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Full text of "Alphonse Daudet"

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CELEBRITES   CONTEMPORAINES 


ALPHONSE 

DAUDET 


JULES    CLARETIE 


PARIS 

A.   QUANTIN,    IMPRIMEUR-ÉDITEUR 

7,     RUE     SAINT-BENOIT,     7 


883 


IV 

c<Lcu*t     <&    <"?    -6#iY    +t'*    £&?  >'"t^    <&uy    ^  essu^*<y    axss&     <m;/*4*'<fÂ**s«' 
fa{&>i<UL,     sua,    de.   &ou»^s     /ssc'^     <&,  ^sst^css^      cP^és^^/ss*^*^*---,     *<*jr*s'*r'/S*<if<t^ 

usu/tût   a  '  2<my    ^niï   $>  ■dëup  de.    fA**/^    é*u&    ?&&m*£<&*<oz>    eS    ^"âisiV     <^**y    s*s*-^ 
m4juc$  -teais    s/c      cœ^/mp/'^      Mêéétto  s/tS£t/^    r%7ïe~3s/  /tst^sétàr  '  ^/^sts'essS^     Ss^ss' 
0-4£j*&*r-**t-tts cttd-    <*'  (tu*.  t£c/^t*sss'ù>4?    /t^sut-  pu^tss/     sssass    J^4*'*'&<z-. ^//&&<s    &<£*/&<— 
$»'  //istt*.    fa^ye*    d/   câtst*^'    sesttfS    ^tu*.   s^su^ce^    ^e.,^s-  «g.  *6'Si!1*sss£4+AS**f~  *£^- 
ttautt^iu*'  /^   •  /-unaj    tf&  /w<y    Gf*&2&&<i&    Ay/Ç*  @e-  css  jp"&*z*<J'£y  ^^iusss     4y  ss£t*a&£> 

eéflt.  çsfoaù  ■S**.  juJUue;  ^tartcies*  u  '  <x&i& '&***-  yt<sts^  as*s&-  ^  £+sts'ss*ïési^tsr  ^vseix^ 
«e&<ru-  tâea4Z(L&.  St*i&z4/s<scstsJ-  a^-ts*'  /''Wfc.  st&±* ^s^U/V/  /é-  t^/^é/ ' //^gss^i.  s^. 
«*sfai/  &  rasst&siye^  t&.  &~  fsJij   *<*-Sé-   *Z*sS  ee*^ ,   ?y  stssss/   s?és  sfZJZi&~  s^ 


ALPHONSE     DAUDET 


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ALPHONSE    DAUDET 


e  ne  sont  pas  les  documents, 
comme  on  dit,  qui  manqueront 
à  nos  petits -neveux  lorsqu'ils 
voudront  écrire  Fhistoire  très 
curieuse  de  ce  temps,  Le  jour- 
nalisme américanisé  a  introduit  de  nouvelles 
mœurs  dans  les  lettres  et,  après  les  indiscré- 
tions des  reporteurs,  nous  avons  (et  nous  en 
sommes  bien  aise)  les  confessions  des  artistes 
eux-mêmes  et  les  révélations  de  leurs  proches 


+  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

ou  de  leurs  amis.  Je  ne  sais  qui  a  imprimé  ce 
paradoxe,  qu'on  n'a  tant  et  tant  écrit  sur  Molière 
que  parce  qu'il  n'a  rien  laissé  sur  lui-même. 
Pas  un  aveu,  à  peine  quelques  rares  autogra- 
phes qu'on  se  dispute  comme  des  joyaux.  On 
n'aura  pas  de  telles  recherches  à  faire  sur  nos 
contemporains,  et  c'est  un  signe  des  temps  que 
ce  besoin  de  vérité,  d'explications,  de  révéla- 
tions qui  fait  courir  le  public  aux  confidences 
de  ceux  qu'il  aime  et  qui  pousse  les  hommes 
populaires  vers  le  public. 

J'ai  là  un  livre  fraternel  écrit  par  M.  Ernest 
Daudet  sur  Alphonse  Daudet,  et  ce  volume 
excellent,  plein  de  faits,  intitulé  Mon  frère  et 
moi,  faciliterait  singulièrement  ma  tâche,  si  je 
ne  voulais,  à  mon  tour,  donner  quelques  sou- 
venirs personnels  sur  le  plus  délicat,  le  plus 
sympathique  et  le  plus  entraînant  de  nos  ro- 
manciers. Il  y  a,  sur  les  origines  de  famille, 
sur  les  intimités  du  foyer,  sur  les  années 
d'enfance  et  de  débuts,  dans'  le  livre  excellent 
d'Ernest  Daudet,  tout  ce  qui  peut  intéresser  un 
biographe.  Alphonse  Daudet  lui-même,  en  ses 
préfaces,  qui  formeront  un  livre  et  un  des 
plus  curieux  parmi  ses  ouvrages,  Y  Histoire  de 
mes   livres,  a   mis   tout  ce   qui  peut  plaire  au 


ALPHONSE    DAUDET. 


psychologue,  à  l'artiste,  à  quiconque  se  pas- 
sionne pour  la  genèse  d'une  œuvre  d'art  et 
la  germination  lente  ou  spontanée  d'une  idée.  Je 
voudrais  simplement  crayonner  de  Fauteur  du 
Nabab  et  de  Numa  Roiunestan  un  portrait  ra- 
pide et  évoquer,  pour  ma  propre  satisfaction, 
les  rencontres,  les  journées  heureuses  que  j'ai 
pu,  dans  ma  vie  littéraire,  avoir  avec  un  des 
hommes  qui  ont  le  plus  fait,  si  je  puis  dire  en 
style  quasi  académique,  pour  la  parure  de  ma 
génération. 

Académique!  Eh!  vraiment  oui.  Je  le  vois 
bientôt,  d'ailleurs,  revêtu  de  l'habit  à  palmes 
vertes,  lisant,  l'œil  sur  son  papier,  quelque 
discours  exquis  et  salué,  comme  il  le  mérite, 
par  la  harangue  d'un  récipiendaire  qui  n'aura 
qu'à  s'inspirer  des  bravos  du  public  pour  lui 
souhaiter  la  bienvenue.  M.  Sully  Prudhomme 
a  été  le  premier  des  hommes  nés  en  1840  qui 
auront  porté  la  parole  et  témoigné  de  nos 
efforts,  de  nos  recherches,  de  nos  tendances, 
devant  l'Institut;  Alphonse  Daudet  sera  le 
second.  Le  poète  du  roman  entrera  immédiate- 
ment, sans  doute,  et  je  l'espère,  après  le  philo- 
sophe de  la  poésie. 

