs richesses, leurs foyers, leurs
dieux domestiques, et, ce qui aug-
mentait encore leur douleur , les bles-
sés, les malades et les vieillards. Ces
infortunés se réfugièrent d'abord à
Gela , et obtinrent ensuite de la pitié
des Syracusains la ville des Léontins
pour asile.
Cependant Imilcon entra dans la
ville, et lit égorger tous ceux qui y
étaient restés. On peut se faire une
idée de l'immensité du butin dans une
des cités les plus opulentes de la Si-
cile, peuplée, selon Diodore, de deux
cent mille habitants, et qui n'avait
jamais souffert de siège, ni par consé-
quent de pillage. On y trouva un nom-
bre infini de tableaux , de vases , de
statues de toute sorte; car les arts
d'imitation étaient très-florissants dans
Agrigente. Parmi ces monuments pré-
cieux qu'Imilcon envoya à Carthage,
était le fameux taureau de Phalaris,
aui , 260 ans plus tard , après la ruine
de cette ville, fut, rendu aux Agrigen-
tins par Scipion Émilien.
Siège et pbise oe Gela par
f MILCON ; TBAITÉ ENTEE LES CAE-
THAGINOIS et DeNYS JL' ANCIEN , TY-
RAN DE SyBACUSE , 404 AVANT l'Ère
CHRÉTIENNE. — Le siégc d' Agrigente
avait duré huit mois. Imilcon avait
épargné les maisons particulières pour
servir de quartier d'hiver à ses trou-
pes. Lorsqu'elles se furent reposées
de leurs fatigues , il en sortit au com-
mencement du printemps et rasa en-
tièrement la ville. Imilcon assiégea
ensuite Gela, et la prit malgré le se-
cours qu'y mena Denys le Tyran , qui
s'était emparé de l'autorité à Syra-
cuse. Ce prince éprouva un échec con-
sidérable dans une attaque dirigée
contre le camp des Carthaginois. Le
seul résultat qu'il put obtenir , fut de
sauver, de la colère du vainqueur, les
habitants de Gela et de Camarine,
dont il protégea la retraite avec ses
troupes , et qu'il établit sur le terri-
toire de Syracuse. Cependant, une
maladie contagieuse qui se déclara dans
le camp des Carthaginois et leur en-
leva la moitié de leur armée , engagea
Imilcon à proposer aux Syracusams
des conditions de paix. Denys , qui
venait d'éprouver ae grands revers,
et dont la puissance n'était pas en-
core solidement établie à Syracuse,
accepta avec joie ces propositions.
Les conditions du traite furent que
les Carthaginois , outre leurs anciennes
conquêtes dans la Sicile, demeure-
raient maîtres du pays des Sicaniens ,
de Sélinonte, d'Agrigente et d'Hy-
mère, comme aussi de celui de Gela
et de Camarine, dont les habitant
pourraient demeurer dans leurs villes
démantelées, en payant tribut aux Car-
thaginois ; que les Léontins , les Mes-
séniens et tous les Siciliens vivraient
Digitized by VjOOQIC
10
rUNIVERS.
êé(m leurs loit et conserveraient leur
liberté et leur indépendance ; qu'enfin
les Syracusains demeureraient soumis
à Denyg.
Imilcon , après la . conclusion du
traité, retourna à Cartilage, où les
dél)ris de son armée apportèrent la
peste, qui fit périr un grand nombre
de citoyens.
Renouvellement des hostilités
PÀB Denys ïm Tyran, 399 avant
l'ère vulgaire. — Denys n'avajt
<X)nclu la paix avec les Carthaginois
que pour se donner le temps d'affer-
mir, son autorité naissante, et de tra-
vailler aux préparatifs de la guerre
qu'il méditait contre eux. Ses prépara-
tifs furent immenses. Syracuse en-
tière était devenue un vaste atelier^
où , de toutes parts , on était occupé à
fabriquer des armes , des machines de
guerre (*) et des vaisseaux. Corinthe
avait , la première , construit des vais-
seaux à trois rangs de rames; c'est
du temps de Denys que Syracuse,
colonie de Corinthe, perfectionna cette
invention en construisant des navires
à quatre et à cinq rangs de rames.
Denys animait le travail par sa pré-
sence, par des libéralités et des louan-
ges qu'il savait dispenser à propos, et
surtout par des manières populaires
et engageantes, moyens encore plus
efficaces que tout le reste pour réveil-
ler l'industrie, et l'ardeur des ouvriers,
et il faisait souvent manger avec lui
ceux qui excellaient dans leur genre.
Quand tous ces préparatifs furent
achevés, et qu'il eut levé un grand
nombre de troupes en différents pays,
il fit sentir aux Syracusains que les
Carthaginois n'avaient d'autre but que
(*) Parmi les machines de guerre, Diodone
mentionne les catapultes. Élieu et Plutarque
disent qu^elIcs furent inventées alors en Sicile.
Mais il est sûr que c«tte aime terrible fut em-
pruntée par les Grecs aux peuples orientaux ;
car les livres sacrés en font mention en 8io
avant l'ère vulgaire ,' sous le règne d'Osias,
roi de Jérusalem. Voy. sur Tépoque de cetie
imentton la Poliorcétique des anciens , par
M. Dureau de (a Malle, pag. 356 et suiv.
PaiU» 1K19, chez F. Didot
d'envahir toute la Sidle; que ii Ton
n'arrêtait teurs prosrès , leur capitale
se verrait bientôt elle-même attaquée ;
iiu'il fallait profiter, pour se délivrer
ae ces barbares, du moment où la
peste qui ravageait leur pays les met-
tait hors, d'état de se défendre. Les
Syracusains applaudissent le discours
et les projets de leur premier magis-
trat.
Sans aucun sujet de plainte, sans
déclaration de guerre, il abandonne
au pillage et à la fureur du peuple
les biens et les personnes des Cartha-
ginois, qui, sur la foi des traités,
exerçaient le commerce à Syracuse;
on force leurs maisons , on pille leurs
effets , on leur fait souffrir toutes
sortes d'ignominies et de supplices,
en représailles des cruautés qu'ils
avaient exercées contré les habitants
du pays , et cet horrible exemple de
p^fidie et d'inhumanité fut suivi dans
toute l'étendue de la Sicile.
Denys, après cette sanglante in-
fraction des traités , osa envoyer des
députés aux Carthaginois, pour de-
mander qu'ils rendissent la liberté à
toutes les villes de Sicile , et leur dé-
clarer qu'en cas de refus , ils y seraient
traités comme ennemis.
Cette provocation jeta une grande
alarme à Carthage, surtout à cause
de l'état déploraole où elle se trou-
vait.
Siège de Motya PAït les Syba-
CUSAINS , 397 ANS AVANT l'ÈBE CHRÉ-
TIENNE. -- Denys ouvrit la campagne
par le siège de Motya , qui était la
place d'armes des Carthaginois en Si-
cile, et il [)oussa vivement ce siège,
sans qu'Imilcort , qui commandait la
flotte ennemie , pût s'y op{)Oser. De-
nys avait sous ses ordres quatre-vingt
mille fantassins, trois mille cavaliers ,
deux cents vaisseaux de guerre et cinq
cents vaisseaux de charge. Débarque
devant la place , il fit avancer* ses
machines , la fit battre avec le bélier,
approcha des murs des tours à six
étages, qui étaient portées sut des
roues et qui égalaient la hauteur des
maisons. De là, il incommodait fort
les assiégés par ses catapultes , m^"
Digitized by VjOOQIC
CARTHAOE.
11
chines jusqu'alors inconnues aux Car-
thaginois, et qui leur inspiraient une
erande terreur par la force et le nom-
bre des traits et des pierres qu'elles
lançaient. La ville fit une longue et
vigoureuse résistance. L'enceinte prise,
les habitants barricadèrent leurs mai-
sons , et s'y défendirent avec opiniâ-
treté. Cl; nouveau siège coûta plus de
monde aux Syracusams que le pre-
mier. Enfin, la ville fut prise, et tous
les habitants passés au fil de l'épée,
excepté ceux qui se réfggièrent dans
leurs temples. On abandonna le pillage
aux soldats. Denys, y ayant laissé une
bonne garnison et un gouvernement
sûr, retourna à Syracuse.
Siège de Syhacuse paa les càb-
THÀ&INOIS, 396 ET 895 AVÀTIT L'ÈEB
CHEÉTiEfiNE. -— Pendant que Denys
assiégeait Motya, Imilcon, que les
Carthaginois avaient nommé suffète ,
occupé en Afrique des apprêts de la
guerre , conçut un projet de diversion
qui fut exécuté avec une audace re-
marquable. Il met un commandant
actif à la tête de dix vaisseaux légers ,
et lui ordonne de partir secrètement
la nuit , de voguer à toutes voiles vers
Syracuse , de forcer l'entrée du port
et de détruire les vaisseaux qu'on y
avait laissés. L'officier entre la nuit ,
sans être aperçu, dans le port de Syra-
cuse , coule à fond tous les vaisseaux
ui s'y trouvaient, et reprend la route
e Carthage.
L'année suivante, Imilcon revint en
Sicile avec une armée composée , sui-
vant Éphore, de trois cent mille hom-
mes de pied et de quatre mille chevaux;
mais que Timée, dont l'assertion nous
parait phis probable, ne fait monter en
tout qu'à cent mille combattants. Sa
(lotte était composée de trois cents
vaisseaux de gnerre , et de six cents
vaisseaux de transport pour les vivres
et les munitions. Il aborda à Païenne,
recouvra Éryx par composition, Motya
par la force , fM-it et rasa Messine , et
s'empara de Catane et de quelques au-
tres villes. Animé par ses heureux suc-
cès , il marche vers Syracuse pour en
former le siège , menant ses troufies
ût pied par terre, pendant qœ ta
ï
flotte, sous la conétiite de Magoov
côtoyait les bords de la mer.
L'arrivée des Carthagihois jeta un
frand trouble dans la capitale de la
icilè. Magon, à la tête de tes navires
de guerre, chargés des dépouilUis de
la flotte ennemie, sur laquelle il venait
de remporter une victoire signalée,
entra comme en triomphe dans le grand
port, suivi de ses vaisseaux de charge*
On vit en même temps, du côté de la
terre, arriver la nombreuse armée que
conduisait Imilcon. Ce général fit dres-
ser sa tente dans le temple même de
Jupiter. Le reste de l'armée campa
dans les environs à douze stades,
c'est-à-dire , un peu plus d'une demi-
lieue de la ville. Bientôt il range ses
troupes en bataille sous les murs de
la place, et s'efi^^orce, mais en vain,
d'attirer les Syracusains au combat.
Non content d'avoir ainsi obtenu des
assiégés l'aveu de leur faiblesse sur
terre, il veut encore leur montrer que,
sur la mer, ils ne sont pas moins in-
férieurs aux Carthaginois. Du grand
port qu'il occupliit, il envoie cent vais-
seaux d'élite qui s'emparent des au-
tres ports sans résistance* Pendant
trente jours , il porte le çavage et la
désolation dans tout le territoire de Sy-
racuse. Il se rend maître du faubourg
d'Achradine, pille les temples de Cérès
et de Proserpine, et, pour fortifier '
son camp, il abat tous les tombeaux
qui environnaient la ville, et, entre au-
tres, celui de Gélon et de Démarète sa
femme , qui était d'une magnificence
extraordinaire.
Cette impiété , dit Diodore , attira
sur ImilcoA le courroux des dieux. La
fortune changea de face, et d'affreux
revers suivirent les brillants succès
3ui avaient signalé le commencement
e la campagne. D'abord les Syracu-
sains, ayant repris confiance, avaient
eu l'avantage dans quelques légères
escarmouches. Des terreurs paniques
troublaient chaque nuit le camp des
Africains. Imilcon l'entoura de nou-
veaux ouvrages et construisit trois
forts , l'un à Plemmyre , l'autre vers
le milieu du port , et le dernier ^s du
temple de Jupiter II les approvisiiMintt
Digitized by
Google
12
L'UNIVERS.
ée blé, de vin et de toutes les choses
nécessaires à la défense; car il pré-
voyait que cette guerre serait plus
longue et plus difficile qu'il ne Tavait
cru d'abord.
Peste horrible dans le camp
DES Carthaginois. — Mais bientôt
une maladie contagieuse se déclara
dans son armée et y fit des ravages
incroyables. On était dans le fort de
Tété, et la chaleur, cette année, était
excessive. De plus, son camp était
placé dans une vallée basse et maré-
cageuse, circonstances favorables au
développement de l'épidémie qui, dans
le même emplacement, avait décimé
les Athéniens lorsqu'ils assiégèrent
Syracuse.
La contagion commença par les
Africains qui mouraient par centaines.
D'abord on enterrait les morts, on
soignait les malades ; mais tous les re-
mèdes étant inefficaces, le mal se com-
muniquant à tous ceux qui assistaient
les pestiférés, et le nombre des vic-
times s'accroissant tous les jours , les
cadavres demeurèrent sans sépulture
et les malades sans secours. Bientôt ,
l'infection causée par la putréfaction
de ces cadavres augmenta l'intensité
du fléau.'
Cette peste i dit Diodore, indépen-
damment des bubons, des fièvres vio-
lentes et des engorgements glandulai-
res, signes caractéristiques de cette
nialadie , était accompagnée de symp-
tôi^es extraordinaires, de cruelles dys-
senteries , de pesanteurs dans les jam-
bes, de douleurs ai^ës dans la moelle
épinière , de frénésie même et de fu-
reur telles qu'ils se jetaient sur qui-
conque se trouvait sur leur passage et
le^ mettaient en pièces.
Denys, connaissant le déplorable
état. de l'armée des Carthaginois, les
attaque de trois côtés à la fois avec
toutes ses forces. Dans la confusion
où cette triple attaque jette les Afri-
cains, il emporte d'assaut deux des
forteresses qu'ils avaient construites.
En même temps la flotte syracusaine
vient fondre sur leurs vaisseaux. Les
Carthaginois , qui pensaient n'être at-
taqués quç sur terre et qui avaient
Sorte toutes leurs forces à la défense
e leur camp, se précipitent en tu-
multe vers le port pour tâcher de
sauver leur flotte. Mais la diligence
des ennemis les a prévenus. Ils n'ont
pas eu le temps de se mettre en dé-
tense que déjà la plupart de leurs vais-
seaux sont pris, coulés à fond ou con-
sumés par les flammes. Ces premiers
succès augmentèrent tellement la con-
fiance des Syracusains , que les enfants
et les vieillards se mêlèrent à l'armée
et à la flotte, et voulurent aussi avoir
leur part des périls et de la victoire.
La nuit mit fin au combat, et Denys
plaça son camp en face du camp en-
nemi , près du temple de Jupiter.
Imilcon, vaincu à la fois sur terre
et sur mer, envoya secrètement vers
Denys pour lui demander la permis-
sion d'emmener avec lui à Carthage le
peu qui lui restait de troupes. Il offrait
pour obtenir cette grâce tout l'argent
qu'il possédait encore, et qui ne se
montait pas à plus de trois cents talents
(1660 mille francs). Il ne put obtenir
cette grâce que pour les Carthaginois
avec lcs(]uels il s'échappa pendant la
nuit, laissant tous les autres soldats
à la discrétion de l'ennemi.
Ainsi, dit Diodore, ces conquérants
qui s'étaient emparés de toutes les
villes de Sicile, à l'exception de Syra-
cuse que même ils regardaient déjà
comme une proie assurée, se voyaient
réduits à trembler pour le salut de
leur patrie. Ceux qui avaient détruit les
tombeaux des Syracusains laissaient
étendus sur la terre étrangère, et pri-
vés des honneurs de la sépulture, cent
cinquante mille cadavres de leurs con-
citoyens que la peste avait moisson-
nés. Ceux qui avaient porté le fer et
le feu dans le territoire de Syracuse
avaient vu, par un juste retour du sort,
leur flotte immense consumée par les
flammes. Ceux qui avec toute leur ar-
mée étaient entrés orgueilleusement
dans le port de Syracuse, parés des
dépouilles ennemies et dans tout l'é-
clat du triomphe, ne prévoyaient pas
qu'ils seraient forcés de s'échappei
mrUvement au milieu de la nuit, aban-
donnant leurs alliés^ leurs compagnons
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
ÎM
d^armes aux vengeances d'un ennemi
justement irrité. Le chef lui-même
d*unc armée si nombreuse, ce fier
Imilcon qui avait osé dresser sa tente
dans le temple de Jupiter olympien ,
et porter sur les trésors du dieu une
main sacrilège, est réduit à implorer
une capitulation honteuse pour rame-
ner du moins à Carthage quelc|ues
restes de ses concitoyens. Les dieux
lui infligent pour peine de son impiété
une vie misérable, déshonorée, en butte
aux reproches, aux outrages, à la ma-
lédiction universelle. On le voit, con-
traint dliumilier son orgueil , couvert
de misérables haillons, se prosterner
dans les temples, faire l'aveu public de
son impiété, implorer le pardon de
ces menées dieux qu'il avait outragés;
enfin, ne pouvant échapper aux re-
mords de sa conscience, il s'impose
la faim pour supplice et se laisse ex-
pirer d'une mort lente et douloureuse.
Rbvoltç des Africains gontbe
LES CABTHAGINOIS, 395 AYANT L'ÈBB
vuLGAiBE. — Un nouveau surcroît de
malheurs vint accabler les Carthagi-
nois. Les Africains , qui depuis long-
temps supportaient avec peine la do-
mination de Carthage, irrités alors
jusqu'à la fureur de ce que le général
de cette république avait lâchement
abandonné leurs compatriotes, et les
avait livrés aux vengeances des Sy-
racusains, se préparèrent à la révolte.
L'état de détresse de leurs domina-
teurs leur inspirait l'espoir de recou-
vrer facilement leur indépendance. Ils
se liguent entre eux, arment jusqu'aux
esclaves, forment en peu de temps
une armée de deux cent mille hommes,
s'emparent de Tunis, et après avoir
vaincu les Carthaginois en rase cam-
)agne, dans plusieurs combats, ils les
brcèrent à se renfermer dans leurs
murailles. La ville se crut perdue : on
regarda ce soulèvement imprévu com-
me un effet et comme une suite de la
colère des dieux , qui poursuivait les
coupables jusque dans Carthage in^me.
Les peuples, dans leurs malheurs, sont
poussés par la crainte à la supersti-
tion. Cérès et Proserpine étaient des
divinités inconnues jusque-là dans le
g
pays : pour réparer l'outrage aui leur
avait été fait par le pillage oe leurs
temples, on leur érigea de magnifiques
statues; on leur donna pour prêtres
les citoyens les plus distingués de la
ville; on leur otfrit des sacrifices et
des victimes selon le rit grec, et l'on
n'omit rien de ce qu'on croyait pou-
voir rendre ces déesses propices à la
république. Après s'être acquitté en-
vers les dieux, on s'occupa activement
des préparatifs de la guerre. Heureu-
sement pour les Carthaginois, la nom-
breuse armée des rebelles était sans
chefs; nulles provisions, nulles ma-
chines de guerre, point de discipline
ni de subordination : chacun voulait
commander ou se conduire à son gré.
La division s'étant donc mise parmi ces
troupes, et la famine augmentant tous
les jours de plus en plus dans leur
camp, ils se retirèrent chacun dans^
son pays , et délivrèrent Carthage d'une
grande terreur.
Expédition deMagon en Sicile;
TBAITE ENTBE LES CaBTHAGINOIS ET
Denys, tyban de Sybacuse; de
395 A 383 AVANT J. C. — Cependant
les Carthaginois, ayant eu le temps de
rétablir leurs forces , font passer Ma-
gon en Sicile , à la tête d*une nouvelle
ari^iée. Ce général reconquit les an--
ciennes possessions carthaginoises, fit
révolter plusieurs villes soumises à De-
nys, et s'avança jusqu'à Agyris (*).
Denj's s'y était porté de Syracuse, et
les rorces des deux partis étant balan-
cées , les Siciliens et les Carthaginois
s'accordèrent sur les bases d'un traité
de paix. Les conditions furent les
mêmes que celles du traité conclu en-
tre Imilcon et Denys, après la prise
d'Agrjgente et de 'Gela, dont nous
ayons déjà rapporté la substance. Il
n'y eut d ajouté que ces deux clauses :
que Magon abandonnerait Tauromi-
nium aux Syracusains, et que^s Si-
cules, jusqu'alors hbres et indépen-
dants, seraient à l'avenûr sujets de
Denys.
Ce traité dura neuf années consécu*
tives.
{*) Entre Eiina et Catane, à ao lieuei en-
viron de Syracuse.
Oigitized by
Google
a
L'UNIVERS.
R^NOUV^EMENT DE LA GUEBBB
«N Sicile; mok* deMagoît, suf-
FÈTE ET GÉNÉRAL DES CARTHAGI-
NOIS ; 883 AVANT l'Ère chrétienne.
— Cependant Denys excite à la défec-
tion les villes soumises aux Carthagi-
nois, et les reçoit dans son alliance.
Ceux-ci, craignant pour leurs posses-
sions , envoient de nouveau Magon en
Sicile, à la tête de quatre-vingt mille
hommes. Après quelques combats, où
les succès furent nalancés, une bataille
décisive se livra auprès de Cabala. De-
nys y fit des prodiges de courage et
I dMiabileté, tua dix mille hommes aux
ennemis , et fît cinq mille prisonniers.
Magon perdit la vie dans cette bataille,
et les Carthaginois effrayés demandè-
rent la paix a Denys. Celui-ci leur ré-
pondit qu'il ne poserait les armes que
lorsque les Carthaginois auraient con-
senti à évacuer la Sicile entière , et
à payer les frais de la guerre.
Expédition de Magon II en Si-
cile, 382 AVANT L*ÈRE VULGAIRE.
— Ces conditions leur semblèrent ex-
trêmement dures , et, pour les éluder,
ils recoururent à leur adresse accou-
tumée. Ils feignent d'accepter ce traité
désavantageux et humiliant; mais, sous
prétexte qu'ils ne peuvent livrer les
villes sans l'ordre du gouvernement,
ils obtiennent une trêve assez longue
riur envoyer demander la ratification
Carthage. On y profite de ce répit
pour lever et exercer de nouvelles trou-
pes. On leur donne pour chef Magon ,
fils du général qui avait péri dans la
dernière bataille. Il était encore dans la
pemière jeunesse ; mais déjà son ha-
Dileté, son courage, sa prudence, l'a-
Vaientf^it distinguer. Pendant le court
espace de la trêve, ses encourage-
ments et ses leçons établirent la dis-
cipline dans son armée, et lui inspi-
Kèrent une juste confiance dans ses
forces."
Aussitôt après l'expiration de la
trêve , il livra contre Denys une ba-
taille, où Leptine^ l'un des plus habiles
généraux du tyran, fut tue, et où les
Syracusains , à qui les ennemis ne fai-
saient point de (quartier, laissèrent
plus de quatorze mille morts. Le jeune
Magon se montra prudept et modéré
dans la victoire. Il accorda à Den3^8
une paix honorable. Les Carthaginois
conservèrent toutes leurs possessions
en Sicile, y acquirent en outre Séli-
nonte et une partie du territoire d'A-
grigente , et exigèrent mille talents (*)
pour les frais de la guerre.
SÉNATUS-CONSULTE QUI INTERDIT
AUX Carthaginois d'apprendre et
DE PARLER LES LANGUES ÉTRANGÈ-
RES. — Ce fut à peu près vers ce temps-
là , dit-on , qu'un citoyen de Carthage
ayant écrit en grec à Denys pour lui
donner avis du départ de I armée car-
thaginoise , il fut défendu par arrêt du
sénat aux Carthaginois d'apprendre à
écrire ou à parier la langue grecque,
pour les mettre hors (Fétat d'avoir
aucun commerce avec les ennemis,
soit par lettre, soit de vive voix.
L'existence de ce décret, dont Justin
seul fait mention , me semble peu pro-
bable. Du moins, s'il a jamais existé,
il dut bientôt tomber en désuétude.
Les relations de guerre et de com-
merce que Carthage avait avec la Si-
cile et les provinces voisines rendaient
son exécution presque impossible. Nous
savons d'ailleurs qu'Amilcar Barca et
le fameux Annibal haranguaient leurs
auxiliaires dans leur propre langue;
que ce dernier, suivant Cornélius
Népos et Plutarque, cultiva la litté-
rature crecque, et composa dans cette
langue les mémoires de ses campagnes
et Tinscription du temple de Junon
Lacinia qui a été vue et mentionnée
par Polybe.
Peste a Carthage ; nouvelle ré-
volte DES Africains et des Sardes;
DE 379 A 368 AVANT L'ÈRE VULGAIRE.
— Carthage était affaiblie par une peste
épouvantable qui avait fait de grands
ravages dans ses murs. Les Africains
et les Sardes voulurent profiter de
cette occasion pour secouer le joug;
mais les uns ec les autres furent
domptés et forcés de rentrer dans l'o-
béissance.
Renouvelleîient de la guerre
ENTRE Denys ET LES Carthaginois;
(*) 5,5oo,ooo fr.
Digitized by
Google
GARTHAGE.
If
MOBT BB DBNYS; 868 AYANT L'SBB
VULGÀiBE. — Vers le même temps ,
Denys veut encore profiter des em-
barras des Carthaginois pour renou*
vêler la guerre. Une armée de trente
mille Siciliens , de trois mille chevaux
et de trois cents vaisseaux prend Séli-
nonte, Ëntelle et Éryx. Mais elle est
obligée de lever le siège de Lilybée. Im
flotte de Denys est surprise par celle
des Carthaginois qui lui enlèvent trente
vaisseaux. Les deux partis, las de la
guerre, font un nouveau traité de
paix. Peu de temps après, Carthage
se vit délivrée de son ennemi le plus
formidable. Denys mourut après trçnte*
huit années de règne , âgé de soixante-
trois ans. Il eut pour successeur
Denys son fils af né , qu'on a distingué
par le nom de Denys le Jeune.
Second traité bntbe les Ro-
IIAINS ET LES CARTHAGINOIS , L'AN
402 DE LA FONDATION DE ROME, 352
AVANT J. C. — Nous avons déjà rap-
porté un premier traité entre les Ro-
mains et les Carthaginois. Il y en eut
un second qu'Orose dit avoir été conclu
la quatre cent deuxième année avant
la fondation de Rome, et par consé-
quent vers le temps dont nous parlons.
Ce second traité contenait à peu çrès
les mêmes conditions que le premier,
excepté que les habitants de Tyr et
d'Utique y étaient nommément com-
pris et joints aux Carthaginois.
Guerre des Carthaginois con-
tée Denys le Jeune; Timoléon
vient au secours de 3ybacuse; db
362 A 342 AVANT l'ère VULGAIRE. —
Après la mort du premier Denys , il
y eut de grands troubles à Syracuse.
Denys, qui, sans avoir aucun des ta-
lents de son père, en avait exagérç
tous les d^auts et tous les vices , se
plongea dans la mollesse et la débauche,
et devint pour tous un objet de mépris
^t de haine. Syracuse lui déclara la
guerre et le chassa de ses murs. Il fut
accueilli par les Locriens sur lesquels
il exeri^a pendant six ans unç horrible
tyrannie. Chassé encore de Locres par
les habitants ligués contre lui, il re-
vint en Sicile, et rentra par trahison
4ans Syracuse où il s'abandonna sans
nMSure à tous les mes de la baine ef
de la vengeance. Les Syracusains se
révoltèrent de nouveau contre Iqi et
appelèrent à leur secours Icétas, ty-
ran de Léontium, qui s'empara qe
toute la ville, excepté de la citadelle
où Denys réussit à se maintenir.
La conjoncture de ces troubles parut
favorable mix Carthaginois pour réa-
liser leur désir obstiné de s'emparer
de la Sicile, et ils envoyèrent dans
cette Ile une nombreuse uotte et une
armée de soixante mille hommes com-
mandés par Magon. Dans cette extré-
mité , ceux d'entre les Syracusains qui
étaient le mieux intentionnés eurent
recours aux Corinthiens, leurs fonda-
teurs, qui les avaient déjà souvent ai-
dés dans leurs périls. Ceux-ci leur en«
voyèrent Timoléon. C'était un général
habile et un citoyen vertueux, qui avait
signalé son zèle pour le bien public en
affranchissant sa patrie du joug de la
tyrannie , aux dépens de sa propre
famille. 11 partit avec dix vaisseaux
seulement, et, étant arrivé à Khége,
il éluda par un heureux stratagème la
viçilance des Cartliaginois qui . ayant
été avertis de son départ et de son
dessein par Icétas, voulaient l'empê-
cher de passer en Sicile.
Timoléon n'avait guère plus de mille
soldats avec lui; avec ce faible déta-
chement il marche hardiment au se-
cours de Syracuse, écrase auprès d'A-
driana l'armée d 'Icétas qui lui était bien
supérieure en nombre, et, profitant de
sa victoire, il réussit à s'emparer d'une
partie de la capitale de la Sicile. Icétas,
effrayé de l'audace et des succès de
Timoléon, livre le grand port aux
Carthaginois qui y font entrer cent
cinquante vaisseaux, et débarquent
soixante mille hommes dans la partie
de la ville voisine de la rade. Étrange
position des Syracusains, où ils sem-
fclaient avoir perdu même jusqu'à l'es-
pérance ! Ils voyaient les Carthaginois
maîtres du port, Denys de la citadelle,
Icétas de l'Achradine et de la ville
neuve. Heureusement Denys , qui était
sans ressources , remit à Timoléon la
citadelle avec toutes les troupes, \e$
armes et les vivres qui s'y trouvaient,
Digitized by
Google
le
L'UNIVERS*
et en obtînt un sauf-conduit pour se
réfugier à Ck)rinthe. Il y eut alors une
suspension d'hostilités entre les trois
armées qui occupaient Syracuse.
La plupart des auxiliaires de Magon
étaient Grecs. Ils se mêlèrent penoant
la trêve avec les soldats de Timoléon.
Ceux-cf leur représentaient sans cesse
qu^il était indigne de leur nom et de
leur courage d'employer leurs armes à
la ruine d une des plus belles villes
fondées par les Grecs, pour la sou-
mettre à la domination barbare des
Carthaginois; que Tappui que ceux-ci
prêtaient à Icétas n'était c[u'un prétexte
pour déguiser leurs projets ambitieux
sur Syracuse et sur la Sicile. Ces insi-
nuations se répandent dans le camp
des Africains; Magon, d'un caractère
faible et pusillanime, que les entrepri-
ses hardies de Timoléon avaient aéjà
frappé de terreur, se croit au moment
d'être trahi et abandonné par ses trou-
pes, et la peur grossissant le péril à
ses yeux, il rembarque son armée, s'é-
loigne du port, et fait voile vers Car-
thage. Dès que Magon fut arrivé dans
cette ville, on lui fit son procès; mais
il prévint son supplice par une mort
volontaire , et son corps fut attaché à
une croix et exposé en spectacle au
peuple. Le lendemain du départ de
Magon, Timoléon attac^ue Syracuse par
trois endroits à la fois', renverse et
met en fuite les troupes d'Icétas, et
s'empare de la ville sans avoir perdu
un seul de ses soldats.
Nouveaux efforts des Cartha-
ginois EN Sicile; Ahilgar II et
AnNIBAL II SONT BATTUS PAR TlMO-
LÉON; 340 AVANT l'ère VULGAIRE.
— Les Carthaginois, jaloux de laver
la honte de leurs armes, équipent deux
cents vaisseaux longs , mille vaisseaux
de churge, et les envoient en Sicile,
chargés de soixante-dix mille combat-
tants et d'un immense appareil de
guerre. Ils abordèrent à Lilybée, sous
la conduite d'Amilcar et d'Annibal , et
résolurent d'aller d'abord attaquer les
Corinthiens. Timoléon, sans être ef-
frayé de leur nombre, prît aussitôt
le parti de marcher à leur rencontre ;
mais à Syracuse, on fut tellement
épouvanté de la supériorité des forces
ennemies, que, dans sa nombreuse
garnison , Timoléon eut peine à trou-
ver trois mille Syracusains et quatre
mille mercenaires qui osassent le sui-
vre; encore, parmi ces derniers, il y
en eut mille qui se laissèrent entraîner
par la crainte , et qui désertèrent pen-
dant la marche. Timoléon , loin d'être
ému de leur départ, regarda comme
un avantage que ces lâches se fussent
déclarés avant le combat. Il encourage
par son air et par ses discours pleins
de confiance le reste de sa petite ar-
mée, et la mène droit à rennemi,
camp^ près du fleuve Crimise.
« Attaquer avec cinq mille fantassins
et mille cavaliers seulement une armée
de soixante-dix mille hommes, abon-
damment pourvue de tous les moyens
de défense, engager le combat à huit
journées de Syracuse , sans nul espoir
de secours, sans aucun moyen de re-
traite , c'était dans Timoléon un excès
d'audace qui semblait tenir de la folie ;
et cependant la témérité seule pouvait
donner la victoire. Il se sert habile-
ment, pour rendre l'espoir à ses sol-
dats , du puissant mobile des présages
et des augures; il fait passer dans leurs
âmes l'enthousiasme et la confiance
qui l'animent, et toUibe a l'improviste
sur les Carthaginois, au moment où
ils passent la rivière. Au même ins-
tant, un ouragan épouvantable, ac-
compagné d'éclairs , de tonnerres , et
de gréions énormes, éclata tout à coup
sur leurs têtes : ce fut pour les Grecs
un puissant auxiliaire; car l'orage, les
frappant par derrière , ne les incom-
modait que faiblement, tandis que le
vent, la grêle et les éclairs frappaient
en face les Carthaginois. En butte à
la fureur des éléments, et vigoureuse-
ment pressés par les Grecs, ils ne
peuvent résister et prennent la fuite.
Dès lors ce n'est plus qu'une déroute,
une horrible confusion : les chars, les
cavaliers, les fantassins, se précipitent
à la fois dans la Crimise, et s'embar-
rassent mutuellement dans leur fuite;
le fleuve, grossi par l'orage, les en-
gloutit dans ses tourbillons. Ceux qui
veulent chercher un refuge sur les
Digitized by VjOOQIC
CARTHAfeË.
1?
collines &ont massacrés par les troupes
légères. La cohorte sacrée des Car-
thaginois, composée de deux mille cinq
cents citoyens, les plus distingués par
leurs richesses et par leur courage,
combattit jiisqu'au dernier soupir, et
se laissa massacrer tout entière plu-
tôt que de se rendre. Les Carthagi-
nois laissèrent en outre dix mille
morts sur le champ de bataille : Ti-
raoléon leur Gt qumze mille prison-
niers et s'empara de leur camp, où il
trouva des richesses immenses, qu'il
abandonna tout entières à ses soldats
sans en rien réserver pour lui-même.
Conspiration d'Hannon contbe
LE SÉNAT ET LE PEUPLE DE CAB-
thage; 337 avant l'èbe chétienne.
— Ce fut probablement vers ce même
temps, tandis que Carthage était af-
faiblie par les revers qu'elle venait
d'éprouver en Sicile, qu'eut lieu la
conspiration d'Hannon , dont le récit
ne nous a été transmis que par le seul
Justin. Hannon, le premier citoyen
de Carthage, dont la richesse excessive
était formidable pour la république,
employa ses trésors à l'asservir, et
voulut, en égorgeant le sénat, se frayer
une route a la tyrannie. Il choisit,
pour exécuter son crime , le jour des
noces de sa tille , afin de cacher plus ai-
sément, sous le voile de la religion,
l'affreux dessein qu'il méditait. Il fait
dresser sous les portiques publics (*)
des tables pour les citoyens, et, dans
l'intérieur de son palais, un festin
pour le sénat, afin de le faire périr en
secret et sans témoins par des bois-
sons empoisonnées, et d envahir plus
aisément l'empire privé de ses chefs.
Instruits de ce dessein par ses servi-
teurs, les magistrats le déjouèrent sans
le punir : ils craignaient qu'avec un
(*) Ces portiques publics étaient la double
colonuade qui entourait le Cotlidn, ou le
port militaire des Carlhaginois. Le palais
d'Hannon s'élevait dans File qui occupait le
milieu du Cotliôn. On peut en voir les preu-
ves dans les Recherches sur la topographie
de Carthcige , par M. Dureau de la Malle ,
p. 88 et planche III. Paris, Firm'ui Didot.
i835.
T Livraison. (Cabthage.)
homme si puissant la découverte du
crime ne fut plus funeste à l'État que
le projet de son exécution. Se bornant
donc à prévenir la conspiration, ils
fixèrent les frais des noces par un
décret, qui, s'appliquant à tous les
citoyens, semblait moins désigner le
coupable que réformer un abus géné-
ral, lïannon, entravé par cette mesure,
excite les esclaves à la révolte, fixei
une seconde fois le jour des massacres,
et, voyant encore sa trame découverte,
s'empare d'un château fort avec vingt
mille esclaves armés. Là , tandis qu'il
appelle à son secours les Africains et le
roi des Maures, il tombe aux mains
des Carthaginois, qui le font battre de
verges, lui font crever les yeux, rom-
pre les bras et les jambes , et lui don-
nent la mort aux yeux du peuple;
enfin son corps déchiré est mis en
croix. Ses fils et tous ses parents,
même étrangers à son 'crime, sont li-
vrés au supplice, afin que de cette race
odieuse ne survécût personne qui pût
imiter son exemple ou venger sa
mort.
Fin de la guebbe; nouveau
TBAITÉ DE PAIX ENTBE LES SYBA-
CUSAINS ET LES CABTHAGINOIS ; 338
AVANT l'èbe chbétienne. — Après
la victoire remportée près du fleuve
Crimise, Timoléon, laissant dans le
pays ennemi les troupes étrangères,
pour achever de piller et de ravager
tes terres des Carthaginois, s'en re-
tourna à Syracuse. En arrivant, il
bannit de Sicile les mille soldats qui
l'avaient abandonné en chemin, et il
les fit sortir de Syracuse avant le
coucher du soleil, sans en tirer d'au-
tre vengeance.
Les Carthaginois, aussi prompts à
se laisser abattre par les revers qu'à
s'enivrer d'espérances exagérées au
moindre succès , demandèrent la paix,
que Timoléon leur accorda , à condi-
tion que les bornes de leur territoire
seraient les rives du fleuve Halycus,
qu'ils laisseraient à tous les Siciliens
la liberté d'aller s'établir à Syracuse
avec leurs familles et leurs biens, et
qu'ils ne conserveraient avec les ty-
rans ni alliances ni intelligences.
2
Digitized by
Google
^
L'UNIVERS,
TÉs EN SiGiiiS; auEBi^ES pi;s Caq-
THAGINOIS C0NTB3 AgATHOCLE, TY-
ÂAN DE SyEAGUSE; DE 319 A 309
AVANT l'èbe VUI.GAIBE. — -Comtue
rhistoirc d'Agathocle est intimement
Bée. à l'histoire de Carthage , que ce
prince osa le premier porter la guerre
en Afrique, et qu'il mit Carthage à
deux doigts de sa ruine, il est né-
cessaire d'entier dans quelques détails
sur la naissance, sur les commence-
ments de cet homme extraordinaire,
et sur les divers obstacles qu'il e^t
h surmonter pour s'élever à la tyran- '
niç. Il naquit à Therma, en Sicile,
d'un potier de terré; son père l'ex^
posa lors de sa naissance , et l'avait
condamné à périr : i) fut sauvé par
la tendresse ae sa mère et élevé chez
un d« ses oncles, qui lui donna le
nom d'Agathocle. Son enfance fut
aussi méprisable que son origine était
basse. Doué d'une rare beauté et d'une
grande perfection de formes, il ne
vécut longtemps qu'en prostituant sa
pudeur : sitôt qu il eut franchi l'vlge
de la puberté, l'ardeur de ses passions
se dirigea des hommes vers les fenir
mes; bientôt en butte à la haine de
l'un et de l'autre sexe , il se vit con-
traint d'embrasser le, métier de bri-
gand. Dans la suite, s'étant fixé à Sy-
racuse, où son père et lui avaient
obtenu le droit de cité, il y vécut long-
temps dédaigné comme un homme qui
n'avait ni honneur ni fortune à per-
dre; enûn, il servit comme simple
soldat, et on le vit toujours prêt à
tout oser , aussi ardent pour le désor-
dre qu'il l'avait été pour la débauche.
Il montrait en effet tour à tour une
grande audace à la guerre, une. élo-
guence impétueuse oans les assem-
lées. Aussi fut-il nommé centurion ,
et peu de temps après chiliarque , ou
commandant de mille hommes. Peut-
être dut-if aussi cet avancement rapide
à l'amour de Damascon, qui était
éperdument épris de sa beauté. Dès
sa première campagne, il donna aux
Syracusaius des prçuves signalées de
sa valeur dans une guerre contre les
habitants d'Etoa^ Bum la seconde,
contre les Campaniens, il fît conee-
voir de lui de si hautes espérances,
qu'il fut nommé général à la place de
Damascon qui venait de mourir , lais-
sant à sa femme d'immenses richesses,
Agathocle aussitôt s'empressa d'épou-
ser la veuve, gui, depuis longtemps,
vivait en adultère avec lui. Ce passage^
inespéré de la pauvreté à l'opulence
ne satisfit pas encore son ambition , il
se fit chef de pirates et exerça ses bri-
gandages contre sa patrie. Ses com-
plices, faits prisonniers et mis à la
torture, le sauvèrent en ne l'accusant
pas. Deux fois il tenta d'asservir Sy-
racuse , et deux fois il fut condamné à
l'exil.
Il s'était réfugié chez les Murgan-
tins. Ceux-ci, en haine de Syracuse,
le firent d'abord préteur et bientôt
général. Il entre en campagne, s'em-
pare de Leontium, et vient assiéger
Syracuse sa patrie. Les Syracusains
implorent la protection d'Amilcar, gé-
néral des Carthaginois, qui, abjurant
ses sentiments de haine nationale,
leur envoie des secours. Syracuse vit
donc à la fois uu de ses citoyens l'as-
siéger avec toute l'ardeur d'un ennemi,
et un ennemi la défendre avec le dé-
vouement d'un citoyen. Comme la dé-
fense était plus vigoureuse que l'atta-
3ue , Agathocle fait supplier Amilcar
e hii servir de médiateur auprès des
Syracusains , promettant de reconnaî-
tre ses bienfaits par ses services.
Amilcar, séduit par cette offre, et crai-
gnant d'ailleurs les forces d'Agathocle,.
fait alliance avec lui, dans Tespoir
d'en obtenir, pour étendre sa puis-
sance à Carthage, Tappui qu'il lui four-
nirait contre les Syracusains. Il obtint
donc, pour Agathocle , non-seulement
la paix., mais aussi la dignité de pré-
teur à Syracuse. Agathocle fait alors
le serment solennel d'être fidèle à Car-
tàa^, et reçoit d'Amilc^ cinq mille
Africains , par lesquels il fait égorgev
les principaux Syracusains. Sous pré-
texte de procéder à l'organisation des
pouvoirs , il ^convoque le peuple au
théâtre , et rassemble d'abord le sénat
dans le gymnase, comme pour régler
quelques préliminaires. Après avoir
Digitized'by VjOOÇ IC
lettre. CARTHA&E . '
Héfaaxi^oK ■ Lettres Riinques lettres ftàjaçedaea ■^
^ ^ x^ ^ ^ KX^
-^-^-9 4-^-^
yl 1^ 1 1 l-l .__
_^ <k _^__A 9 ^
^_ A l-^H-J^ 5- Il
_2L_7_^ 7 f 7 on^^f)
fiBL
"W ff^-^^/ln.
J__Z^2_i
rî
tt
_©„J3 û h k ^ hl Af h J
M É^^- - ^ -
"V .. ^ „ -^-_- *Y ^ «-
^O- O O Q (S^ O W - _ î- _
-7 -) ) -
-r r V v-vr V -
4 1 1-1 -V- ^--.
fy ^ ^ /^ A A f
V
dur
SCH
e.
'^^-^^^-^^^ Digitized by GoOglC
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
1?
j^ïîs ces mesures , il fait rjard'jer les
«oldats, enveloppe le peuple, égorgs
le sénat, et se délivre encore, après
ce^massacre , des plébéiens les plus ri-
clies et les audacieux.
Il lève alors des soldats, et ras-
semble une armée avec laquelle il fond
brusquement sur les villes voisines,
qui ne s'attendaient point à ces atta-
ques. D'accord avec Amilcar, il mal-
traite et persécute même les alliés de
Carthage, qui envoient des députés
pour se plaindre aux Carthaginois
moins d'Agathocle que d' Amilcar. «Le
«"prem'ier était un usurpateur et uft
« tyran, le second un traître qui , par
« un pacte frauduleux, abandonnait
« ses alliés à leur plus cruel ennemi.
« Pour jprix d'un odieux marché, dont
« le premier gage avait été le don
« de Syracuse, rëtemelle ennemie de
« Carthage , la rivale qui lui dispu-
« tait la dominatiofi de fa Sicile, il
« cédait maintenant les villes de leurs
« alliés. On verrait bientôt les effets
« de cette allianoe de deux traîtres
« retomber sur Carthage et devenir
« aussi funestes à l'Afrique qu'ils fa-
« vaient été à la Sicile. » Ces plaintes
irritèrent le sénat contre Amilcar;
mais, comme la force était daiis ses
mains, la délibération fut secrète , et
les votes, avant d'être publiés ^ forent
renfermés dans une. urne qui devait
rester scellée jusqu'au retour d'un au-
tre Amilcar, fils de Giscon , alors en
Sicile. La mort naturelle du général
accusé remirt inutile l'adroite {»récau^
tion des sénateurs et la séntenee se-
crète par laquelle ils l'avaient condamné
sans l'entendre. Ce iugetnent, dont les
dispositions avaient transpiré, servit
de ^texte à Agatbocle pour déclarer
la guerre aux Carthaginois^ Il livra
é'abord, près d'Hvmère^ une bataille
contre Amilcar, fils de Gisco^ : il fut
vaincu , |)erdit la plus grande partie de
son armée , et se vit contramt de se
renfermer dans Syracuse. Bientôt, il
leva une armée plus considérable, et
tenta une seconde fois, mais sans plus
de succès , la fortune des armes.
SiB&K DE SYBiiGUSE PÂB LES CàB-
TBAaiKOIS; AûATHOGUB JPOEME LE
PROJET BE PASSER EN AfBIQUE; 310
AVÀifT l'èbe vulgaire. — Lcs Car-
thaginois vainqueurs mettent le siège
devant Syracuse. Agathocle, alors
pressé par des forces de terre et de
mer supérieures aux siennes, mal pré^
paré à soutenir un siège , délaissé par
tous ses alliés révoltés de sa cruauté,
voyant la Sicile entière, à l'exception
de Syracuse, au pouvoir des Barbares,
conçut un dessein si hardi et si impos-
sible à prévoir, que, même après
l'exécution et le succès , il paraît en-
core presque incroyable. En effet, tan-
dis qu'on pensait généralement qu'H
n'essayerait pas même de résister aux
Carthaginois, il laisse dans Syracuse
une garnison suffisante^ et passe en
Afrique avec l'élite de ses troupes. Au-
dace vraiment extraordinaire, d'aHer
attaquer dans leur capitale ceux contre
lesquels il ne peut défendre la sienne;
d'envahir une terre étrangère, lors-
qu'il ne p«it protéger sa patrie, et d'o-
ser, vaincu, insulter a ses vainqueurs*
Il avait cakulé que les citoyens de
Carthage, amollis par une lon^ paix,
ne pourraient résister à ses vieux sol^
dats, habitués à tous les travaux, à
tous les périte de la guerre; que les
Africains, fetigués depuis longtemps
du joujg oppresseur des Carthaeinon»
sainraient avec joie l'ôecasion de s'en
délivrer ; qu'en un mot, par cette di-
version hardie, il arracherait l'ennemi
du coeur de la l^dle ^ et transporterait
ht guerre en Afrique. Le profond se^
cret qu'il garda n^est pas moins sur*
prenant que l'entreprise même. Il se
borna à déclarer au peuple qu'il avait
trouvé la route de la victoire; qu'il ne
leur, demandait que le courage de soui*
tenir le siège pendant quelques jours;
qu'enfin, ceux qu'effrayait l'état pré-
sent des choses étaient libres de se
retirer. Seize cents citoyens seulement
quittèrent la ville ; il fournit aux autr^
rargent et les vivres nécessaires à sa
défense, et ^'emporta que cinquante
talents (*) pour les besoins présents,
aimant mieux prendre le surplus à ses
ennemis qu'à ses alliés. H affranchit
(*) 375,000 fr.
Digitized by
Google
iù
L'tfNlVERS.
tous les esclaves en état de porter les
armes, reçoit leur serment, les em-
barque et les incorpore dans ses trou-
pes , persuadé qu'en confondant ainsi
ces hommes de différentes conditions:,
il établirait entre tous une émulation
de courage. Le reste fut laissé pour la
défense de la patrie.
AeATHOGLE TBOMPE LÀ VIGILANCE
DES GaBTHÂGINOIS, ET DEBARQUE
BN ÂFBiqUE AVEC SON AEMÉE; 309
AVANT l'ebe vulcjAire, — Tout était
prêt pour le départ ; soixante vaisseaux
étaient armés, portant le roi et ses
deux fils, Archagatlie et Héraclide;
mais le port était blogué par une
flotte ennemie bien supérieure en nom-
bre. Tout à coup , un grand convoi de
vaisseaux chargés de blé se dirige vers
Svracuse; les Carthaginois lèvent le
blocus, et courent, avec toutes leurs
voiles, pour s'en emparer. Agathocle
saisit Fmstant propice, débouche du
port et gagne la pleine mer : la flotte
punique alors se retourne vers lui , et
abandonne les vaisseaux de charge,
qui entrent dans la ville, désormais à
1 abri de la disette et de la famine.
Agathocle, au moment d'être atteint
Ear les Carthaginois, est sauvé, d'a-
ord par la nuit, le lendemain par une
éclipse totale de soleil c[ui leur dérobe
sa marclie. .Enfin, après six jours et
six nuits d'une poursuite continue, il
arrive aux côtes d'Afrique presque en
même temps que les ennemis, et opère
son débarquement à la vue de la flotte
punique, qui arrive pour en être té-
moin, mafis trop tard pour s'y op-
poser. Agathocle fait tirer ses vais-
seaux à sec près des carrières où il
était abordé (*), et les entoure d'un
retranchement.
Agathoglb bévele ses pboiets
A ses soldats. — C'est alors que ,
pour la première fois, Agathocle ré-
vèle à ses soldats le dessein qu'il avait
conçu. Il leur rappelle l'état de Syra-
(*) Lapidicinas AaTop.îaç. Ces carrières
dont parle Strabon (liv. xvix, p. 834), sont
situées sur le côté oriental du golfe de Tunis,
au sud du cap Bon, a un endroit appelé
Louaria^ Fancienne Aquilaria.
cuse, dont l'unique ressource est dé-
sormais de faire souffrir à l'ennemi
ce qu'elle souffre aujourd'hui. « La
« guerre , leur dit-il , ne se fait pas
« au dedans comme au dehors : au de-
« dans, c'est à la patrie seule qu'il faut
« emprunter toutes ses ressources ,
« tandis qu'au dehors on peut vaincre
« l'ennemi par ses propres forces , et
«ses alliés rebelles, qui, las d'une
«longue servitude, accueillent avec
« ioie des libérateurs étrangers. D'ail-
« leurs, les villes, les châteaux de l'A-
« frique, ne sont ni entourés de reui-
« parts, ni construits sur des monta-
u gnes, mais situés dans la plaine, et
« ouverts de tous côtés : la crainte de
« leur destruction entraînera facile-
«ment les places dans notre parti.
« L'Afrique elle-même va devenir pour
« Carthage une ennemie plus redouta-
« ble que la Sicile. Tout va s'unir con-
« tre une ville qui n'a guère pour appui
« que son nom , et nous tirerons ainsi
« de cette terre ennemie les forces qui
«nous manquent. De plus, l'épou-
« vante soudaine qu'inspirera tant
«d'audace contribuera puissamment
« à la victoire. L'incendie des villages,
« le pillage des villes et des places qui
« oseront se défendre, le siège de Car-
«thage elle-même, montreront aux
« ennemis que leur pays n'est pas à
« l'abri du fléau delà guertre qu'ils ont
« jusqu'ici toujours porté chez les au-
« très. La victoire sur les Carthagi-
« nois sera la délivrance de la Sicile.
«Poursuivront-ils le siège de Syra-
« cuse, quand ils verront leur patrie
« assiégée ? Ainsi la guerre la plus
« facile vous offre la plus riche proie ;
« car la Sicile et l'Afrique entière se-
« ront le prix deMa conquête ^e Car-
« thage. La gloire d'une si belle' entre-
«prise, perpétuée d'âge en âge,
« triomphera du temps et de l'oubli.
« On dira de vous que, seuls entre tous
« les hommes , vous avez porté chez
«l'ennemi une ^erre que vous ne
«pouviez soutenir chez vous; que
« seuls, après une défaite, vous avez
« poursuivi vos vainqueurs et assiégé
«ceux qui assiégeaient votre patrie.
«Entreprenez donc, pleins a'espé-
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
Digitized by
Google
CARTHAGE.
31
«rance et de joie, une guerre où la
«victoire vous promet d'immenàes
« richesses, et la aéfaite même un glo-
a rieux tombeau. »
Agathogle bàssube ses soldats
EFf BAYES PAB L'eCLIPSE ET MET LE
FEU A SES VAISSEAUX. — ToUS ICS
soldats, enivrés d*espérance, applau-
dirent à ce discours; cependant, lors- '
que la première impression fut calmée,
le souvenir de Téclipse qui avait en
lieu pendant leur voyage , agita de vives
terreurs leurs âmes superstitieuses.
Agathocle les rassura en leur faisant
entendre que ces variations dans le
cours naturel des astres marquaient
toujours un changement dans l'état
présent; que Téclipse, loin d*étre un
funeste aueure, présageait indubita-
blement la nn de leurs revers et le dé-
clin de la prospérité de Gartha^e.
Alors, vovant ses soldats bien dis-
posés, il exécuta une entreprise aussi
nardie et plus périlleuse peut-être que
sa diversion même en Anrique; ce fut
de brûler entièrement la flotte qui l'y
avait amené. Plusieurs motifs puis-
sants le déterminèrent à prendre un
parti si extrême. Il n'avait pas de port
en Afrique où il pût mettre ses vais-
seaux en sûreté. Les Carthaginois, maî-
tres de la mer, s'empareraient facile-
ment de sa flotte, si elle n'était défendue
que par une faible garnison ; s'il laissait
assez de troupes pour la protéger, il
affaiblissait trop son armée active;
enfin, par la destruction de ses vais-
seaux, il enlevait à ses soldats tout
espoir de retraite , et les mettait dans
la nécessité de vaincre en ne leur lais-
sant d'autre ressource que la victoire.
Après avoir fait approuver son projet
par tous ses officiers qui lui étaient dé-
voués, Agathocle ofn*e un sacrifice à
Cérès et a Proserpine, et convoque
l'assemblée des soldats. Alors, vêtu
d'habits de fête, le front ceint d'une
couronne : « Lorsque nous partîmes
«de Syracuse, dit -il, au moment
« d'être atteints par l'ennemi, j'invo-
« quai Proserpine et Cérès, divinités
« protectrices de îa Sicile, et je leur
« promis , si elles nous sauvaient dans
« ce péril extrême, de brûler en leur
« honneur tous nos vaisseaux, dès que
« nous serions arrivés en Afrigue.
« Aidez-moi , soldats , à m'acquitter
« de mon vœu ; les déesses sauront
« bien nous dédommager de ce sacri-
« fice. Déjà même les victimes que je
« viens deieur immoler nous promec-
« tent un glorieux succès. » Aussitôt
il prend en main la torche sacrée ; il
en fait distribuer à chacun des capi-
taines ; il met le feu à son propre vais-
seau; chefs et soldats imitent son
exemple, et, en un instant, aux ap-
plaudissements et aux cris de joie de
toute l'armée, la flotte entière n'est
plus qu'un vaste monceau de cendres.
Les soldats n'avaient pas eu le temps
de réfléchir. Séduits par la ruse habile
d' Agathocle, une ardeur aveugle et
impétueuse les avait tous entraînés.
Mais lorsque leur enthousiasme se fut
refroidi, lorsque , mesurant dans leur
esprit cette vaste étendue de mer qui
les séparait de leur patrie , ils se virent
en pays ennemi sans aucun moyen
d'en sortir, une noire tristesse et un
morne désespoir s'emparèrent de tous
les cœurs.
Agathocle, sans laisser à ce décou-
ragement le temps de se propager, se
hâte de conduire son armée vers une
ville du domaine de Carthage , appelée
Mégalopolis. Le pays qu'ils eurent à
traverser était orné de jardins , de vi-
gnes , d'oliviers et de plantations de
toutes les espèces d'arbres fruitiers,
entrecoupé de ruisseaux et de canaux
d'eau vive qui arrosaient abondamment
toutes les cultures. On trouvait à cha-
gue pas des maisons de campagne,
âties avec une recherche et une ma-
gnificence qui attestaient l'opulence de
leurs propriétaires. Les champs étaient
couverts d'immenses troupeaux de
bœufs et de brebis, et les prairies
nourrissaient un grand nombre de su-
perbes cavales. En un mot , cette belle
contrée, où les plus nobles et les plus
riches Carthaginois avaient choisi leur
demeure, of&ait partout des preuves
de leur goût pour la vie champêtre,
de leur amour pour les arts, et de
leur habileté dans l'agriculture. L'as-
pect de ce beau pays ranime le courage
abattu des soldats, et les entodne à
braver tous les périls pour s'emparer
Digitized by VjOOQIC
32
L*UNIVERS.
d'une si riche proie. Agathocle proOte
de leur ardeur et les mèn^ à Tattaque
de Mégalopolis qui i assaillie à Timpro-r
viste, et n'ayant pour défenseurs quQ
des habitants sans expérience dans U
guerre, est emportée d*assaut. Aga-
thocle en abandonne le pillage à ses
soldats. L'abondance règne (Jans le
camp; la confiance augmente, et aussi-
tôt ils s'emparent d'une ville que Dio-
dore appelle Leuco-Tunès (*), et qu'il
place à deux mille stades de Carthage.
DÉFAITE d'HANNON ET DE BOMIL-
CAR PAU Agathocle; 309 avant
l'èbe vulgaire. — Cependant les
Carthaginois, instruits par les habi-
tants des campagnes du débarquement
d'Agathocle en Afrique, conçurent de
grandes alarmes. Ils crurenti d'abord
que leur armée et leur flotte de Sicile
avaient été entièrement anéanties. Com-
ment concevoir, en effet, qu'Agatho-
cle, à moins d'être vainqueur, eût osé
laisser Syracuse sans défense , et qu'il
se fût hasardé à traverser la mer, si
les vaisseaux carthaginois en eussent
encore été les maîtres.? Le trouble et
là terreur se répandent dans la ville ;
le peuple court en désordre au forum.
Le sénat s'assemble à la hâte et tu-
multuairement. On délibère sur les
moyens de sauver la république. On
n'avait pas sous la maîn de troupes ré-
gulières gu'on pût obposer à l'ennemi,
et rimmmencé du danger ne permet-
tait pas d'attendre celles qu'on pourrait
lever dans les campagnes et chez lei^
alliés. Les uns voulaient qu'on deman-
dât la paix à Agathocle , les autres qu'on
attendît des informations plus précisesr.
L'arrivée du commandantde la flotte flt
connaître le véritable état des choses.
Il fut résolu enûn d'armer les citoyens.
Le nombre des troupes monta à qua-
rante mille hommes d'infanterie, mille
ehevaux et deux mille chariots armés
en guerre. On nomma pour généraux
de cette armée Hannon et Bomilcar
qui étaient divisés par des inimitiés
héréditaires. Mais le sénat voyait dans
h haine mutuelle de ces citoyens puis-
sants une garantie pour la république.
O La posiaon de ««ito vilte Mt ioGoniMte.
Il se trompa néanmoins dans ses pré*
visions. Bomilcar depuis longtemps
aspirait à la tyrannie. Jusqu'alors il
n'avait ni trouvé l'occasion favorable,
ni obtenu lé pouvoir nécessaire pour
arriver à ^on but. Revêtu alors du
commandement de l'armée, il jugea
l'instant propice à ses desseins et en
résolut l'exécution.
Bientôt les deux généraux carthagi-
nois marchèrent à rennemi, et l'ayant
atteint, rangèrent leur armée en ba-
taille. Les troupes d'Agathocle ne mon-
taient qu'à treize ou quatorze mille
hommes, dont plusieurs même n'a-
vaient pas d*armes défensives. Aga-
thocle leur en fabriqua avec les cou-
vertures en cuir des boucliers de ses
hoplites. Il s'aperçut ensuite que ses
soldats étaient effrayés de la supério-
rité du nombre de l'ennemi, et surtout
de sa cavalerie. L'habile politique em-
ploie aussitôt un pieux stratagème
pour relever leur courage. Il retait
procuré un certain nombre de chouet-
tes j^rivées. Il fait lâcher à la fois dan»
plusieurs parties de son camp cet
oiseaux consacrés à Minerve, qui, se
posant sur les drapeaux et sur les
Doucliers des soldats , semblent leur
promettre au nom de la déesse une
victoire assurée,
La bataille s'engaae : les chariots et
la cavalerie des Carthaginois viennent
se briser contre les rangs serrés de
l'infanterie sicilienne. Hannon, à la
tête de la cohorte sacrée, soutient
longtemps l'effort des Grecs, et les en-
fonce même quelquefois; mais bien-
tôt il tombe mort aux premiers rangs,
accablé d'une grêle de traits et percé
d'innombrables blessures. La mort de
leur chef intimide les Carthaginois et
redouble la confiance des soldats d'A-
gathocle. Bomilcar, dont les forces
étaient encore entières , aurait pu ré*
tablir le combat; mais cet ambitieux
conspirateur, jugeant que la victoire
d'Agathocle et la défaite des Cartha-
ginois étaient pour lui un moyen sûr
d'arriver à la souveraine puissance,
se retire avec son corps d'armée sur
une hauteur voisine. Cette lâche déser-
tion amène une déroute générale. La
Digitized by VjOOQIC
CÀRTHAÔE.
l^faorte sacrée soutient seule pendant
linéique temps lëis effotts de l'ennemi ;
mais, entourée de tous côtés , elle se
kisse massacrer presque tout entière
sur \e corps de son général. Agathode,
après avoir quelque temps poursuivi
les fuyards, revient sur ses pas et
s'empare du camp des Carthaginois.
Les historiens varient sur la perte
qu'éprouvèrent les Carthaginois danft
cette bataille. Les uns la portent à
mille hommes seulement, le$ aUtreS
à six mille, ce qui nous paraît plus
vraisemblable. Après cette victoire,
Agathocle s'empare des villes , fait un
immense butin, égorge des milliers
d'ennemis. 11 vient asseoir son camp à
Tunis pour que les habitants de Car-
thage puissent voir du haut de ieuns
murailles la Jruine de ce qu'ils ont de
plus cher, le ravage de leurs Campa-
gnes, l'incendie de leurs maisons. Mé-
morable exemple des vicissitudes de la
fortune, qui, par un retour inattendu,
élevait les vaincus au niveati des vain-
queurs ! En effet , les Carthaginois ^
après avoir iremporté en Sicile sur leis
sj'racusains une victoire signalée , as-
siégeaient Syracuse , tandis qu' Agatho-
cle, vainqueur contre son attente dans
un combat décisif, entourait les murs
de Carthage de ses retranchements;
et, chose étonnante, ce général qui,
dans son propre pays , avec ses forces
tout entières , n'avait pu résister aux
barbares, maintenant, sur la terre
ennemie , avec une faible portion des
débris de son armée vaincue, ébranlait
la puissance de Carthage.
Offrandes et sagbifigës dès
Carthaginois a Hercule et a Sa-
turne. — - Ces revers réveillèrent dans
Carthage les idées superstitieuses. Elle
attribua ses malheurs à sa négligence
envers les dieux. C'était une coutume
à Carthage, aussi ancienne que la
Ville même , d'envoyer tous les ans à
Tm d'où elle tirait son origine, la
dîme de tous les revenus de la répu-
blique , et d'en faire une offrande à
Hercule, le patron et le protecteur des
deux villes. Depuis quelque temps les
Carthaginois avaient diminué la va-
leur des offirandes. Le scrupule les sai-
sit : ils avouèrent puMit|iiemeiit letir
mauvaise foi et leur sactiiéçe avarice.,
et pour expier leur faute , ils envoyè-
rent à l'Hercule tyrien une grande
somme d'argent et un nombre conài*-
liérable de rfchiRs présents.
Leur SUperstitioh barbare imagina
aussi qtie Saturne^ irrité coàtre eux,
leur envoyait ces revers pour lés punir
d'avoir n^ligé l'observation exacte des
l^rati^ues dé son culte. Anciennement
on Ihimolait à Saturne les ehfants des
meilleures maillons de Carthage. Ils se
Teprochèrerit d'avoir usé de fraude et
de mauvaise foi envçrs le dieu en of-
frant, à la place des enfants de leui*
noblesse 4 d'autres enfants de pauvres
ou d'esclaves qu'on achetait dans cette
vue. Pour expier cette transgression
sacrilège, ils immolèrent à leur dieu
i^gainaire deiix cents enfents choisis
dans les plus illustres familles de la
ville, et plus de trois cents personnes
qui se sentaient coupables de cette
n^audë impie s'offrirent elles-mêmes
en sacrifice pour éteindre par leur san^
la colère de Saturne.
Progrès d'Agathoûlé en Afri-
que; llÉFEGTtON DES SUIEtS ET DES
ALLIÉS DE CARlHAëE. — Cependant
la renommée publie dans l'Aftique en-
tière que l'armée des Carthaginois est
détruite, qu' Agathocle S'est emparé
d'un grand nombre de villes et met le
siège devant Carthage. On s'étonne
qu'un si puissant empii'e ait été si
brusquement attaqué, et par tin en-
nemi déjà vaincu. A la surprise suc-
cède insensiblement le mépris pour lés
Carthaginois, et Agathocle voit bien-
tôt passer dans son parti , non-seule-
ment les Africains tributaires, mais
ehcore de puissantes cités alliées^ en-
traînées par l'amour du changement ;
il en reçoit pour prix de sa victoire des
vivres et de l'argent.
DÉFAITE D'AmîLCAR ÊÏ^ SlCtlB,
ENYIRGN 309 AVANT t'ètlE CHRÉ-
TIENNE. — Dans cette position cri-
tique, les Carthaginois oépêchent Un
navire en Sicile pour instruire Amil-
car de l'état des choses en Afrique,
et le presser d'cntoyer du secours.
Employant encore dans cette occa-
Digitized by VjOOQIC
14
L'UNIVERS.
sion leurs ruses accoutumées, ils font
remettre à Amilcar les éperons de
vaisseaux grecs Qu'ils avaient eu soin
de recueillir après l'incendie de la flotte
d'Agathocle. Le général carthaginois
prescrit aux envoyés le plus profond
silence sur les victoires des Siciliens ,
répand le bruit qu'Agathocle a été
complètement battu, que sa flotte est
au pouvoir des Carthaginois , et pour
preuve de son assertion , il montre les
éperons des vaisseaux qu'on lui avait
expédiés. Cette nouvelle s'accréditait
dans la ville ; le grand nombre son-
geait déjà à se rendre et à capituler ;
le commandant même de la {>]ace,
Antandros , frère d'Agathode , qui était
loin d'avoir son courage et son éner-
gie, parlait déjà de traiter avec Ten-
nemi, lorsqu'un esquif à trente rames
qu'Agathocle avait tait construire à la
hâte arriva dans le port, et parvint,
non sans peine et sans danger, jus-
qu'aux assiégés. Les S^racusains, que
la curiosité taisait courir en foule vers
le port, avaient négligé sur quelques
points la garde des murailles. Amilcar
profite de l'occasion, et fait attaquer
brusquement cette partie des remparts
par une troupe d'élite.
Mais la nouvelle des victoires d'Asa-
thocle s'était répandue dans la ville,
et avait rendu la confiance et le cou-
rage à tous les habitants. Pleins d'une
ardeur invincible, ils se précipitent
sur les assaillants, et les repoussent
après en avoir fait un grand carnage.
Découragé par cet échec, Amilcar
leva le siège de Syracuse, et envoya
cinq mille nommes au secours de sa
patrie.
Conquêtes d'Agathoclb dans là
Byzagene; stratagème de ce
pbinge; 309 AVANT J. C. — Pendant
que ces événements se passaient en
Sicile, Agathocle, maître de la cam-
pagne, tourna ses armes contre les
villes maritimes soumises aux Cartha-
ginois. Il laisse dans son camp re-
tranché à Tunis, une armée suffisante,
marche contre Néapolis, prend la ville
d'assaut, et traite les vaincus avec in-
dulgence. De là il va mettre le siège
devant Adrumète, et attire dans son
alliance un chef africain ^ appelé Élyma.
Profitant du départ d'Agathocle , les
Carthaginois dirigent toutes leurs for-
ces contre Tunis, s'emparent du camp
retranché, approchent de la ville les
machines de guerre, et redoublent l'ac-
,tivité de leurs attaques , pour s'en em-
parer avant le retour du prince sicilien.
Agathocle, averti de la prise de son
camp et du danser qui menace Tunis,
laisse devant Adrumète la plus grande
partie de son armée, et, ne prenant
avec lui que sa garde et quelques fai-
bles détachements, jl gravit en silence
une montagne d'où il pouvait être
aperçu et par les habitants d' Adru-
mète et par les Carthaginois qui assié-
geaient Tunis. Là il invente un strata-
gème qui jette à la fois la terreur chez
tous ses ennemis. Pendant la nuit, il
fait allumer de grands feux qui cou-
vrent un vaste espace de terrain. Les
Carthaginois occupés au siège de Tu-
nis, croyant qu'il marchait au secours
de la place avec une nombreuse armée,
s'enfuient dans leurs murs en aban-
donnant leurs machines. Les habitants
d' Adrumète, persuadés que les assié-
feants reçoivent un renfort considèra-
le, sont frappés -de crainte et se ren-
dent à discrétion. D' Adrumète, il se
dirige vers Thapsus, qu'il emporte d'as-
saut ; et après s^être rendu maître , tant
par la force que par la persuasion , de
près de deux cents villes, il entreprend
une expédition dans l'intérieur de l'A-
frique.
A peine s'est-il éloigné de quelques
journées de marche que les Carthagi-
nois lèvent de nouvelles troupes, les
joignent à celles qu'ils ont reçues de
Sicile, et mettent, pour la deuxième
fois, le siège devant Tunis. Agathocle,
instruit par un courrier de cette atta-
que imprévue, revient de suite sur ses
pas, place son camp à deux cents stades
de l'ennemi, et, pour cacher son arri-
vée, il défend à ses soldats d'allumer
des feux. Il se met en marcbe pendant
la nuit; au point du jour, il surprend
les Carthaginois hors de leur camp,
dispersés dans la campagne, et fourra-
geant sans ordre et sans discipline. Il
tombe sur eux comme la foudre, en
Digitized by
Google
CARTHAGE.
n
tue deux mille et fait uâ grand nombre
de prisonniers. Ce nouveau succès ré-
t2d)iit la supériorité d'Agathocle , Qu'on
croyait alors inférieur aux Cartnagi-
nois, depuis que ceux-ci avaient reçu
des rentorts de Sicile et des secours
de leurs alliés d'Afrique.
Nouvelle entbepbise d' Amilcar
CONTEE SyEACUSE ; DÉFAITE ET MOBT
DE CE GÉNÉBAL; 308 AVANT L'eRE
VULGAIRE. — Pendant que ces événe-
ments se passaient en Afrique , Amil-
car, qui, à la tête d'une flotxe et d'une
srm&e très-nombreuse, avait soumis la
Sicile presque tout entière, résolut de
tenter un nouvel effort contre Syra-
cuse. Il se porte du côté du temple de
Jupitex* olympien', et prend la résolu-
tion de donner brusquement l'assaut à
la ville; car les devins lui avaient pré-
dit qu'il y sonnerait le lendemain.
Les assièges, devinant l'intention
de l'ennemi , avaient placé sur les hau-
teurs d'Euryèle trois mille fantassins
et quatre cents cavaliers. Les Cartha-
ginois ignoraient ces dispositions et
croyaient surprendre l'ennemi. La nuit
était sombre et pluvieuse. Amilcar
marchait en avant à la tête de sa garde ,
suivi de sa cavalerie et de deux corps
d'infanterie, composés d'Africains et
de Grecs auxiliaires. Attirée pan Tes-
poir du pillase , une foule immense
d'esclaves et de valets désarmés, sans
ordre et sans discipline ,^^ s'était mêlée
dans les rangs. Cette multitude turbu-
lente se pressait, s'entassait confusé-
ment dans les chemins étroits et embar-
rassés qui conduisaient aux remparts.
Bientôt des rixes , des querelles ^ suivies
de cris discordants, s'élèvent parmi
ces masses avides de pillage, qui se
heurtaient 'pour arriver aux premiers
rangs. Leur désordre gagne les trou-
pes régulières, et l'éveil est donné à
l'ennemi. Alors les Syracusains, qui
s'étaient postés sur l'Euryèle, fondent
brusquement sur les Carthaginois, les
accablent d'une grêle de traits, et, les
attaquant de plusieurs côtés à la fois ,
leur coupent la retraite. Les Cartha-
ginois, assaillis à Timproviste au mi-
lieu des ténèbres, ignorant la conflgu-
ration du terrain et les forces de
Tennemi, 86 troid>lent/ hésitent, et
finissent par prendre la fuite. Les uns
tombent dans des précipices, les au-
tres sont écrasés par leur propre cava-
lerie; d'autres, par une méprise ordi-
naire dans ces rencontres nocturnes,
se combattent entre eux. Amilcar,
avec sa garde , soutint d'abord coura-
feusement l'effort de l'ennemi; mais
ientôt, abandonné par ses soldats,
transis de trouble et d'effroi , il est pris
vivant par les Syracusains.
Ce fut encore un des événements les
plus inattendus que présenta cette
guerre si féconde en changements de
fortune. Agathocle , le plus habile gé-
néral de son siècle, à la tête d'une
puissante armée , avait été vaincu , près
d'Hymère, par les Carthaginois, et y
avait perdu l'élite de ses troupes; A
maintenant un petit nombre de Syra-
cusains vaincus, restés pour la défen^
de leurs murailles, venaient de dé-
truire la nombreuse armée punique
qui les assiégeait, et de prendre vivant
Amilcar, le plus illustre des généraux
de Carthage. Trois mille hommes dé-
terminés , n'ayant pour eux que l'avan-
tage de leur position. et l'imprévu de
leur attaque, avaient suffi pour mettre
en déroute une armée de plus de cent^
vingt mille combattants.
Les Carthaginois, dispersés de tous
côtés, ne se réunirent qu'avec peine,
et se virent désormais hors d'état de
rien entreprendre.
Les Syracusains rentrèrent dans la
ville chargés de riches dépouilles.
Après avoir fait souffrir à Amilcar
toutes sortes de supplices , ils le firent
périr d'une mort ignominieuse, et en-
voyèrent sa tête à Agathocle. Ce gé-
néral s'approcha aussitôt du camp des
Africains , et y jeta le sanglant trophée
qu'il venait de recevoir, pour leur ap-
prendre dans quel état étaient leurs
affaires de Sicile.
SÉDITION DANS l' ARMÉE d' AGA-
THOCLE ; DÉFECTION d'une PARTIE
DE SES TROUPES. — Lcs Carthaginois
étaient consternés. Agathocle, que la
victoire avait couronne dans toutes ses
entreprises depuis son débarquement,
voyant qu'en Sicile et en Afrique l'en-
Digitized by VjOOÇ IC
UUNIVBRS.
tiemi né t)Àuvàlt')^tl9 réilstèr à séft
firmes, s6 croyait au bout de ses tra^
vaux 6t 8e livrait mx plus ambitieusel
espérauces, lorsmie, du seiu de sa
propre armée, s'éleva subitement une
tempête qui menaça d'engloutir à la
fois sa vie et sa fortune. Lyciscus , l'un
de ses plus braves lieutenants, au mi*
lieu d'un repas où il était échauffé par
le vin, avait lancé des traits mordants
contre Agathocle et contre son fils
Archagate. Dans son ivresse, il s'était
même emporté jusqu'à reprocher à ce
dernier une liaison incestueuse avec sa
bdlle^mère. Archagate, bouillant de
colère, saisit un javelot, et frappe
Lyciscus d'uh coup mortel. La tnort
de cet officier fut le «ignal d'une ré-
volte générale* Chefs et soldats se ras^
semblent eu tumulte autour de la tente
du prince; tous demandent à grands
cris qu'on livre le meurtrier a leur
vengeance. Si Agathocle persiste à voa»
loir le sauver, il tombera lui-même
sous leurs coups. En même temps, ils
exigent insolemment le payement de
leur solde arriérée; ils nomment des
généraux pour les commander, s'em-
parent de Tunis, et placent des gardes
sur tous les points des remparts de
cette ville. A la nouvelle de cette ré-
volte , les Carthaginois conçoivent l'es*'
pérance d'attirer les séditieux dans leur
parti. Ils font proposer aux soldats
une pave plus forte, et aux officiers de
magnifiques présents. Plusieurs de ces
derniers se laissent corrompre, et s'en-
gagent à passer avec leurs troupes dans
le camp africain.
Dans cette extrémité Agathocle, re-
doutant la mort ignominieuse qu'il
aurait à subir s'il' était livré à ren-
nemi, trouve dans l'énergie de son
désespoir le moyen de ramener ses
soldats. Il auitte la pourpre , se cou-
vre d'humbles vêtements et s'avance
au milieu d'eux. Ce changement inat-
tendu les frappe; tous lont silence,
Agathocle prend alors la parole. Après
leur avoir rappelé tous les succès qu'il
doit à leur courage, il leur déclare
qu'il est prêt à mourir si sa mort peut
être utile à ses compagnons d'armes ;
que jamais la crainte ou le désir de
sa vie ilë TôBt fâit souâerirè
une action indigne de sa gloire , et
pour leur en donner la preuve, il tire
sonépée et menace de s'en frappera
ieurs yeux. On court vers kii ; on s'enk-
presse d'arrêter son bras. Toutes les
voix proclament son innocence et l'in^
vitent à ireprendre les insignes dé la
royauté. Il cède à leurs instances réi^
térées; il leur exprime sa reconnaisç-
sance en versant des larmes de joie et
de tendresse ; tous les cœurs sont émus^
et les applaudissements unanimes de
l'assemblée célèbrent le rétablissement
complet du pouvoir de leur général et
de leur roi.
Nouvelles i)ÉFAii:Es des Cab«
THAGINOtS PÀB AGATHOCLE ; 8UP-r
PLICE DES TRANSFUGES ; 308 AVANT
l'èbe GHBÉTiENNE. — Cependant Aga-
thocle, qui ne n^ligeait aucun moyen
d'affaiblir la puissmice de Carthage,
envoya des députés à Ophellas, roi de
la Cyrénaïque , pour l'attirer dans son
alliance. Ce prince, qui avait été l'un des
lieutenants d'Alexandre (*) , et avait
épousé une descehdante du fameux Mil-
tiade , nourrissait l'espoir ambitieux de
soumettre l'Afrique a sa domination4
Agathocle lui fait représenter que Car-
thage estle seul obstacle à l'agrandisse^
ment de leur puissance , que le motif de
son invasion en Afrique a été , nob l'am-
bition de conquérir, mais la m^essitë
de se défendre, et qu'après la destruc-
tion de l'ennemi commun , il lui aban-
donnerait TAfrique, et se contenterait
de régner sur là Sitile entière. Ophel-
las se laisse séduire par ces Offres bril-
lantes, et vient joindre Agathocle ave<i
une armée composée de dix mille
hoplites grecs, et d'un pareil nombre dt
troupes irrégulières. Agathocle l'act
cueille d'abord avec la plus grande
bienveillance, le comble de caresses «
lui prodigue des flatteries, l'invité
souvent à sa table, et lui fait même
adopter un de ses fils. Mais ce prince
n'avait jamais reculé devant un crime
(*) Ophellas avait d'abord conquis et gou-
verné la Cyrénaïque au nom de Ptolémée-
Lagus , et avait fini par se rendre indépen-
dant.
Digitized by
Google
CAKTHAOE,
utile à ses intérêts et â sa puissance.
Par une perfidie sans exemple ^ il dé<-
bauche une partie des troupes d'0<-
phellas, le fait périr au milieu de son
camp, et s'attache son armée tout
entière par des présenti et de magni-
fiques promesses.
CONJORÂTIOlKr BE BoMILCAB; SUPf
PLIGH DE CE GÉnÉBAL; 807 AVANT
l'èbb chbbtisn^. -v- Jamais 4 depuis
le commencement de la guerre, Car-
thage ne s'était trouvée ilans un si
frand péril. Aux «nnemis étrangers
ont les forces venaient d'être doublées
par la réunion de l'armée d'Opbellas,
se joignait un ennemi domestique, non
moins dangereux et non nloins redol^
table. Bomilcar, qui depuis longtemps
aspirait à la tyrannie, jugea le mo*-
ment favorable pOur exécuter son proi-
.jet. Il éloigna de Garthage sous différ
rents prétextes la plus grande partie
de la noblesse qui aurait été un obstacle
à ses desseins. Bien tôt,, ayant fait des
levées dans le faubourg nommé la
\Nouvelle ville, qui est un peu en de-
hors de l'ancienne Garthage , il licen-
cia tous ceux qu'il croyait attachés
au gouvernement. Il rassembla quatre
mille mercenaires et cinq cents de ses
concitopns, complices de ses projets,
et se lit déférer par eux le pouvoir
despotique. Il divise sa troupe en cinq
corps et entre dans la ville, massa-
crant tous ceux qu'il rencontre dans
les rues. Une terreur Incroyable se
répand dans Garthage. Tous fuient,
persuadés que la ville a été livrée à l'eh-
nemi, qu'Agathocle a pénétré dans son
enceinte. jMais sitôt que la vérité est
connue, les jeunes citoyens courent
aux armes, forment leurs rangs et
marchent contre le tyisun. Geui-ci,
après avoir tué tous ceux qu'A ren-
contre sur sa route, pénétre dans le
forum. Alors les Gartnaginois, ayant
occupé les maisons très -hautes qui
bordent cette place publique , font pleu-
voir une grêle de traits sur les conju-
rés qui, dans cette position, se trou-
vaient à découvert de tous les cotés.
Geux-ci , trop maltraités , serrent leurs
rangs, et, à travers les rues étroites,
se frayent un passage jusqu'à la Noù-
¥el]e ville « ittalgré les pierr^^ et le^
traits qu'on lance sur eux de tontes
ies maisons situées, sur leur ]iM)ute;
jenfin ils occupent sur une én^inence
une position avantageuse p); mais
tous les citoyens, ayant pris les ar-
nés, viennent canoper devant les rér
voltés.
L'affaire se termina par une anuiîiSr
itie générale que Is^ foi punique rompit
envers le seul Bomilcar. On le fit pérhr
idans. les plus cruelle, tortures. Justin
ajoute que Bomilcar fut mis en croi^
m milieu du forum , afin que le même
lieu où ofi.Iui avait conféré les hon^
neurs suprêmes devînt le théâtre d^
son supplice et de son ignominie.
^ DJoaore observe , comme une sin-
gularité remarquable , que les Cartha-
|;inois ignorèrent entièrement les pro-
jets d'Agathocle contre Ophellas , et
qu'à spn tour Agathocle n'eut aucun^î
connaissance de la conjuration de Bo-
milcar. S'il en eût été autrement, ofe
bienles.Carthaginois se seraient ligués
avec Ophellas pour chasser Agathocle
de l'Afrique , ou bien ce général aurait
profité de la guerre civile allumée
dans les murs de Garthage, pour s'em-
parer de cette ville.
Phise b'Utiqiîe et d'HippozabiI-
Tus; Agathocle pa^se en Sicile;
307 avant l'ère yulgaibs. — Ce-
pendant Agathocle porie ses armes
dans les provinces situées à Foccident
de Cartilage. Il s'empare , après une
vive résistance, dIJtiquç et d'Hippo-
zaritus , qui avaient essayé de se sous-
traire à sa domination. Dans le bi;\t
de prévenir désormais de nareîlles ten-
tatives , il inflige à ces aeux cités un
châtiment exemplaire : il en abandonne
le pillage à ses soldats , et fait passer
au fil de l'épée la phis grande partie de
leurs habitants.
Après cette sanglante exécution , il
soumit à son pouvoir la plus grande par-
tie des villes maritimes et les peuples de
Tintérieur, exceptéles Numides, dont les
(*) Cette position est probablement le
Djebel'khawi près du cap Qamart. Voyez
la Topographie de Carthage, par M, Bu-
reau de la Malle, p. 73 et planche IL
Digitized by
Google
M
L'UNIVERS-
uns entrèrent dans son alliance , les au-
tres restèrent neutres en attendant l'is-
sue de la guerre. C'est alors que, se
voyant supérieur aux Carthaginois, tant
Sar ses propres forces, que par reten-
ue de ses alliances et que, jugeant sa
domination solidement établie en Afri-
que, il se résolut à passer en Sicile , où
le mauvais état des affaires semblait^
exiger sa présence. Il n'emmena que
deux mille soldats , et laissa le com-
mandement du reste de l'armée à son
fils Archagate.
État des affàibes bn Afrique
sous LE COMMANDEMENT D'ABGHA-
GATE , 306 AVANT L'ÈBE GHBÉTIENNE.
-— La fortune sembla d'abord favoriser
les armes du nouveau général. Il fit,
yai ses lieutenants, quelques expédi-
tions heureuses dans la partie méri-
dionale derAfirique, et subjugua même,
dit Diodore , quelques tribus de peu-
ples nègres.
N^ Cependant le sénat de Carthage, se
relevant de l'abattement où l'avaient
jeté les succès d'Agathocle, résolut
de tenter un dernier effort, et mit sur
pied trois corps d'armée, composés
chacun de dix mille hommes , qui, sous
le commandement d'Adherbal , d'Han-
non et d'Imilcon , devaient agir, l'un
sur les côtes de la mer , l'autre dans
les provinces de l'intérieur , le troi-
sième sur les frontières méridionales.
Ils espéraient, par ce plan de campa-
gne, contraindre l'ennemi à diviser
ses forces, délivrer la ville du blocus
qui gênait l'importation des vivres,
et enfin, raffermir la fidélité chance-
lante de leurs alliés , qui , voyant de
nouveau les armées puniques en cam-
pagne , pourraient compter sur un se-
cours efficace.
Ce plan , bien conçu , obtint le ré-
sultat qu'on en avait espéré. Plusieurs
des alliés de Carthage, que la crainte
seule avait forcés de se réunir aux
Grecs , s'en détachèrent et renouèrent
avec la réi)ublique leurs anciennes liai-
sons d'amitié. D'un autre côté , Archa-
gate, voyant les troupes carthaginoi-
ses répandues dans toute l' Afrique,
partagea lui-même son armée en trois
corps. £sdu:ion, à la tête d'une de ces
divisions , était chargé de défendre les
Ï provinces de l'Intérieur. Hannon , qui
ui était opposé , lui dressa une em-
buscade , ouïe général syracusain périt
avec quatre mille fantassins , et deux
cents cavaliers.
Imilcon, chargé des opérations de
la guerre sur les frontières méridipna-
les, s'était emparé d'une place forte
sur la route ^ue devait tenir £uma-
chus. Celui-ci ayant présenté la ba-
taille, le rusé Carthaginois laissa dans
la ville une partie de son armée avec
l'ordre de fondre sur l'ennemi au
moment où il feindrait lui-même de
prendre la fuite. Au même instant, il
sort de la ville avec la moitié de ses
troupes, s'avance sous les retranche-
ments de l'ennemi, engage I» combat,
et s'enfuit aussitôt comme frappé d'une
terreur soudaine. Les soldats d'Ëu-
machus , croyant la victoire décidée ,
rompent leurs rangs et s'abandonnent
en désordre à la poursuite des fuyards.
Tout à coup, la portion de l'armée
carthaginoise qui était restée dans la
ville, tombe sur eux, rangée en bon
ordre et poussant de grands cris : les
Grecs , surpris par cette attaque im-
prévue, s'arrêtent, frappés de terreur,
et s'enfuient presque sans résistance.
Mais l'ennemi leur avait coupé la re-
traite du côté de leur camp ; Ëuma-
chus fut contraint de se réfugier avec
ses soldats sur une éminence voisine,
Sosition assez forte, mais entièrement
épourvue d'eau : les Carthaginois les
y poursuivent, entourent la colline
d'un retranchement, et l'armée grec-
que périt tout entière, soit par la soif,
soit par le fer de l'ennemi. De huit
mille huit cents hommes dont elle
était composée, il ne se sauva, dit Dio-
dore, que trente fantassins et quarante
cavaliers.
Archagate, consterné par ces revers
inattendus, se retire à Tunis, réunit
autour de lui tout ce qui lui restait de
trouj[)es , et envoya en Sicile porter à
son père la nouvelle de ces désastres ,
et le supplier de venir aussitôt à son
secours. Déjà il était abandonné de
Sresque tous ses alliés ; il était bloqué
ans Tunis par les trois généraux car-
thaginois, et, la mer étant au pouvoir
de rennemi , son armée abattue et dé-
Digitized by VjOOQIC
'i'.^''
Digitized by
Google
Digitized by
Google
CARTHAGE.
»
couragée était en proie à toutes les
horreurs de la disette.
Agathogle bepasse en Afrique
PQUE SECOUEIE SON FILS ABGHAOA-
the. -^ Agathocle, après avoir obtenu
d'abord quelques succès en Sicile, avait
vu la {)lus grande partie de Fîle se
soustraire à sa domination. Néanmoins
les nouvelles qu'il reçut d'Afrique lui
parurent si désastreuses, qu'il résolut
de s'embarquer sur-le-champ pour
aller au secours de son armée. Il
trompe, par un nouveau stratagème,
la vigilance des Carthaginois qui blo-
quaient le port de Syracuse , en sort
avec dix-sept galères,, met en fuite la
flotte supérieure en nombre qui le
poursuivait , et débarque en Afrique.
Là, retrouvant ses soldats épuisés par
la disette et abattus par le désespoir,
il relève leur courage par ses exhorta-
tions, leur démontre qu'une victoire
décisive peut seule les sauver, et les
mène contre l'ennemi. Il lui restait
encore en infanterie six mille hommes
de troupes grecques, un pareil nombre
de mercenaires étrusques,* celtes et
samnites, et dix mille Africains, sur
la fidélité desquels il ne pouvait pas
entièrement compter. Il avait encore
quinze cents hommes de cavalerie grec-
que, et six mille chars de guerre mon-
tés par des Africains. Les généraux
carthaginois, quoiqu'ils eussent l'a-
vantage du nombre et de la position,
ne voulaient pas s'exposer aux hasards
d'une bataille contre un ennemi au
désespoir ; persuadés qu'en traînant la
euerre en longueur, et en continuant
a lui couper les vivres, ils le force-
raient à se rendre. Agathocle, ne [)0u-
vant attirer l'ennemi dans la plaine,
prend le parti d'attaquer les hauteurs
sur lesquelles étaient retranchés les
Carthagmois. La détresse où il se
trouvait justifiait à ses yeux la témé-
rité de l'entreprise. L'armée punique
sort de son camp rangée en bataille;
Agathocle, mal^é tous les désavanta-
ges de sa position, résiste longteiiips
aux efforts des Carthaginois. Enfin,
les mercenaires et les Africains ayant
été enfoncés, il est contraint de se
retirer dans, son camp* Les Cartha-
§inois, dans la poursuite, eurent soin
'épargner les Africains auxiliaires
qu'ils espéraient engager h la défec-
tion; ils s'acharnèrent à massacrer les
Siciliens et les mercenaires, dont trois
mille environ restèrent sur la place.
Incendie du camp des Cartha-
ginois; TEEREUR PANIQUE DANS LES
DEUX ARMÉES. — Pendant la nuit qui
suivit la bataille, un événement inat-
tendu porta la terreur et le désordre
dans les deux armées. Tandis que les
Carthaginois, en réjouissance de leur
victoire, immolaient aux dieux l'élite
de leurs prisonniers , le feu de l'autel
embrasa la tente du sacrifice. Favorisé
par un vent impétueux, l'incendie
consuma en un instant le camp tout
entier, qui n'était qu'un assemblage de
cabanes grossièrement formées de
paille et de roseaux. Les rapides pro-
grès du feu rendent tout secours inu-
tile. Les uns , surpris par les flammes
dans les rues étroites du camp où ils
s'étaient entassés, y trouvent le même
supplice que leur impiété barbare vient
d'infliger à leurs prisonniers ; les au-
tres , qui , en tumulte et en désordre ,
s'étaient jetés hors des retranche-
ments , y trouvent une nouvelle cause
de trouble et d'épouvante. Cinq mille
Africains de l'armée d' Agathocle dé-
sertaient en ce moment ses drapeaux,
et se rendaient au camp des Carthagi-
nois. Ceux-ci, les ayant aperçus de
loin, supposent que l'armée des'Orecs
vient tout entière les attaquer. Une
terreur incroyable se répand dans l'ar-
mée; tous prennent la fuite : les uns,
aveuglés par la crainte, se jettent dans
des précipices ; les autres ,' dans l'obs-
curité de la nuit, croyant combattre
l'ennemi, tournent leurs armes contre
leurs camarades, et s'égorgent entre
eux. Cinq mille hommes périrent dans
ce tumulte; le reste s'enfuit précipi-
tamment vers Carthage, dont les ha-
bitants, trompés par cette fuite désor-
donnée, crurent que leur armée avait
été complètement défaite.
Cependant, les déserteurs africains,
à l'aspect de l'incendie du camp dos
Carthaginois et du désordre qu'y avait
jeté leur approche, n'avaient ose pour-
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVER8.
iiuivre leui* marcbe, et étalent retour-
nés sur leurs pas. A leur retour, la
TOême terreur panique qui venait d'ê-
tre si fatale aux troupes cartbagi-
«oises, se répandit tout à coup dans
le camp d'Agathocle. Les Gi*ec8 s'ima-
-ginèrent aussi que Vaxmée ennemie
tout entière venait les attaquer; le
itumùlte et l'épouvante causés par cette
-erreur produisirent sur eux les mêmes
«ffets, et coûtèrent la vie à quatre
mille hommes.
Agatho€le abandonne son ab-
3IBE ET BtEiPASSB EN SiGiLB ; FIN
tDE LA GUEBBE; 306 AYANT L'eBB
• 'VULGAIBE. — Après ce nouveau dé-
-sastre, Agathocîe*, se voyant aban-
doni^ par tous ses alliés, et trop faible
désormais pour lutter avec les Carth»>
•ginois, résolut d'abandonner l'Afri-
que. Il manquait de vaisseaux pour
transporter ses troupes; d'ailleiirs, la
ïner était au pouvoir des ennemis. Ces
4eux motifs le décidèrent à s'embar^
quer seul sur un vaisseau léger, lais'>>
sant ses deux fils et son armée exposés
è toutes les chances de la guerre. A la
.nouvelle de son départ, les soldats
épouvantés, et se crojjant déjà dans
les mains d'un ennemi implacable, s'é-
criaient que, pour la seconde fois, leur
roi les abandonnait au milieu des enn&r
mis; que celui qui leur devait jusqu'à
la sépulture^ renonçait même à dé-
fendre leur vie. Us veulent poursuivre
ileur roi, mais, arrêtés par les Numi-
•de& de l'armée carthaginoise, ils sont
'forcés de rentrer dans leur camp.
Alors, dans leur désespoir, ils^or*
gent les fils d' Agathocîe, et traitent
avec les Carthaginois. Les conditions
de cet accommodement furent que les
Grecs, moyennant trois cents ta^
lents (^), livreraient aux Carthaginois
toutes les villes dont ils ^ient en
possession; que ceux qui voudraient
servir dans les armées puniques y re-
cevraient la paye ordinaire des trour
:pes , et que les' autres seraient trans*
portés à Sulonte, en Sicile, où on leur
donnerait les moyens de s'établir. Les
Gommandsoits de ^eiques places, dans
Tespoîr d'être secourus par Agatho-
cîe, ne voulurent point souscrire à
cette capitcilàtion. Les Carthaginois
mirent le siège devant ces villes, et,
après s'en être emparés , ils mirent en
croix les chefs , réduisirent en escla-
vage les soldats , et forcèrent à faire
reueurir la culture dans leurs campa-
gnes, ces mêmes mains qui y avaient
porté le ravage et la désolati(m.
Telle fut la fin 4e cette guerre mé*
raorable, qui avait duré quatre an-
nées et qui avait ébranlé dans ses fon-
dements la puissance de Carthage.
L'année suivante, un traité con(^
entre Agafbocle et les Carthaginois
rétablit les possessions des deux partig
en Sicile dans le même état où eUes
étaient avant la guerre. La république
consentit à payer pour ce traité au
prince syracusain trois cents talents
et deux cent mille médimnes de blé.
MOBT D'AGATHOCLE ; NOUYELLS
EXPEDITION DES CABTRAGINOIS EN
Sicile , de 305 a 278 avant l'bke
VULGAIBE. — Les vin^tccinq année»
qui suivirent le dernier traité avec
Agathode furent pri^jablement pour
Carthage une période de calme et de
bonheur. Le silence de l'histoire est
presque une preuve de la tranquillité
uniforme dont jouit alors cette répu-
blique. Les époques stérile pour les
' historiens sont généralement heureuses
pour les peuples.
Agathocîe était mort en 28& avant
J.C, après Ma règne de vingt-huit
ans, dans la soixante-douzième, et
suivant quelques historiens, dans la
uuatre-vingt-quinzième année de son
âge. La démocratie s'était rétablie dans
Syracuse; les dissensions intestines
qui , pendant neuf ans entiers , déchi-
rèrent cette malheureuse ville, réveil-
lèrent diez les Carthaginois l'espoir
de s'en emparer. Ite vinrent l'assiéger
par terre et par mer, avec cent vais^
$eaux de guerre et cinquante nHlle
hommed de troupes de débarquement.
Tboisième tbaite des Romains
^T DES CABTHAGINOIS ; GUBBBE EN
Sicile contbe Pybbbus ; 27S avai^t
l*'ÈBB VULGAIBE. — DcUX aUS aUD»-
rafantit, les Carthaginois et les Ro^
Digitized by VjOOQIC
Digitized by VjOOQIC
K
r
X
Digitized by VjOOQIC
CAKTOkùt.
il
mains, alarmés da l'ambition de Pyr-
rhus, roi d'Épire, qui menaçait à la
fois la Sicile et Tltalie, avaient renou-
velé leurs anciens traités , en y ajou-»
tant la clause d'une alliance ofiensive
et défensive contre ce prince. Leur
prévoyance n'avait pas été vaine : Pyr^
rlius tourna ses armes contre TKalie,
et y remporta plusieurs victoires. Leg
Gsûrthaginois, en conséquence du der-«
nier traité^ se crurent obligés de se«
courir les Romains, et leur envoyé^
rent une flotte de cent vingt vaisseaux,
commandés par Magon. Le sénat ro->
main témoigna sa reconnaissance de
l'empressement de ses alliée, mais
n'accepta pas leurs secours.
Magon, quelques jours après, alla
trouver Pyrrhus, sous prétexte de mé-
nager un accommodement entre ce
prmce et les Romains, mais, en eCfct,
pour le sonder, et pour pressentir ses
desseins au sujet de la Sicile, qui, de^
puis longtemps , l'âppdait à son s&*
cours.
En ^et, les Syracusains, vivement
pressés par les Carthaginois , avaient
envoyé aéputés sur députés à Pyrrhus,
pour le supptier de' venir les délivrer.
Ce prince, ayant épousé Lanassa, fille
d'Açathoclè, regardait en quelque sorte
la Sicile comme un héritage qui lui
était dévolu. Il partit donc de Tarente,
passa le détr(»t, et aborda en Sicile^
Les peuplades grecc[ues de cette île le
reçurent avec une joie extraordinaire^
et lui offrirent à l'envi leurs villes,
leurs troupes, leur argent et leurs
vaisseaux. Pyrrhus avait amené avec
lui trente mille fantassins, deux mille
cinq cents cavaliers., et deux cents
vaisseaux de guerre. Ses conquêtes
furent d'abord si rapides, qu'il ne resta
dans toute la Sicile aux Cartliaginois
que la seule ville de Lîlybée, dont il
s'apprêtait à faiire le siège. Alors les
Carthaginois entrèrent en négociation
avec lui : ils consentaient même à ache-
ter la paix au prix, d'une flotte et d'une
somme d'argent considérable qu'ils
livreraient entre ses, mains. Pyrrhus
exigeait cju'ils abandonnassent la Sicile
tout entière. Cette condition sembla
%aofL dure aui^ Cartbapoois, et la né*
gocîatioB fiit rofUDue. Dès lors Pyr«t
rhus résolut d'employer tous les moyens
pour s'emparer de Lilvhée; mais les
Carthaginois, étant maîtres de la mer,
avaient fait, entrer des vivres et une
nombreuse garnison dans cette ville,
qui, située sur un promontoire es-*
carpe, de toute part environnée par
les eaux, ne se joignait ii la terre ferme
que par un isthme fort étroit. lia
avaient en outre fortif é avec le plus
grand soin cette partie, qui était la
seule accessible. Pyrrhus. employa vai*»
nement toutes les machines , tous les
procédés usités pour l'attaque des pla->
ce& Après deux mois de tentatives
inutiles , il fut obligé de lever le siège.
Ce prenuer revers fiitpour Pyrrhus
le (H*âage de revers plus funestes. Il
avait besoin de' rameurs et de. sokkts
pour l'exécution de ses pojets ambi-
tieux : la dureté avec laquelle il en
exigea des villes de Sicile excita con-
tre lui un mécontentement universel*
Les Carthaginois, prompts à saisir une
occasion si favorable de* recouvrer
leurs anciennes possessions, envoyè-
rent en Sicile une nouvelle armée, qui
se grossit de jour en jour par le con-
cours des mécontents. Alors Pyrrhus,
sous prétexte de défendre les villes
contre les troupes puniques, y mit des
gariûsons qui lui étaient dévouées , et •
fit périr, comme-coupables de trahison,
les citoyens les plus distingués, dans
l'espoir au'il lui . serait plus aisé de
contenir la multitude privée de la pro-
tection de ses chefs. Ces actes de
cruauté décidèrent isa mine. Dès lors,
il se vit abandonné par le petit nombre
de villes qui jusque- là lui étaient res-
tée<«. fidèles ; la Sicile repassa sous la
domination de ses anciens maîtres,
et il perdit cette belle et riche contrée
avec autant de rapidité qu'il lavait
conquise. Plutarque rapporte que iorsr
gu'il se. fiit embajrqué pour retourner
à Tarente , il s'écria, les yeui^ tournés
vers les c6tes de Sicile : « 0 le beau
^ champ de bataille que nous laissons
•« aux Carthaginois et aux Romains ! »
Cette prédiction fut pleinement justi-
fiée par 'les guerres açbarQées q^e se
firent ces deux peuples, et par les
Digitized by
Google
M
L'UKIVERS.
sanglantes défaites qu'ils essuyèrent
tour à tour.
HlÉl^ON, ÉLEVÉ A LA ROYAUTÉ A
SYBACUSE, continue là GUEBBE CON-
TEE LES Gabthaginois , 275 A 268
AVANT l'èbe vulgaibe. — Après le
départ de Pyrrhus, la magistrature su-
prême de Syracuse fut remise aux
mains d'Hiéron. Gagnées par l'attrait
de ses vertus, toutes les villes lui dé-
cernèrent d'un commun accord le com-
mandement des troupes contre les
Carthaginois. Fils d'Hiéroclès, homme
d'une naissance distinguée, qui des-
cendait de Gélon , ancien tyran de la
Sicile, son origine maternelle était
obscure et honteuse. Il devait le jour
à une esclave, et son père le fit expo-
ser comme l'opprobre de sa maison.
Bientôt, sur la foi de brillants pré-
sages, qui annonçaient la grandeur fu-
ture de cet enfant, Hiéroclès le prit
avec lui et s'appliqua à le rendre di^ne
des destins qui l'attendaient. A peine
sorti de l'adolescence , il se distingua
dans plusieurs actions, et reçut de
Pyrrhus plusieurs récompenses mili-
taires. Doué d'une rare beauté, d'une
force plus qu'ordinaire, plein de grâce
dans ses paroles, de justice dans sa
conduite, de modération dans le pou-
voir, il se vit déférer d'un consente-
ment unanime le nom et l'autorité de
roi. Il fut chargé de te guerre contre
les Carthaginois, et remporta sur eux
de grands avantages. Mais bientôt des
intérêts communs unirent les Cartha-
ginois et les Syracusains contre un
nouvel ennemi, qui menaçait la Sicile,
et qui leur donnait aux uns et aux au-
tres de vives et justes alarmes. Il était
aisé de prévoir que les Romains, qui
avaient conquis toute l'Italie jusqu'au
détroit de Sicile, ne s'arrêteraient pas
devant cette faible barrière , et qu'ils
porteraient bientôt leurs armes victo-
rieuses dans cette île riche et féconde,
qui leur semblait en quelque sorte une
annexe de l'Ijtalie. Il ne leur manquait
pour s'en emparer, qu'un prétexte ou
une occasion favorable : elle se présenta
bientôt, et fut cause de la première
guerre punique.
PBEMIÈAfi OtTERBE jnJNIQtnS.
Ici les événements s'agrandissent,
et l'histoire prend un caractère plus
imposant. Les deux plus puissanjtes
républiques du monde, alliées depuis
plus de deux siècles et dont jusqu'alors
aucun différend n'avait troublé la
bonne intelligence, vont s'entrecho-
quer avec toutes leurs forces, avec
un acharnement sans exemple. Car-
thage avait pour elle d'immenses ri-
chesses , une marine formidable,
une cavalerie auxiliaire excellente;
Rome, l'union et la force de son gou-
vernement, l'austérité de ses vertus
antiques, le courage et la discipline de
ses armées nationales, exercées par
deux cents ans de victoires contre les
peuplades guerrières de l'Italie. Jamais
on ne vit aux prises des nations plus
belliqueuses, et jamais ces mêmes na-
tions ne déployèrent plus de force et
d'énergie. En effet , ce n'était pas seu-
lement une médiocre province, c'était
l'empire du monde que ces deux
peuples rivaux se disputaient dans l'é-
troite arène de la Sicile.
Causes de la pbemièbe gueesb
PUNIQUE , 268 AVANT J. C. — Déjà
quelques signes de refroidissement
s'étaient manifestés entre les Romains
et lés Carthaginois pendant la guerre
de Pyrrhus et le siège de Tarente :
mais ce furent les dissensions de Mes-
sine qui amenèrent entre les deux
peuples une rupture déclarée. Sous le
règne d'Agathocle, tyran de Sicile,
quelques aventuriers campaniens qui
étaient à la solde de ce prince s'é-
taient ouvert par la perfidie l'entrée
de la ville de Messine , avaient égorgé
une partie des habitants, chasse les
autres, épousé leurs femmes, envahi
leurs biens, et étaient demeurés seuls
maîtres de cette place importante. Ils
avaient pris le nom de Marner tins (*).
A leur exemple, et par leur secours ,
une légion romaine, composée de sol-
dats campaniens, et commandée par
Décius Jubellus, citoyen de Capoue,
(*) Ce nom venait du mot Mamers , qui »
dans la langue campanienne, signifiait Mari.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
83
avait traité de même la ville de Rhége,
située vis-à-vis de Messine, de l'autre
côté du détroit. Les Mamertins , sou-
tenus par ces dignes alliés, accrurent
rapidement leur puissance, et devin-
rent un sujet de crainte et d'inquié-
tude pour les Carthaginois et les Sy-
racusains, qui se partageaient l'empire
de la Sicile. Mais sitôt que les Ro-
mains, délivrés de la guerre contre
Pyrrhus, eurent tiré vengeance de la
perlide légion qui s'était emparée de
Rhége, et rendu la ville à ses anciens
habitants, les Mamertins, demeurés
seuls et sans appui , ne furent plus en
état de résister aux forces de Syra-
cuse , et crurent devoir recourir à une
protection puissante. Mais la division
se mit parmi eux ; les uns livrèrent
la citadelle aux Carthaginois, les au-
tres envoyèrent à Rome un ambassa-
deur pour offrir la po^ession de leur
ville au peuple romam, et le presser de
venir à leur secours.
L'affaire , mise en délibération dans
le sénat, fut envisagée sous deux points
de vue opposés. D'un côté, il parais-
sait indigne des vertus romaines de
protéger, en défendant les Mamertins,
des brigands semblables à ceux qu'on
avait punis si sévèrement à Rhége; de
l'autre, il semblait important d'arrêter
les progrès des Carthaginois, qui,
maîtres de Messine, le seraient bien-
tôt de Syracuse et de la Sicile entière,
et qui, ajoutant cette conquête à leurs
anciennes possessions de Sardaigne et
d'Afrique, menaçaient de toutes parts
les côtes de l'Italie. Le sénat n'osa
prendre aucune décision : il renvoya
l'affaire au peuple , qui , excité par les
consuls, résolut de secourir les Ma-
mertins.
Passage du detboit de Sicile,
ET OCCUPATION DE MESSINE PAR
LES Romains , 264 avant l'èbe
VULGAIBE. — Aussitôt, le consul Ap-
pius Claudius se mit en marche avec
son armée, et se rendit à Rhége, où
il attendit l'occasion favorable de pas-
ser le détroit de Sicile. Ce général au-
dacieux ose se confier à la mer sur
une frêle barque de pêcheur, passe,
sans être aperçu, au travers de la
3* lÂvraison. (Carthage.)
flotte carthaginoise , et arrive à Mes-
sine. Là, par son éloquence et de bril-
lantes promesses, il détermine les ha-
bitants à réunir leurs efforts pour
recouvrer leur liberté. Les Mamertins
emploient tour à tour les menaces , la
ruse, la force, et parviennent à chas-
ser de la citadelle l'officier qui y com-
mandait au nom des Carthaginois.
Ceux-ci font mettre en croix le com-
mandant dont la lâcheté ou l'impéritie
avait causé la perte de Messine, et
assiègent cette ville par terre et par
mer. En même temps, Hiéron, jugeant
l'occasion favorable pour chasser en-
tièrement les Mamertins de la Sicile,
fait alliance avec les Carthaginois, et
part de Syracuse pour se joindre à
eux.
Le consul Appius Claudius qui, pen-
dant cet intervalle, était retourné à
Rhége, essaye de traverser le détroit
avec sa flotte , dans le but de faire
lever le siège de Messine. Ce fut d'a-
bord en plein jour qu'il tenta ce pas-
sage dangereux; mais la supériorité
et l'expérience de la flotte carthagi-
noise, l'impétuosité des vagues dans
cette mer difficile et resserrée, et une
violente tempête, qui s'éleva tout à
coup , furent pour ses matelots peu
exercés des obstacles invincibles. Il
perdit quelques vaisseaux, et ne re-
gagna qu'avec beaucoup de peine le
port de Rhége, d'où il était sorti.
L'âme ferme et constante du consul
ne se laissa point abattre par ce pre-
mier revers. Persuadé qu'il ne pour-
rait passer en Sicile tant que les Car-
thaginois occuperaient le détroit, il
eut recours à un ingénieux stratagème.
Il feignit d'abandonner l'entreprise,
de retourner à Rome avec sa flotte, et
fixa publiquement le jour et l'heure
du cfépart. Sur ravis/]ui leur en fut
donné, les ennemis qui bloquaient
Messine du côté de la mer s'étant
retirés comme s'il n'v avait plus rien
à craindre , le consul , qui avait soi-
gneusement observé la nature du dé-
troit , s'empressa de saisir le moment
favorable. Aidé du vent et de la ma-
rée, profitant de l'absence des Cartha-
ginois et de l'obscurité de la nuit, il
Digitized by VjOOQIC
84
L'UNITERS
effectue le passage et aborde à Messine.
L'accomplissement de cette entre-
prise immortalisa le nom d'Ap[)ius.
Comme il avait transporté au milieu
de la nuit, à travers cette mer dange-
reuse, la plus grande partie de ses
soldats sur des radeaux formés de
troncs d'arbre et de planches grossiè-
rement jointes, on lui donna le surnom
de Caudexy des mots cavdices et eau-
dicarim naves^ par lesquels les Ro-
mains désignaient ces sortes d'embar-
cations.
Appius, se voyant pressé dans Mes-
sine par des forces de terre et de mer
supérieures aux siennes, fit offrir la
paix aux Carthaginois et aux Syracu-
sains, à condition qu'ils abandonne-
raient le siège de cette ville. Ces pro-
positions furent rejetées. Alors le con-
sul, réduit à tenter la fortune des
armes , résolut d'attaquer séparément
chacun de ses ennemis. Il fondit d'a-
bord sur l'armée d'Hiéron, qui, après
une assez vigoureuse résistance, fut
vaincue et forcée de se retirer dans
son camp. Hiéron, déjà mal disposé
envers les Carthaginois, à cause ae la
négligence qu'ils avaient mise à garder
le détroit, et , de plus, prévoyant , d'a-
près Pessai (ju'il venait de faire des
armes romaines, que l'issue de la
^erre leur serait favorable, s'échappa
en silence au milieu de la nuit , et re-
tourna promptement à Syracuse.
DÉFAITE DES CàKTHAGINOIS DE-
VANT Messine; les Romains s'a-
vancent jusqu'à Syracuse. — Le
lendemain, Appius, enhardi par la vic-
toire et par la retraite des Syracusains,
résolut d'attaquer les Carthaginois
dans leurs retranchements. Ils étaient
campés dans un lieu que la nature et
l'art avaient fortifié. D'un côté la mer,
de l'autre un lïlarais large et profond,
formaient une péninsule qu'ils avaient
fermée d'une muraille sur le seul point
par où elle était accessible. Les Ro-
mains tentèrent de forcer cette bar-
rière ; mais la difficulté des lieux , et la
résistance opiniâtre des Carthaginois
rendirent leurs efforts inutiles. Appius
reconnut bientôt la témérité de son
entreprise, et ordonna la retraite.
Alors les Carthaginois, parsuadés
que c'était à leur valeur et non à l'a-
vantage du terrain qu'ils devaient la
victoire , sortirent de leurs retranche-
ments et poursuivirent les Romains.
Tout à coup la fortune changea avec
la position des lieux; il ne resta à cha«
cun gue son propre courage. Les Car-
thaginois ne purent soutenir le choc
des Romains. Il y en eut un grand
nombre de tués. Les autres se réfu-
gièrent soit dans les villes voisines,
soit dans leur camp d'où ils n'osèrent
plus sortir tant qu'Appius demeura
dans Messine.
Appius, maître de la campagne, laisse
une forte garnison dans Messine, porte
le ravage dans le territoire de Syracuse,
et met le siège devant cette ville dans
l'espoir de détacher Hiéron de l'alliance
des Carthaginois. La campagne finit
sans qu'il eut pu réussir dans son des*
sein , et il repassa en Italie.
Continuation de la guerbe;
TRAITÉ DES ROMAINS AVEC filÉRON ;
263 AVANT l'Ère vulgaire. — L'an-
née suivante, les Romains, ayant à
cœur de terminer la guerre de Sicile ,
y envoyèrent les deux nouveaux con-
suls avec quatre légions, et le nombre
d'auxiliaires qui était attaché à chacun
de ces corps (*). Avec ces forces impo-
santes, tantôt unissant leurs troupes,
tantôt les séparant, les consuls bat*
tirent en plusieurs occasions les Car-
thaginois et les Syracusains, et ré-
pandirent partout la terreur de leurs
armes. Leurs succès furent si rapides
qu'ils se virent en peu de temps maî-
tres de soixante-sept villes, au nombre
desquelles furent Catane et Taurome-
nium. Alors Hiéron qui, voyant le dé-
couragement général des peuples de la
Sicile, se défiait de ses forces et de
celles de ses alliés , envoya des députés
aux consuls pour traiter de la paix
avec eux. Ceux-ci ne furent pas diffi-
ciles sur les conditions. En détachairt
de l'alliance des Carthaginois Hiéron ,
souverain des contrées les plus fécon-
des de la Sicile , ils se procuraient les
(*) En tout 32 mille fantassins et 3^oo
cavaliers. «
Digitized by VjOOQIC
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
€ARTHÀGE.
^
moyens d'approyisionner leur armée,
qui ne pouvait que très-difficilement
recevoir des vivres d'Italie , tant que
les flottes puniques étaient maîtresses
de la mer. Les clauses du traité furent
qu'on se rendrait de part et d'autre
les prisonniers , qu'Hieron serait réta-
bli dans la possession intégrale de son
royaume , et qu'il payerait cent talents
pour les frais de la guerre (*). Annibal,
général des Carthaginois, is'avançait
déjà avec sa flotte pour secourir Ûié-
ron qu'il croyait assiégé dans Syracuse
par les Romains ; mais lorsqu'il apprit
la conclusion du traité, il jugea pru*
dent de retourner sur ses pas.
TfiOISlÈME ANNÉEDELÀ l" GUERBJB
punique; SIEGE EX BATAILLE d'A-
gbigente; 262 avant l'èke chbé-
XIENNE.— Cependant les Carthaginois,
voyant les Romains fortifiés de l'al-
liance d'Hiéron, jugèrent à propos
d'envoyer en Sicile des forces plus con-
sidérables , tant pour résister à leurs
ennemis que pour conserver leurs an-
ciennes possessions. Ils joignirent à
leurs armées nationales un grand nom-
bre de mercenaires tirés de la Ligurie,
de la Gaule et surtout de l'Espagne.
Ils choisirent pour leur place d'armes
Agrigente que sa position naturelle et
ses lortiâcations rendaient presoue
imprenable, et y firent entrer des
vivres et une nombreuse garnison.
Les consuls romains, ayant réuni à
leurs légions toutes les forces de leurs
alliés, viennent camper à mille pas
d' Agrigente , et forcent les Carthagi-
nois à se renfermer dans les murs. Les
moissons étaient alors parvenues à
leur maturité , et les soldats romains ,
qui ijrévoyaient la longueur du siège ,
s'étaient imprudemment dispersés dans
la campagne pour ramasser des jgrains.
Les Carthagmois , profitant de leur né-
gligence, fondent à l'improviste sur les
lourrageurs et les mettent aisément en
fuite. De là ils marchent au camp des
Romains, et partagés en deux corps, les
uns commencent a arracher les palis-
sades , tandis gue les autres combattent
les postes qui couvrent les rctraQche-
(*) 55o,ooo fr.
ments. En cette occasion çpmme ei^
plusieurs autres, les lois rigoureuses
de la discipline militsâre sauvèrent
l'armée romaine d'un désastre qui
paraissait inévitable. Ces lois punis-
saient de mort le soldat qui lâchait
pied dans une bataille ou qui abandon-
nait son poste. Aussi , quoique infé-
rieurs en nombre aux assaillants , le$
Romains chargés de la défense du
camp soutinrent leur daoc avec une
incroyable fermeté, leur tuèrent plus
de monde qu'ils n'en perdirent, e^
donnèrent le temps aux cohortes d^
s'armer et de venir à leur secours.
Alors , les Carthaginois , qui s'étaient
vus au moment d'emporter les retran-
chements, sont envâoppés de toutes
parts , taillés en pièces ou mis en dé-
route , et poursuivis jusqu'aux portes
de la ville. Cet événement rendit à {^
fois les Romains plus circonspects,
et les Carthaginois moins entrepi:er
uants.
Ceux-ci n'engageant plus que rare-
ment de légères escarmouches, les
consuls divisèrent leur armée en deux
corps, dont Tun fut placé devant le
temple d'EscuIape , l'autre du côté de
la ville qui regarde Héraclée. Les deux
camps étaient protégés par une double
ligne de retranchements , l'une desti-
née à empêcher les sorties des assié-
gés, l'autre à garantir les derrières du
camp, et à intercepter les secours qu'on
voudrait introduire dans la place. Des
postes fortifiés remplissaient l'espace
intermédiaire entre les deux corps
d'armée.
Le blocus durait depuis cinq mois.
Les Romains recevaient de leurs alliés
de Sicile des vivres en abondance.
Agrigente au contraire , où cinquante
nulle hommes se trouvaient entassés,
souffrait déjà toutes les horreurs de la
disette. Annibal, fils de Giscon, qui
commandait dans la place, envoyait
depuis longtemps à Carthage courriers
sur courriers pour exposer sa détresse,
et demander des secours en vivres et
en soldats. Enfin les Carthaginois firent
passer en Sicile le vieil Hannon avec
cinquante mille hommes d'infanterie ,
six mille chevaux et sokante éléphants.
8.
Digitized by VjOOQIC
86
L'UNIVERS.
A peine ce général était-il débarqué à
Héraclée avec toutes ses forces qu'on
lui livra la ville d'Erbesse , voisine du
camp latin , où Ton apportait de tous
les points de la Sicile les vivres desti-
nés à Tapprovisionnement de l'armée
romaine. Alors les Romains, assié-
geants à la fois et assiégés, se trou-
vèrent réduits à la même pénurie qu'ils
faisaient éprouver à la garnison d'A-
grigente. La famine fît bientôt de tels
progrès qu'ils furent plusieurs fois sur
le point de lever le siège , et ils y au-
raient été forcés si l'adresse et le zèle
d'Hiéron n'eussent réussi à leur faire
passer quelques convois qui soulagèrent
un peu leur détresse. Hannon, voyant
les Romains affaiblis par la famine et
par les maladies oui en sont la suite or-
dinaire , s'approcna de leur camp , ré-
solu de livrer une bataille générale. D'a-
bord il eut l'adresse d'attirer dans une
embuscade leur cavalerie qui éprouva
une perte considérable. Enhardi par
ce premier succès , il porta son camp
sur une colline à quinze cents pas de
l'armée romaine. Cependant la bataille
se donna beaucoup plus tard qu'on ne
devait l'attendre de deux armées si
voisines l'une de l'autre, les Romains
et les Carthaginois craignant alterna-
tivement de confier la décision de la
guerre au hasard d'une seule journée.
Ainsi, tant qu'Ha^inon témoigna de
l'empressement* pour en venir aux
mains, \es consuls se tinrent renfer-
més dans leurs retranchements, ef-
frayés de la multitude et de la confiance
de leurs ennemis, et découragés en
outre par la défaite récente de leur
cavalerie. Mais quand ils s'aperçurent
Sue leurs craintes et leurs délais affai-
lissaient le zèle et le courage de leurs
alliés, que les Carthaginois en deve-
naient plus fiers et plus hardis , et que
la faim était un çnnemi encore plus à
craindre pour eux que les soldats
d'Hannon , ils se déciclèrent à accepter
la bataille. Alors Hannon, à son tour,
parut en craindre l'événement et cher-
cher les moyens de l'éviter.
Deux mois se passèrept dans cette
alternative de confiance et de crainte
sans aucun événement décisif. Enfin ,
sollicité par les vives instances d'Anni-
bal qui lui mandait que les assiégés ne
pouvaient plus résister à la famine et
guc plusieurs de ses soldats passaient
à l'ennemi , Hannon résolut de donner
la bataille sans plus différer, et con-
vint avec Annibal qu'il ferait en même
temps une sortie. Les Romains, par
les pressants motifs que nous avons
indiqués , n'étaient pas moins disposés
à livrer le combat. La bataille s'enga-
fea dans une plaine située entre les
eux camps. Le succès fut longtemps
balancé. Enfin, par un dernier effort, le
consul Posthumius enfonce les rangs
des mercenaires qui combattaient en
tête de l'armée carthaginoise. Ceux-ci,
reculant en désordre sur les éléphants
et sur les troupes de la seconde ligne,
portent le trouble et la confusion dans
toute l'armée. Dès lors plus de résis-
tance; presque tous tombent sous le
fer; Hannon se sauve à Héraclée avec
une poignée de soldats. Les Romains
s'emparent du camp des Carthaginois
et de presque tous les éléphants. An-
nibal ne fut pas plus heureux dans sa
diversion. Il fit une sortie contre le
camp romain , fut repoussé avec une
grande perte, et poursuivi jusqu'aux
portes de la ville. '■•■.-.
Cependant il sut habilement saisir
le moment favorable pour sauver sa
garnison. Au déclin du jour, il remar-
qua, que lès Romains, soit par l'ex-
trême confiance qui suit toujours la
victoire, soit à cause des fatigues
d'une si rude journée , gardaient leurs
lignes avec plus de négligence qu'à l'or-
dinaire. Il sortit en silence au milieu
de la nuit, traversa les fossés des li-
gnes romaines sur des pontons qu'il
avait préparés d'avance, et parvint à
s'échapper avec toutes ses troupes à
l'insu des ennemis. Les Romains, au
point du jour, s'étant aperçus de son
évasion, se contentèrent de harceler
son arrière-garde et portèrent toutes
leurs forces à l'attaque de la ville.
Agrigente, abandonnée de ses défen-
seurs , fut prise sans résistance et li-
vrée au pillage ; vingt-cinq mille de ses
habitants furent vendus comme escla-
ves. La conquête de cette place, dont
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE
ei^^^^
Digitized by
Google
Digitized by
Google
CARTHAGE.
87
le siège avait duré sept mois , fut éga-
lement utile et glorieuse aux Romains ;
mais elle leur coûta de grands sacrifi-
ces. Ils y perdirent plus de trente mille
hommes , tant de leurs soldats que des
Siciliens leurs alliés. Aussi les consuls,
se voyant désormais hors d'état de
former aucune entreprise importante,
se retirèrent à Messme.
Quatrième année de la guebbb
punique; 261 avant l*èbe chré-
tienne. — Aucun événement impor-
tant n*a signalé la quatrième année de
la première guerre punique. Les Car-
thaginois , indignés de la perte d'A-
grigente et de la défaite d'Hannon ,
destituèrent ce général et le condam-
nèrent à une forte amende. Il fut
remplacé en Sicile par un Amilcar, qu*il
ne faut cas confondre avec Amilcar
Barcà, père du fameux Annibal. La
flotte punique, envoyée en Italie pour
empécner le passage des consuls, ne
put accomplir son dessein; mais en
Sicile elle réussit à recouvrer la plu-
part des villes maritimes dont les Ro-
mains s'étaient emparés. Ceux-ci , ce-
pendant, depuis la prise d'Agrigente
qui avait répandu dans toute rîle une
consternation générale, s'étaient ren-
dus maîtres de presque toutes les villes
de l'intérieur, que les Carthaginois
étaient hors d'état de défendre. Ainsi
les Romains occupant les villes éloi-
gnées des côtes aussi facilement que
les Carthaginois celles qui étaient si-
tuées le long de la mer, et les deux
peuples conservant leurs conquêtes,
il existait entre leurs forces respecti-
ves , quoique de nature différente , un
équilibre qui ne permettait pas de pré-
sager quelle serait l'issue de la guerre.
Cinquième année de la guerbe
punique ; construction de la flot-
te romaine, prise du consul cor-
nélius par les carthaginois ; 260
AVANT J. C. — Cependant les projets
et les espérances des Romains s^agran-
dissaient avec leurs victoires. La con-
quête de Messine ne suffisait plus à
leur ambition ; ils méditaient mainte-
nant celle de la Sicile entière. Lassés
d'un état de choses qui ne décidait
rien , irrités d'ailleurs de voir l'Afri-
que paisible et tranquille , tandis que
r Italie était infestée par les fréquentes
incursions des flottes puniques, ils
formèrent l'audacieuse et magnanime
résolution de disputer à leurs ennemis
l'empire de la mer. Ils n'avaient pas
alors un seul vaisseau de guerre , pas
un constructeur habile, pas un rameur
expérimenté : une galère carthaginoise
^à cinq rangs de rames, échouée sur leurs
*côtes, leur sert de modèle. Ils se livrent
avec une ardeur incroyable à des tra-
vaux, à des exercices entièrement nou-
veaux pour eux. Les uns construisent
les vaisseaux, les autres, imitant sur le
rivage les mouvements des rameurs ,
s'exercent à la manœuvre. Les con-
suls animent tout par leur présence et
parleurs exhortations : à peine soixante
jours s'étaient écoulés , et Rome avait
a l'ancre une flotte de cent vingt ga-
lères , qui semblait sortie par miracle
tout armée et tout équipée des forêts
de l'Italie.
Le commandement de l'armée de
terre en Sicile était échu à Duilius,
celui de la flotte à Cornélius. Ce der-
nier avait pris les devants avec dix-
sept vaisseaux, le reste de la flotte
devait le suivre de près. Arrivé à Mes-
sine , il se livra avec trop d'imprudence
à l'espoir qui semblait s'offrir de s'em-
parer de l île et de la ville de Lipari.
Les habitants, de concert avec Annibal,
amiral de la flotte carthaginoise, lui
avaient promis de se rendre. Il part
avec ses dix-sept navires ; mais à peine
est-il entré dans le port, qu'il y est
bloqué par vingt galères que comman-
dait Boodès, lieutenant d' Annibal.
Alors, enveloppé de toutes parts, et
ne pouvant résister à deux ennemis à
la fois , il est forcé de se rendre à Boo-
dès qui le conduit en triomphe à Car-
thage.
Invention du corbeau ; bataille
navale entre les romains et les
Carthaginois. — Peu de jours après,
le même excès de conflance qui avait
causé la perte de Cornélius devint fii-
neste à l'amiral carthaginois. Il avait
appris que la flotte romaine longeait les
côtes de l'Italie pour se rendre à Mes-
sine. Plein de mépris pour un ennemi
Digitized by VjOOQIC
88
L'UNIVERS.
sans expérience dans la navigation ,
et dans les combats maritimes, il
«'avança pour le reconnaître à la tête
de cinquante galères. Dans sa pré-
somptueuse confiance , il marchait en
désordre et sans précaution, lorsque
tout à coup, au détour d'un jpromon-
toire d'Italie, il rencontra la flotte
romaine voguant en bon ordre et toute
prête à combattre. II fait de vains ef-*,
torts pour réparer son imprudence et
se trouve vaincu avant d'avoir pu même
disposer sa ligne de bataille. Il perdit
la plus grande partie de ses vaisseaut
et eut bien de la peine à se sauver avec
le peu qui lui en restait.
La flotte victorieuse ayant a|)pris le
désastre de Cornélius, en donna avis
â Builius son collègue , qui commah-
çlait les troupes de terre en Sicile, et
lui apprit en même temps son arrivée
et l'avantace qu^elle venait de rem-
porter sur l'ennemî. l)uilius laissa le
commandement de l'armée aux tribuns,
et se mit à la tête de la flotte. Arrivé
à la vue des Carthaginois près des
côtes de Myte (*), il se prépara ail
combat.
Mais s'apercevant aussitôt du dé-
savantage que ses pesants vaisseaux , .
construits grossièrement et à la hâte,
auraient en combattant cetix dés Car*
thaginois, plus élancés , plus agiles et
plus faciles à manier , il suppléa à cet
mconvénient par une machine qui fiit
inventée sur-le-champ, et que depuis
on a appelée Corbeau.YÀle se composait
d'un mât planté sur la proue, auquel
s'adaptait un pont-levis , portant à son
extrémité un cône de fer très-pesant
et très-aigu, garni de crochets mobi-
les. Cette machines'abattant avec force
d'une grande hauteur, le cône, par sa
forme et par son poids , s'enfonçait
dans le pont du vaisseau ennemi , y
fixait le pont-levis et donnait ainsi aux
soldats romains un moyen facile de
monter à l'abordage.
La flotte carthaginoise se composait
de cent trente vaisseaux. Son comman-
dant Annibal, le même qui, lors de
(*^ Melazzo sur la côte septentrionale de
la Sicile.
la prise d'Agrîçente, avait fait rme re-
traite si hardie, montait une galère
à sept rangs de rames qiïe les Cartha-
ginois avaient prise dans leur guerre
contre Pyrrhus. Le dernier échec qu'if
avait essuyé n'avait pas abattu sa pré-
somptueuse confiance. A l'approche
des Romains, il s'avança dMalgneu-
sement contre eux, et, comme s'fl ne
se fût pas agi de combattre, mais seu-
lement de recueillir des dépouifles dont
il se croyait déjà maître, il ne prit
pas môme la peine de former sa ligne
de bataille. L^avant-garde des Cartha-
ginois fut pourtant un peu étonnée de
ces machines élevées sur la proue de
chac(ue vaisseau, et qui étaient pou*-*
velles pour eux. Mais bientôt se Vas^
surant et se moquant même de l'in^
tention grossière d'un ennemi igno-
rant, ils fondent avec impétuosité sut
les Romains. Alors les corbeaux, abais-
sés tout à coup et lancés avec force
sur leurs vaisseaux, les accrochent
malgré eux, et, changeant la forme
du combat, les obligent à en venir mx
mains, comme si l'on eût été sur terre*
Les uns sont massacrés ; les autres^
frappés de stupeur à l'aspect de ces
machines inconnues, se rendent prison-
niers. Les trente galères de ravant-
garde , au nombre desquelles était le
vaisseau amiral , furent coulées a fond
ou prises avec tout leur équipage. An-
nibal, voyant tout perdu, ne s'^happa
qu'avec peine dans une chaloupe.
Le resté de la flotte des Carthaginois
voguait avec ardeur pour fondre sur
les Romains. Mais lorsqu'ils virent le
désastre de leur avant-garde, ils s'avan-
cèrent avec plus de circonspection, et
cherchèrent a éviter par leurs manœu^
vres l'atteinte des redoutables cor-
beaux. Ces habiles marins, se fiant à
l'agilité de leurs galères et à la promp-
titude de leurs évolutions, espéraient
encore, en attaquant tantôt les flancs,
tantôt la poupe des vaisseaux romains,
ventr à bout de leurs ennemis. Mais
comme ils se voyaient environnés de
tous côtés par ces terribles machines,
et comme, pour peu qu'ils s'approchas-
sent, ils ne pouvaient éviter l'abor-
dage, la terreur les saisit ^ et ils pri-
Digitized by VjOOQIC
CARIHAGE*
39
rent la fuHe «près avoir perdu dn«
nte vaisseaux. C'est aiosi que les
ains, qui l'emportaient dans les
eoml^ts de pied ferme par leur cou-
rage, Fexerdce et la bonté de leurs
armes, vainquirent aisément des en-
Demis moins bien armés, ^comp-
taient beaucoup plus sur la légèreté de
leurs vaisseaux que sur leur valeur per-
sonnelle et sur la vigueur de leurs bras.
Annibal sentait bien ce qu'il avait à
araindre de ses concitoyens après sa
défaite. Il se hâta d'envoyer un ami à
Garthage avant aue la nouvelle de son
désastre y eût ^ portée, et s'avisa de
cette ruse pour éviter le supplice dont
cette république punissait sonv^t ses
ffénâraux malheureux. Le messa^r,
introduit dans la salle des délibérations
du sénat, informe rassemblée que le
consul Duilius est arrivé avec une non>*
breuse flotte, et lui dmnande si elle
est d'avis qu' Annibal livre la bataille.
Tous s'étant écriés qu' Annibal devait
saisir au plus tôt l'occasion de combat-
tre. « Eh bien, » r^rit l'envoyé, « il
« l'a fait et il a été vaincu. » Par cet
adroit stratagème, Annibal mit les sé-
nateurs dans l'impossibilité de con-
damner une action qu'ils avaient con-
seillée eux-mêmes.
Cette victoire signalée redoubla l'ar-
deur cA la confiance des Romains.
Duflius débarqua en Sicile , reprit le
commandement de ses légions , fit lever
le siège de Ségeste que les Carthaginois
avaient réduite à la dernière extrémité,
et emporta d'assaut Macella, sans qu'A-
milcar, général des troupes carthagi-
noises osât se présenter devant lui.
Le consul, après avoir, par ses succès,
assuré la tranquillité des villes alliées,
voyant l'hiver approcher, s'en retourna
à Rome.
Les Romains lui rendirent des hon-
neurs extraordinaires. Il fut le premier
à qui le triomphe naval fut accordé.
On lui érigea une colonne rostrale
avec une inscription qui existe encore
aujourd'hui.
Dissensions dans l'ârméb ro-
maine PAVOBABLES AUX CAETHAGI-
KOis. — L'absence de Duilius rétablit
les affaires des Carthaginois, et plu-
sieurs villes rentrèrent sous leur obéis-
sance. Les Romains furent obligés de
lever le siège de My tistrate après ravoir
continué pendant sept mois et y avoir
perdu beaucoup de monde. Quelque
temps après, il s'éleva une dissension
dans l'armée romaine entre les légions
et les auxiliaires qui prétendaient oc-
cuper le premier rang dans les batail-
les. Amilcar, qui était alors à Palerme,
ayant été instruit que, par suite de ces
divisions, les auxiliaires campaient se-*
parement entre Parope et Thermes (*) ,
vint fondre tout à coup sur eux et leur
tua plus de quatre mHle hommes; peu
s'en fallut même que toute l'armée ro-
maine ne fût détruite. Amilcar, après
cette victoire, reprit encore plusieurs
villes, les unes de force et les autres
par compositicMDi
Sixième année db jjl pbemièbb
guebbe punique ; expeditions bans
LA SARDAIÔNE et DANS LA COBSE,
â59 AVANT L'èBE VULGAIBE. — Après
sa défaite, Annibal reprit la route de
Carthage avec ce qui lui restait de
vaisseaux. Qudque temps après il
équipa une nouvelle flotte , choisit i>our
commander ses vaisseaux les capitaines
les plus expàimentés, et passa dans la
Sardaigne. Les Romains lui opposè-
rent le consul Cornélius Sçipio , a qui
était échu le commandement de la
flotte. Ce tùt là leur première expédi-
tion contre la Sardaigne et la Corse.
Ces deux lies, si voisines qu'on les
prendrait pour une seule et même île,
sont cependant fort différentes pour
la nature du terroir et le caractère des
habitants. La Sardaigne est grande et
fertile; elle possède de riches trou-
peaux, des mines d'or et d'argent, et
produit du blé en si grande abondance
qu'elle en a longtemps fourni à Rome
et à l'Italie. La Corse ne saurait lui
être comparée ni pour la grandeur ni
pour la fertilité; elle est montueuse et
âpre, inaccessible et inculte en plu-
sieurs endroits. Les habitants partici-
pent de la nature sauvage du terroir,
et sont d'un caractère dur et féroce.
Jaloux à l'excès de leur indépendance,
(*) Therm» hymerenses.
Digitized by
Google
40
L'UNIVERS.
ils ne se soumettent (][u*avec peine à
une domination étrangère.
Les Carthaginois avaient longtemps
fait la guerre aux habitants de ces deux
ties, et ils avaient fini par s'emparer
de tout le pays, à l'exception de cer-
tains points inaccessibles et impratica-
bles à leurs armées. Mais il était plus
facile de vaincre ces peuples que de les
dompter. Pour les tenir dans une en-
tière dépendance, les Carthaginois
avaient arraché leurs blés , détruit leurs
arbres fruitiers, et leur avaient dé-
fendu, sous peine de mort, de rien
semer ou planter qui pût leur fournir
aucune espèce de nourriture. Par là,
ils les obligèrent à venir chercher en
Afrique toutes les provisions néces-
saires à leur subsistance, et les accou-
tumèrent insensiblement au joug pé-
nible de la servitude.
Le consul Cornélius débarqua d'a-
bord dans la Corse, et après avoir pris
de force la ville d'Aléria , il se rendit
maître aisément de toutes les autres
places de l'île. De là, il fit voile versr
fa Sardaigne, oîi Annibal venait d'ar-
river avec ses vaisseaux. L'amiral car-
thaginois, bloqué dans un des ports
de l'île par la flotte romaine , perdit la
plus grande partie de ses galères, et
n'échappa pomt cette fois au ressenti-
ment de ses concitoyens. Il fut saisi
par ses propres soldats, irrités de son
impéritie, attaché tout vivant à une
croix, et ne reçut la mort qu'après de
cruelles tortures.
Cornélius marcha ensuite vers 01-
bia, dans le dessein d'en former le
siège ; mais se sentant trop faible pour
attaquer une ville défendue par sa po-
sition naturelle et par une nombreuse
garnison, il renonça pour le moment
a son entreprise , et retourna à Rome
pour y lever de nouvelles troupes.
A son retour, il reprit le siège d'Olbia.
Hannon avait succédé à Annibal dans
le commandement de la flotte cartha-
ginoise. Le consul battit son nouvel
adversaire, qui perdit la vie dans le
combat, s'empara de la ville d'Olbia,
et soumit en peu de temps toutes les
villes de Sardaigne.
Dans la Sicile où le consul Florus,
collègue de Cornélius, commandait les
légions romaines, Amilcar soutenait
encore la fortune de Carthage. Enna et
Camarine lui avaient ouvert leurs por-
tes. Drépane, situé près de la ville
d'Éryx, fui offrait un excellent port.
II s'empara d'Éryx , la détruisit de ond
en comble , et en fit passer tous les har
bitants à Dréoane, dont il fît une
ville considéraole, qu'il entoura de
bonnes fortifications. Enfin , il se serait
en peu de temps rendu maître de la
Sicile entière, si le consul Florus ne
se fût opposé à la rapidité de ses pro-
grès en restant dans l'île malgré la ri-
gueur de la saison.
Septième année de la guebre;
pbise de plusieubs villes en si-
CILE PAB LES CONSULS AtILIUS CA-
LATINUS ET SULPITIUS PATEBCULUS ,
258 AVANT l'èbe vulgaibe. — Les
nouveaux consuls arrivés en Sicile con-
duisirent toutes leurs forces vers Pa-
lerme, où les Carthaginois avaient
leurs quartiers d'hiver, et leur présen-
tèrent la bataille. Ceux-ci l'ayant refu-
sée et fait ainsi l'aveu de leur faiblesse,
les consuls marchent sur Hipnane et
l'emportent d'assaut. De là, ils vont
mettre le siège devant Mytistrate , place
très -forte que leurs prédécesseurs
avaient attaquée à plusieurs reprises,
mais toujours sans succès. La place
avait capitulé; mais le soldat, irrité
de sa résistance opiniâtre, massacra la
{)lus grande partie des habitants et livra
a ville aux flammes.
L'armée romaine marcha ensuite
sur Camarine. Pendant le trajet, une
habile manœuvre du général carthagi-
nois la mit à deux doigts de sa perte.
Ce général , suppléant par la ruse a l'in-
fériorité de ses forces, s'était hâté
d'occuper les hauteurs qui dominaient
une vallée où les Romains s'étaient té-
mérairement engagés, et d'en fermer
toutes les issues. Ils se trouvaient pres-
que dans la même situation qu'aux
fourches caudines, et n'attendaient
plus que la mort ou une capitulation
Ignominieuse, lorsque le tribun M.Cal-
purnius Flamma , par sa présence d'es-
prit et son dévouement sublime , réussit
a sauver l'armée d'une perte certaine.
Digitized by VjOOÇtC
CARTHAGE.
41
Il se présente au consul et lui fait sentir
rimminence du danger. « Il faut te
« hâter, dit-il, si tu veux délivrer ton
« armée, d'envoyer quatre cents hom-
« mes d'élite s'emparer de cette hau-
« teur. Notre diversion attirera toutes
« les forces des ennemis ; ils ne s'occu-
« peront qu'à la repousser. Sans aucun
« doute nous y périrons tous; mais en
« vendant cher notre vie, nous te don-
« nerons le temps de sortir du défilé
« avec tes légions. Il ne te reste plus
« d'autre moyen de salut. » Les prévi-
sions du tribun ne furent point tronv-
pées. Il se porte sur la hauteur; l'in-
ranterie et la cavalerie carthaginoises
enveloppent de toute part sa faible
cohorte; elle se défend avec un courage
invincible; enfin, après d'incroyables
efforts, accablée par le nombre, elle
reste tout entière sur le champ de ba-
taille. Mais la résistance avait été assez
opiniâtre et assez longue pour que le
consul eût le temps de aéj^ager son
armée. L'issue d'une action si héroïque
est toute merveilleuse et en relève en-
core l'éclat. Caipurnius fut trouvé au
milieu des cadavres , criblé de blessu-
res, dont, par un hasard qui tient du
miracle, aucune n'était mortelle. Il
parvint à s'en guérir, reçut pour ré-
compense la couronne obsidionale, et
rendit encore de grands services à son
pays.
Délivré du danger, Atilius alla met-
tre le siège devant Camarine. Avec les
machines de guerre que lui fournit
Hiéron, il renversa les remparts, s'em-
para de la ville, et vendit comme es-
claves la plus grande partie des habi-
tants.Enna, Sittana,Camicum, Erbesse
et plusieurs autres villes de la province
carthaginoise tombèrent en son pou-
voir. Enhardi par ces succès, il s^em-
barqua pour aller attaquer Lipari , où
il croyait avoir un parti parmi les ha-
bitants. Mais Amilcar, ayant pénétré
ses desseins , était entré secrètement
dans la ville, où il épiait l'occasion de
le surprendre. En enet, le consul qui
croyait Amilcar bien éloigné s'avançait
sous les murs de Lipari avec plus de
hardiesse que de prudence, lorsque les
Carthaginois firent sur lui une vigou-
reuse sortie, dans laquelle ils blessèrent
ou tuèrent un grand nombre de Ro«
mains.
Huitième année de là guebbe,
257 AVANT l'èbe yulgaibe. — Cette
année il ne se passa entre les armées et
les flottes romaines et carthaginoises
aucune action remarquable. L'his-
toire ne rapporte que quelques évé-
nements peu importants , où les suc-
cès départ et d'autre furent également
balances.
Neuvième année de la pbemièbb
GUEBBE punique; BATAILLE NAVALE
D'EgNOME ; DÉFAITE DES CABTHA-
GINOIS; 256 AVANT L'ÈBE CHBÉ-
tienne. — Cependant les deux peu-
S les rivaux, jugeant bien que l'issue
e la ^erre serait en faveur de ce-
lui qui resterait maître de la mer,
avaient employé toutes leurs ressour-
ces à des préparatifs immenses. Les
Romains, avec une flotte de trois cent
trente galères, abordèrent à Messine,
et de la se rendirent à Ecnome, où
leurs légions étaient campées. En même
temps Amilcar, qui commandait la
flotte carthaginoise, composée de trois
cent cinquante vaisseaux de guerre,
avait abordé à Lilvbée , et s'était en-
suite porté sur Héraclée, où il obser-
vait les mouvements des Romains.
Ceux-ci avaient conçu le projet auda-
cieux de passer en Afrique, d'en faire
le théâtre de la guerre, et de réduire
par là les Carthaginois à combattre
non pour la possession de la Sicile,
mais pour celle de leur territoire et le
salut de leur patrie. Les Carthaginois ,
au contraire, sachant par expérience
combien l'accès et la conquête de l'A-
frique étaient faciles, ne craignaient
rien tant que cette invasion , et avaient
résolu, pour l'empêcher, de tenter le
sort d'une bataille navale.
Les Romains firent leurs disposi-
tions pour accepter le combat, si on le
leur présentait, ou pour faire une ir-
ruption dans le pays ennemi , si on n'y
mettait pas obstacle. Ils embarquèrent
l'élite de leur armée de terre, et divi-
sèrent toute la flotte en quatre esca-
dres , distribuant également les légions
dans les trois premières, et réunissant
Digitized by VjOOQIC
43
LTNITEKS.
tous les triaircs(*) dans la dernière.
Chaque vaisseau contenait trois cents
rameurs et cent vingt combattants, ce
qui portait les forces romaines à près
ae cent quarante mille hommes. Les
Carthaginois étaient supérieurs pour
le nomnre, et avaient sur leurs vais-
seaux plus de cent cinquante mille
hommes, tant rameurs que soldats.
Ces chiffres suffisent à eux seuls pour
donner une haute idée de la puissance
et de l'énergie de ces deux grandes ré-
publiques.
Les Romains, calculant que c'était
surtout en pleine mer, où ils allaient
s'engager, que les Carthaginois l'em-
portaient sur eux par la légèreté de
leurs vaisseaux , cherchèrent à suppléer
à ce désavantage par une ordonnance
compacte et dimcile à rompre. Dans ce
but , les deux vaisseaux à six rangs , que
montaient les deux consuls Régulus et
Manlius, furent placés de front à côté
l'un de l'autre. Derrière eux s'allon-
geaient, sur deux files obliques, la
première et la seconde escadre, figu-
rant les deux côtés d'un triangle, dont
la troisième escadre formait la base.
Cette troisième escadre remorquait les
vaisseaux de charge placés derrière
elle sur une longue ligne parallèle;
enfin, la quatrième escadre, ou les
triaires, venait après, rangée de ma-
nière à déborder des deux côtés la
li^ne qui la précédait. Cet ordre de ba-
taille, jusqu'alors inusité, rendait la
flotte romaine également propre à sou-
tenir le choc des ennemis et a les atta-
quer avec avantage.
Cependant les généraux carthagi-
nois , après avoir exhorté leurs soldats
à combattre courageusement dans une
action d'où dépendait le sort de Car-
thage, les voyant pleins de confiance
et d'ardeur, sortirent du port d'Héra-
clée et allèrent au-devant de l'ennemi.
Ils disposèrent leur plan de bataille
d'après l'ordonnance des Romains. Ils
partagèrent leur flotte en trois esca-
dres rangées sur une seule ligne. Ils
étendirent en pleine mer l'aile droite
(*) Les U'iaires , chez les Romains, com-
posaient la dernière ligne de l'armée.
en réioignant du ceatre^ et la eamj^
aèrent des vaisseaux les plus légers et
les plus propres , par la rapidité & leurs
manœuvres , à envelof^r l'ennemi. Us
ajoutèrent sur les derrières de l'aile
gauche une quatrième escadre qui s'é-
tendait obliquement vers la terre. Han-
non, le même général qui avait été
vaincu près d'Agrigente, commandait
l'aile droite; Amilcar, qui avait battu
les Romains à Lipari, s'était réservé
le centre et l'aile gauche. Cdui-ei , pen-
dant la bataille, employa un s^ata-
gème qui faillit causer la perte des
Romains.
Comme l'armée carthaginoise était
rangée sur une simple ligne, qui, pai
cette raison, paraissait faale à etra
enfoncée, les Romains conmiencent
Fattaque par le centre. Amilcar, pour
rompre leur ordre de bataille, avait
olrdonné aux siens de prendre la fuite
sitôt que l'action serait engagée. Les
Romams, se laissant emporter à leur
courage, poursuivirent les fuyards
avec une ardeur téméraire. Ainsi la
première et la seconde escadre s'âoi-
gnèrent de la troisième qui remorquait
tes vaisseaux de charge, et de la qua«'
trième où étaient les triaires destmés
à les soutenir. Dès qu'il voit que soa
stratagème a réussi , Amilcar donne le .
signal; les fuyards font volte-face, et
fondent avec impétuosité sur ceux qui
les poursuivaient. Alors le combat de-
vint terrible et le succès douteux. Les
Carthaginois l'emportaient sur les Ro-
mains par la légèreté de leurs vais-
seaux, l'agilité de leurs évolutions et
la précision de leurs manœuvres; mais
les Romains compensaient ce désavan-
tage par leur vigueur dans les combats
de pied ferme, lorsque leurs corbeaux
avaient accroché les vaisseaux enne-
mis, et par l'ardeur que leur inspirait
la présence de leurs consuls, sous les
yeux desquels ils brûlaient de se si-
gnaler.
Pendant ce temps-là, Hannon, qui
commandait l'aile droite, et qui, au
conmiencement du combat, l'avait te-
nue à quelque distance du reste de la
flotte, tourne les vaisseaux des triai-
res, les attaque brusquement par-der-
Digitized by
Google
CARTHAGÉ.
rîère, et y jette le trouble et la confu-
sion. D'un autre côté, les Carthaginois
de Taîle gauche, qui étaient rangés
obliquement vers la terre, changeant
' leur première disposition, se forment
çn ligne de bataille, et fondent sur la
troisième escadre, dont les galères
étaient attachées aux Taisseaux de
charge pour les remorquer. Ainsi cette
bataille présentait trois actions diffé-
rentes, séparées l'une de l'autre par
des distances considérables. L'avan-
tage fut longtemos balancé de part et
d*autre. Mais ennn l'escadre que com-
mandait Amilcar est mise en fuite, et
Manlius attache à ses vaisseaux ceux
qu'il avait prris. Régulus vient au se*
cours des triaires et des vaisseaux de
charge, menant avec lui les galères de
la deuxième escadre, qui étaient sor-
ties du premier combat sans être en-
dommagées. Pendant qu'il est aux
mains avec Hannon, les triaires, qui
étaient près de se rendre, reprennent
courage, et retournent à la charge avec
une nouvelle vigueur. Les Gmfaag^
noîs, assaillis par-devant et par-der*
rière, et ne pouvant résister à cette
double attaque, gagnent la pleine mer
pour échapper à une destruction iné^
vitable.
Sur ces entrefaites , Manlius revient
et aperçoit la troisième escadre acculée
contre *le rivage par les Carthaginois
de l'aile gauche. Les vaisseaux de
charge et les triaires étant en sûreté,
Régulus et lui unissent leurs forces
pour la tirer du péril extrême où elle
se trouvait; car elle soutenait une es-
pèce de siège, et elle aurait été im-
manquablement détruite, si les Car^
tha^inois, par la crainte des corbeaux
et de l'abordage, ne se fussent con-
tentés de la tenir bloquée contre la
terre. Les consuls arrivent, envelop-
pent de toutes parts les Carthaginois
et leur enlèvent cinquante vaisseaux
avec tout leur équipage. Quelques-uns
s^échappèrent en rasant la côte de Si-
cile.
Telle fut l'issue de cette grande ba-
taille navale. Trente vaisseaux cartha-
ginois furent coulés à fond, soixante-
quatre furent pris. Du côté de»
Romains, vingt-quatre vaisseaux êea*
lement périrent dans le combat; auaan
ne tomba en la puissance des ennemis*
Descente des Romains en Afbi-
que; pbise de Clypeà et de plu-
sieurs ÀUTBES PLACES. — Bientôt les
Romains, après avoir radoubé leurs
vaisseaux et complété tous les prépa-
ratifs nécessaires pour une longue
campagne, mirent à la voile pour l'A-
frique, sans qu' Amilcar osât faire un
seul mouvement pour s'opposer à leur
passage. Les premiers navires abordè-
rent au promontoire Hermaeum, qui
forme l'extrémité orientale du golfe de
Carthage. Ils y attendirent les bâti-
ments qui étaient en retard , et , après
avoir réuni toute leur flotte, ils lon-
gèrent la côte jusqu'à la ville de Cljpea
(aujourd'hui Kalima); ils y débarquè-
rent, et, après avoir tiré leurs vais-
seaux à terre, et les avoir environnés
d'un fossé et d'un retranchement, ils
mirent le siège devant la ville.
La nouvelle de la défaite d'Ecnome
avait répandu la consternation parmi
les Cartnaginoîs. Tous s'attendaient h
voir les Romains, enorgueillis d'un si
brillant succès , tourner leurs armes vic-
torieuses contre Carthage elle-même.
Mais quand ils apprirent que les con-
suls débarqués à Clypea pédalent leur
temps au siège de cette ville, ils repri-
rent courage, et s'occupèrent à ras-
sembler des troupes pour mettre leur
capitale et le pays d'alentour à l'abri
des attaques de rennemi.
Les consuls avaient envoyé des cour-
riers à Rome pour informer le sénat
de ce qu'ils avaient fait jusqu'alors , et
le consulter sur les mesures ultérieures
à prendre. En attendant leur retour,
ils fortifièrent Clypea pour en faire
leur place d'armes; ils y laissèrent un
corps de troupes pour garder la ville et
son territoire , pénétrèrent dans le pays
avec le reste de leur armée, et ravage*
rent le plus beau canton de l'Afrique,
qui, depuis le temps d'Agathocle, n'a-
vait point éprouvé les malheurs de la
guerre. Ils aétruisirent un grand nom-
bre de magnifiques maisons de plai-
sance, enlevèrent une quantité im-
mense de bestiaux, et firent jfius d^
Digitized by VjOOQIC
44
L'UNIVERS.
vingt mille prisonniers, sans trouver
aucune résistance. De plus , ils prirent
de force ou reçurent à composition
plusieurs villes, dans lesquelles ils
trouvèrent quelques déserteurs et un
bien plus grand nombre de Romains
faits prisonniers dans les dernières cam-
pagnes, parmi lesquels était probable-
ment Cn. Cornélius Scipio, que nous
voyons deux ans après élevé à un
deuxième consulat.
Alors arriva la réponse du sénat.
Elle prescrivait à Regulus de rester
en Afrique avec quarante vaisseaux,
quinze mille fantassins et cinq cents
cavaliers , et à Manlius de retourner à
Rome avec les prisonniers et le reste
de la flotte.
Dixième animée de là guebbe;
BATAILLE ï)'ADIS; PBISE DE TUNIS
PAB LES Romains ; 255 avant l'èbe
VULGAIBE. — Les nouveaux consuls
furent Servius Fulvius Paetinus Nobi-
lior et Marcus iEmilius Paulus. Le
sénat, pour ne pas interrompre le
cours des victoires deRégulus, lui con-
tinua le commandement de Farmée en
Afrique avec le titre de proconsul. Lui
seul fut affligé d'un décret qui était si
glorieux pour lui. Il écrivit au sénat
que le régisseur des sej^ijugères (*) de
terre qu'il possédait à Pupinies était
mort, et que l'homme de journée y pro-
fitant de l'occasion , s'était enfui après
avoir enlevé tous les instruments de
culture; qu'il demandait donc qu'on
lui envoyât un successeur, puisque, si
son champ n'était pas cultivé, il n'au-
rait plus de quoi- nourrir sa femme et
ses enfants. Le sénat ordonna ^ue le
champ de Régulus serait de suite af-
fermé et cultivé, gu'on rachèterait aux
frais de l'État les instruments dérobés ,
et que la république se chargerait aussi
de la nourriture de sa femme et de ses
enfants. Rare exemple du mépris des
honneurs et de la fortune ! L'éclat dont
brille encore le nom de Régulus , après
une longue suite de siècles , prouve que
la gloire est pour la vertu une récom-
pense plus durable que la richesse.
(*) Le jugère valait un demi-arpent : a4
ares , 68 centiares.
Cependant les Carthaginois, qui
avaient élu pour généraux Asdrubal,
fils d'Hannon, et IJostar, rappelèrent
encore de Sicile Amilcar, qui, avec
cinq mille hommes d'infanterie et cinq
cents cavaliers , se rendit aussitôt d'Hé-
raclée à Carthage. Ces trois généraux;
après avoir délibéré entre eux , se dé-
cidèrent à tenir la campagne , pour ne
pas laisser le pays exposé impunément
aux ravages de l'ennemi.
Régulus s'avançait dans la contrée,
s'emparant de toutes les villes qui se
trouvaient sur son passage. Arrivé de-
vant Adis (*), l'une des plus fortes
places du pays, il en forma le siège.
Les généraux carthaginois s'empres-
sèrent de venir au secours de la ville.
Ils occupèrent une colline qui dominait
le camp des Romains et qui paraissait,
au premier coup d'œil, une position
avantageuse. Mais l'inégalité et l'âpreté
du terrain rendaient inutile la princi-
pale force de leur armée , qui consistait
en cavalerie et en éléphants. Régulus ,
en habile général, profite de la faute
de ses ennemis , et avant qu'ils eussent
le temps de la réparer, en descendant
dans la plaine, il monte avec ses lé-
gions sur la cojline, et les attaque de
deux côtés à la fois. La cavalerie et les
éléphants des Carthaginois ne leur ren-
dirent aucun service. Les troupes mer-
cenaires combattirent avec une grande
valeur et mirent d'abord en déroute la
{)remière légion; mais, ayant rompu
eurs rangs dans l'ardeur de la pour-
suite, ils furent entourés par les trou-
pes romaines qui attaquaient la colline
de l'autre côte^ et forcés eux-mêmes
de prendre la fuite. Leur exemple en-
traîna le reste de l'armée. La cavalerie
et les éléphants se sauvèrent dans la
plaine. Les Romains poursuivirent pen-
dant quelque temps l'infanterie et re-
vinrent piller le camp des Carthagi-
nois.
Après cette victoire, Régulus, maî-
tre de la campagne, ravagea impuné-
ment tout le pays, et s'empara même
de la ville de Tunis. Cette position,
(*) Aujourd'hui Rhadès, à quelques lieues
de Tunis.
Digitized by
Google
Digitized by VjOOQIC
CARTHAOE .
Cl7'w<^i^<"^<i^^^i''^/^ ^s'/^i^^e à. é^lt^^rt^^ -4fiTt,^/A^nyn^c.*c^*^ ^<é*:^.o,/
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
tant par sa force naturelle que par sa
proximité de Carthage, lui parut très-
avantageuse pour Texécution de ses
projets : il en fit sa place d'armes , et
y établit un camp retranché.
^NÉGOCIATIONS INFRUCTUEUSES EN-
TEE LES Romains et les Cartha-
ginois. — Les Carthaginois avaient
été battus par terre et par mer. Ils
avaient vu plus de deux cents places
tomber au pouvoir des vainqueurs.
Tant de défaites et de pertes reveillè-
rent contre eux la haine des Numides,
leurs anciens ennemis , qui se répan-
dirent dans leurs campagnes, y mirent
tout à feu et à sang, et y causèrent
encore plus de terreur et de désola-
tion que n'avaient fait les Romains
eux-mêmes. Les habitants de la cam-
pagne, se réfugiant de tous côtés à Car-
thage avec leurs femmes et leurs en-
fants, pour y chercher un abri, aug-
mentaient la consternation, et faisaient
craindre la famine en cas de siège.
Dans ces extrémités, les Carthagi-
nois députèrent les principaux séna-
teurs au généra] romam pour demander
la paix. Régulus ne se refusa point à ces
ouvertures; mais, abusant des droits
de la victoire, il leur imposa ces dures
conditions : « Céder aux Romains la Si-
cile et la Sardaigne tout entières ; leur
rendre tous leurs prisonniers sans ran-
çon, et racheter les prisonniers cartha-
ginois ; payer tous les frais de la guerre,
et, de plus, se soumettre à un tribut
annuel. » Telles furent d'abord les
prétentions du vainqueur. Il y ajouta
d'autres obligations qui n'étaient pas
moins humiliantes pour les Carthagi-
nois : qu'ils n'auraient d'autres amis
et d'autres ennemis que ceux des Ro-
mains; qu'ils ne pourraient mettre en
mer qu'un seul vaisseau de guerre, et
qu'ils fourniraient aux Romains cin-
quante trirèmes toutes les fois Qu'ils
en seraient requis. Les ambassadeurs
supplièrent Regulus de mettre plus de
modération dans ses demandes , et de
leur prescrire des conditions plus sup-
portables ; mais il ne voulut se relâcher
sur aucun point, ajoutant, avec un
orgueil insultant, qu^il fallait ou savoir
vamcre ou savoir obéir au vainqueur.
Le sénat de Carthage, sur le rapport
de ses envoyés , fut tellement indigné
de la dureté des lois qu'on lui impo-
sait, que, malgré sa détresse, il prit
la généreuse résolution de tout souffrir
et de tout tenter plutôt que de subir
la plus insupportable et la. plus hon-
teuse de toutes les servitudes.
Arbiyée de Xanthippe a Cab-
thage ; défaite et pbise de régu-
LUS. — Telle était la situation des
Carthaginois, lorsque les vaisseaux
qu'ils avaient envoyés dans la Grèce
pour y lever des troupes, revinrent
avec un renfort assez considérable de
soldats mercenaires. Dans le nombre
était Xanthippe de Lacédémone, qui,
formé dès son enfance à la discipline
austère de sa. patrie, y joignait une
expérience consomma dans le métier
de la guerre. Cet officier, instruit en
détail de la dernière défaite des Car-
thaginois et des circonstances qui l'a-
vaient amenée , calculant de plus les
ressources qui leur restaient , le nom-
bre de leur cavalerie et de leurs élé-
phants, pensa en lui-même et dit à ses
amis que les Carthaginois n'avaient pas
été vamcus par les Romains, mais par
eux-mêmes et par l'incapacité de leurs
généraux. Ce mot se répand dans le
public, et arrive bientôt aux oreilles
des sénateurs. Les magistrats font
appeler Xanthippe ; il vient et justifie
clairement ce qu'il avait avancé. Il
leur démontre que , soit dans les mar-
ches , soit ^dans les campements , soit
dans les combats mêmes, on avait
toujours choisi les positions les moins
avantageuses* Il ajoute que s'ils vou-
laient Suivre ses conseils, et tenir
constamment l'armée dans la plaine,
il leur répondait non-seulement de
leur salut , mais encore de la victoire.
Tous les chefs de la république , et les
généraux eux-mêmes , par une généro-
sité bien rare et bien digne de louange,
sacrifièrent leur amour-propre au sa-
lut de la patrie , et confièrent à un
étranger le commandement de leurs
armées.
L'habileté avec laquelle Xanthippe
avait juçé l'ensemble de la guerre,
avait déjà inspiré aux Cartliaginois
Digitized by VjOOQIC
46
L'UHIVERS.
tine grande confiance dans ses lumières.
Mais Quand on le vit ranger prontpte-
ment Parmée en bataille aux portes de
la ville, commander des manœuvres
savantes , faire exécuter en bon ordre
fcs évolutions les plus compliquées, un
enthousiasme universel s^empara du
peuple et de l'armée , et tous , déjà sûrs
fle vaincre sous un tel général , de-
mandèrent, avec des cris de. joie, à
marcher contre l'ennemi.
Xanthippe ne laissa pas refroidir
<;ette ardeur, et alla Chercher les Ro-
mains. Son armée était composée de
douze mille hommes d'inl^nterie , de
<juatre mille dievaux et d'environ cent
el^hants. Régulus fut d'2dK>rd surpris
4e woir les Carthaginois, changeant
leur méttiode ordinaire, diriger leur
•marche et asseoir leur camp dans la
«laine; mais, plein de mé|Hris pour des
Troupes qu'il avait vaincues tant de
fois, il Usât résolu de les combattre,
fiuel que fût l'avantage de leur position.
11 vint donc camp^ à mille toises de
Tennemi.
Alors Xanthippe , par tdé^penoe
pour les ofûciers de Parmée punique,
les réunit en conseil de guerre, et les
consulta sur le parti qu'ils avaient à
prendre. Mais, pendant cette délibéra-
tion , les soldats demandaient à grands
cris la bataille, et Xanthippe sup-
pliant le conseil de ne pas laisser
échapper une occasion si favorable,
les chefe ord^nàrent à Parmée de se
tenir prête, et laissèrent à Xanthi[)pe
l'entière liberté d'agir comme il le ju-
gerait Gonvenaèle.
Ce général rangea ainsi son armée
en bataille. Il mit en avant les élé-
Î hauts disposés sur une seule ligne.
>errière eux, à quelque distance, il
plaça la phalange carthaginoise qui
était l'élite de son infanterie. Il répan-
dit la cavalerie sur les deux ailes, avec
ceux des soldats auxiliaires qui étaient
le plus légèrement armés. Le reste des
mercenaires fut placé à l'aile droite
entre la phalange et la cavalerie. Xan-
thippe avait ordonné à ses soldats ar-
mes à la légère , après qu'ils auraient
lancé leurs traits , de te retirer dans les
ÎBtervaUes qd êépaattàmt les corps de
troupes placés derrière eux, et, pen-
dant que l'ennemi serait aux prises
avec la phalange carthaginoise, de
sortir de côté et de l'attaquer eo
flanc.
Régulus avait d'abord rangé son
armée en bataille suivant la noétbode
ordinaire. Mais quand il vit la dispo-
sition des ennemis , pour se garantir
du choc des éléphants , il mit tous ses
vélites à la première ligne. Ensuite , il
plaça ses cotiortes , dont il doubla les
nies , et distribua sa cavalerie sur les
deux ailes , donnant ainsi à son ordre
de bataille moins de front et plus 4e
profondeur qu'il n'avait fait d'abord.
Cette ordonnance, dit Polybe, était
excellente pour résista aux éléphants ,
mais elle exposait les Romains à être
entourés par la cavalerie carthagi-
noise, fort supérieure en nos^re à la
leur.
Xanthippe al<Nrs fait avaneer à la fols
les éléphants pour enfoncer le centse
de l'armée romaine, et la cavalerie de
ses deux ailes pour charger et envelop-
per l'ennemi. Les Romains poussent
leur cri de guerre, et mardieut auda-
cieusement sur les Carthaginois. La
cavalerie romaine, trop inférieure en
nombreà celle des ennemis, ne putrésis-
t&t longtemps , et laissa les deux ailes à
découvert. L'infanterie de Paile gauche,
soit pour éviter le choc des éléphants ,
soit pour montrer sa supériorité sur les
soldats mercenaires qui formaient l'aile
droite des Carthaginois , les attaque ,
les disperse et les poursuit jusqu'à leurs
retranchements. Au centre qui était
opposé aux éléphants, les premiers
rangs furent renversés et foulés aux
pieds par ces masses énormes. Le reste
du corps de bataille, à cause de sa
profondeur, resta quek[ue temps iné-
branlable, idais lorsque les derniers
rangs , enveloppés par la cavalerie et
par les armés à la légère , furent con-
traints de faire volte-face pour leur
tenir tête, et que ceux qui avaient forcé
le passade au travers des éléphants
rencontrèrent la phalange des Cartha-
ginois, qui n'avait pas encore chargé ,
et qui était en bon ordre , la position
des Romains fut tout à fait désespérée.
Digitized by VjOOÇ IC
Digitized by
Google
CARTHAGE .
,5^'
't^it
Digitized by
Google
CÀETHA6E.
Les un furent écrasés par les élé-
phants; les auti^, sans sortir de
leurs rangs, périrent sous les iaveiots
de la cavalerie et des troupes légères.
Il n'y en eut qu'un petit nombre qui
efaercbèrent leur salut dans la fuite ;
mais dans cette plaine rase et unie, ils
ne purent échapper aux poursuites des
élégants et de la cavalerie. Cinq cents
hommes , qui s'étaient ralliés autour
de Régulus , furent faits prisonniers
avec lui. Les Carthaginois perdirent en
cette occasion huit cents soldats étran-
gers qui étaient opposés à l'aile gauche
des Romains ; et de ceux-ci , il ne se
sauva que les deux mille qui, en pour-
suivant i'aile droite des ennemis, s'é-
taient tirés de la mêlée, et qui parvin-
rent, contre toute espérance, a se ré-
fugier dans les murs de Clypéa. L'armée
victorieuse rentra en triomphe dans
Carthage, traînant enchaînes le pro-
consul romain et les cinq cents soldats
qui avaient été pris avec lui.
L'ivresse des GarUiaginois , après
cette victoire , fut d'autant plus grande,
que le succès était inespéré. Ils céiér
ârèrent leur triomphe par des fêtes
religieuses, des festins publics et des
réjouissances de toute espèce. Xan-
thippe , qui avait sauvé Carthage d'une
ruine presque certaine, prit le sage
parti de se retirer bientôt après dans
sa patrie. Il eut la prudence de s'éclip-
ser, de peur que sa gloire , jusque-là
pure et entité, après le premier éclat
éblouissant qu'elle avait jeté, ne s'a-
mortît peu à peu et ne soulevât contre
lui l'envie et la calomnie, redoutables
surtout pour un étranger qui, loin de
son pays , n'a ni parents , ni amis , ni
aucun appui pour se défendre. Appien
et Zonare rapportent que les Cartnagi-
nois, bassement jaloux de la gloire de
Xanthippe, et humiliés de devoir leur
salut à un étranger, le firent périr par
trahison, en le reconduisant dans la
Grèce. Mais ce fait est peu probable;
aucun des historiens latins ne le rap-
porte; et certes, s'ils l'avaient connu,
ils n'auraient pas laissé échapper une
aussi belle occasion de couvrir d'un
iS^jprolxe éternel ces ennemis du nom
romain , envers lesquels ils montrent
d'ailleurs une haine si violente, et pres-
que toujours si injuste.
Nouvelle EXPÉJiiTiON en Afai-
que; bataille natale entbe les
Romains et les Carthaginois;
NAUFBAOE et destruction de hJL
FLOTTE BOMAiNE. — La nouvcHe de
la défaite et de la prise de Réçulus ne
découragea point les Romains. Us
s'occupèrent aussitôt à construire une
nouvelle flotte et à sauver ceux de leurs
concitoyens qui avaient échappé à ce
désastre. Les Carthaginois soumirent
d'abord les Numides , et recouvrèrent
sans peine la plupart des villes qui
avaient embrassé le parti des Romains.
Mais ils attaquèrent inutilement Gy-
péa, dont la garnison fit une opiniâ-
tre résistance. Après avoir vainement
employé tous les moyens pour la ré-
duire, ils furent contraints de lever le
siège. Sur l'avis au'ils reçurent alors,
que les Romains équipaient une flotte,
et se disposaient à passer de nouveau
dans l'Afrique, ils radoubèrent leurs
anciens vaisseaux, en construisirent
de neufs, et se mirent en mer avec
deux cents galères complètement équi-
pées, pour observer l'arrivée de Ten-
Bemi.
Au commencement de l'été, les Ro-
mains partirent avec trois cent cin-
quante vaisseaux , sous le commande-
ment des deux consuls Marcus ^milius
et Servius Fulvius , et se dirigèrent
vers l'Afrique. Ils rencontrèrent près
du promontoire Hermœum, la flotte
^carthaginoise , l'attaquèrent sur-le-
champ, et l'ayant mise en déroute,
lui prirent quatorze vaisseaux avec
tout leur é|Ç[uiqaffe. Néanmoins , après
cette victoire, ils évacuèrent Clypéa,
emmenèrent la garnison et prirent le
chemin de la Sicile. On a lieu de s'é-
tonner que les Romains, avec une
flotte si nombreuse et après une vic-
toire si décisive, n'aient songé qu'à
évacuer Clypéa et à en retirer sa garni-
son, au lieu de tenter la conquête de l'A-
frique, que Régulus, avec beaucoup
moms de forces , avait presque achevée.
Zonare ajoute, il est' vrai, que les
Romains remportèrent , prés de Cly-
péa, une grande victoire sur l'armée
Digitized by VjOOQIC
48
L'UNIVERS.
de terre des Carthaginois. Mais il s'ac-
corde avec Polybe sur Pévacuation de
Clypéa par les Romains. Entrope en
donne pour motif le défaut de subsis-
tances.
Une navigation favorable avait ame-
né la flotte romaine Jusqu'en Sicile.
Les pilotes avaient conseillé de retour-
ner de suite en Italie pour éviter la
saison des tempêtes qui approchait.
Mais les consuls, méprisant leurs avis,
s'obstinèrent à vouloir rejprendre quel-
ques villes maritimes qui tenaient en-
core pour les Carthaginois. Cette im-
prudence fut la cause d'un désastre
épouvantable. Us furent assaillis tout
à coup d'une si violente tempête, que
sur trois cent soixante-quatre vais-
seaux , ils purent à peine en sauver
quatre-vingts.
L'activité des Carthaginois sut met-
tre à proGt cette faveur de la fortune.
Us envoyèrent une armée en Sicile,
formèrent le siéçe d'Agrigente , pri-
rent en peu de jours cette ville , qui
ne reçut point de secours , et la rui-
nèrent entièrement. Il paraissait pro-
bable que toutes les autres places des
Romains auraient le même sort et se-
raient obligées de se rendre aux Cartha-
ginois; mais la nouvelle du puissant
arpiement que l'on préparait à Rome
donna du courage aux alliés, et les
engagea à tenir ferme contre les enne-
mis. £n effet , dans l'espace de trois
mois , deux cent vingt galères furent
mises en état de faire voile.
Onzième année de la guebbe;
tentative inutile des romains
SUR Dbépane; pbise de Cepha-
LGEDIUM ET DE PALEBME*, 254 AYANT
l'ebe yulgaibe. — Les deux nou-
veaux consuls , Cnéius Cornélius Scipio
Asina et Aulus Atilius Calatinus , char-
gés du commandement delà flotte, se
rendirent d'abord à Messine, où ils
recueillirent les bâtiments qui avaient
échappé au naufrage de Tannée précé-
dente. De là , avec trois cents vaisseaux
de guerre, ils abordèrent à Cephalœ-
dium , qui leur fut livrée par la trahi-
son de quelques habitants. Ils essayè-
rent ensuite de s'emparer de Drépane;
mais les secours qu'y introduisirent
les Carthaginois les forcèrent de re*
noncer au siège de cette ville. Loin de
se laisser décourager par cette tenta-
tive infructueuse, ils allèrent mettre
le siège devant Palerme (*) , capitale de
toutes les possessions carthaginoises en
Sicile. Ils s'emparèrent du port , et les
habitants ayant refusé de se rendre,
ils travaillèrent à environner la ville de
fossés et de retranchements. Comme
le pays était couvert d'arbres jusqu'aux
portes de la ville, les palissades, les
agger et les machines avancèrent rapi-
dement. Ils poussèrent vigoureusement
leurs attaques, et renversèrent avec le
bélier une tour située sur le bord de
la mer. Les soldats montèrent à l'as-
saut par la brèche, et après avoir fait
un grand carnage, s'emparèrent de
cette partie de la place qu^on appelait
la Nouvelle Ville. Les habitants de
la Vieille Ville, manquant de vivres,
offrirent de se rendre, à condition
qu'on leur laisserait la vie et la liberté.
Les consuls n'acceptèrent point cette
proposition, mais fixèrent leur rançon
a deux mines par tête (**). Il y en eut
dix mille qui se rachetèrent à ce prix;
tous les autres , au nombre de treize
mille, furent vendus à l'encan avec le
reste du butin.
La prise de cette ville fut suivie de
la reddition de plusieurs autres pla-
ces (***), dont les habitants chassèrent
la garnison carthaginoise et embrassè-
rent le parti des Romains.
Les consuls laissèrent une garnison
dans Palerme et retournèrent a Rome.
Pendant leur traversée, les Cartha-
ginois leur dressèrent une embuscade
et leur enlevèrent quelques vaisseaux
chargés d'argent et de butin.
Douzième , tbeizième et quatob-
ZIÈME ANNÉES DELA PBEMIÈB£^UEB-
B£ PUNIQUE , 253 A 250 AYANT l'EBE
CHRÉTIENNE. — L'année suivante, les
consuls C. Servilius Cœpio et Caius
Sempronius Rlocsus passèrent en Afri-
(*) Anciennement Panonnus.
(**) x8a fr. 95 c. La rançon des dix mille
fut donc de i,8a9,5oo fr.
(***) Jétine , Pétrinum , Solonte , Tjmdft-
ris, etc.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
49
que avec toute leur flotte. Ils se bornè-
rent à longer la côte et à faire de temçs
à autre des descentes , dont le seul ré-
sultat fut le pillage de quelques cam-
pagnes , tant les Carthaginois avaient
Bien pourvu alors à la garde et à la
sûreté de leur pays. Ils retournèrent
à Rome , en côtoyant les côtes de la
Sicile et celles delltalie. Mais au mo-
ment où ils doublaient le cap Palinure,
il s'éleva une furieuse tempête qui
submergea cent cinquante vaisseaux
de guerre et un grana nombre de bâ-
timents de charge. Quelle que fût la
constance des Romams, tant de dé-
sastres consécutifs abattirent leur cou-
rage. Ils renoncèrent à disputer l'em-
pire de la mer, que les vents et les flots
semblaient leur, refuser. Ils mirent
désormais tout leur espoir dans leurs
légions , et se bornèrent à équiper
soixante vaisseaux pour transporter en
Sicile les vivres et les munitions né-
cessaires à leurs armées.
Ce découragement des Romains re-
leva la confiance des Carthaginois. Ja-
mais , depuis le commencement de la
guerre , l'état de leurs affaires n'avait
été plus florissant. Les Romains les
avaient laissés maîtres de la mer , et
ils commençaient à concevoir une
meilleure opinion de leurs troupes de
terre. En eifet , les Romains , depuis
la défaite de Régulus , gui avait été
décidée surtout par les éléphants , s'é-
taient fait de ces animaux belliqueux
une idée si terrible , que pendant les
deux années suivantes, où ils camî)èrent
souvent dans les campagnes de Lilybée
et de Sélinunte, à cinq ou six stades de
l'ennemi , ils n'osèrent ni accepter le
combat , ni descendre dans la plaine.
Privés de cette confiance qui leur fai-
sait ordinairement chercher la bataille
avec joie, ils se retranchaient soigneu-
sement sur des montagnes escarpées et
dans des positions inaccessibles. Aussi
toutes leurs opérations, pendant ces
deux années de la guerre , se borné-
rent-elles aux sièges presque insigni-
fiants de Thermes et cle Lipari.
Cependant les Carthaginois, jugeant
l'occasion favorable pour reprendre
l'offensive , résolurent d'augmenter les
4* Livraison. (Cabthage.)
forces qu'ils avaient en Sicile. Mais
comme leur trésor était épuisé par les
dépenses énormes d'une si longue
Çuerre , ils envoyèrent une ambassade
a Ptolémée Philadelphe, roi d'Egypte,
pour le prier de leur prêter deux mille
talents (*). Celui-ci, qui était allié des
deux peuples , après avoir vainement
interposé sa médiation pour les récon-
cilier , refusa le prêt sollicité par les
Carthaginois , en disant qu'il ne conve-
nait pas à un ami de fournir des se-
cours contre ses amis.
Alors les Carthaginois épuisèrent
toutes leurs ressources, et expédièrent
en Sicile Asdrubal avec deux cents
vaisseaux, cent quarante éléphants et
vingt mille hommes, tant d'mfanterie
que de cavalerie. Ce général employa
toute l'année suivante à exercer ses
troupes et ses éléphants, et les armées
romaines ne firent dans cette campa-
gne aucune action qui mérite d'être
rapportée.
Quinzième année de la premièbe
GUEBBE punique ; LES CaBTHAGINOIS
• SONT BATTUS PAB LES ROMAINS SOUS
LES MUBS DE PALEBME; 250 AVANT
l'èbe vulgaibe. — Le sénat romain,
voyant s'augmenter de jour en jour
le découragement des légions qui fai-
saient la guerre en Sicile , revmt sur
sa première résolution , et se décida
à tenter de nouveau sur mer la fortune
des armes. Les nouveaux consuls
Caius Atilius Régulus et Lucius Man-
lius Vulso furent chareés de préparer
et d'équiper avec le plus grand soin
une nouvelle flotte. Lucius Cœcilius
Metellus , l'un des consuls de l'année
précédente , fut continué dans le com-
mandement de l'armée de Sicile avec le
titre de proconsul.
Asdruoal avait remarqué que , pen-
dant les précédentes campagnes, les
Romains avaient tacitement fait l'aveu
de leur crainte en évitant toujours les
occasions de combattre en bataille
rangée. Instruit que l'un des consuls
était retourné en Italie avec la moitié
des troupes , que Metellus était resté
seul en Sicile avec l'autre moitié; pressé
(*) II millions. ^«»
Digitized by
Google
60
L'UNIVERS,
d'ailleurs par les instances de ses sol-
dats, qui brûlaient de marcher à l'en-
nemi , il résolut de profiter de ces cir-
constances favorables pour engager
une action décisive. Il partit donc de
Lilybée avec toutes ises forces , et vint
camper sur la frontière du territoire
de Palerme. IMétellus se trouvait alors
dans cette ville avec son année.
Celui-ci, ayant appris par des espions
carthaginois qu'il avait eu Tadresse de
surprendre qu'Asdrubal s'avançait dans
le dessein de lui livrer bataille , affecta
de montrer de la crainte pour inspirer
à son ennemi une plus aveugle confian-
ce , et se tint soigneusement enfermé
dans ses murailles. Cette terreur simu-
lée accrut en effet la témérité d'Asdru-
bal. Il franchit les défilés, s'avance dans
la plaine , mettant tout à feu et à sang ,
et porte le ravage jusqu'aux portes
mêmes de Palerme. Métellus ne fit
encore aucun inouvementdans l'espoir
d'engager les Carthaginois à franchir
la rivière d'Orethus , qui coule le long
de la ville, et ne laissa même pa-
raître sur les remparts qu'un petit
nombre de soldats. Asdrubal donna
dans le piège. Il fit passer la rivière à
son infanterie et à ses éléphants, et,
Slein de mépris pour les Romains , il
ressases tentes presque sous les murs
de la ville, sans daigner même les
protéger par un fossé et par un retran-
chement. Métellus aussitôt fit sortir
quelques troupes légères pour harceler
les Carthaginois et les engager à mettre
toutes leurs forces en bataille. Alors,
voyant que son stratagème avait com-
Sletement réussi , il place une partie
esesvélites, armés de 'javelots, en
avant du fossé et des murs de la ville,
avec ordre de lancer tous leurs traits
contre les éléphants dès qu'ils seraient
à portée, et, s'ils se trouvaient trop
pressés, de se jeter dans le fossé pour
en sortir ensuite et revenir à la charge.
Il fait mettre sous leurs mains, au
pied des murailles, une grande pro-,
vision de javelots , dispose sur les rem-
parts ses archers et ses frondeurs , et
lui-même, avec ses soldats pesamment
armés , se tient derrière la porte op-
posée à l'aile gauche des Carthaginois,
envoyant sans cesse de nouveaux se-
cours à ses ventes qui étaient engagés
avec l'ennemi. Les conducteurs des
éléphants, piqués d'une noble émula-
tion et voulant avoir l'honneur de la
victoire , chargent tous à la fois les
premiers rangs des Romains , les ren-
versent et les poursuivent hardiment
jusqu'au bord du fossé. Mais alors, les
éléphants , accablés d'une grêle de flè-
ches qu'on faisait pleuvoir du haut des
murs, et des traits que leur lançaient
les vélites rangés en avant du fossé,
entrent en foreur, se tournent contre
les Carthaginois, écrasent tous ceux
qui se trouvent sur leur passage et
portent le désordre et la confusion
dans leurs rangs. Métellus, qui n'at-
tendait que ce moment , sort avec ses
légions rangées en bon ordre , et tombe
sur le flanc des ennemis , effrayés et
déjà phis d'à moitié vaincus. Aussi
n'eut-il pas de peine à achever leur dé-
faite. On en tua un grand nombre sur
le champ de bataille ; on en fit un grand
^carnaçe dans la fuite, et, pour sur-
croît de malheur, un accident , qui au-
rait dû leur être favorable , contribua
encore à leur désastre. La flotte car-
thaginoise ayant paru dans ce moment,
tous se précipitèrent au-devant d'elle ,
dans l'espoir d'y trouver leur salut.
Mais , avant de pouvoir atteindre les
galères, ils furent ou écrasés pr les
éléphants, ou tués par les Romains qui
les poursuivaient, ou submergés dans
les flots. Les Carthaginois perdirent
dans cette journée vingt mille soldats,
et tous leurs éléphants tombèrent au
pouvoir de l'ennemi.
Métellus , outre l'honneur d'une vic-
toire si mémorable, eut encore la
gloire d'avoir rendu leur ancienne
confiance aux légions romaines qui,
dès ce moment, restèrent maîtresses
de la campagne. Asdrubal, après sa
défaite , se réfugia à Lilybée. Ce seul
malheur fit oublier aux Carthaginois
tous les services que cet habile géné-
ral leur avait rendus. Il fut condamné
pendant 'son absence, et, lorsqu'il re-
vint à Carthage , il fut arrêté et mis à
mort.
Les Carthaginois inyoibnt Râ-
Digitized by VjOOQIC
.C ART H AGE
C-''^^*/^K<l^(!^.^^^^*^i^^^*SSl»7y4^^«V^*«Vfe/ >^*'.^***'««
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
CARTHAGE.
Si
GULus À. Rome poibr itégogieb là
PAIX ; SON OPINION DANS LE SÉNAT ;
SON SUPPLICE ET SAMOBT. — Ce nOU-
veau désastre, joint aux pertes consi-
dérables que les Carthaginois avaient
éprouvées sur terre et sur mer dans
les dernières campagnes , les engagea à
ouvrir des négociations de paix. Us
pensèrent que par l'entremise deRégu-
lus, ils pourraient obtenir des condi-
tions plus favorables ou du moins
réchange de leurs prisonniers, dont
quelques-uns appartenaient aux pre-
mières familles de Cartha^ e. On lui
avait fait prêter serment de revenii*
s'il ne réussissait pas dans sa négocia-
tion. Il partit donc pour Rome avec les
ambassadeurs des Carthaginois ; mais
lorsqu'il fut arrivé, il ne voulut jamais
entrer dans la ville, quelques instances
que lui fît le sénat, alléguant pour mo-
tif de son refus que, suivant les cou-
tumes de leurs ancêtres , un député de»
ennemis ne pouvait point y être intro-
duit, mais qu'on devait lui donner au-
dience hors de l'enceinte de Rome.
Les sénateurs s'étant donc assem-
blés hors des murs, Régulus leur dit :
« Les Carthaginois , pères conscrits ,
nous ont envoyés vers vous ( car moi
aussi , par le droit de la guerre , je suis
devenu leur esclave), et nous ont
chargés de demander la paix à des
conditions qui puissent être agréées
des deux peuples , sinon d'insister au
moins sur l'échange des prisonniers. »
Après avoir prononcé ces mots , il se
retirait en silence avec les ambassa-
deurs. Les consuls le pressaient vive-
ment d'assister à la délibération; mais
il n'y consentit qu'après avoir obtenu
la permission des Carthaginois, qu'il
regardait comme ses maîtres.
Les propositions de paix furent écar-
tées ; fa délibération ne roula que sur
l'échange des prisonniers. Invité par
les consuls à donner son avis , il répon-
dit qu'il n'était plus sénateur ni même
citoyen romain depuis qu'il était tombé
entre les mains ae l'ennemi ; mais il
ne refbsa pas d'émettre son opinion
commô simple particulier. Il n'avait
qu'un mot à prononcer pour recouvrer,
avec sa liberté, ses biens, ses dignités,
sa femme, ses enfants, sa patrie. Mais
cette âme ferme et constante sacrifia
toutes ses affections à l'intérêt de son
pays , et déclara nettement qu'on ne
devait point songer à faire rechange
des prisonniers ; qu'un tel exemple au-
rait des suites funestes pour la répu-
blique ; que des citoyens qui avaient eu
la lâcheté de livrer leurs armes à l'en-
nemi étaient indignes de compassion
et incapables de servir utilement leur
patrie; que pour hii-méme, en le per-
dant, ils ne perdraient que les débris
d'un corps usé par la vieillesse et par
la guerre, tandis que les généraux
oarthagmois , qu'on leur proposait d'é-
changer, étaient tous dans la vigueur de
l'âge, et pouvaient rendre longtemps
encore de grands services à leur pays.
Les sénateurs admiraient , mais n'^o-
saient accepter ce dévouement sublime.
Ils ne se rendirent enfin que sur les vives
instances de Régulus lui-même, qui,
par une générosité sans exemple , s'im-
molait à l'intérêt de sa patrie.
L'échange fut donc refusé ; mais la
famille, les amis, les concitoyens de
Régulus employèrent presque la force
pour le retenir. Le grand pontife lui-
même assurait qu'il pouvait rester à
Rome sans être panure à son ser-
ment. Rien ne put ébranler la géné«
reuse obstination de cette âme inflexi-
ble. Il partit de Rome pour se rendre
à Cartbage, sans se laisser attendrir
ni par la vive douleur de ses amis, ni
par les larmes de sa femme et de ses
enfants. Cependant il n'ignorait pas
quels supplices affreux l'attendaient à
son retour ; mais il redoutait plus le
parjure que la cruauté de ses enne*
mis.
£n effet, lorsque tes Carthaginois
apprirent que c'était sur l'avis même
de Régulus que l'échange des prison*
niers avait éié refusé, "ils lui firent
souffrir les plus affreux tourments. Us
le tenaient longtemps renfermé dans
un noir cachot , d'où , après lui avoiv
coupé les paupières, ils le faisait
sortir tout à coup pour l'exposer au
soleil le plus vif et le plus ardent. lis
l'enfermèrent ensuite dans ua coffre
hérissé de pointes de fer, ou il expira,
Digitized by
Google
53
L'UNIVERS.
miné par la douleur et par les fatigues
d'une insomnie perpétuelle.
Siège de Lilybée par les Ro-
mains. — Cependant les consuls par-
tirent de Rome avec quatre légions et
une flotte de deux cents voiles , dans
le dessein de venger la mort de Régu-
lu6 , et de profiter de la victoire de
Palerme pour chasser entièrement les
Carthaginois de la Sicile. Après avoir,
réuni a leur armée toutes les forces -
qui étaient dans cette province , ils ré-
solurent défaire le siège de Lilybée, es-
pérant qu'après la prise de cette ville ,
rien ne pourrait plus s'opposer à leur
passage en Afrique. Les Carthaginois
sentaient, aussi bien que les Romains,
de quelle importance était cette place,
soit pour la défense de l'Afrique, soit
pour la conquête de la Sicile. Aussi
les deux peuples empîoyèrent-ils tout
ce qu'ils avaient de forces pour l'atta-
quer et pour la défendre.
Lilybée est située sur le promontoire
du même nom qui est tourné du côté
de TAfrique. Cette ville , que les Car-
thaginois avaient fortifiée avec le plus
grand soin, était entourée d'épaisses
murailles , d'un fossé profond et de
lagunes salées presque mipraticables.
C'est à travers ces lagunes que s'ou-
vrait rentrée du port, dont l'accès était
très-difficile pour ceux qui ne connais-
saient pas parfaitement la rade. Les
Romains ayant établi leurs camps sur
deux points opposés de la ville qui se
rapprochaient de la mer, les joignirent
entre eux par des lignes fortifiées d'un
fossé, d'un mur et d'un retranchement.
Ils dirigèrent leurs premières attaques
contre la tour la plus proche qui regar-
dait l'Afrique, ajoutant toujours de
nouveaux ouvrages aux pretniers, et
s'avançant de plus en plus. Enfin, ils
renversèrent six tours contiguës à celle
dont nous avons parlé, et entreprirent
d'abattre les autres avec le bélier. Dans
ce but, ils commencèrent à combler,
«our y établir leurs machines, le fossé
qui, selon Diodore, avait soixante
coudées de large et quarante de pro-
fondeur, et ils poussèrent avec une
constance inébranlable ce long et pé-
nible travail. Déjà plusieurs tours
avaient été renversées ; d'autres mena-
çaient ruine, et les assiégeants s'avan-
çaient de plus en plus vers l'intérieur
de la place. Alors la terreur et la
consternation se répandirent dans la
ville, quoique la garnison filt de dix
mille soldats, sans compter les habi-
tants, et qu'Imilcon, leur comman-
dant, déployât dans la défense de la
place un courage et une habileté re-
marquables. En effet, l'infatiçable ac-
tivité de ce général pourvoyait à tous
les besoins, et déjouait tous*^ les efforts
des ennemis. S'ils creusaient une mine,
il en ouvrait une autre pour les traver-
ser ; s'ils parvenaient a faire une brè-
che, «Ile était aussitôt réparée; si une
portion du mur s'écroulait, un autre
mur s'élevait en arrière pour le rem-
placer. Toujours vigilant et attentif,
toujours présent au milieu du danger,
il ne laissait ni ses soldats en repos ,
ni ceux des assiégeants en sûreté, op-
posant ses ouvrages, ses mines et ses
armes , aux ouvrages , aux mines et
aux armes des Romains. Il épiait sans
cesse l'occasion de mettre le feu aux
machines des assiégeants, et, pour
y parvenir, le iour, la nuit , à tous les
mstants favoranles, il faisait de brus-
ques sorties , et livrait des combats
acharnés, : plus meurtriers quelquefois
que des batailles rangées.
Pendant qu'Imilcon se défendait si
courageusement , quelques officiers des
soldatsétrangersfornièrententreeuxle
complot de livrer la ville aux Romains ,
espérant entraîner dans leur défection
les troupes qu'ils avaient sous leurs
ordres. Le général, dont la vigilance
avait pénétre ce projet de révolte, ne
perd pas un instant. Il rassemble sur
le forum tous les mercenaires; il ré-
veille dans leurs âmes les sentiments
d'affection et de fidélité qu'ils doivent
à Carthage et a leur général; il leur
fait payer l'arriéré de leur solde; et
enfin, par ses promesses, par son élo-
quence, il les détermine à punir les
traîtres, et à se dévouer entièrement
avec lui à une cause qu'ils ont défendue
jusque-là avec tant de courage et de
gloire.
ANNIBÀL passe a TfiAVEHS LÀ
Digitized by VjOOQIC
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
CARTHAGE
53
ÏLOTTE ROMAINE POUB INTRODUIRR
DU SECOURS DANS LiLYBÉE. — Bien-
tôt de nouveaux secours que reçurent
les assiégés relevèrent encore leur con-
Cance. Les Carthaginois qui , sans avoir
reçu aucua renseignement certain sur
réiat de Lilybée, prévoyaient cepen-
dant les dangers et les besoins ae la
ville assiégée, équipèrent une flotte de
cinquante vaisseaux, v embarquèrent
dix mille soldats, et chargèrent Anni-
bal, fils d'Amilcar, d'introduire des
trouves à Lilybée, avec de l'argent et
des vivres. Il reçut ordre de partir sans
délai, et de braver tous les dangers
pour pénétrer dans la place. Annibal
aborde aux îles Éguses, situées près
de Lilybée, et y attend un vent favo-
rable pour y exécuter cette difficile en-
treprise; car les Romains, dès le com-
mencement du siège, avaient obstrué
l'entrée du port en y coulant à fond
quinze vaisseaux chargés de pierres.
Sitôt qu'un vent fort et propice à ses
desseins s'éleva du côté de la mer,
Annibal déploya toutes ses voiles, et
se dirigea vers Lilybée, tenant sur le
pont de ses galères ses soldats rangés
en bon ordre et tout prêts à combattre.
La flotte romaine, surprise et comme
frappée de stupeur par l'imprévu de
cette manœuvre hardie, craignant
d'ailleurs que la violence du vent ne la
poussât dans le port ou sur les bas-
fonds qui bordaient le rivage, ne fit
aucun mouvement pour s'opposer au
passage des vaisseaux ennemis. Anni-
bal, sans ralentir sa course, évitant
avec adresse tous les obstacles, entra
fièrement dans le port et débarqua ses
dix mille soldats, aux cris de joie et
aux applaudissements de toute la ville.
Sortie d'Imilcon; combat san-
glant AUTOUB DES MACHINES. — LcS
Romains n'ayant pu empêcher l'intro-
duction du secours dans la ville assié-
gée, présumèrent qu'Imilcon, après
avoir reçu un renfort si considérable ,
entreprendrait bientôt de détruire
leurs machines. Ils ne se trompèrent
point dans leurs conjectures. Imilcon,
voulant profiter de- l'ardeur des nou-
velles troupes , et du courage que leur
arrivée avait rendu à la garnison et
aux habitants, les réunit tous sur la
place publique, et les décida à une
sortie générale par l'espérance d'une
victoire infaillible et des récompenses
dont elle serait suivie.
Assuré de leurs bonnes dispositions ,
il assemble les principaux officiers, il
leur assigne les postes qu'ils doivent
occuper, leur donne le mot d'ordre,
fixe l'instant de la sortie, et, au point
du jour, il attaque sur plusieurs points
à la fois les ouvrages des Romains.
Ceux-ci, gui avaient pénétré d'avance
les desseins de l'ennemi, ne furent
point surpris par cette brusque atta-
que. Ils se portent rapidement sur tous
les points menacés et présentent par-
tout une vigoureuse résistance. Les
deux partis avaient déployé toutes leurs
forces. Vingt mille hommes étaient
sortis de la ville; les assiégeants leur
en avaient opposé encore un plus grand
nombre. La mêlée devint générale et
le combat sanglant. L'action était d'au-
tant plus vive que, de part et d'autre,
les soldats , abandonnant leur ordre de
bataille, se battaient pêle-mêle et ne
suivaient que leur impétuosité. On eût
dit que dans cette multitude immense
homme contre homme, rang contre
rang, s'étaient défiés l'un l'autre en
combat singulier.
Mais c'était surtout autour des ma-
chines que les efforts étaient plus vio-
lents et la lutte plus acharnée. Les
Carthaginois dans l'attaque, les Ro-
mains dans ta défense, rivalisaient
d'audace et d'opiniâtreté. Les uns, pour
repousser les défenseurs des machi-
nes , les autres , pour ne pas céder le
terrain , prodiguaient leur vie et tom-
baient morts sur la place même où ils
avaient commencé à combattre. Ce qui
mettait le comble au tumulte et à l'hor-
reur de cette affreuse mêlée, c'était
les soldats qui, armés de torches et
d'étoupes enflammées pour aller met-
tre le feu aux machines, se précipi-
taient comme des forcenés au milieu
des périls et du carnage. Les Romains,
effrayés de tant d'audace, furent plu-
sieurs fois sur le point de céder et
d'abandonner leurs ouvrages. Mais
enfin Imilcon, voyant qu'il avait fait
Digitized by VjOOQIC
u
L'UNIVERS.
de grandes pertes sans obtenir aucun
avantage décisif, fît sonner la retraite.
Les Romains , satisfaits d'avoir pu con-
server leurs machines, ne songèrent
point à le poursuivre. Dès la nuit sui-
vante, Annibal , choisissant le moment
où les Romains fatigués du combat
gardaient le port avec moins de vigi-
lance, sortit avec ses vaisseaux et re-
joignit Adherbat à Drépane, ville ma-
ritime située à cent vingt stades (*) de
Lilybée. Il emmena avec lui la cavalerie
qui , n'étant d'aucun usage dans la ville
. assiégée, pouvait être utilement em-
ployée ailleurs. En effet, ces cavaliers,
par leurs incursions continuelles, ren-
direntaux assiégeants les chemins dan-
gereux et le transport des convois
difficile, exercèrent toutes sortes de
ravages dans les campagnes voisines,,
et donnèrent beaucoup d'embarras et
d'inquiétude aux consuls. Adherbal ne
leur en causait pas moins, du côté de
la mer, par de fréquentes et subites
incursions , tantôt sur les côtes de S\f
cile, tantôt sur celles de l'Italie. Cette
tactique, suivie avec persévérance,
amena dans le camp des Romains une
si grande disette, que, réduits pour
tout aliment à la chair des animaux,
la plupart furent emportés par la fa-
mine ou par les maladies qui en sont
la suite ordinaire.
Les consuls, ayant perdu près de
dix mille hommes, décidèrent que l'un
d'eux retournerait à Rome avec la
moitié des légions, afin que celles gui
resteraient pour continuer le siège
eussent moins de difficulté pour se
procurer des vivres. Décidés à conver-
tir le siège en blocus, ils entreprirent
de fermer par une digue l'entrée du
port de Lilybée; mais la profondeur
des eaux et la violence du courant
ayant rendu leurs efforts presque en-
tièrement inutiles, ils se bornèrent à
en garder l'entrée avec plus de vigi-
lance qu'auparavant.
Audace d'Antnibal le Rhodien;
IL pénètre plusieurs fois dans le
PORT DE Lilybée; il est pris avec
(*) 11,540 toises, environ 4 lieues de ao
au degré.
SON VAISSEAU. — Cependant à Car-
thage on ne recevait aucune nouvelle
de ce qui se passait à Lilybée, et per-
sonne ne s'offrait pour aller s'en ins-
truire. Annibal, surnommé le Rho-
dien, homme brave et entreprenant,
se fit fort de pénétrer dans la ville
assiégée, d'en examiner avec soin
la situation , et de venir rendre un
compte fidèle de tout ce qu'il aurait
observé. Les Carthaginois applaudirent
à son zèle et à son dévouement, et ac-
ceptèrent ses offres, bien qu'ils fussent
persuadés qu'il aurait beaucoup de
peine à accomplir sa promesse; car ils
savaient que les vaisseaux romains
étaient à l'ancre devant le port et en
fermaient presque entièrement l'en-
trée. Mais Annibal, ayant équipé un
vaisseau qui lui appartenait en propre,
aborde à Tune des îles qiii sont vis-
à-vis de Lilybée, et le lendemain, pro-
fitant d'un vent favorable, il met a la
voile vers le milieu du jour, passe à
travers la flotte romaine, et entre dans
le port à la vue des ennemis étonnés
de son audace. Le jour suivant, il se
disposait à retourner à Carthage. Mais
le consul, pendant la nuit, avait choisi
dix de ses vaisseaux les plus légers, et
les avait placés aux deux côtés de l'en-
trée du port, étendant leurs rames
comme des ailes, pour fondre au pre-
mier signal sur le navire carthaginois.
Annibal, fort de son audace et de la
légèreté de sa galère, part en plein jour
pour braver l'ennemi. Il passe, avec la
rapidité d'un oiseau, à travers les
masses presque immobiles des vais-
seaux romains, et, se jouant de leurs
pesantes manœuvres, if revient sur ses
pas, voltige sur leurs flancs, quelque-
fois s'arrête pour les provoquer au
combat, et ne s'éloigne enfin qu'après
avoir longtemps, avec un seul vais-
seau, déjoué les efforts de toute la
flotte romaine. L'heureuse issue de
cette entreprise, qu' Annibal réitéra
plusieurs fois avec le même succès, fit
connaître aux Carthaginois les besoins
de Lilybée, et leur donna les moyens
d'y pourvoir. Elle accrut en niêiiie
temps la confiance des assiégés et abat-
tit le courage des Romains, honteux
Digitized by VjOOQIC
GARTHAGE.
55
de voir leurs projets traversés par la
témérité insultante d'un seul homme.
L'audace présomptueuse du Cartha-
ginois et la réussite constante de ses
tentatives tenaient principalement à la
connaissance approfondie qu'il possé-
dait des écueiis, des bas-fonds et des
étroits passages de cette rade dançe-,
reuse. Déjà son exemple était imité
par d'autres navigateurs, qui allaient
a Lilybée et en revenaient impuné-
ment , lorsque le hasard lit tomber au
pouvoir des Romains une quadrirème
carthaginoise, remarquable par l'élé-
gance de sa coupe et la légèreté de ses
mouvements. Les Romains, ayant
choisi pour son équipage de braves sol-
dats et d'excellents rameurs, s'en ser-
virent pur observer ceux qui tente-
raient de pénétrer dans le port, et
surtout Annibal. Celui-ci, qui était
entré de nuit dans la ville , en repartait
en plein jour. Serré de près par la qua-
drirème qui suivait tous ses mouve-
ments , il la reconnut et ne put se dé-
fendre d'un sentiment de frayeur. Il
chercha d'abord à lui échapper par la
rapidité de sa course; mais gagné de
vitesse, et au moment d'être atteint,
il fut contraint de faire volte-face et
d'accepter le combat. Alors , trop faible
pour résister au nombre et à la valeur
des soldats romains, il fut pris avec
son vaisseau. Les Romains équipèrent
ce navire avec le plus grand soin, et
ils employèrent avec tant de succès ces
deux belles galères à la garde du port,
que personne désormais n'osa plus en-
trer dans Lilybée.
Nouvelle sobtie d'Imilcon; in-
cendie DBS MACHINES. — A partir de
ce moment, les assiégeants redoublè-
rent leurs assauts avec une nouvelle
vigueur, et attaquèrent les fortifica-
tions voisines de la mer, pour attirer
de ce côté toute l'attention et toutes
les forces de la garnison. Ils espéraient
que , à la faveur de cette fausse atta-
que , leurs troupes campées du côté de
la terre pourraient s'emparer du mur
extérieur de la ville. Ce projet réussit
d'abord; mais les Romains n'avaient
Ï>as encore eu le temps de s'établir dans
eurs positions > lorsqu'Imilcon tomba
sur eux à Timproviste, en tua dix
mille et força les autres à prendre la
fuite.
Quelques temps après, une circons- .
tance imprévue fournit aux assiégés
l'occasion de détruire les ouvrages des
Romains. Il s'éleva -tout à coup un éu-
rai^an impétueux qui ébranla leurs ga-
leries et renversa même les tours des-
tinées à les protéger. Quelques soldats
mercenaires jugèrent le moment d'au-
tant plus favorable pour les incendier,
qiie le vent les favorisait en soufOaût
du côté de la ville. Ils communiquèrent
leur idée à Imilcon et s'offrirent pour
exécuter l'entreprise. Imilcon approuva
ce projet et fit tous les préparatifs né-
cessaires. Ils sortent partagés en trois
corps , et mettent à la fois le feu aux
machines sur trois points différents.
Ces machines , construites depuis long-
temps et formées d'un bois desséché
par le soleil et les ardeurs de l'été,
prirent feu aisément, et la violence de
r ouragan, portant de tous côtés les
débris des mantelets et des tours en-
flammées, propagea l'incendie avec
une rapidité effrayante. Les Romains
accoururent pour défendre leurs ou-
vragés ; mais leurs secours étaient di-
riges au hasard et leurs efforts impuis-
sants ; car le vent qu'ils avaient en face
poussait dans leurs yeux et dans leurs
visages des tourbillons de cendre, de
flamme et de fumée , et il en périt un
grand nombre avant qu'ils eussent pu
même approcher des endroits qu'il fal-
lait secourir. Les Carthaginois, au
contraire , favorisés par la direction du
vent, et éclairés par le feu qui consu-
mait les machines, lançaient leurs traits
avec certitude', et manquaient rare-
ment le but qu'ils voulaient atteindre.
Enfin, les mantelets, les tortues, les
béliers, les balistes, toutes les machi-
nes destinées soit à creuser des mines ,
soit à battre les murs, furent entière-
ment consumées.
Dès ce moment, les Romains per-
dirent toute espérance de se rendre
maîtres de Lilybée par la force. Ils se
bornèrent à entourer la ville d'un fossé
et d'un retranchement. Ils fermèrent
leur camp par une forte muraille, et
Digitized by VjOOQIC
56
UUNIVERS.
changeant le siège en blocus , ils atten-
dirent que la famine forçât la place à
se rendre. Les assiégés, de leur côté ,
relevèrent les fortifications qui avaient
été renversées , et se ménagèrent tous
les moyens d'une vigoureuse résistance.
Seizième année de la guebbe ;
BATAILLE NAVALE DE DbÉPANE ;
VICTOIRE COMPLÈTE DES CABTHA-
GINOIS ; 249 AVANT L'ÈRE VULGAIRE.
— Quand on eut appris à Rome qu'une
partie des troupes avait péri à Lilybée,
soit dans Fincendie des machines , soit
dans les autres opérations du siège,
. cette fâcheuse nouvelle , loin d'abattre
les esprits, sembla renouveler l'ardeur
et le courage des citoyens. Chacun se
hâtait de porter son nom pour se faire
enrôler, et bientôt dix mille hommes ,
et un renfoH considérable de matelots
passèrent le détroit, et allèrent par
terre se joindre aïk assiégeants.
Le département de la Sicile était
échu au consul Publius Claudius Pul-
cher. C'était un homme d'un carac-
tère dur et violent, entêté de sa no-
blesse et de son propre mérite , plein
de confiance dans ses lumières, de mé-
pris pour celles des autres ; punissant
tes moindres fautes avec une extrême
rigueur, tandis que lui-même, dans les
affaires les plus importantes , ne mon-
trait pas moins (l'extravagance que
d'incapacité. Ainsi, quoiqu'il eût blâmé
avec une aigreur excessive les derniers
généraux d avoir tenté de fermer l'en*
trée du port au moyen d'une digue,
il s'obstina à poursuivre l'exécution
de ce projet impraticable et échoua
devant les mêmes obstacles.
Mais, de toutes les fautes qu'il com-
mit, la plus funeste fut l'attaque de
Drépane, où il perdit par son impru-
dence et par la valeur d'Adlierbal la
flotte .a plus brillante que les Romains
eussent mise en mer. Il s'était per-
suadé qu'il serait facile de surprendre
Adherbal à Drépane ; que ce général ,
instruit des pertes que la flotte ro-
maine avait éprouvées au siège de
Lrlybée , et ignorant le nouveau ren-
fort qu'elle avait reçu , ne s'attendrait
pas a ce qu'elle reprît subitement l'of-
fensif ft et ne serait pas en garde contre
une attaque imprévue. Il choisit dans
toute la flotte deux cents vaisseaux, et
y embarqua ses meilleurs rameurs et
les [)lus braves soldats des légions. Il
sortit du |)ort au milieu de la nuit ,
sans être aperçu des assiégés , et la
tête de sa flotte n'était pas loin de
Drépane, quand le jour parut et la
découvrit aux yeux d' Adherbal. Cette
apparition inattendue le surprit sans
le déconcerter. Entre les deux seuls
partis qu'il avait à prendre , il fallait
se déterminer promptement. Le pre-
mier était d'aller au-devant des Ro-
mains et de les combattre sur le champ,
l'autre de les attendre et de se laisser
assiéger. Il rejeta ce dernier parti qui
lui parut à la fois lâche etdangereux.il
rassemble sur le rivage lès matelots et
les soldats; il leur fait entendre en
peu de mots , mais pleins de force et
d'énergie, ce qu'ils ont à espérer en
sortant du port pour livrer la bataille
aux Romains , ce qu'ils ont à craindre
en se laissant investir.
' Tous ayant demandé le combat avec
de grands cris de joie, il leur ordonne
de s'embarquer sur-le-champ et de
suivre la galère amirale, qu'il allait
monter lui-même, sans la perdre de
vue. Il gagne le premier la haute mer
et fait filer sa flotte derrière les rochers
^ui bordaient le côté du port opposé
à celui par lequel entrait l'ennemi.
Claudius voyant , contre son attente ,
que les Carthaginois étaient sortis,
disposés à lui livrer bataille en pleine
mer; envoya ordre à ceux de ses vais-
seaux qui étaient déjà dans le port ou
au moment d'y entrer, de revenir sur
leurs pas pour se joindre au gros de
la flotte. L'exécution de cette manœu-
vre fut la cause d'un désordre extrême.
Parmi les vaisseaux romains , les plus
légers avaient déjà pénétré dans le
port, d'autres les suivaient de près,
quelques-uns étaient arrêtés à l'entrée
même. Il en résulta que, dans cet es-
pace étroit, tous faisant à la fois de
grands efforts pour revirer de bord ,
ils s'embarrassaient mutuellement , se
heurtaient les uns les autres et se bri-
saient réciproquement leurs rames.
Enfin s'étant dégagés avec beaucoup
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
&7
de peine , ils se rangèrent en bataille
le long de la côte^ la proue tournée vers
l'ennemi.
Le trouble et la confusion causés
par cette manœuvre avaient commencé
a jeter de l'inquiétude et de la frayeur
dans l'armée. Une action irréligieuse
du consul acheva de la déconcerter et
de lui faire perdre tout courage et
toute espérance. Les Romains , à cette
époque, avaient une confiance supersti-
tieuse dans les présages et dans les
augures. Au moment où la bataille
était près de s'engager , on vint dire
à Claudius que les poulets sacrés ne
voulaient ni sortir de leur cage, ni
prendre de nourriture : « Qu'us boi-
vent donc y puisqu'ils ne veulent point
manger » , dit Claudius avec un ton
d'impiété railleuse, et il les fît jeter
dans la mer.
Cependant le consul, qui, aupara-
vant, était placé à l'arrière - garde ,
se trouva , par le mouvement qui venait
de s'opérer, à la tête de l'aile gauche
et à l'extrémité de la ligne. En même
temps, Adherbal, avant gagprié la haute
mer et tourné la flotte romaine, rangea
ses galères sur une même ligne vis-à-
vis de celles des Romains qui s'éten-
daient le long du rivage. Au signal
donné par les amiraux, le combat s'en-
gagea, et fut d'abord soutenu de part
et d'autre av«c la même ardeur et un
succès à peu près égal. Mais bientôt
la balance pencha en faveur des Cartha-
ginois qui, dans cette bataille, avaient
sur les Romains plusieurs avantages.
Leurs vaisseaux étaient beaucoup plus
légers, leurs rameurs plus habiles et
plus expérimentés. Ils avaient habile-
ment choisi leur position en mettant
la pleine mer derrière eux. En effet ,
s'ils étaient trop pressés, ils pouvaient
reculer sans aucun risque et éluder
l'attaque de l'ennemi par l'agilité de
leurs vaisseaux. Les Romains se lais-
saient-ils emporter trop loin par l'ar-
deur de la poursuite, ils se retour-
naient tout à coup, les enveloppaient de
toutes parts , brisaient avec l'éperon
les flancs de leurs navires et les cou-
laient à fond. Claudius, au contraire,
avait toutes les difficultés à vaincre.
La pesanteur de ses vaisseaux et Tin-
expérience de ses rameurs rendaient
toutes ses manœuvres infructueu-
ses. Rangés trop près du rivage , ses
navires n'avaient ni l'espace néces-
saire pour leurs évolutions, ni les
moyens de faire retraite lorsqu'ils
étaient pressés par l'ennemi : aussi la
plupart échouèrent sur les bancs de
sable ou allèrent se briser contre les
rochers de la côte. Il ne s'en échappa
que trente qui , étant auprès du consul ,
prirent la fuite avec lui en glissant
entre le rivage et la flotte victorieuse.
Tout le reste des vaisseaux , au nombre
de quatre-vingt-treize, tomba avec l'é-
quipage en la puissance des Carthagi-
nois , dont la perte dans cette bataille
fut peu considérable. Du côté des Ro-
mains, huit mille hommes furent tués
ou noyés , vingt mille, tant soldats que
matelots, furent pris et conduits à
Carthage. Claudius , pour regagner plus
sûrement Lilybée, en longeant les
côtes qui étaient au pouvoir des Car-
thaginois , orna ses galères de palmes ,
de lauriers, de tous les signes de la
victoire, et, par ce stratagème, il
réussit, même en fuyant, à inspirer la
terreur.
Ce brillant succès, qui était dû tout
entier à la prévoyance et à l'habileté
d'Adherbal , lui valut de grands hon-
neurs à Carthage. A Rome, au con-
traire, on punit par une forte amende
l'incapacité et l'impiété arrogante de
Claudius, qui avaient été si funestes à
la république.
Cependant Adherbal profita de sa
victoire pour enlever aux Romains,
Eres de Palerme, un grand nombre de
arques chargées de vivres ; il parvint
à les introduire dans Lilybée, et ra-
mena ainsi l'abondance dans la ville
assiégée.
Cahthalon amène de Carthage
UN renfort de soixante-dix vais-
seaux ; il surprend la flotte ro-
maine devant Lilybée. — La lin de
cette année amena encore aux Romains
de nouveaux désastres. Ils avaient
chargé Lucius Junius, l'un des con-
suls , de conduire à Lilybée des vivres
et des munitions pour l'armée qui as-
Digitized by
Google
M
L'UNIVERS.
siégeait cette ville* Junius vint aborder
à Messine, où il trouva une inOnité de
bâtiments de toute espèce qui s'y étaient
rassemblés de toutes les parties de la
Sicile. Il en composa une flotte de cent
vingt vaisseaux de guerre et de huit
cents navires de transport, avec la-
quelle il se rendit à Syracuse. Dès
qu'il y fut arrivé, il fît partir les ques-
teurs , avec la moitié des vaisseaux de
charge et quelques galères, pour sub-
venir aux oesoms pressants des trou-
pes qui bloquaient Lilybée. Il attendit
lui-même a Syracuse les bâtiments
qui , partis de Messine avec lui , étaient
restés en arrière, et l'arrivée des con-
vois de vivres que ses alliés lui en-
voyaient des provinces éloignées de la
mer.
Cependant Adberbal , enhardi par ses
premiers succès et par un reniort de
soixante-dix vaisseaux que Garthalon
venait de lui amener de Cartha^e, ré-
solut de frapper un coup décisif. Il
confie cent galères à Cartnalon, il lui
ordonne de cingler vers Lilybée, et,
Ear une brusque attaque, d'enlever, de
rûler ou de couler à tond les vaisseaux
romains qui étaient à Tancre devant le
port. Garthalon part aussitôt pour
exécuter cet ordre. Il arrive avant le
jour à Lilybée, fond avec impétuosité
sur la flotte romaine, enlève quelques
vaisseaux, en brûle quelques autres,
et répand le trouble et la terreur dans
le camp des assiégeants. Ceux-ci ac-
courent à la hâte pour défendre leurs
Îjalères; mais Imilcon, gouverneur de
a ville assiéeée, averti par le tumulte
et les cris des combattants, fait une
sortie à la tête de ses mercenaires et
tombe sur les derrières des Romains,
dont le désordre s'accroît par cette
double attaque.
Manoeuybes de Càrthalon ds-
vant les flottes bomainss ; nau-
frage et destruction entière de
CES DEUX FLOTTES. — L'approchc de
la nouvelle flotte romaine empêcha
Càrthalon de pousser plus loin ses
avantages. Il alla se poster à Héraclée
pour observer l'arrivée des questeurs
et leur couper la communication avec
l'armée de siège. Bientôt, instruit par
ses éclaireurs qu'une armée naVale
composée de bâtiments de toute espèce
se dirigeait vers Lilybée, il saisit l'oc-
casion avec joie , et , plein de mépris
pour les Romains qu'il avait déjà vain-
cus, il s'avance à leur rencontre pour
leur livrer bataille. L'escadre com-
mandée par les questeurs , se jugeant
trop faible pour soutenir le combat,
alla aborder à une petite ville alliée,
nommée Phintias , qui à la vérité n'a
pas de port, mais où des promontoires
avancés dans la mer forment, pour les
vaisseaux, un abri commode et une
rade facile à défendre, lis y débarquè-
rent, et, après Y avoir disposé tout ce
que la ville put leur fournir de cata-
f)ultes et de balistes , ils y attendirent
'attaque des Carthaginois. Ceux-ci
pensèrent d'abord que les Romains
effrayés se retireraient dans la ville et
leur abandonneraient leurs vaisseaux.
Mais trouvant, contre leur attente,
une vigoureuse résistance , et se voyant
exposés dans cette position difficile à
des périls multipliés, ils se contentè-
rent d'emmener quelques vaisseaux de
charge qu'ils avaient pris, et se reti-
rèrent dans le fleuve Halycus pour ob-
server le départ de la flotte romaine.
Vers le même temps le consul Ju-
nius, après avoir terminé les aflfaires
qui le retenaient à Syracuse, doubla le
promontoire Pachynum et cingla vers
Lilybée, ignorant encore ce qui s'était
passé à Pnintias. Càrthalon, à cette
nouvelle, mit sur-le-champ à la voile,
dans le dessein de livrer bataille au
consul avant qu'il eût rejoint la divi-
sion de sa flotte commandée par les
auesteurs. Junius reconnut de loin la
otte nombreuse des Carthaginois;
mais trop faible pour soutenir un com-
bat, et trop proche de l'ennemi pour
échapper à sa poursuite , il prit le parti
d'aller jeter l'ancre près de Camarine,
dans une rade entourée de rochers es-
carpés et presque entièrement inabor-
dable, aimant mieux s'exposer à périr
au milieu des écueils que de tomber
avec toute sa flotte au pouvoir des en-
nemis. Càrthalon se garda bien de
donner bataille aux Romains dans des
lieux si difficiles ; il alla mouiller auprès
Digitized by VjOOQIC
CARIHAGE.
69
d'un promontoire , d*où il était à portée
d'observer en même temps les deux
flottes ennemies et de prendre sur elles
tous ses avantages.
Bientôt après, les vents commencè-
rent à souffler avec violence, et les
pilotes carthaginois, accoutumés à na-
viguer sur ces mers, conseillèrent à
Garthalon de quitter sa station et de
doubler sans délai le promontoire de
Pachynum. Garthalon suivit ce conseil ,
et parvint, après de grands efforts, à
mettre sa flotte en sûreté. Mais celles
des Romains , surprises Tiine et l'autre
par la tempête, au milieu des rochers
et des bas-fonds , éprouvèrent un nau-
frage si affreux, que de tant de vais-
seaux il ne se sauva que deux galères,
avec lesquelles le consul Junius se ren-
dit à Lilybée.
Junius s'empàbe pab tbàhison
DE LÀ MONTAGNE ET DE LÀ VILLE
B'ÉRYX. — Ce dernier désastre acheva
d'abattre les Romains déjà découragés
et affaiblis par les pertes précédentes.
Ils renoncèrent de nouveau à disputer
l'empire de la mer aux Carthaginois ,
et tournèrent leurs efforts du côté de
la terre, résolus d'employer toutes
leurs ressources pour maintenir la su-
périorité qu'ils y avaient acquise.
Ai||si , loin de renoncer au siège, ils en
poussèrent les opérations avec une
nouvelle vigueur. L'armée ne manquait
ni de munitions ni de vivres , qui lui
étaient apportés par les peuples de Si-
cile, dont la plupart s'étaient soumis
volontairement aux Romains ou leur
étaient unis par des traités d'alliance.
Cependant le consul Junius, qui
était resté à Lilybée, poursuivi par le
souvenir de ses fautes et de son nau-
frage, cherchait à les faire oublier par
quelque action d'éclat. Il se ménagea
aes mtelligences secrètes dans Éryx,
et se lit livrer la ville et le temple de
Vénus. L'Éryx , la plus haute montagne
de la Sicile après l'Etna, est située
près de la mer, entre Drépane et Pa-
lerme, mais bien plus rapprochée de
Drépane. Au sommet de la montagne
est un vaste plateau sur lequel on avait
bâti le temple de Vénus Érycine, le
plus beau et le plus riche sans compa-
raison de tous les temples de la Sicile.
Un peu au-dessous du sommet s'éle-^
vait la ville d'Éryx, où l'on ne montait
que j)ar un chemin très-long et très-
difûcile. Junius avait placé une partie
de ses troupes sur le plateau , gardant
avec le plus grand soin les points de la
montagne accessibles du coté de Dré-
pane; il fortifia même Égithalle, place
située sur la mer au pied du mont
Éryx, et y laissa huit cents hommes
de garnison. Il croyait, par ces dispo-
sitions, avoir bien assure sa conquête;
mais Carthalon, ayant débarque pen-
dant la nuit ses troupes près d'Égi-
thalle, emporta cette place d'assaut,
tua ou prit ceux qui la défendaient, à
l'exception de quelques-uns qui se ré-
fugièrent dans la ville d'Éryx.
Dix-septième, dix-huitibme, dix-
tteuvièmb et vingtième année de
là guebbe, de 248 à 244 avant
l'èbe chbétienne ; Amilcàb occupe
LÀ fobte position d'Ebctb. — C'est
cette année que commence à paraître
sur la gcène l un des plus grands hom-
mes ûo guerre que Carthage ait pro-
duits. Amilcar, surnommé Barcà , père
du fameux Annibal, reçoit le com-
mandement général des armées de terre
et de mer en Sicile. Il part avec toute
sa flotte, va porter le ravage sur les
côtes d'Italie, et revient, chargé de
butin , aborder près de Palerme. Là ,
son coup d'oeil habile lui fit reconnaître
dans Ërcté une position admirable
pour y retrancher son armée et braver
pendant longtemps les efforts de l'en-
nemi. Ërcté est une montagne d'une
assez grande hauteur, située sur le
bord de la mer, entre Éryx et Palerme ,
escarpée de tous les côtés et couronnée
par un plateau de cent stades de cir-
conférence (*). Ce plateau est très-fer-
tile et produit d'aoondantes moissons
de toutes sortes de grains. Dû côté de
la terre et du côté de la mer, les flancs
de la montagne sont presque entière-
ment revêtus de rochers à pic, inter-
rompus seulement par quelques ravins
faciles à fortifier. Au milieu du pla-
teau , s'élève une éminence oue la na-
(*) Environ 9,5oo toises*
Digitized by
Google
60
L'UNIVERS.
ture semble avoir formée à la fois pour
servir de citadelle et pour observer
tout ce qui se passe dans les campagnes
voisines. Le pied de cette montagne,
où l'on trouve une grande abondance
d'eau douce, s'étenaf jusqu'à un port
très-commode pour ceux qui, de Dré-
pane ou de Lilybée, font voile vers
l'Italie. On n'arrive au sommet du
mont que par trois chemins, deux du
côté de la terre et un du côté de la
mer, mais tous également pénibles et
difficiles. C'est dans ce poste qu'Amil-
car eut l'audace de s'établir. Il se pla-
çait au milieu d'un pays ennemi , en-
vironné de tous côtés par les armes
romaines, loin de ses alliés, loin de
toute espèce de secours, et cependant,
par l'avantage de cette ]M)sition, par
son courage et son expérience dans le
métier de la guerre, il sut créer aux
Romains obstacles sur obstacles, et
les jeter dans des périls et des alarmes
continuelles.
Succès d'Hannon en Afbique. —
Pendant qu'Amilcar rétablissait en Si-
cile l'honneur des armes puniques,
Uannon, son rival de gloire, étendait
en Afrique la domination de Carthage.
Ce général, pour exercer ses soldats
et les nourrir aux dépens de Tennemi ,
avait porté la guerre dans cette partie
de la Libye qui est aux environs d'Hé-
catompyle. Il s'était emparé de cette
grande ville; mais jaloux de relever
par la clémence l'éclat de sa victoire ,
il se laissa attendrir par les prières des
habitants, se conduisit à leur égard en
vainqueur généreux, leur laissa leurs
biens et leur liberté, et se contenta
d'exiger trois mille otages pour garants
de leur fidélité.
Siège de Dbépaiœ pàb le consul
Fabius. — Vers le même temps le con-
sul Fabius faisait le siège de Drépane.
Au midi de cette ville et tout près du
rivage est une île ou plutôt un rocher,
que les Grecs appelaient l'île des Co-
lombes. Le consul y envoya pendant la
nuit quelques soldats qui s'en emparè-
rent après avoir égorgé la garnison
carthaginoise. Amilcar, ^ui était ac-
couru a la défense de Drepane, sortit
au point du jour pour reprendre ce
poste important à la sûreté de la ville
assiégée. Le consul s'en aperçut trop
tard, et, ne pouvant aller au*secours
des siens , il donna l'assaut à Drépane
avec toutes ses forces, espérant, par
cette diversion , ou prendre la ville en
l'absence de son commandant, ou for-
cer ce dernier à revenir sur ses pas.
Il obtint l'un de ces avantages. Amil-
car étant retourné dans la ville pour
repousser les assaillants, Fabius resta
maître de l'île, qu'il joignit au conti-
nent par une digue, et dont il se servit
utilement dans la suite pour y établir
ses machines et presser plus vivement
les assiégés.
AMILCAB SB MAINTIENT PENDANT
TBOIS ANS A EbCTÉ CONTBE TOUS LES
EFFOBTS DES RoMAiNS. — Cependant
Amilcar conservait toujours sa forte
position d'Ercté. Sans cesse, avec sa
flotte, il infestait les côtes de la Sicile
et de l'Italie, et même lorsque les Ro-
mains commandés par Métellus se fu-
rent établis en avant de Palerme, à
cinq^ stades de ses retranchements , il
sut encore déjouer leurs manœuvres et
se maintenir pendant trois ans dans
cette position formidable.
Pendant ce long espace de temps il
ne se passa presque point de iour qu'il
n'en vînt aux mains avec l'ennemi.
C'étaient des deux côtés des embûches ,
des surprises habilement préparées,
plus habilement déjouées, des attaques
imprévues, des retraites simulées, en
un mot, des combats de détail si fré-
quents, si semblables entre eux, que
leur description a rebuté jnéme la mi-
nutieuse exactitude de Polybe. « Une
a idée générale de cette lutte, où les
«succès furent également balancés,
« suffira, dit-il, nour faire juger de
«Thabileté des aeux généraux. En
« effet, tous les stratagèmes que l'ex-
toutes les manœuvres qui exigent le
« secours de l'audace et de la témérité,
« furent employés de part et d'autre
« sans amener de résultat important.
« Les forces des deux armées étaient
« égales; les deux camps bien fortifiés
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
>
PC?
H
>
o
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
61
« et inaccessibles ; Tintervalle qui les
« séparait fort petit. Toutes ces causes
« réunies donnaient lieu chaque jour à
« des combats partiels , mais empé-
« cbaient que l'action devînt jamais dé-
«cisive; car, toutes les fois qu'on eu;
<" venait aux mains, ceux qui avaient,
« le dessous trouvaient dans la proxi-
« mité de leurs retranchements un asile
« assuré contre la poursuite des enne-
« mis et le moyen de les combattre avec
« avantage. »
Les nouveaux consuls (*) ne furent .
pas ^lus heureux en Sicile que leurs,
prédécesseurs , ayant toujours à lutter"
contre les difficultés des lieux , contre-
les entreprises hardies et les ruses
habilement concertées d'Amilcar. Ce
grand général, par son activité, par
son courage , par sa présence d'esprit,,
par son habileté à saisir l'occasion,
savait, avec des forces inférieures, con-'
server toutes les places qu'il avait pri-
ses, inquiéter celles des ennemis, et
balancer en Sicile la fortune et la puis-
sance de Rome. 11 résolut de secourir
Lilybée, qui, bloquée par terre et par
mer , était en proie au découragement
et à la famine, et il y réussit par cet
adroit stratagènie. Il ordonna à une
partie de sa flotte de se tenir en pleine
mer et de manœuvrer comme si elle
avait le dessein de pénétrer daiis Lily-i
bée. Dès que les Romains l'eurent,
aperçue, ils sortirent pour aller au-
devant d'elle. Aussitôt Amilcar,'avec
trente de ses vaisseaux, qu'il avait
tenus soigneusement cachés , se saisit
du port, y fait entrer des; vivres et des
secours, et pourvoit à tous les besoins
de la garnison, dont sa présence relève
et fortifie encore le courage.
Vingt-unième année de la guerre;
PRISE DE LA VILLE d'ÉrYX PAR AMIL-
CAR ; IL s'y maintient pendant DEUX
ANS ENTRE DEUX ARMEES ROMAINES;
244 AVANT l'Ère vulgaire. — L'an-
née suivante, Amilcar, toujours infa-
tigable , conçut une entreprise encore
plus hardie. Les Romains, comme
nous l'avons rapporté, s'étaient em-
(*) A. Manlius Torquatus et C. Sempro-
nius Blaesus.
parés de la ville et du mont Éryx .
lis avaient établi deux camps retran-
chés , l'un vers le Bas de la mon-
tagne , l'autre sur le plateau qui
dominait la villç, en sorte qu'ils sem-
bJaient n'avoir rien à craindre pour
cette place défendue par sa situation
naturelle et par cette double garnison.
Mais ils avaient à. faire à un ennemi
dont la vigilance et ractivité auraient
dii les tenir toujours en haleine. L'au-
dace d'Ainiloar, à qui rien ne parais-
sait impossible, se fit un jeu de ces
obstacles presque insurmontables. II
fait avancer ses troupes pendant la
nuit, se met à leur tête, gravit la mon-
tagne dans le plus profond silence , et
après deux heures d'une marche aussi
pénible que dangereuse , il arrive de-
vant Éryx , l'emporte d'assaut , égorge
une pariie de la garnison , et fait con-
duire le reste à Drëpane.
A partir de ce moment, cette petite
montagne fut l'étroite arène où se dé-
battirent les de-stins des deux plus
grandes républiques du monde. Amil-
car, placé entre deux corps ennemis,
était assiégé par celui qu'il dominait,
tandis qu'il assiégeait lui-même le
camp placé au-dessus de sa tête. Les
Romains, retranchés sur le plateau de
la montagne , bravaient tous les périls
et supportaient toutes les privations
avec une persistance opiniâtre. Les
Carthaginois, par une constance qui
tient du prodige, quoiqu'ils fussent de
toutes parts entourés par les ennemis,
quoiqu'ils ne pussent se procurer de
vivres que par un seul point de la côte
dont ils étaient maîtres , restaient iné-
branlables dans cette position sans
exemple. Les deux peuples, par la
proximité de leurs camps, exposés à
des travaux et à des périls sans cesse
renaissants, réduits tous les jours et
presque tous les instants à craindre ou
a soutenir le combat , à éviter les [ué-
ges ou à repousser l'ennemi , s'étaient
volontairement condamnés à des souf-
frances au-dessus des forces humaines.
Le manque de repos, la privation d'a-
liments épuisaient leur vigueur sans
abattre leur courage. Toujours égaux
et toujours invincibles , ils soutinrent
Digitized by VnOOÇlC
Gi
L'UNIVERS.
pendant deux ans cette lutte acharnée,
sans qu'aucun d'eux se rebutât de ses
défaites ou pût forcer l'autre à lui cé-
der la victoire.
Vingt -DEUXIÈME année de la
GUEBBE ; DÉFECTION DES MEBCENAI-
BES GABTHAGINOIS ; BÉTABLISSEMENT
DE LA MABINE BOMAINE ; 243 AVANT
l'ébe chbétienne. — L'arrivée des
nouveaux consuls (*) ne changea point
la face des affaires. La guerre se
continuait sur le même terrain avec
la même opiniâtreté et la même alter-
native de revers et de succès , lorsque
les Gaulois et quelques autres corps
de troupes mercenaires qui étaient au
service de Carthage , mécontents des
retards apportés au payement de leur
solde , formèrent le complot de livrer
aux Romains la ville d'Éryx , où ils
étaient en garnison. Leur projet ayant
échoué, ils passèrent dans le camp des
consuls et turent les premiers étraur
gers admis à porter les armes au ser^
vice de la république romaine. Cette
défection, qui diminuait les forces d'A*
milcar , sembla redoubler encore son
courage et son énergie. Ce général »
qu'on ne pouvait ni surprendre par la
ruse, ni dompter parla force, sut encore
opposer une si vigoureuse résistance
aux Romains, que ceux-ci, désespérant
d'achever la conquête de la Sicile avec
leurs seules forces de terre, revinrent
au projet de rétablir leur marine.
Mais la longueur de la guerre avait
épuisé le trésor public, et le peu d'ar-
gent qui restait suffisait à peine à
rentretien des légions. L'amour de la
patrie et la générosité des principaux
citoyens suppléèrent aux ressources
qui manquaient à l'État. Grâce aux
contributions volontaires de tous les
ordres de la république, Rome, en
peu de temps , arma une flotte de deux
cents galères à cinq rangs de rames.
Elles mrent construites sur le modèle
de celle qu'on avait prise à Annibal le
Rhodien, et l'on apporta les soins les
Ï)lus attentifs à leur fabrication et à
eur équipement.
(*) C. Fundanûis Fundulus et C. Sulpî-
tius Gatlus.
Debnièbe année de la guerbe;
bataille navale des ILES Égates ;
VICTOIBE DES ROMAINS ; 242 AVANT
l'ébe CHBÉTIENNE. — Au Commence-
ment du printemps, le consul Lutatius,
ayant rassemblé tous les vaisseaux de
la république et ceux des particuliers ,
passa en Sicile avec trois cents galè-
res et sept cents bâtiments de trans-
port. Il s'empara, sans trouver de
résistance, des ports deDrépane et de
Lilybée , parce que les Carthaginois ,
qui étaient loin de s'attendre à l'ar-
rivée d'une flotte romaine , s'étaient
retirés en Afrique avec tous leurs vais-
seaux. Encouragé par cet heureux dé-
but , le consul fit les approches autour
deDrépane, et disposa tout pour le
siège. ;^ais , en même temps, ce gêné*
rai , dont l'activité égalait la prudence,
prévoyant que la Botte punique ne
tarderait pas à paraître, et persuadé
que l'issue de cette longue guerre dé-
pendait d'une bataille navale, employait
tous les moyens pour préparer la vic-
toire. Il exerçait sans relâclie les mate-
lots , les rameurs et les soldats de ses
galères , les formait à toutes les évo-
lutions, les accoutumait à toutes lesr
manœuvres, et enfin, par ces leçons
sans cesse répétées, il parvint, en peu
de temps , à leur donner une instruc-
tion et une expérience presque égales à
eelles de leurs ennemis.
Cependant , les Carthaginois, surpris
de -l'audace des Romains, qui venaient
de reprendre la supériorité sur mer,
songèrent sur-le-champ à ravitailler le
camp d'Éryx. Dans ce but , ils firent
passer en Sicile , sous le commandement
d'Hannon , une flotte de quatre cents
vaisseaux, chargés d'argent, de vivres
et de munitions de toute espèce. Le
dessein d'Hannon était d'aborder près
d'Éryx à l'insu des ennemis, d'y dé»
charger ses vaisseaux , de renforcer son
armée navale par les vétéraas aguerris
qu'Amilcar lui fournirait, et d'aller
ensuite, avec ce général, combattre la
flotte romaine. Ces mesures .étaient
bien prises, si la vigilance de Lutatius
ne les eût déconcertées. Le consul,
ayant deviné les projets de fennemi ,
fit embarquer sur sa flotte l'étite de sm
Digitizèd by VjOOQIC
Digitized by
Google
CARTHAGE .
ç_>^^v^ ti^'i:^^^^*^/^
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
légions, et fit Toile vers É^se, île si-
tuée entre Drépane et Lilybée , d'où il
î^perçut de loin la flotte ennemie. Il
avertit les pilotes et les soldats de se
préparer pour combattre le lende-
main , et les exhorta à bien faire leur
devoir.
Mais, au point du jour, vo)[ant que
le vent lui était aussi contraire qu'il
était favorable aux Carthaginois, et
que la mer était extrêmement agitée,
il hésita d'abord sur le parti qu'il de-
vait prendre. Cependant, il calcula que
ai , malgré ces désavantages , il enga-
geait de suite la bataille^ il n'aurait à
lutter que contre Hannon lui seul,
contre des vaisseaux incomplètement
armés, *et embarrassés d'un charge-
ment considérable de munitions et de
vivres , tandis que s'il attendait le cal-
me et laissait Hannon se joindre avec
le camp d'Éryx,il lui faudrait com-
battre contre des vaisseaux allégés du
Soids de leur cargaison , contre l'élite
e l'armée de terre , et, ce qui était en-
core plus formidable que tout le reste,
contre le génie et l'intrépidité d'Amil-
car. Ces motifs l'emportèrent dans son
esprit, et le détermnièrent à saisir l'oc-
casion présente.
Comme les ennemis approchaient
à pleines voiles , il lève l'ancre et s'a-
vance à leur rencontre. L'adresse et la
vigueur de l'équipage se jouent de la
résistance des vagues. La flotte se
range sur une seule ligne, la proue
tournée vers l'ennemi. Les Carthagi-
nois, voyant nue les Romains leur
fermaient le ; cnenâih d'Éryx , serrent
leurs voiles et se préparent au com-
bat.
Mais ce n'étaient plus, de part et
d'autre, ces mêmes flottes gui avaient
combattu à Drépane; aussi le succès
devait-il être difiérent. Les Romains
avaient fait de grands progrès dans
l'art de construire les vaisseaux. Leurs
équipages étaient formés d'excellents
matelots, de rameurs exercés et de
soldats choisis parmi les |)lus braves
de l'armée. Les Carthaginois , au con-
traire , trop confiants dans leur supé-
riorité , avaient depuis longtemps né-
gligé leur marine. Au premier bruit de
I armement des Romains , ils avaient
mis en mer une flotte équipée à la hâte,
et où tout accusait l'incurie et la pré-
cipitation : soldats et matelots, tous
mercenaires nouvellement levés , sans
expérience, sans courage, sans zèle
pour la patrie, comme sans intérêt
pour la cause commune. Aussi la vic-
toire ne fut pas longtemps incertaine.
Les Carthaginois plièrent de tous côtés
dès la première attaque. Ils perdirent
cent vihgt galères , dont cinquante fu-
rent coulées à fond , et soixante-dix
furent prises avec ceux ^ui les mon-
taient, au nombre de dix mille hommes.
Le reste s'échappa , secondé par le
vent, qui, ayant changé tout à ooup,
favorisa leur fuite. Lutatius conduisit
à Lilybée les vaisseaux et les prison-
niers dont il s'était emparé.
Traité de paix entre Rome et
Carthage. — Telle fut la célèbre ba-
taille des îles Égates.Quand la nouvelle
en fut portée à Carthage, elle y causa
d'autant plus de surprise qu'on s'y était
moins attendu. Le sénat ne manquait ni
de Volonté ni de constance pour soute-^
nir la guerre; mais il n'entrevoyait
aucun moyen de la continuer. En effet
les Romains, étant maîtres dé la mer,
on ne pouvait envoyer à l'armée d'É-
ryx ni vivres ni secours : abandonner
cette armée à ses propres ressources»
c'était la livrer à l'ennemi ; et dès lors
il ne restait plus à Carthage ni gêné*
raux ni soldats. Dans cette extrémité^
le sénat donna à Amilcar plein pouvoir
d'agir comme il le jugerait convenable
pour l'intérêtde la république. Ce grand
homme, tant qu'il avait entrevu quel-
que lueur d'espérance, avait fait tout ce
qu'on pouvait attendre du courage le
plus intrépide et de Texpérience la plus
consommée. Il avait disputé la victoire
avec une constance et une opiniâtreté
sans exemple. Mais lorsqu'il vit que
la résistance devenait impossible, que
la paix était le seul moyen de sauver sa
patrie et les soldats qui avaient partagé
ses travaux, il sut, en homme sage,
céder à l'impérieuse nécessité, et dé-
ploya autant de prudence et d'habileté
dans les négociations, qu'il avait mon-
tré de valeur et d'audace dans le com-
mandement des armées. 11 envova donc
au consul Lutatius des députas cbar-
Digitize^by Google
64
L'UNIVERS.
gés de lui faire des propositions de paix
et d'alliance.
Le consul , jaloux d'enlever à son
successeur la gloire de terminer une
guerre si importante, accueillit avec
joie ces ouvertures. Il savait d'ailleurs
que les forces et les finances de la ré-
publique étaient épuisées ; que le peu-
ple romain était las d'une lutte si lon-
gue et si difficile. 11 n'avait pas oublié
les funestes suites de la hauteur inexo-
rable et imprudente de Régulus. Aussi,
il ne se montra point difficile, et con-
sentit à la paix aux conditions suivan-
tes : que les Carthaginois évacueraient
entièrement la Sicile ; qu'ils ne feraient
la guerre ni contre Hiéron et les Sy-
racusains , ni contre leurs alliés ; qu'ils
rendraient sans rançon aux Romains
tous les prisonniers et les transfuges ;
qu'ils leur payeraient , dans l'espace de
vingt ans , deux mille deux cents talents
euboïques d'argent (*).
Lutatius avait d'abord exigé que les
troupes qui étaient dans Éryx livras-
sent leurs armes. Arailcar déclara qu'il
ne rendrait jamais aux ennemis de son
pays des armes que son pays lui avait
confiées pour le défendre, (|u'il péri-
rait lui-même, qu'il laisserait périr sa
patrie plutôt que d'y retourner cou-
vert d'une pareille ignominie. Cette
généreuse résistance iforça le consul à
céder.
Ce traité, expédié à Rome, ne fut
pas d'abord accepté par le peuple. On
envoya dix commissaires sur les lieux
pour examiner de plus près l'état des
affaires. Ceux-ci ne changèrent rien à
Tensemble du traité. Ils ajoutèrent seu-
lement aux premières conditions, que
les Carthagmois payeraient sur-le-
champ mille talents pour les frais de
guerre, et deux mille dans les dix an-
nées suivantes, et qu'ils abandonne-
raient toutes les îles situées entre la
Sicile et l'Italie (**).
Ainsi fut terminée l'une des plus
longues guerres dont il soit parlé dans
l'histoire; elle dura près de vingt-qua-
tre ans sans interruption. On peut
(*) Environ 1 1 millions.
(**) Excepté la Sardaigne et la Corse.
juger des efforts incroyables que firent
les deux peuples, lorsqu'on les voit , à
la fin de la guerre , après les pertes
immenses éprouvées de part et d'au-
tre (*), réunir dans une même bataille
navale sept cents galères à cinq ran^
de rames. Une égale passion de domi-
ner animait les deux républiques. De
là, même audace dans les entreprises,
même activité dans l'exécution , même
constance dans les revers. Les Cartha-
ginois l'emportaient par la science de
la marine, par l'habileté dans la cons-
truction des vaisseaux, par la préci-
sion et la rapidité des manoeuvres , par
l'expérience des pilotes , par la connais-
sance des côtes , des plages , des rades
et des vents ; enfin par leurs riches-
ses qu'alimentait un commerce floris-
sant , et qui leur donnaient les moyens
de subvenir à tous les frais d'une guerre
longue et dispendieuse. Les Romains
n'avaient aucun de ces avantages ;
mais le courage , le zèle pour le bien
public, l'amour de la patrie, une noble
émulation pour la gloire, un vif d^ir
d'étendre leur domination, leur te-
naient lieu de tout ce qui leur man-
quait d'ailleurs.
Quant aux soldats , l'armée romaine
était bien supérieure à celle de Car-
thage pour le courage et la discipline.
Quant aux généraux, aucun Romain ne
peut être comparé à cet Amilcar, qui ,
arrivé en Sicile au moment où les af-
faires étaient presque désespérées , les
rétablit par les seules ressources de
son génie, sut, avec des forces infé-
rieures , déjouer pendant cinq années
entières tous les etîorts de la puissance
romaine, et qui même, lorsque Carthage
succomba , eut la gloire de n'être pas
vaincu. Dans tout le cours de cette
guerre, il n'a paru chez les Romains
aucun général dont les talents écla-
tants aient pu être regardés comme la
cause de la victoire, en sorte que c'est
uniquement par la force de sa consti-
tution et par ses vertus nationales que
Rome a triomphé de Carthage.
(*) Dans le cours de celte guerre, le»
Romains perdirent, soit parles combats, soit
par les naufrages, 700 vaisseaux de guerre,
el les Carthaginois 5oo.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
66
GuEBBE DE Libye ou gontbb
LES MERGENÂIBES DE 240 À 237
AVANT J. C. — A la guerre que les
Carthaginois venaient de terminer
contre les Romains en succéda ita-
médiatement une autre, moins lon-
gue, mais non moins dangereuse,
qui attaqua le cœur de l'État , et qui
nit souillée par des actes de barbarie
et de cruauté saiis exemple. C'est celle
qu'ils eurent à soutenir contre les
soldats mercenaires qui avaient servi
en Sicile et contre les Numides et les
Africains qui étaient entrés dans leur
révolte. Cette guerre où les Carthagi-
nois tremblèrent plusieurs fois , non-
seulement pour la possession de leur
territoire, mais encore pour leur pro-
pre salut et celui de Carthage, prouve
œmbien il est dangereux pour un
État de s'appuyer avec trop de con-
fiance sur des troupes étrangères et
sur des soldats soudoyés. Voici quelle
en fut l'occasion.
Causes de la guerbe. ■— Aussitôt
après que le traité avec les Romains
eut été conclu et ratifié, Amilcar
conduisit à Lilybée les troupes du
camp d'Éryx, et, s'étant démis du
commandement , laissa à Giscon ,
gouverneur de la place, le soin de les
faire passer en Afrique. Celui-ci,
par une sage prévoyance, fit partir
ces troupes par corps détachés et à
des intervalles assez éloignés l'un de
Tautre, pour que les premiers venus
pussent recevoir l'arriéré de leur
solde, et être renvoyés chez eux avant
l'arrivée des autres. Le gouvernement
de Carthage n'imita pas la prudence
de Giscon. Comme le trésor public
était épuisé par les dépenses d'une
longue guerre, on ne se pressa pas
de payer les troupes à mesure qu'elles
arrivaient, au contraire on attendit
Qu'elles fussent toutes réunies à Car-
îage , dans l'espoir qu'elles consenti-
raient à une diminution sur le montant
de leur solde. Mais ces vieux soldats,
nourris dans le tumulte de la guerre
et accoutumés à toute la licence des
camps, troublaient nuit et jour la paix
de la cité, par leurs dérèglements et
leurs violences. Le sénat, pour y
y Livraison. (Cabthagb.)
mettre un terme, entra en négocia-
tion avec leurs officiers. Il fut con-
venu que les soldats, après avoir reçu
chacun une pièce d'or pour les besoins
les plus pressants, se retireraient à
Sicca, qu'ils y attendraient l'arrivée
du reste de leurs camarades , et qu'a-
lors on leur payerait tous les arré-
rages qui leur étaient dus.
A cette imprudence, on en ajouta
une autre , ce fut de les forcer d'em-
mener avec eux leurs bagages , leurs
femmes et leurs enfants qu'ils deman-
daient à laisser, suivant la coutume,
dans les murs de la capitale, et qui
auraient été des gages certains de
leur fidélité.
Lorsqu'ils furent réunis à Sicca,
ces hommes qui avaient été si long-
temps privés des doufçeurs du repos
s'y livrèrent avec délices , et l'oisi-
veté, mère des séditions, si dange-
reuses surtout parmi les troupes étran-
gères, relâcha tous les liens de la
discipline. Ils occupaient leurs loisirs à
calculer les sommes que la république
leur devait. Ils grossissaient leurs
créances de toutes les promesses qu'on
leur avait faites dans les occasions
périlleuses , et les considérant comme
des titres d'une validité incontestable,
ils s'encourageaient les uns les autres
à en exiger le pavement. Enfin leur
avidité , se livrant à toute l'exagération
de ses espérances, jouissait déjà par
avance du bonheur et des avantages
qui devaient en être le fruit.
Commencements delà bévolte;
les mebgenaibes vont gampeb a
Tunis ; 240 ans avant l'èbe chré-
tienne. — Quand les derniers corps
furent arrivés de Sicile et que l'armée
tout entière fut réunie à Sicca ,
Hannon, gouverneur de la province,
leur fut envo3^é par le sénat de Car-
thage. Celui-ci , foin de satisfaire i'at-
tente et les prétentions exorbitantes
des mercenaires , alléguant l'épuise-
ment des finances de la république , et
l'énormité des tributs imposés par
l'ennemi , les supplia de consentir à
une réduction sur le montant de la
solde qui leur était légitimement due.
A peine a-t-il prononcé ces mots que
Digitized by VjOOQIC
L'UNXy£R6.
la 8é(|itlon éclate dans oette ^Idatesque
avide et indisciplinée. Des groupes ,
des conciliabules se forment. D'abord ,
les soldats de chaque nation 6*assem«
blent séparément; bientôt toutes les
nations réunies ne forment ^u'un
attroupement général. La différence
de peuples, la diversité de langages,
l'impossibilité de s'entendre Tun rau-
tre, jettent dans cette multitude in-
cohérente un trouble et une confusion
inexprimables.
Si les Carthaginois, dit Polybe,
dans la composition de leurs armées
ont eu pour but de prévenir les asso-
ciations et les révoltes générales ^ et
de rendre les soldats moins redou-
tables pour leurs chefs, ils ont eu
raison de les former constamment de
troupes choisies parmi des nations
différentes. Mais lorsque la haine
couve au fond des cœurs, que la
colère s'allume, que la sédition éclate |
lorsqu'il faut apaiser, éclairer, ra-
mener au devoir les esprits égarés,
c'est alors qu'on sent tout le vice
d'une institution pareille. De sem«
blablçs armées, lorsque 1^ rébellion
les soulève , ne mettent pomt de bor-
nes à leur fureur, Ce ne sont plus des
hommes; ce sont des bétes féroces,
dont la rage forcenée se livre à tous
les excès d'une barbarie irnpitoyable^
Les Carthaginois en firent dans cette
occasion une triste expérience, il y
avait dans cette multitude des Espa-
§noIs, des Gaulois, des Liguriens,
es Baléares , des Grecs de toutes les
nations , la plupart transfuges ou es-
claves, et surtout un grand nombre
d'Africains. Les assenioler dans un
même lieu , et leur parler à tous en
même temps , était chose impossible )
les haranguer séparément et par na-
tion ne l'était pas mqins , aucun gé-
néral ne possédant tant de langues di-
verses. Il ne restait à Hannon que le
moyen d'employer les officiers pour
faire entendre ses propositions auK.
soldats. C'est celui qu'il adopta. Mais ,
parmi ces officiers , les uns ne com-
prenaient |)as ce qu'il leur disait ; les
autres, soit par igi\orance, soit par
maliee, rapportaient aux soldats le
contraire de ce au'Hannon avait pro-
posé. De là, l'inutilité de ses tentatives
partielles, et partout l'incertitude, le
désordre et la méfiance.
Outre leurs autres sujiets de plainte ,
les mercenaires reprochaient encore
aux Carthaginois d'avoir écarté à des*
ëein les généraux qui avaient; {)artagé
leurs glorieux travaux en Sicile, et
leur avaient fait de magnifiques pro-
messes, pour leur envoyer un homme
qui ne s'était trouvé à aucui] des corn*
bats où ils s'étaient signalés. Enfin,
transportés de colère, pleins de mé-
pris pour Hannon, de défiance pour
leurs officiers, ils partent sur-le-champ,
marchent sur Carthage au nombre aa
plus de vingt mille, et vont camper
près de Tunis, à 120 stades de la ca-
pitale.
CONSTKBNATION DES CARTHAGI-
NOIS; EXIGENCES DES BEVOLTÉS.
— Alors les Carthaginois reconnurent
leurs fautes , lorsqu'il était trop tard
pour les réparer. Dans k frayeur oik
les jeta le voisinage de cette armée, ils
se résignèrent à tout céder, à tout souf-
frir pour apaiser sa fureur. On ert-
voyait en abondance aux mercenaires
des vivres dont ils taxaient eux-mêmes
le prix à leur gré. Chaque jour le sénat
leur députait quelques-uns de ses mem-*
bres pour les assurer qu'ils n'avaient
?|u'à demander; qu'on était prêt à
ont faire poqr eux, pourvu que ce
qu'ils demanderaient fût possible. Ce-
pendant ils ajoutaient chaque jour à
l'exigence de leurs prétentions. La
terreur et la consternation qu'ils li-
saient sur le front des Carthaginois
augmentaient leur audace et leur in-
solence. Ils se persuadaient d'ailleurs
qu'aucun peuple du monde , à plus forte
raison les Carthaginois , n'oserait ris-
quer le combat contre des vétérans
qui , si longtemps en Sicile , avaient
rivalisé de gloire et de succès avec les
légions romaines. A peine fut-on d'ac-
cord sur le montant de la solde qu'ils
demandèrent le prix des chevaux qu'ils
avaient perdus. Cette proposition ad-
mise , ils exigèrent qu'on leur payât en
argent le blé qui leur était du depuis
longtemps, au plus haut prix qu'il s'é-
Digitized by
Google
GARTHAGE.
ey
tait vendu pendant la guerre. C'étaient
touis les jours de nouvelles exigences
que les brouillons et les séditieux dont
cette soldatesque était remplie met-
taient en avant pour traverser les né-
gociations. Enfin, le sénat se mon-
trant disposé à les satisfaire dans tout
ce qui n'était pas impossible, obtint,
par cette condescendance , qu'ils accep-
teraient pour médiateur l'un des gé-
néraux qui avaient commandé en Si-
cile.
GiSCON EST CHOISI POUB ÀBBITBE ;
Mathos et Spendius bompent les
négociations ; ils sont élus chefs
DES MEBCENAiBES. — Amilcar sem-
blait désigné pour cette fonction. Mais
il leur était suspect, parce que, s'étant
démis volontairement du commande-
ment des armées , et n'ayant pas de-
mandé à être chargé de négocier avec
eux , il semblait avoir abandonné leur
cause. Giscon , au contraire, qui avait
servi en Sicile , et qui , dans plusieurs
circonstances , surtout à l'occasion de
leur retour, avait pris à cœur leurs in-
térêts , s'était acquis leur confiance et
leur affection. Ils le choisirent donc
Ï)our arbitre de leurs différends avec
a république. On fournit à Giscon l'ar-
fent nécessaire. Il part de Carthage et
ébarque à Tunis. 11 s'adresse d'abord
aux chefs, et fait ensuite rassembler
les soldats par nation. Alors , em-
ployant des paroles douces et insi-
nuantes , il leur fait de légers reproches
sur leur conduite passée , leur fait sen*
tir tout le danger de leur situation pré-
sente, leur aonne de sages conseils
pour l'avenir, et les exhorte à renouer
les liens d'une ancienne affection avec
un État qu^ils ont servi si longtemps ^
fet dont ils ont reçu tant de bien-
faits.
Enfin , il se disposait à payer toutes
les dettes arriérées , lorsque deux sé-
ditieux , rompant l'accord qui commen-
çait à s'établir, remplirent tout le
camp de tumulte et de désordre. L'un
était un certain Spendius , Campanien
de nation , d'esclave devenu transfuge ^
homme qui s'était distingué dans l'ar-
mée par sa force de corps extraordi-
naire et par la témérité de son audace.
La crainte de tomber entre les mains
des Romains qui, d'après leurs lois,
auraient puni sa désertion des plus
cruels supplices, le porta à tout entre-
prendre pour rompre l'accommode-
ment. L'autre était un Africain nommé
Mathos, homme de condition libre , et
qui avait aussi servi dans l'armée,
mais qui , ayant été l'un des principaux
instigateurs de la révolte , s'attendait
à servir d'exemple , et à pa]^er de sa
tête le crime qu'il avait conseillé. Cette
communauté de craintes unit d'un lien
étroit ces deux honimes pervers. Ma-
thos, de concert avec Spendius, se
présente aux Africains. 11 leur per-
suade que sitôt que les troupes étran-
gères auront reçu leur solde et se s»*
ront retirées chacune dans leur pays^
restés seuls et sans défense, ils devien-
dront les victimes de la colère des Gar^
thaginois, qui se vengeront sur eux de
Ja révolte commune. A ces mots le$
esprits s'échauffent et s'irritent; et
comme Giscon n'acquittait quel'arriéré
de la solde , et remettait à une autre
époque le payement du prix des che-
vaux et du blé , ils saisissent avidement
ce léger prétejcte , s'attroupent en tu*
multe , et s'élancent vers la place oh
se tenait rassemblée.
Là , lorsque Spendius et Mathos se
répandaient en invectives contre Gis-*
con et les Carthaginois, ils accueillaient
leurs discours avec une bienveillance
attentive. Mais si quelque autre se pré^
sentait à la tribune pour leur donner
des conseils , ils ne prenaient pas seu-
lement le temps de s'instruire s'il étaii
contraire ou favorable à leurs chefs, et
l'accablaient d'une grêle de pierres
avant même qu'il eût pu se faire en-
tendre. Plusieurs particuliers et un
grand nombre d'officiers périrent dans
ce tumultueux conciliabule où le mot
frappe! quoique différent dans chaque
langue^ était le seul qui fût compris
par toutes ces nations diverses , parée
qu'il était sans cesse accompagné de
Faction qui en expliquait le sens. Malt
c'est surtout lorsque échauffés par l'i-
vresse , ils se réunissaient après le re-
1)36 , que la fureur des factieux était
e plus redoutable. A peine le mot fatal
5.
Digitized by
Google
68
L'UNIVERS.
était-it prononcé , llmpradent qui avait
osé se présenter, frappé de mille coups
à la fois, succombait sans avoir pu ni
échapper, ni se défendre. Ces vio-
lences avant écarté tous les concur-
rents, Mathos et Spendius furent choi-
sis pour commander l'armée.
Violation du droit des gens
envers gisgon et ses compa-
GNONS*, SIEGE D'UtIQUE et d'HiP-
PONE; 239 ANS AVANT L'ÈRE VUL-
GAIRE. — Au milieu de ce tumulte
affreux , Giscon restait inaccessible à
la crainte. Décidé à se sacriRer aux in-
térêts de sa patrie , et prévoyant même
que si la rage de ces forcenés se dé-
chaînait contre Carthase, l'existence
même de la république était menacée,
il accomplissait sa mission avec une
constance inébranlable. S'exposant à
tous les périls , tantôt il s'adressait aux
chefs , tantôt il rassemblait tour à tour
les soldats de chaque nation , et s'efifor-
Sit de calmer leurs ressentiments,
ais les Africains , qui n'avaient pas
encore reçu l'arriére de leur solde ,
vinrent en demander le pavement.
Comme ils l'exigeaient avec "hauteur
et avec insolence, Giscon, dans un
mouvement de colère, leur répondit
qu'ils n'avaient qu'à s'adresser a Ma-
nios, leur général. Cette réponse les
transporta d'une telle fureur, qu'ils se
jetèrent à l'instant sur l'argent préparé
pour le pavement de leur solde, et
qu'ils arrachèrent de leur tente Giscon
et les Carthaginois qui l'avaient accom-
pagné. Mathos et Spendius , persuadés
qu un attentat public au droit des gens
était un moyen sûr d'allumer la guerre,
irritaient encore Texaspération de cette
multitude turbulente. Ils livrent au
pillage l'argent et les bagages des Car*
tbaginois , chargent de fers Giscon et
ses compagnons , et les jettent dans un
cachot, après les avoir abreuvés d'ou-
trages et d'ignominies. Tels furent les
causes et les commencements de la
guerre contre les mercenaires y qu'on
a appelée aussi guerre d^ Afrique.
Mathos , après cet attentat , envojra
des députés à toutes les villes d'Afri-
flue pour les exhorter à recouvrer leur
liberté s à entrer dans son alliance , et
à lui envoyer des secours. A son insti-
gation presque tous les peuples afri-
cains se révoltèrent contre la domina-
tion des Carthaginois , et lui fournirent
des vivres et des renforts. Alors , ayant
partagé leurs troupes en deux corps ,
Mathos et Spendius allèrent mettre le
siège devant Utique et Hippone , qui
avaient refusé de prendre part à leur
rébellion.
Position critique des Cartha-
ginois. — Jamais Carthage ne s'était
vue dans un si grand danger. Jusqu'a-
lors les revenus des propriétés parti-
culières avaient fourni à 1 existence des
familles; les tributs que payait l'Afri-
que avaient alimenté le trésor public ,
et les troupes étrangères avaient tou-
jours composé l'élite de ses armées.
Toutes ces ressources non-seulement
lui manquaient à la fois , mais se tour-
naient contre elle et s'unissaient pour
l'accabler. La consternation et le dés-
espoir s'augmentaient encore par l'im-
prévu d'un tel événement. Lorsque ,
épuisés par les longs efforts que leur
avait causés la guerre de Sicile, ils
avaient enfin obtenu la paix , ils s'é-
taient flattés de pouvoir respirer un
moment, et d'employer à rétablir leurs
affaires les années de calme et de tran-
quillité dont ils se cro3^aient assurés ;
et voilà qu'il surgissait tout à coup
une nouvelle guerre plus terrible et
plus dangereuse encore que la pre-
mière. Auparavant ils n'avaient à com-
battre qu'une nation étrangère; il ne
s'agissait que de la possession de la
Sicile : maintenant c'était une guerre
civile où leur patrimoine, leur salut,
l'existence même de Carthage étaient
en péril. Ils se trouvaient sans armes ,
sans troupes ni de terre, ni de mer,
sans approvisionnements pour soute-
nir un siège, sans argent dans le tré-
sor public , et , ce qui mettait le comble
à leurs malheurs , sans aucune espé-
rance de secours étrangers de la part
de leurs amis ou de leurs alliés.
Du reste, ils ne pouvaient attribuer
ces malheurs qu'à leur conduite passée.
Ils avaient traité avec une extrême du-
reté les peuples africains |>endant le
cours de la guerre précédente. Prétes-
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
tant les dépenses qu'elle occasionnait,
ils avaient exigé des propriétaires ru-
raux la moitié de leurs revenus, et
des habitants des villcf le double de
rimpôt qu'ils supportaient auparavant,
sans accorder aucune grâce ni aucune
remise aux plus pauvres et aux plus
misérables. Entre les gouverneurs des
Ï>rovinces, ce n'étaient point ceux qui
es administraient avec douceur et avec
humanité auxquels ils prodiguaient
leur estime, mais ceux qui faisaient
entrer de plus grosses sommes dans le
trésor public, et auprès desquels les
contribuables trouvaient le moms d'ac-
cès et d'indulgence. Hannon était du
nombre de ces derniers. Des peuples
ainsi maltraités n'avaient pas besoin
d'instigations pour les pousser à la ré-
volte ; c'était assez qu'on annonçât un
soulèvement pour gu'ils fussent prêts
à s'y joindre. Les femmes mêmes qui
avaient eu souvent la douleur de voir
traîner en prison par les collecteurs
des impôts leurs maris et leurs pères ,
montrèrent pour leurs vengeurs un
dévouement unanime. Elles se dépouil-
lèrent avec empressement de leurs bi-
joux et de leurs parures, et en consa-
crèrent leprodurt aux frais de la guerre;
de sorte que Mathos et Spendius,
après avoir payé aux soldats ce qu'ils
leur avaient promis pour les engager
à la révblte , se trouvèrent encore en
état de fournir abondamment à toutes
les dépenses de l'armée.
Hannon, nommb génébàl des
CABTHÂGINeiS , ÉPBOUVB , PAB SA
FAUTB, UN ÉCHEC CONSIDEBABLE A
Utique. — Cependant les Carthagi-
nois , au milieu de la détresse qui les
accablait, trouvèrent encore des res-
sources dans leur énergie. Ils nom-
ment pour général Hannon , le même
qui, quelques années.auparavant, avait
soumis Hécatompyle. Ils font venir de
tous côtés des soldats mercenaires; ils
enrôlent dans l'infanterie et dans la
cavalerie ; ils exercent aux manœuvres
tous les citoyens en âge de porter les
armes ; enfin ils équipent , sans perdre
de temps, tout ce qui leur restait de
vaisseaux. De leur côté, Mathos et
Spendius, dont l'armée, grossie cha-
que jour )>ar de nouveaux renforts,
s'élevait déjà à soixante-dix mille hom-
mes, pressaient, sans être inquiétés
par l'ennemi, le siège d'Utique et
d'Hippone. En même temps ils forti-
fiaient avec le plus grand soin leur
camp retranché près de Tunis, et cou-
paient ainsi aux Carthaginois toute
communication avec le continent de
l'Afrique. En effet , Carthage est située
sur une péninsule, bordée d'un côté
par la mer, de l'autre par le lac de
Tunis. L'isthme qui la joint à l'Afrique
est large d'environ vingt-cinq stades.
Utique et Tunis sont oâties l'une à
l'ouest , l'autre à Test de Carthage , et
toutes deux à une petite distance de
cette ville. De ces deux points les mer-
cenaires harcelaient sans cesse les Car-
thaginois. Le jour, la nuit, à chaque
instant , ils poussaient leurs excursions
jusqu'au pied des murailles , et répan-
daient le trouble et la consternation
parmi les habitants.
Hannon était habile et actif dans
l'organisation et dans l'adnunistration
d'une armée; mais, en présence de
l'ennemi , c'était un homme tout diffé-
rent. Alors il ne montrait ni sagacité
pour faire naître les occasions , ni éner-
gie pour en profiter, ni vigilance pour
se garantir des surprises. Ce général
s'était avancé au secours d'Utique. Il
remporta d'abord un avantage qui au-
rait pu devenir décisif, mais dont il
profita si mal , au'il aurait pu causer la
perte de ceux mêmes qu'il était venu se-
courir. Il avait amené plus de cent
éléphants, et, s'étant aoondamment
pourvu de catapultes , de balistes , et de
toutes sortes de traits qu'il trouva dans
Utique, il plaça son camp en avant de
la ville , et entreprit d'attaquer les re-
tranchements des ennemis. Les élé-
phants , poussés avec impétuosité , ren-
versent tous les obstacles. Les mer-
cenaires, ne pouvant soutenir leur
choc, prennent la fuite et abandon-
nent leurs retranchements. Un grand
nombre périt victime de la fureur de
ces animaux redoutables. Xleux qui
parvinrent à s'é-chapper se retirè-
rent sur une colline escarpée et cou-
verte d'arbres, qui leur parut une posi-
Digitized by
Google
70
L'UNIVERS.
tion avantageuse et facile à défendre.
Hannon , accoutumé à faire la guerre
contre des Numides et des Africains,
gui, au premier échec, prenaient la
tuite et se dispersaient à deux ou trois
journées de distance, crut que la vic-
toire était complète et qu'il n avait plus
d*ennemis à combattre. Préoccupé de
cette idée, il ne songea plus à veiller
ni sur la discipline de son armée ni sur
la défense de son camp. Il entra dans
la ville et se livra en pleine sécurité
au repos et aux plaisirs.
Les mercenaires qui s'étaient retirés
sur la colline étaient ces mêmes vété-
rans auxquels, dans une longue confra-
ternité d armes, Amilcar avait trans-
mis son audace. Pendant les campagnes
de Sicile, ils s'étaient instruits par
son exemple à soutenir avec fermeté
toutes les vicissitudes de la guerre.
Plusieurs fois , dans le même jour, on
les avait vus faire retraite devant Ten-
nemi, changer de front brusquement
pour l'attaquer à leur tour, et ces pé-
rilleuses manœuvres leur étaient deve-
nues familières. Alors, ayant appris que
l'ivresse de la victoire avait mtrociuit
dans l'armée ennemie la négligence et
l'indiscipline, que le général s'était re-
tiré dans la ville, que les soldats s'écar-
taient sans précaution de leurs retran-
chements , ils se forment en ordre de
bataille, viennent fondre sur le camp
des Carthaginois, en tuent un pana
nombre, et forcent les autres a fuir
honteusement jusque sous les murs de
la ville. Ils s'emparèrent de tous les ba-
gages, de toutes les armes et de toutes
les machines de siège qu'Uannon avait
fait sortir d'Utique, et qui, par cette
imprudence, tombèrent au pouvoir de
ses ennemis. Ce ne fiit pas la seule
circonstance où ce général donna des
preuves d'incapacité. Quelques jours
S lus tard , comme il était campé près
e la ville de Gorza, en face des enne-
mis, l'occasion se présenta de les dé-
faire deux fois en bataille rangée et
deux fois par surprise, et cependant,
Quoiqu'il fdt à portée d'observer les
fautes de ses adversaires et d'en pro-
fiter, il laissa toujours édiapper ces
occasions décisives.
Amilcar Bàrca, hommb au com-
mandement DE L'ABMÉE a la PLAGB
D'HaNNON , REMPORTE SUR LES MER-
CENAIRES UNE VICTOIRE SIGNALÉS,
FAIT LEVER LE SIEGE D'UTIQUB ET
s'empare de plusieurs villes,
238. AVANT l'Ère vulgaire. -— Les
Cartha^nois, ayant enfin reconnu l'in-
capacité d'Hannon , rendirent à Amil-
car, surnommé Barca , le commande-
ment de l'armée. Ils le chargèrent de
la conduite de la guerre; ils lui don-
nèrent soixante-dix éléphants, tous les
soldats étrangers qu'ils avaient pu ras-
sembler, tous les transfuges et les
troupes d'infanterie et de cavalerie
qu'ils avaient levées dans la ville. Cette
petite armée s'élevait à peine à dix mille
hommes. Dès sa première action il se'
montra digne de son ancienne renom-
mée, et remplit les espérances que sa
nomination avait fait naître parmi ses
concitoyens. A peine sorti de Carthage,
il tombe à l'improviste sur ses enne-
mis, et les frappe d'une si grande ter-
reur que, perdant toute confiance, ils
abandonnent le si^e d'Utique. L'im-
portance de cet événement exige ^lel-
ques détails.
Le col étroit de l'isthme qui joint
Carthage à l'Afrique est entouré de
collines escarpées et d'un accès diffi-
cile, sur lesquelles l'art a pratiqué des
chemins qui ouvrent des communica-
tions avec le continent. Matbos avait
fortifié avec soin tous les passages êê
ces collines susceptibles de dâénse.
Indépendamment àe ces fortifications
naturelles, le BaccaraH, fleuve pro-
fond , qu'il est presque impossible de
traverser à gué dans c^e partie de
son cours, fermait à ceux qui venaieol
de Carthage le débouché dans l'hité-
rieur du pays. Ce fleuve n'avait qu'ua
seul pont dont les mercenaires avaient
fortiné les abords, et au-dessus duquel
ils avaient même construit une vme,
de sorte que non-seulement une armée,
mais même un homme seul ne pouvait
sortir de l'isthme sans être aperçu des
ennemis.
Amilcar, toujours attentif à saisir
(*)OaBa§nida.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
n
les occasions que lui présentaient le
temps et la nature des lieux, et voyant
l'impossibilité de débusquer Tennemi
par la force, imagina cet expédient
{our ouvrir un passage à son armée.
I avait observe que lorsque le vent
soufflait d'un certain point pendant
quelques joi|rs, le lit du fleuve était
obstrué par le sable.et qu'il s'y formait
une espèce de banc qui permettait de
le traverser à gué près de son embou-
chure. Il tint son armée prête à se
mettre en marche, et sans s'ouvrir de
6on dessein à personne, il attendit
patiemment la circonstance favorable.
tes vents soufflent; le gué se forme;
il part la nuit avec toutes ses troupes,
et se trouve au point du jour de l'autre
coté du fleuve, sans avoir été aperçu
de l'ennemi. La réussite de cette au-
dacieuse entreprise frappa d'étonne-
ment et les mercenaires et les Cartha-
ginois eux-mêmes qui la croyaient
impossible. Amilcar poursuit sa route
à travers une plaine découverte, et se
dirige vers le pont qui était occupé par
un détachement de l'armée de Spen-
dius.
Celui-ci , instruit de l'approche d*A-
milcar, fait sortir dix mille hommes
de la ville bâtie au-dessus du pont, et
s'avance en rase campagne à la ren-
contre du général carthaginois. En
même temps ceux qui assiégeaient Uti-
que, au nombre de plus de quinze
mille, se hâtent d'arriver au secours
de leurs camarades. Ces deux corps
d'armée réunis s'exhortent, s'encoura-
gent à saisir Foccasion favorable et
fondent sur les Carthaginois.
Jusque-là Amilcar avait conservé
son ordre de marche, les éléphants à
la tête; derrière eux la cavalerie et les
.armés à la légère; l'infanterie, pesam-
ment armée, formait l'arrière-garde.
Surpris par la brusque attaque des
mercenaires, il change en un moment
toute la disposition de son armée. Par
un mouvement de conversion rapide,
il porte à la fois sa cavalerie sur les
derrières , et ramène son infanterie sur
le front de bataille pour l'opposer à
Fennemi. Les Africains, attribuant à la
crainte la marche rétrograde de la ca-
valerie ^ rompent leurs rangs et la
f>oursuivent avec impétuosité. Mais
orsque les cavaliers, faisant tout à
coup volte-face, se déployèrent sur le»
deux ailes de l'infanterie qui s'avançait
en ordre de bataille , la terreur se ré-
pandit parmi les Africains. L'ardeur
inconsidérée de la poursuite avait jeté
le désordre dans leurs rangs; aussi
n'opposèrent-ils presque aucune résis-
tance; du' premier choc ils furent mis
en fuite, culbutés les uns sur les au-
tres , foulés aux pieds des chevaux et
des éléphants, qui les pressaient sans
leur donner le temps de se rallier. Six
mille hommes , tant Africains que mer-
cenaires, restèrent sur le champ de
bataille. On fit deux mille prisonniers ;
le reste se sauva, les uns dans la ville
bâtie au-dessus du pont, les autres
dans le camp d'Utique. Amilcar, pro«
fitant de sa victoire ^ poursuit les
fuyards sans relâche, et s'ampare de la
ville qui défendait le pont du Baocara
et que les meroe: aires avaient aban-
donnée pour se retirer à Tunis. En-
suite, s avançant dans 1. pavs, il se
rendit maître de plusieurs villes, dont
les unes se rendirent à composition et
les autres furent prises de vive force.
Par ces heureux succès il releva le cou*
race et la confiance des Carthaginois,
qui naguère désespéraient entièrement
du salut de leur patrie.
AmILGAB est BESSl^BBÉ PAR LES
mebcenaibe5 dans une positioll
dangereuse; il en sobt pab le se-
coues d'un chef de ï^umides, qui
abandonne la cause des bévoltis
poub se joindbe aux carthagi-
NOIS. — Cependant Mathos continuait
toujours le siège d'Hippone. Il donna
à Spendius et à Autarite, chdf des
Gaulois, le sage conseil d'observer de
près l'ennemi, d'éviter les plaines où
leurs éléphants et leur cavalerie don-
naient aux Carthaginois l'avantage, de
suivre le pied des montagnes, de régler
leur marche sur celle d' Amilcar, et de
ne l'attaquer que lorsqu'ils le ver-
raient engagé dans quelque position
difficile. En même temj^ il expédie
des messages aux ISumides et aux Afri-
eams pour les engager à envoyer des
Digitized by VjOOQIC
73
L'UNIVERS.
renforts^ et à ne pas laisser échapper
Foccasion de recouvrer leur indépen-
dance. Spendius alors, ayant joint aux
deux mille Gaulois d'Autarite six mille
hommes choisis parmi les soldats de
toute nation qui étaient campés à Tu-
nis, se met à observer la marche de^
Carthaginois et à suivre tous leurs
mouvements en côtoyant toujours le
pied des montagnes. Un jour qu'Amii-
car était campe dans une plaine, en-
vironnée de tous côtés par des hauteurs
escarpées, les renforts que Spendius
attendait des Numides et des Africains
lui arrivèrent à la fois par deux points
différents. Amilcar, pressé en même
temps par les Africams qui s'étaient
retranchés en face de son cam[), par les
Numides qui avaient pris position sur
les derrières, par Spendius qui mena-
çait les flancs de son armée , se trouvait
enveloppé de toutes parts et n'entre-
voyait que des périls et des difQcultés
insurmontables.
Une circonstance imprévue rétablit
ses affaires. Les Numides avaient pour
chef Naravâse, un des citoyens les plus
distingués de leur nation par sa nais-
sance et par sa bravoure. Ce jeune
Guerrier, nourri dans des sentiments
'affection pour les Carthaçinois , avec
lesquels son père avait été uni d'une
étroite alliance, était encore entraîné
par un vif enthousiasme pour le carac-
tère et les exploits d' Amilcar. Jugeant
donc le moment favorable pour s'ac-
quérir l'estime et l'amitié de ce grand
homme , il prend une escorte de cent
cavaliers et se dfrige vers le camp des
Carthaginois. Arrivé près des retran-
diements, il s'arrête avec une noble
assurance, et fait signe avec la main
qu'il demande à être introduit. Amil-
car, surpris de cette démarche, lui
envoie un cavalier. Naravâse sollicite
une entrevue avec le général. Celui-ci ,
se déGant de la foi des Numides, hési-
tait à l'accorder. Alors Naravâse remet
à un des hommes de sa suite son cheval
et sa lance, et, plein d'une audacieuse
confiance, il entre seul et sans armes
au milieu des retranchements ennemis.
Les Carthaginois, frappés à la fois
d'étonnement et d'admiration pour une
telle hardiesse, l'accueillent avec bien«
veillance et le conduisent à leur géné-
ral. Naravâse lui dit qu'il portait une
affection sincère à tous les Carthagi-
nois, mais qu'il désirait surtout être
l'ami de Barca, qu'il n'était venu que
dans le dessein de s'attacher à lui , et
2ue désormais il serait le compagnon
dèle de tous ses périls et de tous ses
travaux. Amilcar,* frappé de la noble
conGance de ce jeune homme et de la
franchise ingénue avec laquelle il avait
exprimé ses sentiments , non-seulement
l'admit dans le conseil à la connais-
sance de tous ses projets, mais encore
s'engagea par serment à lui donner sa
fille en mariage, pourvu qu'il restât
fidèle à l'alliance des Carthaginois.
Après l'échange de ces promesses,
Naravâse conduisit au camp d'Amilcar
deux mille Numides qu'il commandait.
Renforcé par la jonction de ses nou-
veaux allies, Barca présente la bataille
aux ennemis. Spendius se réunit aux
Africains , descend dans la plaine avec
toutes ses forces et en vient aux mains
avec les Carthaginois. Le combat fut
long et opiniâtre; mais la victoire de-
meura à Amilcar. Les éléphants se si-
gnalèrent dans cette journée, et la
brillante valeur de Naravâse contribua
puissamment au succès. Autarite et
Spendius se sauvèrent par la fuite , lais-
sant dix mille morts sur le champ de
bataiile et quatre mille prisonniers au
pouvoir de l'ennemi. Après cette vic-
toire, Amilcar admit dans ses rangs
ceux des prisonniers qui voulurent
s'enrôler au service de Cartbage, et
leur distribua les armes qu'il avait
prises sur les ennemis. Quant à ceux
qui refusèrent de prendre ce parti, il
les rassembla tous dans un même lieu
et leur dit qu'il leur pardonnait leur
conduite passée; qu'il leur laissait l'en-
tière liberté de se retirer chacun dans
leur patrie, à condition qu'ils ne fe-
raient plus la guerre contre Car-
tbage; mais que ceux qu'on prendrait
dans la suite les armes à la main
devaient s'attendre aux plus cruels
supplices.
Les Carthaginois pebdent la
Sabdaigne. — Vers le même temps
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
78
les mercenaires qui étaient préposés
à la garde de la Sardaigne, entraînés
Sar l'exemple de Mathos et de Spen-
ius, se révoltèrent contre les Cartha-
ginois. Ils enfermèrent dans la cita-
delle Bostar leur commandant, et le
firent périr avec tous les Carthaginois
qui étaient avec lui. Hannon y fut en-
voyé avec de nouvelles troupes pour
étouffer la sédition;- mais ses soldats
ayant passé du côté des rebelles, ceux-
ci le prirent vivant, l'attachèrent à une
croix, et massacrèrent tous \es Car-
thaginois qui se trouvaient dans l'île,
après leur avoir fait souffrir les plus
cruels supplices. Ensuite, ils attaquè-
rent toutes les places l'une après 1 au-
tre, et se rendirent en peu de temps
maîtres de tout le pays. Mais bientôt
la division s'étant mise entre eux et les
habitants de Tîle, les mercenaires en
furent entièrement chassés et se réfu-
gièrent en Italie. C'est ainsi que les
Carthaginois perdirent la Sardaigne,
île d'une grande importance par son
étendue, par sa fertilité et par le nom-
bre de ses habitants.
Cbuautés des mercenaires ; sup-
plice DE GiSCON ET DE SES COMPA-
GNONS. — Cependant Mathos, Spendius
et Autarite, craignant (jue l'humanité
d'Amilcar envers les prisonniers n'en-
courageât leurs soldats à la défection ,
résolurent de les rendre complices d'un
nouvel attentat qui pût exa'spérer la
fiireur des Carthaginois et rendre im-
possible toute réconciliation avec eux.
Pour effectuer ce projet, ils réunirent
toute l'armée, et introduisirent dans
l'assemblée un courrier chargé d'une
lettre supposée de la part des révoltés
de Sardaigne. Cette lettre portait qu'il
fallait carder avec la plus grande vigi-
lance Giscon et ceux de ses compagnons
qui avaient été pris avec lui à Tunis;
qu'il se tramait secrètement dans l'ar-
mée un complot pour les faire évader.
Spendius, profitant de l'impression
produite par cette fausse nouvelle, en-
g£^e d'abord ses soldats à ne pas se
laisser séduire par la feinte douceur
d'Amilcar. Il leur représente que ce
n'est point par humanité que ce général
a épargné la vie de ses prisonniers;
qu'en leur rendant la liberté il a eu
seulement pour but d'attirer à lui par
cet appât trompeur ceux qui avaient
encore les armes à la main, et d'exer-
cer sur eux tous une vengeance écla-
tante dès qu'il les aurait en son pou-
voir. Il ajoute encore qu'ils devaient
bien se garder de relâcher Giscon , s'ils
ne v(rtilaient devenir l'objet du mépris
et de la risée des Carthaginois; que la
ruine totale de leurs afiaires suivrait
infailliblement l'évasion de ce grand
général, qui deviendrait sans aucun
doute leur ennemi le plus redoutable et
le plus acharné.
Spendius parlait encore lorsqu'un
autre messager, qui se disait envoyé
de l'armée de Tunis , apporta dans l'as-
semblée une lettre conçue dans les
mêmes termes que la première. A la
lecture de cette lettre, Autarite s'écria
que leur cause était perdue s'ils se lais-
saient prendre aux pièges que leur
tendaient leurs ennemis. « Jamais , dit'
il , je ne regarderai comme un compa-
gnon fidèle celui qui aurait la faiblesse
d'attendre son salut de leur humanité.
N'écoutez, ne croyez, ne suivez que
ceux qui montrent pour les Carthagi-
nois la haine la plus franche et la plus
déclarée. Ceux qui professent d'autres
sentiments , regardez-les comme des
ennemis' et des traîtres. Pour moi,
mon avis est qu'il n'y a point de sup-
plice assez cruel pour Giscon et pour
ceux qui ont été pris avec lui; qu'il
faut les mettre à mort sur-le-champ;
et que désormais on ne doit plus faire
aucune grâce aux prisonniers qui tonv
berontdans nos mains. » Autarite avait
une grande influence dans les assem-
blées, parce que, ayant appris par un
long usage à parler la langue punique,
la plupart de ces étrangers compre-
naient ses discours. Sa harangue obtint
les applaudissements et l'assentiment
de la multitude.
Cependant plusieurs soldats de tou-
tes les nations , mus par un sentiment
de reconnaissance pour les bienfaits
qu'ils avaient reçus de Giscon, de-
mandèrent que, si sa mort était réso-
lue, on lui épargnât du moins les tortu-
res. Comme ils parlaient tous ensemble,
Digitized by
Google
74
L'UNIVERS.
et diacun dans leur langue, on ne les
entendit pas d'abord. Mais sitôt que
Ton eut compris qu'ils demandaient un
adoucissement de peine pour Giscon ,
et que <juelqu'un des assistants eut
prononce le mot frappe! ces malheu-
reux furent en un instant assommés
à coups de pierres. Spendius alors fait
conduire hors des retranchements Gis-
con et les autres prisonniers carthagi-
nois , au nombre de sept cents Là, en
face du camp, ces barbares leur cou-
pent d'abord les mains en conunen-
çant par Giscon , cet hon^mç que na-
fuère ils proclamaient comme leur
ienfqiteur, et qu'ils avaient prière
à tous les Carthaginois pour être l'ar-
bitre de leurs diff^ends. près les avoir
ainsi mutilés , ils leur brisent les bras
et les jambes et les jettent encore vi-
vants dans une fosse.
A cette nouvelle , les Carthaginois «
pénétrés de douleur et voulant donner
a Giscon et à ses compagnons une
lionorable sépulture, envoyèrent des
députés aux mercenaires pour rede-
mander te corps de leurs malheureux
concitoyeni^. Mais ces barbares , ajou-
tant l'impiété à leur crime , refusèrent
de les rendre, et déclarèrent que si
désormais on léjur adressait encore des
députés ou des hérauts, ils seraient
traités comme l'avait été Giscon. Sur-
le-champ il fut décrété , d'un consen-
tement unanime , que tout Carthagi-
nois qu'on prendrait dans la suite
perdrait la vie dans les supplices ; que
tout allié des Carthaginois leur serait
renvoyé, les mains coupées; et cette
loi fut toujours observée depuis dans
toute sa rigueur. ^
DlVltlONS BAN* Ir'AftMBE CABTHA-
GINOISB ; PERÏB 1»'UN CONVOI CONSI-
DÉBABLB DB YIVBB6 BT I»B HUK ITIONS;
PBFECTiaN D'UxiQtUB Bl b'I^IPFONB.
— Amilcar , jugeant par k résolution
désespérée dès mercenaires combien
là guerre serait difôcilç et opiniâtre,
réunit à son armée les forces quecom-
nkandait, sur un autre point, un gé-
nérsd caytha^ittoâs appelé Haanon. Il
pensait que toutes ces troupes, réunies
en un seul corps , ot>tiei^aient des
succès plus prompts et plus décisifs.
L'unique moyen d^en finir était d'ex-
terminer complètement ces barbares.
Aussi dès ce moment ne leur fit-il
plus de quartier. Les prisonniers qui
tombaient entre se& mains étaient ou
livrés aux bêles , ou passés au (il de
répée.
Déjà les Carthaginois concevaient
sur leur position de meilleures espé*
rauces, lorsc|ue plusieurs événements
inattendus vinrent changer subitement
la face des affaires. A peine les deux
généraux furent-ils réunis que la di*
vision éclata parmi eux. Cette mésin-
telligence non-seulement leur fit perdra
plusieurs occasions de battre l'ennemit
mais encore les exposa souvent à def
surprises dont leurs adversaires au-
raient pu tirer un grand avantage*
Dans cette conjoncture, le sénat de
Carthage décida qu'un seul généra!
serait chargé de la direction de la
guerre , et que l'armée choisirait elle-
même celui des deux qu'elle jugerait
digne de la commander. Amilcar fut
élu d'une voix unanime.
£n même temps, une nombreuse
flotte, qui leur arrivait de la Byzacène,
chargée de vivres et de munitions pour
l'armée, périt tout entière submergée
par une horrible tempête. C'était pres-
que leur unique ressource depuis que
la Sardaigne, dont ils tiraient é»
grands secours, s'était soustraite à
leur domination.
Mais ce qui mit le comble à leur
malheur, ce fut la défection d'Utique
et d'Hippone. Ces deu^ villes, qui
. seules entre toutes celles de l'Afri^e
avaient résisté aux armes d'Agathocle
et de Régulus, qui, dans la guerre
présente, avaient repoussé avec une
généreuse constance ita attaques des
mercenaires, qui, en un mot, avaient
témoigné dans tous les temps un at-
tachement inviolable à Cartlû^e , tout
à coup, sans le moindre prétexte,
embrassèrent la cause de ses ennemis.
Et ce qui est presque inexplicable, c'est
que, dès ce moment, elles se montrè-
rent aussi Adèles et aussi dévouées
leurs nouveaux alliés qu'animée^
d'une haine implacable contre leurt
anciens amis. Les habitants de ces deux
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
75
cités massacrèrent et précipitèrent du
haut de leurs murailles environ cinq
cents hommes mie Carthage avait en-
voyés pour les cléfendre. Ils ouvrirent
leurs portes aux Africains, et refusè-
rent même aux Carthaginois, malgré
leurs instances, la faveur d'ensevelir
les corps de leurs concitoyens.
SiBGE DE Carthage pables mer-
CENAIRES; LES CARTHAGINOIS IM-
PLORENT LE SECOURS DE LEURS AL-
LIES. — Ces circonstances favorables
à leur cause accrurent tellement la
conOance de Mathos et de Spendius ,
qu'ils osèrent mettre le siège devant
Carthage elle-même. Amilcar alors
prend avec lui Naravase et Annibal,
qui avait été choisi pour remplacer
Hannon. Il divise ses forces en plu-
sieurs corps , ravage le pays , harcèle
Mathos et Spendius par des escarmou-
ches continuelles, et intercepte les vi-
vres et les convois qu'on envoyait à leur
armée. Dans cette occasion, comme
dans beaucoup d'autres, le Numide
Naravase lui rendit les ptus utiles ser-
vices.
Cependant les Carthaginois, blo-
qués de toutes parts, se trouvèrent
contraints d'implorer le secours de
leurs alliés. Hiéron , qui suivait d'un
œil attentif tous les événements de
cette guerre , leur avait accordé jus-
qu'alors avec bienveillance tout ce qu'ils
avaient demandé. Dans cette occasion
critique, il redoubla d'empressement
et de zèle. Ce prince , dont la politique
était à la fois habile et prudente, jugea
bien qu'il était de son intérêt d'enipê-
cher la ruine de Carthage. Il sentait
que, f)Our conserver sa domination
en Sicile, et maintenir son alliance
avec les Romains, il lui importait que
la balance fdt égale entre ^ les deux
peuples rivaux, car, si l'équilibre était
une fois rompu, il se trouverait à
la merci du plus fort.
Les RoiTiains eux-mêmes, fidèles
observateurs du traité qu'ils avaient
conclu avec les Carthaginois, les avaient
aidés de tout leur pouvoir, quoique
dans le commencement de la guerre
une querelle passagère eût altère leurs
relations d'amitié. Les Carthaginois
avaient arrêté et conduit dans leur^
ports des vaisseaux marchands qui ap*
portaient d'Italie des vivres aux rebelles
d'Afrique. Ils avaient jeté en prison
ceux qui les montaient , et leur nom-
bre s'élevait déjà à cinq cents lorsque
Jes Romains commencèrent à mani-
fester leur mécontentement. Mais à
la première réclamation , ceux-ci ob-
tinrent la liberté de leurs concitoyens,
et, pour ne pas se laisser vaincre en
générosité, ils rendirent sur-le-champ
a Carthage tout ce qui leur restait des
prisonniers qu'ils avaient faits dans la
guerre de Sicile. A partir de cette
époque, ils s'empressèrent de préve-
nir toutes les demandes des Carthagi-
nois. Ils permirent aux vaisseaux d'Ita-
lie d'approvisionner Carthage de vivres
et de munitions, et leur défendirent
d'en fournir aux rebelles. Ils résistè-
rent aux sollicitations des mercenai-
res de Sardaigne , qui les pressaient
de s'emparer de cette île, et poussè-
rent même la religieuse observance
des traités jusqu'à refuser de recevoir
pour sujets les habitants d'IJtique, qui
se soumettaient volontairement à leur
domination. -Carthage trouva ainsi,
dans les secours fournis par ses al-
liés, des ressources pour soutenir le
siège.
Les MERCENAIRES, CONTRAINTS DB
LEVER LE SIEGE DE CartHAGE , SK
REMETTENT EN CAMPAGNE; 237 ANS
AVANT l'ère chrétienne. — Cepen-
dant Mathos et Spendius, tout en as-
siégeant Carthage, étaient eux-même»
assiégés. Amilcar leur coupait les vi-
vres, et les réduisit bientôt à une si
extrême disette, qu'ils furent contraints
de renoncer à leur entreprise.
Peu de temps après , ^les deux chefs
des rebelles, ayant formé avec Tel i te de
leurs troupes une armée de cinquante
mille hommes, au nombre desquels
étaient l'Africain Zarzas et les auxiliai-
res qu'il corn mandait, reprirent leur an-
cienne tactique et se remirent en cam-
pagne, serrant de près Amilcar et
observant tous ses mouvements. La
crainte des éléphants et de la cavale-
rie de Naravase les empêchait de se
hasarder dans les plaines et les forçait
Digitized by VjOOQIC
76
L'UNIVERS.
à se maintenir sur les montagnes et
dans les défilés. Dans cette campagne,
les mercenaires , quoiqu'ils ne tussent
inférieurs aux Carthaginois ni pour
l'activité ni pour le courage, éprou-
vèrent souvent des échecs par l'igno-
rance et l'incapacité de leurs chefs.
Amilgar extebmine l'abmée
D'AUTARim ET DE SPENDIUS. — On
voit par le détail des faits combien une
tactique habile, fondée sur une pro-
fonde connaissance du grand art de
la guerre , l'emporte sur la valeur in-
disciplinée et sur une aveugle routine.
En effet , lorsqu'ils s'écartaient par pe-
tits détachements , Amilcar leur cou-
pait la retraite, les enveloppait de
toutes parts et les détruisait presque
sans combat. Lorsqu'ils^ marchaient
avec toutes leurs forces, Amilcar at-
tirait les uns dans des embûches habi-
lement préparées, tombait brusque-
ment sur les autres , tantôt le jour ,
tantôt la nuit, paraissait toujours
quand il était le moins attendu , et
les tenait ainsi dans des transes con-
tinuelles. Enfin , il eut l'adresse de les
engager dans une position entièrement
désavantageuse à leurs trqupes, et fa-
vorable de tous points aux Carthagi-
nois. Il se saisit de tous les passages, de
tous les défilés, enveloppa le camp des
rebelles de fossés et de retranchements,
et les resserra de si près, que, n'osant
hasarder la chance d'un combat et ne
pouvant échapper par la fuite, ils
éprouvèrent en peu de jours toutes les
horreurs de la disette. Bientôt, privés
de toute espèce d'aliments, pour apai-
ser la faim qui les tourmentait, ils
furent contraints de se dévorer entre
eux. Juste punition, dit Polybe, de
leur impiété et de leur barbarie.
Cependant ils ne faisaient aucune
proposition de paix. La conscience de
leurs crimes passés , et la certitude des
supplices qui les attendaient s'ils tom-
baient au pouvoir de l'ennemi, leur
en ôtaient même la pensée. Pleins
d'unje aveugle confiance dans les pro-
messes de leurs généraux , et bercés
par l'espoir que l'armée de Tunis arri-
verait pour les délivrer, ils suppor-
taient avec une incroyable constance
ces affreuses extrémités. Mais lors-
qu'ils eurent mangé tous leurs prison-
niers et même leurs esclaves, aucun
secours ne venant de Tunis, l'armée,
exaspérée par ses souffrances, éclata
en menaces contre ses chefs. Alors
Autarite , Zarzas et Spendius résolu-
rent de capituler avec Amilcar, et,
ayant obtenu un sauf-conduit , se ren-
dirent au camp des Carthaginois. Amil-
car leur imposa ces conditions : Que
dix d'entre les rebelles, au .choix des
Carthaginiois , seraient livrés à leur
discrétion , et que les autres seraient
renvoyés sans armes et sans aucun
autre vêtement qu'une simple tunique.
Quand le traite fut signé, Amilcar
déclara sur-le-champ qu'ep vertu des
conventions, il choisissait ceux qui
étaient présents. C'est ainsi qu'Auta-
rite, Spendius et les autres chefs les
plus distingués, tombèrent entre les
mains des Carthaginois.
Lorsqu'ils apprirent qu'on avait re-
tenu leurs chefs , les révoltés , igno-
rant la capitulation qui avait été con-
clue et se croyant trahis, coururent
aux armes. Mais Amilcar fit avancer
contre eux ses éléphants et son armée,
les enveloppa de toutes parts , et les
extermina tous sans accorder ni grâce
ni pardon. Leur nombre dépassait
quarante mjlle.
Siège de Tunis pab Amilgab;
SUPPLICE DE Spendius; Annibal
EST SUBPBIS PAB MaTHOS ET ATTA-
CHÉ A UNE CBOix.— Après cette san-
glante exécution, Amilcar parcourut
le pays, accompagné de Naravase et
d'Annibal. Presque toutes les villes
d'Afrique , découragées par ce dernier
échec , lui ouvrirent volontairement
leurs portes, et rentrèrent sous l'o-
béissance des Carthaginois. Sans per-
dre de temps, il marche contre Tunis,
où commandait Mathos, et qui, de-
puis le commencement de la guerre,
servait aux révoltés de refuge et de
place d'armes. Il fait camper Annibal
en avant de la ville, du côté qui re-
garde Carthage; lui-même établit son
camp sur le point opposé. Ensuite,
ayant fait conduire près des murailles
Spendius et les autres chefs des rebelles
Digitized by VjOOQIC
CARTHAXÎE.
77
(fui avaient été pris avec lui, il les fit
attacher à des croix , à la vue de toute
la ville. Cependant Mathos s*aperçut
qu*Annibal , par Texcès de confiance
que donnent les succès , était devenu
moins attentif, et se gardait avec né-
gligence. Il fait une vigoureuse sortie,
attaque les retranchements des enne-
mis , en tue un grand nombre, chasse
les autres de leur camp , s'empare de
tous les bagages et fait prisonnier An-
nibal lui-même. Aussitôt on conduit
ce malheureux général au pied de la
croix de Spendius. Là, les rebelles,
après lui avoir fait souffrir les plus
cruels tourments , détachent le cada-
vre de leur chef, clouent à sa place
Annibal encore vivant, et immolent
sur le corps de Spendius trente des
plus illustres Carthaginois
La distance qui séparait les deux
camps était si considérable que Barca
n'apprit que fort tard la sortie de
Mathos et le danger que courait An-
nibal. Même lorsqu'il en fut instruit,
la difficulté des chemins l'empêcha do
se porter au secours de son collègue.
Alors il leva le siège, et, côtoyant
le Baccara , il alla camper sur le bord
de la mer, à l'embouchure de ce
fleuve. Cet échec inattendu répandit
de nouveau l'alarme et la consterna-
tion dans Carthage. A peine commen-
çait-elle à se relever de ses malheurs
lassés et à entrevoir un avenir plus
eureux , qu'elle voyait s'évanouir en-
core toutes ses espérances , tant le
cours de cette guerre offrit une alter-
native continuelle de succès et de re-
vers , de confiance et de désespoir.
RÉCONCILIATION d'AMILCAB ET
B'HaNNON ; ILS TEBMINENT ENFIN LÀ
GUEABE PAB LA DEFAITE DE MATHOS
ET LA SOUMISSION DES VILLES RE-
BELLES. — Cependant le sénat de Car-
thage résolut de tenter un detnier
effort pour empêcher la ruine de la
république. Il rassemble tout ce qui
restait de citoyens capables de porter
les armes, et les renvoie à Amilcar
sous les ordres d'Hannon, le même
qui, quelque temps auparavant, avait
été dépouillé du commandement. Il y
join;t une députation de trente séna-
teurs, et les charge expressément d'em-
ployer tous les moyens possibles pour
réconcilier les deux généraux. Ces dé-
Sutés leur représentent la situation
éplorable de la république , les con-
jurent au nom des malheurs de la pa-
trie d'oublier leurs querelles passées,
et de sacriOer leurs ressentiments au
bien de l'État. Amilcar et Hannon, ne
pouvant résister à leurs longues et
vives instances, abjurèrent avec une
noble générosité leur haine récipro-
que, se réconcilièrent de bonne foi,
et, dès ce moment, dirigèrent les opé-
rations de la guerre avec un ensemble
et un accord qui en assurèrent le suc-
cès. Ils engagèrent Mathos dans une
multitude de petits combats , où il eut
toujours le désavantage. Ce chef de
rebelles , voyant que ce genre de guerre
consumait inutilement ses forces, ré-
solut d'en venir à une bataille géné-
rale que les Carthaginois, de leur côté,
ne désiraient pas avec moins d'ar-
deur.
Les deux partis se préparèrent
comme pour une action qui devait à
jamais aécider de leur sort. Ils ré-
unirent tous leurs alliés, et rappelè-
rent à leur armée les soldats de toutes
les garnisons. Enfin , lorsque tout fut
Prêt de part et d'autre , au jour et à
heure convenus, les deux armées
descendirent dans l'arène. La victoire
se déclara en faveur des Carthaginois'
La plupart des Africains restèrent sur
le champ de bataille, le reste se sauva
dans une ville qui se rendit quelque
temps après. Mathos tomba vivant au
pouvoir des vainqueurs. Le résultat
de cette victoire fut la soumission
complète de toutes les villes de l'A-
frique. Hippone et Utique seules per-
sistèrent dans leur rébellion. Les for-
faits dont elles s'étaient souillées dan&
le commencement de leur révolte leur
interdisaient tout espoir de miséri-
corde et de pardon. Mais Amilcar et
Hannon mirent le siège devant ces
deux villes , et les forcèrent bientôt à
subir les lois que Carthage voulut leur
imposer.
Ainsi finit , après trois ans et quatre
mois, la guerre des mercenaires qui
Digitized by
Google
78
L'UNIVERS.
avait jeté Garthage dans de si grands
périls et dont chaque période avait été
signalée par des actes d'impiété et de
barbarie sans exemple. On punit, dans
les villes d'Afrique, les principaux
chefs de la révolte. L'armée victorieuse
rentra en triomphe dans Carthage,
traînant enchaînés Mathos et ses com-
pagnons , auxquels on flt expier , par
une mort cruelle* et ignominieuse,
une vie souillée par tant de crimes et
de si noires perfidies.
Abandon de la Sàedaigne par
LES CABTHAGINOIS; 237 ANS AVANT
J. C. — A peine les Carthaginois
commençaient- ils à respirer, qu'ils
furent menacés d'une nouvelle guerre.
Les mercenaires de Sardaigne , qui ,
comme nous l'avons dit, avaient
d'abord fait d'inutiles instances au-
près des Romains, pour les engager
a passer dans cette île et à s'en rendre
maîtres, les déterminèrent enfin à
prendre ce parti. Les Carthaginois
s'offensèrent de ce manque de foi,
prétendant, non sans raison, que la
domination de la Sardaigne leur ap-
partenait à bien plus juste titre qu'aux
Romains. Déjà ils équipaient unfc
flotte pour passer dans cette île et
punir les auteurs de la révolte. Les
Romains saisissent cette occasion et
décrètent sur-le-champ la guerre con-
tre Carthage, sous le frivole prétexte
que ses préparatifs sont dirigés contre
eux et non contre les peuples de Sar-
daigne. Les Carthagmois, affaiblis
par la dernière guerre qui avait tant
épuisé leurs ressources , et hors d'état ,
en ce moment , de résister à la puis-
sance du peuple romain , cédèrent à la
force des circonstances. Non-seule-
ment ils abandonnèrent la Sardaigne ,
mais encore , pour prévenir une lutte
inégale, ils consentirent à ajouter
douze cents talents au tribut imposé
par le dernier traité.
Expéditions des Carthaginois
KN Espagne. — Lorsque les Cartha-
ginois eurent terminé la guerre d'A-
frique et réglé leurs différends avec les
Romains , ils envovèrent en Espagne
une armée sens le commandement
d'Amilcar (237 ans avant J. C. }.
L'histoire ne nous a pas transmis la
date précise de l'entrée des Carthagi-
nois en Espagne. On sait seulement
qu'ils y étaient venus au secours de
Cadix , ville , ainsi que Carthage , d'o-
rigine tyrienne , dont les rapides
accroissements avaient excité la ja- .
lousie des peuples voisins. Cette pre-
mière expéaition eut un heureux ré-
sultat. Les Carthaginois délivrèrent
Cadix de ses ennemis et s'emparèrent
d'une partie de la nrovince, sans que
l'on connaisse exaciement la limite où
s'arrêtèrent leurs conquêtes. Pendant
neuf ans qu'Amilcar commanda les
armées en Espagne, il soumit à la
domination carthaginoise un grand,
nombre de peuples, les uns subjuguée
par la force , les autres vaincus par la
persuasion , et il trouva enfin sur le
champ de bataille une mort honorable
et digne de toute sa vie. Ce fut dans
un combat sanglant et acharné contre
un ennemi puissant et belliqueux,
qu'entraîné par son audace au plus
fort de la mêlée , il succomba glorieu-
sement les armes à la main.
ASDBUBAL succède A AmILCAR
SON BEAU - PÈBE DANS LE COMMAN-
DEMENT DES ARMÉES EN ESPAGNE;
227 AVANT l'Ère vulgaibe. — Les
Carthaginois élurent à la place d'A-
milcar, Asdrubal son gendre. Celui-
ci, plus politique que guerrier, s'at-
tachant les petits princes de la contrée
par les liens d'une hospitalité géné-
reuse , et par l'affection des chefs se
conciliant celle des peuples , eut l'art
d'accroître ainsi la puissance de Car-
thage , non moins que s'il eût employé
la guerre et les armes. Les Romains
reooutant son caractère insinuant , et
cet art merveilleux qu'il mettait à
gagner les peuples, pour les réunir
sous sa domination, avaient réglé
avec lui , par un» traité , que l'Èbre
serait la limite des deux empires , et
que Sagonte , qui se trouvait enclavée
au milieu , conserverait son indépen-
dance. Mais le plus éminent service
gu'Asdrubal rendit à sa patrie, fut la
rondation de Carthagène. Cette ville ,
par l'avantage de sa situation, la
commodité de ses ports, les richesses
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
79
de son commerce, la force de ses
remparts , devint le plus sçlîde appui
de la domination carthaginojie en
Espagne. Après avoir gouverne cette
province pendant huit ans , Asdrubal
lut assassmé en pleine paix et dans sa
f)ropre maison, par un esclave gau-
ois qui voulait vengef Ift tûoH deson
maître.
Annibal est envoyé en Espagne
APBÈS LA MOBT d'ASDBUBAL; OA-
BAGTÈBE DE CE GENÉBAL , 220 ANS
AVANt J. G* — Trois ans avant sa
mort» Asdrubal avait écrit à Carthage
pour qu^on lui envoyât Annibal qui
était alors dans sa vingt- troisième
année. Cette demande fut mise en
délibération dans le sénat que divi-
saient alors deux factions contraires.
La faction Barcine qui voulait qu' An-
nibal commençât à se montrer aux
armées , afin de pouvoir succéder à la
puissance de son père, appuyait avec
chaleur la proposition d' Asdrubal. La
faction contraire dont le chef était
Hannon , préférant aux chances d^une
guerre incertaine et dangereuse . une
paix sûre qui conservât à la république
toutes les conquêtes d'Espagne, s a-
larmait de ce nouvel accroissement de
puissance dans la famille Barca , et
redoutait le caractère belliqueux et
entreprenant du jeune Annibal. Han-
non rappela aux sénateurs la puissance
excessive et la domination absolue
d'Amilcar. Il leur représenta combien
îl était imprudent de faire du com-
mandement de leurs armées le i>atri-
moine d'une seule famille. Il ajouta
qu'il serait plus utile pour l'État et
pour Annibal lui-même que ce jeune
homme restât à Carthage afin d'y
apprendre l'obéissance aux lois , l'o-
béissance aux magistrats, afin de
s'accoutumer à courber la tête sous
le joug de l'égalité. Ses remontrances
furent vaines ; la faction Barcine rem-
porta, et Annibal partit pour l'Es-
pagne.
Dès qu'il parut à l'armée , il attira
sur lui tous les regards. Les vieux
soldats s'imaginaient revoir leur Amil-
car, rendu a sa première jeunesse.
C'était le même feu dans les yeux , le
même caractère de vigueur empreint
sur toute sa figure : c'était tout son
air et touà ses traits. Ils ne se lassaient
point de le contempler. Mais bientôt,
le souvenit du père fut lé moindre des
titres du fils a l'affection publique.
Jamais homme ne réunit au même
degré deux qualités entièrement oppo-
sées , la subordination et le talent de
commander; aussi n'eut-il pas été
facile de décider qui le chérissait le
plus ou du général ou de l'armée.
C'était l'officier qu'Asdrubal choisis-
sait de préférence pour les expéditions
qui demandaient de l'activité et de la
vigueur. C'était le chef sous qui le
soldat se sentait le plus de confiance
et d'intrépidité. Autant il avait d'au-
dace pour aller affronter le péril,
Autant il avait de sang-froid dans le
péril même. Nulle épreuve ne pouvait
dompter ni les forces de son corps ,
ni la fermeté de son courage. II sup-
portait également le froid et la cha-
leur, la soif et la faim. les fatigues
et l'insomnie. Il ne cherchait pas à se
distinguer des autres par l'éclat de ses
vêtements, mais par la bonté de ses
chevaux, de ses armes : il était sans
contredit le meilleur cavalier et le
meilleur fantassin de toute l'armée.
Digitized by
Google
••••^«t #••«••»«#•#••••• t««»«»«*9* •»»«»#»••««
GARTHAGE.
DEVXIÊHE PABTIE.
Par m. JEAN YANOSKI
ANCIEN ÉLÈV£ DE l'ÉGOLE HOEMALS , AGEÉGB DE l'UITIVERSITÉ.
Causes de là deuxième guebbe
PUNIQUE. — Les exploits d'Amilcar,
en Sicile, contre les Romains, en Afri-
que , contre les mercenaires , la con-
quête récente de l'Espagne, les succès
d' A sdrubal, gendre d'Amilcar, avaient
donné dans Ta république une grande
influence à la famille Barca. Un parti
peu nombreux, il est vrai, mais puis-
sant, le parti aristocratique, essayait
de contre- balancer cette influence.
Quand la famille Barca entra en lutte
ouverte avec l'aristocratie qui refusait
de l'aider dans ses grandes entrepri-
ses, elle tourna ses regards vers les
classes inférieures qui, jusqu'à cette
époque, n'avaient eu qu'une faible part
d action dans les affaires de l'Etat. Le
peuple se prononça volontiers pour
ceuxqui, au momentdu danger, avaient
sauve la république, et qui s'étaient
illustrés par de brillantes victoires.
L'appui du peuple donna bientôt la
supériorité, dans le sénat, à la fac-
tion Barcine. C'est là un événement
grave dans l'histoire de la constitu-
tion de Carthage; car, ce qui n'avait
été, dans l'origine, qu'un dissen-
timent entre Hannon et Amilcar et
une querelle de familles , devint une
lutte plus sérieuse et plus générale
entre l'aristocratie qui avait eu jus-
qu'alors, dans le gouvernement de
1 Etat, l'autorité suprême, et la dé-
mocratie, qui s'élevait dans la républi-
que et acquérait chaque jour de nou-
velles forces. Plusieurs écrivains se
sont fondés sur cette lutte des partis,
pour affirmer que la nécessité où se
trouvait Annibal de séduire la multi-
tude par des actions d'éclat avait été
la seule cause de la deuxième guerre
punique. En cela, nous le croyons,
ces écrivains sont tombés dans l'exagé-
ration. Il faut refchercher la véritable
cause de cette guerre dans l'espoir
conçu par les Carthaginois de sortir
de l'état d'abaissement où les avait
placés le traité qui avait suivi la ba-
taille des lies Egates. Ils avaient
perdu leurs établissements de la Si-
cile, et Rome, au moment même où
ils avaient à se défendre, en Afri-
que , contre les mercenaires , leur
avait enlevé , au mépiris de la foi ju-
rée, la Corse et la Sardaigne. Car-
thage voulut d'abord se dédommager
de ces pertes par la conquête de l'Es-
pagne. Bientôt les succès d'Amilcar et
d'Asdrubal lui firent concevoir la pen-
sée de se rétablir dans ses anciennes
possessions et de déchirer Thumiliant
traité que Rome lui avait imposé. Tou-
tefois , elle ne voulait point s'engager
témérairement dans cette entreprise, et
elle hésitait encore lorsque Annibal, par
un coup hardi, mit fin à toutes les irré-
solutions. Dès lors la guerre contre
les Romains fut votée et poursuivie
avec un accord presque unanime. Il
existait,' il est vrai, dans Carthage,
un parti qui voulait la paix; mais ce
parti, qui avait pour chef Hannon et
qui était un reste jde l'ancienne aris-
tocratie , était dominé par le peuple ,
et même, dans le sénat, il avait contre
lui une forte majorité. Pendant la
deuxième guerre punique, Carthage ne
s'écarta point du but qu'elle s'était
proposé, et elle s'épuisa d'hommes et
d'argent, non-seulement pour conser-
ver l'Espagne, mais encore pour se
rétablir dans la Sicile et la Sardaigne.
C'était une faute, assurément, que d'en-
voyer des flottes et des armées nom-
breuses dans ces contrées. Là ne de-
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
SI
▼ait point se porter tout l'effort de la
guerre , et , comme le pensait Anni-
bal, il fallait d^abord, pour posséder la
Sicile, la Sardaigne et l'Espagne, vain-
cre les Romains en Italie. Ce fut en
Tain, on le sait, qu'Annibal épuisa
toutes les ressources du courage et du
génie pour réparer les fautes du sénat
de Cartilage. Certes, on ne pourrait
accuser sans injustice la famille Barca
de n'avoir agi alors que par des motifs
d'ambition, et seulement pour domi-
ner dans l'État par son influence. Les
faits, au contraire, semblent attester
qu'Annibal et ses frères n'eurent en
vue, pendant toute la durée de la guer-
re , que le salut et la gloire de Car-
tbage.
Annibàl succède a Asdbubàl
DANS LE COMMANDEMENT DE l'AB-
MÉE ; GUEBBE EN ESPAGNE CONTBE
LES indigènes; les Oclades, les
Vaccéens et les Cabpétans sont
VAINCUS ; 221 - 219 avant notbe
ÈBE. — Après la mort d'Asdrubal , les
soldats se réunirent , et , d'une voix
unanime, ils décernèrent à Annibal le
titre de général. L'élection faite par
l'armée fut bientôt ratifiée par le peu-
ple de Carthage. Annibal songea dès
lors à renouveler la guerre contre les
Romains , et à mettre à exécution ,
par une expédition en Italie, les vastes
projets de son père : mais avant de
tenter cette périlleuse entreprise, il
voulut tout à la fois essayer ses forces
et affermir en Espagne la domination
de Carthage. Il fit la guerre aux indi-
gènes, et il vainquit successivement
les Oclades et les Vaccéens. Cependant
ces deux peuples ne voulurent point
se soumettre; ils soulevèrent les Car-
Çétans qui , jusqu'alors, étaient restés
étrangers à la lutte , et tous ensemble
ils levèrent une armée dé cent mille
hommes. Le général carthaginois n'hé-
sita point à les attaquer ; il livra ba-
taille sur les bords du Tage , et rem-
porta sur les trois peuples réunis une
victoire signalée.
Ruine de Sagonte; déclaba-
TION DE GUEBBE FAITE PAB LES RO-
MAIN S DANS LE SÉNAT DECABTHAGE ;
PBÉPABATIFS d'ANNIBAL POUB SON
6* livraison, (Cabthage.)
EXPÉDITION d'Italie; 219 et 218
AVANT NOTBE ÈBE. — Quaod An-
nibal se crut maître de la majorité des
votes, dans le sénat de Carthage, il
frappa un coup qui devait rendre la
guerre inévitable. Parmi les villes si-
tuées au midi de l'Ebre , il y en avait
une qui, refusant de se soumettre
aux Carthaginois, avait contracté avec
la république romaine une étroite al-
liance. Rome, dans le traité qu'elle
fit avec Asdrubal, avait compris les
habitants de Sagonte au nombre de
ses alliés. Au mépris de ce traité, An-
nibal s'avance contre Sagonte; il l'as-
siège, et, après des combats multipliés
et sanglants où les Sagontins périssent
jusqu'au dernier, la ville est détruite
de iond en comble. Déjà , au moment
où le siège avait commencé, des am-
bassadeurs romains s'étaient trans-
portés à Carthage pour demander qu'on
leur livrât le général qui avait violé
les traités. Quand on sut , à Rome , la
nouvelle de la ruine de Sagonte , toute
la ville fut plongée dans la consterna-
tion. Une nouvelle ambassade se diri-
gea aussitôt vers l'Afrique; et, lorsque
les Romains furent arrivés à Carthage,
ils se firent introduire dans le sénat.
Là se passa une scène qui est restée
célèbre dans l'histoire: un des en-
voyés , Fabius , demanda satisfaction
au nom de Rome, et une déclaration
qui établît que le gouvernement de
Carthage était resté étranger à l'en-
treprise d' Annibal. Enhardis par les
succès de leur général , les sénateurs
carthaginois, malgré les efforts de
quelques ennemis de la famille Rarca, re-
tusèrent d'accéder à la demande des en-
voyés romains. Alors Fabius fit un pli
à sa toge , et dit : « Je porte ici la paix
ou la guerre, choisissez. » On s'écrie
de toutes parts : « Vous-même , choi-
sissez. » Fabius laissa retomber sa
toge, et répondit: Je vous laisse la
guerre. » Tous les sénateurs carthagi-
nois répètent alors : « La guerre! nous
l'acceptons, et nous saurons bien la
soutenir. » Dans ce jour solennel , le
sénat de Carthage , en déclarant la ,
guerre avec un si grand enthousiasme «
prenait une sorte d'engagement avec
6
Digitized by VjOOQIC
M
L'UNIVERS
le géaëral qui avait rompu les traités.
Dès lors^ tous les vœux d^Annibal
étâiêot comblés , et il pouvait marcher
librement à raccomplissement de se$
vastes projets.
Après la prise de Sagonte, Ànnibal
passe rhiver à Cartliagène,où il fait ses
premiers préparatifs. Asdrubal son
frère doit rester en Esi)agne avec
quinze mille Carthaginois, vingt-quatre
àéphants et soixante ealères ; il gouver-
ne les provinces qui s'étendent deTÈbre
«u détroitde Gaaes. Hannon, avec onze
mille Carthaginois , est préposé à la dé*
^nse du pavs qui se trouve compris en«
treles Pyrénées et TÈbre. Les troupes
d'Hannon et d'Asdrubal forment aussi
une réserve destinée à rejoindre, au
Fremier appel , l'armée qui marche sur
Italie. Annibal , pour gagner Taffec-
tion des soldats qu'il a choisis pour
«on expédition , leur fait de grandes
largesses ; puis il leur accorde, pour se
reposer, toute la saison d'hiver. C*est
alors qu'il se rend à Gades au temple
d'Hercule. Le bruit se répand en Espa-
gne que les dieux ont promis de le pro-
téger, et qu'un envoyé céleste est venu
lui prédire que les soldats qu'il com*
mandait feraient la conauête de l'Italie.
Quand , au retour de la belle saison ,
rarmée carthaginoise fut rassemblée ,
Annibal , oui avait amassé de grandes
sommes crargent, et préparé, pour
son expédition, d'immenses approvi-
sionnements, se mit en marche avec
âudtre-vingt mille hommes , et bientôt
.eut franchi l'Ebre et les Pyrénées (*).
ËNTBEE d' Annibal dans les
(jaules ; PASSAGE DES Alpbs; 218
. AVANT NOTBE BBE. — A SOU entrée
dons les Gaules, Annibal rencontra
quelques peuples qui s'étaient armés
pour le combattre. Il ne chercha point
a les vaincre ; il leur envoya des mes-
(*) Le récit qui va suivre ne présentera
qu'un résumé succinct des expéditions car-
■ thaginoises en Italie, en Espagne, en Siciie
et en Sardaigne, On trouvera ailleurs, dans
les volumes de V Univers consacrés à ees
différents pays , tous les détails de ces expé-
ditions. Nous ne devons insister ici que sur
les événements qui se rattachent directement
à rhistoiré de Ùrthtige.
, sages de paix, et, sans plus tarder, il
traversa le pays Jusqu'au Rhône, puis
il franchit le fleuve. Il apprit alors
Su'un généra] romain , Scipion , avait
ébarqué près de l'embouchure avec
une armée. Il v eut une escarmouciie
entre un détachement de cavalerie ro-
maine et une troupe de Numides ; mais
Annibal , pour ne point user ses forces,
évita un combat général et continua sa
marche. Il entra sur le territoire des
Allobroges , traversa la Durance , enfin
il atteignit les Alpes. Annibal touchait
à l'Italie , mais il lui restait encore à
franchir des montagnes couvertes de
neige et de glace , oili il fallait lutter
tout à la fois contre les hommefs et
contre les éléments. On sait quels
furent les fatigues et les dangers de ce
mértiorable passage qui coâta plus de
trente mille nommes à l'armée cartha-
ginoise. Après avoir surmonté tous les
obstacles , Annibal entra en Italie.
Annibal en Italie ; combat du
tésin ; défaite des cabthagfnois
A Lïlybée; habche d'Annibal
DANS LA Cisalpine; bataille db
LA Tbébie ; Annibal passe en Étbu-
BIE; BATAILLE DE TbASIMENE ; 218
ET 217 AVANT NOTBE ÈRE. -— LeS
Romains avaient essayé de faire face
à tous les dangers. Ils avaient envoyé
des armées en Éspaene , en Sicile , pour
combattre les Carthaginois , et en Ci-
salpine pour contenir les Gaulois qui
menaçaient de se soulever. Scipion ,
après avoir envoyé son frère Cnéus en
Espngne, attendait Annibal à la des-
cente des Alpes. Annibal , de son côté,
commençait à désespérer du succès de
son entreprise quand il vit les Gaulobs
cisalpins rester neutres , contre leurs
promesses , et refuser de venir se join*
dre à l'armée carthaginoise. Toutefois,
un premier et brillant succès vint ra-
nimer ses espérances. Il y eut un com-
bat de cavalerie sur les bords du Tésin ,
où la victoire demeura aux Carthagi-
nois. Le consul Scipion fut blessé dans
cette rencontre. Rome se hâta de rap-
peler de la Sicile Sempronius, qui avait
déjà fait éprouver aux Carthaginois des
pertes considérables. Le préteur jEmî-
lius avait détruit, près de Lilybée,
Digitized by VjOOQIC
CA&IBAGE.
8S
une flotte carthaginoise , et Sempro-
nius lui-même sNstait emparé de Vîie
de Malte. C'est alors que Sempronius,
pour obéir au sénat , vint dans la Ci*
salpine au secours de son collègue
Scipion. Annibal ne tarda point à se
trouver en présence de rarmée romaine
qui campait sur les bords de la Trébie.
Malgré les avis de Scipion, Sempro-
pius attaqua les Carthaginois; mais
bientôt il eut à se repentir de son im-
{)rudence. Annibal fut vainqueur, et
es Romains perdirent dans la bataille
trente mille soldats, qui périrent les
armes à la main ou devinrent prison-
niers. Cette éclatante victoire des Car-
thaginois fut le signal d*un immense
soulèvement dans la Cisalpine. Les
Gaulois n'hésitèrent plus à se ranger
du côté des ennemis de Rome. Après
la Journée de la Trébie , Annibal compta
dans son armée quatre-vingt-dix mille
soldats. 11 songea alors à pénétrer au
centre de ritalie. Il franchit rApenniù
et gagna TÉtrurie. Ce ne fut point san$
s'exposer à de grands dangers qu'il tra-
versa une partie de cette contrée. Enfin
il rencontra les Romains. Il attira le
consul Flaminius, non moins pré-
somptueux et non moins imprudent
Sue son prédécesseur Sempronius,
ans une position défavorable. Il le
força à combattre, et une nouvelle ar-
mée romaine fut exterminée sur les
bords du lac Trasimène.
Annibal pénètre au gentbe db
l'Italie; sa mabghe; bataille de
Cannes; 217 et 216 avant notbb
èBE. — Après la journée de Trasi-
mène , Annibal passe enOmbrie et dans
le Picenum, ou il ravage les terres
des alliés de Rome; puis il s'avance
dans la Sabine et le Samnium , où i|
continue ses dévastations pour attirer
encore une fois les Romams au com-
bat. Mais dans cette marche, il ren-
contre un général plus prudent et plus
habile que Sempronius et Flaminius j
c'est FaDius, le bouclier de Rome, qu^
observe Annibal , le suit pas à pas , et
évite néanmoins tout engagement sé-
rieux. En temporisant, Fabius obtient
un important résultat j il use les forces
de l'armée carthaginoise, qui ne vit 4
ne se recrute qu'avec peine dans les
provinces centrales de l'Italie, où les
populations sont habituées depuis long-
temps à la domination romaine. Mais
enfin Fabius est remplacé, et les con-
suls Paul Emile et Varron, qui lui
succèdent dans le commandement des
légions, en cessant de temporiser, of*
frent bientôt à Annibal l'occasion d'un
nouveau triomphe. Il y eut une grande
bataille près de Cannes , en Apuhe , sur
les bords de i'Aufide, où les Romains
perdirent quatre-vingt mille hommes,
deux questeurs, vingt et un tribuns
des légions, quatre-vingts sénateurs et
Paul Emile , run des consuls. Jamais ,
depuis la funeste Journée de l'Allia , la
puissance de Rome n'avait été aussi
fortement ébranlée.
résultats de la bataille dx
Cannes en Italie; l'Italie cen-
tbale beste fidèle aux romains ;
LA Cisalpine et l'Italie hébidio-
NALE SE DONNENT A AnNIBAL; AN-
NIBAL POUBSUIT LA GUEBBE; 2t6 Et
215 AVANT NOTEE ÈBE. — Lorsqu'oÛ
reçut à Rome la nouvelle de la bataillle
de Cannes, il y eut dans la ville ua
deuil public et toutes les manifesta-
tions d'une grande douleur. On se hâta
de Mre de nouvelles levées, et les ci-
toyens se soumirent volontairement
aux plus grands sacrifices. La Cisalpine
se déclarait alors ouvertement pour les
Carthaginois, et les peuples de l'Italie
méridionale offraient leur alliance à
Annibal et lui promettaient de nom-
breux auxiliaires. Parmi les ennemi!
des Romains, on comptait les Apu-
liens, les Messapiens, les Lucaniens,
les Bruttiens , une partie des Samnites ,
et même quelques peuples de la Cam-
panie. C'est Magon, le frère d'Anni-
bal, qui va recevoir la soumission de
ces nouveaux alliés de Carthage. Il n'v
avait que l'Italie centrale qui restai
fidèle à Rome. Annibal, après avoir
donné une partie de ses troupes à ceut
de ses lieutenants qui devaient retenir
les peuples de l'Italie méridionale danf
les liens de la fidélité, s'avance vers
la Campanie avec vingt-cinq mille hom-
mes. Il vient d'abord assiéger NapleSi
mais U échoue dans son entreprise. Dé
6-
Digitized by
Google
84
L'UNIVERîS.
Naples, il se dirige vers Capoue, qui
lui ouvre ses portes. Cest alors qu'il
envoie Magon à Carthage pour de-
mander de l'argent et des troupes.
MàGON VIENT DEMANDER DES SE-
COURS A Carthage; délibération
DU SÉNAT CARTHAGINOIS. — Tite-
Live nous donne sur la mission du
frère d'Annibal les détails suivants :
«Magon, fils d'Amilcar, était venu
porter à Carthage la nouvelle de la vic-
toire de Cannes. Son frère ne l'avait
pas envoyé du champ de bataille même ,
mais il l'avait retenti quelques jours
pour recevoir la soumission des Brut-
tiens et de quelques autres peuples qui
s'étaient séparés des Romains. Intro-
duit dans le sénat, Magon expose tout
ce que son frère a fait en Italie. « Il
avait combattu en bataille rangée six
généraux, dont quatre consuls, un dic-
tateur et un maître de la cavalerie,
défait six armées consulaires, tué à
l'ennemi plus de deux cent mille hom-
mes et fait plus de -cinquante mille
prisonniers. Des quatre consuls , deux
avaient péri, le troisième était blessé,
le dernier avait perdu toute son armée
et s'était enfui, a peine avec cinquante
soldats. Le maître de la cavalerie, qui
était revêtu à l'armée du pouvoir con-
sulaire, avait été battu et mis en dé-
route. Quant au dictateur, il était
regardé comme le modèle des généraux
par cela seul qu'il n'avait jamais osé
livrer une grande bataille. Les Brut-
tiens et les Apuliens, une partie des
Samnites et des Lucaniens, avaient
abandonné le parti de Rome pour se
donner aux Carthaginois. Capoue, la
capitale, non pas seulement de la Cam-
panie, mais de l'Italie entière, depuis
que la journée de Cannes avait abattu
la puissance romaine, s'était livrée à
Annibal. Pour des triomphes si nom-
breux et si grands, il était juste de
rendre aux dieux immortels de solen-
nelles actions de grâces. » En témoi-
«nage de ces heureuses nouvelles,
lagon fit verser dans le vestibule du
sénat une quantité d'anneaux d'or si
prodigieuse, que certains auteurs pré-
tendent qu'il y en avait bien trois bois-
Seaux et demi; mais la tradition qui a
{)révalu , et qui se rapproche le plus de
a vérité, est qu'il n'y en avait pas au
delà d'un boisseau. Magon ajouta , pour
faire sentir toute la grandeur des pertes
éprouvées par les Romains, que les
chevaliers et seulement les plus distin-
gués pouvaient porter l'anneau d'or. Il
dit, en terminant, que plus on avait
l'espoir prochain de terminer glorieu-
sement la lutte , plus il fallait prodiguer
à Annibal toute espèce de secours. En
effet, la guerre se faisait loin de Car-
thage, au milieu d'un pays ennemi;
elle absorbait beaucoup de vivres et
d'argent. Les batailles où les armées
ennemies avaient été détruites avaient
aussi causé des pertes au vainqueur.
Il fallait donc envoyer de nouvelles
troupes , de l'argent et du blé pour la
solde et la nourriture des soldats qui
avaient si bien mérité du nom cartha-
ginois. Ces paroles de Magon causèrent
une grande joie dans le sénat. Alors
Himilcon , de la faction Barcine , crut
l'occasion favorable pour humilier Han-
non. ft Eh bien , dit-il , Hannon , re-
« grettez-vous encore q^ue l'on ait fait
« la guerre aux Romains? Ordonnez
<t maintenant de livrer Annibal ; empé-
« chez qu'au sein de la prospérité nous
« rendions des actions de grâces aux
R dieux immortels ! Écoutons ce que
« va dire ce sénateur romain dans le
« sénat de Carthage. >» Alors Hannon :
« J'aurais aujourd'hui gardé le si-
« lence , pour ne pas troubler l'allé-
«gresse universelle par des paroles
« qui ne respirent point Fenthousias-
« me. Mais puisqu'un sénateur m*a
« demandé si je regrette encore que
« l'on ait entrepris la guerre contre
«Rome, je me hâte de répondre,
« parce que mon silence serait inter-
« prêté diversement; les uns pourraient
« l'attribuer à mon orgueil, les autres
« à la honte que l'on éprouve quand on
« a commis une erreur. Je ne suis ni
« orgueilleux ni repentant. Je dirai
« donc à Himilcon que mes regrets sur
« la guerre sont aussi grands que par
« le passé, et que je ne cesserai d'ac-
«cuser votre invincible générai que
« quand je verrai la lutte terminée à
«des conditions raisonnables, et Je
Digitized by
Google
CARTHAGE.
W
« n'excuserai la rupture de rancienne
« paix qu'au moment où l'on aura fait
« une paix nouvelle. J'avoue que tous
« ces brillants ^uccès que Magon vient
« de nous raconter avec tant de corn-
et plaisance, et qui, dans ce moment,
« font la joie d'Himilcon et des autres
« partisans d'Annibal , font aussi la
« mienne, parce que ces victoires, si
« nous voulons user sagement de la
«fortune, nous procureront une paix
« plus avantageuse; mais si nous lais-
« sons échapper cet instant, où nous
« pouvons paraître donner la paix
« plutôt que la recevoir, je crains fort
« que cet éclat éblouissant ne s'éva-
«nouisse promptement. Aujourd'hui
« même que vient-on nous aire? J'ai
«détruit les armées ennemies; en-
« voyez-moi des soldats. Que deman-
« deriez-vous si vous étiez vaincu? J'ai
« pris les deux camps ennemis remplis
« sans doute de butin et de vivres ;
« faites-moi passer du blé et de l'ar-
«gent. Parleriez-vous autrement si
«l'ennemi \ous eût enlevé vos res-
« sources, eût forcé vos retranche-
« ments? Et pour que je ne sois pas
« seul à expliquer ce que tout cela a
« d'inconcevable (car, puisque j'ai ré-
« pondu à Himilcon , j ai bien le droit
« de l'interroger à mon tour) , je vou-
« drais qu'Himilcon lui-même, ou Ma-
« gon , me donnât quelque éclaircisse-
« ment. Puisque la nataille de Cannes
« entraîne la ruine entière de l'empire
« romain , et qu'il est certain que toute
« l'Italie est en pleine défection , qu'on
« me nomme d'abord quelque peuple
« de la confédération du Latium qui
« ait embrassé notre parti ; puis quel-
« que citoyen des tribus de Rome qui
« soit passé dans le camp d'Annibal. —
« Je ne saurais en nommer, répondit
« Magon. — Ainsi donc, reprit Han-
« non , il ne nous reste encore que trop
« d'ennemis. Mais à Rome, quelle est
«la disposition des esprits? Conser-
« vent-ils encore de l'espoir? C'est un
« point que je voudrais éclaircir. — Je
«l'ignore, dit Magon. — Rien pour-
« tant n'est plus facile à savoir, ajoute
« Hannon. Les Romains ont-ils envoyé
«des ambassadeurs à Annibal poîir
« demander la p^ix? A-t-il été un seul
« moment question de paix à Rome ,
« d'après lés rapports que l'on tous a
« faits? — Non , dit encore Magon. —
« Eh bien , s'écrie Hannon , nou»âvons
« donc la guerre tout aussi entière que
« le jour où Annibal a mis le pied en
« en Italie... Pour moi, si l'on met en
« délibération , ou de proposer la paix
« à l'ennemi ou de la recevoir, je sais
« queb avis j'ouvrirai. Si vous vous oc-
« cupez seulement des demandes de
« Magon , je pense que si nos soldats
« sont victorieux , il ne faut rien leur
« envoyer ; et s*ils nous abusent par
« de faux rapports et par de chiméri*
« ques espérances, il faut se garder en-
« core davantage de leur envoyer quel-
« que chose. »
« Le discours d'Hannon fit peu de
sensation. Son animosité contre la fa-
mille Barca le rendait suspect de
partialité, et les esprits étaient trop
préoccupés des heureuses nouvelles dti
moment pour que l'on pût rien enten*
dre qui tendît à diminuer l'allégresse
générale. A Carthage, l'opinion com-
mune était qu'avec le moindre effort
on pouvait mettre fin à \û guerre.
Aussi l'on décréta à une immense ma-
jorité I dans le sénat , que Ton enver-
rait à Annibal un renfort de quatre
mille Numides, quarante éléphants et
un grand nombre de talents d'argent*
On fit partir aussi un dictateur avec
Magon pour l'Espagne, afin d'y lever
vingt mille fantassins et quatre mille
chevaux destinés à compléter les ar-
mées d'Espagne et d'Italie. »
Les nouveaux préparatifs des Car-
thaginois se firent, comme le remar-
que Tite-Live , avec négligence et une
extrême lenteur. Au reste , les renforts
votés par le sénat étaient insuffisants
pour achever la guerre. Annibal, trom-
pé dans ses espérances, n'eut plus re-
cours alors qu'à sa prudence et à son
habileté pour se maintenir en Italie.
Suite de l'expéi^ition d'Anni-
bal; LUTTE DES CaBTHAGINOIS ET
DES Romains en Italie jusqu'au
MOMENT ou Syracuse et une par-
tie DE la Sicile abandonnent l'al-
LIANGS DBS ROMAINS ; 215 AYANT
Digitized by VjOOQIC
66
l/tJNIVERS.
NOTBE ÈBB. —Maître de Capoue, An-
nibal se prépara à de nouvelles expé-
ditions. MaislesRomainsIui opposèrent
un général qui, par son activité, l'ar-
rêta dans presque toutes ses entrepri-
ses ; c'était MàreeWus^répée de Rome,
Toutefois, Maroelius ne put empêcher
Annibal de mettre le siège devant Ca-
lilin. Ce siège traînait en longueur,
lorsaue le chef carthaginois le convertit
en blocus, «t revint à Capoue pour y
prendre ses quartiers d'hiver. Ses sol-
dats ne s'amoUirent point alors ,comme
on l'a prétendu, dans uQe funeste oi-
siveté, ^r, dans les premiers jours du
printemps, ils se reportèrent avec une
iu>uvelle ardeur devant Casilirf , qu'ils
forcèrent à capituler à la vue de deux
armées romaines. Mais Annibal, qui
ne recevait point de Carthage des se-
cours suffisants, voyait ses forces dé-
croître de jour en jour. Les Romains,
au contraire Y faisaient les plus grands
sacrifices; ils ordonnaient de nouvelles
levées et augmentaient sans cesse le
nombre de leurs soldats. Ils prescri-
vaient en même temps à Marcellus et
à leurs autres généraux de n'agir
qu'avec une extrême prudence. Anni-
bal ne pouvant se maintenir dans l'Ita-
lie centrale , se dirigea vers le Brutium ,
où il devint maître de Pétille , de Co-
sentia, de Crotone et de Locres, qui
refusaient de s'allier aux Carthaginois.
Alors il revint dans les provinces ^ui
avoisinent Rome, et il mit le siège
<tevant Cumes. Repoussé avec perte,
il s'éloigna de nouveau et entra en
Lucanie, où il prit ses quartiers d'hi-
^rer. Au printenips, il s'empressa d'ac-
courir au secours de Capoue, mais il
éprouva sur tous les pomts une vive
résistance; et bientôt la défaite de son
lieutenant Hannon , qui , dans un com-
bat contre l'armée de Gracchus , perdit
seize mille hommes, lui enleva pour
toujours l'espoir de se maintenir dans
l'Italie centrale.
Annibal fait alliance aysg
Philippe be Macédoine; traits
BNTBB le GBNÉBAL CABTHA6IN0I8
BT LE SOI DE MAGÉDOINB; 215 AYANT
KOTBB EBB. — PHvé deS fiCQOUfg qd'll
attendait de Carthage et de l'Espagne,
Annibal tourna ses regards vers la
Grèce. Il s'adressa à Philippe, roi de
Macédoine, qui, craignant la politique
ambitieuse dçsRomams, n'hésita point
à faire alliance avec le général cartha-
ginois. Polybe nous a conservé le traité
qui fut conclu alors entre Annibal et le
roi de Macédoine.
« Voici le traité qu'ont juré le géné-
« rai Annibal , Magon , Myrcal et Bar-
« mocal , tous les sénateurs qui sont
«auprès d'eux et tous les Carthagï-
« nois «qui sont dans l'armée , avec
« Xénopnane , fils de Cléomaque d'A-
« thènes, envoyé comme ambassadeur
« auprès de nous par Philippe, fils de
«Demétrius, pour lui, les Macédo-.
« niens et leurs alliés.
« Ce traité a été juré en présence de
« Jupiter, de Junon et d'Apollon; en
« présence du génie de Carthage, d'Her-
«cule et d'Iolaûs; en présence de
tt Mars, de Triton , de Neptune et des
« dieux qui combattent avec nous ; en
« présence du soleil , de la lune , de la
« terre, des fleuves, des prairies et des
« eaux; en présence de tous les dieux
«qui protègent Carthage; enfin de
« tous ceux qui protègent la Macédoine
« et le reste de la Grèce , et devant
« tous les dieux qui président à la
« guerre , et sont témoins de ce ser-
« ment.
« Le général Annibal , tous les sé-
« nateurs de Carthage qui sont auprès
« de lui , et tous les Carthaginois qui
« sont dans son armée , avec l'assenti-
« ment des nôtres et des vôtres , nous
« nous jurons alliance d'amitié et de
a paix , comme amis , comme compa-
« gnons et comme frères aux condi-
« lions suivantes :
«Le roi Philippe, les Macédoniens
« et les autres Grecs leurs alliés , prê-
« teront assistance et secours au peu-
«ple carthaginois, au général Anni-
« bal, à tous ceux qui l'accompagnent,
« aux sujets de Carthage qui reconnais-
« sent ses lois,. aux habitants d'Utique,
«aux villes et peuples soumis aux
« Carthaginois , à l'armée , aux aUiés ,
. « à toutes les villes et à tous les ^u-
« pies avec lesquels nous sommes b'és
« en Italie, en Gaule et en Ligurie, et
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
B7
« avec lesquels nous pourrions encore
« contracter dans ces pays des relations
« amicales et des alliances.
« Assistance et paix seront aussi ac-
« cordées au roi Philippe et aux autres
« Grecs alliés, par les Carthaginois,
« les habitants d*Utique , toutes les
« villes et tous les peuples soumis à
« Carthage, leurs alliés et soldats,
« et par Tes villes et peuples qui, en
« Italie , en Gaule et en Ligurie, sont
« ou pourraient devenir nos alliés.
« Réciproquement nous ne nous ten-
« drons pas de pièges ou d'embûches.
« Vous serez ennemis des ennemis de
« Garthage ; nous exceptons de ces en-
« nemis les rois , villes et peuples avec
« lesquels vous entretenez des alliances.
« De même nous serons ennemis des
« ennemis du roi Philippe, en excep-
« tant toutefois les rois, villes et peu-
« pies avec lesquels nous avons con-
« tracté des alliances. Vous serez aussi
« nos alliés dans la guerre contre les .
« Romains , jusqu'à ce que les dieux
« nous donnent ainsi qu'à vous la paix.
« Vous viendrez à notre secours, quand
« il sera nécessaire, et selon que nous
« en conviendrons. Si les dieux vous
« favorisent , ainsi que nous , dans la
« guerre contre les Romains , et que
« ceux-ci viennent à demander la paix ,
« nous la ferons de manière que vous
« y soyez aussi compris. Il ne leur
A sera pas permis d'entreprendre une
« guerre contre vous. Les habitants de
«Corcyre, d'Apollonie, d'Épidamne,
« dePharos,deDimalle, lesParthiniens
« eties Atintanes ne pourront être sous
« la domination romaine. Ils rendront
« aussi à Démétrius de Pharos tous les
« hommes de sa nation qui sont sur
« leur territoire. Mais si les Romains
« venaient à nous attaquer l'un ou l'an-
« tre , nous nous assisterions comme
« les circonstances l'exigeraient ; il en
« serait de même si d'autres nous fai-
« saient la guerre , en exceptant tou-
« jours du nombre de nos ennemis les
« rois, villes et peuples avec lesquels
< nous vivons en alliance.
R En6n , si nous jugions à propos
« de retrancher ou d'ajouter ouelôue'
c ebos« a ce traité, il nous sera kiaR>ke
« de le foire d'un commun accord (*). »
Continuation de la guebbe bu
Italie jusqu'à la bataille i>a
Métauke, in 207 avant notre
ÈRE. — Rejeté dans l'Italie méridio-
nale , Annibal se vit contraint de sou*
tenir sans interruption , dans l'Apulie ,
la Lucanie et le Brutium , une lutte
acharnée contre les armées romaines.
La révolte de plusieurs villes de la Si-
cile, et notamment de Syracuse, qui
s'étaient déclarées pour Carthage, le
délivra un instant de Marcellus qu'il
comptait parmi ses plus redoutables
adversaires. Cependant Rome ne ces*
sait point de lui opposer ses meilieuret
légions et ses plus habiles généraux»
En 213, il eut à soutenir les efforts
de deux armées consulaires. Celle
de ces armées où se trouvait en qu»*
lité de lieutenant Fabius, le bouclier dé
(*) Tite-Live parle aussi du traité qui fût
lait entre Ajinibal et Philippe , roi de Ma*
cédoine; il dit : «Le traité fût conclu aux
« conditions suivantes : que le roi Hùlippe^
« avec une flotte irè»Kx>nsidérri>le (il pôii»
«vait réunir deux cents vaisseauji), passe»
« nût ea Italie et ravagerait les côtes; qu'il
•i ferait la guerre de son côté sur terre et sur,
K mer ; qu'au moment où elle serait term|-
« née , toute l'iulie et la ville de Rome ap^
« partiendraieat à Annibal et aux Gartha-
« ginois ainsi que la totalité du butin. Mais
« une fois la conquête de Tltalie achevée ,
« les Carthaginois à leur tour s'engageaient
« à se porter sur la Grèce, et à faire Ui
4c guerre aux rois ennemis de Philippe. Les
« villes de la Grèce et les Iles qui avoisi*
•( nent la Macédoine devaÎHit être rattachée!
« au royaume de Philippe. TeHes furent à
m peu près , ajoute Tiie-Iive , les clauses duk
ft traité conclu entre le générai carthaginoia .
« et les députés macédoniens » ( Tite«
Live , XXIII , 33). La version de Polybe qui
a été admise jusqu'ici comme authentique
diffère en plusieurs points de celle de Tite-^
Live. Pourquoi Thislorien latin fait-il inter-
venir, dans les conditions du traité , ce par-
tage qui doit donner un jour Rome et Vltàïm
aux Carthaginois et la Grèce entière à Phi*
lippe ? Cest qu'il a cru peut-être qu'e« n*
courant à Texagération il ferait mieux seattt
à ses contemporains la grandeur du dtngiet
qui menaçait Rome et lltalii à féêtmm de
r«xpéditf«a d'ÀBoibal.
Digitized by VnOOÇlC
sa
L'UNIVERS.
Rome, obtint sur Annibal quelques
avantages; mais, l'année suivante, le
général carthaginois fit d'importantes
conquêtes , et il se rendit mattre de
Tarente , de Sybaris et de Métaponte.
Il profitait des moindres fautes de ses
çnnemis, et plusieurs généraux ro-
mains expièrent cruellement leur im-
prudence. Dans une seule rencontre
il tua quinze mille soldats aux Ro-
mains qui , sous la conduite de CentCr
m'us Penuia , s'étaient engagés témé-
rairement dans la Lucanie. En 211 ,
Annibal accourut avec son armée au
secours de Capoue. Cette ville, qui
était restée si fidèle à Talliance cartha-
ginoise , était alors assiégée par deux
armées romaines. Annibal, désespé-
rant de faire lever le siège , essaya , par
une audacieuse diversion, d'attirer
sur lui tous les efforts des ennemis. Il
marcha sur Rome, et il déploya ses en-
seignes près de la porte ColUne. Mais il
ne tarda pas à comprendre qu'avec des
troupes peu nombreuses et épuisées par
de longues fatigues et des combats sans
cesse renouvelés, sa tentative ne devait
point avoir de résultats. Alors il rétro-
grada et regagna le Brutium. Cepen-
dant les Romains pressent le siège de Ca-
poue et ils entrent enfin dans cette ville
où ils exercent dé terribles vengeances.
Pendant les années 210, 209 et 208, la
lutte entre les Carthaginois et les Ro-
mains se continue dans les provinces
de l'Italie méridionale. Fabius et Mar-
cellus reparaissent à la tête des légions.
Fabius, en 209, enlève Tarente aux
Carthaginois; mais. Tannée suivante,
Rome éprouve une grande perte. Mar-
cellus , qui a été nommé consul , est
tué dans un combat oiï succombent
avec lui Crispinus , son collègue , et les
principaux officiers de l'armée ro-
maine.
Événements de la deuxième
GUEBBE PUNIQUE EN AfHTQUE , EN
Sicile et en Sabdaigne; 219-207
AVANT NOTEE ÈRE. — Au Commence-
ment de la deuxième guerre punique,
Sempronius s'était emparé de l'île de
Malte ; mais il n'avait point essayé d'at-
laquer les Carthaginois sur leur propre
territoire. Servilius, qui avait tenté une
descente en Afrique , avait été rejpoussé
avec perte; et depuis lors, jusqu^à
l'arrivée de Scipion en 204 , Carthage
n'eut pas besoin de rassembler des sol-
dats pour défendre ses murailles contre
les attaques des armées romaines. Il
est vrai qu'en 213 , S}»phax , roi d'une
f»artie de la Numidie , se déclara pour
es Romains ; mais il en coûta peu aux
Carthaginois pour combattre ce nou-
vel ennemi. Ils reçurent dans leur al-
liance G ula, chef d'une autre partie
de la ISumidie , qui les aida puissam-
ment à refouler Syphax et les siens
jusque dans la Mauritanie Tingitane.
Ainsi, pendant quinze ans, Carthage
f)ut disposer de toutes ses forces pour
utter contre Rome , en Espagne , en
Sardaiçne , en Sicile et en Italie.
Carthage , en effet , ne songeait point
seulement à combattre les armées ro-
maines qui se trouvaient en Espagne
et en Italie , elle voulait encore ressai-
sir les provinces que les guerres précé-
dentes lui avaient enlevées , et rolever
en Sardaigné «et en Sicile ses anciens
établissements. Après la bataille de
Cannes, au commencement de l'année
215, elle envova en Sardaigné une ar-
mée considérable, sous le commande-
ment d'Asdrubal. Mais bientôt ses
espérances s'évanouirent; l'armée de
Sardaigné fut anéantie, et Asdrubal
fut conduit à Rome à la suite du triom-
phateur.
Mais c'était principalement sur la
Sicile que s'était portée l'attention des
Carthaginois. Dans les premières an-
nées de la guerre , ils avaient équipé
une flotte nombreuse pour faire une
descente dans l'île; mais cette flotte,
comme nous l'avons dit plus haut,
avait été détruite près de Lilybée, par
le préteur ^Emilius. Une perte aussi
considérable fut loin d'enlever tout
espoir aux Carthaginois; ils entretin-
rent dans la Sicile des émissaires , qui
excitaient la population à se révolter
contre les Romains. Puis, ils équi-
pèrent encore de nombreux vaisseaux ;
et , peu de temps après la bataille de
Cannes, le propréteur T. Otacilius écri-
vit au sénat : « Les États d'Hiéron sont
« dévastés par une flotte carthaginoise.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAOEt
« Au moment oà, sur les instances de
« ce roi , je me disposais à lui porter
«secours, on est venu m'apprendre
« qu*une autre flotte ennemie se tenait
«vers les îles Egates, toute préie,
« dès qu'on me saurait parti pour pro-
« téger la côte de Syracuse , à fondre
« sur Lilybée et sur les autres villes
«de la province romaine. Envoyez
« donc des vaisseaux , ^i vous voulez
« défendre Hiéron votre allié , et vos
« possessions de la Sicile. » Quand
Hiéron, oui avait été pendant cinquante
ans le fidèle allié des Romains , mou-
rut et laissa sa royauté de Syracuse à
son petit-fils Hiéronyme, un grand
changement se fit en Sicile. La rébel-
lion fomentée par les Carthaginois
éclata , et près de soixante et dix villes
se soulevèrent contre les Romains.
Marcellus fut alors envoyé pour assié-
ger Syracuse. Les Carthaginois, de
leur côté, firent les plus grands efforts
pour soutenir les Siciliens qui avaient
embrassé leur parti. Bomilcar, Himil-
con , Hannon et Mutine luttèrent sou-
vent avec succès contre les armées ro-
maines. La prise de Syracuse, par
Marcellus, ne termina point la guerre;
les Carthaginois se maintinrent sur
tous les pomts ; et , pendant plusieurs
années, ils obtinrent sur leurs enne-
mis d'importants avantages. Une trahi-
son rendit inutiles ces longs efforts de
Carthage. Mutine livra Agrigente aux
Romains, qui ne tardèrent point à
rentrer en maîtres dans les autres
villes. C'était en Tannée 210; dès lors,
les Carthaginois abandonnèrent pour
toujours la Sicile qu'ils disputaient
aux Romains depuis si longtemps.
Événements de là deuxième
gubbbe punique en espagne de-
PUIS LE DÉPABT d'AnNIBÀL JUS-
QU'AU MOMENT OU ASDBUBAL PÉ-
ifÈTBE EN Italie ; 219-207 avant no-
tée ÈBE. — Dans les premiers temps
de la guerre, Publius Cornélius Scipion
avait été envoyé en Espagne pour pré-
venir les projets d'Annibal. Il se ren-
dait auiposte gui lui avait été assigné,
lorsqu'il apprit que le général cartha-
ginois, après avoir franchi les Pyré-
nées, traversait la Gaule et se diri-
geaitversrita1i6.Il avait essayé, comme
nous Tavons dit, d'engager un combat
sur les bords du Rhône ; mais son en-
nemi lui avait échappé, et Scipion
n'avait revu Annibal que sur les bords
du Tésin. Toutefois, Cnéus Scipion,
le frère du consul, avait continué sa
route vers l'Espagne avec une armée
nombreuse. Il avait à peine opéré son
débarquement à Emportes qu'il vain-
quit pannon, et se rendit maître de
toutes les contrées qui se trouvent
comprises entre l'Èbre et les Pyrénées.
L'année suivante (217), Asdrubal lui-
même fut vaincu , et Cnéus Scipion ,
après avoir traversé l'Èbre, parcourut,
avec son armée victorieuse, toute la
côte jusqu'aux colonnes d'Hercule. Les
Carthagmois éprouvèrent alors en Es-
pagne des revers multipliés. Ils avaient
a combattre tout à la fois et l'armée
i\es Scipions (*) , et les indigènes qui
se déclaraient pour les Romains. As-
drubal avait déjà perdu la meilleure
partie de ses forces lorsqu'il reçut ordre
du sénat de Carthage, après la bataille
de Cannes , de remettre le gouverne-
ment de l'Espagne à Himilcon , et de
partir avec son armée pour rejoindre
Annibal en Italie. Il se mit en marche;
arrivé au bord de l'Èbre, il rencontra
l'armée romaine qui s'opposait à son
passage. Asdrubal livra bataille, fut
vaincu et rejeté en Espagne. Quand la
nouvelle en vint à Rome, par une
lettre des Scipions, la joie fut univer-
selle. On sentait toute l'importance de
cette victoire qui empêchait Asdrubal
de passer' en Italie. Carthage envoya
des renforts à ses armées d^spagne ;
mais les deux Scipions, Publius et
Cnéus , ne cessèrent point de vaincre.
Ils livrèrent deux grandes batailles
sous les murs d'Illiturgi et d'Intibili,
où ils firent éprouver aux Carthagi-
nois des pertes considérables. Ces der-
niers succès eurent un immense ré-
sultat , car , suivant la remarque de
Tite-Live, presque tous les peuples de
l'Espagne se déclarèrent alors pour les
Romains.
(*) Publius était venu rejoindre son frère
et lui avait amené trente vaisseaux et huit
mille soldats.
Digitized by
Google
90
L'UNIVERS.
Les Carthaginois ne furent point
découragés partant de revers, et ils
firent les plus grands efforts pour sou*
tenir en Espagne les armées que com*
mandaient alors Gisoon, Magon et
Asdrubal. Cependant, chaque année
amenait pour eux de nouveaux désas-
tres : en 214 , ils furent vaincus dans
quatre batailles, à Illiturgi, à Bigerra,
a Munda et à Auringe. « Après cette
«brillante campagne, dit Tite-Live,
« les Romains éprouvèrent un senti-
« ment de honte en songeant que Sa-
« gonte était depuis huit ans au pouvoir
« de leurs ennemis. Ils chassèrent de
« la ville la garnison carthaginoise, et
« y rappelèrent ceux des anciens ha-
« bitants qui avaient échappé aux mal-
• « heurs de la guerre. » Par un brusque
changement, la fortune devint bien-
tôt contraire aux Romains. Les deux
Scipions qui, tant de fois, avaient été
vainqueurs, périrent avec une partie
de leur armée. Rome était sur le point
de perdre en Espagne le fruit de ses
nombreux succès, lorsqu'elle envoya
dans cette province le fils de Publius,
pour commander les légions. Le jeune
Scipion se dirigea vers TEspagne avec
trente galères et dix mille hommes. Il
joignit ces dix mille hommes aux trou-
pes ç|ue Néron avait amenées Tannée
précédente, et aux débris de Tarmée qui
avait combattu si gl<èrieusement sous
les ordres de son père et de son oncle,
Scipion illustra bientôt son comman-
dement par une action d'éclat : il se
porta sur Carthagène ^ qu'il prit d'as-
saut après un combat qui n'avait duré
que quelques heures* Dans cette ville
réputée inexpugnable, les Carthaginois
avaient déposé l'argent et les appro-
visionnements qui servaient à la solde
et à l'entretien de leurs aroiées. Au
reste , pour se faire une idée de Tim-
mensite des pertes que firent alors les
Carthaginois, il suffit de lire dans Tite-
Live l'énumération suivante : « On
• « s^empara d'une prodigieuse quantité
« de machines de guerre : c'étaient cent
« vingt catapultes de la première gran-
«deur, deux cent quatre-vingts de
« grandeur moyenne , vingt-trois gran-
n des balistes, cinquante-deux petites,
« un nombre considérable de scorpions
« grands et petits , d'armes offensives
« et défensives; on prit aussi soixanto-
« quatorze drapeaux. On porta au gé-
« néral une grande quantité d'pr et
«d'argent, deux cent soixante-seize
« coupes d'or, presque toutes du poids
« d'une livre, aix-huit mille trois cents
« livres d'argent monnayé et ciselé, et
« beaucoup de vases du même métal.
« Tous ces objets furent comptés et
« pesés devant le questeur Caius Fia-
« minius ; on trouva encore quarante
« mille boisseaux de froment et deux
« cent soixante-dix mille boisseaux d'or-
« ge. Soixante-trois vaisseaux furent
« pris dans le port; parmi ces vaisseaux
« il y en avait plusieurs qui étaient
« chargés de blé, d'armes, de cuivre,
«de fer, de voiles, de cordages, et
« d'autres agrès nécessaires à l'èquipe-
« ment d'une flotte. » La prise de Car-
thagène et la politique de Scipion qui ,
par des actes de clémence et de mo-
dération , savait sagner aux Romains
les populations indigènes, portèrent en
Espagneun coup mortel à la domination
carthaginoise. Toutefois, au moment
même oh Carthage venait d'éprouver
de si grandes pertes , Asdrubal , par
un dernier effort, mit à exécution le
projet qu'il avait conçu depuis long-
temps. Il passa l'Èbre, entra dans les
Gaules par les Pyrénées , et après avoir
franchi les Alpes , il pénétra enfin en
Italie.
Asdrubal bn Italie; bataills
SUR LES BORDS DU MÉTAURE; L'AB-
MÉB D'ASDRUBAL est EXTERMINÉS;
AWTflBAL CONCENTRE TOUTES SES
FORGES DANS LE BRUTIUM; 307
AYANT NOTRE ÈR?. — Asdrubal com-
mit une grande faute en s'arrétant dans
la Cisalpine et en mettant le siège de-
vant Plaisance. Rome eut le temps de
faire de nouvelles levées et d'organiser
deux armées pour résister aux enne-
mis gui la menaçaient au nord c^
au midi. Asdrubal s'aperçut enfin de
sa faute , et il essaya de la réparer en
se hâtant de traverser l'Italie pour re-
joindre Annibal. Mais arrivé en On»-
brie, il rencontra le consul Livius sur
les bords du Métaure. Néron , que Rome
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
91
avaU opposé à Annibal, connaissait
depuis longtemps, par des lettres in-
terceptées, les plans d*Asdrubal. Il
avait confié son armée à un de ses lieu-
tenants , et il était venu dans le camp
de son collègue Livius avec quelques
troupes d'élite. Une bataille sanglante
fut livrée sur les bords du Métaure.
Asdrubal y perdit la vie, et son armée
tout entière fut exterminée. Alors Né-
ron revint dans son camp; il portait
avec lui la tête d'Asdrubal, qu'il fit
jeter dai^s les retranchements d'Anni-
bal. On dit qu*à là vue de cette tête,
Annibal s'écria : « Je reconnais la for-
tune de Carthage. » En effet, tout es-
fioir de triompher des Romains en Italie
ui était désormais enlevé. C'est pour-
quoi il partit aussitôtdeCanouse, et,
rassemblant les troupes qui lui res-
taient, il concentra toutes ses forces
dans le Brutium, à l'extrémité de
l'Italie.
Fin de ll deuxième guebbb pv-
wiQUE EN Espagne, depuis le dé-
part d'Asdrubal jusqu'à la pbise
deGades; 209-205 avant notre ère.
— La prise de Carthagène et le départ
d'Asdrubal avaient livré aux Romains
toute l'Espagne citérieure ou Tarrago-
naise. Magon et Giscon, avec les débris
des armées carthaginoises, se mainte-
naient, il est vrai, dans la Bétique ; mais
Scipîon vint encore les attadlier dans ce
dernier asile. Ce fut en vam que Car-
thage envoya alors à ses généraux de
nouvelles troupes commandées par
Hannon ; elle perdit sa dernière armée
dans une grande bataille livrée sur les
confins de la Bétique, et bientôt elle
ne posséda plus, dans la Péninsule,
que la ville de Gades. Le roi Massi-
nissa , qui jusqu'alors était resté fidèla
aux Carthaginois, et qui le» avait puis*
samment ardés dans les guerres a'Ës*
pagne, passa aux Romains avec ses
Ii^umides. Scipion, de son côté, se
rendit en Afnque auprès de Sypbax,
qu'il ga^a à ralli.7nce de Rome, et il
réunit ainsi contre Carthage les rois
des deux Numidies. Enfin la prise de
Gades, qui suivit de près ces événe*
nients, maça PEspagne tout entière
soQS k aouiiMition rMneine.
Fin DE LA DEUXIÈME 6UEBBE PUNI*
QUE EN Italie, DEPUIS la bataille
DU MÉTAURE jusqu'au DEPABT D'AN-
nibal; 207-203 avant notre ère.
— Depuis l'instant oii la mort de son
frère Asdrubal avait fait évanouir ses
plus belles espérances , Annibal , comme
nous l'avons dit , avait concentré toutes
ses forces dans le Brutium. A force
d'expédients, d'habileté et décourage,
il se maintenait dans cette position
contre tous les généraux romains. Ce*
pendant les armées que Rome lui op-
posait lui enlevaient chaque ^ur
quelques-unes des villes qui avaient
embrassé son parti, et le refoulaient
peu à peu à l'extrémité de l'Italie. Au
montent même où Carthage venait de
perdre l'Espagne, il put espérer un
instant de reprendre l'offensive et de
reporter la guerre sur un théâtre plus
digne de lui. Il apprit que Magon, son
frère, avait débarqué en Ligurie avec
une armée, et qu'il se préparait à mar-
cher sur ses traces en traversant l'Ita-
lie; mais cette fois encore Annibal fui
déçu dans ses espérances. Magon , après
quelques succès, fut vaincu avec les
Gaulois ses alliés. Ce fut alors qat
Carthage, pressée en Afrique par les
Romains, appela à son aide Magon et
Annibal.
Les Romains portent la guerre
EN Afrique; expéditions de Va*
LBRIUS LiSYINUS ET DE L^CLIUS ; SC f •
pion débarque en Afrique ayeg
UNE aruéb romaine; ses premiers
SUCCES ; 207 - 204 AYANT MOTRB
ERE. — Après la bataille du Mé*
taure, les Romains avaient essayé de
porter la guerre sur le territoire de
Carthage. Dès l'année 207, Valérius
Laevinus avait débarqué en Afrique,
et il avait poussé ses ravages juscpie
sous les murs d'Utique. Là se termina
son expéditioR. A son retour, il ren*
contra une flotte carthaginoise, la
battit et lui fit éprouver de grandes
pertes* Scipion , des son arrivée en Si*
cile, avait envoyé Laeirus pour recon*
naître et pilier les côtes de l'Afrique.
Lui-même, ajurès avoir obtenu l'adlié^
fiion du sénat, ne tarda pas à vmm
«m lieutenant Avdnt son ëépaH« il
Digitized by
Google
91
L'UNIVERS.
avait fondé de g;rande8 espérances sur
ralliance qui unissait Sypnax aux Ro-
n)9ins; mais il apprit bientôt qu*As-
drubal , en donnant sa fille Sopiionisbe
à Sypbax, avait entraîné ce roi des
Numides dans le parti des Carthagi-
nois. D'autre part, Massinissa, qui
était resté fidèle à Rome, avait perdu
ses États. Ces fâcheuses nouvelles ne
purent arrêter Scipion. Il débarqua
avec trente mille hommes, et, à son
arrivée, il rencontra Massinissa qui
amenait avec lui deux cents cavaliers.
Quand les Romains touchèrent le sol
oe l'Afrique , une terreur profonde se
répandit à Carthage et dans toutes les
villes voisines. Les Carthaginois, dans
leur im|)révoyance, n'avaient point
sonçé à rassembler une armée. Ils or-
Sanisèrent à la hâte quelques troupes
e cavaliers qui furent battues par
les Romains. Ce ne fut aue lorsque
les premières craintes se aissipèrent,
et au moment où Scipion s'arrêta vers
Utique, (|iie les Carthaginois firent les
préparatifs nécessaires pour arrêter
l'invasion.
Scipion assiège Utique; il sue-
FBENB ASBBUBÀL ET SyPHÀX; IL
MET LE FEU AUX CAMPS BES CABTHA*
ginois et bes numibbs; quabants
mille hommes pbbissent bans
l'incenbie; l'abméb b'Asbbubal
est aneantie bans une bataille;
203 AVANT NOTEE BBE. — Lcs Car-
thaginois avaient enfin levé une armée,
et Syphax avait embrassé sincèrement
leur alliance. Asdrubal s'avança alors
avec des forces considérables contre
Scipion, qui avait mis le siège devant
Utique. L'armée carthaginoise s'arrêta
non loin des retranchements romains ,
et se partagea en deux camps. Dans
celui a' Asdrubal , on comptait trente
mille hommes de pied et trois mille
chevaux, et dans celui des Numides,
que commandait Syphax, dix mille
chevaux et cinquante mille hommes
d'infanterie. Les deux camps étaient
séparés par un espace de dix stades.
Scipion, qui envoyait fréquemment
des émissaires à Syphax pour le ra-
mener à l'alliance romaine, apprit
bientôt que dans le camp des Cartha-
f;inois , comme dans celui des Numides ,
es soldats étaient logés dans des ca-
banes faites de planches, de branches
d'arbres et de joncs. II conçut alors un
hardi projet. Tant que dura l'hiver, il
ne cessa point d'envoyer à Syphax des
messagers qui semblaient préparer, par
l'intermédiaire du roi des Numides,
un traité de paix entre les Romains et
les Carthaginois. Ces négociations sans
cesse renouvelées donnaient à Asdru-
bal et aux autres chefs de son armée
une sécurité trompeuse et endormaient
leur vigilance. Au retour du printemps,
Scipion , par une attaque simulée , sem-
bla porter toutes ses forces vers Uti-
que. Asdrubal et Syphax étaient loia
alors de soupçonner les véritables pro-
jets du général romain. Un soir, Sci-
pion donna ordre à ses tribuns de
faire prendre les armes aux soldats.
Quand ils furent prêts à marcher, il se
mit à leur tête, et s'avança vers le
camp des Carthaginois, qui*était éloi-
gné du sien, dit Polybe, de soixante
stades. Il arriva aux retranchements
ennemis vers la fin de la troisième
veille. Il avait partagé son armée en
deux corps. Lœlius et Massinissa se
portèrent sur le camp des Numides et
ils mirent le feu aux premières cabanes.
L'incendie se propagea avec une ef-
frayante rapidité, et Bientôt toutes les
cabanes des Numides furent la proie
des flammes. Massinissa gardait les
issues, et presque tous ceux qui es-
sayèrent d'échapper au feu furent mas-
sacrés. Scipion, de son côté, porta
l'incendie et le massacre dans le camp
des Carthaginois. Asdrubal et Syphax
parvinrent, il est vrai, à s'échapper,
mais, dans cette nuit désastreuse, ils
avaient fait des pertes considérables.
Quarante mille hommes avaient perdu
la vie et cinq mille étaient tombés au
pouvoir des Romains. A la nouvelle
de l'incendie des deux camps, les Car-
thaginois furent plongés dans la cons-
ternation. Les sénateurs s'assemblèrent
pour délibérer. Après de vives discus-
sions, il fut décidé qu'une nouvelle
armée se mettrait en campagne sous la
conduite d'Asdrubal. On fit des levées;
on soudoya quatre mille Celtibériens*
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
91
et Sypbax ne tarda point à donner au
général carthaginois le secours de ses
Fumides. Asdrubal avait réuni environ
. trente mille hommes, lorsqu'il fut en-
core atta(}ué par les Romains. Au
moment ou Scipion avait appris que les
Carthaginois rassemblaient de nou-
velles forces, il avait abandonné le
siège d*Utique pour aller combattre
Asdrubal. Après cinq jours de marche,
il était arrivé dans un lieu que Polybe
appelle les Grandes-Plaines, C/est là
que fut livrée une bataille qui enleva à
Carthage sa dernière armée et ses der-
nières ressources.
DÉLIBÉBÀTION DU SENAT GÀBTHA-
GlIfOIS ÂPBÈS LÀ BÀTAILLB DES
Gbandes-Plaines; Scipion s'em-
PABE DE Tunis; attaque dibigéb
CONTEE LA ÇLOTTE BOMAINE QUI
ASSIÉGEAIT UtIQUE*, LES CABTHAGI-
IfOIS ENVOIENT DES AMBASSADEUBS
A Rome; ânnibal débabque a Lep-
Tis; 203 ET 202 avant notbe èbe.
— Le résultat de la bataille des Gran-
des-Plaines porta la terreur dans Fâme
des Carthaginois et leur fit perdre toute
espérance. Les sénateurs décidèrent
alors qu'on fortifierait la ville, qu'on
ferait les préparatifs nécessaires pour
soutenir un siège, et qu'on rappellerait
d'Italie Magon et Annibal. Le danger
était pressant en effet; Scipion, met-
tant à profit sa victoire, s'avançait sur
Carthage, et déjà il était maître de
Tunis. Les Carthaginois essayèrent
alors une diversion ; ils envoyèrent des
vaisseaux pour attaquer la flotte ro-
maine qui assiégeait Utique, et ils
forcèrent Scipion à quitter Tunis et à
voler au secours d'une partie de son
armée. Après cette entreprise qui ne
leur réussit point, les Carthaginois,
privés des secours de Sypbax leur
allié, jqui était attac|ué dans ses pro-
pres États par Lœlius et Massinissa,
demandèrent une trêve à Sci|)ion, et
envoyèrent des ambassadeurs à Rome
pour demander la paix. Mais en cette
circonstance, comme en bien d'autres,
ils se montrèrent peu scrupuleux pour
remplir les engagements qu'ils avaient
bris ; ils s'emparèrent , à la faveur de
la trêve, d'un convoi de deux cents
navires qui apportaient de la Sicile les
provisions destinées à l'armée de Sci-
pion. Alors, sans doute, les Carthagi-
nois fondaient de grandes espérances
sur l'arrivée d'Annibal (*). Ce général,
en effet, avait obéi aux ordres du
sénat de Carthage, et il était parti
pour l'Afrique avec son armée. Mais
ce ne fut point sans une profonde dou-
leur, et les historiens anciens l'ont
attesté, qu'il abandonna cette Italie
dont il n'avait pas cessé de rêver la
conquête, et où il avait dépensé, pen-
dant quinze années, tant de courage
et de ^énie. Annibal aborda à Le()-
tis; puis il vint à Adrumète, où il nrit
quelques jours de repos, et de là il se
rendit à Zama.
Annibal et Scipion entbent en
confébence; batailledeZama(**).
202 ANS avant notbe èbe. — C'é-
tait sur les instances du sénat car-
thaginois qu'Annibal était venu cam-
per à Zama. Cependant l'armée ro-
maine se trouvait encore assez éloignée
de cette ville, qui est à cinq journées de
Carthage du coté du couchant. Bientôt
Annibal leva son camp , pour se rappro-
cher encoredesRomams.Déjà la bataille
entre le général carthaginois et Scipion
était inévitable, lorsque ces deux illus-
tres chefs se rendirent à une entrevue.
La conférence, comme il était facile de
le prévoir , n'eut aucun résultat , et l'on
se prépara au combat. Scipion rangea
ses troupes dans l'ordre suivant : il
mit les hastaires sur la première ligne,
(*) Magon de son côté avait qiiiué la Cisal-
pine et venait au secours de sa patrie lorsiqu'il
moiiriiteu mer, à la hauteur delà Sardaigne.
(*') Les écrivains modernes s'accordent
généralement pour donner à celte bataille
le nom de Zama: Cependant la bataille fut
iivrée loin de ceUe ville, entre Killa et Na-
ragara (Y. Tive- Live et Appien). Le théâ-
tre de l'action n'est point indiqué d'une
manière précise dans Polybe, mais il est fa-
cile de voir, par le récit de cet historien ,
que les Carthaginois et les Romains n'en
\inrent aux mains qu'à une assez grande
distance de Zama. Il faut ajouter que, sui-
vant Appien, il y eut à Zama, quelquei
jours avant la grande bataille, un combat
entre des cavaliers romains et carthaginois.
Digitized by VjOOQIC
94
L'UNIVERS.
et laissa des intervalles entre chaque
cohorte ; à la seconde ligne il plaça
les princes : les cohortes des princes
étaient posées non vis-à-vis des inter-
valles de la première ligne, comme cela
se pratique chez les Romains, mais les
unes derrière les autres avec des in-
tervalles entre elles , à cause des nom-
breux éléphants qui se trouvaient dans
l'armée ennemie. Les triaires for-
maient la réserve. Sur Taiie gauche
était Lœlius avec la cavalerie dltalie,
et, sur la droite, Massinissa avec ses
Numides. Scipion jeta des vélites dans
les intervalles de la première ligne , et
leur donna ordre de commencer le
combat, de manière pourtant que s'ils
étaient repoussés ou ne pouvaient sou-
tenir le dhoc des éléphants, ils se reti-
rassent, parles intervalles, derrière
l'armée. Annibal, de son côté, plaça
sur le front de son armée plus de qua-
tre-vingts éléphants ; les mercenaires ,
Liguriens, Gaulois, Baléares et Mau-
res, occupaient la première ligne; der-
rière eux, sur la seconde ligne, se
trouvaient les Africains et les Cartha-
ginois ; enfin à la troisième ligne , qui
était éloignée de la seconde de plus
d'un stade (*) ^ on voyait les troupes
qui avaient fait les guerres d'Italie.