Un  de  mes  meilleurs  souvenirs  de  jeunesse, 


6  CELEBRITES   CONTEMPORAINES. 

c'est  une  journée  de  clair  soleil  passée  à  Seine- 
Port,  il  y  a  bien  des  années  déjà,  chez  Ville- 
messant,  qui  donnait  une  fête  pour  le  baptême 
de  son  petit-fils.  Nous  étions  là  une  poignée 
de  fous  qui  riions  de  tout,  en  commençant  par 
nos  vingt  ans,  et,  tout  le  jour,  ramant  sur  la 
rivière  ou  gagnant  des  canards  à  la  foire  voi- 
sine, nous  avions  jeté  au  vent  les  fusées  de 
nos  gaietés.  Le  plus  gai  de  nous  tous  était 
peut-être  Alphonse  Daudet,  s'amusant  comme 
un  enfant,  avec  sa  verve  de  méridional  et  son 
esprit  de  Parisien,  inventant  avec  nous  une 
Revue  de  fin  d'année  dont  nous  n'avons  jamais 
improvisé  que  les  couplets  lancés  comme  des 
pétards  sous  les  grands  arbres  du  jardin  : 

Chantons,  oui,  chantons  ce  bon  Dollingue 
Car  c'est  sa  fête  ce  matin, 
C'est  certain  ! 

Il  fallait  entendre  Daudet  donner  à  ce  Dollin- 
geinng,  à  ce  mateinng,  à  ce  certainng,  Faccent 
argentin,  alliacé  et  narquois  des  bonnes  gens 
de  Nîmes.  Il  entrevoyait  déjà  les  plaisanteries 
méridionales,  les  drôleries  et  les  railleries  de 
son  Tartarin  de  Tarasconet  de  son  Roumestan 
aux  arènes. 


ALPHONSE   DAUDET. 


Et  quel  bizarre  assemblage  de  personnalités, 
toutes  amusantes,  dans  cette  maison  de  Seine- 
Port!  Faure,  l'admirable  artiste,  offrant  de 
confectionner  un  macaroni  à  la  napolitaine, 
comme  Rossini.  Alfred  de  Caston,  mort 
aujourd'hui,  se  livrant,  sur  le  sable  du  jardin, 
à  des  tours  de  cartes  qui  stupéfiaient  le  bon 
curé,  un  peu  dérouté  et  croyant  à  la  sorcellerie; 
Villemessant  jetant  sur  nos  plaisanteries  sa 
grosse  verve  entraînante  et  coiffant  sa  tête 
énorme,  bienveillante  et  redoutable  à  la  fois, 
d'un  grand  chapeau  de  paille  à  demi  défoncé, 
dont  il  disait  fièrement  : 

«  C'est  le  chapeau  de  Murger  !  Il  le  portait  à 
Chambon  lorsqu'il  me  promenait  sur  le  lac  !  » 

Et  brochant  sur  le  tout,  Déjazet,  la  vieille 
Déjazet,  toujours  pimpante,  chantant  de  sa 
voix  grêle  et  pénétrante  la  Lisette  de  Béran- 
ger: 

Enfants,  c'est  moi  qui  suis  Lisette, 
La  Lisette  du  chansonnier... 

et  invitant  à  venir  l'entendre  dans  les  Prés- 
Saint- Gervais,  à  son  petit  théâtre  du  boule- 
vard du  Temple,  le  curé,  le  pauvre  curé  un 
peu  confus,  pris  entre  un  sorcier   devinant  les 


8  CELEBRITES   CONTEMPORAINES. 

as  et  une  charmeuse  filant  des  sons,  et,  tout 
rouge  devant  cette  tentation,  disant  naïvement 
en  regardant  la  comédienne  sexagénaire  : 
«  Elle  fait  encore  illusion!  » 

Si  jamais  Alphonse  Daudet  place  un  tel  sou- 
venir dans  ses  mémoires  intimes,  Vingt  ans 
de  Paris,  comme  il  doit  les  appeler,  quelle 
jolie  page,  toute  parfumée  des  lilas  de  la  jeu- 
nesse, il  écrira  sur  cette  journée  dont  nous 
avons  reparlé  bien  souvent. 

Et  que  c'est  loin  tout  cela  !  Le  petit  Bourdin, 
comme  nous  disions  alors,  le  «  petit  Bourdin  » 
qu'on  baptisait,  doit  être  à  présent  un  collégien 
à  moustaches,  un  homme!  Et  nous,  qui  gami- 
nions  encore  en  péchant  des  ablettes,  nous 
voici  arrivés  au  cap  de  la  quarantaine,  n'entre- 
voyant plus  qu'à  travers  une  sorte  de  brume 
un  passé  tout  rempli  de  rires,  mais  déjà  tout 
plein  de  morts. 

Du  moins,  ces  quarante  ans,  Alphonse 
Daudet  les  a  bien  employés.  Il  était,  à  l'heure 
dont  je  parle,  déjà  célèbre,  aimé,  choyé  :  on  en- 
tendait partout  réciter  les  triolets  de  ses  Prunes  : 

Mon  oncle  avait  un  grand  verger, 

Et  moi  j'avais  une  cousine, 

Nous  nous  aimions  sans  y  songer... 


ALPHONSE    DAUDET. 


On  avait  lu  —  avec  quel  plaisir  raffiné!  —  son 
petit  poème  attendri  et  narquois,  la  Double 
conversion;  on  avait  applaudi,  à  FOdéon,  la 
Dernière  Idole,  où  débutait  Rousseil;  à  la 
Comédie-Française,  V Œillet  blanc,  où  Mme  Vic- 
toria Lafontaine  portait  lestement  le  travesti  ; 
à  TOpéra-Comique,  les  Absents,  où,  tout  en 
chantant,  M.  Capoul  faisait,  au  bout  d'un  bâ- 
ton, tourner  des  assiettes. 

J'ai  là,  devant  moi,  tous  ces  livres  de  jeu- 
nesse. Le  premier  conte  en  vers,  cette  «  double 
conversion  »  de  la  petite  juive  Sarah,  qui  se 
fait  chrétienne  pour  épouser  son  André,  et  du 
petit  André  qui  se  fait  juif  pour  devenir  le  mari 
de  la  jolie  israélite,  un  poème  railleur,  qui  se 
termine  par  un  hymne  à  l'amour,  doux  comme 
un  printemps  : 

Oh!  puisque  l'amour  est  si  grand, 
Mignonne,  qu'au  fond  de  nos  âmes 
Il  fait  table  rase  en  entrant 
Et  qu'il  y  trône  en  conquérant 
Sur  des  débris  et  sur  des  flammes; 
Puisque  nous  voyons  aujourd'hui 
Que  ni  croyances  ni  systèmes, 
Rien  ne  peut  tenir  contre  lui, 
Puisque  je  t'aime  et  que  tu  m'aimes, 
Or  donc  pourquoi  nous  obstiner  ? 
Laissons  faire  l'amour,  mignonne, 
Et  suivons  l'élan  qu'il  nous  donne. 


io  CELEBRITES   CONTEMPORAINES. 

C'est  à  Dieu  de  nous  pardonner 

Si  besoin  est  qu'on  nous  pardonne! 

Donc,  maîtresse,  si  tu  m'en  crois, 

Nous  allons  courir  par  les  bois; 

Et  nous  fuirons  comme  la  peste 

La  théologie  et  le  reste. 

Le  ciel  est  bleu,  les  arbres  verts; 

Prenons  notre  course  au  travers 

Des  champs  de  Bièvre  ou  de  Chevreuse. 

Toute  la  terre  est  amoureuse, 

Viens-t'en  nous  aimer  quelque  part! 

—  Oui!  mais  ne  rentrons  pas  trop  tard  ! 