Dans les deux armées , les Numides
commencèrent la bataille par des es-
carmouches. Ensuite Annibal fit avan-
cer les éléphants. L'infanterie romaine
eut beaucoup à souffrir de cette atta-
que , mais les éléphants se retirèrent
j^r les intervalles que Sdpion avait
ménagés sur sa triple ligne, et, à coups
de traits, on les chassa hors du champ
de bataille. Alors Lœlius et Massinissa
se précipitèrent sur les corps de cava-
lerie qui leur étaient opposés, et les
(*) Tous ces détails sont empruntés k
Polybe. La narration d'Appien est très-cir-
constanciée , mais elle est remplie d'un foule
de traditions mensongères. Nous devons
dire aussi , qu'en ce qui concerne les der-
niers éfénements de la deuxième guerre
punique, Appien est souvent en contradic-
tion avec Polybe et Tite-Live. Pour le récit
«le la bataille de Zama nous avons donc pré-
léré Polybe à Tbiftorida dexatidrin.
mirent en déroute. Cependant l'in&u-
terie s'était abordée. Les soldats sou-
doyés par Carthage se battirent d'abord
avec un grand courage ; mais voyant
que la secoode ligne restait immobile '
et ne venait point à leur secours , ils
lâchèrent pied et se précipitèrent sur
les Africains et les Carthaginois. La
seconde ligne d' Annibal , attaquée tout
à la fois par les mercenaires et les Ro-
mains , fut taillée en pièces. Le géné-
ral carthaginois ne voulut pas que les
fuyards vinssent se mêler aux soldats
qui lui restaient : il ordonna au pre*
mier rang de la troisième ligne de leur
présenter la pique, ce qui les obligea
de se retirer le long des ailes dans la
plaine. Scipion se porta alors avec
toute soû infenterie , hastaires , prin-
ces et triaires réunis, sur la troisième
ligne d'Annibal. Le combat fut long
et acharné, et la victoire était encore
indécise, lors<|ue Lœlius et Massinis-
sa, qui revenaient de la poursuite, se
jetèrent, par derrière , sur l'infanterie
carthaginoise et en firent un grand
carnage. Ce fut ainsi que se termina
la bataille. Les Romains perdirent dans
cette mémorable journée plus de quinze
cents hommes; mais, du côté des Gai^
thaginois, vingt mille soldats restèrent
sur la place et vingt mille furent faits
prisonniers. Après cette terrible dé<^
faite , Annibal se sauva en toute hftte
à Adrumète (*)^
(*) Folard , dans le commentaire qui ac-
compagne le récit de Polybe sur la baiaille
de Zama, a jugé peut-être Annibal aveo
trop de sévérité. Après avoir essayé de dé»
montrer, par une longue série d'argument^
que kl oonduite du général carthaginois^
avant et pendant la bataille, ne répondit
point à sa réputation de prudence et à%%*
bileté, il ajoute : « Polybe, Tite-Iâve^ et un
« grand nombre d^auteurs fort éclairés parmi
« les modernes , ne peuvent s'empêcher
« d'admirer la merveilleuse disposition d'An-
ce nibal dans cette bataille : passe pour Tite-
« Live et pour ces derniers ; ils n'ont pas
« cru devoir se morfondre à faire l'analyse
« de ces deux ordres de bataille. Ils ont
« suivi le sentiment général , sans pénétrer
« plus loin ; mais que Polybe , qui était un
«homme judicieux » grand hittericAi e|
^ Digitizedby VjOOQIC
CARTHAGE.
f»
Avant la bataille, dit Polybe, non-
seulement l'Italie et TAfrique, mais
encore FEspagne , la Sicile et la Sar-
daigne étaient en suspens et suivaient
les événements avec une vive anxiété.
La victoire de Scipion mit lin aux in-
certitudes et rendit les Romains maî-
tres du n)onde.
\ Lbs Cabthaginois envoient des
AMBÀSSADEUBS À Scipion; béponse
DE Scipion ; délibébation du sé-
nat GABTHAGINOIS; LE SÉNAT ET
LE PEUPLE BOMÀIN APPBOUVENT LE
7BAITÉ DE PAIX CONCLU PÂB SCI-
PION ; FIN DE LA DEUXIÈME GUBBBE
PUNIQUE ; 202 ET 201 AVANT NOTBE
ÈBE. — Annibal s'était enfui d'abord
à Adrumète; puis, rappelé à Cartbage,
il était venu dans cette ville qu'il n'a-
vait point vue depuis trente-six ans. Il
conseilla alors aux Carthaginois de de-
« tout ensemble un excellent homme de
« guerre ; que Polybe , dis-je , soit le prê-
te mier qui ait été de ce sentiment , et qu'il
u ait donné le branle à celui de tous les
«t autres, voilà ce qui me surprend. Serail-
« ce en Yue de relever la gloire de Scipion
« qui était son ami, ou prévenu par les
« grandes actions d'Annibal , ou faute ds
« réflexion ?..... Pour peu qu'on ait de
m connaissance de la guerre , on verra qu'An-
ge nibal ne se surpass* jamais moins que
«dans cette bataille Quoiqu'il soit
o toujours dangereux d'être singimer dans
•I son opinion , et d'attaquer, comme j'ai
m fait, un sentiment généralement reçu, je
« ne puis que je ne dise que cet ordre de
M bataille est très-peu digue d'envie et de
K l'éloge de Scipion J'avoue qu'il n'y
« a qu une voix sur l'excellence de l'ordre
a de bataille adopté à Zama par Annibal ;
« mais ce ne doit pas être une raison pour
<c me soumettre à Vopiuiou de ces gens-là.
« Ils ont profondément examiné celte mo-
ite thode , dira-t-on , fort bien ; cela ne doit
« pas m'empècber d'examiner à mon tour
« et voir s'ils ne se sont pas trompés. Il est
« aisé de juger si la chose méritait d'êire
« examinée. Il n*y a rien qui doive empô-
* cher de reconnaître des fatites dans un
« homme extraordinaire, ainsi que dans un
« autre. Personne n'est exempt de fautes, et
« le plus parfait est celui qui en a le moins
« commis. Annibai peut être mis de ott
«Qooilire.»
mander la paix aux Romains. On en-
voya donc des ambassadeurs à Scipion ,
qui leur ordonna de se rendre à Tunis
où il conduisait son armée. Scipion
songea un instant à faire le siège de
Cartilage , et à terminer la guerre par
la ruine de cette ville. Mais bientôt,
craignant que , pendant les longueurs
du siège qu il méditait , un successeur
ne vînt lui enlever le fruit de ses nom-
breux succès et toute sa gloire , il ré-
solut d'accorder la paix aux Carthagi-
nois. Voici à quelles conditions il voulut
traiter :
a D'une part , les Carthaginois gar-
deront en Afrique toutes les places
qu'ils avaient avant la dernière guerre.,
ainsi que les terres , les esclaves et les
autres biens dont ils étaient en posses-
sion; à partir de la conclusion du
traité , il ne sera fait contre eux aucun
acte d'hostilité; ils continueront à
vivre suivant leurs lois et leurs cou-
tumes, et on ne leur imposera point de
garnisons.
« D'autre part , les Carthaginois res-
titueront aux Romains tout ce qu'ils
leur ont injustement enlevé pendant
les trêves; ils leur, remettront tous
les prisonniers de 'guerre et trans-
fuges qu'ils ont pris ou reçus; ils
abandonneront tous leurs longs vais-
seaux, a l'exception de dix galè-
res; ils livreront tous leurs élé-
phants ; ils ne feront aucune guerre ni
au dehors , ni au dedans de rAfriqtie
sans l'adhésion du peuple romain ; ils
rendront à Massinissa les maisons,
terres, villes et autres biens qui lui
ont appartenu ainsi qu'à ses ancêtres
(les Romains se rjéservaient de dést-
gner les pays où se trouvaient ces
iens de Massinissa) ; ils fourniront des
vivres à l'armée romaine pendant trois
mois; ils payeront la solde de cette ar-
mée jusqu'au moment où le sénat et le
peuple romain auront statué sur les
articles du traité; ils donneront dix
mille talents d'argent en cinquante ans,
en payant chaque année deux cents ta-
lents euboiques ; enlin , comme garan-
tie du traité, le consul «choisira cent
otages dans la jeunesse carthaginoise. «
i^and lai «mbaisaddiirs qui inient
Digitized by
Google
96
L'UNIVERS.
été envoyés à Tunis revinrent à Car-
thage, et firent connaître le résultat
de leur négociation , il y eut dans le
sénat une grande hésitation. Plusieurs
sénateurs étaient d'avis de rejeter les
conditions proposées; et parmi eux,
Giscon essaya par un discours de mo-
tiver son opinion. Il commençait à
parler lorsqueAnnibal s'élança vers lui
et l'arracha de son siège. Aussitôt de
violents murmures éclatèrent dans
l'assemblée. « Vous me pardonnerez ,
dit Annibal , si j'ai commis une faute
contre les usages. Tous savez que
sorti de ma patrie à l'âge de neuf
ans , je n'y suis revenu qu'après
trente-six ans d'absence. Veuillez donc
me pardonner la faute que j'ai com-
mise , et ne considérer que mes inten-
tions qui sont celles d'un bon citoyen. »
Annibal ajouta que rejeter, dans un
danger si pressant, la paix accordée
par Scipion , c*était vouloir la ruine de
Carthage. Il termina en disant : « Ne
délibérez point sur les articles , mais
recevez-les avec joie. Offrez des sacri-
fices aux dieux , et priez - les de faire
en sorte que le peuple romain ratifie
le traité que l'on nous propose. » Le
sénat se rendit à l'opinion d'Annibal ,
et fit partir des ambassadeurs pour
conclure la paix. Ces ambassadeurs se
dirijjèrent vers Scipion qui campait à
Tunis , et de là ils allèrent à Rome.
Introduits dans le sénat, Asdrubal
Hsedusy l'un d'eux , prit la parole et
implora la pitié des Romains. On leur
accorda la paix , et le traité conclu par
Scipion fut ratifié par le peuple et les
sénateurs. Alors, les ambassadeurs re-
vinrent en Afrique.
«Les Carthaginois, dit Tite-Live,
« livrèrent leurs vaisseaux de guerre ,
« leurs éléphants , les transfuges , les
« esclaves fugitifs et quatre mille pri-
« sonniers , parmi lesquels se trouva
« un sénateur, Q. Terentius CuUeo.
« Scipion fit conduire les vaisseaux en
« pleine mer pour y être brûlés ; ils
« formaient , suivant quelques histo-
« riens , un total de cinq cents bâti-
« ments à rames. L'aspect de cet em-
• brasement , qui tout à coup vint
« frapper les regards ^ causa aux Car-
« thaginois une douleur aussi profonde
« que s'ils avaient vu l'incenclie même
<c de Carthage. » Quand il fallut faire*
le premier payement des contributions,
les sénateurs carthaginois manifes-
tèrent une vive affliction , et plusieurs
d'entre eux versèrent des larmes amères.
Alors Annibal se prit à rire : sur le
reproche que lui fit Asdrubal Hœdas
d'insulter par sa joie à la douleur
publique, dont il était la première
cause , il répondit : « Si l'œil qui
distingue les mouvements extérieurs
Ïiouvait lire au fond de l'âme , il serait
àcile de reconnaître que ce rire qui
vous choque n'est pas l'expression de
la joie , mais plutôt d'un délire causé
par l'excès du malheur. Toutefois , ce
rire est encore moins déplacé que votre
douleur. Quoi !. au moment où Ton ar-
rachait les dépouilles de Carthage,
quand on la désarmait, vous ne pleu-
riez point ; et , dans ce jour où chaque
citoyen doit payer sa part du tribut ,
on dirait que la perte de votre or est
une véritable calamité publique. Hélas !
je crains qu'avant peu vous ne vous
aperceviez que ce qui vous coûte au-
jourd'hui des larmes, était de tous vos
maux le plus léger ! »
Scipion, avant de quitter l'Afrique,
ajouta aux États gue Massinissa tenait
de ses ancêtres Cirta et les autres villes
qui avaient appartenu à Syphax ."C'était
pour le récompenser de sa fidélité et
l'attacher de plus en plus au parti des
Romains. Ainsi Carthage, épuisée d'ar-
gent par d'onéreuses contributions,
sans armées de terre et sans flotte, se
vovait livrée à la discrétion de sa ri-
vale. Toutefois , Rome craignit encore
qu'elle ne pût se relever de tant de
désastres; et, pour la tenir toujours
faible et toujours humiliée, elle accrut
la puissance de Massinissa, Vennemi
étemel du peuple carthaginois. Au
moment où Scipion partit pour aller
recevoir le triomphe , il était déjà évi-
dent que le traité qui avait mis fin à la
deuxième guerre punique ne faisait
qu'ajourner la ruine de Carthage.
Càbthage humiliée pab les Ro-
mains ÂPRES LA DEUXIÈME GUBRBB
rUKIQUE; ÀM9ASSADEUBS BNYOYBS
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
97
AUX Gàbthàginois pab les Ro-
mains; beponsebesGabthaginots
A CES AMBASSADEUBS ; 20 il 9â AYANT
NOTEE ÈBE. — Après avoir succombé,
Carlhage ne tarda pas à sentir com-
bien étaient rigoureuses et dures les
lois que Rome victorieuse imposait à
ses ennemis. Dès lors, en effet, elle
fut obligée de subir, jusqu'au moment
de sa ruine, une longue série d'humi-
liations et d'injustices. Ainsi, les Ro-
mfiins avaient à peine ratifié le traité
qui termina la guerre, que les Cartha-
ginois s'empressèrent de remplir leurs
nouveaux engagements et de se sou-
mettre à toutes les conditions qu'ils
avaient acceptées. Ils croyaient sans
doute avoir satisfait aux exigences
des vainqueurs , lorsque des ambassa-
deurs, se présentèrent à eux , et
parlèrent ainsi au nom de Rome :
o Amilcar, un de vos concitoyens , est
«resté dans la Gaule; il a levé une
« armée de Gaulois et de Liguriens , et
« il fait la guerre aux Romains contre
« la foi des traités. Si vous désirez
«conserver la paix, rappelez Amilcar
« pour le livrer au peuple romain. »
Ils ajoutèrent encore : « Tous les trans-
it fuges n'ont point été rendus; il en
«est resté un grand nombre, qui,
« dit-on , se montrent publiquement à
« Carthage. Vous devez en faire une
« recherche exacte et les arrêter, afin
« de les remettre aux Romains d'après
« les termes du traité. »
Amilcar avait agi sans la participation
des Carthaginois ; ceux-ci ne pouvaient
donc lui ordonner de suspendre une
guerre à laquelle ils étaient étrangers.
Toutefois , a la voix des ambassadeurs
romains, ils s'humilièrent, etfirent cette
réponse : « Tout ce qui est en notre
« pouvoir, c'est d'exiler Amilcar et de
« confisquer ses biens. A l'égard des
« transfuges, nous avons restitué ceux
« que des recherches exactes nous ont
« rait découvrir. Nous nous proposons ,
« à ce sujet, d'envoyer des députés au
« sénat romain pour lui donner des
« ex^ications satisfaisantes. » Les Car-
thaginois ne se bornèrent point à pro-
tester ainsi , par leurs paroles , contre
la malveillance de leurs ennemis, ils
7* Livraison. (Ca&thage.)
se hâtèrent encore d'envoyer à Rome
deux cent mille mesures de blé et au-
tant à l'armée de Macédoine. Quant h
Amilcar, il perdit la vie dans une ba-
taille où les Gaulois furent vaincus (*).
Nous devons ajouter ici que les am-
bassadeurs qui étaient venus à Car-
thage avaient mission de poursuivre
leur route en Afrique, et de se pré-
senter à Massinissa pour lui offrir de
riches présents, et le féliciter, non-
seulement d'avoir reconquis les États
de ses pères, mais encore d'avoir dé-
pouillé de son royaume Syphax, l'allié
des Carthaginois.
Conduite d'Annibal pendant la
paix; les béfobmes qu'il opèbe
DANS le GOUVEJ^NEMENT DE CaB-
thAge soulèvent contbe lui le
PABTI abistocbatique; Annibal
ÉCHAPPE AUX Romains pab la
fuite; 195 AVANT NOTBE ÈBE. —
Quand la guerre fut terminée, Anni-
bal, chef de la faction Barcine, fut
porté par ses concitoyens aux plus
hautes dignités de la république. Bien-
tôt il usa de son pouvoir et de son
influence pour opérer dans le gouver-
nement de Carthage d'importantes ré-
formes; mais il ne put attaquer cer-
tains vices de la constitution sans se
faire, dans le parti aristocratique,
d'implacables ennemis. A cette épo-
que, l'ordre des juges exerçait dans la
ville une domination d'autant plus ab-
solue et tyrannique, que les charges
de cet ordVe étaient inamovibles. Les
juçes disposaient, suivant leurs ca-
prices, des biens , de l'honneur et de la
vie même des citoyens. Il suffisait d'a-
voir déplu à l'un d'eux pour être ex-
posé à la haine de tous les autres,
Annibal essaya d'attaquer les juges qui
depuis longtemps étaient devenus
cdieuxau peuple. Un jour qu'il siégeait
à son tribunal, il s'éleva fortement
contre eux, et les accusa d'avoir
anéanti, par l'abus qu'ils avaient fait
de leur pouvoir et par leur arrogance ,
(*) Tile-Live nous apprend que, suivant
certains historiens , Amilcar fut pris pen-
dant la bataille et qu*on le vit paraître à
Rome , dans un triomphe.
Digitized by
Google
L'UNIVERS.
l'autorité des lois et des magistrats.
Quand Aonibal s'aperçut que la mul-
titude écoutait son discours avec fa-
veur, il fît passer une loi qui portait :
« qu'à l'avenir, on élirait cnaque année
de nouveaux juges, et que personne ne
pourrait être juge deux ans de suite. »
Cette grande mesure fut accueillie avec
joie par le peuple, mais elle ne fit
qu'irriter de plus en plus la faction
aristocratique. Bientôt une autre loi ,
faite dans un but d'utilité publique,
acheva d'exaspérer tous les ennemis
d'Annibal. Depuis longtemps, les re-
venus de l'État étaient dilapidés par
ceux-là même à qui la république les
avait confiés , ou enlevés par les grands,
qui se les partageaient comme une
proie. Les sommes destinées à paver
le tribut annuel imposé par les Ro-
mains se trouvant ainsi détournées, le
peuple était soumis à d'onéreuses con-
tributions. Anuibal, après avoir pris
une connaissance exacte de l'étendue
des revenus de l'État, força à une res-
titution les détenteurs des deniers pu-
blics. Dès lors, il fut exposé à toute la
haine de l'aristocratie. Ses ennemis
écrivirent à Rome pour l'accuser d'en-
tretenir avec le roi de Syrie, Antio-
chus,xie coupables intelligences.
Les Romains, qui craignaient tou-
jours Annibal, prêtèrent une oreille
favorable à ses accusateurs , et ils ré-
solurent, malgré l'opposition de Sci-
pion l'Africain, de s'emparer de sa
personne. Ils envoyèrent à Carthage
C. Servilius, M. Claudius Marcellus et
Q. Terentius Culléo, qui, d'après les
conseils des ennemis d'Annibal, ca-
chèrent le but de leur voyage. Quand
ils furent arrivés, Annibal ne se trompa
point sur leurs projets. Il fit ses pré-
paratifs, et le jour même de sa fuite
on le vit se promener longtemps sur
la place publique. Quand le soir fut
venu , il se rendit à une des portes de
la ville , suivi seulement de deux hom-
mes qui ignoraient son dessein. Des
chevaux l'attendaient, et il partit aus-
sitôt. Le lendemain , il arriva au bord
de la mer, entre Acholla et Thapsus,
et là il s'embarqua sur une galère que
depuis longtemps il tenait prête et
équipée. Cest ainsi qu'Ânnibal qaH^
l'Afrique; et dans sa fuite, dit Tît«-
Live, il pensait plus souvent à la triste
destinée de Carthage qu'à ses propres
malheurs.
La nouvelle de la disparition sou-
daine d'Annibal se répandit bientôt à
Carthage. Les bruits les plus divers
circulaient parmi la foule qui s'était
rassemblée dans la place publique. Les
uns disaient qu'il avait pris la fuite ;
les autres , et c était le plus grand nom-
bre, affirmaient qu'il avait été tué par
les émissaires des Romains; enfin, on
apprit par des marchands qu' Annibal
s'était montré dans l'île de Cercine.
Les ambassadeurs romains, trompés
dans leur attente , se présentèrent au
sénat de Carthage, où ils dirent : « qu'ils
n'ignoraient pas qu' Annibal entrete-
nait des relations avec Philippe de Ma-
cédoine , Antrochus , les Étoliens , et
tous les ennemis de Rome; qu'il ne se
donnerait point de repos qu'il n'eût al-
Itimé la guerte dans le monde entier ;
que les Carthaginois ne devaient jkis
laisser ces manœuvres impunies, s'ils
voulaient prouver au peuple romain
qu'ils étaient complètement étrangers
aux projets d'Annibal. » Les Cartha-
ginois répondirent à ces arrogantes pa-
roles, qu'ils étaient disses à se sou-
mettre en toutes choses aux volontés
du peuple romain. Mais. déjà il était
hors de leur pouvoir de combler les
vœux de Rome, car Annibal en fuyant
s'était mis à l'abri de la haine et de
la perfidie de tons ses ennemis.
Annibal chez Antiochus; ses
tentatives pour ballumeb la
guerre contbe les romains; il
ESSAIE, PAB UN DE SES ÉMISSAIRES,
DE SOULEVEE LES CaBTHAGINOIS.
195-193 AVANT NOTEE BBE. — An-
nibal, après une heureuse navigation,
arriva à Tyr, où il fut reçu comme
dans une seconde patrie. Il ne fit pas
un long séjour dans cette ville , et il
s'empressa de se rendre à Antioche.
Quand il apprit que le roi de Syrie
était absent, il se remit en mer et il
se dirigea vers Éphèse, où il rencon-
tra enfin Antiochus. Ce prince était
alors dans de grandes iiieenitudds, tft
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGfe.
il ne savait s'il devait entreprendre la
guerre contre les Romains. L'arrivée
d'Annibal mit fin à toutes ses irréso-
lutions. On apprit bientôt à Rome
qu'Antiochus taisait de grands prépa-
ratifs. Cette fois encore, les Cartha-
ginois vinrent dénoncer Annibal au
sénat romain , et l'accuser d'avoir été
l'instigateur de la guerre qui allait com-
mencer. £n effet, Annibal, qui avait
gagné la confiance d'Antiochus, lui
avait inspiré une partie de sa naine
contre les Romains. Il ne cessait de
lui dire que Rome était l'ennemie de
tous les peuples, que, pour lui résis-
ter, il fallait la prévenir et l'attaquer
en Italie. Il s'offrait pour conduire une
expédition dans cette contrée, qu'il
avait abandonnée avec tant de regret ,
et il disait au roi de Syrie , que si le
théâtre de la guerre était porté encore
une fois en Italie , Carthage elle-même
ne tarderait point à reprendre les ar-
mes. Après avoir fait goûter ses pro-
^*ets à Antiochus, il voulut connaître
es intentions de ses concitoyens. Il
envoya à Carthage un émissaire adroit,
le Tyrien Ariston , auquel il ne confia
point de lettres, mais seulement des
mstructions verbales, et il l'adressa à
ceux qu'il comptait encore au nombre
de ses amis.
Dès qu' Ariston parut à Carthage,
l'objet de sa mission fut connu de
tous : alors la faction aristocrati-
que conçut de grandes craintes. Les
sénateurs étaient d'avrs de faire com-
paraître Ariston devant les magis-
trats, de l'envoyer à Rome s'il ne
pouvait donner sur son voyage des ex-
plications satisfaisantes, et ils diisaient
qu'on devait maintenir la république ,
non-seulement à l'abri de tout repro-
che, mais encore de tout soupçon.
Appelé devant les magistrats, Ariston
fit valoir, comme moyen de défense,
l'impossibilité où l'on était de produire
contre lui des preuves écrites. Cepen-
dant il ne put trouver pour son voyage
un prétexte plausible, et il montra un
extrême embarras lorsqu'on lui fit ob-
server qu'il n'avait eu des entretiens
qu'avec les membres de la faction Bar-
fine. Après avoir entendu Ariston, les
sénateurs commencèrent à délibérée ;
mais bientôt des débats s'élevèrent dans
le sénat, les avis furent partagés, et
on se sépara ce jour-là sans avoir pris
une décision. Quand le soir fut arri-
vé, Ariston, vraisemblablement d'a-
près les conseils des amis d'Annibal ,
vint avec des placards dans un des en-
droits les plus fréquentés de la ville, et
il les suspendit au-dessus du tribunal
où siégeaient chaque jour les magis-
trats. Lui-même, vers la troisième
veille , s'embarqua et prit la fuite. Le
lendemain, lorsaue les suffètes se ren-
dirent à leur tribunal pour rendre là
justice , on aperçut les placards ; on les
détacha et on en fit lecture. Ils por-
taient : « que les instructions données
à Ariston, n'étaient point secrètes et
qu'elles ne s'adressaient à aucun ci-
toyen en particulier, mais à tous les
sénateurs. » Cette déclaration qui com-
promettait les familles les plus illus-
tres, fut cause qu'on ralentit toutes
les poursuites; cependant on crut né-
cessaire d'envoyer une ambassade à
Rome, pour informer les consuls et
le sénat de ce qui s'était passé.
Pkemièrfs attaques de Massi-
NISSA CONTEE LES CAKTHAGINOIS
QUI IMPLOKENT L'INTEKVENTIONDES
Romains; opinion de Polybe et
DE TiTE-LiVE SUR LA CONDUITE DU
SÉNAT romain; 103 AVANT NOTRE
ÈRE. — Massinissa ne tarda pas à voir
que le stratagème d' Ariston avait ins-
piré aux Romains des craintes sérieuses;
il profita de cette circonstance , et aussi
des divisions qui existaient au sein de
Carthage entre le sénat et le peuple ,
pour agrandir ses États. Il attaqua les
Carthaginois, et il exerça de grands
ravages sur les terres qui leur étaient
soumises. Polybe a parlé en peu de
mots de cette tentative de Massinissa.
Il suffira, nous le croyons, de lire lé
court récit de cet historien pour con-
naître le système de conduite que les
Romains avaient adopté alors à l'égard
des Carthaginois. « En Afrique, dit Po-
« lybe, Massiniss^a avait été fortement
« tenté de s'emparer du territoire qui
« se trouve aux environs de la petite
« Syrte, et qu'on appelle Emporia: Il
Digitized by VjÔOQIC
100
L'UNIVERS.
« y avait sur ce territoire un grand
« nombre de villes (*) ; le pays était
« beau , et on en tirait des revenus
« très -considérables. 11 prit enfin la
« résolution d'envahir cette riche con- .
« trée. Il se rendit maître des cam-
« pagnes; mais, lorsqu'il voulut at-
tt taquer les villes , il rencontra de
« grands obstacles. Les Carthaginois
« les défendirent si bien , qu'il ne put
« y entrer. Pendant toutes ces hos-
« tilités , les Carthaginois envoyaient
« des ambassadeurs à Rome pour se
« plaindre du roi de Numidie; et le roi
« y députait aussi de sa part, pour se
«justiGer contre les Carthaginois.
« L'équité voulait qu'on se prononçât
« pour Carthage; cependant les Rô-
ti mains favorisaient Massinissa, non
« que le bon droit fût du côté de ce
» prince f mais parce quHl était de
tilHntérét du sénat de décider en
« sa faveur. Voici la cause des hos-
<t tilités : le roi de Numidie ayant
« demandé à traverser le territoire
« voisin de la petite Syrte pour pour-
« suivre un rebelle appelé Aphtéra-
« te (**), les Carthaginois lui avaient
<( refusé le passage. Ce refus leur coûta
« cher. Ils furent tellement pressés par
« Massinissa, qu'à la fin ils perdirent
te la campagne et les villes; ils furent
« même obligés de payer cinq cents ta-
« lents pour les revenus qu'ils avaient
« perçus depuis le commencement de
« fa contestation. »
Les Carthaginois, pendant toute la
durée de la lutte , n'avaient cessé d'in-
voquer le traité par leauel Scipion,
après sa victoire, fixant les limites de
leurs possessions, avait enclavé dans
ces limites la contrée qu'on appelle
Emporta, Les Romains ne pouvaient
ouvertement violer le traité, et, d'au-
tre part , leur intention n'était pas de
dépouiller Massinissa de sa nouvelle
' conquête. Pour mettre de leur côté ,
au moins, les apparences de la justice,
ils eurent recours au moyen suivant.
(*) Tite-Live prélend au contraire que
dans tout le pays il n*y avait qu'une seule
ville. C'était Leptis.
(*•) Tite-Live l'appelle jiphir.
Ils envoyèrent en Afrique des com-
missaires qui devaient terminer la con-
testation. Voici les curieux renseigne-
ments (^ue nous donne Tite - Live sur
la manière dont ces commissaires s'ac-
quittèrent de leur mission : « Publius
« Scipion l'Africain , C. Cornélius Cé-
« thé^us et M. Minucius Rufus, après
« avoir écouté et examiné Taffaire, ne
« se prononcèrent pour aucune des
« deux parties, et ils laissèrent toutes
« choses indécises. Onne sait s'ils agi-
« rent ainsi de leur propre mouve-
fument, ou s^ils ne firent que se
« conformer aux instructions qu'ils
« avaient reçues; mais il est certain
« qu£ les circonstances votdaient qu ^on
« laissât les Carthaginois et le roi de
« Numidie dans une complète mésin-
« telligence; autrement Scipion, par
« la connaissance exacte qu'il avait
tt de toute Vaffaire , aurait pu tran-
« cher la dlfficvUé. »
Dernières années de la vie
d'Annibal; 193-183 avant notre
ERE. — Annibai , dans son exil , vit
bientôt avec douleur qu'Antiochus res-
tait inactif et mettait en oubli ses utiles
conseils. Des courtisans, jaloux de la
faveur dont il jouissait , avaient inspiré
au roi de Syrie des doutes sur sa sin-
cérité. Il y avait déjà , dans les rapports
d'Annibal et d'Antiochus, quelque re-
froidissement lorstjue- des ambassa-
deurs romains arrivèrent en Asie. L'un
d'eux , Villiqs, se rendit à Éphèse , où
il se ménagea, dit-on, de fréquents
entretiens avec le chef carthaginois.
A la suite de ces entretiens diversement
interprétés, Antiochus craignit une
trahison , et il cessa de confier ses pro-
jets à Annibai.
Ici , la tradition place une anecdote
célèbre que nous allons rapporter.
P. Scipion l'Africain était au nombre
des ambassadeurs romains qui se ren-
dirent à Éphèse. Dans une entrevue
qu'il eut avec Annibai , il lui demanda
quel était celui de tous les géné-
raux qu'il plaçait au premier rang. —
Alexandre, répondit Annibai. — Et au
second rang? — Pyrrhus. — Et au
troisième? — Moi-même. — A quel
rang vous placeriez-vous , dit Scipion
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
101
en riant , si vous m'aviez vaincu ? — Je
me placerais avant Alexandre, avant
Pyrrnus , et avant tous les autres gé-
néraux, repartit Annibai. Scipion,
ajoute la tradition , fut topcbé de cette
louange imprévue, qui le mettait ainsi
hors de toute comparaison (*).
Annibai souffrit d'abord, sans profé-
rer une plainte, les injurieux soupçons
d'Antiochus. Mais, enfin, il ne put
résister au désir de se justifîer et de
combattre les perfides insinuations de
ses ennemis. Il se rendit un jour au-
près d'Antiochus , et lui dit : « O roi ,
« j'étais bien jeune encore lorsque mon
a père Amilcar quitta Carthage pour
a aller en Espagne. Avant son départ ,
« il me conduisit à l'autel où il sacri-
« fiait aux dieux ; et , là , il me fit pro-
« mettre de vouer une haine éternelle
« aux Romains. Ce serment prêté à
« mon père , devant les dieux , je l'ai
« gardé religieusement jusqu'à ce jour,
a C'est pour ne point violeiMîe solennel
« engagement que j'ai abandonné Car-
« thage asservie, et que je suis venu
« dans vos États. Si vous trom-
« pez mes espérances , j'irai , fidèle à
« mon premier serment, j'irai partout
« où je saurai qu'il y a des soldats et
« des armes, ann de susciter des en-
« nemis aux Romains. Je hais les Ro-
« mains , et j'en suis haï : mon père
« Amilcar et les dieux sont témoins de
« la vérité de mes paroles. 0 roi , si
« vous songez à faire la paix avec les
« Romains , vous pouvez m'enlever
« votre confiance ; mais si vous vous
« préparez à leur faire la guerre, sa-
« chez qu'Annibal est le meilleur et le
« plus dévoué de vos conseillers (**). »
Ces paroles, dit Tite-Live, produi-
sirent Une telle impression sur l'esprit
du roi qu'il rendit à Annibai toute sa
confiance, et qu'il se décida enfin à
déclarer la guerre aux Romains.
(*) Voy, Tiie-Live. — Plutarque, dans la
tie de Pyrrhus, raconte aussi cet enlrelien.'
Suivant lui, Annibai mit Pyrrhus au pre-
mier rang, Scipion au deuxième, et lui
même se plaça au troisième. La tradition sur
laquelle ilutarque fondait son récit ne fai-
sait point mention d'Alexandre.
(**) Voy. Tite-Live et CoraélîiTi Nepos.
Antiochus fit , il est vrai , des pré-
paratifs ; mais il agit avec tant de len-
teur et tant de négligence , qu'Annibal
vit s'évanouir alors ses dernières espé-
rances. Le roi de Syrie passa en Grèce,
où, par sa folle conduite, il perdit une
bataille, et donna atix Romains un
prétexte pour entrer en Asie. Au mo-
ment où il regagnait en fuyant sa ville
d'Éphèse, Antiochus, dit -on, recon-
nut la sagesse des plans d' Annibai.
Mais le repentir venait trop tard et ne
pouvait le sauver, car déjà une armée
romaine se préparait à l'attaquer dans
ses États. Les événements justifièrent
les prédictions d'Annibal. Les Ro-
mains passèrent en Asie , et Antiochus
fut vaincu. Toutefois, pendant la
jçuerre, le général carthaginois n'a-
bandonna point celui qui lui avait ac-
cordé l'hospitalité. Il aida le roi de
Syrie de ses conseils et de sa longue
expérience, jusqu'au jour où ce prince
fit la paix avec les Romains. Alors
Annibai , cédant encore une fois à la
mauvaise fortune, alla chercher un
nouvel asile. Il se rendit auprès de
Prusias , et ce fut en Rithynie qu'il
passa les dernières années de sa vie. Il
y vivait en repos lorsque des ambassa-
deurs romains arrivèrent à la cour de
Prusias. L'un d'eux, Flamininus, re-
procha au roi de donner asile au plus
implacable ennemi des Romains. Pru-
sias comprit aisément que les repro-
ches de Flamininus étaient des me-
naces, et il résolut de tuer ou de
livrer celui qui lui était uni par les
liens de l'hospitalité. Quand Annibai
vit qu'il ne lui restait aucun moyen de
fuir, il prit du poison ; et , avant de
mourir, il chargea d'imprécations Pru-
sias et les Romains. Telle fut la fin de
cet homme que son génie, ses bril-
lantes victoires, ses malheurs sans
nombre et sa haine contre Rome ont
rendu à jamais célèbre.
Lutte entbe les Cabthaginois
ET Massïnissa ; LES Cabthaginois
POBTENT LEUBS PLAINTES A ROME ;
PABTIALITÉ DES ABBITBES BOMAINS ;
182-152 AVANT NOTEE ÈBE. — AU
moment même où Annibai expirait
dans une contrée lointaine, Carthage»
Digitized by
Google
iOU
L'UNIVERS.
vaincue et humiliée, s'était vue forcée
de céder au roi de Numidie une nou-
velle portion de son territoire. Plein
de confiance dans Tamitié des Romains,
et rassuré d'ailleurs par l'approbation
tacite qu'ils avaient donnée a ses pre-
mières usurpations, Massinissa avait
renouvelé les hostilités , et il avait en-
core enlevé une province aux Cartha-
ginois. Ceux-ci envoyèrent des ambas-
sadeurs à Rome pour porter plainte
contre Massinissa. Les Romains nom-
mèrent des arbitres qui prirent con-
naissance de l'affaire, mais qui ne se
prononcèrent point. Toutefois, ils lais-
sèrent provisoirement à Massinissa les
terres qu'il avait conquises. Les Car-
thaginois protestèrent longtemps con-
tre cette odieuse partialité. En effet,
nous savons par Tite-Live que deux
ans après renvoi des commissaires, les
Romains , pour apaiser les plaintes de
Carthage, lui rendirent cent otages
et lui garantirent la paix non - seule-
ment avec eux-mêmes, mais encore
avec Massinissa. Pendant quelques an-
nées, le roi de Numidie resta fidèle
aux engagements que les Romains
avaient pris pour lui; mais enfin il
ne put résister au désir de renouveler
contre les Carthaginois une gUèrre qui
lui procurait de si grands avantages.
Il réclama, comme sa propriété, une
portion de territoire connue sous le
nom de Grandes-Plaines , et une pro-
vince appelée Tysca, oh l'on comptait
un grand nombre de villes. Tandis que
les Carthaginois protestaient , au nom
de la justice, contre cette nouvelle pré-
tention , Massinissa s'empara des villes
et du territoire.
Par le traité qui avait mis fin à
la deuxième guerre punique, les Car-
thaginois se trouvaient tellement en-
chaînés qu'ils ne pouvaient repous-
ser la ^olence par la violence , et re-
courir aux armes pour se défendre
contre le roi de Numidie. En effet , il
ne leur était pas permis de faire la
guerre au delà de leurs frontières ; et
quand bien même Rome les eût auto-
risés à user de représailles , ils étaient
encore liés par un article du traité qui
leur ordonnait formellement de vivre
en paix avec les alliés du peuple ro-
main. Carthage ne savait que trop
bien que Rome plaçait Massinissa au
nombre de ses alliés les plus fidèles et
les plus dévoués. Un seul moyen res-
tait aux Carthaginois : c'était de porter
leurs plaintes au sénat romain. Les
ambassadeurs qu'ils envoyèrent alors
demandèrent pour leurs compatriotes
Une de ces trois choses : ou de les au-
toriser à discuter avec Massinissa sur
leurs droits respectifs au. tribunal d'un
peuple allié; ou de leur permettre
d'opposer à une injuste agression une
défense légitime ; ou bien , enfin , si là
faveur l'emportait sur le bon droit ,
de déclarer une fois pour toutes ce
qu'on voulait leur enlever pour le don-
ner à Massinissa. « Si l'on ne veut ac-
« corder aux Carthaginois , ajoutèrent
« les ambassadeurs, aucune de ces trois
« choses ; et si, depuis la paix accordée
« par Scipion , on a quelque tort à leur
« reprocher, i| faut agir iranchemeht à
« leur égard, ils aiment mieux une ser-
« vitude tranquille sous la domination
« des Romains qu'une liberté exposée
« aux violences de Massinissa. » Ce dis-
cours achevé, ils se prosternèrent en
pleurant , et les sénateurs romains ne
purent se défendre d'un mouvement
de compassion. On jugea convenable
d'interroger le fils du roi de Numidie,
Gulussa , qui se trouvait alors à Rome.
Gulussa, qui n'avait aucun moyen de
Justifier la conduite de Son père, ré-
pondit que Massinissa ne lui ayant
transmis aucune instruction, il ne
pouvait donner les explications qui lui
étaient demandées. Le sénat, après
çivoir délibéré , décida gue Gulussa re-
tournerait en Numidie pour, avertir
son père d'envoyer des ambassadeurs
chargés de répondre aux plaintes des
Carthaginois, a On a déjà fait beaucoup,
disait le sénat , et l'on fera plus encore
pour récompenser Massinissa de son
attachement sincère ; mais on respec-
tera la justice et Ton n'accordera rien
à la faveur. Les Romains désirent que
le territoire contesté reste à son pos-
sesseur légitime , et que les anciennes
limites tracées entre les deux États
soient respectées. Ils n'ont pas rendu
Digitized by VjOOQIC
CA»TBA»e.
109
AUX Gailhagiftûig vaincus leurs villes
«t leur territoire , pou? leur arracher
par violence, durant la paix, ce qu'ils
n'ont pas voulu leur enlever par le
droit de la guerre. »
On pourrait s'étonner de cette déci'
siou impartiale des Romains, si l'on
ne savait qu'au moment même où ils
paraissaient disposés à écouter les
plaintes des Carthaginois , ils couraient
de grands dangers. Le roi de Macé-
doine, Persée, avait envoyé des am-
bassadeurs aux Carthaginois , et il leur
avait proposé de se liguer avec lui pour
combattre leurs ennemis communf.
Ce fut alors que, pour prévenir cette
redoutable coalition , le sénat se mon-
tra juste et blâma avec quelque sé-
vérité les agressions de Massinissa.
Mais quand Persée fut vaincu , les Ro-
mains changèrent de langage, et ils ne
montrèrent plus le même empresse-
ment pour donner satisfaction aux Car-
thaginois. Us envoyèrent, il est vrai, des
commissaires en Afrique (*) ; mais ces
commissaires n'avaient point mission
de forcer le roi de Numiaie à restituer
le territoire qu'il avait injustement
usuc]^; ils proposèrent seulement à
Massinissa et aux Carthaginois de s'en
remettre à leur arbitrage. Massinissa
accepta volontiers , parce qu'il ne pou-
vait que gagner à un jugement pro-
noncé par les Romains; mais les Car-
thaginois refusèrent. Ils disaient, pour
raison , que le traité qui avait été donné
par Scipion n'avait pas besoin de com-
mentaire, qu'on devait seulement s'en-
quérir de ce qui avait été fait contre
ce traité. Cette fois encore , les com-
missaires envoyés par Rome (quittèrent
l'Afrique sans prononcer un jugement.
Mais il était facile de voir que la ques-
tion avait été tranchée en faveur de
Massinissa. Dès lors , le roi de Numidie
ne cessa de susciter aux Carthaginois
de nouveaux embarras. Enfin, par ses
attaques sans cesse renouvelées, il les
entraîna dans une guerre qui devait
amener leur ruine.
ÉTAT INTÉBIEUa DB CAHTHÀGE;
C) Caton était au nombre de ces com-
missaires.
PARTIS QUI BIVISBNT LA REPUBLI-
QUE ; CaRTH AGE, A?B£S LA DEUXIEME
GUERRE PUNIQUE, COJSSEHVE EN-
CORE ASSEZ DE PUISSANCE POUR INS-
PIRER DES CRAINTES SERIEUSES AUX
Romains. — Il n'y eut longtemps à
Carthage que les deux partis qui, à
l'époque de la deuxième guerre puni-
que, avaient eu pour chefs Hannon et
Annibal. Le parti d'Hannon, comme
pous l'avons dit, représentait l'an-
cienne aristocratie carthaginoise , et le
parti d'Annibal , connu dans l'histoire
sous le nom de faction Rarcine, était
le parti populaire, et si nous en jugeons
par ses actes, le parti vraiment na-
tional. Après la bataille de Zama, la
faction Rarcipe ne perdit rien de soq
influence, Annibal était revenu à Car-
thage , où sa grande renommée lui avait
acquis la considération de tous et l'avait
porté aux premières dignités de la ré-
publique. Toutefois, l'aristocratie ne
subissait point sans peipe la supériorité
de la faction Rarcine. Quand Annibal
voulut introduire dans la république
d'utiles réformes, quand il attaqua les-
juges ^ui usaient tyranniquement du
pouvoir qui leur avait été confié , quan4
il força à une restitution ceux qui
avaient dilapidé les trésors de l'État,
les premières familles de Carthage ^
parmi lesquelles se trouvaient les ma-
gistrats prévaricateurs, lui vouèrent
une haine implacable. Comme le parti
aristocratique ne pouvait triompher,
par la force , de la faction Rarcine, il
eut recours à un (odieux moyen. Il en-
tretint à Rome des émissaires qui dé-
nonçaient comme attentatoires aux
traités conclus chacune des actions
d'Annibal. Les Romains accueillirent,
sans y croire peut-être, les délations
de l'aristocratie carthaginoise contre
celui dont le nom seul était pour eux un
objet de terreur. Annibal, on le sait,
s'expatria pour échapper à ses enne-
mis. Privée de son chef et obligée de
céder aux circonstances, la faction
Rarcine abandonna te pouvoir au parti
aristocratique, que les historiens de
l'antiquité ont justement flétri en le
qualifiant de parti romain. Rientôt|
par suite des succès de Massinissa ^
Digitized by VjOOQIC
104
L'UNIVERS.
des relations fréquentes des Numides
avec Carthage, il se forma dans la ré-
publique une troisième faction : celle-
ci favorisait ouvertement les préten-
tions du roi def Numidie , et se montrait
non moins hostile gue l'aristocratie au
parti vraiment national.
Rassurés par la lutte des factions et
par les dissensionsqui éclataient chaque
jour au sein de la ville, se 6ant d'ail-
leurs sur la vigilance de Massinissa,
leur fidèle allié, les Romains faisaient
la guerre en Espagne , en Illyrie et en
Grèce, et ils attendaient patiemment
l'occasion de porter le dernier coup à
la puissance carthaginoise. Par son lan-
gage et par ses actes , Carthage sem-
blait encore ôter aux Romains tout
sujet de crainte. Elle remplissait ses
engagements, payait exactement le
tribut qui lui avait été imposé , et quand
-les Romains entreprenaient une guerre,
elle leur prêtait une loyale assis-
tance (*). Il arriva un jour à Rome des
ambassadeurs qui annoncèrent que les
Carthaginois avaient amassé au bord
*de la mer un million de boisseaux de
blé et cinq cent mille boisseaux d'orge,
et qu'ils étaient prêts à les faire trans-
porter où il plairait au sénat. Les
ambassadeurs ajoutèrent : « Ce présent
« et ce service sont loin, sans doute,
« de répondre à notre bonne volonté et
« aux bienfaits du peuple romain; mais
« vous savez que dans d'autres temps
« et lorsque la fortune des deux peu-
« pies était également prospère, nous
« avons maintes fois rempli les devoirs
« de bons et fidèles alliés. » Ce langage
abject et une si entière soumission en-
tretenaient les Romains, à l'égard de
Carthage, dans une complète sécurité.
Mais bientôt leurs craintes se réveil-
lèrerit, et ils portèrent toute leur at-
tention sur cette ville, qu'après la ba-
taille de Zama ils croyaient abattue et
privée de ses dernières ressources.
Nous avons déjà dit, en parlant de
la contestation qui s'était élevée entre
les Carthaginois et Massinissa au sujet
(*) Pendant la guerre contre Pensée , les
Carthaginois avaient envoyé des vaisseaux
aux Romains.
de la province de Tysca et dti territoire
des Grandes-Plaines, que les Romains
avaient envoyé des commissaires en
Afrique. Pour pénétrer jusqu'au terri-
toire qui faisait l'objet du débat, ces
commissaires traversèrent une contrée
qui appartenait aux Carthaginois. Ils
virent alors des campagnes fertiles,
embellies par une savante agriculture,
et où l'on rencontrait d'immenses ap-
provisionnements. Après avoir rempli
leur mission , ils entrèrent à Carthage.
Là ils furent frappés d'étonnement. En
effet, peu d'années s'étaient écoulées
depuis la victoire de Scipion, et cepen-
dant Carthage semblait avoir réparé
toutes ses pertes. Elle brillait par ses
richesses, et dans ses rues circulait
une innombrable population. Les com-
missaires revinrent* à Rome, où, rap-
pelant leurs impressions, ils racon-
tèrent ce qu'ils avaient vu. « Carthage ,
disaient-ils, s'est relevée de ses dé-
faites et elle a repris toutes ses forces.
Dès à présent, les richesses et la puis-
sance de cette ville ennemie doivent
nous inspirer des craintes sérieuses. »
Ce fut alors que Caton laissa tomber
dans le sénat des figues qu'il portait
dans sa toge. Les sénateurs admiraient
la beauté et la grosseur de ces figues,
lorsqu'il leur dit : « La terre (jui les
produit n'est qu'à trois journées de
Rome. » Caton ne se bornait pas à faire
des allusions, il exprimait ouvertement
sa pensée, et l'on sait qu'à cette épo-
que il terminait tous ses discours par
ces mots : « J'opine pour la destruction
de Carthage. » Il trouva, il est vrai,
quelques contradicteurs dans le sénat,
mais la majorité de l'assemblée parta-
geait ses opinions. La destruction de
Carthage fut donc résolue, et le sénat
romain n'attendit plus qu^une occasion
favorable ponr mettre son projet à
exécution. Cette occasion ne tarda pas
à se présenter.
Les partisans de Massinissa
SONT EXPULSÉS DE CaRTHAGE PAB
LE PARTI DÉMOCRATIQUE *, GUERRE
ENTRE LES CARTHAGINOIS ET LE B0[
DE NUMIDIE; 152-149 AVANT NOTRE
ÈRE. — Au moment même où les Ro-
mains préparaient la destruction de
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
105
Carthage , cette ville était en proie à
de violentes dissensions. Vers l'année
152 le parti démocratique l'emporta,
et fit condamner à l'exil quarante ci-
toyens qui appartenaient à la faction
du roi Massinissa. Dans cette circons-
tance , le peuple s'engagea par serment
à ne jamais rappeler ceux qu'il venait
d'expulser. Les citoyens bannis se re-
tirèrent alors en Numidie :1à ils pres-
sèrent vivement Massinissa de déclarer
la guerre à leurs concitoyens. Le roi ,
dit un historien ancien , cédant moins
aux conseils qu'on lui donnait qu'à sa
propre inclination , n'hésita point à
s'engager dans une nouvelle lutte con-
tre les Carthaginois. D'abord il réso-
lut d'envoyer à Carthage ses deux fils
Gulussa etMicipsa, pour exiger qu'on
rappelât ceux de ses partisans que le
peuple avajt bannis. Gulussa et IVlicipsa
touchaient déjà aux portes de Carthage
lorsqu'ils apprirent que, par ordre des
magistrats, il leur étaît défendu d'en-
trer dans la ville. On raconte qu'à leur
retour, les fils du roi de Numidie fu-
rent attaqués par les Carthaginois , et
qu'après avoir vu périr plusieurs hom-
mes de leur escorte ils n'échappèrent
qu'avec peine à ceux qui les poursui-
vaient. Massinissa profita de ces cir-
constances pour s'emparer de la ville
d'Oroscope , qu'il avait respectée jus-
qu'alors, pour ne point violer trop ou-
vertement les traités. Une tentative
aussi audacieuse mit fin à toutes les
hésitations des Carthaginois. Ils levè-
rent quarante-cinq mille fantassins et
quatre cents cavaliers , et ils placèrent
Asdrubal à la tête de cette armée.
Asdrubal se mit en marche, et il vit
bientôt ses forces augmentées de six
mille cavaliers numides qui avaient*
abandonné le camp de Massinissa. Dans
les premiers combats qui furent livrés,
les Carthaginois obtinrent l'avantage.
Mais^ Massinissa usait de ruse, et par
une fuite simulée il attira peu à peu
Asdrubal et son armée sur un terrain
inculte et parsemé d'un grand nombre
d'éminences. Le roi de Numidie resta
alors dans la plaine, et les Carthaginois
s'emparèrent des lieux élevés, croyant
se ménager ainsi une forte position.
Enfin , il y eut entre les deux armées
une grande bataille. Pendant cette san-
glante mêlée qui dura un jour entier,
Massinissa, âgé alors de quatre-vingt-
huit ans, courait à cheval parmi Tes
siens , remplissant tout à la fois , dit
Appien , les devoirs du général et du
soldat. Vers le soir, la victoire était
encore douteuse lorsque les deux ar-
mées se séparèrent.
Le jeune Scipion se trouvait à cette
bataille, mais il n'y prit aucune part :
il se tenait à distance, sur une colline,
et de là il suivait avec attention les
mouvements des deux armées.Plus tard,
il répéta souvent qu'il avait assisté à
de nombreuses batailles, mais qu'il n'a-
vait jamais éprouvé un plaisir aussi vif
que dans cette journée, où il avait vu aux
prises plus de cent mille combattants.
Il est vraisemblable qu'après cette
bataille Asdrubal conçut des craintes
sérieuses sur l'issue de la guerre , car
il pria Scipion dç s'employer pour ré-
tablir la paix entre les Carthaginois
et Massinissa. Il disait que Carthage
était prête à céder une portion de-
son territoire (*); il promettait en
outre , au nom de ses concitoyens , de
faire payer à Massinissa mille talents :
deux cents immédiatement, et huit
cents à une certaine époque que l'on
fixerait d'un commun accord. Le roi
de Numidie accepta ces propositions ,
mais il voulut aussi qu'on lui renvoyât
ses transfuges. Sur le refus des Car-
thaginois, les négociations furent rom-
pues.
Alors Massinissa environna d'un
fort retranchement la colline sur la-
quelle se trouvait l'armée d'Asdrubal.
Il intercepta l'arrivée des convois , et
il fit si bonne garde que les Carthagi-
nois, ne pouvant sortir de leur camp
pour se procurer des vivres, furent
bientôt en proie à une horrible famine.
Quelques jours encore après la bataille ,
Asdrubal et les siens auraient pu tra-
verser les rangs de l'armée ennemie
et revenir à Carthage ; mais ils avaient
appris que des ambassadeurs romains
(*) Suivant Appien , c'était le territoire
qui 56 trouvait aux environi des Emportes,
Digitized by VjOOQIC
to«
I/UNIVERS.
g*étaient rendus auprès de Massinissa ,
et ils comptaient sur leur intervention.
Ils furent trompés dans leurs espéran-
ces ; car, dit Appien , les ambassadeurs
romains avaient reçu pour mission de
mettre 6n à la lutte si Massinissa était
vaincu , mais d'encourager ce prince
à poursuivre ta guerre s il était vain-
queur. Ces premiers moments d'hési-
tation perdirent les Carthaginois.
Massinissa redoubla de vigilance , et
Varmée assiégée fut réduite aux der-
nières extrémités. Quand les Carthagi-
nois eurent épuisé les vivres qui leur
restaient, ils tuèrent les chevaux et les
bêtes de somme. Puis ils employèrent
les cuirs pour apaiser la faim qui les
dévorait. Les chaleurs de Tété se fai-
saient sentir alors dans toute leur vio-
lence. Les mauvais aliments, l'inac-
tion, une brûlante atmosphère ne
tardèrent point à amener la peste dans
l'armée carthaginoise. Les soldats, ren-
fermé3 dans un étroit espace, mouraient
par milliers; et l'odeur qu'exhalaient
les cadavres entassés développait et
accroissait de jour en jour la terrible
maladie. Delà la plus grande partie de
l'armée carthaginoise avait succombé ,
lorsque Asdrubal tenta encore une fois,
pour se sauver, la voie des négocia-
tions. Massinissa consentit à faire la
paix aux conditions suivantes : « Que
les Carthaginois lui rendraient ses
transfuges; qu'ils lui payeraient en
cinquante an^ cinq cents talents d'ar-
gent ; qu'ils s'engageraient par serment
a rappeler les citoyens qu'ils avaient
bannis , et que les soldats qui se trou-
vaient encore dans le camp assiégé sor-
tiraient un à un, sans armes, et qu'ils
traverseraient ainsi son armée. » As-
drubal accepta ces dures conditions.
On dit que Gulussa tomba à l'impro-
viste, avec ses cavaliers numides, sur
les soldats désarmés qui avaient repris
le chemin de Carthage, et qu'il les
massacra.
Dans cette guerre, les Carthaginois
perdirent cinquante -huit mille nom-
mes (*). II n'y eut qu' Asdrubal , le chef
(*) Asdrubal n'eut d'abord avec lui que
qoarante-cinq mUle hommes , mab pendant
de l'armée , et un petit nonobre de sol-
dats, qui revinrent à Carthqge , et qui
survécurent à un si grand désastre.
Les Carthaginois envoient des
ambassadeubs poub pbevenir la
colèbe des romains ; béponse du
SÉNAT BOMAIN;UtIQCB ABANDONNE
l'alliance de Cabthage ; 149
AVANT WOTBE ÈBE. — Les Carthagi-
nois virent bientôt toute l'étendue du
danger qui les menaçait. C'était
moins le roi de Numidie et son armée
victorieuse qu'ils craignaient alors,
qu'un autre ennemi bien plus redou-
table. Ils savaient que les Romains
prendraient occasion de la guerre qui
avait été faite à Massinissa , leur fidèle
allié, pour fqire éclater contre Car-
thage leur vieille inimitié et toute leur
animosité. «En cela, dit Appien, ils
ne furent point trompés. En effet, aus-
sitôt que les Romains eurent appris la
défaite des Carthaginois, ils firent des
levées dans toute Pltalie ; et , sans dé-
voiler leurs projets, ils ordonnèrent à
leurs soldats de se tenir prêts à partir. »
Les Carthaginois, de leur coté, eu-
rent recours à un dernier moyen pour
prévenir, s*il en était temps encore, les
attaques des Romains. Ils condamnè-
rent à mort Asdrubal , Carthalon , et
quelques autres qui s'étaient ouverte-
ment prononcés pour la guerre contre
Massinissa. Puis ils envoyèrent des
ambassadeurs à Rome , pour déclarer
que les seuls coupables étaient ceux
que l'on venait de condamner. Dans
le sénat romain, on répondit aux am-
bassadeurs : « Pourquoi n'avez - vous
« point fait cette déclaration au com-
« mencement de la guerre ? Pourquoi
« n'a vez-vous condamné Asdrubal et ses
« comphces qu'après la victoire de Mas-
« sinissaet votre propre défaite ?»Pleins
de trouble, les Carthaginois s'écrièrent
alors : « Si vous nous croyez coupa-
«bles, dites -nous au moins comment
« nous pouvons obtenir notre pardon.»
Le sénat ne leur dit que ces mots:
« En donnant satisfaction au peuple
« romain. » On interpréta diversement,
la guerre , $on armée reçut de nombreux
renforts.
Digitized by
Google
CARTHAGE.
107
à Carthage, la réponse du sénat ro-
main/Il s'agissait, suivant les uns,
d'ajouter de nouvelles sommes au tri-
but imposé par Scipion, et, suivant
les autres , de céder à Massfnîssa le
territoire qu'on lui disputait. EniQn,
pour mettre un terme à toutes les in-
certitudes, on résolut d'envoyer une
seconde ambassade. Arrivés à Rome ,
les Carthaginois furent introduits dans
le sénat, a Que devons-nous faire , de-
mandèrent-ils, pour donner satisfac-
tion aux Romains ? — - Vous le savez , »
dirent les sénateurs; et ils renvoyèrent
les ambassadeurs avec cette vague ré-
ponse.
Une triste nouvelle vint porter au
comble la frayeur des Carthaginois.
Utique, qui depuis tant de siècles était
la fidèle alliée de Carthage, avait en-
voyé des ambassadeurs à Rome pour
déclarer qu'elle était prête à recevoir
la domination roifnaine. Le sénat ac-
cueillit avec joie la soumission volon-
taire de cette ville, qui avait de bons
Ï^orts et de fortes murailles; et, dès
ors, il ne cacha plus ses projets de
guerre. Il donna ordre aux deux con-
suls Manilfus et Censorinus de se diri-
ger vers lltîque. Les consuls avaient
en outre une mission secrète ; c'était
de ne point terminer la guerre avant
d'avoir détruit Carthage. Manilius et
Censorinus partirent avec une flotte
considérable , et bientôt ils arrivèrent
en Sicile.
Les Carthaginois livrent aux
Romains, pour obtenir la paix,
TROIS CENTS OTAGES :ET TOUTES
LEURS armes; LES CONSULS EN AFRI-
QUE ; PERFIDIE DES ROMAiNS; 149
AVANT NOTRE ÈRE. — Lcs Carthagi-
nois n'étaient point préparés à la
guerre. Ils avaient perdu récemment
une armée, et, depuis l«ur dernière
défaite, ils n'avaient point encore levé
de nouvelles troupes. Quant à leur
ville, elle manquait d'approvisionne-
ments et n^était point en état de sou-
tenir un long siège. Ils furent donc
forcés de recourir aux négociations.
Ils choisirent pour ambassadeurs Gis-
con , Amilear, Mides, Giilica et Magon,
et ils leur confièrent des pleins pou-
voirs. Quand les envoyés carthaginois
entrèrent à Âome , ils apprirent le dé-
Îart de l'armée et des deux consuls.
Is ne balancèrent point alors, et ils
annoncèrent au sénat que leurs conci-
toyens se mettaient , eux et leurs biens,
à la discrétion du peuple romain. On
leur répondit : « Puisque vous avez
« pris cette sage résolution , le sénat
a vous laisse votre liberté , vos lois et
<c votre territoire. Toutefois, aucune de
« ces choses ne vous sera accordée ,
« si vous n'envoyez à Lilybée , avant
« un mois , trois cents otages pris dans
« les premières fami lies de la république,
« et si vous refusez de vous soumettre
« aux ordres des consuls.» On congédia
ainsi les ambassadeurs, et en même
temps on fit avertir secrètement Mani-
lius et Censorinus de ne point s'écar-
ter des instructions qu'ils avaient re-
çues.
La réponse du sénat romain fut loin
de dissiper les craintes des Carthagi-
nois. Ils ne savaient à quoi se résoudre ,
et ils hésitèrent longtemps avant d'en-
voyer à Lilybée les otages qu'on leur
avait demandés. Au moment où les
îeunes gens choisis parmi les plus no-
bles familles montèrent sur lés vais-
seaux qui devaient les transporter en
Sicile , toute la ville fut plongée dans
la tristesse. Ceux qui avaient payé une
part du funeste tribut pleuraient et
poussaient des cris comme dans urt
jour de funérailles , et ce qui redoublait
la conimune affliction , c'est qu'on pré-
voyait bien que des sacrifices si grands
et si douloureux ne pourraient apaiser
les Romains. Enfin les vaisseaux levè-
rent l'ancre et se dirigèrent vers la Si-
cile. Quand les otages furent livrés,
les consuls refusèrent encore de dé-
voiler aux ambassadeurs carthaginois
les véritables projets du sénat romain;
seulement ils leur dirent : « Vous sau-
rez à Utique ce que vous avez à faire
pour obtenir la paix. »
Manilius et Censorinus ne tardèrent
Ï>oint à passer en Afrique. Ils laissèrent
eurs vaisseaux dans le port d Utique,
et ils conduisirent leurs soldats non
loin de cette ville, à l'endroit même
où, vers la fin de la deuxième guerre
Digitized by VjOOQIC
108
L'UNIVERS.
punique, Scipîon avait campé; c'est là
qu'ils reçurent les ambassadeurs car-
thaginois. Censorinus leur dit alors :
« Livrez-nous vos armes. Dès aujour-
« d'hui , elles sont devenues inutiles,
« puisque vous désirez sincèrement la
« paix. » Les Carthaginois se résignè-
rent à ce dernier sacrifice; seulement ils
déclarèrent aux Romains qu'Asdrubal
avait rassembfé vingt mille hommes,
et qu'ils ne pouvaient contraindre les
soldats de cette armée à livrer leurs
armes. « Laissez-nous ce soin, ajoutè-
« rent les consuls, et retournez a Car-
« thage. » On vit bientôt arriver au
camp romain d'innombrables chariots
tout chargés d'armes et de machines
de guerre. Ils étaient suivis des am-
bassadeurs carthaginois et d'une foule
de citoyens qui tenaient un rang dis-
tingué dans la république. « En ce
io«r, dit Polybe, on put apprécier toute
la puissance de Carthage, car elle livra
plus de deux cent mille armures et
deux mille catapultes. » Se croyant
maîtres déjà d'un ennemi pris au dé-
pourvu et désarmé, les deux consuls
n'hésitèrent plus à faire connaître la
volonté du peuple romain. Censorinus
s'adressa aux Carthaginois, et leur fit
entendre ces terribles paroles : « Aban-
« donnez Carthage, et choisissez, sur le
« territoire que Rome vous a laissé, un
« emplacement pour y transporter vos
« demeures. Toutefois,^ue la ville nou-
« velle soit éloignée de la mer au moins
« de trois lieues. Rome nous a envoyés
« pour détruire Carthage.» Quand Cen-
sorinus eut achevé, les Carthaginois
donnèrent tous les signes de la plus
vive afniction. Ils pleuraient, déchi-
raient leurs vêtements, se jetaient à
genoux, et invoquaient les dieux,
qu'ils prenaient à témoin de la per-
ndie des Romains. Les consuls, pour
échapper à de si justes plaintes , et pour
ne pas voir plus longtemps cette scène
de douleur, dirent aux' Carthaginois :
« Hâtez-vous d'obéir aux ordres du
« sénat. Retournez promptement à Car-
« thage. Vous n'avez rien a redouter, car
« vous n'avez point encore perdu à nos
«yeux lie caractère sacré qui défend et
« protège les ambassadeurs. » Puis ils
ordonnèrent aux licteurs d'éloigner les
Carthaginois.
Les ambassadeurs reviennent a
Carthage; ils font connaître au
sénat la réponse des consuls;
tumulte dans la ville; les car-
thaginois se préparent a sou-
TENIR UN siège; 149 AVANT NOTRE
ÈRE. — Se fondant sur le récit d'Ap-
pien, quelques historiens ont pensé,
avec raison peut-être, qu'il y avait des
traîtres parmi les ambassadeurs car-
thaginois. En effet, Appien nous ap-
prend qu'après avoir connu la volonté
du peuple romain, les ambassadeurs
s'approchèrent des consuls et leur di-
rent : « Si vous nous abandonnez , nous
serons massacrés par nos concitoyens
avant d'avoir achevé le récit de notre
mission. Nous vous prions de diriger
votre flotte vers Carthage, afin que la
vue de vos vaisseaux vienne en aide à
nos paroles, et fasse comprendre au
peuple la nécessité où il se trouve au-
jourd'hui d'obéir à vos ordres. » Cen-
sorinus partit alors avec vingt galères .
à cinq rangs de rames, et il vint croi-
ser sur la côte de Carthage. Parmi les
ambassadeurs, il y en eut plusieurs
qui ne furent point encore assez ras-
surés par cette démonstration du con-
sul et qui s'enfuirent par différents
chemins; les autres ne balancèrent
point à se diriger vers la ville pour
apporter la fatale nouvelle à leurs con-
citoyens.
A Carthage, on attendait avec im-
patience le retour de ceux qu'on avait
envoyés au camp des Romains. Une
partie des habitants s'était portée sur
les murailles, l'autre se tenait sur la
route d'Utique , afin d'épier le moment
de leur arrivée. Ils parurent enfin. Du
f)lus loin qu'on les vit, on courut à
eur rencontre. La démarche des am-
bassadeurs et la tristesse qui était
peinte sur leurs visages jetèrent bien-
tôt la foule qui les environnait dans
une inexprimable angoisse. On les
abordait, on les pressait de questions,
mais ils avançaient toujours et gar-
daient le silence. Quand ils arrivèrent
à la porte de la ville , tout le peuple
se précipita vers eux. Comme ils res-
Digitized by VjOOQIC
CARTttAGE.
109
taient silencieux, on voulut les massa-
crer. Kffrayés par les cris et les me-
naces qui les accueillaient de toutes
parts, ils dirent alors, pour échapper
au danger, qu'ils allaient communi-
quer au sénat les nouvelles qu'ils ap*
portaient. Aussitôt le calme sembla
renaître; les flots pressés de la multi-
tude s'ouvrirent et laissèrent aux am-
bassadeurs un libre passage.
Le lieu où le sénat s'était réuni fut
bientôt environné par une foule im-
mense. Quand les ambassadeurs intro-
duits dans l'assemblée firent connaître
les ordres des consuls, les sénateurs
poussèrent un cri auquel répondit, du
dehors, la voix du peuple; puis, au
moment où tes ambassadeurs racontè-
rent ce qu'ils avaient dit pour fléchir
les Romains, il y eut un morne silence;
enfin , quand on apprit que les consuls
ne permettaient pas même aux Car-
thaginois d'envoyer à Rome une am-
bassade, les sénateurs firent entendre
un nouveau cri. Le peuple en fureur
força alors l'entrée du sénat et se pré-
cipita au milieu de l'assemblée.
En un moment, il y eut dans la ville
un horrible tumulte. On massacra les
sénateurs qui avaient conseillé de li-
vrer aux Romains les trois cents otages
et toutes les armes; on poursuivit à
coups de pierres les ambassadeurs , et
on se jeta, pour user de représailles,
sur les Italiens qui se trouvaient alors
à Carthage; puis il y eut un ç;rand
nombre de citoyens qui coururent aux
portes et aux murailles pour les dé-
fendre contre l'ennemi que l'on atten-
dait à chaque instant. « Toute la ville,
dit Appien, était pleine de larmes, de
fureur, de crainte et de menaces. »
Dans un danger si pressant, le sénat
carthaginois se montra ferme et résolu ;
il ordonna à tous les citoyens de se
tenir prêts à combattre, et par un dé-
cret, qu'un héraut était chargé de lire
publiquement, il affranchit les escla-
ves. On eut bientôt rassemblé de nom-
breux soldats. Asdrubal(*), qui avait
déjà sous ses ordres vingt mille hom-
(*) C'était le même qui avait été condamné
à mort pour avoir fait la guerre à Massinissa.
mes complètement armés, fut choisi
pour commander, hors des murs de
Carthage, les troupes de la république,
et un autre Asarubal, petit-fils de
Massinissa par sa mère, fut chargé de
veiller à la défense de la ville, Cette
généreuse résolution, chez un peuple
qui depuis un demi-siècle avait montré
à l'égard de ses plus cruels ennemis
tant de faiblesse et une si lâche con-
descendance, ne pourrait s'expliquer,
si Ton ne savait que la révolution qui
venait d'éclater dans la république
avait remis le pouvoir aux mains de
ceux qui aimaient sincèrement leur na-
trie. Quand les projets odieux des
traîtres vendus à Rome et à Massinissa
furent dévoilés, Carthage, comme au
temps de la guerre d'Annibal , n'hésita
point à confier ses destinées au parti
démocratique. Dès lors, elle sembla
se ranimer avec toutes ses forces pour
engager contre ses ennemis un dernier
et glorieux combat.
Les Carthaginois avaient envoyé au
camp romain demander une trêve de
trente jours. Cette trêve ne leur fut
Î)oint accordée. Le refus des consuls,
oin de les abattre, ne fit que leur ins-
pirer une nouvelle audace. Hommes
et femmes se précipitèrent alors dans
les temples et les édifices spacieux pour
les transformer en ateliers. Là, ils
travaillèrent nuit et jour, sans relâche,
à la fcîbrication des armes, et bientôt
ils eurent en nombre suffisant des pi-
ques, des épées et des boucliers. Il y
eut un moment où l'on manqua de
cordages pour les machines de guerre;
« alors, ait Appien, les femmes n'hé-
sitèrent point à faire , pour la défense
commune, le sacrifice de leurs che-
veux. >»
Commencement de la troisième
GUERRE PUNIQUE ; MâNILIÛs ET CeN-
SORINUS s'approchent DE CARTHA-
GE ; PREMIERES OPERATIONS DU SIE-
GE; 149 AVANT NOTRE ERE. — DcS
événements imprévus avaient arrêté
Manilius et Censorinus. Le vieux roi
de Numidie, Massinissa, n'avait point
vu sans douleur les Romains descendre
en Afrique pour lui arracher une con-
quête qu'il poursuivait depuis un demi-
Digitized by
Google
iiô
L'UNIVERS.
siècle. Une chose surtout l'avait irrité,
c'est que les Romains l'avaient laissé
dans une ignorance complète de leurs
desseins. Il témoigna, par ses messa-
ges, son mécontentement à Manilius
et à Censorinus : ceux-ci étaient donc
f)eu rassurés sur les dispositions de
eurplus fidèle allié, lorsqu'ils reçurent
des courriers qui annoncèrent que
Massinissa enverrait des secours aux
Romains, et qu'il leur prêterait,
comme par le passé , une loyale assis-
tance. Les consuls avaient encore un
autre sujet de crainte; ils ne se procu-
raient des vivres qu'avec une extrême
difficulté, et ils ne recevaient des con-
vois que d'un petit nombre de villes
situées au bord de la mer. Asdrubal
tenait toute la campagne, et il ne
cessait d'envoyer à Carthage d'im-
menses approvisionnements. Cepen-
dant, après plusieurs jours passés dans
l'incertitude, Manilius et Censorinus
prirent enfin la résolution de venir
attaquer Carthage, et ils se dirigè-
rent vers cette ville avec toute leur
armée.
Carthage était bâtie sur une pres-
qu'île, entre Utique, au nord-ouest,
et Tunis , au sud-ouest. Vers le conti-
nent, la ville était défendue par une
triple défense : un fossé bordé d'une
palissade , un mur d'une hauteur mé-
diocre, et un autre mur d^une éléva-
tion considérable. Du côté de la mer,
il n'y avait qu'une simple muraille.
Au nord, se trouvait un faubourg
qu'on appelait la Ville neuve ou Mé-
gara. Un mur particulier séparait ce
faubourg de l'ancienne ville.' Au sud
de Carthage se trouvaient deux ports ;
l'un était destiné aux vaisseaux mar-
chands , l'autre aux vaisseaux de guerre.
Les deux ports communiquaient à la
mer par une entrée commune. Il fallait
traverser le port marchand pour ar-
river au port militaire ou Cothôn. La
place où se tenaient les assemblées du
peuple était située près du Cothôn ; et
non loin de cette place, en se dirigeant
vers le nord , on rencontrait la cita-
delle connue sous le nom de Byrsa.
Nous devons ajouter encore, afin de
rendre plus clair le récit qui va suivre.
?'
ju'il y avait au sud de Carthage une
langue de terre étroite et allongée qui
séparait le lac de Tunis de la mer.
Cette langjue de terre s'appelait Tœnia.
Au point de jonction de la Taenia et de
la presqu'île où est bâtie Carthage,
s'élevait un mur qui n'était pas tres-
élevé et qui n'avait qu'une médiocre
épaisseur. C'était l'endroit le plus
faible des fortifications de Carthage(*).
Arrivés sous les murs de la ville,
les deux consuls combinèrent les opé-
rations du siège. Manilius se plaça sur
le continent, au nord de Carthage, non
loin vraisemblablement de la porte
d'Utique. Censorinus avec la flotte se
porta a l'extrémité de la Taenia , vers
la partie faible de la muraille. Manilius
et Censorinus s'étaient promis une
victoire ajsée : ils croyaient Carthage
dépourvue d'armes 'et de soldats, et
déjà ils se préparaient à livrer l'assaut,
lorsqu'ils virent sur les murailles des
hommes bien armés et qui faisaient
bonne contenance. Tant de résolution
et d'audace chez les assiégés étonna les
consuls. Ils furent contraints alors ,
pour ne point s'engager témérairement
dans une périlleuse entreprise, de pren-
dre de nouvelles dispositions. Enfin ,
après quelques moments d'hésitation ,
ils vomurent tenter l'assaut et ils es-
sayèrent une double attaque , mais ils
furent repoussés par les Carthaginois.
Ce premier succès accrut encore le
courage et l'ardeur des assiégés.
On vit bientôt paraître sur les bords
du lac de Tunis l'armée d' Asdrubal.
Craignant à leur tour d'être" envelop-
pés et assiégés, Manilius et Censorinus
fortifièrent leurs camps et s'y tinrent
renfermés ; obligés de se prémunir
contre une double attaque , ils furent
forcés de ralentir les opérations du
siège. Asdrubal, en effet, surveillait
tous les mouvements des armées con-
sulaires. Un jour , Censorinus ayant
traversé le lac de Tunis pour se procu-
rer le bois nécessaire a la construc-
tion des machines de guerre, il se vit
(*) Nous renvoyons nos lecteurs à la par-
tie oe notre travail que nous avons consa-
crée à la topographie de Carthage.
Digitized by VjOOQIC
CÀRTHAGE.
m
attaqué à Fhnprovîste par Hf mîlcon ,
surnommé Phamaeas, général de la
cavalerie carthaginoise. Le consul per-
dit cinq cents hommes dans cette ren-
contre.
Les Romains s'approchèrent alors
des murs de la ville et tentèrent un
nouvel assaut, mais cette fois encore
ils furent repoussés par les Carthagi-
nois. Cet échec fit croire à Manilius
que du côté où il avait établi son camp
Carthage était inexpugnable , et il ne
renouvela point ses attaques. Censo-
rinus ne perdait point couras^ , et il
conservait toujours l'espoir d'empor-
ter la ville en donnant l'assaut par la
Taenia. Pour rendre plus faciles ses
manœuvres, il élargit, en comblant une
partie du lac, l'étroit espace où cam-
paient ses soldats ; puis il fit construire
deux énormes béliers pour battre la
partie fctible des murailles. Mises en
mouvement par d'innombrables mains,
les deux machines ouvrirent bientôt
une large brèclie. Les Carthaginois ne
restaient point inactifs et ils relevaient
pendant la nuit la partie des murailles
qui s'était écroulée. Mais ils ne tardè-
rent point à voir que le travail des
nuits était insufGsant pour réparer
toutes les brèches que les machines fai-
saient pendant le jour; alors ils s'é-
lancèrent hors des remparts avec des
torches, et ils incendièrent les deux
béliers. Les Romains, à leur tour, es-
sayèrent de pénétrer dans la ville par
les brèches qui n'avaient point été ré-
f tarées. Ils apercevaient ae loin , par
'ouverture des murailles, les Cartha-
ginois rangés en bataille, et cette vue
les irritait; ils se précipitèrent sur l'en-
nemi qui les attendait de pied ferme ,
et une lutte terrible s'engagea. Enfin
les Romains furent repoussés avec
perte, et ils couraient déjà le danger
d'être massacrés jusqu'au dernier, lors-
que le jeune Scipion , qui servait dans
rarinée en qualité de tribun, s'avança
avec des troupes de réserve, et assura
par ses prudentes dispositions le salut
et la retraite des soldats qui fuyaient.
On était en plein été , et la canicule
faisait ressentir toutes ses ardeurs.
Des exhalaisons pestilentielles s'éle-
vaient du lae de Tuniâ, où se trouvait
la flotte romaine. Déjà les équipages
étaient soumis aux malignes influences
de la saison, lorsque Censori nus or«
donna aux commandants des vaisseaux
de quitter le lac pour entrer dans la
mer. Les Carthaginois profitèrent de
cette circonstance ; ils observèrent le
vent et lancèrent un jour des brûlots
contre les vaisseaux rOinains. La flamme
se communiqua à plusieurs galères , et
peu s'en fallut alors que toute la flotte
ne fût incendiée. Peu de temf>s après
ce dernier événement , Censorinus fut
rappelé à Rome pour assister aux co-
mices où l'on devait élire les nouveaux
consuls.
APAÈS le &BPÀRT DE CENSORI-
NUS LES Carthaginois redoublent
d'activité; imprudence du con*
suL Manilius; l'armée romaine
EST SAUVÉE plusieurs FOIS PAR LE
JEUNE Scipion ; expédition de Ma»
NILIUS CONTRE LE CAMP DE JSÉPSE-
Ris ; 149 AVANT NOTRE ERE. —Quand
les Carthaginois eurent appris le dé-
part de Censorinus , leur audace s'ac-
crut , et ils conçurent le hardi projet
d'attaquer Manilius dans ses retranche-
ments. Ils sortirent de nuit , et ils se
précipitèrent sur le camp romain. En
§eu de temps le désordre fut au comble
ans l'armée de Manilius. Déjà les
Carthaginois avaient arraché une par-
tie des palissades, lorsque Scipion les
repoussa avec une troupe de cavaliers ,
et les força à rentrer dans la ville. Au
milieu dû tumulte, le jeune tribun
s'était élancé hors du camp ; il avait
tourné l'armée ennemie, et l'avait îrt-
taquée par derrière. Effrayés alors par
l'arrivée imprévue d'une troupe de ca-
vahers, les Carthaginois avaient pris
la fuite, et s'étaient retirés dennère
leurs murailles. C'était la seconde fois
que Scipion sauvait une armée ro-
maine.
Depuis C9tte vive alerte, le consul
Manilius se montra vigilant et se tint
sur ses gardes. Puis^ au lieu d'une
palissade, il construisit un mur autour
de son camp. Malgré ces précautions ,
l'armée romaine courait encore de
grands dangars. Les vivres M man-
Digitized by
Google
112
L'UNIVERS.
quaient. Les convois que Ton eavoyaît ,
par mer, à Manilius, étaient souvent
interceptés par les Carthaginois. Pour
protéger les débarquements, le consul
avait fait élever un fort sur la côte ;
mais, depuis longtemps, les provisions
qu'il recevait ne pouvaient lui suffire.
Il réunit alors dix mille fantassins et
deux mille cavaliers, et il leur ordonna
de se répandre dans les campagnes
pour enlever les blés et le fourrage.
Ce corps d*armée eut bientôt à redou-
ter les attaques de Phamœas. Le géné-
ral de la cavalerie carthaginoise se
cachait dans les vallées, et, lorsqu'il
voyait les fourrageurs romains épars
çà et là dans la campagne, il se préci-
Îlitait sur eux , et les massacrait. Parmi
es tribuns qui commandaient à tour
de rôle les soldats qui sortaient du
camp, Scipion était le seul que Pha-
maeas n'osât point attaquer. En effet,
le jeune tribun maintenait ses soldats
dans une discipline sévère; il ne leur
permettait point de s'écarter des rangs ;
et , lorsqu'il envoyait une troupe pour
couper l'herbe et enlever le blé , il fai-
sait garder les fourrageurs par de forts
détachements de cavaliers et de fan-
tassins. Scipion ne tarda point à rendre
de nouveaux services à l'armée ; d'abord
il repoussa les Carthaginois qui avaient
essayé d'enlever le fort que le consul
avait bâti au bord de la mer; ensuite
il sauva Manilius et les soldats romains
qui s'étaient im[)rudemment engagés
aans une expédition contre Asdrubal.
Le général carthaginois avait établi
son camp à Néphéris. C'était de la
Î[u'il envoyait Phamaeas pour harceler
es soldats romains. Le consul, mal-
gré les avis de Scipion, prit un jour
la résolution d'attaquer Asdrubal dans
ses retranchements. Il se mit en mar-
che et il se dirigea , à travers un pays
qui lui était inconnu , vers l'armée
ennemie. Les Romains n'étaient plus
séparés du camp d'Asdrubal que par
un espace de trois stades lorsqu'ils
rencontrèrent un fleuve. En cet ins^
tant, Scipion conseilla à Manilius de
rétrograder. Alors quelques - uns des
triburts, qui étaient jaloux de la gloire
de ScipioD , s'écrièrent que fuir à Ta vue
de l'ennemi , c'était montrer plus de
lâcheté que de prudence. « Au moins,
ajouta Scipion , restons de ce côté du
fleuve , et attendons qu'Asdrubal vienne
nous présenter la bataille. » Les tri-
buns repoussèrent encore cet avis. « Si
nous devons ici , dit l'un d'eux , obéir
à Scipion , et non point au consul , je
suis prêtée jeter mon épée. » Apres
cette vive altercation, Manilius passa
le fleuve. Il y eut bientôt entre les Car-
thaginois et les Romains une sanglante
mêlée ; mais il est vraisemblable que
l'avantage ne resta point aux Romains,
car, immédiatement après la bataille ,
ils se disposèrent à la retraite. Parmi
eux, dit Appien, il y en avait déjà un
grand nombre qui se repentaient d'avoir
donné à Manilius le conseil d'entre-
prendre cette périlleuse expédition.
Au moment où l'armée , en se retirant ,
arriva aux bords du fleuve , l'embarras
fut extrême, car on ne trouvait qu'un
petit nombre de bateaux pour trans-
porter les soldats d'une rive à l'autre.
Les Romains, craignant alors d'être
attaqués pendant les lenteurs du pas-
sage , rompirent leurs rangs , et bien-
tôt , parmi eux , le désordre fut à son
comble. Asdrubal épiait tous leurs
mouvements. Quand il crut l'instant
favorable , il se précipita sur eux et en
fit un grand massacre. Trois tribuns
des légions restèrent au nombre des
morts ; c'étaient les mêmes qui naguère
avaient conseillée Manilius de persis-
ter dans son dessein, et de livrer ba-
taille aux Carthaginois. L'armée ro-
maine .courait grand risque d'être
exterminée tout entière , lorsque Sci-
pion , prenant^avec lui un corps de ca-
valerie, arrêta l'ennemi par ses habiles
manœuvres. Il attira sur lui tout l'ef-
fort des (Carthaginois, et donna le
temps aux Romains de passer sur l'au-
tre rive. Le consul et son armée se
trouvant ainsi hors du péril , Scipion ,
avec ses cavaliers, se jeta dans le ffeuve,
au milieu d'une grêle de traits , et il
parvint , non sans peine , à rejoindre
ceux qu'il avait sauvés.
Au moment où Asdrubal avait com-
mencé le combat \ quatre cohortes ro-
maines avaient été séparées du gros
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
IIS
de Tarmée. Pour être en mesure de se
défendre, elles s*étaient retranchées
sur une émincnce. Là elles ne tar-
dèrent point à être assiégées par toute
Tannée carthaginoise. Les Romains ne
s'aperçurent qu'après le passage du
fleuve, de Fabsence de ces quatre
cohortes. Le consul et ses soldats turent
alors en proie à de vives inquiétudes.
Ils ne savaient à quoi se résoudre :
les uns voulaient marcher encore une
fois à l'ennemi pour délivrer leurs
compagnons assiégés ; les autres , au
contraire , prétendaient qu'en essayant
d'arracher a la mort un petit nombre
d'hommes, on risquait de compro-
mettre le salut de l'armée tout entière.
Déjà ce dernier avis semblait préva-
loir, lorsque Scipion dit au consul :
<c Nos soldats courent le plus grand
danger, et nous ne devons point les
laisser périr. C'est maintenant qu'il
faut avoir recours à l'audace. Si vous
voulez me conQer une partie de votre
cavalerie, j'essayerai de les délivrer,
ou je mourrai avec eux. » Quand Sci-
pion se mit en marche avec la troupe
qu'il avait choisie, l'armée le suivit
des yeux avec tristesse, car on crai-
gnait que lui-même ne revînt pas.
Mais, contre toute espérance, il déli-
vra les cohortes assiégées , et les ra-
mena au camp de Manilius. Par sa
noble conduite , le jeune Scipion s'at-
tira l'admiration des soldats. Ses
louanges étaient dans toutes les bou-
ches. On le proclamait le digne héri-
tier de Paul Emile son père , et des
Scipions qui Tavaient adopté. On di-
sait même , et c'était l'opinion com-
mune dans l'armée , qu'il avait pour
conseiller et pour protecteur le dieu
qui jadis avait accompagné le vain-
queur d'Annibal , et lui avait dévoilé
les secrets de l'avenir.
Cependant l'armée romaine conti-
nuait sa retraite au milieu des plus
grands dangers-, car Phamxas la sui-
vait de près avec sa cavalerie , et ne
cessait de la harceler. Elle croyait
enfin toucher au terme de ses longues
fatigues, et déjà elle se préparait à
rentrer dans son camp , lorsqu'elle fut
attaquée inopinément par la garnison
8* Livraison. (Carthage.)
de Carthage. Elle livra alors un nou-
veau combat dans lequel elle perdit
encore plusieurs soldats.
MoBT DE Massinissa; Gulussa
vient au secoubs des romains ;
Manilius entbepbend une seconde
expedition gontbe le camp de
néphébis; phamikas tbahit les
CaBTHAGINOIS ET PASSE DANS LE
CAMP DES Romains; Scipion et
PHAMifiAS vont a Rome ; 149 ET 148
AVANT NOTEE EEE. — Sur CCS entre-
faites, on vit arriver en Afrique des
commissaires envoyés par le séiiat ro-
main ; ils devaient, à leur retour, faire
lin rapport fidèle sur l'état de l'armée
et sur les événements qui s'étaient
accomplis. Les commissaires examinè-
rent tout avec soin dans le camp db
Manilius, Là, ils remarquèrent le sen-
timent d'admiration qu'inspirait non
point seulement aux soldats , mais en-
core aux tribuns et au consul , la con-
duite de Scipion. Ils revinrent à Rome«
où ils firent part au sénat de toutes
leurs observations. Il est vraisemblable
qu'après ce rapport, les Romains con-
çurent des craintes sérieuses au sujet
de la guerre d'Afrique , et qu'ils dou-
tèrent du succès de leur entreprise,
car ils envoyèrent alors des ambassa-
deurs à Massinissa pour lui demander
des secours contre les Carthaginois.
Quand les ambassadeurs arrivèrent en
Numidie, Massinissa avait cessé de
vivre , et ses trois fils , Gulussa , Mi-
ci psa et Manastabal , s'étaient partagé
ses vastes États.
Peu de temps avant sa mo>t, le
vieux roi avait mandé Scipion, et l'avait
chargé de régler les affaires de sa suc-
cession. Celui-ci s'était empressé d'ac-
courir pour rendre ce dernier service
au compagnon et à l'ami de son illustre
aïeul. Se conformant eux intentions de
Massinissa mourant, Scipion avait
réglé les partages au gré de tous les
héritiers , et après s'être acquitté avec
sagesse des fonctions délicates qu'il
avait acceptées, il était revenu avec
Gulussa au camp de Manilius. Les Ro-
mains ne tardèrent point à voir qu'ils
avaient dans le jeune roi de Numidie
un précieux auxiliaire , car, avec ses
8
Digitized by
Google
114
L'UNIVERS.
cavaliers agiles et expérimentés, il pré-
venait toutes les ruses de Phamaeas,
et réprimait ses audacieuses tentatives.
Il arriva un jour , pendant l'hiver ,
que Phamaeas et Scipion eurent ensem-
ble un entretien. Ils suivaient l'un et
l'autre, avec leurs soldats, les bords
d'un torrent, et ils n'étaient séparés
que par le courant profond et rapide,
lorsque Scipion, qui redoutait les ruses
du général carthaginois, s'avança en
tête de sa troupe pour reconnaître les
chemins. Phamœas , de son côté , se
sépara de ses soldats , et courut en
avant, accompagné d'un seul cavalier.
Scipion , persuadé que le Carthaginois
ne cherchait que l'occasion de lui par-
ler, prit avec lui un de ses amis et
marcha jusqu'à un endroit d'où il pou-
vait se faire entendre de Phamaeas ; il
lui cria alors : « Puisque vous ne pou-
vez sauver Garthage, pourquoi ne
point songer à votre propre sûreté?
— Et que dois-je espérer des Romains,
dit Phamaeas, moi, qui leur ai fait
tant de mal? — Vous pouvez tout es-
pérer, répondit Scipion, et dès au-
jourd'hui je m'engage, au nom de mes
concitoyens, à vous accorder la vie
sauve et une récompense. — Je me fie
à vos paroles , répliqua Phamaeas,
Toutefois, je ne veux me décider
qu'après mûre réflexion. Je vous ferai
connaître plus tard la détermination
que j'aurai prise. » A ces mots , Pha-
maeas et Scipion rejoignirent leurs sol-
dats.
Cependant le consul Manilius voulait
effacer, par un éclatant succès, la
honte de sa première expédition contre
JHéphéris. Il fit donc ses préparatifs,
et après avoir ordonné aux soldats de
se pourvoir de vivres pour quinze
jours, il se mit en marche et se dirigea
vers le camp d'Asdrubal. Cette fois ,
Manilius se montra plus circonspect
que dans sa première expédition, mais
il ne fut pas plus heureux. Quand il se
trouva en vue des Carthaginois , il ne
tarda pas à comprendre aue son entre-
prise devait échouer, et oientôt il son-
gea à la retraite. Mais le consul , mal-
gré ses précautions , ne pouvait rétro-
grader sans courir les plus grands
dangers , et il redoutait déjà pour son
armée les attaques d'Asdrubal. Le gé-
néral et les soldats étaient en proie à
la crainte et à la honte, lorsqu un des
cavaliers numides de Gulussa apporta
une lettre à Scipion. On l'ouvrit en
présence de Manilius , et on y Hit ces
mots : « Je me trouverai tel jour à tel
endroit ; je vous attends. Dites à vos
soldats de se tenir prêts à recevoir
celui qui se présentera à eux pendant
la nuit. » Quoi(]ue la lettre ne fut point
signée , Scipion comprit aisément
qu'elle lui avait été adressée par Pha-
maeas. Au jour convenu , il se dirigea,
avec l'assentiment du consul, vers ren-
droit qui lui avait été désigné. Il y
trouva Phamaeas qui l'aborda et lui
dit : a Je suis prêt à passer dans votre
camp; c'est à vous que je me confie y
et je remets mon sort entre vos
mains. » Après un court entretien, le
général carthaginois rejoignit les siens.
Le lendemain , Phamœas mit sa ca-
valerie en bataille, puis il ordonna aux
ofllciers de sortir des rangs. Quand ils
furent rassemblés, il leur parla en ces
termes : « Si nous pouvions encore
sauver Carthage, vous me verriez ten-
ter avec vous les plus grands efforts
pour écarter de notre malheureuse pa-
trie le danger qui la menace. Mais au-
jourd'hui que tout espoir est perdu,
j'ai dû songer à me sauver moi-même.
Je m'empresse d'ajouter que je ne vous
ai point oubliés. Les Romains se sont
engagés à vous accueillir, vous comme
moi, si toutefois vous consentez à
suivre mon exemple. Réfléchissez à
mes parbles , et voyez ce qu'il vous
reste a faire. » En achevant ces mots,
il se dirigea vers les Romains, suivi de
deux mille cavaliers. Alors Rannon,
rassemblant les débris de la troupe de
Phamaeas, ramena au camp d'Asdrubal
les soldats qui ne s'étaient point laissé
séduire par de honteuses promesses,
et qui, au jour du danger, n'avaient
point désespéré du salut de Carthage.
Quand l'armée romaine vit arriver Sci*
pion accompagné de Phamaeas et des
autres transfuges , elle s'avança à sa
rencontre et l'accueillit comme un
triomphateur. La Joie du consul était
Digitized by
Google
CARTHAGE.
lit
«itréme, car il sentait qu'il pouvait
continuer sa retraite sans crainte d'être
inquiété p^r les Carthaginois. Il se mit
donc en marche et hâta son retour.
Peu de temps après cette expédition
qui avait duré vingt jours « Manilius
apprit que Calpurnius Pison avait été
choisi pour le remplacer dans le com-
mandement de l'armée. Ce fut alors
que Scipion partit pour Rome avec
Phamseas. Les soldats accompagnèrent
le jeune tribun jusqu'à son vaisseau:
ils priaient les dieux de le ramener en
Afrique, car lui seul, disaient-ils, pou-
vait détruire Carthage. A Rome, Sci-
pion reçut les éloges du sénat. Quant à
Phamaeas, on le combla de présents, et
on lui fit entendre au'on lui donnerait
bien plus encore, s^il restait fidèle aux
nouveaux engagements qu'il avait con-
tractés. Phamœas fit les plus grandes
promesses^ et il ne tarda pas a partir
pour l'Afrique, où il rejoignit le camp
des Romains.
Le consul Calpubnius Pison et
L. Mancinus viennent prendre
LE COMMANDEMENT DE L'ABMÉB
d'Afrique ; succès des Carthagi-
nois ; LES FRÈRES DE GULUSSA HÉ-
sitent a envoyer des secours aux
Romains; troubles a Carthage;
148 AVANT NOTRE ÈRE. — Au Com-
mencement du printemps , on vit arri-
ver en Afrique le consul Calpurnius
Pison et L. Mancinus qui avait été
choisi pour commander la flotte ro-
maine. L'armée que leur laissa Mani-
lius était si faible et si découragée,
qu'ils n'osèrent point attaquer Car-
thage , et qu'ils se bornèrent à porter
la guerre dans la contrée qui avoisinait
le camp. Ils vinrent d'abord assiéger
par terre et par mer la ville de Clypea;
mais cette première tentative ne fut
point heureuse, et ils furent repoussés.
Peu de temps après , Pison entra dans
une ville quMl pilla, malgré la promesse
formelle qu'il avait faite aux habitants
de respecter toutes leurs propriétés.
Ce succès lui fut plus funeste qu'utile,
car les autres cités de l'Afrique, se
défiant de la parole de Pison , refusè-
rent d'écouter ses propositions, et elles
aimèrent mieux se défendre jusqu'à
la dernière extrémité qne de se rendre.
Calpurnius Pison se dirigea alors aved
son armée vers Hippone. Cette villd
avait une forte citadelle^ de bonnes
murailles et un excellent port. Située
non loin de Carthage et d'Utique , elle
avait pris part à la guerre , et elle in-
terceptait cliaque jour les convois des
Romains. Le consul voulait se venger
avec éclat sur les habitants d'Hippone,
et il espérait en outre recueillir, après
la prise de la ville, un riche butin.
Mais ses espérances furent déçues.
Les assiégés furent vainqueurs dans
deux sorties , et avec l'aide des Car-
thaginois, ils incendièrent les machines
des Romains. Le siège d'Hippone
dura tout i^té. Pison, désespérant
enfin d'emporter la place , se retira à
Utique, oiiilprit ses quartiers d*hiver«
La fortune semblait favoriser Car-
thage. L'armée d'Asdrubal n'avait en-
core éprouvé aucune perte. Le consul
Pison n'avait pas été plus heureux que
ses prédécesseurs Manilius et Censo-
rinus , et au moment même où les Ro-
mains levaient le siège d'Hippone , huit
cents cavaliers numides abandonnaient
Gulussa pour s'enfuir dans le camp des
Carthaginois. De plus, ceux que Rome
comptait au nombre de ses alliés, en
Afrique, commençaient à manifester
une grande irrésolution. Micipsa et
Manastabal, frères de Gulussa, n'a-
vaient point cessé de dire qu'ils étaient
disposes à envoyer aux Romains des
armes et de l'argent, mais ils ne se
hâtaient point de remplir leurs pro-
messes , et ils attendaient l'issue des
événements. Alors, les Carthaginois
sentirent leur courajgè s'accroître, et
ils purent espérer un instant d'échapper
au danger qui les menaçait. D'abord ,
ils mirent des troupes dans les pro-
vinces voisines de Carthage; puis, ils
répandirent dans toutes les parties de
l'Afrique des émissaires qui avaient
pour mi^ion d'exciter les po|)ulations
a faire la guerre aux Romains. Ces
émissaires , qui se rendirent aussi au-
près des rois Micipsa et Manastabal,
disaient que les Romains n'étaient
point invincibles; que deux fois ils
avaient échoué contre Asdrubal, à
8.
Digitized by
Google
116
L'UNIVERS-
]Néphéris, et que naguère encore ils
avaient été forcés de lever le siège
d'HIppone. Ils ajoutaient : « Vous êtfes
menacés comme nous, car si Carthage
succombe, les Romains ne tarderont
point à porter leurs armes victorieuses
Risque sur votre jjropre territoire. »
Les Carthaginois firent plus encore:
ils envoyèrent, s'il faut en croire Ap-
pien, des ambassadeurs en Macédoine
a celui qui se disait le fils du roi Per-
sée. Ils l'exhortèrent à poursuivre avec
ardeur la guerre contre les Romains ,
et ils s'engagèrent à lui fournir de
l'argent et des vaisseaux.
Au moment même où les Carthagi-
nois déployaient une si grande activité
et manifestaient hautement leurs espé-
rances, des querelles intestines agitaient
la république. Asdrubal, qui deux fois,
àNéphéris, avait vu échouer l'armée de
Manilius , voulait alors devenir le ma-
gistrat suprême de l'État et commander
dans Carthage. Pour réussir, il accusa
le chef de la république , qui , comme
nous l'avons dit plus haut, s'appelait
aussi Asdrubal^ et se trouvait lié par
les liens de la parenté à la famille de
Massinissa, d'entretenir avecGulussa
de coupables intelligences. Quoique
cette accusation fût calomnieuse , dit
un historien ancien, le premier magis-
trat de Carthage subit le châtiment
réservé aux traîtres , et fut mis à
mort (*).
ËLECTION DES CONSULS A ROME ;
SCIPION EST PORTÉ AU CONSULAT
l'ab les suffrages unanimes du
peuple; Mancinus se présente
devant les murs de carthage et
DONNE UN assaut ; SCIPION , EN
Afrique , sauve d'une perte cer-
taine Mancinus ET SES troupes; 147
AVANT NOTRE ERE. — La nouvelledcs
échecs reçus par le consul Calpurnius
Pison jeta la crainte dans l'âme des Ro-
mains. Ils commençaient à croire que
Carthage ne pouvait être détruite, lors-
q^ue tout à coup le souvenir des actions
glorieuses accomplies par Scipion vint
(*) Nous dirons plus bas ce qu'il faut
penser du témoignage d*Appien , lorsque cet
nistorien nous parle d' Asdrubal.
les rassurer. A Rome , les citoyens se
racontaient a Tenvi chacun des exploits
du jeune tribun, et tous disaient que
pour terminer promptement la guerre,
il fallait élever Scipion au consulat, et
l'envoyer en Afrique. Lorsque le jour
des comices fut arrivé, Scipion brigua
l'édilité, mais le peuple, d'une voix
unanime, le nomma consul. Ce choix
du peuple était une infraction aux lois,
car le nouvel élu n'avait point encore
atteint l'âge où l'on pouvait parvenir ,
dans la republique , à la première des
dignités. Toutefois , après quelque hé-
sitation, le sénat ratifia ce qui avait été
fait dans les comices. Scipion reçut le
commandement de l'armée d'Afrique,
et , avant son départ, il fut autorisé à
lever en Italie et ailleurs de nombreux
soldats.
Cependant , le chef de la flotte ro-
maine , L. Mancinus, s'était approché
de Carthage et il avait essayé de s'em-
parer de la ville par surprise. Il s'était
f>orté sur un point des murailles que
es Carthaginois négligeaient de gar-
der, parce que cette partie de l'en-
ceinte était défendue par une cliaîne
de rochers très-escarpés et par une mer
semée d'écueils et de bas-fonds. A la
vue de quelques-uns de leurs compa-
gnons qui pénétraient dans la ville,
tous les soldats de la flotte de Manci-
nus s'élancèrent impétueusement, la
plu{)art sans armes , vers l'endroit des
fortiflcations qui avait été forcé. Là
ils se crurent dans une forte position
et ils y passèrent la nuit; mais bientôt
ils s'aperçurent qu'ils couraient de
grands dangers : ils manquaient de
vivres , et ils pensaient avec effroi que
les Carthaginois , supérieurs en nom-
bre, pouvaient facilement les repous-
ser et les précipiter dans la mer du
haut des rochers. Mancinus se hâta
d'envoyer quelques hommes à Utique,
pour demander à Pison de prompts se-
cours. Les craintes des Romains étaient
fondées, car le lendemain, au lever de
l'aurore , ils furent attaqués de tous
côtés par les Carthaginois. Mancinus
comptait à peine cinq cents hommes
armés parmi ceux qui s'étaient élancés
avec lui pour surprendre la ville. Il
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
117
soutînt longtemps le cboc des assail-
lants; mais enOn il céda du terrain, et
déjà il allait succomber avec les siens
lorsqu'on aperçut au loin sur la mer
de nombreux vaisseaux. C'était Scipion
Î[ui arrivait. Il avait reçu à U tique
es lettres de Mancinus, et il s'était
hâté de mettre à la voile et de se di-
riger vers Carthage. Quand les Cartha-
ginois virent approcher cette nouvelle
flotte romaine, ils revinrent se placer
derrière leurs murailles, et Scipion put
recueillir sur ses vaisseaux Mancinus
et les soldats qui l'avaient suivi. Man-
cinus fut renvoyé en Italie, et Serranus
lui succéda dans le commandement de
la flotte romaine. Alors Scipion réu-
nit ses troupes , et il songea à conti-
nuer d'une manière suivie et régulière
Je siège de Carthage, Pour mettre à
exécution le projet qu'il avait conçu ,
il vint camper non loin de cette ville
avec toute son armée. Les Carthagi-
nois, de leur côté, s'avancèrent hors
des murs pour prendre position en face
du camp romain , et ils ne tardèrent
point à voir arriver dans leurs retran-
chements Asdrubal, le premier de leurs
§énéraux , et Bithya , transfuge numi-
e, qu'ils avaient mis à la tête de leur
cavalerie. Asdrubal et Bithya ame-
naient avec eux six mille fantassins
et mille cavaliers d'élite.
Scipion rétablit la discipline
DANS L'ABMEEfiOMAINE; 147 AVANT
NOTRE ÈRE.— Scipion, à son retour en
Afrique , avait remarqué dans ladisci-
Ï)line de l'armée romaine un funeste re-
âchement. Sous le commandement de
Pison , les soldats s'étaient habitués à
vivre dans le désordre ; chaque jour
ils sortaient du camp , contre les lois
militaires, pour se livrer au pillage et
à la rapine , et chaque jour aussi une
multitude d'étrangers s'introduisaient
dans les retranchements pour vendre
ou pour acheter. Puis , il y avait sans
cesse entre les soldats des querelles ,
des rixes et de sanglants combats. Sci-
pion porta remède au mal , en décla-
rant que les moindres fautes seraient
punies par des châtiments sévères. Il
chassa alors du camp ceux qui n'étaient
point enrôlés, et il enleva aux soldats
tous les objets qui n'étaient propres
qu'à les corrompre et à les amollir.
Après avoir rétabli dans son armée
l'ordre et la discipline , Scipion réso-
lut enfin de diriger une attaque contre
les murs de Carthage.
Scipion prend le faubourg de
Megara; les soldats carthagi-
nois SE RÉFUGIENT DANS LE QUAR-
TIER DE LA citadelle; 147 AVANT
NOTRE ÈRE. r— « Pendant la nuit, dit
Appien (*), et quand l'ennemi ne s'y at-
tendait pas, Scipion dirigea une double
attaque contre la partie de Carthage
qu'on appelaitMégara.C'estunquartier
très-grand qui est contiçu aux murs
extérieurs. Ayant envoyé des troupes
pour attaquer sur un pomt, il se porta
lui-même à vingt stades de distance,
avec des haches , des échelles et des le-
viers , en gardant le plus profond si-
lence. Les sentinelles carthaginoises
placées sur les murs de Mégara , aver-
ties de son approche , ayant poussé le
cri d'alarme, son corps d'armée et ce-
lui qui faisait la fausse attaque y ré-
pondirent par un cri terrible. * Les
Carthaginois furent effrayés de voir,
la nuit, tant d'ennemis les assaillir de
deux côtés à la fois. Cependant il ne put
s'emparer des murs , malgré tous ses
efforts. Heureu sèment u ne tour déserte,
située hors des murs qu'elle égalait
en hauteur, s'élevait à peu de distance
de leur enceinte. Scipion y fait monter
de jeunes soldats intrépides qui , avec
des solives et des planches appuyées
sur la tour et le mur, forment un
pont, renversent l'ennemi qui défen-
dait la muraille, s'en emparent, sau-
tent dans Mégara, et après avoir brisé
une des portes y introduisent Sci-
(*) Pour certains détails du siège nous
reproduii*ODs fidèlement le récit d'Appien.
Comme les passages de ce récit qui servent
à déterminer la position des différents quar-
tiers de la ville assiégée et des lieux qui
Tavoisineut, ont été rendus avec une scru-
puleuse exactitude par M. Dureau de fa
Malle , nous nous proposons de citer quel-
quefois les excellentes traductions aue Ton
rencontre dans les Recherclœs sur ta topo-^
grapïùê de Carthage,
Digitized by VjOOQIC
tl8
L'UNIVERS.
pion. II y entre avee quatre mille hom*
mes , et , par une prompte fuite , les
Carthaginois, comme si le reste de la
ville était pris, se sauvent dans Byrsa.
Les cris des prisonniers , le tumulte
qu'ils entendaient derrière eux, ef-
irayèrent tellement les Carthaginois qui
étaient dans le camp retranché , hors
des murs, qu'ils abandonnèrent aussi
cette position et se réfugièrent avec
les autres dans la citadelle. Mais comme
le faubourg de Mégara était rempli de
jardins plantés d'arbres fruitiers , se*
parés par des clôtures en pierres sè-
ches, des haies vives d'arbustes épi-
neux, et coupés par de nombreux canaux
profonds et tortueux , Scipion , crai-
gnant de -s'engager dans ce terrain
difficile dont les voies étaient incon-
nues aux Komains, et où l'ennemi, à
la faveur de la nuit, pouvait lui dres-
ser une embuscade , s'arrêta et lit
sonner la retraite. »
ASDBUBAL MÀSSÀGBE LES PBISON-
mSBS BOIAAINS; MOYENS EMPLOYÉS
PAB AÇBBUBiX P0UBI>0MIN£B DANS
LA VILLE ; SCIPION ENLEVE AUX CaB-
1EA6INOIS TOUTE COMMUNICATION
ÀYEC LE continent; famine a Cab-
THAOE ; 147 AVANT NOTBE ÈBE. —
X<e lendemain, quand le jour ^rut,
Asdrubal, à la vue des ennemis qui
campaient dans Mégara , fut en proie
à la douleur et à la colère, il rassembla
alors les soldats romains qui avaient
été pris pendant la guerre» et après les
avoir livrés à d'hoiribles mutilations ,
il les fit précipiter du haut des mu-
railles. Il croyait sans doute , dit l'his-
torien du siège, enlever ainsi à ses
concitoyens tout espoir de traiter avec
les Romains ; mais cette horrible exé-
cution n'eut point le résultat qu'il at-
tendait. Asdrubal s'aperçut bientôt
qu*il avait soulevé contre lui de vio-
lentes haines. On lui reprocha même,
en plein sénat, d'avoir montré, en
égorgeant ses prisonniers, plus àe
cruauté que de prudence. Pour étouf-
fer les plaintes des mécontents, il fit
tuer ceux qui» parmi les sénateurs, se
déclaraient ses adversaires et blâmaient
sa conduite. Dès lors» il régna dans la
ville par la terreur.
<c Cependant, ajoute Appien , après
la prise de Mégara, Scipion fit brûler
le camp retranché que les Carthaginois
avaient abandonné la veille, lorsqu'ils
s'enfuirent dans la ville, et maître de
tout l'isthme (*) , il le côupa par un
fossé prolongé d'une mer à l'autre, qui
ne s'éloignait pas des murs ennemis
de plus d'une portée de trait. Les as-
siégés l'inquiétaient toujours dans cette
opération où le soldat, sur un dévelop-
pement de vingt-cinq stades, devait
tour à tour travailler et conibattre. Ce
fossé achevé (qui était la circonvalla-
tion)y il en fît un autre de même
graadeur à une faible distance {la con-
trevallation)^ qui regardait le continent
de l'Afrique; il y ajouta deux fossés
transversaux qui donnèrent à l'ouvrage
total la forme d'un parallélogramme, et
les hérissa tous de palissades. Derrière
les palissades s'élevait Yagger. Du côté
qui regardait Carthage , il construisit
un mur dans toute la longueur des
vingt-cinq stades, de douze pieds de
haut, sans les parapets et les tours
qui flanquaient la courtine par inter-
valle. La largeur du mur était moitié
de la hauteur. Au milieu , était une
tour en pierre très-haute, surmontée
d'une tour de bois à quatre étages,
d'où la vue plongeait dans la ville. Il
acheva cet ouvrage en vingt jours et
vingt nuits. Toutes les troupes y fu-
rent employées, les soldats se relayant
tour à tour pour travailler et se battre,
pour manger et pour dormir. »
Dans ces lignes, l'armée romaine
trouva une forte position contre l'en-
nemi. De plus, en coupant l'isthme
dans toute sa longueur, Scipion obtint
un important résultat; il empêcha l'ar-
rivée des convois qui , par la route du
continent, avaient fourni jusqu'alors
d'abondantes provisions aux Carthagi-
nois assiégés. Une grande famine ne
tarda pas a se faire sentir à Carthage.
Les habitants, qui ne pouvaient percer
les lignes de Scipion pour rétablir leurs
conmiunications avec le continent , ne
se procuraieiU des vivres qu'avec une
("^ Voyci plus bas la Topographie de
Cartilage.
Digitized by
Google
CARTHAGE.
119
extrême difficulté. Us étaient forcés de
sortir avec leurs vaisseaux, et de faire
un long détour pour prendra au loin ,
sur le rivage , les provisions aue leur
amenait k grand'peme Bithya, le géné-
ral de leur cavalerie. Encore ces cour-
ses ne se faisaient point sans danger ,
car il fallait que les vaisseaux , à leur
départ et à leur arrivée , évitassent la
flotte romaine qui croisait devant la
ville; D'un autre côté, Carthage ne
pouvait tirer aucun secours des pays
étrangers. Depuis le commencement de
la guerre, son commerce avait été
anéanti, et les marcliands n'osaient
plus pénétrer dans ses ports. Les con-
vois qui arrivaient par mer ne pou-
vaient subvenir à tous les besoins, et
Asdrubal se vit bientôt forcé de ne
distribuer des vivres qu'aux trente
mille soldats qu'il avait choisis pour
combattre. Alors la population de
Carthage qui, pendant la guerre, s'était
encore accrue des habitants de la
campagne , fut en proie à d'effroyables
souffrances.
ASDRUBAL ESSAIE DE TBAITER
AVEC LES Romains ; son enteeyue
AVEC Gulussa; béponse de S€I-
piow; 147 avant notes èbe. —
Pressé de tous côtés par l'ennemi , en-
vironné d'une foule immense dont les
maux déjà si grands et si profonds
s'aggravaient sans cesse <, Asdrubal
perdit courage. Ce fut alors que, sans
espoir de réussir , il eut recours aux
négociations. Il s'adressa, non point
directement à Scipion , mais au roi de
iVumidie, Gulussa, et il lui demanda
une entrevuel Appien ne parle point
de ces négociations ; mais Polybe, qui
se trouvait dans le camp romain à
l'époque du siège de Carthage , les ra:^
conte avec assez d'étendue. Nous don-
nons ici la curieuse narration de ce
dernier historien (*)«
« Asdrubal, le chef des Carthaginois,
était on homme vain, rempli die jac*
(*) Fragments du livre xxxix. — Comme
Ap|ri«n, dans ses Punîqueif n'a fait que re«
produire le récit de Polybe, il y a lieu de
bétonner qu'il n'ait pas même mentiooDé
ycaireviie d'A&drubal et de GolnsM.
tance, et qui, en toutes circonstances,
se montrait dépourvu des qualités que
possèdent ordinairement ceux qui
veulent commander et dominer dans
une république. Voici , entre plusieurs
autres, un exemple de sa vanité. Quand
il arriva au lieu désigné à Gulussa
pour l'entrevue, il parut armé complè-
tement et couvert d'un riche manteau
de pourpre. Il s'était fait accompagner
par dix soldats. Cependant il laissa ses
gardes derrière lui , à vingt pas envi-
ron , et du bord du fossé qui le proté-
geait y par un signe qu'il devait plutôt
attendre que donner, il fit comprendre
au roi de Numidie qu'il pouvait appro-
cher. Gulussa, au contraire, vint à
l'entrevue sans escorte, et vôtu, suivant
l'usage des Pïumides , avec la plus
grande simplicité. Lorsqu'il fut près
a Asdrubal, il lui demanda pourquoi il
s'était couvert d'une cuirasse et muni
de toutes ses armes : « Qui donc crai-
gnez-vous? lui dit-il. — je crains les
Romains, reprit le Carthaginois. -^
Je le vois bien , repartit Gulussa, car,
s'il en était autrement , vous ne reste-
riez pas , sans cause , enfermé dans
votre ville. Mais enfin, que souhaitez^
vous de moi? — Je vous prie, dit As-
drubal, d'être notre intercesseur aii-
Î>rès du général romain. Vous pouvez
ui promettre , au nom de tous mes
concitoyens, que s'il épargne Carthage
^t la laisse subsister, il trouvera en
nous une entière soumission. » Gu-
lussa se prit à rire, et s'adressant au
chef cartnaginois : « Vos paroles sont
des paroles d'enfant. Quoi! dans Tétat
déplorable oii vous êtes, assiégés par
mer et par terre , n'ayant plus de res-
sources et ne conservant pas même
des espérances, vous n'avez pas d'au-
tres {HTopositions à faire que celles
qu'on a rejetées à Vtique , avant le
si^e? — Nos alfaires ne sont point
aussi mauvaises que vous le pensez ,
répondit Asdrubal. !Nos alliés arment
au dehors pour notre défense (*) , et
(*) Polybe ajoute : il ne savait pas ce qui
yéitùtpassé tUmê la JUtturitam^, ^oits if Do-
rons aussi les événements qiu s'étaient ae-
complis alprs dans cette partie de l'Afriqttf •
Digitized by
Google
110
L'UNIVERS.
les troupes que nous avons placées sur
différents points de notre territoire ,
n*ont point encore été attaquées. Mais
c'est surtout dans les dieux que nous
mettons notre confiance. Ils sont trop
justes pour ne point nous venger de la
perfidie des Romains. Dites au consul,
je vous prie, que même après ses bril-
lants succès, les dieux et la fortune
peuvent faire triompher notre cause.
Enfin , dites-lui que les Carthaginois
ont pris la résolution de se faire mas-
sacrer jusqu'au dernier plutôt que de
se rendre. » Ici finit Tentrevue, mais
avant de se séparer , Asdrubal et le roi
de Numidie s'engagèrent à revenir au
même endroit trois jour» après.
« Rentré au camp , Gulussa rendit
compte à Scipion de Tentretien qu'il
avait eu avec Asdrubal. Scipion se mit
à rire, et dit : « En vérité, je ne con-
Î;ois pas qu'après avoir massacré cruel-
ement nos captifs, cet homme ose
encore nous reprocher d'avoir violé les
lois divines et humaines. » Mais le roi
de Numidie fit alors remarquer à Sci-
pion qu'il était de son intérêt de finir
au plus tôt la guerre; gue, sans parler
des cas imprévus , le jour où l'on fe-
rait à Rome de nouveaux consuls ne
tarderait pas à arriver, et qu'il était à
craindre, si l'hiver se passait en d'inu-
tiles attaques , qu'un autre ne vînt lui
ravir, sans l'avoir mérité, les hon-
neurs du triomphe. Scipion sentit ai-
sément la justesse de* ces réflexions ,
et il chargea Gulussa d'annoncer au
Î;énéral carthaginois , de sa part, qu'il
ui accordait à lui, à sa femme, à ses
enfants et à dix familles parentes ou
amies, la vie et la liberté, et qu'il lui
permettait en outre d'emporter de
Carthage dix talents de son bien , et
d'emmener avec lui ceux qu'il voudrait
choisir parmi ses esclaves. Gulussa,
avec des offres qui devaient , ce sem-
ble, être agréables à Asdrubal, se ren-
dit le troisième jour à l'endroit fixé
pour l'entrevue.
« Asdrubal y vint aussi. Il portait
n est vraisemblable que Polybe avait raconté
ces événements, mais son récit n'est point
parvenu jusqu'à nous.
encore ses armes et son manteau de
pourpre. A sa démarche lente et grave
on eût dit qu'il jouait, dans une tra-
gédie, le rôle du tyran. Le général
carthaginois était gras de sa nature,
mais ce jour-là son embonpoint parut
plus grand qu'à l'ordinaire. Par sa
grosseur et son teint enluminé, cet
homme ressemblait bien plus aux bœufs
que l'on engraisse dans les marchés,
qu'au chef d'une ville assiégée qui souf-
frait des maux inexprimables. Après
avoir connu , par Gulussa , les offres
du consul , il s'écria , en se frappant
la cuisse à coups redoublés : « Je
prends les dieux et la fortune à témoin
3ue le soleil ne verra jamais Carthage
étruite et Asdrubal vivant. Un hom-
me de cœur n'est nulle part plus no-
blement enseveli que sous les ruines de
sa patrie, quand il n'a pu la sauver. »
Résolution généreuse, magnifiques pa-
roles qu'on ne peut trop admirer! mais
plus tard, au jour du danger, on vit
bien qu'Asdrubal n'était qu'un lâche
et un fanfaron. D'abord , on peut lui
reprocher d'avoir fait, au milieu de
gens affamés, de somptueux repas et
d'avoir insulté, en quelque sorte, par
son embonpoint aux souttrances de ses
concitoyens. Alors, en effet, le nombre
de ceux qui échappaient à la famine
par la mort ou la fuite était immense.
Asdrubal se montrait impitoyable ; il
raillait les uns, accablait les autres
d'outrages , et souvent même il tuait
ceux qui lui faisaient ombrage. A force
de sang répandu , il intimida tellement
la multitude , qu'il conserva jusqu'au
bout , dans Carthage assiégée , une
puissance aussi absolue que le pour-
rait être celle d'un roi juste dans une
ville heureuse. »
Examen t>v jugement que Pc-
lybe et quelques autres histo-
biens ont poete sue asdbubal. —
Il ne faudrait peut-être point admettre
sans restriction le témoignage de Po-
lybe et de quelques autres écrivains
amis de Rome, lorsqu'ils font le por-
trait d'Asdrubal et qu'ils essayent
d'apprécier son caractère et ses actes.
Pendant les six années qui précédèrent
la ruine de Carthage, Asdrubal ma**
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
m
nifesta contre les ennemis de son pays
une haine trop vive pour que les Ro-
mains et tous ceux qui s'étaient atta-
chés à leur fortune aient pu Je juger
sans prévention et avec impartialité.
Nous avons rapporté fidèlement l'o-
pinion ^e Polybe et celle d'Appien qui
a suivi avec tant d'exactitude le récit
de l'illustre Mégapolitain , et on a vu
que cette opinion était sévère. 11 est
vraisemblable encore que Tite-Live,
dans la partie de son histoire qui n'est
point arrivée jusqu'à nous, n'avait pas
épargné le blâme au dernier chef des
Carthaginois. Voilà sans doute de gra-
ves, d imposantes autorités. Toute-
fois , en nous servant du récit même
de Polybe et d'Appien, nous pouvons,
sinon transformer Asdrubal en un
grand capitaine et le montrer comme
un homme exempt de fautes, au moins
prouver qu'il aima sincèrement sa |)a-
trie , et que toutes ses actions ne fu-
rent pas, comme l'ont prétendu des
écrivains ennemis, contraires à la pru-
dence et à la justice.
Au moment même où pour la pre-
mière fois, l'histoire fait mention
d' Asdrubal, nous le voyons figurer à
Carthagedans le parti populaire, c'est-
à-dire dans les rangs des ennemis im-
placables du nom romain. Bientôt il
acquiert assez d'influence parmi ses
concitoyens, pour accomplir avec eux
et par eux une importante révolution.
Il tait bannir de la ville les partisans de
Massinissa. Puis , il entreprend une
• guerre utile et juste contre le roi de
Numidie , qui , fidèle allié de Rome ,
n'avait cessé , depuis un demi-siècle ,
d'attaquer les Carthaginois et de leur
porter de continuels dommages. As-
drubal, nous l'avons dit, échoua dans
son expédition contre Massinissa.
Alors, mettant à profit les malheurs
publics , les amis des Romains repri-
rent assez d'audace à Carthage pour
proscrire le chef du parti populaire,
rîon contents de condamner à mort
Asdrubal et ses adhérents, ils vendirent
leur patrie aux Romains; ils envoyè-
rent a Libybée trois cents otages (les
Carthaginois n'en avaient remis que
cent aux vainqueurs après la bataille.
de Zama) , et ils livrèrent aux consuls
Manilius et Censorinus toutes leurs
armes. Au moment même où les traî-
tres, en désarmant Carthage, prépa-
raient le triomphe des ennemis, le
chef du parti populaire rassemblait
vingt mille soldats. Il prévoyait sans
doute que ses concitoyens désabusés
ne tarderaient point à le rappeler. £n
effet , au retour des ambassadeurs qui
étaient allés recevoir à Utique la ré-
ponse des consuls, il y eut dans la ville
une sanglante réaction. Le parti vrai-
ment national se releva plein de force
et d'énergie , pour engager contre les
Romains une dernière et terrible lutte.
Au jour du danger , Asdrubal oublia
les vieilles injures, et proclamé général
par la voix du peuple, il se hâta d'offrir
a ses concitoyens les soldats qu'avec
tant de sagesse il avait réserves pour
la défense de la patrie. Tandis que les
Carthaginois assiégés repoussaient glo-
rieusement les premiers assauts de
l'armée romaine, il se maintint dans
son camp de Néphéris, devant lequel
vinrent échouer deux fois les légions
de Manilius. Enfin, lorsque Scipion
étant consul , Carthage eut à soutenir
des attaques sérieuses et multipliées, il
se jeta dans la ville et la défendit jus-
Qu'au moment où il ne vit plus autour
de lui qu'un monceau de ruines.
Les historiens de l'antiquité ont ac-
cusé Asdrubal de cruauté, et nous
avons rapporté précédemment les faits
qu'ils ont donnes à l'appui de leur as-
sertion. Mais nous devons remarquer
que ceux-là même qui , après l'arrivée
des Romains en Afrique; furent victi-
mes de la réaction populaire, étaient
soupçonnés , nous pourrions dire con-
vaincus de s'être vendus à l'ennemi et
de trahir leur patrie. Ainsi le magistat
suprême que fit mourir Asdrubal, était
le petit-fils de Massinissa, l'ami des
Numides, et, de l'aveu d'Appien, il ne
perdit la vie que pour avoir été accusé
d'avoir entretenu avec Gulussa de cou-
pables intelligences. Ailleurs, l'histo-
rien alexandrin nous apprend qu'après
le massacre des prisonniers romains,
quelques-uns des sénateurs reprochè-
rent a Asdrubal d'avoir agi avec plus
Digitized by
Google
13S
L'UNIVERS.
de cruauté que de prudence, et de
leur avoir enlevé tout espoir de trai-
ter avec Vennemi; il ^joute que pour
étouffer Jeurs plaintes, Asdrubal les
Gt tuer. Certes , quand on a suivi avec
attention Thistoire des six années qui
précèdent la ruine de Carthage, on est
tenté de croire que ceux qui , au mo-
ment même où l'ennemi s'était rendu
maître d'une partie de la ville , pro-
clamaient hautement que Ton pourrait
encore réussir par la voie des négocia-
tions , étaient des traîtres et les amis
des Romains. Nous ne voulons point
ici excuser les crimes ou les fautes
qu'Asdrubal a commis ; nous essayons
seulement de montrer (|u'il a pu se
faire que le dernier général carthagi-
nois ait été calomnié par les ennemis
de Carthage.
« Asdrubal , disent Polybe et Ap-
pien, régnait sur le peuple par la
terreur y et il comeiDa jusqu'à la fin ^
sur la multitude y une autorité sans
bornes. » On peut croire aussi qu'As-
drubal régna sur la multitude, moins
par la terreur que parce qu'il était
relu de cette multitude et le chef du
parti populaire.
Enun, i4 n'est pas vraisemblable
qu'au moment où les Carthaginois as-
siégés subissaient de cruelles priva-
tions et souffraient de la famine , As-
drubal se soit fait un jeu de la misère
publique, et qu'il ait insulté à ses
concitoyens malheureux, en donnant
à quelques-uns de se^ amis de somp-
tueux banquets. « Scipion, dit Polybe,
fit anTwncer au général cartliaginois
qu'il lui accordait à lui, à sa femme,
à ses enfants, et à dix familles pa-
rentes ou amies, la vie et la liberté,
et qu'il lui permettait, en outre, d'em-
porter de Carthage dix talents de
son bien, et d'emmener avec fui ceux
qu'il voudrait choisir parmi ses es-
claves, » Pourquoi Asdrubal repoussa-
t-il alors les propositions de Scipion?
Pourquoi preféra-t-il à une retraite
tranquille où il aurait trouvé le repos
et le bien-être, le séjour de Carthage?
Assurément, pour se livrer à la bonne
chère et pour donner de splendides fes-
tiiiB, c'était mal choisir sou lieu que de
l
s'enfermer dans une ville assiégée oui
souffrait toutes les horreurs de la lar
mine.
On peut reprocher à Asdrubal de
s'être écrié un jour en présence de
Gulussa : « Le soleil qui éclairera la
destruction de Carthage ne m^ verra
point vivant. » Comme il survécut à la
ruine de sa patrie , Polybe a pu dire :
« On vit bien au jour du danjger que ces
frandes et belles paroles étaient sorties
e la bouche d'un fanfaron. »
Ajoutons encore, avant de terminer,
qu'entre tous les torts d' Asdrubal , le
plus grand peut-être a été celui d'avoir
succombé et d'avoir abandonné, comme
sa malheureuse patrie , le soin de sa
gloire à des historiens étrangers.
Suite du bégit; Scipion febmb
l'entrée des pobts par une jetée ;
LES Carthaginois s'ouvrent unb
NOUVELLE issue ET METTENT UNS
FLOTTE A LA MER; COMBAT NAVAL;
147 AVANT NOTRE ÈRE. — Pour priver
les Carthaginois des vivres qu'ils rece-
vaient par mer , et leur enlever leurs
dernières ressources , Scipion résolut
de fermer l'entrée du port. « A partir
de la bande de terre qui était entre le
lac et la mer, dit Appien, il fit jeter
une digue qui s'avançait presque en
droite ligne vers l'embouchure du
port, peu distante du rivage. Cette
jetée avait vingt-quatre pieds de large
au sommet et quatre-vingt-seize à la
base (*). Scipion disposait d'une nom-
breuse armée qu'il faisait travailler
jour et nuit, et les Carthaginois, qui.
d'abord avaient ri de ce projet gigan-
tesque, allaient se trouver entièrement
bloqués, car, ne pouvant recevoir de
vivres par terre, et la raer leur étant
fermée , la faim les eût contraints de
se rendre à discrétion. C'est alors
qu'ils entreprirent d'ouvrir une nou-
velle issue dans une autre partie de
(*) «Cette jetée fut construite comme
cell^ des rades de Cherbourg et de Piymouth
Tont été depuis, en lauçant à ilôt perdu
d'énormes quartiers de roches qai, par
leur cohésion et Tinclinaison de leur plan ,
pussent résister à Taction de la mer. » if. Bu-
reau de la Malle,
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
m
leur port qui regardait la pleine mer.
Ils choisirent ce point parce que la
profondeur de i^eau et la violence des
vagues qui s'y brisent rendaient im-
possible aux Romains de Je fermer
avec une digue. Hommes, femmes et
enfants y travaillèrent jour et nuit, en
commençant par la partie intérieure ,
et avec tant de secret que Scipion ne
put rien savoir des prisonniers qu'il fit
alors , sinon qu'on entendait un grand
bruit dans les ports, mais qu'on en
ignorait la cause et l'objet. En même
temps , les assiégés construisaient avec
d'anciens matériaux des trirèmes et
des.quinquérèmes avec une adresse et
une activité singulières. Enfin, lorsque
tout fut prêt, les Carthaginois, au
pnointdu jour, ouvrirent la communica-
tion avec la mer, et sortirent avec cin-
quante trirèmes et un çrand nombre
d'autres navires qui avaient été appa-
reillés avec le plus grand soin, et de
manière à jeter la terreur parmi les
Romains. »
Ceux-ci , en effet , à la vue de la
flotte carthaginoise, furent frappés de
crainte. Les lourds et |)esants vais-
seaux de la station romaine n'avaient
ni rameurs ni soldats, car les équipa-
ges étaient descendus à terre pour ai-
der Scipion dans ses travaux. Si les
Carthaginois, par une attaque sou-
daine, s'étaient portés sur les vaisseaux
ainsi désarmés, ils auraient obtenu une
victoire aisée, et ils auraient anéanti
d'un coup toutes les forces navales de
. l'ennemi ; mais ils se contentèrent de
se montrer et d'insulter les Romains
par de vaines démonstrations. Quand
trois jours après ils vinrent présenter
le combat, 1 occasion favorable était
perdue et ils nVai^nt plus les mêmes
chances de succès : leç rameurs et les
soldats avaient regagné leurs vais-
seaux , et les Carthaginois trouvèrent
une flotte toute préparée à recevoir
leurs attaques. Ils nliésitèrent point
cependant , et une lutte terrible s'en-
gagea. On se battit pendant une jour-
uée entière , et ce ne fut que vers le
aoir que les Carthaginois, fatigués et
wm vaincus, se dirigèrent vers la nou-
veUe entrée du port. Par cette entrée.
qui était fort étroite, les vaisseaux ne
pouvaient pénétrer qu'en petit nombre
a la fois et qu'avec une extrême diffi-
culté. Alors, pour ne point être atta-
quées par les Romains, pendant les
lenteurs de la retraite, les trirèmes
carthaginoises remontèrent le long de
la côte et jetèrent l'ancre vers un quai
qui avait servi autrefois au débarque-
ment des marchandises (*). Au mo-
ment même où les bâtiments légers
venaient de se mettre à l'abri dans le
port et où les gros navires s'arrêtaient
non loin des murailles, la proue tour-
née vers la mer, on vit arriver la flotte
ennemie. Il fallut encore soutenir une
nouvelle attaque. Quoique les Romains
eussent à se défendre et contre les
équipages des vaisseaux et contre les
troupes de terre qui étaient placées
sur le quai , ils firent cependant éprou-
ver à la flotte des assiégés des pertes
considérables. La nuit mit fin au com-
bat. Alors seulement les gros navires
des Carthaginois parvinrent à se ré-
fugier "dans le port.
Les CABTHAGINOI s ATTAQUENT LES
Romains pendant la nuit et bou-
lent LEUBS MACHINES DE GUEBBE ;
DU COTÉ DE LA MEB, SciPION BESTE
MAÎTBE des OUVBAGES avancés DES
Cabthaginois ; 147 avant notbe
ÈBE. — Le lendemain matin, Scipion
s'empara du quai à l'abri duquel s'é-
tait placée la flotte carthaginoise. « Cet
ouvrage , dit Appien , devenait un
point d'attaque tres-avantageux pour
entamer le port ( le Cothdn ). Alors
ayant amené beaucoup de machines et
battu avec des béliers la fortification
intermédiaire ( le rempart élevé dans
la longueur du quai par les Carthagi-
nois ) , il en renversa une partie. Les
assiégés firent une sortie la nuit et
se portèrent contre les machines deg
Romains, non par terre, car c'était
impraticable, ni avec des vaisseaux,
car la mer sur ce point est pleine de
(^ Ce quai était trèft-krge. De peur qu'il^
ne serytt d'esplanade à rennemi pour Vktr
taque des murailles^ les Carthaginois Favaient
coupé dans sa bngueuf par un fossé et na
rempart.
Digitized by
Google
124
L'UNIVERS.
bas-fonds : ils y marchèrent tout nus ,
portant des torches non allumées pour
n'être pas aperçus de loin. Ils entrent -
dans la mér sans être vus , et s'avan-
cent les uns à la nage, les autres ayant
de Teau jusqu'à la poitrine. Lorsqu'ils
sont arrivés près des machines , ils
allument leurs torches, et alors le feu
les ayant découverts, ils recuisent sur
leurs corps nus de terribles blessures.
Mais telle fut leur audace et la force
de leur désespoir, que, malgré ce dé-
savantage, lis enfoncèrent les Ro-
mains et brûlèrent leurs machines. La
terreur même fut si grande, que Sci-
pion fut contraint de faire tuer quel-
ques-uns des fuyards pour forcer les
autres à rentrer dans le camp, où ils
passèrent tout le reste de la nuit sous
les armes. Les Carthaginois , après
avoir brûlé les machines, retournèrent
à la nage dans la ville. »
Les Carthaginois se hâtèrent de ré-
parer la partie de leurs fortifications
qui était tombée sous les CQpps du
bélier, et ils y élevèrent des tours en
bois de distance en distance. Mais les
Romains , après avoir construit d'au-
tres machines , renouvelèrent bientôt
leurs attaques : ils incendièrent quel-
ques-unes des tours , en lançant contre
elles des vases remplis de poix et de
soufre enflammés. Enfin Scipion se
rendit maître des ouvrages avancés des
Carthaginois. Il éleva alors un mur en
brique , égal en hauteur aux remparts
de la ville et à peu de distance de ces
- remparts ; puis il plaça sur ce mur ,
qui était protégé par un fossé, quatre
mille hommes de trait. Il pensait que
% ce corps d'armée , dans une position
inexpugnable , suffisait pour contenir
les assiégés pendant toute la durée de
la grande expédition qu'il allait entre-
pr^dre.
Expédition de Scipion contbe
l'armée qui se tient à Néphérïs ;
le gaup des carthaginois est
pris; siège de Néphébis; plusieurs
villes se rendent aux romains ;
t47 AVANT NOTRE ERE. — Jusqu'aUX
derniers événements que nous venons
de raconter, une chose avait entretenu
le courage et les espérances des Car-
thaginois : c'était la présence à Néphé-
ris d'une armée nombreuse fortement
retranchée, et qui paraissait surveil-
ler, malgré l'éloignement , toutes les
opérations des Romains. Scipion avait
toujours à redouter une double atta-
que; et lorsque parfois il songeait aux
expéditions malneureuses du consul
Manilius , il n'était point sans inquié-
tude. Il crut, non sans raison, que la
destruction de l'armée de Néphéris pou-
vait seule hâter les travaux du siège
et consommer la ruine de Carthage. Il
se mit donc en marche avec une par-
tie de ses troupes, et il se dirigea,
avec Lœlius et Gulussa, vers le camp
carthaginois. Diogène y commandait
depuis le jour où Asdrubal s'était jeté
dans la ville assiégée. Scipion prit po-
sition non loin de ISéphéris. Il s'aper-
çut bientôt qu'en- deux endroits les
retranchements carthaginois s'étaient
écroulés. Il prit alors la résolution de
recourir à un expédient qui lui avait
déjà réussi plusieurs fois : il se porta
avec ses troupes vers une des brèches,
et là , tandis qu'il occupait Diogène par
une attaque simulée, mille nommes
qu'il avait cachés s'élancèrent dans le
camp par l'autre brèche. Tandis que
les soldats romains faisaient dans l'in-
térieur des retranchements un horri-
ble massacre, Gulussa et ses cavaliers
numides poursuivaient et tuaient dans
la campagne tous ceux qui avaient pris
la fuite. « Dans cette journée, dit Ap-
pien , soixante-dix mille hommes per-
dirent la vie, dix mille furent pris, et
quatre mille seulement parvinrent à
s'échapper. »
L'armée carthaginoise ayant été
anéantie d'un seul coup, les Romains
se présentèrent devant les murs de Né-
phéris. Après un siège de vingt-deux
jours, Scipion se rendit maître de la
place. Ce rouveau succès eut un grand
résultat. Quand Néphéris eut succom-
bé, toutes ks villes avoisinantes se sou-
mirent aux Romains. Toutefois, au mo-
ment même où s'évanouissaient leurs
dernières espérances, les Carthaginois
assiégés n'en persistèrent pas moins
dans l'héroïque résolution de se dé»
fendre jusque la dernière extrémité.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
135
SCIPION ATTAQUE LE POBT DE
CARTHAGE ; PRISE DU COTHÔN; LES
Romains dans Carthage; combat
acharné dans les rues qui con-
duisaient de la place publique a
la citadelle ; 146 avant notre
ÈRE. — Scipion avait passé une année
presque entière à préparer par de sû-
res ofïérations la ruine de Carthage (*).
Après avoir détruit pendant l'hiver
l'armée de Diogène, pris Néphéris,
reçu la soumission des villes d'Afrique
qui tenaient encore pour les Cartiia-
finois , il résolut , aux approches de la
elle saison, de tenter de vigoureuses
attaques et de frapper les derniers
coups. Il se dirigea d'abord vers le
Eort qui était appelé Cothôn; Asdru-
al, qui croyait avoir découvert les
projets du général romain, fît mettre
le f'eu , pendant la nuit , à la partie
auadrangulaire de ce port. Tandis qu'il
nxait sur ce point toute son attention,
Laelius escalada la partie ronfle du
Cothôn qui était opposée à la partie
quadrangulaire, et il ouvrit ainsi l'en-
trée de Carthage à l'armée romaine.
Bientôt le port et les fortiûcations
oui l'entouraient furent au pouvoir de
I ennemi. Stipion alors pénétra dans
)a ville, et il s'établit, pour la nuit,
(*) «Si Ton^examiDe attentivement Ten-
semble du récit d'Appien et Thisloire du
siège de Carthage pendant les trois ans de
sa durée, on sera convaincu que, malgré
les forces immenses en troupes de terre et
de mer employées par les Romains , il était
nécessaire de procéder de cette manière
lente et circonspecte pour obtenir la vic-
toire. La position admirable de Carthage
défendue par plusieurs enceintes séparées ,
indépendamment du Cothôn, Tégalité des
forces entre l'assaillant et l'assiégé, con-
traignirent Scipion à exécuter ses travaux
gigantesques de circonvallation. Il lui fallut
marcher pas à pas dans celte lutte difficile.
II esl même probable que , si les Romains,
par une perfidie plus que purique, n'eussent
enlevé d'abord aux Carthaginois , déçus par
l'espoir de conserver la paix , leurs armes ,
leurs machines et leurs vaisseaux , celte troi-
sième guerre se serait encore terminée par
lin traité et n'aurait pas eu pour résultat la
ruine et la destruction de Carthage.» HL Du-
reau de la Malle,
avec ses soldats sur la place publique.
Le lendemain, au point du jour, il
appela h son aide quatre mille hommes
de troupes fraîches. Au moment où
ceux-ci entrèrent à Carthage, ils se
f)récipitèrent dans le temple d'Apol-
on , et , sans tenir compte des mena-
ces de leurs officiers, ils enlevèrent
les lames d^or qui couvraient la statue
de la divinité. Ils n'obéirent aux ordres
de Scipion que lorsqu'ils eurent par-
tagé entre eux ces dépouilles sacrilè-
ges, qui valaient bien, dit un historien
de l'antiquité, une somme de mille
talents.
Quand Scipion eut fait tous ses pré-
paratifs pour attaquer Byrsa, il se mit
en marche avec ses troupes. Mais bien-
tôt il s'aperçut qu'il ne parviendrait
point sans peine jusqu'au pied dé la
citadelle. Trois rues étroites, bordées
de chague côté de maisons à six étages,
montaient de la place publique à
Bj^rsa. Les soldats de Scipion étaient à
Eeine entrés dans ces rues qu'une
ataille terrible s'engagea. Les Ro-
mains furent alors accablés par une
grêle de traits et de pierres. Il fallait
pénétrer et se battre dans chaque mai-
son , et à chaque étage. Les Carthagi-
nois étaient partout, dans la rue, sur
les toits, et l'armée romaine ne pouvait
avancer que lentement et pas à pas.
La ville présentait en ce moment un
spectacle horrible; les uns périssaient
par l'épée, les autres par les traits qui
étaient lancés; d'autres enfin, en tom-
bant du haut des maisons , étaient
reçus sur les piques des soldats. On
entendait aussi le bruit des armes qui
se choquaient, les plaintes, les gémis-
sements et les cris de douleur des bles-
sés et des mourants. Enfin , après une
lutte prolongée et des efforts inouïs ,
Scipion arriva devant Byrsa. Ce fut
alors que voulant se ménager un vaste
emplacement pour les manœuvres de
ses troupes, il fit mettre le feu au
quartier de la ville qu'il venait de tra-
verser.
Incendie de Carthage ; cin-
quante MILLE Carthaginois de-
mandent LA vie et sortent DE LA
CITADELLE ; ASDRUBAL ET LES
Digitized by
Google
lae
L'UNIVERS.
TBàNSFUaBS BOMÀIIf S SE DEFENDENT
ENCORE DÀNSi^E TEMPLE D'ESGULAPE;
146 AVANT NOTEE ÈBE. — Pour avan-
cer plus rapidement dans leur œuvre
de destruction, les Romains ne se
contentèrent pas de mettre le feu aux
édifices et de les démolir par portions,
ils lés sapèrent par la base afin de faire
écrouler la masse entière. On vit alors
une chose hideuse : des corps humains
tombaient avec les décombres; c'étaient
les vieillards, les femmes et les enfants
^ui jusqu'à ce moment étaient parvenus
à se dérober aux regards des vain-
queurs, en se cachant dans les réduits
obscurs et dans les endroits secrets des
maisons. Ces corps étaient broyés sous
les pieds des chevaux qui passaient et
repassaient; puis , arrivaient avec des
haches, des crocs et des fourches, ceux
qui étaient char|;és de déblayer le ter-
rain. Ils enlevaient les monceaux de
ruines et jetaient dans un même fossé,
les poutres, les pierres , les cadavres et
les corps de ceux qui respiraient en-
core. « Ce n'était point par cruauté ni
à dessein , dit un historien de l'anti-
quité , que les Romains agissaient
ainsi. D'abord, ils étaient animés par
l'espoir d'une victoire prochaine; en-
suite , le mouvement et l'agitation , la
voix des hérauts , les sons éclatants de
la trompette , les commandements des
tribuns et des centurions qui dirigeaient
le travail des cohortes, tous ces bruits
enfin d'une ville prise et saccagée ins-
piraient aux soldats une sorte d'enivre-
ment et de fureur qui les em|)échaient
de voir ce qu'il y avait d'horrible dans
un pareil spectacle. » Dans ces dures
Îmroles d'Appien, il est facile de saisir
es impressions de Polybe qui assista
à la ruine et à la destruction de Gar-
thage, et qui ressentit, dans le camp
romain , à cdté de Scipion, son élève et
son ami, tout l'enthousiasme de la
victoire.
L'armée romaine passa Sfx jours et
six nuits à déblayer le terrain qui était
couvert de ruines. Les soldats se suc-
cédaient dans le travail, pour ne point
succomber aux veilles et à la fatigue.
Il y avait un homme cependant qui ne
prenait ni sommeil, ni repos, qui sur-
veillait les soldats , les pressait et sç
portait sur tous les points: c'était Sci-
pion. Enfin le septième jour , se trou-
vant accablé de lassitude, il monta sur
une éminence et s 'assit dans un lieu
d'où il pouvait encore examiner ce qui
se faisait dans son armée. En cet ins-
tant , on lui amena plusieurs Carthagi-
nois. Ils venaient lui dire que tous ceux
qui s'étaient enfermés dans l'enceinte
de la citadelle étaient prêts à se rendre,
s'il promettait de ne pas les égorger.
« Je vous le promets, dit Scipion; les
transfuges seuls n'obtiendront point do
grâce. » Cinquante mille inaividus,
hommes et femmes (*) , sortirent alors
de Byrsa et furent mis sous bonne
garde. Il ne restait plus dans la cita-
delle que neuf cents transfuges ,
Asdrubal , sa femme et ses deux en-
fants. .
Asdrubal et les tbanSfu&es se
JETTENT DANS LE TEMPLE d'EsCU-
lape ; Asdbubal se bend ; incendie
DU temple; MOBT DE LA FEMMB
d'Asdrubal ; conversation de
Scipion ET de Polybe; 146 avant
NOTEE ÈBE. — Le temple d'Esculape
était bâti sur un roc élevé , au sommet
duquel on ne pouvait parvenir qu'en
montant soixante degrés. C'est dans ce
temple que se jetèrent Asdriibal et les
transfuges. De ce lieu, ils pouvaient
facilement repousser les assaillants et
soutenir longtemps encore les efforts
de l'armée romaine. Ils se défendirent
d'abord avec tout le courage qu'inspire
le désespoir; mais enfin, épuisés par les
veilles, par la faim et par des combats
sans cesse renouvelés, ils abandonnè-
rent les alentours du temple et se ré-
fugièrent dans les parties élevées de
l'édifice. Ce fut alors qu'Asdrubal sup-
pliant vint se rendre à Scipion. Le gé-
néral romain le fit asseoir à ses pieds ,
et l'exposa ainsi prosterné et humilié ,
aux regards des transfuges. Ceux-ci ac-
cablèrent d'abord leur ancien chef des
plus cruelles injures, ensuite ils mirent
le feu au temple et tombèrent ensevelis
(*) Quarante mille hommes, suivant Flo-
rus ; u-ente mille hommes et vingl-cinq mille
femmes, suivant Orose.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
127
sous ses ruines. Au moment où Tin-
cendie commençait à dévorer Tédifice,
ia femme d'Asdrubal , revêtue de ses
plus beaux vêtements, se présenta avec
ses deux enfants, à la vue de Scipion;
elle lui cria avec force : « Romain, les
dieux te sont favorables, puisqu'ils
t'accordent la victoire. Souviens-toi de
punir Asdrubal qui a trahi sa patrie,
ses dieux , sa femme et ses enfants.
Les génies qui protégeaient Carthage
s'uniront à toi pour cette œuvre de
vengeance. » Puis, se tournant vers
Asdrubal : « O le plus lâche et le plus
infâme des hommes! tu me verras
mourir ici avec mes deux enfants ; mais
bientôt tu sauras que mon sort est en-
core moins à plaindre que le tien. Il-
lustre chef de la puissante Carthage,
tu orneras le triomphe de celui dont tu
baise les pieds, et après ce triomphe,
tu recevras le châtiment que tu mé-
rites. » En achevant ces mots, elle
égorgea ses deux enfants et se précipita
avec eux au milieu des flammes. « Ce
n'était point la femme d'Asdrubal, dit
Appien, qui devait terminer sa vie par
cette mort héroïque , mais Asdruoal
lui-même. »
On raconte que Scipion, en voyant
autour de lui tant de ruines accumu-
lées , versa des larmes. Il pensait à la
triste destinée de Carthage qui avait
été si longtemps riche et puissante. Il
lui arriva, au milieu de ses réflexions ,
de s'écrier avec Homère :
« Viendra un jour où périra Troie ,
la ville sacrée, et où périront avec elle
Priam et le peuple de Priam (*). »
Polybe, qui se trouvait à côté de
Scipion , lui dit alors : « Quel sens at-
tachez-vous à ces paroles? — C'est
Rome qui occupe ma pensée, répondit
Scipion ; je crains pour elle l'instabi-
lité des choses humaines. Ne pourrait-
il point se faire qu'elle éprouvât un
jour les malheurs de Carthage? »
Cabthage buinée ; Scipion pab-
tage le butin entee ses soldats ;
JOIE A Rome a la nouvelle de la
PBisE DE Cabthage; le tebbitoibe
CABTHAGINOIS EST BÉDUIT EN PBO-
(*) Iliade iv, v. x64 et i65.
TINGB BOMAINE; 146 AVANT NOTEE
ÈBE. — Scipion permit à son armée
de piller les ruines de Carthage; tou-
tefois, il fit mettre en réserve l'or,
l'argent et les objets qui avaient été
consacrés aux dieux dans les temples.
Puis , il donna une gratification à ses
soldats. Il envoya alors à Rome un
vaisseau chargé de riches dépouilles,
pour annoncer sa victoire. En même
temps , il fit savoir aux peuples de la
Sicile qu'il était prêt à leur restituer
tout ce qui leur avait été pris pendant
leurs suerres avec les Carthaginois (*),
Ce fut un soir que l'on vit arriver
à Rome le vaisseau envoyé par Sci-
f)ion et que l'on apprit la nouvelle de
a ruine de Carthage. La joie fut
grande dans la ville. Pendant la nuit,
les citoyens s'abordaient, s'interro-
geaient et s'adressaient de mutuelles
félicitations. On racontait aussi les
guerres passées, et lorsqu'on rappe-
lait les divers incidents de la dernière
lutte , on trouvait qu'aucune victoire
n'était comparable à celle que venaient
de remporter Scipion et son armée.
Le succès même était si grand , <}ue
parfois on était tenté de n'y pomt
croire, et l'on entendait des gens qui
disaient : « Mais est-il bien vrai que
Carthage ait été détruite ? » Toute la
nuit se passa ainsi en joyeux propos et
en manifestations de la plus vive allé-
gresse. Le lendemain , a la pointe du
jour , on se rendit aux temples pour
faire des prières et des sacrifices. Après
avoir rendu aux dieux de solennelles
actions de grâces, on donna des jeux
au peuple, et les fêtes commencèrent.
(*) « C'étaient, dit Diodore , des portraîla
peints de leurs hommes illustres , des sta-
tues exécutées avec un talent remarquable,
et des offrandes en or et en argent qu'on
avait faites à leurs dieux. Himère y retrouva
sa slaïue personnifiée sous les traits d'une
femme et celle du noëteStésichore; Segeste,
sa Diane ; Gela , plusieurs objets d'art; Agri-
gente , le fameux taureau de Phalarîs. Plu-
sieurs villes d'Italie et d'Afrique recouvrè-
rent alors , par la libéralité de Scipion , les
objets précieux dont elles avaient été dé-'
pouillécs par les Carthaginois. » M, Dureau
de la Malle,
Digitized by
Google
128
L'UNIVERS.
Cependant, le sénat envoya en Afri-
que dix commissaires choisis dans
1 ordre des patriciens. Ils devaient se
concerter avec Scipion pour régler le
sort de la province carthaginoise. A leur
arrivée, ils ordonnèrent de détruire
ce qui restait encore de Carthage. Ils
déclarèrent que nul, à l'avenir, ne se-
rait autorisé à bâtir sur remplacement
de la ville ruinée , et surtout à Ten-
droit où s'élevaient jadis les quartiers
de Byrsa et de Mégara. Puis, comme
s'ils avaient craint de voir les Cartha-
ginois sortir de leurs tombeaux , ils
accompagnèrent cette défense de tout
l'appareil des cérémonies religieuses,
et ils prononcèrent au nom des dieux,
contre celui qui viendrait habiter ces
lieux maudits, de terribles impréca-
tions. Après avoir récompensé les peu-
ples et les villes qui avaient prêté aide
et appui aux Romains , dans la der-
nière guerre, et après avoir puni ceux
qui étaient restés fidèles à Carthage,
les commissaires délégués par le sé-
nat revinrent en Italie. Avant leur dé-
part, ils avaient réduit en province
romaine toute la partie de l'Afrique
qui avait appartenu aux Carthagi-
nois.
Dans la même année ( 146 avant
notre ère ), on vit à Rome deux triom-
phes; Scipion et Mummius montèrent
au Capitole, en étalant aux yeux d'un
f)euple immense les dépouilles des vil-
es qu'ils avaient vaincues. Certes, les
deux triomphateurs étaient loin de
prévoir qu'un siècle à peine après leur
victoire, Rome elle-même essaierait
de féparer ses propres injustices, et
que César, en léguant aux liéritiers
de sa puissance le soin de relever Co-
rinthe et Carthage , croirait faire sa-
tisfaction à l'humanité outragée.
CONSTITUTION POLITIQUE,
COLONIES ET AUTRES POSSESSIONS, AORICUT.-
TURE, COMMERCE, INDUSTRIE, ARMÉtS,
RELIGION ET LITTERATURE DftS CARTHA-
GINOIS.
L'histoire du jjeuple carthaçinois
n'est pas tout entière dans la série des
événements que nous avons racontés.
Pour connaître à fond Carthage et son
histoire , il faut aller plus avant et pé-
nétrer, si nous pouvons nous exprimer
ainsi , dans les secrets de son organi-
sation intérieure. Dès l'antiquité, ceux
qui ont écrit sur cette puissante répu-
blique ne se sont point bornés à con-
signer, dans leurs livres, les guerres et
les traités de paix ou d'alliance; ils
ont encore étudié sa constitution poli-
tique; son système d'administration;
l'étendue de ses possessions , de son
commerce, de ses richesses et de ses
forces militaires; sa religion , etc. Nous
nous proposons , à notre tour, d'abor-
der séparément chacun de ces points,
et d'exposer, dans un court sommaire ,
en nous appuyant sur l'autorité des
écrivains de l'antiquité , tous les ren-
seignements qui nous ont été trans-
mis sur cet important sujet (*).
Constitution. — A Carthage , le
pouvoir était aux mains d'une puis-
sante aristocratie. Toutefois , il ne fau-
drait pas croire qu'entre cette aristo-
cratie et celle que l'on rencontre à
Sparte ou à Rome , il existât une par-
faite ressemblance. En effet , à Car-
thage, il n'y avait point de noblesse
fondée sur des souvenirs de conquête
ou sur une gloire héréditaire, mais
une noblesse qui tirait en général tout
son éclat de l'étendue de ses richesses.
Il est vrai qu'à certaines époques , on
vit s'élever dans la république des
hommes qui acquirent une grande re-
nommée, et qui transmirent à leurs
familles, pour un temps plus ou moins
long, toute leur illustration. Mais
nous devons ajouter que ce fait ne se
produisit que rarement dans l'histoire
de Carthage ; et si les Magon , les Han-
non et lesBarca se virent en possession,
pendant de nombreuses années, des
dignités de l'État et de la considéra-
tion publique , c'est que , dans ces fa-
milles, les richesses se perpétuaient
(*) Nous nous sommes aidé aussi des
travaux de la critique moderne , et nous
avons consulté fréquemment les chapitres
que Hecrcn a consacrés à Carthage, dans
sou grand ouvrage sur la politique et le
commerce des peuples de l' antiquité
Digitized by VjOOQIC
CARTSAGE.
IM
aussi bien que les vertus. Trois siècles
avant notre ère , Aristote avait saisi la
différence qui existait entre l'aristocra-
tie carthaginoise et l'aristocratie qui
gouvernait Sparte. II a insisté sur cette
distinction; et les faits qu'if a rassem-
blés , à de sujet , dans sa Politique ^
nous fournissent sur la constitution
de Carthage de précieux renseigne-
ments. Aristote nous a encore appris
que, dans la république, les riches
étaient les seuls qui parvinssent aux
magistratures. Il s'exprime formelle-
ment à cet égard : « On pense à Car-
thage, dit-il , (]ue celui qui veut exer-
cer une fonction publique doit avoir
non-seulement de grandes qualités,
mais encore de grandes richesses. »
PouvoiBS DK l'État; grands
ASSEMBLÉE (aup/AYlTOç); CONSEIL SU-
PREME OU DES Cent (^spouata) ; AS-
SEMBLÉES DU peuple; su F fêtes;
généraux; censeur des mœurs;
attributions des dïffbreints pou-
VOIRS DE l'État. — La grande as-
semblée (où-piviTc;) était un corps per-
manent qui se composait de l'élite des
Carthaginois, c'est-a-dire, des hommes
qui avaient acquis par leurs richesses
une, grande influence. Dans un État
où les citoyens les plus notables sont
les citoyens les plus riches , les fonc-
tions publiques ne sont point hérédi-
taires. Comme nous Tarons dit, par
suite de l'instabilité des grandes for-
tunes , l'aristocratie carthaginoise de-
vait non point changer dans son es-
sence, mais se renouveler sans cesse.
La grande assemblée était soumise à
cette loi; et vraisemblablement les
places vacantes furent souvent rem-
plies par des hommes qui n'avaient
reçu aucune illustration de leurs aïeax,
mais qui , à force de travail et de peine,
par le commerce ou par l'industrie,
étaient parvenus à acquérir des richesses
considérables. Les écrivains anciens
ne nous ont point donné de renseigne-
ments sur l'organisatiop intérieure du
sénat carthaginois. Toutefois, d'après
quelques indications empruntées aux
historiens, il nous est permis de croire
que les membres qui le composaient
étaient fort nombreux. La grande as-
9* Livraison, (Carthagb.)
semblée (w-yxXvitoç) parait avoir été un
corps délibérant ; c'était à Carthage ,
Î>our employer une expression moderne,
e pouvoir législatif y comme la petite
assemblée (-^ipouaîa) qu' Aristote appelle
le conseil suprême, était le pouvoir
exécutif. Le conseil suprême , qui re-
çut la dénomination particulière de
ftpouoia, se composait de cent mem-
bres. Dans le prmcipe , il n'avait été
qu'un démembrement de la grande as-
semblée, un comité charge spéciale-
ment de faire la police de IHÊtat , et de
ju^er les magistrats et les généraux
prévaricateurs. Le conseil des Cent ne
cessa point de se recruter parmi les
notables de la république ; mais peu à
peu il se fit conférer des pouvoirs
extraordinaires , et il finit par se ré-
server la connaissance des affaires les
pitis importantes, et par s'arroger le
droit de décider dans les grandes cir-
constances. Ajoutons ici que plusieurs
écrivains de l'antiquité ont compris
les deux assemblées sous le nom com-
mun de synédrin (<Tvv<apiov).
« La sphère du sénat à Cartha-
ge ce , dit lieeren , en y réunissant
«le grand conseil ( aûifxXifjTcç ) et le
«conseil des Cent (-^epowta), paraît
« avoir été en général la même que
« celle du sénat romain. Toutes les
« transactions avec l'étranger lui sont
« confiées. Les rois ou sunètes qui le
« présidaient y font des rapports ; il
«reçoit les ambassadeurs, il délibère
« sur toutes les affaires d'État, et son
« autorité était si grande qu'il décidait
« même de la guerre et de la paix ,
«quoique, pour la forme, la ratifica-
« tion allât quelquefois au peupie (*). »
Nous savons, en effet, qu il existait à
Carthage des assemblées du peuple.
Mais, comme l'a remarqué le savant
historien que nous venons de citer, ces
assemblées n'exerçaient point une in-
fluence réelle sur les affaires de l'É-
tat (**).II arrivait toutefois qu'en certai-
(*) Heeren , De la politique et du corn'
mei'ce des peuples de l'autiquité, t. [V^ oe
la traduction française, p. 1.^0.
(**) En parlant ici de la constitution car-
thaginoise , nous n'avons en vue que l'épo^
9
Digitized by
Google
130
L'UNIVERS*
nés circonstances rîntervention du peu-
ple 4tait jugée nécessaire. Quand les
pouvoirs supérieurs, qui se composaient
des dei^ assemblées et des ^uffètes ,
çf étaient pornt d'accord, c'était 1^
peuple qui décidait. Les deux suffete;s
(^ rois étaient placés à la tête du gbu-
vernenjent (*). Cependant leur auto-
que où la répQbKque par ses conquêtes , par
la grandeur et la nature de ses entreprises,
par le nombre des peuples tributaires , était
florissante et se trouvait à Tapogée de sa
puissance et de sa splendeur. A cette époque,
k gouvernement , à Carthag^ , était pure-
ment aristocratique et, comme nous l'avons
dit , le peuple n'avait daps les affaires d^
l'État qu'une faible part d'action. C'est le
jeu des institutions qui étaient en vigueur ,
pendant cette période que nous venons d'ex-
pjiquer. Plus tard , au moment où Carihage
se trouva en contact avec Rome, et après
de longues guerres et des désastres multi-
pliés, il se fit dans la constitution dcjg^ra-
ves changements. Le peuple à son tour voulut
intervenir dans le gouveruemeut et se mé-
nager dans les af?aires de l'État une grande
influence. L'aristocratie soutint une lutte
opiniâtre contre cette prétention nouvelle
et elle acK^bla de toute sa haine la famille
Barca qui appuyait les réclamations de la
déinocratie. C^endaut, au temps des guerrâs
puniques, les circonstances étaient changées,
et des événements impréyus nécessitaient,
peut-être , dans la constitution des réfor-
mes extraordinaires. Si l'aristocratie s'était
prêtée de son plein gré aux réfornies demaij^-
dées par le peuple; Carthage eût peut-être
échappé aux humiliations et aux malheurs
sans nombre qui vinrent fondre sur elle pen-
dant un demi siècle (ao2- 146 avant notre ère) ;
peut-être aussi eût-elle évité une entière des-
truction. Cest Topinion de Montesquieu ;
«Carthêge, dit-il, périt parce que, lorsqu'il
fallut retrancher les abus , elle ne put souf-
frir la main de son Annibal méme..»{Grancfeur
et décadence des Romains, ch. viif.) Anni-
bal, on le sait, fut, après Amilcar son père, •
le chef du parti démocratique. Au reste,
nous avons raconté plus haut , avec quelque
étendue , les changements survenus dans la
constitution de Carthage et la lutte de la
démocratie contre l'aristocratie. Voyez prin-
cipalement p. 80, 97 et suiv. , io3, X08,
109, X2I et suiv.
(*) Suivant les traditions , le gouverne-
nent monarchique avai' précédé, à Carthage,
rite était loin d'être iffîmîtée, et ils ne
ppuvaîent , à eux seuls, contre-balancer
ta puissance du conseil des Cent et de
la grande assemblée. Il fallait, il est
vrat, que, pour Fadoption des me-
sures jugées indispensable^ par les
assemblées, ils donnassent leur ad-
hésion. Quand cette adhésion mari-
quait , le sénat avait encore up moyen
de l'emporter. Il s'adressait au peuple,
qui décidait. Ce qui relevait la dignité
des suffètes à Carthage, c'était moins
Fimportance des fonctions que les
distmctions honorifiques. Ainsi, 11s
avaient la préséance dans les assem-
blées. Ils étaient choisis parmi les
membres les plus influents du sé-
nat, mais leur élection était ratiûée
par le peuple. Leur pouvoir était
a vie, et par conséquent soumis à
Télection. Nous voyons quelquefois les
Suffètes prendre en main le comman-
dement des armées de terre et des
flottes , maïs ce commandement n'était
point inhérent à leurs fonctions. Tout
nous porte à croire, au contraire , que
l'on abandonnait plus volontiers aux
stiffètes ce qui concernait l'adminis-
tration civile. La république apportait
le plus grand soin dans le choix de
ses généraux : on prenait pour com-
mander les armées , ceux qui , dans
les guerres, s'étaient distingués par
leur courage ou leurs talents. D'abord
c'était le conseil supérieur ou des Cent
qui nommait; ensuite la grande as-
semblée et le peuple sanctionnaient la
nomination. En plusieurs circonstan-
ces, le choix fut laissé à l'année elle-
même; ainsi, pendant la guerre des
Mercenaires , au moment où un funeste
dissentiment éclata entre tlannon et
Amilcar, les soldats reçurent pouvoir
d'élire un chef unique : *ils se pronon-
cèrent, on le sait , en faveur d' Amilcar.
Enfin , pour terminer cette no-
menclature, nous dirons que Cor-
nélius Nepos parle d'un magistrat qui ,
le gouvernement républicain. Malchus, qui
commanda en Sicile et en Sardaigne (536-5 3o
avant notre, ère) , est le premier Carthagi-
nois qui , dans l'histoire , porte le titre de
suffète, Voy. plus haut, p. 3,
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
191
h Carthage, aurait été revêtu des fonc-
tions de censeur des mœurs.
JSous ne pouvons nous arrêter sur
les institutions judiciaires des Cartha-
gipois, car nous n'avons sur ces insti-
tutions que des données incomplètes.
^us ^vons cependant qu'il existait
des noâgistrats spéciaux pour juger les
affaires civiles et criminelles.
Système de gouvebnement a
ju'égabd des peuples tbibutaibes
su» le continent afbicain et des
ÇQLONiES. — Carthage tenait dans une
étroite dépendance toutes les villes qui
\^l étaient soumises sur le continent
africain. Loin de leur conférer des
privilèges étendus, elle les traitait en
villes conquises , et elle montra parfois
à leur égard une extrême dureté. £Ile
leur faisait payer de lourds impots,
^, lorsqu'il s'agissait de percevoir, le
Çsc de la république procédait avec une
ij)flexible rigueur. Les gouverneurs
délégués pour administrer les villes
avaient mission, avant tout, de faire
^trer de grosses sommes dans le tré-
sor public , et les percepteurs em-
ployaient souvent d'énergiques moyens
pour extorquer l'argent des tributaires.
Les habitants des campagnes n'étaient
pas traités avec plus de modération,
et , en plusieurs circonstances , on en-
leva aux cultivateurs propriétaires la
moitié de leurs revenus. Les habitants
(Jes villes et des campagnes qui res-
i^ient soumis par la force gardaient le
souvenir de ces odieuses exactions, et
îprsqu'un ennemi mettait le pied sur
le sol de Carthage, ils se rangeaient de
son côté et lui prêtaient aide et appui.
Cette haine des peuples tributaires
(Contre la république se manifesta sur-
tout avec violence à l'époque de la
guerre des Mercenaires (*).
Carthaçe suivit la même règle de
conduite a l'égard de ses colonies. Elle
leur lit sentir quelquefois sa préémi-
nence d'une manière tyrannique. Ainsi,
«l}e les obligeait à fermer leurs ports
aux marchands étrangers. C'était à
Carthage seulement qiron achetait les
produits des contrées lointaines, et
(*) Voyez plus haut, p. 68 et 69,
par ce monopole, qui était loin de
cçntribuer à la prospérité des colonies,
la république gagnait d'incalculables
richesses. La métropole avait soin de
transporter, là où elle établissait des
colons, ses dieux et son culte. La con-
formité des croyances religieuses était
assurément un lien puissant ; mais Car-
thage eut encore recours à d'autres
moyens pour retenir les colonies sous
sa dépendance. Elfe plaçait dans cha-
cune d'elles des magistrats carthaginois
chargés de l'administra tion ci vile ei mili-
taire, et souvent elle adjoignait à ces ma-
gistrats une garnison de liiercenaires.
ÉTENDUE DE LA PUISSANCE CAR-
THAGINOISE; PEUPLES SOUMIS A Car-
thage SUE LE CONTINENT AFRICAIN ;
COLONIES. — Carthage, après sa fon-
dation, se trouva en lutte avec les peu-
ples qui l'avoisinaient. Elle triompha
cependant, et elle compta enfin au
nombre de ses tributaires tous les enne-
mis qui l'avaient attaquée. Par un long
contact, les hommes qui habitaient
autour de Carthage et de quelques au-
tres établissements phéniciens se mê-
lèrent peu à peu aux colons venus de Tyr
ou de Sidon,et, par suite de la fusion
qui s'était opérée, ils reçurent le nom
ae Liby-Phéniciens. Dans les provinces
voisines de Carthage s'élevèrent bien-
tôt des villes nombreuses , et le sol fut
embelli et fertilisé par une savante
agriculture. Indépendamment des peu-
ples sédentaires qui s'étaient presque
assimilés aux Phéniciens, il y avait
encore des nomades qui s'étaient sou-
mis à la puissance carthaginoise. A
l'ouest, quelques-unes des peuplades
de la INumidie payaient un tribut. Au
inidi, jusqu'au lac Triton, «t à l'est,
jusqu'à la grande Syrte, on distinguait
parmi les tributaires de Carthage les
Ausenses, les Maxyes, les Machlyes,
les Lotophages et les Nasamons. La
soumission ou l'alliance de toutes ces
tribus était précieuse à la république;
les unes lui servaient de barrière contre
les invasions, et les autres, en trans-
portant ses denrées jusqu'aux rives du
îîiger, facilitaient son commerce dans
l'intérieur de l'Afrique.
Colonies. — Il ne faut pas ranger
9.
Digitized by
Google
132
UUNIVERS*
au nombre des colonies carthaginoises
certaines villes qui peut-être, bien
avant Carthage elle-même, avaient été
fondées par des Phéniciens sur les côtes
de l'Afilque. Salluste nous apprend
que la plupart des villes du littoral ,
aux environs de Carthage , telles qu'A*
drumète ,Hippo-Zarytes,la petite Lep-
tis, devaient leur origine à des émigra-
tions phéniciennes. Il en était de même
pour Utique et la grande Leptis. La
ville d'Utique formait un Etat indé-
pendant et n'était point soumise à
Carthage. Dans deux traités que Po-
lybe nous a conservés et qui furent
laits avec les Romains (509 et 348
avant notre ère), et encore dans un
autre traité qui fut conclu avec Phi-
lippe, roi de Macédoine, à Tépoque de
la seconde guerre punique, les Cartha-
ginois mentionnèrent Utique comme
ville alliée et non point comme ville
tributaire. Il semble même , d'après ces
traités , qu'ils la placèrent sur le même
rang que Carthage.
Wlpres avoir donné une nomencla-
ture des villes et des ports qui se trou-
vent sur la côte septentrionale de
l'Afrique jusqu'aux colonnes d'Her-
cule, Scylax ajoute: «Les villes et
places commerçantes , depuis les Hes-
pérides ^la grande Syrte) jusqu'aux co-
lonnes d Hercule , appartiennent toutes
aux Carthaginois. » Carthage en effet,
dans un but commercial , avait fondé
des établissements nombreux sur le
littoral africain^ ou bien encore elle
avait placé des comptoirs dans les villes
qui ne lui devaient point leur origine.
Carthage, par sa position et par la
nature de ses entreprises , était animée
de l'esprit de conquête. Il fallait pour
les intérêts de son commerce , qui re-
cevait chaque jour de nouveaux déve-
loppements , qu'elle accrût et multipliât
ses possessions dans Fintérieur des
terres et au delà des mers. Elle com-
battait sans cesse pour ac({uérir, dans
les provinces qui l'avoisinaient, de
nouveaux territoires et de nouveaux
alliés, et pour placer, dans les contrées
lointaines explorées par ses naviga-
teurs , des colonies ou des comptoirs.
Cette nécessité de s'agrandir la jeta
dans mille entreprises diverses qui
toufes eurent un plein succès , jusqu'au
moment où elle se trouva en contact
avec les Romains.
Saedaignb. — Justin parle d'une
expédition des Carthaginois contre la
Sardaigne. Cette expédition, qui eut
Heu vraisemblablement entre 600 et
£»50 , est une des premières que Car-
thage ait dirigées contre cette lie. La
Sardaigne était, sans contredit, une
des possessions les plus importantes
des Carthaginois dans la Méditerranée.
Tous les peuples de l'île furent soumis ,
à l'exception de quelques indigènes qui
se retirèrent dans les montagnes. Les
Carthaginois , pour assurer leurs éta-
blissements dans ce pays qui leur
offrait de précieuses ressources, fon-
dèrent deux villes, Caralis et Sulchi.
La Sardaigne est mentionnée expres-
sément dans les deux premiers traités
que Carthage fit avec Rome. Par l'un
de ces traités, les Romains peuvent
entretenir des relations commerciales
avec la Libye, c'est-à-dire, avec les
habitants du territoire carthaginois en
Afrique, et avec la Sardaigne; par l'au-
tre , Carthage leur défend de naviguer
vers ces deux pays, ta Sardaigne, nous
le répétons, était poiiir les Carthaginois
une précieuse acquisition, car elle leur
fournissait du blé en abondance, et,
dans les temps de guerre , elle fut plus
d'une fois le grenier de Carthage.
CoBSE. — La possession de la Corse
n'offrait pas les mêmes avantages.
Toutefois , les Carthaginois , sans trop
se soucier d'une contrée qui ne devait
pas leur rapporter de grands profits ,
ne se montrèrent point indifférents
lorsqu'il s'agit de savoir à qui appar-
tiendraient les côtes de la Corse. Ainsi ,
quand les Phocéens, fuyant la domi-
nation des Perses, vinrent chercher
dans l'île une nouvelle patrie et y fon-
dèrent Alalia , les Carthaginois s'uni-
rent aux Étrusques pour les expulser.
Les Phocéens cédèrent à une coalition
si puissante , et ils se dirigèrent vers
un autre pays pour trouver enfin un
asile et un durable établissement. La
Sardaigne et la Corse appartenaient à
Carthage, lorsç|ue M Romains se rea»
Digitized by
Google
CARTHAGE.
tn
dirent maîtres de ces deux Iles en 237,
au moment où finissait la guerre des
Mercenaires.
Sicile. — On connaît assez la po-
sition et rétat florissant de la Sicile
dans l'antiquité, pour savoir combien
sa possession devait être utile à Car-
thage. Mais jamais la commerçante
cité, malgré ses efforts réitérés, ne
parvint à Ta posséder dans son entier.
Elle rencontra sans cesse des obstacles ,
et le plus grand fut assurément la ri*
vaJité des Syracusains, qui, eux aussi,
voulaient dominer en maîtres absolus
dans toute retendue de la Sicile; Ce qui
ouvrit à Carthage l'entrée de Ule , ce
fut d'abord sa parenté avec Eryx,Panor-
me , Motya, Soloes, Lilybée, et quelques
autres villes qui étaient d'origine phé-
nicienne; ensuite les rivalités qui exis-
taient entre les différentes colonies grec-
ques. Après avoir fondé leurs premiers
établissements sur la côte qui avoisine
Lilybée , les Carthaginois ne tardèrent
point à s'étendre, et à pousser leurs
conquêtes jusque dans la partie orien-
tale de la contrée. Nous devons remar-
quer ici que , par suite du système de
gouvernement adopté par la métropole
à l'égard de ses colonies, les villes
carthaginoises de la Sicile ne furent
jamais bien florissantes. Carthage les
maintenait dans un rang très-inférieur
au sien f et ces villes , gênées dans leur
développement , ne pouvaient rivaliser
avec les colonies grecques ni par leur
splendeur ni par leur population. Ce-
pendant Carthage connaissait toute
rimportance d'une bonne position en
Sicile. A partir du jour où elle eut dans
la partie occidentale de l'île de solides
établissements, elle devint conqué-
rante, et, comme nous l'avons dit,
elle essaya de s'agrandir. Ce fut alors
qu'une guerre terrible éclata entre elle
et les Syracusains ses rivaux. Dans
cette guerre qui dura plusieurs siècles
(de l'an 41 0 à l'an 264 avant notre ère) ,
les Carthaginois prodiguèrent leurs
trésors et leurs soldats ; ils ne se lais-
sèrent point abattre par les succès de
Gélon , de Denys l'Ancien et d' Agatho-
cle, et l'on ne saurait dire quelle au-
rait été l'issue de la lutte, si les
Romains n'avaient franchi le détroit de
Messine pour descendre à leur tour
dans cette sanglante arène. Il résulta
de cette guerre, dont les succès étaient
partagés, jue l'étendue du territoir-
carthaginois, en Sicile, varia sane
cesse. Tantôt les Svracusains étaiens
réduits à défendre leurs propres mut
railles, tantôt Carthage ne conservait
en Sicile que Motya ou Lilybée. Ce*
pendant, depuis l'année 883, le petit
fleuve HalyKus était regardé comme
une ligne de démarcation entre les deux
parties Mligérantes. On sait, par le
récit qui précède, comment, après une
guerre qui avait duré plus de vingt
ans, les Carthaginois, vaincus par les
Romains, furent obligés de renoncer
à la conquête de la Sicile.
Iles Baléares. ~ S'il faut en croire
Diodore, Carthage eut des relations
avec les îles Baléares deux siècles seu-
lement après sa fondation. Les Cartha-
ginois surent apprécier de bonne heure
toute l'importance de ces îles. «Ils y
fondèrent une ville, Érésus, qui offrait
aux navigat^urs un excellent port, et
qui brillait par la beauté de ses édiiices.
Les îles Baléares servaient d'entrepôt
aux marchands qui allaient en Espa-
gne , et elles fournissaient aux ar-
mées de Carthage des soldats renom-
més pour leur habileté à lancer au loin
des projectiles , et surtout à se servir
de la fronde.
Petites îles de la Méditerra-
née. — Entre l'Afrique et la Sicile on
voyait les deux îles de Gaulos et de
Mélita , qui , à une époque fort recu-
lée, avaient appartenu aux Phéniciens.
Carthage s'en empara , et elles liri ser*
virent de stations pour son commerce.
A Mélita ( Malte ) se trouvaient de
nombreuses manufactures pour la fa-
brication des tissus. Dans ces îles, com-
me dans toutes les autres possessions
de la république, il y avait une garni-
son de mercenaires à laquelle était
préposé un officier carthaginois.
Espagne. — Il serait difficile de pré-
ciser le temps où Carthage mit le nied
pour la première fois sur le sol de
l'Espagne. Toutefois, il est avéré que
déjà, a une époque fort ancienne, les
Digitized by VjOOQIC
134
L'UNIVERS.
Carthaginois envoyèrent des colons sur
1^ tùtet He rtbéfie. Nous savons, an
reste, que les Phéniciens tes avaient
devancés en fondant des établissements
oélèbi^, Oadès entre autres, sur la
côte méridionale de TEspagne. Les
rapports de Carthage florissante avec
lu péninsule ibérique furent tout paci*
flqaes. Plus tard seulenient , quand la
république, épuisée par de longues guer-
res , se vit enierer par les Romains la
Sicile , la Corse et la Sardaigne , elle
changea de système à l'égard de l'Es-
pagne : elle ne se contenta plus des
étiabifssements fondés sur les côtes par
les Phéniciens ou par eite-mémfe; elle
eSsisaya de pénétrer dans l'intérieur du
pays, de conquérir de grandes provin-
ces ^ de compenser ainsi les pertes
considérables qu'elle avait faites. Là,
en effet, les produits de la terre et les
mises à peine explorées étaient encore
pour elle une source abondante de ri-
chesses. Nous ne rappellerons point-
ici la 'lotte qu'elle soutint dans la pé-
ninsule ibérique pour consolider ses
établissertients ^ assurer «es conquê-
tes, car nous avons résumé plus haut
l'histoire de la domination carthagi-
noise en Espagne.
Carthage n'avait point de colonies en
Gaule et en Italie. Dans la première
de oes deui contrées, MassHia, fon-
dée par les Phocéens ses ennemis,
dans la seconde, Rome et tes villes
de la Campanie, lui faisaient une trop
redoutable concurrence, tl paraît ce-
pendant qu'elle eut de fréquents rap-
ports avec la Gaule, car on voit des
légions entières de Gaulois dans ses
armées de mercenaires.
CÔtBS OCGIDBNTALES DE L'AfBI-
QtïE SV DB I.*EtJBOPB ; PÉBIPLBS
©'HAimoT» ET d'Himilcon. — Les
Carthaginois franchit^nt le détroit de
Gadès et ils explorèrent une partie des
e^i^ occidentales de l'i^frique et de
l'Europe. Nous savons que le roi Han-
non fut chargé ïde passer le détroit et
de fonder d^ isolonies sur différents
points de la côte africaine. H condui-
sait avec lui trente «wlle Liby-Phéni-
clens qui devaient (teuphâr lesnouveaux
établissements. A la méitie époque.
Himilcon explorait la côte occidentale
de l'Europe. Les fragments de F^tUs
Avienus , qui parle de ce périple , Ht
nous apprennent rien de certain sur
le but et le résultat du voyage d'Hi*
milcon.
Tbbsob public; ses bbvbncjs. —
Le trésor public, à Carthage, se rem*
plissait facilement, soit par la rentrée
des impôts et des tributs , soit par la
part considérable que l'État se réser-
vait dans les découvertes importanties
que disaient chaque jour ses colons
ou ses navigateurs. En ce qui concerne
cette dernière branche de revenus,
Carthage, comme nous l'avons dit pré-
cédemment, trouva dans l'exploitation
des mines de l'Espagne d'inépuisables
richesses. Les revenus fixp5 et régu-
liers consistaient dans les tributs que
payaient les peuples soumis. Les villes,
dans tonte l'étendue des possessions
carthaginoises, donnaient de l'argent ;
les cultivateurs, et en général ceux qui
n'habitaient point la côte, s'acqint-
taient en nature envers le fisc et seS
agents. La Sardaigne et la Sicile en-
voyaient le blé qui servait aux appro-
visionnements publics. Carthage s'en-
richissait aussi par les droits qu'elle
percevait à l'entrée des ports de la ca-
pitale et des colonies. Bien souvent eHc
se procura de l'argent par la pirate-
rie. Parfois elle confisqua la charge des
vaisseaux qui stationnaient dans soto
port ; mais elle n'avait recours à ces
moyens violents que dans les moments
de détresse et lorsque de grands dan-
gers la menaçaient, comme à Fépoque
de la guerre *des Mercenaires. Toute-
fois, hâtons-nous de le dire, quand le
péril s'était éloigné, quand le calme
renaissait, elle s'empressait de resti-
tuer, et elle indemnisait les marchands
qui avaient eu à souffrir de ses injus-
tes saisies. Ce qui contribua principa-
lement à rendre Carthage riche et flo-
rissante, ce fut la prospérité de chacun
àe^ individus soumis à ses lois. En
^et , par l'agriculture , le commerce
et nnaustrie, presque tous étaient
parvenu» à se procurer l'aisance et le
bien-être.
AoBTCULTtiBB. — Les Carthaginois
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
135
habituèrent de bonne heure à la vie
rurale les populations indigènes qui les
avoisinaient. Eux-mêmes ne se portè-
rent point exclusivement vers le com-
merce ou l'industrie ; ils s'adonnèrent
aussi aux travaux de la campagne.
L'agriculture, dans les terres de la
domination carthaginoise, était parve-
nue à un haut degré de perfectionne-
ment. Les étrangers qui parcouraient
les environs de Carthage , traversaient,
non sans admiration, les campagnes ,
S|ue de savants procédés avaient tràhs-
ormées en de véritables jardins. « La
« contrée qu'Agathocle, après son dé-
« barqnement en Afrique, traversa à
« la tête de son armée , était , suivant
« Diodore , 'couverte de jardink , de
« plantations, et coupée de canaux qui
« servaient à les arroser. De superbes
« maisons de campagne décelaient les
« richesses des propriétaires. Ces de-
« meures oflraîent toutes les commo-
« dites de la vie, car, dans l'intervaHe
« d*une longue paix , les habitants y
« avaient entassé tout ce qui peut flai-
« ter la sensualité. Le sol était planté
« de vignes , d'oliviers et d'autres ar-
« bres fruitiers. D'un côté s'étendaient
« des prairies où paissaient des trou-
« peaux de bœufs et de brebis; de l'au-
« tre, dans les contrées basses, se trou-
« vaient d'immenses haras. On voyait
« partout l'aisance, car les Carthagi-
« nois les plus distingués y avaient des
« possessions et rivalisaient de luxe. »
Polyhe nous apprend que la campagne
de Carthage offrait encore le même
aspect an moment où l'armée de Re-
gulus descendit en Afrique, c*est-à-
dire cinquante ans après l'expédition
d'Agathocle. Entre toutes les pro-
vinces qne les Carthaginois possédaient
sur le sol de l'Afrique, la Byzacène
tenait le premier rang par son extrême
fécondité. « Cette contrée habitée jpar
« des Libyens , dit Scylax , est très-fer-
« tileetclle offre un magnifique aspect.
< Elle abonde en troupeaux, et ie^
« habitants sont très-riches. »
Heeren h Yait une remarque impor-
tante que nous devons rappeler ici ,
c'est que , dans les provinces de l'Afri-
qoe soumises à 'Cmthage , ragricalture
n'était pas seulement pratiquée dans
toutes ses branches , mais encore tirai-
tée dans des écrits que les Romains
ne dédaignèrent pas de faire traduire
dans leur langue (voy. l'alinéa que nous
avons consacré à la littérature des Car-
thaginois). Le savant historien ajoute:
« A Carthage , Taraour de l'agricul-
«ture semble même avoir surpassé
« Pamour pour le commerce. Dans
« l'antiquité , l'état de commerçant
« n'était pas le plus estimé, et il est
« Traisemblable que les Carthaginois
« leurent à cet égard une opinion con-
« forme à celle des autres peuples.
« ^ous savons que les grandes familles
« delà république possédaient des biens-
^ fonds et vivaient de leurs revenus ,
« mais nous ne trouvons aucun fart
« qui prouve qu'elles aient ftiit quelque
« négoce. » Ici , nous le croyons , Hee-
ren s'est exprimé avec quelque exagé-
ration , mais il n'en reste pas moins
démontré jusqu'à l'évidence, par le té-
moignage des écrivains de l'antigoîté,
que les Carthaginois, tout en se livrant
au commerce et à l'industrie , donnè-
rent les plus grands soins aux travaux
de l'agriculture.
Commerce et industrie. — Car-
thage fut pendant plusieurs siècles l'en-
trepôt de toutes les richesses du monde
ancien. Ses vaisseaux lui amenaient
chaque jour les produits des contrées
les plus lointaines, et ses caravanes ,
qui traversaient les déserts, appor-
taient les trésors de l'intérieur de l'A-
frique et même de l'Orient (*).
Commerce par mer. — On peut
juger de l'étendue du commerce ifiari-
time ye Carthage par le nohfbre de ses
colonies. Tîous avons énuméré précé-
demment les villes et les provinces (fm
avaient reçu ses colonfe ou qui étaient
souhiises à sa domination. De tous cë$
points divers arrivaient dans ses port$
des vaisseaux chargés de précieuses
marchand rsèk. Cffrthage, nous l'avons
dit , recevait de la Sicile et de la Sar-
daigne de grandes provisions de Mé ,
(*) Voyez sur le commerce de Cârflii
\tifhelm BôttiéWér (Geschichte der ^'' *
^er)y p, 66 et luîv. Berlin, 1*17.
Digitized by
Google
ite
L'UNIVERS.
mais elle prenait encore dans ces deux
ties , ainsi que dans la Corse , du miel
et de la cire. Il est vraisemblable que
les Carthaginois exploitèrent les mines
de métaux qui sont en Sardaigne , et
aue , pour leur commerce de pierres
nnes, ils surent tirer profit des sar-
doines que Ton rencontre fréquemment
dans ce pays. Ils trouvaient à Lipara
et dans les petites Iles qui Tentourent,
du bitume, et à Ilva (lUe d'Elbe)
du minerai de fer. Les fies Baléares,
où ils achetaient de nombreux escla-
ves, leur fournissaient en outre du
vin , de Thuile et une laine très-fine et
très-recherchée. Les mulets des îles
Baléares étaient aussi fort estimés.
Les produits naturels de l'Espagne
formaient une branche très-importante
du commerce de Carthage. Mais ce
oui attira principalement Fattention
de la république vers TEspagne , ce fut
Texploitation des mines, qui produi-
saient alors abondamment et qui
étaient pour elle la source d'immenses
richesses. Tout nous porte à croire
que les Carthaginois comme les Phé-
niciens firent un grand commerce avec
les côtes occidentales de l'Afrique et
de l'Europe. Les vaisseaux de Car-
thage, après avoir franchi le détroit
de Gadès, montaient au nord jusqu'aux
iles Cassitérides, d'où ils revenaient
chargés d'étain; on prétend même
qu'ils allaient chercher l'ambre jusque
sur les côtes de la mer Baltiç^ue. Car*
thage entretint aussi des relations avec
la Gaule, malgré la concurrence de
Massilia.
Dans la partie orientale de la Mé-
diterranée, le commerce des Cartha-
ginois était beaucoup moins étendu
gue dans la partie occidentale. Toute-
fois, ils avaient encore, pour les pro-
duits de leur industrie, de nombreux
débouchés en Grèce et en Italie. C'é-
tait là principalement que, outre les
pierres fines et les esclaves noirs , ils
vendaient les objets sortis de leurs ma-
nufactures.