La  Double  conversion,  éditée  en  1861  par  Pou- 
let-Malassis  et  de  Broise,  avec  une  eau-forte 
dont  j'ignore  l'auteur,  représentant  les  amou- 
reux pris  entre  le  prêtre  et  le  rabbin,  est  au- 
jourd'hui devenue  rare.  Rarissime,  disent  les 
catalogues,  comme  le  Roman  du  Chaperon 
rouge,  que  Daudet  publiait  chez  Michel  Lévy 
(1862)  en  le  faisant  imprimer  chez  Poupart 
Davyl.  Je  vois,  sur  le  faux  titre  de  ce  recueil 
de  «  scènes  et  fantaisies  »,  dont  toutes  sont 
exquises,  entre  autres  les  Rossignols  du  Cime- 
tière, une  sorte  de  poème  hamlétique  en  prose, 
annoncé  un  recueil  de  contes  en  vers  :  Sous 
presse  :  le  P  entamer  on. 

Qu'était-ce  que  cePentaméron?  Il  n'a  jamais 
paru. 


ALPHONSE   DAUDET. 


Le  Daudet  de  Seine-Port,  le  Daudet  de  nos 
vingt  ans,  c'était  donc  le  poète  des  Prunes,  du 
Chaperon  rouge  et  des  Cerisiers. 

Vous  reposiez...  vous  reposiez... 
Je  vous  pris  pour  une  cerise; 
C'était  la  faute  aux  cerisiers  ! 

Il  avait  aussi  collaboré  çà  et  là  à  bien  des 
journaux  de  fantaisie  et  de  jeunesse,  et  jus- 
qu'au Musée  des  Familles,  où  Ton  trouverait 
de  lui,  chose  curieuse,  au  tome  XXIX,  une 
biographie  de  peintre,  une  étude  ou  un  petit 
roman  sur  Carlo  Maratti  !  Et  jusque-là,  déjà, 
il  a  sa  langue,  sa  couleur,  son  style  !  Alphonse 
Daudet  avait  écrit  déjà  encore  quelques  Lettres 
de  mon  moulin,  des  chefs-d'œuvre;  la  Mort  du 
petit  Dauphin,  ce  petit  Dombey  couronné;  le 
curé  de  Cucugnan. 

Ce  fin  visage  de  méridional  brun  qu'a  peint 
Feyen-Perrin  était  déjà  baigné  de  cette  rose 
lumière  de  la  première  gloire,  que  Vauvenar- 
gues  compare  tout  justement  aux  premiers  feux 
du  jour.  Il  n'y  avait  qu'un  point  noir  dans 
cette  aurore.  On  disait  alors  que  Daudet,  fort 
malade,  était  menacé  d'anémie.  Il  fallait,  pa- 
raît-il, à   cet  enfant  de   Nîmes,   un  soleil  plus 


12  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

réchauffant  encore  que  celui  de  sa  Provence,  le 
soleil  d'Afrique.  On  envoya  Daudet  à  Alger,  et 
le  bon  Alphonse  Duchesne,  le  collaborateur  de 
Delvau  pour  les  Lettres  de  Junius,  disait,  en 
hochant  la  tête  :  «  On  ne  sait  pas  si  Daudet  en 
reviendra  ». 

Il  en  revint  solide  et,  sous  la  capote  du  garde 
national,  en  décembre  1870,  le  jour  de  Cham- 
pigny,  lorsque  je  le  vis  de  planton  près  de 
Vincennes,  sur  la  route,  il  avait  vraiment 
mâle  tournure.  C'est  du  lendemain  de  la  guerre 
que  date,  en  quelque  sorte,  la  transformation 
du  talent  de  Daudet;  le  poète  charmant  allait 
devenir  un  romancier  exquis  et  puissant.  Notre 
biographie,  à  nous  littérateurs  d'à  présent,  qui 
vivons  au  coin  du  feu,  bien  différents  des 
chercheurs  d'aventures  de  i83o,  est  toute  dans 
nos  livres.  Alphonse  Daudet  a  fixé  les  dates  de 
sa  vie  dans  une  lettre  écrite,  il  y  a  quelques 
années,  à  un  rédacteur  du  Bien  public,  mais 
c'est  à  M.  Ernest  Daudet,  qui  l'a  racontée  avec 
une  émotion  vraie,  qu'il  faut  demander  l'his- 
toire intime  et  toute  simple  de  l'auteur  du 
Nabab.  Il  eût  pu  la  signer:  Un  témoin  de  sa  vie. 

Alphonse  Daudet  est  né  en  1840  à  Nîmes. 
De   Nîmes    il   alla   au   lycée    de    Lyon,  triste 


ALPHONSE   DAUDET. 


ville  pour  un  amoureux  des  cigales.  Ce  qu'on 
y  entend,  ce  n'est  pas  le  vol  des  ortolans  dans 
les  figuiers  ou  les  chansons  des  magnanarelles, 
mais  le  bruit  sourd  des  métiers  des  canuts.  En 
i856,  à  seize  ans,  Daudet  entrait  comme  maître 
d'étude  au  collège  d'Alais.  Il  a  été  pion,  ce 
poète,  comme  Alphonse  Karr,  l'ami  des  fleurs. 
Un  an  après,  il  arrivait  à  Paris  et  apportait  un 
volume  de  vers,  ses  premiers  vers,  les  Amou- 
reuses, à  l'éditeur  Tardieu,  humouriste  qui  si- 
gna J.-  T.  de  Saint-Germain,  des  nouvelles  agréa- 
bles, Pour  une  épingle,  entre  autres.  Tardieu 
accepta  les  Amoureuses,  et  les  publia.  C'est  dans 
les  Amoureuses  que  les  frères  Lionnet  allèrent 
«  cueillir  »  les  Prunes  qu'ils  disaient  si  bien. 
Daudet  entrait,  trois  ans  après,  chez  M.  de 
Morny  comme  secrétaire.  Il  y  pouvait  rimer 
tout  à  son  aise.  Après  une  enfance  douloureuse, 
une  adolescence  triste,  le  poète  du  Roman  du 
petit  Chaperon  rouge  se  préparait,  par  un 
doux  farniente,  à  une  virilité  laborieuse. 

Mais, hélas!  il  traînait  justement,  comme  un 
léger  boulet,  le  poids  de  ce  joli  livre  de  fan- 
taisies. Le  volume,  qui  vaut  cher  aujourd'hui, 
s'était  peu  vendu,  et  l'auteur  en  devait  la  fac- 
ture de  l'impression  à   l'imprimeur.  Un  matin 


î-t  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

tomba,  dans  le  cabinet  de  M.  de  Morny,  —  je 
dirais  comme  le  tonnerre,  si  ce  n'était  calom- 
nier la  foudre,  un  papier  timbré.  Ohimé! 

Un  huissier  chez  le  président  du  Corps  lé- 
gislatif! L'imprimeur  mettait  saisie-arrêt  sur 
les  appointements  du  secrétaire. 

M.  de  Morny  fit  appeler  Alphonse  Daudet. 
Le  poète  se  crut  perdu.  Je  me  souviens  d'avoir 
lu  cette  histoire  dans  les  Mémoires  d'un  homme 
de  lettres.  Il  n'osait  lever  les  yeux  sur  Morny. 
Le  visage  du  comte  ou  du  duc  (je  ne  sais  trop 
quel  titre  il  portait  alors)  avait  parfois  des  froi- 
deurs de  marbre. 