CoMMBBGB PAB TEBBE. — Le Com-
merce par terre était très-actif et très-
étendu. Des caravanes arrivaient du
fond de l'Arabie , et , passant par les
stations du désert , depuis l'Egypte jus-
qu'à Ammonium, et depuis Ammonium
jusqu'à la grande Leptis, ou jusqu'aux
tentes des premières tribus nomades
soumises à Carthage, elles transmet-
taient les trésors de l'Orient. D'un
autre côté, le commerce par terre
s'étendait jusqu'au Niger, ou les Car-
thaginois envoyaient du sel et d'autres
produits , et recevaient des grains d'or
en échange. Outre les grains d'or, les
Carthaginois tiraient de l'intérieur de
l'Afrique des esclaves noirs, des dattes
et des pierres précieuses, que Pline
appelle CarbunctUi carchedonii. Les
peuples nomades étaient, si nous pou-
vons nous exprimer ainsi*, les inter-
médiaires de œ grand commerce. Ils
se chargeaient de porter les marchan-
dises à leur destination. Cependant
les Carthaginois eux-mêmes se joi-
gnaient quelquefois aux caravanes , et
nous savons qu'un certain Magon,
marchand de Carthage, fit ^rois fois
le voyage du désert.
Industrie. — A Carthage , il y avait
plus de commerce que d'industrie. Les
Carthaginois échangeaient souvent ,
sans les livrer à la fabrication, les
Ï produits qu'ils allaient recueillir dans
es contrées lointaines. Toutefois , la
magnificence et le luxe qui éclataient
à Carthage attestent que, dans cette
ville florissante, les arts manuels
étaient pratiqués et cultivés avec soin.
Certaines branches de l'industrie re-
çurent chez les Carthaginois de grands
développements ; nous citerons , entre
autres , la fabrication des tissus. Dans
l'antiquité, les étoffes qui sortaient
des fabriques carthaginoises étaient
fort recherchées. Athénée nous ap-
*prend qu'un Grec , nommé Polémon ,
avait fait un traité spécial sur la fa-
brication de ces étones (*). Carthage
Eossédait , dans l'île de Malte, de nom-
reuses manufactures qui produisaient
des tissus renommés pour leur finesse
et leur beauté.
Monnaies. — Frapnait-on , à Car-
thage, des monnaies dor et d'argent?
{*) ^'ouvrage de Polémon était intitulé :
Ilcpi Twv iv KapxY)^vi ic^Xmv.
Digitized by
Google
CARTHAGE.
137
Cest là nrie question que les numis-
mates n'ont point encore résolue. Il
existe des monnaies qui ont été frap-
pées par les Carthaginois dans les villes
le la Sicile , et qui portent une inscrip-
tion punique. Il esi vraisemblable que
la métropole n'attendit point l'exemple
de ses colonies pour avoir une mon-
naie. Toutefois, il est à peu près cer-
tain que les Carthaginois apprirent
dans les villes grecques de la Sicile les
éléments de l'art numismatique. Si,
dans les premiers siècles qui suivirent
sa fondation , Carthage n eut point de
monnaies , c'est que dans les pays où
elle pénétrait le Commerce se faisait
par échange.
FOBGES MILITAIHES DB CàB-
THÀGE ; ABMEES NAVALES. — NoUS
croyons indispensable de donner ici
quelques détails sur les forces militaires
de Carthage , sur ses armées de terre
et de mer. Au rapport des historiens,
il y avait deux ports à Carthage; Tun
était destine aux vaissaux du com-
merce, l'autre aux vaisseaux de guerre.
Ce dernier contenait ordinairement
cent cinquante et deux cents galères.
Dans les premiers temps de la répu-
blique, les vaisseaux étaient tous à
trois rangs de rames. Mais les forces
navales de Carthage s'accrurent consi-
dérablement à répoque où elle entra
en lutte avec les Romains. Alors aussi
les Carthaginois firent de grands pro-
grès dans Part de construire les vais-
seaux. £n effet, nous voyons que,
dans un combat livré à Régulus, la
flotte carthaginoise se composait de
trois cent cinquante galères, à cinq
rangs de rames. Chaque galère portait
cent vingt combattants et trois cents
hommes pour la manœuvre.
Abmees de tebbe. ~ Les armées
de terre entretenues par la république
étaient considérables. Elles se com-
posaient de soldats mercenaires que
Carthage avait levés en différents pays.
Cependant, dans chaque corps d'ar-
mée, il y avait une troupe où les Car-
thaginois seuls étaient admis. C'étaient
les fifs des grandes familles qui ve-
naient s'exercer au métier des armes ,
et se préparer, dans les combats, aux
divers commandements des armées.
La légion composée de Carthaginois
était ^u nombreuse. Si Ton en croit
Diodore , il arriva une fois que , dans
une armée de soixante et dix mille
hommes, on ne compta que deux
mille cinq cents Carthaginois. « Le
« nombre des citoyens carthaginois
« qui servaient dans les armées , dit
« Heeren , n'était jamais considérable.
« Les peuples tributaires de l'Afrique ,
« que Polybe appelle toujours Libyens^
«formaient l'élite des troupes. Ils
a combattaient à cheval ou à pied , et
« ils étaient le noyau de la grosse ca-
.« Valérie et de la grosse infanterie. Ils
« portaient de longues piques qu An-
« nibal changea, après la bataille de
« Trasimène , contre des armes ro-
« maiiies. A côté de ces troupes se
a rangeaient les Espagnols et les Gau-
« lois. Les soldats espagnols étaient
« les plus disciplinés des armées de laré-
<c publique ; ils faisaient ordinairement
« le service de la grosse infanterie. Ils
« portaient des habits blancs de lin
« avec des ornements rouges ; une
« grande épée, qui pouvait tout à la fois
« frapper et percer , était la principale
« de leurs armes. liCS Gaulois com-
« battirent de bonne heure dans les
« ranp carthaginois. Dans la bataille
'< ils étaient nus jusqu'à la ceinture , et
« n'avaient qu'un sabre pour frapper
« l'ennemi. L'Italie grossissait le nom-
« bre des mercenaires de Carthage.
« Les Liguriens paraissent dans ses
« armées au commencement de la lutte
« contre Rome , et les Campaniens
« déjà à l'époque des guerres contre
« Syracuse. La république avait aussi
« des Grecs à son service. Les îles Ba-
« léares fournissaient à Carthage jus-
«'qu'à mille soldats. Ils portaient une
«ironde qui avait presque l'effet de
« nos petites armes à feu , car les
« pierres qu'elles lançaient brisaient
« les bouchers et les cuirasses. Dans
« une bataille contre les habitants de
« Syracuse , ils assurèrent , par leur
« aaresse, la victoire aux Carthaginois.
« Mais la force principale des armées
" de Carthage consistait en cavalerie
« légère, que la république tirait des
Digitized by
Google
188
fUNIVERS-
« tribus noçdades placées sur les deqc
«côtés de Sun férmdîrè^ TOiités ces
«tribus, depuis lès Massylîèns* liitii-
«trophes jusqu'aux Waurusfertfe Idte-
« meurant tfarts le Fe« et \e "M^oé
« modernes , avaient Thabitude de se
« battre dans les armées dés Carthàgi-
« nois , et d'être â la solde de cette rih-
« tion. La levée des troupes était faîte ,
« dans les. provinces de rAfrique ausfsi
« bien qu'en Europe , par des séna-
« leurs députés qui pénétraient jus-
« qu'aux contrées les plus lointaiifrcs.
« Les cavaliers numides couraient ^r
«de petits chevauk noti sellés, qui
« étaient dressés à des évolutions ra-
« pides, et qu'ils dirigeaient sans frein.
« La peau d'un Kon ou d'un tigre leur'
a fournissait à la fois un vêtement et
« une couche pendant la nuit; et, lors-
« qu'ils combattaient à pied , un mor-
« ceau de peau d'éléphant leur servait
« de bouclier. Leur attague était ter-
« rible à causé de l'agilité de leurs
« chevaux ; et la ftîite n'avait rien de
« honteux pour eux, puisqu'ils fuyaient
« seulement pour faire une nouvelle ât-
« taque. La, grosse cavalerie se compo-
« sait , suivant Polybe , de Carthagi-
« nois, de Libyens, d'Espagnols et de
« Gaulois. » Dans les armées de Car-
thage , on voyait aussi des éléphants
qui étaient guidés par des Éthiopiens.
Heeren suppose que ce ne fut qu après
les guerres de Pyrrhuis, en Sicile, que
les Carttjaginois employèrent ces ani-
maux dans les batailles.
Pour une partie de l'armée soudoyée
par Carthage , le service militaire était
permanent. Ainsi , comme nous l'avons
déjà remarqué, il y avait des garni-
sons de mercenaires fixées dans les îles
et les provinces soumises à \a républi-
que. Les flottes et les armées de terre
avaient des chefs distincts. Toutefois,
les commandants des flottes étaient
subordonnés aux généraux des armées
de terre lorsqu'ils agissaient cbnjoin-
tement. Dans les autres circonstances,
le commandant de la flotte recevait di-
rectement les ordres du sénat. Ehfin ,
nous savons qu'il existait des drsernès
à Carthage. Imns les muts de la cita-
delle, on avait pratiqué dèfs ftnirifes
pour trois cents éléphants et quatre
ftiille chevaux. "ïl y avait de» Ibgcmêftts
pour vingt mille fantassins, et des nrra-
gasîns remplis de ce qui était néces-
saire à la ^bsi^ance des hommes et
des anihiaux employés à la guerre (voy.
plus bas la Topographie de Carthage).
Le técit de la lutte terrible et dan-
gereuse que les Carthaginois eurent à
Soutenir contre leurs propres soldats
après la première guerre punique (*) ,
nous dispense d'entrer ici dans de lon-
gues considérations sur les avantages
ou les périls réservés aux États qui en-
tretiennent des armées composées
tout entières de mercenaires. En ter-
minant ce que nous avions à dire du
i#système militaire des Carthaginois,
nous devons encore faire une remar-
que , c'est que les Romains essayèrent
constamment , depuis le jour où pour
la première fois ils franchirent le dé-
troit de Messine , de détacher de Chir-
thage toutes les provinces où elle en-
rôlait des mercenaires. Ils lui enlevèrent
la Sicile, la Corse et la Sardaigne; ils
s'allièrent aux Phocéens de Marseille
et à quelques-unes des nations qui ha-
bitaient le midi de la Gaule; en Es-
pagne , par des actes de clémence et de
générosité , ils se concilièrent un grand
nombre de peuples ; enfin , en* Mauri-
tanie et en Numidie , à force d'adresse,
ils se firent des amis nombreux et dé-
voués. Cette politique réussît aux Ro-
mains, qui anéantirent ainsi peu à peu,
mieux qu'ils ne l'auraient raît par de
grandes batailles, toutes les forces des
Carthaginois.
Religion des Carthaginois. —
Les émigrés qui fondèrent Carthage
-apportèrent avec eux , sur la côte d'A-
frique , la religion de la Phënicie. Ce-
pendant, nous devons ajouter que, dans
cette religion, par suite du tong con-
tact des Carthaginois avec les Libyens
et les Grecs de la Sicile , il s'introdui-
sit un grand nombre d'éléhicnts étran-
gers. Nous donnerons ici les noms des
principales divinités adorées à Car-
thage. Le premier de tous les dieux
était Baal ou Moloch, h seigneur, te
(•) Voyez plus haut p. 65 et suiv.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
139
roi du ciel. C'était le dieu suprême
ikiBs iemtel les Grecs crurent voir Kro-
nos, et les Romains Saturne. A ce dicU
£aal, les Carthaginois associèrent la
puissant;^ déesse Jstarté. La déesse
Jstarté ou Astaroth (ce mot répond
à ridée de souveraine du ciel et des
astres) fut appelée par les Grecs Uror
«ie, et par les Romains la Déesse cé-
leste ou Junon. Après Baalet Jstarté^
nous devons mentionner le dieu Méf-
carth. Chaque année, Carthage, par
un pieux r^pect et en souvenir de m
parenté, envoyait dans sa vieille mé-
tropole un vaisseau chargé de riches
offrandes pour !e dieu Metoarth, qui
était le génie tutélaire de la ville de
Tyr. Les Carthaginois transportèrent
dans toutes leurs colonies te culte de
Melcarth (Hercule tyrien), aussi bien
que celui de Baal et d' Jstarté. Plu-
sieurs écrivains de Fantiquité ont rangé
aussi au nombre des dieux puniques
Esmun^Escidape y oui avait son tem-
ple sur la colline de Byrsa. Comme
ntous Tavons dit, les Carthaginois ado]^-
tèrent quelques-unes des divinités
étrangères. Ils empruntèrent aujc Grecs
le culte de Cérès et de Proserpine
peut-être même celui d'Apollon ; et
s'il faut en croire Diodore de Sicile
ils envoyèrent une fois des ambassa
deurs au temple de Delphes. Les fonc-
tions du sacerdoce étaient recherchées
par les familles les plus illustres de la ré-
publique ; cependant il n'y avait point
a Carthage de caste sacerdotale (*).
« Le caractère de la relif;ron cartha-
« ginoise fut comme celui de la nation
« qui la professa , mélmicolique jus-
« qu'à la cruauté. La terreur était \t
« mobile de cette religion, qui avait
« soif de sang et s'environnait des plus
t noires images. A voir les abstineh-
« ces, les tortures volontaires, et sur-
« tout fés horribles sacrifices dont elle
« faisait un devoir aux vivants, on s'é-
« tonne peu que les morts aient dû leur
« sembler dignes d'envie. Elle impo-
(*) Voyez sur la religon des Carthaginois
le savant ouvnige de MtiBter {ReUgion der
C€irth€^^)% voy«z aussi Witiiekn Boiticfaer
(fieschiohte der Oartha^er), p. 77 et siùv.
t sait silence aux sentiments les plus
t sacrés de ta nature, elle diégrada^t
» les âmes par des superstitions tour
t à tour atroces et dissolues , et l'cm
K est réduit à se demander quelle in-
t fluenoe vraiment morale «lie put etet-
X cer sur les moeufs du peuple. Aussi
t le portrait que l'antiquité nous a
(laissé des Carthaginois est -il loin
i d'être flatteur : à la fois duts et ser-
« viles , tristes et cruets , égoïstes ^
X cupides, inexorables et sans foi, '^l
t semble que l'esprit de leuv culte a?t
t feonspiré avec la jalouse aristocratie
•i qui pesait sur eux, avec leur existen)(*te
t toute commerciale et industrielle, è
X fermer leurs cœurs auk émotîottfe
X généreuses , aux besoins d'un ordre
«élevé. Ils pouvaient avoir qirplquéS
tt nobles croyances , tnais dont la pra-
K tique se ressentait pm. Une âéesf^
s présidait à leurs conseils publics ,
X mais ces conseils, ces as^nlblées ^s^e
X tenaient la nuit , et l'histoire dépose
«des terribles mesures qui s'y agi-
K talent. Le dieu de la clarté solaire,
« Hercule , fut le patron de Carthage
t comme celui de Tyr ; il y donna
X l'exemple des grandes entreprises €ft
X des hardis travaux ; mais le sang y
t souillait sa lumière, et -tous les
cans, des victimes hunàaines tom-
( baient ati pied de 6es autels aus^
ibien qu'aux fêtes de l'impitoyrfble
t Baal. Partout où les Phénicien^ ,
« où les Carthaginois après eux pbrtè-
t rent leur commerce et leurs armes,
i non-seulement à certaines époques ,
c mais dans toutes lés conjonctures
t critiques, leur fanatismie exalté re-
i Douvela ces immolations sanguinai-
i res. En vaiu Gélon de Syracuse, avec
« l'autorité de la victoire ; en vain, par
« une pacifique influence, les Grecs eux-
( mêmes fixés à Cartbage tentèrent
t d'y mettre un terme*, l'antique bèir-
» barie reparut sans cesâe et se maf n-
c tint dans la Carthage romaine. Ali
(commenoem^t do troisiènie siêtfle
c de notre ère, dh découvre encore del^
i vestiges de ce culte affretix , tout au
< moins alors pratiqué en secret. Dès
i l'aa 665 de Rx>ifne, totrs les sàc^ifîttes
X ()^n}ailte «valent été prohibés; mais
Digitized by
Google
140
L'UNIVERS.
« plus d'une fois les empereurs se trou-
« vèrent dans la nécessité de répéter
« cette défense, et nous devons ajouter
«que, pendant longtemps, la sévérité
« des lois romaines ne put mettre un
« terme à ces hideuses immolations (*). »
LlTTÉBATUBE DES GABTHAeiNOIS.
— Y avait -il une littérature à Car-
thage ? Des documents assez nombreux
et assez authentiques nous permettent
de résoudre affirmativement cette queS'
tion. Cependant dix vers en lanjs^ue pu-
nique qui se trouvent dans ïePœnulus
de Plante , dix vers que personne jus-
qu'ici n'a pu traduire même approxi-
mativement, (juoiqu'en remontant aux
sources primitives, c'est-à-dire, à la
langue hébraïque , qui ne devait pas
différer beaucoup de la langue phéni-
cienne, sont les seuls vestiges de la
littérature carthaginoise qui soient
parvenus jusqu'à nous. Mais nous avons
en revanche le témoignage des écri-
vains grecs et romains qui attestent
que les lettres furent cultivées à Car-
tilage. Pline l'ancien rapporte qu'après
la prise et la destruction de la ville ,
les Romains donnèrent les bibliothè-
ques publiques aux princes d'Afrique,
leurs alliés. Salluste , de son coté ,
quand il parle des premiers peuples
qui ont habité l'Afrique, invoque, à
1 appui de ses assertions , les livres pu-
niques {libri jmnid) qui avaient ap-
partenu au roi iliempsal. Les livres
puniques, livres d'histoire vraisembla-
blement, étaient ceux qu'après la
destruction de Carthage les Romains
avaient donnés à leurs alliés d'Afrique
Au reste , Polybe nous apprend aussi
que Carthage avait eu des historiens
Entre les ouvrages de la littérature car
thaginoise , le plus estimé par les étran-
gers fut un traité de Magon sur Fagri
culture. D. Silanus le traduisit en latin
Nous savons qu'il était divisé en vingt-
huit livres. Tous les auteurs qui ont
écrit sur l'économie rurale, Caton,
Pline, et Columelle, entre autres , ont
fait de cet ouvrage le plus grand éloge,
(*) Religions de l'antiquité, ouvrage de
Creiizer, refondu, complété et développé
par M. Guigniaut.
et ils en ont extrait de nombreuses ci-
tations. Heeren dit , à propos du livre
de Magon : « On ne saurait douter
qu'il n'y eût une littérature carthagi-
noise Un ouvrage aussi étendu que
celui de Magon ne pouvait être, à Car-
thage, ni la première ni la dernière
production littéraire. » Les Carthagi-
nois durent se perfectionner dans la
littérature par l'étude des chefs-d'œu-
vre que le génie grec avait enfantés ;
et cette étude leur fut rendue facile par
les voyages qu'ils faisaient dans la
Grèce elle-même, et parleurs relations
suivies avec les peuples de la Sicile.
Enfin nous savons qu'il y eut dans
l'école grecque un philosophe cartha-
ginois. Clitomaque était le nom qu'il
f)ortait à l'étranger ; dans sa patrie on
'appelait Asdrubal (*).
(*) « Winkelmaun ( Kunst gesckichte),
nie que les beaux-arts aient fleuri à Car-
thage ; mais Tarcbitecture de son Cothôa et
dé ses doubles portiques , le temple et la
châsse d'Apollon,, décrits par Appien, la
mention faite par Polybe des monuments
élevés à Carthage et dans toutes ses colonies ,
en l'honneur d'Amilcar, fils d'Hannon; le
bouclier d'argent cité par Tite-Live ( xxv ,
39) , qui était décoré du portrait d' Asdrubal
et pesait i3S livres; les statues érigées dans
Carthage, à Gérés et à Proserpine; enfin
le goût des Carthaginois pour les chefs-
d'œuvre de la Grèce, semblent prouver que
cette assertion tranchée d'un aussi habile
antiquaire doit être modifiée. Le style d'ar-
chitecture des stèles votives chargées d'in-
scriptions puniques , des médailles phéni-
ciennes , surtout du médaillon maxime d'ar-
gent de la Bibliothèque royale , est tout à
fait grec, et nous iuduit à penser que le
voisinage de la Sicile, que les relations fré-
quentes entre celte île et Carlbcige ont dû
porter le goût et la culture des arts dans celte
république riche et commerçante; qu'enfin,
s'ils n'ont pas eu de bons artistes nationaux,
ce qui n'est pas prouvé , ils se sont servis
des artistes grecs , comme l'ont fait depuis
les Romains, pour la décoration de leurs
maisons privés, de leurs édifices publics et
Tembellissement de leur capitale. Il existe
à Leyde un graud nombre de monuments
funéraires enterre cuite, couverts d'inscrip-
tions phéniciennes, et décorés de bustes
d'individus des deux sexes , remarquables
Digitized by VjOOQIC
CARTfiAGE.
141
Nous avons essayé de réunir ici les
principaux renseignements que les
écrivains de l'antiquité nous ont lais-
sés sur la constitution intérieure de
Garthage ; sur son système de gouver-
nement à regard des peuples qui lui
étaient soumis , et de ses colonies ; sur
rétendue de ses possessions , de son
commerce, de ses ricchesses, de ses
forces militaires ; enfin sur sa religion
et sa littérature. Si nous avons parlé
de toutes ces dioses avec quelque éten-
due , c'est qu'elles se rajfiportaient in-
timement à l'histoire d'une ville qui a
joué , comme on l'a vu , un grand rôle
dans l'histoire du monde , et qui , par
ses relations commerciales et ses loin-
tains voyages , a exercé sur la civilisa-
tion de presque tous les peuples de
l'antiquité une notable influence.
TOPOGRAPHIE DE GARTHAGE.
Position db Garthage. -— Au
fond du golfe de Tunis , entre le lac à
l'extrémité duquel est située cette
ville , et les marais saumâtres formés
par l'ancienne embouchure et les allu-
vions du fleuve Medjerdah, s'avance
une haute péninsule, presque entière-
ment couverte de grandes masses de
décombres. G'est là que tous les sa-
vants qui , jusqu'ici , se sont occupés
de Garthage , s'accordent à placer les
ruines de cette antique cité. Cependant
les uns mettaient la ville et le port au
nord-ouest de la presqu'île, près du
cap Qamart, vis-à-vis l'ancienne Uti-
que; les autres, au sud-est, sur le
lac de Tunis, et en regard de cette
ville. De nouvelles observations, et
surtout les savantes recherches de
M. Bureau de la Malle , semblent avoir
démontré maintenant que ces deux
opinions sont également erronées , et
qu'il faut chercher désormais l'empla-
cement de Garthage entre ces deux
positions extrêmes , c'est-à-dire, à l'ex-
trémité de la péninsule , à l'endroit oii
par leurs traits africains et leurs cheveux
nattés comme ceux des portraits monétaires
de Juba. » Bureau de la Malle, Recherches
Jùr la topographie de Carthage.
se trouvent le bourg moderne de Mersa
et les hameaux de Malqa et de Douar-
el-Schat. Gette position s'accorde d'ail-
leurs exactement avec les indications
que l'on trouve dans Polybe. « Gar-
« thage , dit cet historien , est située
«dans un golfe, sur une esp^e de
a chersonèse, et elle est entourée dans
« la plus jurande partie de son enceinte,
« d'un coté par la mer, de l'autre, par
« le lac. L'isthme qui l'attache à la
« Libye a de largeur environ vingt-
« cinq stades (*). Du côté où cet isthine
« se tourne vers la mer est placée la
« ville d'Utique ; l'autre côte , bordé
« par le lac , regarde la ville de Tunis. »
Tite-Live évalue à douze milles (**) la
distance qui séparait cette dernière ville
de Garthage ; et aujourd'hui cette dis-
tance est encore la même entre Tunis
et l'extrémité méridionale du lac , où
se trouvent les premières traces de
l'enceinte de la ville ruinée.
Après avoir fixé la position de Gar-
thage , nous allons essayer de décrire
chacune des parties de la ville , et d'énu-
mérer les principaux édifices que l'on
y rencontrait (***).
Situation des ports. — Le lac
de Tunis est séparé de la mer par une
langue de terre, au milieu de laquelle
se trouve le fort moderne de la Gou-
lette, Gette langue de terre est désignée
par les auteurs anciens sous les noms
de Taenia et de Ligiila, Au point de
jonction de la pénmsule sur laquelle
(*) Le stade valait i8o mètres.
(**) Le mille romain valait 1472 meires.
(***) Pour cette partie de notre travail ,
nous avons constamment suivi, comme gui-
de , M. Dureau de la Malle, dans ses savantes
Recherches sur la topographie de Carthage.
M. Dureau de la Malte, qui a rassemblé
avec tant d'érudition et discuté avec tant
de sagacité tous les témoignages des auteurs
anciens et modernes, est arrivé à des résul-
tats que la science, aujourd'hui , tient pour
incontestables. Nous nous sommes bornes à
ne présenter que les résultats , parce que ,
renfermés dans d'étroites limites, nous ne
pouvions énumérer ici tous les arguments
et toutes les preuves que M. Dureau de la
Malle a donnes à Tappui de chacune de ses
assertions.
Digitized by VjOOQIC
142
L*UNIVERS.
est bâtie Carthage, et de la Tsenioty
on rencontre une petitjB aose foroaéç ,
d'un côté , par I^ Twnia eJïe-noècne ,
de l'autre , p^r un môlç construit ae
main d'bomme. C'est là que se troM-
Tâjt l'entrée du port marchand. A l'épo-
?|ue du siège de Carthage, Scipiun
erma cette anse par une jetée dont on
distingue encore les débris.
Pqbt M^RCçiÀND. — Lç port mar-
çhaop çorpmunîquait à la mer par une
entrée ou çbuiet de soixante-dix pieds
romains de largeur (*) , que l'on fer-
Qi.ait àù moyen de chaînes de fer : il
formait une ellipse allongée de cinq
cents pieds sur trois cents. Dans toute
l'étendue de sa circonférence étaient
disposés de nombreux points d'attache
pour amarrer les navires.
Port i^iLiTÀifiB ou Coxhôn. —
Le port militaire, connu sous le qocQ
de Cothôn (**), n'avait pas d'autre en*
trée que cellç du port mârcHand : il
communiquait avec lui par un canal
voûté, semblable à celui qui unissait
l'un à l'autre les deux ports d'Alexan-
drie. Le Cothôn était moins étendu quQ
le port marchand : il n'avait que qua*
tre cents mètres de longueur sur trois
cents de largeur, et une île de cent
c'^nquante i;nètres de diatpètre en rétré-
cissait encore la surface. Voici, au
reste, la descri][)tion qu'en a donnée
Appien : « Au milieu du port intérieur
«s'élève une île; 1,'île et le port sont
« bordés de vastes quais , sur lesquels
« sont bâties des loges ou cales qui
a contiennentdeux cent vingt vaisseaux
« et des niagasins de bois et d'agrès.
«En ayant de chaque loge $'étèvent
« deux colonnes ioniques; ainsi le port
« et l'île présentent l'apparence de deux
«i portiques. C'est dans cette île qu'é-
« tait placé le palais de l'amiral , qui ,
<ide ce point, pouvait tout voir dans
« l'arsenal. C'est de là qu'il faisait don-
« ner le signal par la trompette , ou
« ses ordres par la voix du héraut. £n
(*) 20 mètres 6 décimètres. Le pied ro-
main valait o'",3945.
(**) Sei'vius , qui donne Tétymologie de
ce mot , dit qu'il signifie un port cr^sé de
main d'homme.
«efiet, o^te tte était situés ptèi 4e
« l'entréç qui communiquait avee le
n port exjl^iear, et assez élevés pour
« que l'amiral pût voir tout ce qui ar-
f rivait par la mer, sans ^ut les uavi-
« gateura vissent ce qui était dans le
«i Cothôn. Les marchands , même en
« entraot dans leur port^ ne pouvaient
« apercevoir l'intérieur de l'arsenal^
« car il était entouré d')in double mur,
« et il y avait des portes qui iutrodui-
«^saient les commerçants du premier
« port dans la ville ^ sans passer par
a le Cothôn.» Le même historien nous
apprend que le second port n'était pas
comme le premier , de forme ellipti-
que , mais ^u'il avait une partie cir*
culaire du coté de la ville et une partie
rectangulaire du côté de la mer. C'est
par ce dernier côté que les Carthagi-
nois ouvrirent une nouvelle entrée,
lorsque Scipion eut fermé celle du port
marchand. Ils clioisirent cet endroit,
dit Appien , parce que la profondeur
dç l'eau et la violence des vagues qui
s'y brisent n'auraient pas permis aux
Romains d'y construire une seconde
digue. Cette nouvelle entrée subsista
après la destruction de Carthage , et
lorsque cette ville se releva de ses rui-
nes et devint une colonie romaine,
elle n'eut plus d'autre port que le Co-
thôn , qui reçut plus tard le nom de
iifianidrdciuin^
FoBUM.— La place où se tenaient les
s^semblées du peuple était située près
di^ Cothôn : elle était de forme rectangu-
laire et entourée de maisons très-hau-
tes* C'est Diodore qui nous a fourni ce
détail, en racontant la conjuration de
Bomiicar. Sur l'une des faces du Fo-
rum s'élevait le temple d'Apollon.
Curie. — Le lieu ordinaire des as-
semblées du sénat était voisin du Fo-
rum; et peut-être était-ce une de§
salles du temple d'Apollon. Dans les
circonstances importantes, le sénat se
réunissait à Byrsa, dans le temple
d'Esculape.
Principales bues de Cabthagb;
NOMS DE QUAXBE DE CES BUES. — LQ
Foi:ugo communiquait à la citadelle
par trois rues de quatre ou cina centa
mètres de longueur. Ces rues étaient
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
143
bordées de maisons à six étagea; cjies
étaient assez étroites pour qqe, iot^
de la prise de ce quartier^ Içs soldats
romains pussient comniuniquer d'ua
e^te à Tautre , en plaç^nit des planche^,
et des solives sur les titrasses des mai-
sons.
XiOrsqqe Scipîon fut maître de ces
troî^ rues, il y fît mettre le feu; puis,
afîn de se çiénager une esplanade pour
al^taquer la citadelle, i] entrep^rit de
faire enlever tous les débris qui cou-
vraient le terrain. L'armée ron)aipe ,
composée de cent vinçt mille ho^imes,
y travailla jour et nuit ; et le septième
jour, lorsque les Carthaginois retran-
chés dans Byrsa demandèrent à capitu-
ler, elle n'avait encore enlevé qu'une
partie des décombres. Ce fait , rap-
porté par.Appien, suffît pour don-
ner un^ idée du nombre et de la gran-
djBur cji^s édifices qui se trouvaient dans
cq quartier. Les rues de Carthage
étaient dallées. Servius, dans son com-
îBentairç, à propos de ce vers de
V Enéide y
«c Miralur portas, strepitamqne et straia viurum^ »
()rétend que les Carthaginois furent
es premiers qui imaginèrent de paver
les rues.
On connaît les noms et la direction
de quatre rues ; mais comme elles ap-
partiennent à Carthage colonie ro-
maine, et que rien ne prouve qu'elles
aient existe avant la destruction de
l'ancienne Carthage, nous nous con-
tenterons de les nommer. Ce sont les
rues A'Esmun ou Salus {via salutaria)',
à*Adarté ou Cœlestis ( via cœlestis) ;
des Mappales ( via mappaliensis ) ; et
enfin , la voie des tombeaux.
Position de là citadelle, ou
Byksa. — La citadelle, connue sous
le nom de Çyrsa , était située au nord
du Fornm et des ports , sur une col-
line de deux cents pieds * de hauteur.
Elle avait vingt-deux stades de tour (*) ,
suivant Servius, et seulement deux
milles romains (**) , s'il faut s'en rap-
porter au témoignage de Paul Orose.
Un double mur la séparait de la ville
. (*) 3960 mèlre^.
(**) >^5 mètres.
basse et de Mégara ; son enceinte, du
côté de l'ouest, se confondait avec
l'çnceinte générale de la ville. Le poin^
^.pius élevé de la colline était occupe
par le temple d'Ësmun-Esculape, le
plus célèbre et le plus riche de Car-
thage. A ^té se trouvait le palais dont
la tradition attribuait la construction
à Didon , et d'où , suivant Servius , on
découvrait la mer et toute la ville.
C'est dans l'enceinte de la citadelle
qu'étaient situés le temple d'Astarté et
celui de Baal-Moloch, où Ton offrait
des sacrifices humains.
l\l£GAfiA. — La nouvelle ville , ou
Mégara (*) , s'étendait au nord de la
citadelle, jusqu'à la mer et aux pre-
mières pentes du cap Qamart. Ce quar-
tier, le plus étendu de Carthage , était
cependant le moins populeux. Il était
rempli de jardins plantés d'arbres frui-
tiers, et séparés par des clôtures en
pierres sèches et par des haies vives..
Un grand nombre de canaux profonds
le coupaient dans tous les sens. Ils n'a-
vaient sans doute été creusés que pour
servir à l'irrigation des jardins et à la
défense de la ville; car les eaux qui
coulent sur le territoire de Carthage
et dans toute cette jpartie du littoral
de TAfrique sont généralement sau-
mêt):es et ne peuvent servir aux usages
alimentaires. Le faubourg de Mégara
était protégé, du côté de risthme, par
l'enceinte générale de la ville, qui,
comme nous le dirons, se prolongeait
jusqu'à la mer. Il était entouré d'une
simple muraille du côté de la mer ^i
du cap Qamart ; un mur particulier le
séparait de Eyrsà §t de l'ancienne
ville.
j^ECROPOLlîS DE Çarthage. — Le
nord et l'est du fai^bourg de Mégara
étaient consacrés à la sépulture des
morts. On trouve encore , en cet en-
droit, de nombreux vestiges de tom-
beaux. Les Carthaginois ne brûlaient
point leurs morts;. ils les enterraient,
suivant l'usage de tous les peuples de
race $émitique.
(*) Ctt nom , suivant Isidore de SéWUe,
vient du mot punique Ma^gar , qui signifie
nouvelle ville.
Digitized by
Google
144
L*UNIVERS.
Cirgonfébbnce; population de
Carthage. — Les murs de Carthage,
suivant Strabon , présentaient un dé-
veloppement de trois cent soixante
stades (*) dans toute leur étendue , et
de soixante stades (**) dans la partie
qui traverse Tisthme, du côté du con-
tinent. Les auteurs anciens sont loin
d'être d'accord avec Strabon. Appien
ne donne à Tisthme que vingt- cinq
stades (***) de largeur , et Tite-Live , a
la ville entière, seulement vingt- cinq
milles romains (****) de circonféience.
Elle n'en avait que vingt (*****) suivant
Paul Orose. On a cherché, à expliquer
ces contradictions en supposant que
Strabon avait mesuré le développe-
ment des murailles , en ayant égard à
toutes leurs "sinuosités. Quoi qu'il en
soit , en supposant même que telle ait
été l'idée de Strabon , la mesure qu'il
nous donne de la circonférence de Car-
thage est évidemment exagérée, et
l'état des lieux démontre qu'il faut s'en
tenir à celles que nous trouvons dans
Tite-Live et Appien. Strabon n'exagère
pas moins la population de Carthage.
Elle était, suivant lui, de sept cent
mille âmes au commencement de la
troisième guerre punique. Cependant
Appien nous apprend qu'après la prise
de Mégara et du Cothôn , par Scipion
Ëmitien, tous les habitants se retirè-
rent à Byrsa , et que , lors de la capi-
tulation de la citadelle , il n'en sortit
que cinquante mille individus, hommes
et femmes. Ce nombre toutefois nous
paraît beaucoup trop faible, et il ne
faut peut-être pas prendre à la lettre
l'assertion d'Appien , quand il nous dit
que tous les hahifants s'étaient réfu-
giés dans la citadelle. Un autre passage
de cet auteur a fourni à M. Dureau de
la Malle un moyen de calculer plus
exactement la population de Carthage.
Lorsque Scipion , par ses lignes de cir-
convallation , eut mtercepté toutes les
communications des assiégés avec le
(*) 64800 mètres.
(**) 10800 mèlres.
(***) 45oo mètres.
(****) 368 1 a mèU^.
(*****) a945o mètres.
continent , la famine commença à se
faire sentir parmi eux, et Asdrubal
ne distribua plus de vivres qu'aux seuls
combattants, qui étaient au nombre de
trente mille. En évaluant à vingt mille
le nombre de ceux qui avaient péri de-
puis le commencement de la guerre,
et en supposant que les hommes eo
état de porter les armes formassent le
cinquième de la population, on voit
que celle de Carthage devait s'élever
environ à deux cent cinquante mille
âmes.
On peut supposer encore, avec beau-
coup de vraisemblance, que, dès le
commencement de la guerre , et lors-
que la ville se vit menacée d'un siège ,
un grand nombre d'habitants la quit-
tèrent pour aller chercher de nouvelles
demeures.
Triple défense. — Carthage, mat-
tresse de la Méditerranée par ses flottes,
protégée d'ailleurs du côté de la mer
par la violence des vagues qui se bri-
sent avec fureur contre les rochers, et
rendent impossible toute tentative d'a-
bordage , n'avait à craindre une attaque
sérieuse que du côté de la terre. C'est
aussi* de ce côté qu'elle avait élevé ses
meilleures fortifications. De l'extré-
mité septentrionale du lac de Tunis
jusqu'au bord de- la Sebka{*), s'éten-
dait une triple défense. On voyait d'a-
bord un fossé bordé d'une palissade,
puis un premier mur en pierres, d'une
élévation médiocre, et enfin un mur
d'une hauteur considérable, protégé
par un grand nombre de tours. Tous
ces ouvrages suivaient les sinuosités
des collines sur lesquelles la ville ^it
assise , et faisaient de nombreux an-
gles rentrants. Appien nous a laissé
une description des hautes murailles
qui formaient la partie principale de
l'enceinte de Carthage. Voici cette
description : « A partir du midi , vers
« le continent , du côté de l'isthme ,
« où était placée Byrsa , régnait une
(*) La Seèka formait autrefois un golfe
qui s'étendait jusqu'aux dernières pentes du
cap Qamart. Comblée peu à peu par les al-
luvions de la Medjerdah , elle ne présente
plus aujourd'hui qu'une suite de laguuet
d'eau salée.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
145
« triçle défense. La hauteur des murs
« était de trente coudées (*) , sans les
<' créneaux et les tours, qui étaient dis-
« tantes entre elles de deux plèthre8(**),
« et avaient chacune quatre étages, et
« trente pieds (***) , depuis le sol jus-
« qu'au fond du fossé. Les murs avaient
« aussi deux étages ; et , comme ils
« étaient creux et couverts, le rez-de-
« chaussée servait d'écurie pour trois
« cents éléphants , et de magasin pour
« tout ce qui était destiné à leur nour-
« riture. Le premier étage contenait
« quatre mille chevaux , avec le four-
« rage et l'orge suffisants pour les
«nourrir; et, de plus, des casernes
« pour vingt-quatre mille soldats. Telles
« étaient les ressources pour la guerre ,
« que les murs seuls contenaient dans
« leur intérieur. » Toutes ces cons-
tructions , suivant Paul Orose, étaient
formées de pierres détaille. Les ruines
n'ont pas tellement disparu , qu'on ne
puisse encore suivre la trace des murs
dans la plus grande partie de leur
étendue.
Quais. — Le rivage de la mer, près
du Cothôn, était bordé de larges quais
où les marchands déposaient leurs den-
rées. Ces quais étaient en dehors de
Fenceinte de la ville. Les Carthagi-
nois, pendant le siège, y construi-
sirent un ouvrage avancé , à égale dis-
tance du rempart et de la mer, afin
que, si l'ennemi venait à s'emparer de
ce quai, il ne pût lui servir d'esplanade
ou de place d'arme* pour attaquer la
ville. Cette précaution fut inutile; on
sait , en effet , que c'est précisément
de ce côté que Scipion dirigea sa der-
nière attaque, dont le résultat fut la
prise du Cothôn et de toute la ville
basse.
Les autres parties de la presqu'île
n'étaient point garnies de quais. Elles
étaient inahordahles à cause des.écueils
et des bas-fonds qui en défendaient
l'approche.
{*) 1 3 mètres 5 décimètres, la coudée
valant o™,45.
(**) 6o mèlres. Le plèthre valait xoo pied»
grecs.
(*•*) 9 mètres. Le pied grec valait o",3o.
W Livraison. (Càbthagb.)
PoBTES. — Parmi les partes de Car-
thage, nous en connaissons cinq, dont
la position nous est indiquée par des
textes formels; ce sont celle de Mé'
aara , dont s'empara Scipion , lors de
fa prise de ce faubourg; celle qui est
désignée par Appien sous le nom de
portfe d'Utique; celle de Thevesf^ ,
qu'une inscription nous fait con-
naître; celle de Furnos, dont parle
Victor de Vite ; et enfin celle qui con-
duisait à ThapsuSy et par laquelle
Annibal s'enfuit, lorsque des envoyés
romains vinrent à Carthage pour de-
mander qu'il leur idX livré. Cette der-
nière porte devait se trouver près de
la Taenia et de la partie faible des murs.
Places publiques.— Nous avons
parlé du Forum et de son emplace-
ment entre les ports et la citadelle.
Dans le récit de l'attaque dirigée par
le consul Censorinus contre la partie
faible des murailles, Appien nous ap-
prend que , près de là , au point de
jonction de la Tœnia et de la presqu'île ,
se trouvait une seconde place. Elle
était, comme le Forum, environnée
de hautes maisons. Victor de Vite nous
fait connaître une troisième place , à
laquelle il donne le nom de place neuve ,
Platea nova; celle-ci était ornée de
gradins, et située au centre de la
ville.
Temple d'Astabté. —Nous avons
dit que le temple d'Astarté était coni«
pris dans l'enceinte de la citadelle. Cet
édifice était situé sur une colline , au
nord de celle où s'élevait le temple
d'Esmun-Esculape. Un immense hié-
ron lui servait d'avenue. Cette cour,
qui n'avait pas moins de deux milles
romains (*) de longueur, était revêtue
de larges dalles en pierre, ornée de mo-
saïques, de belles colonnes, et environ-
née de tous les temples des divinités
inférieures. Parmi ces temples, secon-
daires, on distinguait celui d'Elisa ou
Didon. Le temple d'Astarté, relevé
par les Romains avec une grande ma-
gnificence, reçut sous les premiers
empereurs de nombreuses et riches
offrandes. Son principal ornement était
(*) 4945 mètresr
10
Digitized by
Google
tm
LUIflVERS.
m voHe oo pépios d'une grande
beaaté.
TeHPUS DB BAAXi-MOI^GH OU Sa-
TiTRNK. — Ce temple était situé entre
ceux d'Astarté et d'Esmun -Esculape ,
et donnait son nom à un quartier de
hi ville (victts serns). Saint Augustin
noas apprend que le dieu Baal-Moioeh
inspirait aux Carthaginois une terreur
religieuse si profonde , mi'osant à
peine prononcer son nom , ils se coa*
tentaient de le désigner par Tépithète
d'ancien {senex). «La statue de ce
« dieu , suivant Diodore , était d'airain ;
« efte avait tes bras pndants ; ses
« mains, dont la paume était en dessus,
« étaient îndrnées vers la terre, afin
«que les enfants qu'on y pla^it
« tond>assent immédiatement dans un
c gouffVe plein de feu. »
Le temple de Baal-Moloch contenait
les archives de la république. Le roi
Hannon y avait déposé la relation de
son voyage.
TSITPLB »' APOLIOW ; STATUE GO-
LOSSÀLE DE CE BTEU. — NOUS aVOnS
déjà dit que sur l'une des faces du
Forum s'élevait le temple d'Apoilon.
Cet édifice , qui , selon M. Dureau
de ia Malle, échappa à la ruine de
Carthage, et, plus tard, fut consa-
cré au culte chrétien , sous le nom de
BasUica perpétua restUutay était or-
né, lors cfe la prise de la ville par Sci-
pion Émirlien , d'une statue colossale
revêtue de lames d'or- Le lendemain
de la prise du Cothon , des soldats pé-
nétraient dans le temple, s'emparèrent
de ces lames d'or, et se les partagè-
rent. La statue ftkt emportée à Rome,
où elle fut placée près du grand cir-
que, à côté de la statue en bronze de
Titus Qutnctins Flaminmus. Elle por-
tait le •nom de çrand ApolUm de Car-
thaçe, et subsistait encore au temps
de Phitarqne.
Temples de Melcabth-Héea-
ciis , DE CÉBÈs et de Pbosebpinb.
— Conmre nous l'avons dit plus haut^
les ^«rthaginois transportèrent dans
leutrcoïoi?'^ *® ^**® ^® Melcarth, qui
était le génie ftjtélaire de tont^^ les
villes dVigine phénicienne. Nous
nous croyons fondés ^ penser qu'il y
avait à Carthage tm tenpie élevé en
l'honneur de Mekarth, quoique les
auteurs anciens n'aient jamais men-
tionné cet édifice.
Les Carthaginois enipruntèreirt aux
Grecs le culte de Cérès et de Proser-
pine. Diodore de Sicile , qui parle lon-
guement des statues et des prêtres de
ces deux déesses , ne nous donne aucun
renseignement sur l'emplacement des
teniples qui furent consacrés à ces di-
vinités étrangères.
Il nous est impossible aussi de dé-
terminer l'endroit où se trouvaient les
deux temples que, suivant le même
historien , les Carthaginois s'obligèrent
à élever la première année de la quatre-
vingt-cinquième olympiade, pour y dé-
poser le traité qu'ils avaient conclu avec
Gélon.
Citebnes publiques; gymnase;
THÉÂTRE. — Outre les citernes parti-
culières , dont chaque maison devait
étrepourvue, dans un pays où les puits
ne fournissent que de l'eau saumatre,
Carthage possédait encore plusieurs
citernes publiques, dont les ruines,
grâce à leur situation souterraine et à
la solidité des constructions, sont à
peu près tout ce qui a survécu de la
ville phémcienne. La plus considéra-
ble de ces citernes était située au
nord-ouest de Byrsa , à l'extrémité et
dans l'enceinte même de la citadelle.
Le village moderne de Malqa est cons-
truit sur ses ruines. « On y voit en-
core, dit le voyageur Shaw, un en-
semble de vingt réservoirs contigus,
dont chacun avait cent pieds de long
sur trente de large. » Le P. Caroni ,
ÇUi a fait à Tunis un long séjour, donne
à ces réservoirs les mêmes dimensions.
Au treizième siècle, ce monument
était encore presque intact; voici la
description qu'en a faite Édrisi , géo-
graphe arabe de cette époque , qui étoit
né en Afrique, et dont on s'accorde à
reconnaître la véracité et rexactitude.
« Parmi les curiosités de Carthage ,
« dit - il i sont les citernes , dont le
« nombre s'élève à vingt-quatre , sur
« une seule ligne. La longueur de cha-
« cune d'elles est de cent trente pas ,
« et la largeur de vingt-six. Elles sont
Digitized by VjOOQIC
CAETHAGE.
147
« âormentées de oonpotes ; et , dans ks
« hitervanes qoi les séparent les unes
« des autres , sont des outertnres et
« des conduits pratiqués pour le pas-
iisagfi des eaux. Le tout est dis-
« posé géométriquement avec beaucoup
« d'înrt. t> Lm^sque l'empereur Adrien
Yonlot conduire dans l'Intérieur de
Carthage les eaux de la source deSchou-
kar, pour mettre cette ville à Tabri
des longues sécheresses, la citerne de
Malqa cliangea de destination; elle
devint îe réservoir du grand aqueduc
dont noiis allons parler. Sa position
au centre de la ville la rendait propre
à cet usage.
Les autres grandes citernes publi-
iiues étaient situées près de la mer , à
rest de Byrsa. Leurs ruines sont par-
faitement conservées. Elles ont, suivant
le père Caroni, plus de cent quarante
pieds de longueur, sur cinquante de
largeur et trente de hauteur. Les murs
oni cinq pieds d'épaisseur et sont flan-
qués de six tours ) aux angles et an
milieu. Nous empruntons à un écrivain
du onzième siècle, Abou-Obaid-Bekri ,
im passage, où Ton trouve, avec la
description de ces citernes, celle de deut
«Btres édifices qui méritent aussi de
fixer l'attention ; nous voûtons parlei^
du gymnase et du théâtre. « On voit
« à Carthage, dit l'auteur arabe, un
K palais appelé Moallakah^ qui se dis-
*« ttngife par une étendue et une élé-
« vation prodigieuses. Il est composé
« de galeries voûtées qui forment plu-
* sieurs étages, et il domine la mer.
* Du côté de l'occident s'élève un autre
« nkMiument appelé le Théâtre, Il est
w percé d'un grand nombre de portes
« et de fenêtres , et s'élève également
« par étages ; sur chacune des portes
« s'élèvent des figures d'animaux et
* des représentâtiofis de toute espèce
« de professions. L'édifice appelé /Toî^-
K mas (lisez Djoumnas ) se compose
« également de plusieurs étages; il est
« orné de piliers de marbre de fornw
« carrée, aont la grosseuf et la hau-
« teur présentent des dimensions pro^
« digieuses. Sur le chapiteau d'une de
« ces colonnes on voit douze hommes
« assit autour d'une table. Près de là
« commeacenfl de vastes réservoirs ap-
« pelés cUemes des diables^ encore
« remplis d'une eau fort ancienne, qui
« existe là depuis une époque incdn-
« nue. » M. Dureau de la Malle pense
oue les citernes des diables et l'édi-
nce ap^lé MoaUakah par Bekri sont
le même monument, et qu'ils ne dif-
férent pas de celui dont les ruines ont
été mesurées par le père Caroni,
Les deux grandes citernes dont nous
venons de parler sont évidemment de
constructiob fmnique; tout le prouve :
la nature ctes matériaux qui y sont em-
ployés, les détails de leur architec-
ture, et l'usage généralement répandu
chez les peuples de race sémttigue, de
n'employer que l'eau des pluies aux
usages alimentaires. En effet, il exis-
tait de grandes citernes à Utique, qui
était, comme Carthage, une colonie
Î phénicienne. Tyr et Jérusalem qui, par
eur position au pied des montasoes ,
pouvaient se procurer avec tant de fa-
cilité des eaux de source , n'employè-
rent cependant pour leurs usages que
des eaux de pluie. Au moins pouvons-
nous dire qu'il en fut ainsi jusqu'à
l'époque où pénétrèrent en Syrie les
mœurs grecques et romaines,
Virgile attribue à Didon la cons-
truction du théâtre de Carthage. Tou-
tefois, nous ne pensons pas que la
fondation de cet édifice remonte à une
époque aussi ancienne (*). Tout nous
porte à croire que le théâtre, comme
4e gymnase, n'appartinrent pas à la
ville punique, mais bien à la colonie
romaine. Suivant la conjecture de
M. Dureau de la Malle, Carthage, re-
construite et embellie par Auguste,
devait ces deux édifices à la munifi-
cence de cet «mpereur.
Amî^htthéâtbe. — Nous ne pou-
vons nous dispenser de faire id men^
(*) Nons citom id les vers de Virgile.
"Ces vers ne prou^nt pas assurément l'ori-
gine phénicienne du théâtre , mais ils doii-
nent du moins une haute idée de la gran-
dear de ce monument
Hie alta Theatri
Fundamenta locant alii » iminanesque eolumnaa
Rupibui exaidunt» «aanit dMotv alta faturit.
JBMii. 1, 4'i«
10-
Digitized by
Google
14S
L'UNIVEdS.
l
tion de cet édifice, qui, selon toute
apparence, appartient, comme les deux
Srécédents , a répoque romaine, mais
ont les ruines sont au nombre des
plus importantes de Carthage. Voici la
description qu'en a donnée le géogra-
phe arabe dont nous avons déjà invo-
ué le témoignage à propos des citernes
le Malqa : « Cet édifice* est de forme
« circulaire et se compose d'environ
« cinquante arcades subsistantes. Cha-
« eu ne d'elles embrasse un espace d'en-
« viron vingt-trois pieds, ce qui fait
a onze cent cinquante pieds pour la
« circonférence totale. Au-dessus de
«ces arcades, s'élèvent cinq autres
« rangs d'arcades de même forme et de
t même dimension. Au sommet de
« chaque arcade est un cintre où se
<' voient diverses figures et représen-
« tations curieuses d'hommes , d'ani-
« maux et de navires sculptés avec un
« art infini. En général, on peut dire
V aue les autres et les plus beaux édi-
« fices en ce genre ne sont rien en
« comparaison de celui-ci. » Tel était
encore, au treizième siècle de notre
ère, l'état de conservation de l'amphi-
théâtre de Carthage. « Il ne se rccon-
« naît maintenant, dit M. Falbe, que
« par l'excavation intérieure, qui a en-
« viron deux cent quarante pieds dans
a la plus grande longueur de l'el-
« lipse. La profondeur, qui n'est pas
« moindre de quinze pieds, au-dessous
« du chemin , montre jusqu'à quel point
« sont accumulées les ruines de Car-
» thage. »
Cirque. — M. Falbe a reconnu au
sud-ouest de la colline de Byrsa, à peu
de distance de la triple défense, les
ruines d'un cirque, avec sa spina et
ses carceres. Nous savons, en effet,
Î)ar saint Augustin , que , de son temps ,
es Carthaginois étaient passionnés
pour les jeux du cirque. En outre,
nous lisons dans Procope, que sous le
règne de Justinien , il y eut une révolte
de soldats dans le cirque de Carthage.
Thbbmes. — Nous savons par Va-
lère Maxime qu'il existait à Carthage
des bains réservés aux sénateurs, et
où les hommes du peuple n'étaient
point admis. C'est là l'unique rensei-
gnement que nous possédions sur les
bains de la ville punique. En ce qui
concerne Carthage romaine , les docu-
ments abondent. Sous les empereurs,
il y eut dans cette ville un grand
nombre de thermes. Nous citerons,
parmi les principaux établissements de
ce genre, les thermes de Maximien
(Maximianœ) , ceux de Gargilius (Car-
gUianse) , où se tint , en 41 1 , le synode
qui condamna le schisme des donatis-
tes ; enfin ceux de Théodora {Theodo-
ria7vse)y que les habitants de Carthage
durent à la munificence de Justinien.
Aqueduc d'Adbien. — En parlant
des citernes publiques, nous avons dit
aue celle de Malqa devint, sous la
domination romaine, le réservoir ou le
château d'eau d'un immense aqueduc.
Ce monument, bien que d'une énoque
postérieure à la prise de Cartnage,
doit cependant obtenir ici une courte
mention , parce que d'abord il explique
la conservation d un fmportant ouvrage
punique, qui ne fit que changer de
destination, et aussi parce que ses
ruines sont les plus belles et les plus
imposantes que l'on voie à Carthage.
On en jugera par cette description
qui est empruntée à l'ouvrage de
Shaw : « On voit jusqu'à Zow-Wann
« etZung-Gar, à cinquante milles pour
« le moins dans les terres , des vesti-
« ges du grand aqueduc qui fournissait
« l'eau à Carthage. Cet ouvrage avait
« coûté beaucoup de peine et d'argent,
«et la partie qui allait le long de la
« péninsule était fort belle et revêtue
« de pierres de taille. On voit encore à
«Ariana, petit village à deux lieues
« au nord de Tunis, plusieurs arches
« qui sont entières, et que j'ai trou-
« vées , en les mesurant , avoir soixante
« et dix pieds de haut. Les pilastres
« qui les soutenaient avaient seize pieds
« en carré. Au-dessus de ces arcades ,
« est le canal par lecjuel les eaux pas-
« saient. Il est voûté par-dessus et re-
« vêtu d'un bon ciment. Une personne
« de taille médiocre pourrait y marcher
« sans se courber. L'eau v montait, à
«ce qu'il paraît, par les marques
«qu'elle a laissées, à près de trois
« pieds. Il y avait des temples à Zow-
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
149
« Wann et à Zung-Gar, au-dessus des
« sources qui fournissaient d*eau Fa-
« queduc. »
Pbisons; palais proconsulaibe.
— Lorsque Carthage romaine fut de-
venue la capitale de la province d'Afri-
2ue, les proconsuls établirent leur
emeure sur la colline de Byrsa. Les
rois vandales, maîtres de Carthage,
choisirent pour habitation le palais pro-
consulaire. L'historien Procope nous
apprend que les prisons étaient situées
au-dessous de ce palais, et que, de
leurs soupiraux, on pouvait apercevoir
la mer et les vaisseaux qui s'avançaient
vers le port. M. Falbe a reconnu , sur
la colline où était située Byrsa, à une
hauteur de cent quatre-vingt-huit pieds
au-dessus de la mer, des voûtes de
vingt à trente pieds de largeur, dont la
construction lui a paru plus ancienne
que celle des édifices dont les débris
se voient encore au-dessus. Ces voûtes
sont, à n'en pas douter, de construc-
tion punique. A l'époque de la domi-
nation romaine, elles devinrent les
prisons que l'on remarquait au-dessous
du palais proconsulaire.
Nous avons essayé de donner ici,
d'après les auteurs anciens et moder-
nes, la description de l'ancienne Car-
thage. Cette description demandait
peut-être déplus longs développements.
Toutefois, nous croyons avoir pré-
senté, dans le court résumé qui pré-
cède, les principaux renseignements
qui ont été rassemblés jusqu'à ce jour
sur la topographie et les édifices de
cette ville célèbre.
CONCLUSION.
CARTHAGE SOUS LA DOMINATION ROMAINE.
CAÏUS GbACCHUS CONDUIT UNE
COLONIB BOMAINE SUB L'EMPLACE-
MENT DE Cabthage punique. — Au
moment où l'armée de Sciçion quitta
l'Afrique, Carthage n'offrait plus aux
reprds qu'un amas de ruines. Toute-
fois , le temps manqua aux Romains
pour tout détruire, et, comme l'a dé-
montré de nos jours un savant criti-
que, il restait encore, au milieu des
décombres, quelques édifices intacts ou
à moitié ruinés, qui pouvaient donner
asile aux derniers et faibles débris du
peuple carthaginois. Les commissaires
envoyés par le sénat romain pour as-
sister à la destruction de Carthage
avaient expressémeiit indiqué les quar-
tiers de Byrsa et de Mépra, dar'is la
défense qu'ils^ avaient taite d'habiter
dorénavant l'emplacement de la ville
vaincue. On peut induire de cette men-
tion toute spéciale , que Rome, dans
les premières années qui suivirent la
victoire de Scipion, tolérait au moins,
si elle n'autorisait pas , les nouveaux
établissements fondés en dehors des
quartiers de Byrsa et de Mégara. Il pa-
raît même que le Cothôn , ancien port
militaire des Carthaginois , fut trans-
formé par les Romains eux-mêmes en
port marchand (*). On comprend ai-
sément que les vainqueurs n'aient point
voulu perdre tous les avantages que
l'admirable position de ce port pou-
vait procurer, par le commerce, à la
provmce qu'ils venaient de conquérir.
Les historiens racontent que les
Romains prononcèrent, au nom des
dieux, de terribles imprécations con-
tre ceux qui essayeraient de relever et
d'habiter Carthage. Mais on ne saurait
établir, à l'aide de ce fait, que la ville
resta pendant quelques années entiè-
rement déserte; car, il est trop évi-
dent que lesCarthaginois, qui avaient
échappé à la mort ou à l'esclavage, ne
devaient avoir aucune crainte de vio-
ler les prescriptions d'une religion
étrangère et de braver les menaces des
dieux romains qui n'étaient point leurs
dieux. D'ailleurs, les Romains eux-
mêmes ne se montrèrent point scrupu-
leux , et , comme le remarque Appien ,
Caïus Gracchus, sans tenir compte
des imprécations prononcées par les
vainqueurs sur les débris encore fu-
mants de la ville prise et saccagée,
vint établir une colonie à l'endroit
même où s'élevait, vingt années aupa-
ravant, la cité punique. Voici comment
Plutarque raconte cet événement :
R Rubrius, un des tribuns du peuple,
(*) Voyez M. Diireaii de la Malle , Re*
cherches sur la topographie de Carthage.
Digitized by
Google
150
L'UNIVERS.
ayant proposé par une loi le rétabHs-
sement de Cartbage ruinée par Sci-
pion , et cette commission étant échue
lar le sort à Caïus Gracchus, il s'em-
larqua pour conduire cette nouvelle
coloiiie en Afri£[ue.... Caïus était oc-
cupé du rétablissement de Carthage
qu il avait nommée Junonia, lorsque
les dieux lui envoyèrent plusieurs si-
gnes funestes pour le détourner de cette
entreprise. La pique de la première
enseigne fut brisée par Teffort d'un
vent impétueux, et par la résistance
même que fit celui qui la portait pour
la retenir. Cet ouragan dispersa les
entrailles des victimes qu'on avait déjà
posées sur Tautel, et les transporta
hors des palissades qui formaient l'en-
ceinte de la nouvelle ville. Des loups
vinrent arracher ces palissades et les
emportèrent fort loin. Malgré ces pré-
sages V Caïus eut ordonné et réglé en
soixante-dix jours tout ce qui con-
cernait l'établissement de cette colo-
nie ; après quoi il s'embarqi^a pour'
revenir à Rome (*). »
Histoire de Carthage romain^
DEPUIS l'établissement DES CO-
LONS AMENES EN AFRIQUE PAR CAÏUS
Gracchus, jusqu'à Tibère. — Ma-
rins proscrit par Sylla , se sauva en
Afrique et descendit à Carthage. A
peine avait-il pris terre, qu'un licteur
vint à sa rencontre, et lui dit : <c Le
(*) Les patriciens n'avaient qu'un moyen
d'accréditer ce récijt fabuleux auprès de la
multitude , c'était de montrer que les sinis-
tres présages qui avaient accompagné l'éta-
blissement de la nouvelle colonie étaient un
effet de la colère des dieux contre celui qui
s'était fait un jeu des imprécations pronon-
cées «ur les ruines de Carthage. Ne pour-
rait-on point dire que le passage de Plutarque
prouve d'une maniée iudireete que Caïus
Gracchus établit ses colons sar l'emplace-
ment même de la ville déCs«ite?Mais, nQ.\is
ne sommes point réduits, comme l'a dé-
. montré M. Dureau de la Malle , dans une
savante discussion , à ce gepre de preuves^
Pline et Paul Qrose nous apprennent d'une
manière positive que Carthage romaine était
placée là ou s'élevait jadis Carthage puni-
aue. Nous pourrions citer enc(^re VÉpitomc
au livre 60 de Tite-live.
Sréteur Çextilius te défend, d Marius,
'entrer en AfHgue. Si tu n'obéis point
à ses ordres , il mettra à exécution ,
contre toi , le décret do sénat qui te
condamne comme ennemi du peuple
romain. — pis au préteur, répond TH*
lustre proscrit , que tu as vu Marin»
assis sur les ruines de Carthage. »
Ce répit prouve évidemment ^ue te
préteur Sextilius avait sa résidence
dans la colonie romaine, puisque, au
moment même où Marins descendait
en Afrique, il fut informé de son arri-
vée et lui envoya un licteur. Marius
s'était probablement réfugié dans une
des parties de la ville punique qui
n'avaient point été relevées. Depuis
l'arrivée de Caïus Gracchus , la colo-
nie n'avait pas encore pris des accrois*
sements assez considérables pour cou-
vrir tout remplacement de t'aDcienne
Carthage.
A son retour d'Egypte, César pour-
suivit dans l'Afrique carthaginoise les
partisans de Pompée. Suivant une an-
cienne tradition, il campait non loin
de Carthage, lorsqu'une nuit, pendant
un sommeil agité, il vit en songe une
grande armée qui l'appelait en gémis-
sant et en pleurant. Le lendemain, à
son réveil , César écrivit sur ses ta-
blettes le nom de Carthage. Lorsqu'il
revint à Rome, les citoyens pauvres
lui demandèrent des terres : ce fut
alors qu'il envoya des colons à Corin-
the et à Carthage. Dion Cassius , en
parlant de César, s'écrie avec une
sorte d'enthousiasme : « Relever deux
villes illustres, sans tenir compte de
leur ancienne inimitié contre Rome,
et cela seulement en souvenir de leur
p^ssance et de Içur splendeur pas-
sées, c'est une gloire qui n'appartient
qu'à César. » Dion ajoute : « Ce fiit
ainsi que ces detix cités e^bres , q^JÀ
jadis avaient été détruites à la même
époque^ conamencèfent à reprendre
simultanément une nouvelle vie et re-
devinrent une seconde lois Ir^'floris-
santes. » On pourrait croire, d'après
ces paroles d'un çrave historien , que
César fbt le véritable fondateur de
Carthage romaine. Il n'en est rien tour
tefois. César n'envoya en Afrique ^ue
Digitized by VjOOQIC
GARTHA^B.
m
trois oùllecejoiis* Un passage de Solin
nous expli(]ue les appîarentes contra-
dictions qui existent pour cette époque
entre plusieurs historiens. Suivant cet
auteur, la colonie de Caïus Gracchu3
eut des commencements faibles et san3
gloire. Elle n'avait point encore pris
de grands développements lorsque ,
sous le consulat de Dolabella et de
Marc -Antoine , elle brilla d'un vif
éclat, et fut vraiment en Afrique u^
seconde Carthage,
Dion Cassius nous apprend qu'Au-
guste envoya de nouveaux colons en
Afrique, parce que Lépidus, non coor
tent de priver Carthage de ses privi-
lèges de colonie romaine, lui avait
encore enlevé une partie de ses habi-
tants. Quelle était la cause des sévéri-
tés de Lépidus ? On l'ignore. L'ancien
triumvir avait vraisemblablement en-
rôlé les colons romains dans ses lé-
gions , et lorsqu'il avait privé de ses
privilèges une ville fondée par Caïu»
Gracchus et restaurée par Jules César,
il avait cru peut-être, lui qui était un
des chefs de l'aristocratie , porter un
coup à la démocratie, qui était sur le
point de triompher dans la personne
des empereurs.
HisTOiBE DE Carthage romaine
DEPUIS Tibère jusqu'à l'arrivée
DES Vandales en Afrique. — Pom-
ponius Mêla , qui fut le contemporain
de Tibère , de Caligula et de Claude,
disait en parlant de Carthage : « Cette
colonie du peuple romain est déjà bril-
lante et riche pour la seconde fois. »
En effet , Carthage prenait chaque
jour de nouveaux accroissements et
s'embellissait par les somptueux édi-
fices qui s'élevaient dans son enceinte.
Elle s'enrichissait par le commerce,
et, comme autref&is, les vaisseaux
qui sortaient de son port allaient tra-
fiquer dans presque toutes les parties
du monde ancien. Une chose encore
servait àsa prospéri^ et lui donnait
une grande importance, c'est qu'elle
était devenue te véritable grenier de
l'Italie , et qu'elle pouvait en quelque
sorte remplacer, pour le peuple de Ro-
me, l'Egypte et Alexandrie. Elle vivait
dans une heureuse paix sans éprouver
les coinmotions violentes qui agitaient
plusieurs provinces de l'einpire, lors*
qu'un événement subit vint lui enle-
ver pour ^elques instants le repos et
la sécurité. ISous reproduirons ici dans
son entier le récit de Tacite.
« Rome était en alarnjies. L'Afri-
que, disait-on, était soulevée; la ré-
volte avait pour chef Pison, proconsul
et gouverneur de la provmce. Ces
bruits étaient faux ; mais comme des
vents contraires jretardaient l'arrivéç
de la flotte d'Afrique qui portait des
blés à Rome, on croyait que Pison
avait fermé le port de Carthage et vou-
lait affamer la capitale. D'ailleurs, la
province et les troupes regrettaient
Vitelhus et n'aimaient nullement Ves-
pasien. Tous deux avaient été procon-
suls d'Afrique, et, chose étonnante,
Vitellius avait emporté l'estime et Ves-
pasien la haine de cette province. Mu-
cien suscite contre Pison deux agents
provocateurs, Sagitta, préfet d'un corps
de cavalerie, et un centurion. Lé lieu-
tenant de la 4* légion, Valérius Fes-
tus, se joint à eux pour Tentraînçr à
la révolte. Pison repousse les sollici-
tations du lieutenant et du préfet. Le
centurion de Mucien arrive : à peine
entré au port de Carthage, il proclame
Pison empereur; le peuple se précipite
au Forum , et demande que Pison y
paraisse. Celui-ci refuse, fait punir le
centurion, réprimande les Carthagi-
nois par un édit sévère, et se tient
renfermé dans son palais , sans même
exercer les fonctions publiques de sa
charge. Festus, sitôt qu'il apprend l'a-
gitation du peuple et le supplice du
centurion , pense à gagner par un crime
la faveur de Mucien et envoie des ca-
valiers pour tuer Pison. Ceux-ci font,
pendant la nuit, une marche forcée,
arrivent au point du jour, se précipi-
tent, l'épée nue, dans le palais du
proconsul, et l'égorgent (*). »
La sédition populaire fut bientôt
apajsée à Carthage , et pendant un
siècle, sous le gouvernement (tes Fl»>
viens et des Antonins , cette ville ne
cessa de jouir du calme heureux qui
(*) Tacite , liv, vi de» Histoirei.
Digitized by
Google
isd
L'UNIVERS.
jusqu'alors avait tant contribué à la
rendre riche et florissante (*).
Sous Commode, qui voulait que Car-
thage portât son nom et s'appelât
Alexandria Commoda TogatOy -il y
eut quelques mouvements en Afrique.
Nous savons que Pertinax, qui était
alors proconsul dans cette province,
réprima plusieurs séditions. Le peu-
ple était agité par les prophéties qui
émanaient, à Gartbage, du temple de
/uno Coelestis. Mais ces troubles ne
furent pas de longue durée , et pendant
un demi-siècle encore la ville vécut
dans une paix profonde (**).
En 235 , Maxirain devint le chef de
l'empire. Cet ancien pâtre de la Thra-
ce, qui était Goth 'd'origine, se rendit
bientôt odieux par son avarice et sa
cruauté. L'Afrique carthaginoise fut la
première province qui se révolta con-
tre lui. Quelques ennemis de Maximin
forcèrent le proconsul Gordien à re-
cevoir le titr« d'empereur. Ce fut à
Carthage que ce vieillard, qui était
alors âgé de quatre-vingts ans, prit
les marques de la dignité impériale. Il
associa a son nouveau pouvoir son fils,
3ui portait comme lui le nom de Gor-
ien. L'élection des nouveaux empe-
reurs fut approuvée à Rome, en haine
de Maximin. Mais Capellien, qui com-
mandait en Numidie, rassembla des
troupes et marcha contre Gordien. Les
habitants de Carthage prirent les ar-
mes pour défendre celui qui avait été
élu et proclamé empereur au milieu
d'eux. Les Carthaginois furent vain-
cus. Le jeune Gordien fut tué dans la
bataille , et son père , qui ne conser-
(*) Les événements les plus importants
qui signalent, à Carthage, le commencement
et le milieu du deuxième siècle de notre ère,
sont la construction du grand aqueduc par
Adrien et l'incendie du Forum sous le règne
d'Antonin le Pieux.
(**) Septime Sévère, s'il faut en croire
Tzeizès, tit élever un tombeau de marbre
blanc au plus illustre des Carthaginois, à
Annibal , qui était Africain comme lui. Si
Tzetzès dit vrai, ce tombeau de marbre
blanc fut vraisemblablement placé à Car-
thage, qui était la patrie d'Ajinibal.
vait {)lus d'espoir , mit fin à ses jours
en s'étranglant avec sa ceinture. Peu
de temps après, on vit à Rome un
jeune enfant de la famille des Gordien
revêtu de la pourpre des Césars : il
était âgé de douze ans à peine. Après
un règne qui fut bien court, il périt,
comme son père et son aïeul, par une
mort violente.
Après la révolte que nous venons
de raconter, l'histoire ne nous dit pas
que Carthage ait été le théâtre de
quelque grand événement politique.
Nous savons seulement que l'empereur
Probus, dans ses courses rapides, vi-
sita cette ville et qu'il y comprima
des séditions (*). Un auteur chrétien ,
saint Prosper, nous apprend encore
qu'en l'année 424, Carthage fut en-
close de murailles : jusqu alors . elle
était restée ouverte et non fortifiée.
Quel danger, en effet, menaçait la
province carthaginoise et sa capitale ?
Pendant longtemps les intérêts de Ro-
me et de l'Afrique avaient été si bien
liés, qu'une seule légion avait suffi
pour garder tout le pays depuis Tan-
ger jusqu'à Cyrène. Dès l'établisse-
ment de l'empire, la province cartha-
ginoise n'inspirait aucune crainte aux
Romains; Auguste l'avait abandonnée
à l'administration du sénat, et l'on
sait que le prévoyant empereur avait
eu soin de se réserver les provinces des
frontières qui étaient sans cesse me-
nacées et oii campaient de nombreuses
légions (**). Pourquoi donc , en 424 ,
Théodose le jeune fit-il entourer Car-
thage de fortes murailles.^ On ne le
sait. C'était peut-être par un vague
pressentiment des maux qui allaient
fondre sur l'Afrique. Mais, certes, on
était loin de prévoir que les ennemis
qui devaient envahir cette province du
vieil empire romain étaient des barba-
res venus des bords de la Baltique.
Pebsistange dÈ la rage punique
(*) Sous le sixième consulat de Dioclélien
et le cinquième de Maximien , on éleva des
thermes à Carthage. On les appela Thermes
de Maximien,
(**) Tillemonl, Histoire des empereurs,
t. I,p.8 de l'édition in-12 ; Bruxelles, 1707,
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
t&Z
DANS Cabthàge rohàinb. — II n'est
point inutile de constater ici la per-
sistance de la race punique au sein
même de Carthage devenue colonie
romaine.
La victoire de Scipion Émilien n'a-
vait pu anéantir d'un seul coup tous
les descendants des Phéniciens. D'a-
bord , au commencement du siège que
nous avons [précédemment raconté,
plusieurs familles avaient dû quitter
Carthage pour se réfugier dans les vil-
les voisines. Ensuite, on peut croire
qu'après le siège, au moment même
de la destruction de la cité punique ,
{)lusieurs de ceux oui avaient défendu
eurs foyers jusqu'à la dernière extré-
mité échappèrent à la mort et à l'es-
clavage.
« Un fait très-curieux pour l'histoire
de Carthage romaine, ait M. Bureau
de la Malle , se trouve égaré dans le
vaste recueil d'Athénée où personne
ne s'est avisé d'aller le chercher. Cet
auteur rapporte un discours du péripa-
téticien Athénien, devant l'assemblée
du peuple d'Athènes , dans lequel ce
f)hiIosophe affirme que non-seulement
es peu[)les italiques, mais que les Car-
thaginois même ont envoyé des ambas-
sadeurs à >]ithridate, pour conclure
avec lui une alliance ofrensive dans le
but de détruire la puissance de Ro-
me. Ce document curieux prouve qu'à
cette époque beaucoup de Carthaginois
étaient encore mêlés à la colonie ro-
maine, qui, formée d'Italiens, parta-
geait la naine des vaincus contre le
sénat obstiné à lui refuser le droit de
cité. »
Mais il est une chose qui prouve
mieux encore la persistance de la race
punique au milieu de la colonie ro-
maine , c'est la transmission non in-
terrompue des idées religieuses venues
de l'Orient. La religion des Carthagi-
nois se releva pour ainsi dire avec leur
ville. Parmi les anciens temples que les
Romains consacrèrent à leuj^ dieux,
il y en eut un qui acquit bientôt un
grand renom : ce fut le temple de Juno
CœlesUs, La déesse Céleste, comme
on l'appelait alors , fut honorée par
des cérémonies qui n'avaient rien d'a-
nalogue dans les rits italiques , maïs
^ui se rapprochaient beaucoup des pra-
tiques en usage dans l'Orient. L'em-
pereur Héliogabale com[)rit aisément la
transformation qui s'était opérée; sous
le nom romain il distingua l'Astarté
phénicienne , et lorsque , par un ca-
pricç bizarre, il voulut unir par ma-
riage le dieuBaal et la Juno CœlestiSy
il n ignorait pas qu'il rapprochait ainsi
deux divinités asiatiques qui apparte-
naient à une seule et même religion.
Ce n'était point seulement par le
penre des hommages qu'ils rendaient
a Junon Céleste que plusieurs habi-
tants de Carthage décelaient leur ori-
gine phénicienne, mais encore par les
sacrifices humains qu'ils faisaient à
leurs anciens dieux. Dans la colonie
romaine, le sang des hommes coula
plus d'une fois en l'honneur de Baal
et de Melcarth, et nous avons dit pré-
cédemment c|ue, sous les empereurs ,
on fut oblige de faire des lois sévères
pour arrêter ces terribles et sanglantes
immolations.
A Carthage et dans le pays qui a voi-
sinait cette ville, la langue punique
ne cessa point d'être en usage, même
à l'époque de la domination romaine.
Nous pourrions peut-être donner ce
fait comme une preuve de la persis-
tance de la race vaincue. Apulée nous
apprend que, sous le règne d'Anto-
nin , on parlait également a Carthage
le punique et le latin ; et longtemps
encore après le siècle où vécurent An -
tonin et Apulée, on se servait, en
Afrique, de la vieille langue des Phé-
niciens, si l'on en juge par le passage
suivant que nous empruntons à l'un
de nos plus savants et de nos plus il-
lustres historiens* « Le premier ou-
vrage de saint Augustin contre les
donatistes fut un cantique en rimes
acrostiches, suivant rordre de l'alpha-
bet, pour aider la mémoire. Saint Au-
gustin le fit d'un style très-simple, et
n'y observa point la' mesure des La-
tins , de peur d'être obligé d'y mettre
quelque mot hors de l'usage vulgaire,
car il composa ce cantique pour l'ins-
truction au bas peuple ; ce qui fait
voir qu'encore que la langue ptmique
Digitized by
Google
154
L'UNIVERS.
fût encore en usage dans cette partie
de V Afrique y il y avait peu de gen^
qui n'entendissent le latin (*). »
Carthage chrétibnne. — On ne
saurait fixer d'une manière précise le
temps où le christianismepénétra pouç
la première fois dans l'Afrique cartha-
ginoise. Nous savons seulement qu'à
la fin du deuxième siècle de notre ère
on comptait déjà dans cette province
un grand nombre de chrétiens. C'était
l'époque où vivait à Carthagç un des
plus illustres écrivains de l'Église, Ter-
tuilien. Cet homme qui , suivant Tex-
pression de Fleury, avait un qénie dur,
sévère et violent, une grande chaleur
d imagination , composait dans cette
ville , pour l'instruction ou la défense
de ses irères en religion, les éloquents
traités qui l'ont rendu à jamais cé-
lèbre.
Les édits de persécution atteigni-
rent bientôt en Afrique les sectateurs
des idées nouvelles. L'an 200 de notre
ère, sous le règne de Septime Sévère,
on amena douze chrétiens à Saturnin,
proconsul de la province carthaginoi-
se. Nous citerons ici les noms glorieux
de ces douze premiers confesseurs de
l'Église d'Afrique. Sept hommes : Spe-
ratus, Narzal, Cittin, Veturius, Fé-
lix, Àcyllin, Letantius; cinq femmes:
Januaria, Generosa, Vestina, Donata
et Secunda, aimèrent mieux , par un
sublime dévouement, perdre la vie que
renoncer à leurs croyances. Ce fut
vraisemblablement à l'occasion de ce
martyre que Tertullien écrivit le plus
célèbre de ses ouvrages, V Apologéti-
que. Mais le hardi défenseur des chré-
tiens ne put se faire entendre , et , au
moment où circulait dans toutes les
mains son éloquent plaidoyer , il vit ,
à Carthage, le supplice de Perpétuée et
de Félicité (**).
Au milieu du troisième siècle, Cy-
prien illustra l'Église de Carthage. Cé-
(*) Voyw Fleiuy, Histoire ecdésia^ique^
liy. XIX.
(**) Nulle légende <^étienne n'ég^e. en
beauté le récit des longues souffrances 4e
Perpétue et 4« féUcitS. Xoj^ \^ 4^
martjrrum sincera.
tait un hoQime nourri dans l«s lettrM^
et la philosophie, et qui lisait assidû-
ment les ouvrages de Tertullien. l\
consuma sa vie à ranimer par ses écrits
le zèle de ceux qui partageaient ses
croyances, et à combattre les ennemis
de la religion chrétienne. Il avait
échappé bien des fois aux ruses des
persécuteurs et à la fureur du peuple
qui ne cessait de crier : Cyprien aux
lions ! lorsqu'il souffrit le martyre sous
l'empereur Valérien.
Après les sanglantes persécutions d6
Dioctétien et de Galérius , la religion
chrétienne triompha enfin dans toutes
les parties de l'empire. Mais la hitte
contre le polythéisme était à peine
terminée , que l'Église fut agitée par
des disseusions intestines et. de gran-
des discordes. A Carthage, l'élection
contestée de l'évéque Ceci lien devint
la cause d'un schisme. Les dissidents
donatistes se multiplièrent bientôt dans
toutes les parties de l'Afrique. Ce fut
à l'occasion de ce schiânie qu'on vit à
alors à Carthage de nombreux conci-
les, et qu'un des Pères les plus illustres
de l'Église, Augustin, évêque d'Hip-
pone , soutint dans ses écrits de lon-
gues et célèbres controverses (*). La
querelle entre les orthodoxes et les
donatistes n'était point encore apai-
sée lorsque les Vandales passèrent en
Afrique.
État flobissant et splendeub
BE Carthage sous la domination
romaine; arrivée des Vandales
EN Afrique. —Au commencement d*
l'empire, Strabon disait déjà de Car-
thage : « Maintenant il n'existe point
de ville en Libye qui soit plus peuplée; »
et Pomponius Mêla, peu de temps
après, la représentait compie une cité
riche et florissante. Sous le règne d'Aa-
tonin, Apulée, en faisant une pom-
peuse description de Carthage , nous
{)arle de sa nombreuse population , de '
a beauté de &^& édifices, du luxe qui
#
(*) En ce qui concerne l'Églbe de Carthage
et le schisme des donatistes, nous reni^oyous,
poiir de plus ampl^ détails, à la partie de
cet ouvjra|;ç ^i4 est' cqnsacrée à VJfriqMië
chrétienne.
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE.
155
éclatait de toutes parts dans son en-
ceinte, et de la richesse de ses habi-
tants. Hérodien prétend qu'à l'époque
de Gordien elle ne cédait qu'à Rome
seule, et qu'elle disputait le second
rang à Alexandrie. Solin, qui écrivit ,
comme l'a démontré Saumaise, avant
la translation de l'empire à Constanti-^
nople, nous dit : n Carthag^ est main-
tenant après Rome la seconde ville du
monde. » Un géographe qui vécut sous
Tempereur Constance vante la beauté
de ses rues et de ses places , la sûreté
de son port, et la magnûcence du
Forum décoré par le superoe portique
des banquiers (*). A l'époque de Valen-
tinien et de Gratien , Ausone ne met
au-dessus d'elle que Rome et Cons-
tantinople.
Les nombreux témoignages que nous
venons de citer , peuvent nous don-
ner une haute idée de la splendeur
de Carthage romaine. Cette ville , en
effet, voyait circuler dans son enceinte
une innombrable population. Elle était
ornée de superbes édifices. Elle avait
un cirque, un théâtre, un amphithéâ-
tre, un gymnase, un prétoire, ae beaux
temples (**), des rues et des places
bien alignées et un immense aqueduc.
Elle s'enrichissait par lé commerce et
rindustrie. Elle possédait des sculp-
teurs et des fondeurs habiles , et ses
œuvres d'art étaient recherchées. Elle
brillait aussi dans les sciences et dans
les lettres ; Apulée, sous le règne d'An-
tonin, se faisait gloire d'être sorti des
écoles de Carthage; et ce fut dans
(*) Voyez M. Dureau de la Malle, Re-
cherches sur la topograpîiie de Carthage.
(**) A partir de rétablissement du chris-
tianisme dans l'empire , on vit s'élever à
Carthage plus de vingt églises ou monastères.
cette ville qu'écrivirent et parlèrent
Tertullien et Cyprien, et que saint
Augustin enseigna la rhétorique.
Pour compléter ce tableau, il nous
sufGra de donneij ici une description
de Carthage faite par Salvien , au mo-
ment même où l'empire était envahi
de tous côtés par les nations barbares.
«Je prendrai, dit-il, pour exemple Car-
thage , la première et presque la mère
de toutes les villes d'Afrique, toujours
la rivale de Rome , autrefois par ses
armes et son courage , depuis , par sa
grandeur et par sa magnincence ; Car-
thage, la plus cruelle ennemie de
Rome, et qui est pour ainsi dire la
Rome de l'Afrique. Là se trouvent des
établissements pour toutes les fonc-
tions publiques, des écoles pour les
arts libéraux^ des académies pour les
philosophes, enfin des gymnases de
toute espèce pour l'éducation physique
et intellectuelle; là se trouvent aussi
les forces militaires et les chefs qui diri-
gent ces forces ; là s'honore de résider
le proconsul qui , tous les jours, rend
la justice et dirige l'administration ,
proconsul quant ah nom seulement ,
mais consul quant à la puissance; là
résident enfin des administrateurs de
toute espèce, dont les emplois diffèrent
autant que les noms, qui surveillent,
en quelque sorte, toutes les places et
tous les carrefours , qui tiennent sous
leurs mains presque toutes les parties
de la ville et tous les membres de la
population. »
Quand Salvien écrivait ces mots ,
dans un ouvrage célèbre, l'instant n'é-
tait pas éloigné où , franchissant le
détroit de Gadès, les Vandales allaient
se répandre ei^ Afrique et faire de
Carthage la capitale de leur empire.
FIN.
Digitized by
Google
Digitized by
Google
'****^*^^**^*^^»*^»»**»**<»V**'»***^»»*^%W^*»»»%*»^^%»W»>^»%»»>%%%»%%%%»Olfc%»%V» %%%%%%%» »%»>%»»»»»»»»>
TABLE BES MATIÈRES
CONTENUES DANS CARTHAGE.
A.
Adherbal inquiète par ses incursions les
Romains qui assiègent Lilybée, 54 a ; rem-
porte une victoire signalée sur la flotte du
consul Ciaudius, et introduit des vivres dans
Lilybée, 56 a, 57 b; confie cent galères à
Carllialon ei lui ordonne d'attaquer la flotte
romaine, 58 a.
Adrumèle prise par Agatbocle, 24 a, b.
Africains , obtiennent par les armes le
paiement du tribu imposé à Carthage pour
prix de son territoire, 5 b ; sont forcés plus
tard de renoncer au payement de ce tribut,
6 b ; un grand nombre d'entre eux servent
comme mercenaires sous Annibal , fils de
Giscon-, 7 b; abandonnés par Imilcon de-
vant Syracuse, ils se révoltent, forment en
Afrique une armée nombreuse, menacent
Caribage et se retirent sans aucun autre
avantage, i3 a, b; se révoltent de nouveau
sans succès, 14 b; cinq mille Africains ser-
vent la cruauié d'Againocle, 18 b; les Afri-
cains tributaires de Cartbage passent dans
son parti, 23 b; cinq mille Africains vou-
lant quitter Agalhocle, répandent, par leur
apparition , la terreur |)armi les Carlliagi-
nois, et par leur rentrée dans le camp d'A-
gatbocle y causent une égale frayeur, 29 b,
3o a; se joignent aux mercenaires dans
leur révolte conire Caribage, 65 a.
Afrique. Quels peuples, d'après les livres
des Hébreux , en ont occupé la région sep-
tentrionale, 2 a.
Agatbocle, sa naissance; simple soldat
dans les troupes syracusaines, se distingue
par sa valeur; se fait chef de pirates, est
deux fois exilé de Syracuse : il en fait le-
siége; par Tappui d'Amilcar il ^ est nomnié
préteur; sous quel prétexte il déclare la
gueiTe aux Carthaginois; vaincu deux fois,
il rentre dans Syracuse, 18 a, 19 a; assiégé,
il échappe aux Carthaginois et débarque en
Afrique, brûle sa flotte, défait Hannon et
Bomilcar, reçoit des vivres et de l'argent
des Africains et de plusieurs cités puissan-
tes, 19 a, 23 b ; assiège et prend Adrumète;
bat les Carthaginois devant Tunis ; reçoit
des Syracusains la tète d'Amilcar; apaÎM
une sédition dans son armée; augmente ses
forces d'une partie de Tarmèe d'Ophellas
qu'il fait mourir par trahison; s'empare
d'Utique et d'Hijipozaritus ; soumet à sou
pouvoir plusieurs villes maritimes et peu-
ples de l'Afrique; laisse le commandement
a Archagathe, l'un de ses fils, et retourne
en Sicile, 24 a, 29 a; repasse en Afrique, y
essuie plusieurs revers; s'embarque seul
pour la Sicile, laissant ses deux fils, qui sont
égorgés par leurs soldats; l'année suivante
fait un traité avec les Carthaginois ; sa mort
vingt-cinq ans après ce traité ; pendant ce
temps aucun événement remarquable, 29 a,
3o b; avait donné sa fille en mariage à
Pyrrhus, 3i a.
Agrigente, assiégée par Annibal, fils de
Giscon, et Imilcon, fils d'Hannon, est aban-
donnée par ses habitants; les Syracusains
leur assignent une ville pour asile, 8 b, 9 a;
elle est rasée par Imilcon, 9 b; prise par
les Romains, 36 b ; assiégée et minée en-
tièrement par les Carthaginois, 48 a.
Alalia, fondée dans la Corse par les Pho-
céens, i32 b.
Aléria, en Corse, prise parles Romains,
40 a.
Amilcar Barca, Carthaginois, général des
armées de terre et de mer en Sicile, se re-
tranche sur la montagne d'Ercté, s'y main-
tient trois ans, 59 b, 61 a ; fait entrer des
vivres et des secours dans Lilybée, 61 a;
s'empare de la ville d'Eryx et s'y maintient
deux ans,, 61 a, b; après la conclusion du
traité de paix, se démet du commandement,
65 a ; était suspect aux mercenaires révol-
tés, 67 a; est chargé de mettre fin à la
guerre de Libyen et remporte plusieurs vic-
toires, 70 b, 72 b; il réunit à son armée lès
troupes d'Hannon; la division éclate entre
les deux généraux , Amilcar reste seul à la
tête de l'armée, 74 a, b; il marche contre
les rebelles qui assiégeaient Caribage ; il se
joint de nouveau à Hannon , et remporte
avec lui une victoire qui met fin à cette
guerre, 74 b, 77 b; il passe en Espagne,
délivre Cadix de ses ennemis et s*empare
d'une partie de la province; il j commande
Digitized by
Google
u$
TABLE DBS SUTURES
tes années avec succès pendant neuf ans, et
meurt sur le champ de bataille 7^ a,i),
Amilcar remplace en Sidle le Vieil Han-
non, 37 a; fond sur les auxiliaires des Ro-
mains., et bat aussi l'autre partie de leur
armée, 3*9 b.
Amilcar, général carthaginois, est de-
mandé par des ambassadeurs romains après
la fm de la deuxième guerre puntffne,
comme continuant la guerre dans la Gaule;
il perd la vie dans une bataille, 97 a« b.
Amilcar, fils de Magon , aborde à Paleime
avec nn armement considérable, fait le siège
dTîvmère, périt dans cette expédition ; deux
traditions sur sa mort, 6 a, b.
Amilcar II, fils de Giscon, aborde à Lî-
lybée, est entièrement défait par Timoléon,
16 a, 17 a; remporte une victoire sur Aga-
tocle, 19 a; assiège Syracuse, 19 b ; repoussé
avec perte, il lève le siège, 24 a; l'attaque de
nouveau , et tombe au pouvoir des Syracu-
sains qui le font mourir, aS a , b.
Annibaî, joint à Amilcar, fait le siège
de Tunis dans la guerre de Libye ; Mathos,
dans une sortie, le fait prisonnier et le cloue
encore vivant sur la croix de Spendius,
76 b, 77 a.
Anuibal , fils d'Asdrubal.
Annibal suffète , fils de Giscon , engage
les Carthaginois à secourir Ségeste contre
Syracuse ; il prend d'assaut Sélinonte et
Hymère , 7 b , 8 a ; dans une seconde exi)é-
diiion, il fait le siège d'Agrigente et meurt
de la peste devant cette place, 8 b.
Annibal II , joint à Amilcar II , aborde à
Lilybèe , est entièrement défait par Timo-
léon, 16 a, 17 a.
Annibal , fils de Giscon , enferme dans
Agrigente par les Romains , demande vive-
ment des secours à Carthage , 35 b ; après
la défaite d'Hannon s'échappe de la ville
avec toutes ses troupes, 36 b; par une ruse
ourdie avec les habitants de Lipari , il fait
tomber Cornélius, avec une partie de la
flotte romaine , au pouvoir de Boodàs, son
lieutenant; vaincu parDuilius, il envoie à
Carthage un ami qui, par une demande
^adroite dans le sénat, prévient la punition
probable de sa défaite , 37 b , 39 a; est
mis à la tète d'une expédition contre la
Sardaigne ; bloqué dans un des ports par la
dotte romaine , il est mis en croix par ses
propres soldats , 39 b , 40 a.
Annibal, fils d'Amilcar Barca. Son père
le demande auprès de lui en Espagne, âgé
de vingt-trois ans ; son caractère , 79 a , b ;
Jl succède à AsdrUbal dans le commande-
ment de Varmee, soumet plusieurs peuple*
en Espagne, 81 e, ruine Sagonte , allume
ainsi lu guerre entne CarAiage et Rome
^voyez deuxième guerre punique); la guerre
elant terminée , il fait d'importantes réfor-
qies dans radmimstration de la justice et
des revenus de Carthage, 97 b, 98 a ; pour-
suivi par les Romains , il se rend auprès
ë'Antiochus, roi de Syrie; Antiochus se
décide à faire la guerre aux Romains, il est
vaincu ; Annibal se rend auprès de Prusias,
roi de Bithynie ; celui-ci ayant résolu de
le livrer aux llomains , Annibal met'fiu à
ses jours par le poison , 98 a , loi b.
Annibal (le Rhodien), parti de Carthage ,
entre dans le port de Lilybèe et en sort en
présence de la flotte romaine ; il réussit
ainsi plusieurs fois à faire cotmaftre aux
Carthaginois les besoins de cette rrtace ; il
est pris avec son vaisseau , 54 a , 55 a.
Apollon , son temple , à quel culte, il fut
depuis consacré; à quelle époque subsistait
encore sa statue colossale, 146 a.
Appien , cité sur les fondateurs présumés
de Carthage, i b; sur la partie de Car-
thage que Scipion fit écrouler par la sape ,
ia6 a.
Appius Claudlus , surnommé Caudex ; se
rend à Rhége, perd quelques vaisseaux dans
sa première tentative de faire lever le siège
de Messine , réussit ensuite à y aborder ;
défait d'abord Hiéron , puis les Carthagi-
nois; met le siège devant Syracuse, repasse
en Italie, 33 a, 34 b.
Apulée , fait une pompeuse description
de Carthage, i54 a.
Archagathe, un des fils d'Agathode ,
reçoit le commandement des forces syracu-
saines en Afrique, de son père qui retourne
en isicile ; il essuie plusieurs revers ; Aga-
thocle revient en Afrique ; mais bientôt
après, s'étant embarqué de nouveau , seul ,
pour la Sicile , ses soldats dans leur déses-
poir tuent Archagathe et son frère, a8 a ,
3o a.
Ardéates , nommés dans le premier traité
entre les Romains et les Carthaginois,
5 a.
Ariston , Tyrien , est envoyé à Calihage
par Annibal réfugié chez Antiochus, dans
quelles vues , 99 a , b.
Aristote donne une époque remarquable
à la victoire de Gélon sur les Carthaginois
en Sicile, 6 b.
Asdrubal , fils de Magon , onze fois suf-
fète; après avoir eu quatre fois les hon-
neurs du triomphe , il meurt en Sardaigne
Digitized by
Google
œNTEartJES DAN» CARTHAGE.
169
ém fiiiM% de sei blesnires, 5 b; noms de
tes Irois fils, 6 b.
Asdnibal débarqué en Sicile, alUqae
MétcHns près des mors de Païenne; est
▼aÎBcn et se réfo^ à iJl3rbée; il retoome
i Carthage , y est mis à moi^t , 49 b, 5o b.
Asdrobal, gendre d'Amikar Barca, est
élu pourkii succéder en Espagne; il accroil,
en te conciliant Taffection àei peuples , la
puissance de Carthage ; il fonde Cartfaa-
gène et gouverne cette province pendant
huit ans ; il est assassiné dans sa prc^re
maison par un Ganlois, 78 b, 79 a.
Asdrubal Haedus, un des députés cartha-
gineis f "dans la deuxième guerre punique ,
prend la parole dans le sénat et implore la
pitié des Romains , 96 a.
Asdrdbal , générai carthaginois , est en-
voyé en Sardaigne pendant la deuxième
gnerre punique , son armée y est détruite ,
iljest conduit à Rome prisonnier, 88 b.
Athétiée nomme le Grec Palémon comme
ayant écrit un traité sur la fabrication des
értof fes tissues par les Carthaginois, 1 36 b ;
rapporte un discours prononcé à Athènes
par Athénion , qui y affirme que les Car-
thaginois ont sollicité Talliance de Mithri-
date contre les Romains, i53 a.
Atilius Calalinus, consul, s'empare dlTip-
pane ; est délivré d'un danger imminent par
le tribun Calpurnius Flamma ; prend Ca-
marine ; reçoit d'Amilcar un échec près de
lipari, 40 b, 41 b.
Aulns Atilius Calatinus, consul dans la
première gnerre punique, avee Cn. Corn.
Scinio, s'empare de Palerme, 48 a , b.
Autarite, chef des Ganlois dans la guerre
de Libye, 71a.
B.
Baal-Moloch. Voyez Saturne.
Baccara, fleuve profond dans Tisthme
qui sépare Carthage de Fintérienr du pays,
70 b.
Baléar^ (î\ts)^ ce qu'elles fournissaient
aux Carthaginois, i36 a.
Battus, fondateur de Cyrène, 2 b.
Bomilcar, envoyé avec Hannon contre
Âgatbocle, se retire sur une hauteur voi-
sine après la déroute et la mort dllannon,
par quds motifs, 22 a, 23 a; il tente de
l'emparer à force ouverte de la souveraine
puissance; il périt dans les tortures, 27
a, b.
Boodès, lieutenant d'Annibal, prend, par
Itti sttatagènie, dans le port de Lipari, une
(nitie de la flotte romaine, et Cornélius
ont la commandait; il le conduit à Car-
àage, 37 b.
Bostar^ commandant des mercenaires a
la solde de Carthage en Sardaigne, est tué
.par eux dans leur révolte, 73 a.
Byrsa, citadelle de Carthage, i b. Sa po<
^ition, 143 a, b.
Byzacène (la), une des provinces cartha-
ginoises en Afrique, d'une extrême fécon-
dité, i35 a.
€.
Cabala, ville près de laquelle Denys le
Tyran remporte sur les Carthaginois une
victoire éclatante, 14 a.
Caius Atilius Régulas, un des consuls
'SOUS lesquels les Romains remportent une
victoire navale près du mont Ecnome,
aborde en Afrique, y remporte de grands
avantages; fait prisonnier, il est envoyé à
Rome pour des négociations; à son retour
à Carthage, il y est mis à mort, 42 a, 5i b.
C. Fundanius Fundulus.
C. Gracchus, conduit une colonie romaine
sur remplacement de Tancienne. Carthage;
signes funeMes qui y apparurent, 149 b,
i5o a.
C. Sempronius Blœsus et C. Servilius
Cœpio, consuls, passent en Afrique avec
une flotte ; à leur retour en Italie ils per-
dent dans une violente tempête un gi*and
nombre de vaisseaux et d'autres bâtiments,
48 b, 49 a-
Camarine, en Sicile; ses habitants, après
l'entrée d'Imilcon dans Gela, reçoivent de
Denys le Tyran un asile sur le territoire de
Syracuse, 9 b; un traité, qui les rend tri-
butaires de Carthage, leur permet de ren-
trer dans leur ville, iùid,; elle ouvre ses
portes à Amilcar, 40 1>; est prise par les
Romains, 41 a.
Camicum , en Sicile, prise par les Ro-
mains, 4x a.
Carthage : soli origine, date de sa fonda-
lion, discussion sur ses fondateurs, i, 2;
ses accroissements jusqu'à l'an 543 avant
J.-C. ; ses guerres contre Cyrène, cou ire
les Phocéens, 2b, 3b; détails sur ses porls,
ses places et ses fortifications lors de la
troisième guerre punique, iio a, b; su
constitution au temps de sa splendeur, les
deux suffètes, les généraux, 128 a, i3i a;
sa rigueur envers les peuples tributaires,
étendue de sa puissance en Afrique, ses
colonies, i3c a, i32 b; ses revenus, i34 b;
état florissant de son agriculture, i34 b,
i35 b; industrie, commerce par mer «tpar
Digitized by
Google
160
TABLE DES MATIÈRES
terre, i35 b, i36 b; monnaies, i36 b, i37
a ; forces militaires, armées navales, armées
de terre, i37 a, i38b; religion, divinités,
sacrifices, i38 b, 140 a, i53 a, b (voyez
Tictimes humaines); littérature, 140 a, b;
position de Cartbage, situation des ports,
141 a, 142 b; forum, curie, rues princi-
pales, 142 b, 143 a; Mégara ou la nouvelle
ville-, 143 b; nécropoles, ibid.; circonfé-
rence, oopulation présumée, i44 a» b; tri-
ple défense, quais, 144 b, i4-^ a; portes,
places publiques, temples, i45 b, 146 b;
citernes publiques, gymnase, théâtre, am-
phithéâtre, cirque, 146 b, 148 a; cirque,
thermes, aipieduc d'Adrien, prisons, palais
proconsulaire, 148 a, 149 a. — Carthags
sous r.A DOMiNATioir ROM AXHK. Une colonie
romaine y est établie malgré les impréca-
tions antérieures et quelques signes lunes*
tes, 149 a, i5o a; César y envoie des co-
lons, mais elle ne prospère que sous le
consulat de Dolabella et de Marc-Anioine,
i5o b; Auguste y envoie de nouveaux co-
lons, i5i a; est déjà florissante sous Tibère;
quelques troubles s'y élèvent du temps de
Vespasien et de Commode ; elle se révolte
contre Maximin; le proconsul Gordien
prend â Carthage les marques de la dignité
impériale; mort de son fils et de son petit-
fils, i5i a, i52 b; la ville est entourée de
murailles, i52 b; faits divers attestant la
persistance de la race punicjue dans cette
colonie, i52 b, i54 a; la religion chrétienne
y compte des défenseurs et des martyrs,
i54 a, b; quels auteurs ont décrit Car-
thage comme riche et florissante, jusqu'au
temps où les Vandales en ont fait la capi-
tale de leur empire, i54 b, i35 b.
Carihagène, fondée par Asdrubal, gendre
d'Amilcar, 78 b, 79 a.
Carthaginois : leur entreprise sur la Si-
cile, 3 b; leur premier, deuxième, troisième
traité avec les Romains, 4 b, i5 a, 3o b;
font alliance avec Xercès, 5 b; sont repous-
sés en Sicile par Géion, 6 a ; forcés d'abord
de payer un tribut aux Africains pour prix
du ten'itoire de Carthage, 5 b, ils s'en af-
franchissent, 6 b; leurs expéditions souvent
renouvelées contre la Sicile, 3 b, 3a a; Pyr-
rhus s'empare de toutes leurs possessions
en Sicile, à Texception de Lilybee; ils en-
voient en Sicile une nouvelle armée et les
recouvrent, 3i b ; perdent leur allié Massi-
nissa, qui devient Tallié des Romains; dis-
sensions non apaisées par les Romains;
guerre funeste aux Carthaginois (voyez Mas-
finissa) ; sacrifices continueb des Carthagi-
nois pour obtenir la paix des Komaini,
106 b, 107 a; les consuls se font cemettre
toutes les armes; les Carthaginois se prépa-
rent à soutenir un siège, se fabriquent des
armes, ronportent de fréquents avantages;
les Romains s'emparent d'une partie de la
ville ; les habitants sont en proie à la famine;
après diverses attaques et un affreux boule-
versement, Carthage est anéantie, et tout le
territoire qui lui a appartenu est réduit en
province romaine, 108 a, 128 a.
Carthalon, fils du général carthaginois
Malchus, est mis en croix par son père^
4 a, b.
Carthalon amène de Carthage un renfort
pour Lilybée ; il surprend la flotte romaine;
garantit sa flotte d'une tempête qui détruit
les deux flottes des Romains, 57 b, 59 b.
Casilin. Annibal, en présence de àeiw
armées romaines, force cette ville à capitu-
ler, 86 a.
Catane, prise par les Romains, 34 b.
Catapultes. Voyez la note page 10.
Centcnius Péuula, général romain, s'en-
gage témérairement dans la Lucanie ; Anni-
bal lui fait essuyer une perte de quinze
mille hommes, 88 a.
Centumvirat : but de son institution, 7 a.
Cephalœdium, port de Sicile, est livré
aux Romains, 48 a.
César envoie des colons à Corinthe et à
Carthage, i5o b, i5i a.
Clypéa, ville d'Afrique, la première qui
y fut prise par les Romains, 43 b ; ils l'éva-
cuent et en ramènent la garnison en Sicile,
47 b.
Cneius Cornélius Scipion Asina, consul
dans la première guerre punique avec Aul.
Attil. Calatinus, s'empare de Palerme,
48 a, b.
Cneus Scipio , frère de Publius Corné-
lius.
Colonne rostrale. Voyez Duilius.
Corbeau, machine destinée à faciliter
l'abordage dans les combats sur mer, 38 a.
Corinthiens, fondateurs de Syracuse; ils
y envoient Timoléon pour repousser l'atta-
oue des Carthaginois et rétablir le calme
dans la ville, i5 b.
Cornélius, commandant de la flotte ro-
maine dans la première guerre punique,
est pris avec une partie de sa flotte dans le
port de Lipari par Boodès, et conduit à
Carthage, 37 b.
Cornélius Scipio, consul, commande la
flotte dans l'expédition contre la Sardaigne
et la Corse, est vainqueui* d'Annibal et
Digitized by VjOOQIC
CONTENUES DANS CARTHAGE.
161
d'Hannon, et soumet toutes les villes de
Sardaigne, 39 a, 40 a.
Corse. Voyez Cyrne.
Coudée, son évaluation, i45 a.
Cyrne, aujourd'hui k Corse, conquise
par les Carthaginois, 3 b; iU s'unissent aux
Étrusques pour en expulser les Phocéens ;
les Romains s'en rendent maîtres vers la fin
de la guerre de Libye, i32 b, i33 a.
Denys l'Ancien ou le Tyran , marche au
secours de Gela assiégée par Imilcon. Il y
essuie un échec considérable ; mais, favorisé
par la peste, il obtient des Carthaginois un
traité de paix qui confirme sa domination
dans Syracuse, 9 b, xo a; fait de grands
préparatifs de guerre ; livre à la fureur du
peuple de Syracuse les biens et les personnes
des Carthaginois ; assiège Motya et s'en em-
pare, 10 b, II a. La peste ravageant l'ar-
mée des Carthaginois qui assiégeait Syra-
cuse, Denys les accable de toutes parts,
mais facilite à Imilcon sa retraite avec les
Carthaginois seulement, la a, b; perd les
possessions carthaginoises, dont il s'était
emparé, et conclut un nouveau traité de
paix avec Magon , i3 b ; excite par de nou-
velles hostilités les Carthaginois, qu'il défait
auprès de Cabala ^ 14 1 a ; fait la paix après
avoir été vaincu par Magon II ; recommence
la guerre, et meurt peu de temps après avoir
fait un nouvean traité de paix, 14 a, i5 a.
Deuys le Jeune , succède à Denys le Ty-
ran , son père ; chassé de Syracuse , puis
de Locres, rentre par trahison dans Syra-
cuse , où il ne possède plus que la citadelle;
il !a remet à Timoléon ; se réfugie à Co-
rinthe, i5 a, 16 a.
Didon ou Elysa , fondatrice de Carthage
suivant la tradition poétique, i, a a ; selon
Tirgile a fait construire le théâtre de Car-
thage , 147 b.
Diodore» cité sur la population d'Àgri-
gente ,9a; sur la peste qui désola l'armée
d'Imilcon devant Syracuse , la a; nomm.e
Leuco-Tunès une ville située non loin de
Carthage, aa a; sur la grandeur du fossé
qui défendait Lilybée, 5a a; cité sur Ophel-
las et sur Bomilcar, 27 b; sur l'époque à
laquelle Carthage commença à avoir des
relations avec les îles Baléares, i33 b; sur
l'état de l'agriculture chez les Carthaginois,
i35 a; sur la statue de Saturne, 146 a.
Diogèue , général carthaginois , est vain-
cu par Scipion qui l'attaque dans son camp
de Néphéris, ia4 a, b.
tV Livraison. (Cakthagb.).
Dion Gassius , sur les colons envoyés par
César à Corinthe et à Carthage, x5o b.
Duilius , commande l'armée romaine en
Sicile, dans la première guerre punique;
se met à la léte de la flotte; invente la ma-
chine appelée corbeau; défait la flotte car-
thaginoise, puis reprenant le commande-
ment de ses légions , fait lever le siège de
Ségeste et s'empare de Macella; obtient le
premier le triomphe naval , 37 b, 39 a ;
colonne rostrale érigée en sOn honneur,
39, a.
E.
Èbre , devait être pour les Romains et
les Carthaginois la limite des deux em-
pires, 78 b.
Éclipse de soleil , favorise le débarque-
ment a'Agathocle en Afrique, ao a.
Ecnome ; les Carthaginois sont vaincus
par les Romains près de ce mont , et per-
dent la plus grande partie de leur flotte,
41 b, 43 a.
Égates (les îles). Près de ces îles , le con-
sul Lutatius remporte sur la flotte cartha-
ginoise une victoire qui met fin à la pre-
mière guerre punique, 63 a, b.
Égithalle , «»n Sicile , prise d'abord par le
consul Junius, est reprise par le général
carthaginois Carthalon, 5g b.
Église d'Afrique, quels hommes et
quelles femmes l'ont illustrée, i54 a, b.
Éléphants; soixante sont amenés en
Sicile par Hannon, presque tous pris par
les Romains, 35 a, 36 b; employés par
les Carthaginois devant Adis, 44 b; par
Xanihippe, 46 b; par A<idrubal, 49 b,
5o a, b; par Hannon dans la guerre de
Libye , 69 a ; par Amilcar dans la même
guerre, 71 a, b, 73 b; par Aunibal à
Zama, 94 a.
Elyma, cbef africain, fait alliance avec
Agathocle, 34 a, b.
Éphore. Son évaluation de l'armée dé-
barquée en Sicile par Annibal, fils de
Giscon ,7b; it. pour le siège d'Agrigente
par Annibal et Imilcon, fils d'Hannon,
8 b.
Erésus, ville fondée dans une des îles
Baléares par les Carthaginois; utilité de
ces îles pour Carthage, i33 b.
Eryx, ville située sur la montagne de ce
nom, d'origine phénicienne, i33 a; prise
par Amilcar, 40 b; le consul Junius s'y
ménage des intelligences et s'en rend ainsi
maître, 59 b; Amilcar Barca l'emporte
d'assaut ; celte montagne est, pendant deux
ans, le théâtre de la guerre ; qnelques corps
11
Digitized by
Google
162
de rannée d*Amncar tentent de la livrer
aux Romains, 6i a, 62' a; tombe au pou-
voir des Romains après la victoire rem^
portée par Lutatius, 64 b.
Eschrion, un des lieutenants d*Archa-
gatbe, est chargé par lui de défendre les
provinces de Tintérieur de l'Afrique; il
périt dans une embuscade dressée par Han-
non, 28 a,b.
Espagne. Les Phéniciens y fondèrent les
premiers des établissements, entre autres
Gadès; Carthage ne pénètre clans ^intérieur
qu*après qu'elle a perdu la Sicile , la Corse
et la Sardaigne; quels avantages elle en
retire, i33 b, i34 a; Amilcar y délivre
Cadix de ses ennemis, et y commande les
armées carthaginoises pendant neuf ans ,
78 a, b. (Voyez Amilcar Barca; Annibal,
son fils; deuxième guerre punique.)
Espagnols, servent comme mercenaires
sous Annibal fils de Giscon , 7 b ; de même
dans les rangs des Carthaginois pour la
défense d*Agrigente assiégée par les Ro-
mains , 35 b.
Étrusques joints aux Carthaginois, rem-
portent une victoire navale sur les Pho-
céens, et les expulsent de Hle de Cyme (la
Corse), 3 b.
Eumachus, un des lieutoiants d*Archa-
gathe, est vaincu par Imilcon, 28 b.
Eusèbe, cité sur les fondateurs présumés
de Carthage, i b.
Eutrope, cité sur le motif de Tévacua-
tton de Clypéa par les Romains, 48 a.
Fabius, consul, s'empare d'une ile dans
laquelle il établit ses macnines pour le siège
de Drépane, 60 a, b.
Femmes, travaillent dans les/temples, à
Carthage, ponr la fabrication des amnes, sa-
crifient leurs cheveux pour iaire des cor-
dages, 109 b; fin désespérée de la femme
d'Asdrubal, 127 a.
Festus Aviénus. On a de lui des frag-
ments où il parle du périple d'Imilcon sur
la côte occidentale de l'Afrique, i34 a, b.
Florus, consul romain, s'oppose en Sicile
aux progrès d'Amilcar.
6.
Gaulois, servent comme mercenaires dans
les rangs des Carthaginois, 35 a.
Gaulos, petite 9e de la Méditerranée, ser-
vait aux Carthaginois de station pour leur
commerce, i33 b.
Gela, prise par Imiloon ; les habitants en
TABLE DES MATIÈRES
sont établis par Denys le l^an snr le ter- '
ritoire de Syracuse, 9 b.
Gélon, maître de Syracuse, remporte une
victoire signalée sur Amilcar qui assiégeait
Hym^, 6 a, b ; tente en vain de mettre un
terme à l'immolation des victimes humaines,
139 b; te traité qu'il fit avec Carthage de-
vait y être déposé dans un temple, 146 b.
Giscon, fils d'Amilcar, est banni de Car-
thage, et périt de misère à Sélinonte, 6 b.
Giscon , gouverneur de Lilybée', la pre-
mière guerre punique étant terminée, fait
partir séparément pour l'Afrique les divers'
corps de l'armée de Sicile, 65 a.
Gordien, proconsul à Carthage, r' ^oit
le titre d'empereur ; il est vaincu ipdr' Capel-
lien et met fin à ses jours, i: 1, b; son
fils est tué dans le combat; son petit-fils,
après un règne bien court, piérit d'une mort
violente, ibul,
Gracdius, défait Hannon, lieutenant
d'Annibal, 86 a.
Grecs, fournissent des mercenaires aux
Carthaginois, 45 b ; tentent en vain de met-
tre un terme à Fimmolation des victimes
humaines, 139 b.
Guerre de Libye ou contre les merce-
naires. Causes de celte guerre, 65 a, b ; ils
marchent sur Carthage et campent k Tu-
nis, 65 b , 66 b; excités par deux séditieux,
Spendius et Mathos, ils chargent de fers
Giscon et ses compagnons, et mettent le
siège devant Utique et Hippone, 67 a, 68 b ;
sont vaincus par Hannon, profitent de sa
négligence et le battent à leur tour, 69 b,
70 a; sont défaits par Amilcar, 70 a, 71 b;
il les bat de nouveau et tente de terminer
la guerre, 71 b, 72 b; Spendius et Mathos
la rallument en faisant mourir Giscon et les
prisonniers carthaginois, 73 a, 74 b ; ils as-r
siègent Carthage, éprouvent toutes les hor-
reurs de la famine; leurs chefs, d'après un
traité, sont retenus par Amilcar, les révol-
tés courent aux armes, Amilcar les exter-
mine, 75 a, 76 b; il fait le siège de Tunis;
Annibal son lieutenant y est pris et mis en
croix par les rebelles, 76 b, 77 a ; Hannon
est adjoint à Amilcar ; ils oublient leurs que-
relles et remportent une victoire décisive ,
assiègent et soumettent Utique et Hippone,
77 a, b.
Guerres puniques. Causes de la première,
32 b, 33 a; défaite des Carthaginois et
prise de Messine ; Syracuse est assiégée par
les Romains, 33 a, 34 a; rapidité de leurs
progrès, font un traité d'alliance avec Hié-
ron, 34 b, 35 a; assiègent Agrigente, rem*
Digitized by
Google
CONTENUES DANS CARTHAGE.
16S
portent la victoire si^r Annibal qui était
dans la place, et sur Hannon qui venait la
secourir; ils s'emparent de la ville, 35, a,
37 a; les Carthaginois recouvrent un grand
nombre de villes maritimes; les Romains
construisent une flotte ; Cornélius est fait
prisonnier et conduit à Carthage, 37 a, b;
victoire navale de Duilius , ses succès en
Sicile, 37 b, 89 a ; suites fâcheuses de la dis-
sension entre les légions et les auxiliaires ,
39 a, b; Annibal, à la tête d'une nouvelle
f otte , passe dans la Sardaigne ; Cornélius
Scipio s'empare d'abord de la Corse, puis
déti ^ dans un d^ ports de la Sardaigne la
plus ^. d. -le partie de la flotte d'Annibal ; il
défait ensu^^'^Hannon et soumet toutes les
villes de céiîe île; le consul Florus arrête
les progrès d'Amilcar, 39 b, 40 b; les Ro-
mains marchent sur Camarine, s'engagent
témérairement dans des défilés, sont sauvés
par le dévouement de quatre cents hommes
d'élite et du tribun M. Calpurnius Flamma;
ib s'emparent de Camarine et de plusieurs
autres villes, essuient un échec sous les murs
de Lipari, 40 b, 41 b; remportent une
grande victoire navale près du mont Ec-
nome, 41 b, 43 b; abordent en Afrique et
y assiègent Clypéa, s'en emparent et la for-
tifient, 43 b; assiègent Adis, et défont les
Carthaginois devant cette place, prennent
Tunis et y établissent un camp, 44 b, 45 a;
négociations infructueuses, ibid.; Xanthippo
de Lacédémone. reçoit le commandement
de l'armée des Carthaginois, et remporte
sur les Romains une victoire signalée; Ré-
gulus est fait prisonnier, 45 b, 47 a; la
flotte romaine est détruite , en grande par-
tie, par une tempête,, 4 8 a; les Carthaginois
s'emparent d'Agrigente et la ruinent entiè-
rement, ibid. ; prise de Palerme par les Ro-
mains, 48 b ; ils perdent dans une tempête,
prés de Palinure, un grand nombre de vais-
seaux ,49 a ; les Carthaginois envoient de
nouvelles forces en Sicile, 49 b; essuient
une sanglante défaite devant Palerme, 5o a,
b; ils envoient Régulus à Rome pour né-
gocier la paix ; son opinion prononcée dans
le sénat, son retour a Carthage, on il subit
une mort cruelle, 5o b, 5a a; les Romains
assiègent Lilybée, longue résistance de celte
S lace, 52 a, 59 a; les Romains perdent leurs
eux flottes par la tempête, 59 a ; le consul
Junius s'empare de la ville d'Eryx , ibid. ;
Amilcar Barca s'empare d'Ercté et s^y main-
tient trois ans, 59 b, 61 a ; il fait entrer des
secours dans Lilybée, s'empare d'Eryx, n'est
point décourage par la défection de plu-
sieurs corps de mercenaires, 61 a, 6a a; les
Romains équipent une nouvelle flotte, sont
vainqueurs près des lies Égates ; un traité
de paix termine la guerre, 62 a, 64 b.
Deuxième guerre punique. Causes de cette
guerre, 9o a, b, 81 a ; ruine de Sagonte par
Annibal; Fabius, dans le sénat de Carthage,
offre la paix Ou la guerre, 8 1 a, b ; Annibal
entre dans les Gaules, franchit les Alpes,
entre en Italie, 8a a, b ; remporte un avan-
tage sur les bords du Tésin; le consul Sci-
pion y est blessé ; Sempronius , qui s'était
emparé de Malte , vient au secours de son
collègue, il essuie une défaite sur les bords
de la Trébie ; les Gaulois dans la Cisalpine
prennent narti pour Annibal ; il gagne l'É-
trnrie et uat le consul Flaminius sur les
bords du lac Trasimène; le consul Fabius
l'arrête ; mais bientôt les consuls Paul Emile
et Varron essuient près de Cannes une
cruelle défaite, 8a b, 83 b ; cependant An-
nibal échoue devant Naples , mais Capoue
lui ouvre ses portes; Magon sou frère, se
rend à Carthage et demande des secours,
on kii en accorde d'insuffisants, 84 a, 85 b;
Rome lui oppose le consul Marcellus; il se
rend maître de plusieurs villes; mais sou
lieutenant Hannon ayant perdu seize miUe
hommes, il n'espère plus se maintenir dans
l'Italie centrale, 86 a; fait alliance avec
Philippe, roi de Macédoine, 86 a, 87 b; va
jusque sous une des portes de Rome, ré-
trograde , mais ne peut empêcher la prise
de Capoue par les Romains, 87 b, 88 a ; les
Carthaginois font de nouveaux efforts pour
recouvrer la Sicile, la perdent sans retour,
88 b, 89 a; ils éprouvent en Espagne des
revers continuels; ils perdent Carthagène,
leur trésor et leur arsenal; cependant As-
drubal pénètre en Italie, 89 a, 90 b; son
armée y est exterminée, il périt dans le com-
bat ; l'Espagne entière , après la prise de
Gadès, est sous la domination romaine,
90 b, 91 a; Annibal et Magon sont rappe-
lés en Afrique; Scipion assiège Utique, il
surprend Asdrubal et Syphax, détruit la
dernière armée de Cartilage, 91 b, 9a b;
Annibal est vaincu à Zama, conseille à ses
concitoyens de demander la paix , Scipion
en dicte les conditions, accroît la puissance
de Massini%sa, 93 b, 96 b.
Troisième guerre punique. Les consuls
Manilius et Censorinus assiègent Carthage ;
Manilius est attaqué dans ses retranche-
ments et sauvé par le jeune Scipion , fils de
Paul Emile, 109 b, m b; il attaque le
camp d' Asdrubal à Néphéris, est encor«
11.
Digitized by VjOOQIC
164
TABLE DES MATIÈRES
sauvé par Scipion, iia a, ii3 a; après la
mort de Massiiiissa, Giilussa, un de ses fils,
se joint aux Romains ; Phamaeas, général de
la cavalerie carthaginoise, passe aussi de leur
côté, lia a, ii5, a; Calpurnius Pison et
L. Mancinus prennent le commandement en
Afrique ; au siège d'Uippone par Pison, les
Carihaginois incendient les machines des
Romains ; Carthage est agitée par des divi-
sions intestines ii5, a, ii6 a; Scipion
nommé consul, sauve les soldats de Manci-
nus, prend le faubourg de Mégara, 117b,
118 a; Âsdrubal massacre les prisonniers
romains, exerce des cruautés dans Carthage
qui est en proie à la famine, essaye de trai-
ter avec les Romains, ses deux entrevues
avec Gulussa, réponse de Scipon, 118 a,
lao b; Scipion ayant presque fermé l'en-
trée des ports, les assiégés ouvrent une nou-
velle issue, et engagent un combat naval;
ils brûlent les machines de guerre des Ro-
mains ; Scipion reste maître de leurs ouvra-
ges avancés, 123 b, 124 a; défait entière-
ment l'armée campée devant Néphéris et
prend cette ville, 124 a, b; prise et incen-
die de Carthage ; toute la partie de l'Afrique
soumise aux Carthaginois est réduite en
province romaine, laS a, 128 a.
Gula, chef numide, se joint aux Cartha-
ginois dans la deuxième guerre punique,
88 b.
Gulussa, fils de Massinissa, est interrogé
à Rome sur la conduite de son père contre
les Carthaginois, 102 b ; est envoyé par son
père à Carthage avec une mission , il n'est
point admis dans la ville, 104 a; après la
mort de son père, il est amené par Scipion
dans le camp des Romains, x 1 3 b.
Halycus , fleuve qui fut longtemps la
limite entre les possessions des Carthagi-
nois et celles des Syracusains en Sicile ,
i33 b.
Hannon (le vieil) est envoyé en Sicile avec
un renfort pour Agrigente, 35 a; il est
vaincu par le consul Poslumius 36 b; des-
titué et condamné à une forte amende, 3 7 a.
Hannon succède à Annibal dans le com-
mandement de la flotte qui défendait la
Sardaigne , est vaincu et perd la vie dans
un combat, 40 a.
Hannon s'empare d'Hécatompyle en Li-
bye, traite les vaincus avec humanité, 60 a;
passe en Sicile pour se joindre à Amilcar,
est prévenu par le consul Lutatius qui l'at-
taque et reinporle la victoire , 62 b, 63 b ;
ne peut apaiser la révolte des mercenaires
contre Carthage, 65 b, 66 b.
Hannon , envoyé contre Agathocle en
Afrique , est vaincu et tué dans la première
bataille qu'il lui livre ; Bomilcar son col-
lègue , par inimitié contre lui et voulant
usurper le pouvoir , abandonne le champ
de bataille, 2^ a, 23 a.
Hannon, riche citoyen de Carthage, veut
par la force s'emparer du pouvoir; il péril
avec ses flis et tous ses parents au milieu
des supplices, 17 a, b.
Hécaiompyle , dans la Libye , est prise
par Hannon , 60 a.
Héliogabale veut unir le dieu Baal et la
Juno Cœlestis, i53 b.
Héraclide, un des deux fils d' Agathocle,
20 a. V. Agathocle.
Hercule Tyrien, ou Melcarlh-Héraclès ,
protecteur de Tyr et de Carthage ; Carlha-
lon, fils de Malchus, lui porte le dixième
du butin fait en Sicile, 4 a ; dans un temps
de revers les Carthaginois lui envoient de
riches présents, 23 a, b; ils transportèrent
son culte dans leurs colonies , 146 a.
Hermaeum, promontoire en Afrique, ov
abordèrent les premiers navires romains
dirigés sur cette côte, 43 b.
Hérodote : à quel jour il fixe la victoire
de Gélon sur les Carthaginois qui assié-
geaient Hymère ,6b; quelle fut , selon
lui, la mort d' Amilcar, fils de Magon,
ibîd.
Hiéron, roi de Syracuse, fait d'abord
avec succès la guerre aux Carthaginois ,
s'unit ensuite à eux contre les Romains
pour recouvrer Messine, 32 a, 33 b ; vaincu
par les Romains il retourne à Syracuse , y
est assiégé par eux ; il se sépare des Car-
thaginois et fait alliance avec les Romains,
34 a, b ; leur fait parvenir des vivres pen-
dant qu'ils assiègent Agrigente, 36 a ; leur
fournit des machines pour le siège de Ca-
marine, 41 a ; d'après le traité fait par les
Romains avec les Carthaginois , ceux-ci ne
feront la guerre ni contre Hiéron ni contre
les Syracusains ,64 a ; il est bienveillant
envers les Carthaginois , surtout dans la
guerre de Libye, 75 a ; ses États sont dévas-
tés par une flotte carthaginoise, 88 b; meurt
allié des Romains, 89 a.
Hiéronyme , petit-fils du roi Hiéron , lui
succède à Syracuse, 89 a.
Himilcon , général carthaginois , lutte
souvent avec succès contre les Romains en
Sicile , 89 a ; succède à iLsdrubal dans 1«
gouvernement de l'Espagne, 89 b.
Digitized by VjOOQIC
CONTENUES DANS CARTHAGE.
165
Hippane, en Sicile, prise par les Romains,
40 b.
Hippone , assiégée par les mercenaires
dans la guen*e de Libye, 686 ; prend tout
à coup parli pour eux, 74 b ; soumise enfin
par Amilcar et Hannon, 77 b; résiste aux
Romains, ii5 a; saint Augustin en fut
évéque, i54 b.
Hippo/.arilus , prise par Agathocle, 27 b;
avail été fondée par les Pbénieiens , i32 a.
Hymère , assiégée par Amilcar et secou-
rue par Géion ,6a; prise d'assaut et trai-
tée cruellement par Annibal , petit-ûls d'A-
milcar, 8 b.
I.
Icétas , tyran de Léonlium , s'empare de
Syracuse , mais non de la citadelle ; est
vaincu deux fois et repoussé par Timoléon,
i5 b, 16 a.
Imilcon , général carthaginois , défend
courageusement Lilybée , 5a b ; attaque
vivement les machines des Romains ; leur
fait perdre beaucoup de monde par une
sortie ; favorisé par un ouragan , il détruit
leurs machines par le feu, 55 a, b.
Imilcon, fils d'Amilcar; après plusieurs
. victoires en Sicile , son armée y est désolée
. par nne maladie contagieuse, il en ramène
les débris à Carlhage et s*y donne la mort ,
7 a, b.
Imilcon, fils d'Hannon, est donné pour
lieutenant à Annibal ; il assiège Agrigente
et s'en rend maître par la famine , 8 b, 9 ;
ne peut empêcher la prise de Motya par.
Denys le Tyran, 10 b; étant nommé suf-
fète, il envoie secrètement à la tète de dix
vaisseaux légers un commandant qui coule
à fond tous les vaisseaux qui se trouvaient
dans ie port de Syracuse; son retour en Si-,
ciie où il reprend Motya et plusieurs autres
villes , forme le siège de Syracuse , commet
des actes d'impiété, 11 a , b ; une maladie
contagieuse accable son armée ; il est vaincu
par Denys sur terre et sur mer , 12 a, b;
à quel prix il se retire avec les seuls Car-
thaginois ; finit misérablement à Garthage ,
la b, i3 a.
J.
Jérôme (saint) , cité sur les fondateurs
présumés de Carthage , i b.
Junius. y. Lucius Junius.
Junonia , nom donné à la ville qui fut
fondée par la colonie romaine établie sur
le sol de Carlhage, x5o a.
Justin , cité sur les victimes humaines
immolées à Carthage ,4a; sur les ravages
d'un mal contagieux dans l'armée d'Imilcou
en Sicile, 7 a , b ; est le seUl qui fasse men-
tion d'un arrêt du sénat de Carthage qui
aurait interdit aux Carthaginois l'élude et
l'usage de la langue grecque, 14 b. Lui seul
aussi a transmis le récit de la conspiration
d'Hannon, 17 a, b; cité sur le supplice de
Bomilcar , 27 b; sur nue expédition des
Carthaginois contre la Sardaigne, i32 b.
K.
Karchedon, un des fondateurs de Car-
thage, I b.
L.
Langue grecque , interdite , selon Justin ,
aux Carthaginois , 14 b.
Léonidas , roi de Lacédémone, refuse sou
secours à Amilcar en Sicile, 6 a.
Lepiine , un des généraux de Denys le
Tyran , est tué dans une bataille gagnée
par Magon ,11, 14 a.
Leuco-Tunès, ville prise par Agathocle,
non loin de Carthage, 22 a.
Lilybée, d'origine phénicienne; les Car-
thaginois fondèrent sur cette côte leurs
premiers établissements en Sicile, i33 a.
Asdrubal en pari pour attaquer Métellus;
vaincu, il s'y réfggie, 49 b, 5o b ; est assié-
gée par les Romains; courageusement dé-
fendue par Imilcon, reçoit un renfort amené
par Annibal, des vivres par Adherbal, des
secours et des vivres par Amilcar, 52 a, 61
a; Lutatius s'empare du port; il y amène
ses prisonniers et les vaissbaux qu il a pris
près des îles Égates, 62 b, 63 b.
Lucius Junius, consul dans la première
guerre punique, est chargé d'amener des vi-
vres et des munitions à l'armée qui assiège
Lilybée; jette l'ancre près de Camarinc,
plage dangereuse ; les deux flottes romaines
y sont presque entièrement détmiles par la
tempête, 57 b, 59 a; il s'empare de la mon-
tagne et de la ville d'Éryx; la place d'Kgi-
thalle lui est enlevée par Carthalon, Ô9 a, b.
Lucius Manlius Vulso, consul, chargé
avec C. Atilius Régulus de préparer une
nouvelle flotte, 49 b.
Lutatius, consul, passe en Sicile à la tète'
d'une flotte nombreuse ; remporte, près des
lies Égates, une victoire qui met fin à la
première guerre punique, 62 b, 64 a.
Lyciscus, un des lieutenants d' Agathocle,
est tué par Archagathe au milieu d'un re-
pas, 26 a.
M.
Macella, ville de Sicile, emportée d'a»-
!«aut par Duilius, 39 a.
Digitized by
Google
If6
TABLE DES MATIÈRES
MagOQ, sufiëte et général carthaginois,
vient avec une flotte au secours des Romains,
après leurs défaites par Pyrrhus, 3i a ; dans
quel but il a une entrevue avec lui, ibid.
Magon, suflëte et général carthaginois,
établit le premier la discipline militaire,
augmente la puissance de sa pairie et laisse
deux fils illustres, 5 b; pouvoir de cette
famille , institution d*un tribunal destiné à
lé tempérer ; 6 b, 7 a.
Magon, à la tête de la flotte jointe à Tar-
née dlmilcon, remporte une victoire signa-
lée snr la flotte syracusaine, 1 1 b.
Magon, suffete et général carthaginois,
est envoyé contre Denis le Tyran; reprend
les anciennes possessions carmaginoises, et
conclut un nouveau traité de paix avec De-
nys, i3 b; est de nouveau envoyé contre
Denys; bataiUe décisive auprès de Cabala;
Magon vaincu y perd la vie, 14 a.
Magon II, fils du précédent, remporte
sur Denys de grands avantages, 14 a, b; en-
voyé à la tète d'une forte armée et d'une
flotte nombreuse pour s'emparer de Syra-
cuse assiégée par Timoléon, il^ croit trahi
par ies troupes et les ramène à Carthage;
il prévient par une mort volontaire le sup-
phce auquel il est condamné, i5 b, 16 a.
Malchus s'empare de la plus grande par-
tie de la Sicile, 3 b; banni de Carthage,
comme l'auteur des revers essuyés en Sar-
daiçoe, il y rentre par la force des armes
après avoir lait mourir son fils ; fait mettre
à mort dix des sénateurs ; bientôt après il
périt lui-même accusé d'aspirer au trône,
4a,b.
Malga, village moderne; sur quelles rui-
nes il est bâti, 146 b.
Malte ou Mélita, avait appartenu aux
Phéniciens, Carthage s'en était emparée;
était renommée pour ses tissus, i33 b;
Sempronius s'en rend maître, 88 a.
^ Mamertins (les) se rendent maîtres de Mes-
sine, s'unissent à une légion romaine, qui,
avec leur secours, s'empare de Rbége, 3a b,
33 a; bientôt après, les uns livrent la cita-
delle de Messine aux Carthaginois ; les au-
tres offrent cette ville aux Romains qui
leur promettent de les secourir, 33 a.
Manlins, consul, remporte avec Régulus
une victoire navale sur les Carthaginois,
Frès du mont Ecnome, 4a a, 43 a; reçoit
ordre de retourner à Rome avec les pri-
sonniers romains retrouvés en Afrique, et
une partie de la flotte, 44 a.
Marcellus, consul, arrête Annibal dans
presque toutes ses entreprises, 86 a; est tué
dans un combat, 88 a ; Syracuse s*étaiit dé-
clarée pour les Ciarthaginois, il en avait £ût
le siège et s'en était emparé, 89 a.
Marcus ^milius Paiifus, consul pendant
la première guerre punique, 44 a.
Massinissa, roi d'une partie de la Numi*
die, allié de Carthage, passe du coté des
Romains, 91 a; agit avec eux lors de l'in-
cendie du camp des Carthaginois par Sci-
pion, 9a b ; combat avec les Romains à la
journée de Zama, 94 a; reçoit de riches
présents des ambassadeurs romains, 97 b;
attaque les Carthaginois, 99 b, 100 b; ses
envahissements ne sont point franchement
réprimés par les Romains, loi b, io3 a;
quarante citoyens de Carthage, partisans de
Massinissa, sont bannis de cette ville, ils
excitent à la guerre Massinissa, qui s'empare
d*Oro8cope, xo5 a; une première bataille
livrée par Asdrubal laisse la victoire dou-
teuse ; la peste ravage l'armée des Cartha-
ginois; Massinissa accorde la paix à de dures
conditions, io5 a, 106 a; promet aux Ro-
mains une loyale assistance dans leurs nou-
velles entreprises contre Carthage, no a;
charge Scipion de régler les affaires de sa
succession, ii3 b.
Mathos, chef des mercenaires dans la
guerre de Libve. Voyez Guerre de Libye.
Mauritanie Tingitane. Syphax et les siens
sont repoussés jusque dans cette contrée par
les Carthaginois dans la deuxième guerre
punique, 88 b.
Megalopolis, onportée d'assaut par Aga-
thocle, a a a.
Mégara, ou la nouvelle ville, partie la
bioins peuplée dans Carthage, 143 b.
Mercenaires, tirés de l'Afrique et de l'Es-
pagne par Annibal, fils de Giscon, 7 b;
Étrusques, Celtes et Samnites sous Agatho-
cle, a9 a; le%'és par les Cartliaginois, dans la
première guerre punique, dans laLigurie,
la Gaule et surtout dans l'Espagne, 35 a;
chez les Grecs pour résister aux Romains,
45 b; quatre mille d'entre eux soutiennent
Bomilcar qui aspirait à la tyrannie, 37 a;
les Carthaginois, dans un avantage qu'ils ont
sur Agathocle, accablent les mercenaires et
en tuent environ trois mille, a8 a, b; les
mercenaires des Carthaginois, revenus de
Sicile en Afrique après la première guerre
punique, se révoltent contre Cartilage :voy.
Guerre de Libye ; se révoltent aussi en Sar-
daigne; les soldats d'Hannon se joignent à
eux, massacrent Hannon et tous les Cartha-
ginois qui étaient dans l'île ; ils sont ensuite
expulsés par les habitants de la Sardaigne,
Digitized by VjOOQIC
CONTENUES DANS CARTHAGE.
W
qui est ainsi perdue -pour les Carthaginois,
7a b, 73 a.
Messine est occupée par les Mamertins,
Sa b ; devient le sujet de la première guerre
pimique; les habitants, excités par les pro-
messes du consul romain oui s*est introduit
dans la place, chassent de la citadelle le
commandant qui la tenait pour les Cartha-
ginois : ceux-ci assiègent la ville; elle tombe
au pouvoir des Romains, 3a b, 34 b.
Métaure, fleuve de FOmbric, sur les
bords duquel Asdrubal est vaincu par les
Romains, 90 b, 91 a.
Micipsa, fils de Massinissa.
Mille romain : son évaluation, 141 b.
Motya, en Sicile, ville d'origine phéni-
cienne, i83 a; prise par Denys le Tyran,
10 b, II a; reprise par Imilcon, lia.
Mutine, général carthaginois, livre Agri-
gente aux Romains, 89 a.
Mylae, en Sicile. Près de cette ville , Dui-
lius remporte une victoire navale sur les
Carthaginois^ 38 a.
Mytistrate. Les Romains sont obligés
d'en lever le siège , 39 b ; elle capitule , est
néanmoins livrée aux flammes , 40 b.
Naravase, un des chefs des Numides,
dans la guerre de Libye , passe du côté d'A-
milcar , et contribue puissamment à ses vie*
toires, 7a a, b, 75 a, b.
Neptune. Les Cartha^nois lui sacrifient
plusieurs victimes humaines , 8 b.
Numides, se joignent aux mercenaires
dans leur révolte contre Carthage, 65 a.
Olbia , en Sardaigne , est prise par les
Romains, 40 a.
Olcades , peuples d'Espagne vaincus par
Annibal, 81 a.
Ophellas, roi de la Cjrrènaïque, périt vic-
time de la perfidie d'Agathocle, a 6 b , 37 a.
Orethus , rivière qui coule près de Pa-
ferme , 5o a.
Orose , donne la date d'un second traité
entre les Romipns et les Garthaginob, i5 a.
Palerme ou Panorme. Amilcar y aborde
avec une flotte redoutable, 6 a; prise par
les Romains, 48 b; était d'origine phéni-
cienne, i33 a.
Palinure , cap sur la c6te d'Italie ; en le
doublant, une- flotte romaine a beaucoup
à souffrir d'une violente tempête, 49 a.
Peste : désole Carthage après sa conquête
d'une grande partie de la Sicile, 3 b; ra-
vage en Sicile l'armée dTmilcon, 7 a; dé-
sole l'armée carthaginoise , et fait mourir
Annibal , fils de Giscon , au siège d'Agri-
genle, 8 b; Imilcon, maître de Gela, mais
forcé par une maladie contagieuse de faire
la paix avec Denys le Tyran , ramène la
peste à Carthage , 10 b ; au siège de Syra-
cuse , il voit de nouveau son armée en proie
à ce fléau, la a; il affaiblit de nouveau
Carthage, 14 b; ravage l'armée carthagi-
noise dans la guerre contre Massinissa,
106 a.
Phamîeas , général de la cavalerie cartha-
ginoise, combat souvent contre les Ro-
mains avec avantage, puis passe de leur
côté, lia a, ii5 b.
Philènes (les frères) : leur dévouement
pour Carthage leur patrie , a6 , 3 b.
Philippe, roi de Macédoine, fait un
traité avec Annibal, 86 a,- 87 b.
Philistus, cité sur les fondateurs pré-
sumés de Carthage, i b.
Phocéens , sont vaincus sur mer par les
Étrusques et les Carthaginois réunis , 3 b.
Pied grec, son évaluation, i45 a.
Plèthre, son évaluation, i45 a.
Plutarque, rapporte l'exclamation de
Pyrrhus s'éloignant de la Sicile, 3i.b.
Polybe. Texte donné par lui du premier
traité entre les Romains et les Carthagi-
nois, 4 b, 5 a; cité sur la longue lutte entre
Amilcar Barca et les généraux romains,
60 b; sur la guerre contre les mexcenaires,
66 a; reudus furie\ix par la faim, dit-il,
les mercenaires se dévorent entre eux,
66 a; rapporte le traité fait entre Philippe,
roi de Macédoine, et Annibal, 86 a, 87 b;
raconte deux entrevues d' Asdrubal et de
Gulussa, 119 a, lao b; son jugement sur
Asdrubal , examen de ce jugement , 1 ao b,
I aa b ; cité sur l'aspect florissant de la cam-
pagne de Carthage lors de la première
guerre punique , 1 35 a.
Procope, cité sur l'origine des Maures et
rétablissement des colonies phéniciennes
en Afrique, a a.
Proserpine, dut avoir un temple et des
prêtres à Carthage, 146 a, b.
Ptolémèe Philadelphe , refuse aux Car-
thaginois de leur prêter une somme dont
ils lui faisaient la demande, 49 b.
Publius Claudius Pulcher, consul dans
la première guerre punique; son impru-
dence cause la perte de la flotte romaine;
ses paroles et son action irréligieuses an
Digitized by
Google
16S
moment où l'action allait s'engager; il est
puni par une forte amende, 56 a, 5; b.
Pyrrfius, remporte en Italie plusieurs
victoires sur les Romains; gendre d'Aga-
thocle , il pouvait se faire de cette alliance
un titre pour posséder la Sicile; il y aborde,
enlève aux Carthaginois tout ce qu'ils y
possédaient, exceplé Lilybée; il en fait le
siège sans succès; excite le mécontente-
ment des Siciliens par sa dureté; perd
toutes ses conquêtes et retourne à Tarente,
3o b, 3ib.
R.
Régulus, un des consuls sous lesquels
la flotte romaine fut vaincue près du mont
Ecnome'en Sicile, 42 a, 43 a.
Régulus, prisonnier à Carthage. Voyez
Caius Atilius Régulus.
Rhé^. Une légion romaine s'empare de
cette ville et s'allie aux Mamerlins, maîtres
de Messine; les Romains rendent la ville
à ses anciens habitants, 32 b, 33 a.
Romains. Premier traité entre eux et les
Carthaginois, 46; second traité, i5 a; troi-
sième traité, d'après quels motifs, 3o b, 3i
a; n'acceptent point les secours que leur
envoient les Carthaginois d'après ce traité,
3i a; un traité de paix termine la première
guerre punique, 63 b, 64 a; les traités sont
fidèlement observés par les Romains pen-
dant la guerre de Libye, 75 a, b; ils éta-
blissent en Espagne, par un traité avec As-
druBal, que Tlibre sera la limite des deux
empires, 78 b; par quels moyens ils ren-
dirent de plus en plus difficiles aux Car-*
tliaginois les levées de mercenaires, 128 b.
S.
Sagonte, enclavée entre les liniiles des
Romains et celles d^ Carthaginois en Es-
pagne, devait conserver son indépendance,
78 b; est ruinée par Annibal; devient
ainsi la cause de la deuxième guerre puni-
que, 81 a; rétablie huit ans après par les
Romains, 90 a.
Saint Augustin. Sur la teiTeur inspirée
par le dieu Baal-Moloch, 146 a ; quel fut
son premier ouvrage contre les donatistes ,
i53 b; ses longues controverses, i54 b. '
Sallusle : son récit sur la guerre entre
Carthage et Cyrène , et sur le dévouement
des fières Philènes, 2 b, 3 b.
Sardaigne , envahie par les Carthaginois,
2 b; dans quels cas, à quelles conditions
ils permettent aux Romams d'y aborder,
d'y faire le commerce, 4 b, 5 a; nature du
TABLE DES MATIÈRES
terroir et caractère des habitants , 89 b ;
soumise par les Romains, 40 a ; retombe au
pouvoir des habitants dans la guerre de
Libye, 72 b, 73 a; les Carthaginois équi-
pent une flotte pour la reconquérir; les
Romains leur déclarent la guerre ; les Car-
thaginois abandonnent la Sardaigne, 78 a;
ils y avaient fondé deux villes , mais n'a-
vaient pu en soumettre tous les habitants;
importance de cette ile pour Carthage,
i32 b.
Saturne. Un enfant lui est immolé dans
la peste qui ravage Tarmée des Carthagi-
nois au siège d'Agrigente ,8b; était aussi
nommé Baal Moloch ; ce que contenait son
temple , 146 a ; à quel affreux usage ser-
vait sa statue, ibid.
Scylax, cité sur l'étendue du territoire
carthaginois, en Afrique, i32a; sur la
fécondité de la Byzacène, i35, a.
Ségeste. Ses habitants implorent l'appui
de Carthage et se mettent à sa discrétion^
7 b ; assiégée et réduite à la dernière ex-
trémité par les Carthaginois; Duilius en
fait lever le siège, 39 a.
Sélinonte devait envoyer à Amilcar, en
Sicile, un renfort de cavaliers, 6 a.
Sempronius s'empare de l'île de Malte,
88 a.
. Serranus remplace Mancinus dans son
commandement en Afrique, 117 a.
Servilius tente une descente en Afrique;
est repoussé avec perte, 88 a, b.
Servius Fulvius , consul avec Marcus
^milius, met en déroute la flotte carthagi-
noise près du promontoire Uermaeum, 47 b.
Servius Pœtinus Nobilio, consul pendant
ia première guerre punique, 44 a.
Sicca, ville de Numidie : la révolte des
mercenaires contre Carthage y éclate, 65 b.
Sicile, est presque en entier conquise par
les Carthaginois, commandés par Malchns,
3 a; renfermait plusieurs villes d'origine
phénicienne ; établis d'abord sur la côte de
Lilybée, les Carthaginois, en y étendant
leurs conquêtes , y soutiennent des guerres
fréquentes jusqu'au temps de leur expulsion
par les Romains, i33 a (voyez Agathôcle,
Denvs l'Ancien, Denys le Jeune, Gélon, Ti-
moleon, Pyrrhus, première guerre punique);
est abandonnée pour jamais par les Cartha-
ginois, 89 a.
Silanus, a traduit en latin un traité de
Magon sur l'agriculture, 140 a.
Soloès, en Sicile, ville d'origine phéni-
cienne, i33 a.
Stade; son évaluation, x4i b, i44a>
Digitized by VjOOQIC
CONTENUES DANS CARTHAGE.
160
Spendius , chef des mercenaires dans la
guen-e.
Suffètes. Malchus est le premier nommé
par riiistoire, 3 b, i3o; Asdrubal revêtu
onze fois de celte dignité, 5 b.
Syphax, roi d'une partie de la Numidie,
se déclaré pour les Romains ; les Carlhagi-
Jiois le repoussent, 88 b.
Syracusains , secourent d'abord avec suc-
cès Âgrigente assiégé, mais ne peuvent en
empêcher la prise par la famine, 8 b, 9 a ;
donnent à ses habitants la ville des Léontins
pour asile, 9 a; d'après un traité conclu
avec les Carthaginois demeurent soumis à
Donys le Tyran, 10 a; suite de leurs guer-
res contre les Carthaginois, 10 a, 3o b.Yoy.
Denys le Tyran.
Syracuse donne irae idée de sa puissance
par la défaite des Athéniens sous Nicias,
7 h; devient, sous Denys le Tyran, un
vaste atelier de vaisseaux , d'armes et de
machines contre Carthage, 10 a; troubles
après la mort de Denys le Tyran ; Cartha-
ge, Icétas et Timoléon, envoyés par les Co-
rinthiens, se disputent cette ville; Denys le
Jeune en sort et se réfugie à Corinthe; Ti-
moléon s'en rend maître , i5 a, 16 a; sous
Agathocle reste la seule ville en Sicile non
soumise aux barbares, 19 b;~est assiégée
par les Carthaginois; Agathocle en sort
our lés attaquer dans l'Afrique même, 19
1^ 20 a; Amilcar en lève le siège, 21 b; il
l'attaque de nouveau, est défait et y est mis
à mort, 25 a, b; après la mort d' Agatho-
cle, la démocratie ramène les dissensions
dans Syracuse ; les Carthaginois l'assiègent
)ar terre et par mer, 3o b; les Syracusains
éputent vers Pyrrhus pour implorer son
secours ; ce roi est bientôt forcé d'abandon-
ner la Sicile , 3 1 a , b ; Hiéron est nommé
roi par les Syracusains, 32 a; dans la deuxiè-
me guerre punique^ embrasse le parti des
Carthaginois; est prise par Marcellus, 89 a.
T.
Tage : près de ce fleuve , Annibal défait
les OlcadeSy les Vaccéens et les Carpétans
réunis, 81 a.
Talent. Son estimation.
Taureau de Phalaris, transporté à Car-
thage, est rendu aux Agrigeutins par Scipion
Émilien, 9 b.
Tauromenium, prise par les Romains,
34 b.
Terraciniens , nommés dans le premier
traité entre les Romains et les Carthaginois,
6 ««
î
5;
Tertullien, nature de son génie, 1 54 a.
Thermes, fondée par les Carthaginois,
8 a.
Timéc. Son évaluation de l'armée débar-
quée en Sicile par Anuibal, fils de Giscon,
7 b ; it. pour le siège d'Agrigenle par An-
nibal et Imilcon, fils d'Hannon, 8 b.
Timoléon, envoyé par les Corinthiens au
secours de Syracuse, défait Icétas, entre
dans Syracuse, reçoit de Denys le Jeune la
citadelle et toutes les troupes qui s'y trou-
vaient ; Magon II, effrayé, retourne à Car-
thage qui envoie de nouveau une armée
nombreuse; Timoléon, favorisé par un
orage, la défait entièrement; il accorde la
paix aux Carthaginois, i5 b, 17 b.
Tite-Live rapporte la mission à Carthage
de Magon, frère d'Annibal, 84 a, 85 b;
énonce les conditions du traité fait entre
Annibal et Philippe, roi de Macédoine, 87
b (voy. la note) ; rapporte, d'après certains
historiens, qu' Amilcar, vaincu dans la Gau-
le , fut pris et mené à Rome , où il parut
dans un triomphe, 97 b (voy. la note).
; Tyr. Carthage en est une colonie, i a ;
chaque année elle y envoyait la dîme de
tous ses revenus, 23 a.
U.
Utique, sa position, i a; fondée avant
Carthage, 2 a ; mentionnée comme alliée de
Carthage dans le second traité entre les
Carthaginois et les Remains, i5 a, i32 a;
est prise par Agathocle, 27 b; est assiégée
par les mercenaires dans la guerre de Libye,
68 b; prend tout à coup parti pour eux,
74 b; soumise enfin par Hamilcar et Han
non, 77 b.
V.
Yaccéens, peuples d'Espagne, vaincus par
Annibal , 8 1 a.
Vénus Érycine avait, sur le mont Éryx,
le plus beau de tous les temples de la Si-
cile, 59 a; il tombe au pouvoir du consul
Junius, ibid.
Victimes humaines immolées à Carthage
dans un temps de peste, 4 a; immolées,
suivant Hérodote, par Amilcar sur un bû-
cher dans lequel il se précipite lui-même,
6 b; immolées à Saturne et à Neptune pour
obtenir la fin dé la peste lors du siège d'A-
grigente, 8 b ; immolées en très-grand nom-
bre à Saturne par les Carthaginois, après
leurs revers dans la guerre contre Agatho-
cle, 23 b ; immolent aussi aux dieux l'éhte
de leurs prisonniers, 29 a; combien de
siècles durèrent ces' immolations, 139 b.
Digitized by
Google
170
1 40 a ;^ dans quel lieu dles se faisaient,
i43 b.
Virgile. Quelques critiques ont cru pou-
voir justifier son anachronisme, a a ; attri-
bue à Didon la construction du théâtre de
Carthage, 147 b.
X.
Xanthippe, de Lacédémone, un des offi-
ciers amenés dé la Grèce avec une levée de
mercenaires, par les Carthaginois; ils le
mettent à la tête de leur armée; il remporte
sur Régulus une victoire complète et se
retire dans sa patrie : discussion sur ce
qu'Af^ien et Zonare rapportent sur sa
mort, 45 b, 47 b.
TABLE DES MATIÈRES, etc
Xénophon. Son évaluation de Tannée
débarquée en Sicile par Annibal, fils de
Giscon^ 7 b.
Xercès fait alliance avec les Carthagi-
nois, dans quelles vues, 5 b, 6 a.
Z.
Zarzas, Africain, un des chefs des merce?
naires dans la guerre d% Libye, 75 b, 76 b.
Zbuare. Son opinion sur la mort de Xan*
thippe, 47 a; est cité sur la victoire rem-
portée par les Romains près de Clypéa ,
que cependant ils évacuèrent, 47 b, 4^ a.
Zorus, un des fondateurs de Carlhage,
d*après plusieurs auteurs anciens, i b.
AVIS POUB LE PLACEMENT DES 6BAVUBE8.
Numéros. Pages.
> K. Plan de Carthage et de la Péninsule
(«lo) «4«-i49
' a. Csrtbage punique et romaine ibid.
" 3. Pays compris entre Carthageel Zungliar.ibid.
• 4* Ruines de Carthage ibid.
. 5. Alphabet. Lettres hébraïque», puniques,
françaises , i4o
' 6. Tombeaux puniques. ................ i43
» 7. Médailles z36-i37
. I. MédaUles ;..ibid.
MumétM. P*g«.
• 9. Colonne rostrale âerée 4 Rome en
l'honneur de Duilius *. . • . 39 e.
* 10. Annibal » 79
* II. Scipîou I rt ^
' is. Médailles représaotant des Taisseaux an-
ciens &4-d5, i37
• z3. Temple d'Ugga US
' z4. Ruines d'un aqueduc antique i48
' tS^ Thermes de Kawan. ibid.
Digitized by
Google
Digitized by VjOOQIC
Digitized by VjOOQIC
CARTHAGE
PUNIQUE ET ROMAINE.
3O0 4-^ $•*
Digitized by
Google
Digitized by
Google
L'UNIVERS,
00
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MŒURS, INDUSTRIE, œUTUMES, etc.
L'AFRIQUE CHRÉTIENNE,
Par m. JEAN YANOSRI, *
XGKéai DE l'université , PROFESSEUR D*HI8T0IRB AB COLtéCE STANISLAS , etC.
AVANT- propos; PBBMIEBS SUCCES
DU CHRISTIANISME EN AFRIQUE ; ÉTA-
BLISSEMENT DBS ÉVBCHÉS ; PBEMIEBS
conciles; AGRIPPINUS ET OPTAT,
BVÊQUBS DE CABTHAGE. — En nulle
contrée de l'ancien monde le christia-
nisme n'a été plus florissant qu'en Afri-
que. Sur la vaste étendue de côtes que
baigne la Méditerranée, depuis les li-
mites les plus orientales de la régence
de Tripoli jusqu*à Tanser, s'élevaient
jadis dans les villes, à la place occu-
pée aujourdliui par les mosquées , et
là même où Ton ne rencontre plus que
le désert , d'innombrables églises. Sur
cette terre où , pendant mille ans et
plus , Mahomet a régné sans partage ,
on ne trouvait, du quatrième siècle au
sixième , que des chrétiens.
L'islamisme, il est vrai, a changé l'as-
pect de l'Afrique. Il a fait disparaître de
ta Tripolitaine, de la Byzacène , de la
province carthajB;iooise, de la Numidie
et des trois Mauritanies jusqu'au dernier
vestige de la civilisation romaine et du
christianisme. Cependant il n'a pu effa-
cer tous les souvenirs qui se rattachent
à l'ancien état social et religieux de
ces contrées. L'Église d'Afrique avait
J^é avant l'invasion arabe, à l'Asie et
à rEorope, des documents sans nombre
AFB. CHBKT.
qui attestaient l'héroïsme de ses martyrs,
la multitude de ses membres , la vio-
lence de ses schismes, et la science de
ses docteurs.
Cest l'histoire de cette illustre Église
que nous voulons raconter Pour arri-
ver à notre but il suffira donc de consul-
ter tous les titres, anciens et vénérables,
qu'elle nous a transmis; de mettre en
œuvre, en un mot, les matériaux qu'elle-
même , au temps de sa puissance et
de sa grandeur, avait pris soin de ras-
sembler (1).
( I ) Nous avoDs donc beaaconp emprunté aux
anci<*nnps légendes, aux canons des conciles et
aux livres de^ Pères. Toutefois , nous devon«$
dire que souvent aussi nous avons eu recours
aux ouvrages modernes et que nous y avons
pris ( comme le témoignent nos citations ) des
opinions , des vues et de savantes explications.
Parmi ces ouvrages , il en est un dont nou»
parlerons ici en quelques mots.
V Afrique chrétienne de Morcelli ( SUphnni
AnÉanii Morcellh e S. J., f>rapositi ecclcsiœ
clarensis^ Africa CtirisUana , in tret partes tri-
bufa. Brixi<ty 18 1«; io-4*} est ua chef-d'œuvre
d'érudition. L'auteur dans ses trois volumes
n'a omis aucun des faits qui se rapportent à
l'histoire du clu'isUanisme en Afrique. Mais
d'un autre côté, il n'y a pas une idée générale
dans cette prodigieuse compilation. Morcelli
semble se défier de sa raison. En général , it
s'abstient d'apprécier et de Juger les hommes
et les événements. Il laisse à d'autres le soin de
tirer la coaclosion des faits qu'il a si soigneu-
sement enregistrés. SI MorcelU a voulu prou-
1
Digitized by VjOOQIC
i.mivî^Rst
A quelle époque et par quels mi>
sîonnaires le christianisme fut-il in-
troduit en Afrique? On Ti^çuore. Sans
doute, dès la tiu du premier siècle,
quelques disciples dçs apôtres vinrent
a'Asieou d'Europe, sur (|bs vaisseaux
marchands, pour apporter l'Évangile
dans les populeuses et riches cités du
littoral africain. Carthage dut éti*e le
point de départ de la prédication, il
est vraisemblable que cç fut aussi dans
la capitale de ^Afrique que fut élevé le
premier siège épiscopal. La doctrine
nouAKelle sa répandit aveo sa(>idité daiift*
l'intérieur des terres. Là , comme ail-
leurs, elle gagna ^ ainsi que l'attestent
d*anciens documents, tes actes des
martyrs par exemple , des hommes de^
toutes les classes, depuis les esclaves
jusqu'à ceux qui occupaient le premier
rang dans la société romaine.
Saint Cyprien nous apprend que dès
la fin du second siècle il y avait dans
la Proconsulaire et dans la Nuinidie
un grand nombre d'évèchés (1). Agrip-
pinus, le premier évéque connu èe
Cartilage, convoqua à cett€ époque un
concile où il lit statuer- que les héréti-
ques qui voudraient rentrer dans le
sein de l'Église, siéraient soumis à un
second baptême. L'opinion qui fut
émise dans ce concile, et qu'approuva
plus tard saint Cyprien, a été con-
damnée par r Église.
Optât, après la mort d'Agrippinus ,
occupa le siège épisco|^l de Carthage.
PROPAGATION D£S IDÉES CHRS^
TIENWFS; LA PERSÉCUTION EN AFRI-
QUE; LES BIARTVRS SCILLITAINS. —
Les idées chrétiennes §e répandirent
avec rapidité dans toute l'Afrique. La
doctrine nouvelle obtint danâ cette
province un tçl succès que bientôt 1q
gouvernement impérial en conçut de
vives alarmes. Septime Sévère ordonna
au prqconsul Vigellius Saturnin de
faire d'activés recheri-hes et de punir
par le dernier supplice ceux qui refu^
ver, non qu'il savait penser, mais seulement
qu*il savait lire et compiler, il a complètement
réussi. Il a montré flaii.s son travail (et c^est
là hans doute la seule louirige qu'il ait recher-
chée ) une patience aiiniiraltle. Kn résumé, pour
les dates el IVxaetilude drs faits, Morcelli est
un gtiide três-bùr que nous n*avons Jamais
abandonné.
(ï) Cypriani epist. 71 nd Quint. ^Y. aussi
Morcelli ( A/rica cUnstiana /, 1. 1 , p. 30,
seraient de jur^ jar le génie des em-
pereurs et de sacrifier aux dieux.
Bientôt douze chrétiens de la ville de
Scilla (1) furent saisis et amenés à
Cartilage ,- Rêvant le tribunal ^ rofon-
sulaise. Saturnin leur promit 1(| pardon
des empereurs slls voulaient renoncer
aux croyances qu'ils avaient embras-
sées. IH^is tou$'4'ui^^ ^^^^ unanime
s'écrièrent : Nous sommes chrétiens et
nous voulons restçf chrétiens, ^rat
était le plus ardent des accusés; fl sti-
mulait le courage des autres par sa
ferraatéetki véhemeneedeses répormof.
Enfin le proconsul cessa de promettre
et menaça. L^ chrétiens restèrent in-
ébeanlables. Alors Saturnin prononça
contre Spérat, Narzal, Ottin, Vetu-
rius , FeUx , Acyllin , Letantius, et cinq
femmes, Januâria, Generosa, Vestina,
Donata et Seconda, une sentence de
condamnation. Ces premiers martyrs
de rf:glise d'Afrique se rendirent au
lieu du supplice sans proférer une plainte
et sans rien perdre de leur résolution.
Ils eurent la tête Granchée. Cette san-
glante exécution, loin de ralentir le zèle
des chrétiens, ne fit gue l'enflammer.
Le nom des douze victimes était répété,
dans leurs réunions secrètes, avec vé-
nération ; plusieurs, parmi les païens,
se laissèrent gagner aux doctrines qui
inspiraient tant de dévouçtpent et d'hé-
roïsme, et ceux-là mêmes qui ne re-
noncèrent point aux^croyances et à la
pratique de Fancîenne religion ne pur
rent s'empêcher d'admirer les martyrs
si fameux dans l'Église squs le noii|
de martyrs scUlitairis,
ENTHOUSIASME DES CHBÉTÎENS ,
L'A.P0L0GÉT1QUE de TEBTULLIEN. —
La mort de Sperat et de ses compagnons
,et toutes les rigueurs de la persécution
n'avaient donc point abattu leschrétiens.
Loin de là , elles avaient excité parmi
eux un redoublement d'énergie et d'ar-
deur qui allait jusqu'à renthousiasme.
« Tel fut le progrès de cet enthousiasme
3ue là , comme ailleurs , la cruauté
es gouverneurs romains fut vaincue
par la foule des victimes. Toute la pro-
vince d'Afrique se remplit d'églises ,
d'évêchés. Le nombre, ta richesse des^
chrétiens s'accroissaient dans les épo-^
(I) Cette villf éUits|[tuéf d^iui U Pipi^mb.
liUrt.
Digitized by VjOOQIC
APRTÛÏÏE CHBltTIENNE.
M
s'eialtai^nt ém^ l^$ joiira de persét-
«ution, ftt (^tjB a)r3rnatir» £Ei)rari«9il
veau (1). ■'»
ï^ BHf^uUm «lîvft son iwjurs.
Tdu« l^ «br^ier^i qiM furent «iHAr
nés d^mn Ittfi n^ftr^ imitér^^i
y^mm\9 d^ SpilUkùna, leurs iUufr
\feii d«vj^#r#î ils n^ndaii^ aviNi
résignés. GepÇiKJdf?!;* i la vine/^iajig
?^rsé, il f «ttl des vm %m ^'kW^ifiJ^
p^ur demaodi»r e^mialUt mf^ }mnTfmk%
i^ leurs iniitiliy^ bxnnn, « ûu« &r«Ni^
Yii^us, 4i$aU up «biP^tûsi» d'Afrique,
4^ £66 rnilljiers d'^onam^ , A» C^mfn«•
d« tput ége, da l^ut rang, ^i «résenv
t^^t l^urs lM*as à vos (tiialoasP if^ m\y^
bien 4^ feu», d<e «pmbi^ d« glaivM
D^aurezrvous pas b^soiji? Péiiiinar^g?
yjous (Garth»g^? ;? I^ plus éiKM[u«at ia?
tftrprètje d^ TÉgM^ f^ersécutii fui
alprs \m bomnm fmf^^m% de Caitv
tbage, TertulU^fi, iqui, après uii^ vin
agitée, ayait adopté lies uroyan^e^s d^
chrisdanisina al était enicé« suiyani
d'ao^iaostém^igniogies, dans lies ordraa
sacrés. Il écrivji , pour la défense da
sas frères , uo liyra oélèbre , ïjépologée
tique. Dans les ^g^ véhéinantes da
ae plaidoyer ïï n'iiiiplora point hum*
bteinent pour les lèréliena la pitié das
bourreaux. t< La vraie xloctrin« , dit-il,
06 demanda point de grâse, par^d
qu'elle n'est ppint étonnée da ^n sort.
tM sait qu^eile est i^^ivelie et étrangère
en &t monde et o^% parmi das étran-
gers on trouve aisément des enpeaus.
Son origine, sa demeure, son espérance,
sa puissance , sa gloire , tout ^l dans*
le 4nei. Pour le présent elle ne veut
aucune chose, c'est qu'on ne la eon?
anuie pas avant de la connaître. Lm
lois humaines, seront-elles affaiblies d
vous l'écoutez? j> il y a au contraire^
dan$ las paroles de TertulUen, eetis au*
daee et nous dirions peesqu^ cet or?
eieil que ressentent les partirons d'une
doctrine qui fait diaque jour de Hou»
veaux progrès e| qui prévoient, pour
(l)M. VfllemiJQ; de réloqu,enpe chrétiefinc
dan* le quatrième siècle; vpy. L^ ISouvegux
itéiangff^ p. 454.
Ijeyrs idées , un prodiatn trioniplie. VJ*
fiiologétigue disculpe, il est vrai, les
lîhrétiens ; elle montre la fausseté des
accusations portées ^^ontre eux; eUe
réduit è néant les ealomnies que les
partisans habiles du polythéisme répaa-
deient à dessein parmi le peuple ; mais
la but de Fauteur est moins de proi|.
ver rinn4M{enee des chrétiens que d'inf-
pmm eaux auxquels il s'adresse; en un
mot, ïdpolQçéiiqm 9siinmH& urni jus-
tification qu'une prédieatiiMi. C'est aussi,
^contre l'ancienne religion, une violent
satire. En expliquant \ê ehristianisnae
Tertullien Foppose néioessairement mx
p(^ythéisme, qu'il attaque avec m^ Xt^-
Qm pressante et en s'aidant plus d'une.
î^% dans la discussion de mordant^
at anières railleries. Çà et là on reqconr
tre , dans son oçuvre , è c^té de ïe^t^r
gération et de Temphase africaines , di^
Iraits d'une hante éloquence. Â c^ux q^é
s'étonnaient des réclamations des chrér
tians et q^i disaiei^ : ûie quoi voue
plaignez'vous , puisque vous voulas
souffrir? il répond : 4 Vous aimons
les souffrapces £on^iie on ai^e la
guerre ; on ne s'y engage pas vo1oim>
tiers à cause àe^ alarmes et à^ périla$
mais on y combat de toutes ses forces
et on sa réjouit de la victoire. Motre
combat consiste À être traînés devant
les tribunaux pour y déf^ndre la vé»
rite aux dépens de notre vie. Voue
avez beau nous montrer, comma chose
infamante, {^& pieux auxquels i^oua
nous attachez , le ^anneol; sur lequd
vous nous brûlez. Ce sont là nos rot
bes de liêtee , nos diars de triomphe ,
les éclatant^ téipoignagas de notre
victoire, lous sommes, dites-jrous,
das ûirieux at des foue à pause de
ce mépris xie la mort qui a pourtant
rendu a jamais illustres Scévola , Ré-
culus, £mpéd9cle, Anaxarqua et tant
d'autres ; ah quoi ! faut-il donc souffrir
toutes sortes de maux pour la patrie,
pour l'empire, pour l'ainitié, et riea
pour Dieu? ^ Ailleurs on trouve le
passage tant de lois cité : « B^isqua »
iifm!^^ BOUS Fevoas dk, M nous esl
ordonné d'ainer nos ^nemis, qui
pourrions-nous haïr? De méum^ k'û
nous est défendu de nous venger die
ceux qui nous offensent pour ne pas leur
ressembler, qui pourrions-nous offenaacf
U
Digitized by VjOOQIC
>4
L'UNIVERS-
Vous-mêmes, Je voas en fais juges,
combien de fois vous êtes- vous déchaînés
contre les chrétiens, autant pour sa-
tisfaire à vos préventions que pour
obéir à vos lois! Combien de fois, sans
même attendre vos ordres , la populace,
de son seul mouvement, ne nous a-t-elle
pas poursuivis , les pierres ou les tor-
ches à la main! Dans les fureurs des
bacdianales , on n'épargne pas même
les chrétiens morts , détigui^s , demi-
consumés; on les arrache, pour dis-
perser leurs restes, de fasile de la mort,
ou repos des sépulcres Cependant nous
a^t-on jamais vus chercher à nous ven-
Çer , nous que Ton pousse avec tant dV
cbarnement, nous que Ton n*épargne
pas même dans la mort ? Pourtant , *
il nous suffirait d'une seule nuit et
de quelques torches, s'il nous était
permis de repousser le mal par le
mal, pour tirer des maux dont on
^ous accable , une terrible vengeance.
Mais loin de nous Tidée qu'on puisse
venger une société divine par le feu
humain, ou que cette société puisse
s'affliger des épreuves qui la font
connaître ! Que si , au lieu d'agir sour-
dement » nous en venions à dés repré-
sailles ouvertes, manquerions-nous de
forces et de troupes? Les Maures, les
Marcomans , les Partlies même , quel-
que nation que ce soit renfermée dans
ses frontières, est-elle plus nombreuse
que nous , c'e^t-à-dire qu'une nation
qui n'a d*autres limites une Tunivers ?
Nous ne sommes que d'hier, et nous
remplissons tout ce qui est à vous,
vos villes, vos places fortifiées, vos
colonies, vos bourgades, vos assem-
blées, vos camps, vos tribus, vos
décuries , ie palais , le sénat , le forum ;
nous ne vous laissons que vos tem-
ples ! » Ce livre, si plein de raison , de
chaleur et d'éloquence , dut avoir un
immense retentissement. Il gagna, on
peut le croire, bien des âmes à la
nouvelle religion et, d'autre part, il
rafiermit ceux que la persécution avait
ébranlés. Plus d'un chrétien, sans
doute, en lisant l'œuvre de Tertullien,
dut répéter, dans un élan d'irrésistible
enthousiasme, quelques-uns des mots
qui terminent Vyipologétique : « Cou-
rage, magistrats! puisque le peuple
yous trouve meilleurs quand vous lui
immolez des chrétiens, CAndamnèa?»
nous, tourmentez-nous , déchirez-nous
écrasez- nous I Notre san^ est une se-
meuse féconde. Nous multiplions quand
vous nous moissonnez. »
TEBTULLIEN BT SES ŒUTBES. —
Tertullien avait déjà parlé en faveur
des chrétiens, mais avec moins d'é-
loquence, dans son ouvrage adressé
aux Nations. Dans ce dernier ouvrage,
comme dans V/4pologéti^ue, ses dé-
monstrations sont nécessairement, à
cause du cadre étroit où il se renferme ,
succinctes et tronquées. Il les com-
pléta par son traité du Témoignage de
Tûme, Sa polémique contre le poly-
théisme ne l'absorba pas tout entier;
il fit encore une rude guerre aux juifs
et principalement aux chrétiens qui
s'étaient écartés de la tradition et de
la vraie doctrine. C'est là <}u'ii excelle
par la logique. Les marcionites sont
rudement attaqués par Tertullien Mar-
cion reconnaissait deux essences divines
supérieures à toutes les autres: Tune
active, l'autre inactive; un dieu qui se
manifestait par des actes, un autre
qui restait immobile. Ces deux d:eux
étaient égaux en puissance et coéter-
nels. Il y avait dans le système de Mar-
cion une vague tendance vers la doc-
trine orientale des deux principes du
bien et du mal , en ce sens que , pour
lui , le dieu qui agit est Tauteur du
mal , tandis que le dieu inactif est es-
sentiellement bon. Tertullien ne discuta
point seulement contre Marcion , mais
aussi contre Hermogène, qui ne recon-
naissait, il est vrai, qu'une seule essence
divine, laquelle est le principe du bien ,
mais qui faisait la matière coéternelle
à Dieu et cause première du mal. Puis,
il attaqua Praxéas qui, par une vive
réaction contre la doctrine du dualisme
divin, alla iusqu à nier la Tnnité pour
mieux établir Tunité de son dieu. Ter-
tullien, on le conçoit , défendit la Tri-
nité et conséquemment le dogme de
l'incarnation. Il combattit encore à plu-
sieurs reprises les hérésiarques dans
divers ouvrages et notamment dans son
traité de la Chair du Christ ( de Came
CAri«/i), dans \t Scorpiaque ^ et dans
la discussion générale qui est connue
sous le nom de Prescriptions.
Tertullien s'élève avec une grande
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
violence contre Tancienne philosophie.
Il abhorre les gnostiques et tous ces
savants , parmi les chrétiens , qui , de
son temps déjà, enfantaient sur Dieu
et la création , des svstèmes empreints
de Fesprit grec et de Pesprit oriental.
Cest (fans cette "haine contre la tradi»
tion philosophique y si nous pouvons
nous exprimer ainsi , que se trouve une
grande part de son originalité. A
défaut de la science qu*il repousse et
à laquelle, cependant, i! n'est pas étran-
ger, Tertullien s'appuie sur le bon
sens, et plus souvent encore il appelle à
son aide un auxiliaire plus puissant, à
savoir, la vivacité de sa foi.
Dans les œuvres consacrées exclu-
sivement à la polémique , comme dans
les traités sur le baptême, la péni-
tence, la prière, Tidolâtrie, les spec-
tacles , le pallium , la chasteté , la pa-
tience, etc., on trouve les qualités et
les défauts de V Apologétique : une lo-
gique puissante, une chaleur qui se
manifeste souvent par des traits d'une
sublime éloquence. Ajoutez à cela une
fine raillerie, une grande vivacité et
parfois aussi de la grâce. On rencon-
tre, il est vrai^ dans tous ces livres,
les vices de Fesprit africain , un goût
frononcé pour les images hardies , de
exagération et de Femphase, et çà et
là, de la gène, des obscurités et de
la confusion. iVfais les beautés plus
nombreuses et plus saillantes que les
défauts ont acquis à Tertuilien une
gloire que le temps n'a point encore
affaiblie.
Tertuilien , suivant d*anciens récits,
vécut séparé de FÉglise catholique,
dans la seconde moitié de sa vie, et
partagea l'erreur des montanistes. Ce
changement s*explique par la nature
même de son esprit. Montan, le chef
de la doctrine qu'il avait embrassée,
prétendait déjà de son temps que
les chrétiens vivaient dans un funeste
relâchement; il voulait donc changer
leurs mœurs, les régénérer.- D'autre
part, ilxroyait au don de prophétie.
Tertuilien se laissa entraîner volon-
tiers, par sa foi vive, dans l'erreur
de Montan. Il crut en deux femmes
exaltées, Maximille et Priscille, qui se
disaient animées de Fesprit de Dieu.
Puis, comme son rigorisme avait tou-
jours été croissant, depuis le jour où
il avait engagé le combat contre le po*
lythéisme, et qu'à la vue des périls
qui, de toutes parts ^ menaçaient FÉ-
glise , son indulgence pour les faibles
et les hérésiarques s'était progressive-
ment affaiblie, il approuva sans hésiter
une morale qui n'avait point de par-
don pour les fautes les plus légères.
Ce changement dans ses convictions
lui dicta sur le jeûne, la pénitence,
le martyre , des pages remplies de so-
phismes, et tout empreintes du rigorisme
le plus exagéré. Plus tard, son esprit
indépendant le détacha des montanistes.
Il se fit le chef d'une nouvelle secte
dont les membres s'appelaient, de son
. nom , TertuUianistes, Ils étaient nom-
breux en Afrique. Ce fut saint Augustin
qui les ramena dans le sein de l'Église
catholique. Nous serions porté à croire
que ces chrétiens austères jusqu'à l'ex-
cès favorisèrent au moins, s'ils ne le
provoquèrent pas en partie, le schisme
des donatistes.
Toutefois, malgré les écarts qu'ils
reprochent à Fauteur de V Apologéti-
que , les docteurs les plus illustres du
christianisme lui ont tenu compte des
efforts qu'il avait faits pour préciser et
coordonner leurs dogmes aux yeux des
païens; ils n ont pas oublié, nonobstant
sa chute, gue sa controverse avait été ,
pour ainsi dire , le point de départ de
tous leurs écrits ; à toutes les époques,
ils ont prodigué à cet héroïque lutteur
les louanges et les témoignages de la
plus vive admiration; et parmi eux, il
s'est trouvé un saint, qui, faisant allusion
non point seulementau temps où Tertui-
lien avait vécu, mais encore à son mé-
rite, n'a pas craint de l'appeler le pre-
mier des Pères de l'Église (1).
(I) Voy. sur Tfrîallien et sfs écrits : August
Nf ande r;antigu ostik us Geist des Ter tu ftia n us
vnd Ei il If il vu g in dessen Srhrijten : Berlin,
1825.— M. J." P. Charpentier; Efitde histo-
rique et litlènnre sur TerluHien; FarLs, 1ïÎ39.
— Henri Riller; Histoire de la philosophie
chrétienne, traduite de l'allemand par Trul-
lard; t. I» p. 325 — 37fi; Paris, 1843. Ritler
g'est servi plus d'une fois du livre de Neander.
— Fleury; Histoire ecclésiastique, t. H, p. 5 et
sulv.; ln-4». — Berault-Bercaslel ; Histoire de VÉ^
glise; 1. 1, p. 368 et suiv. — Rohrbaclier; His^
toire universelle de l'Église catholique , t. V,
E. 243 et suiv.; Paris, 1842. — Voy. aussi :
udw. Gieseler; Lehrbuchder Kîrchengeschi-
chte; t I , p. 232 et suiv. ; Bonn , 1831.
Digitized by VjOOQIC
L^inilYER».
Téndllién étail né dan» la dernière
môîlié d(i second siècle; H parvint ^
suivant d'anciens témoigdagesy à wa9
extrérfie vieillesse.
SUITE BB LA PBBsicilTlOIl ; VàË»
TYBB DE rEBPÉTUl!^ BB FBllCltB;
DE fiévOOAlU»^ D* liATiiHlffJl, BB
SÉCtlNBÛLtJS B1 BB SATUB. a* M»^
gré V^pala§iétl^^e de TertïïWim et M
nombreuses réclamations < en fdveiff
des eh^étiens^ qui arrivaient sans doute
de toutes lés provinces, Septime Sévère
et ses juri8ooi1sti)t«s ne eherehèrenl
peint à sé rëndfe cdinpie des dogmes
et des enseignements âe )a religion per«
eécutée. Ce mi'fls royaieht surtout dani
le christiduisHie, e'était une doétrinë
^ul conduisait â ridfraction des lois^
.es chrétiens refusaient avec une obs-
tination invincible de jarer par lé gé-
ilie des empereurs. C'était, aux fëui
de Sévère et de ses légistes ^ an acte de
l'ébellion^ un erinie de lèèe^majestét
Aussi, ils se montrèrent impitoyables^
et ils prescrivirent des rigueurs que de^
tait encore aggi*aver le zèle l'eti||ieux
des Juges qbi étaient restés paftisang
sincères du polythéisme; Mèis^ nous
l'avons dit^ les dirétienè ne se laissé*
fent point effraver ) inébranlables daH»,
leur foi, animés en outre du plus vif
enthousiasme^ ils se présentaient avee
résolution devant, les tribunaux < répon-
daient avec assurance, et he perdaient
rien de leur fermeté au milieu des plue
horribles tortures. Ils se réjouissaieni
en vue do ce qu'ils appelaient leur tridni«
Îhe prochain; parfois ^ ils Se plaisaient
raconter eux-mêmes^ par écrite Ift
longue série de leurs souffrances ^ et»
quand le fer du bourreau arrêtait leur
main, ils confiaient il iln de leurs frèree
le soin de dire aux Églises comment ils
étaient morts, et de terminer ainsi le
îécit qu'ils avalent commencé. Nous
avons déjà t)arlé des Sdillimns. î^oui
flevons raconter mâîhtëhaht ùtt autfô
martyre, qui Commença dans les pri-
éons et àe termina dans l'amphithéâtre
de Cartha.iïP. A'ous reproduirons léi
textuellement ^ dans ses parties les
plus importantes, tm ancien document
qui, si l'on considère les faits gil'il
eontient, les circonstances au milieu
desquelles il a été écrit, et l'admira-
Ble simplicité 4^ s^ forme, doit être
mi^ assurément^ ao nmnbre des phif
belles légendes du ehristianisme (l).
« On arrêta j.à Cartha|[e (202 ou 203} 4
Hévocaius et Félicité^ esclaves du même
maitre ,• Saturnin et Secundulus , et avee
eux Vivîa Perpétuai issue d'une /ami lie
riche et puissante. Elle avait été élevée
avee soin et bien mariée. Elle avait
son père el sa mère^ deux frères ^ l'un
desquels était catéchumène, et un enfant
à la mamelle qu'elle nourrissait de soii
lait. Son âge était d'environ vingt-deu}&
ansi Elle-même a écrit ae sa main et
raconté 1 ainsi qu^il suit f l'histoire dé
son martyre:
« Comme noUs étions eneore avee
les perséeuteur^ 4 et que mon péré con-
tinuait a vouloir me faire tomber par
l'^lffeetion qu'il me portait « Je lui çlis s
Mon père , v^yeié^^vous ce vase qui est
par terre? Qui 4 dit-il. J'ajoutai: Peut-
op lui donner un. autre nom que lof
sien ? Ifon ^ répendit-it. ie ne puis poit
non plusf moi, me dire autre chos»
que je ne suis « c'est-à-dire chrétienrie»
Mou pèrcf touehé de ce motf se jeta
sur moi pour m'arraohei? les ^ yeux |
mais il ne fit que me maltraiter et
s'en alla vaineu avee les inventions dit
démoni Ayant été, quelque;; jours sanè
voir mon ipèrcf j'en rendis» grâces au
l^eigneur ^ et son absence me soulagea.
Ge fût dans l'intervalle de ce peu ds
jours que nous fûmes baptisés; of»
je né songeai, au sortir de Teau, qu'a
demander la patience dans les peines
corporel ieSi Pep de jours après ^ en
nous mit en prison; j'en fus enrayée^
car je n'avais jamais vu de telles ténè-
bres. Ôh! que ce jour me durai quelle
chaleur! on étouffait à cause de la
feule ( puis des soldats nous poussaient
avec brutalité} enfin je séenais d'in**
quiétude pour moâ enfant. Alors les
bénis diacres Tertius et Pompone, qui
nous assistaient, obtinrent* |i prix
d'argent , que pour nous rafraîchir nous
pussions i^asser en un lieu plus, com-
mode de ta prison» Kous sortîmes ; cha-«
cun pensait à soi : je donnais à téter
à mon entant qui mourait te faim«
(I) Vejr. le f^cuH! de Buinart î Atta pf^
mwrum marlyrum tincera et telecta ( Paris ^
1689, in-4o), p g5, fijQug empniutons la tra^s
(hiction de Fteurv, revùeel modifiée qurt«(w»telé
par Tabbé Rohrbacher. Nous avoD$ essayé, 4
neUe lour« de eorriier eelte dernière traduction»
Digitized by VjOOQIC
AFRHitlÈ CHRÉTIENNE.
je fortifiait moa n^ et iui i*ecoïnmart-
ëa\^ m^n fils, tt ^bai^ de doulèut,
fàfèè dtte }% lèë Vî^is eux-mêmes sé-
^àtit m ém\eui pour l'àrtiour de ttioi ;
je passai |)[i>sfeiui*s Jèurs datis (*es iù-
quiéttide». M'étàmt ^(iCàuVaiùée à gartièr
*non feftfaïit dâihs te pi-ison , je me trou-
vai àtissitét fettîtiéé, et là prisoil me dé-
tint irti j&alaîs-, en Sorte que faîmals
ftHèiix y étte ^U'a^iretirè. Mon frère rtie
dît atdrt t Madame et s(teuîr, déjà voiA
êtes en graltfie faveur aupi^s de IXeu ;
^màndét-hil ébhc qnll vous fasse tôfl-
Mîtrô p^ quelque vision si Vods
devez finir par le martyre ou par étft
ïëfidùéàlàliMttfr. i
Perpétue, en efifel, éul Mè VIsîôh
^ndant isôïi sômftieil. Elle (*omprii
qu'elle était dèStiAéfe au ttiat^yrè. Elle
re dit à son firêf^;et tmii deux , suivant
Texpi'essièil de là !saintè, èotnméncê-
rènt à n'àvôit JIttS aiiènriè éspéiranc*
dans le sîèèîe. Pei-pétlie frept'end le té-
cit en ces teftttés 1 1< Peu de jours après ,
le bruit fee fépandît ^ué nouS devioft*
être interrogés. Moft pèfe vint de là
ville, cdnsmné de tristesse; il nfiontà
vers moi (1) poui* me faire tomber dan^
Fapostasîe, disant : Ma fille, àvTZ |)itiê
de meè cheveux blancs! ayei pitié de
vôtre pèfê, si du moins je suis digne
que vous m^ôppeliez Votre père! Si moU
même, de mes mains que voilà, je voufe
ai élevée jusqu'à cette fleur de Tâgè ; st
je vous ai préfetée à tôufe vos frèrel,
ne me rehdei^ pas Topprobre des honU
mes. Regarde^ vos frères, Ireg&rdei votre
mère et votre tâhtè^, regardez votre fila
qui ne pourra Vivre après vous. Quittez
celte fierté, de peur de nous perdre
tous', car àu'cuft dé &ôU$ n^osera plu6
parler, s'il vous arrive quelque malheur.
Ainsi me parlait mon père dans sa ten-
dresse, me baisant les mâtns, se jetant
h mes pieds et m'appelant avec larmes
Aon plué sa fille, mais ta dame. Et
moi , je pleurais sur les cheveux blanéà
de mon père, iè gémissais de èe que, seul
de toute ma ifainille, U he se réjouissait
pas de mon martyre; et jVsSayais de le
(1) ka temps de la domination romaine, les
1>risons de CfarUiage étaient situées sous le pa-
aift proconsulaire, é( le palais lui-même se
trouvait sur la ooHine où s'élevait Jadis la ci-
Udelle de Byrsa Voy dans ce volume la to/Mh-
yrapJtie de larlhage.
fortifier, en disant : Sur PéchàfaUd , U
arrivera ce qu'il plaira à Dieu; carsJH
fehe'z bien que nous sommes en la puià-
sairce de bièu , hôn pas en la nôtre. Et
îl s'en alla tout triste. Le lendemain,
eômme nous dhiions, on vint tout d'un
coup nous enlever pour être interrogés ,
et nous arrivâmes à la place. Le bruit
fe'eû répandit aussitôt dans les quartiers
Voisins, et Ton vit accoUriï' une foulé
immense*. Nous montâmes Sur Técha-
faud. M'es èômpagnons furent interrogés
et confessèrent. Quand mon tour vint,
Wiott père ke présenta tout à coup avec
ïnôn fils ; il me fit descendre les degrés^
iet mè dît d'une voix sUpphante : Ayei
pitié dé Vott*e ehfantî Le procurateut
HilàriêU , qui remplaçait alorè M inuciuh
llminien , qui Venait de mourir, mè
disait de )5ôn côté : Epargnez les che-
veuJc blancs dfe Votre père! Épargnez
l*ehfàhce de Votre fils ! Sacrifiez pour
la prospérité des empereurs! Je n'en
fèt*âl ri^n, répondi's-je. Êtes- Vous chré-
tienne ? me dit-îi. Et Je lui répondis :
3è Suis chrétienne. Cependant, mon
père sfe tenait toujours la pour me faire
tomber. Hilarien commanda de le clias-
sèr ; et il fût frappé d'un coup de bâ-
ton. Je ressentis le coup de Uion père
comme S' j*eusse été frappée moi-même,
tant je compaliSsais à son infortunée
vieillesse! liilàrien prononça la sentence,
et nous Condamna tous auX bétes. Et
bous descendîmes joyeux à la prison.