Daudet  fut  tout  étonné  de  l'entendre  rire. 

—  Comment,  mon  cher  monsieur,  vous  avez 
des  dettes?  Vous  aviez  des  dettes,  et  vous  ne  le 
disiez  pas?  Cela  me  raccommode  avec  vous  ;  je 
vous  trouvais  trop  sage!  On  déchirera  ce  pa- 
pier timbré,  ne  vous  inquiétez  pas  ! 

Victor  Hugo  a  eu  raison  de  dire  de  cet  élé- 
gant sceptique  de  Mora  qu'il  pouvait  être  étu- 
dié par  Marivaux,  à  condition  d'être  ressaisi 
par  Tacite. 

Alphonse  Daudet  collaborait  alors  volon- 
tiers avec  M.  Ernest  Lépine,  qui  signe  au- 
jourd'hui Quatrelles,  de   jolies  nouvelles,  très 


ALPHONSE    DAUDET.  15 


délicates.  L'auteur  de  la  Double  conversion 
rêvait  les  succès  du  théâtre,  les  chaudes  soirées 
de  bataille.  Il  écrivait  pour  le  Vaudeville  le 
Frère  aîné,  puis  le  Sacrifice.  D'une  de  ses 
Lettres  de  mon  moulin  il  tirait  les  cinq  actes 
de  V Artésienne,  pour  Fargueil,  décidée  à  jouer 
un  rôle  de  mère.  On  fut  injuste  pour  cette 
touchante  idylle  provençale  coupée  brus- 
quement par  un  dénouement  tragique  et  où 
M1,e  Bartet,  qui  débutait,  portait  gentiment  le 
fichu  et  la  coiffe  des  filles  d'Arles. 

Daudet  s'en  consolait  en  poète  :  il  avait  en- 
tendu la  farandole  de  Bizet. 

«  Ce  qui  m'a  surtout  séduit  dans  ma  pièce, 
nous  disait-il  un  soir,  c'est  qu'en  me  prome- 
nant dans  les  coulisses  du  Vaudeville  et  en 
coudoyant  tous  ces  costumes  de  là-bas,  je  me 
croyais  sous  les  oliviers  de  mon  pays.  » 

Encore  aujourd'hui,  il  conte  spirituellement, 
avec  une  bonne  grâce  amusante  (c'est  un  eau* 
seur  délicieux  que  Daudet),  ses  mésaventures 
d'auteur  dramatique  et  comment,  à  l'Ambigu, 
le  soir  de  la  première  de  Lise  Tavernier,  en 
mettant  le  pied  sur  la  scène,  derrière  les  dé- 
cors, il  aperçut  un  des  fils  de  Mme  Marie  Lau- 
rent et  lui  demanda,  anxieux  : 


i6  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

—  Eh  bien  !  comment  ça  marche-t-il  ! 

—  Maintenant,  répondit  M.  Laurent,  cela 
va  un  peu  mieux  !  » 

Tout  juste  le  mot  douloureux  d'une  garde- 
malade  après  une  crise. 

Je  ne  sais  pas  si  Daudet  attendit  la  fin  de  la 
pièce,  mais  je  m'imagine  ce  nerveux  frôlant, 
en  se  promenant,  la  toile  de  fond,  et  se  de- 
mandant (nous  en  avons  eu  plus  d'une  fois,  de 
ces  désolations)  ce  qu'il  venait  faire,  lui,  le  dé- 
licat, dans  ces  cirques  où  le  public  figure  la 
bête  féroce,  et  pourquoi  il  s'obstinait  à  verser 
de  son  fin  muscat  des  vignes  ensoleillées  à  des 
buveurs  de  gros  vin  bleu  ou  d'alcool! 

On  se  dit  cela,  au  surplus,  quand  le  public 
résiste,  puis,  quand  on  aime  le  théâtre  et  sa 
griserie,  on  revient  à  la  bataille,  et,  lorsqu'on 
est  Daudet,  on  triomphe.  On  acclimate  la  poé- 
sie même  dans  la  poussière  des  coulisses  et 
même  entre  cour  et  jardin.  Alphonse  Daudet 
devait  revoir  le  manteau  aT Arlequin  rentrer  au 
théâtre,  mais  y  rentrer  par  une  sorte  de  chemin 
de  traverse,  par  le  roman. 

De  Fromont  jeune  et  Risler  aîné,  tout  d'a- 
bord, il  voulait  faire  une  comédie  pour  le 
Vaudeville.    L'aventure  de  V Artésienne  le  dé- 


A  L  P  H  O  N  S  E    D  A  U  D  E  T.  17 


goûta.  11  en  lit  un  roman,  et  de  là  date,  non 
un  succès  (il  était  de'jà  goûté  comme  il  le  méri- 
tait depuis  les  Femmes  d'artistes,  un  maître 
livre,  le  Petit  Chose,  Tartarin  de  Tarascon, 
depuis  ses  débuts,  en  un  mot),  mais  sa  popu- 
larité. 

Fromont  jeune  inaugura,  pour  le  roman,  ces 
succès  de  vogue  qui  ont  donné  aux  romanciers 
de  notre  temps  cette  gloire  argent  comptant 
dont  parlait  Alphonse  Rabbe.  Le  livre  fut  ra- 
pidement enlevé.  Daudet,  jusque-là,  avait  eu 
pour  lui  les  artistes.  Dès  lors,  il  eut  pour  lui 
les  femmes. 

Heureux  ceux  d'entre  nous  qui  peuvent 
loger  leur  nom  au  fond  des  cœurs  féminins! 
La  femme,  infidèle  ailleurs  quelquefois,  est 
fidèle  à  ses  romanciers  ;  elle  vieillit  avec  ses 
poètes.  Elle  se  retrouve  toujours  jeune  au  fond 
de  ses  miroirs  livresques,  pour  parler  comme 
Montaigne,  qui  Pont  comprise  et  qui  Font 
charmée. 

Désormais,  il  ne  faut  plus  citer  les  succès 
d'Alphonse  Daudet,  il  suffit  d'énumérer  ses 
livres.  Le  Nabab  succéda  à  Fromont  jeune  et 
le  dépassa,  je  pense.  Le  livre  devait  réussir. 
Morny  était  dans  l'affaire!  Jack,  un  peu  long 


CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 


en  deux  volumes,  fut  un  succès  de  larmes  et 
d'émotion,  le  plus  durable  des  succès.  On  s'at- 
tendrit sur  le  pauvre  enfant  sans  mère  avec  une 
mère  vivante,  et  le  cénacle  des  ratés  devint 
aussi  célèbre  que  le  comédien  Delobelle. 
M.  Gaston  Boissier,  le  cicéronien  le  plus  vrai- 
ment français  que  je  connaisse,  Nîmois  comme 
Daudet,  nous  disait  naguère  que  M.  le  duc  de 
Broglie  préfère,  à  tous  les  romans,  Jack, 
comme  le  président  Garfield  préférait  Monsieur 
Pick-wick,  de  Dickens.  M.  de  Broglie  le  relit 
souvent  et  souvent  Ta  lu  tout  haut,  en  famille. 
Une  grande  partie  des  qualités  du  style, 
chez  tel  auteur  brillant,  dit  Sainte-Beuve  quel- 
que part  (dans  un  livre  de  notes  crayonnées  au 
bas  des  Maximes  de  La  Rochefoucauld),  tient  à 
l'inquiétude  (catouilleuse)  où  il  est  de  chacun 
et  qui  le  force  à  s'ingénier  aux  nuances.  En 
écrivant  cela,  Sainte-Beuve  songeait,  je  pense, 
à  lui-même,  à  son  amour  de  l'exquis  et  du  fin, 
et  il  semble  qu'aujourd'hui  on  pourrait  appli- 
quer à  Alphonse  Daudet  ce  que  l'auteur  des 
Causeries  du  Lundi  disait  de  «  tel  auteur  bril- 
lant». Daudet  est'un  sensitif  extraordinaire  et 
chez  lui  les  impressions  les  plus  fugitives  en 
apparence  prennent  un  relief  singulier.  Il  garde 


ALPHONSE    DAUDET. 


en  lui  comme   l'atmosphère  et,  si  je  puis  dire, 
l'odeur  même,  le  parfum  du  passé. 

Rien  ne  peint  mieux  sa  manière  d'être  et  de 
sentir  que  les  pages  mises  par  lui  en  tète  de 
Robert  Helmont.  Inoubliables,  les  moindres 
choses  le  frappent  et  se  gravent  en  lui,  et  il  les 
rend  ensuite  comme  si  sa  mémoire  était  une 
plaque  daguérienne. 

«  Un  jour,  à  la  campagne,  écrit  Daudet,  lut- 
tant avec  un  ami  dans  une  de  ces  jolies  îles  vertes 
qui  s'espacent  en  bouquets  sur  la  Seine  entre 
Ghamprosay  et  Saisy,  je  glissai  sur  l'herbe 
grasse  et  je  me  cassai  la  jambe.  Mon  goût  mal- 
heureux pour  la  vie  physique  et  les  exercices 
violents  m'a  joué  tant  de  méchants  tours,  que 
j'eusse  oublié  celui-là  comme  les  autres,  sans 
sa  date  précise  et  très  significative  :  14  juillet 
1870....  Et  je  me  vois,  à  la  fin  de  cette  cruelle 
journée,  couché  sur  le  divan  de  l'ancien  atelier 
d'Eugène  Delacroix,  dont  nous  habitions  alors 
la  petite  maison,  à  la  lisière  des  bois  de  Sénart. 
Ma  jambe  allongée,  je  ne  souffrais  pas  trop, 
déjà  dans  la  vague  agitation  d'une  fièvre  com- 
mençante qui  doublait  pour  moi  la  chaleur 
orageuse  de  l'atmosphère  et  enveloppait  les  ob- 
jets et  les  êtres  présents,  comme  des  lambeaux 


CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 


(Tune  gaze  frissonnante. Onchantait  les  chœurs 
d?  Orphée  au  piano;  personne,  pas  même  moi, 
ne  soupçonnait  la  gravité  de  mon  état.  Par  la 
baie  de  l'atelier  large  ouverte  entraient  des  ha- 
leines de  jasmins  et  de  roses,  des  rondes  de  pa- 
pillons de  nuit  et  de  courts  battements  d'éclairs, 
montrant  par-dessus  le  mur  bas  du  jardin  les 
vignes  en  pente,  la  Seine,  le  coteau  vis-à-vis. 
Tout  à  coup  la  sonnette  du  facteur  résonne 
dans  le  calme  ;  les  journaux  du  soir  reçus  et 
dépliés  :  «  Nous  avons  la  guerre  »,  firent  des 
voix  émues,  colères  ou  enthousiastes. 

«  A  partir  de  ce  moment,  il  ne  me  reste  que 
le  souvenir  fiévreux  d'un  abattement  de  six  se- 
maines, six  semaines  de  lit,  d'éclisses,  de  gout- 
tière, d'appareil  en  plâtre,  ou  ma  jambe  sem- 
blait enfermée  avec  des  milliers  d'insectes  dé- 
vorants. Dans  cet  été  lourd,  exceptionnellement 
brûlé  et  orageux,  cette  immobilité  pleine  d'agi- 
tation était  atroce  et  d'une  inquiétude  accrue 
par  les  désastres  publics,  dont  les  journaux 
épars  sur  mon  lit  entretenaient  mon  inaction 
et  mes  insomnies.  La  nuit,  le  roulement  des 
trains  sur  l'horizon  me  troublait  comme  la 
marche  de  bataillons  interminables.  Le  jour, 
les  visages  tristes  et  défaits,  des  bouts  de  con- 


ALPHONSE     DAUDET. 


versation  sur  la  route  ou  chez  le  voisin,  enten- 
dus par  ma  fenêtre  ouverte.  «  Les  Prussiens 
sont  à  Chàlons,  mère  Jean  »,  et  les  voitures  de 
déménagement,  soulevantàtouteheure  la  pous- 
sière du  calme  petit  pays,  me  donnaient  l'écho 
humain  et  sinistre  de  ma  lecture  des  «nouvelles 
delà  guerre  ».  Bientôt,  dans  Champrosay,  il  n'y 
eut  plus  que  nous  de  Parisiens,  seuls  parmi  les 
paysans  entêtés  à  la  terre,  se  refusant  encore 
à  Pidée  de  l'invasion;  et  sitôt  que  je  pus  me 
lever,  être  transportable,  le  départ  fut  tout  de 
suite  arrêté  ! 

L'auteur  de  tant  de  récits  devenus  populaires 
a  pris  soin,  de  la  sorte,  en  de  très  curieuses  pré- 
faces, d'expliquer  lui-même  comment  il  procède 
pour  l'exécution  de  ses  livres.  Il  les  porte  long- 
temps en  lui,  souvent  il  les  essaye,  si  je  puis  dire, 
sur  le  public.  Le  Nabab  et  la  Mort  du  duc  de 
Mora  figurent  à  l'état  à? études  rapides  dans  le 
joli  volume  de  Robert  Helmont.  Daudet  a  tou- 
jours devant  lui  un  type  vrai,  la  nature.  Il  a 
conté  l'histoire  même,  l'histoire  véridique  de 
Jack.  Il  adonné  la  clef  de  ce  cénacle  bizarre  des 
ratés:  «  Moronval,  dit-il,  Moronval,  le  mulâtre, 
a  vécu,  lui  aussi  ;  il  a  collaboré  à  la  Revue  colo- 
niale et,  après  1870,  fut  quelque  temps  député 


22  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

Il  habitait,  quand  je  l'ai  connu,  une  petite 
maison  à  jardin  aux  Batignolles  et  vivait  d'une 
demi-douzaine  de  négrillons  expédiés  de  Port- 
au-Prince,  de  Tahiti,  ensemble  élèves  et  do- 
mestiques, allant  au  marché  et  cirant  les  bottes 
en  expliquant  l'épitomé.  Même  le  petit  roi  de 
Dahomey  n'est  pas  une  fiction;  mais  cette  noire 
petite  figure  souffreteuse  me  vint  de  Marseille, 
par  un  écrivain  de  mes  amis  qui  a  été  répéti- 
teur au  lycée  de  cette  ville  avant  de  tenir  dans 
la  presse  parisienne  une  plume  dorée  de  chroni- 
queur. »  Faut-il  le  nommer  aujourd'hui,  ce 
Moronval?  On  Ta  porté  naguère  au  cimetière; 
il  s'appelait  Melvil-Bloncourt. 