Comme mon enfant était accoutumé à
tecevoîr de moi le sein et à demeuret
liVèé moi dans là prison , j'envoyai aus-
isitôt lé Jiacre Pompone pour le deman-
der à mon père; mais mon père ne
voulut pas le donner. Et il plut à Dieu
mie l'enfant ne demanda plus à téter,
et que je ne fusse pas incommodée de
mon lait; de sorte que je restai sanft
inquiétude et sans souftrànce. »
La sainte , après avoir faConté une
Seconde vision, ajoute : « L'inspecteur
Tudens, qui était gardien de la prison,
Conçut une grande estime pour nous,
parce qu'il Voyait sans doute que notre
Courage venait de Dieu. Il laissait donc
entrer beaucoup de frères , afin que nous
pussions nous consoler et nous encou-
rager mutuellement. Quand le jour du
spectacle approcha , mon père vint me
trouver. Il était accablé de tristesse;
Digitized by VjOOQIC
L*UMVERS.
ii commença à 8*arracher la barbe;
puis il se jeta à terre, et la face tournée
vers le sol, il se mit à maudire ses an-
nées et à se plaindre en des termes qui
eussent ému la créature la plus insensi-
ble. Et moi, je gémissais sur sa malheu-
reuse vieillesse.
« La veille de notre combat, j*eus cette
vision : le diacre Pompone était venu
à la porte de la prison , et frappait bien
fort; je sortis et lui ouvris. Il 'était vêtu
d'une robe blanche, bordée d'une infinité
de petites grenades d'or. Il me dit : Per-
pétue, nous vous attendons ; venez. 11 me
prit par la main, et nous commençâmes
a marcher par des lieux rudes et tor-
tueux. Enfin nous arrivâmes à Tamphi-
théâtre à grand'peine et tout hors
d'haleine. Il me conduisit au milieu de
l'arèno et me dit : Ne craignez point ,
je suis ici avec vous et je prends part à
vos travaux. Il se retira, et j'aperçus
un grand peuple qui regardait ébahi.
Comme je savais que j étais destinée
aux bêtes , je m'étonnais , car ou ne
les lâchait point. Il sortit alors contre
moi un Égyptien fort laid gui vint me
combattre avec ses auxiliaires. Mais il
vint aussi vers moi des jeunes hommes
bien faits, pour me secourir. Je fus
dépouillée de mes vêtements, et me
trouvai changée en homme ; on me frotta
d'huile pour le combat, et je vis de Tau-
tre côté l'Égyptien se rouler dans la
poussière. Alors parut un homme mer-
veilleusement grand , en sorte au^il était
plus haut que l'amphithéâtre . vêtu d'une
tunique sans ceinture avec deux bandes
de pourpre par devant et semée de petits
ronds d or et d'argent. 11 tenait une ba-
guette , comme les maîtres des gladia-
teurs , et un rameau vert où se trou-
vaient suspendues des pommes d'or.
Ayant commandé le silence, il dit: Si
l'Egyptien remporte la victoire sur la
femme, il la tuera par le glaive; mais
si elle vient à le vamcre , elle aura ce
rameau; et il se retira. Nous nous ap-
prochâmes, et nous commençâmes à
nous donner des coups de poing. Il
voulait me prendre par les pieds, mais
je lui en donnais des coups dans le vi-
sage. Je fus élevée en l'air et commençai
aie battre comme si j'eusse frappé la
terre. Voyant que cela durait trop,
je joignis me3 deux maius, passant
mes doigts les uns dans les autres, et ,
le pressant, je le fis choir, et avec mes
pieds je foulai sa tête Le peuple se
mit à crier, et mes auxiliaires a clianter.
Je m'approchaidu maître, qui me donna
le rameau avec un baiser, en disant :
La paix soit avec vous, ma fille. Je
commençai à marcher avec gloire vers
la porte l^na-Vi varia de l'amphithéâtre.
Je m'éveillai ; et je compris que je ne
combattrais pas contre les bêtes, mais
contre le démon; et je me tins assurée
de la victoire. Voilà ce que j'ai fait et
vu jusqu'à la veille du spectacle; qu'un
autre écrive , s'il veut , ce qui s'y pas-
sera. »
Ici , en effet, la narration de la sainte
est interrompue ; mais , comme Perpé-
tue l'avait désiré , il se trouva un chré-
tien qui raconta les derniers instants
des martyrs. Il les visita dans la prison
et ne les quitta , comme on le voit par
le document que nous avons sous les
yeux, qu'au moment où ils cessèrent
de vivre. Ce fut lui sans doute qui
plaça , entre les derniers mots tracés par
Perpétue et son propre récit, une vision
écrite par un chrétien condamné au
dernier supplice. Ce chrétien s^appelait
Satur. Il était venu se livrer aux magis-
trats , et on l'avait joint, dans l'arrêt de
mort, aux martyrs que nous avons
déjà nommés. Après avoir transcrit la
vision de Satur , le nouveau narrateur
s'exprime en ces termes ; « Secundulus
mourut dans la prison. Félicité était
enceinte de huit mois, et, voyant le
jour du spectacle si proche, elle était
fort afQîgée, craignant que son martyre
ne fût différé, parce qu*il n'était pas
permis d'exécuter les lemmes encein*-
tes. Elle craignait de répandre ensuite
son sang innocent avec quelques scélé-
rats. Les compagnons die son martyre
étaient sensiblement affligés, de leur
côté, de la laisser seule, elle, une si bonne
compagne, dans le chemin de leur com-
mune espérance. Ils se mirent donc tous
ensemble à gémir et à prier. Cela se
passait trois jours avant le spectacle.
Aussitôt après leur prière, les douleurs
prirent Félicité, et comme, l'accouche-
ment étant naturellement plus difficile
dans le huitième mois, elle se plaignait,
un des guichetiers lui dit : Tu te plains
maintenant! Eh! que feras-tu donc quand
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
tu seras exposée à ces bétes que tu as
méprisées , lorsaue tu refusas de sacri-
fier? Elle répondit : Cest moi qui souf-
fre maintenant ce que je souffre; mais
là, il y en aura un autre en moi qui
souffrira pour moi , parce que je souf-
frirai pour lui. Elle accoucha d*une
petite (ilie, qu'une sœur éleva comme
son enfant
« Comme le tribun traitait les mar-
tyrs très -rudement, parce oue, sur
lavis de gens sottement crédules, il
craignait qu'ils ne se tirassent de la pri-
son par quelque sortilège. Perpétue lui
dit en face : Pourquoi ne nous donnes-
tu pas du soulagement , puisque nous
sommes les condamnés du très- noble
César, et que nous devons combattre à
sa fête? N'est-il pas de ton honneur que
nous y paraissions en bon état? Le tri-
bun eut peur et rougit : il commanda
donc qu'on les traitât plus humaine-
ment; qu'on accordât aux frères et aux
autres la liberté d'entrer dans la prison,
afin que des deux parts on pût s'apporter
des soulagements. Le surveillant de la
prison était déjà croyant. La veille des
jeux , on leur donna , suivant la cou-
tume , le dernier repas , que Ton appe-
lait le repas librp, et qui se faisait en
public ; mais les martyrs le convertirent
en une agape modeste, autant qu'il
était en eux. Us parlaient au peuple
avec leur fermeté ordinaire, le menaçant
du jugement de Dieu, attestant les dé-
lices qui se trouvaient dans leurs souf-
frances, et raillant la maligne curiosité
de ceux qui accouraient auprès d'eux,
Satur leur disait : Le jour de demain ne
vous suffit pas pour voir à votre aise
ceux que vous haïssez. Aujourd'hui
amis, demain ennemis. Après tout, re-
marquez bien nos visages, afin de nous
reconnaître au jour solennel. En sorte
que tous se retirèrent interdits. Plu-
sieurs , dans cette foule , adoptèrent les
nouvelles croyances.
it Enfin parut le jour de leur victoire.
Ils sortirent de la prison pour l'amphi-
théâtre, comme pour le ciel : leurs vi-
sages était rayonnants; ils étaient émus,
non de crainte, mais de joie. Perpétue
suivait , calme dans ses traits et dans
sa démarche, comme l'épouse chérie
du Christ; elle tenait les yeux baissés,
pour en dérober la vivacité. Félicité se
réjouissait de s'être assez bien relevée
de sa couche pour combattre les bétes
et se purifier ainsi , comme par un se-
cond baptême, dans son propre sang.
Lorsqu'ils furent arrivés a la porte de
l'amphithéâtre, on voulut forcer les
hommes à revêtir le costume des prê-
tres de' Saturne , et les femmes celui
des prêtresses de Cérès . Ils s'y refusèrent
avec une fermeté invincible, disant :
Nous ne sommes venus ici volontaire-
ment que pour conserver notre liberté ;
nous avons sacrifié notre vie pour ne
rien faire de semblable ; cela a été ar-
rêté entre vous et nous. L'injustice re-
connut la ju^ice;'le tribun consentit à
ce qu'ils entrassent avec les vêtements
Î|u'ils portaient. Perpétue chantait,
oulant déjà aux pieds la tête de l'Égyp-
tien. Révocatus, Saturnin et Satur sem-
blaient dédaigner le peuple oui rç^ar-
dait. Étant arrivés à la vue d Hilarien,
ils lui disaient par signe de la main et
de la tête : Tu nous juges , mais Dieu
te jugera. Le peuple eu fut irrité, et de-
manda ou'ils fussent fouettés en passant
devant les veneurs. Les martyrs se ré-
jouirent de participer en quelque chose
a la passion du Seigneur Celui qui a
dit : Demandez et vous recevrez, leur
accorda la mort que chacun d'eux avait
souhaitée; car lorsqu'ils s'entretenaient
ensemble du martyre. Saturnin avait
manifesté le désir d'être exposé à toutes
sortes de bêtes, afin de remporter une
couronne plus glorieuse. Ainsi , dans le
spectacle , lui et Révocatus, après avoir
été attaaués par un léopard , furent en-
core maltraités par un ours. Satur ne
craignait rien tant que l'ours, et souhai-
tait qu'un léopard le tuât d'un seul coup
de dent. 11 fut d'abord exposé à un san-
glier; mais le veneur qui avait lâché la
bête, en reçut un coup dont il mourut
après les fêtes. Satur fut seulement
traîné. Puis on lâcha un ours; mais
l'ours ne sortit point de sa loge. Ainsi
Satur, étant sain et entier, fut rappelé
pour la seconde fois. Les jeunes lem-
mes furent dépouillées et mises dans des
filets pour être exposées à une vache
furieuse. Le peuple en eut horreur,
voyant l'une si délicate et l'autre en-
core malade de sa couche avec des ma-
melles dégouttantes.de lait. On les retira
donc et on les couvrit d'habits flottants.
Exposée la première, Perpétue fut jetée
en l'air et retomba sur les reins. EUe se
Digitized by VjOOQIC
(40
L'innvER8«
mit sur ion sééhit^ et rovant sa robe éê'
ehirée sur le cdté^ elle la rejoi<i;nit pour
cacher ses cuisses ^ plus occupée de la
pudeur que de la douleur. On la reprit^
et elle renoua ses cheveux qui s'étaient
détachés^ car il ne convenait point qu'un
martyr souffrit les cheveux épars, de
peur de paraître affligé de sa gloire. Ëll«
se leva , et Voyaàt Félicité toute frois-
sée par terre , elle lui donna k main et
Taicui à se relever^ Elles se tenaient 4^*
bout toutes les deux( mais le peuple^
dont la dureté avaitété vaimhie, ne vou*"
lut pas qu'on les exposât de nouveau ,
et on les reconduisit à la porte xSana^
rivaria. Perpétue y fut reçue par uii
catéchumène notniHé Rustique , qui l«
était attaché. Alors elle s'éveilla condmè
d'un profond sommeil^ taut elle avait été
ravie en esprit et en extase^ etcOmmen<^
à regarder autour d'elle, en disant ^
au grand étoilnement de tout le monde t
Quand donc nous exposera-t-on à oettft
vache? On lui dit ce qui s'était passé ;
elle ne le crut que lorsqu'elle vit sur
son corps et sur son vêtement les mar»
ques de ce qu'elle avait souffert > et
qu'elle reconnut le catéchumène. Puis
elle lit appeler son frère , et lui dit , ainM
qu'à Rustique : Demeurez fermes dam
la foi ; aimez-vous les uns les autres %
et ne soyez pas scandalisés de nos
souffrances. Satur^ à une autre j)Orte,
suivait le soldat Pudens , et lui disait i
Me voici enûii comme je vous l'avais pré*
dit ; aucune béte ne m'a encore touché*
Croyez donc de tout votre coeur; ni
m'en vais là s et je unirai par une seule
morsure d'un léopard. Aussitôt (on était
à la lin du spectacle) il fut présenté à
un léopard, qui^ d'un seul coup deut«
le couvrit de sang. Le peuplé s'écria s
Le voilà bien lavé, le voila sauvé 1
faisant une allusion ironiqueâu baptême.
Mais hii, se tournant vers Pudens :
Adieu , lui dit-il « souvenez-vous de ma
foi! Que ceci ne vous trouble point,
mais, au contraire, vous conûrme^
Puis, il lui demanda l'anneau qu'il
avait au doigt, le mit sur sa blessure,
et le lui rendit comme un gage de son
amitié . et un souvenir de son sang»
A|>rès quoi on l'exécuta au lieu où l'on
avait coutume d'égorger ceux que les
bêtes n'avaient pas achevés. Ou nommait
•e lieu Spoliarium,
• JLe peuple demanda alors qu'on ra-
menât lei cbi^tiMis au infflMi dft V^n^
phithéâtre, pour les toir A*appef %l
s'associer ainsi ^ pàt les routards, à I1id^
micide. Les martyrs se lèvèt^nt, y altè-
rent d'eux -méniM, après s'être donné
le baiser, afin de consommer le martyre
par un acte soleimel de paix. Ils recu^
rentledemier eoHp, immobiles et en sf^
lence; quant à Perpétue, elle tomba
entre les nlains d'un gladiateurinexpéri-
menté, qui la Jpiqua eutre les os et là
it erier; elle nit obligée de conduire
elle-même k main ti«mblante de son
bourreau. »
8i ces pages ^ après tant de siècles,
nous paraissent eneoresi belles et nous
émeuvent foAement , <|u'on jugéde t'ef-
ht (tu'ellea ont produit au temps des
persécutione. Oh en fit sans doute de
nombreuses copies, qne de pieux tpeil»
sagers transportaient, suivant un vieil
U5a|^(i)> d'Emise en Eglise « non point
seulement en Afrique s mais encore
en Europe et en Asie , dans les pays les
prlus lointains. C'eet ainsi que m thté*
tiens de contrées diverses se transmet'»
taient« pour ainsi dire, le courage et H
dévouement, et s'ardaient, malgré les
distances, à Taide d'un simple récit,
à ne rien perdre, au milieu des toN
tureS) de leur enthousiasme et de leur
foi.
LA. PERSiCUttOU Sft tktt SfeNtin
^A1«S TOUTES LBa ^ABTIBS Dt L'Atât*
QtIB;ELLfi SE BALBNTlt; TROeBLl»
UlTÉaiBUAS DU L'B&LmB FEdDÀNt th
F41X. -^ Ce ne fut ooint seulement à
Carthage que Tédit de Septinie Sévère
fut nn's à exécution. Nous savons pat
Tertullien (S)qttela persécution s'étendit
sur toutes les villes de l'Afrique. Parmi
les ma^stran impériaux^ il y en eut qui se
montrèrent, à l'égard des chrétiens, dôus
et modérés et qui essayèrent d'atténuer
les rigueurs de la loi ; mais d'autres, an
contraire, soitdaHs des vues d'ambRIon^
soit par un sincère i attachement auK
doctrines dupolythéisn^e, usèrent sans
pitié) pour anéantir eauK qu'ils appê*
(1) Voy. ooraoa^oiMnple, la lettre de Téf^liM
de Smvrne au\ aulre» églises concernant le
martyre de saint Polycarpe (ap. Ruinrtrt, p.
2S). Le mHieii de Ruinart ( yécia pHtnofuM
tnftrlyrum sùtcera Hselecta ) oouUeot plua d'un
docunieni de ce genre.
(2) Voy. la lettre adfes^ pAt TèrtuHktt
au proouùâul Scapala.
Digitized by VjOOQIC
AFRIOUË CflRÉtlENNE.
H
tâJéiit les efinëMis de Vempltê, dëà tôN
ttares et des plus âffîreUt supplices. Att
nombre de des deftiiefs è^ trouVâieflt
le protimisul Scapula et le gduverneuf
de la Mauritanie. ^ ^
La ï»?rsécution se fëletttlt èûflii. Tou-
tefois , il faut croii'ë qu'il n'y eut d6
tà\% véritable pour les cbrétiëds (jue âôuâ
fè règhe d'Alexandre Sévèfe. L*Église
d*Affi(}ué avait à peine joui de quel-
mes instants de fepos qu'elle fut agi-
Ué par des querelles.. Elle était déjà
tourmentée et déchirée par les schfs^
nies et les hérésies. Ce fut Probablement
dU temps d' Alexandre Sévère qu^ukt
éoncile se rassembla, en Numidié, dans
là colonie de Lambèse, pour eôndarti-
nér rhérétique ï^rivat. Suivant le té-
moignage de saint Cypriért (t), quatre-
vinçt-dlx évéques (et ce seul fait prouve
lès immenses progrès du (Christianisme
en Afrique) prirent place dans 6e concile.
Après la persécution et là mort d'A-
grîppinus et d'Optat, on vit paraître
successivement, sur le siégé épiscopal de
Carthage, Cvrus, Donat et Cyprien (2).
Ce dernier s'éleva au moment où TeN
tullien achevait sa longue Carrière.
CONVBESÏON DÉ S.UNÏ CVtllfÊîî;
SES PBEMIBRS OTJVBAGBS; IL ÏIETtEIlVT
BVÉQUE DE CA.RTHA6B. — Cyprien âo-
()artenait à une des familles les plus il-
ustres et les plus riches de l'Afrique
]^ômaine. Il avait été élevé, dans sa
jeunesse , avec beaucoup de soin. Dirigé
par des maîtres savants et habiles, il
avait pris le goût des lettres et les avait
étudiées avec fruit, tl parut bientât avêâ
éclat dans les écoles justement renom-
mées de Carthage. C'est là qu'il don-
nait avec grand succès des leçons pu-
bliques d'éloquence , lorsque , 'dans Un
âge déjà assez avancé , il se Ûi chrétien.
les écrivains ecclésiastiques nous ap-
prennent que cette conversion fut l'cfeU-
vfd d'uft prêtre nommé Cécillus.
(t) %à\ûi CyptIéD. Ml nAo^ftht Cm fitUssMit U
rr^écuiion ordohnée {mr rétopef^ur t)«ciaBet
propos d*UD ooiieile quHI avait oODvoqué à
Carthage, écrivait ops mots À saint (>>rneille i
Per Pelicianum autem signiflcavi tibi,ft^trr,
iftniêift Carthnyfinem Privalum veterem ha're*
ticum in Lambesitana colonie. , antemulton/ere,
annoSf ohmulta et ^ravla delictn^ nonaginta
tpiscoporum scntentia condemnatutn, Cyprianl
ai Cornet, Qpbt. 45-
(2) MorœlU {AJriea ehHUimna)\ U 1% ^
ftlft62.
Cyprien mit bientôt Sâ science et don
iéle au service de la croyance qU'il
avait embrassée. îl se livra aveô ardeur
à l'étude des saintes Ecritures et des
ouvrages de Tertullien , pour lequel il
avait une admiration sans bornes; puis,
lorsqu'il se sentit sUfOsàmment fortifie
par ses nouvelles lectures « il essaya, à
sort tour, par de nombreux écrits, de
défendre le christianisme. Ses premiers
essais, on le con^prend . sont empreints
de la vive réaction oui s est opérée dans
son esprit. D^ahora , il adresse à un de
fies amis, Donat, une lettre sur le mé-
pris du monde; ensuite, comme dt Ar-
nobe plus tard , pour donner en quel-
que sorte à ses nouveaux frères un ^agô
de sa foi, et peut être pour se raffer-
mir lui-même, U attaque violemment
le polythéisme dans son traité de la /^a-
nité des idoles. Dans ce dernier ou-
vrage, Cyprien procède avec une excès»
give réserve; il n'a point encore assea
de confiance dans ses propres forCéS
pour s'écarter des opinions déjà émises
par les docteurs de l'Église, ses pré-
décesseurs, et il suit, pour ainsi dire,pa^
à pas, Tertullien qu'il avait choisi pouf
modèle. Sa manière est plus Originale ,
Ses allures sont plus libres dan» Ses
trois livres des Témoignages, Le pre-
mier livre contient une discussion con-
tre les Juifs; Cyprien y établit que la
loi ancienne a tait son temps, et qu'il
faut nécessairement adopter et suivre
la loi du Christ, la loi nouvelle. Le
second est consacré à ^exposition du
dogme de Tincarnàtion. Le troisième
est, suivant l'expreësiôh d'un écrivain
ecclésiastique, un traité de théologie
morale. Dans ces trois livres, ort voit que
Cyprien a déjà étudié d'une manière
approfondie lès saintes ftcriturès. Il fît
suivre ses Témoignages d'un traité
sur la Conduite des oierges, 11 est évi-
dent que, dans ce dernier ouvrage, l'au-
teur s'est encore inspiré de Tertullien.
Il y avait un an à peine que Cy-
prien était prêtre, lorsque mourut Dô-
nat, l'évéque de Cartlmge. Plusieurs se
présentèrent alors pour occuper le siège
vacant. Mais le clergé et le peu;>Ie appe-
lèrent Cvprien, qui se tenait à l'écart, et
tous, d im commun accord, le procla-
mèrent évéque en l'an 248 (i).
(1) Cest la date adoptée par MorcelU. tt Ht'
Digitized by VjOOQIC
tl
L'UIflVERS.
NOUVELLE PEESECUTIOIf ; ESTBÀITS
DE SAINT CYPBIEN; NOMBREUSES
apostasies; troubles et divisions
dans l'église de cabthage. — cy-
prien était à peine monté sur son siège
^ue Tenipereur Decius promulgua un
edit de persécution (249). Les païens,
qui étaient encore nombreux à Car-
tilage, se mirent à poursuivre les chré-
tiens avec un acharnement qui tenait
de la fureur. C'était J'évéque surtout
oui était Tobjet de leur haine ; ils pro-
feraient hautement contre lui des me-
naces de mort; et quand ils étaient
réunis dans Tamphithéâtre ils criaient :
Cyprien aui lions! Il fallait se cacher ou
périr. Cy prien crut sans doute que sa
vie serait plus utile un jour à ses frères
que Texemple de son martyre, et il se
déroba, par une prompte retraite, au
fer des persécuteurs. On le frappa,
quoique absent, par une sentence de
proscription et par la confiscation de
ses biens.
Depuis Septîme Sévère, un funeste
relâchements était opérédans les mœurs
des chrétiens. On le vit bien au jour
de la persécution. Si Mappalicus, Paul,
Fortunion , Bassus et quelques autres
qui périrent soit au milieu des tortures,
soitde la faim, dans les prisons de Car-
thage, s'illustrèrent par leur courage et
leur dévouement, l'ancienne gloire de
l'Église d'Afrique, comme on l'ap-
prend de Cyprien lui-même, fut ternie
par des apostasies sans nombre. L'évé-
que, de sa retraite, encourageait en
vain ses frères à la constance; quel-
ques-uns, comme Rogatien, suivaient
ses conseils; mais les autres cédaient
lâchement et sacrifiaient en foule aux
idoles.
L'esprit de Cyprien n'était point seu-
lement préoccupé de ces actes d'une dé-
plorable apostasie; il voyait encore avec
douleur que, dans ces moments de
péril, un schisme menaçait son Église.
Parmi les chrétiens qui avaient renié
leur foi et leur Dieu, plusieurs se re-
pentirent, et ils eurent bâte de rentrer
en grâce auprès de rÉ^lise. Pour arri-
ver plus promptement a leurs fins, ils
s'adressèrent, suivant un vieil usage, à
ceux qui étaient restés fermes pendant la
croit pas qu*on puisse reporter en deçà de 248
o^ ai; delà de W )'éiecUoo de saint Cyprien.
persécution, et qui avaient conftssë
sans crainte le nom du Christ au
milieu des plus horribles tourments.
Les évéques et les prêtres avaient égard
aux recommandations des martyrs, et,
en leur considération, ils se montraient
volontiers indulgents et abrégeaient,
pour les faibles et les lâches , le temps
de la pénitence. £n Afrique donc, et
surtout à Cartilage, les apostats s'adres-
sèrent aux martyrs qui étaient en pri-
son ou qui avaient échappé tout à fait au
fer des bourreaux , et leur demandèrent
des billets d'indulgence. Parmi ce^ mar-
tyrs , il y en eut qui n'en donnèrent
qu'avec une extrême réserve; mais d'au-
tres, trop tiers du courage qu'ils avaient
montré et de leur victoire , s'imaginè-
rent que, par leurs seuls mérites, ils
avaient le droit de réconcilier avec l'É-
glise tous ceux qui étaient tombés. Un
certain Lucien fut de ce nombre, et il dis-
tribua indistinctement des billets d'in-
dulgence a tous ceux qui lui en deman-
dèrent. Il en vint à ce point d'arrogance,
qu'il adressa à Cyprien, daiis saretraîte,
la lettre suivante : « Tous les confesseurs
àl'évêque Cyprien, salut. Sachez que
nous avons âonné la paix à tous ceux
qui se sont bien conduits depuis leur
péché, et nous voulons que vous le fas-
siez savoir aux autres évéques. Mous
souhaitons que vous ayez la paix avec
les saints martyrs. En présence d'un
exorciste et d'un lecteur : écrit par
Lucien. » L'évêquene tint compte d'une
semblable réclamation. II recommanda,
par lettres, à son clergé, de ne point ad-
mettre les apostats a la communioa,
avant le jour où il serait permis de dis-
cuter librement sur les affaires de TÉ-
glise. D'autre part, comme il sentait que
depuis sa retraite l'autorité de sa parole
pouvait être diminuée, il s'adressa à
l'Eglise de Rome, qui s'était illustrée
par sa fermetédans la persécution. Celle-
ci approuva et loua la conduite de- Cy-
prien , blâma l'insistance des apostats,
et condamna les abus qu'avait entraî-
nés une trop large concession des billets
d'indulgence. L'opinion de l'Église ro-
maine donna une grande force aux re-
montrances de Cyprien.
Enfin, la persécution avait cessé, et
déjà l'évêque se préparait à sortir de sa
retraite pour célébrer les fêtes de Pâques
Digitized by VjOOQIC
AFRîOTÎE CËRÉtiENNE.
dans $où église ( i^l ) , lorsqu'il apprit
^u'uii schisme violent venait d'éclater
à Cartilage.
schismeàcâ.rthàgb;les ennemis
DE S\[NT CYPBIEN; DEUX CONCILES;
BAPPOBTS DE l'Église de cabthagb
AVEC l'église de ROME; CELLE-CI
CONDAMNE LES SCHISMATIQUES AFBI-
CAINS; DEUX TBAITBS DE SAINT CY-
PBiEN. — Il y avait alors dans la ville
un homme puissant qui s'appelait Félir
cissime. Par ses richesses et surtout par
ses intrigues il avait réussi à se faire
un parti. Les apostats, qui réclamaient
pour leur faute un prompt et entier par-
don , l'avaient choisi pour chef, et ils
l'excitèrent , sans doute , à lutter ouver-
tement contre Cyprien. L'évéque avait
envoyé , de sa retraite deux évéques et
deux prêtres pour faire une enquête sur
la conduite de tous ceux qui apparte-
naient à son Église. Féiicissime ne
voulut point qu'ils remplissent leur
mission et les repoussa avec menace. A
cette nouvelle, Cyprien prononça une
sentence d'excommunication. Cette sen-
tence atteignait Félicissime et un cer-
tain Augendus, qui lui avait prêté aide
et appui. Parmi ceux qui provoquèrent
le schisme on comptait aussi cinq prê-
tres, qui avaient ambitionné le sié^e
épiscopal et qui avaient vu avec chagrin
l'élection de Cyprien. Le plus célèbre
de ces cinq prêtres est Nova t.
Cétait à Rome, surtout, que ce der-
nier devait se signaler. 11 se rendit en
Italie au moment où l'Église romaine
se disposait à élire un nouvel évêque.
Novat se lança, comme à Carth<ige,
dans les intrigues. Il s'opposa , autant
qu'il le put , à ceux qui voulaient porter
leur choix sur Corneille, et il favorisa
les prétentions de Novatien. Celui-ci,
qui était admirateur de la philosophie
oes stoïciens, aftlchait des principes
d'une extrême rigidité. En ce qui con-
cernait les apostats, par exemple, il
soutenait que l'Église ne pouvait ac-
corder le pardon, quelque pénitence
âu'ils fissent, à ceux qui étaient tombés
ans la persécution. Il devint le chef
d'une secte qui se répandit hors de
l'Italie. Les membres de cette secte
s'appelaient eux-mêmes, d'un motgrec,
eaihares, c^est-à-dire les purs, et ils
portaient des vêtements blancs. Nova*
tien voulait donc se faire élire évêque
de Rome; mais ses espérances furent
trompées. Corneille fut choisi par une
forte majorité. Novatien , dans son dé-
pit, n'hésita pas à exciter un schisme ;
il se fit, à son tour, nommer et sacrer
par ses partisans. Il écrivit alors à
toutes les Églises pour leur apprendre
son élection; mais de toutes parts on
reconnut Corneille, et l'évéque de Car-
thage ne fut pas le dernier à condamner
Novatien.
Cyprien était rentré à Carthage. C'est
là qu'en 251 se tint un concile où se
rassemblèrent soixante-dix évêques. On
y délibéra longtemps sur les affaires de
l'Église, et on y traita surtout les ques-
tions qui se rattachaient au fait de
l'apostasie et du schisme. Les schisma-
tiques furent excommuniés, et quant
aux apostats qui se repentaient sincè-
rement de leur chute , on décida qu'ils
seraient admis à la communion après
trois ans. Au reste, les évêques pro-
portionnèrent à la .gravite des délits
les rigueurs de la pénitence. L'Église
d'Africfue, pour donner plus de poids à
ses décisions, envoya les règlements du
concile a Corneille, évêque de Rome.
Celui-ci les approuva dans une assemblée
qui, sans compter les prêtres et les dia-
cres, se composait de soixante évêques.
L'année suivante , 252, Cyprien con-
voqua un autre concile à Carthage. Cette
fois, et à cause de l'approche d'une
nouvelle persécution, les quarante-
deux évêques qui s'étaient réunis , usè-
rent d'indulssence à l'égard des apostats
et les admirent sans plus tarder à la
communion. Muis ce concile fut l'oc-
casion d'un nouveau schisme. Privât
de Lambèse, qui , comme nous l'avons
vu, avait été condamné par les évéuues
de la Numidie, se présenta pour siéger
dans l'assemblée que présidait Cyprien.
Il fut rejeté. Dans sa colère, il s'envi-
ronna de quelques excommuniés, et choi-
sit un certain Fortuuat, qu'il consacra
et proclama évêque de Carthage. Les
schismatiques, pour assurer le succès de
leur entreprise, écrivirent à Corneille
une lettre remplie des plus odieuses ca-
lomnies. Ce fut Félicissime qui porta
cette lettre à Rome. Mais Corneille,
qui connaissait Cyprien , repoussa ses
accusateurs.
Digitized by VjOOQIC
a
Jt/UWVERS,
La vie 4e Hvé^e dp Carthage , depuis
la On de la persécution , était singuliè-
rement asitée et laborieuse. I| écriv^jl;
lettre sur lettre , m\h r^lisçde^ome^
m% h eeux qui en Afriuue, cpmme An-
toniep de Nuroidiei m deina^idaleiij
de? conseils. Puis, il 9v<9iitp se défendjrç
contre jesscbismatiques qui trpMblaienf
Carthage. Malgré ses pcpupationjs noi?)-
bregse>6 et diverses , et le bruit des que-
relles qui reteptissj»it h s^s preilles, i\
écrivit encore son Traité des Lgps ^
celui de Vf/nité dç PÉgUsç, C'est d^ns
pe dernier qu'il disait : « Cegi qui doj»
vent surtout tenir fermepienl à ceUe
upiî^et là dpfepdre, p'est jipus^v^qi^^
qui présidons dans T^gtisp , ^fiQ ^
proMver que l'épispopat ijui-ménie e§t
un et indivis. Oui, r^pjscopat est un,
et çhaaye éyéque, ^ar).s tputefpis pou-
voir le diviser, en possède upe portion.
yÉgiijse demê{nce;5t une et se répand^
par sa fécondité , en une multitude tou-
jours croissante. C'e&t un soleil dont le§
rayons sont ij^noipbrpblcs, mais qui n'a
3u'un s<eul fp^er. P'es.t u,p arbre couveit
e rameaux , i^m^ tous ces rameaujs
tiennent à gp s.eul et même tronc. vCes
deux traités, de Cyprien sont f œuvre des
çireonst^ces. Pans fui? , il donne de sa-
lutaires conseils agx apostats-, d^ng
rautr«, il s'élève coljtreleschisme.
BEI,AT;0N8F^^CJ]^^T)gSpE CYPWBW
AVPÇ piYEBSES BGLISESi QUELQUES-
JJNS PE SES ÉjCBlTS; ^^ POLpMIÇUÇ
COMT^EÏ.'ÉGHSÇRpB(JAINE f.Xyj^Vk.n
SAINT étiï:nne. r^ t^ ^52. i^ pcrsé^
cution recpnjipença ; toutefois, il ne
paraît pas qu'elle ait étepdu ses ravages
en Afrique, Ce jfutRow surtout au'elfe
frappa. Là • elle atteignit l'évêque Cor-
beille, qui fut une de ses premières
victimes. A cette occasioç , Cyprien écri-
vit au clergé romain et au çouve^papp
Lucius, pour les féliciter de la gioii^
que venait d*acquérir leur Église çf
pour les encourager à la constance.
Mait à défaut & la persécution^ une
la durée du fléap , les chrétiens , animés
par leur évêque, niontrèrept une cha-
rité et MU dévouement sans bornes Tou-
tefois, parmi eux, il s'en rencontra qui
fe laissèrent gagner par la crainte. aBq
de leur fendfô courage , Cyprien écri-
vit un traité où il envisageait les peines
terrestres suivant les croyances chrï-
^ieMPes; il y montrait que ces peines
ne çont que passagères et qu'elles doi-
vent être supportées patiemment en vue
de pièii et de l'éternité. Ce fut le trait|i!^
die ta Mortailté. A la même époque, il
adressa à Démétrîen , magistrat impé*
rj^l oui résidjait à Carthage , une lettre
si|r up sujet qui fut longtemps débattu
avec plufs pu moins d'éjoauen^e , entre
les païens et les chrétiens, jusau'au
temps ou vécurent Symmaque, saint Am-
brpise, LibanluSf saint Augustin et Sai-
v^q. L'antagoniste de révei^ue dfs Car?
tha^e attribuait aux chrétiens tpus li«
piaux qu} désolaient l'empire. C'est a
cette accgsatiop que répondit Cyprlea .
dans là lettre dont nous parions,
Déjà la réputation de révêque de C&r^
tliage s^étendaif au loin. On le consultait
de tputes le^ parties de l'Afrique. Les
Églises , parce qu'il Jouissait d'un im-
mense crédit, imploraient spn assistance
dans Leurs besoins Une fois, huit évé^
ques de Kumidie iqi annoncèrent que
les trîbMS du désert s'étaient jetées âpr
leurs terres, et avaient enlevé un granél
nombre de dirétiens de Tun et de T^^re
sexe, fis demandaient un secours en ar-
gent pour radieter les captifs. lie saint.
a eette nouvelle, versa des larmes. I|
sf empressa de ^'adresser à son Église
qui, dans un élan de généreuse «iompasH
sion , donna cent mille sesterces. Cy->
prieh envoya cette somme aux évéïju^
de N|jmidiè avec une lettre où on lisait
ces mpts : « Si pour éprouver notre cha-
rité il arrivait encore un pareil mal!»
heur , ne craignez point de neus l'éenre^
et bien que notre Église demandje qu'il
n'arrive pius rien de semblable, soy^B
assurés qu'au jour du besoin , elle vous
donnera, s*il le faut, de pronipts et abon-
dants secours,. Et afin que vous fassi€«
des prières à f intention de nos frères et
de nos sœurs qui ont ec^ribué de bonae
gréce à cette œuvre , j'ai mis ici les
noms de chaouii é'euic. » L'évoque 49
Carthage ne se eontenta pas€ledoDnerf
il voulut encore , par ses écrits , déve-
lopper dans les âmes ctiréiiennes le
sentiment de laehanlé, et il fit son \Um
des Bonnes œuvres et de ^Aumône,
Ce fut vers ce temps que Cyprisa^
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE rtîRÊTIEiVNÊ.
pom* répondre à 6éiiX(t^i Tinter rogenient
île toutes parts, écrivit un grand nombre
de lettres sur des sujets de discipline.
Ce n'étaient point seulement , comme
BOUS le voyons dans ses œuvres, les évo-
ques de la Proconsulaire, de la Numidie
et de la Mauritanie qui s'adressaient à
lui , mais encore ceux de ^Espagne el
de la Gaule. Quand il n'osait , en cer*
tains cas, s'en rapportera son propre
jusement , il appelait autour de lui les
éveques des provinces voisines, et leur
soumettait les questions qui Savaient
embarrassé.
Au reste, Cyprîen, pendant soa épîs-
copat, convoqua souvent des conciles»
Les deux derniers fiirent remarciuaMes
par la lutte qu'il soutint contre rÉgitse
de Rome. Certaines Églises d^Asie
avaient pour coutume de rebaptiser le»
hérétiques qui abjuraient leurs erreurs.
L'Église de Rome et Etienne, son évê*
que, condamnaient cette coutume ; Cy*
pVien Papprouvait. L'opinion de l'évô*
quedeCarthageétaitcelled'Agrippinus^
son plus ancien prédécesseur. Cyprien
eombattitdonc Etienne. 11 mit beaucoup
d'ardeur dans la discussion , et quelque*
fois de l'amertume. Puis, pourdonnep
plus de poids à ses paroles et à se»
écrits, iJ fît approuver son opinion
par deux conciles. Dans le premier, il
réunit, à Carthage, soixante et onze
évoques ; dans le second, quatre-vingt^
cinq , qui étaient venus de la Procon»-
sulaire , de la Numidie et de la Ms^irite-
nie. Ce dernier concile s'ouvrit au mois
de septembre de l'année 256. Ce fut au
temps de cette vive polémique que Cy-
prien écrivit deux traités, l'un sur VU^
tilité de la patience, l'autre sur Y Envie
et la Jalousiç. ^ous devons dire, en finis*
sant , que l'Église condamne saint Cy-
prien et approuve l'opinion du pap5
saint Etienne (I).
PEBSÉCUTION ORDONNBEPAB L'EM**
(1) Sciks^tigeLU, (Bccîesia, airieana,; diaaeré^
iH,c. 2, p. 120 , Paris, 1680) Liàme S. CyprieD
et Mue rapidement sur se» déa^lé& avec
S» ÊUeone. Leydeoker> aucoulrake (Historith
eceletia africanœ iUuaUmta; Utreotil, I690 -<«
dissert, de statu eccl. aj^, $ecU 9 et IT: hiU»
cifric. etdùiiatistioa.^ p. IMj), approuvevréké^
mie de Carlha^eel revient plus A^uoe foisaveo-
élendue sur cette célèbre cooirmerae. On I*
conçoit aisément ^ Scbelstraic était bibUotbé»
«aire du Vatican, et L^decktr proiesUatv
txalté.
PERBUV YAL^BltN; lÎAlttYâE DB
SAINT GYPBiBff . «^ Dans les premiers
temps de son règne, l'empereur Valériea
s'était montré favorable aux ehrétiens.
En 257^ ii ebangea brusquement et il
ordonna de les poursuivre. La persécut
tioB s'étendit bientôt dans tout l'em*
pire. Ce futalors que Cyphen* sous forme
d'une lettre qu'il adressait à un eertaiii
Fortunat, composa pour les fidèiesune
exhortation au martyre. 11 devait bientôt
lui-même eneourager pardon exemple ^
ceux qu'il avait tant oe fois anioiés par
seséeriu. Au mois d^aoâl iil7, il fut
traduit devant Paternus, proeonsul d'At>
frique. Il répondit avec fermeté aux
Questions qui lui furent adressées i il
déclara qu'il était çhréli#n et évéque, et
refusa , avee une généreuse indignation,
de dénoneer les prêtres de son Église.
Patemus se contenta de l'exil». Il aa
resta point oisif dans son exil De là, il
écrivait à Carthage, aux martyrs des
diverses Églises de FAfrtqiie, et notam*
ment , à neufévéqoes qui avaient éléeonr
damnés avec un grand nombradechré*
tiens à travailler aux mines de cuivra da
la Numidie et de la Mauritanie.
En 2&8 , il obtint de Tempereur l'au*
tarisation de revenir a Carthage. Mais
il ne devait pas y demeurer longtemps
en paix. La persécution n'avait point
eessé. On conseillait à l'évéque, dans
l'intérêt de l'Église, de fuir et da seea-
cher. Il résista aux pressantes sollicita^-
tions de ses amis. Enfin , il fut arrêté
par ordre de Galérius Maxime, qui
^vait succédé à Patemus. Quand on
«ut dans la ville que Cyprien devait
farattre devant le proeonsul, il y eut
4ine immense émotion. La fouie sa
luréeipita autour de la maison où l'on
^rdâit révéque, et sur tous les visages
<on voyait l'empreinte de la tristesses.
Cyprien avait compris que le temps du
«iartyre était proche. Cependant quand
il comparut devant le proconsul , il ne
ferdit rien de sa fermeté. Voiei l'in^
^lerrogatoire tel qu'il nous a été con«
«ervé dans un ancien document (1) :
<« La proconsul Galérius Maxime dit à
ifévêque Cyprien : N'es*tu pasThaseius
<^nen? L'évéque Cyprien répondit %
(I) Voy. 4cta proconsuîaria S, Cyprianï
e^isc^jii etmariyris; ap. Buioart, p. SI 7 et
Digitized by VjOOQIC
16
L'UNIVERS.
Oui, c'est moi. Le proconsul Galérius
Maxime dit : Ifes-tu pas le pape d'une
secte sacriiéçe? L'éveque Çyprien ré-
pondit : Oui. Le proconsul Galérius
Maxime dit : Les très-sacrés empereurs
t'ordonnent de sacrifier. L'évé^ue Çy-
prien répondit : Je ne le ferai point.
Galérius Maxime dit : Réfléchis. L'é-
véqueCyprien répondit: Fais ce qui t'est
commandé. En une chose évidemment
juste la réflexion est inutile. — Galé-
rius Maxime (ici, nous reproduisons en-
core le document dont nous parlons,)
après avoir pris Pavisde ses assesseurs,
s'adressa à Cyprien , en ces termes :
« Tu as vécu longtemps avec un esprit
sacrilège; tu as rassemblé un grand
nombre d'hommes pour les associer à
ton abominable conspiration; tu t'es
déclaré l'ennemi des dieux romains et
de la sainteté des lois; les pieux et
très-sacrés princes Valérien etGallien,
augustes, et Valérien , le très-noble cé-
sar, n'ont pu te ramener au culte de
l'empire: cest pourquoi, toi, l'auteur
des crimes les plus odieux , tu serviras
d'exemple à ceux que tu as choisis pour
tes complices et tu sanctionneras la loi
par ton sang. » Après cette allocution
le proconsul lut sur une tablette un ar-
rêt ainsi conçu : « Je condamne au
glaive Thascius Cyprien.» A quoi l'évé-
que Cyprien répondit : « Grâces soient
rendues à Dieu. » Dès que les chré-
tiens eurent entendu la sentence, ils se
dirent les uns aux autres : Allons et
qu'on nous fasse mourir avec lui. Il s'é-
leva donc parmi eux une espèce de tu-
multe et ils se précipitèrent enfouie,
en suivant l'évéque, vers le lieu de l'exé-
cation. Cyprien en arrivant se dépouilla
de son manteau, se mita genoux et
pria. Puis, il ôta encore sa dalmatique,
qu'il donna'aux diacres, ne conservant
sur lui qu'une tunique de lin. Quand
le bourreau arriva, l'évéque ordonna aux
siens de lui compter vingt-cinq pièces
d'or. Cependant les frères jetaient des
linges autour du martyr afin de recueil-
lir son sang. Deux d'entre eux, sur ses
ordres, Julien prêtre et Julien sous-
diacre , lui attachèrent les mains. Ce
fut alors que le bienheureux Cyprien
eut la tête tranchée. Les chrétiens
s'emparèrent de son corps, qu'ils trans-
portèrent en grande pompe, avec des
torches et des cierges , dans une pro-
priété du procurateur Macrobe Can-
dide, située dans la rue des Mappales
non loin des Piscines. Peu de jours
après mourut le proconsul Galérius
Maxime. »
Telle fut la fin du plus illustre évêque
de Carthage. Quand il souffrit Iç mar-
tyre (14 septembre 258), il y avait dix
ans que, par le choix de ses frères, il
avait été appelé aux fonctions épiscopa-
les. Ce fut dans le court intervalle qui
sépare son «exaltation de sa mort que
Cvprlen, génie/acile, abondant, agréa-
ble» comme dit Tillemont, mais non
sans vigueur, composa, a l'exception de
trois , dans un style qui rappelle trop
souvent peut-être les exercices de l'école,
les nombreux écrits que nous avons si-
gnalés (1).
SUITE DES PERSECUTIONS EN AFBI-
QUS; NOMBREUX MARTYRS; NOMS
DES ÉVÉQUES DE CARTHAGE QUI SUC-
CEDENT A CYPRIEN. — La persécution
qui avait frappé saint Cyprien fit, en
Afrique, de grands ravages. L'évéque
d'Uippone, Théogène, fut mis à mort.
A Utique, on jeta dans un four à chaux
cent cinquante, d'autres disent trois
cents chrétiens. Les fidèles rassemblè-
rent avec respect les ossements consu-
més , et comme ils adhéraient les unsr
aux autres , ils appelèrent ces reliques ,
à cause delà couleur, la niasse blanche.
A Carthage, les martyrs Lucius,Moii-
tanuSy Flavien, Julien, Victoricus,
Primolus, Renus et Donatien, suivireut
de près saint Cyprien. En Numidie, à
Cirta et à Lambèse, le glaive des per-
sécuteurs immola de nombreuses vic-
times, parmi lesquelles il faut compter
Émilien, Agapius, Secundinus, Ma-
rien, Jacques, Antoniaet Tertulia. La
persécution ne cessa qu'au moment où
l'empereur Valérien tomba aux mains
des Perses. Mais elle devait encore se
rallumer deux fois avant le sanglant
édit de Nicomédie; d'abord sous Aure-
(l)Voy. tar saint Cyprien, indépendamment
de ses œavres : Tillemont : Mémotres pour ser-
vir à Vhiiùfire ecclétiastique des aix preini*T9
siècles; t. IV, p. 46 et saiv. (Paris. 1704. >
Fleory; Histoire ecclésiastique; t. II, p. 153
— 314. — L'abt)é Robrbacher; Hisi. univers,
de C Église catholique; t V, p. 389— «8«.
— Aog. Neander; allgemeine GescMcfUe der
chrisUichen Religion und JKtrcAf (Hambourg,
I84&); t. I,p. ssuetsuiv.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
lien, etiâuite sons Bioçlétien, en 296.
Ce fut vers ces temps que la secte des
manichéens se répandit en Afrique.
Cyprien eut pour successeurs , sur le
siège épiscopal de Carlhage, Carpo-
phôre (1), Lucien et Mensurius.
ÉDIT DE NICOMÉDIE; SES SUITES;
SANGLANTE PEBSÉCUTION. — AU
commencement du quatrième siècle, le
christianisme avait envahi tout l'em-
pire. Les partisans du polythéisme firent
alors les derniers efforts pour anéantir
cette vaste communauté chrétienne qui
contenait dans son sein toutes les classes
de la vieille société et qui les resserrait
eux-mêmes dans un cercle qui chaque '
jour devenait plus étroit. Ils avaient
reconnu l'impuissance des édits impé-
riaux promulgués à diverses époques
contre les chrétiens; ils voyaient ap-
procher le temps oij ces édits cesseraient
d'être applicables ; ils se hâtèrent donc
de s'armer en quelque sorte de la lé-
galité qui leur échappait et qui allait
passer en d'autres mains. Ils organisè-
rent, dans leurs conseils, le plan d'une
vaste extermination. Galérius, esprit
violent et résolu, se fit l'instrument do-
cile des philosophes , derniers sectateurs
du polytnéisme. Il mit à leur disposition
• ce qu'il possédait déjà d'autorité et son
immense crédit auprès de Dioclétien.
Celui-ci , politique habile , qui avait ré-
généré l'empire par une savante et sage
administration, vit d'abord tout le dan-
ger d'une persécution , et il opposa les
raisons qu'il trouvait dans sa vieille
expérience à la fougue de Galérius. Il
montra au César que poursuivre les
( I) Fleary {Hist. ecclés. t. II , p. 314 ), l'abbé
Rohrbacher ( t. V , p. 485 ) et les autres écri-
vains ecclésiastiques ne font pas mention de
Carpophore. Suivant eux, ce fut Lucien qui
siicceoa immédiatement a saint Cyprien, C'est
Morcelli, dans son AMca christianUf gui nous
a fourni le nom de Carpophore ; les raisons sur
lesquelles il s'appuie pour ajouter ce nom à la
liste connue des évéques de Cartha^e nous ont
paru décisives. II dit : Nomen hujus servavit
nobis Optati codex sangermanensis. In eo
enimy ubi Optatus agit de schismate Majorini
adversus Cœcilianum legitimum episcopum ,
piena erat, inqnit, cathedra episcopalis, erat
al tare loco suo, in quo pacitici episcopi rétro
temporis obtulerant, Cyprianus, Carpophorus,
Lucianus et ceteri ( de Schism. Don. i , I» ).
Congruum guoqueestf binos saXUm episcopos
inter Cyprianum et Mensurium fuisse ; nam
inter utrumquefluxere anni plus minus gua-
draginta, Voy. t, I, p. 52.
A.FB. GHRÉT.
ir
chrétiens par le fer et la flamme, c'é-
tait porter, par une tentative vaine,
au sein des populations entièrement
envahies par le christianisme, la plus
grave perturbation, et anéantir d'un
coup le bon ordre que pendant vingt
années il avait maintenu avec tant de
peine dans le monde romain. Dioclé*
tien , tolérant moins par nature peut*
être que par habileté, résista long-
temps à Galérius. Il discuta avec lui
pendant tout un hiver; mais enfin,
soit que l'âge eût affaibli son esprit
jusqu'alors si ferme , soit qu'il voulût
donner un contentement à l'ambition
de son César qui laissait percer son
dépit de n'occuper qu'un rang secondaire
dans la tétrarchie^ il c^da, et de son
palais de Nicomédie (303) il promul-
gua l'édit de persécution (1).
En vertu de cet édit, les églises de-
vaient être détruites et les livres de la
religion [proscrite consumés par les
flammes. Les chrétiens étaient mis
hors la loi ; les juges impériaux pou-
vaient, suivant des cas déterminés , les
exproprier, les priver de la liberté, les
tuer. Le zèle excessif, comme dit
Fleury, de certains chrétiens vint
encore aggraver les maux de l'Église.
Les persécuteurs s'organisèrent et ils
se mirent à l'œuvre avec une violence
sans égale dans les provinces admi-
nistrées par Dioclétien, Galérius et
par Maximien, Vauguste d'Oecident;
Il n'y eut que le césar Constance
Chlore , qui , dans l'Espagne , la Gaule
et la Bretagne, pays dont le gouvet^
nement et la défense lui avaient été
confiés , tempéra , par sa tolérance et
sa noble modération, les rigueurs.de
l'ordonnance de Nicomédie.
LA. PERSÉCUTION EN AFRIQUE;
NOMBREUX MARTYRS. — Quand l'é-
dit de persécution fut apporté en Afri-
que et notifié aux magistrats impé-
riaux, les hommes avides de faveurs et
les partisans du polythéisme se mon-
trèrent impitoyables pour les chré-
tiens. A Cirta, l'une des villes les plus
considérables de la Numidie, ce fut
(I) Tillemont; Mémoires pour servir à Vhist,
eccles, des six premiers siècles ; t. V, p. 20 et suiv.
— Fleury; Hist. ecclésiasL; t. H, p. 4J 5 et
suiv. — Dumont; Histoire romaine ; t. lil, p.
497etsuiv.;io-i2.
2
Digitized by VjOOQIC
tn
L'UNIVERS
un prêtre de là vieille religioift Mu-
natius Félix , flamine perpétuel , qui se
chargea de mettre à exécution Tordon-
nance des empereurs. Il fît démolir les
églises et procéda avec un zèle infati-
gable à la redierche des livres sacrés.
Il s'empara non-seulement des vases ,
chandeliers , lampes et de tous les orne-
ments qui servaient au culte proscrit ,
mais encore de certains objets que la
charité des chrétiens destinait au sou-
lagement des pauvres. Ce fut ainsi que
sur rinventaire de la saisie , on inscri-
vit quatre-vingt-deux tuniques de fem-
mes, trente-nuit voiles, seize tuni-
ques d'hommes et soixante paires de
chausses. L'Église de Cirta se montra
faible en ces jours de persécution;
ses prêtres et ses lecteurs se soumirent
sans opposition aux ordres du flamine
Fehx et lui livrèrent les ornements du
culte et tous leurs livres.
L'évêque de Tibiure (t), Félix,
n'imita point la conduite des prêtres
de Cirta. Quand le magistrat de la
ville, Magnilien, lui dit : Evêque Félix,
donnez-nous les livres et les parche-
mins de votre Église, il répondit : Je
les ai, mais je ne les doimerai pas.
Pour ébranler sa résolution et l'ef-
frayer, on le conduisit, chargé de
chaînes, au tribunal du proconsul.
Là, il ne se démentit point et resta
inébranlable. Le [proconsul envoya
Félix au préfet du prétoire et le lit
passer en Italie. L'évêque devait com-
paraître devant les empereurs. Mais
la ville de Venusia, en Apulie, fut le
terme de son voyage. Il y fut déca-
pité. Jusqu'au dernier moment il ré-
pondit aux juges et aux bourreaux qui
lui demandaient les livres de son Éghse :
« Je les ai, mais je ne les donnerai pas. »
L'évêque d'Abitine (2), Fundanus,
pour se soustraire au dernier supplice ,
se hâta , sur les injonctions des magis-
trats , de livrer les Écritures. Cet acte
de faiblesse attrista sans doute les
chrétiens de la ville, mais il ne les dé-
couragea pas. Quand ils eurent perdu
leurs églises, ils se rassemblèrent dans
des maisons particulières pour célé-
(I) Tibiure, en latin Tihiura, civitas TibiU'
rensium, Tibursicensium Burensium, était une
petite ville de la Proconsuiaire.
('I) C'était encore une ville de la Procoasolaire.
bref les saints mystères. Les magis-
trats les y surprirent une fois et les
firent arrêter par leurs soldats. On les
conduisit à Carthage au nombre de
quarante-neuf.
Le danger qui les menaçait ne les
effraya point et, saisis d'enthousiasme ,
ils ne cessèrent pendant toute la durée
du voyage, de répéter des hymnes et
des cantiques. A Carthage , ils ne se
laissèrent gagner ni par les menaces ,
ni par les promesses du proconsul. Ils
confessèrent hardiment le nom du
Christ et, sans crainte des châtiments
infligés à ceux qui violaient les édits
impériaux, ils avouèrent sans hésiter
qu'ils s'étaient réunis librement pour
célébrer les saints mystères. Ils furent
condamnés à souffrir et à périr. Parmi
ces chrétiens que l'Église d'Afrique a
mis au nombre de ses plus illustres
martyrs , on comptait le prêtre Satur-
nin et ses fils, Dativus, Thelica,
Emeritus , Félix , et la vierge Victoria.
l'évêque de carthage mensu-
Rius ; SA MOHT. — A Carthage , s'il
faut en croire les documents contem-
porains , la persécution ne sévit point
avec autant de violence que dans les
autres villes de l'Afrique. Soit par
crainte d'une sédition dans cette popu-
leuse cité, soit que ces ménagements
lui fussent imposés par la conduite
pleine de mesure et de sagesse de l'évê-
que Mensurius, le proconsul atténua
la rigueur des édits impériaux. Mensu-
rius avait caché les livres de son Éghse;
on pressait le proconsul d'ordonner à
ses officiers de faire une perquisition
dans la maison de l'évêque; il s'y refusa.
Mensurius, de son côté, était un homme
plein de modération ; il usa de l'auto-
rité morale que lui donnait sa haute
position dans l'Église d'Afrique pour
conseiller, par lettres, aux évêques
ses frères , aux prêtres , à tous les
chrétiens , de ne point irriter par un
zèle inconsidéré les magistrats des
villes et des provinces. Il blâmait^
avec raison, ceux qui n'étant point re-
cherchés venaient d'eux-mêmes s'offrir
aux juges et aux bourreaux. Mensurius
cependant n'était pas un homme ti-
mide, et il se dévouait volontiers pour
ses frères. C'est ainsi qu'il sauva Félix ,
un des diacres de son Église. Celui-ci
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
était poursuivi pour avoir écrit un libellé
contre l'empereur. L'évéaae, au péril
de ses jours , raccueiilit dans sa mai*'
son, et le cacha. Puis, quand on vint
auprès de lui réclamer le coupable, il
refusa de découvrir le lieu où il était
oacbé. Mensurius , à cause de la gravité
du cas , et pour sa résistance obstinée ,
fut mandé a la cour impériale. Il s'y
rendit après avoir réglé les affaire^ de
son Église ; là , il plaida si bien sa cause
qu'il fut absous et renvoyé. Mais" ce
sa^e et courageux évêque ne devait
pomt revoir Carthage; il mourut avant
d'y arriver.
ARNOBE. — Ce fut au temps de la
persécution qu'un auteur célèbre, Ar-
nobe, qui avait enseigné la rhétorique
dans la ville de Sicca, écrivit un ouvrage
pour défendre les chrétiens. C'était,
dans ces jours de péril , un acte de
courage. Arnobe avait été païen, et
l'on voit que, dans son ouvrage, il a
voulu prouver à ses nouveaux frères que
sa conversion avait été sincère. Il se fit
dans ses idées une vive réaction. Après
avoir longtemps expliqué et commenté
avec amour les chefs- d'œuvre littérai-
res de la vieille civilisation, il se laissa
emporter par son ardeur de néophyte ;
• il demanda la destruction deS théâtres,
et voua aux flammes les œuvres des
poètes jadis l'objet de son admiration (1).
LES TRÀDiTÊUBS. — Les spoliationiS
injustes, les tortures, les supplices né
furent point les plus grands des maux
qu'entraîna à sa suite, pour l'Église
d'Afrique, Fédit deNicomédie. Parmi
les chrétiens persécutés , il y en avait
plusieurs qui , comme nous l'avons dit,
s'étaient signalés par leur héroïsme.
Mais d'autres s'étaient laissé entrai^
ner, par surprise peut-être, à des actes
d'une déplorable faiblesse. On avait vu
des évêques et des prêtres se soumettre
sans résistance à la loi de César, et
livrer à ses exécuteurs les biens de leurs
Églises et leurs livres sacrés. Quand la
persécution se ralentit, ceux qui s'étaient
montrés forts dans le danger s'exaltè-
rent et poursuivirent de leur mépris et
de leur haine les hommes qui par crainte
s'étaient dessaisis , dans les mains des
(I) Voy. sur Arnobe, V Histoire universelle de
VEglise catholique , par l'abbé Rohrbacher, t.
Yl,p. B5 ctsuiv.
19
bourreaux , du dépôt sacré qui leur avait
été confié. Ils leur appliquèrent, comme
une note d'infamie , le nom de tradi*
ieurs. Cette qualiOcation injurieuse»
employée par des hommes violents et
passionnés , ne Rêvait pas tarder à sou«
lever dans les Églises chrétiennes de
nombreux orages. Elle servit, pour
ainsi dire, de mot de ralliement à ceux
qui opérèrent , au moment même où
cessait la persécution , un schisme qui
devait être pour l'Afrique la cause et
l'ori^ne des plus grandes calamités. )
CECILIEN SUGGBBB ▲ XENSUBIUS;
DONÂT DES GASSS-IVOIBES; TROUBLES
DAiss l'éolisb db carthage; obi*
GINE DU SCaiSME DES DONATISTES. —
Après la mort de Mensurius (311) , les
chrétiens de Carthage procédèrent à
l'élection d'un nouvel évêque. Ils se
réunirent, prêtres et peuple, et tous,
d'un commun accord, ils proclamè-
rent le diacre Cécilien. Ce tut Félix»
évêque d'Aptonge, qui lui imposa les
mains. Mais bientôt une vive opposi*
tion se manifesta contre cette élec-
tion. Mensurius, avant son départ , avait
remis, par prudence, aux anciens de
Carthage , les vases d'or et d'argent de
son Église, Cécilien, à peine assis sur
le siège épiscopal, s'adressa aux dépo-
(Sttaires êWisis par son prédécesseur et
réclama les richesses qui leur avaient
été confiées. Ils s'irritèrent de cette de-
mande et se refusèrent à une restitu-
tion. Ils se joignirent, dans leur dépit,
à Botrus et a Celeusius, qui se piair
gnaient vivement de ne l'avoir point
emporté sur Cécilien. Puis, se liguant
encore avec Lucilla, femme riche et
puissante, ennemie de Tévêque qui,
simple diaere , l'avait jadis offensée par
de justes et sévères remontrances , ils
formèrent un parti qui s'enhardit enfin
jusqu'à protester hautement contre la
récente élection. L'âme et le chef de ce
parti était Donat des Cases-Noires.
Pour arriver à leurs fins , ils s'adres-
sèrent aux évêques de la Numidie, qui,
vivement blessés de n'avoir point été
appelés à l'ordination de Cécilien , se
rendirent en toute hâte à Carthiga
pour prêter aide et appui aux ennemse
du nouvel élu. A leut tête se trouvait
Secundus de Tigisi, le premier évêque
de la Numidie. lU étaient au nombre
2.
Digitized by VjOOQIC
50
L'UNIVERS*
de soixanie-dîx. Parmi eux on voyait
les douze évêques qui , réunis à Cirta ,
eu 305 , s'étaient avoués traditeurs , à
la suite de vives et mutuelles récrimina-
tions. Les ennemis de Ceci lien n'osèrent
point , à cause des manifestations du
peuple, se rendre dans la basilique qu'a-
vait illustrée Cyprien et où se trouvait
la chaire épiscopale. Ils se réunirent
probablement dans une autre basilique
et s'organisèrent en concile. Ils citèrent
d'abord Cécilien à comparaître devant
eux. Mais il fit bonne contenance et ré-
pondit : J'attends mon accusateur. Ce
n'est point par les fautes de Cécilien,
dirent ensuite les évêques rassemblés ,
que l'élection est nulle, mais par celles
des évêques qui Pont sacré. Félix d'Ap-
tonge est un traditeur. — Que ceux-là
doncL, repartit Cécilien , qui n'ont rien
à se reprocher, viennent de nouveau
m'imposer les mains. Cette fermeté
irrita les évêques , et l'un d'eux , Martien ,
proposa de recourir à l'excommunica-
tion. Un autre, Purpurius, de Limate,
s'écria dans sa fureur homicide : « Qu'il
vienne recevoir l'imposition des mains,
et on lui cassera la tête pour péni-
tence. » C'était le même évêquc qui ,
dans la réunion de Cirta, avait ré-
pondu à ceux qui l'accusaient d'avoir
fait périr ses neveux : « J'ai tué et je
tue ceux qui sont contre moi. »
Enfin les évêques prononcèrent une
sentence de condamnation en se fon-
dant sur les trois chefs suivants ; Céci-
lien n'avait point voulu se rendre dans
leur réunion; il avait été sacré par
des traditeurs ; enfin ( ce qui ne fut
jamais prouvé), il avait empêché les
fidèles , au temps de la persécution ,
de porter secours aux martyrs qui
avaient été jetés dans les prisons.
Ayant donc déclaré que le siège épis-
copal de Carthage était vacant, les
membres du concile procédèrent à une
nouvelle élection. II choisirent pour
évéque Majorin , attaché à la maison
deLucilla, et qui n'avait Jamais rempli
dans l'Église que les fonctions de lecteur.
Pour favoriser cette élection, Lucilla
distribua de grosses sommes d'argent,
qui ne furent point données aux pau-
vres, commeon le prétendit alors, mais
à tous les ennemis de Cécilien. A par-
tir de cet instant, il y eut donc aeux
Églises à Carthage. « Telle fut, disent
les historiens ecclésiastiques , l'origine
du schisme des Donatistes; car on
leur donna ce nom, à cause de Donat
des Cases-Noires, et d'un autre Donat,
plus fameux, qui succéda à Majorin
dans le titre d'évêque de Carthage. »
Cette dissidence devait bientôt avoir,
non point seulement dans la capitale
de l'Afrique, mais encore dans toutes
les provinces , de graves résultats. Elle
engendra des désordres sans; nombre,
qui ne tardèrent point à attirer l'atten-
tion de l'empereur.
BEQUÊTE DES DONATISTES A L'EM-
PEBEUR ; CONCILE DE BOME. — « Cons-
tantin, dit Fleury, avait donné ordre
à Anulin, proconsul d'Afrique, et à Pa-
trice , vicaire du préfet du prétoire , de
s'informer de ceux qui troublaient ta
paix de l'Église catholique , et qui s'ef-
forçaient de corrompre le peuple par
leurs erreurs : c'étaient les donatistes ;
et écrivant à Cécilien , évêque de Car-
thage , il lui marquait de s'adresser aux
magistrats impériaux pour avoir justice
de ces insensés. En exécution de cet or-
dre , Anulin exhorta les dissidents à la
paix : mais peu de jours après , quel-
ques-uns du parti contraire à Cécilien ,
ayant assemblé du peuple avec eux , vin-
rent présenter au proconsul un pac^uet
«acheté et un mémoire ouvert, le priant
instamment de les envoyer à la cour.
Le paquet portait pour titre : Mémoire
de l'Église catholique touchant les cri-
mes de Cécilien , présenté par le parti
de Majorin. Le mémoire ouvert et atta-
ché à ce paquet contenait ces mots :
« Nous vous prions, Constantin , très-
« puissant empereur, vous qui êtes
« u'une rac« juste , dont le père a été le
« seul entre les empereurs qui n'ait
« point exercé la persécution , que ,
«i puisque la Gaule est exempte de ce
c crime, vous nous fassiez donner des
« juges de Gaule, pour les différends
« que nous avons en Afrique avec les
«autres évêques. Donné par Lucien,
« Digne, Nassutius, Capiton, Fiden-
« tins et les autres évêques du parti Ma-
« jorin. » L'empereur ayant reçu ces mé-
moires avec la relation d' Anulin, lui
écrivît d'envoyer Cécilien et ses adver-
saires, chacun avec dix clercs de soa
parti , pour se trouver à Rome dans le
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRETIENNEé
second jour d'octobre, et y être jugés par
des évéques. Auulin exécuta cet ordre,
et en rendit compte à Fempereur, qui
écrivit aussi au pape Miltiade et aux
évéques de Gaule et d'Italie, pour
s'assembler à Rome le même jour, et
leur envoya tous les mémoires et les
papiers (]u'Anulin lui avait envoyés
sur ce sujet. La lettre au pape est aussi
adressée à Marc , que Ton croit être ce-
lui qui fut pape après saint Silvestre.
L'empereur y dit : Taijugéà propos que
Céciilien aille à Rome avec dix évéques
de ceux qui l'accusent, et dix autres
qu'il croira nécessaires pour sa cause;
afin qu'en présence de vous, de Réti-
cius , de Materne et de Marin , vos col-
lègues, à qui j'ai donné ordre de se
rendre en diligence à Rome pour ce
sujet, il puisse être entendu comme
vous savez qu'il convient à la très-
sainte loi. Reticius et les deux autres
étaient les évéques de Gaule.
« Céciiien avec les dix évéques ca-
tholiques , et les dix de l'autre parti, qui
avaient à leur tête Donat des Cases-
Noires , se trouvèrent à Rome au jour
nommé; et le concile s'assembla dans
le palais de l'impératrice Fausta,
nommé la maison de Latran , ce même
jour, second d'octobre 313, qui était
un vendredi. Le pape Miltiade prési-
dait; ensuite étaient assis les trois
évéques gaulois : Reticius d'Autun,
Materne de Cologne, Marin d'Arles;
. puis quinze évéques italiens : Mérocles
de Milan, Stemnius de Rimîni, Félix
de Florence, Gaudence de Pise, Pro-
terius de Capoue , Théophile de Béné-
vent, Savin de Terraeine, Second de
Preneste , Maxime d'Ostie, et quelques
autres, faisant en tout dix-neuf évé-
ques , le pape compris. L'ordre de cette
séance est remarquable, particulière-
ment en ce que les trois évéques gau-
lois y tiennent le premier rang, et
que, entre les Italiens, les évéques
d'Ostie et de Preneste , quoique suf-
fragants du pape , n'ont point de rang
particulier. On travailla trois jours du-
rant avec des notaires qui rédigeaient
en même temps les actes , c'est-à-dire le
procès-verbal. Le premier jour, les ju-
ges informèrent qui étaient les accusa-
teurs et les témoins contre Céciiien.
Les évéques du parti de Majorin pré-
21
sentèrent un mémoire d'accusations
donné contre lui par ceux de son parti ;
sous ce prétexte , ils prétendaient que
tout le peuple de Carthage l'avait ac-
cusé. Mais les juges n'eurent point d'é-
gard à ce mémoire , parce qu'il ne con-
tenait que des cris confus d'une multi-
tude, sans accusateur certain. Ils de-
mandaient des témoins et des personnes
qui voulussent soutenir l'accusation en
leurs noms ; mais ceux que Donat et les
autres évéques du parti de Majorin
produisirent comme accusateurs et
comme témoins , déclarèrent qu'ils n'a-
vaient rien à dire contre Céciiien.
« Ensuite Céciiien accusa Donat d'a-
voir commencé le schisme à Carthage
du vivant de Mensurius , d'avoir rebap-
tisé, d'avoir imposé de nouveau les
mains à des évéques tombés dans la per-
sécution. Enfin, dit-il, Donat et ses
coUègueîT ont soustrait les accusateurs
et les témoins, qu'eux-mêmes avaient
amenés d'Afrique contre moi, tant leur
calomnie était évidente. Donat confessa
qu'il avait rebaptisé et imposé les mains
aux évéques tombés, et promit de re-
présenter les personnes nécessaires à
cette cause, qu'on l'accusait d'avoir
soustraites. Mais après l'avoir promis
deux fois , il se retira , et n'osa plus
lui-même se présenter au concile, crai-
gnant que les crimes qu'il avait confes-
sés ne le fissent condamner présent , lui
qui était venu de si loin pour faire con-
damner Céciiien. Le second jour, quel-
ques-uns donnèrent un libelle de dénon-
ciation contre Céciiien. On examina'
les personnes qui l'avaient donné, et les
chefs d'accusation qu'il contenait ; mais
il ne se trouva rien de prouvé. Le troi-
sième jour, oh examina le concile tenu
à Carthage par soixante-dix évéques
qui avaient condamné Céciiien et ses
ordinateurs. C'était le grand fort de ses
adversaires : ils faisaient sonner bien
haut ce grand nombre d'évêques; et
qu'étant tous du pays , ils avaient jugé
avec grande connaissance de cause.
Mais Miltiade et les autres évéques. du
concile de Rome n'eurent aucun égard
au concile de Carthage, parce que Céci-
iien y avait été condamné absent et sans
être entendu. Or, il rendait de bonnes
raisons pour ne s'y être pas présenté. Il
savait que ces évéques avaient été appe-
Digitized by VjOOQIC
33
L^UNIVERS.
lés à Carthage par ses adversaires, qo*ils
logeaient chez eux , et concertaient tout
avec eux. Il savait les menaces de Pur-
{)urius , évêque de Limate, dont la vio-
ence était connue. Les évoques du con-
cile de Rome jugèrent donc que tout ©e
qui avait été traité en ce concile de
Carthage était encore en son entier :
savoir, si Félix d'Aptonge était tradi-
teur, ou quelque autre de ceux qui
avaient ordonné Cécilien. Mais ils trou-
vèrent cette question difficile et inutile.
Elle était dimcile, parce qu'il y avait
des témoins à interroger, des actes à
examiner, et que Cécilien accusait ses
accusateurs du même crime, d'avoir
livré les saintes Écritures , à cause du
concile de Cirta où ils l'avaient con-
fessé. D'ailleurs, il était inutile d'exa-
miner si Félix était tràditeur, puisque,
quand il l'eât été, il ne s'ensuivait pas
que l'ordination de Cécilien fOt nulle :
car la maxime était constante, qu'un
évéque, tant quï\ était en place sans
être condamné ni déposé par un juge-
ment ecclésiastique , pouvait légitime-
ment faire des ordinations et toutes les
autres fonctions épiscopales. Les évo-
ques du concile de Rome crurent donc
ne devoir point toucher à cette ques-
tion, de peur d'exciter de nouveaux
troubles dans l'Eglise d'Afrique, au lieu
de la pacifier. Ils déclarèrent Cécilien
innocent et approuvèrent son ordina-
tion; mais ils ne séparèrent pas de leur
communion les évêques qui avaient
. condamné Cécilien , m ceux qui avaient
été envoyés pour l'accuser. Donat des
Cases-Noires fut le seul qu'ils condam-
nèrent, comme auteur de tout le mal,
convaincu de grands crimes, par sa
^propre confession. On laissa le choix
aux autres de demeurer dans leurs siè-
ges, quoique ordonnés par Majorin hors
de l'Église, à la charge de renoncer au
schisme. En sorte que dans tous les
lieux où il se trouverait deux évêques ,
l'un ordonné par Cécilien , l'autre par .
Majorin , on conserverait celui qui se-
rait ordonné le premier, et on pourvoi-
rait l'autre d'une autre Église. Voilà le
jugement du concile de Rome, où Ton
voit une discrétion singulière et un
exemple remarquablede dispense contre
la rigueur des rèjiles pour le bien de la
paix. En ce concile, chaque évcquedit
son avis , selon la coutunae, et le pape
Miltiade conclut l'action, disant le sien
en ces termes : Puisqu'il est constant
que Cécilien n'a point été accusé par
ceux qui étaient venus avec Donat,
comme ils l'avaient promis, et qu'il n'a
été convaincu par Donat sur aucun
dief , je suis d'avis qu'il soit conservé
en tous ses droits, dans la communion
ecclésiastique. Nous n'avons pas le
reste de la sentence sur les autres chefs.
Le pape et les autres évêques rendirent
compte à l'empereur Constantin de ce
jugement, lui envoyant les actes du
concile, et lui mandèrent que les accu-
sateurs de Cécilien étaient aussitôt re-
tournés en Afrique. Le pape Miltiade
ou Melchiade mourut trois mois après,
le dixième de janvier, l'an 314(1). »
BETOUR DE DONAT ET DE CÉCILIKN
EN AFRIQUE; sVlTE DES TROUBLES;
LES DONATISTES DEMANDENT LA RÉ-
VISION DU JUGEMENT QUI LES A CON-
DAMNÉS A ROME; DÉCISION DE CONS-
TANTIN; CONCILE d'arles. — Aprcs
sa condamnation, Donat des Cases-Nei-
res demanda l'autorisation de retourner
en Afrique; il s'engageait à ne point
rentrer dans Carthage. D'autre part,
en vue de la paix, Cécilien reçut ordre
de ne point quitter l'Italie et de séjour-
ner à Brescia. Deux évêques' furent en-
voyés alors comme commissaires à
Carthage, pour notifier au clergé et au
peuple la sentence que le concile de
Rome avait promulguée. Ils étaient
chargés en outre de faire une enquête
et de transmettre à l'empereur le résul-
tat de leurs observations. Optât, évêque
catholique , qui écrivit plus tard l'his-
toire du schisme des donatistes, assure
qu'après un long et mûr examen les
commissaires Eunomius et Olympius
dpnnèren tencore une fois gain de cause
à Cécilien. Ce fut sur ces entrefaites
que Donat, malgré ses promesses, re-
vint à Carthage; Cécilien, de son côté,
se hâta de quitter Brescia, où on l'avait
(I) Fteury; Hut. ecelésiasL Uv. x, t. III, p.
26. — Tillemont; mémoires pour servir a Vhist.
ecclés., etc., t. VI, d. 31 et suiv. — BérauU-
Bercastel; Hist. deFEglise; t. II,.p- 13 et suiv.
— Voy. aussi M. de Potter; HtsL du chris-
tianisme, etc., époq. I, Hv-.VI, ch 3; t. II,
p i:iu et suiv. — Morcelli (.-ifrica chris^
Uana)\-ddixu. 313; t. II, p. 20».
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CïïRÊTIëNNE.
i%
réiëguë et de reprendre possession de
soD siège épiscopal.
L'assemblée des évéques réunis à
Rome n'avait rien terminé, et, à l'arri-
vée , en Afrique , des deux chefs de par»-
ti , les querelles recommencèrent. Les
donatistes disaient qu^on tes avait eon*
damnés à Rome , sans avoir pris con-
naissance de tous les faits qu'ils avaient
allégués , et avec une extrême précipi-
tation. Ils rappelaient, pour exemple,
que Félix, l'évêque d'Aptonge, tradi-
teur suivant eux , n'avait point été mis
en cause. Constantin, pour les satis-
faire , ordonna aux magistrats de l'A-
frique de juger Félix. Ce fut Élien , le
proconsul, qui présida à l'interroga-
toire. Après de longues et minutieuses
recherches, qui établirent dans tout son
jour, au témoignage des écrivans catho-
liques, l'innocence de l'accusé, le juge
impérial déclara que Félix n'était point
un traditeur.
Les donatistes ne se laissèrent pas
abattre par cette nouvelle sentence. Ils
s'adressèrent encore à l'empereur, qui ,
pour pacifier une de ses plus belles pro-
vinces, usa de patience et soumit de nou-
veau l'affaire à un concile. Les lettres de
convocation fixaient à Arles le lieu de
l'assemblée. Cécilien et ses accusateurs
n'étaient pas les seuls membres du
clergé d'Afrique qui fussent appelés
dans les Gaules. Ils devaient être assis-
tés , aux termes des lettres impériales ,
d'un certain nombre d'évêques appelés
de la Tripolitaine, de la Byzacène, de
la Proconsulaire, de la Nurnidîe et des
Mauritanies. Nous savons que Chres-
tus , évêque de Syracuse , les accompa-
gna.
Le concile s'ouvrit le premier du mois
d'aoûtde l'année 314. On comptaitdans
rassemblée seize évêques gaulois , deux
Bretons ( ceux d'York et de Londres) ,
et plusieurs qui étaient venus de Tltalie
et de l'Espagne. L'évêque de Rome ,
saintSylvestre,étaitrepré3enté par deux
prêtres, Claudien et Vitus , et tfeux dia-
cres, Eugène et Cyriac^ue. On examina
d'abord raffairc de Cécilien. Les deux
faits qu'on ne cessait de lui reprocher,
à savoir, de s'être opposé par violence,
à l'époque de la persécution, aux chré-
tiens qui portaient de la nourriture aux
martyrs emprisonnés, et d'avoir été
consacré par des évêques traditeurs ,
ne furent point établis sur des preuves.
Les Pères du concile d'Arles prononcè-
rent donc en faveur de Cécilieq une
sentence d'absolution. Avant de se sé-
parer, ils adressèrent à l'évêque de
Rome une lettre où on lisait ces mots :
« Au bien^aimé pape Sylvestre, tous les
évêques, salut étemel dans le Seigneur.
Unis ensemble par le lien de la charité
et par l'unité ae notre mère l'Église
catholique , après avoir été amenés en
la ville d'Arles par la volonté du très-
pieux empereur, nous vous saluons de
là, très-glorieux Père, avec la vénération
qui vous est due. Nous y avons eu à
supporter des hommes emportés et per-
nicieux à notre loi et à la tradition;
mais l'autorité présente de notre Dieu,
la tradition et la règle de la vérité les
ont repoussés de telle sorte, qu'il n'y
avait de consistance et d'accord , ni dans
leurs discours, ni dans leurs accusa-
tions, ni dans leurs preuves. C'est pour-
quoi, par le jugement de Dieu et de
rÉglise, notre mère, laquelle connaît
les siens et les approuve, ils ont été
ou condamnés ou repoussés. Et plût à
Dieu, bien-aimé frère, que vous eussiez
assisté à ee grand spectacle : vous-même
jugeant avec nous , leur condamnation
en eût été plus sévère, et notre joie plus
grande (1). » Les membres du concile
ne s'étaient point seulement occupés de
Cécilien et de ses accusateurs, ils avaient
encore fait divers règlements relatifs à
la discipline générale de rÉglise.Néan-
moins, parmi ces règlements, il en est
plusieurs qui montrent que les évêques
étaient vivement émus par le grand dé-
bat auquel ils avaient assisté et qui font
une allusion directe aux querelles qui
agitaient l'Afrique : « Ceux, dit le con-
cile, qui sont coupables d'avoir livré les
Écritures ou les vases sacrés , ou dé-
noncé leurs frères, seront déposés de
l'ordre du clergé , pourvu qu'ils soient
convaincus par des actes publics, non
Ï\dr de simples paroles. S'ils ont conféré
es ordres a un homme digne d'ailleurs,
l'ordination sera valable. » Et plus
loin : a Parce que plusieurs résistent
à la règle de l'Église, et prétendent être
(I) Rohrbacheï; Hist* universi, de VÉgU ca-
thol.;i.yi, p. 226
Digitized by VjOOQIC
u
L'UNIVERS
admis à accuser avec des témoins cor-
rompus par argent, qu'ils ne soient
point reçus en leurs demandes. Ils de-
vront prouver, au préalable, par des ac-
tes çuDlics, ce qu'ils ont avancé. » Enfin
on lit dans les actes du concile : « Ceux
qui accuseront faussement leurs frères
ne recevront la communion qu'à la
mort (l). » i
Le concile d'Arles n'éteignit point,
en Afrique, les passions et les haines. Le
schisme continua. Les donatistes, per-
sévérant à se croire mal jugés, interje-
tèrent appel des deux sentences qui ïes
avaient condamnés ; ils s'adressèrent di-
rectement à l'empereur, le priant d'exa-
miner lui-même et de prononcer dans
leur cause. Vivement irrité de cette de-
mande, qui tendait à prolonger la dis-
cussion et les querelles, Constantin
s'emporta contre les donatistes, et leur
reprocha leur opiniâtreté et leur audace.
Néanmoins , il résolut de tenter encore
une fois la voie des conciliations. Il
évoqua à son tribunal la cause qui lui
était soumise,. et par un jugement pro-
noncé à Milan, en 315, il confirma l'ar-
rêt porté contre les donatistes dans les
conciles de Rome et d'Arles (2).
MESUBBS BieOUBEUSES P]^ISBS PAB
CONSTANTIN CONTBE LES DONATIS-
TES; LUTTES ET BÉVOLTES; LES GIB-
GONGELLiONS. —Constantin, comme
BOUS l'avons dit, même en promettant
aux donatistes d'écouter leur plainte
et de les juger, avait donné un libre
cours à sa colère. Son emportement
avait* dû faire prévoir aux ennemis de
Cécilien une nouvelle condamnation.
Néanmoins, quand l'empereur eut pro-
(I) Labbe; Concil.i. I, col. 1727 et 1728. Oq
trouve dans ce recueil non-seulement les canons
du concile d'Arles, mais encore les lettres de
Constantin.
(2)Voy. sur le concile d'Arles et sur les évé-
nements qui le précédèrent et le suivirent jus-
qu'en l'année 4I6 , indépendamment des conci-
les et des auteurs anciens , saint Optât , saint
Augustin et Eusébe (Optât, milev. de schism.
Don. I, 25 et sqq. — S. Aug. epist. 60 ad
Bon.; eplst. 162 ad Glor. Eleus.; epist. I6& ad
Gêner.; epist. l«6ad Do;w/.;etc., etc. — Euseb.
HisU ecctes.y X, 6); Tillemont; Mémoires pour
servira Phist. ecclésiast., etc. , t. VI, p. BO «il suiv.
— Fleury; Hist. eccles., t. III, p. 32 et suiv. — Bé-
rault-Bercastel; Hist. de l'Église; t. II, p. I»
et suiv. — Rohpbacber; 1. c. — Potter; t. Il,
p. 135; — et surtout Morcelli, ad an. 3I3, 3i4j
316 et 316. C'est Morcelli que nous avons suivi
pour la date du jugement rendu à Milan;
voy. Jfr. christ., t. Il , p. 216 et 217.
nonce, ils protestèrent contre sa sen*
tence. Constantin répondit cette fois à
leurs protestations par la menace des
peines les plus sévères. Déjà, il avait
recommanda à Celsus, son vicaire,
dans une lettre que saint Optât nous
a conservée , de procéder à l'yard des
donatistes avec une extrême sévérité. Il
avait annoncé, en même temps , que
lui-même se disposait à passer en Arri-
que pour trancher toutes les difficultés
et opérer, s'il en était besoin, par la
force, la çaciGcation d'une des portions
les plus importantes de son empire.
Celsus se conforma aux ordres qu'il
avait reçus. Il poursuivit les donatistes
et bannit d'Afrique les hommes les plus
marquants du parti (I).
^Les dispositions de l'empereur inci-
tèrent sans doute 'les catholi({ues à la
persécution , et, plus d'une fois , ils eu-
rent recours pour combattre leurs ad-
versaires, non plus à la discussion, mais
à la violence. Les magistrats, de leur
côté, essa)rèrent , en usant de rigueur,
de complaire à Constantin. Cette con-
duite , loin d'étouffer le schisme , ne fit
que raviver les haines. Les donatistes
se laissèrent emporter par le désir delà
vengeance ; sous des chefs énergiques ,
sous Menalius et Silvanus, par exemple,
ils opposèrent la force à la force; ils
s'emparèrent, comme àConstantine (2),
des églises et résistèrent ouvertement
aux catholiques et à l'empereur. La sé-
vérité des édits portés contre eux ne
les arrêta point; leur zèle ne fît que
s'accroître, et bientôt dans les classes
inférieures qui embrassèrent, en géné-
ral , la cause du schisme, ce zèle prit le
caractère d'un violent et sombre en-
housiasme.
Ce fut alors que se montrèrent les
premières bandes de circoncellions (3).
(1) En 321, sur la reguéte des donatistes, ceaz
3ui avaient été bannis à cause du schisme et
es troubles qui l'avaient suivi, furent autorisés
à rentrer en Afrique. ConstanUn promit même,
sur la demande qui lui en avait été faite , de ne
point contraindre les dissidents à communi-
quer avec Cécilien. Vov. Eléury; Hist. êcclés,,
t. III, p. 76, et Morcelli ad an. 321.
(2) Cétait Cirta. Elle quitta alors son anciea
nom pour celui de Coneslantine .
(3) Morcelli (^/ric. christ., t. II, p. 21»)
dit , à propos des événements qui s'accompli-
rent en 317 : ortum habuere circnmcelliones,
furiosi illi donatisiarum satellites , perditis-
sima fexpopuli et agrestium latronum mul"
iitudo ad omne /actnus congregata, — £a
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
La querelle entre Cécilien et ses enne*
mis avait eu, dans toute TAfrique, un
grand retentissement. Les populations
s'étaient divisées. Les classes inférieu-
res, excitées par d'ardentes prédications,
se rangèrent volontiers du côté de ceux
qui se vantaient d'avoir seuls traversé,
avec courage , les temps de la persécu-
tion et d'être sortis de la lutte sans
souillure; et par une conséqueuce né-
cessaire , elles déclarèrent une guerre à
mort aux catholiques qu'on leur dési-
gnait comme impurs, comme tradîteurs.
Les chefs donatistes réglèrent sans doute
les premiers mouvements des hommes
?|u'ils avaient soulevés. Mais bientôt ils
ùrent dépassés : les esclaves, les colons,
les petits propriétaires ruinés par le
fisc que, pour leur vagabondage autour
des lieux habités , on appela circoncel^
lions, formèrent des bandes semblables
à celles qui. parcoururent, au moyen âge,
sous des noms divers, l'Allemagne, la
France, l'Angleterre, l'Espagne et l'I-
talie, Ces circoncellions ne s inquiétè-
rent point seulement, il faut le dire, de
la querelle qui séparait Donat de Céci-
lien; comme ils appartenaient presque
tous à la classe opprimée et souffrante,
ils voulurent une réorganisation sociale
et tentèrent d'établir , en ce monde , ce
que, sous le fouet du maître et au mi-
lieu des plus rudes travaux, ils avaient
appelé si souvent de leurs vœux , à sa-
voir, le règne d'une parfaite égalité. Ce-
pendant , c'est le côté religieux qui do-
mine dans celte grande insurrection. Les
circoncellions, qui se donnaient le nom
de saints, se crurent chargés d'une mis-
sion divine. S'opposer à eux,c'était, dans
leurs idées, résister à Dieu même; donc,
périr dans la lutte, c'était acquérir des
droits à la félicité éternelle. Dans leur
farouche enthousiasme , ils recherchè-
rent avidement le martyre. Ils s'of-
fraient, par troupes , au fer de leurs en-
nemis, et quand on refusait de les
frapper, ils se tuaient eux-mêmes- La
rigidité de leur doctrine ne les empêcha
point , sous Maxida et Fasir , les plus
effet , IMnsurrecUon dut s'organiser au moment
même où, pour obéir aux ordres de Constantin,
les magistrats de l'Afrique commencèrent à
sévir contre les donalistes. Fieury ( t. III , p.
217 ) et quelques autres iïistoriens ont reporté
à l'année 32» et même plus tard, à tort sui-
vant nous, l'apparilioa des drcoDcellions.
2S
célèbres de leurs chefs , de se livrer à
de graves désordres. Ils s'abandonnaient
( et cela est inévitable dans les grandes
réunions où l'on ne trouve ni frein , ni
règle ) à la débauche et à tous les excès.
Ils pillaient, brûlaient, massacraient.
Les choses en vinrent à ce point que
les donatistes eux-mêmes qui les avaient
suscités implorèrent, pour les réprimer,
l'assistance des officiers impériaux. On
envoya des troupes contre les circon-
cellions ; mais il s'écoula bien des an-
nées avant le retour de Tordre et la sou-
mission complète, en Afrique, des po-
pulations insurgées (1).
GABAGTÈRB DU SCHISME JHES DO-
NATISTES ET DU SOULÈTEMENT DES
GiBGONGELLiONS.>— « Lcdonatismc, dit
M. Saint-Marc Girardin (2), n'est point
une hérésie , c'est un schisme ; car les
donatistes croient ce que croit l'Église
catholique; seulement, selon eux, les
traditeurs ont souillé la pureté du ca-
ractère épiscopal; ils ont interrompu la
descendance spirituelle des apôtres. Ne
cherchez ici aucune des subtilités fami-
lières aux hérésies de la Grèce ou de
l'Orient. L'esprit africain est à la fois
simple et violent, et il ne va pas jusqu'à
l'hérésie : il s'arrête au schisme; mais
il met dans le schisme un acharnement
singulier. Il y a peu d'hérésies qui soient
nées en Afrique. L'arianisme n'y vint
qu'avec les Vandales , et encore l'aria-
nisme, tel que le professaient les Goths
et les Vanclales, n'était pas l'arianisme
subtil , tel que l'Orient l'avait connu ,
disputant sur la consubstantialité du
(1) Les circoncellions se dissipèrent, il est
vrai; mais les croyances qui avaient soulevé
les populations devaient survivre à l'insurrec-
tion armée. Pendant longtemps on vit en
Afrique des hommes errer çà et là , dans les
campagnes, pour perpétuer, au sein des classes
opprimées, la doctrine sociale et religieuse qui
les avaitsi vivement agitées. Ces hommes, pour
la plupart, étaient engagés dans les ordres,
et tous , ils appartenaient au parti donatiste.
C'est à ces prédicateurs errants , appelés aussi
circoncellions, que s'applique la noie insérée à
la page 34 de notre Histoire de la domination^
des Vandales en Afrique.
Nous renvoyons encore ici, pour ce qui con-
cerne les donalistes et les circoncellions, aux
renseignements bibliographiques rassemblés
par J C. Ludw. Gieseler. Voy. Lehrottch des
Kirchengeschkhte; t. I , p. 323,324 et 325;
4i7etsuiv. . ^. „ ^^ .
(2) M. Saint-Marc Girardm ; V Afrique sou»
saint Jufjnslin. Voy. la Revue des Deux Moih
des; 15 septembre 1842; p. 987.
Digitized by VjOOQIC
^6
L'UNIVERS.
Père et du FHs ; c^étai t un arianimie plas
simple et plus à la portée de Tesprit des
baroares, qui faisait du Père et du FDs
deia dieux , dont Tun était plus grand
et plus puissant que Tautre. Les héré-
sies africaines, et elles sont en petit
nombre , n'ont jamais rien de subtil et
de rafûné. Leseélieoles, dont saint Au-
gustin parle quelque part, ne sont qu'une
secte qui penche vers le déisme primi-
tif des Juifs , et semblent être en Afri-
que les précurseurs lointains du ma-
bométisme.
« Les donatistes africains n'ont ni
avec le judaïsme, ni avec le mahomé-
tisme aucune analogie de dogmes , car
ils ne contestent aucune des croyances
chrétiennes ; mais ils ont avec ces deux
religions une grande ressemblance exté-
rieure. C'est la même allure de fana-
tisme, c'est le même goât pour la forée
matérielle. Les donatistes ont, comme
tous les partis, leurs modérés et leurs
zélés; les modérés, qui s'appellent sur-
tout les donatistes; les zélés, qui sont
. les circoncellions. Les donatistes sont
les docteurs et les diplomates du parti ;
ils désavouent l'usage de la violence;
ils font des requêtes aux empereurs;
ils inventent d'habiles chicanes pour
échapper aux arrêts rendus contre leur
schisme ; ils écrivent contre les doc-
teurs catholiques; ils les calomnient et
les insultent. Ils ne sont du reste ni
moins obstinés, ni moins ardents que
les circoncellions. Ils se déclarent les
seuls saints, les seuls purs, les seuls
catholiques. Les circoncellions sont
l'armée et le peuple du parti , et ils re-
présentent, dans te donatisme, l'Afrique
barbare, comme les donatistes repré-
sentent l'Afrique civilisée. Les circon-
cellions sont des bandes nomades qui
se mettent sous un chef et parcourent le
pays. Ils font profession de continence;
mais le vagabondage amène la débauche
dans leurs bandes. Le but de leurs
courses est de faire reconnaître la sain-
'teté de leur Église; aussi leur cri de
guerre est : Louanges à Dieu ( Lavtdes
Deo ) , cri redouté , car, partout ou il
retentit, il annonce le pillage et la mort.
Comme les circx)ncellions sont la plu-
part des esclaves fugitifs ou des labou-
reurs qui ont renoncé au travail pour
s'enfuir au désert, ils ont les haines
qui sont natiirelles à ottte sorte d'hom-
mes. Ils haïssent les maîtres et les
riches, et ^uand ils rencontrent un
maître monte sur son chariot et entouré
de ses esclaves, ils le font d^cendre, •
font monter les esclaves dass le char
et forcent le maître à courir à pied ; car
ils se vantent d'être venus pour rétablir
l'égalité sur la terre, et \\s appellent
les esclaves à la liberté : tout cela , au
nom, disent-ils, des principes du chris-
tianisme, qu'ils dénaturent en l'exagé-
rant , et dont surtout ils n'ont pas tes*
mœurs. Dtez -leur le fanatisme , ce sont
les Bagaudes de la Gaule , oe sont les
ancêtres de la Jacquerie ; c^est la vieille
guerre entre l'esclave et le maître, en-
tre le riche et le pauvre; seulement
cette guerre a pris la marque de l'Afri-
que : ce sont des nomades ; — et la
marque du temps : ce sont des bandes
fanatiques. C'est le fanatisme, en efTet,
qui leur donne un caractère à part. Ils
sont cruels contre eux-niêmes et contre
les autres ; ils se tuent avec une facilité
incroyable , aGn , disent-ils, d'être mar-
tyrs et de monter au ciel. Ils tuent les
autres sans plus de scrupule, en combi-
nant d'affreuses tortures , pleines des
raffinements de la cruauté africaine.
Parfois cependant, ils s'inquiètent de
savoir s'ils ont le droit de se tuer, et
alors ils forcent le premier venu à les
frapper, afin de ne pas compromettre
le mérite du martyre par le péché du
suicide. Malheur, du reste, au voyageur
qui refuserait de leur prêter sa mam pour
les tuer! Il' périrait lui-même sous les
coups de leurs longs bâtons, qu'ils ap-
pellent des isra^Htes, à moins qu'il n'ait
la présence d'esprit d'un jeune homme
de la ville de Madaure , qui rencontra
un jour une de leurs bandes. Ces fana-
tiques avaient résolu depuis plusieurs
jours d'être martyrs, et, selon leur
usage, imité des gladiateurs, ils s'é-
taient, avant leur mort, livrés à tous
les plaisirs de la vie, et surtout aux
plaisirs de la table. Ils cherchaient donc
avec impatience quelqu'un qui les vou-
lût tuer. A l'aspect de ce jeune homme,
ils coururent à lui avec dé grands cris,
et lui présentèrent une épée nue, le me-
naçant de l'en percer s*il ne voulait pas
les en percer eux-mêmes. « Mais , dit le
jeune homme, qui me répond, quanid
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHEfinENNE.
27
j'aurai tué daux ou trois d'^qtre vous ,
que les autres ne changeront pas d'i-
. dée, et ne me tueront pas? Il faut
doofî que vous vous laissiez lier, v II3 y
consentirent, et, une fois bien liés, il
les laisse sur le chenoin et s*enfuit.
« Les circoncellions représentent,
dans I0 donatisme, les mœurs deTA-
fri^ue barbare ; mais il y a dans le do-
natisme quelque chose qui caractérise
l'Afrique en général : c'est l'esprit d'in-
dépendance à l'égard des empereurs;
c'est la haine de l'unité , soit de l'unité
temporelle de l'empire, soit de l'unité
religieuse de l'Église »
Plus loin, M. Saint-Marc Girardin dit
encore (1) : « Quand on écarte de la dis-
cussion entre les donatistes et les ortho-
doxes tout ce qui est déclamation et in-
jure, on voit que le principal grief contre
le donatisme, c'est qu'il a rompu l'unité
catholique. De ce côté, le refrain du
chant rimé de saint Augustin résume
fort bien les reproches qu'il fait aux
donatistes :
Omoes qui gaudeUs de pace.
Modo verum judicate.
La paix, c'est-à-dire l'unité, voilà le
sentiment et le principe que saint Au-
gustin atteste contre les donatistes. C'est
là en effet le sentiment qui leur répu-
gne, c'est par là qu'ils sont rebelles; ils
n'ont avec les orthodoxes aucun dissen-
timent dogmatique; seulement ils veu-
lent faire une Église à part. 11 n'y a point
avec eux de controverse théologique ,
car ils disputent sur des faits plutôt que
sur des opinions. Dans le donatisme ,
ce n'est point comme dans la plupart
des hérésies , l'indépendance de l'esprit
humain qui en est cause, c'est l'indé-
pendance de l'Afrique ; et, ce qui achève
de le prouver, c'est que les tentatives de
révolte que font quelques gouverneurs
d'Afrique, entre autres le comte Gel-
don en 397 , sont appuvées par les do-
natistes. Ils sont les alliés naturels de
quiconque veut rompre Tunité de l'em-
pire dans l'ordre politique, comme ils
veulent la rompre dans l'ordre reli-
gieux »
Enfin il ajoute (2) : • Le donatisme est,
au quatrième et au cinquième siècle, un
témoignage expressif de Toriginalité que
(I)M. Saint-Marc Girardia; Ibid. p. 990.
(2) Id. Ibid. p. 992.
l'Afrique a gardée sous toutes les do-
' minations. Dans le donatisme, cette
orij^inalité a été jusqu'au schisme en
relij^ion ; et elle se ralliait volontiers à
la révolte en politique (1), »
SUITK OES XBOTIB}.S$; VAINBS TBII-
TÀTIVBS DB CONCIUATXON; CONCILE
DB CABTHAGE, '— DaUS CCtte luttC
acharnée des donatistes contre les ca-
tholiques ou, comme disaient les dissi-
deats, contre les iradUeurs, il y eut,
par un accord tacite, des instants de ré-
pit et des trêves. Le rappel des exilés
donatistes, en 321, semble indiquer un
ralentissement dans la lutte et un affai-
blissement daus les haines. Cet état
de choses dura d'abord jusqu'en 326,
année où, suivant Morcelli (2), unit
l'épiscopat de Cécilien. On put croire
un instant que la guerre allait recom-
mencer ; mais le repos de l'Afrique ne
fut pas troublé. Les catholiques choi-
sirent Rufus pour évêque ; ce fut pro-
bablement à la même époque que les
, dissidents procédèrent à l'élection de
Donat (3). On serait tenté de croire que
(4) Cette appréciation du schisme des do-
naUstes et du soulèvement des circoncoUions
Doos semble profondément vraie. Cependant
nous devons dire que nous n'acceptons point
sans réserve toutes les opinions de M. Siaint-
Marc Girardin. Nous croyons, par exemple,
que cette ptirase : L'tspril a/ncain est a la
fois simple et vudent , et il ne va pas jusqu'à
l'hérésie ; il s'arrête au schisme , contient un
jugement trop absolu. Nous pensons, — et
ici nous invoquoiw l*aulorite de tous les
historiens ecclésiasUques, — que les héré-
sies ont eu sur l'Afrique, si l'on peut s'ex-
primer ainsi, plus de prise que ne Je croit
M. Saint-Marc Girardin. D'autre part, VesM
a/iicain, suivant nous, se prêtait volontiers
aux profondes oiéditaUons et à la controverse;
et dans la discussion il se disUnguait tour à
tour par la force de la dialecUque et par la
subtilité. C'est un fait que l'on cent constater
dans les ouvrages de tous les Africains, qui
écrivirent depuis Tertullien jusqu'à saint
AugusUn. Seulement , dans ces ouvrasefi, ce
qu'il y a de logique, dUngéuieux. de défié, de
subtil., disparait sous l'exagération de la for-
me, sous l'enflure des mots* H semble méuie
3ue l'Afrique aU communiqué l'esprit des
iscussions habiles aux étrangers, aux barbares,
par exemple , qui fréquentèrent ses écoles et
qui étudièrent ses ceuvres littéraires, his-
toriques et philosophiques. Nous rappellerons
ici , comme preuve, le nom de Thrasamuud ,
de ce roi vandale qui était théologien, non
point à la manière du fameux roi des Franks,
uilpéric, mais à la manière des Byzantins.
(2) yJJrica chrisliuna ; ad an. 326 et 327.
Vov. I. II, p. 230 et 231.
(3) i^e fut cet évoque et Donat des Cases^
Digitized by VjOOQIC
2S
L'UNIVERS.
les deux nouveaux élus songèrent d'a-
bord à remédier aux maux de l'Église
et que leurs premiers soins eurent pour
but d'opérer entre les deux partis un
sincère rapprochement. Cest, à notre
sens , Texplication du concile que, sui-
vant le témoignage de saint Augustin ,
les donatistes ouvrirent à Carthage^
en Tannée 328 (1). Ce qui prouvela force
du schisme, c'est que Von vit accourir,
de divers lieux, dans ce concile, deux
cent soixante-dix évéques.
Les membres de cette grande réunion
tentèrent les voies de la conciliation.
Ils se relâchèrent de leur rigorisme et
déclarèrent qu'à l'avenir ils communi-
queraient volontiers avec les traditeurs,
sans les soumettre à un second baptê-
me. On en vit plusieurs qui , comme l'é-
vêque Deuterius , de la Mauritanie si-
tifîenne, observèrent fidèlement ce qui
avait été décrété; et ce fut à ces hommes
que l'Afrique dut la paix dont elle jouit
encore pendant quelques années.
LA LUTTE BECOMMENGE; PERSÉCU-
TION MAC ARIENNE. — Vers Tannée
348, la lutte recommença. Quelle fut
la cause de cette guerre nouvelle ? on
Tignore. Les écrivains catholiques pré-
tendent que Tobstination et les violences
de Donat, évéque schismatique de Car-
thage, et d'un autre Donat, évéque de
Bagaïa, ranimèrent les anciennes dis-
cordes (2). L'empereur Constant avait
envoyé en Afrique deux officiers, Paul
et Macaire, qui avaient pour mission
d'apaiser dans cette contrée les querel-
les religieuses. Les dissidents connais-
saient sans doute à l'avance les disposi-
tions des deux délégués impériaux et
leurs rapports avec Gratus, évéque ca-
tholique de Carthage. Paul et Macaire
avaient à peine touché les côtes de l'A-
frique que les donatistes se soulevèrent
contre eux de toutes parts. Donat de
Carthage , suivant saint Optât , se laissa
Noires qui, comme nous Pavons vu plus
haut , donnèrent leur nom aux dissidents.
(1) MorcellK J/ric, christ. ); ad an. 328.
Voy. t. II, p. 232.
(2) Il ne faut pas oublier qu'il ne nous reste
sur les querelles religieuses de l'Afrique que les
écrits des catholiques. Le devoir d'un historien
impartial estde n'admettre qu'avec une extrême
réserve les accusations portées contre les dissi-
dents , même par saint Optât et saint AugusUn.
Les donatistes ont t)eaucoup écrit dans le cours
du tV siècle ; mais leurs livres ne sont pas ar-
rivés jusqu'à nous.
entraîner par la colère jusqu'à proférer
des injures contre l'empereur devant ses
deux représentants. Donat de Bagaïa
fit plus encore : il appela à son aide les
bandes non encore anéanties des cii>
concellions , souleva la population des
villes et des campagnes, et s'apprêta
à résister par la torce aux ordres de
Constant. Paul et Macaire n'hésitèrent
f»oint : ils s'adressèrent, en vertu de
eurs instructions , au comte Sylvestre ,
qui mit des soldats à leur disposition.
Des scènes de violence ne tardèrent pas
à éclater de toutes parts, et la guerre
commença ; mais elle ne tut pas de lon-
gue durée. La victoire resta bientôt
aux délégués impériaux. Ceux-ci ne
trouvant plus de résistance poursuivi-
rent les dissidents avec une grande ri-
gueur. Les évéques donatistes furent
chassés de leurs sièges , exilés ou tués.
Les persécuteurs, que du nom du plus
violent de leurs chefs on appela Maca-
riens , ne s'arrêtèrent que sous le règne
de Tempereur Julien.
Au moment même (349) où Paul et
Macaire venaient de vaincre les schisma-
tiques par la force des armes , Gratus
assembla à Carthage un concile , où sié-
gèrent les évéques catholiques de toutes
les provinces de l'Afrique. Le but des
Pères qui vinrent à ce concile était prin-
cipalement de condamner les donatis-
tes (1). *
l'empebeub julien; BÉACTiorr. —
Julien voyait avec joie les schismes et
les hérésies qui déchiraient l'Église. Il
ne cherchait point à terminer les diffé-
rends , à étouffer les haines. Il laissait
pleine et entière liberté à tous les agi-
tateurs, persuadé qu'en définitive les
querelles entre chrétiens nuiraient plus
au christianisme que la plus rigoureuse
et la plus sanglante des persécutions.
En Afrique, Julien devait donc re-
constituer contre l'orthodoxie le parti
puissant que les macariens avaient pres-
que anéanti. Il rendit la paix aux do-
natistes persécutés depuis quatorze ans ,
(I) Cest le premier concile de Carthage dont
nous ayons les canons. — Morcelli a rassem-
.blé avec un grand soin , sur cette période de
l'tiistoire du schisme, tous les renseignements
contenus dans les anciens documents, et princi-
Salement dans les ouvrages de saint Optât et
e saint AugusUn. Voy. Afric. christ, (ad an.
348 et sqq.); t. II, p. 24? et suiv.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHREÏIENNE.
et, par ôette mesui^ seule, il les releva.
Les schismatiques obtinrent de rappe-
ler leurs évéques qui avaient été bannis
et de rentrer en possession de leurs
églises. On peut à peine se faire une
idée de la réaction qui se 6t alors. Les
évéques et les prêtres donatistes , accom-
pagnés de nonnbreux soldats, se jetèrent
sur les églises ^ s'en emparèrent de vive
force et massacrèrent ceux qui voulaient
les défendre. Ils se portèrent aux plus
odieux excès, pillant et tuant, etn'éiar-
gnant pas même les vieillards, les fem-
mes et les enfants qui tenaient au parti
de leurs persécuteurs. Tout ce qui avait
servi au culte des catholiques, ils le
repoussèrent et, dans leur fureur,
ils n'hésitèrent point à jeter l'Eucharis-
tie aux chiens. Le désordre fut porté
au comble , non point seulement dans
le pays qui avoisinait Carthage, mais
encore dans la Numidie et dans les Mau-
ritanies.
A la nouvelle de tant de violences,
Julien et ceux qui dans les diverses par-
ties de l'empire n'avaient point aban-
donné les doctrines du polythéisme,
durent éprouver une grande joie ; mais
le triomphe des donatistes fut court.
Les édits'de Valentinien ramenèrent
bientôt pour les schismatiques de l'A-
frique le temps de l'exil et de la persé-
ci^tion (1).
SAINT OPTAT , ÉVÉQUE DE MILEVE ;
POLÉMIQUE ENTRE LES ÉCRIVAINS
CATHOLIQUES ET LES ÉCRIVAINS DO-
NATISTES ; LOI DE VALENTINIEN. —
Depuis l'origine du schisme , une polé-
mique vive, ardente, s'était engagée
entre les écrivains des deux Égli-
ses. Elle dura pendant près d'un siècle
sans interruption. Presque tous les ou-
vrages qui furent composés alors et qui
se rapportent aux querelles religieuses
de l'Afrique sont perdus aujourd'hui.
r^Tous n'avons rien des donatistes.
Pïous ne connaissons les opinions des
schismatiques africains et les arguments
qu'ils employaient dans la discussion
que par les ouvrages de leurs adversaires.
Parmi les plus vigoureux et les plus
(I) Indépendamment des ouvrages de saint
dplat ( de Schism. Donat, II , 19 ; VI, 2 et sqq) et
de saint Augustin (nous faisons surtout allu-
sion ici à la lettre 166, al. I05, ad Donatisi.) ,
voy. sur cette réaction : Fleury, t. IV , p. 67 et
«aiy;Potter,t. II, p. 142.
n
illustres de ces adversah^es, il faut coinç«
ter assurément Optât, évéque deMi-
lève. « Parménien, évéque donatiste de
Carthage et successeur de Donat , dit
Fleury , ayant écrit contre l'Église ,
plusieurs catholiques avaient désiré une
conférence des deux partis : mais les
donatistes l'avaient refusée , ne voulant
pas même parler aux catholiques ni ap^
procher d'eux , sous prétexte de ne pas
communiquer avec les pécheurs. Optât
répondit donc par écrit à Parménien , ne
le pouvant faire autrement. » Dans les
sept livres de son ouvrage (1), l'évêque
de Milève se propose de défendre con-
tre les schismatiques l'unité de l'É-
glise et de repousser toutes les accusa-
tions portées par les donatistes contre
les catholiques, qu'à la On du IV® siècle
ils appelaient encore traditeurs. Optât
ne se borne pas à discuter : comme le
schisme des donatistes reposait tout en^
tier , en quelque sorte , sur cette ques-
tion de fait : Gécilien et les évéques ca-
tholiques, ses partisans , ont-ils livré les
Écritures , au temps des persécutions ?
sont-ils traditeurs? il remonte à l'ori-
gine des dissensions et raconte. Il op-
pose des faits aux faits allégués par ses
adversaires. C'est ainsi qu en combat-*
tant Parménien , il mêle la narration à
la discussion et suit , jusqu'à son temps,
l'histoire des luttes religieuses de l'A-
frique. Suivant Fleury (2), Optât écrivit
son ouvrage sous Valentinien (364-375).
Comme nous l'avons dit , la violente
réaction des donatistes contre les ca-
tholiques cessa avec le règne de Julien.
Les schismatiques ne pouvaient dé-
sormais espérer l'impunité pour leurs
excès. Les empereurs qui succédèrent à
Julien n'auraient pas tardé à réprimer
en Afrique les désordres que , par un
sentiment de haine contre toutes les
communions chrétiennes , le restaura-
teur du paganisme pouvait seul tolérer.
Mais les donatistes avaient à peine mis
un terme à leurs vengeances , que les
catholiques, à leur tour, se relevèrent et
réclamèrent l'assistance du pouvoir
impérial pour vaincre leurs adversaires^
(1) Quelques auteurs ont pensé que le sep-
tième livre n'avait pas été écrit par Optât.
(2) Fleury, Flist. ecclés. t. IV, p. 226 et suiv. —
Voy. aussi sur saint Optât : Rohrbacher; Hist
univers, de l'Église catholique, t. VII, p. 102 et
suiv.
Digitized by VjOOQIC
961
L'UNIVERS.
ValentiûteQ lenr ttot en aide; eepea^
daot ee ne fUt (ju'au mois de février de
Tannée 373 qu'il promulgua, à Trères^
une loi par laquelle quiconque , parmi
les évéqUes eu les prêtres , rebaptisait ,
était condamné et déclaré indigne du
sacerdoce : cette loi , qui atteignait les
donatistes s fut adressée au- proconsul
d'Afrique ^ Julien. Il est vraisemblable
toutefois que, dans les intentions de
l'empereur , elle était applicable aussi
aux partisans que les sohismatiques
africains avaient rencontrés à Home
et en Espagne. Les donatîstes ne se
laissèrent point abattre parle décret dé
Valentinien ; la sévérité des lois impé-
riales ne fit sans doute (jue raviver leur
haine contre les catholiques et les af-
fermir dans ]e schisme.
SAINT AUGUSTIN ; SES COMMENCE-
MENTS ; IL QUITTE L'APBIQUB ;8fiJ0UH
A B9MB ET A MILAN; SA CONYER-
SION (l). •— Au moment môme où l'évô^
que de Milève, Optât , achevait son ou-
vrage , saint Augustin , qui devait être
l'adversaire le plus redoutable des do-
natistes, commençait à paraître aveo
éclat dans les écoles de l'Afrique. 11
naquit en 8.54, à Tagaste, petite ville
"de la Numidie. Patrice , son père ^ était
un des hommes notables de la cité ; il
faisait partie du corps des décurions.
Sa mère, qui exerça une si grande in-
fluence sur sa vie ^ et qui tint une si
grande place dans ses affections , s'ap^
pelait Monique. Il étudia d'abord à
Madaure ; puis , il revint à Tagaste î
de là il se^rendit à Garthage, où il acheva
ses études. Ce fut dans les écoles jus-
tement renommées de la capitale de
l'Afrique, qu'en lisant les traités de
Cieéron , il se prit d'un vif amour pour
la philosophie. Il se mit dès lors avec
une ardeur sans égale à la fecherche
de la vérité. Il voulut connaître les
ouvrages où sont exposés les dogmes
fondamentaux du christianisme; mais
le style des saintes Écritures devait
rebuter un homme qui étudiait assidû-
ment Cieéron et les auteurs qui avaient
vécu à la belle époque de la latinité. Il
laissa donc de côté les livres chrétiens.
(I) Pour toute cette 'partie biographique de
notre travail nous avons toujours eu sous les
yeux les Confessions et la Fie de saint ^Augus<-
tin écrite par Possidius.
Ce fut aussi vers ce temps qu'il se bissa
séduire par la doctrine des manichéens*
Augustin, après avoir achevé ses
études t revint encore à Tagaste , où il
enseigna successivement la grammaire
et la rhétorique. Mais la petite ville où
il avait pris naissance n'était pas à ses
yeux un théâtre où il pût se produire
avec éclat et acquérir, comme maître,
la gloire que sans doute il avait rêvée.
Il quitta donc Tagaste et reprit le
chemin de Carthage. Il reparut comme
professeur dans les écoles de cette ville ;
mais il n'y fit pas un long séjour. Il se
décida à passer la mer, et, trompant
la vigilante tendresse de sa mère, il
s'embarqua pour ITtalie etvintà Rome.
Là, il continuait à étudier les philosophes,
lorsque la ville de Milan demanda au
préfet Symmaque un professeur de
rhétorique. Sur la puissante recomman-
dation des manichéens , et après avoir,
au préalable , prouvé sa capacité par
un discours , Augustin fut désigné aux
citoyens de Milan. Nous devons remar-
quer ici que , déjà à cette époque, Au-
gustin n'avait plus confiance en la doc-
trine des manichéens ; ses rapports et
ses discussions avec les hommes les
plus înfluents'de la secte , avec l'évéque
Fauste surtout , avaient jeté le doute
dans son esprit; toutefois il ne s'était
pas encore séparé ouvertement de ceux
dont il avait été pendant plusieurs an-
nées le sincère partisan.
En 384, il se rendit à Milan, où arri*
vèrent bientôt Monique sa mère et deux
hommes, comme lui originaires de l'A-
frique, et qu'il chérissait entre tous«
Alypius etNebridius. C'était dans cette
ville que devait commencer pour Au-
gustin une vie nouvelle.
Son esprit, en proie depuis si long-
temps à l'incertitude, et qui avait cher-
ché en vain la vérité, soit dans les livres
de Cieéron et des académiciens, soit
dans le système des manichéens, se fixa.
Les vœux ardents de Monique , les ser-
mons de saint Ambroise, et plus encore
les ouvrages de Platon, qu'il lut dans
une traduction latine , mirent fin à tou-
tes ses irrésolutions. 'Platon, comme il
l'avoue, lui fit entrevoir la vérité tant
désirée. Puis, les saintes Écritures, qu'il
étudia alors avec attention et avec ar-
deur, achevèrent de lui dévoiler ce qui
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
n'apparaissait encore que d'une ma-
nière vague et confuse, même dans la
plus sublime des doctrines de la piiilo-
sophie grecque. Il voulut être sincère-
ment chrétien.
Pour se préparer avec plus de re-
cueillement au baptême, Augustin cessa
d'enseigner et se retira dans une mai-
son de campagne avec sa mère et Adéo-
dat, fils de l une des femmes nombreuses
qu'il avait aimées. Il fut suivi dans sa
retraite par ses amis les plus chers. Ce
fut là qu'à la suite de doux et graves
entretiens, il composa plusieurs ouvra-
ges qui sont parvenus jusqu'à nous. Il
écrivit d'abord contre les académiciens;
puis il fit les deux traités de la Fie heu-
reuse et de P Ordre. Il commença aussi
les Soliloques ^ qu'il compléta plus tard
par le traité de i Immortalité de tâme.
Peu de temps après, il composa encore
deux traités : celui de la GrammairCy qui
n'est point arrivé jusqu'à nous , et celui
de la Musique , qui ne fut achevé qu'en
Afrique. Au printemps de l'année 387,
il revint à Milan , où il fut baptisé avec
Àdéodat, son fils, et Alypius, son ami,
par saint Ambroise.
AUGUSTIN QUITTE MILAN ; IL PEBD
SA MÈRE; SÉJOUR AROME; IL REVIENT
EN AFRIQUE; LUTTES CONTRE LES
MANICHÉENS ET LES DONATISTES; SA
RETRAITE; IL EST NOMMÉ SUCCESSI-
VEMENT PRETRE ET ÉVÊQUE DE l'É-
GLISE d'hïppone. — Augustiu , après
son baptême , prit la résolution de re-
tourner en Afrique. Il quitta Milan , et
accompagné de sa mère et de soniils, il
se dirigea vers le port d'Ostie- Il atten-
dait le moment oe s'embarquer, lors-
que Monique fut prise d'une fièvre qui
1 emporta en neuf jours. Augustin res-
sentit à la mort de sa mère une violente
douleur qui bouleversa pour un ins-
tant tous ses projets. Il ne songea
plus à l'Afrique et, d'Ôstie, il vint à Rome,
où il séjourna pendant plus d'une an-
née. Il ne cherchait plus alors à brillei:
dans les écoles; il voulait, avant tout,,
mettre au service de la doctrine qu'il
venait d'embrasser les connaissances
qu'il avait acquises et son éloquence. Il
attaqua l'hérésie avec force, et «par une
réaction naturelle chez un nouveau con-
verti , il combattit d'abord ceux dont il
avait partagé les erreurs. Il composa
31
deux livres : l'un sur la Morale et les
mœurs de l'Église catholique , l'autre
sur la Morale et les mœurs des mani'
chéens. Le résultat de cette comparai-
son, on le cqnçoit aisément, est tout
entier à l'avantage de l'Église catholique.
Augustin ne se contenta pas de montrer
au grand jour la corruption des mani-
chéens ; il les attaqua dans un des
points fondamentaux de leur système ;
et en examinant cette question ; D'où
vient le mal ? il combattit la doctrine
des deux principes, l'un bon, l'autre
mauvais , qu'ils admettaient. Ce fut
sans doute cette controverse qui le
conduisit à écrire son traité du Libre
arbitre. En faisant au libre arbitre, dans
tous les actes, une large part (beaucoup
plus large quecellequ'il lui accorda plus
tard , dans la lutte contre Pelage et
Célestius), il réfutait encore la doctrine
des deux principes. Il n'acheva ce dernier
traité qu'en Afrique, où il arriva enfin
dans les derniers mois de l'année 388.
Il demeura quelque temps à Carthage;
puis, il revintà Tagaste, où il vécut, pen-
dant trois ans environ, dans une pro-
fonde retraite. Il y acheva son ouvrage
de la Musique, il composa à la même
époque les deux livres de la Genèse, des-
tinés à réfuter l'opinion des manichéens
sur l'Ancien Testament, le livre duMaî-
tre, qui est un dialogue entre lui et son
fils Adéodat, et le traité delà Fraie re-
ligion. Il sortit enfin de la retraite, et
sur la demande d'un de ses amis qui
voulait quitter le siècle et désirait ar-
demment le voir et l'entendre , il vint à
Hippone. Il y fut retenu malgré lui , en
quelque sorte, par les vœux du peuple ;
et pour l'attacher à son église, l'éveque
Valère l'ordonna prêtre, en 391. Le
dernier lien qui unissait Augustin au
monde avait été rompu par la mort
prématurée d' Adéodat. Aussi , dès qu'il
fut entré dans les ordres sacrés , il re-
doubla d'austérités, et sa vie fut encore
plus retirée qu'à Tagaste. Il fonda un
monastère ou il rassembla autour de
lui ses amis les plus chers, Alypius, Evo-
dius et Possidius. Il ne sortait de sa re-
traite que sur les ordres de Valère , son
évêque , pour instruire le peuple tou-
jours avide de l'entendre.
La réputation d'Augustin était déjà
grande à cette époque. Les évéques s*a-
Digitized by VjOOQIC
t^
L»UNlVEllâ.
dressaient volontîefs à lui pour lui
demander des prières et des conseils.
D'autre part, il exerçait sur le peuple
qu'il instruisait une autorité sans i)or-
nes. Ainsi, jusqu'à son temps, les évêaues
s'étaient en vain opposés dans la ville à
certaine fête qui entraînait à sa suite
la débauche et de graves désordres.
Un concile même, tenu àHippone en
393, n'avait pu abolir les vieux usages.
En 394, la parole seule d'Augustin fut
plus puissante que les décrets du con-
cile et que les exhortations des évêques ;
elle fit cesser la fête populaire.
Au milieu des occupations nombreu-
ses que lui imposait sa qualité de prê-
tre, Augustin trouvait encore le temps
de servir TÉglisepar ses ouvrages. Il
écrivait son traité de P Utilité de croire ,
pour ramener à la foi un de ses amis
appelé Honorât, et son livre des Deux
âmes, pour réfuter les manichéens. Il
attaqua encore ces derniers, en 394 , en
soutenant contre l'un d'eux, Adimante,
que l'Ancien et le Nouveau Testament
n'étaient pas opposés l'un à l'autre , et
que la même ou ils semblaient se con-
tredire , il était facile de les concilier.
Il entrait aussi volontiers en conférence
publique avec les ennemis de sa doc-
trine ; c'est ainsi qu'en 392 il discuta
pendant deux jours contre le prêtre
iTianichéen Fortunat, qui s'avoua vaincu.
Mais en Afrique ce n'était point le mani-
chéisme qui avait porté les plus rudes
coups à l'unité de l'Église ; le catholi-
cisme avait dans cette contrée des ad-
versaires plus puissants et plus nom-
breux, les donatistes. Les partisans du
schisme dominaient dans un grand
nombre de provinces. Dans une de leurs
réunions à Bagaïa , on compta plus de
quatre cents évêques dissidents. Augus-
tm tourna bientôt tous ses efforts con-
tre ces redoutables ennemis. Il essaya
d'abord de ramener, par la persuasion,
les donatistes nombreux qui se trou-
vaient à Hippone; puis il composa une
sorte de chanson populaire où il racon-
tait l'histoire du donatisme. Il mêla au
récit une réfutation du schisme. La
formequ'il avait adoptée dut contribuer
'^ngulierement à propager son œuvre.
Ses idées étaient mises ainsi à la portée
de tous, et pouvaient aisément pénétrer
dans les villes et les campagnes, au sein
de la classe opprimée qui avait été ga-
gnée presque tout entière à la cause du
schisme.
Ce fut vers cette époque que Valère ,
accabléd'ans et d'infirmités, choisit Au-
gustin pour coadjuteur et le Ot nom-
mer évéque d'Hippone.
TKAVAUX d'àUGUSTIN DANS L'ÉPIS-
copat;il combat les hérésies; sa
BÉPUTATIOX s'étend AU LOIN. — L'é-
piscopat ne changea en rien la vie d'Au-
gustin. Il sortit, il est vrai , du monas'
tère qu'il avait choisi pour asile ; mais,
au milieu du monde auquel il devait dès
lors se mêler , il conserva les habitudes
austères que depuis sa conversion il
s'était imposées. Seulement son activité
devint plus grande et le cercle de ses
travaux s'agrandit. Il faisait au peuple
de fréquentes instructions, visitait ou
accueillait tous les citoyens d'Hippone
qui réclamaient son assistance, et in-
tervenait comme juge et comme média-
teur dans les différends qui s'élevaient
entre les membres de son Église.
On conçoit à peine qu'au milieu d'oa*
cupations *si diverses et si nombreuses ,
Augustin ait trouvé pour écrire quelq ues
instants de loisir. Cependant dans les
premiers temps de son épiscopat, il
composa le Combat chrétien et le livre
de la Croyance aux choses qu'on ne voit
pas. Un peu plus tard , vers 397 , il
reprit la lutte contre les manichéens, et
réfuta d'abord la lettre de Manès , ap-
pelée VÉpitre du fondement; puis, il
fit ses Trente-trois livres contre Fattste,
Les ariens fixèrent aussi son attention ,
et il commença, pour les combattre,
ses quinze livres de la Trinité. Il écri-
vait aussi à la même époque le plus
connu de tous ses ouvrages , les Con-
fessions,
Tant d'activité et de science portèrent
au loin la réputation d'Augustin. On
le consultait de toutes parts. Pour lui ,
il répondait avec un zèle infatigable
aux demandes qu'on lui adressait. Ce
fut ainsi qu'au milieu des grands tra-
vaux que nous venons d'énumérer , il
composa pour Deogratias, diacre de
l'Église de Carthage , un traité sur la
manière d'instruire les ignorants , et
qu'il fit ( vers 397 ) deux livres pour ré-
soudre certaines questions qui lui
avaient été soumises par Simplicien,
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CflftÉTîENNË.
évéoue de Mitait et Successeur de saint
Amoroise. Le dernier de ces deux li-
Tres mérite une sérieuse attention. Il
y expose déjà clairement , à propos de
ces paroles de l'Apôtre , « Qu^avez-vous
eue vous n'ayez reçu? » cette doctrine
de la grâce qui annihilait complètement
le libre arbitre, et qu'il devait pousser
jusqu'à ses dernières conséquences,
dans sa lutte contre Pelage.
LES DONATISTES *, LEURS DIVISIONS;
LIYBES DE SAINT AUGUSTIN ; CONCI-
LES. — Mais alors Augustin était sur-
tout occupé par ses discussions contre
les donatistes. L'occasion était bien
choisie pour combattre le schisme. De*
puis plusieurs années déjà , l'église do-
natiste était en proie à de grandes di-
visions. Vers la 6n du siècle , les opi-
nions de Ticonius, qui fut parmi les
dissidents , suivant saint Augustin lui-
même, un éloquent et savant docteur,
fournirent un nouvel aliment aux que-
relles et aux dissensions. La mort de
Parménien , évéque donatiste de Car-
thage, acheva de désorganiser le schis-
me. Primien , qui fut élu , vers l'an 392 ,
avait excommunié un de .ses diacres ,
Maximîen. Ce dernier, pour se venger,
se lit un parti, et occupa par la force le
siège de celui qui l'avait condamné.
Deux conciles se prononcèrent contre
Primien ; mais un troisième, qui se tint
à Bagaïa, prit sa défense et déclara cou-
pable Maximien et ses adhérents. Ce fut
là l'occasion d'une guerre où prîm/a;t/5-
tes et maximianistes montrèrent une
extrême violence.
Il faut encore ajouter à ces deux par-
tis , dont le premier dominait à Cartha-
ge , dans la Proconsulaire et la Numidie,
et le second , dans la Byzacène , celui
des rogatistes, qui l'emportaient par
le nombre sur tous les autres dissi-
dents, dans la Mauritanie césarienne.
Augustin voyait avec joie toutes ces
divisions. Elles lui fournissaient, dans
ses conférences avec les évêques dona-
tistes ^ avec Glorius et Fortunius , par
exemple , aussi bren que dans ses écrits
contre le schisme, des arguments sans
réplique. Ce fut vers l'an 400 qu'il com-
posa trois livres pour réfuter une lettre de
Parménien adressée à Ticonius; sept
livres sur la question tant controversée
du baptême , et trois livres enfin contre
AFR. CHBÉT.
ss
les lettres de Pétilién , évéque donatiste
de Cirta ou Constantine.
L'Église catholique d'Afrique, aussi
bien qu'Augustin, avait repris courage
et force. Elle multiplia alors les con-
ciles. Les Pères se réunirent une fois à
Hippone ; mais en général Carthage était
le lieu fixé pour les assemblées. En 398,
on compta dans la capitale de l'Afri-
que, sous la présidence d'Aurélius, deux
cent quatorze évêques. La question
du schisme était toujours agitée dans
ces grandes réunions, et les Pères ne se
séparaient jamais sans avoir promulgué
quelques canons contre les donatistes.
derniers vestiges du polythéis-
me en afrique ; le temple de ju-
non-céleste; polémique de saint
augustin contre les païens. — le
schisme et l'hérésie n'étaient pas les
seuls ennemis que l'Église catholique et
saint Augustin eussent à combattre en
Afrique. Le paganisme avait laissé dans
cette contrée une profonde empreinte.
Dans les Mauritanies , la Numidie , la
Proconsulaire , la Byzacène , à Carthage
même, on trouvait encore, au commen-
cement du V® siècle , de nombreux ado-
rateurs des anciens dieux. Les temples
avaient été fermés , il est vrai , par ordre
de Théodose; mais la sévérité des lois
impériales n'empêchait pas les païens de
se livrer, comme par le passé , aux pra-
tiques de leur religion, et ils ne cessèrent
point dans les jours solennels de se ras-
sembler pour faire des sacrifices. T^ plus
célèbre et la plus vénérée de toutes les
divinités de l'Afrique était l'Astarté
des Phéniciens. La race punique n'avait
point été anéantie tout entière au mo-
ment où Scipion avait renversé l'an-
cienne Carthage. Parmi les hommes de
cette race, beaucoup échappèrent alors
au fer des Romains ou à 1 esclavage, et
continuèrent à vivre sur la terre d'Afri-
que. Les descendants des Phéniciens se
soumirent, il est vrai, aux lois des vain-
queurs; mais ils ne perdirent pour cela
ni leur caractère national ni les tradi-
tions de leurs ancêtres. Ils conservè-
rent leurs dieux et leur culte, et les rap-
portèrent dans la colonie de Caîus
Gracchus , où ils relevèrent le temple
d'Astarté. Il était dans la politique des
Romains, non de combattre les croyan-
ces religieuses des vaincus , mais de les
Digitized by VjOOQIC
34
L'UNIVEHS.
adopter; on plutôt dé les combiner âvee
leurs propres oroyanoes. Ainsi , ils e«*
sayèrent de eoeoilier le culte d*Astarté
avec celui de leurs divinités , et sous lé
nom de Junon«CéleSte ils adorèreni la
déesse phénicienne. Le temple de Ju^
non-Céleste fut^ au temps de Tempirei,
le plus riche et le plus révéré de Car-*
thage : Théodose le fit fermer en 891.
Un peu plus tard, Tévéque Aurélius en
prit possession et le dédia au Christ,
Mais après cette consécration , les païens
(c'étaient sans doute des hommes de
race punique et les derniers descendants
des Carthaginois) ayant osé périétrer
dans son enceinte pour y renouveler en
l'honneur d'Astarté leurs sacrifices e|
leurs cérémonies, il fut renversé de fond
en comble (1).
L'empereur Honorius, dans son zèle,
ne se borna pas à persécuter en Afri-
que le |)olytheisme oriental, grec ou ro«
maiii; il envoya aussi dans les diverses
provinces des officiers qui avaient pour
mission de détruire, comme cela se fit
avec éclat dans la Mauritanie, les
images des dieux adorés par les po-
pulations indigènes. Mais les païens
étaient encore nombreux et puissants
sous le fils de Théodose, et plus d'une
fois ils opposèrent une vive résistance
aux édits impériaux. A Suffète, par
exemple, dans la Byzacène, ils massa-
crèrent soixante chrétiens qui avaient
brisé une statue d'Hercule.
lis écrivirent aussi pour défendre
leurs croyances; et parmi eux ii se
trouva des hommes instruits et éloquents
qui firent une rude guerre au ehris^
tianisme. Ce fut l'infatigable Augustin
qui, oubliant alors pour un instant
le schisme et l'bérésie, se chargea de ré-
futer les doctrines du polythéisme. De-
puis longtemps les païens faisaient
valoir contre la relij^ion chrétienne un
argument nui pouvait ébranler les igno-
rants. Ils disaient : Quand nos dieux
étaient adorés, il y avait sur cette terre,
pour les hommes , bonheur et sécurité,
Cest avec l'assistance de ces dieux
que Rome a conquis le monde, qu'elle
1 a soumis à ses lois et qu'elle a rassem-
- (1) Vov. sur la religton des Carth^inois , le
temple d'Asiarté et la persistance de .la race pa-
ilkfue CD Afrique, notre Hi»toire de Carthage,
p. 130, 145 et 153.
blé^ pour ainsi dire, pour te pre
et le défendre, tout le g^re huRMuA
dans son vaste empire. Tant moê notrt
religion a régné sans partage, Teoipira
romain n'a pas rétrogradé et nul oar«
bare n'a franchi impunément ses froB«
tières. Qu'est-il arrivéaprès le triomphe
du christianisme? l'empire a été ea
proie à d'effroyables Garnîtes ; il a été
sans cesse harcelé, envahi, ravagé «
amoindri par les populations barbares.
l4os dieux se sont vengés, et il semble
même qu'ils aient fait éclater particu-
lièrement leur colère à l'égard des eoH
pereurs partisans et protecteurs du
christianisme. Y eut-il jamais une fa-
mille plus malheureuse que celle de
Constantin? Il faut donc attribuer à no-
tre religion les anciennes prospérités
de l'empire, et au christianime tous les
maux qui nous accablent. Voilà lé
grand argument que firent valoir sou-
vent avec une haute éloquenoe^ eomme
Libanius et Symmaque, les défenseurs
du polythéisme. La prise de Rorne^
par AlariC) en 410 , sembla justifia
les raisons des païens. Le coup qui avait
frappé la ville éternelle eut dans toutes
les provinces un long retentissements
U y eut alors bien des hommes qui , dans
des instants de doute et de décourage-
ment, furent tentés d'attribuer au chris-
tianisme les calamités de l'empire.
Ce fut au milieu de ces grandes ca-
tastrophes que se mirent à l'œuvre Paul
Orose et Augustin : l'un composa sou
Histoire, l'autre sa Cité de Dieu. Tous
•deux par des voies diverses tendaient
au même but. Ils voulaient raffermir
leurs frères qui chancelaient, amener à
la foi ceux qui ne croyaient pas en-
core, et pour cela ils s efforeèreiit de
montrer a tous les yeux combien étaient
vaines les accusations que le polythéisme,
aigri par sa récente défaite et le senti-
ment de son impuissance, avait portées
contre le christianisme victorieux. '
LES DONÀTISTES SONT POUBSUIVIS
AVEC ÀGHàBNEMBNT; CONCILES 1>^
gabthage; conféaences ixb l'aji
4t 1 ; condamnation des ih>n atistes;
LE TBIBUN MABGELLIN ; LOI D'HONO*
Bius. — Quels que fussent les travaux
d'Augustin, ses yeux et son attention
ne se détournaient jamais des donatis-
tes. L'extinction du schisme était sa
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE
$5
grande affaire et , en cela , if se confor-
mait à la pensée d^ tons les catholiques
de l'Afrique. Il àhriva un moment oà
eeux-ci, poussés par le v\i désir d'opé-
rer la réunion des deux Églises, reeoo-
irot'ent au moren extrême d'invoquer
l'intervention do pouvoir temporel. Efi
4Cf4, les Pères d'un eonctie rassemblé
à Garthage s'adressèrent à l'émpermnr
pour obtenir de lui aide et appui dans
feur lutte eonti'e le donatisme. Dès Ion
ils ne Cessèrent dus dlmplore^ son a<^
sistanee. Honorius accueillit Imi^s de-
mandes, et pour obéir aux instrtictior»
f s'ils avaient re^es de llavenue, les of-
ciers qui gouvernaient l'Afrique trai-
tèrent les partisans du schisme av^
nue excessive rigueur. Mais ta fut sur-
tout vers 410 que l'empereur donna
aux catholiques des preuves éclatantes
de sa bienveillance.
Il 7 avait longtemps qu'on voulait
«mener lés évéques dès deux Églises à
discuter 4 dans uneconféreuce publique,
lesmotifsde la séparation. DepulsThéd-
dose, leé cathotlùties dédiraient ardem-
ment cette conwreuoé. Ils l'offrirent
plusieurs fdis aut donatistes.» Ceux-ci,
péveyant \ed résultats qu'entratn^ait
laévitableu^nt à sa suite ^e «oudam-
mrtfon Èom des empereurs qui kHf
étaient ouvertement hostiles « réfiott^sè^
retttjusqu'enl'auiiée 4t0 le» propos!^
^ns des eatboHques. Aldrs qucfiqueê-
lins d'entre eut et laissant entraluef
acceptèrent la d)sci»siern publique. Les
catholiques et Tempereuf Honorles et,
bâtèrent de profiter de eel dispc^itiofi^i
et un tescrit émané de Iff ehaueelleHe
impériale enjoignit au^i étéqueèdes deut
Églises de se rendre à Carthâge. <f Ce
rescrit, dit Fleurv , fut adressé à Flâh
▼fus Marcellin, Iribun etuotafrey di-
«nité alors eousidérable. C'était ud
lK>nnn6 pieux et ami de saint Jérdme et
de saint Augustin, eomfme il paraît pst
leurs lettres. Le rescrit ordonne qué
les évéques donatistes s'àSsembleronf
à Cartbage dans miatre mois, afin qUe
les évéques choisis de part et d'autre
fftiissent conférer ensemble. Que si lesf
^Nmatistes ne s'y trouvent pas , après
avoir été trdis lofs aptuetés, ils^ronrt dé-
Sssédés de lotfTs églises. MarcélliUeSt
riHi juge de la couférence , pour exé-
CMièr cet mtèm et les auti^es lois dou-
nées pour la Religion catboliube, et
l'empereur lui donne pouvoir ue pren-
ért entré les officiers du proconsul, du
vicai^e^ dû m^éfel éâ prétoire tt de tous
les autres juM%^ les fièrsoiiUea néces-
tftiréspour 1 esEécutiott de sa commis-
sion. Le rescril est daté de Revenue,
la veille des ides d'octobre | sous le
wnsulaf de Yarane 4 c'sst-à-^ire le qua-
lorslème d'octobre 410...;.;.. Le tribun
MarceUin étant vedu à GarfUa^ donna
son ordoftrtaitee^ pit laquelle il avertk
lotis les évéques d' Aft'iqii^ tant catholl-
Ques que donatistes^ de s'y trouver dans
matre niois^ c'est^i^dirë le premier Jour
de juih, pour y ienii' un ebncile. Il charge
tous les offlefe#s desvilles de le faire sa^
voir aux évéques et de leur signifier lé
rescHtde l'empereur et cette drdonnan-
ee. Il déclare, quu^'iln'bn tût pas d*or<-
dre de l'empereur, que t'en rendra aux
évéques donatistes qui promettront de
^y trouver, les églises qui leur avaient
été dtées selon les lois, et leur permet
de choisir un autre juge, pour être avee
lui l'arbitre de eets^ dispute. Enfin il
leur proteste avec serment qu'il ne leur
fera aucune injustice, qu'ils ne souffri-
ront aucun mauvais traitement, et re*
tourneront ehe« eux en pleine liberté.
il déftïrid ée^endadi ^oeVon fasse au-
ditne poursuite, en vertu de» lois pré^
oédentesi Cet édit était du quatorzième
éen Calendes de mars i e^'est-à^dire du
seizième de février 411 ^ en Sorte que
les quatre mois, à la rigueur, échéàieni
le seisiètnede mai \ mais par Indugence
H donnait hisqu^âu preniief de juin.
Les évéques éonatiâtes se rendirent à
Oarthage au plus grand nombi^e qu'ils
fMfent, pour montrer que les catholi^*
fues avatent tort de leur reprdcher leur
petit itonfbre. La lettre que ehacun de
feurs pHmateenvovai selon la coETtume,
à mni de Se pràiinet ,' ei que l'on nom-
mait Tlramna, «ottam que, tbutes af-
faires cessant, ils se i^éHëisSent à Car-^
Ihage en diligence, pOuf né ws perdre
le plus gr^ avantage de ledr cause;
1^ effet, tms y vinrent, excepté cétfis^
^ue la maladie* fiftf l'extrélfte vieillesse
retint ehéi» euje, ou arrêta éti ehémîii^
él Ils Se tf ou^èrént environ deux cent
soixante et dix. Il^ enti^èreht à Carthage?
le dix-huitième de mai, eu corps et en
procession , en sorte qu'ils attirèrent \tê
3.
Digitized by VjOOQIC
86
L'UNIVERS.
yeux de toute la ville : les évéques ca-
tholiques entrèrent sans pompe et sans
écbt, mais au nombre de deux cent
quatre-vingt-six. Quand ils furent tous
arrivés, Marcellin publia une seconde
ordonnance, où il avertit les évéques
d*en choisir sept de chaque côté pour
conférer, et sept autres pour leur servir
de consël en cas de besoin, à la charge
de garder le silence , tandis que les pre-
miers parleraient. Le lieu de la con-
férence, ajoute-t-il, sera les thermes
Gargiliennes. Aucun du peuple, ni même
aucun autre évéquen'y viendra, pour
éviter le tumulte. Mais avant le jour de
la conférence tous les évéques de l'un
et de Tautre parti promettront par leurs
lettres, avec leurs souscriptions, de ra-
tifier tout ce qui aura été fait par leurs
sept députés. Les évéques avertiront le
peuple, dans leurs sermons, de se tenir
en repos et en silence. Je publierai ma
sentence, et l'exposerai au jugement de
-tout le peuple de Carthage : je publierai
même tous les actes de la conférence ,
et, pour plus grande sûreté, je souscri-
rai le premier à toutes mes paroles, et
tous les commissaires souscriront de
même aux leurs, afin que personne ne
puisse nier ce qu'il aura dit (1). »
Pour plus de sûreté encore, Marcellin
choisit, dans chaque parti , quatre évé-
3ues chargés de surveiller la rédaction
es actes ae la conférence. Puis, il s'oc-
cupa de maintenir à Carthage la tran-
quillité publique. L'afQuence des étran-
gers devait être grande alors dans cette
ville déjà si populeuse; toutefois rien
n'indique que des désordres y aient
éclaté. Les évéques exhortèrent le peu-
ple à la modération et à la paix, mais
nul, il faut le croire, n'exerça plus
d'autorité sur la foule que saint Augus-
tin. Dans ces circonstances solennelles
l'évêque d'Hippone était accouru pour
donner à l'Église dont il était déjà de-
puis longtemps un des plus fermes sou-
tiens, l'appui de son érudition , de son
éloquence et de son nom. Quand on. eut
réglé l'ordre de la conférence, les catho-
liques le mirent au nombre de leurs sept
commissaires, lui adjoignant ses amis les
plus chers : Alypius deTagaste, Possidius
de Calame et Aurelius de Carthage.
(1) Fleury ; Hiat. ecclés. , t. V , p. 317 , 320 et
Enfin, le moment de coihparaltre et
de discuter arriva. Alors les donatistes,
qui se défiaient de Marcellin et de ses
vingt assesseurs laïques, et qui se
croyaient sans doute condamnés à l'a-
vance, élevèrent;difficultéssur difficulté
pour arrêter la conférence. D'abord Pe-
tilien de Cirta contesta au délégué im-
périal le droit de siéger dans une réu-
nion d'évêques et de décider dans une
question purement religieuse. Puis,
les prélats donatistes demandèrent à
assister à la discussion, non plus au
nombre fixé par Marcellin, mais en corps.
Ces débats préliminaires durèrent long-
temps^ il est vrai, mais ils ne firent
Eas perdre de vue aux catholiques le
ut qu'ils s'étaient proposé. Ils enta-
mèrent la discussion ; ils parlèrent du
schisme en général; ensuite ils abordè-
rent la question de fait depuis un siècle
controversée qui concernait Cécilien et
son élection. On lit dans les documents
contemporains que les donatistes ne pu-
rent répondre aux arguments de leurs
adversaires. « Enfin le tribun Marcellin
dit : Si vous n'avez rien à dire au con-
traire , trouvez bon de sortir, afin que
l'on puisse écrire la sentence qui pro-
nonce sur tous les chefs. Ils se retirè-
rent de part et d'autre ;;Marcellin dressa
la sentence , et ayant fait rentrer les
parties , il leur en fit la lecture. Il était
déjà nuit, et cette action finit aux fiam-
beaux quoiqu'elle eût commencé dès le
point du jour, et que ce fut le huitième
de juin. Aussi les actes en étaient très-
longs, et contenaient cinq cent quatre-
vingt-sept articles. Il nous en reste deux
cent quatre-vingt-un , c'est-à-dire jus-
ques à l'endroit où saint Augustin com-
meni^ait à traiter la cause générale de
l'Église. On a perdu le reste , qui con-
tenait plusieurs actes importants et cu-
rieux ; mais saint Augustin nous en a
conservé la substance et nous avons la
table entière des articles , dressée par
un officier nommé Marcel , à la prière
de Severien et de .Tulien. La sentence
du tribun Marcellin ne fut proposée eo
public que le vingt-sixième de juin. 11
y déclare que comme personne ne doit
être condamné pour la faute d'autnii ,
les crimes de Cécilien , quand même ils
auraient ét^ prouvés , n auraient porté
aucun préjudice à l'Église universelle;
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
qu^l était prouvé que Dona était l'au-
teur du schisme ; queCécilien et son or-
dinateur Félix d*Aptonge avaient été
pleinement justifiés. Après cet exposé ,
il ordonne aux magistrats, aux proprié-
taires et locataires des terres d'empêcher
les assemblées des donatistes dans les
villes et en tous lieux ;'et à ceux-ci de
délivrer aux catholiques les églises qu'il
leur avait accordées pendant sa commis- .
sion; que tous les donatistes qui ne
voudront pas se réunira TÉçlise, demeu-
reront sujets à toutes les peines des lois ,
et que pour cet effet tous leurs évéques
se retireront incessamment chez eux;
enfin, que les terres où Ton retire des
troupes de circoncellions seront confis-
quées. Ces actes de la conférence furent
rendus publics, et on les lisait tous les
ans tout entiers dans l'Église àCarthage,
à Tagaste » à Constantine , à Hippone et
dans plusieurs autres lieux ; et cela pen-
dant le carême, lorsque le jeûne donnait
au peuple plus de loisir d'entendre cette
lecture. Toutefois, il y avait peu de gens
qui eussent la patience de les lire en
particulier , à cause de leur longueur et
des chicanes dont les donatistes avaient
affecté de les charger. C'est ce qui obli-
gea saint Augustin d'en faire un abrégé,
qui en comprend toute la substance;
et il y avait ajouté des nombres, pour
avoir facilement recours aux actes mê-
mes. Les donatistes se déclarèrent ap-
pelants de la sentence de MarcelUn,
sous prétexte qu'elle avait été rendue
de nuit et que les catholiques l'avaient
corrompu nar argent : ce qu'ils avan-
çaient au nasard sans aucune preuve.
Ils disaient aussi que Marcellin ne leur
avait pas permis de dire tout ce qu'ils
voulaient, et qu'il les avait tenus enfer-
més dans le lieu de la conférence, comme
dans une prison. Mais saint Augustin
réfuta ces calomnies par un traité qu'il
fit. ensuite, adressé aux donatistes laï-
ques» où il releva tous les avantages
que l'Église catholique avait tirés de la
conférence, les efforts que les donatis*
tes avaient faits- pour éviter qu'elle ne
se tint; les chicanes dont ils avaient
usé pour ne point entrer en matière ;
les plaintes qu'ils avaient répétées deux
fois , qu'on les y faisait entrer malgré
eux ; enfin ce mot important qui leur
était échappé, qu'une affaire, ni une
87
personne ne fait point de préjugé con-
tre una autre. Cependant le tribun Mar-
cellin ayant fait son rapport à l'empe-
reur Honorius de ce qui s'était passé
dans la conférence, et les donatistes
ayant appelé devant lui, il^ eut une
loi donnée à Ravenne, le troi^sième des
calendes de février, sous le'neuvième
consulat d'Honorius et le cinquième de
Théodose, c'est-à-dire le troisième de
janvier 412, qui, cassant tous lesres-
crits que les donatistes pouvaient avoir
obtenus , et confirmant toutes les an-
ciennes lois faites contre eux , les con-
damne à de grosses* amendes , suivant
leur condition, depuis les personnes il-
lustres jusqu'au simple peuple, et les
esclaves à punition corporelle'; ordonne
que leurs clercs seront- bannis d'Afrique
et de toutes les églises rendues aux ca-
tholiques. La conférence fut le coup
mortel du schisme des donatistes ; et
depuis ce temps ils vinrent en foule se
réunir à l'Égiise, c'est-à-dire les évéques
avec les peuples entiers (1). »
En effet , la masse des scliismatiques,
suivant la remarque de Fleury et de quel-
ques autres historiens, revint à l'Église
catholique. Mais cette conversion , œu-
vre de la force , n'était point sincère.
Les donatistes voulaient, avant tout,
échapper aux amendes, à l'expropria-
tion , à l'exil, à tous les châtiments en-
fin prononcés par l'édit d'Honorius
contre ceux qui persévéraient dans le
schisme. Ils conservaient sous les dehors
d'une apparente soumission un vif res-
sentiment de leur défaite. Ils le montrè-
rent bientôt. Deux ans à peine s'étaient
écoulésdepuis la conférence de Carthage,
qu'ils profitèrent de la rébellion du
comte Héraclien et des désordres qui
la suivirent pour se venger. Us s'atta-
chèrent surtout à perdre le tribun Mar-
cellin, le plus implacable de leurs enne-
mis. Ils lefirent décapiter avec son frère.
Quand le pouvoir impérial se fut raf-
fermi en Afrique, Ils cédèrent et se sou-
mirent de nouveau. Us vécurent ainsi ,
cachant leur haine, jusqu'en rannée429,
où l'invasion des barbares leur offrit l'oc-
casion d'exercer sur les catholiques de
nouvelles vengeances.
OPINIONS DE S/UNT AUGUSTIN SUR
(I) Fleury; Hist, ecdés,, t V, p, 345 et soiv.
Digitized by VjOOQIC
18
L'UHiVERS.
L^INTBBVBNTION DO POUVOIR TBMPO-
BBL DANS LES AFFÀlBfiS BU SCfilSlIB.
— Saint Augustin montra à tou$ les ins^
tants de la lotte qu'il eut à soutenir eon-
tre Tes donatistes, de la modération , 4ê
la douceup et de la oharité; plus d'Une
fois, cependant, il se laissa entraîner par
les passions de son parti et de son temps.
Sa polémique ait alors dure et violente;
tl demander et en même temps déclara lé-
gitime l'interventien du pouvoir tempcir
rel dans tes affaires religieuses, et il in^
voqua l« pefséeution. M^is, nous le ré-
pétons, resprit de eharité domina
toujours dans saint Augustin. Au mo-
ment même où il se réjouissait de la sen^
tence portée par le tribun Maroellîn et
de i'édit d'Honorius, oà les ofPieiers im-
péviaux séVissaieBt avec rigueur oontye
ies donatistes , son âme s'attendrit, la
douceur Remporta sur la passion, et
comme le prouve le feiit que nous allons,
raconter, il devint le protecteur des
persécutés. A Hippone, le« donatistes
étaient nombreux. Après |a oon^rence
de Carihage ils se soulevèrent et se por-
tèrent à de graves excès; ils tuèrent un
prêtre eatboHque appelé Aestitut et en
blessèrent un autre. Les coupables furent
jetés en prison^ battus de verges, con-
duits enfin devant les magistrats im-
périaux, de fut alors que saint Augustin
ecrivi taux juges MarceUi net Apnngius
deux lettres oà Ton trouve les passages
suivants :
« J*ai appris, dit-il à Maroellin , que
« ces circonceiiionsetces clercs du parti
« donatiste, que rautorité publique avait
« transférés qe la juridiction d'Hippone
« à votre tribunal , avaient été enteii-
« dus par votre exceileiiee, et qm la plu^
<i part d'entre eux avaient avoué Hiomi-
• cide qu'ils avaient commis sur k pré-
«tre catholique Restitut et les blessures
«L qu'ils ont faites à Innocent, prêtre
« eatl>olique, en lui crevant un œil et en
» lui coupant im doigt. Gela m'a jeté
« dans um grande inqui^ude que votre
« excelienee ne veuitfe tes punir avec
« toutç la rigueiir des lois , en leur fai-
« saut souffrir ce qu'ils ont fait. Aussi ,
«j'invoque par eette lettre la foi que
« vous avez en Jésus-Chrtst ; et, au nom
«de sa divine miséricorde, je vous
« conjure de ne point faire cela , et de
« me point permettre c[u'on le fasse. Quoi-
« que nous puissions en effet paraître
« étrangers à la mort de ces hommes qu!
« sont soumis à votve jugement, non sur
« notre accusation , mais sur Ta vis de
ft ceux auxquels est ^nfié le soin de la
« paix publique, nous ne voulons pat
« que les souffrances des serviteurs dé
« Dieu soient vengées, d'après la loi d^
« talion, par des suppliées semblables.
« Non que nous voulions empêcher qu^piî
« ôte pux hommes coupables le moyen
« de mal faire ; mais nous souhaitions
« que ces hommes, sans perdre la vie, et
« sans être mutilés en aucune partie de
tt leur corps, soient, par la surveillance
K des lois, ramenés, d^un égarement fri-
« rieux , au calme du bon sens , ou dé*
« tournés d^une énergie malfaisante ,
« pour être employés a quelque travail
« utile. Gela même est encore une cob*
« damnation; mais peut^on ne pas y
a trouver un bienfait plutôt qu^ui) sup-
« pliee, puisau'en ne laissant plus de
« place à t'aucface du crime, çlle permet
« le remède du repentira Juge chrétien*
« remplis le devoir d^un père tendre ;
« dans ta colère contre le crime, sou*
« viens-toi cependant d^re favorable
« à rhumanite; et en punissant les al*-
a tentats des pécheurs, n'exeree pas
« toi-même la passion de ta vengeance. »
Augustin termhiait eette lettre tou*
diante par des raisons prises dans Tin*
térêt du ehristianisme, et qui lui com»
mandaient la douceur i « J^itteste, dU
« sait-il, que eela seul est utile, est
« salutai]N)à Ptglise catholique; ou, pour
a ne point paraître sovtir de ma juridie*^
« tioft , je mteste du moins, de l'Oise
« d'Hippone. Si tu n[e veux pas écouter
(i la prière d'un ami , écoute le conseil
a d'un évêque. » Là lettre qu'il adres-
sait au proconsul Apringius était non
moins expressive i a Epargne, lui disait-
« rt, ces coupablesoonvaincus; laisse^teur
« la vie et le temps du vepentir (I). •
Rapprochons encore de ces paroles
les opinions pleines de tolérance et de
douceur que saint Augustin professa ,
à diverses époques , soit èâneres livres^
soit dans les discours quil edressa aux
fidèles de son Église : a L^omme n'allas
^é doué de la faoultéde prévoir fnftilJ-
{\) M. VHIeii\i|^; de PÉlaqmfmqhréUmnf
dans l^ qmiriwie siècle. Yoy, Jifçmaes Ufjl^
nurçfff p. 471 el suiv.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRETIENNE.
39
blftnent ce <fue penseront , dans (a suite
des temps, eeox de ses semblables qu'il
juge être actuellement dans l'erreur; il
ne sait pas jusqu*à quel pointles fautes
des mécbants oontribuent au perfeetion-
nement des bons. H faut donc bien s#
garder d*dter la vie à eeui-là ; car vou*
lanttuer des méehants, on ne ferait sou-
vent que tuer eeux qui sont destinés à
rentrer dans la bonne voie, ou bien on
nuirait aux bons , auxquels , quoique
malgré eux , les méchants sont utiles.
On ne peut porter de jugement fondé et
équitable sur les hommes qu'à la fin de
leur vie, lorsqu'il n*ya plus possibilité,
ni de changer de conduite, ni de servir
Ia cause de la vérité par la comparaison
de Terreur. Mais ee jugement, il n'est
donné qu'aux anges de le porter « et
non aux hommes Reste bon et
souffre les méchants. Il vaut mieux «
demeurant dans le sein de l'Église, sup^
porter les méchants à cause des bons,
Sue de s'exposer à s'en séparer , aban-
onnant et les bons et les méchants. S'il
y a avec toi des bétes féreeesi, c'est-à-dire
s'il y a avec toi dans l'Église des apôtres
de doctrines erronées, de faux croyants,
héréti^es ou sehismatiques, ou mau^
vais câftboliques , dierehant, comme les
bétes féroces, à dévorer les âmes, qu'el-
les soient tolérées jusqu'à la fin des siè-
cles Tolère; tu es né pour cela :
tolère, car tu as probablement aussi
besoin d'indulgence. Si tu as toujours
été bon, montre-toi misérieordieux ; si
tu as eommis des fautes , n'en perds p^^
la mémoire. Il faut souffrir l'ivraie dans
le bon grain, les boucs entre les clie-
vreaux, les béliers entre les moutons.
Ce mélange aura un terme , et le temps
de la moisson viendra,...,. Sois bon,
et [urends le mal en pMienca. Sois bon
mtérieurement; car si tu ne Tes pas
de cette manière , tu ne peux pas te van-
ter de l'être. Quand tu seras bon inté-
rieurement, tu supporteras eelui qui
est méchant intérieureeAen^ et extérieu-
rement. Tolère Théïétique déclaré, to-
lère le païen, tolère le Juif, tolère enfin
le mauvais ehrétien caché. » Ce sont là
de grands et généreux sentiments que
de nos jours les ennemis les plus 9^rdents
fie TÉglise catholique ont loués et ad in»-
ipés i\). En lisant les lignes que nous
(I) Voy. M. de Polt»'; BUioire pfUlQfai^
venons de transcrire, on oublie volon-
tiers que parfois, dans l'ardeur de la
lutte, saint Augustin se laissa emporter
jusqu'à prêcher Tiutolérance.
LE PELAGIANISMF, EN APBIQUE. —
L'Église catholique en Afrique venait à
peine de triompher du schisme qu'elle
fut exposée à un nouveau danser. C'é-
tait Thérésie, cette fois, qui devait la
diviser.
Au commencement du cinquième
siècle , deux hommes originaires de la
Grande-Bretagne, Pelage et Célestius
se mirent à sonder, soit dans la médita-
tion, soit dans leurs entretiens, les
questions les plus graves et les plus dif<
Qciles qui aient jamais agité Tesprit
humain. Ce fut , dit-oii , un certain Ru-
fin, venu de Syrie, qui leur donna l'im-
pulsion et leur fournit quelques-unes de
leurs solutions. Ils vivaient alors à
Rome, où ils arrêtèrent leur doctrine.
Ils s'étaient demandé : Dieu intervient-
il dans nos actes? Sommes-nous libres
d'accomplir, à notre gré, le bien et le
mal.' Est-ce Dieu qui veut pour nous, et
ne sommes-nous que des instruments
dont les mouvements sont prévus et
réglés à Tavance.^ Si, disaient-ils, nous
ne pouvons nous déterminer par nous-
mêmes, nous ne sommes point respon-
sables du bien et du mal que nous fai<^
sons; nous ne méritons ni ne déméri-
tons. — Ces raisonnements les conduisi-
rent peu à peu à rejeter la grâce divine,
sans laquelle, suivant T Église, Thomme
ne peut rien, et à rapporter e)(clusive-
ment, dans cliacun de nos actes, le
hiea et le mal à la faculté que nous
avons de nous déterminer par nous-
mêmes , à notre libre arbitre.
Pelage et Célestius quittèrent Rome
vers 409, pour aller en Sicile : de là ils
passèrent en Afrique. Us s'arrêtèrent
d'abord à Hippone (410); puis, ils se
Sue, ete. , du Christianisme y t. 11^ p. 150. —
fous devons fouler ici que parmi les écrivains
ecclésiastiques, plusieurs , aujourcThui même,
semblent approuver les paj^es ou saint Augus-
tin, parlant de Tinlervention du pouv oir tempo-
rel dans le schisme des donatistes, admet la
psrsécufioii comme moyen légitime de répres-
sion. Les doctrines de ces écrivains ne sont
point de notre siècle, et ne portent pas l'em-
preinte du véritable esprit chrétien. D'ailleurs,
comme nous venons de le voir, elles sont con-
damnées par saint Augustin lui-méme.
Digitized by VjOOQIC
40
L'UIrtVERS.
rendirent à Carthage. Cest de là que
partit Pelage pour aller dans la Pales-
tine. Célestius était resté dans la capi-
tale de TAfrique pour y propager la
nouvelle doctrine. C'était, s'il faut en
croire ses contemporains , un homme
plus audacieux encore que Pelage. Il ne
reculait devant aucune des conséquences
de son système; et bientôt on le vit
repousser, comme contraire à la théorie
du libre arbitre, la croyance au péché
originel et nier la nécessité du baptême
et de la rédemption.
L'Église d'Afrique s'alarma des pro-
grès de l'hérésie, et un concile con vogué
a Carthage (412) condamna Célestius.
Le pélagianisme, comme on l'apprend
par l'acte d'accusation qui fut dressé
alors , attaqua , dès son début , les doc-
trines del'Eglisecatholique avec une sm-
gulière hardiesse. On reprochait à
Célestius d'avoirdit : « 1<» qu^Adam avait
été créé sujet à la mort ; 2° que son
péché n'avait nui qu'à lui et ne s'était
pas communiqué à sa race , ce qui dé-
truisait la croyance du péché originel;
3° que les enfants en naissant sont dans
le même état où était Adam avant son
péché ; 4' que le péché d'Adam n'est
pas la cause de la mort de tout le genre
humain, non plus que la résurrection de
Jésus-Christ la cause de la résurrection
de tous les hommes ; 5» que la loi natu-
relle conduit au royaume des cieux
comme TEvangile ; 6* que même avant
la venue de Jésus-Christ, il y avait des
hommes impeccables , c'est-a-dire sans
péché ; 7® que les morts sans baptême
ont la vie éternelle. » Après sa condam-
nation Célestius se retira en Asie (t).
SAINT AUGUSTIN COMBAT LES PÉ-
LAGiENs; concile; rapports des
ÉGLISES d'Afrique avec l'église de
ROME. — Le concile de Carthagç n'avait
pomt arrêté les progrès de Thérésie : le
pélagianisme pénétrait en tous lieux.
Alors,pour conjurer ce pressant danger,
tes docteurs les plus illustres de l'Église
catholique se mirent à l'œuvre. Pour
^ 0) Noos ne pouvons, dans ce résumé rapide,
traiter avec quelque étendue la question du
Sélagianisme. Nous renvoyons sur ce point aux
iverses histoires de l'Église. Il est inutile, sul>
vaot nous , de signaler ici , parce qu'elles sont
connues de tous, les pages qui ont été écrites
de nos jours sur ce grave sujet par MM. Gui-
jwtetJ.J. Ampère.
eux la théorie du libre arbitre , telle que
la formulaient Pelage et ses disciples ,
était un excès de l'orgueil humain.
Prétendre que l'homme avait la faculté
de vouloir, de se déterminer, indépen-
damment de toute influence supérieure ,
et conclure, de là, que sans l'assistance
de Dieu , il pouvait, suivant qu'il faisait
un bon ou mauvais usage de son libre
arbitre, mériter ou démériter, n'était-ce
point enlever à Dieu une partie de sa
toute-puissance, égaler en quelque sorte
l'homme à Dieu? n'était-ce point
comme le disait saint Jérôme, renouve-
ler la tentative des anges rebelles ? Aux
yeux des défenseurs de la foi catholi-
que , pour employer Ténergique expres-
sion (Tun écrivain moderne, Satan aussi
avait étépélagien (1).
Après avoir hésité quelque temps,
saint Augustin se lança avec ardeur
dans la discussion. Il n'essaya point de
transiger , de concilier la libîerté avec la
grâce; il s'avança aussi loin dans la
théorie de la grâce que Pelage dans
celle de la liberté.
« De toutes les doctrines psychologî-
3ues de saint Augustin, la plus digne
'attention est celle qu'il a émise sur
la nature du libre arbitre. Les rapports
étroits qui existent entre cette question
et celle de la grâce, et l'autorité dont
jouit l'évêque d'Hippone dans l'Église,
principalement à cause de la manière
dont il a combattu les pétagiens , don-
nent une importance particulière à ce
qu'il a écrit sur cet objet. Le traité du
Libre Arbitre , divisé en trois livres , fut
achevé par saint Augustin en 395, vingt-
deux ans, par conséquent, avant la
condamnation de Pelage par le pape
Innocent I«^ en 417. Il était dirigé con-
tre les manichéens, qui affaiblissaient la
liberté en soumettant l'homme à l'action
d'un principe du mal , égal en puissance
au principe du bien. Il était naturel que,
pour combattre avec succès de pareils
adversaires, saint Augustin accordât le
plus possible au libre arbitre. Aussi
vQit-on, par une lettre adressée à Mar-
cellin, en 412, qu'il n'est pas sans crainte
que les pélagiens ne s'autorisent de ses
livres composés longtemps avant qu'il
fût question de leur erreur. La philoso-
(I) Rohrbacher; Hist, univers, de V Église ca-
tholique,t VII, p. 5(»4.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
phîe ne peut donc rester indifférente
au désir d'étudier de quelle manière
Tauteur du traité du Libre Arbitre a pu
se retrouver plus tard le défenseur ex-
clusif de la grâce, et concilier les prin-
cipes philosophiques avec les données
de la révélation. Nous ne pouvons toute-
fois , sur ce point , présenter que de
courtes explications. Dans ses livres sur
le Libre Arbitre, saint Augustin recon-
naît que le fondement de la liberté est
dans le princif)e même de nos détermi-
nations volontaires. Le point de départ
de tout acte moral humain est Thomme
lui seul, considéré dans la faculté qu*il
a de se déterminer sans l'intervention
d'aucun élément étranger (deLib. Arb.,
lib. m , c. 2 ). Dans sa manière de dé-
finir le libre arbitre, le mérite de la
bonne action appartient à l'homme ; rien
n'a agi sur sa volonté en un sens ou en
un autre; sa détermination est parfai-
tement libre. Saint Augustin a-t-ii main*
tenu ces principes dans sa controverse
contre Pelage? Une étude plus attentive
des saintes Écritures, et principalement
de saint Paul, ne lui a-t-elle pas fait mo-
difier sa manière de voir? L'examen phi-
losophique de ses écrits ne nous sem-
ble laisser au critique impartial aucun
doute à cet égard (1). » Au moment où
parut le péladanisme , saint Augustin
avait déjà modifié ses premières opinions
sur le libre arbitre. Dès l'année 398,
comme nous t'avons dit , dans une lettre
adressée à Simplicien , et à propos de
ce texte de Saint Paul : Qu* avez- vous
que vous n'ayez reçu? il avait amoindri,
si nous pouvons nous servir de cette ex-
f>ression , le libre arbitre pour exalter
a grâce. Sa lutte contre Pelage et Cé-
lestius ne fit que rendre ses opinions
plus absolues. Dès lors dans ses con-
versations, ses sermons, ses ouvrages
{du Mérite et de la rémission des pé-
chés; de la Grâce du Nouveau Testa-
nient; de l'Esprit et de la lettre; Traité
de la nature et de la grâce; de la Per-
fection de la justice ae l'homme; Ut-
tre à Hilaire en Sicile)^ il affirme que
l'homme ne veut et ne peut que par
Dieu , et si parfois il parle encore du
(I) Yoy. Dictionnaire des Sciences phitoso-
phiques par une société de professeurs de phi-
losophie; art. Sdint Augustin A- 1? P* 257 ; Pa^
ris, 1814.
41
libre arbitre , il déclare que ce libre ar-
bitre est dans la dépendance d'un pou-
voir supérieur, qu'il est complètement
subordonné à la grâce.
L'opinion de saint Augustin fut adop-
tée par l'Église d'Afrique. En 416^ les
évéques de cette Église tinrent deux
conciles, l'un à Carthage, l'autre à
Mllève, où ils condamnèrent Pelage
et Gélestius. Puis , ils s'adressèrent au
pape Innocent qui, en 417, donna son
adhésion à la sentence qu'ils avaient
prononcée. Mais on put craindre un
instant (418) que Zozime, successeur
d'Innocent , n'approuvât , comme l'a-
vaient déjà fait avant lui les évéques
d'Orient, rassemblés à Diospolis , quel-
ques-unes des opinions du péla^ianisme.
Sa conduite pleine de modération à
l'égard de Pelage et de Gélestius excita
en Afrique de vives appréhensions.
Les évéques se rassemblèrent de nou-
veau à Carthage, en 418, et là ils con-
firmèrent en quelque sorte , par une
nouvelle condamnation de l'hérésie,
leurs premières décisions. La sentence
qu'ils prononcèrent nous fait connaître
les hardies conséquences que les péla-
giens avaient tirées de leur théorie
du libre arbitre. « Quiconque dira qu'A-
dam a été fait mortel , en sorte que ,
soit qu'il péchât ou qu'il ne péchât
point , il dut mourir, c'est-à-dire sortir
du corps, non par le mérite de son pé-
ché, mais par la nécessité de sa nature ;
qu'il soit anathème ! Quiconque dit qu'il
ne faut pas baptiser les enfants nou-
veau-nés; ou que, bien qu'on les bap-
tise pour la rémission des péchés , \\$
ne tirent d'Adam aucun péctié originel
Sui doive être expié par la régénéra-
on, d'où s'ensuit que la forme du bap-
tême pour la rémission des péchés est
fausse à leur égard ; qu'il soit anathè-
me! Quiconque dira que la grâce de
Dieu qui nous justifie par Jésus-Christ,
ne sert ^ue pour la rémission des pé-
chés déjà commis, et non pour nous
aider encore à n'en plus commettre;
qu'il soit anathème ! Si quelqu'un dit
que la même grâce nous aide à ne point
pécher seulement en ce qu'elle nous
ouvre l'intelligence des commande-
ments , afin que nous sachions ce que
nous devons chercher et ce que nous
devons éviter; mais qu'elle ne nous
Digitized by VjOOQIC
M
L*UHIV£R5,
donne pas d^ainMr taeore «1 ée pou-
voir 06 que nous devons foire; qu'il
eoit anathèmel Quiconque dira que
la grâce de la justiicaition nous esl doa-
oée» afin que nous puissions aoeomplir
plus facilement par la griee ce quMI
nous est ordonné de faire par le libre
arbitre, comme si, sans recevoir la
grâce, nous pouvions accomplir les
oommandenMnts de Dieu, quoique di&
fioilement; qu*il soit anatnème! » 4
Rome, Zozime agitait ea&o prononeé, ^
il avait condamné les pélagiens. On
ne se contenta plus alors, pour rame*
ner les hérésiarques , des censures ecr
eléslastiquea; on eut recours au poijk
voir temporel, à la rigueur des lois,
liul, suivant saint Augustin, ne fut
Elus ardent dans cette persécution aue
) prêtre Sixte, qui ooqupa plus tard la
ehaire de Saint-Pierre. Ùonorius fit un
édit qui banniftsait de Rome Pél^e at
Célestius, qui organisait contre leurs
adhérents un système de délation, qui
puniaftiit e<i6n , dans toute retendue de
rempire d'Ooeideat, de Texil et de
Texpropriation, oeux qui étaient coft-
vaincus de pélagianiame. Toutefois, au
tempe même de la persécution , Tbér^
sie trouva des défenseurs. Le plus célè-
bre de tous est Julien, éréque d'Éclane.
Il attaqua saint Augustin à propos du
livre intitulé du ^rloge €t df Icn ço^r
efipùcenee. l)ès lors 8*f«gdgea entre
eux, par éorit, une bitte qui ne dev^t
avoir poux \»9Vfm que l« mort de Tillua-
tM évoque d'Uippontu
h y avait tu sur Is^ question 4^ néia-
f iamsme dissentiment e^tr^ le^ évé^ues
africains et lepapeZo^lue (i). Maisee
dissentiment , comme noua l'avons dit ,
n'avait pe4 été de loMue durée, plus
tard, rinler¥iiition deThgtise de Home
dans les affaires d« i'Alrique devait
amener un nouveau désaecord. )l éclata
au temps dosant Bemiface et de saint
Célestin, Jjm, évlquee d'Afrique refu-
sèrent, en deux eirconstaaees ^ d'accep-
ter les instruetionB qui leuv venaient
d'Italie. Lo pidtre Apîarius, et plus
tard, l'évéque AJfttoine avaient été con-
damnés, pour, leupscîwd^use conduite,
paf lea évéquee afiH^aM^<> V^ ne yo^»-
(I) Indépendi^mment des éerlvalns eathoU-
lif^n, voyez sur ce diasenUoieot : Leydeoker;
kirenl point se soumeHre a éette oon«
damnation. Us s'adressèrent à l'Égliso
de Rome qui, prêtant l'oreille à leurs
pjrières, essaya de les imposera ceux
Î|ui les avaient rejetés. Les évéques d'Ar
rique protestèrent contre cette inter*
vention qui tendait à infirmer leurs
décisions et à amoindrir leur autorité.
Ils l'emportèrent; et le jugement qui
avait condamné Apiarius et Antoine
fut maintenu (i).
SB||1-PBI<A.UIS9I8; DSniVinBS TB4-
V4IJX DB SAiifT AqousTiiv. — Comme
nous l'avons dit, l'opinion de sai ut Augus-
tin sur la grâce était celle derÉglise ca-
tholique. Toutefois, il y fivait dans cette
opinion quelque chose de si aiisoUi , il
fallait tellement, p^ur Tembr^sser, sn-
eriûer la raison à la foi, que des hommes
jusqu'^sferm^^ent attachés aux dog-
mes de l'Église se sentirent ébranlés. Il
se fit chej eux une réaction : ils se do^
mandèrent si s^'nt Augustin n'était
point tombé dans |'erreur eq immolant
d'une m^ière absolue le libre arbitre à
(a grâoe^ en l'annihil^ti et conséquem-
U^t en détrui&ar^t la responsabilité hu-
maine» Us cherchèrent alors un système
4e conciliation*
L.e mouvement se fit d'abord sentir
en Afriq^e. Quelques moines d'Adrumet
s'élevèrent contre un écrit où saint
Augustin anéantissait, suivant eux , le
libre arbitre. L'évê(}ue d'Hippone se hâta
de leur répondre par deux ouvrages ( de
la Gr^^ et du Iwrearbitre ; de la Cor-
reciio» et de la gràoé). Cette fois, il sem-
bla transiger, et fit, si oous pouvons nous
servir de cette expression, quelques
concessions au libre abitre.
Il y avait aussi en Gaule des hommes
éminents qui n^admettaient pas dans
toutes ses parties le système de saint
Augustin. Parmi eux se trouvaient saint
Biiaired'Arleset Cassien. Celui-ci ,dans
des eonférences spirituelles qu'il écrivit,
vers 426, poMr ses moines de Marseille,
essaya de concilier le libre arbitre avec
la grâce. Il ne porta pas atteinte, comme
les pélagiens, aux dogmes de l'Église ca-
tholique \ seulement i| prétendit que le
(DVosr. aorlMrâppoffU éeTË^lae d*Airi-
que avec celle de Rome et sar les dâaccords qae
pou» venons^ dlncUquer: Fleury; HisLeccté-
dast. t. V, p. 494, 515, s??,!?». 680et bS»; et
EQhrbacher; HiiL univers, de CJSatfse ctUh^L^
t. VIT, p. 548, 552 et sttiv.; 508
JSffmecai
i 877 et I
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRETIENNE.
u
Whte arbitre était nécessaire p^eur l*aô-
eomplissement du bien, nécessaire
comme la grâce. Il alla plus loin encore :
il déclara que la grâce était donnée par
Dieu à ceux qui Pavaient méritée, à ceux
qui d*abord avaient voulu le bien par
eux-mêmes en vertu de leurs propres dé-
terminations. Ainsi, suivant Cassien, le
libre arbitre était le principe de la grâce.
Ge nouveau système agita vivement
les esprits. Les uns rembrassèrent har-
iiment( ce Airenties semi-pélagiens);
d'autres, assaillis par le doute et plus ti-
mides. Youlurent, avant tout , prendre
eonseil de eelpi qui, dans la grande que-
relle suscitée par fîéiage, avait été Vin-
terprète de ^Église catholique. Ils s'a-
dressèrent donc à saint Augustin. L*é-
véqued^Hippone ne refusa point d'entrer
dans une nouvelle discussion.
Il poussa alors iusqu'à ses dernières
conséquences la doctrine de la grâce.
Dans ses deaxlivresdleto FrédestîMathn
des Saints (t) qu'il adressa à Prosper et à
Hilaire, il admet sans réserve et dans le
sens le plus illimité, en vertu de son prin-
cipe de la grâce qu'il s'efforçait d'éta-
blir, la prescience divine et la prédesti*
nation. Aux semi*pélagiens, qui lui ob-
jectaient que, dans un pareil système ,
on devait rejeter néoeasairem^nt oomme
Inutiles la prédication, les exhortations,
toute pénalité, il répondait : « Il est vrai
qu'il faut user de discrétion en précliant
au peuple cette doctrine; et ne pas dire :
La prédestination de Dieu est absolu-
ment certaine, en sorte que vous êtes
venus à la foi , vous qui avex reçu la vo-
lonté d'obéir, et vous autres demeurez
attachés au péché, parce que vous n'avez
pas encore reçu la grâce pour vous en
relever. Mais si vous êtes pvédestinés ,
vous recevrez la même gduie, et vous
autres, si voas êtes réprouvés, vous ces-
serez d'obéir. Quoique tout eela soit vrai
dans le fond et à le bien prendre, la ma-
nière de le ëife avee dureté et sans
ménagement, le rend insupportable,
tl faut plutât dire t La prédestination oer-
taine vous a amenés de l'infidélité à la
foi , et vous y fisra pefsévérer. Si vous
êtes encore attachés a vos péchés , rece-
vez les instruetio^ salutaires, sans
^(uitefqis vous ^ élever \ car ç*est Dieu
(I) Le second Hvre a an titre particulier :
du Don de la Persévérance.
qui opère en vous de voulair et de faire,
et si quelques-uns ne sont pas encore
appelés , prions Dieu quUI les appelle ,
par peut-être ils sont jprédestinés. Quant
aux réprouvés, il ne tant jamais en par^
let qu'en tierce personne, en disant, par
exemple : « Si quelques-uns obéissent
naaintenant,et ne sont pas prédestiné^},
ils ne sont que pour un temps, et ne de*-
meurerontpas dans Tobéissance jusques
à la fin. SurtOHtil faut exhorter les moins
pénétranU à laisser les disputes au)^
eavanU (1). » Pour avoir trop accordé
à la grâce, ^int Augrustin , on ne saM-
raitle dissimuler, arrivait au fatalisme.
Il semble que saint Augustin ait été
absorbé tout entier, ds^ns les dernières
années de sa vie par sa lutte contre le
pélagianisme. Il n'en est rien pouvr
tant. Pendant ks discussions les plus
vives, il trouvait encore du temps pour
écrire sur mille sujets divers. Il répon-
dait souvent, par de longues lettres, à
tous o^x qui lui proposaient des dif-
ficultés à résoudre ou lui demandaient
des conseils. Il composait son Enchiri-
dion; un petit livre adressé à saint Pau-
lin de Noie, sur la pWé mmrs les morts
çt son tcç^ité contre le mensonge. Il re-
(uroduisait aussi par écrit sa conférence
avec révé«(ue arien Maxime et rédigeait
?es Rétraclations, Sur la fin de sa vie ,
cédantaux prières de Quodvultdeus, qui
fiit plus tard évêque de Garthage , il
firomit d'écrire une histoire des hérésies.
1 ne recula point devant les difficultés
que présentait un semblable travail.
9. Il exécuta sa promesse, dit Fleury,
et envoya quelque temps après à Quod-
¥u1tdeus un traité des hérésies où il en
eo(¥i()te quatre- vin^t- huit commençant
auxsimoniens et finissant aux pélagiens.
Il ne prétend pas toutefois avoir connu
toutes le^ hérésies, puisqu'il y en a de si
obscures qu'elles échappent aux plus
ourieux; m avoir expliqué tous les dog-
mes des hérétiques qu'il a nommés,
puisqu'il y en a que plusieurs d'entre
eux ignorent. A ce premier livre, il pré-
tendait en Joindre un second, oà il cfon-
perait des règles pour cooftattre ce qui
fait l'hérétique et se garantir de toutes
les hérésies coi^nues et inconnues^ mais
la oiort qui le préviat w (u| permit pas
(f ) TfAdnclloii de fVvasf,
Digitized by VjOOQIC
Ï4
LTNIVERS.
cTexécuter cette seconde partie (1). »
L'iIfTASION DES YAIf DALES ; MOBT
DE SAINT AUGUSTIN; SOUFFBANCBS
DE L'AFRIQUE CHRETIENNE — En 426,
saint Augustin avait désigné, avec l'as-
sentiment du peuple d'Hippone, le prêtre
Héraclius pour son successeur. Il lui
avait confie, en partie, l'administration
de son Église et s'était ménagé ainsi
quelaues instants de silence et de re-
cueillement. Mais il ne jouit pas long-
temps du calme qu'il avait clierché. L*in-
vasion des Vandales en Afrique nedevait
pas tarder à troubler sa retraite et à ren^
plir d'amertume ses derniers jours.
Nous avons dit ailleurs, avec quelque
(I) Nous croyons devoir signaler ici à nos
lecteurs l*article Saint Augustin publié dans
an recueil nouveau que nous avons déjà
cité et qui a pour titre : Dictionnaire des
Sciences philosophiques. On y trouve d*al)ord
la classification suivante : « Parmi les nom-
lureux ouvrages de saint Augustin plusieurs
appartiennent plutôt à la philosophie qu*à la
théologie; d*au très appartienoent à Tune et à
Tautre; d*aulres, enfin, sont purement théologi-
ques ; nous iodiguerons ceux des deux premte-
res classes. Les ecriti de saint AugusUn à peu
f^rès exclusivement philosophiques sont : l* les
rois livres cantre les Académiciens ; 5«» le livre
de la fie l^eureuse , 3® les deux livres de l'Or-
dre ; 4® le livre de V Immortalité de Came ;
6» de la Qualité de l'Ame; 6» ses quatorze pre-
mières Lettres. — Ses écrits mêlés de philoso-
f>hie et de théologie sont : l« les Soliloques ; 2* le
ivre (2t<Afar/«v;3^1es trois livres <fu Libre arbi-
tre; 4* des Mœurs de V Église ; 5» de la Fraie
Religion ; 6* Réponses à quatre-vingt'trois ques-
tions; 7" Conférence contre Fortunàt; 8* Trente-
trois Disputes contre Pauste et les manichéens;
9" traité de la Créance des choses que Von ne
conçoit pas; \(fi les deux livres Contre le Men-
songe; I !• Discours sur la Patience; 12® de la
Cité de Dieu; la» les Confessions; 14» Traité de
la Nature contre les manichéens ; 15» de la
Trinité, m L'auteur de l'article résume ensuite
les doctrines philosophiques contenues dans
ces divers ouvrages. 11 divise son résumé en
deux parties : d>*une part, les idées sur Dieu:
de Tautre, les idées sur Thomme. En un mot, il
expose, pour employer ses expressions, la
Théodicée et la Psychologie de saint Augustin.
Nous renvoyons sur ces points, étrangers à la
auestion qui nous occupe , au recueil que nous
gnalons. Toutefois, nous devons dire ici que
l'auteur do l'article aurait pu trouver encore,
en ce qui concerne les doctrines philosophiques
de saint Augustin , des renseignements précieux
dans plusieurs ouvrages que nous avons cités,
et qu*à tort, suivant nous, il exclut de sa liste.
Nous lO^outerons , en finissant , que nous adop-
tons sans réserve son opinion sur la Cité de
Dieti , vantée au delà de ce qu'elle conUent ,
comme 11 le dit, par des écrivains qui n'en con-
naissent que le titre ou qui n'en ont lu que de
courts fragments. Voy. Dictionnaire des Scien-
ces philosophiques, par une société de profes-
seurs de, philosopaie; art. Saint Angustin,
étendae, comment et par quelles cau-
ses les Vandales se précipitèrent sur l'A-
frique (1). Genséric, appelé par le comte
Boniface, quitta l'Espagne et, passant la
mer, aborda , au mois de mai de l'an-
née 429, sur les côtes de la Mauritanie.
D'abord il conquit et ravagea tout le
pays compris entre l'Océan et T Ampsaga.
Puis, quand Boniface, réconcilié avec
Placidie, rejeta l'alliance des barbares
pour redevenir le défenseur de l'empire,
le chef vandale poussa vers l'est et se
jeta sur la Nunudie.
Ala nouvelle des désastres qui étaient
venus fondre sur l'Afrique , saint Au-
gustin dut se repentir amèrement d'a-
voir quelquefois, au moment des dis-
cordes religieuses, appelé sur les en-
nemis de sa doctrine la rigueur des
lois et la persécution. Lesdonatistes,
en effet, poussés au désespoir par les éd i ts
d'Honorius, n'avaient pas hésité à se le-
ver en masse pour prêter aide et appui,
en haine des catholiques , à la horde
barbare qui venait attaquer l'empire.
Les manichéens, les pélagiens, les
ariens , qui eux aussi étaient proscrits
par les lois , avaient suivi l'exemple des
donatistes. A ces sectaires s'étaient joints
sans doute les hommes, derniers restes
de la race punique, qui, en dépit du temps,
du christianisme et de la législation
impériale, n'avaient pas cessé d'observer,
au sein même de Gartbage, les pratiques
de la religion apportée jadis sur les cô-
tés de l'Afrique par les colons phéni-
ciens. Voilà les puissants auxiliaires ^ue
la persécution avait donnés à l'invasion
barbare; et ils ne furent pas les seuls
que rencontra l'armée vandale. Elle se
recruta encore au sein des populations
voisines du désert qui n'étaient qu'à
moitié chrétiennes, parmi les tribus
maures, et même dans les campagnes
et les villes romaines. Les uns , guidés
par l'appât du gain, accouraient dans le
campde Genséric pour piller et ravager;
les autres, propriétairesjruinés, voulaient
se dérober à la déplorable condition où
les avait précipités, à force d*exigence^
et de rigueur, la fiscalité romaine.
(I) Voyez dans ce volume notre Histoire de la
domination des Vandales en Afrique , p. 8 et
suiv. >C'est le complément indispensable, à par-
tir de l'année 429, ae notre Histoire de VAfrtque
chrétienne.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
Rien désormais ne pouvait résister,
en Afrique aux soldats de Genséric. Bo-
niface essaya en vain de les arrêter. Il
fut battu et rejeté dans Hippone. Là se
trouvait saint Augustin, qui entendit
bientôt retentir à ses oreilles les cris de
Farmée barbare. Les maux que souf-
fraient alors Tempire et TÉglise lui cau-
sèrent une immense douleur, qui sans
doute hâta sa mort. Au moment où il
ferma les yeux, il ne restait plus, dit
un contemporain, des innombrables
églises qui couvraient autrefois le pays
que celles de Garthage, d'Hippone et de
Cirla.
ORGANISATION DE l'ÉGLÎSE D'A-
FRIQUE DEPUIS LA FIN DU DEUXIÈME
SIÈCLE jusqu'au COMMENCEMENT DU
CINQUIÈME. -; L' Afrique chrétienne
et civilisée, suivant Texpression d'un
écrivain ecclésiastic|ue , sembla mourir
avec saint Augustin. En effet , depuis
les rapides conquêtes de Genséric, elle
ne ùt que languir et décliner. Mais avant
d'entrer dans cette période de décadence,
portons encore une fois nos regards
vers le passé, pour étudier l'organisation
de l'Église d'Afrique au temps de sa
force et de sa grandeur.