Jack  n'avait  pas,  pour  parler  commerciale- 
ment, le  succès  de  vente  de  Fromont.  «  C'est 
long  et  c'est  cher,  écrit  Daudet,  deux  volumes 
pour  nos  habitudes  françaises.  «  Un  peu  trop 
de  papier,  mon  fils  »,  me  disait  avec  son  bon 
sourire  mon  grand  Flaubert,  à  qui  le  livre 
était  dédié.  On  me  reprochait  aussi  de  m'être 
trop  acharné  aux  souffrances  du  pauvre  mar- 
tyr. George  Sand  m'écrivait  qu'elle  avait  eu  un 
tel  serrement  de  cœur  de  sa  lecture,  a  qu'elle 
était  restée  trois  jours  sans  pouvoir  travailler  ». 
Il    fallait,    en    effet,    que    l'impression  eût  été 


ALPHONSE    DAUDET.  2\ 

vive  pour  déranger  ce  beau  labeur  courageux 
et  imperturbable.  Eh  oui  !  livre  cruel,  livre 
amer,  livre  lugubre,  mais  qu'est-il  auprès  de 
Y  existence  vraie  que  je  viens  de  raconter1?  » 
Le  livre  qui  suivit  Jack  s'enleva  plus  rapi- 
dement. Les  Rois  en  exil  continuèrent,  en  l'ac- 
célérant, une  vogue  qui  devait  grandir  encore 
avec  Nnma  Roumestan.  On  avait  cherché  une 
clef  au.  Nabab,  on  voulut  deviner,  dans  les  Rois 
en  exil,  le  secret  des  personnalités.  Qui  pour- 
rait dire  par  quelles  sortes  d'infiltrations  suc- 
cessives, d'observations  constantes,  diverses, 
disparates  même,  un  caractère,  un  personnage, 
un  type,  se  glisse  dans  le  cerveau  d'un  roman- 
cier? Quand  on  peint  les  hommes,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  les  observer,  et,  quand  ils  passent, 
inconsciemment  ils  sont  nos  modèles.  On  a 
inventé  récemment  un  système  de  portraits 
photographiques  en  faisant  poser  plusieurs  per- 
sonnes d'une  même  famille  devant  l'objectif, 
puis,  en  composant  de  tous  ces  portraits  divers 
un  visage  unique,  on  a  un  portrait-type  qui 
ressemble  à  tous  les  individus  de  même  lignée, 
sans  ressembler  spécialement  à  aucun.  Ce  pro- 

i.  A.  Daudet,  préface  de  Jack. 


Bit  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

cédé,  invention  nouvelle  de  la  science,  il  y  a 
longtemps  que  les  peintres  à  la  plume  de  la 
nature  humaine  Font  trouvé.  Le  Sage  l'avait 
appliqué  déjà  dans  Gil  Blas.  On  avait  de- 
mandé la  clef  des  Rois  en  exil.  Plus  vivement 
encore,  on  allait  chercher  celle  de  Nnma  Rou- 
mestan.  Personne  n'a  été  plus  charmé  que  moi 
par  la  lecture  de  ce  dernier  livre,  tout  embau- 
mé de  capiteuse  odeur  méridionale,  ensoleillé 
et  tapageur;  mais  personne  n'en  a  été,  je  l'a- 
voue, plus  inquiet  que  moi. 

Il  y  avait  des  années  que  je  commençais  à 
prendre  des  notes  —  les  premières  datent  de 
1872,  — pour  écrire  Monsieur  le  Ministre,  et 
un  vieil  article  de  Montjoyeux  dans  le  Gaulois 
avait  déjà  conté  toute  l'histoire  de  mon  livre 
sur  le  chantier,  lorsqu'un  soir,  chez  Edouard 
Pailleron,  dans  cette  salle  de  billard  où,  après 
dîner,  tous  les  convives  font  beaucoup  d'esprit 
et  quelques-uns  des  carambolages,  Alphonse 
Daudet,  que  je  vois  encore,  sa  tasse  de  café  à 
la  main,  au  coin  de  la  cheminée,  me  demanda 
des  nouvelles  de  mon  roman  futur,  et  com- 
mença franchement,  avec  sa  belle  humeur  atti- 
sante, à  me  raconter  le  sien,  et  comme  il  sait 
conter,   le   charmeur!    C'était  son  Roumestan, 


ALPHONSE   DAUDET.  aj 

r homme  du  midi  arrivant  à  Paris  et  s'y  grisant 
dtparisine,  promettant  tout  à  tout  le  monde  et 
ne  tenant,  auprès  de  sa  femme,  rien  de  ce  qu'il 
avait  juré.  Avec  cela,  un  mépris  de  poète  pour 
la  politique  et  les  politiciens.  La  revanche  de 
l'esprit  libre  sur  la  pose  officielle  ! 

Je  l'arrêtai  dans  son  récit.  J'avais  peur  de 
voir  surgir  dans  l'amicale  causerie  l'idée  même 
du  roman  que  je  caressais  de  mon  côté. 

—  Diable  !  m'écriai-je,  mais  c'est  mon  livre  ! 

—  Allons  donc!  il  n'est  pas  méridional,  ton 
ministre?  me  dit  Daudet. 

--Non. 

—  Il  n'est  pas  ministre  de  l'instruction  pu- 
blique? 

—  Non,  il  est  ministre  de  l'intérieur. 

—  Il  ne  pourrait  pas  s'appeler  V Homme  du 
midi,  comme  j'ai  failli  baptiser  le  mien? 

—  Non,  il  pourrait  plutôt  s'appeler  le  Mi- 
nistère, comme  l'a  dit  Jules  Levallois.  Je  ne 
fais  aucun  portrait  et  ne  songe  à  personne.  Ce 
que  je  vise,  c'est  surtout  la  politique,  la  poli- 
tique et  le  ministère,  cet  enfer  pavé  de  bonnes 
intentions. 

—  Et  moi,  c'est  le  méridional,  le  Midi,  le 
Latin,    qui    a    une    nouvelle    fois  conquis    la 


16  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 


Gaule.  Nous  ne  nous  ressemblons  pas.  Va  ton 
chemin!  Moi,  je  ne  songe  qu'à  l'homme  de 
Nimes  et,  pour  bien  faire,  il  faudrait  que  mon 
roman  fût  lu  tout  haut,  avec  l'accent  du 
Midi  ! 

Rien  de  plus  vrai  que  cette  observation 
dernière.  Il  y  a,  dans  ces  pages  éblouissantes 
et  capiteuses  de  Numa  Roumestan  quelque 
chose  de  cet  accent  qu'avait  Daudet  lorsqu'il 
chantait,  à  Seine-Port,  la  chanson  de  Dollin- 
geinn,  et  sa  fête,  —  ce  mateing,  c'est  certeing! 
Il  y  a  aussi  du  soleil  à  poigne'es,  la  fine  lu- 
mière du  Midi,  le  bruit  de  la  foule,  — joie  de 
rue,  douleur  de  foyer,  et  consolante,  péné- 
trante, la  bonne  odeur  du  coin  du  feu,  la 
flamme  douce  du  logis,  la  lueur  calme  de  la 
lampe  après  les  pétards  du  feu  d'artifice. 

Jamais  Daudet  n'a  été  plus  brillant  et  plus 
net.  Son  style  merveilleux  a  même  là,  dans 
son  admirable  souplesse,  une  simplicité  nou- 
velle avec  son  pittoresque  habituel.  Style  qui 
sait  tout  peindre,  comme  l'œil  sait  tout  voir. 
Et  quand  je  pense  que  ce  peintre,  —  pour 
répéter  le  mot,  —  est  myope!  Oui,  mais  d'une 
myopie  qui  voit  toutes  choses,  comme  une 
lentille  de  microscope.  Daudet  est  un  poète  na- 


ALPHONSE    DAUDET. 


turaliste  qui  a  regardé  le  cœur  humain  à  la 
loupe.  Il  a  peut-être,  à  son  insu,  mis  quelque 
chose  de  lui-même  dans  ce  Roumestan  que  je 
trouve,  entin,  si  sympathique  jusqu'en  ses 
erreurs,  si  vivant  et  si  entraînant.  Si  le  person- 
nage a  du  charme,  en  dépit  de  tout,  s^il  séduit, 
s'il  conquiert,  c'est  par  le  magnétisme  affiné 
que  Daudet  lui  a  donné  de  lui-même.  Tout  en 
le  raillant,  le  romancier  a  voulu  absoudre  son 
héros  en  lui  prêtant  de  son  esprit,  comme 
Cervantes,  bafouant  Don  Quichotte,  Ta  fait 
aimer  en  lui  prêtant  de  sa  grandeur  d'âme  de 
pauvre  soldat  estropié.  Et  voilà  la  vérité 
même  de  nos  créations.  Ne  cherchez  aux  con- 
ceptions des  romanciers  d'autre  clef  que  dans 
leurs  sensations,  leurs  impressions,  leurs  sou- 
venirs. Alphonse  Daudet,  aussi  Parisien  que 
méridional,  s'est  révolté  contre  l'exubérance 
envahissante  des  importants  comme  Roumes- 
tan, qui  font  de  Paris  une  ville  prise.  Poète, 
lettré,  prêt  à  donner  tous  les  projets  de  loi  pour 
une  page  des  Mémoires  d'Outre-Tombe  ou 
une  phrase  de  Michelet,  il  a  voulu  railler  les 
Tartarins  de  la  politique.  Ce  qu'il  avait  ima- 
giné dans  Tartarin  de  Tarascon  (car,  Dieu 
merci,   s'il   sait  voir,    il    sait   inventer,  et    son 


28  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

imagination  n'est  pas  à  court),  il  Fa  observé, 
en  une  autre  sphère,  dans  Numa  Roumestan. 
Il  a  mis  là  toute  sa  verve,  comme  dans  Jack  et 
le  Petit  Chose  il  avait  mis  tout  son  cœur.  Je 
me  trompe  :  il  en  restait  assez  pour  faire  lire 
dans  plus  d'un  chapitre  du  Nabab  et  des  Rois  en 
exil  des  pages  attendries.  Anacréon  avait  écrit 
V Amour  mouillé.  Il  y  en  a,  dans  Daudet,  de  la 
pitié  mouillée  de  larmes. 

Ce  charmeur,  qui  est  aussi  un  travailleur 
acharné,  fort  peu  enclin  à  faire  antichambre 
chez  un  ministre,  ira  chez  le  docteur  Potain 
solliciter  et  attendre,  durant  des  heures,  pour 
amener  le  médecin  au  chevet  de  son  enfant 
malade.  Seulement  préoccupé  de  son  œuvre, 
il  oubliera  tout  pour  n'être  que  père,  et  lors- 
que, courbé  par  la  maladie,  crachant  le  sang, 
il  aura  peur,  non  de  mourir,  mais  de  mourir 
avant  d'avoir  achevé  les  Rois  en  exil,  il  dira  à 
sa  femme,  confidente  profonde  de  ses  pensées, 
poète,  elle  aussi,  et  d'une  délicatesse  rare 
comme  son  frère,  M.  Léon  Allard,  est  con- 
teur : 

—  Si  je  m'en  vais,  finis  mon  bouquin! 
M.  Edmundo  de  Amicis,  qui  est  soldat  et  se 
connaît  en  consigne,  a  raison  d'admirer  ce  trait 


ALPHONSE    DAUDET.  29 


d'un  écrivain  au  seuil  de  la  mort.  Mais  qui  ne 
jetterait  le  même  cri  en  regardant  la  page  ina- 
chevée et  la  compagne  qui  survivra,  gardienne 
d'un  nom  à  la  fois  aimé  et  honoré? 

Alphonse  Daudet  profita  de  répreuve  pour 
y  trouver  quelques-unes  des  pages  les  plus 
poignantes  des  Rois  en  exil.  Tels  ces  médecins 
qui  s'étudient  eux-mêmes  et  lèguent  à  la 
science  le  secret  même  de  leurs  souffrances. 

Aujourd'hui,  Daudet  est  arrivé  à  la  pleine 
possession  de  son  talent  et  de  sa  renommée. 
Dans  le  roman,  il  est  acclamé;  il  est  applaudi 
au  théâtre  qu'il  a  emporté  de  haute  lutte.  Au- 
tant qu'un  artiste  nerveux  et  éternellement  oc- 
cupé de  mieux  faire  est  heureux,  l'auteur  de 
Numa  Roumestan  jouit  des  fruits  de  son  labeur 
et  de  sa  renommée  incontestée.  L'hiver,  il  rêve 
en  regardant  du  haut  de  sa  fenêtre  les  arbres 
dénudés  du  Luxembourg;  il  a  quitté  ce  grand 
hôtel  du  Marais,  où  il  a  cependant  certaine- 
ment trouvé  le  cadre  de  cette  attendrissante 
tragédie  bourgeoise  :  Fromont  et  Risler,  et 
qu'il  a  dépeint  dans  Jack.  C'était  toujours 
dans  le  grand  cabinet  de  travail,  —  aux  deux 
larges  et  hautes  fenêtres,  —  du  palais  Lamoi- 
gnon.  Lisez  les   premières    pages   du  chapitre 


30  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 


intitulé  Jack  en  ménage,  vous  aurez  l'horizon 
de  maisons  ouvrières,  de  toitures  de  zinc,  de 
hautes  cheminées  d'usines  consolidées  de  longs 
cordages  de  fer,  que  mes  yeux,  lorsqu'ils  se 
levaient  du  papier,  voyaient  à  travers  les  vitres 
ruisselantes  et  la  brume  des  jours  parisiens.  Le 
soir,  toutes  les  fenêtres  serrées  sur  ces  hautes 
façades  s'allumaient  à  tous  les  étages,  décou- 
pant des  silhouettes  courageuses,  des  attitudes 
penchées  au  travail  bien  avant  dans  la  nuit, 
surtout  vers  le  jour  de  l'an,  dont  ce  quartier 
de  bimbelotiers  alimente  les  baraques  et  les 
étalages.  Mais  les  meilleures  pages  s'écrivaient 
encore  à  Champrosay,  où  les  premiers  lilas 
nous  voyaient  arriver  pour  une  villégiature 
prolongée  jusqu'aux  premières  neiges.  » 