Garthage, nous l'avons dit , fut pour
l'Afrique le point de départ des pré-
dications chrétiennes. De Garthage le
christianisme se répandit de proche en
proche jusqu'aux extrémités de la Pro-
consulaire. Puis, il entreprit la con-
quête de la Numîdie. Dans les premiers
temps de l'épiscopat de saint Cyprien,
rÉglise d'Airique ne possédait que les
deux provinces que nous venons d'in-
diquer. Elle en eut bientôt une troi«
sième, qui fut la Mauritanie. Les idées
chrétiennes ne s'étaient pas seulement
répandues à l'occident de la Proconsu-
laire, mais encore à l'orient. Elles
avaient pénétré dans la Byzacéne et la
Tripolitaine^ qui formèrent, dès le com-
mencement du quatrième siècle, deux
nouvelles provinces ecclésiastiques.
Aux cinq que nous avons nommées, il
faut joindre une sixième qui fut formée
plus tard d'un démembrement de la
Mauritanie. Réduire en une seule pro-
vince la vaste c^ontrée qui s'étend de
rOcéan à l'Ampsaga , à une époque où
le christianisme l'avait couverte d'é-
véchés et d'églises, c'eût été rendre bien
46
difûciles l'administration et la surveiN
lance ecclésiastiques. On la divisa donc,
comme nous l'avons dit, en deux parties^
et ce fut vers la fin du quatrième siè-
cle aue l'on vit paraître comme provin-
ces distinctes, la Mauritanie césarienne
et la Mauritanie sitifienne. Peut-être
y eut-il , vers cette époque, un autre
démembrement, à la suite duquel on
forma une septième province de la
Mauritanie tingitane. Un métropoli-
tain était préposé à chacune des cir-
conscriptions territoriales que nous
avons indiquées ; le premier dé ces mé-
tropolitains était l'évéque de Garthage.
Avant l'arrivée des Vandales on voyait
dans les villes et les campagnes de
l'Afrique des églises et des «couvents
sans nombre. Garthage seule possédait
près de vingt édifices de ce genre (1).
LISTE DES EYECHÉS DE L'AFRI-
QUE, AUXÏV*ET V* SIÈCLES. — MaîS
rien ne saurait nous représent r avec
plus de vérité et d'une manière plus
frappante l'état florissant de l'Église
d'Afrique, dans le quatrième siècle et
au commencement du cinquième, que
la simple nomenclature des évéchés
qui étaient constitués , à cette époque,
dans les diverses provinces que nous
avons énumérées. Nous donnerons ici
cette nomenclature d'après le savant
ouvrage de Morcelli (2). La liste sèche
(I) Voici y d'après Morcelli, rénumération des
basiliques de Carthage : Basilica Perpétua -
Restituta ( c'était la cathédrale \ ; FausU basi-
lica ; Sancii Agilei basilica ; basilica Major aut
Majorum; basilica marfijrum Scillitanoritm ;
basilica Celerinœmariy ris; basilica Novarum;
basilica Gruiiani ; basilica Theodosiana; ba-
silica Honoriana; basilica Theoprepria; ba-
silica Triccllarum ; basilica Pétri y basilica
Pauli; basilica martyrisjuliani. En outre, deux
église-s avaient été bâties, dans les faubourgs,
en Phonneur de saint Cyprien; l'une sur le Heu
de son supplice; Tautre dans la rue des Mappa-
les, à l'endroit où il avait été enseveli. Apres la
chute de la domination vandale, Juslioien litéle-
ver à Carthage deux nouvelles églises , l'une à la
Vierge, l'autre àsainte Prime. Uajouta aussi uu
cou vent à ceux qui se trouvaient déjà dans la vil le
il le fit bâtir près du Mandracium. Voy. Mor-
celli { Jfric. christ- ); t. I. p. 49. — M. Dureau
de la Malle, dans ses Recherches sur la topo-
graphie de Carthage ( p. 214 et suiv. ), ajoute
un nom à ceux qui nous ont été fournis par
Morcelli. Il appelle basilique de Teriullien celic
où se réunissaient les lertuUianistes .au leraps
de saint Augustin.
( 2) y^fric. christ.; t. I , p. 34 sqq. Morcelli a
retranché de sa liste soixante évéchés environ ,
parce qu'il ne pouvait, comme il le dit (ibid.j '
p. 4? ), en assigner la véritable posilion.
Digitized by VjOOQIC
46
lAJNIVERS-
et aride qui ?a suirre ne aéra point
sans Intérêt, nous le croyons, pour
tous ceux qui applaudissent aux efforts
que nous faisons depuis treize anS pour
reporter eur la e4te septentrionale de
l'Afrique le ehristianisme et la eirili*»
sation, et qui se plaisent à ehercher^ si
nous pouvons nous exprimer ainsi,
des espéranees et comme un gage
pour l'avenir, dans tous les faits qui
attestent l'ancienne splendeur de œtte
belle contrée*
Nous avons fait subir à la liste de Morcelli
quelques changements. Tous les noms mar-
qués d'un astérisque ont été modiliés, déplacés
ou ajoutés. Ces coiTections ne nous appartien-
nent point. Elles avaient élé faites, par un sa-
vant membre de l'Académie des Inscriptions,
sur Pexem plaire de VJfrica ehristiana que
nous avons eu entre les mains.
ECCLES(1£ PROYlNCliE PROCONSUL AR<è.
Abaritana.
Abbenzensis.
Abbir majoris. «4,».*^
Abbir GermaniciaHse", quae et AoDtrniTO.
Abitinensis.
Aborensis.
Absasaileiisis. ^** «^^ ^
Abtugnensis , qax et AdttfttMKàea et AffloA^
giensis.
Abziritensis , qu» et Abderliana.
Advocatensis.
Agensis.
Altiburiensis , quœ et * AltUNHiàMift
Amaderensis , qux et Ammedereoftis.
Aptucensis.
Aradilana.
Arensis.
Assuritana.
Ausafensis.
Ausanensis. . . « t . ^^ ,^,..,^
Auzuafjensis.çïdae et AUsQâ^iw i^na.
* Basandidacensîs.
Belalitensis.
Beocennensis.
- Benevenlensis.
. * Betagbarensis. T
Bilteusis.
Binensis. :
BolUlana.
Bonustensis.
Bosetensis.
Bullamensis.
Builensis/VuUensis.
BuIIeriensiS.
Buinensis
Buritana. ' , . , .
Buslacena. " ' * *
Buzencîs,
Cîeciritana. ^^
Calibiensis. ' /.
Canapitanorum.
Carpitana.
Carthagkilensis. . .
Cftfalensis.
. Ceierinensis, ' .^
Cellensîs. ' '
Cerbalitana.
Cibaliaoensifl.
Ciçsiiana.
CJlibiensià.
CliicàrltanA.
Ctamtaturbi*
Clypiensis.
Cùbdënsis;
CtticitantnftM, qtt»c* Gififitftfia il
CorbUana, quae ei CurubMana.
Drusiiianen^is.
Duassenétns&liUiëftï
Egagengi».
Fdrnitana. .
Giggensis, que et Ziê&edsiâf.
Girbensrs, quœ él Qerberiéis A 0«rfHén&
Gisipensis, qu» et Gislpeosiara mi^nM.
Giutra mbacarieBsis.
Gorensis.
Gùnelensiè qtuë et GoMliitëiiMs;
Uiltensis.
Hipponis Diarrhvti, quœ et Hippooeosium
Zaritoruin et Hf{>zajftteosià.
HonoridpolilaiMl.
Horreensia<
Labdensis , quffi et Lapdeasis.
J^acubazensis.
Lârensis sive Larliinf .
Libertioensis.
* Luperciaoeiisis.
Mattianensis.
MàxulHanâ.
Mralapolitana. .
MeizitaDa, qu» et MeUilana*
Merablosifana.
Meinbresitana , qâi^èt MéMiM>âiÉfté<la et 1
brositana.
Mkirpenûs.
Missaeosis.
Mizigitana.
Maliitaaa.
Musertitasa.
' MuslIUna.
Mozuensis.
Ilaragearttansi ^^a et HagargariUmi.
Neapoiitan».
Nigrensîum mî^oi'iim
NnmnulitaifA.
Ofitana.
Pappianensi», qas et Pupianens».
* Pariensiâ.
Pertusrehâii^.
Pisiteoâis.
* PoeofélteasiSr
Papitana , quife éi Pùppitarfa.
Rucumeodfs y qutb et Tiëdomitiafe el 1
finsacensto.
Sajenais.
Scilitana.
SebargeosH.
Sedeienffia.
Seminensia.
Seuempsaleiigis.
^^Serrenais.
Sicceneasis.
Stocensis. ^ . , >...**--^
âicilibbeosis , qoé et Sfctlt^paéret SMlfife.
Stmidicensis.
Slmineosis, qae et Simminiensls.
Simingitana. ,
Simittensis» quae et Semitensts.
$innareD^s ,qtne et âio^aritensiffr
Succubensig.
Suensis.
Taborensis.
Tabooeosis.
Digitized by
Google
AFRIQUE CHRÉTïETmE.
Tad» M ODtaiMMis » gii0 et l^tln Mont* et Ta-
canensis.
Taddaensis.
Tagaratensis.
Tagorensis.
Taiboreosis.
TauraciDS.
Telensis.
'k'headaleDsis, que et Theodalenslt il Eodé*
lensis.
Ihiniss, qus et Tinnisensis.
Thaccaboris , qas et TuccabortMif.
l 'ibursioensis Burœ.
7igimmensis.
Timedeosig , qas et Tiroid» RtgliB.
'1 isilitensis , quse et Tisilensia.
laullUna. ^
Tonnonensis, qus et Tennonensis.
TrisipelHs.
Irislpensis.
* Taburbitanoram majoram.
Tybarbitanoniin miuorum.
Tuburnicensis.
Tuccff , qu» et TogiflB.
Tulaoensis.
Tunejensis, qas et Taniensis.
Turuzitensis.
Tyzicensis.
Tailitana.
Yaziensis , quse et Vazuensis
Vercnsis.
Tiooturrensis.
Tilla magnensis.
Visicensis.
Ucitana.
Ucalensis.
Urcitana, qu» et Uracitana et Uricitiao,
Utioensls.
Utimmirensis.
Ulinensis, quae et * (Jtînioensis.
Utzipparitana, qu» et Dzipparitana.
Uzaiensls, qu& et Uxialeasas.
Zarnensis.
Zem(e08is> qom et Zênteo^.
Zurensis.
EGCLESLE PaOVIEfCLfi NUMlDlA.
A}iiTai8l8y que et Âzarensis.
Amporeusis.
Angtiiensis.
AppissRoensis.
Aqu» Nobensis.
Aquarum TibiUti
Aquensis.
Arsicaritana.
Assabensis.
Augurensis.
AusucupfeBiii.
Babreosis.
Badiensis.
Bagj^ensls.
Bajanensis qus et Tajanensis.
Bajesitaoa.
Bamacoorensia^ qmet YamaecoNnai»
Bazaritana, qus et yazaritaoa.
Belesasensis.
Berceritaoa , qus et BecerrilaMt.
Bofetana.
Baoc»nieDsis , qus et '
BufTadensis.
BulleDsium Regiorum.
Bnrcensis, qu» et Burgensis.
Cslianensis.
Cssariensis.
Calamensis.
Casarum Nigrenrion.
Casarum sUvau».
Casasmediaoensis.
Casensis Bastalensis.
Caseosis * Calanensis.
Castellana.
Castelli Sioiteutis*
Castelli Titulitani.
Castrorum Galb».
Cataquensig.
Cemerioiana.
Centenarlentif.
Centuriensis.
Ceoturionensis, qu» et CenturiaMMto*
Geramussensis.
Circensis.
Cirtensjs, qu» et Constantiniensis.
Cuiculitaoa.
Cullitana.
Dianensis.
Edistiaoensis
Enerensis.
Fateosis.
Fesseitaoa.
Fissanensis.
Formensisad Idicrta.
Formensis Missoris.
FossalensU , qus* et Fussaleosli.
Garbensis.
Gaudiabensii.
Gaurianensis.
Gazaufal».
Gemellensis.
Germaniensis.
Gibt>ensis.
Gilbensis.
Gireusis.
GirumareeHI.
Girularasi.
HipponeregieiisU, qu» et Uipt^oaeMlttfti âé*
gioruin.
Hizirzadensis^qus et Izirianensis*
Hospitensis.
Jacterensis , qu» et ZaKareoti^
Idassensis.
Idicreosis.
JucundianensU.
Lamasuensts , qu» et Lamasbœ.
Lambesensis.
Lambiritana.
LamfueosiB , qu» et Lêmpiieiitls et JamfwMlil
Lamiggigensig gemina.
Lamsortensis.
Lainzellensis.
Laritanus.
Legensis.
Legiensis.
Legisvolnminiensis.
Liberalleosis.
Limatensis.
Lugurensis^.
Macomadiensifl, q«»et Uàcomtoitmàk
Madaureosis.
Madensis.
Magarmelitana.
Manazenensium Regiorum.
Masculitana.
Matharensis.
. Maximianensis , qu» et Maximinensia.
Mazacensis.
Megarmitana.
Mesarfeltensis.
Metensis.
Midilensis.
Milei, qu» et Milevitana.
Digitized by
Google
48
L'UNIVERS.
Montensis, quse et Montena.
Moxoritana.
Malieosis.
MuDicipensis.
Masiitana.
Mutugensis.
Naralcalensis , quse et Naraccateûsis.
Nibensis.
Nicibensis.
Nobabarbareosis, qu« et Novabarbareusis.
Nobagermaniensis.
Nobasparsensis y quœ et Nobaspartensis.
NobasincDsis , quœ et Movasinensis.
Novapetrensis.
Octabensis.
Pudentianensis.
Putiensis.
* Regiariensis.
Respectensis.
Ressianeosis.
Rolarieosis.
Rusiccadiensis.
Rusticianensis.
Selemselitaoa, qaœ et Silemsilensis.
Seleuciaiiensis.
Siguitensis, quse et Suggitana.
Silensis.
Sillitanus.
Sistroniaoensis.
Suavensis.
Summenbis. quœ et Zammeosis
SusicazieDSis.
Tabracensis.
Tabudensis.
Tacaratensis.
Tagastensis.
Tagorensis.
Tamogadensis, qas et Tamogaziensis.
Tarasensis , qux et Tharasensis.
Tebestiaa . qus' et Tevestina et Thebestis.
Teglateosis, quœ et TegulatensL^.
* Thiabensis.
Thibilitana.
Tibarsicensis , qu» et Tabusicensis.
Tididitana, quœ et Tiseditana.
Tigillabensis.
Tigisitana.
Tignicensis.
Tipasensis.
Tabunlensis.
Taccffi, qa» et Tuggs et Tancensis.
Tunudensis.
Turrensis.
Turiisrotundœ.
Turrium Âmmeniarum.
Turrium Concordûe.
Tazudrumes.
Tadensis.
Vageatensis.
Yagensis.
* Vagrautensis.
Yegeselitana, quseet Veselitana.
Yeiesitana.
Yensanensis.
Yicopacatensis, qaœ et Yicopacensis.
Ylllama^nensis.
Yillaregiensis.
Yillavictorianensis.
Umtana.
Urugitana.
Utmensis.
Zabensis.
Zamensis.
Zaradtensis, qaœ et Zaraitensis.
Zerteosis.
ECCLESIJ; PllOVlNCL£ htiKCXM/E,
Abar<idircnsis.
Abiddensis.
Abissensis.
Acolitana.
Ad rumetina.
Afufeniensis.
Aggaritana.
Aggeritana.
Amudarsensis.
Ancusensis.
Aquœ Albensb.
Aloensis.
. Aquensis.
Aquensium Regionim.
Aquiabensis.
Arensis.
Arsuritana.
Autentensis, quœ et Auteniensis.
Auzagerensis , quœ et Auzegereiisis
Banensis.
Bennefensis.
Bîadiensi^.
Burelialensis, quœ et Bubellalensis.
Byzaciensis.
Cabarsussitaoa.
Capsensis , quœ et Capsitana.
Carcabianensis.
Carianensis sive Casularum Carianensium.
Gellensis.
Cenculianensis.
CeneDsis
Cilitana,quœ et CUlitana.
Gircitana.
Crepedulensis.
Cufrutensis.
Cululitana.
Detorianensis, quœ et Decorianensis.
Dicensis.
Dionysianensis.
Durensis.
Eliensis.
Febianensis.
Feradimajensis , quœ et Feraditana major.
Feraditana minor.
Filacensis.
Forontonianensis, quœ et Ferontooianensis.
Fortianensis , quœ et Forianensis et Foratia-
nensis.
Frontonianensis, quœ et Frotonianensis.
Gaguaritana , quœ et Gauvarilana.
Garriaoensis. ^,
Galtlanensis , quœ et Gatianeosis.
GermaniciaDensis.
Gummitana.
Gurgaitensis, quœ et a Gurgitibus.
Hermianensis.
Hierpinianensis, quœ et HirplDianeDsis.
Hireoensis , quœ et Hirinensis et Irensis.
Horreœ Aninicensis.
Horreœ Cœliensis.
Jubaltianensis.
Juncensis.
Leptiroinensiâ , quœ et Leptitana.
Limmicensis.
Maoomadiensis RusUciana.
Macriaoensis major.
Mactaritana.
Mandasumitana, quœ et Madassumitana.
Maraguieosis.
Marazaneusis.
Masclianensls.
Mataritana.
Marterianensis.
Maximiensis, quœ et Massimanensis.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
40
Medefessitana, qase et Menefessltana.
Meàianensis.
Mlbiarcensis.
Midicensis.
Midilana, qaœ et Mididliaoa.
Mimianensu.
Mozotcoritana.
Munatianensis.
Muzacensis, qaœ et Muzolensis.
Narensis.
Nationensis.
Neptitana , quee et Neptensis.
Octabensis.
Octabiensis.
Oppennensis « qa» et Opemiensis.
Pederodiadensis.
Peradamiensis.
Pnecausensis.
Prxstdiensis.
Putiensis.
, QuaestoriaDeDsis.
' KulîDianensis.
Ruspensis, quie et Rusfensis et RuftMtisis.
Ruspitensis.
Sasuritana.
Scebatianensis.
Seberianensis.
Segermltana.
Septimunicensis.
Sublectina.
Sufetana , qum et Safium.
Sufetulensis , qu» et Saflculensis.
Suliaoensis.
Tabaltensis, quœ et Tasbaltensis.
Tagamutensis , quœ et Thagamutensis.
Tagarbalensis « qiiue et Targabolensis.
Tagariatana.
TagaseDsis.
Talaptensis , gus et Talaptalensis.
Tamallensis.
Tamallamensis.
Tamateni.
Tambs^eDsis , qus et Tambeitaoa.
Taprurensis.
Tapsitana.
Taraquensis, qas et Tarazensls.
Teleptensis.
Temonianensis, quae et Temoniarensis.
Tëtcitana.
Theoitana, quœ et Theaisioram.
Tbeuzitana.
Tbibaris , qaœ et Tibarltana.
Ticensis.
Ticualteosis.
Tigualensis*
llziensis.
Trolinianeosis.
Tobulbacensifl.
Tarditana, qua) et Tosdritana.
Tarreblandma.
Turrensis.
Turretamallameosis, quaeetTarriamTamalus.
Tuzuritana, qus et Tuziritana.
TadentiDianeosis, quse et Yalentinianensis.
Vagensis.
Yararitana.
i Vassinassensls.
f VegeselitaDa , quœ et Vegeiselitana.
Vicensis.
I Vicoateriensis.
I Ytctorianensis.
Yiteosis.
UniricopoUtana, qus et Unorecopolitaoa.
Unizibireiisis , qu» et Uniziverensis.
Usulensis , quœ et Usilabensis.
AFR. CHRÉT.
Zellensis.
ECCLESIiE PROVINCIJS MAURCTAmA CJCSA-
RIENSIS ET TlNGlTANiB.
Adqaesireosis.
AdsimiadeDsis.
Agrensis.
AiamiliareDsifl.
Albalensis.
Altabensis.
Amaareosls.
Ambiensis.
Aquensis.
AquisireDsis.
Arenensis.
Arsinaaritana.
Bacanariensis.
Balianensis.
•Baparensis.
Benepotensis.
Bidensis.
Bitensis.
Boncariensis, qoœ et Yoncarlensis.
Bulturiensis.
Buronilaoa.
Burac
Casariensis.
Caltadriensis.
CapreDsis.
Capatcillensis.
Cartennitana.
Casteliana.
Castelli labaritanl.
Castelli Mediani.
Castelli Minoritani.
Castelli Ripensis.
Castelli Tatroportensis.
Castrorum Nobenslum.
Castrorum SeberiaaeDsiam.
Catabitana.
CatreDsis.
Catulensis.
Cessitana , qaœ et Cissitana.
* Columpnatensis.
Corniculanensis.
Elfantariensis, qaœ et Elephantariensls.
Fallabensis.
Fenacletensis.
Fidolomensis.
Florianensis.
Flomenzeritana.
Frontensis.
Girumoateosis.
GratiaDopolitaaa, qaœ et Graliaopolitana.
GoDugitana.
Gypsariensis.
Icositana.
Idensis.
Itensis
JommiteDsis.
JuDcensis.
Lapidiensis.
Msnaoensis.
Malianenfiis , qaœ et Milianensls.
Ifammilleosis.
Mao accenseritaaa.
Masaccabeosis.
Matarbensis.
Maarensis.
Maurianensis.
Maxltensifl.
Mediensis.
MinensiSf qaœ etMInneosis et Minaensis.
Murconensls vel Noroooeosis.
Murostagensis.
4
Digitized by VjOOQIC
^0 L'UNIVERS.
Matecitana.
Kabalensis. ^^ ^w.^^^
HasWocertsis, «a» et Narbtacensii.
NobsB, quœ et Paveûsis gemloa.
Noblcensis.
I^umidiensis.
Obbensis.
Oboritana gemina.
Oppidonebensis.
Oppinensis.
Pamariensis.
Panatoriensis. . ^ . , .,«
Priscianensis, qaœet Pnslanensïs.
guidiensis.
egiensis.
Reperitana.
Rubicariensis.
Rusaditanus. , . ^ . ^.^
Rusgoniensls , quœ et Rusguniensis.
Rusubiccariensis.
Rusubiritana. ^^ ..^^ .
Rusuccurrensis , quœ et Rusuccuritana. ,
Satafensis.
Sereddelitaua.
Sertensis.
Sestensis.
Sfasferiensis.
Siccesitana.
Sinnipsensis.
Sitensis. v««i*«««
Subbaritana, quœ et Subarltana.
Sucardensis. ^ „ , _i»^«
Sufasaritana, quœ et Suforflana»
SuluUtana.
Summulensis. ^ ^ v-.-..rf,»««d!fl
Tabadcareosis , quœ et TabarciïenôiS..
Tablensis.
Taborenlensis.
Tabuniensis. ^^ _ _^^„t„
Tadamatensis, quœ cl Tadapensis.
Tamadensis.qu» et Tanudajensis.
Tamazucensb, quœ et Tamazensis.
TeJnamuSis; quœ etTernamusenste.
Tiflllensis.
Tigabitana.
Tigisitanav
Tiinidanensis, quœ et Tlmidianenste.
Tingartensls.
TipasUana.
Tubunensis.
"^Tuscamiengis.
Vagalilana.
Vannidensis.
Yardimissensis.
Ubabensis.
Viilanobensis.
Yissalsensis.
YoFDcarianeDsis.
Usinadensis. ^ ^ „ _ , ,. ^^ .
Zucabiaritana , quœ^etZugabbaritaDa.
ECCLESIiB PROVINGI* MàURETANI^ SlUPENStg,
Acutidensis.
AquœjAibensis.
Assàfensls.
Assuoremixtensis.
Castellana.
Cedamusensis.
Celleusis.
Coviensifl.
Emlnenlianensis. _ . ^
CqoizoieDfiis , quœ et Equizetana*
Ficensis.
Flumenplscensu.
Gedtaaa.
Horrensis.
leratitana. ^ ^ „„^
Igilgllana, quœ et Iglllitana.
Lemelefensis. ^^ , . -^
Lemfoctensis , quœ et Lamfocten^
Lesvitana.
Macrensis.
Macrianensig. ^ ,, .
Maronanensis , qu» et Maroneasi».
Maxitensls.
Medianorum Zabunioram. ,
Molicunzensis , quœ et MolicuiUeMift.
Moptensis , quœ et Moctensis et Mozoteurfi.
lYoDaliciaDensis.
Olivensis.
Partheniensis.
Perdicensis.
PriTatensis.
Salditana.
. Satafensis.
Serteilaoa.
Sitifensis.
Sociensis.
SuristcDsis.
Tamagristensls.
Tamafluniensis.
Tamascaniensis.
Thuccensis.
Tubiensis. , , ,,.
Tugusubditana, quœ et Tubusubdilana.
Yamallensis.
Yesceritaaa.
Zabensis. — Zallateitôis.
ECCLESLS PROVINClfiTRlPOLITAN*.
Glrbensis , quœ et Girbitana et Gerbitana,
Gittensis.
Leptimagnensis.
Neapoiitaaa.
Oensis.
Sabratensis.
Tacapitana.
Telle était l'étendue ei la forée de
l'Église d'Afrique lorsque les Vandales
parurent, en 429, sur les côtes de la
Mauritanie. ^i.^«*
l'arianisme en Afrique; bbgii*
DE GENSÉHic. — La marche de Gen-
séric en Afrique , comme nous i av^
dit, fut marquée par d'effroyables dé-
vastatidns. La soif du buUn ou de ta
vengeance, les passions religieuses qw
animaient les Vandales et leurs alhés,
couvrirent de sang et de ruines, eu
moins d'un an, les trois Mauntames et
une grande partie de la Numidie. Les
églises tombèrent; les évêques et ks
Mètres furent massacrés ou obliges de
chercher un asile sur les terres encore
soumises à lâ domination romaine (1).
La furie de l'invasion qui atteignit
/n Nous n'avons pas besoin de dire, que
PT le rédt qui va suivre, nous n'avooft
iis^ssé d'avoir sous les yeuî^ ce qœ Roi-
nart a écrit sut ia persécution vandate.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
surtout la poj^lation oatholique ne ait
point de courte durée. EHe ne perdit
rien de sa force pendant dix ans. Ea
439, le premier soin de Genséric, Bial-
|re de Carthage , fut de persécuter les
catholiques et de dé|M)uiller 1%$ égKseft
de la ville de leurs vases sacrés et de
leurs riches ornements. Toutefob, ca
fut au montent même où Carthage
tomba au pouvoir des Vandales que
cessèrent , au moins en partie , les vio-
lences et les immenses désordres qui
avaient désolé, depuis 429, F Afrique
chrétienne et civilisée. Dès lors, en eftet,
Genséric contint ses soldats pour ne
point épuiser le pays où, après avoir
anéanti toute résistance , il avait résohi
de se fixer.
L'intérêt donc et le ehanseinent qui
se fit, de 439 à 442, dans rétat social
des Vandales empêdièrent le pillage,
le meurtre et la dévastation ; mais ils ne
mirent point un terme à la persécution
contre les catholiques. Deux choses
principalement devaient » en quelque
sorte, perpétuer en Afrique cette per-
sécution. C'était, d'une part, l'esprit
. de secte qui animait les conquérants
barbares; de l'autre, l'état de guerre
dans lequel la nation vandale, sous
Genséric, fut obligée de se maintenir
pour résister aux attaques de l'empire.
Les Vandales, suivant certains his-
toriens, avaient adopté Tarianisme
pendant leur séjour en Espagne; sui-
vant d'autres (et nous partageons To-
pinion de ces derniers), ils avaient été
gagnés à l'hérésie^ avant la grande in-
vasion de 406, à l'époque ou ils cam-
S aient sur les frontières de l'empire
'Orient, dans les provinces qui avoi-
sment le Danube. Dès l'instant où il^
parurent en Afrique, ils ne se déclarè-
rent point seulement ennemis de l'em-
pire , mais encore ennemis des catboli-
^gues et, par là, ils doublèrent leurs
rorces et assurèrent le succès de leui*
audacieuse entreprise. Ils virent ac-
courir dans leurs ran^s, nous l'avons
dit aussi , tous ceux qui avaient souffert
pour leurs croyances sous le règne
d'Honorius ; les donatistes surtout, qui,
pour se venger de leurs persécuteurs,
n'hésitèrent ipoint sans doute à passer
en grand nombre du schisme à rhéré-
sie. Cette alliance donna une nouvelle
6J
force aux haines rdlgi^ses qui ani-
maient les Vandales et attira sur lea
Mauritanies et la Numidie les affreux
ravages dont nous avons déjà parlé.
Ce ne fut pas seulement au moment
des expéditions, dans les instants de péril
et de guerre, mais encore pendant la paix,
que l^sprit de secte poussa à la persécu-
tion et a la cruauté les conquérants bar-
bares. Ainsi, dans les années qui séparent
la prise d'Uippone de celle de Carthage ,
en 487 , à une époque où il y avait trêve
entre l'empire et les Vandales, Genséric
traita les catholiques, dans les provinces
soumises à sa domination, avec une
excessive rigueur. Il ne se borna pas à
chasser de leurs églises les évéques et
les prêtres; il sévit même contre les
laïques, et il en fit mourir plusieurs qui
n'avaient pas voulu embrasser l'aria-
nisme. Plus tard ( il était déjà maître de
Carthage), on saisit par son ordre l'évê-
3ue Quodvultdeus et un grand nombre
e clercs ; on les dépouilla d'abord de
leurs vêtements , puis on les plaça sur
des vaisseaux à moitié brisés qui turent
lancés à la mer et abandonnés à la fu-
reur des vents (1).
Une chose encore, dès les premiers
temps de la conquête, aggrava les souf-
frances des catholiques , ce fut la crainte
qu'ils inspirèrent a Genséric. Le rot
barbare n'ignorait pas qu'ils désiraient
ardemment le rétablissement de l'au-
torité impériale; que leurs regards
étaient sans cesse tournés vers Tltalit
ou vers Byzance; qu'ils le haïssaiene
comme arien et comme barbare, et qu'ils
étaient prêts à soutenir toute armée qui
viendrait sur les côtes de l'Afrique
pour les rattacher à Tun des deux em-
pires. Il les persécuta donc aussi pour
des raisons politiques , parce qu'ils se
défiaient d'eux; et sa sévérité a leur
égard, il faut le croire, augmenta toutes
tes fois qu'une expédition fut dirigée
par les Romains vers les (Nrovinces qu'il
avait conquises.
(I) L*évéqae de Carthage Quodvultdeus et ses
coiDopagnons échappèrent h la mort. Ils furent
pouâsés par le vent sur la côte de Naples. Gen-
sericuSf Quodvultdeum et maximam turbam
clericorum, navibus /ractis im^Msitos , nudos
atque expoliatos expelli pracepii : quos Deus^
mtseratione bonitatis suât prospéra navigation^
Neapolim Campaniœ perducere dignatw est
civUatem, Victor de Vita ; 1 , 5.
4.
Digitized by VjOOQIC
55t
L'ÛN1VER&
Toutefois, il semble que, vers la fin
de sa vie, Geoséric se soit relâché de sa
rigueur. Cest qu'alors nul ennemi ne
luL faisait ombrage. 11 avait conduit à
sa chute l'empire d'Occident, ruiné la
marinedes Byzantins, et il dominait^ par
ses flottes, sur toute la Méditerranée.
Rien ne lui résistait en Afrique. £n 476,
sur la prière de l'empereur Zenon, il
permit aux catholiques de rouvrir leurs
églises et il {rappela les évêques qu'il
avait exilés. On pourrait induire de ce
fait, qu'en général, illes persécuta, non
comme dissidents religieux, en haine
de leurs croyances , mais comme enne-
mis de' sa domination (1).
ÉDIT DE 484 CONTRE LES CATHOLI-
QUES ; ÉTAT DE l'Église d'afbique
sous LES BOIS HUNÉRIC, GUNTHAMUND
ET THRASAHUND. - Hunéric,filset suc-
cesseur de Genséric , ne persécuta point
les catholiques dans les premières années
de son règne. 11 ne fut cruel alors que
pour les membres de sa propre famille
et pour les hommes les plus illustres de
la nation vandale. Ce fut seulement en
483 , qu'entraîné par l'esprit de seqte^ il
tourna ses fureurs contre les catholiques.
Il voulut les contraindre à embrasser
l'arianisme. Ceux qui résistèrent furent
dépouillés de leurs biens et exilés. Les
prêtres surtout eurent à souffrir du zèle
intolérant de Hunéric; ils furent dépor-
tés par milliers , sans défense et sans
ressources, dans les déserts de l' Afri-
que.
Pour se donner sans doute un pré-
texte de sévir, le roi convoqua un grand
concile à Cartbage. Ariens et catholi-
ques se réunirent dans cette ville en 484 ;
mais à la suite de désordres provoqués
peut-être par Hunéric lui-même et par
les évêques qui l'environnaient, les con-
férences furent interrompues. La sen-
tence de condamnation avait été prépa-
rée à l'avance. Le roi, accusant les
catholiques d'avoir mis obstacle à Ja
discussion, publia un édit qui tes pri-
vait de leurs églises et prononçait, con-
tre eux les châtiments les plus sévères,
à savoir : les amendes, les confiscations ,
les peines corporelles, l'exil, et même la
' (I) Voy. sur l'état de TÉçIise d'Afrique, au
temps de Genséric , notre Histoire de la domi'
nation des Fandales eih Afrique , p. lO et suiv.;
26 et suiv.
mort. Cet édit reproduisait, dans leurs
principales dispositions, toutes les lois
promulguées jadis par Honorius contre
le schisme ou l'hérésie.
L'édit de Hunéric ne contenait point
de vaines menaces ; il fut bientôt exé-*
cuté avec rigueur dans toutes les par-
ties de l'empire vandale , et alors com-
mença une persécution qui fut marquée
par aes supplices et de sanglantes exé-
cutions. Ce fut d'abord sur les évêques
2ui s'étaient rendus à la conférence de
larthageque tomba la colère dû roi. Il
ne se borna noint à les dépouiller de
leurs églises; il les fit tous arrêter : puis,
il condamna les uns à cultiver la terre ,
comme esclaves, les autres à couper
et à préparer , dans l'île de Corse , les
bois qui devaient servir à la construc-
tion de ses vaisseaux (1).
Sous le règne de Gunthamund , les
catholiques jouirent de quel(|ues ins,
tants de repos. Alors les évêques exilé-
revinrent de toutes parts et, parmi euxs
Eugène, qui, en487, reprit possession du
siège épiscopal de Cartbage (2). Mais ce
repos ne devait pas être de longue dorée.
Tnrasamund, qui devint roi en 496,
persécuta de nouveau les catholiques.
C'était un homme lettré, d'un esprit sub-
til , qui aimait la controverse et se plai-
sait aux discussions théologiques. Il
traita les ennemis de sa croyance à la
manière de Julien. Il les attaqua par les
railleries, le mépris et l'outrage. Cepen-
dant, il ne put toujours soutenir son
rôle; plus d'une fois, renonçant à feindre
la modération et la tolérance , il laissa
librement éclater sa haine contre ceux
qui ne partageaient point ses opinions
religieuses. Ce fut ainsi qu'il força Eu-
gène à quitter encore son siège épisco-
§al et à s'exiler de Cartbage , et que ,
ans l'année 507, il fit déporter en
Sardaigne les évêques de la Byzacène.
L'Église d'Afrique ne souffrait pas.
seulement alors de l'intolérance des rois
vandales , elle était encore attaquée et
affaiblie parles tribus du désert. Celles-
ci , profitant de la faiblesse des succes-
seurs de Censéric , avaient recommencé
(1) Nous avons déjà donné, dans ce volnme,
redit de 484, et raconté, avec quelque éten-
due, la persécution qui le suivit. Yoy. notre
Histoire de la domination des Fandales en
J/rique^ p. 33 et suiv.
(2) Morcelli ( Âfric, christ, ) ; 1. 1 , p. 56.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE CHRÉTIENNE.
iâ guerre contre la civilisation. Elles 8*é-
taient jetées surl'empire vandale et elles
avaient rapporté le paganisme dans les
contrées qu elles avaient envahies.
LA TOLÉBANGE DU BOI BILDBRIG
AMBNB UNE BBYOLUTION; OELIMEB;
l'éolisb catholique TBIOMPHE PAB
BÉLisAiBE. — Thrasamund mourut en
523. Il laissait le trône à Hildéric , qui
avait longtemps vécu à Gonstantinople
et qui était peut-être catholique. A Ta-
vénement de ce prince, la persécution
cessa. Tous les exilés pour cause de
religion furent rappelés. Les supplices
ou rexil avaientfaitdegrands videsdans
Fépiscopat, Hildéric ne s'opposa point ,
comme son prédécesseur , à ce qu'ils
fussent remplis. Dans toutes les provin-
ces, les catholiques furent remis en pos-
session des églises qui leur avaient été
enlevées. Ils jouirent dès lors d'une telle
liberté que leurs évéques n'hésitèrent
point à se rassembler, à Carthage même ,
pour délibérer publiquement sur les be-
soins de l'Église. Ce fut là, en effet,
sous les yeux du roi, qu'ils tinrent, en
524 ou 525, un concile présidé par le
primat de l'Afrique, Bomface (1).
Mais les hommes de race vandale et
même les Romains qui avaient embrassé
l'arianisme blâmaient la tolérance et la
modération de Hildéric. Ils n'avaient
point cessé , avec raison , de considérer
les catholiques comme dé mortels en-
nemis. Us les accusaient de chercher,
par leurs relations secrètes avec l'em-
pire , le renversement de la domination
vandale. A la fin, Hildéric lui-même,
qui entretenait avec la cour de Gonstanti-
nople de fréquents rapports, et qui avait
eu l'imprudence de placer sur ses mon-
naies 1 effigie de Justinien, fut soup-
çonné de partager, contre sa nation et sa
propre famille, les haines des catholi-
ques. Une révolte éclata; Hildéric fut
renversé du trône et Gélîmer le rem-
plaça.
Cette réaction de l'arianisme ne fut
pas de longue durée. Justinien leva une
armée pour soutenir le roi déchu. Ce
fut en 533 que Bélisaire mit fin à la do-
mination des Vandales et que , Hildéric
étant mort, il prit possession de l'A-
( I ) On comjpla 59 évéqaes dans ce concile. Voy .
Hardouin; (Jonc. t. II, p, 1154*
53
frique au nom de l'empereur. Les ra-
pides et brillants succès du général
byzantin donnèrent enfin la victoire et
la paix à l'Église catholique.
NOUVELLE BB action; ÉDIT DE
justinien; bappobts avec l'église
DE bomb; concile; état de l'église
d'afBIQUE sous LA DOMINATION
BYZANTINE. —Une ancienne tradition
racontée par Procope (1) nous montre
que les catholiaues, depuis le règne de
Genséric jusqu aux victoires des soldats
de Justinien, n'avaient point cessé de
conspirer , au moins en pensée , contre
les conquérants barbares. En 533 , ils
accueillirent Bélisaire comme un libéra-
teur. Il est vraisemblable que dès l'ins-
tant où le représentant de Justinien
Sarut sur les cotes de l'Afriaue, ils l'ai-
èrent de leurs conseils et de leurs se-
crets avis. D'ailleurs , en ne résistant
point à l'armée impériale , en lui lais-
sant libre passage dans toutes les villes,
depuis Syllectum jusqu'à Carthage , ils
contribuèrent, autant qu'ils le pouvaient
alors, à la chute de la domination van-
dale.
Une nouvelle réaction reli^euse sui-
vit de près la victoire de Bélisaire. Les
catholiques s'empressèrent de profiter
de la défiance que les hérésiarques et
les schismatiques inspiraient à la cour
de Byzance pour se venger de tous les
maux qu'ils avaient soufferts. Ils s'a-
dressèrent à Justinien. C'était princi-
palement l'hérésie gui avait donné force
et durée à l'empire vandale. C'était
elle aussi qui , peu d'années aupara-
vant, avait précipité du trône Hildéric,
le protecteur des orthodoxes etl'ami des
Byzantins. Justinien ne l'ignorait pas ,
et , par politique autant que par zèle reli-
gieux, il prit, contre les ariens , les do-
natistes et les autres dissidents, de sé-
vères mesures. Par un édit de 435 , il
les écarta des fonctions publiques , les
dépouilla de leurs biens, leur enleva
leurs églises, et leur défendit d'élire des
évéques , de conférer les ordres et de
baptiser (2). Les juifs aussi furent enve-
loppés dans l'arrêt de proscription.
C'était donc la peur qui avait dicté
cette loi violente. Plus d une fois alors
(I) Voy. notre Hist. de ladomination des Fan»
dates en Jfrique^ p. 58.
"(2) Baronius , ad. an, 635
Digitized by VjOOÇ IC
•-54
L'UNiVERS.
on accusa les dissidents de œnspirel^^
non sur des preuves, mais seulement
parce qu'on les craignait. Toutefois, It
ïaut dire crue les Vandales, dépossédés
etinon exiles , que les hérésiarques et les
schismatîques qui s'étaient attacha à
la fortune des conquérants barbares, éé-
siraient ardemment ta chute de la do-
mination byzantine. Ils prirent pai^t, H
n'en faut pas douter , à tous les troubreâ
qui bouleversèrent i^Afriquiô deptiis l^
départ de Bélisaire jusqu'à rinvâsioh
arabe. Par la force des choses, ils de-
vaient conspirer contre Justinien et ses
successeurs, comme les catholi^àues,
depuis Gedséric jusqu'à Gélîmerj
avaient conspiré contre les Vandales.
Les Byzantins achevaient à peihe de
soumettre les provinces qui avaient
appartenu aux Vandales que l'Églisié
catholique d'Afrique songea à se reor*^
ganiser. D'abord , pour traiter les nottl-
breuses affaires que lui donnait sa isi-
tuation nouvelle, elle tint un concile.
Ce fut à cette un que deux cent dît-
sept évéques se réunirent à Carthâgè,
en 534 , sous la présidence du ()rimat
ïléparatus (1). Ensuite elle se remit dans
des rapports assidus avec Rome et \eà
autres Églises du monde chrétien (2),
Elle forma , peut-être dès la même
époque , les quatre provinces ecclésiasti-
ques qui suDsistaient eïicore, suivant
d'anciens documents , en l'année 64d,
Ces quatre provinces étaient : i° la
Proconsulaire; 2° la Numidie; S** là
Mauritanie; 4° la Byzacêne. Sous
le nom général de Mauritanie se trou-
vaient comprises la Césarienne., la Slti-
fienne et la Tineitané. La ïripolitaine
avait été rattachée à la Byzacêne.
Depuis la conquête accomplie pair
Bélisaire jusqu'à l'invasion des Arabes ,
l'Église d Afrique eut sans doute beau-
coup à souffrir des révoltes et dés trou-
bles qui à diverses époques éclatèrent à
Carthage et dans toutes les provinces
soumises à la domination byzantine.
Mais ce qui contribua surtout à l'affai-
blir , et , si nous pouvons nous servir de
cette expression, à amoinarir son do-
(l)Hardouin; Concil. t. II, p. 1154 et 1177.
-^ Reparatus venait de 8ucce(Jter sur le siège
épiscopal de Carthage à Boniface.
(2) Voy. MorceUi {J/r.chist.)\ ad an, 535;
t. III , p. 282 et sqq.
-maine , ce fat la guerre «ontlndélte âne
firent à l'empire ^ à la civilisatioé
^es populations indigènes. Salomon>
Jean Troglita, Génnadius, eux-méài^',
lès plus illustres de Ions lia glénéraux
qui vinrent deCo^tantfnople, ne purent
toujours refouler et contenir les tribus
du déisert. Gurdéeis, pendant uii siède ^
pat des cheft qui , comme Yabdas, Att-
talas , Càrcas&n et Gasmtri, avaient ravi
sans doute à là tactique ronoaiiie qtiel-
flueS-uns de ses secrets , «lies ne ces-
sèrent de foire des progr^, gagnant
chaque jour une nouvelle part de terrî-
toîre sur la civilisation, et ramenant jus-
2 D'à la côte le paganisme et la l»ar*
arie.
Les Arabes, de 647 à 69t, adieVèUftHt
l'œuvre des tribus indigènes et fartè-
rent à la domination romaine le dernier
coup. En moins d'un demi-ëiècle , <gll
effet, Us établirent l'islamisme, par la
force du sabre , sur toute la côte 6eo-
tentrionale de l'Afrique. Alors les év€-
Îues et les prêtres s'enfuirent et se dis*
ersèrent; les uns se retirèrent sur lefei
terres encore soumises aux empereul^
de Constantinople; les autres en Itatîet
d'autres, enfin, comme Potentîmis»
évêque d'TJtîque, chercherez nh a^§
en Espagne (1).
CONCLUSION. — Ap^ cette terrible
invasion il ré^ta pourtant des ehrétienâ
en Afrique. Nul, atgourdlmî, W& batt-
rait dire précisément à quelles condi-
tions les conquéraiQts arabes laissèrent
au milieu d'eux, pendant phisieurs siè-
cles , cette part de la population rom aine
qui n'avait abandonné ni son culte , nf
sa foi. Un seul fait nous semble bots ^
doute, c'est que Texistence de cette
population, vouée par l'islamisme as
topris et aux outrages, exposée sans
cesse à une comnliète extermination, ne
fot qu'une longue suite de sou^rances*
Nous savons, en effet, par d'anciens
documents , combien fut triste et mifiéi-
rable l'état de l'Église d'Afrique , pen-
dant le moyen âge. Elle souffrit alors,
non- seulement de la persécution , naais
encore de ses discordes. Elle ne cessa
pas d'être en proie à ces querelles et à
ces divisions qui, dans le cours éa qo»»
(I) MorcelU ( 4frica christiana ) ; a(f a».
669; t. Kl, p. 392.
Digitized by
Google k
À^MQUE cbreheniii:.
tirlèmé siècle, iAyaiêttt tant feit pour sa
mine. En l'amiëe 899 \ des députés de
l'Afrique Vinrent à Rome et s^adressè-
rent au pape , lui demandant ses eon-
seils et sa médiation pour arrêter un
schisme qui avait éclaté entre les évé-
ques (1).
Plus tard , vers 1054, une lettre venue
de Carthage à la cour du souverain pon-
tife atteste une nouvelle discorde. Le
métropolitain Thomas écrit à Léon IX
pour se plaindre de Tévéque de Gum-
mase, en Byzacène , qui se croyait et
se disait son égal. Le pape reconnaît,
dans sa réponse, les droits de Thomas.
« Après le souverain pontife, lui dit-il,
nul n'est plqs élevé, en Afrique, que
TarchevêquedeCarthage. » Ildéclare que
les autres évéques ne peuvent ni sacrer,
ni déposer, m assemoler des conciles
sans l'assentiment du métropolitain.
Léon IX vovait avec tristesse rétat de
l'Église d'Afrique, et ce n'était pas sans
une profonde douleur, comme il le di-
sait lui-même, qu'il ne comptait que
cinq évéques dans une contrée qui jadis
en réunissait plus de deux cents pour
ses conciles (2).
Ces cinq évéques étaient réduits à deux
vers 1076. Ce fut alors que Grégoire
VU écrivit, à Carthage, au métropo-
litain Cyriaque , pour lui recommander,
lorsqu'il n'v aurait que deux évéques en
Afrique , de procéder à l'élection d'un
troisième , qui se rendrait à Rome et s'y
ferait sacrer. C'est afin, dit le pape,
que {>lus tard les consécrations puissent
se faire, en Afrique même , par les évé-
ques réunis au nombre prescrit par
les canons; et il sacra lui-même^ pour
commencer, Servandus , qui devait être
ne savait en quelle province était le
siège épiscopal illustré par saint Au-
gustin. Dans la lettre qu'il écrivit à
propos de l'élection de Servandus, il
place Hippone dans la Mauritanie Siti-
fienne. Quant au métropolitain Cyria-
(I)Frodoard;rv»2.
(2) Decus ccclesiarnm afrtcanarum ila
conculcatum a qeîUibits mmium dolemus,
ut modo vix qutnque inveniantur episcopi ,
ubi olim ducenii quinque solebani per conçu
lia ptenaria computan, Hardouin ; ÇonciL t.
YI,p.060,
55
cme, il fdt victhne des interminables
discordes de ses frères les chrétiens. Ac-
cusé par ^ux auprès des Sarrasins, il
eut à supporter les plus odieux traite-
ments et les plus cruels outrages(l}.
Ce sont là les derniers et tristes sou-
venirs laissés par l'Église dont nous
voulions écrire l'histoire. Vers 1146,
la secte des Almohades, qui vainquit et
extermina celle des Almoravides , porta
en Afrique le dernier coup au christia-
nisme (2).
Les chrétiens d'Europe savaient en-
core vaguement au moyen âse que par
delà la Méditerranée , non loin de l'I-
talie, de la France et de l'Espagne se
trouvait une côte belle et fertile où
avaient existé jadis des églises sans
nombre et de populeuses cites, et ils s'é-
murent aux lamentables récits que leur
firent, sans doute, ceux qui avaient
échappé par la fuite au fer des Al-
mohades. Alors, dans ce temps d'hé-
roïque ignorance où rien ne paraissait
impossible à quiconque croyait et vou-
lait fermement, plusieurs songèrent à
reconquérir, au profit du christianisme ,
cette terre désolée. En l'année 1226 ,
de pauvres religieux, n'ayant pour res-
sources et pour appui que leur foi et que
leur zèle, s'embarquèrent pour l'Afrique,
où ils essayèrent en vain de prêcher
l'Évangile. En 1270, un roi de France
campa avec son armée sur les ruines de
Carthage. Mais alors et depuis, pendant
sept siècles , les efforts de ceux qui sou-
mettent les peuples par l'épée ou par la
parole demeurèrent impuissants. Toutes
leurs entreprises échouèrent, et quand
ils parvinrent à prendre possession de
(1) Hardoaiu; Cowc., t VI , p. I34I. — Greg.
vu EpisL, Ub. 1, 22.
(2) Il resta pourtant quelques chrétiens sur
la côte d* Afrique. Placés au milieu d'une po-
polaUon fanatique et barbare, ils étaient dans
une sltuaUon déplorable. .Guillaume de Nan-
ffis nous apprena qu'au temps de TexpédiUon
de saint Louis , il y avait encore a Tunis
des prêtres et des égUses. Les musulmans je-
tèrent en prison tous les chrétiens quand ils
apprirent que Tarmée française avait touché
les côtes de TA-frique. Erai in urbe Tunarum
multiiudochristianorumjugo tamen servitutis
Sarracenorum oppressa^ et fratrum Prœdica-
torum eonoregatto , ac ecclesiœ consiructœ in
quibusjideîes quotidie confiuebant : quos omnes,
ex sui régi» prœcept/o^^ Sarmceni capios incar-
ceraverant cumflnestuos intravisseFrancorum
exercitum cognoviss&nt. Gesta Philippi III ;
voy. les Hiitoriens de France, t. XX , p. 478.
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS. AFRIQUE CHRÉTIENNE.
56
quelques points de la côte, leurs établis*
semepts durèrent peu. L'Europe pour-
tant ne s'est jamais lassée et ses espé-
rances n'ont pas été vaines. La race de
guerriers qu un écrivain ecclésiastique
appelait de tous ses vœux , au commen-
cement de notre siècle, pour une dernière
croisade , s'est enfin montrée; elle est
sortie de la France, pays privilégié au-
quel la Providence avait réservé la gloire
de rattacher l'Afrique au système poli-
tique des nations européennes et de la
faire participer de nouveau à la vie du
monde chrétien et civilisé.
FIN DE L'AFRIQUE CHRETIENNE.
Digitized by
Google
APPENDICE.
LISTES D'ÉVÉQUES.
Nous avons dû faire un choix parmi
les nombreuses cités qui couvraient le
sol de l'Afrique ancienne. D'abord
nous avons pris Carthage , la grande
métropole chrétienne, ensuite quelques-
unes des villes qui sont soumises aujour-
d'hui à la domination française.
Cabthage.
4grippintis; c'est le premier évéque
connu. Son épiscopat peut être reporté
aux dernières années du second siècle.
Optatus fut évéque au commence-
ment du troisième siècle. Il succéda
peut-être à Agrippînus.
Cyrus doit être placé après Optatus,
suivant Morcelli.
Donatus mourut en 248.
Cyprianus (S. Cyprien ) lui succéda.
11 fut décapité en 258.
Carpophorus lui succéda, suivant
Morcelli.
Lucianus fut évéque vers la fin du
troisième siècle.
Mensurius occupait déjà le siège
épiscopal à l'époque où fut promulgué
l'édit de Nicomédie. 11 mourut en 3 1 1 .
Cœcilîanus, Ce fut à propos de son
élection que commença le schisme des
donatistes. On sait positivement qu'il
vivait encore en 321 . Il assista peut-être
au concile de Nicée en 325.
Rufm est nommé dans un concile de
337.
Gralm présida un concile à Carthage
en 349.
Restitutus était évéque de Carthage
en 359.
Geneclius mZS\,
uéurelius monta sur le siège épiscopal
de Carthage en 391. Il mourut vers 426.
. Capreolus était évéque vers 435.
Çuodvulideus prit possession du siège
épiscopal vers 437.
Deogratias fut évéque de 454 à 457.
Eugenius fut sacré en 479. 11 fut
chassé d'Afrique par le roi Thrasamund
et mourut dans les Gaules à la fin du
cinquième siècle.
Fabius Furius Fulgentius Planciada?
Morcelli le rejette de sa liste.
Bonifacius monta sur le siège épisco-
pal vers 523. Il mourut en 535 après la
chute de la domination vandale.
Reparatus lui succéda. On sait qu'il
se rendit à Constantinople en 551 .
Primasius. Morcelli pense qu'il ne
mourut pas avant l'année 565.
Publianus était encore évéque en 581 .
Dominicus occupait déjà le siège
épiscopal en 591. Il vivait encore en
601.
Fortunius était évéque en 640.
Fictor occupait encore le siège épis-
copal en 649.
Après l'invasion des Arabes il faut
franchir quatre siècles pour retrouver
un évéque de Carthage.
Thomas occupait Te siège épiscopal
en 1054. Il fut en relation avec le pape
Léon IX.
Cyriacus^ évéque de Carthage en 1076,
futen relation avec le pape Grégoire VU.
De 1461 à 1804 , douze prélats euro-
péens, suivant Morcelli ont porté te
titre d'évêquesde Carthage.
CiKTA (CONSTANTINE).
Crescens est le premier évéque connu.
En 255 , il vint à Carthage pour assis-
ter au concile présidé par saint Cyprien
et où devait être débattue la question
du baptême des hérétiques.
Paulus était évéque lorsque fut pro-
mulgué l'édit de Nicomédie (303). U
inourut vers 305.
Sylvanus succéda à Paulus.
Zeuzius occupait le siège épiscopal
en 330;
Generosus , vers 400.
Digitized by
Google
5S
APPENDICE,
Profuturus succéda à Generosus ; on
ne saurait porter au delà de 410 la durée
de son épiscopat.
Fortunatus assista à la conférence de
Carthage , en 41 1 . Il fut un des sept corn-
missaires choisis par le parti catholi-
que.
ffanoratus Antaiiinus était évêque
sous le règne de Genséric.
P'îctor est le dernier évêque de Cirta
ou Constantîne dont Tbistoire nous ait
conservé le souvenir. Il vint, en 484, au
concile convoqué à Carnage par Htm-
rie , roi des Vandales.
Nous n'avons pas besoin de dire que
nous n'avons pas nommé ici l^s évéques
donatistes. 11 en est un pourtant <}ni mé'
rite d'être mentionné è causé de sa
grande réputation ; c'est PêtUien.
HiPPO-REèlUS tÔONÉ *),
Théogène est le preimer évêque
connu. Il assista an concile convoqué en
255 par saint Gyprien.
Fidentita occupt le «fége épleeopal
vers 304 (?).
LeonUus. On ne sauréÂt prédser Té-
pogue où il occupa le siège épisc(M)àl.
Il fut peut-être le eucceeseur «e Fiden-
tius.
Faustinus était donatiste. Suivant
Morcelli , il fut contemporain des empe-
reurs Constance et Jnlien.
Falerius était déjà évêque d'Hippone
lorsque saint Au^stin revint d'Italie.
Angustiims ( samt Augustin ), de ^%^
à 430.
Heraclius avait été désigné an choix
du clergé et du peuple par saint Au-^
gustin lui-même. Il devait lui succéder;
mais il.est vraisemblable , qu'il ne teft^-
plit pas ses fonctions, puisque la ville
d'Hippone fut 3accagée et orûlée par
les Vandales. Elle ne se releva que plus
tard.
Servandus fut sacré évêque d'HIppoiie
par le pape Grégoire VII, vers 1076.
De tous les évêques aui ont r^itfé
àHippone , Servandus est iederhier dont
le nom soit arrivé jusqu'à nous. Nous
devons dire qu'à partir du quatorzième
siècle un grand nombre de ^lats eii«
(*) La vUle modertie de Bone, cojpime Jlpas
l'avons dit dans notre histoire des Fandam*
est située à quelque distance de rempla(!èment
^HippO'Regius,
ropéens ont porté le titre qu'avait il
lustré saint Augustin. Morcelli en
éonipte qitarÀnte-trois (de 1375 à 1795).
SfTlFI (SÉTIP).
Severus^ vers 400.
Novaïus assista à Carthage , à la con-
férence de 41 1 et au concile de 419.
Donatus vint au concile convoqué en
484, par Hunéric , roi des Vandales.
. Optatus vint au concile convoaué en
525 par Boniface, évêque de Cartnage.
!0{.*GiBSÂ&E4 ( CHBRGHEL )
Quatre noms &eulement ont échappé
à l'oubli.
Fortunatus était évêque de Iol-C«sa-
rea, en 314. Il assista au concile d'Ar-
les où furent condamnés les donatis-
tes.
Clemens occupait le siège épiscopal
au temps de la révolte de Firmus, vers
372.
Deutetius assista à la grande confé-
rence qui eut lieu à Carthage , en 41 1 «
entre les catholiques et les donatistes.
Apocorîus^ enfin, vint au concile ^ uî
fut convoqué, en 484, par iBLunéric,
roi des Vandales.
CUICULUM t JlMMifiÂH).
Fudentianus assista , en 255 , au cott-
cile de Carthage où fut discutée la ques
tion du baptême des hérétiques.
Elpîdepkorus assista, en 348, au con-
cile de Carthage présidé par le métro-
politain Gratus.
Cresconius assista à la conférence
qui eut lieu à Carthage , entre les ca-
tnoliques et les donatistes, en 41 1 .
Fictor vint au concile convoqué , en
484 , par Hunéric ,. roi des Vandales.
Crescens se rendit à Conslantinople
et assista, en 553 , au cinquième concile
cecuniénique.
ICOSIUH (AliGBB). '
Crescens assista , en 411 , à la confé*
rence de Carthage. Il était du parti des
donatistes.
LcntrenUus assista , en 419 , au conene
convoqué à Carthage par l'évêque Au-
rdius.
Fictor vint au concile convoqué, en
484 . par Hunéric^ roi des Vamdale»*
Digitized by VjOOQIC
APPENDICE. 59
IGILGILI (JlGEL). SALBiE (BOUGIS).
re£?dKtTaL?'*°^"'^'" ""''^" Pascluxsiuse^thson] évêque de cette
Domitianus Vint au concUe convo- 7,'"? ?""* '« T "'* ««''«PP^ M'""''"-
que, en 484, par Hunéric, roi des « vint an concile convoau^, en 484, par
Vandales. ""»«'*'» »"' "» Hunénc, roi des Vandales.
. Digitized by
Google
Digitized by
Google
#♦♦•—♦#♦♦♦♦♦♦♦#♦#♦»•#•♦♦♦•#♦♦♦♦•#•— »♦♦•>•#•*••♦♦•#•«•♦•—»♦—♦♦♦»— ——#♦#—
TABLE
DE L'AFRIQUE CHRÉTIENNE.
A.
ihWne^ ville de laProooiisalaire;coarageu8e
conduite des clirétiens de cette ville sous
Dioclétien ; ses martyrs; p. 18. a.
Adeéodat, lifsdesaiut Augustin; p. 31. a et b.
Agrippintu, premier évéque connu de Carthage ;
son opinion sur le baptême ; il tient un con-
cile : p. 2. a.
Jlmohades (les ) font disparaître de TAfrique
Jusqu'au dernier vestige du christianisme :
p. 65. b.
Alypius^ ami de saint Augustin; p. 30. b : 31.
b ; 36. a.
Ambroùe ( saint ) baptise saint Augustin; p.
31. a.
Anialas, chef des tribus maures; p. 54. a.
Antoine { Tévéque ) condamné par les évéques
africains est soutenu en vain par TégUse de
Rome ; p. 42. a.
Antohien, évéque de Numldie ; p. 14. a.
Jpiariut ( le prêtre ) condamné par les évéques
africains est soutenu en vain par Téglise de
Rome : p. 42. a.
^0o%e/igu«(lMdeTertnllien; p. 3 etsuiv.
Apringius, Juge impérial en Afrique ; p. 38. a
et b.
Arabes: leur conquête; ils anéantissent le
christianisme en Afrique; p. 54. b.
Arianisme ( r ) triomphe en Afrique par les
Vandales ; p. 5o et suiv.
Ariens ; leur conduite à l'arrivée des Vandales ;
p. 44. b.
Arles, Voy. Conciles,
Amobe: sa conversion; il écrit un ouvrage
pour la défense du christianisme; p. 19. a.
Astarié Voy. Junon- Céleste,
Augustin (saint). Sa vie et ses ouvrages; p.
30-46.
AuréUen (Pempéreur \ persécute les chrétiens
d'Afrique: pag. 16. b.
Aurélius; évéque cathoUqne de Carthage; p.
83. b; 84. a; 36. a.
B.
Bélisaire; son expédition en Afrique: il met
fin h la domination vandale et rena la paix
à l'église catholique ; p. 53. a et b.
Bon\face (le comte); p. 44. a et b.
Bon\face^ évéque de Carthage; p. 53. a.
Botrus, prêtre de Carthage, ennemi de CécL-
lien ; p. 19. b.
_que de Carthage primat de l'Afdque; 46. b.
Cassien ; fia doctrine ; p. 42. b.
CicUien, évéque de Carthage; U succède à
Mensurius ; sa lutte contre le paKl de Donat
des Cases-Noires ; accusations portées con-
tre lui ; il est reconnu comme évéque légitime
par les conciles de Rome et d'Arles ; p. 19 et
suiv.; sa mort; p. 27. b.
CéciliuSf maître de saint Cyprien; p. II. a.
Célestius, ami de i'élage; il propage en Afrique
le pélagianiame ; p. 39 et suiv.
Celeusius, prêtre de Carthage, ennemi de Céci-
lien ; p. 19. b.
CelsuSf vicaire impérial en Afrique, sa conduite
à l'égard des donatittes ; p. 24. a et b.
Christianisme, A quelle époque le christia-
nisme fut-il introduit en Afrique ? p. 2. a;
^ à quelle époque y fut41 anéanti? p. 55. b.
Circoncellions (apparition des ); p. 24. b, 25. a
et b ; leurs excès ; ibid. et p. 28. a ; caractère
du soulèvement des chrconcellions ; leurs doc-
trines; p. 25 etsuiv.
Ctrto; persécution àCirta; p. 16. b.
Conclus africains, p. 2. a; il. a; 13. b; 15.
, a; 19. b; 20. a; 28. a; 28. b; 32. a. 33. a et
b; 36, et suiv.; 40. a; 41. b; 52. a: 53. a ; 54. a.
Concile de Rome présidé par Miltiade ; les do-
natistes y sont condamnés; p. 20 et suiv.
Concile d'Arles; les donatistes y sont condam-
nés; p. 23. a et b; 24. a.
Conférence entre les évéques catholiques et les
évéques donatisteâ à Carthage, p. 35 et suiv.
Constant ( l*empereur ) persécute les donatis-
tes; p. 28. a.
Constantin ( l'empereur ); sa conduite à Végard
des donatistes; p. 20. b; 23. a; 24. a et d.
Cyprien ( saint ) ; sa vie et ses ouvrages ; p.
II— 16.
Cyriaque, évéque de Carthage au moyen âge ;
p. 55. a.
Cyrus, évéque de Carthage; p. II. a.
D.
Deeiuê (Pemperenr ) promulgue un édit de
persécution; p. 12. a.
Deuterius, évéque donatistede la Mauritanie;
p . 28 . a.
Dioclétien ( l'eiqpereur); ses édits de persécu-
tion; p. 16. b;17. J).
Donat prédécesseur de saint Cyprien sur le
siège épiscopal de Carthage ; p. il.. a.
Donatt des Cases-Noires ; se fait à Carnage \b
chef du parti opposé àCécilien; p. 19. b;il
donne son nom au schisme, p. 20 b; lise
porte comme accusateur de Cécilien , dans le
concile de Rcme ; p. 21. b; il est condamné
comme calomniateur; p. 22. a et b ; son re-
tour en Afrique; p. 22. b.
Donat, évéque donatiste de Carthage, succède
h Malorin; p. 27. b; son opposition aux vo-
lontés de l'empereur Constant ; p. 28. a.
Donatf évéque donatiste de Bagala ; sa lutte
contre l'empereur Constant; p. 28. a.
Donatistes; origine du scliisme des donatistes {
Digitized by VjOOQIC
Ci
TABLE
p. 19 et soiv; lear requête à Constantin; p.
20. b ; ils sont.coadamnés dans le ooncUe oe
Rome ; p. 32. a et b ; dans le concile d'Arles i
p. 23. a et b; 24 a; par Temperear, à Milan ;
p. 24. a: lear obstination; t^icf.; ils sont
persécutes ; p. 24. b ; Us se soulèvent ; ihid. ;
appréciation du schisme des donatistes; p.
25 et suiT.; conduite des donatistes sous
le règne de Julien ; p. 29. a; leurs divisions
au temps de saint Augustin ; p. 33. a; sont
poursuivis avec acharnement ; p. 34 et suiv.;
kor conduite k Tarrivée des Vandales; p*
ÉgHses (nombre des > à Carlhaga ei en AM*
^que; p. 46. b.
iitt«nft« ( le pape saint > ne partagB point SOI le
baptême des hérétiques l'optaioa dt saint
Cyprien; p. 16. a.
Eugène^ évegue de Carthage, persécaii par tes
. rois vandales; p. 62. b.
Évéchés (liste des) de FAfrkfMt p. iê et s«iv.
^véoties( listes d*) yoy. F appendice p. l^et
siilv.
fJ7«odNts,a]idde8aintAagiiitiA)p ftl.k
Fasiff chef des circonceUioBt) p. 25. a.
Péiichsime excite an schisiae i Oartbaf»; aft
lutte contre saint Cyprien; p. id. a.
BUKiié (sainte ) ; son martyre; p. 6 et soir.
Klix, évèqae de Tibiure ; son oouraae aa tAraps
de la persécution de Dioclétie»; sa mert^
p. 18. a.
Félix, évéque d'Aptonge, impose les mains à
Cécilien et le fait évéque; p. 19. b; sa Justi-
fication; p. 22. a;23. a.
Fortunat, évéque schismatiqae dedartha^ p.
18. b.
FoHunaty prêtre manichéen, dispste avic saint
AugU8ttn;p. 32. a.
Foriunius, évêqoe doaattstei p. S8« a.
FWitcfaitt», éTêque d'AbitIne; sa Ucheié «0
temps de la persécution; p. 18. a.
G.
Galerius Maxime (le proconsul d*Afrlqae)
Juge et condamne À mort saint Cyprien; p.
. 16. b.
Cka«riiff (le César) poosae Biwléyea à lA pei^
sécution; p. 17. a et b.
ÇorgilierMes (les Thermes); les donatisiea et
^ les catholiques s*y rassemblent pour lear con-
férence; p 36. a.
Gatmul, chef des tribus maares ; p. M. a*
Gélimer remplace Hildéric ; réactk» de l'avisr
nisme sous son règne ; p. 63. a.
Gennadiut, général byzantin, oombaten i^fincfOÉ
les tribus maares; p. M. a.
etfuérk, roi des Vandales, persécute les eetho-
liques; son règne; p. AO et suiv.
Glonug, évéque donaoste ; p. 83. a.
Gratut, évéque cathoUque de Cartbage ; p. 28.
a et b.
Gfégoêre VII (te pape); let rapporte ayee 1^
gfise d'Afrique; p. 66. a et b.
H.
Méfoelien (te comte); sa léToUe en Afrinae;
BfracHu$\\e prêtre) est choisi poor sacoéder
à saint Augustin sor te siège épisoopal
d'Hfppone; p. 44. a.
SUaire d'Arles , ses rapports avec saint An-
ffustin; p. 42. b; 43. a
Buarien, procurateur en Afrique, sous Septime
Sévère; il Jage et condamne Perpétue, Féli-
cité et leurs compagnons ; p. 7. b.
BildériCj roi vandale ; sa tolérance à l'égard des
catholiques ; p. 52. b, et 53. a.
Bonorius (l'empereur ); favorable à^ catboli-
liques : p. 35 et suiv. ; sévérité de ses édits
contre les donatistes; p. 37. b; il sévit contre
les pélagiens ; p. 42. a.
l^unérk, roi des Vandales ; son inloléranoe ; il
persécute tes catholiques; p. 62. a et b.
1.
Mnmoceni 1» (te pape) condamna Pelage et
Gélestias, et approuve Fopînion des év^aes
africains dans la question du pélagianisme;
1>. 41. b.
J.
Julien ( rémperear ) fend la paix à T^gUse do-
.natiste; ses vues; p. 28. b ; 28. a*'
Julien (evêque d'EcIane) ; ses discuissions avec
saint Augustin; p. 42. a.
lunon-Céleste, l'Aslarté des phéniciens;' aoD
culte; son temple; p. 83. b; 34. à.
Justinien ( Fempereur ), après les victoirea de
Bélisaire, prot^ tes catholiques et persécute
les ariens et tes autres dissideots ; céactipa
vteleote ei^ Afrique; p. 53. a et b.
Btunbèêe; persécution h LairiMse; p. l«. Ik
Léon IX ( le pape ) intervient dans les qoèréttes
de Fégfise dTÂfrique; sa teltrè à Pdvèqiie
Thomas ; p. 54. b, et 65. a.
iucien ( te martyr ) ; son orgueil ; il Httte eqn-
tre saint Cyprien : p. 12. b.
Lucien, évéque de Garthage; p. le. 1}.
Lucilla, femme riche et puissante, sachent per
son crédit et ses richesses les ennemis (|e C^
ei1ien;p. 19. b.
IL
p. 20- a.
Manichéens ; leur conduite à l'arrivée des 'VfOh
dales en Afrique; p, 44. b.
Marcellin (le tribun ) préside la conférence des
évêques donatistes etcatholiques à Carthage^
U est favorable aox cathenqnes ^ 9. se 4k
suiT., samort; p.87. b.
Masse-blanche; c'est te nom doBBéaax seiiqee^
des martyrs d'Utiqoe» p. i^. b.
Maxida, chef des circonOélNons ; p. se. e.
Maxtme { i'évêque arien) dteciiM avec selat
Augustin; p. 43. b. ^
Maximianistes; p.2'i. A. ^ '
Maximien, évéque donattete de Cartbage ; p.
88 a.
MensuHus^ évéque de Cartbags* p* 16. bk $e
prudence; son courage; se mort; p. ie»b}
19. a.
Milan (arrêt de) qui oonarme tes sentences
prononcées contre les donatistes par tes eoiH
dles de Rome et d'Ailes » P • «♦• 5- ^^
MiltiadeiXt pape) condamne tes doùatistes;
p. 21 et 22.
Digitized by VjOOQIC
DE L'AFRIQUE CHRÉTIENNE.
63
Morcelli ; son oavrage inlitalé Africa chns'
Uana; appréciation de cet ouvrage; note de
^' '' ' N.
Néhridius, ami de saint Aasnstin; p. 30. b.
mcomédie { édit de ); p. 17. a et b.
Novat, prêtre carthaginois; ses intrigues à Car*
thage et à Rome; p. 13. a et b.
0.
optai, second évéque de Carthage; p. 2. a.
Optai (saint), évéque de Miléve; son ouvrage
sur le schisme des donatistes; p. 29. a et b.
OroM( Paul); p. 34. b.
P.
Païens, encore nombreux en Afrique au com-
mencement du Y" siècle; saint Augustin les
coml>at; p. 33. b; 34. a et b.
Parménien, évéque donatiste de Carthage ; p.
83. a.
Paul persécute les donatistes ; p. 28. a et b.
Paulin de Nôle ; saint Augustin lui adresse un
de ses traités; p. 43. b.
Pelage et sa doctrine; i). 39 etsuiv.
Pélagianisme; son histoire ; p. 39 et suiv.
Pélagiens; leur conduite à l'arrivée des Van-
dales; p. 44. b.
Perpétue (sainte ) ; son martyre ; p. 6 et suiv.
Pétilien, évéque donatiste de Cirta; p. 33. a;
36. b.
Possidius, ami de saint Augustin; p. 31. b; 36. a.
Potentinusy évéque d'Utique; p. 64 . b.
Primianistes; p. 33. a.
Primien, évéque donatiste de Carthage; p. 38. a.
Privât est condamné pour hérésie dans un
concile tenu à Lambèse, en Numidie ; p. II ,
a; il est de nouveau condamné à Carthage où
il excite un schisme ; p. 13. b.
Prosper, ses rapports avec saint Augustin ; p.
43. a.
Provinces ecclésiastiques en Afrique ; p. 45. a
«t b ; 54. a.
Purpurius, évéque de Limate; ses fureurs; p.
Q.
Quodvultdens, évéque de Carthage, persécuté
par Genséric; p. 51. b.
R.
Beparatus, évéque de Carthage ; p. 54. a.
Restitut, prêtre catholique, lue par les donatis-
tes à Hippone; p. 38. a.
Révocatus ; son martyre ; p. 6 et suiv.
Rome ( réglise de ) ; ses rapports avec Téglise
d'Afrique ; p. 12. b ; 13. b ; 14. a; 15. a; 20 et
suiv.; 41. b;42. aetb;54. a et b; 55. a et b.
Rvjus, évéque de Carthage ; p. 27. b.
S.
Salomon, général byzantin, combat en Afrique
les tribus du désert ; p. 54. a.
Saiur; son martyre; p. 6 et suiv.
Saturnin (Yigellius)» proconsul d'Afrique, juge
et condamne les martyrs scillitains ; p. 2. b.
Saturnin ; son martyre ; p. 6 et suiv.
Scillitains (martyrs); leur condamnation et
leur supplice; p. 2. b.
Secundulus; son martyre ; p. 6 et suiv.
SecunduluSf évéque de Tigisi ; il se met à la
tête des évégues qui veulent annuler l'élec-
tion deCécilien; p. 19. b.
Semi-pélagianisme (le ) ; p. 42 et suiv.
ScrvanduSf évéque d'Hippone, est sacré par le
pape Grégoire Vil ; p. 55. b.
Sévère ( Septime ) persécute les clirétiens d'Afri-
que, p. 2. a; 10. b.
SimpltcieUf évéque de Milan; ses rapports avec
saint Augustin ; p. 32. b.
Sixte (le prêtre) poursuit les Pélagiens avec
ardeur: p. 42. a.
Suffète, vills de la Byzacène; soixante chrétiens
y sont massacrés ; p. 34. a.
T.
Tertullien et ses œuvres; p. 4. b.
Théogène, évéque d'Hippone ; p. 16. b.
Thomas, évéque de Carthage au moyen âge ;
p. 54. b.
Thrasamund, roi vandale; son intolérance; il
persécute les catholiques :p- 52. b.
TtconiuSf savant docteur donatiste; p. 33. a.
Traditeurs. Ce nom fut donné à ceux qui livrè-
rent les ornements et les livres des églises
au temps de la persécution dioclétienne ; la
aualitication de traditeur devient la cause
'un schisme ; p. 19. a et b.
Troglita (Jean), général byzantin, combat
en Afrique les tru)U8 maures; p. 54. a.
Falentinien ( l'empereur ) poursuit les dona-
tistes ; son édit; p. 29. b.
Falère, évéque d^Hippone; il attache saint
Augustin à son église ; p. 3i. b; 32. a.
Falérien ( l'empereur ) persécute les chrétiens
d'Afrique; p. 15. a; 16. b.
Fandales ( les ); leur arrivée en Afrique; leurs
ravages ; p. 44 et suiv.: ils persécutent les
catholiques; p. 50 et suiv.
Y.
Yàbdas, chef des tribus maures ; p. 64. a.
Z.
Zenon ( l'empereur ) intercède, pour les catho-
liques de l'Afrique, auprès de Genseric; p.
Zoztmè (le pape) montre de la modération à
l'teard de Pelage et de Célestius ; son irré-
solution ; ses rapports avec les évéques de
l'Afrique; p. 41, b ; 42. a.
FIN DE LA TABLE DE L' AFRIQUE CHRÉTIENNE.
Digitized by VjOOQIC
Digitized by
Google
«%«A%V«*«»««««^W»%««/%.«%«%^««*V«\««%«%«,%^t««%%«%i«
.v»v%v«i<^vfc—»%%%»^»^%%<^»» %»%»••»»»*»**%»*%» m<»^»»
HISTOIRE DE hk DOMINATION DES VANDALES
EN AFRIQUE,
PAR M. JEAN YANOSKI,
AGâici Dt L*I7iriVER8XTi , TKOWUttVK d'hISTOIRI AU COUiol VtJJXlSLkS, XTC
AvANT-MOPOS. Parmi les peuples
barbares qui, à partir des dernières an-
néj»«^u quatrième siècle de notre ère,
se jetèrent, cour des causes que nous
ne .devons point rechercher ici , sur les
provinces de l'empire romain , il n'en
est pas un qui ait eu des destinées, nous
ne dirons pas plus brillantes et plus
heureuses , mais plus variées et plus
extraordinaires que les Vandales. Il y
a , en effet, çfuelque chose de singulier
dans l'histoire de cette nation qui,
partie des bords de la Baltique, erre,
pendant plusieurs centaines d'années,
a l'orient et au centre de la Germa-
nie; se précipite tout à coup sur la
Gaule, la traverse, pénètre en Es-
pagiie , où elle n'échappe qu'avec peine
a* une complète extermination; fran-
chit la mer, et fonde enfin , sur la côte
septentrionale de T Afrique , une domi-
nation vaste et forte comme celle de
Rome et de l'ancienne Carlhage. Aussi,
depuis longtemps, les courses et les
guerres des Vandales ont fixé l'atten-
tion des historiens. Elles occupent une
large place dans les récits de ceux qui ,
comme Lebeau et Gibbon , ont voulu
montrer la décadence et la chute de
l'empire romain ; et de plus, elles ont
frappé si vivement certains hommes ,
qu'en lesu^acontant dans des ouvrages
spéciaux, ils ont cru, avec raison,
faire une œuvre tout à la fois utile à
la science et pleine d'intérêt.
A la fin du siècle dernier, en 1785,
le savant Conrad Mannert publia, dans
sa jeunesse et pour son début, une
Histoire des Fandales (*). Il n'était
{*) Leipzig, 1785, in-8% en allemaud.
!'• Livraison, fHiST. des Vai
point alors suffisamment préparé pour
un sujetsi grave et si difficile. M. Louis
Marcus a wit , plus tard , sur l'ouvrage
de Mannert, des observations critiques
très-fondées. Il a reproché, par exem-
ple , à l'auteur de n'avoir pas connu
tous les documents anciens qui se rap-
portaient à son sujet , et d'avoir mal
uiterprélé souvent les auteurs grecs
et latins qu'il a consultés. Mais on doit
tenir compte à Mannert d'avoir ou-
vert , par son livre , la série des tra-
vaux spécialement consacrés à l'his-
toire des Vandales. Ce premier essai
était assurément bien imparfait; ce-
pendant , malgré ses inexactitudes, ses
omissions et tous ses défauts , il a
rendu des services incontestables aux
érudits de notre temps, et notamment
à M. Marcus.
La conquête récente de l'Algérie a
reporté l'attention des savants sur
l'ancienne histoire de l'Afrique. L'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres
a dirigé , à plusieurs reprises , ses re-
cherches vers ce point important ; et ,
pour faire participer en auelque sorte
a ses propres travaux les nommes ins-
truits qu'elle ne comptait point au
nombre de ses membres, elle a mis au
concours, pour l'année 1836, la ques-
tion suivante: «Tracer l'histoire de
l'établissement des Vandales en Afri-
que , et de leur administration depuis
Genséric jusqu'à la destruction de leur
empire par Bélisaire; s'efforcer de
montrer quel fut l'état de l'Afrique ro-
maine sous leur domination , et lus-
qu'oîi s'étendaient leur pouvoir et leur
influence dans l'intérieur de ce conti-
nent ; rechercher quel fut Tidiome dont
!'• Livraison. (Hist. des Vandales.)
1
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
ils faisaient haoïtuellement usage , et
quels rapports s'établirent entre ce
peuple conquérant et les indigènes;
enfin essayer de déterminer quels ves-
tiges de leur langue et de ieurs aou-
tûmes les Vandales ont laissés en
Afrique jusqu'à l'inv^i^n des Arabâe. »
La savante compâgtife si aécemé le
prix à un professeur allemaiu) ? M. Pa-
pencordt.
Ici, avant de signaler le mémoire
couronné , je dois parler en deux mots
de l'ouvrage de M. Louis Marcus,
Déjà, en 1820, M. Marcus (c'est hii
qui nous l'apprend ) avait amassé de
nombreux matériaux relatifs à l'his-
toire des Vandales. Mais il avait vrai-
semblablement interrompu ses recher-
ches, car il ne put achever son travail
assez tôt pour le soumettre, dans le
dt^lai prescrit, au jugement ae l'Aca-
démie, Il publia néanmoins , dès l'an-
née 1836, le résultat de ses études
sous ce titre : Histoire des Faiidalesy
depuis leur première apparition sur
la scène historique jusqu'à la des-
truction de leur empire en Afrique.
Cette histoire est très-estimable ; elle
^ distingue par une connaissance suf-
fisante des sources, souvent par la par-
faite intelligence des textes anciens,
§1; «i^ussi par pne critique fine et quel-
quefois profonde. Ce sont là des qua-
lités incontestables que M. Papencordt,
avant nous, a signalées et louées. Mais
on doit ajouter que M. Marcus n'a
point donné à toutes les parties de son,
ouvrage de jnstes proportions; qu'il
a sacrifié , par exemple , Thistoire de
^ domination des Vandales en Afrique
à la discussion des origines de cette
grande tribu , et à l'exposition trop
prolongée de ses éta'blissements et de
ses courses en Germanie , en Gaule et
en Ë^gne, On peut lui reprocher
au^si de ne s'être jamais écarté de
^tte vicieuse méthode, qui , scindant,
à chaque page, le récit par des disser-
tations, enlève à une œuvre historique
la meilleure part de son intérêt et de
sa clarté (*).
{*) Nos appréeiations ne portent ici que
99r te fond, de rouvra|;e. C*est rérudition,
M. Papencordt a publié, en 1837*;
le naénioire couronné par l'Institut. Il
Fa intitulé : Histoire de la domination
des f^andales en Afrique (*). Son ou-
vrage est «upérieur, en tous points, à
celui de M. Marcus. Il a lu et consulté
to^ les livres qui se rapportent à son
Sujet. lyailleiirs, il l'emporte encore ,
par la méthode , sur ses devanciers.
Là première partie de son ouvrage
est consacrée tout entière au récit ; la
Seeonâè,aux dissertations. Ainsi, d'une
part , l'histoire des mouvements et des
guerres des Vandales, depuis leur pre-
mière apparition jusqu'à la chute du
troue de Gélimer; et, de l'autre, le
tableau des mœurs et des institutions.
Ce qui dépare le livre de M. Papen-
cordt , ce sont certaines idées trop sys-
tématiques qui se manifestent surtout
dans la seconde partie. L'auteur, en
vertu d'une opinion commune ^ tous
les Allemands qui ont écrit sur les in-
vasions barbares, est toujours porté à
découvrir, dans les raoindfres accidents
de l'existence politique des Vandales ,
dans ceux-là même qui ont été unique-
ment le résultat des circonstances for-
tuites et extraordinaires au milieu des-
quelles ce peuple a vécu , ce que l'on
a appelé , ne nos jours, d'un nom très-
compréheBS\îetuc^'\agiie,V influence
germanique. M..'Papencordt déclare ,
en un endroit (p. 428 ) , qu'une partie
de son manuscrit était déjà livrée à
l'impression lorsqu'il prit connais-
sance du livre de M. Louis Marcus.
ÏJ se borne à éqpncer ce fait , sans in-
diquer les services importants que,
pour sa seconde partie au moins, lui a
rendus son devancier. C'est un tort :
un aveu plus complet n'eût rien ôté ,
assurément, au mérite très-réel de
l'ouvrage de M. Papencordt.
Telle est la nomenclature des ou-
vrages que nous devions , avant tout ,
lire et étudier (**). Mais nous ne nous
et non le style, de M. Marcus ^e nous
louons.
(*) Geschichte der ^andalischen Herr*
ichaft in Africa^ Berlin, 1837.
(**) ?Ipus avons consulté avec firuit les
Recherches sur fhistoirf de la partie de
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
sommes point bornés , dans nos re-
cherches, aux travaux de la critique
moderae. Nous avons toujours eu
sous les yeux les auteurs anciens ; et^
£râce à eux , nous* avons pu quelque-
fois corriger des erreurs, et réparer
des omissions dans les livres qmè nous
avons précédemment signales. Nous
dirons enfin que nous avons beau*-
coup emprunte aux récits de Victor
de Vita et de Procope , et que , plus
d'une fois , nous avons essayé de re-
produire , par une simple traduction,
ce qu'il y avait de vit et de drama-
tique dans les pages que ce dernier
historien a consacrées aux victoires de
Bélisaire en Afrique , à la chute de 1^
Euissance des Vandales, et aux mal-
eurs de Géiimer.
ORIGINES DES VANDALES; LEUB8
DIVERS ETABLISSEMENTS EN GER-
MANIE ; LEUR PASSAGE ET LEUR
SEJOUR DANS LA GAULE. — On a dis-
cuté longuement et savamment sur les
origines des Vandales ; on a recherché
avec soin, et signalé avec plus ou
moins de vérité les premiers signes de
vie de cette grande tribu au sein 4^
la Germanie. Pour nous, nous ne vou-
lons point nous arrêter sur cette né-
riode historique que tout le savoir des
audits n'a pu encore dégager des
épaisses ténèbres qui Tenvironnaient.
Taons abrégerons également le récit
des courtes et des guerres en Gaule et
en Espagne. Nous avons hâte d'arriver
à la conquête de rAfrioue par les Van-
dales, et de présenter les résultats de
ce grand événement.
A quelle race appartenaient les Van-
dales ? A l'aide des auteurs anciens, on
pourrait tout aussi bien établir leur
V Afrique septentrionale connue sous le nom
de Régence d^ Alger, et sur t administra f ton
et h colonisation de ce pars à l'époque éh
la domination romaine , publiées par une
commission de rAcadémie des inscriptioDs
ti beUes^ettres , iii-8<*.
I)'autre part , nous avons dû accepter et
suivre , en plusieurs endroits , Tordre par-
fois systématique mais très-clair que M. Fau-
riel a introduit dans son récit des invasions
barbares. Voyez le premier volume de V His-
toire de la Gaule méridionale.
parenté avec les Slaves au'avec leiEf
Germains. Nous adoptons 1 explicatioa
d'un savant moderne, qui concilie les
deux opim'ons. Les Vandales, suivant
lui , étaient probablement mêlés de
Germains et de Slaves (*), Le plus
ancien document que l'on possède sur
les Vandales atteste qu'au premier
siècle de notre ère, leur population
flottait, si Ton peut se servir de cette
expression, dans le pays compris entre
l'embouchure de rElbe et celle de la
Vistule. Ce fut là, sans doute, que
s'opéra le mélange des Slaves et des
Germains, Plus tard , à une époque
que nous ne saurions préciser, une in-
vasion de Scandinaves dans la partie
la plus septentrionale de la Germanie
refoula les Vandales, au sud, jusqu'aux
montagnes du Géant. Ils habitaient
encore dans ces montagnes, et aux en-
virons, lorsque éclata la guerre des
Marcomans. Cette guerre, que les peu-
ples barbares engagèrent, vers 167,
contre l'Empire, et dont nous ne rap-
porterons ici ni les causes, ni les inci-
dents, fut longue et terrible. Elle eut
son retentissement sur toutes les fron-
tières de la Germanie, sur le Rhin
comme sur le Danube ; et elle coûta à
Marc-Aurèle bien du sang et d'im-
menses efforts. Un des résultats de la
lutte fut le déplacement de la popula-
tion vandale, qui, au moment où Rome
fit la paix avec les barbares confédérés,
se porta plus à Test, vers la Dacie,
Malgré les tentatives de Caracalla,
en 215, pour jeter la discorde entre
les peuplades germaniques qui s'é-
taient engagées dans la guerre des
Marcomans, les Vandales vécurent en
paix dans leurs nouvelles demeures, et
ils ne reprirent les armes qu'en 270 ,
sous le règne d'Aurélien, Il y eut alors
un mouvement général parmi les na-
tions barbares qui habitaient la rive
gauche du Danube. Aurélien arrêta ce
mouvement et battit les Vandales, qui
lui livrèrent des otages et lui four-
(*) M. Amédée Thierry; Hist. de la Gaule
sous l'administration romaine, I. II, p, 4^
5a et 53. Voyez le texte et priucipidemeiU
les notes.
h
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
nîrent, comme troupes auxiliaires, un
certain nombre de cavaliers. La paix
ne fut pas de longue durée. En 277,
Probus fut obligé d'opposer une arméo
aux Vandales qui s'étaient unis aux
Burgondes. L'empereur se porta à la
rencontre des alliés, sur les bords du
Danube, et leur fit subir deux san-
{ plantes défaites. Mais , à cette époque ,
es Vandales n'avaient pas seulement
I combattre les Romains , ils avaient
aussi à se défendre contre les attaques
des peuples, barbares comme eux, qui
les avoisinaient. Ce fut ainsi que vers
290, à la suite d'une lutte contre la
puissante nation des Goths, ils furent
obligés de quitter encore une fois leurs
demeures pour aller s'établir, entre la
Tbeiss et le Marosch , dans le pays qui
forme aujourd'hui une partie de la
Hon|;rie et de la Transylvanie. Ils ne
devaient pas jouir longtemps en paix
de ce nouvel établissement. Avant la
mort de Constantin, peut-être en 335,
les Goths se précipitèrent de nouveau
sxir les Vandales, et les forcèrent, après
une grande bataille , à se rapprocher
du Danube. Les vaincus, après tant de
revers, implorèrent la protection de
l'Empire , et demandèrent des terres
aux Romains. On leur permit alors de
se fixer en Pannonie.
Ils vivaient en repos, dans cette pro-
vince, depuis près d'un siècle, lorsque
la marche de la nation des Huns , de
l'est à l'ouest, détermina un grand
mouvement parmi les populations ger-
maniques. Tous les historiens ont ra-
conté la grande invasion de l'année
406. Pressés et refoulés par les Goths
et les Alains, et , peut-être aussi^ frap-
pés d'épouvante à rapproche des Huns,
ils abandonnèrent leur établissement
de la Pannonie , et marchèrent vers
l'Occident. Les Vandales n'étaient pas
les seuls que les hordes asiatiques eus-
sent déplacés. Au moment même oii
ils se préparaient à passer en Gaule ,
d'autres nations barbares se précipi-
taient , par grandes masses , sur l'Ita-
lie. Pour eux , ils s'acheminèrent en
même temps que les Alains, mais par
des routes diverses, vers le Rhin. Près
de ce fleuve, dans le pays compris
entre le Mein et la Lippe, ils rencon-
trèrent les Francs. Ceux-ci furent les
seuls qui , en l'absence des légions que
Stilicon avait appelées en Italie , es-
sayèrent de défencire les terres de l'Em-
pire. Ilslivrèrent bataille aux Vandales ;
et, s'il faut en croire Grégoire de
Tours, ils leur tuèrent vmgt mille
hommes. La foule entière des envahis-
seurs eût été anéantie sans l'arrivée
des Alains. Les Francs furent écrasés
à leur tour. Alors les Vandales , les
Alains, et les Suèves qui les suivaient
de près, ne trouvant plus de résistance,
passèrent le Rhin en 406. L'arrivée de
ces trois peuples causa à la Gaule des
maux effroyables. Les barbares livrè-
rent à la ruine ou à la dévastation
Mayence , "Worms, Strasbourg, Spire,
Reims, Tournai, Arras et Amiens.
Puis , ils étendirent leurs ravages au
centre et au midi de la contrée; ils
passèrent de la Belgique dans la Lyon-
naise première; de celle-ci dans l'Aqui-
taine, d'où, en traversant la Novera-
populanie, ils atteignirent enfin les
ÎPyrénées (407). Les Vandales, les Alains
et les Suèves réunis se disposaient à
passer en Espagne , lorsqu'ils rencon-
trèrent , à l'entrée des montagnes , des
soldats intrépides qui les repoussèrent
sur tous les points. Ces défenseurs de
l'Empire , Espagnols pour la plupart ,
étaient commandés par deux membres
de la famille de Theodose , Didyme et
Véranien.
PASSAGE DES PYBÉNÉES ; PBE-
lilIEBS ÉTABLISSEMENTS DES VAN-
DALES EN ESPAGNE. — Lcs barbares
repoussés se rejetèrent sur la Gaule ,
et allèrent porter leurs ravages dans
la Septimanie. JDes circonstances inat-
tendues ne devaient pas tarder à leur
ouvrir les chemins de cette Espagne
qu'ils convoitaient.
Pendant que l'indigne fils de Théo-
dose, Honorius, se tenait renfermé
dans son palais pour se dérober aux
dangers qui menaçaient son empire,
les légions de la Grande-Rretagne re-
vêtirent de la pourpre un simple sol-
dat, appelé Constantin. Celui-ci passa
dans la Gaule , qui , presque tout en-
tière, grâce aux barbares, reconnut
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
soil autorité. Quand l'usurpateur eut
autour de lui des forces assez considé-
rables, il voulut joindre l'Espagne à ce
qu'il possédait déjà , et il envoya dans
la Péninsule son fils Constant et Gé-
rontius. Ces deux chefs entraînèrent
à leur suite quelques-unes des bandes
de barbares que l'Empire avait enrôlés,
et qu'on appelait les Honoriens. Ils en-
trèrent en Espagne ; et , malgré l'hé-
roïsme de quatre frères, liés par le
sang à la famille de Théodose, et
parmi lesquels on distinguait encore
Didyme et Véranien , ils forcèrent les
habitants de la province à reconnaître
Constantin. Après cette expédition, le
vainqueur, comptant sur la fidélité des
Honoriens, les chargea de défendre les
gorges des Pyrénées. Mais bientôt Gé-
rontius abandonna l'empereur que,
jusqu'alors, il avait servi avec dévx)ue-
ment, et il prit les armes pour le ren-
verser. Au moment où Constantin se
défendait avec peine, au midi de la
Gaule , contrç son lieutenant révolté ,
les Vandales , les Aiains et les Suèves
se dirigèrent de nouveau vers les Py-
rénées. Mais , cette fois , ils ne trou-
vèrent plus aux défilés de la montagne
ces braves spldats qui , sous la con-
duite de Didyme et de Véranien , les
avaient si vigoureusement repoussés.
Ils ne rencontrèrent que les Hono-
riens, riches déjà des dépouilles qu'ils
avaient amassées à la suite de Géron-
tins, et qui , avides de piller encore ,
livrèrent tous les passages dans l'es-
pérance, sans doute, de se mêler 'aux
envahisseurs. Après avoir franchi les
Pyrénées (409) , les barbares se répan-
dirent comme un torrent dans toutes
les parties de l'Espagne. Un grand his-
torien , Mariana , a tracé en quelques
lignes le tableau de cette terrible inva-
sion : ft L'irruption de ces peuples fut
suivie des plus affreuses calamités. Les
barbares pillaient et massacraient in-
différemment les Romains et les Es-
pagnols , et ravageaient avec la même
fureur les villes et les campagnes. La
famine réduisit les malheureux habi-
tants à se nourrir de chair humaine ;
et les animaux sauvages, qui se multi-
pliaient sans obstacle, rendus plus fu-
rieux par l'habitude du sang et par la
faim , poursuivirent les hommes pour
les dévorer. La peste ; suite inévitable
de la famine , vint bientôt mettre le
comble à la désolation; la plus grande
partie des habitants en fut la victime,
et la vue des mourants n'excitait que
l'envie de ceux qui leur survivaient.
Enfin les barbares, rassasiés de meur-
tres et de brigandages, et atteints eux-
mêmes de la maladie contagieuse dont
ils étaient les funestes auteurs, se ren-
fermèrent dans le pays qu'ils avaient
dépeuplé. Les Suèves et les Vandales
se partagèrent l'ancienne Gallécie , où
le royaume de la Vieille-Castille se
trouvait enclavé. Les Aiains se répan-
dirent dans les provinces de Cartha-
gène et de Lusitanie , depuis la Médi-
terranée jusqu'à l'océan Atlantique.
Les Silinges, branche de la nation des
Vandales , s'emparèrent du territoire
fertile de la Bétique (*). »
(*) Voici un passage que nous emprun-
tons à M. Marcus, sur le partage de l'Es-
pagne par les barbares : «Les Vandales, les
Aiains et les Suèves , voulant éviter tout
sujet de discorde entre eux , se partagèrent
au sort les provinces de l'Espagne. Des cinq
provinces formant la division établie par
Constantin le Grand , les Vandales et les
Suèves obtinrent la Gallécie , c'est-à-dire la
Galicie actuelle, Tras-os-Montes , Entre-
Duero-e-Minho , les parties septentrionales
des royaumes de Léon et de la Vieille-Cas-
tille , les Asturies et la Biscaye, en d'autres
termes , tout le pays compris entre le cou-
rant du Duero , la mer et la Sierra d'Oca ;
les Aiains , la Lusitanie et la Carthaginoise,
c'est-à-dire la partie du Portugal qui est con-
tenue entre le Duero au nord et le Gua-
diana au midi , l'Estramadure et le district
de la Nouvelle-Castille, qui est situé entre
la Guadiana et le Tage, à l'ouest de Tolède,
puis Murcie et Valence ; les Silingi , un des
deux peuples vandales , la Bétique , c'est-
à-dire le pays arrosé au sud par la mer, et
au nord et à l'ouest par la Guadiana. Le
reste de l'Espagne , c'est-à-dire la province
tarraconaise , fut laissé aux Romains ou
plutôt à Géronce, l'ancien allié des barba-
res, et qui les avait favorisés dans leurs
conquêtes.» Hist, des Vandales f etc., p. 84.
Après avoir cité ce passage, nous devons
ajeuter que les auteurs anciens, dans cette
Digitized by VjOOQIC
L*UNIVERS.
On a prétendu que les peuples bar-
" bares qui avaient envahi TEspagne ré-
glèrent, par le sort, le partage du
pays conquis. Mais il est plus vraisem-
blable , suivant la remarque d'un his-
torien moderne, que les lots furent
plus ou moins exactement proportion-
nés à la force relative des parta-
geants.
Les paroles de Mariana nous ont
fait connaître les premiers résultats de
Tin va s ion. Il faut ajouter, toutefois,
que le pillage, la dévastation, les meur-
tres, les désordres de toute espèce
cessèrent au moment où les barbares
purent croire qu'ils avaient trouvé
enfin, après leurs longues courses, des
établissements assurés. Des rapports,
que le besoin de la paix devait rendre
de plus en plus faciles, s'étoblirerit
bientôt entre les vainqueurs et les vain-
cus. Forcés de vivre avec les Romains
dans un perpétuel contact , les Van-
dales, les Alains et les Suèves cher-
chèrent, par nécessité, à se concilier
les populations au milieu desquelles
le hjiisard, autant que leur volonté, les
avait jetés et disséminés. Ils laissèrent
aux Éspagnpls uae portion de leurs
terres , les biens meubles qui avaient
ébhappé aux premiers désordres de la
conquête, et ils s'efforcwrent moins
d^anéantir la civilisation romaine, que
de s'y conformer et de se modifier.
Les barbares, suivant l'expression d'un
ancien historien, quittèrent alors l'épée
pour la charrue ; et il semblait qu^ils
voulussent , par les travaux de l'agri-
culture, faire disparaître du sol de
l'Espagne les vestiges de leur invasion.
Quand on se reporte, par la pensée,
aux cinq premiers siècles de notre
ère; quand on son^e à ce qu'il y avait
alors de dur , de violent , d'oppressif
dans radministration romaine ; quand
on ^numère les désastreux résultats
de cette fiscalité aussi pr^udieiable
aux campagnes qu'aux 'Villes, qui anéan-
tissait la petite propriété , arrêtait lés
développements du commerce et de
l'industrie, diminuait incessamment la
question du partage , sont loin d*étre aussi
rigoureux et aussi précis que M. Marcus.
classe des travailleurs libres ; quand on
connaît enfra les innombrables vexa^
tions auxquelles étaient soumis tous
ceux qui vivaient sous la loi de Rome,
on ne regarde plus comme vaines eii
exagérées les paroles de Salvien et
d'Orose , qui attestent que les provin-
ciaux regardèrent plus d'une fois les
barbares comme des libérateurs. L'Es-
pagne, il n'en faut pas douter, se
trouva plus heureuse après l'établisse-
ment des Vandales , des Alains et des
Suèvés , qu'au temps où elle obéissait
à Honorius. Mais le repos et cette sorte
debien-être qui suivirent la première in-
vasion ne furent pas de longue durée.
Les Goths s'approchaient, qui devaient
encore apporter, dans la Péninsule , la
guerre, les désordres et la dévasta-
tion.
SECONDE CONQUÊTE DE l'ESPAGNE
PAE LES VANDALES. — Chassés de la
Gaule par Constance, l'un des plus
habiles généraux de TEmpire, les
Goths, commandés par Ataiïlfe, fran-
chirent les Pyrénées , et envahirent la
portion de FEspagne qui était restée
au pouvoir des Romains. Peu de temps
après , Âtaulfe fut assassiné dans son
palais de Barcelone. Mais celui qui
profita du crime fut tué , à son tour,
après un règne de sept jours (415). La
nation reconnut alors, pour roi, Wal-
lia, frère d'Ataulfe. Sous ce nouveau
chef, les Goths se firent, en Espagne,
les auxiliaires des Romains et ils com-
mencèrent , contre les barbares qui les
avaient devancés dans la Péninsule,
une guerre qui dura deux ans (416-
418). Ils exterminèrent d'abord les
Vandales - Silingi qui s'étaient établis
dans la Bétique , puis ils battirent les
Alains. Ceux qui purent échapper au
fer des vainqueurs se réfugièrent en
Galice, auprès de Gundéric, chef de
l'autre portion de la nation vandale.
Les historiens anciens nous ont appris
que Wallia ne songea pas toujours à
faire la guerre au profit des Romains.
Ainsi , il voulut, comme autrefois Ala-
ric, conduire les Goths en Afrique.
Mais une tempête ayant englouti, dans
le détroit de Gadès, une partie de la
flotte qui portait ses trésors et son
Digitized by VjOOQIC
AFRiÊUB-
mmi^, i\ reoonC9i à son eatpéditioa^
•Trop faible, dès fora, pour songer aua^
Tastes entreprises, il accepta la pro«
position qœ lui fit l'Empire, de s éta«
falir, avec sa nation , au midi de U
ûaule, où on lui céda la seconde Aq^-
taine et la NoYempopulanie(4l9).
Quand les barbares Vandales, Alains
et SaèTes, que Wallia avait refoulés
dans les montagnes du nord-ouest de
l'Espagne , apprirent que les Gotbs
avaient abandonné la Pémusule, ils
reprirent les armes pour conquérir dé
nouveau les riches provinces du Midi,
d'on la force les avait expulsés. Alors
recommencèrent les désordres de la
première invasion.
La mésintelligence éclata bientôt
entre les Suèves et les Vandales. Les
> Romains crurent sans doute gue, grâce
à cette désunion , ils pourraient enfin
arracher FËspagne aux barbares. Mais
ils furent ttompés dans leur attente;
et, au moment même où Astérius ve-
nait prêter aux Suèves les secours de
l'Empire, les Vandales, par un brusque
mouvement, se jetèrent sur la Béti*
que qu'avaient occupée autrefois leurs
irères les Silingi (420). lis achevèrent
en peu de temps la conquête de toute
la partie méridionale de la Péninsule.
C'est depuis cette double occupation
par les Vandales que la Bétique prit le
nom d'Andalousie (^an«fa/o»5ia) que
nous lui donnons encore aujourd'hui.
Cependant les Romains ne pouvaient
se résigner à laisser au pouvoir des
bari)ares la plus belle et la plus riche
des provinces de l'Espagne. Ils ras-
semblèrent donc une armée considé-
rable , à la tête de laquelle on plaça
un général plus présomptueux qu'ha-
bile , Castinus. L'armée romaine , qui
comptait dans ses rangs un grand nom-
bre d'auxiliaires goths comm£tl)dés par
Théodéric, entra dans l'Andalousie,
où elle ne tarda pas à rencontrer les
Vandales. « Attaqués par une armée
très-supérieure à la leur, les Vandales
semblaient devoir être exterminés; ils
furent en effet très -vivement poussés
et réduits à une position désespérée ,
dans laquelle il leur fallut accepter une
bataille décisive. Des écrivains dignes
de foi disent d9& choses siagnlièffes d^
kur conduite en ce moment oe jd^
tresse. Ils se ^urésentèrent suf le chajyqp
de bataille, faisant porter en çér^i^Or
Skie , devant ^x , je ne sais lequel de^
livres, sacrés des chrétiens, la Ril^e
ou l'Evangile. Sans prçu()r^ çarde |i
fi^ acte de piété des Vandales, T'arM^ '
romaine fondit sur eux , coqune $ûl^f
de la victoire. Ce ûit.elle qui fut plei-
nement défaite , mise en fuite , et m
s'arrêta ^u'à T^rracooe, après avoir
perdu près de vingt mille hommej;
(422) (*). » Un pffîcier, renonimé déjà
dans rEmf)ire pour ses actions d'éclal
et son habileté dans la guerre , Bomr
faice , avait accompagné Ca$tii\us dan^
son expédition. M^is voyant ayec p^ine
l'inexperienjoe dç celui qui dirigeai!
les opérations, blessé par ses haui*
teurs, et prévoyant d'ailleurs le mau^
vais résultat de l'entreprise , il quitta
l'armée avant la bataille. On raconte
aussi que les Goths abandonnèrent , au
moment décisif, ^e général romaine
Après cette trahison, tous ne revinreift
point en Gaule , et Théodéric vit sanil
doute un grand nonobre des siens sê
mêler aux futurs Conquérants de l'A*
frique.
Après la défaite de l'armée impé?
riale , les Vandales se trouvèrent les
seuls maîtres du pays. Ils parcou^
rurent alors, enravs^eant et en pillant^
l'Espagne dans tous les sens, et rui-
nèrent Sévilie et Cartbagène. Les maui
de la Péninsule furent portés au com**
ble, quand les barbares, joignant 1«
fanatisme et l'intolérance à leurs pas<*
sions ordinaires, exercèrent contre les
catholiques, par esprit de secte, de
violentes persécutions. L'Espagne fut
ainsi soumise , pendant six aps, à la
(*) M.Faurid ; Histoire de la Caule mé-
ridionale, 1. 1 , p. i53. Nous ne partageon*
F as Topinion de M. F^iiriel, qui croit qu'en
année 42a les Vandales étaient encore
Saïens. Nous pensons , comme nous Pavons
il précédemment, qu'en Pannonie , déjà ,
le cnrislianisme avait fait* de grands pro-
grès parmi eux. Nous ajouterons même que
ce fut, suivant nous, dans les contrées
voisines du Danube qu'une partie de la Da*
tion adopta l'arianisme,
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
plus intolérable des dominations. Puis,
quand les Vandales eurent enlevé au
pays ses dernières ressources, ils firent
des courses au dehors; montés sur les
Taisseaux qu'ils avaient trouvés à Car-
thagène, ils se livrèrent à la piraterie,
et , s'il fout en croire d'anciens récits,
ils visitèrent plus d'une fois , pour les
Ï)iller, les Iles Baléares et les côtes de
a Mauritanie (425-428). Les barbares
étaient à peine entrés dans les provin-
ces méridionales de l'Espagne , gu'ils
portèrent leurs regards vers l'Afrique;
et dès lors, comme les Goths, au temps
d'Alaric et de Wallia , ils aspirèrent à
la possession de cette chaude et riche
contrée. Toutefois , ils hésitaient en-
core à franchir la mer étroite qui les
séparait de la Mauritanie , lorsque le
comte Boniface mit fin à leurs irréso-
lutions, et leur fournit l'occasion et
les moyens d'accomplir la conquête
qu'ils avaient rêvée.
LB COMTE BONIFACE. — TOUS leS
écrivains du cinquième siècle s'accor-
dent à voir, dans Boniface, un grand
homme de guerre et un habile admi-
nistrateur. Cependant , il est vraisem-
blable qu'ils ne nous ont transmis que
la moindre partie des. actions glorieu-
ses dé celui qu'ils ont tant loué. On
sait que déj|i, en l'année 413, Boniface
s'illustra en défendant Marseille contre
les Goths. Nous avons dit que plus
tard , en 422 , il avait pris part à l'ex-
pédition de Castinus, mais qu'il s'était
retiré assez tôt pour qu'on ne pût lui
reprocher d'avoir contribué au mau-
vais succès de l'entreprise. Honorius
aurait pu, sans doute, accuser Boni-
face d'avoir abandonné l'armée ro-
maine au moment du danger; mais il
préféra , dans ces temps désastreux ,
ménager un homme qui pouvait servir
utilement l'Empire , et il le fit partir
pour l'Afrique , dont il lui avait con-
fié le gouvernement. Boniface, dans
sa province, mit tous ses soins à com-
primer les soulèvements des Maures
ou des Romains séditieux ; il adminis-
tra sagement , et se montra juge sé-
vère, mais équitable et éclaire.
lia mort d'Honorius n'ébranla point
sa fidélité* U ne voulut pas recon-
naître un officier du palais, dpgtié
Jean , qui s'était fait proclamer empe-
reur en Italie; et il aida de ses armes
et de ses conseils Placidie , et son jeune
fils Valentinien. Les efforts du gou-
verneur de l'Afrique, dans ces moments
de troubles , furent plus efficaces que
tous les secours venus de l'Orient
pour renverser l'usurpateur. Placidie
était donc redevable à Boniface du
pouvoir qu'elle allait exercer au nom
de son fils Valentinien. Aussi , dans
les premiers moments de sa joie et de
son triomphe , elle se montra recon-
naissante pour celui qu'elle regardait
comme le plus habile et le plus loyal
défenseur de l'Empire. Mais bientôt
les vues coupables d'un ambitieux en-
levèrent à Valentinien son meilleur
général et sa plus riche province. Aétius
voulait faire oublier, par des excès de
zèle, son ancien attachement pour
l'usurpateur et ses rapports avec les
barbares. D'autre part , il songeait à
perdre Boniface, dont la gloire et la
fovauté l'importunaient. Il fit croire à
Placidie que le gouverneur de l'Afrique
trahissait l'Empire. Il ajoutait , pour
donner plus de poids à ses paroles,
gu'assurément Boniface refuserait d'o-
éir, si on le rappelait en Italie. Pla-
cidie recourut a l'expédient qu'on
lui indiquait. Elle rappela Boniface ;
mais celui-ci, averti par Aétius que
de grands dangers le menaçaient
s'il venait pour se justifier, ne tint
compte des lettres impériales, et il re-
fusa de quitter l'Afrique. L'intrigue
avait donc réussi : on croyait , dans le
palais, à la trahison de Boniface ; et
Boniface, de son côté, accusait l'em-
pereur et sa mère d'ingratitude. Placi-
die résolut alors d'envoyer des troupes
contre le rebelle. Elle les confia à trois
chefs , Mavors , Galbion et Sinox , que
Boniface défit successivement. Les
conseillers de Placidie et de rem])ereur
ne perdirent point courage après cet
échec; ils rassemblèrent une armée
considérable, qu'ils placèrent sous les
ordres de Sigiswulde. Dans ce pres-
sant danger, et parce qu'il sentait qu'il
ne pouvait lutter seul avec succès con-
tre toutes les forces de l'Empire, B<h
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE-
nîface s'adressa aux Vandales. Il fit
savoir au chef de la nation qu'il était
prêt à partager l'Afrique avec lui , s'il
prenait l'engagement de l'aider et de
le défendre contre leurs communs en-
nemis. Les Vandales acceptèrent avec
joie cette alliance qui leur ouvrait le
chemin d'un pays qu'ils convoitaient
depuis longtemps, et qui leur donnait,
pour auxiliaire , le plus redoutable des
Romains.
CAUSES DE l'invasion DES VAN-
DALES EN AFRIQUE. — Par quels mo-
tifs les barbares, qui se trouvaient en
possession de l'Andalousie, ont -ils
quitté , pour une lointaine expédition,
pour un établissement incertain sur
une terre qu'ils ne connaissaient pas,
cette riche et belle contrée qui les in-
vitait à un long séjour? Plus d'un
historien a essayé de résoudre cette
question. On a dit que l'Espagne of-
irait aux Vandales une position trop
défavorable. Là , en effet , ils avaient
à redouter non point seulement les Ro-
mains, mais encore les Goths, ces an-
ciens et terribles ennemis qui avaient
déjà visité plus d'une fois la Péninsule.
Le souvenir des victoires de Wallia
était présent à tous les esprits. Puis,
pour ces hordes qui voulaient encore
piller et s'enrichir, l'Espagne était un
pays épuisé. D'autre part, pour les
courses au dehors et la piraterie , la
contrée était mal choisie; il fallait une
Position plus centrale, sur les côtes
'Afrique, par exemple, et sur ces
côtes, une ville comme Carthage , qui
eût également à sa portée l'Orient et
l'Occident. D'ailleurs, occuper l'Afri-
que, c'était enlever à l'Empire la meil-
leure partie de ses forces; c'était tarir,
pour lui , les sources de la vie , que de
lui prendre cette province qui était ,
depuis plusieurs siècles , le grenier du
monde. On a dit aussi que Genséric ,
en conduisant les Vandales en Afri-
que , n'avait d'autre but que de légiti-
mer, à leurs yeux , son élévation nou-
velle. Il voulait faire oublier, par une
expédition glorieuse , que lui , fils illé-
gitime , avait tué son frère Gundéric,
le vrai roi, et qu'il retenait ses dix ne-
veux, avec leur mère, dans une dure
captivité. Enfin, on a énuméré, parmi
les motifs qui ont pu déterminer les
Vandales à passer en Afrique , l'espé-
rance bien fondée qu'ils avaient de
voir accourir auprès d'eux , pour les
aider, les Maures, tous les sectaires
persécutés , les Romains mécontents ,
et le comte Boniface.
Nous croyons qu'on ne peut faire
un choix parmi ces causes diverses, et
que, pour être vrai, on doit les accep-
ter toutes. Cependant, à tant de rai-
sons alléguées jusqu'ici par les histo-
riens, il faut ajouter, suivant nous, le
vague instinct qui poussait chaque jour
les barbares à se mouvoir et à se dé-
placer. Quand ils s'engageaient dans
des voies inconnues, ils marchaient
hardiment , car ils croyaient obéir à
une mystérieuse et fatale impulsion.
« La main de Dieu , dit Salvien , qui ^^^^
avait jeté les Vandales au delà des Py-
rénées pour châtier l'Espagne , les con-
duisait à la dévastation de l'Afrique.
Ils n'agissaient point en vertu de leurs
})ropres déterminations; c'était, de
eur aveu , une force irrésistible , di-
vine, qui les entraînait. »
entbée des vandales en afbi-
que; fobgbs et bessoubges des
envahisseubs; conquête des tbois
maubitanies. — Au moment où les
Vandales, à l'appel de Boniface , fai-
saient leurs préparatifs pour passer en
Afrique , le roi Gundéric fut assassiné.
Les récits opposés des contemporains
n'ont pu jeter un voile sur cet événe-
ment. Tous les historiens modernes
s'accordent à dire que Genséric , fils
illégitime de Godigiscle, et frère de
Gundéric , fut l'auteur du crime. Nous
devons ajouter que les Vandales ne pa-
raissent point avoir hésité à prendre
pour chef le meurtrier qui , plus d'une
fois, sans doute, leur avait donné lieu
d'admirer son habileté et ses auda-
cieuses résolutions.
La mort de Gundéric n'ajourna pas
la conquête de l'Afrique. D'un côté, les
Espagnols , qui désiraient ardemment
débarrasser la Péninsule de ses barba-
res envahisseurs, et, de l'autre, les émis-
saires de Boniface envoyaient de toutes
parts, au détroit de Gadès, les vais-
Digitized by VjOOQIC
io
L'UWIVERS.
ffCAui qai devaient transporter en Mau*
ritanie, Genséric et sa nation. J^
loule s'apprêtait au départ , lorsqu'on
apprit que les Suèves ravageaient les
terres que les émigrants avaient aban-
donnée. Pour préserver, sans doute ,
de futures incursions ceux des siens
qui, pour des causes diverses, res-
taient en Andalousie, Genséric ras-
sembla son sirifiée , et se mit à la pour-
suite des Suèves. Il les atteignit près
de Mérida , et les précipita , avec leur
chef Hermigar , dans la Guadiana^
Après cette victoire, il rejoignit sa
flotte , et s'embarqua pour l'Afrique
au mois de mai de l'année 439. « Notre
imagination , accoutumée à exagérer et
à multiplier les essaims de barbares
qui semblaient tous sortir du Nord ,
sera étonnée sans doute du petit nom-
bre de combattants que Genséric dé-
barqua sur les côtes de la Mauritanie.
Les Vandales, qui , dans le cours de
vingt ans, avaient pénétré depuis l'Elbe
jusqu'au mont Atlas, se trouvaieiït
réunis sous le commandement de leur
roi. Son autorité s'étendait sur les
Alains, dont la génération existante
était passée des régions glacées de la
fi(^bie sous le climat brûlant de l'A-
frique. Des aventuriers goths , attirés
par l'espoir du pillage, accouraient
«oBs ses drapeaux ; et des provinciaux,
juinés et poussés au désespoir, s'enrô^
iaient, dans l'intention de réparer leur
fortune par les mêmes moyens qui la
leur avaient enlevée. Cependant l'arr
mée de Genséric ne noontait qu'à cin^
quante mUIe bommes effectifs; et,
quoiqu'il tâchât d'en augmenter l'ap-
parenoe, en nommant quatre-vingts
chiliarques ou commandants de mille
soldats , le supplément illusoire des
vieillards , des enfants et des esclaves
n'aurait pas êviû pour porter la tota-
lité à quatre>-vingt mille nommes. Mais
l'adresse du général et les troubles de
l'Afrique lui procurèrent bientôt une
multitude d'alliés. Les cantons de là
Mauritanie qui bordent le grand dé-
sert et l'océan Atlantique, fourmil-
laient d'une race d'hommes hardis,
dont le caractère sauvage avait été
l^lus al^i qjà» «oivigé pair la terreur
des armes romaines. Les Maures er^ ^
rants hasardèrent peu à peu de s'ap^
procber du camp des Vandales; ils
considéraient avec surprise les armes^
les vétemfents, l'air martial et la disci^
pline de ces étrangers. La fignre blan-
che et les yeux bleus des guerriers
germains devaient, à la vérité, former
un contraste bien frappant avec la
couleur olivâtre et les yeux noirs èes
voisins de la zone torride. Lorsque les
Vandales eurent vaincu les premières
difficultés qui naissent de l'ignorance
mutuelle à\m langage inconnu , \(£
Maures embrassèrent sans hésiter l'al-
liance des ennemis de Rome; une
foule de sauvages nus sortirent de
leurs forêts et des vallées du mont
Atlas, pour rassasier leur Tcngeance
sur les t3a'ans civilisés qui les avaient
chassés de leur pays natal {*). »
i: Mais ces Maures , ennemis de la ci-
vilisation et des Romains , ne furent
pas les seuls auxiliaires que rencon-
trèrent les Vandales en débarquant sur
les côtes de l'Afrique* Les Romains
eux-mêm^, suivant la remarque de
Gibbon, devaient leur prêter aide et
appui. Nous avons dit, en parlant du
séjour des Vandales en Espagne, com-
ment il se pouvait faire que les hom-
mes vivant sous la loi de Rome préfé-
rassent parfois les troubles et les
violences de la domination barbare
aux rigueurs de l'administration im-
périale. En Afrique , cpmme en Eu-
rope, on trouvait cette odieuse et im-
pitoyable fiscalité qui ruinait les villes
et les campagnes (**). Il est donc vrai*
semblable que la masse des proprié»
taires urbains ou ruraux que le isc
avait dépouillés, jetés dans la plus dé-
plorable des conditions, et qu'il po^nr-
suivait encore , se rangea ou coté de
Genséric. Mais, de tous ceux oui don-
nèrent assistance aux Vandales , les
(*) Gibbon; Bistoire de la décadence et
de la chute de V empire romain , di. ^.
(**) Je renvoie ici au chapitre inléressanf
où M. Papencordt parle de l'état de FAfriqjde
avant Tarrivée des Vandales; Geschicthtedm
vandaliscken Hemchaft in Jfrica, Voy. B*.
i,ch. a, p.ax et luiv.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
tt
phis empressés, les plus ardents furent
les sectaires connus , dans Thistoire ,
sous le nom de donatistes. Ils avaient
hâte de se venger, sur les catholiques,
de toutes les persécutions que Fmto-
lérance des empereurs leur avait fait
subir. On les avait traités jusqu'alors
avec une excessive rigueur. Ils étaient
assimilés aux criminels d'État. Leurs
évéques, leurs prêtres étaient privés dé
teurs biens, soumis à une rigoureuse
surveillance , et souvent envoyés dans
un lointain exil. Ils ne pouvaient invo-
quer leurs droits de citoyen. Les lois
n'étaient pas moins sévères contre le^
laïques. Nul ne se montra plus intolé-
rant et plus impitoyable, contre les
partisans de l'hérésie , que l'empereur
Honorius. La crainte des châtiments
arrêta seule les plaintes et les protes-
tations des donatistes. Seulement , ils
cherchèrent à se rapprocher des ariens ,
et à confondre les intérêts des deux
hérésies. Ainsi , quand on envoya une
armée contre Boniface révolté , ils es-
sayèreht de mettre dans leur parti les
Goths , que l'empereur avait engagés
pour l'expédition d'Afrique. Ce fait a
i%é signalé dans ces lignes de saint Au-
gustin : « Plusieurs donatistes voulant
se concilier les Goths, parce qu'ils les
croient puissants, prétendent qu'ils
sont ariens comme eux. Mais , en cela ,
ils sont condamnés psur l'autorité des
traditions qu'ils invoquent, car il est
avéré que Donat, qu'ils reconnaissent
et qu'ils honorent comme leur chef,
n'a jamais partagé les croyances d'A-
rius [ep, 185 , àfi Bonifac). » Enfin ,
Sour compléter cette nomenclature
es ennçmis naturels de la puissance
iromaine, ajoutons que Genséric devait
.encore trouver des auxiliaires, moins,
il est vrai , en Mauritanie qu'aux en-
virons de Carthage , dans les restes de
la race punique. Cette race , qui avait
éurvéou à tant de catastrophes, n'avait
perdu alors , malgré son long céntadt
avec les étrangers, ni son caractère
propre, ni sa langue, ni sa vieille
naine conti^ les Rodiains (*}.
(*) Voyez, dans ce volume, sur la persis-
tance de la race punique en Afrique^ VHis-
Dès leur entrée en Afrique, les Vatt-
Éales portèrent, dans tous les lieux ba-
ttes qu'ils rencontrèrent sur leiiv
passage , le fer et la flamme. Les r ichefii
et populeux établissements fondés sut
la côte par les Carthaginois eu les
Romains furent anéantis. Pour expli-
quer les effroyables extiès auxquels se
livrèrent alors les barbares, on est
obligé de supposer qu'ils furent ani-
més, dans leut œuvre de destruction ,
par la rage aveugle des Maures et l'es-
prit de vengeance des donatistes per-
sécutés. Ce fut ainsi que les Vandales
parcoururent, massacrant et rava-
geant , les trois Mauritaniés , et qu'ils
arrivèrent au fleuve Ampsaga, qui de-
vait être , aux termes du traité conclu
avec Boniface , la limite de leur em-
pire (*).
BEPËNTIB DE BOWIFACE ; IL BEIf-
TBE AVEC LES SIENS SOUS L'OBÉIS-
SAIVCE DE VALENTINIEN; IL PERD
UNE BATAILLE CONTBE OENSÉBIC*,
SIEGE d'hippone. — A la première
nouvelle de la marche rapide des Van-
dales et (Je leurs dévastations, Boniface
dut regretter amèrement , sans doute ,
d'avoir tiré de l'Espagne ces terribles
auxiliaires. Il est vraisemblable que
déjà il avait songé , dans son intérêt
propre, à s'opposer en armes à Gen-
séric , qui , chaque jour , se rappro-
chait davantage de la INumidie , lors^
toire de Carthage, deuxième partie, p. i53.
Nous renvoyons , en outre , pour ce point
historique très-important , à quelques pas-
sages curieux que l'on trouve dans les ou-
vrages suivaîBts de saint Augustin : Sermo
XXT, de Verba apostoL — ' Traetatus xi, in
epîstoL Johannis, •— Expositio epistol, ad
Roman. — Ep'ut cvw, § 14.
(*) Au témpfi de Constantin , dans la di-
tîaion administrative des provinces , la Mau-
ritaiûe Tingitane , la plus occidentale des
trois Mauritaniés, avait été placée dans la
préfecture des Gaules, et dans le diocèse
dlËspagne. Les deux autres Mauritaniés re-
levaient de la préfecture d'Italie, et du dio-
cèse d^A&ique. La Mauritanie T'mgîtane
s'étendait de TAllautiquc au Mal va; la Mau-
ritanie Césarienne , du Malva au Serbèle ; la
Mauritanie Sitîfienne, du Serbèle à T Amp-
saga , qui la séparait de la H tunidie.
Digitized by VjOOQIC
u
L'UNIVERS.
qu'il se réconcilia avec Placidie et
Yalentiuien. On s'étonnait, et non sans
cause, dans l'Empire, que Tofficier loyal
qui avait .servi avec tant de zèle l'em-
pereur et sa mère , au temps de leurs
mfortunes, eût attendu, pour les aban-
donner et les trahir, qu'ils fussent heu-
reux et tout-i)uissants. Placidie, de
son côté, avait cherché en vain les
causes de cette brusque rébellion. Ce-
pendant, soit que les accusations d'Aé-
tius, après mûre réflexion, inspirassent
de la défiance, soit que les plaintes ou
les confidences de Boniface eussent
seules éveillé les soupçons, la cour de
Ravenne se décida h pénétrer ce mys-
tère. Un officier du palais, Darius, se
rendit en Afrique ; et là , dans ses en-
tretiens , il chercha à saisir le motif
secret d'une rébellion qui avait déjà
causé de si grands dommages à l'Em-
pire. Les entretiens qu'il eut alors avec
Boniface ne lui laissèrent bientôt au-
cun doute sur la double trahison d'Aé-
tius. Il fit connaître à Placidie les ré-
sultats de sa mission. La mère de
Yalentinien n'osa punir le coupable
qui aurait pu tourner contre l'Empire
les troupes qu'elle lui avait conûees ;
mais elle fît part à Boniface de ses
vifs regrets, et lui rendit , avec ses an-
ciens titres, toute sa confiance. Cepen-
dant la réconciliation venait trop tard.
Déjà les Vandales, qui ne comptaient
plus sur l'alliance et la coopération de
Boniface , étaient entrés en Numidie.
Le général romain voulut d'abord né-
gocier avec ses anciens alliés, et il es-
saya, mais en vain, à l'aide de grandes
promesses, de les renvoyer en Es-
pagne. Dès lors, il n'y avait plus à hé-
siter. Boniface rassembla à la hâte
toutes les troupes dont il pouvait dis-
poser, et il vint pour arrêter par la
force , la marche et les progrès des
envahisseurs. Il rencontra les Vandales
non loin de l'Ampsaga , et leur livra
bataille. Mais il fut vaincu , et il per-
dit dans l'action ses meilleurs soldats.
Après cette défaite , il courut se jeter
dans la ville d'Hippone (*) , que les
(*) Hippo-Regius, La ville connue aujour-
d'hui SQU3 le nom de Bone, est bâtie à deux
le
vainqueurs ne tardèrent point à as-
siéger.
La place où Boniface avait cherché
refuge était forte, et , sans doute, bien
{)ourvue d'armes et de vivres. D'ail-
eurs, elle communiquait librement,
par la mer, avec le dehors ; et elle pou-
vait espérer ainsi , en cas de siège, de
ne manquer jamais de soldats et de
munitions. Les Vandales arrivèrent
sous les murs d'Hippone, en 430, dans
l'été. Les historiens modernes hési-
tent à croire que, pour réduire la place
aœiégée, ils aient employé l'affreux
moyen qui nous a été signalé par les
auteurs contemporains (*). Ils rasserti-
blaient , suivant Victor de Vita , leurs
prisonniers autour des villes, et les
égorgeaient. Puis, ils laissaient lesca*
davres à l'air , dans l'espoir que leur
décomposition prochaine porterait au
milieu des assiégés les maladies et la
mort. Les Vandales, comme les autres
peuples de race germanique , se sont
montrés, dans le cours de leurs inva-
sions , assez violents et assez féroces
pour qu'on puisse adopter, sans crainte
d'erreur , le témoignage de Victor de
Vita. Au reste, quels qu'aient été les
moyens employés alors pour obtenir
milles de distance environ de remplacement
d'Hippone.
(^ M. Marcus, Papologiste passionné de
toutes les actions des Vandales et de Gen-
séric , essaye , sur ce point , d'infirmer l'au-
torité de Victor de Vita. On verra , par le
passage suivant, que M. Marcus n'a pas
toujours autant d'habile^ que de bonne
volonté : « Pour ma pari, dit'il avec une
sorte d'indignation, je pense que Victor de
Vita calomnie les Vandales dans ce cas ,
comme dans beaucoup d'autres, ou qu'il
exagère du moins les faits qui se sont passés.
Que les Vandales aient ramassé, dans les
plaines, les cadavres des hommes et des
animaux morts dans les combats, ou de
toute autre manière , qu'ils les aient jetés
dans les fossés des forteresses et devant les
murs et les portes, pour empester Pair; c*est
très'probaile mais qu'ils aient égorgé
les prisonniers pour augmenter le nombrt
des cadavres cest Victor seul qui U
prétend, » Histoire des Vandales , etc. , p.
r4().
Digitized by VjOOQIC
APRÏQUÊ.
tl
la reddition d*Hippone, il est avéré
que les assiégeants ne furent pas heu-
reux dans leurs premières opérations.
Saint Augustin se trouvait dans la
ville assiégée. Les Vandales avaient à
peine franchi le détroit de Gadès, que,
déjà , il avait prévu les désastreux ré-
sultats de rinvasion. Plus tard, quand
il apprit les souffrances de la Maurita-
nie, et aussi , peut-être, quand il con-
nut l'alliance des donatistes, ses enne-
mis, avec les envahisseurs , sa frayeur
fut telle, qu'il songea, dit-on, à oren-
dre la fuite. Mais cette frayeur rut de
courte durée, et elle Ot place, dans son
âTme, à de généreuses résolutions. Il
voulut rester et mourir au sein de
cette Église catholique d'Afrique, dont
il était le plus ferme et le plus illustre
défenseur. Il ne sortit point d'Hip-
pone à l'approche des barbares; et,
quand la ville fut assiégée, il prodi-
gua , comme évéque et comme citoyen ,
aux habitants et à Boniface, les encou-
ragements et les consolations. Saint
Augustin mourut pendant le siège , le
28 du mois d'août de l'année 430. Mais,
avant d'expirer, il eut la douleur d'ap-
prendre que les Vandales, se livrant à
des expéditions partielles , avaient
étendu leurs ravages dans les provinces
avoisinantes. « Il voyait, dit l'agiogra-
phe Possidius, que, parmi les innom-
brables églises qui couvraient autre-
fois le pays , trois seulement , celle de
Carthage , celle d'Hippone et celle de
€irta , avaient échappe à la destruc-
tion. »
Le siège dura quatorze mois. Les
Vandales seraient restés plus long-
temps encore devant les murs d'Hip-
pone , sans l'événement que nous al-
lons raconter. A la nouvelle des dangers
qui menaçaient l'Afrique, l'empereur
d'Orient, Théodose, envoya 5 Placidie
des secours et Aspar, l'un de ses meil-
leurs généraux. Placidie, à son tour,
fit partir pour Hippone les troupes
qu'elle avait reçues. L'arrivée de ces
renforts donna à Boniface assez de
confiance et 'd'audace pour qu'il voulût
hasarder contre les Vandales une se-
conde bataille. Mais, cette fois encore,
il fut trompé dans ses espérances. Les
barbares triomphèrent. Aspar aban*
donna bientôt ses alliés et l'Afrique;
remontant sur ses vaisseaux, avec les
débris de ses troupes, il reprit le che-
min de Gonstantmople. Ce fut après
la victoire des Vandales que la ville
d'Hippone capitula (août 431).
Vaincu et ne pouvant désormais ré-
sister à Genséric , Boniface revint en
Italie. Il se présenta hardiment , dans
le palais de Ravenne , à l'empereur et
à sa mère, qui, malgré sa trahison
passée et ses défaites, l'accueillirent
avec distinction , et lui donnèrent le
titre de patrice. Placidie et boniface
ne cessaient de déplorer leur fatale er-
reur, et ils songeaient sans doute aux
moyens de punir le premier auteur des
maux qui pesaient alors sur l'Afrique,
lorsqu'ils apprirent qu'Aétius, par un
excès d'audace , avait franchi les Alpes
avec une armée de barbares. Il venait
I)our se débarrasser de son rival par
a force. Boniface, de son côté, ras-
sembla des troupes ; et, pour ne point
s'éloigner de l'empereur et de Placi-
die , c'est à Ravenne même qu'il atten-
dit Aétius. Enfin arriva la bataille qui
pouvait seule terminer la querelle des
deux plus illustres généraux de l'Em-
pire. Boniface triompha ; mais il ne de-
vait point recueillir les fruits de sa
victoire; il avait été mortellement
blessé , dans l'action , par le fer d'Aé-
tius.
PBEMIEBS TBA.ITÉS DB GENSÉBIG
AVEC l'empibe; le boi des VAW-
BALES SEMBLE HÉSITEB , PEKDANT
HUIT ANS, A POUBSUIVBE SES CON-
QUETES. — Après la défaite de Boni-
face et la reddition d'Hippone, il y eut
sans doute, entre les vainqueurs et
l'Empire, un premier traité (431 ou
432). La cour de Ravenne, alarmée
des progrès de .Genséric , essaya de
l'arrêter, dans ses conquêtes, en parais-
sant accorder de son plein gré les por-
tions de territoire qui lui avaient été
arrachées par la force des armes. Il
est probable qu'aux termes de ce traité,
les Vandales se trouvèrent non-seule-
ment en possession des trois Maurita-
nies, qu'ils avaient épuisées et ruinées
dans leurs courses, et où ils ne désl*
Digitized by VjOOQIC
14
L^UISIVERS.
ftieiit poÎBt.se fiser, mais enœre de la
ptrtte la plus oceidentale de la Nurni*
dite. Procejpe ndtts apprend qiie GeQf-
«érict afHpès sa douàe vietoire et la
pri^e d'Hippona, montra une ^and^
fnodération daDs ses négociations avee
l'Empire; qu'il s'engagea à payer ^
ValentinieB un tribut annuel pour les
terres qu'il avait acquises » et qu'il ti*
vra mime en otage son fils Hunérie,
en témoignage de ses intentions paci*
fiques et de sa bonne foi. L'historien
byzantin ajoute que l'empereur , ras-
ifupé par ees protestations, renvoya
fiunérie à son père.
Cependant , on est tenté de croire
3ue les Vandales, se trouvant à rétraij;
ans le pays où ils avaient concentré
leurs forces, firent plus d'une fois des
tiH^iirsions dans la province qui les
avoisinait à l'est , et qui les attirait par
fies richesses et sa fertilité. La paix qui
fut conclue entre les Vandales et les
Romains, à Hippone, le 11 février
436 , doit avoir eu pour but de mettre
fin aux entreprises des barbares. Va-
lentinien et Genséricoonfîrraèrent alors^
les clauses du premier traité. Nous
connaissons la cause de l'empresse-
ment que l'empereur d'Occident met*
tait , à cette époque, à li^ son ennemi
par des engagements de toute espèce
et par des serments ( « il craignait , dit
Isidore de Béville, que Genséric np
poussât plus loin ses conquêtes {*). »
(*) M. Papencordt ne parle, dans son
Histoire, que d« traité de 435. Nous par-
Hgiedns Topimon de M. Marcus qui établit ,
par de bonnes preuves , que FEmpire négo-
cia deux fois avec les Vandales. M. Papen-
cordt faisant allusion au passage de Procope
que nous avons cité, et quUl rapporte &
1 année 435, se refuse à croirfe que Genséric
ail livré comme otage à Yalentinien, soh
fils Hunéric. Suivant lui, le fait rapporté
par l'historien byzantin ne peut s'accorder
avec les succès des Vandales. Ce n*est pas ,
dit-il , le vainqueur qui donne des otages.
Ou peut cependant expliquer ce fait d'une
manière plausible, en disant que Geosértc
livra son fils nonr les raisons qui, de 43x à
499 , Tempèuièrent de poursuivre ses con-
^étés en Afrique. Yoy. Geschichte der '
vantUiUschw Uerrtchaft in Jfrica, P- 71
•t «ivi
Genséria , en effet , s'arrêta au mi*
lieu de ses succès; et son inaction
apparente, pendant huit années, frappa
m hommes de son temps, comme, de
nos jours encore, elle étonne les histo-
riens. Conunent exj)liq^er cette mo«
dératioo ? t^ourauoi ces longs ména-
gements avec l'Empire.^ C'est que
Ëensérie n'avait point oublié que, poiur
prendre une seule ville, Hippone, fl
avait fallu quatorze mois et dfeux ba-
tailles. Il avait parcouru, il est vrai,
dans une course rapide , les côtes de
là Mauritanie; mais, là, les villes n'ap-
paraissaient que de loin en loin , et
alors la coopération de Boniface faisait
disparaître a l'avance toutes les résis-
tances. Quand il eut franchi l'Ampsaga,
quand l'auxiliaire sur lequel il comp-
tait devint son ennemi , tout changea
de face. La contrée sur laquelle il por-
tait ses regards était couverte d'une
population nombreuse et dévouée à
l'Empire; et, d'ailleurs, elle était pro-
tégée par des villes bien approvision-
nées et environnées de fortes mu-
railles. Entreprendre le siège de chacune
de ces villes, c'était commencer une
lutte qui aurait eu pour unique résul-
tat l'épuisement de ses forces et sa
ruine. Puis, il avait encore à redout»
que rodent et l'Occident, qui dé|i
s'étaient alliés pour sa perte , ne vou-
lussent frapper sur lui de nouveaux
coups. Il ne craignait pas d'être vaincu;
mais il comprenait que , dans la posi*
tion où son audace l'avait jeté . des vio-
toires multipliées, en le privant d^
l'élite de ses guerriers, eussent été
pour lui , à la un , aussi nuisibles que
des défaites. Il* ajourna donc sa con»
quête après le siège d'Hippone , et il
traita avec Valentinien.
Ajoutons qu'à cette époque , Gensé-
ric avait aussi à lutter contre des en-
nemis bien plus terribles pour lui que
les derniers défenseurs de l'Empire.
Bans son camp, auprès de sa personne,
parmi ses compagnons d'armes , il y
avait des hommes qui n'avaient point
encore oublié la mort de Gundéric. Us
haïssaient le meurtrier; et les histo-
riens anciens nous apprennent que,
plus d'une fois, ils conspirèrent contra
Digitized by VjOOQIC
AFRlOtJÊ.
a
hif. Genséfic étouffa dans le sans
toutes les révoltes. Il avait entraîné a
sa suite , depuis la sortie d'Espagne ,
la veuve de Gundéric et ses fils. La
présence de ces infortunés , au milieu
des Vandales, était en quelque sorte
une perpétuelfe protestation contre
son attentat et son usurpation. Poiit
ç'affranchir de cette présence qui lui
était odieuse » et , aussi , pour enlever
aux siens tout prétexte de rébellion ,
il compléta Son crime , et fit périr la
mère avec ses dix enfants.
La paix était peut-être plus néces-
saire a Genséric qu'à l'Empire. Il la
mit à profit pour préparer, par des
moyens lents, mais sûrs, la conquête
qu'il rêvait^ mais qu'il ne pouvait alors
accomplir par la seule force de ses ùt*
mes. Il étudia, à loisir, l'état des pro-
vinces qu'A voulait envahir. Il vit
qu'elles renfermaient bien des bommes
qui souhaitaient ardemment son arri-
vée. C'étaient les donatistes et les au-
tres hérésiarques qui étaient soumis ,
en vertu des édits impériaux , à d'in-
justes persécutions. Genséric se fit
l'ami de tous les ennemis de l'Empire.
Pour leur donner en quelque sorte
des gages de sa sympathie, il persécuta
les catholiques qui vivaient sur les
terres que valeniinien lui avait aban-
données (437) ; il chassa les évéques de
leurs sièges , et même il condamna à
mort les fonctionnaires publics qui
n'avaient pas voulu embrasser l'aria-
njsme (*). Enfin, quand il compta un
liombre suffisant d'alliés dans le pays
qui avoisinait Carthage , et à Cartnage
même; d'autre part, quand il eut af-
fermi son autorité sur ses propres sol-
dats par des actes rigoureux et des
supplices, il se tint prêt à frapper sur
l'Empire un coup décisif. Les événe-
ments qui s'accomplissaient alors en
Europe devaient bientôt lui offrir l'oc-
easion d'exécuter ses projets.
(*) Parmi les évéques persécutés, oa
compte celui de Si^fi. De là , ou peut tirer
cette eonclusioD, que, par ses traités. Va--
lentinien avait laissé aux Vandales les Mau-
ritaaiesy ou au moins la Mauritanie siii-
fiemie,
PRISE B£ GÀKTHÀeB. — En 489 ,
fEmpire était attaqué, envahi de toutei
parts. La présence d'Aétius dans let
Gaules ne pouvait contenir les barba*
1res. Les nisigoths avaient été plus
d'une fois victorieuir dans leurs luttes
avec les Romaine. En Espagne, les
Suèves faisaient chaque jour , et sans
rencontre^ d'obâtacleé , de nouvelles
conquêtes. L'empire dWient h'était
pas moins expose que celui d'Occident
au danger des invasions. Les Huns
étaient campés à ses frontières , et la
cour de Constantinople tremblait au
moindre mouvement d'Attila. Gensé^
rie profita de l'instant où les d«ux em-
pires se trouvaient jetés dans de si
graves embarras ; il marcha en avant,
et se dirigea vers Carthage.
Sur les ruines de la ville détruite par
Scipion , une ville nouvelle s'était éle-
vée; la faible colonie de Caïus Grac-
chus n'avait pas tardé à devenir une
grande cité. César et Auguste avaient
favorisé son développement. Sous Ti-
bère , déjà , elle n'avait pas d'égale en
Afrique. Dès lors elle ne cessa plus de
s'accroître et de s'embellir. Strabon ,
Pomponius Mêla , Apulée , Hérodien .
Solin, Ausone et Salvien ont vanté
tour à tour cette ville ri.che par son
commerce et son industrie, somptueuse
par ses édifices, renommée par ses
écoles, qui avait effacé Alexandrie , et
qui , dans les premières années du cin-
quième siècle , n'avait plus au-dessus
d'elle que Rome et Constantinople (*).
Les invasions des barbares avaient
même augmenté sa prospérité et s4
population ; tous ceux qui , craignant
pour leur vie et pour leurs biens,
avaient quitté l'Italie à l'approche d'A-
laric, s'étaient précipités clans son en-
ceinte, comme dans le plus assuré et
le plus inviolable des asiles. Telle était
la grande cité que Genséric convoitait
moins pout ses richesses que pour sa
f)Osition , et où il avait résolu d'établir
e centre de sa domination.
(*) Nous avons cité ailleurs les passage!
de ces divers auteurs. Voyez , dans ce vo-
lume, pour les détails, V Histoire de Car»
thage, deuxième partie, p. 149 et suiv».
et principalement les pages x54 et ib!^
Digitized by
Google
le
L'UNIVERS.
« Au moment où Aétius , dit Pros-
per, était liyré tout entier aux affaires
de la Gaule, Genséric, sur ralliance
duauel on comptait, et qui n'inspirait
nune défiance , se jeta a Timproviste
sur Garthage, en temps 4e paix,
et s'en empara (19 octobre 439). »
Le roi des Vandales , au témoignage
de Victor de Cartenne, traita avec
rigueur la ville qu'il avait surprise.
« Les vases sacrés de l'église de Gar-
thage, dit-il, et les objets précieux
nui se trouvaient dans les autres édi-
fices publics furent portés oar les Van-
dales, lorsqu'ils entrèrent dans la ville,
au palais du roi. Gelui-ci fit déclarer
aux habitants de la capitale de l'Afri-
que romaine qu'ils eussent à lui li-
vrer leur or, leurs argent, leur bijoux,
leurs vêtements de prix et leurs ar-
mes. On rendit une partie de ces cho-
ses à ceux qui se dépouillèrent sans
hésitation et avec bonne foi. Geux
qui furent soupçonnés d'avoir con-
servé une partie de leurs richesses
furent battus de verges et mis à la
torture. On voulait , par ces moyens,
leur arracher un aveu et l'indication
des lieux où ils avaient caché ce qu'ils
avaient de précieux. A ces derniers on
ne fit point de restitution. Les riches-
ses ainsi amassées servirent à prendre
les mesures nécessaires pour repous-
ser les Romains des provinces où les
Vandales avaient fixé leurs demeures.»
PBEMIEBS BÉSULTÂTS DE LA PRISE
DE gabthàge; projets de GENSÉ-
big; il se pbépabe a attaqueb
l'empibb. — Après la prise de Gar-
thage , Genséric pouvait, sans crainte,
poursuivre et achever la conquête des
plus riches provinces de r Afrique.
Aussi , il ne tarda pas à s'emparer de
toute la Proconsulaire et de la Byza-
cène. Bientôt , sur cette vaste côte qui
s'étend du détroit de Gadès à la Cyré-
naïque , il ne resta plus à Valentinien
que la Tripolitaine.
Quand Genséric se mit en posses*
sion d'un établissement définitif, quand
il eut pris avant tout les mesures qui
pouvaient le protéger contre les atta-
ques soudaines des deux empires, il
songea , si Ton peut se servir de cette
expression^ à organiser sa conquête.
Il partagea avec ses compagnons d'ar-
mes, Vandales , Alains et autres bar-
bares qui l'avaient suivi, les terres
conquises, et il régularisa ses raj^ports
avec la population , mêlée d'Africains
et de Romains, que la force et sa bonne
fortune avaient placée sous sa domina-
tion. Ce furent là , on peut le suppo-
ser, ses premiers soins. Nous parlerons
ailleurs, et d'une manière spéciale, de
l'organisation politique dés Vandales
établis en Afrique. Nous ne voulons
ici que signaler en passant les graves
préoccupations qui durent empêcher
Genséric, de 439 à 441 , de se porter
au dehors , et qui , pendant ces deux
années , le maintinrent dans un repos
complet à l'égard de l'Empire.
Il a été dans la destinée de tous les
États indépendants qui ont existé en
Afrique , sur la côte de la Méditerra-
née, dé se tourner vers la mer, et
d'agir, par le commerce ou par la
guerre , sur la partiç méridionale de
l'Europe. Les Carthaginois , les Van-
dales, les maîtres de Tunis, au moyen
âge, les fondateurs de la puissance
d Alger, au seizième siècle , et leurs
successeurs, ont tous obéi à la même
impulsion , ou , plutôt, à la même né-
cessité. C'est par force, en quelque
sorte, qu'ils ont construit des vais-
seaux, et qu'ils ont été pirates. Comme
il n'y avait pour eux ni occasions ni
motifs de déployer leur activité dans
l'intérieur des terres, ils se sont livres
tout entiers aux courses maritimes.
L'activité sur mer et la piraterie n'ont
cessé d'exister, sur les côtes septentrio-
nales de l'Afrique , qu'à deux reprises :
au temps des Romains, et, de nos
jours, quand les peuples et les villes
de ces côtes ont été rattachés violem-
ment, à la suite d'une conquête, au
système politique de l'Europe méri-
dionale. La prise de Garthage, en
439, eut précisément pour résultat
d'opérer une séparation entre l'Afri-
que et l'Europe, qui , pendant six cents
ans, environ , avaient eu même gou-
vernement et mêmes intérêts. Le rôle
de Genséric était donc marqué à l'a-
vance; il devait nécessairement |K)rter,
Digitized by VjOOQIC
vers la Méditerranée ses regards et
son activité.
£d effet , il avait à peine affermi ,
dans les terres conquises , la domina-
tion de son peuple et sa propre auto«
rite , qu'il songea à se mettre en mer.
En apprenant alors les projets du
maître de TAfrique , les deux empires
ne s'abusèrent point sur la grandeur
du danger qui les menaçait. A. Cons-
tantinople comme à Rome , la frayeur
fut extrême. Tandis que Valentinien
ra|)pelait Aétius de la Gaule, Tbéodose,
qui comprenait sans doute que les
coups portés à l'empereur d'Occident
ne tarderaient pas à l'atteindre, se
hâta d'envoyer Cyrus, un de ses meil-
leurs généraux, pour défendre l'Italie.
Les armements de Genséric avaient
jeté le trouble parmi les populations.
£n Italie et en Sicile, les habitants des
côtes se levèrent en armes sans atten-
dre les ordres et les secours de l'Em-
pire. Valentinien profita de l'effroi
général ; dans ses édits, qui se succé-
daient avec rapidité, il encouragea les
efforts des villes; il demanda des im-
pôts extraordinaires, et pressa la levée
de nombreux soldats.
PBBMIÈBES COURSES DES VAN-
DALES ; GENSÉRIC ATTAQUE L'ITALIE
ET LA SICILE. — Tant de préparatifs
ne furent point faits en vain. En 441 ,
une flotte considérable sortit du port
de Carthage, et se dirigea vers la Si-
cile et le midi de l'Italie. Genséric es*
pérait faire un riche butin dans ces
deux contrées qui renfermaient la meil-
leure part des domaines impériaux, et
3ui , jusqu'alors, avaient échappé aux
ésordres et aux ravages des invasions.
Mais il ne fut pas heureux dans cette
première entreprise. Gassiodore, aïeul
de Ihistorien du même nom, le chassa
de l'ancien Bruttium. En Sicile, il s'em-
para, il est vrai, de Lilybée; mais il
échoua devant Panorme. Ces résistan-
ces imprévues l'arrêtèrent, et il revint
à Carthage. Genséric n'avait cependant
négligé aucun des moyens qui pou-
vaient assurer le 5uccès de son entre-
prise. Si l'on en croit des documents
[ contemporains, il avait déjà gagné à sa
cause, avant de se mettre en mer, un
AKEIQUE 17
général de Valentinien , nui s*appelait
Jean , et qui était Vandale d'origine ;
d'autre part , en se déclarant le défen-
seur des ariens contre les catholiques,
il s'était ménagé, dans les provmces
au'il voulait envahir, en Sicile surtout,
de nombreux auxiliaires.
L'empereur d'Orient qui se croyait,
et non sans cause , intéressé à repous-
ser les attaques de Genséric, avait en-
voyé contre lui une flotte considérable.
Onze cents vaisseaux, commandés par
Aréobind , Innobind , Asyla, Arinthée
et Germain , se dirigèrent vers la Si-
cile. A la nouvelle de ce formidable
armement, le roi des Vandales réso-
lut d'employer non la force, mais la
ruse pour écarter le danger qui le me-
naçait. Il feignit de désirer sincère-
ment la paix; et, pour prévenir une
attaque , il annonça aux commandants
delà flotte impériale qu'il avait envoyé
des ambassadeurs à Constantinople.'ll
négocia , il est vrai , mais seulement
pour arrêter l'ennemi , et pour donner
le temps aux émissaires secrets qu'il
avait envoyés au camp des Huns de
pousser Attila sur l'empire d'Orient.
PAIX AVEC LES DEUX EMPIRES;
TRAITÉ DK GENSERIC AVEC VALEN-
TINIEN. — Au premier mouvement
d'Attila, Théodose, effrayé, rassembla
autour de luiHoutes ses forces, et rap-
pela la flotte qu'il avait envoyée dans la
mer de Sicile. Il se hâta alors de faire
la paix avec Genséric. Abandonné par
l'Orient , Valentinien ne pouvait , seul
et sans vaisseaux , porter tout le poids
de la guerre. Il fut donc forcé de suivre
l'exemple de Théodose , et il fit un
traité avec le roi des Vandales ( 442 ).
Ce traité eut cela de singulier, qu'il
mit Genséric en possession des pro-
vinces qui, jusqu'en 439, n'avaient
point cessé d'appartenir aux Romains,
et qu'il donna à Valentinien, par une
espèce de compensation , la portion de
l'Afrique d'abord occupée par les Van-
dales. Ainsi , en vertu des conditions
acceptées des deux côtés , Genséric eut
pour lui la Byzacène , la Zeugitane ou
Proconsulaire, et une faible partie de
la JSumidie; et Valentinien, l'autre
partie de la Numidie et les trois Mau-
2* Livraison. (Hist. des Vandales.)
Digitized by VjOOQIC
18
Htanies. Il faut encore âlouter que te q«.s année», ^f «^^^.«^^^^^^^
petite Syrte bornaît , à f est , les pr o- conquérants ,f «^j^XT^idionar^^^
vincesdeGenséricetgueValentinien sesseurs de la ?aule mérimonaie. «
restait maître de la Tripolitalne (*).
BAPPOBTS ET ALLIANCES DES VAN-
PALES, SOUS GEN8ÉBIC, AVEC LES
AUTRES PEUPLES BABBARBS. — Ce
qui fit la force de Genséric pendant
son long règne , c'est qu*il ne s*isola
point dans son Afrique , et qu'il en-
tretint , en Europe , des rapports sui-
vis et constants avec les peuples bar-
bares qui, de son temps, attaquèrent
Fempire romain. Ses relations avec
Attila sont attestées par Priscus et
Jornandès; et nous avons déjà dit com-
ment , en 442 , il se servit des Huns
pour effrayer Théodose, et pour écar-
ter les dangers qui menaçaient sa nou-
velle conquête. Il s'allia même aux
Gotbs , jusqu'à lui ennemis irréconci-
liables des Vandales , qu'ils avaient
frappés et déplacés tant de fois dans
la Germanie , battus et dépossédés en-
core en Espagne, et qu'ils avaient
poursuivis même en Afrique, en se
mettant au service du comte Boni-
face (*♦). Le traitement ignominieux et
barbare que subit, par ordre de Gfen-
sérlo, la fille de Théodéric, roi tléS
Wisigoths (**•), rompit, pendant quél^
(*) VoyézV 8ur ce traité de 44^ » ii^dé-
pendamment âes auteurs anciens Prosper et
Victor de Vltà, Vouvrage de Papencord^,
Ceschickte der ifandalischen Herrschaft in
•Jfrica , p. 76 et suiv. , et celui de M. Mar-
eus, Histoire des randaUs, etc., p. i^ -^^
tmv. Il y a au moins l*tpparence d'u
grande prédsion dans les délimitations géo-
graphiques données par M. Marcus, à propol
<le ce traité de 44*. M. Papencordt est plu*
iràgue ; il se borne à dire : « Les deun Mau-
arriva même, à la suite de cette i^ip-
ture,un momentoù les Vandales eurent
contre eux, à la fois, les Romains, les
Goths et les Suèves. Pour se débarras-
ser, d'un coup, de tous ces ennemis
coalisés, Genséric poussa Attila sur la
Gaule. Les Huns, M est vrai , furent
vaincus à Châlons ; mais Théodénc
perdit la vie dans la bataille; et les al-
liés, épuisés par leur victoire même,
ne songèrent plus dès lors à tourner
leurs armes contre l'Afrique. Puis,
Genséric ne tarda pas à voir la mé-
sintelligence éclater entre ceux-là
même qui s'étaient réunis autrefois
pour l'attaquer. Enfin, il se rapprocha
des Wisigoths; et ce fut lui, dit-on,
qui conseilla à Euric, devenu son
allié, de s'agrandir dans la Gaule, et
de prendre Marseille et Arles aux Ro-
mains. Après la mort d'ftula, il re-
chercha l'amitié des principales tribus
qui s'étaient séparées des Huns. Ccst
ainsi qu'il se lia avec les Gépides et les
Ostrogoths. Quand le chef de ces der-
niers, Théodéric, devint, en vertu d un
traité auxiliaire de l'Empire d Orient ,
a stipula que ses soldats serviraient
contre tous les ennemis de cet empire,
excepté contre les Vandales. Tels f^
rent les rapports de Genserie avec les
peuples barbares qui, fixés en Europe,
menaçaient Rome ou Constantmopie.
Mar- menaçaieni rvumc vu v^y"—-. -r
56 et Grâce aux puissantes diversions qu u
tmv. Il y a au moins iVpparence d'un» opérait à Taidede sesaUiances, il par-
^ ^'^ ' ■' "A.- vînt , comme nous le verrons , à re-
pousser avec succès les attaques de
rOrient et de l'Occident, et a aîier-
yàgue ; il se borne â oire : « lios aeu» iw*u- ^^j. ^^ domination sur le ▼astc ter-
yitanies, avec la partie occideaiale de la rj^oire qu'il avait conquis en Afri<jae.
Numidie , dont Cirta est la capitale . demeu^ bBVOLUTIONS DANS l'EMPIKE D OO-
rèrent au pouvoir des Romains. Les Van- jt^jj^j^-j. mobT DE VALENTINIBN ', lit
dales prirent Vautre parlie de la Numidie, g^j^^^EUR PÉTKONIUS MAXIMUS. ^
Pendant les années qui s'écoulèrent dé
442 à 455, Genséric vécut en paix avec
qui a pour capitale Hippone, la Byzacène
et la Proconsulaire. Nous ne savons pa»
rîcisément ce qui fut statué à Tégard de
Tripolitaine. »
(**) Les meilleurs soldats de l'armée de
Boniface , avant et pendant le siège d'Hip-
pane, furent des Goths qui étaient venus
en Afrique eonime auxiliaires de l'Empire.
(•**) La fiUie de Théodéric avait épou8#
le fib aîné de Genséric Le roi des "^n-
dales, qui Faccusait d'avoir voulu Fempoi-
sonner, lui fil couper le nez et les oreUles,
et la renvoya à son père après celte mali-
lâtioa.
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
W
tes dma empires. It ell vraisemblable,
toutefois, qm les Vandales, dont Tac-
tivité s'était portée tout entière vers
les^entfeprises maritimes, firent plus
d'une course aveo leurs vaisseaux aans
la Méditerranée et même dans l'O-
céan (*). Genséric employa ee long re-
pos à négocier avec les barbares de
l'Europe , ennemis de Valentinien ou
de Théodose ; à contenir les Maures ,
Ses voisins , qui étaient devenus pou^
lui d'incommodes alliés , et à établir,
dans les terres c[u'il avait acquises en
vertu des traités, un gouvernement
fort et régulier. Vers 454 , il fut dis-
trait de ces soins importants par les ré-
volutions qui éclatèrent au sein même
du palais cfes empereurs d'Occident.
Aétius était, à cette époque, l'homme
le plus ilktstre de l'Empire. Sans cesse
occupé à repousser les barbares, il avait
expie, par d'éclatants services, la trahi-
son dont il s'était rendu coupable an
temps de Boniface. C'était lui enfin qui
avait vaincu Attila dans les plaines de
Châlons. Valentinien, jaloux, dit-on, de
ia gloire det;elui qui avait tant fait pour
lui et pour son empireje livra au fer d*un
assassin. Les barbares seuls devaient
Se réjouir de cette mort. On connaît la
réponse que fit à l'empereur un de
ceux dont il sollicitait l'approbation :
« J'icnore , lui dit-il , quels ont été vos
griets ; mais je sais que vous avez agi
comme utd homme qui se sert de sa
main gauche pour couper sa main
droite. » Valentinien ne survécut pas
longtemps à Aétius. Se livrant , sans
mesure et sans prudence , à tous les
excès, il essaya de déshonorer, en em-
ployant de honteux moyens et la force,
la temme du sénateur Pétronius Maxi-
mus. Cet odieux attentat ne resta pas
. impuni. Pétronius Maximus le fit assas-
siner. Pour compléter sa vengeance, il
força la veuve de Valentinien, Eu-
doxie , à l'épouser et à prendre la place
de sa femme qu'il avait perdue.
ELÉYÂTION DE MAXIMUS À L'EM-
(*) Les historiens contemporains parlent
d'une course que les Vandales auraient faite
sur les côtes occidentales de l'Espagne , vers
445.
PîhM; L^tMPliHÀTfilGB fiODOXtfi kP*
t»BLLB GENSÉBIG EN ITALIE *, PBISS
ET PILL4GE DE BOME PAB LES VAN-
DALES ET PAB LES MAUBES. — Pé-
tronius Maximus, qui appartenait à Vil-
lustre famille Anicienne, fut proclamé
empereur; mais il ne devait pas Jouir
longtemps du haut rang où la volfonté
d'un peuple et d'un sénat avilis l'avait
placé. Eudoxie ne voyait qu'avec hor*
reur le meurtrier de son ancien époux«
Pour se soustraire à une insupportable
tyrannie, et pour briser les liens d'un
mariage qu'elle n'avait contracté que
par la force, elle appela secrètement à
son aide le roi des Vandales.
Genséric saisit avidement Toccasion
qui lui était offerte de grossir ses tré-
sors , et en même temps de frapper
mortellement , par Rome et l'Italie ,
l'empire d'Occident. Il équipa de nom-
breux vaisseaux qu'il remplit de sol-
dats vandales et maures, et il se mit
eti mer. « Lorsaue Genséric débarqua
sur les bords du Tibre , dit Gibbon ,
auquel nous empruntons le beau récit
qui va suivre , les dameurs d'un peu-
ple épouvanté et furimix tirèrent Maxi-
mus de sa honteuse léthargie. La seule
ressource qui se présenta à Son esprit
abattu fut une fuite précipitée , et il
engagea les sénateurs à imiter l'exem-
ple de leur souverain. Mais Maximus
n'eut pas plutôt paru dans la rue, qu'il
fut assailli d'une grêle de pierres. Un
soldat romain ou bourguignon préten-
dit à l'honneur de le frapper le pre-
mier. Son corps déchiré fut jeté
dans le Tibre. Le peuple romain se
félicita d'avoir puni l'auteur des cala-
mités publiques; et les serviteurs
d'Eudoxie signalèrent leur zèle à la
venger. Trois jours après ce tumulte,
Genséric , suivi de ses Vandales ,
s'avança d'Ostie aux portes de Rome ;
et , au lieu d'une foule de jeunes Ro-
mains armés pour la défendre , on en
vit sortir processionnellement le véné-
rable Léon, à la tête de son clergé. La
fermeté du prélat , son éloquence et
son autorité adoucirent , pour la se-
conde fois, la férocité d'un conquérant
barbare. Le roi des Vandales promit
cl'épargner les citoyens désarmés, d'in-
2.
Digitized by VjOOQIC
iO
L'UNIVÇRS.
terdire les incendies, et d'exempter les
captifs de la torture ; et, quoique ces
ordres n'aient été ni sévèrement don-
nés, ni strictement exécutés, la média-
tion de Léon fut glorieuse pour lui et
utile à son pays. Mais Rome , avec ses
habitants, n*en fut pas moins la proie
des Maures et des Vandales ; et les
nouveaux habitants de Garthage ven-
gèrent les anciennes injures de la race
punique qu'ils avaient remplacée. Le
pillage continua durant quatorze jours
et quatorze nuits ; et Genséric fît soi-
gneusement transporter sur ses vais-
seaux les richesses publiques, celles des
particuliers, et tous les trésors sacrés.
Parmi les dépouilles, les ornements
précieux de deux temples^ ou plutôt
de deux religions, offrirent un exem-
ple mémorable de la vicissitude des
choses humaines et divines. Depuis
Tabolition du paganisme, on avait
abandonné le Capitole ; mais on res-
Sectait encore les statues des dieux et
es héros; et la magnifique voûte de
bronze doré était comme réservée aux
mains avides de Genséric. Les objets
sacrés du culte des Juifs, la table d'or,
le chandelier à sept branches , origi-
nairement construit d'après les ins-
tructions de Dieu lui-même, qui étaient
placés dans le sanctuaire de Jérusa-
lem, avaient été offerts avec ostenta-
tion en spectacle aux Romains dans le
triomphe de Titus , et déposés ensuite
dans le temple de la Paix. Après quatre
siècles, ces dépouilles furent transpor-
tées de fi ome à Garthage par un bar-
bare qui tirait son origine ues côtes de
la Baltique. Les églises chrétiennes,
ornées et enrichies par la dévotion de
ces temps , offrirent une proie abon-
dante aux mains sacrilèges ; et la pieuse
libéralité du pape Léon, qui fondit six
vases d'argent donnés par le grand
Constantin, chacun du poids de cent
livres, est une preuve de la perte qu'il
tâchait de réparer. Dans les cfuarante-
cinq ans qui s'étaient écoulés depuis
l'invasion des Goths, Rome avait pres-
2ue repris sa première magnificence. Il
tait difficile de tromper ou de rassa-
sier l'avarice d'un conquérant qui avait
le loisir d'élever les richesses de la
capitale, et des yaisseaux pour les
transf>orter. Les ornements au palais
impérial , les meubles, les vêtements,
la vaisselle, tout fut entassé sans dis-
tinction. L'or et l'argent s'élevèrent à
plusieurs milliers de talents, et les
barbares ne négligèrent cependant ni
le cuivre, ni l'airain. Eudoxie elle-
même paya chèrement son imprudence.
On la dépouilla de ses bijoux au mo-
ment où elle venait au-devant de son
libérateur et de son allié. L'impéra-
trice et ses deux filles, seuls restes de
la famille du grand Théodose , furent
forcées de suivre comme captives le
sauvage Vandale , qui mit aussitôt è
la voile , et rentra dans le port de Gar-
thage après une heureuse navigation.
Les barbares entraînèrent sur leurs
vaisseaux des milliers de Romains des
deux sexes , dont la figure ou les ta-
lents pouvaient contribuer aux plai-
sirs de leurs maîtres ; et , dans le par-
tage des captifs , les maris furent
impitoyablement séparés de leurs fem-
mes, et les pères de leiirs enfants. Us
ne trouvèrent de secours et de cx)nso-
lation que dans la charité de Déogra-
tias, évêque de Garthage. Il vendit gé-
néreusement les vases d'or et d'argent
de son église ; racheta les uns, adoucit
l'esclavage des autres, soigna les ma-
lades, et fournit aux différents besoins
d'une multitude dont la santé avait
beaucoup souffert dans le passage
d'Italie en Afrique. Le digne prélat
convertit deux vastes églises en hôpi-
taux, y plaça commodément tous les
malades, et se chargea de leur procu-
rer tous les médicaments nécessaires
à leur état. Deogratias , quoique d'un
âge très-avancé, les visitait exactement
le jour et la nuit. Son courage lui prê-
tait des forces, et sa tendre compas-,
sion ajoutait un prix inestimable à ses
services. Gomparons cette scène avec
celle qui suivit la bataille de Gannes,
et jugeons entre Annibal et le succes-
seur de saint Gyprien (*). »
PABTAGE DES DÉPOUILLES*, NOU-
TELLES CODBSES DES VANDALES ; RI-
(*) Gibbon ; Histoire de la décadence et
de ta chute de temoire romain, ch. 36.
Oigitized by VjOOQIC
AFRIQUE
91
CiMEB. — A son retour à Cartbage,
le roi Genséric, qui n'avait perdu,
dit-on , dans la traversée qu'un seul
vaisseau, celui qui portait les orne-
ments et les statues du Gapitole, s'em-
pressa de distribuer les dépouilles de
Rome aux gu^riecs de sa nation et
aux Maures qui lui avaient servi d'auxi-
liaires. Or, argent, meubles et vête-
ments précieux, objets d'art et pri-
sonniers, tout fut partagé. Suivant
d'anciens récits , le roi se réserva ,
comme part du butin, les ornements
du temple de Jérusalem, que Titus
avait transportés à Rome ; et , parmi
les prisonniers, Gaudentius, fils d'Aé-
tius, et Eudoxie avec ses deux filles.
Plus tard, en 457, Genséric renvoya à
Constantinople la veuve de Valenti-
m'en et de Maximus , avec Placidie ,
qui épousa Olybrius, aestiné à devenir
un jour empereur d'Occident. Quant à
l'autre fille d'Eudoxie (*) , elle demeura
à Cartbage, où elle devint, de gré ou
de force, la femme de Hunéric, fils
aîné du roi des Vandales.
La révolution qui avait livré Rome
à Genséric lui avait do^né en même
temps les provinces d'Afrique qui , en
vertu du traité de 442 , étaient restées
au pouvoir de Valentinien. En 455, les
Vandales joignirent au territoire qu'ils
possédaient déjà la Tripolitaine et les
'trois Mauritanies; et ils étendirent
ainsi \mr domination sur toute la côte
de la Méditerranée , depuis Gadès jus-
qu'à la Cyrénaïque. Mais cette vaste
étendue de pays ne leur suffit point en-
core; ils remontèrent sur leurs vais-
seaux , et parcoururent la mer comme
autrefois, pour attaquer et piller les
provinces d'Europe qui étaient sou-
mises à l'Empire. Ils voulaient aussi
•s'établir dans toutes les îles de la Mé-
diterranée. Ils avaient bien compris
que la possession de ces îles leur eilt
donné sur mer, et pour longtemps, une
(*) Nous suivrons, à cause de l'usage,
l'exemple de Gii)bon et de quelques autres
historiens modernes qui ytiUpeMeai Eudoxie
comme sa mère. Cependant Procope donne
des noms différenls à la veuve de Valenti-
nien et à sa fille, l'épouse de Hunéric. Il
appelle la première £06oÇ(a , et la seconde
EOÔoxCot.
domination sans rivale , et qu'elle leur
eOt préparé d'ailleurs, contre les dan-
gers de toute espèce dont ils étaient
assaillis dans leurs courses, des points
de relâche et de sûrs abris. Ils firent
de longs efforts pour compléter ainsi
leurs conquêtes. De 455 à 459, ils
s'emparèrent de Malte, et de toutes
les petites îles qui se trouvent placées
non loin des cotes de TAfriaue. Mais
ils ne furent pas si heureux dans leurs
tentatives sur la Sicile, la Corse et la
Sardaigne. L'empire d'Occident avait
alors un général qui , par son activité
et ses succès, les arrêta dans leurs en-
treprises. Ricimer détruisit une de
leurs flottes en vue de la Sicile , près
d'Agrigente ; et , la même année 456 ,
il les expulsa de la Corse, où ils avaient
essayé de s'établir.
Ricimer était barbare d'origine. Il
avait eu pour père un Suève . et pour
mère la fille de Wallia, roi des Wisi-
goths. Il- avait servi avec distinction
sous Aétius, et j^était élevé rapide-
ment dans l'armée romaine, par sa
bravoure et par ses talents. Après la
double révolution qui priva du trône
et de la vie Valentinien et Maximus, il
devint l'homme le plus puissant de
l'Empire. Il hérita en Quelque sorte,
par la mort d'Aétius, de l'influence que
cet illustre chef avait exercée pendant
tant d'années sur les soldats barbares.
Ses victoires sur les Vandales accru-
rent encore ^ puissance. Ricimer,
comme barbare, n'osait aspirer au
rang suprême; mais il voulait au
moins , a défaut du titre , se réserver
le pouvoir absolu des empereurs. Il
exerça ce pouvoir, et le fit sentir sur-
tout'à ceux <]ui étaient revêtus de la
pourpre, «t qui semblaient placés au-
dessus de lui. Ce fut , en 456 , au re-
tour de la Corse, qu'en déposant Avi-
tus, Ricimer fit le premier essai de ses
forces. L'empereur déchu n'essaya
point de reprendre le titre qu'on lui
avait enlevé; il comprit sans doute
que, même avec l'appui du roi des
Wisigoths, son protecteur, toute ré-
sistance serait vaine. Il quitta l'Italie,
et revint dans la Gaule , sa patrie , où
il mourut (456). Après la déposition
d'Avitus et un interrègne de plusieurs
Digitized by VjOOQIC
39
L'UNIVERS.
mois, Ricîmer donna son assentiment
à l'élévation de Majorien, que les vœux
des Romains avaient appelé au trône
impérial (avril 457).
l'empereur majorien ; ses pré-
paratifs POUR ATTAQUER LES VAN-
DALES EN AFRIQUE; DESTRUCTION
DE LA FLOTTE ROMAINE A GABXHA-
GÈNE ; MORT DE MAJORIEN. — LC
caractère du nouvel empereur était,
suivant Texpression de Gibbon , grand
et héroïque. Dans sa jeunesse , il s'é-
tait illustré a la guerre par des actions
d'éclat. Il arriva même, à la fin, que
sa gloire fit ombrage à Aétius. Il avait
trop de prudence pour engager la lutte
contre celui dont la puissance, en Oc-
cident, n'avait point de bornes. Il
abandonna donc les armées, et rentra
dans la vie privée. Après la mort d' Aé-
tius, il reparut à la tête des troupes
impériales. Au moment même où l es-
time de tous lui décernait le pouvoir
souverain , il venait d'arrêter, au pied
des Alpes , une nouvelle invasion des
peuples germanîqueU. Maître de l'Em-
pire , Majorien n'avait plus rien à dé-
sirer; et, comme tant d'autres, il au-
rait pu , en se cachant dans son palais,
se livrer tout entier à de faciles plai-
sirs, et se dérober désormais aux tra-
vaux et aux dangers. Son élévation
cependant n'amollit point son âme , et
il porta en temps de paix , dans l'ad-
ministration , la vigilance et l'énergie
qui l'avaient illustré au milieu des
camps. Vivement préoccupé par les
maux de l'Empire, il déploya une acti-
vité extraordinaire pour le guérir au
dedans, et pour écarter les dangers
qui , du dehors, le menaçaient de toutes
parts. C'était surtout vers l'Afrique
que Majorien portait ses regards et sa
pensée.
Les Vandales, en effet, poursuivaient
le cours de leurs pirateries et de leurs
dévastations. Leur puissance maritime
et leurs entreprises audacieuses met-
taient Rome et l'Italie dans un conti-
nuel danger. Majorien ranima le cou-
rage des Romains, rassembla des vais-
seaux; et les mesures qu'il prit alors
furent si sages et si promptes, qu9
déjà, en l'année 458, une flotte van-
dale, commandée par un parent du
roi , fut battue sur la côte de Sinuessa»
non loin de l'embouchure du Liris^
Genséric , après cet échec , se crut en
péril; et, suivant son usage, il alla
chercher, parmi ses alliés naturels, les
peuples germaniques, des ennemis aux
Romains. Il s'empressa de renouer
avec les Wisigoths; et , pour accroître
le nombre de ses auxiliaires, il s'offrit
comme médiateur dans la guerre que
ce peuple soutenait alors contre les
Suèves. Mais Majorien , sans s'inquié-
ter des ennemis que lui suscitait le roi
des Vandales, faisait, pour attaquer
l'Afrique, d'immenses préparatifs. Il
ne les ralentit point quand le roi des
Wisigoths manifesta des dispositions
hostiles ; seulement il entra en Gaule,
le prévint et le battit. Par son ordre ,
on avait préparé ou rétabli les arse-
naux de 1 Empire. On construisait une
grande flotte sur les côtes de la lii^u-
rie. Cette flotte nouvelle devait se join-
dre aux anciens vaisseaux qui station-
naient dans l'Adriatique, et se rendre,
avec eux, à Carthagène, où l'empereur
se proposait d'embarquer son armée.
Vers ce temps , suivant une vieille
tradition byzantine, Majorien, voulant
connaître les ressources de son en-
nemi , se rendit à Carthage, Il se pré-
senta à Genséric sous un faux nom ,
et comme ambassadeur. Il avait noirci
sa chevelure , qui naturellement était
blonde, et ressemblait à l'or. Gensérie
l'accueillit avec distinction ; et ,- pour
lui donner une haute idée de ses forces
et.de sa puissance, il le conduisit à
son arsenal. On dit qu'à l'approche de
ces deux illustres guerriers ^ les ar-
mes entassées s'agitèrent et rendirent
un son. Le roi des Vandales chercha
alors, mais en vain , l'explication de ce
prodige. Il n'apprit que plus tard qu'il
avait accueilli dans sa capitale , et au
sein même de son palais , le plus re-
doutable de ses ennemis. « La tradi-
tion, dit un grand historien, du voyage
de Majorien à Carthage , doit être re-
jetée comme improbable ; mais c'est
une tradition qui n'a pu être imaginée
que pour un héros. »
Quand Majorien eut achevé ses pré>-
paratifs , il partit aveo ses troupeç
pour rejoindre la flotte qu'il avait ras*
Digitized by VjOOQIC
AfWQUE,
M
•emblée à Gartbag^te. Jadis, les Car-
tbagibois avaient traversé TEspagoe
tt la Gaule pour attaquer Rorae ; en
460 , un empereur romain , par une
marche inverse, passa par la Gaule et
l'Espagne pour attaquer Garthage. La
frayeur du roi des Vandales, à rappro-
che de Majorien, fut égale à celle qu'a-
vait éprouvée autrefois le sénat de
Rome^ au temps d'Annibal. Genséric
demanda la paix ; mais Tempereur re-
jeta ses propositions. Majorien était
arrivé à Garthagène , et là il prenait
ses dernières mesures pour opérer sa
descente en Afrique. làe roi des Van?
dales, pour ralentir au moins la course
de son ennemi, et pour compromettre
sa marche dans le cas où il pénétrerait
dans ses États, livra les Maurita-
nies Tingitane et Césarienne à une
complète dévastation. Il fit combler
les sources et les fontaines ou les
empoisonna. Mais bientôt ses craintes
s'évanouirent, fi avait des émissaires
dans le camp de Majorien qui fomeh-»
talent les haines et les divisions et
poussaient les troupes à la trahison.
Des Goths, auxiliaires de FEmpire, li-
vrèrent aux Vandales la flotte romaine,
qui fut anéantie.
Majorien accepta alors la paix que
lui proposait Genséric. En proie à une
vive douleur , mais non découragé , il
vevinten Italie. Là, il rêvait sans doute
une nouvelle expédition , lorsque Ri-
cimer excita dans le camp dé Tortone,
au pied des Alpes , an soulèvement à
la suite duquel l'empereur fut déposé.
Le barbare avait compris que sous ce
règne il resterait toujours au second
rang , et que Majorien , revêtu de la
pourpre, n^aurait jamais un maître, ni
même un égal. Cinq jours après sa
déposition, l'empereur déchu périt de
mort violente. Telle fut la fin de Ma-
jorien, « le plus illustre, dit Procope^
de tous ceux qui ont régné sur les Ro-
mains. »
IBS VANDALES P0UR8U1TENT BK
OCCIDENT LE GOUBS DE LEURS Bé-
tASTATIONS ; GENSÉBIC VEUT PAIBE
UN EMPEBEUB *, BUPTUBE AVEC L'O-
RiENT.— Dès lors ^ les pirates de l' A-
fHque ne devaient plus rencontrer
d'obstacles dans la partie de la Médi-
terranée qui s'étend de l'Espagne à
l'Italie et à la Sicile. Chaque année, ai|
retour de la belle saison , Vandales et
Maures montaient sur des vaisseau]^
et allaient, d^ns les îles et sur le coa<i
tinent , pour piller et brûler, et aussi
pour amener comme esclaves , à Gar-
thage , les habitants de la côte qui no
s'étaient pas enfuis à leur approche.
Le roi prenait part à ces expéditions.
Lorsqu'il se mettait en mer, et que le
pilote, s'adressant à lui , demandait :
«Où irai-je? — Le vent, répondait-il,
a te conduira oii nous appelle la co-
«lère de Dieu. » Genséric disait aux
ambassadeurs romains qui venaient le
prier de mettre un terme aux pirate-
ries, (|tte les empereur? d'Occident
pouvaient facilement obtenir la paix
en lui restituant le patrimoine d'Eu-
doxie, épouse de son fils Hunéric , et
celui de Gaudentius ^ son prisonnier
de guerre.
Ce fut vers 463 que les Vandales se
rendirent maîtres de la Corse et de la
Sardaigne. Ils firent aussi, ppur s'em-
parer de la Sicile , des efforts multi-
pliés ; mais, sur ce point , ils échouè-
rent dans toutes leurs tentatives. En
458 , Majorien avait ^lacé dans l'île,
avec des troupes choisies , un de ses
meilleurs officiers. C'était Marcellia-
nus, qui défendit pendant six ans, avec
bravoure et succès, la province que les
chefs de l'empire lui avaient confiée*
Il n'abandonna son poste qu'en 463 ;
il voulait alors se soustraire, non point
aux attaques des Vandales , mais à la
perfidie et aux mauvais desseins d6
Ricimer. Trois ans plus tard, en 466,
la mort de Livius Sévérus , qui avait
porté, en Occident , le titre d'enfpe-
reur , vint rompre le bon accord qui
«dstait entre Genséric et la cour de
Byzance. Ricimer voulait alors laisser
vacant le trône impérial. Mais cette
nouveauté et l'audace du barbare ext
citèrent, dans tous les esprits, une
vive indignation. Ricimer céda devant
les protestations énergiques des Ro
maibs. Il donna même son assenti-
ment aux volontés du sénat, qui avait
choisi, pour succéder à Sévérus ^ An-
Digitized by VjOOQIC
u
rUNIVERS
thémîus, l'un des plus illastres géné-
raux de l'Orient. L'empereur de Cons-
tantinople, Léon, accueillit favorable-
ment la demande qui lui était adressée
de Rome. Il savait bien qu'en permet-
tant à un de ses ofQciers,de revêtir la
pourpre, il se réservait une espèce de
suprématie sur l'Occident. Tout s'ar-
rangeait donc au gré de Rome et de
Constantinople, lorsque Genséric in-
tervint et demanda qu'à la placed'An-
thémius on prît pour empereur Oly-
brius. Le mérite de l'un lui inspirait
des craintes, tandis que, en raison de
la parenté, il pouvait espérer de trou-
ver cirez l'autre un entier dévoue-
ment (*). Léon et les Romains ne tin-
rent compte ni des demandes, ni des
menaces de Genséric. I^e roi des Van-
dales, pour se venger, dirigea alors ses
vaisseaux vers l'Orient , et les pirates
de Carthage allèrent porter sur les cô-
tes de la Dalmatie, de l'Illyrie, de l'É-
pire, de toute la Grèce , des îles de la
mer Egée, et même de l'Asie, les ra-
vages qui n'avaient atteint jusqu'alors
que les provinces de l'Occident. La
cour de Byzance négocia d'abord pour
arrêter ce fléau ; mais voyant que ses
démarches n'amenaient aucun résul-
tat , elle résolut d'opposer la force à
la force, et de soutenir vigoureusement
la guerre.
GUERBE ENTRE l'EMPIBE d'OBIENT
ET LES vandales; bastlisgus ;
COMBAT NAVAL ; BUSES ET VICTOIRE
DE GEKSÉRIG ; LES FORGES DE l'EM-
PIRE d'orient sont ANÉANTIES. —
Parmi les guerriers qui suivirent An-
thémius en Italie, se trouvait Marcel-
lianus. Après son départ de la Sicile,
il s'était retiré en Dalmatie , et !à , à
l'aide des soldats qui s'étaient dévoua
à sa fortune, il se maintint à l'égard
de Rome et de Constantinople dans
une complète indépendance. Cepen-
dant , à I avènement d'Anthémius, il
s'imagina peut-être que l'influence de
Ricimer , son ennemi , était à jamais
détruite, et il s'offrit pour servir en-
(*) Placidie, femme d'Olybrius, était
sœur d'Eudoxie , qui avait épousé Hunéric,
fils aine du roi des Vandales.
core cet empire d'Occident, qu'autre-
fois il avait si glorieusement défenda.
On accueillit sans doute avec joie les
propositions de Marcellianus. On lui
confia des troupes , et , à leur tête , il
partit pour la Sardaigne , d'où il ex-
pulsa les Vandales (469).
A la même époque, les fçénéraux de
l'empire d'Orient obtenaient sur terre
et sur mer de brillants succès. L'un
d'eux , Héraclius , s>mpara , avec les
trou f tes de l'Itgypte, de toute la Tri-
politaine, et se prépara à marcher sur
Carthage. L'empereur Léon cependant
ne voulait point se borner à oes atta-
ques partielles; il avait résolu de frap-
per sur les Vandales un coup décisif, et
il faisait alors d'immenses préparatifs.
Avec les sommes qu'il tirait de Cons-
tantinople et des provinces , il équipa
une flotte de onze cent trente vais-
seaux , et leva plus de cent mille sol-
dats ou matelots. Quand il eut ras-
semblé toutes ces forces, il les confia
à Basiliscus, frère de sa femme , l'im-
pératrice Vérine, et lui ordonna de se
diriger vers la capitale du royaume de
Genséric (470). a La flotte formidable
de Basiliscus atteignit sans accident la
côte d'Afrique. Il débarqua ses trou-
pes au cap Bon, ou sur le promontoire
de Mercure, à environ quarante milles
de Carthage. L'année d'Héraclius et
la flotte de Marcellianus joignirent ou
secondèrent le général de l'empereur^
et les Vandales furent vaincus par terre
et par mer , partout où ils voulurent
s'opposer à eux. Si Basiliscus eût saisi
le moment de la consternation pour
marcher sur la capitale , Carthage se
serait nécessairement rendue , et le
royaume des Vandales était anéanti.
Genséric considéra le danger en homme
décourage, et l'éluda avec sa vieille
habileté. Il offrit respect ueusemjent de
soumettre sa personne et ses États à
la discrétion de l'empereur; mais il
demanda une trêve de cinq jours pour
stipuler les articles de sa soumission ;
et sa libéralité , si l'on peut €n croire
l'opinion universelle de ce siècle , iui
fit aisément obtenir le succès de cette
demande insidieuse. Au lieu de se re-
fuser avec fermeté aux sollicitations de
Digitized by VjOOQIC
son ennemi , le coupable ou crédule
Basiliseus consentit à cette trêve fu-
neste , et se conduisit avec aussi peu
de précaution que s'il eût été déjà le
maître de l'Afriqtie. Dans ce court in-
tervalle, les vents devinrent favorables
aux desseins de Genséric. II fit monter
sur ses plus grands vaisseaux de guerre
les plus déterminés de ses soldats ; ils
traînèrent après eux de grandes bar-
ques remplies de matières combusti-
oles, et , après y avoir mis le feu , ils
les diri<i;èrent pendant la nuit au milieu
de la flotte ennemie, sur laquelle le vent
les portait. Les Romains furent éveillés
parla vue des flammes qui consumaient
leurs vaisseaux. L'obscurité, le bruit
des vents» le craquement des bois , les
cris des matelots et des soldats qui ne
savaient ni obéir, ni commander, aug-
mentaient le désordre et la terreur des
Romains. Tandis qu'ils tâchaient de
s'éloigner des brûlots et de sauver une
partie de la flotte, les galères de Gen-
séric les assaillirent de tous côtés, et
une partie des vaisseaux sauvés dès
flammes devinrent la proie des Van-
dales. Au milieu des événements de
cette nuit désastreuse , Jean , un des
principaux officiers de Basiliseus, a su
par son courage héroïque , ou plutôt
désespéré , arracher son nom à l'ou-
bli. Lorsque le vaisseau qu'il avait
bravement défendu fut presque con-
sumé par les flammes , il refusa la pi-
tié et l'estnne de Genzon, fils de Gen-
séric ; et, se précipitant tout armé dans
la mer, il s'écria, en disparaissant sous
les vagues , « qu'il ne voulait point
« tomber vivant au pouvoir des chiens.»
Mais le méprisable Basiliseus, étranger
à ce noble courage et placé au poste le
plus éloigné de tout danger, prit hon-
teusement la fuite dès le commence-
ment du combat , retourna précipi-
tamment à Constantinople, après avoir
perdu moitié de sa flotte et ae son ar-
mée, et se réfugia dans le sanctuaire
de Sainte- Sophie, où il attendit que sa
sœur eût arraché par ses prières et ses
larmes un pardon à l'empereur indi-
gné. Héraclius fit sa retraite à travers
le désert; Marcellianus se retira en
Sicile , où il fût assassiné par Tua de
AFRIQUE. W
ses propres officiers, à Thostigation
sans doute de Ricimer , et le roi des
Vandales apprit avec surprise et sa-
tisfaction que les Romains s*empres-
saient eux-niémes de le débarrasser de
ses plus formidables adversaires. Après
le mauvais succès de cette grande ex-
pédition, Genséric reprit l'empire des
mers , et les côtes de l'Italie, de la
Grèce et de l'Asie, éprouvèrent tour
à tour les fureurs de sa vengeance et
de son avidité. La Sardai^ne et Tripoli
rentrèrent sous son obéissance , et il
joignit enfin la Sicile aux provinces
déjà soutnises à sa domination {*). »
GBNSBRIG COfCTINUB LA GUERRE ;
SES RAPPORTS AVEC LES OSTRO-
GOTHS ; SES DERNIÈRES ENTREPRI-
SES ; IL TRAITE AVEC L'BMPEREUH
ZENON ; SA MORT. — Les historiens
anciens ont pensé que l'empereur Léon
perdit sa flotte par trahison. Ils ont
accusé tout à la fois Basiliseus le
commandant , et Aspar , Goth d'ori-
gine , qui cherchait, avec son fils Ar-
daburius, à se créer à Constantinople
une puissance égale à celle que Rici-
mer exerçait en Italie. En ce qui con-
cerne Aspar, l'opinion des contempo-
rains ne parait pas dénuée de vraisem-
blance ; mais il est difficile d'admettre
la complicité de Basiliseus. Si I^on
eût soupçonné seulement ce dernier
d'aspirer , comme on l'a prétendu , au
trône impérial, il ne lui eût certes pas
accordé un entier pardon. Basiliseus,
suivant un ancien historien , était un
brave soldat ; mais son esprit était
borné et on le trompait aisément.
Léon était bien loin sans tioute de lui
attribuer le désastre gui l'avait frappé,
puisqu'il lui rendit sa confiance et le
replaça à la tête de ses troupes. Ce fut
avec les débris de la flotte d'Orient
que Basiliseus battit, en 471, les Van-
(*) Ce récit est emprunté à Procope. Gib-
bon {Hist, de la dacadence, etc.,. ch. 36) a
seulement cherché , à Tatde des documents
contemporains , à rendre plus clair et plus
précis l'historien byzantin , en ce qui con-
cerne la mort de Marcellianus. Voy. Procop.
de Bello VandaL, I, 6; éd. Dindorf. Cor^
pus script, hist, ùjrzant. , etc. ; Bonnœ ,
iS33.
Digitized by
Google
»
LUNIYERS.
date sar tes cdtçs de l'Italie, et les
cepoussa jasque dans )e port de Car-
ihage.
Aspar, il faut le croire, était le traî-
cre qui , par ses intrigues et ses mau-
fais oonseils , arait livré vaisseaux et
soldats au roî des Vandales. Léon lui
fit expier, en- le tuant , sa trahison et
les craintes que, depuis si longtemps,
il avait inspirées aux maîtres de VOt
rient par ses hauteurs et son inomençe
crédit. La mort d* Aspar fut encore
pour Genséric un événement heureux,
car elle fit naître une guerre et amena,
jusque sous les murs de Constant! no-
pie , de redoutables ennemis (472).
Parmi eux se trouvait le puissant roi
des Ostrogoths , Théodéric. La eapi-r
taie fut sauvée ; mais jes barbares ne
voulurent point encore poser les ar-
mes. Tandis que le roi des Vandales,
qui avait contracté alliance avee les
Oîtrogotbs , pressait Théodéric de
renverser Léon , il faisait ses courses
accoutumées, et dévastait au midi les
provinces de J'empfre. Il essaya même
d'attaquer rÉgypte et de prendre
Alexandrie. Cette fois, il échoua dans
son entreprise (478). La rhort de Léon,
en 474, suspendit, pour un instant,
les hostillté8(*). Genséric vit enfin ton4«
ber l'empire d'Occident. Il l'avait coin>
battu , épuisé , amoindri , sans relâche,
pendant un demi - siècle ; et , en 476 ,
il put se glorifier de ce que nul , parmi
les chefs barbares, sans excepter Ala*
rie et Attila , n'avait fait autant que
lui pour efl^cer du monde le nom et
la puissance de Rome. Restait l'empire
d'Orient , contre lequel il se tourna.
L'année même où )a royauté d'Odoac're
succédait, en Italie, à l'ancien gouver-
nement romain , Genséric dirigea ses
pirates vers les côtes de l'Épire. L'em-
pereur de Constantinople , Zenon , lui
envoya alors un de ses officiers, Sévé-
rus , pour demander la paix. Le vieux
roi ne rejeta point les propositions de
(*) Nous ayons déjà dit plus haut qu^au
moment où Théodéric , roi des Ostrogoths^
traita avec les empereurs de Constantiao-
fdè , fl Rengagea à eombaitre tous tes en-
nemis de l'empire, les Fandales excepiés.
l'ambassadeur» Il se fit recomiaStrB i^
Zenon comme légitime possesseur de
toute la côte septentrionale de l'Afri-
que , depuis la Cyrénaïque jusqu'à la
mer Atlantique , des îles Baléares , d#
la Corse, de la Sardaigne et de la Sir
cile. £n retour, il promit de traiter à
l'amiable pour la dot si longtemps ré-
clamée de l'épouse de son fils Huné-
ric, et aussi pour des contestations
qui s'étaient récemment élevées entre
les marchands grecs et ceux de Car-
thag^. Il fit plus: par estime pour Ze-
non et pour Sévérus, l'am^ssadeur, i|
cessa de persécuter les catholiques, et
leur permit d'ouvrir leurs églises et
de rappeler leurs évoques exilés. Enfin,
il rendit la liberté à tous les sujets d^
Zenon, qui, par la piraterie ou la
guerre , étaient tombés aux mains dos
Vandales, et qiii^ hii étant échus en
partage, vivaient comme esclaves dans
ses domaines. Après ce traité , qui lé^
gitimait ses anciennes et ces nouvdle«
conquêtes aii9 y0Ux du seul monarque
qui eût le droit de les lui contester^ il
n'avait plus rien à désiror. Ce fut le
dernier succès d'un règne qui , depuis
cinquante ans, n'avait pas cessé d'être
heureux. Au mois de janvier de Tannée
477, Genséric atteignit le t^me de a»
glorieuse vie.
OOUTBKNEMBHT BB GBN8BBIC. —
Pendant la longue période de l'histoire
des Vandales que nous venons de par*
courir, les pirateries et les guerres
n'avaient point absorbé toute l'activité
de Genséric* Ce chef, qui eut toujours
les armes à la main , porta souvent ,
néanmoins, son 'attention et ses soias
vers les provinces qui étaient tombées
en sa possessiout II s'appliqua cons-
tamment , en régularisant , si je puis
me servir de cette expression , sa con-
quête, à rendre forte ^ permanente
sa domination , qui , dans le principe,
avait été uniquement l'oeuvre de la
force. Il réussit. ïfous ne connaissons
pas tous les moyens qu'il emplojra
pour arriver à son but ; mais, au moins,
les résultats de son long règne attestent
son extrême vigilance et sa grande sa-
gesse. Nous parlerons ailleurs et lon-
guement de la forme du gouverne*
Digitized by VjOOQIC
AIRIQin!.
meatefaes les Vandales, des institutions
politiques, des rapports des vainqueurs
aveo tes vaincus, des alliances avee
les Maures, ete. ; ici , nous nous bor-
nerons à rappeler, en peu de mots, les
faits qui concernent Thistoire inté«
rieure de l'Afrique, au temps de Geo-
série.
Depuis la sortie de l'Espagne jus*
qu'à la prise de Carthage, la nation
vandale n'est qu'une horde Inquiète,
errante , qui n'a point d'autre patrie
^ue la terre enclose par des fossés où
elle place son camp; d'autres mœurs
^e celles que font la guerre et des
combats sans cesse renouvelés; d'au-
tre gouvernement que la discipline des
armées. Il suffisait alors , à celui qui
drriseait les mouvements de cette
horde, d'avoir assez de bravoure et
d'énergie pour la sauver des attaoues
de l'ennemi, et pour maintenir, dans
dette foule coniposée, comme nous
l'avons dit, de tant d'éléments divers,
Fobéissanee et l'apparence de l'unité.
Après la prise de Carthage , les Van-
dales, les Alains et les autres barbares
nui s'étaient associés à leur fortune,
nirent mis en possession de terres et
de demeures qu'ils ne devaient plus
quitter. La vie du camp et des aveni^
tores cessa pour eux. Ils se dissémi-
nèrent dans une vaste et fertile pro-
vince, la Proconsulaire, qu'ils ne
pillèrent point comme les lieux où ils
ne faisaient que passer, mais qu'ils ex-
Floitèrent dans oes vues d'avenir, sans
épuiser. Leurs mœurs changèrent.
La nation , ainsi transformée , ne pou-
vait plus être régie seulement à l'aide
de ces tnesures simples et énergiques
oui assurent l'ordre dans les armées;
il lui fallait un gouvernement plus sa-
vant et plus compliqué , et un chef qui
ne fût pas exclusivement un homme
de guerre. Tous les faits que nous
avons déjà signalés semblent attester
que les vues et les talents de Gensérie
6'étendirent avec ses succès. II se
montra aussi habile à gouverner un
peuple sédentaire qu-à diriger les mou-
vements irréguliers d'une tribu no*
made.
D'abord^ fl partagea, il faut le croire,
au gré de ses compagnons d'armes,
la terre conquise. Puis, chtse bien
plus difficile encore , il mit les vain-
queurs et les anciens possesseurs d^
sol de la Proconsulaire , qui , pour la
{)lupart, comme nous le dirons ail-
eurs, étaient devenus de simples fer-
miers, dans des relations telles, que las
Vandales eurent intérêt à effacer peu
à peu tous les souvenirs de leur con-
quête , ht à faire oublier aux Komains,
f>ar des ménagements de toute espèce,
es rigueurs de l'expropriation. Gensé-
rie n'étendit point seulement ses soins
à la province qu'il avait divisée entre
ses guerriers, mais encore aux autr^
parties de l'Airique où la terre n'avait
point cessé d'appartenir aux Romains.
En dehors de la Proconsulaire ou Zeur
gitane , jusqu'à l'extrême frontière de
sonempure, desgarnisons maintenaient
les habitants dans l'obéissance , et as-
suraient la rentrée des impôts. Pour
s'étendre si loin , la surveillance de
Gensérie ne fut pas moins active que
gar le passé. Ce mt ainsi qu'il contint
arbares et Komains, d'une main ferme
et sâre, et qu'il conserva jusqu'à la
fin, sur ses anciens et nouveaux sujets,
un pouvoir absolu. Des récits contem-
porains nous apprennent que plus
d'une fois , avant et après la prise de
Carthage, les soldats barbares conspi-
rèrent contre l'autorité et la vie de
leur chef; mais nous savons aussi qu'il
arrêta toutes les conspirations par de
sanglantes exécutions. !Nul en Afrique,
pendant son règne d'uq demi - siècle ,
ne se révolta impunément.
Gensérie, on le voit, eut à surmon-
ter de graves et d'innombrables diffi-
cultés. Toutefois, il faut dire qu'il fut
secondé dans son gouvernement par
deux choses : d'une part , par les hé-
résies qui avaient pns racine en Afri-
que , et , d'autre part , par les odieux
souvenirs qu'avaient laissés dans tous
les esprits les excès de l'administration
impériale. D'abord les donatistes et les
ariens, jadis persécutés, devinrent pour
lui, en haine des empereurs, teuts
ennemis, de fidèles et puissants auxi-
liaires; ensuite il rencontra , même au
sein de la population catholique, des
Digitized by VjOOQIC
28
LtTNlVÈRS.
hommes qù\ facceptèrent avec joie,
préférant, comme on Tavait déjà vu
tant de fois, dans ce siècle de calami-
tés, la domination des bar})ares à Tad-
mintstration oppressive des Romains.
Le fisc impérial avait exercé sur l'A-
frique sa désastreuse influence. Il Pavait
ruinée, épuisée. Les habitants, en proie
depuis SI longtemps à d'intolérables
souffrances , virent dans les Vandales
des libérateurs ; et, en réalité/ils trou-
vèrent, sous le gouvernement de Gen-
sérlc, un soulagement à leurs maux.
Enfin , le roi des Vandales se mon-
tra fort et habile dans ses relations
avec les Maures. Pour tourner à son
profit et à l'avantage de ses États l'ar-
deur de cette nation avide et remuante,
il l'associa à toutes ses entreprises. Il
plaça des Maures dans les rangs de
ses soldats, sur ses vaisseaux et dans
ses garnisons. Il payait leurs services,
et, de plus, il les excitait aux pirate-
ries , en leur faisant , au retour de
chacfue expédition, une part dans le
butin. Ce fut ainsi qu'il préserva la
partie méridionale de son royaume de
continuelles invasions , et qu'il s'aida
pour l'accomplissement de ses des-
seins et pour ses agrandissements,
même de ceux que des circonstances
fortuites et une haine commune contre
les Romains avaient rendus momen-
tanément ses alliés, mais qui , par leur
position, leurs moeurs et leurs besoins,
devaient être ses plus implacables en-
nemis.
ÉTENDUE DES POSSESSIONS DES
VANDALES SOUS LE BÈGNE DE GEN-
sÉKic — Le territoire sur lequel Gen-
séric régnait, et qu'il maintint pendant
tant d'années dans une complète dé-
pendance, occupait presque toute la
côte septentrionale de l'Afrique. Nous
avons dit qu'en l'année 442, après son
établissement définitif, le roi des Van-
dales avait consenti à ne garder de ses
conquêtes que la Proconsulaire ou
Zeugitane, la Byzacène, et une faible
portion de la Numidie. Après la mort
de Valentinien et la prise de Rome
(455), il occupa, pour ne plus s'en
dessaisir, les trois Mauritanies , toute
la Numidie, et, a l'orient, la Tripoli-
taine. Zenon sanctionna, par son traité
avec le roi des Vandales (476), ces
usurpations successives des provinces
qui avaient appartenu autrefois aux
empereurs romaine. Il reconnut en
outre Genséric comme légitime pos-
sesseur des Baléares , de la Corse , de
la Sardai^ne, de Malte et des petites
Iles avoisinantes , et, enfin, de la
Sicile.
Quand Genséric mourut, son auto-
rité était reconnue en Afrique , depuis
l'Atlantique -et Ceuta jusqu'à Fembou-
chure du Cinyps, et peut-être même,
à l'est de ce fleuve, jusqu'à la fron-
tière de l'ancien empire carthaginois y
c'est-à-dire, jusqu'aux autels des Phi-
lènes. Sans doute, en certains lieux,
dans les trois Mauritanies, par exem-
ple, et dans la Tripolitaine, la domi-
nation des Vandales ne s'étendit pas
au loin dans les terres; souvent même
elle ne se fit sentir qu'aux villes de la
côte. Toutefois, il faut dire que, par
la nature de ses relations avec les
Maures, Genséric mit ses frontières
du sud à l'abri des attaques et des in-
vasions ; et , sous ce rapport , sa puis-
sance en Afrique fut plus forte et plus
étendue que celle des empereurs ro-
mains qu il avait remplacés (*).
PORTRAIT t)E GENSÉRIC. — L'cn-
semble des événemepts que nous avons
racontés jette une vive lumière sur le
caractère et les grandes qualités du roi
Genséric. Toutefois, nous n'aurions
encore de ce chef, l'un des plus il-
lustres parmi les barbares (**) , qu*tine
idée bien incomplète , si nous ne ra{>-
prochions de nos jugements le témoi-
gnage et les impressions des siècles
passés.
Suivant Orose, les Vandales étaient
de leur nature « avides de gain, sans
foi , et amis de la ruse (***). » On a vu ,
dans les pages qui précèdent, que
Genséric ne démentait point son ori-
gine. Il avait aussi la bravoure com-
mune à tous les barbares ; et, de plus,
(*) Voyez Papencordl, L iit, chap; x,
p. 174 et suiv. ; et Marcus, p. si85 et suit.
(**) Procop. ; de Bello goth., m, 1.
(***) Gros., VII, 38.
Digitized by VjOOQIC
il se distinguait par la promptitude
avec laquelle il prenait et exécutait
ses résolutions. Les Byzantins, tant de
fois trompés et vaincus , disaient de
lui a que ses ennemis n*avaieYit pas en-
core eu le temps de réfléchir et de
prendre leurs mesures, que déjà il les
avait frappés (*). » Il s'affranchit , et
c^est là sans doute une chose singu<
lière chez un barbare victorieux, de
toutes les passions qui auraient pu
gêner ses desseins et arrêter ses en*
treprises. Il ne s'amollit point au sein
du luxe et des plaisirs qu'offrait, à
Carthage, la vieille civilisation ro-
maine. Il subordonna, ce qui était
bien rare de son temps, ses crovances
religieuses à ce que nous appellerions
aujourd'hui ses vues et ses intérêts po-
litiques. Genséric , s'il faut en croire
d'anciennes traditions, avait été ca-
tholique dans sa jeunesse {**). Plus
tard , par ambition et pour régner plus
sûrement sur une nation qui avait
adopté presaue tout entière l'arianisme,
il changea de croyances. On sait qu'en
Afrique , il se fit le persécuteur de
ceux qui avaient été autrefois ses co-
religionnnires. Mais il cessa de se
montrer sévère à leur égard , le jour
où il ne vit plus en eux des ennemis
politiques. Après la chute de l'empire
d'Occident et la ruine de la puissance
maritime des Byzantins, les catholi-
ques ayant perdu tout espoir de se-
cours, et ne lui inspirant dès lors au-
cune crainte, il leur permit d'ouvrir
leurs églises , et les toléra. Jornandès
a tracé en quelques mots le portrait
de Genséric. « Il était , dit - il , d'une
taille moyenne, et, par suite d'une
chute de cheval , il boitait. Il méditait
beaucoup , parlait peu , et ne s'aban-
donnait point aux plaisirs. Il était
irascible et avide de richesses. Il se
montra prévoyant dans ses alliances,
et toujours habile à exciter entre les
dffférents peuples la discorde et les
haines (***). »
Celui-là seul qui possédait tant de
(*) Malcïâ HîsCor,^ p. 95, éd. Paris..
(••) Idatii Chron.y^. aa.
(***) Jornand.; De reb, get, 53.
AFRIQUE. 29.
qualités pouvait accomplir et affermir^
avec cinquante mille soldats au plus ,
appartenant à plusieurs races et a plu-
sieurs nations, la conquête de toute ^
l'Afrique septentrionale. La grandeur
des Vandales fut donc exclusivement
l'œuvre de Genséric. Elle avait com-
mencé avec lui ; mais aussi elle ne de-
vait point lui survivre. Dès les pre-
miers jours d'un nouveau règne devait
se manifester la décadence de la nation.
AVENEMENT DE HUNBBIG ; SES
BAPPOBTS AVEC L'eMPIBE d'OBIENT;
PBEMIEBS SYMPTÔMES DE DÉCA-
DENCE CHEZ LES VANDA.I4ES (*). —
Après la mort de Genséric (477), Hu-
néric ^ son fils atné , lui succéda.^ Il
était a peine en possession du" trône
que de graves dissentiments éclatèrent
entre lui et l'empereur d'Orient. Des
réclamations relatives à des actes de
piraterie avaient fait naître des diffi-
cultés que rendait plus grandes en-
core l'ancienne obstination de la cour
de Byzance à ne point payer la dot de
la reine Ëudoxie. L'empereur, en effet,
retenait toujours les biens de l'épouse
de Hunéric. Le roi Genséric n'avait
pu les obtenir malgré ses vives ins-
tances , et son successeur n'avait pas
été plus heureux que lui dans ses pre-
mières demandes. Cependant , Zénoa
consentit enfin à négocier. Il envoya
pour terminer cette affaire , et peut-
être par esprit de conciliation, un
homme dont le choix devait plaire au ,
roi des Vandales (478). C'était^Alexan-
dre, principal officier de la maison de
Placidie , sœur d'Eudoxie. Le négocia-
teur se conduisit sans doute avec une
grande habileté, car Hunéric le fit
suivre à Gonstantinople par des am-
bassadeurs chargés de porter à Zenon
des paroles de paix et d'amitié (479).
Le roi des Vandales leva lui - même
(*) Pour toute la période de Thistoire des
Vandales qui s^étend de la mort de Gensé-
ric à la déposition de Hildéric, nous avons
fait souvent usage de l'ouvrage de M. Papen*
COi*dl (GeschiclUe der 'vandalisclien Herrs-
ckafl in Africa^ p. X09 et suiv.) et aussi
d'un excellent travail qui nous a été com-.
m unique par un jeune savant , M. Maiimi-
lien Veydt.
Digitized by VjOOQIC
M
i;uïttVBAs.
UmB les oiKtaeles qut s^ôp]^osaient à
une sincère réconciliation : il renonça
à la dot d'Eudoxie; il cessa de récla-
mer un« indemnité pour les marchands
ée Carthage, oui avaient été pillés ; il
abandonna ennn toutes les prétentions
qoe Genséric , son père , avait fait va-
loir sur l'Empire. Les Grecs pénétrè-
rent aisément dans les motifs de ces
largeâ concessions; ils surent que Ha*
néric n'était pas moins avide qu'éux-
mlmesd'éviteruneruptureetla guerre.
Voici quelles furent alors leurs im*
pressions :
«Les ambassadeurs qui revinrent
avec Alexandre, dit le Byzantin Mal-
chus , déclarèrent que leur roi Hunéric
désirait, sans feinte, devenir l'ami de
l'empereur Zenon; qu'il aimait les
Romains, et qu'il renonçait à ses ré-
clamations de rentes et des autres biens
que Léon avait retenus à sa femme ;
qu'il ne sei*àit même plus question des
biens qu'on avait enlevés, dans la der-
nière guerre, à des marchands de Car-
thage , ni de tout ce qui avait fait é|e*
▼er à son père des plaintes contre les
Romains; que Hunéric voulait conclure
une paix durable avec eux , et ne pas
môme laisser subsister dans leur esprit
le soupçon qu'il pourrait un jour ne
f^ obse'rver fidèlement les traités à
Wfrtervenir et les arrangements déjà
faits; qu'il avait de grandes obliga-
^ons à l'empereur de ce qu'il témoi-
gnait tant de respect à Placidie, femme
d'Olybrius; qu'aussi était-il prêt à con-
sentir à tout ce que Zenon lui deman-
derait. Ce n'était pourtant que l'exorde
d'une harangue décente, que tout cela;
la vérité est que les Vandales furent
alors fortement soupçonnés d'avoir
▼oulu faire la guerre à l'Empire ; mais
ils s'étaient tellement amolliâ depuis
ta mort de Genséric, qu'ils ne por-
taient plus la même vigueur que jadis
aux afiaires. Ils n'entretenaient même
plus ces -armées et ces ûottes que Gen-
séric avait toujours prêtes dans les
ports de mer, et avec lesquelles il dé-
jouait les projets de ses ennemis,
avant même qu'ils fussent définitive-
ment arrêtés. *
En effet , à partir de cettcbépoque ,
les Vandales, [idur jouir plus complè-
tement de la paix , renoncèrent à leurs
courses maritimes. Ils se jetèrent, avec
une espèce d'ivresse, dans tous les
plaisirs et dans toutes les débauches
qui avaient tant affaibli ces Romains
qu'ils méprisaient et qu^ils avaient dé-
possédés. L'esprit militaire s'éteignit
chez eux , et les forces de la nation dé-
clinèrent rapidement. Mais ce change-
ment dans les habitudes et les moeurs
devait avoir de prompts résultats. Les
Maures, que la main puissante de Gen-
séric avait à peine contenus, se levèrent
en armes sous Hunéric, et ils com-
mencèrent dès l^s une guerre sans
fin contre les Vandales dégénérés.
GUEKBES ENTRE LES VANDALES
ET LES MAURES ; CARACTÈRE DE CES
GUERRES. — Nous n'essayefons point
ici de raconter, dans les moindres dé-
tails, tous les incidents de ces longues
guerres. Nous nous bornerons à repro-
duire une page oii, suivant nous,
M. Marcus a parfaitement saisi et rendu
le caractère général de la lutte que
les Vandales eurent à soutenir contre
les Maures, leurs agresseurs. «Les
événements auxquels ce combat des
deux nations donna lieu, dit-il, ne
nous sont guère connus ; il est néan-
moins facile d'en déterminer le carac-
tère , et de dire quel en fut le résul-
tat. C'était une suite continuelle de
petites guerres de partisans dont les
côtes de la Tripolitaine, les parties
basses de la Byzacène , les montagnes
d'Aurès, et le haut plateau bordé , au
sud, par ces dernières; au nord, par
le petit Atlas; à l'est, par le Bagradas
ou Megerda , et , à l'ouest , par le lac
Chott et par le cours supérieur de TA-
jebbi , furent le principal théâtre. Les
Maures étaient d'ordinaire les agres-
seurs dans ces guerres; et ils les en-
treprirent dans les premiers temps
pour devenir maîtres absolus des
chaînes de montagnes et des plateaux
ou vallées qu'elles renferment ; et, plus
tard, pour s'enrichir par le pillage aux
frais des habitants romains de la e^te
et des parties peu élevées de l^n-
térieur du pays. Les Vandales devaient
s'opposer aux projets des Maures*
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
m
st^ôB, îiâ usinaient de voir bientôt
leva empire réduit aux limites de la
Proconsulaire, où ils demeuraient
presque tous. Mais, dans leur lutte
contre les Maures, tous les avantages
étaient du côté de ces derniers. Agres-
seurs, ils purent faire porter leurs at-
taques sur plusieurs points de Tem*
pire vandale à la fois, ou sur ceux qui
leur offraient pour le moment le plus
de chances de succès. Les Vandalel
avaient peu de troupes statîonnaires
dans les provinces du prince; mais
c'est là précisément que se vidait la
querelle des deux nations ; et les con-
quérants germains de TAfirique n'au-
raient pas voulu gue les habitants ro-
mains de ces provinces se chargeassent
de leur défense. Si les Vandales appro^
chaient avee des forces trop grandes,
les Maures se retiraient dans des lieux
déserts ou défendus par de hautes
montagnes, sauf à revenir dès que
l'ennemi serait parti , ou à envahir le
territoire vandale à une longue dis-
tance de Pendroit où le parti adverse
avait momentanément pour lui la su*
périorité da nombre. Mais les Maureà
étaient d'ordinaire plus nombreux que
les Vandales, et la tactique militaire
de ceux de l'Est les fit sortir victorieux
de tous les combats qu'ih livrèrent aux
guerriers tudesques. Quant aux Maurejs
de l'Ouest, ils se battaient aussi bien à
dieval que les Vandales, et leurs fan-
tassins valaient probablement mieux
3ue l'infanterie de ces derniers. La
èche et le dard des Numides et des
Mauritains les mettaient à niéme de
faire çlus de mal aux Vandales, que
oeux-ci ne purent leur en faire avec
leurs larges épées et leurs longues lan-
ees, les Maures odeidentaux ayant
l'habitude de disparaître comme l'é-
elair da champ de bataille quand ife
voyaient de loin l'ennemi fondre suie
eux, et de se jeter sur lui à leur touir
au moment où il s'y attendait le moins.
Il n'est donc pas étonnant que dans
les parties occidentales de l'empire
vandale, les Maures soient parvenus
peu à peu, non-seulement à se rendre
mattres de toute la Mauritanie césa-
rienne et deoellede Sitifis, à l'exception
de Gésarée et de quelques autres tiifek
maritimes, mais à expulser en outfè
les Vandales de toute la partie de ta
Numidie qui est située au sud du petit
Atlas. Plus à Test, les Maures ae Ifc
Tripolitaine et de la Byzacène étendis
rent leurs ravages, déjà sous le règne
de Trasamund, jusqu'à Ruspe et au
delà. Du temps de Hunérie, les Maures
ne purent détacher de l'empire vandale
que les montagnes d'Aurès et quelques
districts situés sur la route de Land^
bèse à Sitifis. Mais sous les rois pos-
térieurs, leurs conquêtes s'agrandirent
d'autant plus rapidement que les Van^
dates s'amollirent davantage; et, dans
les dernières années de la domination
de ce peuple sermain en Afrique, les
habitants d'Adrumète, ville située non
loin de la Proconsulaire, se virent obli-
gés de fermer les ouvertures jui étaient
à leurs maisons, et de les joindre les
unes aux autres, pour se défendre tant
bien que mal contre les irruptioùs su-
bites des Maures (*). »
Tentatives bi HunISbic poùH
G&ANGER l'OBB&II 1$% SUGGBSSIOIV
AU TRÔNE ; SES PERSÉCUTIONS CON-
TRE SA PROPÀE FAMILLE BT CONTRE
LES GRANDS DU ROYAUME. — H Sem-
ble que pendant la durée de son règne,
Hunérie n'ait voulu manifester son
autorité et sa puissance que contre ses
parents et contre ses propres sujets.
Sans tenir compte des nombreux dan-
gers qui du dehors menaçaient les
Vandales, il se plut à porter le désordre
dans l'intérieur de son royaume, et à
diminuer ses propres forces par un
gouvernement tyrannique et par de
sanglantes persécutions. Une cnose le
préoccupa avant tout, ce fut de chan-
ger l'ordre que Genséric avait établi
pour la succession au trône. Le con-
quérant de l'Afrique avait voulu que
la royauté appartînt, en cas de mort,
non point suivant les lois ordinaires
au fils du roi défunt, mais au membre
le plus âgé de la famille royale. Il faut
ajouter, toutefois, que les fils du roi
défunt étaient appelés aussi à succéder,
(*) M. Marcus; Histoire des Fandates^^
etc. 9 p. 3ii et suiv.
Digitized by
Google
«91
UUNIVERS.
pourvu qu'ils remi^issent cette condi-
tion d'âge que Gen série, par crainte
des minorités et aussi peut-être pour
légitimer sa propre élévation, avait
posée dans son testament. Hunéric,
pour favoriser ses enfants» voulut
violer Tordre établi. Pour parvenir à
son but, il se fit le persécuteur des
autres membres de sa famille. Parmi
ceux-ci , il craignait surtout la femme
rusée et habile qu'avait épousée son
frère Théodéric. Il Taccusa d'un crime
imaginaire et la fit décapiter. Le fils
aine de Théodéric, jeune prince versé
dans les belles-lettres, partagea le sort
de sa mère; puis un autre fils encore
en bas âge et deux filles furent aban-
donnés à la fureur des animaux sau-
vages; enfin Théodéric et Genzon,
frères du roi, et Godagis, un de ses
neveux, furent condamnés à Fexil. On
ne laissa auprès d'eux aucun de ceux
qui auraient pu les aider ou les con-
soler; on leur enleva même leurs ser-
viteurs et leurs esclaves. Les comtes
et les autres nobles soupçonnés d'être
les partisans des opprimes furent étran-
glés.
Hunéric, qui frappait avec tant de
rigueur ses irères et ses neveux, ne
devait point, sans doute, se montrer
scrupuleux et modéré à l'égard de ceux
[ui ne lui étaient pas unis par les liens
lu sang. Sans mémoire pour les ser-
vices passés, sans respect pour les
choses les plus saintes, il enveloppa
également dans ses sanglantes persé-
cutions et les vieux compagnons de
son père , et les ministres de sa reli-
gion. D'abord il fit trancher la tête à
Heldic, que Genséric avait nommé
chancelier du royaume. Il fit saisir
aussi la femme de Heldic , Teucarie ,
et la condamna au feu. Après l'exécu-
tion , les restes des deux époux furent
traînés, durant un jour entier, sur
toutes les places et dans les rues de
Carthage. Le frère de ces infortunés ,
Camut , parvint à se soustraire au der-
nier supplice en se réfugiant dans un
temple. Il fut arrêté néanmoins, et il
ne put échapper à la torture; on le
jeta d'abord dans une fosse immonde,
d'oii il ne fut tiré que pour travailler
l
à la terre comme esclave; La colère
du roi ne fut pas encore apaisée par
tant de rigoureux châtiments : chaque
mois , Camut était frappé de verges ;
on mesurait l'eau qu'il buvait, et le
pain qu'on lui donnait était à peine
suffisant pour prolonger son exis-
tence.
Dès les premières exécutions, l'é-
vêque arien de Carthage , Jocundus ,
avait essayé de porter au roi des pa-
roles de pitié et de clémence. La pa-
cifique et généreuse intervention du
prélat fut mal récompensée : Hunéric
irrité fit brûler Jocundus en présence
de tout le peuple assemblé. Les catho-
liques virent peut-être avec joie cette
fin tragique d'un évêque arien , mais
le temps n'était pas éloigné où devait
fondre sur eux une terrible persécu-
tion.
INTERVENTION DE HUNERIC DANS
LES AFFAIRES RELIGIEUSES; LES MA-
NICHÉENS ET LES CATHOLIQUES. —
Dans les premiers temps qui suivirent
son avènement, Hunéric se montra
plus tolérant que son père envers les
catholiques de son royaume. Il acca-
bla d'abord de ses rigueurs les mani-
chéens. Il ménageait alors les catho-
liques pour les lier en quelque sorte
à ses projets. Il espérait sans doute
qu'à l'aide de cette modération affec-
tée , il les gagnerait à sa cause et à
celle du fils qu'au mépris des lois il
voulait placer sur le trône. Quand il
s'aperçut qu'il ne pouvait réussir par
la douceur, il eut recours à la sévé-
rité et aux violences : il priva tous les
catholiques de leurs emplois ; il pour-
suivit même les officiers de sa cour
qui refusèrent d'embrasser l'arianisme;
et, après les avoir dépouillés de leurs
biens , il les fit déporter en Sardaigoe.
Il était naturel que la persécution
frappât surtout les prêtres et les évé-
aues. Hunéric ne se contenta point
ae leur ôter leurs biens ; dans la pre-
mière moitié de l'année 483 , il en jeta
près de cinq mille dans les déserts de
l'Afrique , et les livra ainsi , sans dé-
fense, aux attaques et aux mauvais
traitements des Maures. Néanmoins ,
malgré sa toute-puissance , le roi sen-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
31
tit le besoin de donner à ces actes,
d'une odieuse tyrannie, les apparences
de la légalité. A cet effet , le 19 mai
483 , il publia un édit qu'il fit lire , le
jour de TAscension , dans toutes les
églises de son royaume. Par cet édit ,
il ordonnait aux évéques ariens et ca-
tholiques de se réunir à Carthage le
premier jour de février de Tannée sui-
vante 484, pour discuter librement,
disait-il, sur les points qui séparaient
les deux églises.
CONCILE DB Ci.BTHAGB; ÉDIT DU
BOI HUI9ÉBIG CONTBE LES Gi.TH0LI-
QUES. — Tous les évéques de l'Afri-
que s'étant rendus à Carthage, au
temps indiqué , les conférences com-
mencèrent; mais la discussion fut
loin d'amener entre les deux partis un
rapprochement et des concessions ; les
catholiques demeurèrent inébranlables
dans leur foi. Les ariens qui avaient
prévu, sans doute, ce résultat, sai-
sirent avidement l'occasion qui leur
était offerte de frapper leurs ennemis,
et Hunéric publia 1 édit survant (*) :
« Nous , Hunéric, roi des Vandales
et des Alains, mandons les choses
gui suivent à tous les peuples soumis
à notre domination.
« C'est un des attributs de la ma-
(*) Nous ne devons point faire un récit
détaillé des persécutions auxquelles furent
exposés les catholiques sous ta domination
des Yandales. Tout ce qui tient à Torigine,
aux progrès et aux luttes du christianisme
en Afrique , trouvera place dans une autre
partie de ce volume. Toutefois , nous som-
mes forcés de donner ici , dans son entier,
redit promulgué par le roi Hunéric, en
raiinée 484. D'abord, cet édit contient plu-
' sieurs faits importants que nous ne pouvions
passer sous silence, le concile de Carthage «
par exemple; ensuite, il offre, quoiqu'en
abrégé , un tableau complet des triomphes
et des revers qui ont marqué les diverses
périodes de la guerre que le catholicisme
eut à soutenir en Afrique contre les héré-
sies. Nous nous dispensons , en outre , par
la simple traduction de ce document , d'en»
trer dans de longs développements. Il suffira
de lire l'édit de 484 poiu* connaître la cause
et la nature de la grande persécution qui a
signalé le règne de Hunéric.
jesté royale de faire retomber le mal
sur ceux qui ont voulu le mal. Le
niéchant ne doit s'en prendre qu'à lui-
même si le châtiment est le résultat
de ses mauvaises intentions. En cela,
notre clémence suit la marche de la
justice divine, qui répand, par une
équitable compensation , le bien et le
mal sur chaque homme, suivant qu'il
a mérité ou démérité. Cesl pourquoi
nous prenons aujourd'hui des mesures
sévères contre les provocateurs qui
ont cru pouvoir enfreindre les édits
de notre père de glorieuse mémoire et
nos propres édits. Nous avons déjà
fait savoir par nos ordonnances, à tous
les peuples qui nous obéissent, que
nous nous opposions aux assemblées
convoquées par les prêtres catholiques
dans les terres échues en partage aux
Vandales, et à la célébration de leurs
mystères impies. Voyant que les ca-
tholiques ne tenaient point compte de
nos injonctions, et ayant été informés
d'ailleurs que plusieurs se vantaient
d'être seuls en possession de la vraie
doctrine, nous leur avons mandé, en
leur fixant un délai de neuf mois , de
venir sans crainte à Carthage pour une
assemblée qui devait avoir lieu aux
calendes de février de la huitième
année de notre règne. Notre intention
était d'examiner, dans cette nouvelle
conférence, si l'on pouvait se rappro-
cher de leurs doctrines. Lorsqu'ils se
furent rendus de toutes parts à Car-
thage pour l'époque désignée, nous
leur accordâmes encore un délai de
quelques jours. Au moment oîi les ca-
tholiques se montrèrent disposés à
conférer, nos vénérables évéques les
invitèrent à prouver nettement, à l'aide
des divines Ecritures, ainsi que cela
avait été réglé à l'avance, leur dog-
me de la consubstantialité du Père,
du Fils et du Saint-Esprit, ou bien à
rejeter ce que les innombrables prélats,
rassemblés de toutes les parties du
monde, dans les deux conciles de Ri-
mini et de Séleucie, avaient précé-
demment condamné. Mais loin de se
prêter à ce qu'on leur demandait, ils
poussèrent le peuple à la ^édition. Ils
firent plus : lorsque nous leur enjoi*
8* Livraison. (HiST. DES Vandales.)
Digitized by VjOOQIC
34
L'UNIVERS.
gnîmes, le second jour, de nous éclai-
rer, suivant rengagement pris, sur
leurs croyances, ils eurent recours,
avec leur audace accoutumée, à une
nouvelle sédition et aux clameurs, et
les débats ne purent commencer. Sur
leurs provocations, nous ordonnâmes
que leurs églises restassent fermées
tant qu'ils ne voudraient pas se pré-
senter à la conférence indiquée. Avec
une mauvaise volonté bien arrêtée, il^
persistèrent dans leur résolution. Nous
avons donc cru nécessaire et juste de
tourner contre eux les mesures pres-
crites dans les lois qu'ils ont fait pro-
mulguer à différentes époques par les
empereurs qui partageaient leurs er-
reurs. Voici quelques dispositions de
ces lois : « Il n'y aura point d'autres
églises que celles qui sont desservie?
par des prêtres catholiques ; il ne sera
pas permis aux dissidents de se réunir
pour vivre sous une règle commune,
de convoquer des assemblées , de se
faire donner ou d'élever des églises
dans les villes ou dans tout autre lieu ,
quelque i)etit qu'il soit. Toutes les
choses qui auront servi au eulte non
autorisé seront la propriété du fisc.
Les biens de l'église condamnée re-
viendront aux prêtres catholiques. Les
dissidents ne pourront se déplacer;
s'ils essayent de changer de pays , ils
seront livrés par les villes et localités
où ils auront cherché refuse; ils ne
pourront ni baptiser, ni se livrer à la
controverse sur des matières reli-
gieuses ; déifense leur est faite de sa*
crer les évéques, de conférer les ordres
aux prêtres et aux membres du clergé.
Les ëéliùauantS) à savoir, celui qui
conférera tes ordres et celui qui les
recevra, seront condamnés, chacun
séparément , à une amende de dix li-
vres d'or; en sus, ils ne pourront ap-
peler de la sentence. On ne tiendra
aucun compte aux condamnés des ti-
tries particuliers qu'ils pourraient faire
valoir. Enfin , dans le cas où il y aurait
récidive, les coupables seront enlevés
de leurs demeures, conduits en exil et
soumis à la surveillance. » Les mêmes
empereurs pnt également sévi contre
les dissidents laïques, en les privant
du droit de donner, de tester, et aussi
dé recueillir \ine donation ou uùe 6ue-
cession , soit à titre de fidéi-commis,
de legs ou de donation , et cela quand
bien même ils eussent été héritiers lé-
gitimes, ou simplement héritiers dé-
signés par codicille et autres actes de ce
genre. La persécution en était venue à
ce point que les officiers même du palaîs
étaient soumis, pour le seul fait de
dissidence, aux peines les plus sévères.
Ainsi privés de leurs dignités et des
privilèges de leurs charges, ils se
voyaient assimilés aux criniiinels d'É-
tat. Les employés subalternes des
diters fonctionnaires civils étaient pas-
sibles, pour le même fait, d'une amende
de trente livres pesant d'argent. S'ils
encouraient une sixième fois la con-
damnation , on ajoutait au châtiment
f)rescrit les verges et l'exil. En otitre,
es empereurs avaient ordonné de
brtîlertous les livres des prêtres qu'ils
poursuivaient pour hérésie. Sembla-
blement, nous ordonnons de brûler
les livres qui contiennent les doctrines
impies des catholiques. Voici, en
outre, quelles étaient les mesures pri-
ses, au temps des empereurs catholi-
ques, contré les fndividus de chacune
des classes dont se compose la popu-
tion de Tempire : les illustres payaient
f)Our le fait de dissidence, cinquante
ivres pesant d'or; les spedctbiteSy
quarante; les sénateurs y trente; les
aécurîonSy cinq ; les marchands, cinq ;
chaque homme du peuple^ cinq; enfin
les cîrcumceUîoneSy c'est-a-dire les in-
dividus n'ayant point de domicile
fixe(*), payaient dix livres pesant d'ar-
(*) Dans Topinion de M. Louis Marciis ,
les circumceltiones étaient les habitants de
la campagne et des places oh il n'y avait
point de curie ou sénat. Suivant nous, c'est
une grave erreur. Les circumcelltones dési-
gnés dans redit que nous reproduisons ici ,
elaient des individus.âui tenaient en quelque
sorte le milieu entre les membres du clergé
et les laïques , et qui, sous un costume par-
ticulier et comme moines, erraient çà et là,
sans avoir un domicile fixe. Les nombreux
exemples empruntés par du Cange à saint
Augustin , a Isidore , au Moine de S&înt-
Gall et a bien d'autres encore, ne nous lais**
Digitized by VjOOQIC
AFRIQPJÇ.
gent; çt de plus, ceux qui persévé-
îaiènt <lanâ ce ()u*on appelait leurs
erreurs, perdaient leurs biens et étaient
condamnés à re^tU. Si lés habitants de
tout rang, dans les villes, si les régis-
seurs et fermiers des biens d'autrul
essayaient de cacher un délinguant,
ne le dénonçaient pas, ou tentaient de
soustraire un prévenu au jugement,
ils encouraient les mêmes peines que
les coupables. Les fermiers des do-
maines royaux donnaient au fisc, à
titre d'amende, une somme égale à
celle qu'ils payaient pour la ferme.
C'était la mesure qui était générale-
ment adoptée à l'égard des regi<îseurs
de biens particuh'ers, ou des posses-
seurs d'immeubles, quand ils refusaient
d'abandonner leurs croyances. Les
gouverneurs civils des provinces qui
ne tenaient pas la main à l'exécution
de ces lois encouraient la peine de
mort; il en était de même des trois
employés supérieurs des bureaux du
gouverneur civil; quant aux employés
inférieurs, ils étaient passibles chacun
d'une amende de vingt livres d'or.
C'est pourquoi nous croyons néces-
saire (rappliquer à notre tour toutes
les mesures précédemment indiquées
à ceux qui sont convaincus d*avoir été
et d'être encore catholiques. Nous
leur ordonnons de renoncer à leurs
anciennes erreurs. S*îls résistent, ori
les poursuivra devant les tribunaux de
toutes les villes, et on poursuivra aussi
les juges qui, sans tenir compte dé
nos volontés, auront négligé d'infliger
aux coupables de rigoureux châti-
ments. Nous voulons donc que les
partisans delà doctrine delà consubs-
tantialrté du Père, du Fils et du Saint-
Esprit, doctrine déclarée fausse dans
une assemblée où ont figuré tant et de
si grands prélats, s'abstiennent de
sent aucun doute à cet égard. En général, ils
appartenaient à la secte des donatistes. U
HoUs âemble que le dernier et très-savant
édrteur du Glossarîum aurait pu rappro-
cher ces circumcelliones des presbyteri va-
gantes , dont il est fait mention dans tes
Capituhîres, Voy. du Gange, s. v. C/r-
çumcilUones^
toutes les choses condamnées ci-des-
sus. Qu'ils sachent bien quil sera pro-
cédé à leur égard sans nulle tolérance.
Les châtiments atteindront indistinc-
tement tous ceux qui , aux calendes de
juin de la huitièmeannéedenotre règne,
tï% se seront point convertis à la vraie
religion, celle que nous pratiquons et
vénérons. Notre piété a fixé ce délai
pour ouvrir la voie de l'indulgence à
ceux qui se rétracteront, et, d'autre
part, pour enlever tout prétexte de
plaintes à ceux qui ne se rétracteront
point. Les individus qui persévéreront
dans leur erreur, qu'ils soient officiers
du palais ou fonctionnaires publics.
Seront passibles d'une amende, cha-
cun en raison de son rang, et d'après
le tableau qui a été dressé précédem-
ment. Nous voulons en outre, par cet
édit, que pour la punition des délits,
on consulte avec soin le texte des lois
que nous avons citées, afin qu'on ne
puisse commettre d'erreurs dans l'ap-
plication des peines. Quant aux gou-
verneurs des provinces, nous ordon-
nons qu'on leur inflige les châtiments
prononcés contre eux quand ils né-
gligeront d'obéif à nos commande-
ments. Que les vénérables serviteurs de
la Majesté divine , à savoir nos prêtres^
soient mis en possession de toutes les
églises des catholiques et de leurs
dépendances , en quelques lieux et con-
trées de notre rovaume que ces églises
se trouvent situées. C'est là notre vo-
lonté. Les pauvres profiteront, nous
n'en doutons pas , de ce que nous don-
nons si légitimement aux ministres
sacrés de notre religion. Nous ordon-
nons que cette loi , fondée sur l'équité
naturelle, soit portée à la connais-
sance de tous, alin que nul désormais
ne puisse se prévaloir d'avoir ignoré
ses dispositions.
« A tous les peuples soumis à notre
domination, salut.
« Donné à Carthage, le sixième jour
des calendes de mars(*). »
CÀBAGTÈRE I>B LA PERSÉCUTION;
i^) Cet édit du roi Hunéric nous a été
transmis par Victor de Vita. De persécuta
VandaL, lib, 3.
Digitized by 'LjOOQIC
M
L'UNIVERS*
fNTSRYBNTION BK L^BMPSRSUR d'O-
ribnt; mobt du roi hunbrig. —
La persécution suivit de près cet édit,
{)romulgué au mois de février de
'année 484. On prit contre les catho-
liques des mesures sévères, et bientôt
même on eut recours aux supplices.
L'empereur d'Orient, IZénon, sollicité
par le pape Félix, essaya alors, mais
en vain, de faire sentir son interven-
tioti. S'il faut en croine d'anciens ré-
cits, le roi des Vandales, pour mon-
trer qu'on ne devait trouver en lui ni
miséricorde, ni pitié, fit parcourir à
l'ambassadeur, venu de Constantinople
à Carthage, des rues remplies par les
mstruments qui servaient aux sup-
plices des catholiques.
Hunéric était encore animé par les con-
seils des évéques qui l'environnaient,
et qui étaient les chefs des hérésiar-
ques. C'étaient ces évéques, et non les
catholiques , comme disait l'édit, qui
s'étaient opposés à une conférence pa-
cifique et à la libre discussion. Avant
la reunion, ceux qui suivaient les doc-
trines de l'orthodoxie avaient bien
prévu ce résultat. Ils redoutaient ce
concile, oil, comme ils le savaient, on
devait les condamner sans les enten-
dre. Aussi ils avaient essayé, pour
détourner le coup qui les menaçait et
pour se créer des auxiliaires, de changer
fa nature de l'assemblée où on les
appelait. L'un d'eux, le métropolitain
Eugène, avait dit au roi qu'il ne lui
semblait pas juste de faire discuter et
résoudre par les évéques d'une seule
province les questions qui intéressaient
toute la chrétienté. Hunéric lui avait
répondu avec dérision : <c Eugène, sou-
mets l'univers à ma puissance , et je
réunirai en concile, comme tu le veux,
les évéques du monde entier. » Cepen-
dant les catholiques, pour tenter sans
doute la voie des conciliations, vinrent
à Carthage; mais, nous le répétons,
ils étaient condamnés à l'avance, et
leurs ennemis avaient déjà tout dis-
posé pour la persécution.
Nous ne voulons point énumérer
ici les odieux moyens, exils et sup-
R lices , que l'on employa pour vaincre
)S catholiques et leur arracher une
abjuration. Dans l'histoire de cette
persécution, racontée par Victor de
Vita avec trop de passion peut-être,
nous choisirons seulement Un fait qui
montrera , tout ensemble , les violences
et la mauvaise foi du roi Hunéric et
des hérésiarques ses conseillers.
Après avoir promulgué son édit, le
roi fît chasser de Carthage les évéques
catholiques (jui, obéissant aux lettres
de convocation, s'étaient réunis pour
le concile. Il avait eu soin , au préala-
ble, de les dépouiller de tous leurs
biens; puis, il nt savoir une celui qui,
par pitié ou autrement, donnerait aux
Eroscrits un asile ou du pain , serait
rûlé avec sa maison. Les évéques
ainsi chassés prirent la sage résolution
de rester aux environs de la ville. Ils
n'ignoraient pas que s'ils tentaient de
s'éloigner, on les forcerait à revenir,
et qu usant du mensonge, leurs enne-
mis les accuseraient de s'être dérobés
aux conférences et aux luttes de la
discussion. D'ailleurs, qu'eussent-ils
gagné à revoir leurs maisons et leurs
églises déjà envahies par les persécu-
teurs ? Ils restèrent donc auprès des
murs de la ville. Là, ils gémissaient
sur leur malheureux sort , lorsque , par
hasard, ils rencontrèrent le roi qui
était sorti avec une escorte. Ils se je-
tèrent sur son passage, et lui dirent :
« Que t'avons-nous tait? quelles sont
. nos fautes ou nos crimes? Nous som-
mes venus, à ton appel , pour discuter
et soutenir nos doctrines; pourquoi
donc nous dépouiller de nos biens,
nous chasser de Carthage, et nous li-
vrer en proie à la faim et à toutes les
misères? » Hunéric les regardait avec
colère, et ils n'avaient point encore
achevé, qu'il ordonna à ses cavaliers
de les disperser. On lui obéit avec tant
de promptitude , que plusieurs parmi
les évéques ne purent échapper à ceux
qu'on avait lancés à leur poursuite.
Les vieillards et les malades furent
renversés et broyés sous les pieds des
chevaux.
Peu de temps après, Hunéric indi-
qua aux évéques un lieu où ils devaient
se rassembler. Ils étaient à peine ar*
rivés, qu'ils furent abordés par des
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
S7
officiers du roi. Ceux-ci leur montrè-
rent une feuille roulée, et leur dirent :
« Hunéric, notre seigneur, malgré vo-
tre obstination et quoique tous refu-
siez d'embrasser ses croyances , veut
encore vous offrir un moyen de ren-
trer en grâce. Si vous jurez d'observer
ce qui est écrit sur cette feuille, il
vous rendra vos maisons et vos égli-
ses. » Tous s'écrièrent alors : « Nous
sommes chrétiens ; nous sommes évé-
ques; notre doctrine est celle des apô-
tres; c'est la vraie doctrine, et nous
ne voulons point y renoncer. » Comme
les officiers du roi les pressaient de
jurer, Hortulanus et Florentianus ré-
pondirent : « Sommes-nous donc des
êtres assez dépourvus de raison pour
promettre d'exécuter les clauses d'un
écrit que nous ne connaissons point? »
On apprit alors aux évéques quel était
le serment qu'on leur demandait. Il
s'agissait de reconnattre, après la mort
du roi, son fîls Hildéric comme son
légitime successeur. Après cette décla-
ration, les avis des évéques furent
partagés ; les uns se montrèrent prêts
à obéir, mais les autres restèrent iné-
branlables, voulant observer dans toute
sa rigueur cette parole de l'Évangile :
« Vous ne jurerez point. » Après avoir
constaté cette scission, les ofGciers
royaux dirent : « Que ceux qui consen-
tent à prêter le serment exigé se sé-
})arent de ceux qui persévèrent dans
eur obstination. » Quand ils furent
séparés, des greffiers recueilli cent leurs
paroles , et le nom de la cité à laquelle
chacun d'eux appartenait. On procéda
de même à l'égard de ceux qui n'avaient
point voulu jurer. Mais les uns et les
autres ne devaient pas tarder à s'aper-
cevoir de la perfidie du roi Hunéric.
Tous indistinctement furent arrêtés
et soumis à une dure surveillance;
Euis on prononça contre eux une dou-
le sentence. On s'adressa d'abord à
ceux qui avaient prêté le serment :
« Puisque vous avez violé les préceptes
de l'Évangile en consentant à jurer, le
roi vous enlève pour toujours à vos
cités et à vos églises; on vous relé-
guera dans des terres que vous culti-
verez comme colons. Défense vous est
faite de chanter, de prier, de lire, de
baptiser, de conférer les ordres sacrés
et de remettra les péchés. » Ensuite,
on dit aux autres : « Vous avez refusé
de jurer, parce que vous ne voulez
point avoir pour roi le fils de Hunéric,
notre seigneur : c'est pourquoi vous
serez transportés en Corse. Là , vous
couperez le bois qui doit servir aux
constructions de la flotte royale. »
A la fin de l'année 484, le roi Hu-
néric , s'il faut en croire les écrivains
catholiques, mourut rongé par les vers.
Dix mois environ s'étaient écoulés de-
puis la promulgation de l'édit de per-
sécution.
GUNTHÀMUND SUCCÈDE À HUNÉ-
Bic; SA tolébange; ses guebres
CONTBE LES MÀUBES ; SES BELÀTIONS
AVEC LES OSTBOGOTHS; SA MOBT. —
Suivant la loi établie par Genséric,
Gunthamund, fils de Genzon, succéda,
comme le plus âgé des princes van-
dales, à son oncle Hunéric. Le nou-
veau roi se montra favorable aux ca-
tholiques. La persécution , il est vrai ,
continua au commencement de son
règne, mais les violences cessèrent peu
à peu, et, en 487, Eugène, rappelé de
l'exil , put reprendre possession de son
siège de Carthage. Les autres évéques
catholiques, qui avaient été forcés de
fuir ou de se cacher, ne tardèrent
point à reparaître, et, comme leur
métropolitain, ils rouvrirent leurs
églises , que la persécution avait fer-
mées.
Gunthamund ne fut pas toujours
heureux dans la lutte qu'il eut à sou-
tenir contre les Maures. Ils avaient
envahi, sous son règne, toute la partie
orientale de la Byzacène, et leurs at-
taques devenaient chaque jour plus
fréquentes et plus hardies. Ce fut sans
doute pour ne point être distrait de
cette guerre d'Afrique, et par crainte
d'une diversion, que Gunthamund fit
un traité avec Théodéric, le nouveau
maître de l'Italie. Il s'engageait à ne
plus piller les côtes de Ta Sicile; il '
abandonnait, en outre, la portion de
l'île qui était restée aux Vandales , en
vertu des traités conclus avec Odoacre ,
et, de plus, il se soumettait volontaire-
Digitized by
Google
88 L'UNIVERS
inent ^ payer m roi des Ostrogoths
UQ tribut annuel. Guuthamund mourut
au mois de septembre de Tannée 496.
BSGNB PS TBBÂ3AMUND; SON
AMOUA POU|l LA GONTROVEaSB; SB^
ALLIAIHCBS; SES QUBBR^S; SA IfûBT.
V— Tbrasamund était frère du dernier
roi. Il était beau, doué d'un esprit
pénétrante mais subtil, et il avait cul-
liyé les lettres. Il comprit q^e c'était
m^l servir l'arianisme que de persé^
cuter ouvertement les catholiques. Il
imita l'empereur Julien. Il combat'?
tit les ennemis de sa croyance, non
plus comme Hunéric, par des sup*
plices, mais en les privant, à sa cour
çt dans son royaume, de biens, d'hon-
peurs et de considération, et en les
accablant en tous lieux de mépris et
d'outrages. Il voulait paraître doux et
tolérant. Il discutait volontiers avec
ks catholiques. Avant tout, disalt-il,
a cherchait à s'éclairer. Mais, en vé-
wté, il ne provoquait les discussions
Î|ue pour montrer son savoir, et pour
^^. Sentir à ses adversaires sdes rail-
kries et ses dédains. Cependant il ne
put toujours se contenir, et il eut re-
cours parfois à la force et aux violen-
ces. Ainsi , en 507, les évéques de la
Byzacène ayant voulu remplir les vides
que la persécution et la mort avaient
laissés dans leurs rangs, le roi fit saish»
tes nouveaux élus et ceux qui les
avaient sacrés, et les exila tous en Sar-
daigne.
Le mariage de Tbrasamund avec
Amalafrid , sœur de Théodéric , ren-
dit plus forte gue par le passé l'alliance
3ui existait déjà entre les conquérants
e l'Afrique et ceux de l'Italie. La
nouvelle reine apf)ortait en dot à son
époux le promontoire de Lilybée, c'es^
à-dire, la partie la plus occidentale de
la Sicile. Toutefois, Théodéric et Tbra-
samund ne furent pas toujours unis ;
et l'on sait qu'en l'année 610, le roi
des Vandales, en soutenant Gésalic,
prêta aide et appui aux ennemis des
Ostrogoths.
SI les maîtres de l'Afrique étaient
alors en paix avec l'empereur d'Orient,
Anastase, ils avaient toujours à soutes
nir sur leur propre territoire une rude
guerre contre les Maures. Cabaon ,
chef des tribus de la Tripolitaine^fïit
le plus redoutable ennemi des Van-
dales. II m se borna point à faire siir
leur territoire de passagères incur-
sions. Il s'y établit, et osa attendre,
contre les tiabitudes de sa nation , les
lorcè^ considérables au'on lui oppo-
sait. A la fin du règne de tbrasamund,
il fît subir aux Vandales un grand dé-
sastre. On avait envoyé contre lui une
puissante armée ; il l'anéantit. Tbrasa-
mund mourut en 523. A ses derniers
instants, il avait fait appeje.r Hildéuc,
que la loi lui donnait pour successeur.
Il lui recommanda de ne point suivre
son exemple , d'user de tolérance à l'é-
gard des catholiques , et de réparer ,
autant qu'il le pourrait, les maux de
la persécution.
BILPBBIG ; IL FAIT PEBIB AMALA-
tBlB Bt BOlCPt AVBG UiS OSTBO-
GOTHS ; SA DOUGBUB POtlB lÊà Ùl*
THOLIQUBS BT SBS BAPPOBTS AVEC
I.'EMPIBB D'OBIBNT UJI ALIENENT
L^AFFECTIGW DES VAHÙALB»* — Hil-
déric, à son avènement, s'empréSSà
de suivre k» conseils et d'exécuter les
dernières volontés du roi Thrasaoïuod.
Il cessa de persécuter les catholique»,
les rappela de l'exil , leur rendit leurs
églises , et leur permit de faire de nou-
veaux évéques. Des synodes furent te-
nus alors dans chaque province; et
bientôt même ceux que Hunérie et
Tbrasamund avaient proscrits purent
se rassembler dans un concile général
à Carthage (5!24), pour discuter, libife-
ment et sans crainte, sur les points qtii
intéressaient leurs croyances et leur
Culte. Le roi agissait ainsi dans des
vues de conciliation ; il voulait chanser
les rapports qui avaient existé jus-
cm'alors entre les ariens et les catlio-
liques, rapprocher les églises rivales ,
et mettre un terme à leur longue désu-
nion. Mais il ne réussit pas dans son
entreprise. Si la lutte cessa pendant un
instant, les haines ne s éteignirent
point.
Dès les premiers jours de son règne«^
Hildéric avait eu à se défendHB contre*
Antâlafrid, veuve de Tfaorasamuod.
Elle avait excité une révolte qui fut
Digitized by VjOOQIC
^mpiement étouffée. Àptès avoir
échoué, Amaiafrîd se sauva chez les
Maures, avec tes Goths qui l'avaient
accompagnée à l'époque de son ma-
riage; mais elle fut arrêtée dans sa
fuite. On massacra ceux qui la suivaient;
et, pour elle, on la jeta dans une dure
prison. Après la mort de Théodéric,
son frère , elle fut mise à mort. Par là
rallianceqUi existait entre les Vandales
et les Ostrogothsf fut rompue, fiildérie
ne s^inqiiiétâ (ioint des protestations
et des menaces qui lui venaient d'Ita-
lie. Il savait trop bien que, depuis la
mort de Théodéric, le plus illustre de
leurs rois, les Ostrogoths se trouvaient
dans des embarras tels, quMls ne pou*
vaient se venger. D'ailleurs, il était li-
Vfé tout entier à ses relations avec l'O*-
rient* Il entretenait m commerce
assidu d'ambassades et de lettres avec
jaçourdeConstantinople, où il avait
longtemps vécu. 11 regardait Justinien
comme son {)rotecteur, et comptait sur
son appui ; et, pour lui témoigner son
affection et son respect, il voulut que
ses proprés monnaies portassent Tef-
fjgie de Vemperéur de Byzance. C'était
placer en quélduesorte les conquérants
de ^Afrique dans la dépendance de
deux qu'autrefois ils avaient vaincus ,
et reconnaître que les Vandales avaient
un autre souverain que l'héritier légi-
time de Genséric.
Le mécontentemetlt de la tiatioli
croissait de jour en jour. Elle repro-
chait à Hilderic ses liaisons avec Cons-
tantinople, sa rupture avec les Ostro-
goths, et aussi les ménagements qu'il
gardait avec les catholiques. Le mau-
vais succès de la guerre contre les
Maures aigrissait encore les esprits.
Oàhier, qu'on appelait l'Achille des
Vandales, avait éprouvé une défaite qui
avait livré aux tribus victorieuses toute
la Byzacène, et ce désastre avait beau-
coup ajouté à la haine que l'on portait
au roi.
HILBEBIG EST DÉPOSÉ ; GELIMÉR
LE BEMPLi.CE; lEtTBES DE JUSTI-
NiEN. -T Ce fut alors que Gélimer fut
^lécé à la tête de l'armée, Il battit les
Matirei ; et ses soldats , dans un md-
ment d'enthousiasme, proclamèrent
AtRÎQtiÊ- ^ f&
tout à la fois fà déchéance SeÉMériê,
et l'avènement à la royauté de leur
chef victorieux. Gélimer, parGenzon,
descendait de Genséric. Il est vraisem-
blable qu'avant la brusque révolution
qui le porta au trône , il s'était déjà
fait un nombreux parti. Il n'hésita
point à accepter le titre que lui avaient
décerné les soldats. Il marcha sur Car-
thage , et s'en empara. Là , il fît jeter
en prison l'ancien roi avec Damer et
Euagis, ses deux neveux (531).
Quand Justinien apprit ces événe*
ments, il envoya des ambassadeurs a
Gélimer» pour l'engager à rendre à Hil-
deric la liberté et le trône. Mais le nou-
veau roi ne tint compte des lettres de
l'empereur d'Orient. Il fit même cre-
y«r les yeux à Oamer, et rendit plus
dure la captivité de celui qu'il avait dé-
trôné. Justinien lui envoya alors une
nouvelle lettre. Elle était ainsi conçues
«Nous t'avons déjà écrit, parce que
nous pensions que tu suivrais volon-
tiers nos conseils. Maintenant, nous ne
t'exhortons plus à céder ta royauté \
garde ce que la fortune t'a donné. Seu-
lement, laisse venir vers nous Hilde-
ric, Gamer et son frère Euagis, afin
que nous puissions leur prodiguer les
consolations qui conviennent à ceux
qui ont perdu une couronne ou la lu-
mière des yeux. Dans le cas où tu re-
jetterais notre demande, nous avons
gris la résolution de recourir à la force,
n cela , nous ne violerons point la
paix faite avec Genséric. Te poursuivre
par les armes, ce n'est point attaquer
Son successeur légitimé ; c'est le ven-
ger. » Après avoir pris connaissance
de cette lettre hautaine , Gélimer ré-
pondit : « Je ne dois point ma royauté
à la violence. Je n'ai point été injuste
envers ceux de ma race. Hildéric com-
{)lotait contre sa propre famille, contre
a famille de Genséric; c'est la haine
de tous les Vandales qui l'a renversé.
Le trône étant vacant , je nf^ siijs as-
Sis en vertu de mon âge et de la loi de
Succession. Celui-là agit sagennient,
comme prince , qui , livré tout entier
à l'administration de son toysfume, ne
porte point ses regards au dehors , ël
ne cherche point à s*immiscer dçms les
Digitized by VjOOQIC
40
L'UNIVERS.
afifaires des autres États. Si tu romps
les traités qui nous unissent, j'oppose-
rai la force à la force , et je ne cesserai
d'invoquer, à Tappui de mon bon droit,
les serments de l'empereur Zenon,
dont tu tiens aujourd hui la place. »
Cette réponse , dit Procope , excita la
colère de Justinien, et redoubla sa
haine pour Géliit^er; elle ne fit que
l'exciter davantage à porter la guerre
en Afrique , et à se venger.
CAUSES DE l'expédition d'AFRI-
QUE sous JUSTINIEN. ~ « Lorsquc
Justinien, dit Gibbon, monta sur le
trône, environ cinquante années après
la chute de l'empire d'Occident (*) , les
royaumes des Goths et des Vandales
semblaient s'être établis en Europe et
en Afrique d'une manière solide , et ,
pour ainsi dire , légale. Les titres con*
lérés aux Romains par leurs victoires
se trouvaient effacés, à leur tour, avec
la même justice par l'épée des bar-
bares; et le temps, les traités et des
serments de fidélité , c[u'une seconde
et une troisième génération avaient
déjà renouvelés, consacraient les heu-
reuses usurpations des derniers con-
quérants. L'expérience et le christia-
nisme réfutaient assez la superstitieuse
espérance que les dieux avaient des-
tiné Rome à régner sur toutes les na-
tions de la terre ; mais, si des soldats
ne [pouvaient plus maintenir cette or-
gueilleuse prétention d'une domination
éternelle et inattaquable, les hommes
d'État et les hommes de loi , dont les
opinions se sont quelquefois propagées
dans les modernes écoles de jurispru-
dence , cherchaient à faire valoir à leur
tour, par l'intelligence, ce que la force
avait abandonné. Du moment où Rome
fut dépouillée de la pourpre impériale,
les princes de Constantinople prirent
seuls le sceptre de la monarcnie; ils
demandèrent, comme un héritage qui
leur appartenait , ces provinces subju-
guées par les consuls ou possédées par
Tes césars. Cependant, ils n'agirent
(fue faiblement pour garantir leurs su-
jets de l'Occident contre les héréiques
(*) Justinien succéda en 527 à l'empe-
reur Justin ; il mourut en 565,
et les barbares. Justinien sembla ré-
servé à faire valoir, avec plus de force
et sur un plus vaste plan que ses pré-
décesseurs, les prétentions des empe-
reurs d'Orient. Les cinq premières
années de son règne , il soutint , mal-
gré lui, une guerre dispendieuse et
inutile contre les Perses; à la fin, son
ambition triompha de son orgueil , et
il paya près de onze millions une trêve
passagère que les deux nations quali-
fièrent du nom de paix éternelle. La
sûreté de l'Orient lui permit d'em-
ployer ses forces contre les Vandales ,
et l'état intérieur de l'Afrique offrait
un prétexte honorable, et promettait
de puissants secours aux armes ro-
maines (*). »
On peut saisir, dans ces paroles, la
véritable cause de l'expédition que fit
en Afrique l'armée de Justinien. Les
maîtres de Byzance se regardaient com-
me les héritiers légitimes des anciens
empereurs d'Occident; ils se croyaient
encore par le droit, sinon par le fait,
les souverains de la Gaule, de l'Italie,
de l'Espagne et de l'Afrique. Il y avait
longtemps, il est vrai, que l'orgueil
des Césars ne dissimulait plus leur im-
puissance. Cependant les barbares, pift
un vague sentiment de respect pour
cet empire romain qui avait inspiré
jadis tant de frayeur a leurs ancêtres,
semblèrent plus d'une fois avouer eux-
mêmes la suprématie de ceux qu'ils
avaient si souvent vaincus et dépouil-
lés.
On a vu, dans le récit qui précède,
que le roi des Vandales Hildéric s'était
mis volontairement dans une sorte de
dépendance à l'égard de l'empire d'O-
rient. Il avait restitué, autant qu'il
l'avait pu , à ceux qui se disaient les
successeurs des Romains , cette Afiri-
Î[ue qui avait coûté tant de ruses, de
atigues et de sang à Genséric, le plus
illustre de ses aïeux. Il avait rendu les
Vandales, sauf le tribut, sujets du
monarque qui régnait à Byzanc«. Or
déposer Hilaéric, si dévoué à l'empire,
c'était attaquer Justinien lui-même;
(*) Gibbon; Histoire de la décadence
et de la chute de r empire romain $ ch. 41.
Digitized by VjOOQIC
aussi , à la nouvelle de la révolte qui
avait donné aux Vandales un nouveau
roi, la cour de Constantinople s'émut
comme si on lui eût arraché une de
ses provinces. On conçoit donc que
Justmien n'ait point hésité à embras-
ser la cause de celui qu'il regardait
comme son représentant en Afrique ,
et qu'il ait poursuivi Gélimer de sa
haine et de ses menaces. En défendant
Hildéric , il croyait défendre les inté-
rêts de Tempire.
PROJETS deguebre; discours de
JEAN DE CAPPADOCE; ÉVÉNEMEI^TS
QUI METTENT FIN AUX IRRÉSOLU-
TIONS DE JUSTiNiEN. -— Les projcts
de Justinien causèrent à Constantinople
et dans tout l'empire de grandes émo-
tions ; mais , en général , les esprits
étaient agités plutôt par la crainte que
par les espérances. Procope nous a
conservé dans un récit animé les im-
pressions de ses contemporains. Voici
comment Gibbon , à son tour , a re-
Î produit les passages les plus vifs et
es plus saillants de l'historien byzan-
tin (*) : « Le bruit d'une guerre d'A-
frique ne satisfit que l'oisive populace
de Constantinople, si pauvre qu'elle
se trouvait affranchie des tributs , si
lâche qu'on l'employait peu au service
militaire. Mais les citoyens sages, qui
jugeaient de l'avenir par le passé , se
souvenaient de l'immense perte d'hom-
mes et d'argent qu'avait supportée
l'empire dans l'expédition de Basil is-
cus. Les troupes , rappelées des fron-
tières de Perse, après cinq campagnes
laborieuses , craignaient la mer , le
climat et les armes d'un pays inconnu.
Les ministres des finances calculaient,
autant qu'ils pouvaient calculer, les
frais d'une guerre d* Afrique, les taxes
C|u'il faudrait imaginer et percevoir, et
ils redoutaient de perdre la vie, ou du
moins leur emploi , si l'on manauait
de quelque chose. Jean de Cappadoce,
inspiré par ces motifs personnels, car
on ne peut lui supposer du zèle pour
le bien public (**), osa s'opposer, en
(*) Procop. De bello VandaL, l, lo.
Gibbon (ch. 41) n'a fait qu'améliorer, en
l'abrégeant , le récit de Procope.
(**) Gibbon a parlé ailleurs de Jean de
AFRIQUE. 41
plein conseil , aux désirs de son maî-
tre. Il avoua qu'on ne pouvait trop
payer une victoire si importante; mais
il montra des difficultés certaines et
une issue incertaine. « Voulez-vous
assiéger Carthage ? dit le préfet ; par
terre , ce royaume est éloigné de cent
quarante jours de voyage : par mer ,
une année entière doit s'écouler avant
de recevoir des nouvelles de votre flot-
te. Quand l'Afrique serait vaincue ,
pour la garder il faudrait conquérir la
Sicile et l'Italie. Le succès vous impo-
serait de nouveaux travaux, et un seul
revers attirerait les barbares au sein
de votre empire épuisé. » Le prince
sentit la justesse de oet avis. La har-
diesse d'un, sujet qui s'était toujours
montré soumis Tétonna d'ailleurs ; et
il aurait peut-être renoncé à la guerre
d'Afrique , si une voix qui fit taire les
doutes de la profane raison n'eût ra-
nimé son courage. Un évéque venu de
l'Orient s'introduisit dans le palais,
et quand il fut en présence de Justi-
nien , il s'écria avec une certaine
exaltation : « Empereur, le ciel veut
que tu n'abandonnes pas ta sainte
entreprise pour la délivrance de l'É-
glise. Le Seigneur m'a dit : Je marche-
rai à ses côtes s'il fait la guerre, et je
soumettrai l'Afrique à sa domination. »
Justinien put croire une révélation qui
arrivait si à propos , et la raison de
ses ministres se trouva réduite au si-
lence ; d'ailleurs , les événements qui
s'accomplissaient alors dans les pays
soumis aux Vandales ranimèrent tous
les courages. L'Africain Pudentius
avait secrètement instruit la cour de
Constantinople de ses intentions loya-
les, et quelques troupes qu'on lui envoya
suffirent pour remettre la Tripolitaine
sous la domination des Romains. Go-
des , barbare valeureux qui comman-
dait en Sardaigne,suspendit le payement
du tribut qu'il devait aux Vandales,
après avoir déclaré qu'il n'obéirait plus
à l'usurpateur. Il donna audience aux
émissaires de Justinien, gui le trou-
vèrent maître de cette île fertile , en-
Cappadoce , voy. Histoire de la décadence ^
etc., ch. 40.
Digitized by
Google
4È . . ^
tironné d'tme gardé nooibreuâe, «I
tèftêttt des of Aenoeiits de la foyauté^ La
discotde et là défiance dimiouaieiit les
lënrcies des Vandales, tandis que le
ëdiifdge de Ëélisaife, nbm héroïque
devetiu familier chez toutes jesnations^
abîmait les armées de Tempire^ » t^o-
èope âjoiite , à propos de la Sardai*
|hé i Un fait im^rtafit. Il prétend que
ïustinieh enVoya à Godas nh certain
Ëuloge, pour lui promettre dés s<^
dats et un général « Le chef barbare
répondit : J'accepterai Tolontiers les
Soldats , mais je n ai pas besoin du gé-
néral. Sans doute Godas fit cette ré^
[ionse, moins par arrogance ^ue par
crainte de trouver un jour dans Toffi*
der byzantin chargé du commande-
ffient des troupes, un rival ou un
maître.
BéLisi.iBB. — Le général qui devait
êommandet, en Afrique, les troupes
impériales , était Bélisaire. Justinieii ,
après avoir terminé la guerre contre
lesf Perses , par un traité de paix , s'é^
tait hâté de le raprpeler à Constanti*
Dople. Bélisfihre était né, suivant Pro-
cOpe, à Germania, sur les confins de
la Thrace et de Tlllyrie. Dans sa jeu-
nesse, il quitta ses foyers et virtt, sans
doute, eonùne tant d'autres paysans,
comme Justin, par exemple , auquel
la fortune avait réservé la pourpre
impériale, t)ôur chercher fortune à
Gonsfantinople. Il s'éleva aux grades
militaires par son courage et son ta-
lent. Justinien, à son avènement, le
remarqua parmi ses gardes e^ renvoya
commander en Arménie. Puis Béli-
saire partit pour surveiller et défendre
l'importante station de Dara : c'est là
qu^i) défit une armée de quarante mille
PerseS; Ce succès l'enhardit, et, l'an-
née suivante, il se mit en marche poUr
protéger les frontières de la S]^rie. Il
fut obligé de terminer cette expédition
pBt une prompte retraite ; cependant
éon courage et son habileté tirèrent
ses soldats de tous les périls , et il fit
eiicore éprouver aux Perses des pertes
considérables. Après le traité de paix,
41 retint a €onstaotinople, où il xer^
dit à l'empereur de grands.serYÎcés mi
moment où éclata la terrible sédition
L'UNIVERS.
eonnuedans l'histoire sous Je hèm Sa
Nika» On conçoit aisément (lu'aptM
tant de belles actions Justiniep Fau
choisi pour commander les troupes
qu.^ii envoyait en Alrique. IVailleurs
BéUsaire, sans sa gloire, l'eût peut-
être encore emporté sur les autres gé-
néraux^ à l'aide seulement de sa femme
Antonina, qui jouissait d'un grand
crédit auprès derimpérati^iCe "théodo-
ra; Antonina, malgré le scandai^ de sa
vie privée et ses honteuses débaucnë^^
portait à son epoiix un attachement
sincère : elle le soutenait à la cour
contre les envieux , et lorsqu'il mohùi
sur le vaisseau qui devait le conduire
en Afrique, elle voulut partir avec luî^
et le suivit en effet au milieu de tous
les dangers de Texpédition* Au reste ,
l'armée applaudit au choix de Justi-
i)ten ; les vétérans qui avaient fait leS
dernières et glorieuses campagnes de
Perse reprirent volontiers les armes ,
pour servir encore sous un général qui
maintenait sévèrement la discipline,
mais qui s'était toujours montré affa-
ble dans son commandement \ et au
nom seul de Béiisaire on vit les barb»>
res accourir pour oflrir leurs services
à l'empereur. Justinien, les soldats et
le peuple avaient même confiance dans
le chef de l'expédition. Ils déclaraient
d'une commune voix que , dans tout
l'empire, Béiisaire seul , par sa bravoure
et son habileté, pouvait mener ^ bonne
fin cette guerre d'Afrique, qui, à cause
de l'éloignement des lieux et des forces
présumées des Vandales , paraissait a
t'avance pleine d'obstacles et de dan-
gers.
L'ABMÉED'EXP£DITI0N,SBS CHEFS.
— Les soldats avaient reçu l'ordre de
se réunir |i Constantinopfe* Là on vit
accourir des Égyptiens, des Ciliciens,
les habitants de toutes les parties de
l'Asie Mineure et de la Grèce, mais
principalement, il faut le suppaser, les
enfants belliqueux de la Tnrace. Lcâ
barbares vinrent aussi. On comptait
parmi eux un corps de quatre cents
Hérules, aussi cruels que braves , et six
cents cavaliers huns, reUommés pour
l^ur habileté à lancer 4^ flèches.
L'armée, dans son ensemble, s'élevait
Digitized by VjOOQIC
à miînze mille hommes : elle se com>*
posait de dix mille fantassiiis et de
einq mille cavaliers. On distinguait
parmi les chefe des différents coirps ,
Dorothée, Salomon, Çyprien, Valé-
rien, Martin, Althias, Jean, Marcel-
lus , Cyrille, Rufin, Aigan, Barbatus,
Pappus, Théodore, surnommé Ctena^
tus, Térentiust, Zaidus, Marcien et
Sarapis. Jean était né à Dyrrachium ,
Salomon à Dara, sur la frontière orien»
taie de Tempire, et Aigan* appartenait
à la race des Huns. Presque tous les
autres généraux étaient originaires dé
la Thrace. Sinnion et fiaïa , brûves
guerriers , commandaient la troupe des
Huns\ et Fara celle des Hérules. Le
patrlce Archelaûs, qui avait été suc*
cessivement préfet à Constantinoplé
et en Ulyrie, devait accompagner
I armée en qualité de questeur ou
de trésorier. Cinq cents vaisseaux,
grands et petits , avaient été rassem-
blés pour conduire les troupes en
Afrique (*). Ils portaient vingt mille
niatelots recrutés en Egypte , en Cili-
cîe ou en lonie. Les mouvements et
toutes les manœuvres de cette flotte
çtaient airîgés par Calonyme d'Alexan-
drie. On voyait aussi , à côté des
vaisseaux de transport, quatre-vingt-
douze bâtiments d'une forme allon-
gée, à un seul rang de rames, qui
devaient servir, en cas de besoin , à
soutenir un combat sur mer. Les bancs
des rameurs étaient couverts et à l'a-
bri des traits de Tennemi. Deux mille
fiyzantîns montaient ces bâtiments
qu'on appelait coureurs^ à cause de
leur grande légèreté. Enfin Bélisaire ,
le vainqueur des Perses, le chef il-
lustre entre tous , avait été investi par
Justinien du commandement suprême.
L'empereur, dans ses lettres, l'avait
reconnu comme son Représentant, et
dans sa confiance il lui avait laissé
une autorité sans bornes sur la flotte
et sur farmée.
• (*) Le plas petit è% ces bâtimento ^. sui-
vant Gibbon V éUiit de trente tonneaupç * €t
le phiscoFu^déf^le de cinq ceuts. Suivant
Marcsu», JjBS plos grands vaisseaux étaient
de sept cent cinquante tonneaux; les plus
petits de cent vin^t-s'w tonneaux.
AFRIQUE, Xi
18 BBPAIT (*). >-^ Ce f tft en 638 «
Ters le solstice d'été, que les troupes
fassemblées à Constantinoplé reçureal
Tordre de s'embarquer* Au jour du
départ, Justinien fit approcher de là
partie du rivage où se trouvait béti
le palais impérial , lé vais seau qui de*
▼ait porter le chef de la flotte et de
Tarmée» L^archevéque Épiphanius s'a*
vança alors au bord de la mer. Là, à
la vue d'un peuple immense « il Se
mit en prière et bénit le générm et les
soldats» Quand Épiphanius eut ache*
Té, on entendit les sons éclatants de la
trompette qui réglait les manœuvres,
et le vaisseau de Béllsafre se mit à
voguer. La flotte entière s'ébranla pour
le suivre, et bientôt elle disparut aut
yeux de la foule qui était Venue saluer
son débart. Bélisaire avait à ses côtés
Antonina, sa femme, et Procppe qui,
au retour de l'Afrique , devait écrire
dans ses moments de loisir, l'histoire
de l'expédition.
LE voyagb; hébaglbe; abydos;
SÉYERTTB DE BÉLIS/lIBE; SK^BË; MA-
LÉE ET TÉNABE; l'A^MÉE S'ABRÉTB
A MÉTHONE. — Après une courte na*
vigation , la flotte jeta l'ancre devant
l'ancienne ville de Périnthe , qui , au
temps de Justinien, s'appelait Héra-
clée. Là, le général attendit, pendant
cinq jours, les chevaux de prix qtie
Pempereur lui envoyait de ses haras
de la Thrace ; puis il se remit en mer,
sortit de la Propontide et s'engagea
(*) on peut comparer ici le réck de i»ro*
cope avec les adnurables pages où 'thucy-
dide décrit, en nous initiant en quelque
sorte à toutes les émotions de ses contem-
porains , le départ de la flotte athénienne
pôurPexpéditioude^cile (V^.Tbucjrdide^
liv. VI , ch. 3o et suiv.). Il suffit d'une com^
paraison de ce genre pour comprendre ce
que k génie greo a perdu dans les siècle»
cfA se soot écoulés de Périclès à Juslinieii^
Cependant il faut rendre justice à Proeopiw
Son Histoire dé la ffuerre contre les ran-
dales est une des produotions les plus re**
marquables du sixième siècle, âon r^cit est,
vif, animé et ne juapque point d'art^Gibbon
a dit : « ProQope a ràcoutç âvé(; ordra «t
d'une manière élégante toùle lâi gfuérré d^
Vandales. »
Digitized by VjOOQIC
44
LUNIVERS
dans l*HelIespont. Il s^arréta quatre
jours à Abydos. Ce fut devant cette
ville que Bélisaire donna une preuve
de sa sévérité et de sa fermeté. Deux
soldats qui appartenaient au corps des
Huns avaient tué un de leurs compa-
gnons,'dans un moment d*ivresse. Bé-
lisaire fit saisir les coupables ^ et il
ordonna qu'on les pendit sur la col-
line qui domine Abydos. Il y eut alors
une grande rumeur dans le camp. Les
Huns se plaignaient vivement : « Nous
nous sommes mis, disaient-ils, au
service de Tempire, mais nous ne nous
sommes point engagés à suivre les
lois qui régissent les Romains. D'après-
nos coutumes , on ne tue point celui
qui a tué. » Les sold'ats romains eux-
mêmes, qui désiraient le relâchement
dans la discipline et l'impunité pour
leurs désordres, prenaient parti pour
les Huns. Bélisaire ne s'efTraya point
de ces clameurs, il réunit les troupes,
et leur dit ; « La justice veut que
l'assassin soit puni du dernier suppli-
ce. Je n'admets point l'excuse de l'i-
vresse. C'est un crime , dans une ar-
mée , de se livrer , en buvant , à de
tels excès que l'on puisse perdre la
raison , et tuer , sans hésitation , ses
meilleurs amis. Vos protestations et
vos plaintes ne peuvent m'éraouvoir,
et vous connaissez maintenant le châ-
timent que je réserve aux coupables.
Je ne reconnaîtrai jamais comme mon
compagnon d'armes, quelque brave
Î|u'il soit, un soldat assassin. J'estime
e courage; mais, à mon sens, il ne
profitera jamais à l'homme injuste et
pervers. » Après ce discours prononcé
en vue de la colline où l'on avait
dressé les potences qui portaient en-
core les cadavres des soldats huns, les
murmures cessèrent et l'armée ren-
tra dans le devoir.
Avant de s'éloigner d' Abydos , Béli-
saire essaya de prévenir , par de sages
mesures, les dangers qui menacent",
pendant une longue traversée , et sur-
tout dans les mauvais temps, une
flotte de six cents vaisseaux. Pour di-
riger tes pilotes, et pour que nul d'en-
tre eux ne pût s'écarter ou se perdre, il
fit teindre en rouge les voiles des trois
bâtiments qui portaient les officiers at-
tachés à sa personne, et il ordonna que
pendant la nuit on remplaçât ces voiles
par des fanaux mis aux grands mâts.
Après une fausse manœuvre ou une
tempête, le vaisseau qui s'était éloigné
avait ainsi un signe de ralliement, et ii
pouvait facilement, le jour ou la nuit,
rejoindre la flotte et reprendre son
rang. Dans le trajet d' Abydos au pro-
montoire de Sigée, il s'éleva un grand
vent qui tomba au moment où le cap
fut doublé. Xa flotte traversa heureu-
sement toute la mer Egée. Quand elle
arriva en vue de Malée et qirelle s'en-
gagea dans l'étroit canal qui sépare ,
en cet endroit , le Péloponèse de l'île
de Cythère , le désordre se mit dans
les rangs. Les vaisseaux se touchaient,
se heurtaient, et ce ne fut que par des
prodiges de force et d'habileté que ra-
meurs et pilotes sortirent de ce dan-
gereux passage. Au moment du désor-
dre, le moindre -coup de vent eût
anéanti l'armée entière. La flotte tou-
cha ensuite à l'ancienne ville de Té-
nare , qu'on appelait alors Cœnopolis ;
de là elle se rendit à Méthone , dans la
Messénie , où elle s'arrêta.
LES FOITBNISSEURS DES VIVRES;
LEURS FRAUDES ; MALADIES. — Le
vent avait cessé de souffler, et l'armée
ne pouvait continuer son voyage. Bé-
lisaire fit mettre ses troupes à terre.
Là, sur le rivage, officiers et soldats
attendaient un temps favorable , lors-
qu'ils furent atteints d'une maladie qui
enleva en peu de jours cinq cents hom-
mes. On connut bientôt la cause de
cette maladie. Le préfet du prétoire,
Jean , employait souvent des moyens
odieux pour faire entrer de l'argent
dans les coffres de l'empereur et aussi
dans les siens. G*était lui qui s'était
chargé de fournir les vivres à l'armée
qui partait pour l'Afrique. On avait
coutume de mettre deux fois au four
le pain que l'on donnait aux soldats en
campagne, et on le cuisait de telle
sorte que de longtemps il ne pouvait
se gâter. Ce pain était très-l^er , et
l'État eût fait une perte considérable
sur le poids , si les soldats n'eussent
consenti, au moment des distribua
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
4B
tions, à faire remise aux fournisseurs
du quart de la portion gui leur était
acKïordée. Jean , le préfet , crut réali-
ser de grands bénéfices sur les vivres
de l'armée d'Afrique, en recourant
aux moyens suivants : il fît à peine
cuire la pâte , et la retira lorsqu'elle
eut pris seulement l'apparence du pain.
Cela formait une masse molle, hu»
mide ; mais rien ne manquait au poids.
Jean avait ainsi gagné tout à la fois , .
sur le t)ois, la farine et le salaire des
boulangers ; puis on porta les pains à
demi cuits sur la flotte. Ce fut à Mé-
tbone que l'on ouvrit pour la première
fois les sacs qui les contenaient. On ne
trouva qu'une pâte mal battue et qui
tombait par morceaux. C'était une fa-
rine mouillée gui ne paraissait point
avoir été soumise à l'action du feu, et
qui , pendant la traversée , s'était en-
tièrement corrompue. On fit néan-
moins la distribution; mais cette mau-
vaise nourriture ne tarda pas à faire
naître et à développer au sein de l'ar-
mée les germes d'une violente épidé-
mie. Le mal eût été pins grand encore
si on ne se fût hâté de faire cuire à
Méthone de nouveaux pains. Alors Bé-
lisaire écrivit à l'empereur, et se plai-
gnit vivement du préfet du prétoire.
Justinien lui répondit , et donna de
grands éloges à son zèle; mais il ne
Î>unit point Jean, qui probablement
ui avait fait une large part dans ses
gains.
SUITE DU VOYAGE ; ZACYNTHE ; LÀ
SICILE ; TEBREUB DES SOLDATS ; MIS-
SION DE PROCOPE. — Enfin, l'armée
remonta sur les vaisseaux ^ et la flotte
se porta de Méthone à Zacynthe. Après
avoir refait dans celte île ses provi-
sions d'eau , elle remit à la voile pour
traverser l'Adriatique. Sa marche fut
lente, parce que le vent se faisait à
peine sentir. L'armée eut alors beau-
coup à souffrir. On était dans les plus
fortes chaleurs de l'été , et l'eau que
buvaient les soldats s'était corrompue.
Antonina, par ses soins et un procédé
ingénieux , préserva du mal commun
Bélisaire et ceux qui mangeaient à sa
table. Elle mit l'eau dans des bou-
teilles de verre ; puis on porta ces bou-
teilles dans une partie du vaisseau où
ne pouvaient pénétrer les rayons du
soleil, et on les couvrit de sable. Apre»
une traversée de seize jours , la flotte
toucha la Sicile sur un point désert
qui n'était pas éloigné du mont Etna.
Bélisaire commença dès lors à être
en proie à de vives inquiétudes. Ha dé-
faite de Basiliscus qui avait perdu la
flotte de l'empereur Léon , et les an-
ciens succès des Vandales , lui reve-
naient sa«s doute en mémoire, et il se
demanda plus d'une fois , s'il faut en
croire Procopequi fut souvent le confi-
dent de ses plus secrètes pensées : Quels
sont donc ces Vandales que je vais com-
battre ? Sont-ils, comme on le dit, forts
et braves ? Sur quel point dois-je por-
ter mes attaques ? La résolution ne lui
manquait pas ; mais il s'effrayait de
l'esprit qui régnait dans son armée.
Les soldats disaient hautement que
s'ils rencontraient l'ennemi sur terre ,
ils l'attaqueraient vaillamment ; mais ^
que s'il fallait soutenir un combat sur
mer, ils étaient décidés à prendre la
fuite , parce qu'ils n'avaient point cou-
tume de lutter tout à la fois contre les
hommes et contre les flots. Bélisaire,
au milieu des craintes qui l'agitaient,
prit la résolution d'envoyer Procope à
Syracuse. Il le chargea de s'informer,
par d'adroites questions , des projets
de l'ennemi. Les Vandales avaient-ils
fait, en Sicile ou sur le continent , de
secrets préparatifs pour repousser l'in-
vasion ? Sur quel point de la côte d'A-
fri(]ue les troupes impériales pou-
vaient-elles opérer sans danger leur
descente ? Après avoir recueilli les
renseignements qu'on lui deman-
dait, Procope devait revenir à Can-
cane , ville située à deux cents stades
de Syracuse (*). C'était vers cette ville
que Bélisaire se proposait de diriger
ses vaisseaux. Procope avait aussi à
remplir une autre mission; mais alors,
pour le général, celle-ci n'était que se-
condaire. En vertu du traité fait entre
Justinien et Amalasuntha, qui régnait
(*) Suivant Clavier (Sicilia antiqua) , la
distance entre Syracuse et Gaucane était de
trois centB stades.
Digitized by
Google
46
L*tJNIVERS.
en Italie et en Sicile , au nom de son
ils Atalaric, les OsttogotHs devaient
Vendre, en cas de besoin, des vivres
aox troupes impériales. L'envoyé de
Bélisaire venait donc passer un mar-
ché pour les approvisionnements de la
flotte. Sur ee point comme sur Tautre
fl obtint un entier succès.
Procope marchait un jour dans les
rues de Syracuse lorsqu'il se trouva
face à faôe , par le plus singulier des
hasards, avec un cie ses amis d'en-
fance. C'était un homme qui, pour des
affaires de commerce, avait quitté
Constantihople et s'était fixé en Sicile.
Le marchand fournit à l'envoyé dé Bé-
lisaire de précieux renseignements. Il
fit appeler un de ses serviteurs qui ,
depuis trois jours seulement, était re-
venu de Carthage, et lui ordonna de
j)arler. Celui-ci dit alors : « La flotte
impériale n'a point à redouter les atta*
ques des Vandales. Ils ne savent pas
qu'une armée s'avance contre eux. De
plus , ils ont dirigé toutes leurs forces
sur la Sardaigne pour soumettre Go-
das. Gélîmer se croit tellement à l'abri
du danger du côté de l'Orient, que,
sans prendre soin de surveiller Car
thage et les autres places maritimes,
il s'est retiré dans la Byzacène, à
Hermione, ville située à quatre jours djB
marche de la côte. La flotte ne ren-
contrera donc point l'ennemi dans la
traversée, et rarmée pourra débar-
quer, sans crainte d'être attaquée , Sur
le point de la terre d'Afrique où le
vent l'aura poussée. » Ces paroles , il
faut le croire , causèrent à Procope
une grande joie. Il entraîna vers le
port d'Aréthuse, où l'attendait son
vaisseau, le marchand et spp servi-
teur. Il tenait celui-ci par la main et le
pressait de questions ; puis , il le fit
monter sur son navire. Quand ils fu-
rent à bord, on mit les voiles au
vent, et le pilote reçut l'ordre de na-
viguer en toute hâte vers la ville de
Caucane. Le marchand était resté sur
le rivage ; là , il se tenait ébahi et sui-
vait avec étonnement tous les mouve-
(nents de celui qui lui avait enlevé son
Serviteur avec tant de promptitude et
^'audace. Au moment où le vaisseau
s'éloignait, Procope se tourna vers
son anji et lui cria : « Point de colère
et de chagrin, je t'en prie. Il faut que
\è général iiiterroge ton serviteur. J«
le renverrai à Syracuse avec une bonne
récompense, quand l'armée aura tou-
ché les côtes de l'Afrique. i»
pél^AllT BB lA SICILK; tES ÎLES
BB GÀULOS Bt BE MBLtTA; LA
FLOTTE EN VUE BB L'AFBIQUB;
GONSBïL BE GUËBBB. — Quand Pro*
cope arriva à Caucane, il trouva l'ar-
mée plongée dans le deuil. Dorothée,
le duc de l'Arménie, était mort, diefs
et soldats le regrettaient 8incère<*
ment. La présence de Procope rendit
la joie à Bélisaire. II interrogea son
envoyé, le félicita sur les résultats
de sa mission, et sans perdre de temps
il fit sonner la trompette pour annon-
cer le départ. La flotte mit à la voile,
et elle ne tarda point à ghgner les îles
de Gaulos et de Melita (*). A Irt hau-
teur de ces îles ri s'éleva un vent qui
poussa rapidement les vaisseaux vers
un endroit de la côte d'Afrique que
les Romains appelaient Ca/?w^yarfa(**).
De cet endroit à Carthage, il n'v avait,
par terre, que cinq journées ae mai^-
che.
Alors Bélisaire ordonna à chaque
navire de plier ses voiles et de iet»
l'ancre. Puis, il fit appeler à son nord
les principaux chefs de l'armée, et U
leur demanda s'ils jugeaient convena-
ble de mettre un terme à leur navi-
fation et d'opérer enfin la descente.
Fne longue discussion s'engagea. Dans
ce conseil de guerre, Archélaùs, le
questeur, prit la parole et dit : « Vous
voulez descendre à terre ; mais avez-
vous un port où votre flotte puisse
trouver un abri contre les attaques de
l'ennemi ou contre lès tempêtes.»* Avez-
vous une vîfte ehvironnée de fortes
(*) Gozzo et Malte.
(**) Le Caputvada de Procope, dit Gibbon,
où Justinien fonda ensuite une ville (de
^dif. yi, 6) , est le promontoire ^Ammon
de Strabon, le Drachodcs de Ptolémée, le
Capodia des modernes, et il forme une
bande longue et étroite qui se prolonge dans
la mer {Shaw's traveti, p. 1 1 1). — Voy. aussi
Marcus; HisU des randales, etc., |k 366,
Digitized by VjOOQIC
AFÊJftUE.
it
murailles, çt disposée à recevoir et à
défendre, en cas de besoin, vous et
vos soldats ? On vous a dit que la côte
où nous sommes était exposée à tou-
tes les violences du vent, qu'elle n'of-
frait au navigateur ni port, ni lieu de
ïelâche ; on vous a dit ^ussi qu'il n'y
avait, en Afrique, qu'un point fortifie,
fCarthage, et que Gensérfc avait fait
renverser les murailles des autres
villes : ne tiendrez-vous point compte
de ces renseignements? J'ajoute que
vous manquerez d'eau dans cette con-
trée. Voyons maintenant les dangers
qui nous menacent. Je suppose qu'a-
près le débarauement il s'élèvç une
tempête, que deviendra la flotte ? Les
vaisseaux seront dispersés au loin,
ou bien jls se briseront sur la côte.
Où prendrons-nous alors des muni-
tions? Il ne faudrait pas, après uq
pareil désastre, s'adresser au ques-
teur Archélaûs. Celui-là seul est ques-
teur qui pQSsède les moyens d'exercer
sa charge, qui tient à sa disposition,
de l'argent, des vivres et des armes.
Voici mon avis en deux mots : il faut
mettre à la voile et nous porter direc-
tement sur Carthage. Près de la ville,
à quarante stades environ, nous trou-
yeropsun port qu'on appelle l'Étang (*),
ei qui contiendra facilement la flotte
tout entière. Il peut se faire qu'à une
première attaqué nous nous rendions
maîtres de Carthage; nous devons
même l'espérer, puisque l'ennemi à
porté sur un autre point la meilleure
partie de ses forces. Quand la capitale
de l'Afrique sera prise, la guerre sera
achevée. Tel est mon avis, que, sui-
vant votre bon plaisir, vous pouvez
suivre ou rejeter. » Bélisaire ne pensait
point comme Archélaiis; il repondit
en ces termes a ceux qui s'opposaient
à une prompte descente : « Ne croyez
pas qu'ici je veuille, comme général,
I vous imposer mes volontés. Je cher-
' che à m'éclairer. J'ai écouté avec* at-
tention et pesé, dans mon esprit, les
raisons que chacun dé vous a fait va-
loir. Je vais, à mon tour, vous dire
toute ma pensée. Ensuite, parmi tant
P Le lac de Tunis.
d'avis divers, nous choisirons le meil-
leur et nous agirons. Et d'abord, ne
vous souvient-il plus des récentes dis-
positions de l'armée ? N'avez-vous pas
entendu les soldats déclarer hautement
qu'ils redoutaient les combats de mer,
et que s'il arrivait, par hasard, qu'une
flotte ennemie vînt les attaquer, ils ne
se défendraient point et prendraient
la fuite? Vous tous, mes collègues,
vous vous unissiez alors à Bélisaire
pour prier Dieu de nous mener promp-
tement et sans mauvaise rencontre sur
la côte d'Afrique. Aujourd'hui Dieu
nous a exaucés, et vous voyez l'Afri-
que; ne serait-ce point une folie de
renoncer ici à une descente facile que
nous avons si vivement désirée? Si
nous nous portons directement sur
Carthage, et que dans notre trajet
nous rencontrions la flotte des Van-
dales, on nous accusera avec raison de
la perte de nos vaisseaux et de la dé-
faite de Tarmée. On nous reprochera
d'avoirnégligéles avertissements, que,
dans leur ignorance et leurs craintes
exagérées, nos soldats nous ont si
souvent donnés. On a dit, pour nous
effrayer, que si Tarmée quittait la
flotte et descendait à terre, elle serait
exposée à d'innombrables dangers;
qu'une tempête, en dispersant ou en
brisant les vaisseaux, pouvait lui en-
lever ses communications avec l'em-
pire, et lui ôter jusqu'à l'espérance du
retour. Quoi ! vaut-il donc mieux que
cette tempête, dont on nous menace,
engloutisse non point seulement les
vaisseaux, mais encore, avec eux, l'ar-
mée tout entière ? Pour moi, je pense
qu'il faut descendre à terre sans plus
tarder et attaquer brusquement l'en-
nemi. Les promptes résolutions et la
hardiesse sont pour beaucoup dans les
succès de la guerre. La moindre hési-
tation peut donner aux Vandales le
temps de se mettre en défense, et
alors nous perdons nos avantages. Si
nous nous dirigeons vers un autre
point de la côte, peut-être serons-
nous obligés d'avoir recours aux ar-
mes pour opérer une descente; tandis
que nous pouvons débarquer ici sans
rencontrer d'obstacles et sans combat.
Digitized by
Google
4ft
L'UNIVERS-
Oui, ie crois qu'il faut redouter avant
tout la flotte ennemie et les tempêtes.
(Test pourquoi hâtons-nous de mettre
à terre nos soldats, et avec eux nos
chevaux, nos armes et nos provisions.
Nous choisirons alors un camp qui
sera entouré par un fossé profond et
défendu par de fortes palissades. Ce
camp sera pour nous une ville où
nous serons à l'abri contre les atta-
ques imprévues de l'ennemi. Ne crai-
gnons point que les vivres ou les
munitions nous manquent. Si nous
triomphons, nous aurons tout en
abondance. Une armée victorieuse
n'est jamais en proie à la disette ou
aux privations (*). »
Ces paroles de Bélisaire entraînè-
rent tous les chefs. Chacun d'eux,
après le conseil, regagna son bord, et
ordonna à ses soldats de se tenir prêts
à descendre dans le pays ennemi.
IMPHÉVOYÀNCE DE GÉLIMEB; GO-
DAS ; EXPÉDITION DES YÀNDÀLES EN
SARDÀiGNE. — r Lcs renseignements
que Procope avait recueillis en Si-
cile étaient exacts, et Gélimer, comme
l'avait dit le serviteur du marchand
de Syracuse, était loin de se croire
menacé par les troupes de Justinien.
Le roi des Vandales portait alors toute
son attention vers la Sardaigne. Cette
île et la Tripolitaine, comme on l'a vu
précédemment , avaient échappi^ , par
une révolte, à sa domination. Gélimer
n'essaya point de reconquérir la Tri-
politaine, où l'empereur avait envoyé
des troupes. Il avait hâte de soumet-
tre la Sardaigne. Les pirates et les
marchands d'Afrique ressentaient vi-
vement la perte de cette île , qui leur
offrait pour leurs courses ou leurs af-
faires de commerce les mêmes avanta-
(*) Nous avons cru devoir insérer , dans
ceUe histoire, plusieurs des discours que
Procope met dans la bouche de Bélisaire
et des autres chefs de Tannée. Ces discours,
suivant nous, ont été réellement prononcés.
L'historien byzantin a pu changer la forme,
mais il n*a pas altéré le sens. Procope fut
témoin oculaire de la plupart des événe-
ments qu'il raconte, et il est vraisemblable
C[u*il assista au conseil ou l'on agita la ques-
tion du débarquement
ges qu'aux anciens Carthaginois. Ce
fut peut-être sur leurs réclamations ,
et pour ne point mécontenter la par-
tie la plus active de la population qui
l'avait accepté pour roi y que Gélinner
fit les préparatifs d'une grande expé-
dition. D'ailleurs, il était encore animé
par la haine personnelle qu'il portait
à celui qui avait soustrait l'île à son
obéissance. Jadis il avait compté Go-
das parmi ses serviteurs les plus dé-
voués. C'était même pour le récom-
f penser de son zèle qu'il lui avait confié
e gouvernement de la Sardaigne. Il
n'avait point limité le pouvoir qu'il lui
avait délégué ; seulement il avait voulu
que chaque année il lui payât un léger
tribut. Godas , que le roi des Vanda-
les avait ainsi choisi pour son lieute-
nant, était Goth d'origine. C'était un
homme, s'il faut en croire Procope,
d'une force prodigieuse et d'une bra-
voure sans égale. Il resta fidèle à son
maître jusqu'au moment où Justinien
se déclara ouvertement le défenseur
de Hildéric, et se disposa à porter la
guerre en Afrique. Ce fut alors qu'il
écrivit à l'empereur la lettre suivante :
« Je me suis séparé de celui qui était
mon souverain, non pour des motifs
personnels, mais parce qu'il s'est mon-
tré cruel envers sa propre famille. Je
n'ai pas voulu , en lui restant soumis,
devenir le complice de sa cruauté.
J'aime mieux obéir à un empereur re-
nommé pour sa justice qu'à un tyran
qui viole toutes les lois. Viens à 'mon
aide, et envoie-moi des troupes avec
lesquelles je puisse repousser les atta-
ques de celui que j'ai cessé de reconnaî-
tre pour mon roi.» Ce fut alors, comme
nous l'avons dit, que Justinien en-
voya Euloge, un de ses officiers, pour
annoncer a Godas qu'il était prêt à
l'aider dans sa rébellion.
Pour prévenir l'arrivée des secours
promis par l'empire, Gélimer se hâta
de rassembler une flotte et de lever
une armée. Il réunit cent vingt vais-
seaux sur lesquels il plaça cinq mille
soldats. Il donna le commandement de
la flotte et de l'armée à ïzazon^ un de
ses frères, et lui ordonna de faire voi
le, sans retard, pour la Sardaigne.
Digitized by VjOOQIC
Ce M ainsi que , par une fatale im-
prévoyance, Gélimer se sépara de la
meilleure partie de ses forces au mo-
ment même où l'empire faisait pour
l'attaquer un formidable armement.
Quand Bélisaire toucha l'Afrique, le
roi des Vandales n'avait à sa dispo-
sition ni vaisseaux, ni soldats pour re-
pousser les envahisseurs.
l'abm££ impériale en afbique;
pbbmier campement ; pillage ;
proclamation de bélisaire. —
Après trois mois de navigation , l'ar-
mée partie de Constantinople était en-
fin arrivée sur les côtes de PAfrique.
A l'ordre de ses chefs, elle descendit
à terre avec armes et provisions. Quand
elle fut sur le rivage, elle se mit en
mesure de s'assurer un bon campe-
ment. Les matelots se mêlèrent alors
aux soldats, et, tous ensemble, ils
creusèrent un fossé large et profond ,
et élevèrent une forte palissade. L'é-
mulation, la crainte d'une surprise, et
aussi lés paroles de Bélisaire^ ani-
maient les travailleurs. Tout fut ache-
vé dans une journée. Pendant le tra-
vail, une chose excita Tétonnement
et la joie de l'armée ; une source abon-
dante jaillit du sol que l'on creusait.
Ce phénomène , si commun en Afri-
que, parut d'autant plus merveilleux
aux soldats que le lieu où ils se pro-
posaient de camper était sec et aride.
Procope partagea l'étonnement géné-
ral , et il crut que la découverte de
cette source tenait du prodige. II s'ap-
procha de Bélisaire pour le féliciter.
« C'est un heureux présage, lui dit-il ;
Dieu a voulu montrer par là que vous
obtiendriez, sur vos ennemis, une fa-
cile victoire. » Quand le travail fut
achevé , Tarmée se renferma dans le
camp. Elle y passa la nuit. Les senti-
nelles furent disposées , suivant l'u-
sage, de distance-en distance, et l'on
fit bonne garde sur tous les points.
Par ordre de Bélisajre, cinq archers
devaient veiller sur chacun des bâti-
ments de transport. Quant aux vais-
seaux plus légers qui étaient destinés
aux combats de mer, ils étaient ran-
gés en demi-cercle, devant les autres,
se tenant prêts à repousser, s'il y
AFRIQUE. 49
avait lieu , les attaques de l'ennemi.
Le lendemain^ quelques soldats sor-
tirent des retranchements et se disper-
sèrent dans la campagne pour enlever
des fruits. A leur retour, Bélisaire les
fit châtier sévèrement. Puis il ras-
sembla les troupes, et leur adressa
la proclamation suivante : « Soldats,
le vol à main armée, même en temps
de guerre, est un crime. Ce crime ac-
quiert aujourd'hui une nouvelle gra-
vité, parce qu'il compromet le salut
de l'armée entière. J'espérais, au mo-
ment où vous touchiez cette terre, que
nous allions trouver parmi les Afri-
cains , soumis autrefois à la domina-
tion de Rome , d'utiles et puissants
auxiliaires. Je me disais que les vivres
ne vous manqueraient point , que nos
convois seraient assurés, et que nous
n'aurions point d'autres ennemis à
craindre que les Vandales. Vos désor-
dres ont dféjà changé la face des cho-
ses. Les Africains qui ont eu à souffrir
de vos violences se rattacheront aux
Vandales et nous poursuivront de leur
haine. Pour conserver quelqaes pièces
d'argent, vous avez sacrifié la sécurité
de nos opérations et la facilité de nos
approvisionnements. Il eût été plus
sage assurément de faire un marché
avec ceux que vous avez dépouillés ,
de traiter de gré à gré avec eux, et de
donner votre argent en échange des vi-
vres. Vous ne vous seriez point rendus
coupables d'une odieuse violence, et
vous auriez gagné par là l'affection
des peuples que vous voulez arracher
au joug et à l'oppression d'une race
étrangère. Dorénavant , vous aurez à
combattre, tout à la fois, les Vanda-
les et les Africains. Que dis-je 1 vous
aurez pour ennemi Dieu lui-même,
qui retire son appui à quiconque em-
ploie, à l'égard d'autrui, l'iniustice et
la violence. Soldats, il est encore temps
peut-être de réparer le mal quç vous
avez fait. Montrez aux populations que
vous allez rencontrer, que vous êtes
justes et modérés. Quand vous aurez
mérité de nouveau que Dieu vous pro-
tège et que les Africains vous aident,
vous aurez accompli votre œuvre , et
les Vandales seront vaincus. » Après
4* Livraison. (Hist. des Vandales.)
Digitized by VjOOQIC
50 L*tJtilfERS.
cette proclamation^ Bélisaire ordonna
aux soldats de rompre les rangs.
l'abméê se met en mabche; pro-
jets DE bélisaibe; manifeste de
l'empebeub justinien ; passage
DES TBÔUPES GBECQUES A SYLLEC-
TUM.— On avait appris au général qu'à
une journée de marche environ de son
camp, sur la route gui conduit à Car-
thage, et au bord de la mer, se trou-
vait une ville appelée Syllectum (*).
Cette ville avait perdu ses anciens
remparts ; mais comme les habitants,
pour se défendre contre les irruptions
subites des Maures, avaient joint leurs
maisons entre elles par d'épaisses mu-
railles, elle présentait encore l'aspect
d'une place fortiCée. Bélisaire résolut
de s'en emparer. Il confia un détache-
ment à Morâïde, l'un des officiers de
&a garde, et lui donna ordre de mar-
cher en avant, a II faut essayer, dit-il,
en s'adressant aux soldats qui par-
taient, d'entrer dans fa ville par sur-
prise. Si vous obtenez un plein suc-
cès, gai;flez - vous de piller. Que lés
habitants n'aient point à se plaindre
de vos désordres. Déclarez hautement
et montrez que vous êtes les libérsf-
teurs dé PAfrique. Enfin, préparez les
habitants à recevoir l'armée.» Le dé-
tachement arriva vers le soir dans un
vallon qui n'est pas éloigné delà ville.
Il fit halte en cet endroit pour y pas-
ser la nuit. Le lendemain, au moment
où l'aurore commençait à poindre , il
se remit en marche, et il suivit dans
le plus grand ordre, et en silence, les
paysans des campagnes avoisinantes
qui se rendaient à Syllectum avec leurs .
(*) Syllectum est peut-être la Turris jén-
mbttiis. Il reste de cette ville nu vieil édifice
qui est encore aujourdlmi aussi grand que
la tour de Londres. La campa;^ de César
(^trtius; de BeUo africano), avec Tanalyse
de Guichard et les voyages de Shaw dans
le même pays (p. log-iio, etc.), jettent du
jour sur la inarche de Bélisaire vers LeptU
minor, jédrumetum, etc. (Note de Gibbon.)
— L* Académie des inscriptions adopte
sans hésiter pour Sylleclum (Snlleclo) la
conjecture de Gibbon. Voy. Recherches sur
t histoire de V Afrique septentrionale , etc, ,
1. 1> j^ 98.
chariots. Il y entra avec émt. Ce fîot
ainsi que la place fut occupée sans
combat. Quand il fit grand jour, Rlo-
raïde fit appeler, sans bruit . l'évéque
et les citoyens les plus notantes , et il
leur exposa les projets de Bélisaire.
Nul ne songea à lui résister, et on lui
remit, pour son général, les clefs qui
ouvraient les diverses issues de la villes.
Le même jour, le directeur des pos-
tes livra aux Grecs tous les chevaux
qui appartenaient à l'État. On arrêta
aussi un de ces compriers appelés f^e-
redarii^ qui portait les ordres et les
lettres du roi , et on le conduisit à Bé-
lisaire. Le général lui fit bon accueil ,
et lui compta une grosse somme d'ar-
gent. Il lui fit jurer de remettre aux
chefs et aux hommes les plus illustres
de la nation vandale plusieurs exem-
plaires des lettres que l'empereur Jus-
tinien leur avait adressées. Ces lettres
contenaient un manifeste qui était
ainsi conçu : « Je ne déclare point la
guerre aux Vandales. Je ne viole point
les serments de paix qui ont été pré-
tés par mon prédécesseur Zenon. J'at-
taque le tyran qui , au mépris du tes-
tament de Gen série, a jeté votre roi
légitime dans les fers , a tué ses pro-
ches ou leur a fait arracher les yeux.
Venez à mon aide, et unissons nos ef-
forts pour renverser l'odieuse tyran-
nie qui pèse sur vous. C'est bu nooi
de Dieu que je Vous promets la paix
et la liberté. » Celui à qui on avait
confié ces lettres n'osa point lés ré-
pandre. Il les fit lire seulement à un
petit nombre d'anîfs, ce qui ne pro-
duisit aucun effet sur Fesprit public,
et n'amena point les résultats sur les-
quels avaient compté Justinien et le
chef de Texpédition. Enfin, Bélisaire
se porta avec son armée sur Syllectum.
Quand il ûit entré dans la Ville, il
maintint parmi ses soldats une disci-
pline sévère, et il n'eut à réprimer ni
excès, ni violences. La douceur du gé-
néral , ta modération des troupes ga-
gnèrent tous les cœurs. Dès lors ^a^^
mée marcha en Afrique comme si elM
eût été au sein de l'empire. Nul ne
prenait la fuite à son approche. Tous,
au contraire , venaient à sia rencontre
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
a
e% s'empressaient de lui donner des
renseignements ou de renouveler ses
provisions.
MARCHE BE SYLLEGTUM À GBAS-
se; PRUDENCE DE BÉUS4IBE; SES
pisPosiTiONS. — En sortant de Syl-
iQCtuin, i*drmée grecque se mit en ba-
taille, et prit la route de Carthage.
Jélisaire forma deux avant- gardes.
Bans la première , qui était comman-
dée par un ofûcier renommé pour son
habileté et sa bravoure , Jean l'Armé-
nien , on comptait trois cents soldats
d'élite. La seconde se composait des
cavaliers huns, qui s'étaient mis
au service de l'empire. Celle-ci mar-
chait sur la gauche. L'une et l'autre
avaient ordre de garder, entre elles et
l'armée , une distance de vingt stades
environ. Bélisaire s'avançait avec le
corps principal. Il surveillait ses der-
rières avec soin,. parce qu'il supposait
auQ Gélimer l'attaquerait en revenant
q'Herinione. La droite de l'armée s'ap-
puyait à la mer, et, de ce côté, il n y
avait pas même l'apparence du danger.
XiR général ordonna aux commandants
de sa flotte de suivre tous les mouve-
ments des troupes, et de ne jamais
perdre de vue le rivage. Quand le
vent soufflait avec force, ils devaient
plier les grandes voiles et ne se servir
que des petites, et, dans les temps de
calme, employer les bras des rameurs.
C'est ainsi que l'armée s'avançait en
bel ordre , parcourant chaque jour,
dans sa marche, quatre-vingts sta<^l€s.
A l'approche de la nuit, elle s'arrêtait.
Alors, suivant la disposition des lieux,
elle se livrait au repos, soit dans les
villes, soit dans un camp retranché.
Apres avoir traversé Leptis- la-Pe-
tite et Adrumetum, l'armée impériale
arriva enfin à Grasse, ville qui n'était
Soignée de Carthage que de trois cent
cinquante stades. Là se trouvait un
palais qui appartenait au roi des Van-
dales. Il était environné par des jardins
les plus beaux et los plus agréables que
les soldats grecs eussent jamais vus (*).
, .(*) Gibbon en rappelant les. impressions
de JProcope, accuse rhistorieo byzantin
d'exagéraUon. Il a tort. Certaines provinces
On y rencontrait de claires fontaine^
et une foule d'arbres qui portaient des
fruits exquis. Les soldats dressèrent
leurs tentes dans ces jardins; ils cueil-
lirent'les fruits mûrs et s'en rassa*^
sièrent. Cependant, au départ de l'ar-
mée, les arbres étaient encore tellement
chargés, dit Procope, que Ton eût été
loin de s'imaginer que d' innombrables
mains les avaient diépouillés.
GELIHER APPREND L'ARRIYÉE i)ES
TBOtJPRs impériales; ses mesu-
res; IL FAIT TUER HILDERld ET
SES partisans; l'armée grecque
CONTINUE SA MARCHE. — Quand
Gélimer apprit, dans sa résidence
d'Hermione , l'arrivée des troupes
impériales, i) essaya de détourner,
par de promptes et vigoureuses me-
sures, le danger qui le menaçait. Il
écrivit à son frère Ammatas, qui se
trouvait à Carthage, une lettre dans
laquelle il lui ordonnait dé faire périr,
sans retard, Hildéric et ses partisans,
et de rassembler tous les Vandales qui
.étaient en âge de porter les armes.
Ammatas obéit à Gélimer. Il fit tuer
Hildéric, Euagis et tous leurs amis.
Oamer était déjà mort. Puis il se dis-
posa, avec les troupes qu'il avait Ras-
semblées, à se porter à la rencontre de
l'armée grecque. Il devait l'attendre, à
soixante et dix stades de Carthage,
dans les gorges de Décimum (*). Géli-
de VAfriqne ont toujours cidté Fadmira-
tion des voyageur» par leur merveilleuse
fécondité.. Jadis à la vue des riants et fer-
tiles jardins q^ii avoisinaient Carthage , les
impressions des mercenaires d'Agaibocle
avaieut été aussi vives que celles des soldats
de Jusiinien. Nous avons cilé, à ce propos,
dans une autre partie de ce volume (Ifts^
toire de Carthage , p. 1 35) , un passage dé
Diodore que Ton peut rapprocher des
phrases que nous avons empruntées à Pro-
cope. (Voy. deBeL FandaL, l, 17.)
(*) « Décimum était situé à soixante-dix
stades de Carthage au milieu des collines
d'Arriana , hautes de cinq cents pieds et
éloiguées de quarante stades des plaines
salées de la Sebka de Soukara. m M. Marcus
a reproduit, dans cette phrase, Popinion
de rÂçadémiedes inscriptions; voy. Recher»
cnes, etc, , 1. 1, p. xoi.
4.
Digitized by VjOOQIC
«
L'UNIVERS.
mer s'avançait de son côté, à Tinsu de
Bélisaire. Seulement, Varmée impériale
fut avertie à Grasse, pendant la nuit,
de l'approche des Vandales. Ses éclai-
reurs avaient rencontré ceux de l'en-
nemi , et il y avait eu entre eux un en-
gagement. Bélisaire ne se troubla point
à cette nouvelle; il redoubla de sur-
veillance, et le lendemain il se remit
en marche. A partir de Grasse, la
flotte fut obligée de s'éloigner de la
côte, et dès lors on la perdit de vue.
Elle tint la pleine mer à cause des ré-
cifs,'>et d'ailleurs elle se trouva dans la
nécessité d'accélérer sa marche pour
doubler le cap de Mercure. Archelaiis
la dirigeait. Avant de s'éloigner, le
questeur prit les ordres de Bélisaire,
qui lui recommanda de ne pofnt se
porter directement sur Carthage, mais
de s'arrêter à vingt stades de la ville ,
et d'attendre, pour agir, de nouvelles
instructions. L'armée mit quatre jours
pour aller de Grasse à Bécimum.
PLAN DE GÉLIMER; IMPRUDENCE
d'ammàtas; les vandales épbou-
VENT UN PBEMIEB ÉCHEC. — Le plan.
de Gélimer était sagement conçu.
Ammatas, qui venait ae Carthage, de-
vait marcher à la rencontre de l^rmée
grecque et la prendre en tête; Gélimer,
de son côté, se proposait de se jeter
sur elle au moment de l'engagement et
de l'attaquer par derrière; enfin Giba-
mund, neveu du roi , avait été détaché,
avec deux mille Vandales, pour se pré-
cipiter en temps opportun sur l'aile
gauche. Procope, qui se fait ici l'inter-
prète des pensées de Bélisaire, déclare
que si les ordres de Gélimer avaient
été parfaitement exécutés, et les mou-
vements de ses troupes bien concertés,
l'armée grecq[ue eût éprouvé un grand
désastre. Mais l'imprudence du frère
du roi , et pussi , il faut le dire , des
circonstances imprévues, amenèrent
la ruine des Vandales.
Ammatas s'était porté, vers midi,
à Décimum ; il avait ainsi devancé de
beaucoup l'arrivée de l'armée impé-
riale. Il avait agi avec tant de précipi-
tation, que, lorsqu'il se rendit à son
poste, il ne put emmener avec lui
qu'un petit nombre de mauvais soldats.
II avait laissé à Carthage la meilleure
partie de ses forces, se bornant à don-
ner ordre aux troupes qui restaient de
le rejoindre dans un bref délai. Quand
il arriva à Décimum, il rencontra l'a-
yant-garde commandée par Jean l'Ar-
ménien. Alors les Grecs et les Vandales
se chargèrent Ammatas déploya dans
le combat un courage héroïque, et tua
douze hommes de sa main ; mais enfin
il tomba percé d^un coup mortel. Après
avoir perdu leur chef, les Vandales se
sauvèrent, et Jean se mit à leur pour-
suite. Les Grecs rencontrèrent dans
leur course les soldats qui , obéissant
aux ordres d' Ammatas, se rendaient
de Carthage à Décimum. Ils ne savaient
point qu'un combat eût été livré, et ils
marchaient en désordre, par troupes
de vingt ou trente hommes seulement.
Les vaincus, en se sauvant, jetèrent le
trouble parmi eux et les entraînèrent
dans leur fuite. Ils ne songèrent point
à compter le petit nombre de leurs
vainqueurs. Aussi Jean les poursuivit
jusqu'aux portes de Carthage, et, dans
un espace de soixante et dix stades.
Il tua tant d'ennemis, dit Procope avec
une certaine exagération , qu'à voir le
champ du carnage, on eût dit que
vingt mille combattants l'avaient par-
couru.
SECONDE DEFAITE DES VANDALES ;
GIBAMUND ET LE CHEF DBS HUNS.
— Dans le même temps, Gibamund et
les deux mille hommes qu'il comman-
dait arrivèrent à des sahnes situées à
quarante stades de Décimum (*). Là se
trouvait une plaine immense, déserte
et sans végétation. Les Vandales ren-
contrèrent en cet endroit le détache-
ment des Huns que Bélisaire, pour
assurer les opérations de sa gauche ,
avait envoyé à la découverte. Il fallut
dès lors se préparer au combat.
Il y avait dans la troupe des Huns
un chef qui se distinguait entre tous
par sa force et sa bravoure. Il tenait
de sa famille le glorieux privilège de
frapper sur l'ennemi le premier coup,
r^ul, parmi les Huns, n avait le droit
{*) Les plaines salées de la Sebka de Soa-
kara (voy. Falbé),
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
S3
de commencer l'attaque avant lui.
Quand les deux troupes furent en pré-
sence , ce chef s*élança à cheval , sans
être accompagné, et, parcourant le
front de la cavalerie des Vandales, il
provoqua l'ennemi au combat. Une si
grande audace étonna les soldats de
Gibamund, et, craignant d'ailleurs de
tomber dans une embuscade, ils ne
firent aucun mouvement et ne lancè-
rent pas même un trait ; peut-être aussi
furent-ils saisis de crainte à la vue des
armes et surtout des visages de ces
Huns, qui depuis un siècle avaient fait
tant de bruit dans le monde. Les Van-
dales ayant refusé d'engager la mêlée,
le chef qui les avait provoqués revint
auprès des guerriers ae sa race, et leur
dit : « Dieu a fait les apprêts du fes-
tin ; nous n'avons qu'à tendre la main.
Marchons ! » Tous s'élancèrent alors.
Les Vandales ne purent soutenir le
choc des cavaliers huns; ils rompirent
leurs rangs, et, sans opposer de résis-
tance, ils se laissèrent égorger jusqu'au
dernier.
SITUATION DE l'ABMÉE GBEGQUE;
DISCOURS DE BÉLISAIBE. — L'amiéc
grecque ignorait les événements, si
heureux pour elle, qui venaient de
s'accomplir, et continuait sa marche
sur Décimum. Cependant, à trente-
cinq stades de là, Bélisaire ayant ren-
contré une excellente position, fit faire
halte, et ordonna de préparer un camp.
Quand les retranchements furent éle-
vés, le général fit rassembler les trou-
pes, et, s'étant placé au milieu d'elles,
il leur tint ce discours : « Soldats ,
l'ennemi approche et l'heure du combat
est arrivée. La flotte, vous le savez,
est éloignée de vous, et vous ne devez
point compter aujourd'hui sur sa coopé-
ration. Vous n'avez point de ville
amie qui puisse, au besoin, vous ou-
vrir ses portes et vous offrir un abri
derrière ses murailles. Notre salut
commun est tout entier dans votre
courage. Si vous vous comportez avec
bravoure, l'ennemi, n'en doutez pas,
sera vaincu ; si vous vous battez mol-
lement, les Vandales l'emporteront, et
vous n'échapperez point à la mort.
Soldats nous avons pour nous deux
sûrs garants de la victoire : notre bon
droit et la haine que les Vandales por-
tent à leur tyran. Vous avez, en outre,
sur votre ennemi un immense avan-
tage : jusqu'ici , vous n'avez point lan-
gui dans le repos; vous maniez les
armes depuis longtemps, et vous avez
été éprouvés par de nombreuses ba-
tailles. Vous avez soutenu contre les
Scythes et les Perses de rudes guerres,
tandis que les Vandales n'ont jamais
eu à combattre dans les Maures que
des ennemis sans discipline et à demi
nus. Si vous m'en croyez, nous ferons
une place forte du camp où nous som-
mes. Nous y laisserons, sous bonne
garde, nos bagages et tout ce qui pour-
rait gêner nos mouvements; puis nous
marcherons à l'ennemi. Si nous som-
mes victorieux, nous trouverons ici, à
notre retour, des vivres en abondance.
Soldats, en allant au combat, songez
à vos anciens exploits, et vous serez
braves, et, je vous le jure, vous vain-
crez. »
INGEBTITUDES DE BÉLISAIBE ; LES
CAVALIEBS qu'il ENVOIE A LA DÉ-
COUVEBTE SONT MIS EN FUITE PAR
LES VANDALE»; FAUTE DE GÉLIMEB;
IL EST VAINCU. — Après avoir encou-
ragé ses^oldats et donné ses derniers
ordres, Bélisaire sortit des retranche-
ments. Il ne cherchait point l'occasion
de livrer bataille, mais, avec son ex-
trême prudence, il voulait étudier le
terrain, et reconnaître par lui-même
les forces et la position de l'ennemi :
c'est pourquoi il n'emmena avec lui
que sa cavalerie, et il laissa à la garde
du camp, où se trouvait Antonina, sa.
femme, toute son infanterie. Il marcha
avec lenteur; seulement il eut soin
d'envoyer à la découverte les cavaliers
auxiliaires. Ceux-ci poussèrent jusqu'à
Décimum. Là, ils virent couchés sur
la terre des cadavres de soldats grecs
et vandales, parmi lesquels se trouvait
celui d'Ammatas. Les habitants du
lieu apprirent à la troupe gui arrivait
la victoire deJean l'Arménien. A cette
nouvelle, les auxiliaires furent jetés
dans un grand trouble. Ils ne savaient
oii se diriger, et ils parcouraient toutes
les émineuces pour découvrir au loin
Digitized by VjOOQIC
54 ;.'iJ|ayERS.
leurs compagnons vjctorieux. Tout à
coup, ilë voléîit s'élever du cdté du
midi un nua^e de poussière, et peu de
temps après la cavalerie des Vandales
se déploya devant eux. 11^ font savoir
aussitôt à Béiisaire que Tennemi ap-
proche, et lui demandent un renfort.
Les avis des chefs étaient partagés; les
uns Toufaient que Ton attaquât sans
hésiter; les autres prétendaient que
leurs forces n'étant point égales à cel-
les de l'ennemi , il valait mieux faire
retraite. Pendant la discussion, les
Vandales, conduits par Gélimer, avan-
çaient toujours. Dans leur marche, ils
s'étaient placés, à leur insu, entre le
^rps des Huns qui «ivaient défait la
troupe de Gibamund, et le camp de Bé-
tfsaire. Quand ils furent arrivés auprès
de Décimum, ils s'élancèrent au galop
pour occuper une colline. Alors la ca-
valerie impériale s'ébranla à son tour
pour leur disputer^ cette position. Mais
les Vandales l'avaient devancée, et,'
quand elle vint pour les attaquer, ils
la repoussèrent avec perte et la ihirent
en fuite. Elle courait encore, lors-
qu'elle rencontra, à sept stades de Dé-
dmum, Uliaris, officier des gardes,
qui s'avançait pour la soutenir avec un
corps de huit cents hommes. Ledevoiif
d'Ulinris était de rallier la trohpe dé-
faite et de tenter une nouvelle attaque ;
mais il se laissa entraîner par le^
fuyards, et il revint avec eux, au galop,
auprès de Béiisaire.
Gélimer commit alors une grande
faute : il resta dans l'inaction après sa
victoire, et par là il se perdit. Si , d'une
part , et ce sont là les réflexions d'un
compagnon de Béiisaire, il eût pour-
suivi vivement les cavaliers qu'ail avait
mis en déroute, Parmée impériale eût
éprouvé certainement un échec irrépa-
rable, tant les Vandales étaient nom-
breux et animés, et tant la frayeur des
Grecs était grande. D'autre part, si
Gélimer se ftit porté sur Cartnage, il
eût facilement anéanti le corps placé
sous les ordres de Jean l'Arménien.
Les vainqueurs d'Ammatas s'étaient
dispersés çà et là dans la campagne
pour dépouiller ceux qu'ils avaient
tués. Puis, dans sa capitale bien dé-
fendue , ayant à sa disposition d'abon-
dantes ressources, le roi aurait pu
repousser toutes les attaques, et même
se rendre maître de la flotte qui arri-
vait. Il eût ainsi enlevé, d'un coup, à
l'armée impériale les moyens de faire
retraite et de vaincre (*). Mais Gélimer
perdit à Décimum un temps précieux :
il ne quitta la position que la valeur
de ses troupes lui avait assurée que
pour descendre lentement dans la
plaine où Ammatas avait été tué. A la
vue du cadavre de son frère, le roi
(*) C'était là probablement Topinioa
de Béiisaire. M. Marcus fait suivre les pa-
roles de Procopé de quelques observalions
qui nous ont paru plausibles. « Un général,
dit-il, plus habile que Gélimer, aurait pour*
suivi la pointe de sa vicloire , sauf à changer
son premier plau de campagne ; mais il
n^est pas dit pour ceid qu'il eût battu com-
plètement Béiisaire. Celui-ci aurait pu être*
obligé de se replier sur son camp avec «a
cavalerie, mais il n'y serait entré que pour
en sortir de nouveau avec elle et avec Pin-
lahterie , et engager la bataille avec toutes
ses forces. Gélimer ne se sentit pas assez de
<k£ur pour hasarrler un combat en due forme
avant qu'il eût appris les causes du retardf
qu'Ammatas et Gibamund mettaient à ve-
nir. Voilà la raison ponr laquelle il descen-
dit dans la plaine. Peut -éftre aussi eut-il
peur que les partisans de l'ancienne famille
royale ne se fussent révoltés à Carthage
contre Ammatàs. Quand il eut une fois
trouvé le corps de ce dernier, il ne pouvait
se porter sur Carthage avant de connaître
les forces de Jean : autrement il se serait
exposé à élre attaqué par l'ennemi p^r devant
et sur ses derrières. Tout ce qui lui restait
à faire, c'était donc de ne pas perdre de
temps à l'inhumation de son frère , mais <le
se retirer en bon ordre avec Ses troupes en
arrière de Décimum, et d'y attendre ou
Sue l'ennemi vînt à lui , ou qu'il eût reço
es renseignements exacts sur l'état de ses
propres affaires et sur celles des Grecs. Sf aïs
la principale cause de la perte des Vanda-
les, fut que l'ordre magnifique et rassurance
avec lesquels les troupes de Béiisaire raar^
chèrent sur Carthage les déroutèrent toat
à fait, eux qui depuis un siècle n'avaient
combattu que contre les Maures, et avaient
perdu leur aucieune énergie au sein des
plaisirs et de Tinaction.» (Marcus ; Histoire
des FandaUs, etCf p. ^7^)
Digitized by VjOOQIC
fondit en larmes, et se montra en proie
à la plus vive douleur, tl voulut alori
qu'on donnât à Ammatas la sépulture,
et qu^on lui reirdît les derniers hon*
neurs. Il était livré tout entier à ces
soins pieux, lorsque les Vandales vi^
rent arriver à toute bride les cavaliers
de Bélisaire.
Le général avait rallié les fuyards,
et leur avait reproché en termes sé-
vères et durs leur lâcheté; puis, après
s'être informé de Tétat des lieux, après
avoir appris la victoire de Jean et la
mort d'Ammatas, il s'ébranla avec
toute sa cavalerie pour attaquer Géli-
mer et les Vandales. Ceux*ci, surpris
par cette charge imprévue, ne purent
soutenir le choc des Grecs, et, après
avoir laissé sur la place un grand nombre
de morts, ils furent mis en fuite. Ils
ûe se dirigèrent point vers Carthage ,
ûi vers la Byzacène, d'où ils venaient,
mais vers la plaine de Bulla, par la
i^te qui conduit en Numidie. Sur le
soir, à l'heure où l'on allume les fl'arp-
beaux , Jean TArménien et les Huns
rejoignirent Bélisaire, et lui firent
connaître leur double victoire. Toute
la cavalerie campa cette nuit à Dé-
cimum.
l'abhée gbegque campe aux
POETES DE carthage; INTÉBIEUH
DE LA Ville; les pbisons du boi.
— Le lendemain, l'infanterie que Bé-
lisaire avait laissée au camp avec
Antonina, sa femme, arriva a Déci-
mum. Quand toute l'armée fut réunie,
Bélisaire n'hésita plus à marcher droit
à Carthage. Il arriva vers le soir sous
les murs de la ville. Nul ennemi ne
paraissait pour lui résister; les portes
étaient ouvertes, et les Carthaginois
avaient placé dans toutes les rues des
tonshes qui répandirent pendant la nuit
une vive clarté. Les Vandales, qui n'a-
vaient pas pris la fuite à l'approche de
l'armée grecque, effrayés par les dis-
positions de la population d'origine
romaine, avaient cherché un asile dans
les églises. Cependant la tranquillité
apparente de la ville inquiétait Béli-
saire , et il résolut de camper en de-
hors des murs. Il craignait deux cho-
ses : une ruse de l'ennemi, et les
désordres auxqiiels se livreraient dan^i
les ténèbres ses s6ldats victorieux.
Le jour même où l'armée se portait
de Decimum sùi" Carthage, la flotte,
poussée par un vent favorable, dou-
blait le cap de Mercure. Quand iek
habitants aperçurent au loin les vais-
seaux grecs, ils'se hâtèrent de lever les
chaînes qui fermaient l'entrée du port
qu'ils appelaient Mandracium (*). Dè^
ce moment, ceux qui haïssaient la do-
mination des Vandales s'enhardirent,
et ils s'efforcèrent de mériter les égards
des vainqueurs par de grandes démons-
trations de zèle , et par des actes qu'ils
se proposaient de rappeler en témoi-*
fnage de leurs bonnes dispositions.
I y avait dans le palais même une
obscure prison où Gélimer faisait jeteç
tous les individus, Vandales ou Ro-
mains, qui lui portaient ombrage*
Cette prison regorgeait alors de mar-
chands venus de TOifient, que le roi
accusait d'avoir appelé en Afrique les
troupes de Justinien. Les malheureux,
ainsi rerifermés sur de faux soupçons,
craignaient à chaque instant qu on nQ
les ut périr. Ils coururent, en effet, uft
grand danger. Le jour même où Am-
matas sortit de Carthage, Gélimer
ordonna qu'on les mît à mort; mais le
coup imprévu qui frappa le frère du
roi et les événements qui suivirent
suspendirent l'exécution. Quand le
geôlier connut le résultat des diffé-
rents combats livrés près de Décimum,
et , plus tard , ^âand il vit paraître au
loin la flotte impériale, il fut saisi
d'une vive frayeur; il entra dans la
prison. Enchaînés et plongés dans
d'épaisses ténèbres, ceux qui s'y trou-
vaient ignoraient l'arrivée et la vic-
toire de Bélisaire, et ils purent croire
un instant que leur dernière heure
était" venue. Alors le geôlier, élevant
la voix, leur dit : « Que me donnerez-
vous si je vous sauve? » Tous s'em-
pressèrent de lui faire de magnifiques
{*) C'était le Cothôn ou port militaire deft
anciens Carthaginois. Voy. dans ce volume :
Histoire de Carthage; topographie, p. i4a.
Nous renvoyons , au reste , à celte topo-
graphie pouf tout ce qui concerne la ville
de Carthage dans le présent récit.
Digitized by
Google
56
LUNIVERS.
promesses et de lui prot)oser de grosses
sommes. «Gardez votre argent, ré-
pondît-il; je ne vous demande au'une
chose. Jurez-moi, si je vous délivre,
de m'accorder, auprès du général de
Justinien, assistance et protection, m
Quand ils eurent juré, il leur raconta
les événements qui venaient de s'ac-
complir, et, ouvrant un soupirail, il
leur montra la flotte grecque dans les
eaux de Carthage; puis il rendit la li-
berté aux prisonniers, et se sauva avec
eux.
ABBIVÉE DE LA FLOTTE ; ELLE S'AR-
béte dans le lac de tunis; calo-
nyme; entbée de bélisatbe a
gabthage; modébation du génb-
bal; bonne discipline des tbou-
pes. — Quand la flotte eut doublé le
cap de Mercure, elle ralentit son mou-
vement. Officiers, soldats et matelots
étaient dans une grande anxiété; ils
n'avaient point de nouvelles de l'ar-
mée, et ils ne savaient où s'arrêter.
Enfin, ils résolurent d'envoyer un vais-
seau à la ville la plus voisine pour
recueillir des renseignements. Ils ap-
prirent, par ce. moyen, tout ce qui
s'était passé. Alors, pleins de confiance
et de joie, ils n'hésitèrent plus à avan-
cer. Ils étaient encore éloignés de.
Carthage de cent cinquante stades en-
viron, lorsque le questeur Archelaûs
et les soldats qui étaient restés sur les
vaisseaux, voulant observer rigoureu-
sement les ordres de Bélisaîre, deman-
dèrent que la flotte gagnât le rivage
le plus rapproché et s'y arrêtât. Les
matelots s'y opposaient. Ils voyaient
dans l'air, disaient-ils, les signes pré-
curseurs d'une grande tempête, et ils
avaient appris que la cote indiquée
n'offrait ni ports ni points de relâche.
Ils déclarèrent donc que si l'on suivait
l'avis d'Archelaiis et des soldats, la
flotte entière serait anéantie. On sut
plus tard que les matelots ne s'étaient
Ï)as trompés. Le questeur se rendit, et
a flotte continua sa marche; seule-
ment il fut décidé qu'on ne tenterait
pas d'entrer dans le Mandracium. On
supposait que le port de Carthage était
fermé, et, d'ailleurs, on ne croyait
pas qu'il pût contenir tous les vais-
seaux. On fit voile vers le lae gui
avoisine la ville. La flotte entière y
entra aux approches de la nuit, et
après avoir allumé ses fanaux. Un seul
vaisseau s'était écarté; c'était celui
qui portait Calonyme. Ce chef, bra-
vant les ordres de Bélisaire, et ne te-
nant aucun compte des intérêts de
l'armée, était entré furtivement dans
leMandracium. Comme il ne rencontra
point de résistance, il s'élança à terre
avec les hommes de son équipage, et
enleva de force l'argent des marchands,
étrangers ou carthaginois^ qui habi-
taient aux environs du port.
Le lendemain, Bélisaire, averti de
l'arrivée de la flotte, ordonna aux sol-
dats, qui jusqu'alors étaient restés à
bord , de se rendre au camp. Quand
toutes les troupes furent réunies, le
général les disposa comme pour une
bataille, et il se prépara à faire son
entrée dans Carthage. L'ennemi ne lui
avait pas .dressé d'embûches , comme
il le craignait; tous, au contraire, de-
vaient accourir auprès de lui et l'ac-
cueillir avec joie. Bélisaire comprit
alors que sa modération, bien plus que
la valeur des soldats, avait contribué
à ses rapides succès. Avant de péné-
trer dans la ville , il s'adressa encore
une fois à son armée pour lui recom-
mander de se maintenir jusqu'au bout
dans sa bonne discipline. « Les Afri-
cains, dit-il, soumis autrefois à la do-
mination des Romains, et Romains
eux-mêmes, n'ont obéi que par force
aux Vandales qui les opprimaient.
C'est pour les aider à secouer un joug
odieux que notre empereur fait la
suerre. Point de désordres et point
d'excès. Montrons ici que nous ne
sommes point venus en Afrique comme
des conquérants, mais comme des li-
bérateurs. »
L'armée entra donc à Carthage (*).
Bélisaire monta au palais des rois. Il
était bâti sur la colline de Byrsa, là
où s'élevait jadis la citadelle des an-
ciens Carthaginois et la demeure des
proconsuls romains. Comme représen-
tant de Justinien , Bélisaire s'assit sur
(*) Vers le i5 septembre.
Digitized by VjOOQIC
le trône de Gélimer. C'est làquMl reçut
les plaintes des marchands du port qui
avaient été pillés la veille par Féqui-
page d'un vaisseau grec. Le général
ut droit à leurs réclamations. Il ap*
pela Calonyme, et lui ordonna de
rendre tout ce qu'il avait enlevé.
«Jurez, lui dit-il, que vous n'avez
rien ^ardé. » Calonyme jura, et cepen-
dant il avait mis en réserve de grosses
sommes d'argent. Mais il ne devait pas
jouir du fruit de ses violences et de
çon mensonge; peu de temps après
son retout à Constantinople, une af-
freuse maladie l'emporta.
bepàs donné aux offigiebs pab
bélisaibe; adhibable discipline
DE l'abmée: clémence du vain-
QUEUB ; les if ubs de cabthage. -^
A l'heure du repas, Bélisaire se rendit
avec ses officiers dans la salle où Gé-
limer recevait à sa table les person-
nages les plus illustres de sa nation.
Les mets que l'on servit alors au gé-
néral de Justinien et à ses compagnons
d'armes avaient été préparés la veille
f)our le roi des Vandales. Ce furent
es serviteurs de Gélimer qui appor-
tèrent à ces hôtes inattendus le pain
et les viandes, et qui versèrent le vin
dans les coupes. Ce spectacle frappa
vivement les convives, et tous, comme
Procope, durent songer plus d'une
fois, pendant le repas, à l'instabilité
des choses humaines.
Bans ce jour, au milieu même de
l'enivrement du triomphe, nulle vio-
lence ne ternit la gloire du vainqueur.
Un ordre parfait régna parmi les trou-
pes. Quand les soldats romains se
rendaient maîtres d'une ville, ils avaient
coutume, suivant leur propre témoi-
gnage, de piller et de se livrer à de
grands excès. Cette fois, ils se contin-
rent. Le général, par son caractère,
avait pris sur ses troupes un tel ascen-
dant, que nul n'osa enfreindre ses
ordres. Il n'y eut pas à Carthage une
seule violence; on n'entendit pas même
proférer une menace. Les affaires du
commerce ne furent pas interrompues,
et les boutiques restèrent ouvertes.
Tous les vivres fournis aux troupes
furent payés. Puis, quand les officiers
AFRIQUE. 57
chargés de préparer les logements de
l'armée eurent dressé leurs listes, cha-
que soldat se retira,. sans tumulte,
pour se reposer, dans la maison qui
lui av^it été désignée.
Un des premiers soins de Bélisaire
fut de rassurer les Vandales qui s'é-
taient réfugiés dans les églises; il jura
qu'il ne leur serait fait aucun mal.
Ensuite, il songea à réparer les forti-
fications de Carthage. Le mur d'en-
ceinte, mal entretenu, s'était écroulé
en plusieurs endroits, et, par ses brè-
ches, il offrait à l'ennemi un facile
passage. Suivant les Carthaginois, c'é-
tait à cause du mauvais état des for-
tifications que Gélimer ne s'était pas
jeté dans leur ville. Il savait bien, di-
saient-ils, que derrière nos faibles mu-
railles il ne pourrait repousser long-
temps les attaques de ses ennemis.
Bélisaire voulut se montrer plus pré-
voyant que Gélimer, et il se hâta de
mettre la ville en état der soutenir un
long siège.
LEGENDES EJYIEILLBSTBADITIONS
BAPPOBTÉES PAB PBOCOPE. — - L'ap-
parition subite, sur les côtes d'Afri-
que, de l'armée impériale, la marche
heureuse et rapide de Bélisaire, cette
révolution enfin qui avait enlevé, en
quelques jours , un trône à GéUmer,
et aux Vandales une conquête achetée
par un demi-siècle de fatigues et de
combats, firent sur les masses une
vive et profonde impression. L'imagi-
nation était frappée de ces caprices
inattendus et mystérieux de la fortune,
et, par un penchant naturel, vain-
queurs et vaincus cherchèrent à re-
trouver, dans le passé , les signes qui
avaient annoncé les événements qui
venaient de s'accomplir.
Depuis longtemps, à Carthage, les
enfants avaient coutume de répéter
dans leurs jeux : « Le G chassera le B,
et, à son tour, le B chassera le G. »
Ces mots, qui n'avaient aucun sens en
apparence, dirent les Grecs après leur
victoire, renfermaient pourtant une
prophétie; car ils indiquaient claire-
ment que Genséric avait chassé Boni-
face, et que, plus tard, Bé^sairede-
vait chasser Gélimer.
Digitized by VjOOQIC
«
Les catholiques, à leur tour, trou-
vèrent, ddhs le Irfomphe des troupes
de Justinien , Pexplicatidn d^une mer-^
veilleuse vision qui les [préoccupait
depuis longtemps. Jadis, ils avaient
élevé, sur le rivage, une magnifiaud
église à Cyprien, le plus illustre des
évé<|ue8 de Garthage. Là, ils célé-
braient, chaque année, en grande
pompe, une fête que, du nom du saint,
on appelait Cyprienne. Au temps du
roi Ëiméric, cette église fut enlevée
aux vrais croyants et donnée aux
ariens. La tristesse des catholiques
fut grande. Cependant une vision cé-
leste vint les consoler. Cyprien apparut
en 6onge à plusieurs fidèles, et leur
dit : « Prenez courage; viendra un jour
où je me vengerai. » Les parolesdu saint
se répandirent rapidement en Afrique.
Les catholiques, pendant un demi-
siècle, ne cessèrent d'espérer; seule-
ment ils se demandaient : « Quand
verrons-nous donc luire ce jour de la
vengeance?»* Enfin Bélisaire narut.
On était arrivé à la veille de la léte de
saint Cyprifen , lorsque les Vandales et
Ammatis se rendirent à Décimuml
Lés prêtres ariens faisaient alors pour
h solennité annuelle de grands apprêts.
Ils avaient suspendu aux murs de l'é-
glise festons et guirlandes, placé leurs
filus beaux lustres, et tiré enfin de
eur trésor leurs plus riches ornements.
Tout à coup, on vint leur apprendre
que le frère du roi était tuÂ, et que les
Grecs étaient vainqueurs. ïls se sau-
vèrent à cette nouvelle, et les catholi-
ques se mirent en possession de l'église
de Saint-Cyprien. Ce furent eux, cette
année, qui, allumant daus le sanc-
tuaire d'innombrables lumières, célé-
brèrent, suivant leur rite, la fête de
celui qui depuis si longtemps avait
promis de les secourir et dfe les venger.
Les Vandales, enfin , se souvinrent,
au moment de leurs désastres, des pa*
rôles qui avaient été prononcées, dans
une circonstance solennelle, par un
vieillard de leur nation. Il y avait un
siècle et plus, qu'au temps de leur
émigration, ils avaient laisse une partie
des leurs dans la Germanie. Ceux qui
if avaient point voulu s'associer au roi
L'UN|[yERS.
Godigiscle . trouvèrent aisément, après
te départ de leurs fVéres, de quof si
nourrir sur leurs propres terres et sur
celles qui avaient été abandonnées.
Plus tard, Genséric fit la conquête de
l'Afrique. Les Vandales de la Germanie
éprouvèrent alors une grande joie.
(cependant il leur vint eif pensée que
les victoires des compagnons de Gen-
séric pourraient être suivies de revers,
et que peut-être un jour les émigrants
reviendraient dans leurs anciens éta-
blissements. Or, ils savaient bien que
les cantons qu'ils occupaient n'étaient
pas assez vastes ni assez fertiles pour
nourrir ce surcroît de population, et
qu'ils auraient à souffrir, comme au-
trefois, les horreurs de la famine. Pour
se mettre en mesure, en quelque sorte,
contre l'avenir, ils envoyèrent des dé-
putés à Genséric. Ils ne s'étaient
considérés jusque-là que comme les
fermiers des terres abandonnées par
les conquérants de l'Afrique, et ils
voulaient dorénavant les posséder à
titre définitif. Arrivés à Carthage et
admis en présence du roi, les députés
félicitèrent Genséric sur ses glorieux
succès; puis ils lui dirent : « Puisque
tu possèdes en Afrique une grande et
fertile contrée, les terres que tu as lais-
sées en Europe te sont inutiles. Donne-
les en toute propriété aux hommes de
ta race qui vivent en Germanie. Si tu
accueilles notre demande, nous se-
rons, plus qu'autrefois, intéressés à
défendre jusqu'à la mort notre pays,
ton ancienne patrie. » Genséric et les
chefs vandales qui l'entouraient écou»
tèrent lek députés a^ec faveur. Déjà le
roi allait prendre un solennel engage-
ment, lorsqu'un vieillard illustre dans
la nation , par la noblesse de sa raM
et par sa prudence, se leva, et dit :
« Les choses humaines sont de leur
nature incertaines et périssables; ce
qui nous -paraît improbable peut ar-
river un jour. Qui oserait nous assurai»
que nous serons toujours maîtres de
1 Afrique, et que nous ne serons point
forcés, dans un avenir que nul ne peut
déterminer, d'abandonner notre con-
quête et de retourner dans nos an-
ciennes demeures de la Germanie? »
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
Frappé car ces paroles, Genséric chan-
gea #avis, et ri*accùeillît point la de-
mande des députés. On se moqua Sors
du roi et de celui qui l'avait conseillé.
Mais, plus tard, au temps de Bâi-
saire, là nouvelle génération des Van-
dales se souvint, au moment de ses
revers, des paroles du vieillard, et les
trouva pleines de sagesse.
GÉLTMER StlRYEllLB À DISTANCE
l'armée grecque; action glo-
rieuse DE DIOGÈNE ET DE VÏKGT-
DBUX CAVALIERS. — Gélimer se te-
nait à une assez grande distance de
Carthage ; cependant il surveillait avec
soin son ennemi. Il avait envoyé dans
toutes les campagnes des émissaires
qui devaient exciter la population afri-
caine, par Tappât du gain, à se lever
en arntes, et à défendre, contre les
trounes impériales, la domination des
Vandales. Il fit promettre une somme
d'argent à quiconque apporterait à son
damp la tête d'un soldat grec. Les
Africains n'hésitèrent point : ils se mi-
rent en embuscade , et s'emparèrent de
tous ceux qui sortaient de Carthase
pour piller dans les campagnes avm-
sinantes. Parmi les prisonniers, lés
esclaves et les valets étaient plus nom-
breux que les soldats. Les paysans ne
mettaient pas entre eux de différence;
ils les tuaient indistinctement, et se
hâtaient de porter les têtes à Gélimer.
Le roi les payait largement , et se ré-
jouissait de se défaire ainsi , sans daB-
ger pour lui et pour les Vandales qui
raccompagnaient, des soldats de Bé-
lisaire. •
Ces meurtres répétés et les dispo»
sitions hostiles des Africains durent
frapper et inquiéter le chef de l'armée
impériale. Il envoya un jour à la dé-
couverte Diogène, ofGcier de sa garde,
avec vingt-deux cavaliers^ La petite
troupe s'avança dans le pays, et ne
s'arrêta que dans un village qui était
situé à deux journées de marche de
Carthage. Les habitants auraient bien
voulu tuer les Grecs; mais ils n'osaient
attaquer vingt -deux soldats armés de
toutes, pièces, qui auraient fait, sans
doute^ bonne résistance, et les auraient
peut-être exterminés eux-mêmes. Ils
59
pensèrent qu'i] était plus sage «l'avertir
Géfimer. Le roi se 'réjouit fort de î'oc-
n qui lui était offerte de prendre
, ci'u " *~ . .
casion (
ainsi, d'un seul coup, un ofBcier des
gardes et vingt-deux soldats d'élite. Il
fit partir au galop trois cents cavalierisj
vandales, leur recommandant, avant
tout, de nui amener vivants Dipgène
et ses compagnons. Ceux-ci étaient
loin de soupçonner rapproche de l'en-
nemi. Ils avaient fait choix, pour
passer la nuit, d'une vaitte maison.
Après ai^ir laissé leurs chevaux dans
la cour, ils étaient montés à l'étage
supérieur pour se livrer au repos. Les
Vandales arrivèrent enfin. La nuit était
profonde, et tojjt semblait les favori-
ser; mais au moment décisif la réso-
lution leur manqua. Ils né voulurent
point briser les portes et pénétrer dans
la maison avant le jour; ils craignaient
de s'entre-tuer dans un engagement
nocturne , ou au moins de fournir aux
Grecs les moyens de s'é<îhapper. C'é-
tait la peur, (lit Procope , qui leur dip-
tait ces pensé^-s; car rien n'eût été
simple et facile comme de se rendre
maître de Diogène et de ses compa-
gnons, en pénétrant dans la maison
avec des flambeaux, et même san^
flambeaux, puisque ceux que l'on vou-
lait surprendre s'étaient couchés après
avoir quitté leurs armes et leurs vê-
tements. Les Vandales ne montrèrent
pas tant de hardiesse; ils se bornè-
rent, en attendant le jour, à placer des
sentinelles autour de la maison, et un
gros de cavaliers devant chaque porte.
Il arriva, par hasard, qu'un soldat grec
se réveilla pendant la nuit. Le mouve-
ment qui se faisait au dehors le
frappa; il se leva et prêta une oreilte
attentive. Des armes quî se choquèrent
et des mots prononcés à voix basse ne
lui laissèrent bientôt aucun doute sur
les projets des Vandales. Alors il rê-
veille prudemment et sans bruit ses
compagnons*, et leur fait connaître le
danger qui les menace. De l'avis de
Diogène, tous s'empressèrent de se
couvrir de leurs vêtements et de leurs
armures, et d'abandonner la partie de
la maison qu'ils occupaient. Quand ils
furent dans la cour, ils s'élancèrent ^iir
Digitized by
Google
60
L'UNIVERS.
leurs chevaux. Jusqu'alors, nul ne s'é-
tait présenté pour les combattre. Ils
restèrent quelque temps immobile^ ;
puis, tout à coup, ils ouvrirent la porte
et se précipitèrent au dehors. Les
Vandales, qui se tenaient sur leurs
gardes, voulurent les repoUSser; mais
les Grecs, protégés par leurs boucliers
et frappant à coups de lance tous ceux
qu'ils rencontraient, traversèrent les
rangs ennemis, et coururent vers Car-
thage de toute la vitesse de leurs che-
vaux. Ce fut ainsi que Diogène sauva
d*une perte certaine, à Texception de
deux, les soldats qui lui avaient été
confiés. Cependant il faillit payer de
sa vie son audace et sa généreuse ré-
solution. Il avait eu un doigt coupé
dans Faction, et, de plus, il avait reçu
au cou et au visage trois graves bles-
sures.
BSLISAIBE BÉPABE LES FOBTTFI-
GATIONS DE GABTHAGE. — LcS dis-
positions chancelantes ou hostiles des
habitants de la campasse, et la der-
nière tentative des Vandales pour s'em-
parer de Diogène et de ses cavaliers,
inspirèrent à Bélisaire des craintes sé-
rieuses. Il pensa que l'inaction de
Gélimer n'était qu'apparente, et il se
hâta de prendre, a Carthage, toutes les
mesures qui pouvaient le garantir d'un
coup de main. Il rassembla de nom-
breux ouvriers auxquels il promit une
bonne paye , flt creuser autour de la
ville des fossés larges et profonds, re-
leva la partie des murailles c[ui était
tombée, et raffermit celle qui mena-
çait ruine. Les travaux furent conduits
et achevés avec une merveilleuse rapi-
dité, et, en peu de jours, Bélisaire se
trouva à l'abri de toutes les attaques.
LES VANDALES EN SABDAIGNE ; BÉ-
SULTAT DE LEUB EXPÉDITION. —Au
moment même où Gélimer , abandon-
nant aux Grecs sa capitale, fuyait dans
le désert , Tzazon triomphait en Sar-
daigne ; il était parti, comme on l'a vu,
avec cinq mille soldats , Félite de l'ar-
mée vandale. Après une heureuse tra-
versée , la flotte envoyée par Gélimer
arriva en vue de Caralis, la place la
plus importante de rîle. Tzazon l'at-
taqua brusquement et s'en empara.
Godas ne put résister et fut tué. Oa
viirt alors apprendre au vamqueur,
mais sans rien ajouter à cette nouvelle,
qu'une flotte impériale avait touché
les côtes de l'Afrique. Tzazon ne s'in-
quiéta point ; il croyait que Gélimer
repousserait facilement les agresseurs
et , dans cette pensée , il lui écrivit la
lettre suivante : « Roi des Vandales
et des Alains , j'ai pris Godas et je Tai
tué ; j'ai replacé la Sardaigne sous ton
obéissance; célèbre ma victoire par
des fêtes. On m'a dit que les Grecs ,
nos ennemis, avaient osé mettre le
pied sur notre territoire. Crois-moi ,
ils éprouveront le même sort que ceux
qui jadis ont attaqué nos pères. » Les
messagers qui devaient remettre au
roi la lettre de Tzazon s'embarquè-
rent et vinrent , sans défiance , abor-
der au port de Carthage. Ils furent
saisis, a leur arrivée, et conduits à
Bélisaire : ils livrèrent la lettre qu'ils
portaient et donnèrent tous les rensei-
gnements qu'on leur demanda. Quand
on les arrêta leur frayeur fut extrême.
A la vue des Grecs , ils demeurèrent
frappés d'étonnement et ils cherchè-
rent , en vain , à se rendre compte de
la brusque révolution qui venait de
s'accomplir. Le général , par ses pa-
roles et ses bons traitements, ne tarda
pas à les rassurer.
LES AMBASSADEUBS DE OBLIMSH
EN ESPAGNE ; LEUB ENTBEYUE AYKG
LE BOI THEUDIS ; LEUB MÉPBISE ; ILS
TOMBENT AU POUVOIB DE BÉLISAIBS;
COUBBIEB ENVOYÉr A JUSTINIEN.
Une circonstance imprévue vint en-
core fournir à Bélisaire , sur la situa-
tion des Vandales , de nouveaux ren-
seignements. Gélimer avait bien com-
pris , après la déposition de Hildéric ,
que son pouvoir n'était point solide-
ment assis , et que pendant longtemps
il aurait à défendre sa couronne con-
tre de nombreux ennemis. Il voulut
alors se ménager des auxiliaires pour
l'avenir et , dans ce but , comme il ne
pouvait se tourner ni vers l'Orient , ni
vers l'Italie , il rechercha l'alliance des
maîtres de l'Espagne. Il s'adressa donc
à Theudis, roi des Wisigoths. Les ano- '
bassadeurs envoyés par Gélimer se
Digitized by VjOOQIC
mirent en marche, traversèrent le
détroit de Gadès, et touchèrent les
côtes de l'Espagne sans avoir appris
l'arrivée de Bélisaire en Afrique et les
succès de Tarmée de Justinien. Ils s'a-
vancèrent , à petites journées , dans
rintérieur des terres , pour voir Theu-
dis et pour s'acquitter, auprès de lui,
de leur mission. Le roi des Wisigoths
savait déjà , quand ils se présentèrent,
3ue Cartilage n'était plus au pouvoir
e Gélimer. Le Jour même où la ville
avait été occupée par les Grecs, un
vaisseau chargé de marchandises avait
quitté lé Mandracium et , favorisé par
le vent , était arrivé en peu de temp3
en Espagne. Ce furent les passagers
qui apportèrent la nouvelle des succès
obtenus par les troupes impériales.
Theudis recommanda aux gens de l'é-
quipage , et à tous les marchands, de
garder le silence sur les événements
qui s'étaient accomplis en Afrique;
Euis , il se disposa à recevoir les am-
assadeurs de Gélimer. Quand ils fu-
rent en sa présence, il leur fit bon
accueil et les invita même à un grand
ban(|uet. Pendant le ref)as , au miKeu
des joyeux propos, le roi s'adressa aux
ambassadeurs , et leur dit : « Que font
maintenant Gélimer et les Vandales ?
Votre royaume est-il toujours floris-
sant? — Tout va pour le mieux, ré-
pondit alors Gotthée , l'un des ambas-
sadeurs. — Mais enfin , reprit Theu-
dis, que venez-vous me proposer? —
Gélimer , repartirent les Vandales ,
t'offre son amitié ^ et il désire con-
tracter avec toi une sincère alliance. »
Le foi se prit à rire : « Retournez à
la côte, dit-il aux ambassadeurs , et là
vous apprendrez ce qui se fait en Afri-
2 ne. » Les Vandales se levèrent de ta-
ie sans trop se soucier des paroles
Su'ils avaient entendues. Tbeudis, sans
oute, avait beaucoup bu pendant le
repas , et ils pensèrent qu'il était ivre.
Ils revinrent donc le lendemain au-
près du roi ; mais , comme la veille ,
il répondit à leurs propositions par
des railleries. Dès lors l'inquiétude se
glissa dans leur esprit et ils commen-
cèrent à croire qu'une révolution avait
éclaté en Afrique après leur départ.
AFRIQUE. 61
Cependant ils étaient loin de supposer
que Carthage eût cessé d'appartenir
aux Vandales. Ils suivirent le conseil
qu'on leur avait donné , et ils se diri-
gèrent vers la côte. Là, ils s'embar-
quèrent pour rapporter à Gélimer les
paroles au roi des Wisigoths. Au mo-
ment où ils mettaient le pied sur le
rivage de l'Afrique , ils furent envi-
ronnés par des soldats grecs qui les
conduisirent à Bélisaire. Le général
se plut à leur faire raconter au long
leur voyage et leur entrevue avec Theu-
dis, et, lorsqu'ils eurent achevé, il or-
donna qu'on les mît en liberté.
Vers ce temps on vit entrer dans le
port de Carthage Cyrille et les soldats
qu'il commandait. Il avait été envoyé
par Justinien au secours de Godas ;
mais , au moment où il approchait de
la Sardaigne, il apprit la victoire de
Tzazon : dès lors il renonça à se diri-
§er sur l'île et il se mit à la recherche
e Bélisaire. Ce fut dans les murs de
Carthage qu'il le rencontra. Le géné-
ral, après tant d'événements heureux,
résolut d'envoyer un de ses officiers à
Constantinople, et il choisit Salomon
pour porter à Justinien la nouvelle de
ses premiers succès.
LESMAUBES; LEUBSDISPOSITlOlfS.
— La plaine de BuUa où se tenait
Gélimer était située à quatre journées
de marche de Carthage , non loin des
frontières de la !Numidie. Là étaient
accourus auprès du roi et de ses guer-
riers un certain nombre de Maures
attirés par l'appât du gain et des aven-
tures. C'étaient des hommes qui ap-
partenaient à plusieurs tribus , et qui
s'étaient rendus de différents lieux et
sans chefs au camp des Vandales. En
effet, la masse de la nation restait in-
décise et flottante; cependant, comme
elle prévoyait la ruine de GéHmer, elle
pencnait déjà du côté des Grecs. Les
chefs des tribus qui habitaient la Mau-
ritanie, la Numidie et la Byzacène,
s'étaient même avancés jusqu'à faire
des promesses à Bélisaire ; ils lui avaient
envoyé des ambassadeurs pour lui dire
qu'ils étaient prêts à reconnaître la
suprématie de l'empereur, et plusieurs,
s'il faut en croire Prooope, avaient
Digitized by Vn'OOQ IC
63
L'UNIVERS.
livré, en témoignage de leur sincérité,
leurs enfants comme otages. Seulement
ils demandaient qu'à son tour le re-
l^résentent de Justinien voulût bien
reconnaître leurs titres et leur donner
Tinvestiture suivant la forme accou-
tumée. Au temps de la domination ro-
maine , nul ne se déclarait chef de tribu
qu'il n'eût reçu de l'empereur les in-
signes du commandement. Les rois
Tandàles s'étaient conformés à l'ancien
usagé; mais les Maures ne regardaient
, Boint comme légitime l'investiture con-
férée par les usurpateurs de la puis-
sance impériale. Bélisaire s'empressa
d'accueillir la demande qui lui était
adressée. Il envoya à chacun des chefs
des tribus maures une baguette d'ar-
sent doré , un bonnet d'argent fait en
torme de couronne , un manteau blanc
qu'une agrafe d'or attachait sur l'é-
Ïiaule droite , une tunique qui, sur un
ond blanc, offrait des dessins taries,
enfin des chaussures travaillées avec
un tissu d'or. Il joignit à ces orne*
ments qui étaient le signe matériel du
l^uvoir suprême , de grosses sommes
d'argent. Cependant les tribus ne se
déclarèrent point encore. Elles n'en-
voyèrent point aux Grecs des troupes
auxiliaires ; mais d'un autre côté, elles
n'aidèrent pas les Vandales. Elles at-
tendaient, au repos et en observant ,
qu'entre Justinien et Gélimer la tbr-
ttine se fù| prononcée d'une manière
irrévocable.
tbistesse et découbaoelf ent ds
géliheb; sa. lsttbe a tzazon. —
Gelimer ne se faisait point illusion
sur les dangers de sa position. L'es-
pérance même du succès semblait l'a-
voir abandonné. Il fit porter en Sar-
daigne, à son frère Tzazon, une lettre
qui trahissait ses impressions : « Ce
n'est point Godas , disait-il , mais une
maligne influence qui nOus a arraché
la Sardaigne. L'inspiration qui t'a en-
levé à l'Afrique avec Télite de nos
guerriers venait d'une puissance cé-
leste, mais qui nous est ennemie,
puisque, en nous privant ainsi de
toutes, nos ressources , elle a presque
anéanti la maison de Genaértc. /Bi
n'es point parti pour soumettre la
Sardaigne, mais pour donner à Justi-
nien le temps de conquérir l'Afrique.
Les événements qui viennent de s'ac-
complir ont dévoilé à tous les yeux les
desseins de la forUme. Bélisafre n'est
arrivé sur nos terres qu'avec des trou-
pes peu nombreuses, et cependant il
nous a vaincus. Les Vandales ont
perdu tout courage, et désornoais ils
ne peuvent compter sur le succès.
AmmatasetGibamund sont morts par
la lâcheté de leurs soldats. L'ennemi
est maître de nos ports, de nos arse-
naux, de nos agrès , de nos chevaux ,
de Cartbage, enfin de l'Afrique en-
tière. Rien ne peut tirer les Vandales
de l'engourdissement et de la stupeur
où ils sont plongés ; ils semblent igno-
rer outils compromettent ainsi, par
leur nonteuse conduite , leurs biens et
la liberté de leurs femm^ et de leurs
enfants, Nous n'avons plus rien en
notre puissance que la plaine de
BuUa. C'est là que nous nous mainte-
nons , dans l'espérance que toi et ies
tiens vous ne tarderez pas à venir à
notre secours. Hâte-toi ; vole sur les
eaux avec toute ta flotte; ne songq
plus désormais à renverser le tyran et
a replacer la Sardaigne sous nos lois.
Ce n'est plus contre cette île, mais
contre Bélisaire, qu'il faut diriger nos
coups. Unissons nos forces et mar-
chons à l'ennemi : désormais nous de-
vons vaincre ou supporter, en cooi-
mun , le poids de nos désastres. »
TZAZON QUITTE LA SABDAIGNE ; II.
ABBIVE AU CAMP DE BULLA ; SON
BNTBEYUE AVEC GELIMEB. — Après
avoir reçu, au port de Caraiis, la
lettre de Gélimer, Tzazon réunit les
Vandales et leur apprit les nouvelles
gu'on lui avait apportées. Toute l'ar-
mée fut alors en proie à une vive dou-
leur. Les soldats n'osaient montrer
en public leur tristesse et leurs larmes.
Ils cherchaient à dérober leurs impres-
sions aux habitants de l'Ile , et ce n'é-
tait qu'entre eux, et à Técart, qu'ils
s'interrogeaient sur le coup terrible
qui les avait frappés et qu'ils gémis-
saient sur leurs infortunes. Après
avoir pris à la hâte quelques mesures ,
qui pouvaient assurer la tranquillité
Digitized by VjOOQIC
AFBIQUE.
éè
é;t îa soumisâoD de Ttlé , Tzazon or-
donna aux troupes de monter sur la
flotte et il fit voile pour rAfrique. II
arriva , le troisième jour, sur le point
de la côte où l'on rencontre les fron-
tières de la Numidie et de la Maurita-
nie. C'est de là qu'il s'avança à mar-
che forcée vers la plaine de Bulla.
Quand le roi et son frère furent en
{)résence, ifs se précipitèrent l'un vers
'autre, s'embrassèrent et confondi-
rent sans prononcer une seule parole,
leurs larmes et leurs sanglots. Les sol-
dats qui revenaient de la Sardaigne et
ceux qui étaient restés en Afrique se
mêlèrent et , eux aussi , en se retrou^
vant, donnèrent les marques de là
plus violente' affliction. Oo ne parlait
dans le jcainp » ni* de Godas , ni , de
Béifsaîre. On ne chercliait point à Vé-
élairer par de mutuelles questions, ca^
fcjiacjue soldat craignait qcie ses mal-
heurs ne fussent encore plus grands
?[u'il ne Tarait ima^in^. Cette scène
ut déchrt-aiùfi^èt'elle fit éprouver
penqant longtemps à ceux qui la vi-
rent , et rtriéme aux ennemis des Van-
dales qui l'entendirent raconter, une
vive et profonde émotion.
GÉLTMEB ET TZAZON SE PÛBTENt
suB gabthage; on gonspibe dans
LA YILLE CONTfiE LES GBECS *, UAU-
TAISES DISPOSITIONS DES SOLDATS
HUNS. — Quand Gélimer se vit entou-
ré de Tzazon et de tous les guerriers
de jsa nation , il quitta la plaine de
Bulla et marcha sur Carthage. Il plaça
son camp non loin de la ville , pour
attirer Bélisaire au combat. Il avait
aussi coupé l'immense et bel aqueduc
qui de l'intérieur des terres condui-r
sait à Carthage Teau qui servait ani
besoins de la population (*); mais Bé-
lisaire resta dans l'inaction et n'es-
saya point de repousser Gélimer. Alors
ie roi des Vandales leva son camp
et divisa son armée : il envoya une
troupe sur chacune des routes qui con-
duisaieht à Carthage, et il crut dès
lors qu'il avait assez fait pour privéi*
son ennemi assiégé de toute commu-
(*) Voy. danâ ce volume : Histoire de Càr^
thage; topographie; p. z4S.
nication et de tontes ressources. Soit
pour ménager et gagner à sa cause les
Habitants de la campagne , soit q^u'ii
persistât à regarder le territoire ou il
s'était arrêté comme son bien et celui
de sa nation , il le préserva avec grand
^oin du pillage et de la dévastation.
D'ailleurs, l'espérance commençait à
renaître en lui ; il entretenait des in-
telligences à Carthage, et il supposait
que non-seulement les Carthaginois;
mais encore les soldats ariens qui ser-
vaient dânsT l^rmée grecque, lui livTe-
raient la place j)ar^ trahison. Puis il
Vivait étudié,' par ses émissaires, les
dispositions de la troupe des Huns, et
Il avait excité les barbares, par des
bromesses et sans doute aussi par de
fargent, à s'unir avec lui et à venir
dans son camp. Les Huns, en effet, ne
servaient l'empereur qu'à regret, et*
ils se plaignaient hautement d'un offi«>
cier nommé Pierre , qui avait employé
un honteux mensonge pour les tirer de
Constantinople et pour les amener en
Afrique. Ils écoutèrent donc les pro-
positions de Gélimer, et ils allèrent
jusqu'à promettre qu'au jour de la ba-
taille ils passeraient d.ins les rangs des
Vandales. Ce furent des transfuges oui
dévoilèrent à Bélisaire les projets des
Huns.Dès lors il résolut de ne pomt mar-
cher à la rencontre de l'ennemi avant
d'avoir pris toutes les mesures qui
pouvaient lui conserver, même pendant
une longue expédition, la possession
de Carthage. D'autre part, quelques
citoyens s'étaient aussi mis en rapport
avec Gélimer. L'un d'entre eux, Lau-
rus, fut dénoncé par son secrétaire. Sa
trahison était manifeste, et Bélisaire
le fit pendre au sommet d'une colline
qui avoisinait la ville. Cette exécution
effraya tous les autres , et nul désor-
mais* ne songea à conspirer.
Mais il importait surtout au géné-
ral de ramener les Huns. Il les accabla
de présents , les admit à sa table, et,
à force de prévenances, il parvint à
tirer d'eux-mêmes le secret de toutes
leurs relations avec Gélimer. « Mous
ne te cacherons point, lui dirent les
barbares , que nous sommes mal dis-
posés au combat. I^ous craignons que
Digitized by VjOOQIC
64
L'UNIVERS.
les Romains, après leur victoire, re-
fusent de nous ramener à Constanti-
nopie, et qu'ils nous laissent vieillir et
mourir sur la terre d'Afrique. Qui,
d'ailleurs, nous garantit que Ton ne
nous enlèvera pas le butin que nous
avons fait? — Moi , répondit Bélisaire,
et je vous jure que si vous nous aidez
a vaincre les Vandales , je vous ren-
verrai à vos demeures avec une large
part des dépouilles de l'ennemi. » Les
Huns s'engagèrent une seconde fois à
servir dans 1 armée avec zèle et cou-
rage.
bélisàibe se dispose à quittefi
gabthage; il adresse aux tbou-
PES une pboclamation. — Au mo-
ment où Bélisaire cessa de craindre les
trahisons, et quand il eut achevé de
fortifier Carthage, il se décida à sortir
pour marcher à l'ennemi. Avant le
départ, il fit lire aux soldats rassem-
blés la proclamation suivante : <^ Vous
avez gagné par une récente victoire
Carthage et toute l'Afrique. Désormais
mes paroles seront moins puissantes
pour exciter votre courage que le sou-
venir de vos succès passés. Aujour-
d'hui , je ne vous dirai qu'une chose :
c'est que du même coup, si vous êtes
braves, vous enlèverez tout espoir aux
Vandales, e\ vous mettrez fin à la
guerre. Vous trouverez pendant l'ac-
tion un secours que vous n'avez point
rencontré dans vos premiers combats.
La cavalerie seule jusqu'ici a lutté
contre l'ennemi : cette fois, l'infanterie
prendra part à la bataille, et les défen-
seurs de Gélimer auront à soutenir le
choc et les efforts de l'armée entière.
On vous a dit que les Vandales, à la
seule idée que vous étiez maîtres de •
leurs femmes, de leurs enfants et de
leurs biens les plus précieux, sentiraient
doubler leur courage. Ne vous laissez
point tromper; leur rage sera grande,
peut-être ; mais elle les aveuglera. Sou-
venez-vous de mes paroles. Ayons bon
espoir, et marchons hardiment à l'en-
nemi. »
départ de l'armée; disposi-
tions DE bélisaire; les huns;
LES BOMAINS ET LES VANDALES SONT
BN PRÉSENCE. — Après ccttc procla-
mation, Bélisaire fit partir toute la
cavalerie , à l'exception de cinq cents
hommes qu'il retint auprès de lui. Il
avait confié le corps d'élite et le dra-
peau à Jean l'Arménien, en lui reconn-
mandant de ne point reculer devant les
combats d'escarmouche ; puis lui-même
se mit en marche, le lendemain, avec
les cinq cents cavaliers qui étaient res-
tés à Cartilage et toute son infanterie.
Les Huns accompagnaient aussi les
Grecs; mais ils avaient tenu conseil
entre eux„et, après avoir pesé les pro-
messes de Gélimer et celles de Béli-
saire, ils avaient pris la résolution de
rester neutres au commencement de la
bataille, pour se tourner ensuite, quand
la fortune aurait prononcé, du coté de
l'armée victorieuse.
Les Romains rencontrèrent les Van-
dales campés à cent quarante stades de
Carthage, à Tricamara (*). Comme on
était à la fin du jour, ils s'arrêtèrent,
à une certaine distance de l'ennemi,
pour* passer la nuit. Là, dans leurs
retranchements, au milieu des ténè-
bres, une chose vint frapper leurs re-
gards : le fer des lances brillait d'un
vif éclat, et Ton eût dit qu'il portait
une flamme. Les soldats cherchèrent
en vain à se rendre compte de ce pro-
dige; seulement, après la bataille, ils
n'hésitèrent point a prononcer que ce
feu qu'ils avaient aperçu pendant la
nuit, et qui leur avait' inspiré alors
quelque frayeur* était un sûr présage
de la victoire.
GÉLIMEB Et TZAZON ESSAIENT BB
BANIMEB LE COUBAGE DES VANDA-
LES; PRÉPABATIFS DANS LES DEUX
ARMÉES ; OBDBE DE BATAILLE. — L.e
lendemain du jour où avait paru la
cavalerie romaine, Gi§limer prit ses
dernières mesures. Il voulut que, pen-
dant le combat, on laissât dans le
camp les femmes, les enfants, avec Tor
et l'argent que les Vandales avaient pu
(*) et Tricamara devait être à 8 lieiies
ail sud -ouest de Carthage. » Recherches
sur l'histoire de C Afrique septentrionale ,
etc, , par une commission de rAcadémie
des inscriptions et belles-lettres, tome !,.
p. 104.
Digitized by VjOOQIC
fiaaver ; puis il rassembla ses soldats et
les exhorta à bien combattre. Tzazon,
3ui exerçait sur les troupes revenues
e la Sardaigue un grand ascendant,
joignit ses prières à celles de son frère,
et il adressa à ses compagnons d'armes
une pressante allocution. Puis, Tarmée
entière s'ébranla, et se dirigea, en ba-
taille, ver^ les Romains, qui se dispo-
saient alors à prendre leur repas.
L'alerte fut vive parmi les troupes im-
périales; elles saisirent rapidement
leurs armes, et se disposèrent, en un
Instant, à recevoir l'ennemi. Un faible
ruisseau coulait entre les deux armées.
Les Vandales ne le traversèrent point,
et s'arrêtèrent à quelaue distance de sa
rive. Les Romains, cle leur côté, arri-
vèrent sur l'autre bord, et, à leur
tour, ils 6rent balte. Les deux armées
étaient rangées en bataille dans Tordre
suivant : la gauche des troupes impé-
riales était commandée par Martm,
Yalérien, Jean, Cyprien, Althias et
Marcellus; la droite, par Papous, Bar-
batus et Aigan ; Jean l'Arménien s'é-
tait placé au centre avec la cavalerie
d'élite, les gardes de Bélisaire et le
drapeau. Le général en chef lui-même
arriva, en temps opportun, avec cinq
cents cavaliers; il avait devancé, pour
diriger le combat, son infanterie, qui,
à son gré, marchait avec trop de len-
teur. Les Huns se tenaient a l'écart,
de manière cependant à tout observer.
Ils avaient refusé de prendre place à
côté des autres troupes, alléguant,
pour ne point éveiller les soupçons,
que c'était la coutume des guerriers de
leur nation de se porter pendant l'ac-
tion où bon leur semblait, sans se
conformer aux mouvements des corps
réguliers. Du côté des Vandales , la
§aucbe et la droite étaient confiées à
es cbiliarques; Tzazon, le frère du
roi, se tenait au centre; les Maures,
dont les dispositions étaient chance-
lantes, formaient une espèce d'ar-
rière-çarde. Quant à Gélimer, il par-
courait les rangs à cheval, et ex-
hortait ses soldats à se comporter
avec bravoure; il leur recommanda
expressément de ne point user pen-
dant le combat des armes de trait, et
AFRIQUE. 65
de ne frapper Tennerai qu'avec Tépée.
LÀ. BATAILLE ; MOBT DE TZAZON.
— Les deux armées s'observèrent pen-
dant quelques instants sans faire un
mouvement; enfin Jean l'Arménien
passa le ruisseau avec un petit nombre
de cavaliers, et se présenta sur le
front de l'eniiemi. Tzazon se détacha
alors avec un corps de Vandales, et se
mit en devoir de repousser les Grecs;
mais ceux-ci battirent en retraite et
repassèrent le ruisseau. Les Vandales
n'osèrent le traverser, et, arrivés sur
le bord, ils cessèrent la poursuite.
Les cavaliers grecs revinrent à la
charge avec un renfort; mais cette fois
encore ils furent obligés de se retirer
et de se replier sur l'armée. Enfin
Jean, bien décidé à ne plus reculer,
marcha à Tennemi pour la troisième
fois avec toute la garde de Bélisaire
et le drapeau. La troupe, en s'élan-
çaht , poussa de grands cris. Les Van-
dales soutinrent le choc et reçurent
les assaillants à coups d'épée. On se
battit avec courage, et bientôt on vit
tomber les plus braves guerriers des
deux troupes, et parmi eux Tzazon, le
frère du roi. Cette mort décida du
sort des Vandales. Ceux qui avaient
lutté avec tant de valeur contre les
meilleurs cavaliers de l'armée impé-
riale étaient sans doute les soldats re-
venus de Sardaigne, les vainqueurs de
Godas. Quand ils eurent perdu le chef
qui les animait par son exemple, le
aésespoir les gagna , et le désordre se
mit (fans leurs rangs. Ce mouvement
n'échappa point à Bélisaire, qui fît
sonner la charge et lança toute sa ca-
valerie au delà du ruisseau. C'était au
centre que se trouvait la principale
force de Gélimer. Au moment où les
troupes commandées par Tzazon com-
mencèrent à plier, les soldats placés
aux deux ailes abandonnèrent leurs
rangs et prirent la fuite. La bataille
était gagnée. Ce fut alors gue les Huns,
qui pendant l'action s'étaient tenus au
repos, s'ébranlèrent, et se mirent à la
poursuite des fuyards. Le succès les
avait tirés d'incertitude, et après la
victoire ils n'hésitèrent plus à se rat-
tacher à Bélisaire. Les Vandales rega-
6* Livraison. (Hist. des Vandales.)
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS.
gnèrent leur camp, et là ils purent se
^reposer quelques instants sans être
inquiétés. La cavalerie impériale, qui
n'était point en mesure de les forcer
dans leurs retranchements, se répandit
dans la campagne pour dépouiller les
morts. Huit cents Vandales environ
étaient tombés sous le fer ennemi ; les
Romains n'avaient i>erdu que cinquante
hommes, qui tous, il faut le supposer,
avaient été frappés sur les bords du ruis-
seau , au moment où Tzazon soutenait
encore les efforts de Jean l'Arménien.
FUITE HONTlBUSX DE GBLIMEB; DÉ-
BOUTE; BÉLISAIRE BNTBE DANS LE
GAHP DES vandales; L'ABMÉE IK-
PÉBIALE FAIT UN BICHE BUTIN.—
Quand , vers le soir, Bélisaire eut été
rejoint par son infanterie, il marcha,
sans plus tarder, sur le camp des Van-
dales. Gélimer ne l'attendit point; il
f)rit avec lui quelques serviteurs fidè-
es, sauta à cheval, et se sauva, à
rinsu de ses troupes et sans laisser
d'ordre, vers la Numidie. Sa fuite de-
meura cachée jusqu'au moment où
chefs et soldats l'appelèrent pour lui
montrer l'ennemi qui approchait, et
pour lui demander ses conseils et ses
ordres; puis, quand les Vandales se
virent abandonnés , leur désespoir fut
sans bornes, et ils poursuivirent de
leurs imprécations le lâche qui , après
avoir attiré sur l' Afrique l'invasion
étrangère et tous les maux de la guerre,
sacrifiait à sa sûreté personnelle la vie
d'un peuple entier qui s'était armé pour
sa défense. Les femmes et les enfants,
rassemblés dans le camp, poussaient
des cris qui venaient encore amollir
l'âme des guerriers et augmenter la
confusion. Bientôt une foule immense
s'échappa de l'enceinte retranchée par
toutes les issues, et se dispersa dans
toutes les directions. Mais aéjà il était
trop tard , et les Romains étaient ar-
rivés. Après avoir pris possession du
camp, et des richesses que Gélimer et
les siens y avaient entassées, ils s'élan-
cèrent à la poursuite des fuyards et
les massacrèrent sans pitié. Les scènes
de violence et de carnage se prolon-
gèrent pendant toute une nuit. Les
femmes et les enfants n'échappèrent à
la mort que pour servir, comme es-
claves, aux caprices et à la brutalité
des vainqueurs.
Au témoignage des Byzantins, rien
ne pouvait donner une idée des ri-
chesses accumulées dans ie camp des
Vandales. Là, en effet, se trouvait
déposé le fruit d'un brigandage qui
avait duré un siècle sans interruption ;
on y voyait les dépouilles de tous les
pays. L^Espagne , la Gaule , l'Italie ,
la Grèce , les fies de la Méditerranée ,
et môme l'Asie , avaient été visitées ,
Sillées et ravagées tour à tour par les
ottes qui sortaient des ports de Car-
thage. On eût dit , depuis les premiers
succès des Vandales, que l'Afrique
était destinée à recevoir, pour ne plus
les rendre, les trésors du monde en-
tier. Contre toutes les prévisions de
la sagesse humaine , une seule bataille,
qui ne coûta pas au vainqueur cin-
quante soldats , fit passer de Carthage
a Constantinople les monceaux d'or et
d'argent que la fortune elle - même '
semblait avoir pris soin d'assurer pour
toujours aux héritiers des compagnons
de Genséric.
DBSOBDBE APBÎES LA VIOTOIBB ;
CBAINTES DE BBLISAIBE ; SES SOL-
DATS LE BEJOIGNENT ET BBPBEN^
NENT LEUBs BANOS. — BéHsairc
passa la nuit qui suivit sa victoire
dans d'inexprimables angoisses. Son
armée, si longtemps contenue dans
Tordre et la ^lus sévère discipline,
venait de lui échapper et de s'expo-
ser , par son aveugle emportement ,
à pnérir tout entière. Dans l'enivre-
ment du succès , les soldats mettant
en oubli les conseils de la prudence,
et n'obéissant plus à la voix de leur
chef, avaient rompu les rangs et s'é-
taient précipités , cavaliers et fantas-
sins mêlés, à la poursuite des ennemis;
bientôt ils s'étaient disséminés sur une
vaste étendue de pays. Chacun d*eux ,
sans se soucier de la présence des au-
tres , s'engageait résolument dans les
bois , et pénétrait dans les cavernes
où les Vandales avaient pu cacher
leurs femmes et leurs trésors. Si le
cœur n'eût point manqué à ceux qui
fuyaient, s'ils avaient songé à se re-
Digltized by VjOOÇ IC
tourner brusquement , les troupes im-
périales eussent été anéanties. Béli-
saire qui seul , après la victoire , avait
conservé du calme, se porta sur tous
les points , et pendant cette nuit , qui
lui parut bien longue , il chercha, bar
les prières ou par les menaces, à rallier
ses soldats; mais nul ne réfjondit à
son appel. Au point du jour il se re-
tira sur une éminence. Ce fut alors
seulement que les troupes commencè-
rent à le rejoindre et à se ranger au-
tour de lui ; mais avant de se remet-
tre, en mouvement elles envoyèrent,
sous bonne escorte , leur butin à Car-
thage. Gélimer perdit ainsi, par jsa
lâcheté, ses dernières espérances avec
sa dernière armée. Il avait livré bataille
vers le quinzième jour de décembre de
Tannée 533. Trois mois , suivant Pro-
cope, s'étaient écoulés depuis l'instant
où Bélisaire avait pris possession de
Carthage (*).