Il  a  raison  de  travailler  ainsi,  sous  les  ar- 
bres, et  de  fuir  là-bas  les  importuns  et  même 
les  amis.  «  Nos  maisons  de  Paris  les  mieux 
gardées,  les  plus  closes,  dit-il  encore,  sont  en- 
core ouvertes  à  trop  de  distractions  et  d'im- 
prévu. C'est  l'ami  qui  vous  apporte  son  souci 
et  sa  joie,  le  journal  du  matin  aux  nouvelles 
agitantes,  le  gêneur  éhonté  qui  force  les  con- 
signes, et  la  corvée  mondaine,  les  dîners,  les 
premières   représentations  auxquelles   l'obser- 


ALPHONSE    DAUDET.  31 


vateur,  le  peintre  de  mœurs  modernes,  n'a  pas 
le  droit  de  se  soustraire.  A  la  campagne,  l'es- 
pace est  vaste,  l'air  libre,  le  temps  long,  et,  dis- 
posant à  son  gré  de  sa  personne  et  de  ses  heu- 
res, on  a  surtout  la  sécurité  de  cette  indépen- 
dance, la  sensation  d'être  bien  seul  avec  son 
idée.  C'est  une  ivresse  dépensée  et  de  travail.  » 

L'été  donc,  il  va  à  Champrosay  chercher  du 
repos,  du  soleil,  des  fleurs  et  des  arbres  verts. 
Il  s'étend  parfois  dans  un  canot  et  songe, 
comme  dans  l'herbe,  son; sous-préfet  aux  champs . 
Il  y  a  aussi  les  voyages.  En  1881,  il  allait  de- 
mander de  l'oxygène  à  la  Suisse,  avec  le  peintre 
Joseph  de  Nittis.  lien  rapportait  même  le  pro- 
jet d'un  roman  satirique  ou  les  hôteliers  de 
Suisse,  —  Guillaume  Tell  tarihant  ses  quar- 
tiers de  pomme,  —  devaient  être  aussi  raillés 
que  les  inflexibles  de  Tarascon.  Mais  peut- 
être  a-t-il  abandonné  ce  projet  pour  écrire  le 
doux  roman  du  foyer,  de  l'honneur  et  du  bon- 
heur bourgeois,  avec  ce  livre  annoncé  sous  le 
titre  de  Trousseaux  et  Layettes. 

Point  banal,  en  réalité,  dans  sa  bienveillance 
aiguisée,  M.  Alphonse  Daudet  a,  dans  les 
lettres  de  ce  temps,  une  situation  hors  de  con- 
teste, et    les    nouveaux   venus,  ceux-là  mêmes 


3a  CELEBRITES    CONTEMPORAINES. 

qui  nous  marchent  sur  les  talons,  impatients 
d'arriver,  justement  avides  de  lumière,  de  suc- 
cès, de  luttes,  et  préoccupés  de  leur  gloire,  ceux 
qui  jettent  comme  un  signal  d'assaut,  comme 
un  généreux  commandement  de  pas  décharge, 
le  cri  de  Place  aux  jeunes!  ne  manquent  ja- 
mais d'ajouter  :  Salut  au  maître! 

Et  pourtant,  mon  vieux  camarade  d'autrefois 
regrette  peut-être  (qui  sait?)  comme  je  le  re- 
grette moi-même  souvent,  le  temps  où  nous 
corrigions  nos  épreuves  chez  Kugelmann,  dans 
la  petite  cage  vitrée,  à  droite  de  la  cour,  et  où 
nous  étions  joyeux  de  tout,  pouffant  de  rire  à 
voir  voler  une  mouche  dans  un  rayon  de 
soleil  ! 


-^ 


Imprimeris-librairie  A.  QUANTIN,  7,  rue  Saint-Benoit,  PARIS 


LE 


CÉLÉBRITÉS   CONTEMPORAINES 

LITTÉRATURE  —  POLITIQUE  —  BEAUX-ARTS  -  SCIENCES  —  ETC. 


PREMIÈRES  BIOGRAPHIES  PUBLIEES 

DANS     L'ORDRE     DE     PRÉPARATION  DU     TEXTE     ET     DU     PORTRAIT 

L  MM.  Victor  Hugo par  MM.  Jules   Claretie. 

2.  —  Jules  Grévy —  Lucien    Delabroussb. 

3.  —  Louis  Blanc —  Charles   Edmond. 

4.  —  Emile  Augier —  Jules    Claretie. 

5.  —  Léon  Gambetta —  Hector    Dbpassk. 

0.  —  Alexandre  Dumas  fils    .   .  —  Jules   Claketjk. 

1.  —  Henri  Brisson —  Hippolyte    Stupuy. 

S.  —  Alphonse  Daudet —  Jules   Claretib. 

y.  —  De  Freycinet —  Hbctor   Dbpassb. 

lu.  —  Emile   Zola -  Guy    de   Maupassant. 

11.  —  Jules  Ferry Edouard   Sylvin. 

12.  —  Victorien  Sardou —  Jules   Clarbtib. 

\i.  —  Eugène  Clemenceau.    ...  —  Camille    Pelletan. 

14.  —  Octave  Feuillet —  Jules   Claretie. 

15.  —  Charles    Floquet —  Mario    Proth. 

\>.  —  Ernest  Renan —  Paul    Bourget. 

11.  —  Alfred  Naquet —  Mario    Proth. 

18.  —  Eugène  Labiche —  Jules   Claretie. 

iy.  —  Henri    Rochefort —  Edmond    Bazirb. 

2o.  —  Jules  Claretie —  M'»  du  Chkrvilli. 


BIOGRAPHIES  EN  PRÉPARATION  : 
MM  de  Mac-Mahon—  Erckmann-Chatrian  —  Paul  Bert  —  Deroulède  — 
de  Lesseps  —  Ludovic  Halévy  —  Spuller  —  Jules  Verne  —  Lockroy  — 
Coppee  -  Vacquerie  —  Jules  Sanâeau  —  Paul  Meurice  —  Edmond  de 
Goncourt  —  Pailleron  —  Taine  —  Tony  Révillon  —  Edmond  About  — 
Camill  :  Pelletan  —  Théodore  de  Banville  —  Clovis  Hugues  — 
De  Gallifet  —  Duc  d'Aumale  —  Pasteur  —  Jules  Simon  —  Léon  Say  — 
De  Broglie  —  etc.,  etc. 

Chaque  "biographie  avec  portrait  et  fac-similé  :  0, 95    C» 

LES    BIOGRAPHIES    DÉJÀ    PARUES    PEUVENT    S'ACQUÉRIR    AU    MÊME    PRIX 


LE  PORTRAIT  A  L'EAU-FORTE   DE   CIÀtHE    PERSONNAGE   SE   VEND    SÉPARÉMENT 

1°  Épreuves  sur  fort  papier  à  la  cuve,   format  gr.  in-8°.  Piix 1  (t. 

2°  Épreuves  sur  Chine  encollé,  fjrinat  gr.  iu-4°,  pouvaut  s'encadrer.  Prix.     3  fr. 


Envoi  Irauco  cootre  la  valeur  eu  timbres  posle  à  l'éditeur  A.  QtAM'l.^  7,  rua  Si  Beuoît,  Paris. 


ParU.  —  Tvp.  A.  Qaantiu. 


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