DOUGEUB DE BÉLISAIBE À l'BGÀBD
DES VAINCUS ; SES HESUBES ; GÉLI-
HEB EST POUBSUIYI.— Tous leS SOl-
dats ne revinrent pas au camp avec le
jour ; pendant longtemos Béhsaire fut
obligé de parcourir à cneval les lieux
qui avoisinaient le point du ralliement
pour ramener les traînards. Quand,
au milieu de ses courses, il rencon-
trait des Vanaales , il les rassurait et
leur jurait qu'il ne leur serait fait au-
cun mal , seulement il les désarmait
et les envoyait à Carthage. Il avait
jdonné ordre de les recevoir et de les
bien traiter à ceux qui gardaient la ville
pendant son absence. Il prit soin éga-
lement de faire sortir des églises Tes
vaincus qui s'y étaient précipités en
foule comme dans un asile inviolable.
Il promit la vie sauve à ceux qui dé-
poseraient les armes et qui se soumet-
traient à la surveillance des officiers
impériaux. Quand , par ces sages me-
sures , il eut mis les Vandales dans
l'impuissance d^ tenter un nouveau
0) Procop. de Bel. randoL, n, 3. Le
passage que nous signalons ici établit clai-
rement que les Grecs entrèrent à Carthage,
comme nous Favons dit plus haut, vers le
milieu du mois de septembre.
AFÎIÎQUE. «7
mouvement et de lai nuire , il songea
enfin à' se rendre maître de la perr
sonne de Gélimcf'
Déjà deux cents cavaliers, comman*
dés par Jean l'Arménien, s'étaient
lances sur les traces du roi, qui
fuyait rapidement vers la Numidie; ils
avaient ordre de courir jour et nuit ,
et de ne s'arrêter qu'au moment où
ils auraient en leur pouvoir, vivant
ou mort, celui qu'ils poursuivaient.
Bélisaire s'avançait, de son côté, avec
toute son armée pour seconder Jean
rArménien. Les cavaliers grecs mi-
rent tant d'ardeur dans la poursuite ,
qu'après cinq jours d'une course non
interrompue , ils atteignirent presque
la troupe qui fuyait, et purent calcu-
ler les heures qui devaient s'écouler
jusqu'à l'instant où Gélimer serait leur
prisonnier; mais un événement im-
prévu les arrêta et sauva le roi des
Vandales.
MOBT DB JBAN L'ABMÉNIEN ; GÉr
tlHEB ÉCHAPPE AUX VAINQUEUBS.
— Parmi les compagnons de Jean l'Ar-
ménien se trouvait un officier des gar-
des, Uliaris, dont il a déjà été fait
mention dans ce récit (*). C'était un
homme d'une force prodigieuse , d'une
grande bravoure , mais peu réglé dans
ses mœurs et trop ami des plaisirs et
du vin. Dans la nuit qui précéda le
sixième jour de la poursuite , il pro-
fita , sans doute pour boire largement,
de l*un des rares et courts repos que
prenaient les chevaux et les cavaliers,
car , au lever du soleil , il était com-
plètement ivre. 11 aperçut alors un oi-
seau perché sur un arbre ; il s'arrêta
pour le tuer; il banda son arc, mit
une flèche sur la corde , et lança son
trait. Mais sa main tremblait et sa
vue était troublée; la flèche, mal diri-
gée , s'écarta de l'arbre et de l'oiseau
et vint frapper à la tête Jean l'Armé-
nien. Ce brave officier était blessé à
mort. Les soldats se précipitèrent pour
le recevoir dans leurs bras, et, jus-
qu'à son dernier soupir, ils lui prodi-
guèrent leurs consolations et leurs
soins au milieu des manifestations de
(*) Voy. plus haut , p. 54.
6.
Digitized by
Google
68
L'UNIVERS-
la plus vive douleur. Jean ne s'était
{)oint seulement fait admirer dans
*armée par son brillant courage, mais
encore il avait gagné Taffection de
tous ses compagnons d'armes par sa
douceur et son affabilité. Sa mort
causa de profonds regrets à Bélisaire,
è Justinien, et même aux habitants
de l'Afrique , qui , depuis son arrivée,
avaient pu apprécier son amour de la
justice et sa modération.
Les cavaliers avaient donc cessé de
poursuivre Gélimer, et ils s'étaient
rassemblés autour de leur chef expi-
rant, puis ils lui avaient rendu les
derniers honneurs. Ils ne voulurent
point alors se porter en avant ou re-
venir sur leurs pas , sans avoir reçu
d'ordres , et ils firent connaître à Bé-
lisaire la mort de Jean l'Arménien. A
cette triste nouvelle , le général con-
fia l'armée à ses lieutenants et se diri-
gea en toute hâte vers le lieu où était
tombé le plus brave de ses officiers.
Il retrouva ses cavaliers plongés dans
la tristesse; lui-même, après s'être
approché du tertre qui recouvrait la
dépouille de Jean , ne put retenir ses
sanglots et ses larmes; il voulut alors
qu'en cet endroit on élevât un riche
tombeau. Après avoir donné cours à
sa douleur, il songea à punir le meur-
trier. Le malheureux Uliaris n'avait
pas tardé à recouvrer sa raison. Il
avait à peine lancé le trait que le mou-
vement , les injures , les menaces et
les cris de ses compagnons l'avaient
tiré de son ivresse. Quand il put
connaître l'étendue et la gravité de sa
faute, il prit la fuite et se réfugia
dans réglise la plus voisine. Bélisaire
s'apprêtait à tirer vengeance du meur-
tre , lorsque les cavaliers l'environnè-
rent et lui dirent : « Notre chef, en
mourant, nous a fait promettre par
serment de ne point châtier Uliaris ,
qui n'a été coupable que par impru-
dence; pardonne-lui comme nous lui
avons pardonné. » Bélisaire qui , pour
des fautes moindres ^ s'était toujours
montré inexorable , ne dut céder qu'à
regret à la prière des cavaliers ; mais
enfin il fit grâce à Uliaris, en souvenir
de Jean l'Arménien.
BÉLISÀIBE SB BEND MÂITBE D HIP-
PONE ; GÉLIMEB SE BÉFUGIE SUB LB
UOTUt PÂPPUÀ ; IL EST ASSIÉGÉ PÀ A
FABAET LE GOBPS DES HÉBULES. —
Dès lors l'armée grecque ne pouvait
espérer d'atteindre à la course et de
prendre Gélimer; cependant Bélisaire
ne renonça pas à le suivre, et il arriva
bientôt à Hippone (*), qui était située
à dix iournées démarche de Garthage.
Là , il apprit que le roi des Vandales
s'était rais en sûreté en se retirant sur
le Pappua , montagne élevée et d'un
difficile accès. Les Maures qui habi-
taient le pays étaient alliés de Géli-
mer, et ils s'étaient empressés de lui
ouvrir , ainsi qu'aux hommes de son
escorte, leur ville de Midenos (**). On
était en plein hiver , et Bélisaire ne
voulait point, pendant la mauvaise
saison, s'engager dans les montagnes
avec toute son armée. D'autre part,
il ne pouvait rester plus longtemps
éloigné de Garthage , le centre de sa
nouvelle conquête. Il choisit donc un
certain nombre de soldats armés à la
légère et habitués aux combats d'es-
carmouche , et il leur ordonna de se
placer sur tous les chemins qui con-
duisaient à Midenos. Gampés au pied
de la mdntagne, ils devaient surveiller
(*) Hippo-Regius, Voy. plus haut, p. 12.
i^*) Midenos est le nom adopté par 1 Aca-
démie des inscriptions qui constate néan-
moins, à Taide des variantes contenues dans
rédition de Procope , publiée par Dindorf,
que les manuscrits offrent encore les deux
formes de Mideos et de Medeos. Midenos
était sans doute la dernière ville numide
du côté de la Mauritanie. Elle était placée
à l'extrémité occidentale de la chaîne du
Pappua , rsdough actuel Toy. la savante
discussion de M. Bureau de la Malle dans
les Recherches sur l'histoire de la partie de
t Afrique septentrionale connue sous le nom
de régence d'Alger, etc, par une commis-
sion de TÂcadémie des inscriptions et bel-
les-lettres , 1. 1 , p. 106 et suiv. MM. Marcus
etPapencordt ont adopté, en général, sans
les discuter, tous les résultats contenus dans
les excellentes Recherches que nous venons
de citer. Voy. enfin Mannert ; Géographie
ancienne de l'Afrique septenL, traduite par
MM. L. Marcus et Duesberg; p. 448, et
principalemeut p. 439. Paris, 184a.
Digitized by VjOOQIC
AmiQUE.
6d
les mouyements de Gélimer , Tempe-
cher de fuir , et arrêter tous les con-
vois. C'était Tara , Hérule d'origine,
qui était chargé, avec les guerriers de
sa race « de cette importante mission.
LES TBBSOBS DE GÉLIMEB. — AU
moment où Tarmée grecque s'approcha
d'Hippone, les Vandales se précipitè-
rent en foule dans les églises. C'est là
qu'ils attendirent l'arrêt du vainqueur.
Bélisaire les rassura ; il les envoya
sous bonne escorte à Carthage, où ils
devaient être réunis aux autres pri-
sonniers. Ce fut à Hippone que le ha-
sard mit au pouvoir des Grecs les tré«
sors de Gélimer.
Parmi les serviteurs du roi des Van-
dales se trouvait un certain Boniface.
Il était né en Afrique , dans la By-
zacène. Gélimer, qui le savait dévoué
à sa personne et aux intérêts de sa fa-
mille, lui avait confié , au commence-
ment de la guerre , tous ses trésors.
Boniface les transporta sur un vais-
seau , puis il fit voile vers Hippone.
De cette villp, il suivait tous les évé-
nements de la guerre, se tenant prêt,
en cas de désastre, à fuir en Espagne
auprès du roi des Wisigoths. C'était
en effet chez Theudis que Gélimer
comptait se réfugier. Après le combat
de Tricamara , quand tout espoir de
vaincre fut enlevé aux Vandales, Bo-
niface, pour se conformer aux ordres
de son maître, leva l'ancre, et se diri-
gea vers l'Espagne. Mais il avait à
peine atteint la pleine mer, que le vent,
soufflant avec violence, le rejeta dans
le port d'Hippone. Là , il apprit , par
les hommes ae l'équipage qu'il avait
envoyés à terre , que l'ennemi parais-
sait. Son désespoir fut grand a cette
nouvelle. Il fit aux matelots de magni-
fiques promesses; il les pria et supplia
d'éloigner le vaisseau des côtes d'Afri-
que et de continuer le voyage malgré
la tempête. On lui obéit. Mais Téqui-
page s^épuisa en vains efforts. Le vent
avait redoublé de violence; la mer
était bouleversée, et les values s'éle-
vaient à une hauteur prodigieuse. Bo-
niface céda enfin ; il se dirigea de nou-
veau vers l'Afrique, et ce ne fut pas
sans peine qu'il parvint à regagner la
côte et à jeter l'ancre dans le port
d'Hippone. Dès lors, il ne pouvait es-
pérer d'échapper au vainqueur. Il vou-
lut au moins racheter sa vie au prix
des richesses que portait son vaisseau.
Il envoya dans la ville quelques hom-
mes qui , à peine descendus à terre,
cherchèrent ref\ige dans une église.
Ce fut de là qu'ils firent savoir à Béli-
saire qu'ils étaient prêts à lui indiquer
l'endroit où se trouvaient les trésors
de Gélimer, s'il promettait d'accorder
la vie et la liberté à Boniface et à ses
compagnons. Le général accueillit avec
joie cette proposition, et s'empressa
de prêter le serment qu'on lui avait
demandé. Puis, ses officiers s'étant
rendus à bord du vaisseau qui avait
été signalé, Boniface remit aux mains
des Grecs les trésors de Gélimer.
BÉLISAIRE COMPLETE ET AGHÈVE
SA CONQUÊTE ; SES SUCCÈS ; IL
ECHOUE Eif SICILE. — De retour à
Carthage , dès les premiers jours de
l'année 534, Bélisaire se hâta de pren-
dre les mesures qui pouvaient com-
pléter et rendre durable la conquête
qu'il avait accomplie au nom de rem-
pereur. D'abord , il retint dans la ca-
pitale de l'Afrique , sous ses yeux,
tous les Vandales qui étaient tombés
en son pouvoir , et il se prépara à les
envoyer à Constantinople aux appro-
ches de la belle saison. Ensuite, il
voulut que l'autorité de Justinien fût
reconnue dans toutes les terres que
Genséric avait enlevées aux empereurs
romains. Il envoya Cyrille en Sardai-
gne avec un corps nombreux, et, afin
que les habitants ne pussent révoquer
en doute les succès de l'armée grecque
et la victoire de Tricamara, le chei de
l'expédition emportait avec lui la tête
de Tzazon. Cyrille devait aussi faire
passer en Corse une partie de ses
troupes pour arracher cette tie aux
Vandales et la replacer sous la domi-
nation romaine. Bélisaire obtint, par
son lieutenant , un pl^in succès dans
ces deux entreprises. En même temps,
un officier appelé Jean occupait -avec
un détachement d'infanterie Césa-
rée n, en Mauritanie. C'était alors
(*) Aujourd'hui ChercheL Voy. sur ce
Digitized by VjOOQIC
70
LTNIVERS.
une place très-importante; elle était
vaste, bien peuplée, et faisait par mer
un grand commerce. Les Grecs s'éten-
dirent plus- loin encore, et un garde de
Bélisaire s'empara delà ville de Ceuta.
Cette dernière expédition coïncida sans
doute avec celle d'ApoUinarius, qui
soumit les îles Baléares. Apollinarius
était né en Italie. Dans sa jeunesse, il
était venu en Afrique, où il s'était at-
taché au roi Hilderic. Quand les Van-
dales mirent Gélimer sur le trône , il
se sauva à Constantinople auprès de
Justinien. Il revint en Afrique avec
l'armée impériale, et se fît remarquer
par sa bravoure à la bataille de Trica-
mara. Le général avait en lui une
grande confiance. Apollinarius la jus-
tifia en prenant possession , au nom
de Tempereur, des îles Baléares. Enfin,
d'un autre côté, à FOrient, une armée
envovée par Bélisaire et partie de
Carthage, porta secours, dans la Tri-
politaîne, à Pudentius et à Tattimouth,
qui étaient attaqués et vivement pres-
sés par les Maures.
Mais les Grecs échouèrent en Sicile.
Les soldats qui devaient s'emparer de
Liiybée furent repoussés par les Goths.
Bélisaire adressa aux officiers qui com-
mandaient dans rîle pour Atalaric une
lettre pleine de reproches et de mena-
ces. «La place, disait-il, qui défend
le promontoire de Liiybée appartenait
jadis aux Vandales, et aujourd'hui, en
vertu de notre conquête, elle est de-
venue la propriété de Tempire. Vous
ne niez point qu'elle ait été au pouvoir
dé Gélimer; pourquoi refuser mainte-
nant de la remettre à celui qui est le
vainqueur et le maître de Gélimer?
Jusqu'ici, il y a eu entre nous paix et
alliance ; mais craignez que votre ré-
cente agression ne rompe les liens qui
point une savante discussion de la commis-
sion de TAtadémie des inscriptions et beUes-
lettres, dans les Recherches sur C Afrique sep-
tentrion., etc, 1. 1, p. 109 et suiv.—Mannert
(trad. par MM. MÎareus et Duesberg, p. 494)
pense. que Tennis occupe aujourd'hui la
place de l^ancienne Césàree. L'Académie ne
paraît point avoir connu ropinioù de Man-
nert ; mais en réfutant le colonel Lapie, elle
a réfaté \t géographe allemand.
nous unissent, et ne rappelle à notre
empereur vos anciennes usurpations.
Je déclare que si la ville de Liff bée ne
nous est pas livrée dans un bref délai,
j'irai tous faire la guei^re en Sicile,
et peut-être plus lafn efieore. tf On
porta à Amalasuntha, nui gouvernait
au nom de son fils Atalaric, la lettre
de Bélisaite. Elle réttondit au eénéral
de Justinien que la Sicile entière ap-
partenait aux Goths, et que, dans éétte
île, Tempire n'avait à ùire valoir aucun
droit. «Aa reste, disait la rébie^jé
suis disposée à trancher le débat par
la volé des âégociatlons, €t à invoqiiet
en notre faveur le témoignage même
de Justinietf. Ae te hâte done point
d'agir avant d'avoir èonna ta volonté
de ton mattre. » Bélisaire, en effet,
tf}oarnia son expédition. Il avait écrit,
de son côté, à Tempereur, et il attendit,
pour partir, les ordres qui devaient
venir ae Constantinople.
l^ABA BT SA TROUPB BSSÂTBNT DB
elUTIB IB PAPPUâ; lis BeH0TJEIf7;
SltUATIOH DB 6BLIMBB A MIDENOS.
— Fara, eonfime nous ratons dit, était
resté au pied du Pappua pour faire le
blocus de Midenos. Forcé d'exercer v
nuit et jour, sur toutes les routeis qui
cbnduisaient à la ville une rigonrease
surveillance et d'être saus cesse en
alerte, attristé aussi par Tblver, il ne
sot point résister à l'ennui, et il ré-
solut de terminer la enerre, s'il lé
pouvait, par uii coup craudace^ Il fit
prendre une fois les armes à toute sa
troupe, et il commença à gravir fie
Pappua pour em|)orter Midènols. Mais
les Maures s'étaient aperçus de ses
mouvements; ils se postèrent sur les
hauteurs, et quand Fara parut, ils
l'accablèrent d une grêle de pierres et
de traits. Ils avaient pour eux l'avan-
tage du lieu ; et les Hérules, après avoir
perdu cent dix hommes, furent obligés
de regagner leurs canbpements. Dès
lors, Fara ne songea plus è cravir la
montagne; seulement il redoubla de
surveillance, et prit toutes les mesure^
qui poutaient amener promptement
la famine dans la ville assiégée.
Déjà la situation de Gélii/ier était dé-
plorable; Il était entré à Midenos sm»
Digitized by VjOOQIC
pro^'sioDS, traînant à sa suite les mal-
fiearéux débris de sa famille, et un
nombre assez considérable de guerriers
qui appartenaient aux plus illustres
ramilles de la nation yandale. Tous
ces hommes avaient pris à la civilisa*
tion ce iiu'elle avait cie plus énervant,
et n'avaient point été endurcis, comme
leurs aïeux, par les fatigues de la guerre
et par les longues privations. La nou*
velle génération des Vandales s'était
amollie au sein du luxe et des plaisirs i
elle ne quittait les bains ou ses jardins
de plaisance que pour s'asseoir à des
tables chargées de mets rares et ex-
2uis. Si elle se livrait avec une sorte
e passion à l'exercice de la chasse, on
la voyait souvent aussi prendre place,
en robes tissues d'or et de soie, dans
les jeux publics, au milieu des femmes,
des danseurs et des musiciens. Pour
cette génération habituée aux plaisirs
faciles, à l'abondance, à toutes les
jouissances d'un luxe ef&éné^ le sé-
jour de Midenos était affreux, intolé-
rable. La villes en effet, était exclusif
vement peuplée par des Maures, les
plus sobres des hommes. Les cabanes
qu'ils offrirent au roi ne garantissaient
ni du froid, ni des suffocantes cha-
leurs de l'été. On ne trouvait point de
lits dans ces cabanes; seulement les
S lus riches parmi les habitants éten-
aient une fourrure sur le sol pour se
coucher. Toutes les provisions amas-
sées consistaient uniquement en orge
et en blé. Les Maures, dans leurs
repas, employaient souvent le grain
sans le cuire et même sans le broyer.
Ils ne buvaient jamais de vin. La dure
nécessité contraignit Gélimer et les
compagnons de sa fuite à embrasser
le genre de vie de ceux qui leur avaient
donné asile; mais ce brusque change-
ment dans leurs habitudes les affligea
et les abattit. S'il faut ajouter foi aux
paroles de Procope , il leur vint plus
d'une fois en pensée qu'après tout va-
lait mieux mourir ou être esclave,
que de vivre ainsi misérablement.
LËtTBB DB FABA. A &BLIMEB; BB-
POMSE DB esLiMBB. — Lcs Maurcs
de Midenos, il faut le croire, entrete-
naient des relations avec les HéruleS|
AFRIQUE. 71
ou bien encore parmi les Vandales
plusieurs, épuisés par la faim et les
privations, étaient venus se rendre aux
assiégeants, puisque Fara connut bien-
tôt dans toute son étendue la détresse
du roi fugitif et de ceux qui Pavaient
suivi. Pour mettre un terme à ce blo-
cus, qui lui avait déjà causé tant de
fatigue et d'ennui , et aussi , peut-être,
par un sentiment de généreuse pitié,
te lieutenant de Bélisaire écrivit à
Gélimer la lettre suivante : « Je suis
un barbare; je ne connais ni les arti-
fices du langage ni les ornements du
style; je t'exprimerai donc simple-
ment, comme un homme ignorant,
mais qui sent vivement, toute ma pen-
sée. Pourquoi , mon cher Gélimer, t'es-
tu précipité avec les tiens dans cet
abîme de misères? Tu ne veux point
subir le joug du vainqueur, et, sans
doute, tu diras que la liberté est par
elle-même assez précieuse pour qu'on
lui sacrifie tous les autres tiens. Mais
ne vois-tu pas que pour nous échapper
tu te rends Fesclave des Maures, les
plus misérables des hommes ? Ne vaut-
il pas mieux vivre esclave dans l'em-
pire, que d'être le roi du Pappua et
des Maures? Regarderais-tu comme
chose honteuse d'être soumis au maître
de Bélisaire? Repousse loin de toi
cette pensée d'orgueil , illustre Géli-
mer. Nous-mêmes , qui sortons d'une
race illustre, nous nous faisons gloire
de servir l'empereur. On dit que Jus-
tinien veut t'accorder avec la dignité
depatrice une place au sénat, et te
donner de grosses sommes d'argent
avec de grandes propriétés; on dît
aussi que Bélisaire doit se rendre ga-
rant des promesses de celui qui l'en-
voie. En cela , n'y a-t-il donc rien qui
Suisse te tenter? Tu te roidis sans
oute contre la mauvaise fortune dans
la pensée que tu ne saurais, comme
homme, échapper à ses coups. Mais
aujourd'hui , pourquoi rejeter le sou-
lagement qui est offert a tes maux?
N'est-ce pas la même fortune qui ap-
porte le bien et le mal , que nous de-
vons accepter forcément? Suivant moi,
la tristesse, la misère et une profonde
douleur, ont troublé ton esprit. Hâte-
Digitized by VjOOQIC
72
L'UNIVERS.
toi de changer d'avis; n'essaye point
de lutter contre les arrêts du sort, et
bientôt Tbeure de la délivrance arrivera
pour toi, et tu pourras enfin échapper
a tous les maux qui t'accablent. »
Gélimer lut, non sans une vive
émotion, la lettre de Fara. Il lui ré-
pondit : « Je suis reconnaissant de tes
bons avis, mais je ne puis les suivre.
Me soumettre à un ennemi injuste me
paraît intolérable. Si Dieu exauçait
mes vœux , je tirerais une vengeance
éclatante de celui qui , sans cause légi-
time, sans avoir été offensé par moi,
en paroles ou en actions, a envoyé
Bélisaire en Afrique, et m'a précipité
du fatte de Ja grandeur dans la plus
déplorable des conditions. Que Justi-
nien apprenne qu'un jour viendra
peut-être où il sera en proie , comme
nomme et comme empereur, aux maux
qui m'oppressent, et qui maintenant,
au moins en apparence, sont loin de
l'atteindre. Je ne puis plus écrire ; la
douleur m'enlève la force de penser.
Adieu, ami Fara. Envoie-moi, par
grâce, une harpe, un pain et une
éponge. » Le barbare lut et relut cette
lettre ; la dernière phrase l'arrêtait , et
il cherchait en vain à saisir le sens des
paroles de Gélimer. Un homme qui se
trouvait à ses côtés lui donna alors
l'explication suivante : Gélimer de-
mande un pain , parce que depuis long-
temps il n'a pu goûter d'une pâte faite
de bonne farine et cuite d'une manière
convenable; l'éponge doit servir à es-
suyer ses yeux sans cesse gonflés par
les larmes; avec la harpe, il veut chan-
ter sa malheureuse histoire, et il es-
père soulager ainsi sa douleur. Cette
explication fit sur l'âme du chef bar-
bare une profonde impression; il céda
à la pitié, et, se relâchant un instant
de sa rigueur^ il envoya à Midenos
l'éponge, le pain et la harpe que le roi
des Vandales avait demandés. Toute-
fois, il continua à faire bonne garde,
et il attendit patiemment, au pied de
la montagne , qu'abattu par la misère,
brisé par la douleur, Gélimer, dans
son désespoir, descendît de sa retraite
pour se rendre à la merci de son vain-
queur.
GBLIHER SE DÉCIDE À SE BENBBB ;
SA LETTRE A FABA. — L'hivCr tOU-
chait à sa fin et le blocus de Midenos
durait déjà depuis trois mois , lorsque
Gélimer, craignant que Fara n'em*
portât la place d'assaut, sojigea sé-
rieusement à se livrer lui et les siens
à Bélisaire. Il hésitait encore lorsqu'un
fait, qui s'était reproduit souvent sans
doute dans la ville assiégée, mais qui ,
cette fois, le frappa vivement, vint
mettre un terme a ses irrésolutions.
Une femme maure avait composé, avec
un peu de blé à peine écrasé , une pâte
qu'elle avait placée dans l'âtre sous la
cendre brûlante ; deux enfants se te-
naient auprès de cette femme, son fils,
et un neveu de Gélimer. Pressés par la
faim , ils regardaient avidement le pe-
tit pain , s'apprêtant à l'enlever lors-
qu'il serait cuit; enfin, le jeune Van-
dale ne pouvant se contenir, se pré-
cipita vers le feu, saisit la pâte qui était
bouillante et, sans rejeter les cendrés
qui la couvraient , la porta à sa bou-
che, et commença à la manger. Mais
le jeune Maure ne le laissa pas achever
ce détestable repas : pour avoir sa part,
il s'élança sur le neveu de Gélimer, le
prit aux cheveux , le frappa sur le vi-
sage à coups redoublés, et parvint ainsi
à lui arracher quelques morceaux de la
bouche. Le roi des Vandales était là
qui contemplait en silence la lutte des
deux enfants. Ce spectacle lui brisa le
cœur et , sans plus tarder , il fit porter
à Fara une lettre c[ui contenait ces
mots : « Je veux suivre tes conseils ,
Fara ; j'ai assez lutté contre ma des-
tinée. Si Bélisaire veut s'engager , par
un serment solennel, à obtenir de l'em-
pereur ce que tu me promettais na-
guère , je me rendrai à lui avec ma
famille et tous les Vandales qui m'ac-
compagnent. » *
JOIE DE BÉLISAIBE; GÉLIMEB ABAN-
DONNE KIDENOS ET SE BEND; IL VIENT
A GABTHA6E. — Fara envoya en toute
hâte à Bélisaire la lettre qu'il avait
écrite au roi des Vandales ave^ les ré-
ponses qu'il avait reçues. Le lieute-
nant de Justinien , après les avoir lues,
fut au comble de la joie ; H avait ar-
demment souhaité jusqu'alor» de con-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
73
duîre Gélimer vivant à Fempercur, et
la fortune semblait avoir pris plaisir à
combler tous ses vœux. Il envoya donc
au mont Pappua, Cyprien et quelques
officiers qui devaient promettre à Gé-
limer , sous la foi du serment , qu*on
n'attenterait point à sa vie , que rem*
pereur le recevrait, d'une manière con»
forme à sonran^ et le traiterait avec
distinction. Arrivés au camp des He-
rnies , les envoyés de Bélisaire se con-
certèrent avec Para; puis, tous en-
semble , ils se rendirent au pied de la
montagne où ils firent appeler Géli-
mer. Le roi des Vandales n'hésita
point : il quitta Midenos et, après avoir
reçu les serments des officiers grecs ,
il se mit en marche avec les siens vers
la capitale de son ancien royaume. On
dit qu'avant d'entrer à Carthage, lors-
qu'il aperçut les travaux exécutés par
les Grecs , les fossés profonds qui
avaient été creusés, les murs qui avaient
été rehaussés ou réparés , il demeura
frappé d'étonnement et déplora amè-
rement la négligence qui lui avait fait
perdre un trône et causé tous ses mal-
heurs (*). Lorsque Bélisaire s'avança
dans un faubourg de la ville , pour re-
cevoir le prisonnier , Gélimer s'aban-
donna à de grands éclats de rire. Les
uns le crurent fou ; mais les autres ,
avec plus de raison peut-être, virent,
dans les accès de cette étrange gaieté,
une ironie , et ils déclarèrent que l'in-
tention de ce roi qui , du faite de la
grandeur, était tombé dans la plus
affreuse misère , avait été de montrer
qu'on devait accepter les arrêts de la
destinée et tous les événements heu-
reux ou malheureux , avec le plus pro-
fond dédain.
Quand Bélisaire se vit maître de la
personne de Gélimer , il envoya à Jus-
tinien un* exprès pour lui annoncer
cette bonne nouvelle et pour lui de-
mander l'autorisation d amener lui-
même , à Gonstantinople , son prison-
(*) Cette anecdote est rapportée par Pro-
cope dans la partie de son histoire où il
parle des premiers soins qui occupèrent
Bélisaire, après son entrée à Cacthage {De
Bel, randaL, I, a3.)
nier; puis, comme îl prévoyait la
réponse de l'empereur , il se disposa
au départ, et il eut soin qu'au pre-
mier signal la flotte fût prête à tenir
la mer.
BÉLISAIBE ACCUSÉ PÂB SES OFFI-
GIEBS ÀUPBÈS DE L'BMPEBEUB *, IL
QUITTE L'AFBIQUB ET ABBIVE ÀCOWS-
TANTiNOPLE. — Bélisaire- avait hâte
de quitter rAfrique parce qu'il savait
que l'empereur était, par sa nature,
enclin aux soup<^ns et qu'il ne tarde-
rait pas , en raison même des succès
gu'il avait obtenus , à lui supposer des
idées d'ambition; d'ailleurs, il n'igno-
rait pas que , parmi ses officiers , il
avait des envieux de sa gloire , et que
plusieurs l'avaient dénoncé comme
traître à la cour de Byzance. Il avait
saisi , sur un vaisseau qui était prêt
à mettre à la voile, une lettre où on
l'accusait de nourrir le projet de
se rendre indépendant en Afrique ,
et de se substituer à Gélimer, le
roi détrôné , et à Justinien qui , par
ses troupes , venait de triompher.
L'empereur reçut à Gonstantinople
plusieurs dénonciations; elles l'agi-
tèrent vivement, mais il sut dissi-
muler ses inquiétudes et ses craintes,
et il envoya à Bélisaire une lettre où,
sans lui parler des accusations portées
contre lui , il lui proposait de rester
en Afrique comme chef suprême de la
province , en lui prescrivant toutefois
de faire partir Gélimer et les Vanda-
les , ou bien de revenir à sa cour avec
les prisonniers. Bélisaire n'hésita point,
et il embrassa avec joie le dernier parti
qui lui permettait de confondre ses
ennemis, d'enlever tout soupçon à Jus-
tinien , et de prouver sa loyauté. Il re-
mit le commandement des troupes et
de l'Afrique à Saloraon qui , de retour
de Gonstantinople , lui avait apporté
les ordres <le l'empereur ; il lui laissa
même une partie de ses vétérans et de
ses gardes, parce qu'il apprit, au mo-
ment où il allait quitter Carthage, que
les tribus maures se levaient en armes
et attaquaient les postes qu'il avait éta-
blis dans la Byzacène et dans la Nu-
midie. Puis, il fit voile vers Byzance,
et il arriva en vue de la ville dans un
Digitized by VjOOQIC
74
L'UNIVERS.
instant , peut-être , où Justinien son-
geait à arracher de rAfriaue , par la
ruse ou par la forcç , le général que ,
sur de faux rapports , il croyait par-
jure et prêt à se révolter.
LB TBIOICPHB J^E BBUSA.IBB. ~
Le jour des fêtes et de Fallégresse ne
fut point celui où Bélisaire, après sa
rapide traversée , jeta l'ancre dans le
port de Gonstantinople. L'empereur et
le peuple ne Tattenaaient point , et il
gagna sileneieusement sa aemeure où
déposa ses trésors et ses prison-
niers. La joie de Justinien fut à son
comble quand il sut qu'auprès de lui
se tenaient Bélisaire, toujours soumis
et loyal , et Gélimer , le roi des Van-
dales. Dans sa reconnaissance , il ac-
corda au vainqueur de l'Afrique un
honneur que nul général , sauf les em-
pereurs, n'avait obtenu depuis cinq
cents ans; il lui décerna un triomphe.
Au jour fixé pour la fête , l'empereur
et le peuple se rendirent à l'hippo-
drome qui devait remplacer, dans
cette circonstance mémorable, le Ga*
pitole de l'ancienne Rome. Justinien
s'était placé au centre des spectateurs
sur un trône élevé et , à coté de lui ,
paraissait l'impératrice Théodora. Bé-
lisaire sortit a pied de sa maison et
s'avança , avec son cortège , vers l'hip-
podrome. Quand il dépassa les barrie-
res , il fut accueilli par les applaudis-
sements et les transports de ce peuple
immense qui était accouru sur le ri-
vage « il y avait un an, pour saluer
son départ et pour mêler ses prières
à celles de rarchèvêque Ëpiphanius.
On portait , à côté du général ^ les
splendides dépouilles de la nation vain-
cue ; on voyait des trônes d'pr et les
chars qui traînaient la reine des Van-
dales ; des pierres précieuses sans nom-
bre; des tases et des coupes d'or;
toute la riche vaisselle que l'on plaçait
sur la table royale ; enfin, des sommes
incalculables en pièces d'or et d'ar-
gent. C'était le n*uit des rapines que
Genséric avait exercées sur le monde
entier. Parmi tant de richesses accu-
mulées , on distinguait les ornements
de l'ancien temple de Jérusalem. C'é-
tait là une image matérielle mais frap-
pante de l'instabilité des choses hu-
maines. A une époque où Rome était
encore dans sa toute-puissance , Titus
avait rapporté de Judée en Italie ces
ornements qui devaient servir à son
triomphe. Quatre siècles plus tard , ua
barbare les avait enlevés k Rome e|
les avilit placés t cQÎhme un trophée de
ses pirateries et de ses brigandages «
dans son palais de Carjthage ; puis, un
soldat heureux, né enïhraee, les avait
€K)nquis sqr l'Afrique /et il venait les
déposer dans l'hippodrome de Cons-
tantinople, aux pieds de Justinien.
L'empereur byzantin ne vit point ces
objets , consacrés à Dieu par les juifs ,
sans une secrète terreur, et, dans ta
pensée au'ils portaient malheur à ce-
lui qui les retenait, il se hâta d'en
faire don à l'église chrétienne de Jéru-
salem (*)•
Mais c'étaient moins les riches dé-
pouilles des Vandales qui attiraient
les regards de ta foule que Gélimer et
ses compagnons d'infortune. Le rpi
vaincu était revêtu d'un manteau de
pourpre; sa démarche était ferme, et
assurée, et ses traits, comme ceux des
nobles vandales qui le suivaient , por-
taient l'empreinte d'une dédaigneuse
fierté. Quand il entra dans l'nippo-
drome , il parcourut des regards cette
vaste encemte où s'élevait le trône de
l'empereur et où s'agitaient les flots
accumulés d'un peuple impatient. De-
vant ce spectacle il fut troublé sans
doute, mais il eut assez de force pour
cacher à tous les yeux ses émotions;
il ne versa pas une larme; pas une
plainte ne lui fut arrachée. Il s'avsMiça
avec résolution, et, repassant dans
son esprit l'histoire de ses malheurs,
il dit , et ne cessa de répéter pendant
(*) tin juif, dit Procope, s'approcha dé
Justinien et lai dît : « Ne fais point trans-
porter cet or dans ton palais; il ne peut
reposer ^ne là où Salomon Ta placé. Cest
pourquoi Genséric Fa enlevé à Rome, et
Bélisaire , à son tour. Ta pris aux Vanda-
les. » Ces paroles jetèrent la crainte dans
rame de l'empereur qui envojra les dépouil-
les de Tancien temple à Téglise chrétienne
de Jérusalem. (Procop., de Bel. FandaL^
n,9.)
Digitized by VjOOQIC
le triomphe, ces paroles de l'Écriture:
« Vanité des vanités, tout est vanité. »
Quand il fut arrivé au trône de Justi-
nien^ on lui enleva le manteau de pour-
pre, syniDole de la royauté, et on lui
ordonna de |ie prosterner et d'adorer
l'empereur. Les contemporains assu*
rent qu'on fut obligé de recourir à la
Tiolenee pour le forcer à prendre une '
humble posture devant celui <iui était
devenu son maître. U se résigna en-
fin , et portant ses regards sur Béli-
saire, qui s'était agenouillé, il imita
son vainqueur.
Peu de jours après, Justinien ac-
corda à Bélisaire fe titre de consul. Ce
fut l'occasion d'un nouveau triomphe
où la ioie du peuple, n'étant plus com-
primée par un sévère cérémonial , se
manifesta sans contrainte. Des captifs
portaient la chaire curule du général ,
et autour, la multitude, à laquelle on
distribuait largement une part du bu-
tin pris aux Vandales , faisait éclater
ses transports. Bélisaire compta , il
lï'en faut pas douter , ces deux jour-
nées au nombre des plus heureuses de
sa vie; mais sa granae âme dut moins
se réjouir des témoignages d'admira-
tion que ses succès arrachaient au
peuple , et des honneurs qui lui étaient
décernés , que de la lovauté avec la-
quelle l'empereur remplit les engage-
ments contractés au pied du Pappua.
Les prisonniers furent traités avec de
grands égards. Justinien et Théodora
se montrèrent surtout généreux pour
les filles de Hildéric , que Bélisaire
avait amenées d'Afrique , et pour tOMS
les enfants issus, par Eudoxie, du
sang de Valentinien. Quant à Gélimer
on ne lui donna pas le titre de pa-
trice , p^rce qu'il ne voulut point re-
noncer aux erreurs d'Arius. On lui
assigna, dans la Galatie , un riche do-
maine où il se retira avec sa feimille.
C'était là, au centre de l'Asie Mi-
neure, loin des troubles et des révo-
lutions qui menacent les empires, que
devait mourir en paix le dernier roi
des Vandales.
Avec le triomphe de Bélisaire se
termine l'histoire des Vandales ; la na-
tion avait perdu son roi et ses plus
AFRIQUE. 75
illustres familles. Transplantés à Cons-
taritinople, les plus jeunes et les plus
nobles parmi les descendants des an-
ciens conquérants de l'Afrique , se mi-
rent au service de l'empire et formè-
rent un corps de cavaliers qui se
distingua plus d'une fois , par sa va-
leur, dans les batailles (*). Mais que de-
vint, en Afrique, la masse de cette
puissante nation ? « U est vraisembla-
ole , dit Gibbon , qu'après l'exil de son
roi et^de sa noblesse, le peuple van-
dale paya la sécurité qu'il obtint en
perdant son caractère, et en sacrifiant
sa religion ei sa latigue, et que sa
postérité dégénérée se mêla insensi-
blement avec la foule des sujets de
l'Afrique. Plusieurs cependont essayè-
rent d'échapper à la domination étran-
gère ; un voyageur de nos jours a
trouvé , au centre des peuplades mau-
res, le teint blanc et la longue cheve-
lure d'une race du Nord ; et Ton disait
aussi autrefois que les plus audacieux,
cherchant à se soustraire au pouvoir,
oii même à la connaissance des Ro-
mains , trouvèrent la liberté et l'iso-
lement sur les côtes de l'Océan Atlan-
tique. La terre où ils avaient régné
devint leur prison; ils ne pouvaient ni
espérer, ni désirer de retourner sur
les boras de l'Elbe , où une partie de
leurs frères , moins aventuteux , er-
raient encore au milieu des foi*êts. 11
était impossible aux lâches d'affronter
les mers inconnues et les barbares qui
se présentaient devant eux : ceux qui
avaient du cœur ne pouvaient se ré-
soudre à porter dans leur patrie leur
misère et leur honte, et , après avoir
décrit la richesse de ces royaumes
cni'ils avaient perdus , à se voir forcés
oe réclamer une portion du modeste
héritage auquel ilsavaient renoncé pres-
que tous dans des temps plus heu-
reux (**). »
(*) Gibbon ; Hist, de la décadence, etc. ,
ch. 41. — Lebeau; Hist, du Bas-Empire;
édit. Saint-Martin; U vm, p. a6a.— Pa-
pencordt ; Geschichte der vandalischen
Herrschaft in Jfrika, p. 3x4.
(**) Voy. plus haut , p. 58. On ne lira
peut-être pas sans intérêt ce qui concerne
les destinées de cette partie de la nation
Digitized by
Google
76
L'UNIVERS.
CAUSES DE LA CHUTE DE L'EM-
piRE vandale; fin du BÉCIT. —
vandale qui n*avait point voulu suivre le roi
Godieiscle et émigrer au temps des grandes
invasions. Le passage que nous citons ici a
été signalé par^ibbon. Nous donnons dans
son entier ce curieux document ; «Voici le
portrait des Vandales modernes tel que le
lit Frédéric-Guillaume, électeur de Bran-
debourg, et grand-père du roi de Prusse,^
aujourd'hui régnant , en s'entretenant avec
M. ToUius , personne connue dans la répu-
blique des lettres, et qui traversait les États
de ce prince. « C'est un peuple léger, sédi-
«tieux et perfide, qui n'habite que dans
« des bpurgades , dont véritablement il y
<c en a de cinq ou six cents feux. Ces Van-
« dales reconnaissent en secret un roi de
« leur nation ; mais ce roi né se donne à
« connaître qu*à ses sujets, qui lui payent
K chaque année une redevance d'un écu par
« tète; on sait même qu'il garde dans sa
« maison un sceptre et une couronne. Le
« hasard , ajoutait l'électeur, me fil voir une
<c fois le roi des Vandales. C'était un jeune
« homme qui avait l'air robuste et la mine
« haute. tJn des plus considérables de la
« nation s'étant aperçu que je regardais fixe-
<c ment ce jeune homme, il le fit retirer à
« coups de bâton, comptant bien qu'il me
« donnerait le change par là et que je ne
« pourrais jamais penser ^u'un homme qu'il
« traitait ainsi fikt son roi. J'ai fait traduire
« en leur langue la Bible et le catéchisme
N de Heidelberg ; mais je n'ai point encore
« érigé d'écoles publiques dans la contrée
« qu'ils occupent. J'ai craint le caractère de
« de ce peuple , qui d'ailleurs habile un
c« pays où il est facile de se cantonner. Ces
« Vandales^ qui ne manquent pas de vue, ont
« même déjà trouvé moyen d'avoir quelques
«pièces d'artillerie qu'ils cachent avec soin.
« Un jour que je traversais leur pays , ils
« s'attroupèrent jusqu'au nombre de cinq
« à six mille, dans le dessein de m'enlever,
<c et quoique j'eusse une escorte . de huit
« cents grenadiers, ce ne fut pas sans peine
« que je sortis d'embarras. » Dubos ; His-
toire critique de l'établissement de la mo-
narchie française dans les Gaules, t. I,.
p. 2X1. Paris, 1784 , in-40. Gibbon dit dans
une note : « On peut suspecter avec raison
la véracité, non pas du grand électeur, mais
de ToUius; » et cependant il parait adopter,
dans son récit, les faits les plus importants
contenus dans le passage que nous venons
de citer.
«Dans l'histoire de rhumanité, dit
Procope, il n'est pas un siècle qui
n'offre quelque événement merveil-
leux. Toutefois, quand je songe que
cinq mille cavaliers (car, pendant
le cours de la guerre, l'infanterie
n'eut point l'occasion de prendre part
aux batailles), qui n'avaient pas même,
en arrivant en Afrique , un port où ils
pussent débarquer, ont renversé de
son trône le successeur de Genséric
et , en quelques mois , ont effacé cet
empire vandale si puissant par ses ri-
chesses et ses guerriers , je n'oserais
affirmer qu'il y eût , dans le passé, un
fait plus étonnant que la rapide expé-
dition de Bélisaire. >» Sans rien dimi-
nuer de la juste considération qui s'at-
tache encore, après tant de siècles,
au nom de Bélisaire, on peut dire, et
l'historien byzantin lui-même semble
le reconnaître , que les succès de l'ar-
mée grecque en Afrique ont été plutôt
l'œuvre de la fortune que du génie et
du courage. Il y eut, en effet, quelque
chose de merveilleux dans certams évé-
nements de cette guerre pour laquelle
le hasard fit plus que les hommes. Ce-
pendant, en recherchant avec soin les
causes qui , depuis longtemps, avaient
amené la décadence et préparé la chute
de la nation vandale, on peut expli-
3uer aisément et comprendre la rapî-
ité de la révolution que nous venons
de raconter. Gélimer était , il est vrai,
l'héritier de Genséric et le chef d'un
grand peuple, mais, par ses qualités,
n était loin de ressembler au plus il-
lustre de ses aïeux , et ses guerriers
n'avaient point conservé le courage et
les mâles habitudes de la forte généra-
tion qui avait fait la conquête de FA-
frique. Les générations nouvelles ,
comme Procope lui-même nous l'ap-
prend , étaient amollies , corrompues,
et elles ne se distinguaient plus que
• par les privilèges de la population ro-
maine. Après tout , le nombre, peut-
être , l'eût encore emporté si la for-
tune n'eût pris soin , au moment
même de la lutte, de diviser et d'a-
moindrir les forces des Vandales , et de
mettre en quelque sorte entre les mains
de Jfustinien les armes qui avaient
Digitized by
Google
servi à Genséric pour frapper l'em*
pire.
Gélimer s'aliéna d*abord une partie
des hommes de sa race par son usur-
pation , et aussi par le barbare traite-
ment qu'il fit subir au roi dont il tenait
la place. II n'y eut plus dès lors, dans
la nation, cet accord qui seul pouvait
lui donner la force de résister aux en-
nemis du dehors et de repousser les
agresseurs; puis, quand Bélisaire pa-
rut, les catholiques se tournèrent con-
tre les Vandales, comme les donatistes,
autrefois, au moment de la conquête ,
avaient pris parti contre Tempire.
Enfin les Maures, que Genséric avait
su maintenir dans le repos et dans son
alliance, plus encore en les associant
aux périls et aux gains de ses entrepri-
ses qu'en les comprimant par la force,
avaient harcelé sans relâche, depuis
cinquante ans et sur toutes les fron-
tières, les conquérants germains; et
lorsque l'armée grecque arriva, ils ne
voulurent point le défendre, et virent
tomber sans regret un peuple qui , re-
nonçant à ses habitudes de guerre et
aux grandes pirateries , avait cessé de
lui fournir de l'or, et que, pour sa fai-
blesse, ils méprisaient depuis long-
temps. La force de Genséric était
presque tout entière dans ses alliances.
C'était en s'unissant aux Goths, aux
Suèves, aux Huns, qu*il était parvenu
à consolider sa domination en Afrique, .
et à lutter avec avantage contre ses
ennemis de l'Orient et de l'Occident.
Quand il était menacé par l'Italie ou
par Byzance, il poussait, suivant les
circonstances, les barbares de l'Europe
sur l'un ou sur l'autre empire, et éloi-
§nait ainsi le danger de sa capitale et
e ses côtes. Gélimer, en imitant son
aieui, en s'alliant, par exem[)le, aux
Ostrogoths en Italie et aux Visigotbs
en Espagne, aurait pu au moment du
danger écarter de l'Afrique Tarmée de *
Justinien. Mais il ne sut point entre-
tenir avec les peuples qui devaient être
ses auxiliaires naturels des rapports
d'amitié, ou bien quand il songea à
leur demander aide et appui, il était
déjà vaincu. Aussi Amalasuntha four-
nit des vivres aux vaisseaux grecs
AFRIQUE. n
Suand ils touchèrent la Sicile, et Theu-
is renvoya avec ignominie les ambas-
sadeurs vandales qui étaient venus
solliciter son alliance. Abandonné par
une partie des siens, haï par les catho-
liques, connaissant les dispositions
hostiles des Maures, Gélimer, au sein
même de ses États, était réduit à l'im-
puissance; et au dehors il ne comptait
pas un seul peuple qui , dans les fâ-
cheuses conjonctures où le mauvais
gouvernement de ses prédécesseurs et
sa propre usurpation l'avaient placé,
voulût lui prêter assistance. Des acci-
dents imprévus, la fatale imprudence
d'Ammatas, la mort de Tzazon, hâtè-
rent, il n'en faut point douter, la chute
de la domination vandale, mais elles
ne la décidèrent pas : elle fut préparée,
amenée par les causes diverses que
nous venons d'énumérer. Celui qui
tiendra compte de ces causes ne sera
point surpris que cinq mille cavaliers
d'élite, soutenus par une réserve de
dix mille fantassins, et dirigés dans
leurs mouvements par un général ha-
bile, aient vaincu un roi mal affermi
sur son trône, et arraché l'Afrique,
même en six mois, à une nation qu'un
grave dissentiment avait partagée et
affaiblie, et que l'habitude du repos,
du luxe et des plaisirs, avait amollie et
dégradée.
On conçoit aussi que la facile con-
quête accomplie par Bélisaire ait ex-
cité des transports de joie dans les
provinces soumises au monarque qui
se disait l'héritier des Césars. Frappé,
envahi, amoindri depuis deux siècles
par les barbares, le vieil empire tres-
saillit à la nouvelle de la chute des
Vandales, et il crut sans doute que le
temps des rudes épreuves était passé
pour lui et qu'il allait se reconstituer,
et revivre dans toute sa force et son
ancienne splendeur. Justinien se fît
alors l'organe des sentiments et de l'o-
pinion de ceux qui n'avaient point cessé
de croire à l'éternité de la puissance
romaine. Les premiers messagers de
Bélisaire avaient paru à peine à sa
cour, que déjà, sans attendre que Gé-
limer eût risqué sa dernière bataille et
fût devenu son prisonnier, il se décora,
Digitized by VjOOQIC
7^ L'ITUIVERS.
dans les actes émanés de sa chancel-
lerie, des titres à'Jfricam, et de vain-
qtieur des Alains et des Fandaks, Il
alla plus loin encore, car, prenant ses
espérances et celles des Byzantins pour
des réalités, il se fit appeler aussi soti-
verain des Francs, des Goths, des
Alamans et des Germains, comme
s'il eût possédé la Gaule, l'Espagne,
ritalie et les portions de la Germanie
enclavées dans l'ancien empire (*). La
fortune, on le sait, ne devait point
tarder à faire justice de ces vastes
prétentions, et à donner un démenti
aux paroles de Justinien. Toutefois,
nous le répétons, quand on songe que
depuis les grandes invasions des bar-
bares l'empire avait toujours été vaincu
et malheureux, on rencontre sans éton-
nement, dans les récits et les actes du
sixième siècle, les lignes que nous avons
citées, et Ton conçoit aisément que les
victoires de Bélisaire et ses rapides
succès en Afrique aient inspiré des
sentiments d'orgueil et quelque en-
thousiasme aux Romains dégénérés.
ORGAiriSÀTIOK POLITIQUE DKS VAZTDALKS EZT
AFRIQUE ; EFFETS DE LA CONQUETE ; RAP-
PORTS DES YAINQUEURS AVEC LES VAINCUS;
RELIOIOir , COMMERCE , INDUSTRIE , LIT-
TERATURE , MOEURS, ETa, DE l'aFRIQUÉ
VANDALE.
Nous ne diercheroDS pas ici à dé-
crire l'état politique et moral des Van-
(*) Yoici les titres qui sont accumulés
dans les actes de confirmation placés en tête
des Instituts et des Pandectes : Jmperator
Cœsar, Flanus Justinianus , Alamanicus ,
Gothicus, Francicus, Germanicus, Asiati-
eus, Alanicus, Vandalicus,Africanus, Pius,
Félix, inclytus, Fictàr ac Triumphaior, semr
per Augustus, Dans le préambule de chacun
de ces actes, Justinien rappdle avec osten-
tation la défoite des Yanaaies, la prise de
Garthage et la conquête de l'Afrique. Jus-
tinien agissait avec quelque témérité en se
glorifiant ainsi. Les actes que nous signalons
ici ont élé promulgués , comme le porte la
date , bien avant que l'empereur pût con-
naître les résultats de la bataille dé Trica-
mara, et trois mois environ avant la soumis-
sion de Midenoset la captivité de Gélimer.
Voy. le Corpus juris civUis,
dalesdanslaGermanie.Nousrcnvoyons
sur ce point â tous les auteurs qui, de-
Euis Tacite, ont parlé des sociétés bar-
ares. Quelle fut, plus tard , Torgani-
sation adoptée par les Vandales au
temps oii, sans clemeures fixes, ils er-
raient en Gaule, en Espagne et en
Affique P G^est une questron que nous
avons déjà essayé de résoudre en quel-
ques mots. !Nous avons dit (pag. 27) :
« Depuis le passage du Rhin jusqu'à la
prise de Garthage , la nation vandale
n'est qu'une horde inquiète, errante,
qui n'a point d'autre patrie que la terre
enclose par des fossés où elle place son
camp ; a'autres mœurs que celles que
font la guerre et des combats sans
cesse renouvelés ; d'autre gouverne-
ment gue la discipline des armées. Il
suffisait alors à celui qui dirigeait les
mouvements de cette borde , d'avoir
assez de bravoure et d'énergie pour la
sauver des attaques de l'ennemi , et
pour maintenir dans cette foule com-
posée de tant d'éléments divers Fobéis-
sance et Tapparence de l'unité. »
Après la prise de Garthage et le par-
tage des terres de la Zeugitane, les
Vandales passèrent de la vie nomade
à la vie séaentaire. Alors il se fit dans
leurs habitudes, leurs mœurs, dans
leur vie , en un mot , une complète
transformation. D'un autrç côté , par
le fait de l'invasion , la condition des
Romains de l'Afrique dut changer.
Gomment les Vandales, après la
prise de Garthage, s'organisèrent-ils
si4r la terre conquise? Quelle fut la
forme de leur gouvernement ? Dans
quels rapports vivaient les vainqueurs
et les vamcus ? Quels changements ap-
porta la conquête dans l'état des per-
sonnes, le commerce et l'industrie?
D'autre part, quelle fut Faction de la
civilisation romaine sur les conqué-
rants barbares ? Ge sont là les diver-
ses et importantes questions que nous
* nous proposons d'examiner.
LE BOi. — Avant d'avoir pris Gar-
thage et forcé l'empire à reconnaître
ses conquêtes, au temps où il était
campé plutôt qu'établi en Afrique, Gen-
séric exerçait- sur les Vandales, les
Alains , et tous les hommes de races
Digitized by VjOOQIC
diverses qui raccotppagnaient, un pou-
voir absolu. (Tétait le pouvoir dotit,
par nécessité, ont été investis dans
tous les temps les généraux d'une ar-
mée en campagne. Quand Genséric
eut distribué à ses compagnons les
terres de la Zeudtane , quand il eut
pris possession orune manière défini-
tive ae la meilleure partie des vastes
et fertiles provinces d'Afrique qui,
avant sa conquête , relevaient de l'em-
pire , sa sphère d'action s'agrandit. Il
cessa d'être exclusivement le chef d'une
foule armée, pour devenir roi. Mais
alors son pouvoir, pour s'étendre plus
loin qu'autrefois, ne perdit ni sa force,
ni le caractère de violence que lui avatt
imprimé l'état de guerre. Les compa-
gnons de Genséric , la conauéte une
fois accomplie et le partage des terres
étant achevé, ne cessèrent pas de se
considérer comme les membres d'une
armée , et ils ne cherchèrent pas à ra-
vir une part de l'autorité de celui qui,
avant leur établissement, les dirigeait
dans les courses lointaines et les com-
bats. Nous renvoyons au récit qui
précède. On verra qu'aux diverses épo-
ques de la domination des Vandales
en Afrique , la > puissance absolue de
l'ancien chef de guerre qui était de-
venu roi , pour employer ce mot dans
son acception modfeitne , fut toujours
incontestée. Genséric et ses succes-
seurs turent tout pouvoir sur la vie
et la liberté non point seulement des
Romains, mais encore des hommes les
plus illustres de leur race. En ce qui
eonceme les Vandales , l'autorité du
roi n'était limitée qu'en un sens : il
n'osait porter atteinte à la propriété
concédée à perpétuité à ceux qui avaient
fait la conquête. Une seule infraction
aux arrangements voulus et acceptés
par Genséric et ses compagnons eût
inspiré à tous les barbares , devenus
propriétaires, des craintes sérieuses ,
et amené une révolution qui aurait eu'
pour premier résultat une diminution
du pouvoir roy^l, et peut-être la chute
de la famille investie de la royauté.
LE CONSEIL DU BOI. — Si l'ou eA
croit une tradition rapportée par Pro-
cope, et que nous avons reproduite
AFRIQUE. 79
{>lus haut dans notre récit (pag. 58) ,
e roi , dans les circonstances solen-
nelles, appelait autour de lui, pour
prendre conseil , les hommes les plus
illustres de sa nation. Cette réunion
n'était point sans analogie avec le
Wittena-ghemote , ou assemblée des
sages des anciens Saxons. Seulement
il faut remarquer que la voix du roi
dans le conseil était prépondérafnte ,
décisive; qu'elle valait, en un mot, à
elle seule, toutes les voix. Ainsi Pro-
cope raconte que les députés envoyés
à Carthage par les Vandales d'Europe
qui , au temps du roi Godigiscle , n'a-
vaient point voulu émiçrer , ayant de-
mandé a Genséric l'entier abandon des
terres que lui et les siens avaient lais-
sées en Germanie , le roi , de l'avis de
son conseil, fit d'abord une réponse fa-
vorable. L'historien byzantin ajoute
qu'un vieillard s'étant levé, ramena le
roi par un discours à un avis contraire.
GenaȎric , sans tenir compte de l'ad-
hésion exprimée j^r ia majorité de
ceux qu'il avait rassemblés, trouva
sages les paroles du vieillard , et ren-
voya les députés sans accueillir leur
demande. Cette seule anecdote peut
nous fanre connaître la nature et les
attributions du conseil convoqué dans
les graves circonstances par les rois
vandales.
BOYAUTB HBRBDITAIBB; LOI DB
SUCCESSION. — La famille qui , chez
les conquérants de l'Afrique, possédait
la royauté, était sans aoute illustre
entre toutes les familles vandales. A
quelle époque et à quelles conditions
le pouvoir suprême fut-il confié aux
aïeux de Genséric ? Nul document ne
saurait nous l'apprendre. Nous devons
nous borner à constater qu'à partir de
la grande invasion jusqu'au règne de
Justinien , iles rois vandales , et nous
n'exceptons point Gélimer {*) , ne fu-
rent jamais soumis à l'élection. Gen-
séric régla après It conquête l'ordre
(*) Dans sa lettre k Justinien , Gélimer
établit la légitimité de son pouvoir moins
sur le voeu eiprimé par les guerriers de sa
nation que sur le testament de Genséric et
les droits de sa fomiUe.
Digitized by
Google
80
L'UNIVERS,
de succession au trône. Il fit, suivant
Procope {De Bel Fandal, , 1,7), un
testament dans lequel on lisait cet ar-
ticle : Que la royauté reviendrait au
plus âgé de tous les princes issus du
sang royal, sans suivre la ligne directe.
Ainsi le fils d'un roi voyait la cou-
ronne de son père passer à un oncle
ou à un cousin. Toutefois , il ne per-
dait point Tespoir de devenir roi à son
tour. L'âge pouvait lui conférer un
jour la royauté. Genséric, par son tes-
tament , ne se proposait point seule-
ment d'effacer le souvenir de son usur-
pation , et de faire oublier qu'il s'était
emparé de la souveraine puissance au
détriment des jeunes enfants de son
frère Gundéric , il voulait encore as-
surer le trône à sa famille , et écarter
de sa nation les troubles et les dan-
gers inséparables d'une minorité n.
Nous ajouterons ici une remarque,
c'est que l'histoire des Vandales et
leur loi de succession ne font pas men-
tion de cette règle des partages suivie
par les Franks, dans l'ordre politique,
règle que d'éminents historiens ont
regardée, à tort peut-être, comme in-
hérente aux coutumes et aux mœurs
des peuples de la Germanie.
LBS DOMAINES DU BOI *, SON TBB-
SOB ; EMPLOI DES DENIEES BOYAUX.
— Le roi , on le conçoit aisément , se
fit une large part dans les terres con-
quises. Il est vraisemblable qu'il avait,
non loin de Gartbage, dans la province
mène qui était devenue la propriété
de ses compagnons d'armes, de vastes
domaines. Puis, dans les parties de son
empire où les Romains étaient restés
propriétaires, il choisit encore d'autres
terres pour ses plaisirs ou pour accroî-
tre ses revenus. Ainsi, nous savons, par
le récit de Procope, que Gélimer avait
une résidence à Hermione, dans la By-
(*) Voyez sur le testament de Genséric :
' Marcus; Histoire des Vandales, etc., p. agS
et suiv. — Papeuoordt; GescfUchte dervan-
dalisclien Herrschaft in Afrika, p. 217 et'
suiv. — Voy. aussi une note curieuse de
Saint-Martin , dans son édition de \Hist.
du Bas 'Empire, par Lebeau; t. VIII,
p. aoi.
zacène, et sur la c6te, près de Grasse,
de magnifiques jardins (jui firent l'admi-
ration des soldats de Belisaire. Les rois
vandales ne tiraient point seulement
leurs revenus de leurs domaines. L'im-
pôt payé autrefois par les Romains
aux empereurs fut versé, après la con-
Suéte , dans les coffres de Genséric et
e ses successeurs. On doit remarquer,
toutefois, que cet impôt fut moins
lourd sous les Vandales qu'au temps
de la domination romaine , et que les
percepteurs et receveurs de Genséric
Iprocuraiores seu exactores) se mon-
trèrent moins durs et moins cruels
que les agents du fisc impérial. Il faut
encore ajouter à ces sources de reve-
nus les amendes en argent ou en na-
ture payées par ceux qui avaient en-
couru une condamnation.
Voici, d'après les indications re-
cueillies chez les auteurs contempo-
rains , quel était l'emploi des sommes
amassées par les rois vandales. Ils sou-
doyaient, pour le service de la flotte,
de la garnison de Carthage, et des
camps fortifiés que Genséric avait éta-
blis vers le désert, sur plusieurs points
de la frontière, un corps nombreux
d'archers maures. Ils payaient les in-
dividus qu'ils appelaient d'Espagne
pour frapper les monnaies, et les ou-
vriers employés à la fabrication des
armes, à leur entretien et à la cons-
truction des vaisseaux. Ils élevaient et
remplissaient d'armes ou d'agrès de
vastes arsenaux. Les sommes que les
violences de la conquête avaient mises
entre les mains du roi furent quelque-
fois réservées, comme nous dirions
aujourd'hui , poiur des mesures de sa-
lut public. Nous avons cité plus haat
(pag. 16) un passage où Victor de
Cartenne raconte que toutes les ri-
chesses enlevées aux habitants de Car-
thage, après la prise de la ville, furent
portées à Genséric. « Elles devaient
servir, ajoute l'historien, à prendre
les mesures nécessaires pour repousser
les Romains des provinces où les Van-
dales avaient fixe leurs demeures. »
DES DIFFÉBENTBS CLASSES DB LA
NATION VANDALE. — II y avait chez
les Vandales , comme chez les autres
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE-
81
nations barbares , certains hommes
qui jouissaient, parmi leurs compa-
gnons d'armes, d'une grande considé-
ration. Dans la Germanie, et pendant
les premiers désordres de l'invasion ,
c'est-à-dire , quand la tribu errait en-
core avant d'avoir conquis un établis-
sement fixe, ces hommes tenaient
cette considération, leur noblesse,
comme nous dirions, non point de
leurs aïeux, mais de leurs qualités et
de leur bravoure personnelles. Ils en-
traînaient à leur suite , en raison seu-
lement de la réputation qu'ils avaient
acquise dans les combats, un certain
nombre de guerriers qui se dévouaient
à eux et à leur fortune. Ces himmes
illustres, parmi les barbares, étaient
les chefs de bandes. Quand ils mou-
raient, ils ne transmettaient à leurs
fils ni leur illustration, ni leur in-
fluence, et la bande se dissipait. Cha-
que guerrier cherchait un nouveau
cltef. Tout changea chez les Vandales,
comme chez les autres peuplés germa-
niques, quand ils s'établirent d'une
manière définit ive sur les terres de
l'empire. La noblesse , pour des rai-
sons que nous ne devons point énumé-
rer ici , devint héréditaire (*).
Quels furent en Afrique les avanta-
§es et les privilèges de la noblesse van-
ale ? Elle eut d'abord une large part
dans les terres conquises, puis elle
resta en possession de> principaux gra-
des de l'armée. C'était dans son sein ,
par exemple, que l'on prenait les chefs
appelés en langue germanique taihun-
hundafath y en latin millenarii, qui
commandaient à mille guerriers. La
noblesse fournissait encore au roi les
hommes dont il s'environnait dans
(*) Yoy. Naudel ; De l'état des personnes
en France sous tes rois de la première race;
ap. Mémoires de rAcadémie des inscript. ,
t. VIII , p. 401 et suiv. Nous renvoyons aux
premières pages de ce mémoire, où , suivant
nous , M. Naudel a montré le véritable ca-
ractère de la noblesse chez les barbares, et
réfuté avec une grande sagacité les exagé-
rations ou les erreurs de Boitlainvilliers, de
Dubos, de Montesquieu, de Mably et de
Gourcy.
son conseil, et leS principaux officiers
de son palais. Il y avait à Carthage
un fonctionnaire du plus haut rang,
que les écrivains romains appellent
prdepositus regni. Il était chargé
de I inspection des manufactures, des
arsenaux, et de tous les établisse-
ments royaux. Il devait répondre
aussi aux pétitions , demandes ou ré-
clamations qui étaient envoyées dans
la capitale par les habitants des diver-
ses provinces de l'Afrigue, et à cet ef-
fet il entretenait à côté de lui de nom-
breux employés, notarii. Ce ministre.
Vandale par sa naissance , que ses
fonctions rendaient le personnage le
plus important de l'empire après le
roi , sortait , il n'en faut pas douter ,
des rangs de la noblesse.
Le roi (les faits l'attestent) avait le
droit d'infliger à un noble des peines
infamantes et de le dégrader, mais il
pouvait aussi élever à la noblesse des
nommes d'un rang obscur. C'est ainsi,
qu'au témoignage de Victor de Carten-
ne, Genséric conféra le titre de comte à
un ouvrier vandale qui s'était distingué
entre tous les autres par son habileté
dans la fabrication des armes (*).
Au-dessous des nobles se trouvait la
masse des guerriers. Chacun de ceux
qui avaient suivi Genséric, qu'il fût
Vandale, Alain, Golh ou Suève, avait
reçu en récompense une portion de
terre plus ou moins grande. Toute-
fois, le barbare, devenu propriétaire,
ne cessa point, malgré ce changement,
d'être considéré comme soldat. Il de-
vait toujours au roi le service mili-
taire; seulement, il était affranchi de
Fiiiipôt que les Romains payaient pour
leurs propriétés. Si les Vandales ame-
nèrent avec eux des esclaves, ils durent
les joindre à ceux qu'ils trouvèrent
dans la Zeugitane pour les employer à
la culture des terres qui leur avaient
été concédées.
OBGANISATION JUDIGIAIBE DES
(*) Voy. sur la noblesse vandale : Marcus;
Histoire des Vandales, etc., p. 191 , 198,
et , dans les notes , p. 37. — Papencordt ;
Geschichte der vandalischen Herrschaft in
Afrika, p. aao, 127 et suiv.
6* Livraison. (HiST. des Vandales.)
6
Digitized by VjOOQIC
«2
L*UNiVBRS.
TANDÀLES* — Gensérie ^et «es succes-
seurs , comme nous le ditons , laissé^
fént par nécessité aux vaincus leurs
lois et leur organisation judiciaire ;
mais pour cela ils n'essayèrent point
d'imposer à leurs compagnons d'ar-
mes les usages des Romains. Quelle
était donc Torganisation judiciaire des
Vandales ? MM. L. Marcus et Papen-
cordt ont tranché cette question avec
raison, suivant nous, en disant que les
Vandales trouvaient au besoin des ju-
ges civils dans leurs chefs miUtaires.
Ainsi, il y avait des tribunaux présidés
par les taihunhundafath ou ynUlena-
rii, d'autres par les hundafath ou
centenariiy d'autres enfin par les tai-
hunfath ou decanL Au-dessus de ces
juges se trouvait établi , sans doute
pour statuer en dernier ressort, dans
les cas les plus graves, le fonctionnaire
supérieur {prœposUus regni) dont
nous avons déjà parlé (*).
PARTAGE DES TEBKES. — Cc fut
seulement après la prise dé Carthage
que la nation vandale s'organisa et
s'établit en Afrique d'une manière dé-
finitive. Gensérie distribua à ses guer-
riers les terres de la province procon-
sulaire ou Zeugitane. Il se réserva, pour
employer les dénominations géographi-
ques de Victor de Vita , la Byzacène ,
TAbaritane , la Gétulie et une portion
de la IVumidie. Toutes les acquisitions
faites par les Vandales, postérieure-
ment au traite de 442, entrèrent dans
le lot du rdi,' Nous avons énuméré
plus haut les biens , domaines, reve-
nus, etc., que Gensérie garda pour lui
et pour ses successeurs après la con«
quête (**). Nous devons dire mainte-
nant quelle fut la part de ses compa-
gnons d'armes. On leur distribua dooc
les terres âe la Zeugitane. o Gensérie «
dit Procède , aoi^na les fiîus nobles et
lès plus riches Africains , eux , leurs
propriétés foncières et ce qui en dépen-
dait, à ses fils Hunéric et Geozon, Il
dépouilla les autres Africains de pres-
(*) Marcus; p. 190. — Papenoordt ; p,.a^4g;
— "Voy. aussi Grlmm ; Deutsche Àech^sal'
terthûmer^ 756,
(**) Voyez encore sur ce point : Papeii*
cordt; p. 181 et suiv.
cHiQ toutes le» bonnes fbvrès^ c( la
distribua entre les Vandales. Aussi on
appelle encore aujourd'hui ees terres,
lots (xXvipot) des Vandales. Quant aux
anciens propriétalires , ils devinrent
tous très-pauvres ; mais ils restèrent
libres et purent aller où bon leur sem*
blait. Les terres que Gensérie aban^
donna à ses fiJs et aut Vandales étaient
exemptes d*imp6ts ; mais les terres
gu'on laissa aux anciens propriétaires,
parce qu'on ne les trouva pas ass^
bonnes, furent chargées de tant de re-
devances, que, tout en restant nosses-
seurs de leurs immeubles, les Airicains
n'en retirèrent rien pour eux-mêmes. »
Çhaqu* barbare eut , d»is là distribu-
tion des terres , une part proportion-
née , si nous pouvons nous servir de
cette expression, à sa bravoure et à la
considération dont W jouissait dans là
nation. Cette part lui était concédée ,
à lui et à ses héritiers , en toute pro-»
(NTiété. C'était Vahde germanique. Les
rois vandales, par prudence, n'essayè-
rent jamais d'enlever à leurs corapa<»
gnons d'armes .les terres ou le butin
gagnés par 1^^ fait de la« coïiquéte où
par les pirateries. Gensérie dit un jour
a un ambassadeur byzantin : « Tous
les prisonniers c(ue nous ayons obte-
nus par le sort, mon fils et moi, je te
les abandonne ; quant à ceux qui sont
tombée en partage à mes soldats, je te
permets de les racheter comme tu pour-
ras de leurs maîtres, s'ils veulent les
vendre. Je n'ai pas le pouvoir de les
contraindre O. »
Nous croirions votontiers que tou^
les guerriers qui suivirent Gensérie ne
i^eçurent point des terres dans la Zeu'
gitane. Il y. en eut parmi eux un sraBd
nombre qui , préférant au repos Ta vie
agitée du guerrier et teè courses sur
mer, s'enrôlèrent, moyennant une forte
solde, dans le corps permanent qui
servait à Carthage pu sur les vaiéseaux
du rôt qui parcouraient sans cesse la
Méditerranée, et portajiént le ravage
sur toutes les côtes de l'epipire.
Ajoutons encore que les Vandales
(*) Malchus; In excerptis e îegathMu^
p. 87. — Voy. aussi Marcus ; p. 193.
Digitized by VjOOQIC
ÂfSHffJË,
m
se éMdéftttèréftt mii éfitîj^ôn» de C&t*
thflge, dans ntw séiHe ptô^îiie&^ AiûFsi
placés , ils pochaient 86 rétr^ir fâlbile*
ment enf tem^^ rfe guerre, et porter ra*
pidement secoiirs a leur roi, (fuand les
ennemis du dehorsi essayaient de hli
disputer sa éiônc(uèté.
ORGAmsATrdl^ MILltATM *, l'Aïl-
itÉÉ ; SES CHEFS. — C'était h tcH qtfî,
depuis les tefîips les plus anéiens , âh
rîgeaît les guerriers dans toutes \eÉ
expéditions et dans les combats. Il con-
duisait la tribu dans son ensemble;
mais la tribu armée était subdivisée eri
une fotile de bandes. Chacune d'elles,
à son tour , avait ùu chef qui , comme
nous Favonfs dit , ne devait son auto-
rité et son îrifluence siuT Ses cotmya-
gnons qu'à son illustration personnelle,
c'est-à-dire, à la bravoure, qui, danà
les commencements d'une sotSîété, est
l'unique source de Tilhistration. Cette
organisation naturelle et simple des na-
tions barbares ne subsista point foti^
Jours chez les Vandales. Quand Gen-
Séric eut touché le sol de l'Afrique,
^and il se vit entouré , non point
seulement des hommes de sa race,
linais encore d'Alains en grand nom-
bre , de Sûèves , de Goths, de Maures,
et même de Romains, il crut avec rai-
Son qu'une masse aussi considérable,
et qui se composait de tant d'éléments
divers , ne pouvait être gouvernée et
se mouvoir comme une tribu errante
dans les forêts de la Germanie. Il es-
saya donc d'organiser son armée sur
un plan nouveau qui pût convenir en
quelque sorte au tjemps et aux circons-
tances au milieu desquelles il se trou-
vait placé.
Il divisa la foule qui lé suivait eu
^atre-vingts cohortes. Chaque cohorte
se composait de mille hommes , et
avait un chef qui , suivant Victor de
Ëartenne , était appelé , dans l'idiome
germanique , taihunhundafath {*),
C'est ce chef qui reçoit de Victor de
Vita le nom de miUenanus, et de Pro^
cope celui de xiXîopxoc* Au-dessous
du commandant de la cohorte, se trou-
vaient les officiers inférieurs qui con-
, (*) Taihim, dix ; hunda, cent;/a/A, chef.
On reUrouve ce mot dans Ulphilas (Marcus),
dnisaienf ccnot hommes (eéntUfîonet ,
cetitenarH), et ceux ^uî conduisaient
dix hommes seulement (decuriones , ^
âecani). Dans la lan^e des Viindales,
les premiers étaieot a|^pelé$ hunda^
fatk, et les seconds taihunfatà. Au-
dessus de tous les chefs se trotivait
d'abord le roi, pùKt les membres de la^
famille du roi , fit» ou Mrtres , <f6i di-
rigeaient plusieurs cohortes, ouv côngh
me nous dirtons aujourd'hui , des éi*
visions. Ainsi 4 à la bataille de Trica-
mara, Qélitttet surveille l'ensemble desf
mouvements, etT2azôn,frèredo roi»
commande le centre. Sr^ dans cetfô'
journée, les ailes furent confiées à
des taiUuHhundafôthy c'^ me dans
lés combats qui avaient précédé, Am-
matas, l'aiiitre frère du rdi, et son
neveu GU)amtind « placés tons deux à
\é tête de cotps importants, avaient
ëé tués par les Grecs. Quand le roi
n'allait pas à la guerre , Farmée était
confiée aux princes de sa famiilei
C'est en vertu de leur naissance que
FAchilïe des Vandales, Oamcr, ^
avant son avènement au trdfte , GéH-
mer, furent successivement investis
du commandement en chef dans les ex*
Ç éditions contre les Maures. Plus tard,
zazon Ait désigné^ pârfce qu'il était
fi*ère du roi, pour conduire la flotte et
l'armée qui devaient réduire en Sar-
daigne le rebelle Godas.
Quand les guerriers vandales etnrent
partagé entre eux les terres de la Zeu-
gitane, ils ne cessèrent point d'être di-
visés et organisés militairement, conv»
me au temps oh ils erraient en Afri-
que au gré des événements, et où ils
n'avaient d'autres demeures que lés
tentes de leur camiJ. Les cadres tra-
cés par Genséric, si nous pouvons em-
ployer cette locution moderne, ne fu-
rent pas détruits. Ajoutons encore
que dans sa capitale, et près de lui, le
roi des Vandales entretenait , même
pendant la paix , un corps de troupes
nombreux, et qui ne quittait pas les
armes. D'autres corps permanents
étaient placés sur plusieurs points des
frontières , pour protéger les terres
conquises contre les courses et les in-
vasions subites des Maures.
6.
Digitized by VjOOQIC
84
L'UNIVERS.
Les Ydndales ne servaient pas à
pied ; ils combattaient tous à clieval ,
et ne faisaient usage, pour Tattaque
et la défense, que de la lance et
de répée (*). Les archers qui parais-
saient aans leurs rangs et sur leurs
vaisseaux étaient des mercenaires. Ils
étaient choisis parmi les Maures.
Si Von excepte Carthase et les lieux
où Genséric avait placé des garnisons,
on ne trouvait pas en Afrique, sous les
Vandales, de points fortifiés. Les bar-
bares, à leur arrivée (et ce fait se re-
{)roduisit dans plusieurs contrées de
'Europe envahies par les populations
germaniques) , renversèrent les murs
de toutes les villes f^*). Ils craignaient
que les Romains, en s'emparant d'une
Slace, ne les missent dans la nécessité
e recommencer un siège aussi long
et aussi désastreux que celui d'Hîp'
pone. Après la mort de Genséric , les
murailles de Carthage, mal entrete-
nues, croulèrent en plusieurs endroits,
et les postes des frontières furent
abandonnés. Gélimer, amené comme
prisonnier dans la capitale'de son an-
cien royaume , gémit, mais trop tard,
de l'erreur de ses aïeux et de sa pro-
pre négligence.
HABINE , ARSENAUX. — NOUS aVOnS
dit ailleurs (pag. 16) que par nécessité
les Vandales durent se livrer aux ex-
péditions maritimes. lis eurent en ef-
fet de nombreux vaisseaux avec lesquels
ils purent résister aux flottes combi-
nées des deux empires , et porter , de
439 à 476, la dévastation sur les côtes
de TEspagne, de la Gaule, de l'Italie,
de la Grèce et de l'Asie Mineure.
Après la mort de Genséric, Tardeur
des Vandales pour les expéditions ma-
ritimes se ralentit, mais elle ne s'étei-
gnit pas. Les courses, sans se faire
pourtant , comme autrefois , avec des
flottes entières, continuèrent. Au reste,
pour prouver que les Vandales , même
a l'époque de leur décadence, n*avaient
pas renoncé à dominer sur la Médi-
(*) Voyez notre récit de Texpédition de
Bélisaire , l'ouvrage de Marcus , passim, et
celui de Papeocordt; p. 3i33.
(**) Marcus ; p. aoo et suiv. — Papen-
cordt; p. 234.
diterranée, il nous suffira de rappeler
que Gélimer trouva sans peine, pour
envoyer des troupes en Sardaigne,
cent vingt vaisseaux. Le roi , ou , en
son absence, les membres de sa famille,
exerçaient sur l'armée navale comme
sur 1 armée de terre le commandement
suprême. Genséric dirigea en personne
plus d'une expédition ; Genzon , son
fils , parut dans la bataille oîj Basilis-
eus perdit tant de vaisseaux ; et la der-
nière flotte mise en mer par les Van-
dales eut pour chef un frère de Gélimer,
Tzazon.
Il y avait à Carthage, pour l'équipe-
ment de Tarmée de terre et pour l'en-
tretien des flottes, de vastes arsenaux.
Là , se trouvaient déposés en nombre
considérable des armes et tous les
agrès des vaisseaux. C'étaient ces ar-
senaux que Genséric, suivant la tradi-
tion, avait montrés avec tant d'orgueil
au plus redoutable de ses ennemis,
l'empereur Majorien.
RELIGION. — Nous avons admis sans
hésiter, comme on l'a vu plus haut
(note de la pa^. 7), que dès leur passage
dans les provmces qui avoisinaient le
Danube , les Vandales se trouvant en
contact, sfiit avec les Goths, soit avec
les habitants de l'empire, avaient aban-
donné les croyances de leurs aïeux de
la Germanie pour embrasser le chris-
tianisme. Nous avons dit aussi que ce
fut vraisemblablement dans la Panno-
nie qu'une partie de la nation avait
adopté la doctrine d'Arius. Toutefois,
en Germanie, parmi les Vandales et les
barbares ^ui les suivaient dans leurs
courses, beaucoup ne renoncèrent point
au paganisme. Mais après le passage
du Rhm, et après avoir séjourné, soit
dans la Gaule, soit dans l'Espagne,
pendant vingt années , la masse des
guerriers (et ici nous comprenons
parmi eux les Alains et les Suèves) se
trouva chrétienne. Les ariens étaient-
ils plus nombreux que les catholiques
parmi ceux qui, en 429, franchirent le
détroit de Gadès pour conquérir l'A-
frique.^ Nous Tignorons. Cependant,
s'il est vrai , comme le dit une vieille
tradition rapportée par Idace, que Geu*
série cessa d être catholique pour em-
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
8^
brasser l'hérésie d'Arius , il faut ad-
mettre qu'avant la sortie d'Espagne,
les ariens étaient en majorité parmi les
Vandales. Ce ne fut sans doute qu'au
prix d'une abjuration , que Genséric
put se faire accepter comme chef et
régner.
En Afrique , la totalité des conqué-
rants, plutôt par le fait des circonstan-
ces et par nécessité que par convic-
tion, adopta Tarin nisme. Les donatistes
et tous les hérésia roues que les empe-
reurs orthodoxes a'Oocident avaient
persécutés, se précipitèrent au-devant
de Genséric et des siens , et lui prêtè-
rent assistance. Ils assurèrent les suc-
cès et la conquête des Vandales. Ceux-
ci durent nécessairement , nous le ré-
pétons , pour prendre racine sur la
terre d'Afrique, devenir tous hérésiar-
ques et se déclarer ennemis des catho-
liques. Ce furent donc moins des
considérations religieuses que des vues
politiques qui jetèrent , en définitive ,
les Vandales dans Tarianisme.
Nous ne montrerons point ici (parce
que nous l'avons fait) le véritable ca-
ractère des persécutions qui signalé-
rent le règne de Genséric. On sait , et
nous l'avons dit plus haut, que ce roi
se montra plus ou moins tolérant sui-
vant que les attaques dirigées contre
lui par l'empire furent plus ou moins
vives. Seulement nous voulons consta-
ter que, dans les deux plus récentes
publications sur la domination des
Vandales en Afrique, MM. L. Marcus
et Papencordt ont parfaitement saisi
les raisons politiques qui ont amené
la plupart des mesures adoptées , dans
les affaires religieuses, par Genséric
et ses successeurs (*). Il faut encore
ajouter que les conquérants germains
devenus ariens montrèrent parfois,
dans leurs actes , un fanatisme qui de-
vait être le résultat d'une profonde
conviction. Les persécutions dirigées
par le roi Hunéric contre les catholi-
ques sont empreintes souvent d'une
(*) Papencordt; p. 193. "Voyez tout le
cbap. 6 du liv. III, p. 270 et suiv. et prin-
cipalement p. 27 9 et suiv. — Marcus ; liv. III,
ch. 5 , p. a38 et suiv., et ch. 10 du même
livre, p. 807, 319 et suiv.
haine, d'une animosité, d'une cruauté
qui appartiennent moins , si nous pou-
vons nous servir de cette expression ,
aux exigences de la raison d'État et
aux querelles politiques qu'aux pas-
sions religieuses.
EFFETS DE LA CONQUÊTE; lÉTAT
DES BOMAINS. — C'cst en vain que
certains historiens ont essayé de prou-
ver que les nations barbares , en s'é-
tablissant sur les terrc^^âe l'empire,
avaient gardé , au moins par calcul et
prudence , des règles et de grands mé*
nagements, et que , par exemple, elles
avaient tenu compte souvent, dans
l'occupation et le partage des terres
conquises , des droits et des intérêts
de la population vaincue (*). M. Mar-
cus n'est pas éloigné de croire que les
Vandales accomplirent leur conquête
et le partage des terres avec la plus
grande modération. Mais cette con-
quête et ce partage se firent , comme
le témoignent les contemporains , avec
violence. Nous renvoyons ici au pas-
sage de Victor de Cartenne , que nous
avons cité plus haut (p. 16), et nous
nous bornerons à rappeler ces paroles
de Procope, qui se rapportent aux
premiers temps de la conquête : « Les
Vandales envoyèrent plusieurs Ro-
mains en exil, et ils en tuèrent un
grand nombre. Cacher ses richesses
était, aux yeux des vainqueurs, le plus
grand des crimes (**).» Au reste,
quand nous n'aurions pas le témoi-
gnage formel des historiens, nous
serions encore en droit de conclure,
à l'aide seulement du bon sens,
que , dans tous les lieux où ils s'éta-
blirent, les barbares portèrent, par
leurs violences, au sein de la société,
la plus grave perturbation.
Les Romains furent donc expro-
priés dans toute la Zeugitane d'abord,
et ensuite dans certaines parties des
autres provinces, Jà où Genséric avait
choisi -à sa convenance des domaines
et des maisons de plaisance. Que de-
(*) CVst une opinion qui a encore été
récemment exprimée , pour la conquête des
Franks , par M. Pardessus, dans son savant
ouvrage sur la Loi salique ; dissert. 8 , p. 534.
(**) Procope ; De BeL rand,, 1, 5,
Digitized by VjOOQIC
L'U^ÏV^RS.
vinrent les incjividu^ expropriés ? Ils
descendirent d'un degré dans l'échelle
sociale. De propriétaires qu'ils étaient
ils devinrent colops. Les guerriers
vandales , et tous les autres barbares
qui les avaient suivis, ne firent point
yaloif leurs terres par eux-mê/nes , ils
ijBS confièrent, moyennant redevance,
aux Romains. On serait porté à croire,
par certaines indications, que les vain-
queurs lais^èçent aux vaincus expro-
priés le choix de rester colons en Afri-
que ou de se retirer dans les i^rovinces
qui relevaient encore de Tempire; mais
d'autres faits semblent attester qu'ils
ne se montrèrent point si uïodérés.
Plus d'une fois ils reléguèrent les Ro-
mains qui ne voulaient pas reconnaître
leur domination dans Jes îles de la Mé-
diterranée qu'ils avaient soumises à
leur empire, et même chez les Maures,
dans le désert. Il arriva cependant que
par calcul, et pour rallier à sa per-
sonne les plus illustres familles ro-
maines , Genséric essaya quelquefois
de faire oublier aux vaincus les excès
de la conquête. Oç lit dans un ancien
document (*) que les fds d'un riche
Romain, qui s'était sauvé de l'Afrique
au temps de la prise de Carthage , ré-
solurent un jour de revenir dans leur
pays. Ils apprirent, à leur retour, que
les biens de leur père avaient été con-
usqués et donnés à des prêtres ariens.
Ils s'adressèrent au roi , qui força les
prêtres à rendre une partie de ces
biens aux fils de celui qui s'était expa-
trié.
Les Romains des Mauritanies, de la
Numidie , de la Byzacène et de la Tri-
politaine, qui n'avaient pas été expro-
priés , payaient un impôt au roi des
Vandales. Cet impôt fut moins lourd
sous la domination barbare qu'^u tj^mps
du gouveriiement impérial. A Tappui
(^ notre assertion, il suffijrait de rap-
peler que Justin ien , pour^aFoir essayé,
après les victoires de Bélisaire , de réi-
tal^lir les rôles de contributioos qui
étaienj jpp u^age sous le règpe de Va-
ientinîen III , excita , (jlans toute VA.T
frique, up grave luécon^eotenaent.
(*) L* jie 4ti mot Fulgfinpe,
Dirons çnfin Que, par fném^t h»
rois van<|ales ^'^Qvîronn/mreQjt it Ro-
mains. Dan$ 1(3 palais de Cart^ia^, po
comptait plus d'un de ceç offîciejrs,
appelés ailleurs fiffJWrù in truste et
çpnvivds régis , oui étaient admis au
servioe ou dans la familiarité du sour
ye^ain. C'était ai^i^sl p^rmi les Romains
que Yo^ preaaît les percepjteur^ d^
Pinîpôt {procuratores, exaçtor^) et
1/es xé^i^s^^n d^ domaioeç ^gy^.
ToM3 ie$ officiers d'origine roqiame,
^noployés par (Grep^éric ou s^ çu4cce$«
lieurs, rjçcpyaien^ en traitem^t de;i
vivrez ^% une spide. U$ étaiepi oblifiéft
diç pprter i'^abiUem^nJ; defs Y^nda-
les(*).
PBUSISXÀNCJE PB li'APIfl^I&TBAw
T^ON £? D^S LO^S )^]f:i.isnss SOUS
LA pOy^N^LTIQN PPS VÀNDiXES. •—
Aprfès la conque}^, les fonctiomiair^^
d^ps J'ordrie cjvji ne perdirent ri^n de
laurs attri^ions, et ne cçissèrent point
d'iire choisi parn^j le^ Romaiqs..
Nous n'insisterons ppint joi sur Çfs î^\%
tfès-import^nl; d^ la persistance de
l'adminis^F^ion et i^ lois r^im^ïfmf
p,arce qu'il est mis daias tout ^on jour
99r i'édi<t dM roi Hupéric, qve npiifl
a;irons it^^éré p|u^ haut dans notre i^il
(p. 33). Dç3 bistorieps contejnoporaiog
siQUS ont appris f^m hs rpi$ vdodaie^
ehoisirent p^rini ï^ J^^Qmmm^ et éta-
blirent à Ôirthag^ HO odarâtrat qui
jugeait en appel danstoutesies causes,
et pronoDjçait en dernier ressort (**)•
Ce magistrat est ap(^ par Victor de
Cartenoe pr»posUusjumcii9 romanis
i» regno Afm» Fq^ndahrum. F?ul;-
iï voir« dans la créatioo de ce juge su-
piérieur à tous les juges ides Jocal^és ,
une innovation due à 4a conquête^
Nous ne le pensons pas. Jadis, tes ha-
bitants d'ime partie de la Mauritanie,
de la Numidie, de la Procoosulaire
et de la Byzacène, avaient trouvé à
Qirthage ua tribunal à'apçei : f'était
celui <(ue présidait le gcmveriieuf ëe
l'Afrique impériale. Il avait été aboli
p^ Ip fait ^fi rmvasiooy |s^ les raïs
(♦) Marcus; p. iS5 et siiiv. — Papen-
cordt; p. iSS.
(**) Marcus ; p. *««. — Fapenccwdt ;
p. 194.
Digitized by VjOOQIC
ISJ^lQiUt.
m
Tandales essayèrent de U reeoBStîtueri.
€'e9t à celle fin qu'ils institUièreiit la
«ta^strsdure suprême dont nous ¥€»
nons de parler.
LES TILLES D'AFEIQUI 80tt8 LES
VANDALES ; REGIME MUNICIPAL. — «
Nous avons dit plus d'une fois, dans
ie récit qui pré^e, oue Tarrivée et
l^étaMissement des baroares dans cer<-
taines provinces de l'empire , en Aâri-r
que, par exemple, fut, sous certains
rapports, pour la population des villes
et des campagnes, un événement heu-
reux. Les vities surtout, qui avaient
tat^ souffert des exisences du fisc im-
périal , purent considérer les bariiares
comme des libérateurs. M. Augustin
Thierry signale en ces termes la révo*
iution produite dans les villes de la
Gaule par l'arrivée des Franks : « Les
traits les plus généraux de la transfor-
mation du régime municipal, ceux que
des témoignages plus oja moins préàs,
plus ou moins complets, font retrouver
a peu près au même degré dans toutes
les grandes villes , sont les suivants :
la curie, 1e corps des décurions, cessa
d'être responsable de la levée des iraf
Êts dus au fisc; l'impôt fut levé par
soins du comte seul , et d'après le
dernier rôle de contrilnitions dressé
dans la dté. Il n'y eut plus d'autre
garantie de l'ex^ctiàide des contribua*
les, oue le plus ou, moins de savoir-
faire, d'activité ou de violence du comte
et de ses agents. Ainsi, les fonctions
municipales cessèrent d'être une charge
ruineuse; personne ne tint plus à en
être exempt; le clergé y entra les
anciennes conditions de propriété né-
cessaires pour y être admis ne furent *
plus maintenues..... l'évêque joua un
rôle de plus en plus actifs soit dans la
gestion des affaires locales, soit dans
Padministration de la justice (*) »
Ces considérations de M. Augustin
Thierry relatives à la Gaule sont ap-
plicables à l'Afrique sous la domina-
tion des Vandales. Il y a cette diffé-
rence, toutefois, que la levée de l'impôt
étant confiée par Gcnsérie et ses suc-
(*) M. Aiig. Thierry; Considérations sur
ttàstoire de Vrance, ch, v ,p. a85 et suiv.,
dmiucme édit
isessett», aon è des ^^mtes d'origine
barbare, mais à des Romains, les villes
de l'Afrique se trouvèrent n>oins ex-
posées que celles de la Gaule à la vio*
tence et à d'iniqu^s extorsiiM». Quant
au iMMivoir de Tévéque dans chaque
localité, la conquête des Vandales
amena les mêmes résultats que celle
des Franks. Au moment où m Grecs
viennent attaquer et poursuivre Géli^*
iner au sein de ses États, les éi^équcs
paraissent , dans les récits contemoo-
rains, comme les personnages les puis
influents des villes. Nious renvoyons
îoi , pour la preuve, au passage (p. 5(^
pîj nous avo£» raconte l'entrée d'un
lieutenant de Bélisaire à JSyllectum.
Sous la domination romaine, les
magistrats des curies avaient, cQmme
l'a dit Savigny, trois sortes d'attribu-
tions: |o l'administration intérieure et
locale de la cité : ils rcauplissaient les
fonctions des mairas et des conseils
municipaux dans notre organisation
moderne; T la juridiction volontaire £
ils remplissai^t les fonctions des no-
taires, et quelques-unes de celles des
juges de paix; Z"" la juridiction con-
tenseuse jusqu'à u|) certain taux de
ressort (*). Au temps des Vandales',
les magistrats municipaux ne perdirent
rien de leurs attrib(id;ions ; et même^
comme il n'y avait en Afrique rièjt
qui ress^nbiat à ces mais delà Gaule,
présidés par un comte barbare, il est
probable^ en ce qui concerne la juri»
diction oontentieuse , que le cercle
de leurs attributions s agrandit. Uf
jugèrent toutes les causes civiles et
criminelles. Toutefois, dans les cas
douteux et très-graves, on pouvait ap»
peler de leurs sentenôBS. On s'adres*
sait alors au ^rand magistrat que
Gensérie avait établi à Cartha^e. Ce
magistrat, nous le répétons, était Ro-
maiu.
Les Vandales entretenaient, il faut
le constater, dans les villes des agents
chargés, corpme npus dirions aujour-
(*) SavigDy ; Hist du. droit romcàn au
moyen âge ; ch. 4. — Voy. aussi le récent
ouvrage de M. Pardessus sur la Loi saliquê
(1843, iD-4°); dissertatioa 6', p. 5i4 et
suiv.
Digitized by
Google
8S
L'UNIVERS.
d'httî, de surveiller Tesprit public, et
de maintenir les habitants dans la sii*
bordination à Tégard des vainqueurs.
C'est un fait qui semble prouvé par
l'ordonnance suivante, promulguée à
l'époque de la domination vandale :
« Les villes où Tordre public aura été
troublé trois fois de suite, dans le
courant de la même année, à Foccasion
des divertissements publics, seront
privées à tout jamais du droit d'avoir
d«s cirques et des théâtres. Le direc-
teur des fêtes publiques sera cité de-
vant les tribunaux pour répondre de
sa conduite pendant les troubles; et
s'il était convaincu soit de négligence,
soit de manque de prévoyance ou de
vigueur dans l'exercice de ses fonc-
tions, il pourra être condamné à tra-
vailler pendant toute sa vie dans les
mines de l'État, à avoir les oreilles
coupées ou à être brûlé {*). »
Au reste, quelle qu*ait été la dé-
fiance des Vandales à l'égard des Ro-
mains, et malgré les mesures rigou-
reuses qu'ils prirent dans certaines
localités afin de prévenir les révoltes,
on peut admettre comme vraie pour
l'Afrique, même pour la Zeugitane,
l'opinion des historiens modernes, qui
ont prétendu qu'en général les villes
soustraites par le fait des invasions
barbares au fisc et à Tadministration
de l'empire, virent leur bien-être et
leur indépendance s'accroître, et leur
sphère d'action s'agrandir (**).
COMMEBGE. — llnous suffirait pres-
que de rappeler certains faits que nous
avons signalés dans notre récit, pour
montrer que l'Afrique vandale entre-
tenait des relations de commerce très-
suivies avec les différents pays de l'Eu-
rope, de l'Asie et avec l'Egypte. Ainsi
le marchand que Procope rencontra à
Syracuse faisait par lui-même ou par ses
agents de nombreuses affaires a Car-
tbage. D'autre part, nous savons qu'au
i*) Marcus; p. 197.
**) Je renvoie spécialement , sur ce
point, aux idées émises par M. de Sismondi
dans le premier volume de son Histoire des
Français y el par M. Aug. Thierry, dans le
cb. 5* de ses Considérations sur l'histoire
de France,
moment où Bélisaire prit possession
de la capitale de l'Afrique, un vais-
seau qui était à l'ancre dans le Mao-
dracium mit à la voile lorsqu'il fut
chargé de marchandises, et se rendit
en Espagne. Les marchands qui le
montaient n'étaient pas assurément
les seuls Espagnols qui vinssent à
Carthage, par exemple, ou à Césarée.
rious savons aussi que les hommes
renfermés dans les prisons de Géli-
mer, et que le geôlier délivra à l'ap-
proche de l'armée grecque, étaient
venus de l'Orient pour des affaires de
commerce. Enfin Victor de Cartennc
nous apprend qu'un marchand d'Adru-
metum déroba, dans un voyage, un
secret précieux aux teinturiers de
Coptos. Les Africains , sous la domi-
nation des Vandales, entretenaient
aussi , par l'intermédiaire des Gaules
et de ritalie, des relations commer-
ciales avec les parties les plus septen-
trionales de la Germanie, qui leur
fournissaient du succin. Ce n'était
point seulement par mer que les Ro-
mains des Mauritanies, de la Numidie,
de la Zeugitane, de la Byzacéne et de
la Tripolitaine, faisaient un commerce
actif et étendu, mais encore parterre,
sur les voies du désert parcourues par
les caravanes dès le temps des anciens
Carthaginois. C'était par cette route
-lui venait de l'Egypte jusqu'aux autels
les Philènes, en passant par l'oasis
d' Ammon , autant peut être que par les
vaisseaux d'Alexandrie, que les mar-
chands d'Afrique recevaient la gomme
et les parfums d'Arabie et les étoffes
précieuses de l'Inde; puis, comme les
Carthaginois (voyez plus haut. His-
toire de Carthage, p. 136), ils tiraient
de l'intérieur du pays des grains d'or,
des pierres précieuses, de l'ivoire et
des esclaves noirs.
Des témoignages anciens et précis
nous apprennent que les vaisseaux
marchands exportaient habituellement
de l'Afrique vandale du blé, du lin, le
duvet qu'on tirait du fruit d'une mauve
arborescente qui croissait sans cul-
ture près des sources du Molocha ou
Malva, de ia garance, du sel , de l'a-
lun des bois précieux destinés aux
l
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
89
ameublements de luxe, une qualité de
marbre très-tacheté , des pierres pré-
cieuses, plusieurs espèces d'argile bo*
laire, des éléphants, des lions, des ti«
grès, des léopards, des singes, des
autruches, etc. Ils exportaient encore
des esclaves noirs ; mais il est probable
que le commerce, sous ce dernier rap-
port , était moins étendu qu'au temps
des anciens Carthaginois et de la do-
mination romaine. Enfin les Africains,
sous les Vandales, vendaient soit chez
eux, soit sur les marchés des princi-
pales villes d'Egypte, d'Asie et d'Eu-
rope, les produits de leurs manufac-
tures ; ainsi, leurs tissus, les vêtements
et les tapis teints en pourpre, et aussi
les armes que Ton rabriquait à Car-
thage(*).
C'était, comme on le voit, un com-
merce qui consistait presque entière-
ment dans les exportations. Les Van-
dales et les habitants des provinces
soumises à leur domination prenaient
aussi des denrées au dehors , mais en
petit nombre. Un contemporain, Pro-
copc {de Bel. Fand.^ II, 3), nous dit
d'une manière positive que les impor-
tations en Afrique étaient très-res-
treintes. Le sol, par sa richesse et sa
fertilité, et l'industrie, par son acti-
vité relative, pourvoyaient largement,
dans les campagnes et dans les villes,
aux besoins de ceux qui vivaient dans
l'empire vandale (**).
iNDUSTBiE. ~ L'industrie prit en
Afrique, sous la domination romaine,
un développement qu'elle n'avait ja-
mais eu au temps des anciens Cartha-
ginois (***). L'établissement des Van-
dales et les pirateries de Genséric
l'entravèrent sans doute , et lui enle-
vèrent pour un instant ses débouchés
en Egypte et dans toutes les provinces
d'Europe et d'Asie qui relevaient des
deux empires, mais ils ne l'anéantirent
F as. Les relations commerciales entre
Afrique et les autres parties du
^*) Marcus , p. aia et suiv.
(**) Voy. aussi, sur le commerce de l'Afri-
que au temps des Vandales : Papeucordt ;
p. aSg et suiv.
(***) Voy. dans ce voL Histoire de Caf
thage; a* partie, p. i36 et i55i
monde furent rétablies sous le règne
de Hunéric. L'industrie dut se relever
en même temps.
Nous savons que les Vandales s*a-
nooliirent rapidement après la mort de
Genséric , et qu'ils s'abandonnèrent à
un luxe effréné. Tout nous porterait à
croire déjà que les objets- qui témoi-
gnaient.dé ce luxe, vêtements et ameu-
lements, étaient le produit de l'indus-
trie africaine. Les tissus d'or et même
la soie qui brillaient sur leurs robes
étaient mis en œuvre, nous le croyons,
dans les ateliers de l'Afrique. Parmi
les dépouilles splendides qui ornèrent
le triomphe de Bélisaire, il y eut sans
doute plus d'un vase élégant et bien
ciselé qui sortait des mains des ou-
vriers de Carthage. Tout, dans le ri-
che butin apporté à Constantinople,
n'était point le fruit des pirateries et
des rapmes de Genséric et de ses com-
pagnons. Il suffirait de citer, par exem-
ple, ces chars légers qu'admirèrent les
Byzantins, et qui servaient à transpor-
ter dans leurs promenades les remes
vandales. Mais pour le point que nous
voulons établir ici , nous ne sommes
point réduits au témoignage indirect
des historiens. Nous nous bornerons
à citer trois faits qui prouvent claire-
ment que l'industrie fleurit en Afrique,
même dans les plus mauvais temps de
la domination des barbares.
« Nous étions encore affligés de la
prise et du pillage de Rome, .dit Victor
de Cartenne , forsque nous eûmes la
consolation de voir un marchand d'A-
drumetum surprendre aux teinturiers
de Coptos un secret précieux. Quand
on possédait ce secret, on pouvait
doimer aux toiles et aux draps telle
couleur qu'on voulait. Il suffisait pour
cela de les tremper dans certains in-
grédients, et puis dans du sang chaud.»
Nous savons encore qu'au temps des
Vandales , on cherchait avec soin sur
l'Atlas une espèce de limaçons qui,
écrasés, servaient à teindre en rouge.
Les étoffes qui recevaient cette tein-
ture acquéraient une grande valeur.
Des deux faits que nous venons de si-
gnaler, on peut tirer cette conclusion:
que dans les principales villes de Tem-
Digitized by
Google
L179IVERS.
plr« vandale, à €artheg«, par
^e , à Adrametuin , à EQppône, à Gé«
sarée, on se livrait avec ardeur à la
iabricaitioti de divertfs étoÊisê et à leur
teinture. Enfin les auteuns contempo-
rains de la conquête ont attesté qu'il
y avait en Afrique des manufactures
d'armes. I&enséi'ic conféra le titre de
comie à un ouvrier armiurier qui se
distinguait dans sa profession par une
i^are habileté. Une chose qu il faut
constater ici comme digne de remar-
que , c'est que cet ouvrier appartenait
par son origine à la race des conqué-
rants.
LANGUE, LITTBRATORB. — Desévé-
ques s'approchèrent un jour de Gensé-
rie pour se plaindre d'être persécutés.
Le roi , au témoignage de Victor de
Vita, appela auprès de lui un inter-
i)rète, parce que les évéques s'expri-
maient en latin, eji grec ou en punique.
Ce fait semble prouver qu'en Gaufe et
en Espagne, les Vandales s'étaient peu
mêlés avec les anciennes populations
de l'empire , et qu'ils n'avaient point
cessé , jusqu'à la conquête de l'Afri-
Î|ue, de se servir exclusivement de la
angue qu^'ls parlaient dans la Germa-
nie, Quand ils se furent établis dans
la Zeugitane et à Garthage, et qu'ils se
trouvèrent avec les Romains , par la
force des circonstances, en un perpétuel
contact , ils furent forcés d'appi^endre
ridiome des vaincus. Le latin, et cela
était nécessaire, devint pour les Vanda-
les, si nous pouvons nous servir de ce
mot, la langue officielle, la langue du
gouvernement et de l'administration.
C'était en latin que l'on rédigeait et
les lettres et les actes qui émanaient
de la chancellerie des rois vandales (*j.
Puis, après la mort de Genséric, dans^
les temps de paix, plusieurs, parmi
Jes conquérants germains, étudièrent,
non plus seulement par nécessité, mai^
pour rbnrmpr leurs loisirs, ej peut-êtrç
par amour de l'art , les œuvres litté-
ïairçs de la Grèce et de Rome. Il noujj
suffira de rappeler ici le nom de Thra-
s^mund. Les derniers rois vandales ,
(*) Voy. Papencordt ; p. 2jt6 , 2^7 , 298
etsiÛT. — Marcus; p. igS.
m>nB If i^v^QAfs , /S6 ^ijulent mm à
eotrejtenir 9uprès d'eux des Howaing
beaux esprits ^ pëteg. C'i§tajeat de$
versitcateurs. qm , eonune Fortunat
dans les Gaules , céf^r^ient «n latta
les mariages, les naissaïu^s, tous l€»
événements heureux, enfin, qui se rat-r
tacbaieojt à la vie de celui qui leur door
sait place dans ses banquets et leur
faisait de riches présents.
Cependant , nous le croyons, en su*-
bissant ainsi l'influence de la civilisa*
tion romaine , les bariianes ne renon-
cèrent point k leur langue nationale.
Il j avait piui d'un deoii -siècle que
Genséric et ses compagnons avaient
touché le sol de l'Afrique , lorsqu'un
évéque vandale répondit à des éveques
romains qui l'interrogeaient : « Je n«
nuis discuter avec vous ;jene sais pas
le latin. » ^es prêtres vandales , qui
étaient ariens, se servaient de la bibie
d'Ulphilas ; et c'était probahlement
éms l'idiome de leur ancienne patrie
qu'ils enseignaient et officiaient dans
les églises (*), On pourrait même
supposer ^que les conquérants essayè-
rent parfois d'assouplir cet idiome, et
de le rendre propre à recevoir des
formes littéraires ; et nous admettrions
volontiers la conjecture de M. Marcus
(p. 410), qui croit que Gélimer, dans
sa retraite sur le Pappua, chantail.
l%istoire de ses malheurs dans la lan?
gue de ses aïeux de la Germanie (**).
MŒURS DES VANDALES. — LcS
mœurs des Vandales, à répoaue de
leur émigration , étaient celles de tous
les peuples qui ne sont point sortis dû
l'état barbare. Cependant, en songeait
à la profonde impression dé terreur et
de haine que les Vandales ont laissée
après eux dans les pavs qu'ils ont
traversés , aux idées de dévastation eî
de ravages que leur nom réveille en-
core après tant de siècles, on est porté
à croire que , par leurs excès et leur
cruauté, ils ont surpassé lesGotbs,
les Suèves, les Burgondes, le^ Franks,
et même les Huns, qui, comme eux
(*) Papencordt ; p. agS.
{**) V07. encore, sur la laopiedei Van-
dales : Marcus ; p. 4" et «liv^ -*- Papen-
cordt; p. a«7, 4«9 «t •¥!▼•
Digitized by VjOOQIC
4J8?ïQxnt.
»!
et dans le noéine temps, ont en-
vahi Teaipire romain. Leur établisse-
ment m Afrique , et un long contact
avecl.es populations vaincues, chan-
gèrent leurs habitudes et adoucirent
)eur3 n^œurç. Il se lit, sous ce rap-
poft , chez les Vandales, une vive et
fapitje réftcjjon. Ils cédèrent si facile-
ment aux attraitg de la civilisation
romaine , que déjà , sous le règne de
Hunéric , comme le témoignent les
historiens que nous avons cités, ils
étaient complètement énervés. Ils ne
ressemblaient plus que par l'extérieur
à leurs ancêtres de la Germanie. Ils
portaient encore, comme eux , le vête-
ment qui distinguait les barbares, et de
. longs cheveux ; mais , en cela même ,
ils étaient loin de l'ancienne simpli-
cité (*), Les peaux n peine préparées,
(*) Les Romains suivant Victor de Yitt^,
(il, 3 eX0, qui étaient adonis conunecop-
et les tissus grossiers qui couvraîeat,
à leur entrée sur les terres de Fem-
pire , les guerriers germains , avaient
fait place a de riches fourrures et aux
étoffes entremêlées d'or et de soie.
La corruption des mœurs JMsqu'à Gé-
limer devint plus grande de jour en
jour. Il suffit de renvoyer ici , sans le
reproduire encore une rois, au passage
où Procope, en parlant du luxe ef-
fréné, de la vie voluptueuse et de la
dégradation morale des conquérants
de l'Afrique, a constaté la plus effi-
cace, peut-être, de toutes les causes
qui ont amené la chute de la domina-
tion vandale,
imes pu officiers dans le palap^ Âm Fofs
vandales, étaient obligés de se vêtir à
la panière des coDX|uéraQts. Yoyfii , jur
les mœurs et les vêtements des YapdaJos :
Marcus; p. 407 et les notes du )iv. ly 4e
son histoire , p. 8^.
FUT DE i/hISTOIRK BM t.4 l>OICnrATfOV BU VAimALÛ K« AF&IQVB.
v%v«%%«/%%<«««w%v%%»%^««V««/«%««%iv«v«^/%v»v«
PRÉCIS DE L'HISTOIRE
D'AFRIÇUS
sous .L4 J^QMf^Â.Tl09 BY^L^TINÇ.
»«^*
fiisTOjBB PJB l'a;f^iqu]^, depuis
LB DEP^BT DÉ ^ÉUSAIBE JUSQU'^
J.A IIOBT DE JjUSTINIEN (*). — Bell-
saire, après la victoire de Tricamar^,
yétait hâté de prendre possession, ai^
nom de Justinieq, de toutes les pro-
vinces qai avaient appartenu jaqis à
Tenipire romain (v. p. 69). Il aval);
aussi placé de^ garnisons ^ans rin;tér
rieur des terres, sur les frontières de
I41 Byzaçène e^ de 1^ Numidie. Justi-
(*) Voyez, sur Fliistoire de l'Afrique sous
j^ 4oini^ation byzantine ; Papencord^ {G^-
schichj^ der 'vq^dalischen Jîerrschafi i^
Afrika)y\\\, III, qh. 9, p. 3p^33ji.
nien avait approuvé toutes les dispo-
sitions prises par son lieutenant, et il
avait envoyé en Afrique des lettres où
pn lisait ces mots : « Que nos officiers
S efforcent avant tout de préserver nos
sujets des incursions de l'ennemi etd'é-
tendrenos provinces jusqu^au point où
]a république romaine, avant les inva-
sions des Maures et des Vandales, avait
Jxé ses frontières ; qu'ils se hâtent éga-
lement de se rendre maîtres et de répa-
rer les fortifications des places où 1 on
;t(enait garnison au temps de Tempire
Eomain. » Les ordres de Justinien fu-
i^n% pjromptefl^e^t gxéçut^, Çep^r
Digitized by VjOOQIC
93
L'UNIVERS.
dant le vaisseau qui devait ramener
à Constantinople le vainqueur de Gé-
limer n'avait point encore quitté le
Mandracium , que déjà les Maures
s'étaient levés en armes, et apparais-
saient sur les frontières de la ISumidie
et de la Byzacène. Les soldats grecs
étaient peu nombreux en Afrique, et
Bélisaire se vit contraint de laisser une
partie de ses gardes à Salomon, qui le
remplaçait comme chef militaire. Ar-
chelaùé, le questeur, avait été déclaré,
sous le titre de préfet du prétoire, chef
civil des provinces nouvellement con-
quises. Bientôt Justinien fit passer à
Salomon de nouveaux renforts sous les
ordres de Théodore et dlldiger.. Les
Maures faisaient chaque jour de nou-
veaux progrès : ils portaient en tous
lieux le pillage et la dévastation , et ils
avaient massacré, en Byzacène, Aigan
et Rufin, officiers renommés par leur
habileté et leur bravoure. Il fallait se
hâter, et Salomon marcha vers la By-
zacène. Il rencontra les Maures dans
la plaine de Mamma. Ils étaient au
nombre de 50,000 , sous les ordres de
Cuziuas et de trois autres chefs. Sa-
lomon remporta sur eux une victoire
complète (536). Les Grecs célébraient
encore à Carthage, par des fêtes pu-
bliques, rheureux succès de la campa-
gne , lorsqu on apprit que les Maures,
irrités plutôt qu'abattus par leur dé-
faite, avaient repris les armes et ra-
vageaient de nouveau, avec une espèce
de rage, tous les cantons de la Byzacène.
Salomon se remit en marche et battit
encore Fennemi au pied du Burgaon.
S'il faut en croire un contemporain,
les Maures perdirent cette fois 50,000
hommes; ceux qui échappèrent au fer
du vainqueur se réfugièrent auprès
d'Yabdas , qui était maître du mont
Aurasius.
La Numîdfe était aussi en proie au
ravage des Maures. Yabdas descendit
plus d'une fois, pour la piller et la dé-
vaster, de sa montagne, où la nature
lui offrait des positions inexpugnables.
Mais il fut arrêté par la brillante va-
leur d'Althias , qui commandait la
troupe des Huns. Salomon^ cependant,
voulu! forcer les Maures dans leurs
retraites. H gravit donc avec son ar-
mée le mont Aurasius; mais son ex-
pédition n eut aucun résultat {*).
Rentré à Carthage, il s'apprêtait à
réprimer les désordres qui avaient lieu
en Sardaigne, lorsqu'il eut à se défen-
dre contre •ses propres soldats. Ceux-
ci, excités par les femmes vandales
qu*ils avaient épousées, et aussi par
les exhortations secrètes des prêtres
ariens , réclamèrent comme leurs pro-
priétés les terres conquises qu'ils ex-
ploitaient seulement comme fermiers.
Salomon n'échappa qu'avec peine à la
mort , et il se sauva , accompagné de
l'historien Procope , auprès de Béli-
saire, qui se trouvait alors en Sicile.
Les insurgés prirent pour chef un sol-
dat audacieux appelé Stozas, qui donna
des armes aux esclaves et aux Vandales
qui étaient restés en Afrique. Puis,
tous ensemble , ils quittèrent la plaiqe
de Bulla, où ils s'étaient réunis, pour
s'emparer de Carthage. Bélisaire arriva
à temps pour sauver la ville. Avec le
petit nombre de guerriers qui l'avaient
accompagné, et avec ceux qui, à Car-
thage, étaient restés fidèles à l'empe-
reur, il s'avança contre les rebelles,
qu'il atteignit et battit près de Mem-
bresa. Il crut alors avoir donné le re-
pos à l'Afrique, et il revint en Sicile;
mais il se trompait. Stozas réorganisa
son armée, attira de nouveaux soldats
dans son parti , et massacra par trahi-
son, en Numidie, Marcellus , Cyrille,
Barbatus, Térentius et Sarapis, qui
étaient comptés parmi les meilleurs
officiers de l'empereur (536).
A cette nouvelle, Justinien envoya en
Afrique son neveu Germain pour rem-
placer dans le commandement suprême
Théodore et Ildiger , qui étaient restés
comme chefs à Carthage après le dé-
part de Salomon. Germain était un
général brave et habile. Dès son arri-
vée (537), il rétablit la discipline parmi
les troupes restées fidèles à l'empire ,
et , par ses promesses et sa douceur ,
il attira dans ses rangs un grand nom-
(*) Voyez, sur les diverses expéditions de
Salomon : Recherches sur thist, de Cjifri"
que septentrionale, etc., par l'Académie des
inscript, 1 1, p« ii3-i49«
Digitized by VjOOQIC
AFRIQUE.
98
bre de ceux qui , sous les ordres de
Stozas , avaient combattu jusqu'alors
pour l'indépendance de FAfrique.
Quand ii se crut assez fort, il s'avança
contre Tennemi. Il Talteignit en Nu-
midie, dans la plaine a[^elée Scalx
Feteres, et là , il lui livra un sanglant
combat. Stozas fut vaincu, et les Mau-
res , commandés par Yabdas , qui
étaient accourus pour Taider, en se
tournant subitement du côté de Ger-
main, achevèrent sa défaite. Stozas se
sauva en Mauritanie. Un certain Maxi-
mîn voulut le remplacer comme chef
de parti. Germain, après l'avoir con-
vaincu de trahison , le fit pendre aux
{)ortes de Carthage. Germain gouverna
'Afrique pendant deux ans avec une
grande douceur. En 539, il fut rem-
placé par Saiomon, qui, débarrassé
cette fois des complots et des séditions,
songea à enlever aux Maures leurs po-
sitions de l'Aurasius. Il se mit donc
en marche, et, plus heureux que dans
sa première tentative, il prit à Yabdas
ses places de Zerbulle et de Tumar, et
la tour de Géminianus, où le chef
maure avait enfermé ses femmes et
ses trésors. Salomon plaça des garni-
sons sur plusieurs points de l'Aura-
sius , et , maître de la Numidie, il se
dirigea vers la Mauritanie sitifienne ,
gui se soumit à l'empereur. Un chef
indigène possédait la Mauritanie césa-
rienne, à l'exception de la capitale,
Césarée, où Bélisaire, après sa der-
nière victoire sur les Vandales, avait
envoyé une garnison.
Depuis quatre ans, l'Afrique jouis-
sait d'un grand repos, lorsaue la mau-
vaise conduite et la perfidie des ne-
veux de Salomon la replongèrent dans
une nouvelle série de calamités. Ser-
gius, gouverneur de la Tripolitaine,
ayant fait assassiner par trahison
auatre-vingts Maures qui s'étaient ren-
us à Leptis sur sa parole, toutes les
tribus prirent les armes (543). Trop
faibles pour résister, Sergius, et son
frère Cyrus qui commandait dans la
Pentapole, se retirèrent à Carthage
auprès de Salomon. Celui-ci , accom-
{)agné de ses neveux, marcha contre
es Maures, qu'il rencontra à Theveste.
Il leur livra bataille; mais, mal secondé
par ses troupes, il fut vaincu et tué.
Justinien donna pour successeur à cet
habile et brave officier, Sergius son
neveu, qui avait allumé la guerre. Ce
choix excita un vif mécontentement
dans toute l'Afrique. Stozas sortit de
sa retraite, et se joignit à Antalas, le
chef des Maures de la Byzacène. La
valeur de Jean, fils de Sisinniolus, ne
put arrêter les progrès de l'ennemi.
Dans cette extrémité, Justinien en-
voya pour collègue à Sergius le séna-
teur Aréobinde. Mais la mésintelli-
gence ayant éclaté entre les deux
gouverneurs, les désastres se multi-
plièrent pour l'armée impériale. Gon-
tharis, qui commandait en Numidie,
essaya alors de se faire roi. Sergius
avait été rappelé, et Aréobinde était
resté chef unique des provinces afri-
caines. Gontharis, aidé secrètement
par les Maures, se rendit maître de
Carthage. Il excita une sédition parmi
les troupes, et fit massacrer Aréo-
binde. Mais ii ne jouit pas longtemps
du pouvoir qu'il avait usurpé; il fut
tué à son tour par Artaban, officier
arménien, que Justinien nomma gou-
verneur de 1 Afrique (546). Rappelé sur
sa demande, Artaban remit son com-
mandement à Jean Troglita.
Jean Troglita, qui avait servi avec
distinction dans les guerres contre les
Perses, était destiné à réparer en Afri-
que, par d'éclatants succès, les échecs
subis jusqu'alors par les armées ro-
maines (*). Dès son arrivée, il eut à
combattre une confédération de toutes
les tribus maures jqui s'étaient réunies
dans la Byzacène. Antalas, le chef
suprême, avait sous ses ordres toutes
les hordes du désert, parmi lesquelles
(*) Les détails des guerres que Jean Tro-
glita eut à soutenir contre les Maures nous
ont été conservés dans un poëme de Flavius
Cresconius Coripptis. C'est à 1 aide de ce
poëme, publié à Milan, en xS20,par Iviaz-
zuccheih, que Saint -Martin a composé le
curieux récit qui se trouve- dans son édi-
tion de V Histoire du Bas-Empire de Lebeau
(t. IX., p. 92-1x9). Saint-Martin a donné
dans ses notes de nombreux fragments de
Corippus.
Digitized by VjOOQIC
44
v^mtms.
É^ dîâthi^âit (feUer dé9 Ilasg»asy (M
étûit f èiïtfé tftèc son chef lefwa et n-
riiagé ât sùh dieu Gurzil (Jupiter) de
Toasis tf'Anf)ni(m. Jean re»)[X)Tta sm
les ti*ibtis réunies une tietoire signalée
et Ie$ mit en fuite. Mais les Maures ne
tardèrent f^oint à se rallier soùs tes
ordres de Carcasan. Jean entreprit
centre; eux une nouvelle expédition.
&U€fàh, èntfattfé trop loin dans Ms
déèéïts qui se trouvent au fnidi de la
Bj^zacènè, il se tit obligé de revenir
st^r ses pas safhs avoii^ vaincu Temnenn
quMI poursuivait. Encouragés pat la
retraite û%s Ronifaifts, les Maures d*Aïï-
tafas et (Sàit de Cafcasan se réunirent,
et Ils pointèrent ItMts ifavages jus-
qu'eux bords de la mer. Ils rèncotitf è-
rent Jean Troglîta dans les thampS
de Caton. Là , iîs éprouvèrent une san-
glante défaite. Carcasan fut tué, Art-
talas se soumît, et l'Afrique entière
fut pa(îifîée (550).
En 564, fes Maures desf frontières
de la Numidie se soulevèrent pour
venger un de leurs chefs, Cozinas, qui
avait été assassiné à Carthage, par les
ordres du gouverneur, Jean Rogathi-
nus, Marcien, neveu de l'empereur,
s -avança contre eux , et la révolte fut
promptement réprimée.
HISTOIRE DE L'AFBIQtJE, DÊPUISf
LA MOBT DE JUSTINIEN JUSQU'A LA
PRISE DÉ CARTHAGE PAR LES ARA-
BES. — «Après la mott de Justi-
nien (565), dit l'Académie des ins-
criptions (*), il y eut que^ues sou-
lèvements des Maures, quoique ces
peuples eussent alors embrasse volon-
tairement le christianisme. Ï)eu3t exar-
ques d'Afrique furent vaincus et massa-
crés par leur roi Gasmul, qui, devenu
tout-puissant par ses victoires, donna
à ses tribus errantes des établissements
fixes, et s'empara peut-être de Gésarée,
soumise au^x Romaîas depuis la con-
gnét^ de Bélisaire. Ce roi maorè sennt-
>e même avoir été un eonifuérant
ambitieux et assez entreprenant, car^
l'année suivante, nous lie voyons mar-
cher contre les Francs et tenter l'in-
vasion de la GàuIe. A la vérité, il
{*) Recherches sur l* histoire- de C Afrique
septentrionale, elc, 1. 1, p. 43 et suiv.
édhoua dans cette eMreprkie; mai^
cette expédition lointaine atteste sk
f>enssance; et ce fait curieitx pour
'histoire du Bas-Empire, pour l'hisp
toire de l'Afrique et ceile dé notre
po^s, méritait d'étré recueilli par deux
écrivains français très-érudits, LebeaU
et Saint-Martin , qni l'ont entièrement
laissé dans Poubli. Tibère suceède at»
faible Justin tonvbé en dénaence; il
choisit pour vice-roi de f Afrique ^etn
nadius, habile général et soldat inliré-
pide. Ce guerriej^ reproduit dans cette
cofiltrée l'exemple des hauts faits d'ar-
mes de Probus. Il délie en combat
singulier Gasmul, roi des Maures, re-
mfarquable par sa force, son courage
et son expérience dans les armes; il lé
tue de sa propre main , remporté une
victoire complète sur les Maures, ex-
termine leur race, et leur reprend
toutes les conquêtes qu'ils avaient far-
tes sur les Roitiains. A partir de cette
époque, pendant les règnes de Tibère^
de Maurice et de Phocas, l'histoire se
tait sur l'Afrique. Ce silence est pres-
se une preuve du calme et de la
tranquillité uniforme dont jouit alors
cette contrée. Les épO(}u^ stériles
Êour les historiens sont généralement
eureuses pour les peuples. Sous l'enow
pire d'Héracliùs^ FÀfriqiie fleptentrîo-
nale tout entière , depuis l'océan At-
lantique jusqu'à l'Egypte, était sounaf se
au trône de Byzance (*), car ce prificé^
en tire de grandes forces pour sa
guerre contre les Perses. Suinthilas^
roi des Goths espagnols, pfofifte dif
moment pour s'emparer de plustedrs
villes situées sur le détroit de Cadix,
qui faisaient partie de l'empire rondaiû.
Ce fait, qui nous a été conservé par
Isidore, a encore été négligé par Lé*
beau, Gibbon et Saint-Martin. Il nàé-
ritait, à ce qu'il nous semble, d*étre
consigné dans feurs écrits, puisqu'il
lious montre l'étendue des limites oe*
(^ Nous devons dire ici, pour compléter
le résumé que nous empruntons à TAcadé-
miedes inscriptions, que ce fuldeTÂfrique»
où son père commandait en qualité d'exar-
que, que pariit Héraclius pour renverser
Phocas qu'il devait remplacer sur le trône'
îAîpérial.
Digitized by VjOOQIC
àwnfffJE
àktotales ôé Tefu^e à um époque
fameuse par la londatioâ de Tisla-
aiiàoie, qui devait bfentôt ébranler le
tirône de Byzance, et lui arracher ses
plus belles provinces.^ En 647, les Ara-
bes s'emparent de la Cyrénaïque et de
la Tripalitaine {*). En 6^, un traité
partage TAfrique en^re Constant et
Mdawiab, qai se soumet, disent les
Grées y à payer un faible tribut. En
666 Q» 670, ce même Moawiàh fonde
k ville de Kairouan, qui devient le
siège de la domination musulmane eh
Afrique. Enfin, en697(**), Cartbage
est prise et détruite par Hassan , et le
nom grec et romain effacé de TAfri-
qtte.
l'admiwistkatio» byzantine en
afbique;ses résultats (***). — Deî-
yentt maître, par les victoires de Bé-
lisaire^ des provinces soumises aux
Vandales, Justinien voulut d'abord,
comme nous Pavons dit, que les fron-
tières de ses nouvelles possessions îm^
sent celles que Rome avait fixées dans
les derniers jours de la république et
isous l'empire. Puis, comme l'attestent
è^ actes nombreux, il s'occupa de
rendre à l'Afrique , sauf quelques mo^
(*) Nous devons ajouter aussi que le
|>atrice Grégoire qui lutta, en 647 contre les
Arabes , est le dernier qui ait été revêtu
èh Afrique de la dignité de préfet du pré-
toire, "^oy. Morcëfli; Jfrica chrîstiana^
tl, p.a§.
(**) ïttud eerte constat anho 691 , dh
Éasano Sardeenorum duce (fui Occidentem
àceuparant, Càrthaginem rpsam epersam esse,
dit Mor«elU {jâfrka ekristiana ; t. III , p.
3^). L'Académie des inscriptions place eii
697 , comme Vjirt de vérifier les dates , la
prise et la destruction de Garthage.
(***) Voyei sur œ point : Cod, Ub, /, ^i,
27 et Nom. ,^6^ 87, i3i. — Ludwig; FiL
Jostinian,, p. 349-377, — Gibbon; ffis*
foire de ta décadence , etc., ch. 41 et 4o,
— Lebeau ; Histoire du Bas-Empire; t. Vllï,
p. 264 et suiv., éd. Saint-Martin. — Recher^
ches sur rhist. de VJfrique septentrionale,
etc., par une cotannission de l'Académie dei
kiscriptioiis, 1. 1, p. 43. — Papencotdt (Ges-
chickte derwmdaiischen ffèrrschûft in Afrl^
*«); liv. ni, ch. 9, p. 309-334. — VJfricà
christiana de Morcelii (t. I, p. 27, 28 eC
29) contient aussi sûr ce sujet un excellent
résumé.
éffîcatidns anifeiiées par lèvcii«ons(f£(tf.
ces et le temçfs, les ancfedaes fornifes
de son administration et le gouverne-
ment romain. Dès Tannée 634, pat des
ordonnances adressées à Béllsaire et
au questeur de son armée , Archelauif,
Justinien organisa le pays concfûffs de
la manière suivante^ Il dfvisa l'Af^N
que en sept provinces : 1** celle de
Tingi; 2* celle de Carthage (l'anciéwiïfe
proconsulafrre) ; 8** celle de ByïafCiuiW;
4** celle de TripoHs; 5" la Numiditf;
6** la Mauritanie? 7° la SardaîgnÉf.
Lès quatre premières devaient aiôit
pour gouverneurs des personnages con-
sulaires ; les trois dernières des prési-
dents. Depuis Constantin jusqu'à Tin*
Tasîon des barbares, FArr^Ue atsfit
été placée dans la préfecture d'Italie,
Justinien créa , pour ^ nouvelle <îon-
quête , une préfecture spéciale û&nt le
chef-lieu fut Cartbaigé; Arcbelaus fut
Bommé péfet du prétoire. Après avd?r
erganise le gouvernemeitt de TAfrlqtrè
et pourvu aux grande» charges , l'erft-
pereur régla les attributions et les ap-
pointements de tons ceux qu'il mit eh
exercice , non point seuleaïent des pluà
haut placés , mars enedre des a96 se-
crétaires ou employés qui servaient,
à Carthage, dans les bureaux do pré*
fet du prétoire et de ceux quî étaient
attachés à chacun des gouverneiirs des
sept provinces. Pour nfieux s^similef
encore l'Afrique aux provinces qu'il
possédait en Europe et>en Asie et potnr
effacer les distlnc^onf opi^avâit Milais^
ser , même après la chme de ^élimer 4
la conquête des Vandales, Justinietl
imposa à tous eeux qui habitaierit dans
les limites d^ sa nouvelle préfecture^ }^
lois Fomaiines que ses juriseonsi^^tes
eomptlaieat à Bjzance.
L Afriqtie dirt se réjouir d'abord
de fô brusque révohition qui Pavait
placée sous la domi<iatk)n des em-
pereurs de Constantinople« Pour at-
tacher les Africains à son empire j^ar
de forts lien», Justinien les aiftorii»
à reprendre les .propriétés qui avaient
été enlevées à leurs aïeux, il y avait
un Siècle , par Geasérie et Ses compa-»
gnons. Il leur àeewd» , puor tes récla-
mations, un délai de cmq ans. L'ex-
propriation s'accomplit. Cette mesure
Digitized by VjOOQIC
L'UNIVERS,
violente enleva aux Vandales, qui
étaient restés en Zeugitane, leurs der-
nières ressources et tous les moyens
de rébellion; et, d'autre part, comme
l'empereur l'avait prévu , elle mit en
quelque sorte les nouveaux possesseurs
de terres dans la nécessité de défendre
et de maintenir la domination byzan-
tine. D'ailleurs, après les premières
victoires de Bélisaire, l'Afrique put
croire un instant que Justinien avait
le désir sincère de porter remède à ses
maux et de la rendre florissante. Il s'é-
tait empressé , en effet , de relever les
murailles des villes, de réparer et d'a-
grandir les ports et d'embellir chaque
localité, Carthage surtout, qu'il appe-
lait Justiniana, par d'utiles et somp-
tueux édifices.
Mais c'étaient là de trompeuses ap-
parences, et l'Atrique romaine ne
tarda pas à sentir que le gouvernement
des Byzantins était plus oppressif que
celui des Vandales. D'abord elle ne
trouva pas, dans les affaires religieu-
ses, cette tolérance qui, après ses longs
désastres et ses agitations , devait sur-
tout coniribuer a lui rendre la paix
intérieure dont elle avait tant besoin.
Lf's catholiques, qui avaient chan$;é de
rôle avec les ariens, étaient devenus per-
sécuteurs à leur tour. Puis, elle fut li-
vrée de nouveau, comme une proie, à
cette effrayante fiscalité qui jadis , au
temps de Genséric , lui avait rendu sup-
portable Tinvasion barbare. Les Vanda-
les étaient vaincus à peine que déjà Jus-
tinien songea à exploiter, par ses agents,
sa nouvelle conquête. « On ne savait
S lus, dit un contemporain, ce que i'A-
'ique payait à l'ancien empire romain,
parce que Genséric, au commence-
ment de son règne , avait anéanti les
rôles des contributions. C'est pour-
quoi Justinien envoya en Afrique Try-
phon et Eustratius pour faire un ca-
dastre et dresser de nouveaux rôles.
Cette mesure parut odieuse et intolé-
rable aux Africains (Procop. , de Bel.
Fand.y II, 8). » Les agents du fisc
impérial ne tardèrent pas à se mettre
à l'œuvre. Us se montrèrent impitoya-
bles , et le pays en proie sur toutes les
frontières aux dévastations des Mau-
res et théâtre de nombreuses séditions
se trouva bientôt appauvri, ruiné, et
compléteiuent épuisé. « Justinien , dit
Procope {HUt. arcan. , 18), a ravagé
l'Afrique de telle sorte que l'on par-
court aujourd'hui cette contrée , pen-
dant plusieurs jours, sans rencontrer
un seul homme. .Les Vandales, dans
les derniers temps de leur puissance ,
comptaient 160,000. guerriers. Qui
pourrait dire le nombre de leurs fem-
mes , de leurs enfants et de leurs ser-
viteurs ? Qui pourrait énumérer aussi
les Africains qui , à l'arrivée de Béli-
saire , étaient répandus en foule dans
les villes et dans les campagnes? J'ai
vu de mes yeux cette forte et nom-
breuse population; maintenant elle a
disparu. Si l'on joint aux Vandales et
aux indigènes qui habitaient les côtes,
des familles maures sans nombre et
tous les soldats qui ont perdu la vie sous
les drapeaux de l'empire, on ne saurait
être accusé d'exagération en disant que
l'Afrique, sous le règne de Justinien,
a perdu cinq millions d'hommes. »
L'Afrique resta soumise un siècle
et plus au gouvernement byzantin.
Cependant il est vraisemblable qu'à la
Qn elle eût secoué le Joug qui pesait
sur elle et se fût constituée , à l'égard
de l'empire qui s'amoindrissait chaque
jour et penchait vers sa ruine, dans
un état de complète indépendance.
Alors, peut -être, en demeurant en
possession de toutes les traditions de
l'antiquité, elle eût contribué, par
des relations fréquentes , au dévelop-
pement moral et intellectuel de l'Eu-
rope et abrégé, pour notre continent,
la durée du moyen âge. Mais l'invasion
des Arabes vint lui porter le dernier
coup. Dans la seconde moitié du sep-
tième siècle, l'Afrique perdit une nou-
velle part de sa population, ses villes
tombèrent, ses déserts s'agrandirent,
et elle vit disparaître jusqu'au dernier
vestige de cette civilisation qu'avaient
apportée tour à tour, sur ses cotes,
depuis l'Egypte jusqu'à l'Atlantique,
les Phéniciens, les Grecs, et les Ro-
mains.
FIN.
Digitized by VjOOQIC
v%v%«*>v»««%»vk\^«.««4«^«iv««/%V
APPENDICE
A L'HISTOIRE D'AFRICtUE
sous LÀ DOHIlfÂTIOlf BYZANTINS.
Nous avons parlé, en deux mots,
dans notre Histoire de V Afrique sous
la domination byzantine (p. 93) , des
guerres que Jean Tro^Iita eut à soute-
nir contre les tribus indigènes. Nous
ne pouvions , dans les étroites limites
qui nous étaient assignées, raconter
ces guerres avec étendue. Nous avons
cru utile de rejeter ici , en appendice ,
le curieux récit que Saint-Martin a in-
séré dans son édition de V Histoire du
Bas-Empire par Lebeau (*). On ne lira
pas sans intérêt Its curieux détails
que notre célèbre érudit a empruntés
à la Johannide de Flavius Gresconius
Corippus(**). Au reste, les pages qui
vont suivre forment le complément
de tout ce que nous avons dit , dans
ce volume , sur les guerres de TÀfri-
^ue, depuis les temps les plus anciens
jusqu'à l'invasion des Arabes.
BÉGIT DES OUEBR^S BB JEAN TBO-
GLITA'BN AFBIQUE, PAB M. DE
SAINT-MABTIN.
Jean, qui venait réparer les mal-
heurs de l'Afrique , au moment où eUe
semblait encore une fois vouloir se
soustraire à la domination romaine,
connaissait bien le pays où il devait
commander. Il y avait conduit un
corps de cavalerie lors de l'expédition
deBélisaire ; et , depuis, il s'y était dis-
tingué sous les ordres de Germain.
Justinien avait pu reconnaître que le
(*) T. IX, p. 92-119. Didot, 1828.
(**) Le poème de Corippus, comme nous
Tavons déjà dit , a été découvert et publié
à Milan, en 1820, par Mazzucchelli.
partage du commandement et la divi-
sion des chefs étaient les seules causes
des troubles et des malheurs qui tour-
mentaient l'Afrique depuis la destruc-
tion de la monarchie vandale ; aussi
donna-t-il à Jean une autorité sans
partage. Ce général était enaployé de-
puis plusieurs années sur les irontières
orientales de l'empire. Lorsqu'il apprit
la décision de son souverain, sa valeur
était occupée sous les murs de Nisibe,
où il contenait l'es efforts de Mermé-
roès , le plus habile des généraux du
roi de Perse , qu'il avait défait devant
Théodosiopolis et devant Dara , dans
la Mésopotamie. Jean obéit sans tar-
der aux ordres qui l'appelaient à Cons-
tantinople, où une flotte et des soldats
l'attendaient. Justinien, -qui le regar-
dait comme le seul homme capable de
délivrer l'Afrique , se hâta de lui don-
ner ses dernières instructions , en lui
prescrivant surtout de dompter les
Languantans, les rebelles de la Tripo-
litaine. Il mit bientôt à la voile, et il
fut en peu de temps hors de l'Helles-
pont; il traversa la mer Egée sans s'ar-
rêter, et bientôt il toucha aux côtes de
la Sicile , où , comme Bélisaire , seize
ans avant lui , il prit terre auprès de
Cancane. Après une assez courte re-
lâche, il se dirigea, malgré les tempêtes,
vers la côte d'Afrique, et il y jeta l'an-
cre à Caput f^ada , au lieu où Béli-
saire était débarqué lorsqu'il vint
détruire la puissance des Vandales.
Trois jours après , il entra dans Car-
thage. Sans perdre de temps , il y ap-
pelle toutes les troupes dispersées dans
l'Afrique romaine; il les joint aux sol-
dats qui formaient la garnison dans
7* Livraison. (Hist. de l'Afbique.)
Digitized by VjOOQIC
98
L'UNIVERS.
cette ville importante , et à ceux qu^il
avait amenés des frontières de Perse ;
et aussitôt il se dirige vers la Byzacène,
pour y combattre Antalas , le prince
des barbares oui y habitaient , et pour
dissoudre la ligue des tribus maures
qui venaient le secourir. L*armée de
Jean prit position dans un lieq nommé
les Camps Antoniens, dont la situa-
tion est inconnue. Des députés y fu-
rent envoyés par Antalas. Maccus , le
chef de l'ambassade , habile dans la
langue latine, chercha à dissuader Jean
de continuer la guerre , en lui faisant
un tableau exagéré de la puissance des
Africains, et en rappelant les victoires
qu'ils avaient remportées sur Salomon,
et les exploits de la tribu des Ilasguas,
qui avait autrefois triomphé de Maxi-
mien. Le général romain , sans s'ef-
frayer de ces menaces , congédia froi-
dement les ambassadeurs, et donnai
l'ordre de se préparer au combat. An-
talas, l'instigateur de cette guerre, était
impatient de venger la mort de son
frère Guarizila. Pendant dix ans Cdèle
allié de l'empire, il avait fait la guerre
aux Vandales, et il n'avait cessé de
rendre des services aux lieutenants de
Justinien. Leur perGdie en fit un im-
placable ennemi des Romains, et il
souleva contre eux toutes les tribus de
l'Afrique. Ses messagers avaient ap-
pelé aux armes une multitude de peu-
Ï)lades barbares cantonnées dans les
ieux les plus sauvages et les plus éloi-
gnés. Parmi elles, on distinguait les
Ilasguas , célèbres par leur férocité et
leur caractère belliqueux. La religion
chrétienne n'avait point encore péné-
tré parmi eux, leur chef lerna, rcr
nommé par sa cruauté, et qui se pré-
tendait issu de Jupiter Ammon , était
en même temps leur roi et le pontife
de leur grand dieu Gurzil, le même
que Jupiter Ammon. Je ne rapporte-
rai pas ici toutes les dénominations
barbares des peuples que la vengeance
d^Antalas soulevait contre les Ro-
mains ; il me suffira de dire que toutes
les nations indigènes de la Byzacène ,
de la Tripolitaine, et des parties de la
Libye qui s'étendent dans les déserts
au midi de la Cyrénaïque, réunissaient
alors leurs efforts pour triompher du
lieutenant de Justinien, et peut-être
pour chasser les Romains de 1 jAifrique.
L'armée d' Antalas s'était grossie, dans
sa marche, par les renforts que lui
fournirent les peuples errants dans les
déserts de Zerquilis et d'Arzugis , et
par les montagnards du mont Aura-
sius , qui étaient d'habiles cavaliers.
Antalas eut bientôt inondé de ses sol-
dats toutes les plaines de la Byzacène,
où il marquait partout son passage
Car le ravage et l'incendie. Genséric ,
andale au service des Romains , et
Amantius, avaient été envoyés par
Jean pour observer les mouvements de
l'ennemi ; sur leur rapport, le général
romain n'osa affronter en rase cam-
pagne leur innombrable cavalerie; il
résolut de les attendre dans une posi-
tion avantageuse, où il se fortifia. Les
Africains se répandirent alors dans
toutes les plaines' environnantes, et se
préparèrent à venir assaillir les Ro-
mains jusque dans leurs retranche-
ments ; tandis que Jean s'efforçait, par
ses discours , de faire passer dans le
cœur de ses soldats la confiance et
l'espérance qui étaient dans le sien, en
leur rappelant leurs victoires passées,
et la grande puissance du prince qu'ils
servaient. Les deux armées ne tardè-
rent pas à en venir aux mains. Jean
donna le commandement de son aile
droite à Gentius , qui avait le titre de
maître de la milice. Il plaça sous ses
ordres Putzintulus, Grégoire, Marty-
rius, Genséric, Martianus et Sénator.
Il leur joignit Coutzinas , prince des
Massyliens, l'ami du malheureux Sa*
lomon , et qui était resté attaché à
l'empire ; c'était un prince doué des
plus rares qualités, et distingué par sa
Çravité toute romaine. L'aile gauche
était conduite par Jean, surnommé
Senior , que secondaient Fronimuth ,
Marcentius, Libératus, et d'autres
chefs romains ou barbares; parmi ces
derniers, on distinguait le Maure Ifis-
daïas, et son fils Bitipten. Le générai
en chef s'était placé au centre, que
commandait Rnécinarius , guerrier
aussi brave que prudent, qui avait été
antérieurement envoyé comme am-
Digitized by VjOOQIC
APPENDICE A L'HISTOIRE D'AFRIQUE.
99
bassadeur à la CQqr de Chosroès. Du
côté des Afiricains, lerna, le chei des
îiasguas, chargé de défendre le camp
pendant la nuit, avait fait également
ses dispositions, et son orqonnance
barbare est digne de remarque ; selon
Tusage des Airicains, il avait envi-
ronne son pamp d'un mur de cha-
meaux, forpdés sur huit rangs (*); il
avait placé, ep seconde ligne, trofç
rangs de bq^ufs Ijés par les cornes, et
fixés à leur place. Ce double rempart
vivant formait un iabvrintbe inextri-
cable, au milieu duquel il était difficile
de se frayer un cnemin jusqu'à l'en-
ceinte qui renfermait les bagages et les
familles des Maures. Antalas , fortifié
de la même façon, ne tarda pas à sor-
tir de ses retranchements, et à s'unir
aux soldats qui s'avançaient également
dans la plaine. Il confia son aile droite
àSidisaq. Carcasan, chef renommé par
sa valeur chez les Ilasguas , conduisait
la gauche. Antalas , qui connaissait la
valeur des Romains et l'habileté de son
adversaire, marchait avec précaution,
évitant d'engager son infanterie, et se
cpfitentant de le harceler avec sa nom-
breuse et excellente cavalerie. Il épiait
)e moment favorable pour engager
une charge générale, quand, selon
f*) Mnrofl per «attra tamelit ,
Cônstrait , oetono circnmclans ordine campiim.
CoM»roSp IV, SgS, S99.
Le même poète parle encore ailleurs de cette
manière de défendre les camps particulière
aux Maures; il dit:
I^am Mliger Àiutnr
Sollicitas clabias catnpis eommittere pngnat»
Collocat astrictii muros f^ssasqae camélia,
Atqa« pecna Tariam y densa rallante eorona •
Ponit i at obicibas pognantes implioet hoat^i ,
ÀmbigQasqae premat.
Idem» ibii,, U, 91 sqq.
Procope parle aussi du même usage {de bel,
vand. , I, 8, et II, II): il rapporte que,
dans la circonstance dont il s'agit dans son
texte, les Maures disposèrent leurs cha-
meaux en cercle, ht xOxXtp, sur douze de
hauteur, xoxà 5ci>6sxa (liXiora xofjiiQXouc
9rotY)<rà(i£Voc ta toO \usxdm>^ paOoç , au lieu
de huit, comme dans Toccasion dont parle
Corippus. L*un et l'autre exemple, au reste,
font voir combien était considérable le nom-
bre des chameaux élevés par les Maures.
{Note de Saint-Martin,)
1
l'usage de sa nation , le grand pontife
lerna donna le signal du combat, en
lâchant contre les rangs ennemis un
taureau furieux, consacré, avec un art
magique, au grand dieu Gurzil. Les
deux armées s'abordent alors en fai-
sant retentir les airs des noms du
Christ et de Gurzil, et des autres dieux
révérés par les idolâtres de TAfrique.
La bataille devient bientôt générale ;
des deux parts, on combat avec le plus
grand acharnement. Les deux chefs
signalent également leur valeur : Eilé-
nare, prince maure, qui, le premier,
avait osé affronter les bataillons ro-
piains, succombe sous les coups de
Bhécinarius. Nombres d'autres guer-
riers illustres parmi les Africains pé-
rissent. Enfin, après une opiniâtre ré-
sistance, Antalas est complètement
vaincu, et son armée dispersée, tandis
3ue lui-même court chercher un asile
ans le désert, et qu'il abandonne aux
Romains les étendards qu*il avait au-
trefois conquis sur Salomon. Son allié
lerna est forcé à la retraite, après une
défense non moins opiniâtre. Hors
d'état de rétablir la bataille, il résiste
encore ; après avoir vu enfoncer son
double rempart de chameaux et de
bœufs , il s efforce de soustraire au
moins au vainqueur les simulacres de
son dieu Gurzil, et il tombe en les dé-
fendant. La nuit et une prompte fuite
préservèrent les restes de l'armée
maure d'une entière destruction.
Jean, après avoir triomphé d'Anta-
las et de ses redoutables alliés, ne per-
dit pas de temps pbur assurer sà vic-
toire; des détachements poursuivirent
les vaincus dans toutes les directions;
d'autres subjuguent les villes et les
châteaux de la Byzacène, où il laisse
un corps d'armée qu'il croit suffisant
pour contenir le pays. Il ramène en-
suite ses troupes vers Carthage, oh il
fait une entrée triomphale. Cependant
un nouvel orage se formait au milieu
des déserts de l'Afrique , et menaçait
encore les possessions romaines. La
nouvelle de la défaite d' Antalas avait
pénétré jusque dans les contrées les
Elus reculées de l'Afrique centrale , et
ien loin d'y répandre la terreur, elle
7,
Digitized by VjOOQIC
lôo
JL*UNIVERS.
avait animé toutes ces nations bar-
bares d'un profond Sentiment de ven-
geance. Dans le temps même où les
Romains croyaient la puissance des
Maures anéantie , Garcasan , qui avait
commandé Taile gauche de l'armée
d'Antalas , et qu'on regardait comme
la gloire et l'espérance de sa nation ,
réunissait les guerriers échappés au
dernier désastre , les ranimait, les ins-
pirait de sa haine contre les Romains.
Le fanatisme religieux ne tarda pas à
s'y joindre; ces nations n'avaient pas
embrassé le christianisme, et c'était
pour eux un motif de plus de conti-
nuer et de renouveler la guerre. Les
chefs mirent en mouvement les pon-
tifes et les devins de ces nations sau-
vages. L'oracle de leur dieu Gurzil
promet la victoire ; il annonce que les
Romains succomberont sous la vail-
lance des Languantans ; que les Ma-
zîques domineront à jamais dans la
Ryzacène, et que Garcasan entrera vic-
torieux dans Garthage. Les promesses
des dieux, la haute réputation de Gar-
casan , lui amenèrent des auxiliaires ;
les peuples des déserts qui environnent
le temple de Jupiter Ammon, ceux des
Syrtes, les Nasamons et les Garamantes
viennent combattre sous ses étendards.
Les peuples des régions lointaines, où
sont les marais qui donnent naissance
au Nil, lui envoient des auxiliaires.
Garcasan ne perdit pas de temps pour
se mettre en marche; il eut bientôt
envahi la Tripolitaine ; il entrait dans
la Byzacène, quand Rufin, qui en était
gouverneur, dépécha un courrier vers
Garthage , pour avertir Jean de l'ap-
proche des barbares. Surpris de cette
nouvelle invasion, Jean donne aussitôt
des ordres pour rentrer en campagne.
Tous les soldats sont rappelés de leurs
cantonnements; les alliés maures se
réunissent aux Romains sous leur roi
Goutzinas , et on se dirige vers le
Midi pour repousser ce nouvel ennemi.
Garcasan, qui croyait surprendre le
générai romain , s^arrête et se replie
vers le désert , où il cherche à attirer
son ennemi, pensant qu'il pourrait l'y
combattre avec plus d'avantage. On
était alors au fort de l'été; une séche-
resse excessive avait tari toutes les
sources; les récoltes avaient manqué,
et une horrible famine tourmentait les
provinces et faisait de grands ravages
dans Farmée. Pour la faire subsister
plus facilement , Jean fut contraint de
fa répandre sur un plus vaste espace ,
et de l'affaiblir ainsi en la divisant en
plusieurs corps. Les Africains, plus ac-
coutumés aux fatigues et aux priva-
tions, eurent bientôt l'avantage. Le
général romain avait envoyé dans
toutes les villes maritimes , pour en
tirer les grains qui lui étaient néces-
saires ; mais, pour comble de malheur,
les vents contraires empêchèrent tous
les arrivages. Jean ne fut pas arrêté
par toutes ces calamités; malgré les
plaintes et l'insubordination de ses
soldats, il poursuit sa marche, et, che-
min faisant, il soumet les Astrices,
nation africaine, puissante et guer-
rière, dont il prend des otages. Les
Romains continuent d'avancer ; et les
barbares , tourmentés comme eux par
la faim et la soif, reculent en se diri-
geant vers les parties les plus arides
du désert. Gette retraite encourage les
soldats romains ; ils avancent rapide-
ment dans un pays qui ne leur offre
plus d'ennemis, et ils s'arrêtent au-
près d'un fleuve dont les bords , cou«
verts d'arbres, raniment l'espérance
de l'armée. On se hâte de s'y établir,
mais sans y prendre aucune des pré-
cautions prescrites par le général. On
se disperse dans les environs , on dé-
daigne de se fortifier contre un ennemi
qui semble fuir en toute hâte. Les
Romains étaient à peine arrivés en ce
lieu, qu'ils y furent assaillis par les
Africains , qui profitèrent de leur im-
prudence pour les attaquer. Ils accou-
rent de tous les points de l'horizon ;
les détachements romains se replient
en désordre et avec perte sur le gros
de l'armée , tandis que Jean fait à la
hâte ses dispositions, en s'appuyant
sur la rive du fleuve. Il se place à la
droite avec Fronimuth et Goutzinas,
le fidèle allié de l'empire. Il confie sa
gauche à Putzintulus et au Vandale
Genséric. Les Romains se forment à
la hâte, et se préparent à résister a ua
Digitized by
Google
APPENDICE A L'HISTOIRE D'AFRIQUE.
101
ennemi qui les environne de tous les
côtés, et dont ils ignorent les forces.
Garcasan profite avec habileté de la dis-
position du terrain , couvert d'arbres
qui troublent les manœuvres des Ro-
mains. Ils résistent cependant ; Jean
s'efforce d'arrêter les progrès tou-
! jours croissants des barbares , mais il
perd la meilleure partie et les plus
braves de ses soldats ; plusieurs de ses
plus habiles ofliciers succombent; sa
valeur est inutile, il est contraint
d'abandonner le champ de bataille, et
de se retirer en toute hâte devant Gar-
casan et les Maures victorieux.
Jean fit sa retraite en bon ordre : se-
condé par Rhécinarius, il j)arvint à
soustraire aux efforts des Africains les
restes de son ai^mée , et il les condui-
sit à Laribe, ville forte de la Numidie,
environnée de vastes forêts , et dont
les remparts avaient été réparés depuis
peu par les ordres de Justinien ; Jean
se hâta d'y appeler les chefs et les na-
tions de l'Airique restés fidèles à la
cause des Romains. Des convois de
vivres, des armes, des renforts lui fu-
rent expédiés de Carthage, tandis que
Jean, fils d'Etienne, s'efforçait, par
les ordres du général, d'apaiser une
guerre qui s'était élevée entre Goutzi-
nas et Ifisdaïas , autre chef maure du
parti des Romains. On parvint à as-
soupir une division aussi préjudiciable
aux intérêts de l'empire ; et Coutzinas
ne tarda pas à venir rejoindre Jean
avec des forces considérables ; son
exemple fut imité par Ifisdaïas, qui
vint du mont Aurasius avec beaucoup
i de vaillants guerriers. Il fut bientôt
suivi par labdas , le plus puissant des
princes de la contrée, accompagné de
son fils. Enfin, le préfet Bézina amena
au camp romain toutes les forces dis-
ponibles de sa nation. Cependant An«
talas, ranimé par la victoire de Garca-
san, avait repris les armes, et il avait
de nouveau envahi la Byzacène. Il
s'unit à Garcasan, et tous deux ils es-
f)èrent être bientôt en état d'anéantir
es restes de l'armée, et de triompher
des alliés de l'empire. Ce n'est pas ce-
pendant à force ouverte qu'ils veulent
achever la ruine des Romains ; ils re-
courent à des moyens qui leur sont
plus familiers , et qu'ils regardent
comme plus sûrs. Ils harcèlent l'armée
de Jean, détruisent le pays à de grandes
distances autour de son camp ; puis,
f)ar des attaques simulées, ils fatiguent
es Romains , qu'ils entraînent à leur
suite dans des cantons dévastés et dé-
serts, où ils espèrent les livrer à une
mort certaine. Les Romains éprouvè-
rent en effet les plus grandes priva-
tions, en s'attachant à leur poursuite;
les fatigues et la soif leur enlevèrent
plus de soldats que le fer ennemi. Le
tribun Gécilides, qui conduisait l'avant-
garde, parvint cependant à les attein-
dre; les Maures furent vaincus dans
un premier combat , où ils firent une
opiniâtre résistance; plusieurs de leurs
plus vaillants chefs succombèrent , et
un grand nombre furent faits prison-
niers ; parmi eux, on distinguait Varin-
nus. Chargés de fers, ils bravaient, ils
injuriaient encore leurs vainqueurs;
pleins des promesses de leurs oracles ,
ils nourrissaient l'espoir de voir Gar-
casan victorieux chasser les Romains
et rendre la paix à l'Afrique ; ils insul-
taient à la puissance de l'empereur,
ils rappelaient les combats livrés par
leurs ancêtres contre Maximien. Irrité
de tant d'audace, le général les fit
mettre à mort.
Malgré le succès qu'il venait d'ob-
tenir, Jean n'osa poursuivre plus loin
les barbares ; il s était aperçu que ce
n'était pas la crainte qui les faisait re-
culer devant lui, et il reconnut les pé-
rils qui fe menaçaient, s'il s'acharnait
plus longtemps à leur poursuite. Il
prit donc le parti de rétrograder à
son tour, pour les attirer vers le rivage
de la mer , dans les lieux où il serait
plus facile de les combattre. Garcasan
et Antalas, qui observaient les mouve-
ments des Romains , prirent cette re-
traite pour une fuite; ils revinrent sur
leurs pas, et se postèrent dans des
lieux élevés , tandis que les Romains
couvrirent de leurs tentes les bords de
la mer, en plaçant au milieu d'eux les
Maures alliés. La discorde se répandit
bientôt dans l'armée ; une sédition s'y
éleva ; des chefs ambitieux cherchaient
Digitized by VjOOQIC
102
L'UNIVERS.
à renouveler les criminelles entre-
prises des successeurs de Salomon.
Tarasès, Rhécinarius, et d'autres gé-
néraux , s'efforcèrent de rétablir Tor-
dre; leurs efforts furent vains, et cette
révolte aurait peut-être amené les plus
fâcheux événements , si Coutzinas et
les Maures fidèles n'étaient accourus
au secours du général. Les soldats
des deux nations en seraient venus
aux mains4 si Rhécinarius n'était par-
venu par ses discours conciliants à
les calmer et à ramener la paix. Jean
décampa aussitôt, et vint prendre po-
sition dans un lieu appelé les Champs
de Caton^ dont la situation nous est
inconnue. Carcasan et Antalas Vy
suivirent , et vinrent se placer a peu
de distance; et des deux côtés on ne
tarda pas à se préparer à une bataille
décisive. Pour se rendre les dieux fa-
vorables , les Africains leur offrirent
d'abondants sacrifices: les uns s'a-
dressent à Gurzil, qui est Jupiter Am-
mon; d'autres invoquent Mars, et
d'autres encore présentent des vic-
times humaines à leur dieu Mastiman.
On s'attaque au lever de Faurore.
Jean donne le signal du combat, en
chargeant lui-même les ennemis à la
tête de ses gardes. Us ne tardèrent pas
à mettre le désordre dans l'armée
africaine , où ils firent un grand car-
nage. Coutzinas et les alliés maures
furent moins heureux de leur côté ; re-
poussés avec perte, ils étaient sur le
point d'abandonner le champ de ba-
taille , ^uand ils virent Jean vainqueur
arriver a leur secours ; ils reprennent
courage, repoussent leurs ennemis, et
les mettent dans une déroute complète.
Cette victoire décisive mit fin à la
guerre d'Afrique. Antalas, sans espoir
de continuer la guerre, se soumit à la
domination impériale, et les barbares
furent repoussés jusqu'aux extrémités
de l'Afrique; Pour Carcasan , il périt
sur le champ de bataille; sa tête, sé-
parée de son corps, fut placée au haut
d'une lance, et promenée dans les rues
de Carthage. Ainsi fut accomplie la
prédiction mensongère de ses devinas ,
qui lui avaient promis de le faire en-
trer triomphant dans les murs de cette
capitale de l'Afrique. Jean ramena ses
troupes victorieuses dans Carthage, et
contmua de gouverner l'Afrique, dont
rien ne trouEla plus de longtemps la
ttanquillité*
VIN BB L'âPPENDIGB.
Digitized by
Google
i
it^^MV%'v^^^^^iM^n^%i%iv*^hiv%v%w^m
>* *»»»%* %%<m%%w%%% %»»^^»%<wi^%»i»»%»^i%^i«»»»»»% %%%%iv%%%'»%i»*<»i%<>%%/»%»%m«%w»v>%»»%*-« V»
TABLE
DB L'HISTOIBE D*AïBIQUB SOUS LA DOMINATION DES VANDALBS
Xt SOUS LA DOMINATION BYZANTINB.
Abaritane; Genséric se l^crve la pro-
priété de cette province , 8a &.
Administration romaine (1') surfit à la
conquête des Vandales, 86 b; administra-
tion byzantine, 95 et suiv.
Aélius, rival de Boniface^ 8, b. ; Sa pei^
fidie, ibid.; il est vaincu par Boniface, i3,
b.; il est assassiné, 19 a.
Afrique; son élat au moment de la con-
quête, II, b.; sous la domination byzantine,
91 et suiv.; pacificatiou de cette province,
94 a; son bistdire depuis la mort de Jus-
tinien, 94 a et suiv.
Aigan, officier byzantin massacré par les
Maures, 9^1 a.
Alains réunis aux Vandales, 4 b ; 5 a, b.
Alode germanique , 8a b.
Alexandre-, ollicier de la maison de Pla-
cidie, 39 b.
Aithias, officier byzantin, arrête les en-
vahissements d'Yabdas , 9a a.
Amalajrid éj)6use Tbrasamund , roi des
Vandales, 38 a ; excite une révolte, 38 b;
elle est mise à mort, 39 a.
ArAalasuntlia; sa réponse àBélisaire sur
la possession de la Sicile, 70 b.
Ammatas, frère de Gélimer, 5i b; 5a a,
b ) Impression que cause sa mort au roi
vandale < 54 b et 55 a.
-//w/?jfl^ a, fleuve d'Afrique, li b.
Antalas, chef maure i 93 b,
Antonina, femme de Bélisaire, 4a b; sa
prévoyance, 45, a, b.
Apollinarius, officier byzantin, s'empare
des îles Baléares , 70 a.
Arabes (les) s'emparent de la Cyrénaï-
que et de la Tripolitaine, 95 a.
Arcliélaûs (le préfet) ; son discours à Bé-
lisaire, 46 b, 47 a; il conduit la flotte by-
zantine à Cartbage, 5a a; il devient préfet
du prétoire en Afrique, 9a a.
Aréobinde (le sénateur) partage le com-
mandement en Afrique avec Sergius, 93 b;
il est assassiné^ ibidé
Arianisme (1*) est embrassé par le^ Van-
dales en Pannonie, 7 b et 84 b.
Anenai (!') de Cartbage, 84 b ; il est ti-
sité paf l'empereur Majorien, aa b.
Artaban, officier arménien, gouverneur
de l'Afrique , 93 b.
Aspar^ général romain , i3 a , b $ à6' b ;
sa mort, a6 a.
A s té ri us, général de l'empire,* 7 tb
Atauife; roi des WislgoJhs , 6 b.
Attila, roi des Huns , s'allie à Genséric ,
17 b; se jette sur la Gaule, 18 b.
Augustin (saint), sa mort, i3 a.
Aurasius, montagne d'Afrique, 9a tu
Aurélien (l'empereur) bat les Vandales, 3 b*
Aviius^ empereur déposé, ai b«
Baléares (les iles), 8 a ; tombent an pou-
voir de Bélisaire , 70 a.
Basiliscus, général byzantin; il est battu
par Genséric ; sa lâcheté, 24 et a5.
Bélisaire; se^ commencements, 4a a, b;
son armée, 4a b et 43 a ; sa sévérité, 44 a ;
ses discours aux troupes, 49 bj 53 a , b ;
il entre à Cartbage, 56 a et 57 b ; il donne
l'investiture aux chefs maures , 6a a ; il va
à la rencontre de Gélimer, 65 ai sa dou-
ceur, 67 a ; il se rend maître d'Hippone ,
68 b ; il est accusé par ses officiers auprès
de l'empereur, 73 b; il l-etourne à Cuns-
tan.tinople, 73 b et 74 a; son triomphe, 74
a, b ; il est nommé consul , 75 a.
Boniface (le comte) sert en Espagne , 7
b; son portrait, sa vie, 8 a, b; il appelle
les Vandales en Afrique, 9 a ; son repentir,
II b; sa mort, i3 b.
Boniface, serviteur de Gélimer; le roi
vandale lui confie ses trésors , 69 a , b.
Bulla (plaine de), 55 a; 61 b.
Burgaon (la bataille du mont) perdue
par les Maures , 9a a.
Byzacène , province soumise à Genséric i
16 a; 17 b ; ses évèques sont exilés, 38 a ;
elle est envahie par ks Maures , 39 a«
Digitized by
Google
104
TABL£
Calonjrme, amiral byzantin, aborde à Cap-
thage, 56 b ; sa fin, 57 a.
Camut, noble vandale; traitement que lui
fait subir Hunéric, 3a a et b.
Caracalla (l'empereur); ses tentatives
pour désunir les barbares, 3 b.
Caralîs, ville de Sardaigne, 60 a.
Carcasan, chef maure, 94 a.
Carthage; tableau de cette ville, i5b;
elle est prise par Genséric, z6 a ; concile de
Cartbage, 33 a; Calonyme y aborde, 56 b;
elle esi occupée par Bélisaire, 56 b ; ses for>
tificalions réparées, 60 a ; conspiration tra-
mée dans cette ville contre la domination
byzantine, 63 b ; elle est prise par les Ara»
bes, 95 a.
Cassiodore , général romain, repousse
Genséiic, 17 a.
Castinus, général romain; sa conduit
en Espagne , 7 a.
Catholiques (les) de l'Afrique persécutés,
16 a; leurs églises rouvertes, a6 b; les ca-
tholiques persécutés de nouveau par Huné-
ric et ses successeurs, 3a b, 36 a b, et 37
a, b ; iin de la persécution, 39 b ; ils triom-
phent par Bélisaire, 58 a.
Centenarîi (les) , juges vandales, 8a a ; ce
qu'ils étaient dans l'armée, 83 b.
Césarée tombe au pouvoir de Bélisaire,
69 b.
Ceuta , ville d'Afrique occupée par les
Byzantins, 70a.
Champs de Caton, Les Maures 'y sont
battus, 94 a.
Commerce de TAfrique sous les Vandales,
88 a,b,et 89.
Conseil de guerre tenu par Bélisaire, 46
a, 47 a» b.
Conseil des rois vandales, 79 b.
Constantin (l'usurpateur), 4 b, 5 a.
Coptos (teinturiers de), 88 b.
Corippus (le poëte); son poëme sur Jean
Troglita, 93 b.
Corse (l'Ile de) conquise par Genséric,
a3 b ; les troupes byzantines la reprennent,
69 b.
Cuzinas, chef des Maures, 9a a; sa fin,
94 a.
Crprienne (fêle), 58 a.
Cyrénaique (la) tombe au pouvoir des
Arabes, 95 a.
C/rilie, officier byzantin , arrive k Car-
thage, 61 b ; il fait la conquête de la Sar-
daigne et de la Corse, 69 b.
Cjrus, général romain, 17 a«
Cfrus, officier byzantin , gouverneur de
la Pentapole, 93 a.
Darius est envoyé par Timpératrice Pla-
cidie à Boniface, la a.
Décani ou Taihunfath, juges vandales,
8a a ; leurs fonctions dans 1 armée , 83 b.
Decimum (gorges de), 5i b et 5a a.
Deogratias, évéque de Carthage ; sa cha-
rité et sa noble conduite, ao b.
Didyme, chef espagnol , 4 b.
Diogène, officier byzantin ; sa bravoure,
59 a, b; 60 a.
Domaines (les) du roi chez les Vandales,
80 a, b.
Donatistes (les) s'unissent aux Vandales
au moment de l'invasion, 11 a, 84 b.
Espagne ; son état après la conquête des
Vandales, 5 a, b; 6 a.
Epiphanius, archevêque de Constantino-
ple ,. bénit les soldats de Bélisaire qui par-
tent pour l'Afrique, 43 b.
Euagis, prince vandale , frère d'Oamer ,
39 b; il est assassiné, 5x b.
Eudoxie (l'impératrice) appelle Genséric
en Italie, 19 b; elle est emmenée prison-
nière à Carthage, ao b, et renvoyée à Cens-
tantinople, ai a.
Eudoxie, fille de la précédente et de Va-
lentinien, épouse Huneric, fils aine de Gen-
séric, ai a; sa dot, 39 b.
huric, roi des Wisigoths, 18 b.
Épiques persécutés par Hunéric, 36 b •
37 a; leur pouvoir dans les villes d'Afri-
que, sous les Vandales, 87 b.
Exactores, percepteurs de l'impêt , 80 ;
choisis , même sous la domination vandale,
parmi les Romains de l'Afrique, 86 b.
Exportations de l'Afrique, 86 b.
Para, officier de Bélisaire chargé de sur-
veiller les mouvements des Maures, 63 a,
68 b ; il assiège Midenos , 70 b ; il écrit à
Gélimer, 71 b; il décide le roi vandale à se
rendre, 7a b.
Fisc impérial; ses exigences ; il appauvrit
et ruine les populations , 6 a , a8 a , 80 b,
96 a, b.
Fortunat (le poète), 90.
Franks (les) battent les Vandales, 4 b.
Digitized by VjOOQIC
DE L'HISTOIRE D'AFRIQUE
105
G.
Gaîbîon , génértil envoyé par Timpéra-
trice Placi(lie contre Boniface révolté , 8 b.
Gasmul, roi maure ; ses projets hardis ,
94 a ; sa fia , 94 b.
Gaudentius, fils d'Aétius , prisonnier de
Genséric, ai a, a 3 b.
Gélimer, roi des Vandales ; son avène-
ment el sa lettre à Justinieu , 89 a, b; son
imprévoyance, 48 a ; ses fautes , 54 a , b ;
sa défaite , 55 a ; il surveille les mouve-
ments de l'armée grecque, 59 a ; il rappelle
de la Sardaigne son frère Tzazon, 62 a, b ;
il marche sur Carthage, C3 a, b; sa fuite,
66 a ; sa défaite ,^67 a ; ses trésors , 69 a ;
ses demandes à Fera , 7a a ; il se décide à
se rendre , 72 b ; il est conduit à Carthage,
73 a; à Constantinople , 73 b, 74 b , 75 a.
Gennadius, gouverneur de TAfrique sous
Tibère , 94 b.
Genséric; motif de son expédition eu
Afrique, 9 a; son inaction, 14 b; il étend
ses couquétes, 16 a ; il attaque Tltalie et la
Sicile, 17 a, b ; il envoie des émissaires à
Attila , 17 b ; il fait la paix avec Valenti-
nien, 17 b; ses alliances avec différents
peuples, 18 a, b; il pille Rome, 19 b ; il
demande la paix , 23 a ; il échoue devant
Alexandrie , 26 a ; sa mort , son gouverne-
ment , 26 b et suiv.; son portrait, 28 b, 29
a, b.
Genzon, fils de Genséric, 25 a; il est per*
sécuté par Hunéric, 34 a.
GérontîuSf 5 a.
Germanus, neveu de Justinien , envoyé
contre Stozas , 92 b.
Gétulie, province d'Afrique dont Gensé-
ric se réserve la possession, 82 a.
Gièamund, neveu de Gélimer, 52 a; mas-
sacré avec le corps d'armée qu'il comman-
dait, 52 b, 53 a.
Gibbon; une erreur de cel historien , 5i
a, b.
Godas, chef vandale, se révolte contre
Gélimer, 41 b, 48 b ; il est tué, 60 b.
Gontharis se rend maître de Cai'thage ,
93 b.
Goths (les) se précipitent sur les Vanda-
les, 4 a ; ils envahissent l'Espagne, 6b; ils
s'allient aux Vandales, 18 a, b; ils trahis-
sent Majorien, 23 a.
Gotthée, ambassadeur de Gélimer àTheu-
dis, 61 a.
Grasse, ville d'Afrique, 5i a, b,
Grégoire, dernier préfet du prétoire en
Afrique, 95 a.
Gundéric, frère de Genséric, est assas-
siné, 9 b ; sa veuve jet ses enfants tués par
Genséric, i5 b.
Gunthamund, roi des Vandales; sa to-
lérance, ses guerres , ses relations avec les
Ostrogoths, 37 b.; sa mort, 38 a.
Gurzil, Jupiter africain, 94 a.
Hassan , chef arabe , détruit Carthage ,
95^ a-
Heldic, noble vandale ; sa mort, 32 a.
Héraclius, général romain, 24 b.
Héraclius (l'empereur), 94 b.
Hérésies, en Afrique, 27 b.
Hermione, ville de la Byzacène, résidence
des rois vandales, 5i b, 80 a.
Hermigar, chef suève, battu par Genséric,
10 a.
Hérules dans l'armée de Bélisaire, 4a b,
repousses de Midenos, 70 b.
Hildéric, roi vandale ; sa tolérance, 38 b ;
ses relations avec l'empire d'Orient ; il est
déposé, 39 a, b; il est assassiné, ôi b ; ses
filles sont bien accueillies par Justinien,
75 a.
Hippone, ville d'Afrique , 12 a ; elle est
assiégée par les Vandales, 1 2 b ; elle se rend,
i3 b; elle est prise par Bélisaire, 68 b.
Hundafath, titre de certains juges chez
les Vandales, 82 b.
Hunéric donné en otage à l'empereur
décrient, i4 a; son avènement au trône,
29 b ; sa. conduite cruelle envers sa famille,
3i b et 32 a; son édit contre les catholi-
ques, 33 et suiv.; sa mort, 87 b; la part que
lui assigne Genséric dans la conquête de
l'Afrique, 82 a, b.
Huns (les) au service de l'empire byzan-
tin, 44 a; ils combattent contre Giba-
mund, 52 ; ils conspirent en faveur de Gé-
limer, 63 b ; leurs dispositions à la bataille
de Tricamara , 65 a ; ils se rattachent défi-
nitivement à Bélisaire, 65 b.
' lerna, chef maure, 94 a.
Ilasguas, tribu maure, 94 a.
Ildiger, officier byzantin, amène des ren-
forts à Salomon, 92 a.
, Importations en Afrique, 89 a.
Industrie des Vandales» 89 a.
Digitized by
Google
10«
TABLE
Jean, général au service de Fempire, ga-
gné par Genséric, 17 a, b.
Jean, de Cappadoce; son discours dans
le conseil de Justinien relativement à Tex-
pédition d'Afrique, 4t a, b; il fournit des
vivres aux Iroupes, 44 b.
Jean, TÂrménien , combat contre Am-
matas,. 5a b ; il sort de Carthage à la tête
d'un corps d'élite , 64 b ; il poursuit Géli-
mer, 67 b ; sa mort, ibid,
Jean, officier de Bélisaire , occupe Gésa-
rée, 69 b.
Jean Rogatbinus , gouverneur de Car-
thage , 94 a.
Jean, fils de Sisiniolus, g3 b.
Jean Troglita , 93 b ; il bat les Maures,
94 a.
Jocundusy patriarche aHen ; son supplice
ordonné par Hunéric ,32 b.
Juitimana, nom donné à Carthage, 96 a.
Justinien; ses lettres à Gélidiër, 39 b; sa
joie à la nouvelle du succès de l'expédition
de BélisaireJ, 74 a ; il prend le titre d'A-
fricain, 77 b, et suiv.; il rétablit l'adminis-
tration romaine en Afrique, 86 a.
K.
Kairouan , ville fondée en Afrique par
les Arabes , 95 a.
KXiQpot [sortes Fandalicî) , lots des "Van-
dales dans lé partage des terres conquises,
82k b.
Laurus ^ citoyen de Carthage^ conspiré
contre les Byzantins, 63 b.
Légendes, 5'j b, et suiv.
Léon (le pape) protège Rome contre Gen-
séric, 19 b.
Léon (l'empereur) , 24 a ; il équipe une
flotte» 24 b; sa mort, 26 a.
Lettres de Gélimer à Tzazon ^ 62 a , b ;
de Bélisaire aux officiers goths qui com-
mandaient en Sicile , 70 a , d'Amalasuntha
à Bélisaire , 70 a , b ; de Fara à Gélimer ,
71 b ; de Gélimer à Fara, 72 a, b ; de Jus-
tinien à Bélisaire, 91 b.
Lilybée , ville de Sicile prise par Gensé-
ric, X7 a; les Grecs repoussés devant ses
murs, 70 a.
Littérature des Tandales et des Africains
sous la domination barbare , 96 a, b.
ft.
Majorîen (l'empereur) , aa a ; iî équipe
une flotte, 22 à , b ; il va sous un déguise-
inent à Carthage, 22 b; sa flotte brû-
lée, 23 a; sa mort, ibid,
Malte , ile de la Méditerranée prisé par
les Vandales ,21b.
Mamma (bataille de), ^2 a.
Mandracium , poit de Carthage, 55 b,
92 a.
Mannert; jugement silr son histoire des
Vandales , i a , b.
Marcellianus en Sicile ,23b; son rôle
ions le règne d'Anthemius , 24 a ; en Sar-
daigne, 24 b ; sa floite, 24 b ; sa mort, 25 a.
Marchands de Carthage pillés par les
Soldats byzantins ,57 a.
Marcien , neveu de Justinien, bat les
Maures ,94 a.
Marcomans font la guerre aux Romains,
3 b.
Marcus ; Son histoire des Tandales , i a,
b;2a,b;5b;6a;ses opinions, 12 b ;
x4 a; 34 b ; 54 b; 85 a, b; 82 a.
Marine des Vandales , 84 a , b,
Maures, peuple allié des Vandales, iob;
cequMls étaient sous Genséric, 28 a; guerre
contre les Vandales, 3o b, 3i a, b; guerre
avecGunthamund, 37 b; avec Thrasamund,
38 b ; avec Hildéric , 3^ a ; ils sont battus
Par Gélimer, 39 a; leurs dispositions à
égard des Byzantins après la |)risé de Car-
thage par Bélisaire, 61 b , 62 â , 68 b;
leurs mœurs, 71 a ; ils sont battus à Matnma,
92 a ; quatre-vingts Maures massad^ con-
tre la foi des traités , 93 a.
Mauritanie Sitifienné soumise par Salo-
mon, 93 a.
Mauritanies soumises aux Vandales, axa;
dévastées par Genséric, 23 a.
Mavors , officier romain , envoyé contre
Bonifate révolté , 8 b.
Maximus (Pétronius) est fait empereur,
19 a.
Maxime, chef de révoltés , 93 a.
Méditerranée ; destinée des peuples qui
habitent sur les bords de cette mer, 16 b.
3Jercure (cap de) doublé par la flotte by-
zantine, 55 b, 56 a.
Midenos, ville maure, 68 b ; assiégée par
Fara, 70 b; descriplion de cette ville, 71b.
Millenarii^ chefs vandales, 81 a.
Moawiali (le khalife) , 95 a.
Mœurs des Vandales, 90 b, et suiv.
Molocha (sources du fielivè) , 88 B.
Murailles (les) de toutes leS bittes lôl&ki-
Digitized by VjOOQIC
DE L'HISTOIRE D'AFRIQUE
lOT
que abattues i^rès la conquête Vandale,
84 a.
Natidet (M.) ; son mémoire sur Fétat des
-^rsonnes en France, etc., 81 a.
Noblesse chez les Yandales , 8x a, b ; le
i*oi peut appliquer aux nobles des peines
infamantes, 8x b; ouvrier eUnobli, 90 a.
Notarii , employés du magistrat vandale
tippéié prœpositas ngtii, 81 b.
O.
Oturter, surnommé TAchilIe dés Yàndalés,
39 a , b ;iil est assassiné par ordre de Gé-
limer, 5i b.
Organisation politique des Vandales en
AfHque, 78 a, b, et suiv.; organisation' ju-
diciaire, 81 b« et suiv.; organisation mili-
taire , 83 a , b.
Ornements de Tancien temple de Jérusa-
lem rapportés de Garthage à GoUstantino-
ple , 74 b.
Ostrogoths (les) s'allient avec le roi van-
dale Guntbamund, 37 b.
P.
Parnionit; lei Tandales 8*y établissent,
4a.
Papencordt i jugement sur son histoire
des Vandales , 2 a , b.
Pappuay montagne d'Afrique, 70 b, 73 a.
Partage des terres de rAmque entre les
Vandales conquérants, 8d a.
Ptrsès (les) en guerre avec Justinien,
40 b.
Prœpositus regni, grand magistrat chex
les Vandales, 81 b, 8a a.
Prœpositus /udiciis romanis; attributions
de ce magistrat sous k domination vandale,
86 b.
Promus (l'empereur) bat les Vandales dans
la Germanie, 4 a.
Proconsulaire (la), province d'Afrique
soumise à Genséric, 16 a , 17 b; partagée
entre les guerriers vandales ,82 a.
Proeope (l'historien); son dépari de Cons-
tantinople , 43 ; appréciation de son ou-
vrage , 43 b ; ce qu'il fait à Syracuse, 46
a, b; sa réponse à Archélaiis, 47'a^b;
48 a.
ProcuratoreSf percepteurs de l'impôt sont
la domination vandale , 80 b.
Propriétaires romains devenus colons,
86 a ; indemnisés par Justinien , 95 b.
Pudentiut, agent secret de Justinien,
41 b ; il est attaqué par les Maures , 7 à.
Punique (la race), xx é.
Religion des Vandales , 84.
^ Repas donné par Bélisaire a ses officiers,
57 a. , ^
Ricimer bat les Vandales, ax b; ses in
trigues, a3 b.
Roi (le) ; son pouvoir et ses attributions
chez les Vandales, 78 b, 79 a ; son conseil ,
79 a, b ; son domaine , son trésor , l'em-
ploi de ses deniers, 80 a, b.
Romains ; leur état en Afrique après la
couquéte vandale, 85 b; 86 a, b.
Rome pillée par les Vandales, 19 b; ao
a, b.
Rufin , officier byzantin massacré par les
Maures, 9a a.
Salomon , général byzantin , commande
l'armée d'Afrique en l'absence de Bélisaire,
73 b ; sa campagne au mont Aurasius, 92 b ;
il est tué à Theveste , 93 a, b. ,
Salvien, 9 b.
Sar daigne prise par les Vandales^ a3 b ;
ils la perdent , 24 b ; nouvelle conquête de
l'île , 25 b ; Tzazon , frère de Gélimet* , y
soumet Godas, 60 a, b ; elle est attaquée et
envahie par Cyrille, officier byzantin^ 49 b.
Scalœ veteres (plaines de) } Stozas y est
battu , 93 a.
Sergius, neveu de Salomotl , rallume la
guerre avec les Maures , et succède à Salo-
mon dans le commandement de l'armée ,
93 a , b.
Sévère { Sa mort , a3 b.
Sicile (la) est attaquée par Genséric, 17
a ; elle est conquise par les Vandales, 25 b ;
les Grecs ne peuvent la prendre, 70 a.
Sigiswulde , officier romain envoyé con-
tre Boniface révolté , 8 b.
Siiinges (Vandales), 5 b.
Sinox , officier romain envoyé contre
Boniface révolté , 8 b.
Sinuessa ; la flotte vandale y est battue ,
S2 a , b.
Stozas se révolte contre Justinien, 92 b ;
^ sort de sa retraite , 93 b.
Succession (loi de) chez les Vandales,
80 a.
Suèiw (les) s'unissent aux Vandales, 4 b.
Digitized by VjOOQIC
TABLE DE L'HISTOIRE D'AFRIQUE.
108
SubtthilaSf roi des Wisigoths, s'empare
de plusieurs villes en Afrique , 94 b.
Syllectum. , ville . d* Afrique occupée par
Bélisaire, 5o a.
T*
Taihundafath, chefs germains, 81 a; ju-
ges pendant la paix, 8a a; explication de
ce mot , 83 a.
Taihiinfath, Voy. Décani,
Tattimuth est attaqué par les Maures,
70 a.
Tennis, ville d'Afrique, 70 a.
Testament de Genséric , règle Tordre de
succession au trône , 80 a.
Teucarie , victime des cruautés de Huné-
rie ; sa mort. 3a a.
Théodora (l'impératrice), 74 a.
Théodore, officier byzantin; amène de
nouveaux renforts à Salomon , 9a a.
Tliéodoric, roi des Ostrogoths, s'allie avec
les Vandales, 18 b, et a6 a.
Theudîs, roi des Wisigoths , rejette l'al-
liance de Gélimer, 60 b; 61 a.
Theveste (bataille de) gagnée par les Mau-
res, 93 a, b.
Thrasamund, roi desTandales; sa con-
duite à l'égard des catholiques ; ses allian-
ces, 38 a; ses guerres; sa mort, 38.
ToUiusi son récit sur les Vandales mo-
dernes, 76 a.
Trésors (les) de Gélimer, 69 a.
Tricamara (bataille de), 64 b, et suiv.
Tripolita'me, province soumise aux Van-
dales, ai a; aux Arabes, 95 a.
Tryphon et Eustratius envoyés en Afri-
que pour faire un nouveau cadastre, 96 a.
Tunis (lac de) ; la flotte byzantine y jette
l'ancre, 56 b.
Tzazon , frère de Gélimer, 48 b; il
triomphe en Sardaigne , 60 a ; sa lettre à
Gélimer, 60 b ; il quitte la Sardaigne, 62 b;
sou entrevue avec Gélimer, 63 a ; sa mort ,
65 b ; sa }ête portée en Sardaigne , 69 b.
U.
Uliaris, officier des gardes de Bélisaire ,
54 a ; il tue Jean l'Arménien , 67 b ; il
obtient son pardon , 68 a.
Ulphilasi sa Bible, 90 b.
Valentinien (l'empereur) ; sa mort, 19 au
Vandales ; leur origine ; leur séjour en
Germanie, 3 a, b; ils s'unissent aux Bur-
gondes, 4 a; passent en Espagne, 4b; ils
triomphent des Goths et des Romains , 7
a , b ; ils sont appelés en Afrique par Bo-
niface, 9 a; Jls battent Boniface , la a;
leurs cruautés, la b; ils pillent Rome, 19
b; ils s'emparent de la Mauritanie et de la
Tripolilaine , ai a; leurs courses sur mer,
ai a, b; ils brûlent la flotte de Majorien,
a3 a; leurs pirateries, a3 a, b, a4 a; ils
brûlent la flotte des Romains , a4 b, a5 a ,
a6 a ; étendue de leurs possessions en Afri-
que sous Genséric, a8 a, b; leur portrait
d'après Orose , a8 b ; leurs guerres avec les
Maures, 3o a , Si a, b ; leur expédition en
Sardaigne, 4S a , b ; ils sont battus à Deci-
mum , 55 a ; les Vandales de la Germanie
envoient des députés à Genséric, 58 b; des-
tinée des Vandales , 75 a, b; ils ne ser-
vaient pas à pied dan& les armées, 84 a ;
causes de la chute de l'empire vandale, 76
a et b, 77 a et b, et 78 a.
Vandales modernes , 76 a
Veranien, chef espagnol , arrête les Van-
dales aux Pyrénées , 4 b.
Ferine (l'impératrice) , a4 b.
Wallia, roi des Wisigoths, 6b; 7 a.
fFisigoths (les) alliés de Genséric, 18 b ,
aa b.
Yabdas, chef maure , commande sur le
mont Aurasius , 9a a.
Zenon (l'empereur) demande la paix à
Genséric , a6 a ; il négocie avec Hunéric ,
39 b.
Zeugitane, province d'Afiîque occupée
par les Vandales, 17 b.
Digitized by
Google
f r_
TABLE GENERALE
DE L'HISTOIRE DE L'AFRIQUE ANCIENNE.
pRi^FACB DK l'Éditeur i - iv
Esquisse générale de l'Afrique, par M. d'Avezac 1-48 ^
Introduction a la description et a l'histoire de l'Afrique
ancienne, par le même 49-^6
La Libye propre comprenant la Gtrénaïque et la Marma-
rique , par le même* . . > « . • . • * 67-158
Carthage.
Première partie y par M. Bureau de la Malle 1-69
Deuxième partie y par M. Jean Yanoski 80-172
Histoire de la Numidie et des Mauritanies , par M. L. La- , 1
croix 1-96 ^C^T rtU^
L'Afrique chrétienne, par M. Jean Yanoski i-63
Histoire de la domination des Vandales en Afrique, par
M. Jean Yanoski 1-91
Histoire de l'Afrique sous la domination byzantine , et
Appendice à cette histoire par le même 91-102
PIN DU YOLUMB.
Digitized by
Google
Digitized by VjOOQIC »
Ai
Digitized by
Google
Digitized by
Google
Màm
Digiti
ze^by Google
Digiti
zedbyGvOOgle
^
Digitized by
Goosle
t'î^
.1 siiw
- 7 f
This book is not to be
taken from the Library
/•. /
■âh